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Full text of "Revue et gazette musicale de Paris"

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TiHiE  Allen  A.B^owiM  e®LLE©TiiQM 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/revueetgazettemu1844pari 


REVUE 

ET 

GAZETTE    MUSICALE 

DE   PARIS. 


PARIS.— IMl'IîlMERlE  DE  BOURGOGNE  ET  MARTINET, 
3o,  rue  Jacob. 


REYUE 


ET 


GAZETTE    MUSICALE 


DE    PARIS. 


RÉDIGÉE    PAR 


MM.   G.-E.   ANDERS. 

G.   BÉNÉDIT. 

F.  BENOIST,  professeur  de  compo- 
sition au  Conservatoire. 

BERTON ,  membre  de  l'Institut. 

BERLIOZ. 

HENRI  BLANCHARD. 

MAURICE  BOURGES. 

F.  DANJOU. 

DUESBERG. 


MM.    ELWART. 

FÉTIS  père ,  maître  de  chapelle  du 
roi  des  Belges. 

EDOUARD  FÉTIS. 

J.  GUILLOU. 

JULES  JANIN. 

KASTNER. 

ADRIEN  DE  LAFAGE. 

JULES  LECOMTE. 

F.  LISZT. 


MM.   J.  MARTIN,  maître  de  chapelle  de 
Saint-Germain  l'Auxerrois. 

MARX  (de  Berlin). 

EDOUARD  MONNAIS. 

L.  RELLSTAB. 

GEORGE  SAND, 

ROBERT  SCHUMANN. 

PAUL  SMITH. 

A.  SPECHT. 


/ 


OI^ZIÈME  AMRJEE. 


•) 


1844. 


Ke^  t  II 


PARIS, 

AU     BUREAU     D'ABOUîHEMEafT,     «5,     BUE     niCHEttiSEU. 


1844. 


*our  Paris  :  unan,  30fr.  ;  six  mois,  15  fr.     —     Annonces  :  50  c.  la  li'gne  de  28  lettres     —     Départements  :  un  an ,  34  fr.  Étranger,  38  fr. 


REVUE 

ET 

GAZEnE  MUSICALE 


MM.  ANDERS,  G.  BENEDIT,    BERLIOZ,  HtNBi  BLANCHARD, 

UiDBICE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DCESBERG,  FÉTIS  père,  Édouabd  FÉTIS,  J.  JANIN,  KASTNEK, 

LISZT,  GBOBflE  SAND,  DORTIGDE,  L.  RELLSTAB.  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT.  etc. 

Paraissant  tous  Mes  MUanancïïtes, 

,IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 
lie   1™   et    le    15  de  chaque  mois  on  recevra  un  morcean   de  mncir!—'. 


.   ......lies  ;    par   H.    BLANCHARD.  — 

^«iitr-iialien:  Don  Pasqmie  ,  renirce  de  Lablache.  —  Matinées 

musicales;   par  H.   BLANCHARD.  —  Littérature:  Fables   par 
Léon  Halévy. —  Nouvelles.  —  Annonces. 


MO^  ALBUM  DE  CETTE  ANNÉE  >. 


içjl^ous  commençons  par  le  commence- 
ment. Ceci  est  la  première  scène  de 
la  grande  pièce  qu'on  appelle  l'année, 
■'sw^i       divisée  en  douze  actes,  qu'on  appelle 
"j  y/  \^S1J3      les  mois  ,  subdivisée  en  cinquante- 
■jT^^jjJ^^       deux  tableaux ,  qu'on  appelle  les  se- 
Mr\I^ïpk|;      maines.    Les  tambours  de  la  garde 
Mv         V  r\     nationale  ont  exécuté  bruyamment 
M  '  l'ouverture.    La    toile  se  lève  :  le 

théâtre  représente  un  élégant  salon  dans  le  goût 
moyen-âge  ;  deux  personnages  s'y  trouvent  :  un 
monsieur  et  une  dame.  Le  monsieur  présente  h 
la  dame  un  album  qu'il  a  composé  lui-même;  il 
le  lui  présente  galamment  de  la  main  gauche , 
celle  du  cœur,  en  se  courbant  avec  respect ,  mais 
en  souriant  avec  orgueil.  La  dame  s'incline  légè- 
rement ,  prend  l'album  ,  de  la  main  gauche  aussi , 
touchante  sympathie!  tandis  que  son  autre  main 
se  dresse  en  témoignage  d'admiration  et  de  grati- 
tude. La  main  droite  du  monsieur,  gantée  de  blanc, 
ornée  d'une  manchette  blanche,  laisse  pendre  son 
chapeau  noir  au-dessous  du  genou,  en  témoignage  d'humilité 
profonde. 
^       11  y  a  fagots  et  fagots,  albums  et  albums.  On  peut  dire  de 

Dessin  de  Gavarni  joint  au  présent  numéro. 


laiDum  ce  qu  on  an  ae  toutes  cnoses,  autant  de  bien  que 
de  mal,  autant  de  mal  que  de  bien.  L'album  est  tour  à  tour 
ce  qu'il  y  a  de  plus  agréable  et  ce  qu'il  y  a  de  plus  insipide, 
de  plus  ingénieux  et  de  plus  plat ,  de  plus  frais  et  de  plus 
fané,  de  plus  attrayant  et  de  plus  horrible.  Gavarni  n'a  pas 
voulu  qu'on  se  trompât  sur  la  qualité  de  l'album  que  présente 
son  héros  a  son  héroïne.  Jugez  de  l'ouvrage  par  l'auteur  ! 
Observez  ce  visage  bizarrement  contracté,  ce  sourire  grima- 
çant de  la  bouche,  du  nez  et  des  yeux,  cette  coiffure  ambi- 
tieuse, ces  moustaches  retroussées,  cette  barbe  touffue,  cette 
cravate  blanche  à  bouts  démesurés ,  cet  habit  noir  à  larges 
pans,  ces  jambes  grêles  et  ces  pieds  immenses  !  à  coup  sûr, 
voilà  un  auteur  qui  vise  au  sublime  du  genre  et  qui  s'enfonce 
à  corps  perdu  dans  le  ridicule  ! 

Si  vous  le  voulez  absolument ,  je  vous  dirai  tout  ce  que 
contient  l'album  de  cet  auteur  :  je  vous  dirai  tout  ce  qu'il  y 
a  déposé  d'Emotions  qui  n'émeuvent  point ,  de  Larmes  qui 
ne  font  pas  pleurer,  de  Rêveries  qui  font  dormir.  Je  vous 
dirai  tout  ce  qu'il  y  apparaît  de  Fantômes,  tout  ce  qu'il  y 
danse  de  Farfadets ,  tout  ce  qu'il  y  catacole  de  Démons,  de 
Gnomes  et  de  Djinns.'  La  première  romance  a  pour  titre  : 
Meurs  donc,  enfant!  et  s'adresse  à  un€ jeune  fille  séduite  et 
trompée  dès  l'âge  le  plus  tendre.  La  dernière ,  intitulée  : 
Hécatombe,  donne  le  catalogue  des  victimes  immolées  par 
l'auteur  au  souvenir  de  sa  première  maîtresse.  Les  deux 
morceaux  qu'il  estime  le  plus  sont  la  Promenade^à  Mont- 
martre et  VHymne  au  brouillard. 

Il  va  sans  dire  que  notre  auteur  chante  lui-même  ses  pro- 
ductions. Monpou  s'était  ftiit  une  voix  tout  exprès  pour  chan- 
ter ses  romances.  Notre  auteur  a  dédaigné  ce  procédé  vul- 
gaire. La  nature  lui  avait  refusé  le  moindre  filet  de  voix  ; 
qu'a-t-il  fait?  Il  a  inventé  l'art  de  chanter  sans  voix;  il  a 
érigé  l'aphonie  en  méthode  et  en  système.  Il  avait  bien  déjà 
trouvé  l'art  de  composer  sans  génie  !  Vous  voyez  donc  que 
notre  auteur  est  un  homme  de  grand  talent.  M.  S. 


BUKEATTX    S'ABOIUItJBMENX,    B.UE   KICHEIiIEU,    97. 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


LES  FAC-SIMILE. 

Nos  abonnés  reçoivent  avec  le  présent  numéro  le  fac-similé 
de  la  signature  de  trois  cents  musiciens  plus  ou  moins  morts, 
plus  ou  moins  vivants  ,  plus  ou  moins  immortels  ,  plus  ou 
moins  célèbres.  C'est  le  supplément  obligé  de  toutes  les  his- 
toires ,  de  toutes  les  biographies ,  de  toutes  les  notices  rela- 
tives à  ces  mêmes  artistes;  c'est  l'indispensable  appendice  de 
tous  leurs  portraits  les  plus  ressemblants. 

Combien  n'y  a-t-il  pas  de  vérités  triviales  à  force  d'être 
vraies,  fatigantes  à  force  d'avoir  été  répétées  et  à  cause  des- 
quelles on  finit  par  prendre  en  haine  le  premier  grand  homme 
qui  a  eu  le  mallieur  de  les  dire!  Pour  mon  compte  person- 
nel, je  n'ai  jamais  pu  souffrir  BuCfon  à  cause  de  son  fameux 
axiome  :  Le  stijle  est  tout  l'homme.  Je  conviens  que  cela  est 
parfaitement  juste,  mais  je  déclare  aussi  qu'il  est  affreux  de 
se  voir  poursuivi  à  tout  jamais,  dans  cette  vie  et  dans  l'autre, 
par  cette  inévitable  et  impitoyable  sentence  tombée  à  l'état 
putride  du  plus  usé  des  lieux  communs. 

Depuis  un  demi-siècle  vous  ne  pouvez  ouvrir  un  livre  bien 
ou  mal  écrit  sans  y  retrouver  dans  quelque  page  :  Le  style 
est  tout  l'homme.'  Vous  ne  pouvez  entendre  disserter,  causer, 
disputer  des  gens  d'esprit  ou  des  sots,  sans  que  l'un  d'eux  ne 
vous  détache  à  bout  portant  la  phrase  consacrée  :  Le  style  est 
tout  l'homme.  Oh!  phrase  infernale  ! 

Eh  bien!  malgré  le  danger  d'encourir  le  sort  de  Buffon  et 
autres  génies  de  cette  trempe ,  malgré  la  perspective  d'être 
maudit  un  jour  pour  avoir  émis  le  piemier  une  de  ces  idées 
tellement  robustes  qu'elles  n'ont  pas  besoin  de  temps  pour 
grandir,  et  qu'à  peine  sorties  du  cerveau  natal  elles  se  mettent 
à  courir  le  monde  comme  si  elles  étaient  vieillies  de  mille  ans, 
je  risquerai  mon  axiome  que  je  formule  ainsi  qu'il  suit  : 
Voyons  comment  tu  signes,  et  je  te  dirai  qui  tu  es. 
Il  y  a  des  gens  qui  prétendent  deviner  la  physionomie,  le 
caractère  et  les  mœurs  d'un  homme  d'après  son  nom ,  qui 
soutiennent  qu'avec  un  nom  composé  de  certaines  lettres  il 
est  impossible  d'avoir  de  l'esprit ,  du  talent ,  du  génie ,  im- 
possible d'arriver  à  la  gloire,  même  de  parvenir  à  l'Institut. 
Ces  gens-là  disent  que  c'en  était  fait  de  Voltaire  s'il  se  fût 
résigné  au  nom  d'Arouet. 
!  Si  c'est  déjà  une  si  grande  chose  qu'un  nom,  que  sera-ce 

!       donc  que  la  manière  dont  on  le  signe? 
i  Toute  signature  porte  un  caractère  qui  se  révèle  plus  ou 

I      moins  au  premier  cojjp  d'œil ,  mais  qu'une  étude  attentive 

réussira  toujours  à  pénétrer. 
i  11  y  a  des  signatures  calmes  et  tranquilles  annonçant  la 

'      paix  de  l'âme ,  l'amour  de  l'ordre ,  la  constance  dans  le  tra- 
;      vail. 

i  II  y  en  a  d'autres  violentes  et  fougueuses,  sillonnant  le  pa- 

pier comme  l'éclair  et  trahissant  les  agitations  de  l'âme ,  les 
i      irrégularités  du  talent. 

!  Il  y  a  des  signatures  radieuses  et  pures  comme  un  beau 

jour,  des  signatures  orageuses  comme  la  tempête  même,  avec 
tous  les  vents  déchaînés. 

Il  y  a  des  signatures  modestes  qui  occupent  le  moins  de 
place  possible,  des  signatures  ambitieuses  qui  ont  l'air  d'avoir 
été  tracées  par  des  mains  de  géants. 

Il  y  a  des  signatures  qu'on  serait  tenté  de  prendre  pour  le 
sourire  d'un  adieu  plein  de  bienveillance  et  d'espoir;  il  y  en 
a  d'autres ,  au  contraire ,  qui  semblent  jetées  comme  un  défi , 
comme  une  menace,  comme  le  dernier  mot  d'une  colère  qui 
n'attend  que  l'instant  de  s'assouvir. 
Enfin  il  y  a  des  signatures  qui  s'enveloppent  d'ombre  et  de 


mystère  comme  si  elles  ne  disaient  qu'à  regret  et  en  dépit 
d'elles  le  nom  qu'elles  ont  mission  de  retracer. 

Ne  voilà-t-il  pas  une  belle  occasion  de  se  lancer  dans  l'é- 
tude des  signatures  autographes  ?  Vous  avez  en  huit  feuil- 
lets trois  cents  noms  d'artistes  musiciens  fidèlement  cal- 
qués ,  fidèlement  reproduits  avec  leurs  dépendances  natu- 
relles. Examinez ,  comparez ,  jugez  ;  cherchez  les  rapports  de 
tous  ces  noms  avec  les  œuvres  et  la  renommée  de  ceux  aux- 
quels ils  appartiennent.  Pour  moi,  je  me  contente  de  livrer 
mou  axiome  à  vos  méditations ,  à  vos  expériences  : 

Voyons  comment  tu  signes,  et  je  te  dirai  qui  tu  es. 


DE   L'EDUCATION    MUSICALE 

DES  FEMMES. 

L'an  passé ,  c'est-à-dire  la  semaine  dernière ,  dans  un  ar- 
ticle intitulé  HARMONIE ,  nous  avons  jeté  un  coup  d'œil  rapide 
sur  toutes  les  significations  de  ce  mot ,  mais  principalement 
sur  la  partie  théorique  de  cet  art  de  l'accompagnement  ;  c'est 
de  l'accompagnement  pratique  que  nous  allons  nous  occu- 
per ici. 

Que  de  femmes  apprennent  la  musique,  et  combien  l'ou- 
blient parce  qu'elles  l'ont  mal  apprise!  Qui  n'a  entendu  mille 
fois  dans  le  monde  la  phrase  stéréotypée  consacrée  par  ces 
dames  r  Depuis  mon  mariojje  j'ai  tiégligé  towi  ça .' Cepen- 
dant ,  par  plaisir  maternel ,  par  un  petit  fonds  de  vanité  placé 
pour  l'avenir  sur  la  tête  de  son  enfant,  et  dans  une  vague  peir- 
sée  de  mariage ,  toute  mère  un  peu  musicienne  donne  les 
premières  leçons  de  musique  à  sa  fille  et  guide  ses  petites 
mains  sur  le  clavier  du  piano ,  sans  lui  donner,  bien  entendu , 
les  moindres  notions  des  principes  de  la  musique  qu'elle  a 
fort  négligés  elle-même  dans  son  temps ,  et  que  souvent  l'ab- 
sence d'autres  principes  lui  a  fait  ouWier. 

Lorsque  plus  tard  la  petite  fille  devient  jeune  personne  , 
elle  trouve  ennuyeux  de  revenir  sur  ses  pas ,  et  marche  dans 
la  même  voie  ;  elle  s'occupe  du  mécanisme  de  ses  mains  et 
fort  peu  de  son  intelligence  musicale  :  delà  tant  de  seriuettes 
à  deux  pieds  et  quelquefois  à  jolies  petites  mains  qui  n'ont 
pas  même  la  régularité  rhythmique  des  machines  à  cylindre 
dont  nous  venons  de  parler.  II  y  a  donc  une  infinité  d'éduca- 
tions musicales  féminines  qui  aboutissent  à  jouer  tant  bien 
que  mal  la  sonate,  la  fantaisie,  et  qui  même  no  va  pas  plus 
loin  que  le  quadrille  et  le  galop. 

Le  Conservatoire  a  des  classes  d'accompagnement  prati- 
que, mais  elles  ne  produisent  pas  beaucoup  de  sujets  distin- 
gués ,  parce  que  cette  partie  de  l'art  est  peu  brillante  et 
qu'elle  ne  satisfait  pas  la  vanité  et  ne  fait  pas  briller  autant 
que  de  jouer  un  solo  ;  et  puis  tout  le  monde  ne  peut  pas  en- 
trer au  Conservatoire  :  il  faut  des  protecteurs  ou  il  faut  qu'on 
vous  reconnaisse  une  bonne  organisation  ,  ce  qu'on  appelle  là 
une  aptitude  à  telle  ou  telle  partie  de  l'art ,  comme  celle  ,  par 
exemple ,  que  les  professeurs  du  temps  s'obstinèrent  à  voir 
dans  la  jeune  Cynthie  Montalant,  qui  depuis  M""'=  Damoreau, 
dont  ils  voulurent  absolument  faire  une  pianiste ,  ne  recon- 
naissent en  elle  que  des  facultés  instrumentales.  Voilà  de  vos 
arrêts,  messieurs  les  gens  de  l'art  ! 

Pour  en  revenir  aux  jeunes  personnes  du  monde,  le  seul 
moyen  de  leur  donner  une  bonne  éducation  musicale ,  c'est 
de  leur  faire  faire  delà  musique  d'ensemble,  de  les  initier  le 
plus  tôt  possible  aux  mystères,  aux  nuances,  aux  finesses,  au 
rhythme  musical  enfin  de  l'accompagnement ,  sans  leur  lais- 


DE  PARIS. 


ser  négliger  toutefois  le  mécanisme  si  essentiel  des  doigts  qui 
donne  tant  de  brillant  au  jeu.  Mais  encore  une  fois,  ce  méca- 
nisme, ce  brillant,  sans  la  qualité  si  rare  de  bonne  musicienne 
qui  équivaut  autitre  de  grand  capitaine  pour  un  général , 
n'est  que  la  superficie  de  l'art ,  et  ne  satisfait  nullement  l'au- 
diteur dont  l'oreille  est  exercée  et  le  goût  délicat. 

Et  maintenant,  avoir  prouvé  qu'il  faut  familiariser  les 
jeunes  personnes  avec  la  bonne  musique  d'ensemble ,  les  for- 
mer à  l'art  difficile  de  l'accompagnement ,  ce  n'est  pas  dire 
que  la  chose  soit  facile  dans  Paris.  Paris,  notre  belle  capitale 
des  arts,  est  la  ville  d'Europe  où  l'on  fait  le  plus  de  la  musi- 
que de  convention ,  dans  laquelle  il  y  a  le  plus  de  solistes 
routiniers,  où  l'on  chante  le  plus  souvent  une  demi-douzaine 
de  cavatines,  de  romances,  où  l'on  exécute  toujours  les  mêmes 
symphonies ,  les  mêmes  fantaisies ,  les  mêmes  airs  variés.  Il 
y  a  tant  de  gens  dans  ce  bon  public  parisien  qui  n'ont  pas 
plus  la  mémoire  de  l'oreille  que  celle  du  cœur,  que  c'est  plai- 
sir de  les  tromper  ;  et  puis  il  y  a  des  auditeurs  comme  des 
exécutants  dont  l'intelligence  artistique  aime  à  se  nourrir 
pendant  longtemps  de  la  même  idée,  semblables  h  ce  pauvre 
mari  de  M""'  d'Épiuay,  l'amie  de  J.-J.  Rousseau,  à  qui  nous 
ne  savons  plus  quel  malin  mystificateur  donnait  et  redonnait 
toujours  le  même  volume  d'un  ouvrage  dont  le  bravé  homme 
recommençait  la  lecture  sans  s'en  apercevoir,  répondant  naï- 
vement à  ceux  qui  lui  demandaient  comment  il  trouvait  cet 
auteur  :  —  Bon ,  fort  bon  !  Mais  je  trouve  qu'il  se  répète  un 
peu. 

On  conçoit  que  l'écolière  qui,  dans  sa  patience  ou  son  ob- 
stination toute  manuelle,  s'évertue  au  moins  pendant  six  mois 
sur  la  Semiramide  de  Thalberg ,  Don  Juan  de  Liszt  ou  sur 
les  Etudes  de  Wolff,  doit  aussi  se  répéter  un  peu. 

La  plupart  des  professeurs  de  piano  trouvent  bon  que  leurs 
élèves  se  livrent  à  cette  gymnastique  musicale,  et  ils  ont  plus 
d'une  raison  pour  cela.  La  première,  c'est  qu'ils  ne  partagent 
point  leur  omnipotence  professorale  avec  un  maître  d'accom- 
pagnement qui  fait  sentir  à  l'élève,  quand  cet  élève  est  bien 
organisé,  les  beautés  esthétiques  et  intellectuelles  de  la  science 
musicale,  que  souvent  les  professeurs  de  piantf  ne  compren- 
nent et  ne  respectent  pas  plus  que  la  mesure,  habitués  qu'ils 
sont  h  se  suffire  à  eux-mêmes,  à  faire  de  la  musique  seuls,  et 
à  subordonner  l'harmonie  de  leur  main  gauche  à  la  mélodie 
de  leur  main  droite.  Il  faut  dire  aussi  que  l'élève  qui  a  mordu 
à  la  grappe  des  beautés  variées  de  la  musique  d'ensemble , 
néglige,  et,  en  cela  il  a  tort,  l'étude  mécanique  d'une  exécu- 
tion précise,  nette,  chaleureuse  et  brillante.  Ajoutons  que  le 
grand  nombre  de  parents  ne  font  apprendre  à  jouer  du 
piano  à  leurs  filles  que  pour  satisfaire  une  puérile  vanité , 
pour  les  voir  briller  en  société,  fixer  les  regards,  et  faire  enfin 
pénétrer  par  les  oreilles,  dans  l'esprit  de  quelque  beau  jeune 
homme  riche  ,  des  idées  d'hymen.  Or ,  les  beautés  sévères , 
scientifiques,  exceptionnelles  et  tout  excentriques  de  Beetho- 
ven, sont  beaucoup  moins  propres  à  cela  que  les  fantaisies 
sur  les  chants  usés,  mais  passionnés,  d'Anna  Bolena  ou  de 
la  Lucia  di  Lammermooi:  C'est  dans  la  pratique  de  la  mé- 
thode Wilhem  pour  la  voix  cependant ,  et  dans  l'étude  de 
Mozart,  de  Beethoven  et  de  Weber,  dans  l'exécution  de  la 
musique  d'ensemble  des  grands  maîtres  enfin  qu'est  l'avenir 
de  la  véritable  éducation  musicale  en  France,  éducation  sta- 
tionnaire  malgré  une  foule  de  petits  journaux  créés  pour  van- 
ter telle  fantaisie  ou  telle  romance  dont  les  propriétaires  de 
ces  feuilles  éphémères  sont  les  éditeurs. 

De  l'étude  sévère  et  patiente  de  la  bonne  musique  d'en- 
semble, naissent  une  sorte  de  règle,  d'ordre  dans  les  idées, 
une  sensibilité  épurée,  le  goût  des  réunions  intimes  de  fa- 


;  mille,  cette  exaltation  mystique  et  rêveuse  qui  caractérise  les 
mœurs  allemandes,  et  qu'on  ne  trouve  que  dans  l'exercice  du 
plus  noble  et  du  plus  saisissant  de  tous  les  beaux  arts. 

I  Henri  Blanchard. 


THEATRE-ITALIEN. 

BON    PASQÏTiiI.1:. 

Voici  enfin  la  gaieté  rentrée  au  théâtre  Italien.  Les  chevaux 
de  poste  ont  ramené,  non  sans  peine,  une  carrossée  compo- 
sée de  Bartolo,  Dulcamara,  Magnifîco,  Bucefalo,  Geronimo, 
Leporello,  le  Podesta,  Don  Pasquale  e  tutti  quanti,  et  à  cette 
seule  nouvelle ,  le  rire  a  couru  sur  les  figures  de  tous  les  di- 
lettanti.  Ils  n'ont  pas  toujours  tort,  les  dilettanti  ;  et  Lablache, 
en  matière  de  rire,  ne  peut  rien  apprendre  de  personne,  et 
peut  enseigner  à  beaucoup.  Peut-être  aussi  pourrait-il  ensei- 
gner à  faire  des  opéras ,  mais  à  coup  sûr,  il  en  fait  un  peu  à 
sa  manière  ;  car  c'est  un  solide  collaborateur  pour  les  com- 
positem-s  faibles  ou  négligents.  Par  exemple ,  Donizetti  peut 
bien,  sans  doute,  avouer  Don  Pasquale,  frère  très  cadet  de 
VElisir  d'amore  ;  mais  ce  n'est  pas  là,  tant  s'en  faut,  un  opéra 
complet.  L'enfant ,  gracieux  et  fin  d'ailleurs ,  est  mince  et 
fluet,  et  sans  l'appui  de  Lablache,  il  n'aurait  jamais  pu  four- 
nir une  course  prolongée.  Grâce  au  secours  de  cet  habile  tu- 
teur, il  marche  heureusement  et  depuis  assez  longtemps  ;  et 
là  où  les  soins  de  cette  tutelle  lui  font  défaut,  le  souvenir  de 
cette  assistance  vigoureuse  suffit  à  faire  marcher  avec  plus 
d'élan  que  de  force  réelle  le  petit  opéra  émancipé. 

On  s'intéresse  aux  gens  dont  la  fortune  est  votre  ouvrage. 
C'est  à  ce  titre  que  Don  Pasquale  a  droit  à  l'intérêt  de  La- 
blache, qui  montre  du  faible  pour  lui.  C'est  Don  Pasquale 
qu'il  a  entrepris  de  faire  rentrer  avec  lui  jeudi  dernier  à 
Paris,  et  il  a  rempli  ce  devoir  de  patronage  avec  toute  la 
bonne  grâce  et  les  soins  empressés  dont  il  est  capable. 

On  sait  jusqu'où  Lablache  peut  être  amusant,  et  il  a  été 
tout  ce  qu'il  pouvait  être  le  jour  de  sa  rentrée.  On  a  ri  du  meil- 
leur cœur  du  monde.  Madame  Grisi  s'est  parfaitement  sou- 
venue de  cet  art  qui  a  fait  tout  d'abord  de  Norina  la  coquine 
la  plus  désespérante  pour  un  vieux  garçon  tardivement  ma- 
rié. Ronconi ,  qui  a  pris  le  rôle  du  docteur,  a  rendu  ou  plu- 
tôt donné  à  ce  rôle  l'importance  et  l'esprit  qui  pouvaient 
lui  appartenir  entre  des  mains  habiles.  Mario  a  toujours  cette 
voix  fraîche  et  pure  que  nous  lui  connaissions.  On  pourrait 
même  croire  qu'il  gagne  sous  ce  rapport,  ce  qui  prouve  que 
la  confiance  ne  lui  était  pas  encore  venue  tout  entière,  et 
doit  lui  faire  espérer  de  nouveaux  progrès.  Tout  le  monde  a 
donc  été  content,  et  beaucoup  plus  qu'on  ne  pouvait  le  de- 
mander à  propos  d'un  opéra  sans  conséquence. 

Les  représentations  du  Théâtre-Italien  vont  devoir  une 
nouvelle  direction  au  retour  de  Lablache  ;  mais  elles  avaient 
d'ailleurs  présenté  jusqu'ici  un  intérêt  suffisant.  Le  Fan- 
tasma, qui  nous  paraissait  surtout  mériter  l'estime  et  l'atten- 
tion des  artistes,  a  été  apprécié  par  le  public  plus  favorable- 
ment que  nous  ne  l'avions  prévu  :  il  est  à  sa  huitième  repré- 
sentation. 

Nous  attendons  toujours  la  reprise  véritable  à' Anna  Bo- 
lena. 

Enfin,  demain ,  Ronconi  aborde  pour  la  première  fois  de- 
vant nous  le  rôle  de  Figaro ,  dans  une  représentation  à  son 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


bénéfice.  Un  Figaro  spirituel  nous  manquait  depuis  si  long- 
temps que  cette  nouvelle  doit  nous  réjouir  comme  l'annonce 
d'une  jouissance  tout-h-fait  inconnue. 

Les  dilettanti  ont  donc  devant  eux  u\)  magnifique  avenir  de 
trois  mois. 

G.  L.  P. 


Tresse  solennelle  à  grand  orchestre  par  ^.  Slie^îer. 

-  Cent  quinzième  sésnce  de  l'Athénée  des  Arts-  —  Efiatinée 

connée  par  M"^"  Clémentine  Tinell. 

nmi(  s  du  désir  de  connaître  et  de  si- 
gnalti  auxlecteursdcla  GazetUmusicalc 
tout  te  qui  se  fait  de  sérieux  et  de  loua- 
ble dans  l'intérêt  de  l'art,  nous  nous 
Liions  rendus  un  de  ces  jours  passés, 
nec  notre  honorable  ami  M.  Anders, 
dins  1  église  de  Saint-Merry  afin  d'y  eii- 
tcn  lit  h  upLiiiion  de  h  messe  à  trois  voix,  avec  chœur  et 
orchestre,  que  M.  Stieglcr,  de  Munich,  y  a  fait  exécuter  le 
jour  de  Noël.  Pour  mieux  écouter  l'effet  de  l'œuvre  du  jeune 
compositeur  bavarois,  et,  il  faut  bien  le  dire  aussi,  pour  at- 
ténuer un  peu  l'intensité  du  froid  qu'il  faisait,  nous  nous 
étions  placés  dans  le  chœur  sur  des  fauteuils  posés  sur  un  bon 
tapis  et  destinés  sans  doute  à  quelques  dignitaires  du  lieu. 
Bien  que  l'église  fût  veuve  en  ce  moment  de  fidèles  et  de  ces 
mûmes  dignitaires  qui  ne  devaient  pas  venir  à  cette  répéti- 
tion, un  Gilotin,  un  Sidrac,  un  Boirude  ou  un  Brontin,  be- 
deau ,  marguillicr  ou  sacristin  ,  quelque  membre  de  la  famille 
du  Petit-Jean  do  Racine  ,  enfin 

Que  l'on  a  fait  venir  d'Amiens  pour  être  suisse  , 

vint  nous  prier  assez  superbement  d'avoir  h  quitter  ces  sièges 
destinés  à  des  personnes  antérieurement  et  postérieurement 
sacrées ,  et  qui ,  dans  ce  moment ,  suivant  la  belle  expression 
do  Tacite ,  y  brillaient  par  leur  absence. 

Si  ce  ne  sont  les  paroles  expresses , 
C'en  est  le  sens. 

En  déférant  à  cette  injonction  faite  au  nom  de  gens  qui  prê- 
chent l'humilité ,  nous  pensâmes  au  langage  fier  et  menaçant 
de  monseigneur  de  Chartres ,  de  monseigneur  de  Châlons  ; 
puis  à  ce  pauvre  curé  de  Paris  qui,  voyant  entrer  le  peuple 
révolté  à  l'époque  des  trois  journées  de  juillet  en  1830  dans 
son  église,  au  moment  oii  il  officiait,  se  retourna  en  étendant 
les  bras  et  en  entonnant  le  refrain  du  moment  : 

En  avant,  marchons 
Contre  leurs  canons  ! 

Il  nous  vint  en  souvenir  que  cette  même  église  de  Saint- 
Merry  avait  été  naguère  assiégée ,  et  que  le  boulet  brutal  y 
avait  brisé  les  ornements  gothiques  de  sa  façade;  mais  ou- 
bliant ces  tristes  choses ,  nous  ne  pensâmes  plus  qu'au  doux 
accord ,  à  l'harmonie  qui  règne  entre  tous  les  partis ,  et  nous 
nous  mîmes  à  écouter  celle  de  M.  Stiegler.  Sa  messe  est 
d'un  bon  style  et  d'un  beau  caractère  ;  cela  est  écrit  assez  pu- 
rement pour  être  classique,  et  assez  inspiré  pour  ne  pas  être 
sec  et  ennuyeux. 

Le  Kyrie  eleison  est  peut-être  un  peu  trop  largement  dé- 
veloppé. Le  Crucifixtis  en  sol  mineur,  dans  lequel  les  voix 
sont  bien  massées,  est  plein  de  nuances  d'une  exécution  difiî- 


cile  ,  surtout  pour  des  voix  presque  toujours  lourdes  de 
chantres.  Les  premiers  violons  se  dessinent  sur  la  masse 
vocale  en  un  trait  de  croches  avec  petites  notes  pleines  d'élé- 
gance, d'un  effet  délicieux,  et  sur  lequel  interviennent,  avec 
non  moins  d'efi'et,  des  appels  de  cors.  La  voix  de  basse  atta- 
que en  solo  une  mélodie  large  et  sévère  :  Sub  Ponl.o  Pi'alo, 
qui  fait  bien  ressortir  le  tutli  sur  ces  mots  :  Passns  el  sepiil- 
tiis.  ]j'allegro  vivace  qui  suit  Et  resurrexit  est  un  peu 
tourmenté  pour  les  voix  et  les  instruments.  Le  solo  qui  suit 
pour  le  soprano  :  Et  in  spiritmn  sanctum  ,  Dominmn ,  est 
écrit  un  peu  trop  dans  les  cordes  hautes  de  la  voix,  et  la 
mélodie  est  d'une  forme  quelque  peu  monotone  et  même  su- 
rannée. La  fugue  Et  vitam  ventvri  en  fa  majeur,  à  deux- 
quatre,  vivace,  est  bien  traitée.  Le  sujet  en  est  franc  et  bien 
vocal  :  le  style  en  est  rigoureux  et  pur  ,  les  stretti  s'enche- 
vêtrent ingénieusement.  C'est  bien  là  le  vrai  genre  de  la  mu- 
sique sacrée.  Après  un  Sanclus  assez  ordinaire  vient  un  O 
Sahilaris  en  la  bémol  majeur,  en  me.'ure  à  six-huit,  d'ua 
style  charmant  et  plein  de  mélodie.  VAgnus  Dei  en  ré  mi- 
neur est  également  un  morceau  très  remarquable  par  le 
dialogue  des  voi.v  et  le  style  fugué  qui  termine  on  ne  peut 
mieux  cette  belle  messe,  comme  la  plupart  des  compositeurs 
actuels  n'en  veulent  ou  n'en  savent  pas  faire,  et  qui  rappelle 
pourtant  la  sévère  et  belle  manière  des  anciens  maîtres  trop 
négligés  de  nos  jours. 

Si.  le  curé  de  Saint-Rlerry  a  prouvé  son  goût  pour  la  bonne 
musique  en  facilitant  l'exécution  de  cette  messe,  qui  fait 
beaucoup  d'honneur  au  compositeur,  ainsi  qu'à  M.  Viret,  qui 
a  fort  bien  dirigé  l'orchestre,  et  à  M.  Cavallo,  jeune  artiste 
plein  de  talent  qui  a  fort  bien  accompagné  sur  l'orgue. 

—  L'Athénée  des  arts  est  une  estimable  société  littéraire 
et  musicale  qui  a  été  fondée  en  1792,  et  qui  a  traversé  les 
orages  de  nos  révolutions,  comme  on  dit  en  style  de  juste- 
milieu  classique.  On  y  lit  des  vers,  de  la  prose,  et  on  y  fait 
de  la  musique,  comme  dans  plusieurs  sociétés  de  ce  genre  que. 
possède  Paris,  et  qui  se  sont  mises  sous  l'invocation  et  la  pro- 
tection de  HL  Apollon  et  de  mesdemoiselles  ses  sœurs. 

Dans  la  séance  qui  a  eu  lieu  vers  la  fin  du  mois  de  décem- 
bre dernier,  M.  Van  Gaver  a  lu  une  pièce  de  vers  intitulée  : 
le  Christ,  poésie  pompeuse  et  orthodoxe  qui  pourra  servir  aa 
salut  de  M.  Van  Gaver.  M.  Albert  Montémont  nous  a  dit 
la  Vérité,  petite  pièce  devers  en  concetti.  Le  Rossignol,  le 
Corbeau  et  le  Canard,  puis  les  Dindons  qui  élisent  un  roi 
sont  deux  joUes  fables  de  M.  Duvivier.  La  ballade  intitulée 
le  Comte  Hadick,  parî>L  ProsperBlanchemain,  est  en  mêm& 
temps  philosophique  et  musicale.  M.  Paillet  de  Plombières  a 
lu  un  dialogue  en  vers  de  sa  composition  assez  piquant.  C'est 
un  double  plaidoyer  pour  et  contre  la  barbe  :  les  arguments 
en  sont  ingénieux  et  comiques  ;  cela  est  finement  épigram- 
matique.  Le  Voyage  dans  la  lune  ,  autre  conte  en  vers  de 
M.  Mathieu ,  est  aussi  une  épigramnie  fine  contre  nos  essais 
de  gouvernements  constitutionnels.  La  Physiologie  de  Vé-^ 
tranger  {e\ivà\\.  d'un  ouvrage  inédit)  n'offre  guère  qu'un 
recueil  de  plaisanteries  quelque  peu  surannées  sur  l'ignorance 
des  étrangers  à  propos  des  coutumes  de  Paris,  que  nous  vou- 
lons bien  appeler  le  centre  de  la  civilisation  européenne. 

Cette  séance  littéraire  a  été  suivie  d'un  petit  concert  dans 
lequel  on  a  entendu  un  septuor  pour  harpe,  flûte,  hautbois, 
clarinette  ,  cor ,  basse  et  contrebasse ,  composé  par  M.  Pru- 
mierfils,  et  fort  bien  exécuté  par  l'auteur,  MM.  Petiton , 
Garimond,  Pechinier,  Rousselot,  Blaize  et  Labro.  Octave,, 
de  l'Opéra,  a  chanté  avec  goût  et  méthode.  M"°  Begrez  a  dit 
de  même  un  air  de  la  Favorite.  Enfin  MM.  Vinck,  Soler  et 
Bernardin  se  sont  fait  entendre  dans  cette  matinée  plus  ou 


DE  PARIS. 


moins  musicale  qui ,  sans  contribuer  beaucoup  aux  progrès 
de  l'art,  n'en  a  pas  moins  eu  ses  agréments. 

—  M"°  Ciémeniine  Tinell  est  une  jeune  et  jolie  pianiste  qui 
entre  dans  le  monde  musical;  elle  vient  de  débuter  la  semaine 
passée  dans  les  salons  du  professeur  de  chant  Delsarle ,  et  n'a 
qu'à  se  louer  de  l'accueil  qu'on  lui  a  fait.  S'il  lui  manque 
l'individualité  qui  vous  distingue  de  la  foule  des  pianistes  qui 
surgissent  de  tous  côtés  dans  Paris ,  elle  a  de  la  chaleur  et  du 
brillant  dans  le  jeu,  et  une  sorte  d'impressionabilité  sympa- 
thique qui ,  mieux  réglée ,  la  fera  parvenir  à  la  réputation  si 
l'étude  ne  la  décourage  pas.  L'élite  de  l'art  vocal  des  matinées 
musicales,  Ponchard ,  Barroilhet,  Roger,  MM'""  Nissen  et 
Sabatier  s'étaient  fait  un  plaisir  d'appuyer  de  leurs  talents  la 
gentille  débutante.  Ponchard  a  dit  avec  son  expression  habi- 
tuelle :  Appelle-moi  ta  mère ,  dé  IM"'  Puget  ;  ftl""  Nissen  a 
chanté  la  tyrolienne  des  Cantatrice  villane ,  dans  laquelle 
elle  a  déployé  celte  audace  de  trait,  cette  sûreté  d'intonation 
etjce  brio  qui  caractérisent  sa  manière  de  chanter;  puis 
Barroilhet,  dans  le  Cavalier  hacljoute,  de  iM.  Vimeux,  a  mis 
autant  de  mélancolie  et  de  suave  expression  que  M""  Sabalier 
a  mis  de  finesse  et  de  charme  dans  la  jolie  chansonnette  inti- 
tulée la  Petite  bergère,  (^.ette  matinée  a  donc  fini  à  la  salis- 
faction  générale  ;  c'est  une  heureuse  préface  des  concerts  de 
la  saison. 

Henri  Blanchard. 


liittéralaire. 

FABLES     par     I.ÉO^     HASiBlT?. 

Nous  avons  promis  à  nos  lecteurs  de  leur  parler  de  ce  re- 
cueil ,  et  nous  tenons  h  nous  acquitter  do  notre  promesse. 
M.  Léon  Halévy,  frère  de  l'illuslre  auteur  de  la  Juive,  de 
l'Eclair,  de  Guido,  de  la  Reine  de  Chypre  et  de  Charles  VI, 
a  par  devers  lui  des  titres  littéraires  d'une  valeur  incontes- 
table et  incontestée.  Dès  le  collège,  il  traduisait  les  odes  d'Ho- 
race de  manière  à  effacer  les  traductions  les  plus  renommées. 
Au  théâtre,  il  a  donné  le  Czar  Démélrius  et  plusieurs  drames 
ou  comédies  qui  ont  obtenu  du  succès  ;  il  a  publié ,  sous  le 
titre  de  Poésies  européennes ,  des  imitations  en  vers  de  tous 
les  grands  poètes  modernes  ;  il  a  consacré  à  la  grande  figure 
de  Luther  une  élude  dramatique  en  cinq  chants  ou  en  cinq 
actes.  Le  voici  maintenant  qui  s'essaie  dans  la  fable  ,  ce  genre 
que  certains  critiques  ont  déclaré  inabordable  après  La  Fon- 
taine, et  que,  nonobstant  le  vélo  doctoral,  beaucoup  de  gens 
d'esprit  n'ont  cessé  d'exploiter  fort  heureusement.  M.  Léon 
Halévy  doit,  sans  aucun  doute,  augmenter  le  nombre  de 
ceux  qui  méritent  des  éloges  pour  avoir  cédé  aux  inspirations 
de  leur  verve  et  composé  des  fables  après  La  Fontaine,  comme 
tant  d'autres  font  des  tragédies  après  Corneille  et  Racine,  des 
comédies  après  Molière;  voyez-vous  les  audacieux! 

La  forme  de  l'apologue  date  de  loin  :  elle  est  née  avec  le 
monde,  et  durera  autant  que  lui.  Où  donc  est  le  mal  que  de 
temps  en  temps  on  la  reprenne  pour  l'appliquer  à  des  objets 
nouveaux,  pour  la  rajeunir,  en  l'adaptant  à  de  nouveaux  per- 
sonnages créés  pour  satisfaire  aux  nécessités  contemporaines  ? 
C'est  ce  qu'a  fait  M.  Léon  Halévy,  et  ce  dont  nous  le  louons 
avec  pleine  confiance.  Du  temps  d'Esope  ,  de  Pilpay,  de  La 
Fontaine,  il  n'y  avait  pas  de  bateaux  à  vapeur,  pas  de  pavé  de 
bois,  ces  inventions  d'hier,  dont  la  fable  est  parfaitement  li- 
bre de  s'emparer  aujourd'hui ,  et  de  se  servir  comme  d'ingé- 
nieux emblèmes.  M.  Léon  Halévy  s'en  est  emparé ,  s'en  est 
servi,  suivant  son  droit  :  il  a  tiré  du  pavé  de  bois  notamment 
une  leçon  admirablement  juste,  et  qui  répond  à  bien  des  la- 


mentations ridicules.  Un  promeneur  s'en  va  s'extasiant  sur 
les  avantages  de  ce  pavé ,  d'où  nul  bruit  ne  s'élève ,  que  les 
chevaux ,  les  voitures  rasent  silencieusement  : 

La  phrase  allait  bon  train  ;  mais  hélas  !  il  l'achève 
Sous  les  pieds  d'un  cheval ,  dont  le  choc  imprévu 
A  ses  riants  pensers  bien  brusquement  l'enlève! 
Il  l'aurait  évité  s'il  l'avait  entendu. 

De  ce  récit  qu'on  n'accusera  pas  d'invraisemblance ,  l'au- 
teur passe  à  la  morale  dont  l'évidence  frappe  les  yeux. 

Qu'une  presse  inquiète  incessamment  bourdonne, 

On  s'en  plaint  dans  plus  d'un  pays. 

On  voudrait  voir  finir  ces  cris, 
Tout  ce  bruit  qui  murmure,  et  qui  siffle  et  qui  tonne! 

Vœu  fatal  !  désir  imprudent! 
Quand  l'orage  s'annonce  on  l'évite  aisément; 
Lorsqu'au  sommet  des  monts  rugit  la  bête  fauve, 
Elle  tient  éveillé  le  voyageur  prudent. 
Le  silence  est  parfois  un  présage  effrayant  : 

Tel  bruit  que  l'on  maudit  souvent 

Nous  assourdit,  mais  il  nous  sauve! 

Parmi  les  plus  jolies  fables  de  ce  recueil,  nous  avons  dis- 
tingué lo  Singe  et  l'Esclave,  une  Victoire,  un  Dîner  d'ami, 
le  Tableau,  la  Toison,  la  Corde  à  puits,  la  Souris  et  le  Chat, 
l'Ane  qui  a  lu  Buffon.  Au  fond  de  toutes  ces  agréables  fic- 
tions, il  se  trouve  un  sentiment  déhcat,  une  observation  pi- 
quante, que  relève  l'élégance  d'un  style  toujours  fin,  toujours 
pur,  toujours  concis.  Le  livre  de  M.  Léon  Halévy  est  dédié  à 
son  frère  :  c'est,  en  effet,  un  livre  d'homme  sérieux,  de  pen- 
seur. On  n'aura  donc  pas  tort  de  le  faire  lire  aux  jeunes  gens 
qu'on  voudra  mettre  sur  la  voie  de  devenir  l'un  et  l'autre. 

P.  S. 


lie  trwâsaèsBie  Concert  olîert  aaix  AboiuBîés 
«le  la  Gf3!seSSe  tuttsicnïïe  ai&ra  Siew  jesnEI 
jeroeliasEa,  là  jsînîvSea".  Voici  le  Programme. 

1.  Trente-quatrième  Quatuor  Composé  parBI.  G.  Onslow,  exéculé 

par  BÏ3H.  Alard  ,  CheviUard,  Armingaud  et  Croisilles. 

2.  Bue    de    la  Heine    de    Chypre,    chanté    par   M.     Roger    et 

M"=  SSasson. 
83.  Sonate  de  Beethoven,  op.  57,  exéculé  par  M.  Georges  Mathiar. 

4.  Air  de  Haendel,  chanlé  par  M"»  *•  •. 

5.  Prière  et  Boléro  pour  le  violoncelle,  composés  et  exécutés  par 

VI.  0£Fenbach. 
6-  la  Chasse  saxonne  ,  paroles  et  musique  de  M.  B.oger,  chantée 
par  l'Auteur  et  M.  Albertini. 

7.  S'antaisie  sur  des  motifs  de  Sémiramis,  de   Rossini ,   composée 

par  S.    Thalberg    (inédile),    exécutée    par    M.    Georges 
Mathias. 

8.  Buo  de  la  Reine  de  Chypre,  d'Halévy,  chanlé  par  MM.  Roger 

et  Albertini. 

9.  Ballade  de  Charles  VI ,  d'Halévy,  avec  accompagnement  de 

hautbois,    chantée    par    M"«   Masson,    accompagnée   par 
M.  Veroust. 

10.  Quatuor  de  Beethoven,  exécuté  par  MM.  Alard,  CheviUard, 

Armingaud  et  Croisilles. 

Le  Piano  sera  tenu  par  M.  Schijign. 


MM.  les  Abonnés  reçoivent  avec  le  présent  numéro: 
1°  Vil  Dessin  deGavariii:  Mon  Atbtitn  ae 
cette  année. 

3°  300   Fac-Siiuile  de  l'ëcriture  de  musi- 
ciens depuis  Porpora  jusqu'à  nos  jours. 


BEYUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


XrOTTTSIaLiSS.  I 

V  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  à  l'Opéra,  la  Juive, 
chantée  par  MiM.  Duprez,  Levasseur,  Massol,  M°'c*  Dorus-Gras  et 
Méquillet.  —  Demain  lundi ,  Siradella  et  la  Gipstj. 

",*  Le  premier  jour  de  l'année  a  été  brillant  pour  l'Opéra.  On 
donnait  Guillaume  7'ell.  Le  public  était  venu  en  foule  ,  et  tous  les 
artistes  ont  semblé  prendre  à  tâche  de  justifier  cet  empressement.  Il 
y  a  dans  la  vie  du  théâtre  des  moments  de  verve  et  d'entraîne- 
ment, comme  il  y  en  a  de  langueur  et  de  fatigue,  sans  qu'on  puisse 
souvent  se  rendre  un  compte  exact  des  causes  du  phénomène. 
Mme  Dorus-Gras ,  Earroilhet,  Levasseur,  Massol  et  Octave  ont  par- 
faitement chanté.  Duprcz  surtout ,  dans  le  rôle  principal ,  avait  re- 
trouvé toute  la  puissance  et  toute  la  fraîcheur  de  voix  dont  il  jouissait 
à  l'époque  de  ses  débuts.  Dans  le  duo  du  second  acte  et  dans  le  trio 
qui  suit,  il  a  excité  des  transports  d'enthousiasme.  Dans  l'air  final , 
après  avoir  délicieusement  rendu  le  cantabile,  il  a  lancé  le  suive:-moi 
avec  une  énergie  extraordinaire,  et  attaqué  le  fameux  ui  de  poitrine 
sans  aucun  effort,  A  ce  moment,  les  transports  et  les  bravos  ont  re- 
doublé. Après  la  chute  du  rideau ,  le  grand  chanleura  été  redemandé 
par  toute  la  salle. 

,*,  Cette  semaine  encore,  comme  les  précédentes,  l'enterrement 
en  cinq  actes  intitulé  Dom  Sébastien  n'a  eu  i;K'«ne  représentation, 
et  le  caissier  est  resté  au  grand  repos  ;  on  ne  voyait  pas  un  seul  équi- 
page dans  la  rue  Lepelletier.  Si  c'est  un  succès,  il  ressemble  singu- 
lièrement à  une  chute.  Duprez,  qui  était  admirable  lundi  dernier 
dans  Guillaume  Tell ,  a  été  très  faible  dans  Dom  Sébastien.  Cette 
musique  n'était  pas  faite  en  effet  pour  l'inspirer. 

,*,  La  distribution  de  l'opéra  en  deux  actes  La  fortune  en  dormant 
est  définitivement  arrêtée.  Les  quatre  principaux  rôles  sont  confiés  à 
M""  Stollz,  Dorus-Gras,  et  à  MM.  Levasseur  et  Earroilhet. 

*,*  Voici  quelques  uns  des  inconvénients  qu'entraînerait  l'abaisse- 
ment du  diapason  de  l'opéra ,  moins  élevé  que  celui  des  orchestres 
de  l'Allemagne  et  de  la  Belgique.  Pour  servir  faiblement  quelques 
chanteurs,  cette  mesure  en  gênerait  beaucoup  d'autres ,  notamment 
les  basses-tailles  qui  ne  pourraient  plus  atteindre  aux  notes  graves 
placées  dans  les  nouvelles  partitions.  Elle  diminuerait  la  sonorité  des 
instruments  à  cordes,  et  obligerait  à  un  changement  total  des  instru- 
ments de  cuivre  employés  en  ce  moment. 

,%  Donizelti  est  à  Vienne.  On  dit  que  les  médecins,  d'accord  avec 
les  critiques ,  ont  ordonné  un  repos  de  quelques  mois  au  fécond 
maestro ,  qui  néanmoins  doit  écrire  prochainement  un  opéra  Italien, 
un  epéra-comiquc,  un  ballet  pour  Milan,  et  qui,  de  plus,  a  été  chargé 
par  M.  Léon  Pillet  de  mettre  en  musique  un  nouveau  poème  de 
M.  Scribe ,  ayant  pour  titre  Jeanne  la  Folle. 

,*,  Demain  lundi  au  Théâtre-Italien ,  pour  le  bénéfice  de  Ron- 
coni,  le  Barbier  de  Séville,  dans  lequel  cet  artiste  remplira  ,  pour  la 
première  fois  à  Paris,  le  rôle  principal.  Les  autres  rôles  seront  rem- 
plis par  M"»"  Persiani,  RIM.  Lablache,  Mario  etMorelli.  Le  spectacle 
commencera  par  le  second  acte  de  Bdisario ,  dans  lequel  on  entendra 
M.  Fornasari. 

,*,  Le  principal  rôle  de  la  Syr'ene ,  opéra-comique  en  trois  actes  , 
de  MM.  Scribe  et  Auber,  est  confié  à  M""  Lavoye ,  qui  n'a  encore 
joué  et  chanté  que  dans  les  ouvrages  de  ces  deux  auteurs. 

*/  Cagliostro ,  opéra-comique  en  trois  actes ,  doit  être  donné  vers 
le  15  de  ce  mois. 

"/  La  société  des  concerts  donnera  sa  première  séance  le  diman- 
che 14  février;  les  coupons  des  places  retenues  seront  distribués  du  7 
au  11  inclusivement,  depuis  dix  heures  jusqu'à  quatre,  au  bureau 
de  location  établi  au  Conservatoire  de  musique  :  passé  cette  époque 
on  en  disposera. 

,*„  L'assemblée  générale  de  l'association  des  artistes  musiciens  doit 
se  tenir  dans  quelques  jours,  aux  termes  des  statuts.  Le  compte- 
rendu  ,  rédigé  par  l'un  des  secrétaires ,  doit  être  lu  jeudi  prochain 
dans  le  sein  du  comité. 

*,*  Pendant  le  cours  de  l'année  dernière  nos  trois  théâtres  lyriques 
ont  donné  quinze  ouvrages  nouveaux,  savoir  : 

Académie  royale  de  Musique.  —  Charles  P^I,  opéra  5  actes  (Ger- 
main et  Casimir  Delavigne,  musique  d'Halévy);  lu  Péri,  ballet-pan- 
tomime 2  actes  (Théophile  Gautier  et  Coralli,  musique  de  Burgmiil- 
1er);  Dom  Sébastien  de  Portugal,  opéra  5  actes  (Scribe,  musique  de 
Donizetti).  —  Total,  3  pièces. 

Théâtre  de  l'Opéra-Comique.  —  La  Part  du  Diable,  opéra  3  actes 
(Scribe,  musique  d'Aubei)  ;  les  Deux  Bergères ,  op.  1  a.  (Planard, 


musique  d'Ernest  Boulanger)  ;  le  Puits  d'amour,  op.  3  a.  (Scribe, 
Leuven,  musique  de  Balfe);  Angélique  et  Médor,  op.  1  a.  (Sauvage 
et  L...,  musique  d'Ambroise  Thomas)  ;  Lambert  Simncl ,  op.  3  a. 
(Scribe,  Mélesville,  musique  de  Jlonpou  et  d'Ad.  Adam)  ;  3Iina  ou 
les  Deux  Ménages,  op.  3  a.  (Planard,  musique  d'Ambroise  Thomas); 
l'Esclave  du  Camocns,  op.  1  a.  (Saint-Georges,  musique  de  Flolow). 
—  Total,  7  pièces. 

Théâtre  royal  Italien.  —  Don  Pasquale,  opéra  (musique  de  Do- 
nizetti); P/gco»  iio/e,  op.  (Castil-Blaze);  Belisario,  op.  (Donizelti)  ; 
Maria  di  liokan  (Donizetti);  il  Fantasma  (Persiani).  —  Total,  5 
pièces. 

,*,  Voici  la  liste  des  compositeurs  dont  on  a  exécuté  à  Paris  des 
partitions  nouvelles  ou  non  encore  entendues  surnos  scènes  lyriques: 
MM.  Adam,  Auber,  Balfe,  Boulanger,  Burgmuller,  Castil-Blaze,  Do- 
nizetti ,  Flotow,  Halévy,  Lefèvre,  feu  Monpou,  Persiani ,  Thomas. 
Total,  treize  compositeurs  qui  se  sont  partagé  nos  trois  théâtres  con- 
sacrés à  la  musique. 

V*  Liste  nécrologique  de  la  littérature  et  des  arts  en  1S43.  —  Ins. 
litut.  —  L.  Puissant,  Bouvard ,  Fortin  ,  Cortot ,  Coriolis ,  Campenon, 
Feuillet,  Casimir  Delavigne. 

Auteurs.  —  Le  baron  Lamothe-Fouquet ,  Ourry,  Portelette  dit 
Pouet,  Jules  Vernet,  le  comte  de  Valory,  Bosquier-Gayaudan,  Bert, 
Duporl  père,  Casimir  Delavigne. 

Compositeurs.  —  Henri  Karr,  Pradher. 

Acteurs  et  anciens  acteurs.  —  Bauzin  dit  Monrose,  Adrien  Potel , 
Firmin(dePiochefort),  Bergeron,  Bosquier-Gavaudan,  Atrux,  Pamel, 
Rosambeau (Minet),  Moucherot,  Saint-Paul. 

Actrices  et  anciennes  actrices. —  M"''  Lepeintre,  M"'  Faye,  M"""  Pa- 
radol.  M""  Scrivaneck  mère,  M"«  Emilie  Leverd ,  Mm»  Catalan!. 

Danseurs  et  anciens  danseurs.  —  Gilbert,  Simon,  Bournonville. 

Directeurs  et  anciens  directeurs. —  Jannin  (du  Théâtre-Italien),  Le- 
feuve  (du  théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin),  Fortier  (du  théâtre  du 
Havre). 

V  M.  le  ministre  de  l'intérieur  vient  d'accorder,  sur  les  fonds  des 
Beaux-Arts,  une  indemnité  annuelle  de  1,500  fr.  à  la  veuve  de 
M.  Casimir  Delavigne.  Une  pareille  allocation  a  été  accordée  à 
M°"  Delavigne  par  M.  le  ministre  de  l'instruction  publique,  sur  le 
fonds  des  encouragements  litléraires. 

,%  La  veuve  du  célèbre  Baillot  vient  de  mourir. 

,%  Le  doute  plane  encore  sur  la  nouvelle  de  la  mort  de  M""  Ca- 
talani.  Plusieurs  détails  joints  à  cette  nouvelle  se  trouvant  erronés, 
on  en  conclut  naturellement  que  le  fait  principal  n'est  pas  exact. 
Ainsi  la  célèbre  cantatrice  n'a  jamais  eu  de  résidence  dans  les  États 
romains;  M.  Valabrègue,  son  mari ,  est  encore  vivant,  et  de  son  im- 
mense fortune  il  ne  lui  est  resté  à  peu  près  que  vingt  mille  livres  de 
rente.  Au  surplus,  si  M"'"  Catalani  a  pu  lire  son  oraison  funèbre,  elle 
aura  dû  être  flattée  de  voir  qu'il  n'y  était  question  que  de  talent, 
de  vertus  et  de  bienfaits. 

/,,  L'association  des  artistes-musiciens  belges,  fondée  en  1826  à 
Bruxelles,  sous  le  titre  de  Société  d'Apollon,  vient  dé  se  reconstruire 
sur  des  bases  propres  à  en  assurer  la  solidité  et  la  durée.  Le  ministre 
de  l'intérieur,  à  qui  le  projet  de  règlement  a  été  soumis,  a  promis 
d'accorder  sa  protection  à  une  société  ayant  pour  double  but  les  pro- 
grès de  l'art  et  le  soulagement  des  artistes  malheureux. 

*,*  Le  célèbre  Strauss ,  dont  une  médaille  d'or  avait  récompensé 
les  services  après  la  dernière  saison  des  eaux  de  Vichy,  vient  d'être 
nommé  directeur  des  salons,  bals  et  concerts  de  cette  résidence. 
Nul  n'était  plus  digne  que  lui  d'une  pareille  distinction ,  dont  la 
nouvelle  engagera  une  foule  nombreuse  d'amateurs  choisis  à  pren- 
dre l'été  prochain  la  route  de  l'Auvergne.  Des  valses,  des  quadrilles 
et  des  concerts  ravissants  joindront  leur  attrait  à  celui  de  la  beauté 
des  sites  et  des  charmes  de  la  promenade. 

,*,  M.  Sudre,  inventeur  de  la  langue  musjcale  et  de  la  téléphonie, 
est  de  retour  du  voyage  qu'il  vient  de  faire  dans  les  départements  de 
l'Ouest.  Parti  au  commencement  de  septembre  pour  assister  au  con- 
grès scientifique  d'Angers,  il  a  successivement  visité  Nantes,  La 
Rochelle ,  Lorient ,  Quimper  et  Brest.  Le  but  principal  de  son  voyage 
était  de  faire  connaître  sa  méthode  dans  cette  dernière  ville,  ainsi 
qu'il  l'avait  fait  en  1841  à  Toulon.  Une  grande  soirée  a  été  donnée 
dans  cette  intention  par  M.  l'amiral  Grivel,  préfet  maritime  de  ce 
port ,  et  là ,  en  présence  d'un  auditoire  nombreux  et  expert  en  pa- 
reille tnatière ,  toutes  les  expériences  de  téléphonie ,  exécutées  par 
M.  Sudre,  ont  été  couronnées  d'un  plein  succès.  M"'  Hugot,  habile 
interprète  de  la  langue  musicale,  a  produit  aussi,  comme  cantatrice, 
une  vive  impression  dans  toutes  les  villes  qu'elle  a  parcourues.  On  se 


DE  PARIS. 


rappelle  que  cette  jeune  personne  obtint,  en  1837,  un  premier  prix 
de  déclamation  lyrique  au  Conservatoire;  malheureusement  une 
maladie  au  larynx ,  qui  dura  plusieurs  années ,  la  força  de  suspendre 
le  cours  de  ses  études.  Aujourd'hui  qu'elle  est  entièrement  rétablie, 
elle  reprend  une  carrière  à  laquelle  la  nature  semble  l'avoir  appelée 
et  où  elle  ne  peut  manquer  de  réussir  si  nous  en  jugeons  par 
l'effet  qu'elle  vient  de  produire  dans  toutes  les  séances  que  M.  Sudre 
a  données.  M'i«  Hugot  possède  une  voix  puissante ,  et  dont  l'étendue 
va  du  fa  grave  au-dessous  des  lignes  au  sol  au-dessus  :  elle  a  beau- 
coup de  méthode  et  d'expression.  Il  est  probable  qu'elle  se  fera  en- 
tendre cet  hiver  dans  les  concerts,  afln  que  le  public  parisien  con- 
firme par  ses  sufTrages  les  bravos  du  public  des  départements. 

*,*  Nos  lecteurs  ne  verront  peut-être  pas  sans  intérêt  ce  curieux 
tableau  de  l'âge  auquel  sont  morts  les  plus  célèbres  compositeurs. 


A  28  ans 

Pergolèse 

62 

Allegri.  Alfonse  le  Sage, 

32 

Vogel  (l'auteur  du  Dé- 

roi  de  Castille. 

mophon). 

63 

J.  G.  F.  Bach. 

33 

François    Schubert    et 

64 

Kreutzer. 

Bellini. 

65 

Sébastien  Bach.  Vogler. 

36 

Mozart. 

Cambert. 

37 

Stradella.  Purcell  {qui  a 

66 

Duni.  Anfossi.  Reicha. 

mis  en  musique  les 

67 

Mosca. 

opéras  de  Dryden). 

70 

Paleslrina.Tomelli.  Boc- 

38 

Léo. 

cherini.  Ladurner. 

40 

Georges  Bach.  Weber. 

71 

Winter.  Baillet. 

Herold. 

72 

Piccini.  Grétry.  Krom- 

41 

Gnecco     (  l'auteur    de 

mer. 

la     Prova  ).     Nicolo 

73 

Sarti. 

Isouard. 

74 

Emmanuel  Bach.  Scar- 

42 

De  'Vinci. 

latti.  Rebel.  Frédéric 

43 

Gomis. 

Bach.  Pleyel.  Zelter. 

46 

Cimarosa. 

Bernard  Rhomberg. 

47 

J.  Chr.  Bach. 

75 

Handel.  Paesiello.   Sa- 

49 

Michel  Haydn. Generali. 

licri. 

51 

Sacchini.  Dusseck. 

76 

Hiller.  Gaglielmi.  Fio- 

52 

Orlando  Lasso. 

raventi. 

53 

Marcello.  F.  Ries. 

77 

Joseph  Haydn. 

54 

Lulli.   Méhul.  Righini. 

78 

A.    Scarlatti.   Gampra. 

Andr.  Romberg. 

Martini. 

55 

Beethoven.  JosephSchu- 

80 

Clementi. 

bert. 

81 

Rameau. 

56 

D'Alayrac.  Solié. 

82 

Du  FayCherubini.  Ga- 

57 

Durante.  Catel.  Morlac- 

luppi. 

chi. 

85 

Zingarelli. 

58 

Graun. 

86 

Lambert. 

59 

Boîeldieu.  Hummel. 

87 

Gluck. 

60 

Jean    Gabrielli.    Nau- 

88 

Monsigiiy. 

mann.  Corelli.  Blan- 

89 

Caldara. 

gmi. 

96 

Gossec. 

61 

Mondonville. 

99 

Carissimi. 

100 

Hollhaymer. 

Ajoutons,  sans  date  précise,  que  Clari  et  d'Astorga  sont  morts  vers 
le  milieu  de  la  vie  commune  de  l'homme,  que  Gui  d'Arezzo  ,  Jos- 
quin  des  Prés  ont  au  moins  atteint  60  ans,  que  Monteverdé  a  été 
septuagénaire.  Nous  avons  éliminé  de  cette  nomenclature  beaucoup 
de  talents  honorables,  mais  qui  n'eussent  réveillé  de  souvenirs  que 
dans  l'esprit  des  savants  voués  spécialement  à  la  biographie  et  à  la 
bibliographie  musicale. 

V  Un  journal  raconte  les  faits  suivants  qui  se  rattachent  à  l'art 
musical.  «  Quelque  temps  avant  la  grande  vogue  de  Richard-Cœur- 
de-Lion  ,  les  théâtres  de  Covent-Garden  et  de  Drury-Lane  s'avisèrent 
de  jouer  deux  traductions  différenles  de  cette  pièce  en  anglais.  Dans 
le  désir  de  produire  plus  d'effet  l'un  que  l'autre  ,  ils  y  introduisirent 
des  changements.  Le  premier  fit  composer  des  rôles  qui  dénaturaient 
totalement  la  pièce.  Williams  devint  un  cabaretier  qui  avait  pour 
femme  une  espèce  de  poissarde;  la  comtesse  de  Flandres  était  deve- 
une  reine  d'Angleterre  sous  le  nom  étrange  de  Bérengeria.  On  con- 
fiait cette  souveraine  aux  soins  d'un  écuyer,  espèce  de  bouffon ,  qui 
s'emparait  de  la  clef  de  la  cave  du  cabaretier  et  s'enivrait  pendant 
tout  le  second  acte.  Au  troisième ,  il  revenait  jouer  une  scène  d'ivro- 
gnerie dégoûtante  et  chantait  une  chanson  anologue.  La  musique  de 
l'ouvrage  était  métamorphosée  en  un  pasticcio  où,  à  côté  de  celle 
de  Grétry,  se  trouvaient  des  morceaux  d'Anfossi,  de  Bertoni,  de 


David  Rizzio,  de  Duni,  de  Tenducci,  etc.  Cette  monstruosité  fut 
unanimement  sitdée. — Drury-Lane,  un  peu  moins  profane,  fut  plus 
heureux.  Pour  conserver  la  couleur  et  la  touche  originales,  il  avait 
prié  un  Français  ,  établi  à  Londres,  de  diriger  l'exécution.  La  pre- 
mière condition  de  cet  amateur  fut  que  l'on  s'en  tint  strictement  à 
la  musique  française,  ce  qui  eut  lieu;  mais  le  poëme  ne  fut  pas 
aussi  respecté.  Pour  augmenter  l'intérêt  du  rôle  de  la  comtesse, 
joué  par  la  première  actrice ,  fort  aimée  du  public ,  on  lui  donna 
toute  l'importance  de  celui  de  Blondel  ,  qui  devint  par  là  une 
sorte  d'accessoire.  L'amour  faisait  ainsi,  à  Londres ,  ce  que  la  fidé- 
lité politique  faisait  à  Paris.  11  y  eut  un  grand  luxe  de  décorations, 
d'habits,  défigurants.  La  musique  produisit  une  sensation  immense, 
et  l'ensemble  obtint  un  succès  considérable  et  qui  s'est  longtemps 
soutenu. 

V  Un  amateur  d'autographes  et  de  dessins  originaux  vient  d'ac- 
quérir à  Paris,  au  prix  de  1000  francs,  un  croquis  du  célèbre  Da- 
vid portant  la  signature  de  Grétry.  Un  jour,  pendant  une  séance  de 
l'Institut ,  le  grand  peintre  s'amusait  à  dessiner  une  jeune  Africaine. 
"  Ce  dessin  peut  dévenir  précieux,  lui  dit  Grétry.  —  Oui,  répond 
David ,  quand  vous  y  aurez  ajouté  une  pensée  relative  à  votre  art.  » 
Grétry  prit  le  croquis  et  écrivit  au  bas  «  Une  blanche  vaut  deux 
noires.  » 

Clu'oniqite  déitai'temeiitole. 

,%  Bayonne.  —  Nous  avons  encore  une  fois  entendu  ce  grand  ar- 
tiste, Alexandre  Batta,  dont  l'admirable  talent  nous  a  été  révélé  il 
y  a  cinq  mois  à  peine.  Nous  n'essaierons  pas  de  rendre  l'enthousiasme 
et  les  transports  que  le  célèbre  violoncelliste  a  excités  lorsqu'il  nous 
redisait  les  chants  de  nos  montagnes  si  religieusement  conservés  dans 
leur  exquise  simplicité.  De  chaleureuses  et  bruyantes  acclamations 
ont  également  salué  les  deux  frères,  Alexandre  et  Laurent  Batta, 
dans  leur  charmant  morceau  sur  des  thèmes  de  la  Favotiie.  Après  la 
chute  du  rideau,  Alexandre  a  été  rappelé  et  a  reparu  sous  un  ton- 
nerre d'aplaudissements.  A  la  sortie  du  théâtre  la  foule  attendait  en- 
core et  il  a  été  l'objet  d'une  nouvelle  ovation.  Depuis  un  mois,  les 
frères  Batta  ont  donné  ici  quinze  concerts. 

*,"  Grenoble,  26  décembre.  —  Depuis  huit  jours  nous  avons  pu 
admirer,  dans  les  différents  ouvrages  qui  nous  ont  été  représentés  , 
deux  artistes  d'un  mérite  réel,  qui  justifient  chaque  jour  leur  excel- 
lente réputation  ,  M.  Hermann  Léon  et  M""»  Duflot-Maillard  ,  tous 
deux  attachés  l'an  dernier  au  tbéàlre  royal  de  Bruxelles ,  l'un  comme 
première  basse  de  grand  opéra  ,  l'autre  comme  forte  première  chan- 
teuse. 

CiH'Oisique  étrangère. 

V  Bruxelles,  31  décembre. — La  Société  musicale  de  Bruges  vient 
de  donner  un  brillant  concert,  dans  lequel  M"'«  Elaes-.IIeerti  et 
M.  Elaes ,  dont  le  nom  elle  talent  sont  européens ,  ont  été  très  vive- 
ment applaudis.  En  rendant  compte  de  ce  concert,  le  Journal  de 
Bruges  ajoute  :  cette  soirée  nous  a  donné  lieu  d'apprécier  un  nouveau 
pianiste,  M.  Félix  Halma,  qui,  après  s'être  retiré  quelques  années 
de  la  carrière,  vient  d'y  rentrer  avec  un  plein  succès.  M.Félix  Halma 
a  exécuté  avec  une  grande  franchise  et  beaucoup  de  dextérité  deux 
fantaisies  de  Listz  et  de  Thalberg.  Nommer  ces  deux  auteurs ,  c'est 
dire  tout  ce  qu'il  a  fallu  d'études  et  d'intelligence  pour  les  dignement 
interpréter. 


/,  Opéra. —  Des  erreurs  ou  des  oublis  involontaires  pouvant  avoir 
été  faits  en  révisant  la  liste  des  entrées  pour  les  bals  de  l'Opéra,  les 
personnes  que  cet  avis  intéresse  sont  priées  de  s'adresser  à  l'admi- 
nistration avant  le  6  janvier  ,  si  elles  veulent  être  sûres  que  leur 
nom  y  est  toujours  porté. 

Le  Directeur,  Rédacleur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


chez  MAURICE  SCHLESINGER,  m,  rue  Richelieu. 


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REDI.ER.  Sixième  Bagatelle 5    ■> 

ROSEIiIiEN.  Fantaisie  élégante 7  50 

SCHUBERT  (Peter).  Variations  brillantes  et  non  difficiles 

sur  le  chant  national 6    » 

STAMAXI.  Fantaisie  brillante. 7  50 

THAXiBERC  (S.).  Op.  48.  Grand  Caprice  brillant.  ...  9    » 

■WOI.PF.  Grande  Valse G    » 


Pour  Piaup  a  4r  mains. 
HERZ  (J.).  Trois  airs  de  ballets  en  rondeaux  brillants. 

N"! ,  2 ,  3.  Chaque 7  50 

XiECARFENTIER.  Divertissement 6    > 

THAI.BEB.G.    Grand  Caprice 10    » 

"WOIPE.   Grand   Duo  brillant 10    » 

Pour  Piauo  et  Violon. 

S.AI.K.I3REIU9TER  et  FASTOFKA.  Grand  Duo.  ...  10  * 

Z.OÏJIS  (JN.).  Fantaisie  héroïque. 10  • 

FAN'OFK.A.  Mosaïque.  2  suites  de  mélanges.  Chaque.    .  9  • 

Pour  Piauo  et  Violoncelle. 

KAIiRBRENNER  ET  I>EE.  Grand  Duo 10    > 

Pour  Violoncelle. 

IiEE.  Grande  Fantaisie  avec  accompagnement  de  piano.    .      7  50 

Peitr  ]Flùte. 
"WAIiCKIERS.  Op.  83.  Fantaisie  avec  accompagnement 

de  piano  ou  de  quatuor 7  50 


BEATRICE  Dl  TENDA 


GUArVDE  FANTAISIE 


V^^ISIBS. 


Op.  i9. 


Prix  :  9  fr. 


M  MÊME  FiNTiiSSÎE 

rouR 


s.  THALBEBG  et  FAMOFKA. 

Prix  :  10  fr. 


Supplément 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


/ùutuey  et  (7^a,»€&'  /rutâicMe^  ^  ra/'is  /^n^e^me^a^ifnié . 


S'iytfplement  aii^yk^JSJarujiéf  /^àê 


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15  fr,     —    Annonces  :  50  c,  la  ligne  de  28  lettres    —    Départements  :  uu  an ,  34  (V.  Étranger,  38  fr. 


REVUE  '1 

GAZETTE  MUSICALE 


MM.  ANDERS ,  G.  BENEDIT,    BERLIOZ,  HENBl  BLANCHARD, 

UiDBICB  BOURGES,  F.  DANJOC,  DCESBERG,  FÉTIS  père,  Edouard  FÉTIS,  J.  JANIN,  KASTNER, 

LISZT,  George  SAKD,  D'ORTIGUE,  l.  rellstab,  Paul  smith,  a.  SPECHT.  etc. 

Paraissant  tous  Mes  MHwnaatches, 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE^  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 
Le   t"  et   le    15  de  chaque   mois  oa   recevra   on  moreeaa   de  masiqaei 


SOMMAIRE.  L'orchestre  ambulant.  —  L'Actrice  et  l'Etudiant 
(1"  article)  ;  par  H.  BLANCHARD.  —  Ce  qu'on  entend  par  une 
bonne  composition  musicale.  —  Troisième  concert  de  la  7ict)«e  er 
Gazelle  musicale  ;  par  H.  BLANCHARD.  — Correspondance  par- 
ticulière: Marseille!  —  Nouvelles.  —  Annonces. 


L' 


,  orsque  vous  voulez 

faire     l'éloge     de 

---.  -l'orchestre  du  Con- 

^1  tservatoire   ou     de 

f quelque  autre  réu- 

Inioii    d'exécutants 

*  fameuse  par  son  ensemble,  dans  laquelle 

un  seul  bras  semble  tirer  et  pousser  tous 

les  archets ,  un  seul  souffle  animer  toutes 

les  anches  et  tous  les  cuivres ,  ne  dites-vous 

pas  :  «  Voilà'  un  orchestre  qui  joue  comme  un 

seul  homme  !  » 

Eh  bien ,   je   vous    présente   un   homme 
qui  joue  comme  tout  un  orchestre,  un  homme 
qui  est  la  musique  même ,  et  qui  la  résume  tout 
entière  en  sa  personne ,  au  point  de  vue  histo- 
rique, depuis  les  roseaux  de  Pan  jusqu'à  la  grosse 
caisse,  si  chère  à  nos  compositeurs  modernes. 
Cet  homme  est  le  vrai  sage  musical ,  en  dépit  des  grelols  de 
la  folie  qui  entourent  son  chapeau  :  c'est  le  vrai  philosophe 
de  la  symphonie  ;  il  peut  dire ,  comme  disait  autrefois  ce 
Bias ,  dont  la  Grèce  était  fière  :  Omnia  mecum  porto ,  je 
porte  tout  avec  moi. 

(!)  Dessin  de  Gavarni  joint  au  présent  numéro. 


Entendez-vous  ce  bruit  immense  qui  tout-à-coup  frappe 
les  airs ,  ébranle  les  vitres ,  et  vous  arraclie  aux  langueurs 
d'une  méditation  creuse,  d'une  somnolence  maladive?  Vous 
croyez  d'abord  que  c'est  un  régiment  qui  passe ,  musique  en 
lête,  un  bataillon  de  la  garde  nationale  que  l'heure  de  la 
parade  appelle  dans  la  cour  du  château.  Vous  supposez  au 
moins  que  sept  ou  huit  concertants  se  sont  donné  rendez- 
vous  sous  vos  fenêtres.  Pas  du  tout ,  vous  regardez ,  et  vous 
voyez  que  cette  banda  militare  se  réduit  à  un  seul  homme, 
qu'un  seul  homme,  avec  quatre  instruments,  fait  du  bruit 
comme  trente-six  !  aussi  cet  homme  a-t-il  pour  escorte  fidèle, 
pour  auditoire  ambulant,  comme  lui-même  ,  la  tourbe  vaga- 
bonde de  tous  les  gamins  du  quartier.  Cet  homme  est  l'idole 
de  la  rue ,  l'admiration  du  carrefour ,  l'étonnement  de  la 
place  publique.  Ah  !  que  vous  êtes  injuste  envers  lui,  et  que 
vous  le  traitez  peu  suivant  ses  mérites  !  Vous  ne  lui  jetez  pas 
plus  de  menue  monnaie  que  vous  n'avez  l'habitude  d'en  don- 
ner à  un  homme  seul ,  et  il  vaut  à  lui  seul  quatre  hommes ,  y 
compris  le  caporal  !  Et  vous  devriez  l'accabler  de  vos  lar- 
gesses ,  l'ensevelir  sous  les  gros  sous  ! 

Vous  me  direz  peut-être  que  cet  homme  a  peu  de  frais , 
qu'en  multipliant  ses  moyens  il  a  simplifié  sa  dépense ,  et  que 
tout  en  faisant  de  la  besogne  et  du  bruit  comme  plusieurs, 
il  ne  mange  que  comme  uu  seul.  C'est  donc  ainsi  que  vous 
lésinez  avec  l'invention ,  que  vous  marchandez  avec  le  génie 
et  que  vous  découragez  le  progrès  ! 

L'orchestre  ambulant  a  eu  pour  précurseur  l'orchestre 
assis,  bien  connu  dans  Paris  du  temps  de  l'Empire  sous  le 
nom  de  M.  de  la  Fliite.  Cet  honnête  artiste  était  déjà  vieux 
et  avait  l'air  infirme.  De  la  main  droite  il  tenait  une  double 
flûte,  non  traversière,  dont  ses  lèvres  pressaient  le  double  bec  ; 
delà  main  gauche,  il  pinçait  les  cordes  d'une  harpe,  qui  n'en 
avait  que  cinq  quand  elle  était  au  grand  complet  ;  de  son  pied 
droit  il  faisait  retentir  des  cymbales.  M.  de  la  Flûte  eut 
l'honneur  d'être  mis  au  théâtre  et  représenté  par  Brunet  dans 


BVKEAUX    S'ABOBTIVESIENT,    B.ÎTE    RICHXIilEU ,    97. 


10 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


une  pièce  qui  se  jouait  aux  Variétés  ,  l'Intrigue  sttr  les  toîts. 
Depuis  longtemps  l'orchestre  assis  a  disparu  de  la  face  du 
globe,  \ive l'orchestre  ambulant!  Place  à  l'orchestre  ambu- 
lant! 

M.  S. 


L'ACTRICE  ET  L'ÉTUDIANT   ". 

li'Aspltyxie. 

uevoulez-vous  ?  dit 

le  docteur  R à 

M'"^   Sabatier ,  de 
ce  ton  de  bienveil- 
lance  et  de    bonté 
qui  lui  est  naturel, 
U  que  d'ailleuis  on  prend  toujours  volon- 
tieis  en  pailant   à  une  jolie  femme,  de 
quelque  classe  qu'elle  soit. 
—  Excusez-moi,   monsieur,  si  je  viens  si 
taid  et  si  je  vous   dérange,  dit  la  belle  con- 
cicige  ;  mais  je  sais  que  vous  vous  intéressez 
'  ^(^i  'Si,~,"%,'ra  a  lout  ce  que  fait  M.  Jules  d'Armail;  c'est 
vWi^        pour  son  bien  ;  et  puis  vous  m'avez  tant  re- 
'^^K^    commandé  de  vous  avertir  de   ce  qu'il  y  aurait 
\7";L^  d'mquiétant. ..  pour  lui ,  dans  sa  conduite... 
"i^  —  ^^  '•''^"'  qu'est-ce  qu'il  y  a  ?  que  fait  Jules  ? 

—  Mon  Dieu ,  monsieur,  je  ne  sais  pas  si  je  dois 
vous  dire...  je  crains  de  me  tromper. 

—  Eh  !  n'importe  !  dites  toujours  ;  mais  ,  pour  Dieu  , 
dites  vivement. 

—  Voici  ce  que  c'est  :  M.  Jules  est  rentré  ce  soir  à  onze 
heures  ;  il  est  minuit  passé.  Il  avait  l'air  triste  ,  souffrant  ;  et 
quand  je  lui  ai  demandé  s'il  était  indisposé  ,  s'il  fallait  vous 
prévenir,  il  m'a  répondu  d'un  ton  brusque  et  sec:  Non. 

—  Enfin  ?...  que  craignez-vous  ? 

—  C'est  qu'il  a  fait  porter ,  ce  malin ,  dans  son  apparte- 
ment ,  une  assez  grande  quantité  de  charbon... 

—  Que  me  dites-vous  là ,  mon  Dieu  ! 

A  ce  moment,  le  docteur  entendit  un  bruit  sourd  au- 
dessus  de  sa  tête ,  semblable  à  celui  que  produit  une  masse 
inerte ,  un  corps  qui  tombe  lourdement  sur  le  parquet ,  et 
qui  fit  retentir  le  plafond  du  cabinet  de  travail  où  se  trouvaient 
le  médecin  et  son  interlocutrice. 

Le  docteur  s'élance  aussitôt  en  appelant  son  domestiqucet 
en  disant  à  la  portière  d'aller  chercher  son  mari;  il  monte  à 
l'étage  au-dessus,  où  demeure  le  jeune  homme  dont  on  vient 
de  lui  parler:  il  sonne  violemment,  et  sans  attendre  qu'on 
vienne  lui  ouvrir ,  il  heurte  de  toute  la  force  de  son  corps,  et 
à  tour  de  rôle  avec  le  concierge  et  son  domestique ,  la  porte 

(1)  Quoi  qu'en  disent  quelques  esprits  chagrins  et  difficiles,  c'est 
dans  le  roman-journal  que  se  trouvent  maintenant  la  peinture 
exacte  de  la  sociélé  actuelle  ou  passée,  le  drame  saisissant,  la  comé- 
die vierge  du  contact  de  la  censure,  et  le  véritable  roman  de  mœurs. 
Les  idées,  l'invention  ont  déserté  le  tliéàire,  la  poésie  et  ce  qu'on 
appelle  la  haute  littérature,  pour  se  réfugier  dans  le  feuilleton,  où 
elles  se  meuvent  plus  à  l'aise ,  car  ce  champ  est  devenu  le  domaine 
de  la  fantaisieet  de  la  réalité.  Là,  tout  lecteur  trouve  le  dédommage- 
ment de  l'ennui  que  lui  fait  subir  le  premier-Paris;  par  là,  enfin, 
s'explique  le  succès  des  journaux  les  plus  accrédités  ;  et,  à  ce  titre, 
la  Gazelle  musicale  doit  suivre  le  mouvement  général ,  et  dire  avec 
ses  hauts  et  pui-sants  confrères  les  grands  journaux  : 

La  reproduction  de  l'Acirice  et  l'Étudiant  est  formellement  inter- 
dite sous  peine  de  poursuites  en  contrefaçon.      [Note  du.  directeur.) 


de  l'appartement ,  qui  cède  à  ce  triple  effort  plusieurs  fois 
répété  ;  puis  il  court  ouvrir  la  chambre  à  coucher  du  jeune 
homme ,  qu'il  trouve  évanoui  sur  le  parquet.  Brisant  avec 
le  premier  objet  qui  s'ofliVe  à  sa  main  les  carreaux  des 
fenêtres,  il  dissipe  ainsi  les  miasmes  morbifiques  et  dé- 
létères qui  viciaient  l'air  ;  et  relevant  le  malheureux ,  dont 
la  face  contractée,  pâle,  et  même  déjà  bleuissante,  donnait 
peu  d'espoir  de  le  sauver ,  il  le  porte  sur  son  lit ,  et  lui 
pratique  une  large  saignée  qui  lui  fait  pousser  un  soupir  et 
le  fait  revenir  peu  à  peu  à  la  vie.  Lorsqu'il  s'est  assuré 
qu'il  n'y  a  plus  de  danger ,  le  docteur  congédie  les  collabo- 
rateurs de  sa  bonne  action ,  sous  prétexte  du  calme  que  ré- 
clame l'état  du  jeune  imprudent  qu'il  vient  d'arracher  à  la 
mort,  et  pour  connaître  d'ailleurs  les  motifs  qui  ont  pu  le 
porter  à  cette  fatale  résolution  ,  et  aussi  pour  pour  pouvoir 
le  sermonner  un  peu  plus  à  son  aise. 

—  Eh  bien ,  mon  pauvre  Jules ,  me  direz-vous  la  cause  de 
cet  acte  de  folie  ? 

—  Trouvez  bon  ,  mon  cher  docteur,  que  je  ne  vous  re- 
mercie point  du  service  que  vous  avez  cru  me  rendre...  La 
machine  n'avait  plus  que  quelques  mouvements  à  faire  pour 
cesser  de  cheminer  péniblement.    Je  touchais   au  but  du 

voyage,  qui  n'effraie  que  les  gens  sans  cœur J'aurai  le 

courage  de  le  recommencer. 

■ — Allons,  allons,  mon  ami ,  si  vous  êtes  impitoyable  pour 
vous-même ,  il  est  peu  généreux  de  l'être  pour  ceux  qui  vous 
aiment.  —  Un  sourire  ironique  et  d'une  indicible  mélancolie 
se  montra  passagèrement  sur  la  figure  cadavéreuse  du  pauvre 
jeune  homme  à  ces  mots  du  docteur.  —  N'avez-vous  pas  un 
père,  des  amis?  N'avèz-vous  point  d'affection  en  ce  monde? 

—  Une  seule  les  a  toutes  annulées  dans  mon  cœur,  et 
celle-là  même  n'existe  plus  en  moi. 

—  Si  cela  élait  vrai,  vous  ne  vous  seriez  pas  porté  à  l'excès 
ridicule  dans  lequel  vous  êtes  tombé. 

—  Ridicule  ? 

—  Oui ,  sans  doute. 

Le  docteur,  qui  savait  aussi  bien  analyser  les  maladies  de 
l'esprit  que  celles  du  corps,  savait  que  l'orgueil,  la  vanité 
entraient  en  assez  forte  dose  dans  les  éléments  constitutifs 
du  caractère  de  celui  à  qui  il  parlait  ;  et  continuant  ses  re- 
proches affectueux,  acidulés  d'ironie,  il  dit  à  notre  jeune 
homme ,  pour  faire  diversion  à  son  idée  fixe  de  suicide  :  Vous 
devez  avoir  remarqué,  mon  cher  Jules,  qu'il  n'y  a  que  les 
modistes  ,  les  couturières  ou  les  commis  marchands  qui  finis- 
sent par  l'asphyxie  au  moyen  du  charbon  :  c'est  aussi  peu 
distingué  que  peu  brave. 

—  Soit.  Onpei.it  se  servir  du  pistolet  ou  du  poignard,  si 
c'est  plus  noble,  plus  historique  ,  répondit  le  jeune  homme 
avec  un  dépit  amer...  J'y  songerai. 

—  Allons ,  mon  ami ,  ce  n'est  pas  avec  vous,  qui  possédez 
une  instruction  si  variée  et  si  étendue  ,  que  j'emploierai  les 
lieux  communs  qui  ont  été  si  souvent  écrits  et  dits  contre  le 
suicide ,  contre  cette  action ,  qui  ne  peut  être  que  le  ré- 
sultat d'une  monomanie  raisbnnée,  d'une  oblitération  de  tout 
le  système  physiologique,  ou  des  hallucinations  d'un  indomp- 
table orgueil  qui  pousse  à  faire  parler  de  soi ,  même  après 
soi. 

— Cet  orgueil  ne  m'a  nullement  préoccupé;  car,  pour  être 
oublié  plus  tôt,  je  n'ai  pas  écrit  une  ligne  sur  le  motif  qui 
me  porte  à  quitter  la  vie. 

—  Quoi!  pas  même  à  votre  père  ? 

—  Non. 

—  Et  quelle  était  doncla  pensée  qui  vous  dominait  à  l'ap- 
proche de  la  mort? 


DE  PARIS. 


11 


—  Celle  de  la  voir  venir,  de  neutraliser  les  terreurs  qu'elle 
inspire ,  ses  affres  et  'Ses  épouvantements ,  comme  a  dit  le 
grand  Bossuet.  Debout ,  les  yeux  ardents  et  fixés  sur  cet  ar- 
dent foyer  d'où  émanait  la  vapeur  délétère,  je  sentis  d'abord 
ma  vue  devenir  plus  perçante  sous  mes  paupières  qui  se  dila- 
taient; puis  mille- pensées  riantes,  poétiques,  mais  confuses, 
tourbillonnèrent  dans  mon  cerveau.  Le  désordre  de  ce  siège 
dfi  la  pensée  réagit  sur  le  cœur,  et  vint  y  tournoyer  aussi; 
mes  jambes  chancelèrent ,  et  en  voulant  faire  quelques  pas 
pour  m'asseoir,  je  tombai  de  toute  ma  hauteur  sur  le  parquet, 
oii  vous  avez  dû  me  trouver  après  que  mon  libre  arbitre  m'eut 
tout-à-fait  abandonné. 

—  Fort  bien  :  définition  exacte ,  froide  et  lucide  qui  dé- 
montrerait que  vous  êtes  atteint  de  cette  incurable  monoma- 
nie du  suicide  dont  je  viens  de  vous  parler,  si  vous  me  disiez 
la  vérité  quand  vous  m'assurez  que  de  cruelles  déceptions 
dans  un  attachement  profond  qui  n'existe  plus,  dites-vous, 
ont  détruit  dans  votre  cœur  toute  affection  pour  de  vrais  amis, 
et  surtout  pour  votre  père , 

—  Qui  m'a  laissé... 

—  Permeltez-moi  d'achever  :  pour  votre  père,  dont  le  ca- 
ractère est  entier,  inexorable,  et,  sous  ce  rapport,  vous 
tenez  un  peu  trop  de  lui ,  mais  qui  fut  toujours  animé  pour 
vous  d'un  attachement  aussi  solide  que  vrai.  En  voulez-vous 
la  preuve  ?  Lié  avec  moi  d'une  ancienne  et  profonde  amitié  , 
qui  a  pris  naissance  dans  le  Nouveau- Monde,  où  nous  étions 
allés  pour  y  chercher  fortune ,  il  a  compté  assez  sur  cette 
amitié  pour  croire  qu'abandonnant  la  clientèle  que  j'avais 
dans  la  petite  ville  des  Pyrénées  que  nous  habitions  ensemble, 
je  viendrais  m'établir  à,Paris ,  où  l'exercice  de  la  médecine 
est  un  assaut  perpétuel  de  charlatanisme ,  une  lutte  acharnée 
contre  l'intrigue ,  la  faveur  et  la  calomnie ,  afin  de  veiller  et 
de  présider  au  complément  de  votre  éducation ,  qui  lui  a  déjà 
coûté  si  cher  :  il  ne  s'est  pas  trompé.  Depuis  six  mois ,  je 
me  suis  établi  dans  la  capitale,  où  je  vis  honorablement;  et 
vous,  depuis  six  ans  que  vous  y  êtes,  qu'avez-vous  fait? 
Votre  père ,  négociant  estimé  ,  ne  peut  pas  quitter  le  voisi- 
nage de  l'Espagne  ,  où  son  petit  commerce  le  retient.  Homme 
sévère ,  mais  juste  ,  d'une  probité  reconnue  ,  il  désirait  faire 
de  vous  un  avocat  distingué  :  comment  avez-vous  répondu  à 
SOS  espérances?  A  vingt-quatre  ans,  vous  n'avez  même  pas  pu 
acquérir  ce  titre.  Voyons ,  mon  cher  Jules ,  mon  jeune  et 
pauvre  ami ,  ne  savez-vous  montrer  de  la  persistance  que  dans 
les  travers  de  l'esprit?  Depuis  mon  arrivée  à  Paris,  vous  me 
rendrez  la  justice  de  convenir  que  je  suis  plutôt  pour  vous 
un  ami ,  un  camarade  qu'un  mentor,  un  inquisiteur.  Si  j'ai 
pris  un  appartement  dans  la  maison  que  vous  habitez ,  c'est 
pour  vous  voir  plus  souvent ,  pour  vous  aider  de  mes  avis ,  de 
mes  conseils ,  de  mon  expérience  ,  de  ma  bourse.  Avez-vous 
des  dettes?  on  les  paiera;  avez-vous  besoin  d'argent?  on  en 
trouvera.  Jevousaifait  entendre  des  vérités  assez  dures  pour  ne 
pasmefaire  accuserdeflatterieenvousdisantque  dans  les  trop 
rapides  relalions  que  j'ai  eues  avec  vous,  vousvous  êtes  mon- 
tré 'i\  moi  bon  enfant,  obligeant,  poli,  ayant  du  monde,  et 
possédant  surtout  un  savoir  au-dessus  de  votre  âge.  Et  main- 
tenant ,  tout  cela  ferait-il  naufrage  au  port ,  sous  les  éclairs 
d'une  tempête,  d'une  tourmente  d'amour?  J'ai  connu  ce 
malheur,  et  j'y  sais  compatir,  mon  cher  Jules;  je  ne  suis 
pas  de  ces  gens  que  l'expérience  a  refroidis  sur  les  orages  du 
cœur.  Dites-moi  où  vous  en  êtes  à  ce  sujet ,  car  là  seulement, 
je  le  vois  bien ,  est  le  principe  de  votre  chagrin  ;  et  nous  avi- 
serons. Vous  avez  reçu  hier  une  lettre  que  vous  n'avez  lue 
qu'en  pâlissant  et  en  tremblant  de  tous  vos  membres ,  m'a-t-on 
dit  chez  votre  concierge.  Quelle  est  cette  lettre?  que  con- 


tient-elle de  si  fatal?...  Songez,  mon  ami,  dit  le  docteur,  à 
l'aspect  de  grosses  larmes  tombant  des  yeux  de  Jules ,  qu'il 
voyait  presque  s'attendrir  ainsi  avec  une  secrète  satisfaction, 
pensant  avec  juste  raison  que  son  idée  fixe ,  la  pensée  de 
mort  qui  le  dominait,  commençait  à  s'affaiblir,  songez,  et  je 
pense  que  vous  en  êtes  certain ,  que  ce  n'est  point  une  vaine 
curiosité  qui  me  fait  vous  adresser  ces  questions  ;  mais  qu'il 
s'agit  du  libre  exercice  de  vos  facultés  intellectuelles ,  de  re- 
conquérir la  plénitude  de  votre  intelligence ,  de  votre  dignité 
morale  ;  songez  queje  réponds  de  vous  h  votre  excellent  père, 
qui  ne  survivrait  point  à  la  nouvelle  d'une  catastrophe  qui  lui 
ravirait  son  fils  unique,  catastrophe  horrible  enfin, qui  serait 
pour  moi  comme  un  remords  pour  le  reste  de  mes  jours. 

—  Oui,  mon  ami,  répondit  le  jeune  homme  après  un  mo- 
ment de  silence  ,  et  surmontant  avec  effort  une  pénible  émo- 
tion ,  je  sens  tout  ce  qu'il  y  a  de  noble  dévouement ,  de  rare 
amitié  dans  la  mission  que  vous  remphssez  près  de  moi; 
j'apprécie  tout  ce  qu'il  y  a  de  vrai,  d'utile,  d'affectueux 
dans  vos  conseils  ;  mais  il  ne  m'est  plus  donné  d'en  pouvoir 
profiter.  Ma  vie,  usée  par  une  passion  dévorante  et  des  tra- 
vaux immenses ,  incessants  et  sans  résultat ,  est  maintenant 
sans  but.  Et  tenez ,  mon  ami ,  après  que  je  vous  aurai  fait 
connaître  les  navrantes  déceptions,  les  douleurs  atroces 
qui  torturent  mon  cœur  depuis  plus  de  six  ans ,  je  consens  à 
prolonger  cette  malheureuse  existence  aussi  longtemps  que 
vous  voudrez ,  si  vous  ne  convenez  pas  qu'il  vaut  mieux  eu 
fmir  avec  la  vie ,  alors  qu'elle  ne  peut  plus  être  qu'un  far- 
deau pesant  et  insupportable. 

—  J'y  consens ,  mon  cher  Jules  ;  mais ,  avant  de  commen- 
cer ce  récit ,  prenez  un  peu  de  repos  ;  il  vous  est  nécessaire 
à  la  suite  de  la  commotion  terrible  que  vous  venez  d'é- 
prouver. 

—  Non ,  non  ;  le  sang  que  vous  m'avez  tiré  m'a  laissé  la 
tête  plus  libre  :  je  me  sens  soulagé ,  et  il  me  serait  impossible 
de  dormir. 

—  Je  vous  écoute  donc. 
{La  suite  au  prochain  numéro.) 

Henri  Blanchard. 


CE  QU'ON  ENTEND 

UNE  BONNE  COMPOSITION  MVSICAIj:. 

emandez      à      un 
homme  qui  aime  la 
musique  sans  être 
connaisseur ,       ce 
qu'il    pense    d'un 
morceau  que  l'on 
yJ&  Vient  d'exécuter  devant  lui  :  il  vous  répon- 
;dia,  la  plupart  du  temps,  en  termes  gé- 
néi  aux  ,  qui  seront  l'expression  plus  ou 
moms  juste  du  plaisir  ou  de  l'ennui  qu'il  aura 
cpiouve  Du  moment — et  ici  nous  n'enten- 
V^  dons  palier  que  de  musique  instrumentale  — 
\  du  moment  qu'il  voudra  creuser  plus  avant , 
il  ne  1  encontrera  que  des  sensations  vagues, 
insaisissables  ,  qui  se  dérobent  à  l'analyse,  et  qui 
résultent  de  la  comparaison  qu'il  établit ,  à  son 
insu,  entiela  situation  de  son  âme  et  l'expression 
mélodique  ou  harmonique  des  sons  qu'il  entend , 
ce  qui  nous  explique  le  goût  passionné  qui  se  manifeste  chez 


12 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


la  plupart  des  hommes  pour  les  jouissances  musicales  ;  les 
émotions  vagues  et  mystérieuses  ont ,  h  ce  qu'il  paraît,  pour 
le  cœur  humain  ,  un  charme  irrésislible  ,  auf(uc!  se  joint , 
dans  la  musique,  le  plaisir  des  impressions  qui  viennent  ca- 
resser l'oreille. 

Jîais  si  le  simple  amateur  s'en  tient  dans  ses  jugements  à  ce 
qu'il  éprouve,  sans  pouvoir  s'en  rendre  compte  ,  il  faut  que 
l'appréciation  du  connaisseur  se  base  sur  l'entente  intelligente 
de  l'art  :  chez  lui  le  blâme  et  la  louange  seront  la  conséquence 
nécessaire  et  impartiale  des  principes  de  la  science.  Or,  sur 
ce  i>oint ,  le  plus  grand  nombre  des  jeunes  artistes  manquent 
de  lact  et  d'expérience  ,  et  c'est  pour  les  guider  dans  les  ju- 
gements qu'ils  auront  à  porter ,  que  je  vais  essayer  de  re- 
chercher dans  cet  article  quels  sont  les  éléments  constitutifs 
d'une  bonne  production  musicale  ,  quelles  sont  les  qualités 
dont  la  réunion  forme  le  compositeur  parfait.  J'ose  me  flatter 
que  mes  observations ,  qui  sont  le  ré.sultat  d'études  conscien- 
cieuses ,  pourront  même  être  de  quelque  utilité  aux  compo- 
siteur.s  qui  débutent  dans  la  carrière. 

Tout  morceau  de  musique  doit  être  envisagé  sous  un 
double  point  de  vue  :  sous  le  rapport  de  l'invcniion  d'abord, 
el  puis  sous  celui  des  exigences  de  l'harmonie  ou  du  contre- 
point. 

I.  invention,  plan  et  division.  —  Toute  bonne  compo- 
sition exige  un  plan  nettement  conçu,  dont  les  divisions  cor- 
respondent entre  elles  et  se  règlenlsur  les  dimensions  de  l'en- 
semble. 

De  même  qu'un  amas  confus  de  matériaux  de  construction 
ne  forme  point  un  bâtiment ,  de  même  il  ne  suffit  pas  d'un 
pêle-mêle  de  notes  flottant  au  hasard  et  d'idées  incohérentes 
pour  constituer  une  œuvre  musicale.  Il  faut  débrouiller  ce 
chaos  ;  il  faut  donner  un  sens  à  ces  notes  ;  il  faut  soumettre 
ces  idées  à  un  ordre  intelligent  et  les  rattacher  à  une  idée 
générale  ,  à  un  but  commun  ;  il  faut  de  plus  que  le  connais- 
seur 'l'.uisse  en  saisir  facilement  l'enchaînement  et  les  em- 
brasser sans  effort  dans  leur  ensemble. 

Que  toute  composition  (1)  ait  donc  deux  ou  trois  p.n-ties 
principales,  selon  que  le  morceau  est  plus  ou  moins  étendu. 
Quand  il  y  a  deux  parties  principales,  la  première  se  ter- 
mine d'ordinaire  par  la  dominante,  et  la  seconde  par  la 
tonique;  et  quand  il  y  en  a  trois ,  la  première  se  termine  par 
la  dominante,  la  seconde  par  la  sixte,  ou  parla  raédiante  en 
mineur,  la  troisième  par  la  tonique  ,  si  le  morceau  est  en 
majeur.  Chacune  des  divisions  principales  se  subdivisera 
à  son  tour  en  trois  parties  distinctes  :  la  première  con- 
tiendra l'introduction  et  l'exposition  de  l'idée  principale  ; 
la  seconde  sera  remplie  jjar  les  périodes  des  intermèdes; 
dans  la  troisième  ,  enfin ,  se  trouvera  la  modulation  finale  , 
qui  doit  s'accorder  avec  les  deux  précédentes.  L'expression 
de  l'idée  principale,  de  l'idée-mère  de  l'œuvre  musicale,  dans 
la  seconde  et  la  troisième  division  principale  (2) ,  doit  être  la 
même  que  dans  la  première  ,  ou  tout  au  moins  lui  ressem- 
bler ,  quant  à  la  forme  de  la  mélodie  et  de  l'harmonie.  Il  en 
sera  de  même  des  périodes  intermédiaires  et  des  modula- 
tions finales  ;  toutefois  ,  il  est  essentiel  que  dans  chacune  de 
ces  divisions  la  mélodie  et  l'harmonie  procèdent  d'une  tonalité 
différente.  En  traitant  convenablement  ces  divisions  secon- 
daires   on  établit  une  juste  proportion  entre  les  diverses 


(J)  Il  ne  s'agit  ici  que  de  symptionies,  concertos,  quatuors,  quin- 
lelles  ou  sonates  pour  forte-piano.  Quant  aux  morceaux  de  cliant, 
nous  en  parlerons  plus  loin. 

(2)  Celte  conformité  doit  être  exigée  plus  sévèrement  dans  la  troi- 
sième que  dans  la  seconde  division  ,  où  l'on  laisse  plus  de  latitude 
au  génie  du  compositeur. 


parties  ;  de  plus ,  il  en  résulte  tout  à  la  fois  variété  et  unité  , 
qualités  indispensables  à  toute  œuvre  d'art  qui  aspire  à  l'hon- 
neur d'être  jugée  par  la  critique. 

II.  Caractère.  —  Une  composition  musicale  doit  toujours 
porter  l'empreinte  d'un  sentiment,  d'une  disposition  de  l'âme 
quelconque  ;  qu'elle  exprime  les  joies  de  l'amour,  les  colères 
de  la  haine,  l'élan  de  l'enthousiasme ,  ou  le  calme  du  bon- 
heur, n'importe ,  pourvu  qu'elle  exprime  quelque  chose. 
L'auteur  est  parfaitement  libre  de  choisir  parmi  les  passions 
qui  remuent  tour  à  tour  le  cœur  de  l'homme  ;  mais  quand 
une  fois  son  choix  est  fait,  il  faut  qu'il  persiste.  Depuis  le 
plan  et  la  disposition  des  diverses  parties  jusqu'aux  moindres 
détails  de  l'exécution ,  tout  doit  être  subordonné  au  senti- 
ment qu'il  s'est  proposé  de  peindre,  qui  doit  décider  du 
rhythme ,  de  la  mesure ,  des  formes  de  la  mélodie  ,  etc.  C'est 
ainsi  que  la  composition  imprimera  h  l'œuvre  musicale  ce  qu'on 
ai)pelle  son  caractère. 

III.  Mélodies  et  traits  ou  ornements.  La  qualité  essen- 
tielle de  la  mélodie ,  c'est  de  plaire  ;  pour  les  traits  et  les 
ornements,  c'est  d'être  conformes  à  la  nature  des  instru- 
ments. Ils  auront,  ainsi  que  la  mélodie,  de  la  précision  et 
de  la  clarté,  afin  d'être  facilement  compris,  sans  jamais 
devenir  communs  et  triviaux  ;  de  plus ,  ils  refléteront  le  ca- 
ractère général  du  morceau.  Ce  caractère  doit  également  se 
retrouver  dans  l'accompagnement  des  mélodies,  etc.;  tout 
en  restant  dans  la  même  tonalité ,  par  le  choix  et  la.  variété 
des  remplissages,  on  peut  obtenir  une  grande  variété  dans  les 
effets. 

IV.  Qualités  d'une  bonne  composition  musicale  sous  le 
rapport  (h  Vharmome. 

1.  Correction  grammaticale. 

2.  Précision  et  clarté  dans  les  modulations.  (;es  qualités 
résultent  de  l'aisance  dans  le  dévelopjiemeut  des  sons  et  les 
progressions  harmoniques,  aisaiîce  qui  eu  rend  l'intelligence 
facile,  et  que  l'on  rencontre  rarement  chez  les  compositeurs 
qui  débutent;  ils  évitent  le  naturel  de  peur  de  tomber  dans 
le  trivial ,  et  donnent  dans  l'enflure. 

3.  Connaissance  des  instruments.  Le  compositeur  ne  doit 
demander  aux  instruments  que  des  effets  analogu'S  à  leur 
nature,  et  sans  que  l'exécutant  ait  de  trop  grandes  difficultés 
à  vaincre.  II  est  bien  entendu  que  nous  ne  parlons  pas  ici  de 
morceaux  de  bravoure,  de  concertos,  dans  lesquels  le  vir- 
tuose se  produit  devant  le  public. 

h.  Entente  judicieuse  des  effets.  Il  arrive  souvent  que  tel 
passage  qui  fait  très  bien  sur  le  papier,  échoue  à  l'audition , 
tandis  qu'une  modulation  qui  à  la  lecture  vous  semble 
faible  s'anime  tout-à-coup  sous  les  doigts  de  l'exécutant  et 
produit  une  sensation  immense.  Ce  n'est  que  par  une  longue 
et  patiente  expérience  qu'on  peut  arriver  à  calculer  l'effet 
d'un  passage  avec  quelque  certitude  :  il  importe  donc  aux 
commençants  de  donner  de  bonne  heure  toutes  leurs  forces  à 
cette  étude. 

C'estsurtout  la  musique  instrumentalequenous  avons  eue 
en  vue  dans  les  principes  que  nous  venons  d'exposer  ;  ils 
s'appliquent  en  grande  partie  également  aux  compositions 
vocales;  toutefois,  pour  compléter  mon  travail,  je  crois  de- 
voir ajouter  quelques  observations  relatives  à  ces  dernières. 

Dans  un  morceau  de  chant,  le  compositeur  a  beaucoup 
moins  de  latitude  que  quand  il  s'agit  de  musique  instrumen- 
tale. Le  plan  et  la  division  sont  donnés;  ils  dépendent  du 
texte ,  qui  détermine  également  le  caractère  de  la  composi- 
tion ,  et  par  conséquent  les  mélodies.  Le  premier  devoir  du 
compositeur  est  d'étudier  le  sens  des  paroles,  et  son  plus 
grand  mérite  est  d'en  rendre  complètement  l'expression  poé- 


DE  PARIS. 


13 


tique.  Il  faut  scander  les  vers  de  nianièie  que  l'oreille  en 
saisisse  facilement  le  rhylhme  ,  et  l'accent  doit  porter  sur  les 
mots  qui  ont  le  plus  d'imporlance  dans  l'ordre  intellectuel. 
N'employez  les  traits  et  ornements  que  là  où  ils  produisent 
de  l'effet ,  et  disposez  les  figures  de  l'accompagnement  de 
manière  qu'elles  soutiennent  la  voix  sans  la  couvrir. 


TROiSiÈr^E  COPJCERT 

DE    LA 

REVUE  ET  GASETTE  MUSICAS.E. 

n  bon  commence- 
ment est  le  milieu 
de  tout,  a  dit  Lu- 
cien :  cette  maxime 
est  aussi  piquante 
que  vraie,  et  nous 
licitons  d'avoir  presque  toujours  à 
'commencer  le  compte-rendu  des  concerts 
a  Gazette  musicale  par  l'analyse  de 
œuvre  de  Mozart  ou  de  Beethoven. 
là  Et  d'abord  ,  il  est  à  remarquer  que  depuis  la 
à^mort  de  notre  célèbre  violoniste  Baillot,  qui 
donnait,  et  pour  un  petit  auditoire  seule- 
ment ,  des  séances  de  quatuors  et  de  quin- 
tettes,  la  Gazette  musicale  réveille,  propage  et 
y^^  entretient  seule  le  goût  de  ce  beau  genre  de  nni- 
^i^W  sique.  Le  public,  que  ces  concerts  «iiire ,  a  quel- 
que chose  de  spécial  par  son  goût  artistique  et  le 
ton  de  bonne  comiiagnie  qui  le  distingue.  Excepté  quelques 
billets  égarés  qui  tombent  ès-mains  d'amateurs  de  romances 
ou  d'airs  variés  quand  même  ,  presque  tous  sont  le  partage 
d'auditeurs  qui  se  connaissent  sims  s'être  jamais  parlé,  qui  se 
retrouvent  avec  plaisir  et  confondent  dans  une  mutuelle  admi- 
ration les  sensations  que  leur  font  éprouver  des  chefs-d'œuvre 
qui  paraissent  toujours  nouveaux,  plus  on  les  entend.  Là, 
point  de  ces  suffrages  intéressés  et  commerciaux;  point  do  ces 
applaudissements  exagérés  des  amis  du  soliste;  point  de  ces 
exclamations  de  bravo ,  de  brava  et  de  braci  de  nos  dilettanti 
maniérés;  mais  une  approbation  vraie  et  profondément  sentie 
des  beautés  musicales  qui  se  manifeste  par  un  frémissement 
et  des  murmures  approbateurs.  Si  nous  signalons  ici  ce  genre 
d'apprécier  le  plus  émouvant  de  tous  les  arts,  celui  qui 
donne  le  plus  de  commotions  électriques  et  sympathiques  aux 
hommes  assemblés  ,  c'est  qu'on  aime  quelquefois  à  retrouver 
exprimées  avec  exactitude  ces  impressions  vagues  et  fugitives. 
Ces  sensations ,  ces  murmures  approbateurs  n'ont  pas  manqué 
à  l'audition  du  dixième  quatuor  de  Beethoven  si  bien  dit  par 
MM.  Alard,  Armingaud,  Croisilies  et  Chevillard.  L'esprit 
d'analyse  ne  fait  jamais  défaut  à  de  telles  beautés  quand  on 
sait  les  sentir  ;  c'est  une  pièce  de  Corneille  ou  de  Molière  , 
dans  lesquelles  les  intelligences  d'élite ,  les  esprits  exercés 
trouvent  et  trouveront  toujours  quelques  nouvelles  beautés. 
Sans  dire  tout  ce  qu'il  y  a  de  piquant  et  de  neuf  dans  ce 
dialogue  pittoresque  des ^'issïcah'du  premier  morceau,  d'har- 
monie pleine,  suave,  religieuse  dans  ['adagio,  de  sidéhcieu- 
ses  variations  dans  cet  andante  qui  suit  immédiatement  le 
scherzo ,  nous  rappellerons  seulement  ici  ce  scherzo,  qui  ré- 
sume à  lui  seul  toutes  les  facultés  créatrices  ,  tout  le  génie  de 


Beethoven.  Le  début  de  ce  morceau  est  plein  d'une  brus- 
querie sauvage,  qui  peint,  on  ne  peut  mieux,  le  caprice  et 
l'indépendance  de  l'homme  décidé  cette  fois  à  marcher  Ubre- 
ment  dans  le  champ  de  la  science  et  de  !a  fantaisie  qu'il 
pousse  quelquefois  jusqu'à  la  bizarrerie.  Dans  le  trio  de  ce 
scherzo  tout  exceptionnel ,  le  compositeur  affecte ,  comme 
à  dessein ,  la  lourdeur  régulière  et  gothique  du  contrepoint 
double ,  cette  forme  carrée  et  perruque  à  laquelle  succède 
une  ravissante  mélodie  en  ut  minetir  pour  le  premier  violon , 
mélodie  charmante  et  triste  tout  à  la  fois  ,  sérénade  d'amour 
d'un  amant  qui  chante  sous  la  fenêtre  de  sa  belle ,  en  s'ac- 
compagnant  de  la  mandoline ,  et  qui  vous  berce  comme  un 
doux  souvenir  du  moyen-âge.  Cela  est  plein  de  cette  délica- 
tesse exquise  qui  s'alliait  dans  ce  cerveau  puissant  aux  gigan- 
tesques et  formidables  effets  d'une  foudroyante  harmonie , 
alors  que  commandant  à  la  puissante  armée  instrumentale, 
dans  ses  immortelles  symphonies,  il  étonne  toujours,  électrise 
et  renverse  l'esprit  de  ses  auditeurs  pantelants. 

Un  duo  de  la  Reine  de  Chypre  :  Fleur  de  beauté ,  etc., 
chanté  par  Roger  et  M"°  Masson  ,  tous  deux  de  l'Opéra-comi- 
que,  a  suivi  l'exécution  du  quatuor  de  Beethoven.  Ce  mor- 
ceau scénique ,  qui  renferme  de  si  jolies  mélodies ,  a  été  fort 
bien  dit  par  Roger  et  M"°  Masson  ,  qu'on  voudrait  entendre 
et  même  voir  plus  souvent  au  théâtre  ou  au  concert. 

M.  Goria  nous  a  joué  sur  le  piano  un  caprice  caractéristi- 
que intitulé  r Attente,  morceau  d'une  mélodie  franche  et 
dramatique  qui  a  fait  plaisir  ,  mais  moins  cependant  que  la 
belle  Etude  de  concert  qu'il  a  exécutée  après  d'une  manière 
aussi  nette  que  brillante. 

Roger  ne  se  contente  pas  d'être  bon  comédien  et  excellent 
chanteur  ;  il  fait  tous  les  jours  de  remarquables  progrès  de  vo- 
calisation ;  il  veut  être  encore  poète  et  compositeur;  il  est  re- 
venu nous  chanter,  avec  M.  Albertini,  qui  possède  une  belle 
voix  de~  basse-baryton ,  la  Chasse  saxonne ,  paroles  et  mu- 
sique dudit  Roger.  Ce  petit  duo  est  d'une  mélodie  franche  et 
d'un  assez  bon  style  ,  à  cela  près  de  quelques  quartes  un  peu 
dures ,  qu'on  doit  éviter  dans  l'harmonie  vocale  à  deux  parties 
récitantes.  Les  deux  mêmes  chanteurs  ont  dit  le  grand  duo 
de  la  Reine  de  Chypre,  chanté  par  Duprez  et  Barroilhet  : 
Triste  exilé  sur  la  terre  étrangère  ;  ils  s'y  sont  montrés  l'un 
et  l'autre  nobles,  touchants  et  dramatiques. 

La  Prière ,  suivie  d'un  Boléro  pour  le  violoncelle  ,  com- 
posés et  exécutés  par  M.  Offenbach,  jeune  violoncelliste  de 
talent,  qui  rivalise  déjà  les  Batta  ,  les  Seligmann,  les  Coss- 
mann,  les  Franchomme  et  autres  ,  ont  remué  tout  l'auditoire 
et  ont  été  vivement  applaudis. 

Enfin  la  ballade  de  Charles  VI :  Chaque  soir  Jeanne  sur 
la  plage ,  avec  le  délicieux  accompagnement  de  hautbois  que 
M.  Halévyabrodésur  cette  suave  mélodie,  et  que  M.  Verroust 
exécute  si  bien,  a  été  chantée  par  M"'  Masson  avec  cet  aplomb 
de  bonne  musicieune,  cette  expression  dramatique  dont 
cette  jeune  cantatrice  sait  si  bien  empreindre  son  chant;  et 
tous  ces  morceaux  ont  été  accompagnés  par  M.  Schimon , 
compositeur  distingué,  qui  se  résigne,  pour  le  plaisir  et  la  sé- 
curité parfaite  des  solistes  et  des  récitants  ,  à  se  faire  accom- 
pagnateur, c'est-à-dire  à  vouloir  bien  être  la  cheville  ouvrière , 
artistique  et  précieuse  des  concerts  de  la  Gazotte  musicale. 
Henri  Blanchard. 


Coi'Pespoisrtance   jiartîciilière. 

Marseille,  \(i  janvier  1844. 
Ma  correspondance  sur  les  théâtres  et  sur  l'art  musical  à  Marseille 
a  vivement  excité  la  curiosité  des  personnes  qui  par  état  ou  par  goût 


in 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


s'intéressent  aux  questions  de  ce  genre.  Dire  !a  vérité  tout  entière, 
sans  aigreur,  sans  arriére-pensée;  signaler  en  même  temps  les  qua- 
lités et  les  défauts  des  personnes  et  des  œuvres;  mettre  la  censure  à 
côté  de  l'éloge,  et  faire  marcher  ensemble  les  devoirs  de  la  critique 
avec  les  encouragements  indispensables  aux  progrès  de  l'art,  a 
paru,  en  flTet,  chose  rare  et  nouvelle  dans  une  ville  où  d'habitude 
on  n'emploie  guère  celte  manière  de  procéderen  fait  d'appréciations. 
A  l'heure  où  je  vous  parle,  on  se  préoccupe  beaucoup  de  savoir  le 
nom  de  votre  correspondant;  mais  il  est  vrai  de  dire  que  cet  em- 
pressement, loin  d'être  défavorable  à  celui  qui  en  est  l'objet,  est  au 
contraire  pour  lui  un  témoignage  d'adhésion  bien  flatteur  :  ainsi  l'on 
a  fort  approuvé  mes  remarques  sur  M.  Godinho,  à  qui  la  presse  mar- 
seillaise n'avait  jamais  adressé  le  plus  léger  reproche,  et  que  certains 
critiques  avaient  placé  dans  leur  estime  aussi  haut  que  Nourrit  et 
Duprez.  On  a  également  été  satisfait  de  mes  observations  au  sujet  de 
M""«  Canterni-Cuudell,  de  M"»  Humbert  et  de  M.  Pauli,  ainsi  que 
de  mon  jugement  sur  la  dernière  séance  du  Conservatoire;  partout 
on  s'est  plu  à  reconnaître  la  sévère  impartialité  de  ces  comptes- 
rendus,  et  au  lieu  d'y  découvrir  la  moindre  parole  blessante,  les 
lecteurs  les  plus  difficiles  ont  d'un  commun  accord  rendu  justice  à 
la  réserve  de  mon  langage,  et  formé  le  vœu  de  voir  la  critique  se 
renfermer  toujours  ainsi  dans  les  limites  rigoureuses  de  la  vérité, 
des  convenances  et  de  la  modération. 

Enhardi  par  ce  succès,  et  profitant  des  avantages  de. mon  inco- 
gnito, je  vous  donnerai  comme  par  le  passé  les  renseignements  les 
plus  exacts  et  les  plus  positifs  sur  l'art  musical  à  Marseille.  Peu 
connu  des  artistes ,  éloigné  de  toute  espèce  de  coterie  musicale ,  in- 
dépendant par  caractère  et  par  position,  je  puis  juger  conscien- 
cieusement sans  craindre  de  voir  mon  impartialité  céder  à  de  com- 
plaisantes sympathies,  aux  dépens  de  la  justice  et  de  la  raison. 
Dernièrement  je  vous  ai  parlé  du  théâlre  et  du  Conservatoire  avec 
tout  le  désintéressement  possible.  Aujourd'hui  je  vous  entretiendrai 
avec  la  même  franchise  de  M.  Trotebas,  qui  travaille  avec  ardeur  à 
propager  le  goût  de  la  musique  d'ensemble;  jeune  homme  que  nous 
tenons  en  grande  estime,  mais  à  qui  la  presse  locale  a  cru  donner 
un  témoignage  de  vif  intérêt  en  le  privant  de  ses  lumières  pour  lui 
donner  sans  ménagement  les  plus  inconcevables  éloges. 

Sans  égard  pour  cette  maxime  bien  connue  de  La  Fontaine,  que 
mieux  vuut  un  saije  ennemi  qn'un  imprudent  ami,  certains  journaux 
ont  épuisé  au  profit  de  M.  Trotebas  toutes  les  formules  connues  de 
la  flatterie  ,  et  lui  ont  fait  une  réputation  si  grande  que  le  critique 
consciencieux  qui  voudrait  aujourd'hui  parler  convenablement  d'un 
artiste  tel  que  Habeneck,  Wilhcm,  IMassimino,  serait  mis  à  une 
rude  épreuve  s'il  lui  fallait  employer  d'autres  louanges  que  celles 
prodiguées  habituellement  à  M.  Trotebas  :  ainsi  nous  avons  lu  suc- 
cessivement dans  nos  feuilles  locales  que  les  chœurs  de  M.  Trotebas 
laissaient  bien  loin  ceux  du  Conservatoire  de  Paris  ;  que  la  musique 
d'ensemble  avait  pris  naissance  à  Marseille  depuis  l'avènement  de 
M.  Trotebas.  Une  autre  fois  c'est  Tamburini  qui,  après  avoirentendu 
les  élèves  de  M.  Trotebas,  s'avoue  vaincu  et  demande  instamment 
à  se  renfermer  dans  le  mutisme  le  plus  complet,  craignant  de  n'a- 
voir ni  assez  de  voix  ni  assez  de  style  pour  balancer  l'effet  prodi- 
gieux des  morceaux  qu'il  vient  d'entendre.  L'autre  jour  enfin  c'était 
une  feuille  qui ,  avec  le  plus  grand  sérieux  du  monde,  affirmait  que 
M.  Trotebas  valait  à  lui  seul  tout  un  conservatoire,  et  le  signalait  au 
public  marseillais  comme  le  successeur  et  le  continuateur  de  Cho- 
ron... de  Choron  H! 

Si  l'estimable  auteur  de  cette  dernière  phrase  avait  connu  l'ar- 
lisle  dont  il  parle,  ou  si  du  moins  il  avait  daigné  recueillir  sur  lui 
quelques  délails  biographiques ,  il  aurait  appris  que  Choron,  homme 
d'esprit,  de  conviction  et  de  désintéressement,  était  une  organisa- 
tion d'élite.  Profondément  instruit  sur  toutes  choses,  il  essayait  de 
donner  à  ses  élèves  un  peu  de  cette  vaste  érudition  qu'il  avait  ac- 
quise au  prix  des  plus  laborieuses  études.  Avec  lui,  on  apprenait  :  la 
grammaire,  l'histoire  ancienne  et  moderne,  l'histoire  delà  musique 
le  solfège,  la  vocalisation,  le  chant,  la  déclamation  lyrique  et  la  dé- 
clamation, le  piano,  l'accompagnement  et  la  basse  chiffrée,  la  mu- 
sique d'ensemble,  1  harmonie  simple,  la  fugue,  le  contre-point  et  la 
composition.  Dans  ses  savantes  leçons,  Choron  ne  laissait  échapper 
aucune  occasion  de  former  l'intelligence  et  le  goûtde  ses  élèves;  une 
phrase  ,  un  mot  lui  fournissait  souvent  le  sujet  d'une  longue  disser- 
tation. Le  nom  d'un  auteur,  d'un  personnage  historique  ou  d'une 
ville  célèbre  était-il  prononcé  par  hasarden  sa  présence,  il  faisait  sur- 
le-champ  la  biographie  de  cet  auteur,  etexpliquait  la  ville  elle  per- 
sonnage comme  aurait  pu  le  faire  Tacite  et  Tite-Live,  sans  jamais 
lasser  son  jeune  auditoire,  tant  le  feu  de  son  regard  et  l'éloquence 
donnait  du  charme  et  de  l'intérêt  à  ses  récits.  Avant  de  faire  travail- 
ler un  morceau  de  chant  et  de  littérature,  Cboron  Toulaifrqu'on  se 
rendît  un  compte  exact  du  caractère  du  personnage,  du  lieu  de  la 


scène,  de  la  nature  des  situations,  de  la  couleur  du  sujet,  et  ce  n'é^ 
tait  que  lorsque  l'élève  avait  achevé  cette  analyse  morale  qu'il  lui 
était  permis  de  passer  à  l'analyse  matérielle  des  sons.  Comme  on  le 
pense  bien,  ce  système  d'éducation  avait  des  résultais  immenses; 
car  au  lieu  de  façonner  des  automates  selon  les  habitudes  commodes 
de  la  routine,  il  produisait  des  artistes  intelligents,  initiés  à  toutes 
les  difficultés  delà  méthode,  capables  de  raisonner  en  connaissance 
de  cause  et  de  se  rendre  un  compte  fidèle  de  leurs  travaux  et  de  leurs 
progrès. 

Quant  à  la  partie  chorale  dirigée  par  Choron,  elle  était  admirable. 
A  force  de  soin,  de  patience,  d'esprit,  de  goût  et  d'observation,  le 
maître  était  parvenu  à  dépouiller  ces  masses  nombreuses  de  leur 
crudité  native,  de  leur  écorce  première  et  à  leur  faire  obtenir  des 
effets  si  purs,  des  nuances  si  douces,  si  logiques  et  si  bien  entendues, 
que  l'on  aurait  cru  entendre  par  moment  Nourrit,  Levasseur,  Falcon 
et  M"|'Damoreau  chanter  un  de  leurs  plus  beaux  morceaux  d'ensemble. 
Il  y  avait  dans  l'exécution  des  chœurs  dirigés  par  Choron  un  parfum  de 
bonne  compagnie,  je  ne  sais  quoi  de  distingué  et  de  comme  il  faut  qui 
charmait  les  organisations  délicates;  en  un  mot,  ce  n'était  plus  la 
matière  qui  régnait  dansées  masses  vocales,  mais  l'intelligence  et 
la  civilisation.  Les  travaux  de  Choron,  comme  compositeur,  méri- 
tent d'être  signalés  ;  il  a  fait  des  mélodies,  des  airs,  des  solfèges,  des 
méthodes  d'un  prix  inestimable;  ses  chants  sacrés  sont  fort  beaux,  et 
son  Traité  d'harmonie  est  un  chef-d'œuvre. 

Et  cependant  Choron  n'avait  pour  tout  cela  qu'une  mince  alloca- 
tion de  quelques  mille  francs,  bien  insuffisante  sans  doute  pour 
subvenir  aux  besoins  de  son  école;  mais  le  zèle  de  cet  homme  était 
si  ardent,  sori  amour  de  l'art  si  incommensurable,  qu'il  venait  à  bout 
des  plus  grandes  impossibilités.  Il  logeait  dans  sa  propre  maison  et 
nourrissait  de  ses  propres  deniers  ceux  de  ses  élèves  appartenant  à 
des  familles  sans  ressources.  Extrêmement  habile  à  deviner  les  vo- 
cations, il  s'arrêtait  souvent  sur  le  seuil  d'un  café  ou  au  milieu  d'une 
rue  pour  écouter  de  petits  chanteurs  ambulants,  et  si  l'enfant  qui 
l'avait  le  plus  frappé  montrait  de  l'àme,  du  goût  et  quelques  dis- 
positions saillantes,  il  l'adoptait  définitivement  et  l'amenait  dans 
son  petit  conservatoire  de  la  rue  de  Vaugirard,  où,  grâce  à  ses  leçons 
et  à  ses  bienfaits,  l'enfant  devenait  un  artiste.  C'est  ainsi  que  cet 
homme  admirable,  qui  fut  mon  premier  guide  et  à  qui  je  suis  heu- 
reux de  pouvoir  donner  un  souvenir,' a  fait  à  lui  seul,  sans  le  secours 
A'aucun  auxiliaire,  l'éducation  complète  et  parfaitement  achevée  d'un 
grand  nombre  d'élèves  des  deux  sexes,  qui,  plus  heureux  que  leur 
maître,  ont  connu  l'aisance  et  la  fortune.  Pour  ne  parler  que  des 
plus  connus,  je  citerai  M.  et  M"''  Hébert,  M.  et  M"'=  Boulanger- 
Kuntzé,  Marié,  Canaple,  Delsarte,  une  foule  de  professeurs  distin- 
gués, et  enfin  les  deux  plus  grands  talents  de  la  scène  française  à 
notre  époque  :  M""  Piachel  et  Duprez. 

Tel  fut  Choron  —  que  l'on  juge  après  cela  le  mérite  du  parallèle. 

Maintenant  le  critique  judicieux  auquel  je  réponds  a-t-il  été  sin* 
cère  et  de  bonne  foi  en  l'écrivant?  je  l'ignore,  ou,  pour  mieux  dire, 
j'en  doute, àmoins  qu'il  n'ait  cru  naïvement  pouvoir  remplacerle  gé- 
nie par  le  talent  vulgaire.  Certes,  si,  pour  continuer  Choron,  il  s'agis- 
sait tout  uniment  de  réunir  un  certain  nombre  de  voix  et  de  les  dresser 
avec  plus  ou  moins  de  succès  à  la  musique  d'ensemble,  il  existe  à 
Marseille  et  en  France  bien  des  professeurs  qui  auraient  droit  à 
l'héritage  de  cet  artiste  célèbre  et  seraient  fondés  à  revendiquer  une 
part  des  hommages  qu'il  reçoit.  Mais  alors  me  demanderez-vous 
peut-être  la  cause,  le  motif,  la  raison  et  le  but  de  ce  rapprochement 
bizarre  de  cette  glorification  inouïe?  Ici  la  question  change  de  na- 
ture et  devient  fort  délicate.  Pour  y  répondre  catégorîquem.ent,  il 
faut  aborder  un  nouvel  ordre  d'idées,  une  série  de  faits  particuliers 
que  je  voudrais  bien  passer  sous  silence;  mais  comme  tout  exorde 
nécessite  une  conclusion;  que  j'ai  promis  de  ne  rien  vous  celer  et  que 
d'ailleurs  la  vérité  tout  entière,  en  celte  occasion,  doit  asseoir  plus 
d'un  doute  et  fixer  l'incertitude  de  quelques  opinions  flottantes,  je 
poursuivrai  jusqu'au  bout  mon  rôle  d'historien  impartial.  Placé  sur 
un  terrain  neutre,  évitant  avec  soin  de  prendre  parti  pour  Fiome  ou 
pour  Carthage,  je  m'abstiendrai  de  toute  manifestation  hostile  ou 
favorable,  afin  de  répandre  quelque  lueur  sur  une  cause  intéressante 
à  plus  d'un  titre  et  dans  laquelle  régnent  depuis  si  longtemps  le 
trouble  et  la  confusion. 

Donc  après  les  effets  la  cause,  voici  le  mot  de  mystérieuse  énigme: 
Fiat  lux!... 


HOTTTEZaLiBS. 

*,"  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  Dom  Sébastien, 

*»*  Dom  Sébastien  est  arrivé  au  dernier  période  de  sa  triste  exis- 
tence :  il  n'a  encore  été  donné  qu'une  fois  cette  semaine  et  n'a  guère 
fait  plus  de  4,000  fr. 


DE  PARIS. 


15 


*,*  Le  directeur  de  l'Académie  royale  de  musique,  M.  Léon  Pillet, 
doit  être  de  retour  demain  à  Paris. 

*,*  Le  Siècle  annonce  que  M.  Meyerbeer  s'est  engagé  envers  le  roi 
de  Prusse  à  écrire  un  opéra  pour  Vouverlure  du  théâtre  et  qu'il 
donnera  probablement  le  Prophète  au  théâtre  de  Berlin.  Il  n'y  a  que 
la  première  partie  de  vraie  dans  cette  nouvelle,  cai  le  P  rophèie  ^t 
destiné  à  l'Académie  royale  de  musique,  qui  représentera  cet  ouvrage 
aussitôt  que  les  circonstances  le  permellront. 

V  M""  Falcon.  est  à  Paris,  et  l'on  assure  qu'elle  a  retrouvé  assez 
de  voix  pour  chanter  dans  un  salon,  mais  non  pour  braver  les  fatlr- 
gués  du  théâtre.  La  célèbre  artiste  a  le  projet  de  se-  consacrer  tout 
entière  à  l'enseignement  de  son  art. 

V  M""  Nau  donne  en  ce  moment  des  représentations  au  grand 
théâtre  de  I.yon.  Elle  y  a  joué  et  chanté  dans  Lucie  de  Lammernioor , 
Roberl-le-Diable,  le  Domino  Noir,  le  Barbier  de  Séville,  le  Philtre  et 
la  Muette. 

V  Un  grand  nombre  de  sociétés  philharmoniques  désirant  mettr« 
à  l'étude  le  fameux  Chœur  national  de  Charles  VI,  l'auteur,  pour  en 
faciliter  l'exécution,  s'occupe  en  ce  moment  de  le  dégager  de  l'action 
scénique  qui  s'y  trouve  mêlée.  Cette  opération  nécessitant  une  gra- 
vure nouvelle  du  morceau  ,  M  paraîtra  très  incessamment  à  quatre 
voix,  solo  et  choeur  avec  accompagnement  d'orchestre. 

*,*  Le  premier  bal  de  l'Opéra,  malgré  le  mauvais  temps,  avait 
attiré  la  foule,  et  la  recette  a  été  des  plus  brillantes.  Dans  la  salle, 
splendidement  éclairée,  les  valses,  les  galops,  se  sont  succédé 
presque  sans  intervalle  jusqu'à  six  heures  du  matin.  Le  couloir  des 
premières  loges,  débarrassé  d'un  énorme  tambour  qui  l'encombrait 
tout  dernièrement  encore,  et  le  foyer,  si  brillamment  garni  de  tapis, 
de  tentures  de  velours,  de  glaces  et  de  fleurs,  n'ont  pas  cessé  de 
réunir  une  société  d'élite  ,  où  l'œil  exercé  cherchait  avec  enchante- 
ment d'élégants  et  mystérieux  dominos ,  se  donnant  discrètement ,  à 
l'abri  du  masque ,  les  libertés  du  carnaval ,  comme  la  bonne  compa- 
gnie se  les  permet.  Grâce  enfin  à  des  ventilateurs  d'un  mécanisme 
des  plus  simples  et  pourtant  des  plus  actifs,  l'air  a  été  facilem  eut 
renouvelé  pendant  toute  la  nuit ,  et ,  malgré  la  foule  ,  personne  n'a 
été  incommodé  par  la  chaleur. 

*.•  Aujourd'hui  dimanche  ,  par  extraordinaire,  le  Théâtre-Italien 
donnera  Don  Pasquale,  chanté  par  Lablache ,  Mario ,  Ronconi  et 
M"'  Grisi. 

•,*  La  substitution  des  Deux  Voleurs  à  Blina  ,  qu'une  indisposi- 
tion de  M"=  Darcier  empêchait  de  donner,  avec  le  Déserteur,  a 
excité  cette  semaine  un  certain  tumulte  à  l'Opéra-Comique.  Les 
mécontents  étaient  dans  leur  tort,  puisque  l'affiche  du  théâtre  an- 
nonçait le  changement  forcé  de  spectacle. 

%•  M.  Saint-Hilaire,  auteur  dramatique  connu  par  de  nombreux 
succès,  vient  d'être  engagé  par  M.  Crosnier  pour  remplir  les  fonc- 
tioios  de  directeur  de  la  scène.  lia  été  stipulé  daas  l'engagement  que 
M.  Saint-Hilaire  renonçait  à  faire  acte  d'auteur  au  théâtre  de  l'O- 
péra-Comique. 

*,"  M.  Ducis,  ex-directeur  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  vient 
de  mourir  dans  un  âge  peu  avancé.  Il  était,  comme  on  sait,  neveu 
du  grand  poëte  tragique  dont  il  portait  le  nom.  Il  avait  repris  avec 
éclat  la  carrière  militaire,  et  s'était  distingué  en  Afrique.  Il  a  suc- 
combé à  une  hypertrophie  du  cœur.  C'est  la  même  maladie  qui  tout 
récemment  a  enlevé  Génot. 

*,*  La  Société  des  concerts  tiendra  aujourd'hui  sa  première  séance 
au  Conservatoire.  On  y  exécutera  une  symphonie  nouvelle  de  Men- 
delssohn. 

%*  L'assemblée  générale  de  l'association  des  artistes-musiciens 
aura  lieu  dimanche,  21  janvier,  à  onze  heures  du  malin  dans  la  salle 
de  l'Ecole  lyrique,  rue  de  la  Tour-d'Auvergne,  18. 

%*  Lj  cérémonie  publique  pour  l'inauguration  du  nt.on«meal  de 
Moftère  aura  lieu  demain  lundi  à  deux  heures. 

*,*■  L'Académie  dos  Eeaux-'Arts  a  nommé,  pour  vice-président, 
M.  Halévy.  M.  le  baron  Desnoyers  ,  vice-président  de  1843,  devient 
président  à  la  place  de  M.  Blondel.  Ont  été  réélus  membres  de  la 
commission  centrale  administrative  de  l'Institut,  MM.  Debret 
et  Hnvé. 

*,*  Guido  et  CitKVfa,  d'Halévy,  vient  d'être  représenté  le  5  de  ce 
mois  à  Vienne ,  sur  le  théâtre  de  la  porte  de  Carinthie.  L'adminis.- 
tration  avait  fait  de  grands  frais  pour  la  mise  en  scène  de  ce  bel  ou- 
vrage. Nous  avons  sous  les  yeux  une  lettre  de  Donizetti  qui,  en 
loyal  confrère,  constate  lui-même  le  succès.  Plusieurs  morceaux  ont 
enlevé  tous  les  suÉFrages.  Staudigl  et  M"»  Lutzer  se  sont  particulié- 
lement  distingués. 


*,"  M.  Charles  Pollet,  le  harpiste,  doit  donner  un  concert  samedi 
prochain,  20  courant,  dans  la  salle  de  Herz.  On  assure  que  le  pro- 
gramme de  ce  concert  sera  remarquable. 

*,*  On  annonce  quel'héritier-légitime  deM"=  Thévenin,  ancienne 
danseuse  de  l'Opéra,  dont  on  avait  du  reste  exagéré  beaucoup  la 
fortune,  est  enfin  trouvé,  et  qu'il  remplit  les  fonctions  de  coiffeur  au 
théâtre  des  Célestins  à  Lyon. 

\*  M.  Ernst  s'est  décidé  de  passer  cet  hiver  à  Paris  ;  il  vient  de  pu- 
blier son  célèbre  Carnaval  de  Venise,  qu'il  fera  suivre  incessamment 
de  ses  Caprices  sur  le  Pirate.  Sans  nul  doute  le  célèbre  et  trop  mo- 
deste violoniste  fera  entendre  incessamment  ces  morceaux  dans  un 
concert,  que  le  public  attend  avec  impatience. 

*.*  Doehler  est  à  Marseille ,  et  on  ne  se  lasse  de  l'applaudir.  11  ira 
de  là  à  Toulouse,  à  Montpellier  et  à  Lyon,  et  sera  de  retour  à  Paris 
vers  le  16  février. 

*,*  M.  et  M"""  Iweins  d'Hennin  viennent  de  donner  à  Anvers  un 
brillant  concert  qui  a  été  précédé  d'une  soirée  au  pmfit  des  pauvres. 
Ces  deux  artistes,  dont  le  voyage  en  Hollande  a  excité  tant  de  reten- 
tissement ,  seront  bientôt  de  retour  à  Paris  ;  mai  s  ils  donneront  en- 
core des  concerts  sur  leur  roule,  à  Lille,  Gand  et  Arras,  où  les  bril- 
lants succès  lie  leur  manqueront  pas. 

*,*  M"'  Loveday,  connue  comme  une  de  meilleures  pianistes  ,  ou- 
vrira de  nouveau  ses  salons,  sous  peu  de  jours.  La  première  de  ses 
intéressantes  matinées  aura  lieu  le  18  janvier. 

*♦"  M.  Lacombe,  le. jeune  et  brillant  pianiste,  est  à  Bordeaux,  où 
déjà  il  a  joué  dans  les  plus  brillants  salons.  Il  doit  donner  incessam- 
ment un  concert  dont  nous  rendrons  compte. 

V  Le  2&  décembre  dernier,  on  a  exécuté  à  Bordeaux,  sous  la  di- 
rection deM.  Amlrevi ,  la  belle  messe  de  Noël ,  deLesueur 

»,*  Une  feuille  dit  que  la  nouvelle  fantaisie  de  H.  Herz  sur  Don 
Pasquale  a  o'itenu  un  succès  tel  que  plusieurs  éditions  ont  été  épui- 
sées en  peu  de  jours.  Nous  voudrions  bien  savoir  si  cette  fantaisie 
existe:  jamais  nous  n'en  avons  entendu  parler. 

V  Le  dernier  ouvrage  de  Mercadanle,  Il  Régente,  n'a  point  été 
goûté  à  Trieste  à  la  première  représentation  ;  la  salle  était  vide  lors- 
qu'on donna  cet  opéra  ,  plus  que  médiocre,  pour  la  troisième  fois. 

",*  L'opéra  nouveau  d'Alogs  Scbmilh  :  La  fêle  du  sacrifice  à  Pa- 
derhorn ,  a  été  représenté  déjà  six  fois  à  Francfort ,  et  le  succès  a 
augmenté  à  chaque  représentation. 

*,*  L'Opéra  National  de  Hongrie  fait  des  progrès  rapides ,  et  pro- 
met incessarhment  deux  opéras  nouveaux,  écrits  en  langue  hon- 
groise. 

V  Nous  lisons  dans  l'Impartial  de  Besançon  des  réflexions  fort  ju- 
dicieuses sur  l'état  critique  des  théâtres  lyriques  de  province.  L'au- 
teur en  indique  la  cause  avec  beaucoup  de  sagacité  :  il  pense  que  le 
remède  n'en  saurait  être  cherché  ailleurs  que  dans  le  retour  à  l'ex- 
pression vraie  et  simple ,  dans  la  proscription  de  ce  vain  luxe  de  vo- 
calisation, de  roulades,  de  fioritures,  que  l'on  paie  si  cher,  et 
qui  n'enrichit  personne.  Le  fait  est  que  les  directeurs  de  pro- 
vince se  trouvent  fatalement  placés  entre  les  exigences  des  artistes 
et  celles  du  public  :  soit  qu'ils  résistent  ou  qu'ils  cèdent ,  leur  ruine 
est  assurée.  Certainement  il  y  a  là  un  mal  trop  sérieux  pour  que  les 
hommes  raisonnables  ne  travaillent  pas  de  tout  leur  zèle  à  en  amener 
la  fin. 

V  Le  monument  de  Molière  a  fourni  à  M.  Tolbecque  l'idée  d'un 
joli  quadrille  dans  le  style  du  temps  de  Louis  XIV:  les  Femmes  sa- 
vantes,  ainsi  qu'à  M.  Burgmiiller  une  gracieuse  valse  :  M.  Pour- 
ceaugnac. 

*,*  Les  cours  de  piano,  solfège  et  dictée  musicale,  rue  de  Lille, 
3  ii*,  viennent  d'ouvrir  leur  dixième  année,  sous  la  direction  de 
M.  et  M"'=  H.  Couvreur.  Ces  cours  se  recommandent  surtout  par  la 
variété  des  connaissances  musicales  que  les  élèves  y  acquièrent  et 
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GAZETTE  MUSICALE 


MM.  ANDERS,  G.  BENEDIT,    BERLIOZ,  Henbi  BLANCHARD, 

MiDBICE  BOURGES,  F.  DANJO0,  DCESBER6,  FÉTIS  père,  ÉoODABD  FÉTIS ,  J.  JANIN,  KASTNER, 

LISZT,  GEORGE  SAND,  D'ORTIGCE,  L.  RELLSTAB,  PAOL  SMITH,  A.  SPECHT.  etc. 

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IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GATARNI. 
Le    1*'   et   le    15  de  chaque  mois  on   recevra  nn  morceau   de  musique. 


SOMMAIRE.  Concert  donné  par  un  enfant  de  trois  mois.  —  L'Ac- 
trice et  l'Étudiant  (2'  article);  par  H.  DLANCHAKD.  —  Théâtre- 
Italien  :  Anna  Bolena.  Il  Barbiere.  — Société  des  concerts.  Pre- 
mière matinée;  par  STEPHEN  HELLEU.  —  Association  des 
arlistes-musiciens.  —  Nouvelles.  —  Annonces. 


COIERT  DOfflÉ  PAR  UN  EKFANT  DE  TROIS  MOIS 


(0 


aignez  remarquer, 
mesdames  et  mes- 
sieurs ,  que  ce  con- 
cert n'a  rien  de  pré- 
paré, qu'il  n'y  a  pas 
la  moindre  mécani- 
■  que  dans  cet  enfant ,  pas  le  moindre  res- 
§sort  dans  cette  nourrice ,  et  que  le  piano 
n'est  pas  à  double  fond. 
Cet  enfant  est  donc  tout  bonnement  un  pro- 
dige ,  un  phénomène  qui  devance  la  marche 
,  des  années  ;  et  ici  le  mot  est  rigoureusement 
juste ,  car  cet  enfant  exécute  des  concertos  et 
ne  marche  pas  encore  ! 
Je  ne  vous  dirai  pas  sous  quelle  étoile  cet  en- 
fant est  né ,  mais  à  coup  sûr  il  en  a  une  aussi  bien 
que  d'autres  pianistes  beaucoup  moins  jeunes.  Les 
étoiles  luisent  pour  tous  les  pianistes,  jusqu'à  ce 
qu'il  y  ait  plus  de  pianistes  sur  la  terre  que  d'étoiles  au  fir- 
mament. 

Je  ne  vous  dirai  pas  à  quel  sexe  appartient  cet  enfant 
dans  la  crainte  d'inspirer  trop  d'orgueil  à  un  sexe  ou  à  uu 
autre. 

(1)  Dessin  de  Gavarni  joint  au  présent  numéro. 


Je  ne  vous  dirai  pas  non  plus  quelle  espèce  de  musique  il 
exécute,  Dieu  seul  peut  le  savoir!  Mais  je  ne  craindrai  pas  de 
vous  assurer  que  cette  musique  vaut  bien  celle  de  quelques 
musiciens  qui ,  pour  être  plus  grands ,  n'en  sont  pas  moins 
petits. 

Cet  enfant  joue  du  piano ,  et  il  n'a  que  trois  mois  !  S'il  eu 
avait  seulement  six  ou  huit,  ce  serait  la  chose  du  monde  la 
plus  simple,  et  ce  ne  serait  pas  même  la  peine  d'en  parler. 
Depuis  longtemps  nous  avons  changé  la  maxime  :  «  On  naît 
»  compositeur,  mais  on  devient  pianiste.  »  Il  est  évident  que 
c'est  tout  le  contraire  qu'il  faut  dire  :  «  On  na«<  pianiste. ..  » 
puisqu'on  joue  du  piano  en  naissant,  «  on  devient  composi- 
»  teur ,  »  puisqu'on  ne  compose  généralement  qu'après  avoir 
quitté  le  bourrelet  et  les  lisières. 

Cet  enfant  chante!...  on  ne  peut  en  douter  en  le  regar- 
dant. Les  incrédules,  les  envieux  vous  diront  qu'il  crie,  peut- 
être  même  qu'il  braille!...  c'est  le  reproche  bannal  qu'on 
adresse  aux  plus  grands  chanteurs ,  ce  qui  ne  signifie  pas  seu- 
lement aux  chanteurs  plus  grands  que  lui. 

Je  vous  disais  en  commençant  que  ce  concert  n'avait  rien 
de  préparé,  et  en  effet  l'état  des  lieux,  comme  celui  des  per- 
sonnes ,  vous  l'atteste  suffisammenl.  Quoi  de  moins  préparé 
que  cette  chambre  en  désordre ,  dans  un  coin  de  laquelle 
traîne  le  plat  de  bouillie  qui  a  servi  au  déjeuner  de  l'artiste 
et  qui  lui  fournit  ses  plus  belles  inspirations  ?  Quoi  de  moins 
préparé  que  le  costume  de  l'artiste  lui-même ,  dont  le  coips 
est  enmaillotc ,  mais  non  les  bras  ni  le  génie?  Quoi  de  moins 
préparé  que  la  toilelte  de  sa  nourrice ,  assise ,  non  pas  sur  le 
tabouret  vulgaire,  mais  sur  une  pile  de  musique,  seul  trépied 
digne  d'elle  et  de  son  nourrisson? 

Donc,  pas  le  moindre  charlatanisme  !  pas  d'affiches  gigan- 
tesques !  pas  de  programme  illustré  de  vignettes  préten- 
tieuses !  Le  programme  sei  ait  d'autant  moins  utile ,  que  le 
concert  de  notre  artiste  est  une  improvisation  perpétuelle, 
en  dépit  du  cahier  placé  sur  le  pupitre  ,  et  dont  il  détourne 


BUREAUX   D'ABONNEMENT,    RUE   RICHEXIEr,    97. 


18 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


les  yeux.  Élève  de  la  nature ,  il  ne  joue  et  ne  cbante  que 
d'après  ses  leçons.  Cependant  la  foule  accourt  pour  l'enten- 
dre !  Vous  la  voyez  qui  se  presse  de  l'antre  côté  du  piano , 
immobile  d'admiration  ,  d'étonnement ,  d'enthousiasme  ! 
Cette  foule-là  est  d'une  ressemblance  frappante.  Gavarni  ne 
l'a  pas  inventée  :  il  l'a  observée ,  et  vous  la  retrouverez  à 
quelques  concerts  donnés  par  des  virtuoses ,  dont  la  plupart 
ont  besoin  ,  pour  l'attiier ,  de  recourir  à  des  moyens  plus 
extraordinaires  que  notre  virtuose  de  trois  mois  !  Quand  le 
crayon  s'exprime  avec  tant  d'éloquence ,  il  ne  reste  à  la  plume 
qu'à  se  croiser  les  bras  ,  mettre  les  mains  dans  ses  poches,  et 
se  promener  la  canne  à  la  main. 

P.  S.  —  A  propos  d'ingénieux  dessins,  je  ne  vous  ferai 
pas  l'injure  de  vous  demander  si  vous  avez  admiré ,  di- 
manche dernier ,  le  titre  du  Diable  rouge ,  ce  charmant  al- 
bum contenant  des  valses  de  Strauss ,  Lanner  ,  Labitzky ,  et 
offert  aux  abonnés  de  la  Gazette  mvsicale.  Que  d'imagina- 
tion ,  que  d'audace  dans  ce  titre  énigmatique  et  presqu*  ca- 
balistique, enfanté  d'un  seul  jet  par  Vialon,  avec  ces  lettres 
qui  s'enchâssent  les  unes  dans  les  autres  ,  avec  ces  diablotins 
qui  se  livrent  aux  jeux  les  plus  folâtres  et  se  passent  toutes 
leurs  fantaisies,  à  l'exemple  de  leur  maître  et  seigneur  le 
grand  Diable  rouge  ,  dont  l'infernal  sourire  encourage  leurs 
ébats  !  Ne  voi!à-t-il  pas  encore  un  crayon  qui  s'exprime  de 
manière  à  ce  que  la  plume  se  croie  bien  et  dûment  dispensée 
de  parler  ? 

M.   S. 


L'ACTRICE  ET  L'ETUDIANT  ''. 

II. 

Éelaû'eisseBueiits  nécessaires. 

e  passerai  rapide- 
ment sur  mon  en- 
fance, sur  ma  jeu- 
nesse ,  mon  cher 
docteur,  pour  arri- 
ver à  l'époque  où 
^.,mon  esprit,  mon  cœur,  ma  vie  ont  été 
^f^îïs' brûlés  par  la  passion  du  travail  ou  plutôt 
par  le  travail  d'une  passion  qui  m'a  forcé 
de  voir  de  près,  d'étudier  les  principales  classes 
de  la  société ,  d'en  subir  les  misères  et  de  me 
dégoûter  du  monde.  Cependant  laissez-moi  ra- 
fraîchir un  peu  mes  idées  dans  les  souvenirs 
de  cetempsoù,  parcourantlesbellesmontagnes 
des  Pyrénées ,  mon  imagination  précoce  s'exaltait 
aux  beautés  riches ,  variées  et  pompeuses  de  cette 
nature  grandiose.  Walter-Scott  a  dit  quelque  part, 
avec  cette  justesse  d'observation  qui  le  caracté- 
rise, que  l'homme  né  dans  les  pays  de  montagnes  a  plus  de 
force,  d'élévation  dans  la  pensée  que  l'enfant  de  la  plaine 
dont  les  idées  sont  uniformes  et  plates  comme  le  sol  mono- 
tone qu'il  a  devant  les  yeux,  et  qui  semble  l'inviter  incessam- 
ment à  l'émigration.  Cela  est  vrai,  et  la  création,  la  peinture 
de  ces  énergiques  et  sauvages  montagnards  du  romancier- 
philosophe  le  prouve  poétiquement ,  comme  ceux  de  la  Con- 
vention l'ont  prouvé  politiquement. 


(I)  Voir  le  numéro  2.  —  la  reproduction  de  VAcirice  et  l'Etudiant 
est  interdite,  sous  peine  de  poursuites  en  contrefaçon. 


Mon  père  est  un  de  ces  types  de  montagnards  à  volonté 
forte  et  inébranlable ,  comme  vous  l'avez  remarqué  vous- 
même.  Après  avoir  été  inutilement  tenter  de  faire  fortune 
dans  les  États-Unis  d'Amérique  ,  il  revint  dans  le  pays ,  et  se 
livrant  au  commerce,  commerce  étendu,  vaste,  quoique  vous 
en  disiez ,  et  dans  lequel  il  a  dû  s'enrichir,  il  fit  le  change  des 
piastres  d'Espagne  ,  il  tira  les  laines  mérinos  de  ce  pays  où  il 
envoyait  les  velours  du  Nord ,  joignant  à  ce  négoce  celui  des 
fers  et  des  mules,  achetant  quelquefois,  et  comme  par  ca- 
price, tout  le  bétail  d'un  marché  de  France  ou  d'Espagne, 
ainsi  qu'il  le  fit  un  jour  à  la  foire  de  Barcelone.  Au  reste,  ce 
n'est  que  par  ouï-dire  que  je  vous  parle  de  cela ,  car  mon 
père,  silencieux  avec  moi  comme  avec  tout  le  monde,  faisait 
souvent  de  longues  absences  dont  il  ne  rendait  compte  à  per- 
sonne ,  pas  même  à  ma  mère  lorsqu'elle  vivait.  Je  le  vois  en- 
core vêtu  d'un  habit  de  ce  gros  drap  gris-blauc,  fabriqué  dans 
le  pays ,  coiffé  d'un  bonnet  de  coton  recouvert  d'uu  vieux 
chapeau  en  feutre,  avec  ses  gi'os  souliers  ferrés  aux  pieds 
et  un  bâton  noueux  à  la  main ,  faire  ses  expéditions  dans 
le  pays  chez  les  éleveurs  de  mulets  et  les  maîtres  de  forges. 
Je  l'accompagnais  quelquefois  dans  ces  expéditions,  et  parta- 
geais ses  repas  plus  que  modestes  dans  les  cabarets  où  nous 
déjeunions  avec  le  morceau  de  fromage  qu'il  y  apportait  et 
la  bouteille  de  vin  qu'il  y  consommait  presque  seul.  Il  n'en 
était  point  ainsi  lorsqu'il  recevait  chez  lui  des  marchands  ca- 
talans portant  la  culotte  en  velours  de  coton  de  couleur  ohve, 
serrée  autour  des  reins  par  une  ceinture  rouge ,  et  le  chef 
orné  du  bonnet  en  laine  de  même  couleur,  gens  qui  se  préoc- 
cupaient fort  peu  des  souvenirs  révolutionnaires  que  cela 
pouvait  rappeler  en  France.  Mon  père  mettait  alors  tout  son 
orgueil  commercial  à  bien  recevoir  et  à  donner  une  haute 
idée  de  sa  bonne  hospitalité  à  ces  hommes  cousus  d'or,  comme 
on  disait  dans  le  pays. 

Je  n'eus  pas  longtemps  à  jouir  de  cette  vie  excentrique  et 
du  plaisir  de  me  livrer  à  des  courses  aventureuses  et  solitaires 
dans  mes  belles  montagnes  pendant  les  absences  de  mon  père. 
Un  jour  il  me  fit  appeler  et  me  dit  :  Assez  de  rêvasseries 
comme  ça  ;  assez  chasser ,  vagabonder.  Nous  partons  demain 
pour  Paris  ;  tu  y  termineras  tes  études ,  et  après  tu  y  feras 
ton  droit,  car  je  veux  que  tu  sois  avocat.  Cela  te  sera  néces- 
saire pour  améliorer  le  petit  avoir  que  j'espère  te  laisser,  ou 
débrouiller  les  affaires  embarrassées  cpe  tu  pourras  bien  trou- 
ver après  moi.  Pas  de  paresse,  pas  de  folies;  car,  à  la  pre- 
mière frasque  ,  je  ne  m'occupe  plus  de  toi  et  te  laisse  aller 
tout  seul,  —  Oui ,  mon  père ,  répondis-je  aussi  gravement 
que  me  le  permettait  la  joie  intérieure  que  j'éprouvais  de  voir 
bientôt  la  capitale. 

Je  vous  fais  grâce  de  mon  étonnement  provincial  en  arri- 
vant dans  cette  ville;  cela  a  été  décrit  mille  fois.  Mon  père, 
après  m'avoir  promené  partout ,  me  mit  au  collège  Sainte- 
Barbe  et  partit  en  me  faisant  des  adieux  mélangés  de  ten- 
dresse et  de  stoïcisme,  dans  lesquels  prédominait  toujours, 
et  comme  à  l'ordinaire-,  ce  dernier  sentiment.  Je  compris  en- 
fin, quand  il  m'eut  quitté  ,  que  de  près  ou  de  loin  je  devais 
conduire  ma  bar(iue  par  les  conseils  de  ce  pilote  paternel ,  ou 
m'exposer  à  sombrer  sous  voile  si  je  voulais  naviguer  seul  sur 
l'océan  de  la  vie.  Pardonnez ,  cher  docteur,  cette  figure  am- 
bitieuse à  un  enfant  des  montagnes  :  vous  en  avez  presque  vu 
la  réalisation. 

Je  ne  vous  décrirai  point  la  monotone  et  sotte  existence  du 
collège.  Ce  fut  et  ce  sera  toujours  la  même  chose.  Sainte- 
Barbe  est  une  des  meilleures  maisons  d'éducation  de  Paris. 
Son  seul  défaut  est  d'avoir  produit  beaucoup  d'auteurs  dra- 
matiques, mais  surtout  M.  Scribe.  On  ne  saurait  croire  com- 


DE  PARIS. 


19 


bien  la  destinée  brillante  de  cet  écrivain  facile  a  séduit  de 
jeunes  gens  et  les  a  poussés  dans  la  carrière  dramatique  où 
tant  de  déceptions  les  attendent.  Autrefois  c'étaient  les  jouis- 
sances que  procurait  cette  littérature  facile;  c'étaient  le 
couplet  bien  tourné,  l'épigramme ,  la  satire  politique  ingé- 
nieuse et  fine  qu'on  espérait  formuler  comme  lui  et  jeter  joyeu- 
sement au  public  ;  c'étaient  de  jolies  actrices  à  courtiser,  à 
enseigner;  des  billets  d'auteur  et  defaveur-à  envoyer  sous  le 
pli  d'un  billet  doux  ;  les  applaudissements  enivrants  de  la  foule 
enivrée.  A  présent,  et  sous  l'empire  de  l'esprit  qui  caracté- 
rise notre  époque,  nos  auteurs  en  berbe  ne  sont  touchés  d'a- 
bord ,  et  ne  voient  surtout  en  expectative  que  les  cent  mille 
fi-ancs  de  droits  d'auteur  que  touche  par  an  M.  Scribe,  comme 
l'espoir  d'obtenir  la  même  somme  d'émoluments  annuels 
fait  que  tant  d'autres  qui  se  croient  une  voix  de  ténor  se 
posent  en  malheureux  imitateurs  de  Duprez.  Ajoutez-y  les 
primes,  les  traités  supérieurs,  le  lavage  (1)  des  billets,  vous 
concevrez  que  tout  jeune  homme  qui  s'exalte  déjà  l'imagi- 
nation parla  fumée  du  cigare  soit  impatient  de  se  faire  auteur 
dramatique,  de  voir  le  monde  et  de  quitter  le  collège  d'où  est 
sorti  M.  Scribe,  pour  faire  chanter  à  tous  et  au  même  prix  que 
lui  :  Oui ,  For  n'est  qu'une  chimère ,  etc. 

Incessamment  bercé  des  illusions  de  cette  littérature  am- 
bitieuse, industrielle,  sensuelle  et  lucrative,  qui  dépense  ses 
forces  en  vaines  futilités,  sans  influence  sur  la  marche  de 
resjn-it  humain,  comme  vient  de  le  dire  M.  Arago  devant  la 
statue  de  Molière  ,  je  me  pris  à  rêver  ,  comme  la  plupart  de 
mes  condisciples ,  mon  vaudeville,  mou  lihretto  d'opéra  ,  ma 
comédie  ;  et ,  avec  l'ardeur  qui  me  distingue  en  tout ,  je  ne 
parlai  plus  que  de  sujets  dramatiques ,  de  plans  de  pièces,  de 
scénario. 

N'ayant  point  encore  atteint  dix-huit  ans,  j'avais  terminé 
mes  études  d'une  manière  assez  brillante.  Mon  père,  à  qui  je 
le  fis  savoir,  m'autorisa  à  sortir  du  collège ,  et  me  recom- 
manda d'étudier  le  droit,  mettant  DOiiv  oe^la  faire  cent,  cin- 
quante francs  par  mois  à  ma  disposition  ,  espérant  bien,  m'é- 
crivait-il, que  dans  trois  ans  au  plus  je  serais  avocat,  et  qu'il 
me  verrait  alors  revenir  avec  plaisir.  Ce  titre  d'avocat  ou  ce- 
lui de  médecin  est  le  necplus  ultra  de  l'ambition  paternelle  ; 
c'est  surtout  une  monomanie  générale  des  familles  de  pro- 
vince. D'après  les  idées  riantes  queje  m'étais  faites,  je  ne  pris 
pas  mes  études  en  droit  romain  et  français  avec  beaucoup 
d'enthousiasme  ,  et  je  me  mis  à  fréquenter  les  spectacles  avec 
un  plaisir  qui  allait  toujours  croissant. 

Un  soir  que  j'étais  à  l'orchestre  de  l'Opéra ,  mes  yeux  ren- 
contrèrent ceux  d'une  de  ces  odalisques  factices  ou  réelles  qui 
peuplent  la  scène  de  ce  grand  harem  des  arts.  Ayez  quelque 
indulgence  ,  docteur  ,  pour  le  travers  de  romancier  qui  me 
prend  de  vous  donner  un  aperçu  des  traits  de  cette  femme 
qui  m'a  été  si  fatale  :  plus  tardj'achèverai  son  portrait  intel- 
lectuel ,  la  peinture  non  moins  séduisante  et  non  moins  fatale 
de  son  cœur  et  de  son  esprit.  Ses  regards ,  tout  empreints  de 
la  mollesse  asiatique ,  brillaient  tout  à  la  fois  d'audace ,  de 
fierté ,  et  d'une  indéfinissable  expression  quand  le  sourire  ve- 
nait les  animer.  Je  me  donnerai  même  le  ridicule  complet  à 
vos  yeux  de  vous  décrire  sa  taille  souple,  élancée,  ses  che- 
veux noirs  comme  l'ébène ,  ses  dents  semblables  à  des  perles, 
ce  teint  de  belle  Péruvienne  ou  d'Andalouse  au  teint  bruni, 
dont  nos  poètes  de  romances  ont  tant  parlé  ,  et  que  lord  By- 
ron  préférait  à  cette  pâleur  efféminée  et  sans  caractère  des 
filles  de  la  Grande-Bretagne.  Je  reviendrai  même  sur  ce  re- 
gard qui  rencontra  le  mien ,  et  fit  passer  dans  mon  cœur  ce 

(1)  La  vente  des  billets  d'auteur,  en  argot  dramatique,  ou  en  terme 
du  métier  ou  de  l'art ,  si  l'on  veut. 


fluide  magnétique  ,  mystérieux,  qu'on  appelle  la  sympathie  ; 
ce  sentiment ,  ce  mal ,  ce  bien  ,  cette  commotion  physiolo- 
gique dont  les  médecins  de  l'antiquité ,  Hippocrate  lui-même 
qui  ne  connaissait  pas  l'anatomie ,  n'ont  pas  recherché  le 
principe ,  et  que  dans  la  médecine  moderne  le  profond  Bar- 
thez  ,  Robert  With  ,  Rega ,  Monro  ,  l'abbé  Fontana ,  Stahl , 
Hewson ,  ont  plus  ou  moins  bien  définie.  Un  de  nos  grands 
physiologistes  a  dit  :  Il  serait  à  souhaiter  que  les  médecins, 
les  naturalistes  et  les  philosophes  recherchassent  si  les  sym- 
pathies ne  seraient  point  une  véritable  faculté  imitative,  et  si 
l'imitation  ne  serait  pas  ,  pour  les  êtres  animés ,  ce  que  l'at- 
traction et  les  affinités  chimiques  sont  pour  la  matière  inani- 
mée, le  lien  qui  sert  à  rapprocher  les  individus  destinés  à  for- 
mer les  sociétés. 

Je  vois  votre  élonnement ,  mon  ami ,  en  m'entendant  par- 
ler avec  cette  facilité  d'une  science  qui  a  fait  l'étude  de  toute 
votre  vie  ;  mais  vous  serez  encore  plus  surpris  quand  vous 
saurez  que  ces  connaissances  assez  profondes,  et  bien  d'autres 
encore,  je  les  dois  aux  caprices  de  cette  femme  dont  je  viens 
de  vous  parler.  Et  pour  en  revenir  à  l'impression  qu'elle  fit 
sur  moi  la  première  fois  que  je  la  vis ,  je  vous  dirai  que  je 
restai  fasciné ,  béant  sous  ce  regard  de  basilic.  Dans  les  illu- 
sions de  mon  amour-propre  de  jeune  homme ,  je  me  persua- 
dai que  ce  regard  avait  traversé  les  feux  de  la  rampe  et  qu'il 
avait  sympathisé  avec  le  mien.  Folie  !  Tous  les  jours  d'opéra 
me  voyaient  désormais  à  la  môme  place,  m'enivrant  delà  même 
illusion  ,  du  même  poison.  Combien  de  pauvres  jeunes  gens 
avant  moi  se  sont  bercés  et  se  berceront  encore  après  moi 
d'un  pareil  rêve  !  Dans  mon  humeur  active  et  entreprenante , 
je  n'en  restai  pas  là  ;  je  m'adressai  d'un  air  dégagé  ,  et  cher- 
chant à  cacher  l'émotion  que  j'éprouvais  en  parlant  d'elle,  à 
nos  jeunes  lions,  à  ces  vieux  barons  de  l'empire  à  grosses  lor- 
gnettes et  à  grosse  politesse  qui  forment  le  noyau  des  habi- 
tués de  .l'Opéra,  et  qui,  armés  de  leurs  énormes  jumelles, 
scrutent  avec  une  sorte  de  niaise  lubricité  tous  les  mouve- 
ments des  danseuses. 

Cette  jeune  et  belle  personne?  me  répondit  l'un  d'eux;  elle 
se  nomme  Palmire;  on  prétend  qu'elle  est  d'un  sang  noble. 
Fille  naturelle  ou  peut-être  légitime  d'un  soi-disant  comte  de 
Sabran,  mort  ou  vivant ,  on  ne  sait;  elle  est  entrée  à  l'Opéra 
par  amour  pour  l'art,  dit  en  ricanant  mon  vieil  interlocuteur  ; 
au  reste,  sage!.,  jusqu'à  présent,  ajouta-t-il  avec  une  sorte 
de  gravité  enjouée ,  ironique  même ,  qu'on  aurait  pu  taxer 
d'un  peu  de  fatuité.  Après  avoir  passé  du  corps  de  ballet  dans 
les  chœurs ,  sur  lesquels  elle  est  bien  faite  pour  régner,  pour- 
suivit-il avec  une  prétention  à  la  malice  spirituelle  qui  semblait 
douter  de  mon  aptitude  à  saisir  l'équivoque ,  le  jeu  de  mots, 
cette  nymphe  légère ,  capricieuse  dans  ses  goûts ,  va  pas- 
ser, dit-on,  dans  un  de  nos  théâtres  de  vaudevilles.  Voilà, 
monsieur ,  tous  les  renseignements  que  je  puis  vous  donner 
sur  cette  séduisante  sylphide,  sur  cette  syrène  enchanteresse, 
sur  cette  belle  étoile  qui  pourra  bien  filer  un  de  ces  soirs.  Et 
sur  cela,  ce  monsieur  arrangeant  sa  cravate  et  se  souriant  à 
soi-même,  se  tut. 

Efl'ectivement  je  pus  me  convaincre  le  surlendemain  et 
jours  suivants  que  la  sympathie  de  ma  belle  à  mes  regards  ex- 
tatiques n'était  qu'une  chimère  :  elle  avait  disparu  ! 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 
Henri  Blanchard. 


2-1 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


THEATRE-ITALIEN. 

^mmM,  mmmmwyMa  —  nm  m&mmimmm^ 

nna  Bolena  est  pour 
nous  en  quelque 
sorte  le  point  de 
départ  de  Donizetti. 
Cefutle  mouvement 
qui  révéla  avec  éclat 
%W"k  Paris  la  vie  de  ce  nouveau  maître  ;  et  la 
faveur  dont  sa  jeune  œuvre  fut  entourée 
fut  telle,  qu'on  lui  sut  gré  de  ce  grand 
succès ,  comme  si  les  bonnes  dispositions  du 
public  n'y  fussent  pas  entrées  pour  beaucoup. 
La  vérité  est  qu'Anna  Bolena  a  toutes  les 
qualités  et  quelques  uns  des  défauts  des  pro- 
ductions d'un  talent  vierge.  Les  chants  sont 
frais ,  faciles  ,  présentés  avec  grâce.  La  passion  , 
encore  absente,  est  provisoirement  remplacée 
par  l'élan  ardent  et  sans  but,  l'un  des  plus  inté- 
ressants attributs  de  la  jeunesse.  L'instrumenta- 
tion est  traitée  adroitement ,  pleine  de  saillies  gracieuses  et 
d'un  goût  charmant.  Les  effets  n'ont  pas  beaucoup  de  force; 
mais  cela  flatte  agréablement  l'oreille,  et  l'ensemble  respire 
surtout  un  parfum  de  jeunesse  ,  d'entrain  et  d'humeur  con- 
fiante qui  attire  irrésistiblement;  mais  tout  cela  a  déjà  été  dit 
et  entendu  quelque  part.  On  se  rappelle  Rossini  :  c'est  iné- 
vitable ,  et  n'a  rien  de  blessant  pour  son  continuateur.  Les 
jeunes  gens ,  même  ceux  qui  ont  du  génie ,  doivent  commen- 
cer toujours  par  être  les  élèves  et  les  imitateurs  de  quelqu'un. 
L'important  est  de  le  faire  avec  aisance  et  bonne  grâce  ,  et 
surtout  de  ne  pas  continuer. 

Donizetti  avait  assez  d'étoffe  en  soi  pour  ne  pas  continuer 
l'oeuvre  d'un  autre  ,  et  il  est  vrai  de  dire  qu'à  part  là  forme, 
acceptée  et  presque  imposée  par  toute  l'Europe  ,  et  qui  n'é- 
tait probablement  pour  lui  qu'un  médiocre  souci ,  il  a  sou- 
vent fait  une  musique  à  lui.  Lucia  di  Lammermoor  nous 
paraît  être  jusqu'à  ce  jour  l'expression  la  plus  évidente  de 
l'espèce  d'originalité  qu'il  a  su  se  faire  dans  l'opéra  italien. 
Ce  n'est  pourtant  pas  une  œuvre  complète,  tant  s'en  faut. 
Nous  reconnaissons  seulement  que  le  célèbre  finale  est  une 
magnifique  création  qui  aurait  placé  son  auteur  au  nombre 
des  musiciens  de  génie  de  ce  siècle ,  s'il  eiît  toujours  attendu 
le  moment  favorable  pour  n'admettre  dans  ses  œuvres  que 
des  inspirations  d'un  ordre  aussi  élevé.  Telle  qu'elle  est, 
Litcia  di  Lammermoor,  avec  son  finale,  ses  trois  duos  et  sou 
troisième  acte  si  bien  senti ,  si  pathétique ,  ressemble  un  peu 
à  un  chef-d'œuvre ,  et  c'est  la  pierre  de  touche  que  l'auteur 
doit  appliquer  désormais  à  ses  travaux  pour  en  déterminer  la 
valeur  et  le  titre. 

Les  autres  opéras  bouffes  ou  sérieux  de  Donizetti  ont  été 
fabriqués  avec  une  précipitation  trop  connue ,  trop  prover- 
biale ,  pour  qu'on  doive  s'étonner  de  n'y  trouver,  à  peu  d'ex- 
ceptions près ,  que  des  épreuves  moulées  et  surmoulées  de 
types  primitivement  ébauchés  par  lui.  Ces  types  gracieux, 
élégants,  à  la  tournure  vive  et  aisée,  ont  été  arrangés  avec 
des  ornements  de  bon  goût ,  parure  qu'on  varie  suivant  les 
circonstances;  mais  tout  le  monde  les  reconnaît,  et,  tout  en 
les  retrouvant  avec  plaisir,  les  traite  avec  le  laisser-aller  per- 
mis entre  gens  de  connaissance. 

Il  fut  un  temps  où  Donizetti  se  préparait  à  aborder  la  scène 
française  sérieusement  et  selon  la  gravité  de  l'entreprise.  Les 
preuves  de  celte  préoccupation  et  des  études  qu'il  dut  faire 


pour  s'assimiler  l'esprit  logique  de  l'art  français ,  se  retrou- 
vent toutes  à  son  avantage  dans  les  Martyrs  et  dans  la  Favo- 
rite ;  mais  après  le  succès  de  ces  deux  belles  partitions ,  il  a 
repris  trop  souvent  ses  moules  faciles  et  commodes ,  laissant 
son  génie  presque  toujours  en  repos. 

Aujourd'hui ,  Anna  Bolena ,  que  la  succession  des  œuvres 
de  son  auteur  aurait  suffi  pour  rendre  familière  aux  amateurs, 
n'est  plus  la  promesse  d'un  avenir  qu'on  pouvait  croire  mer- 
veilleux ,  sur  la  foi  d'un  pareil  commencement  ;  c'est  tout 
simjjlement  un  joU  opéra ,  qu'on  écoute  avec  le  même  plaisir 
que  tant  d'autres.  La  première  reprise  avait  été  aussi  défec- 
tueuse que  la  seconde  a  été  satisfaisante.  M""  Grisi  est  tou- 
jours également  bien  dans  le  rôle  d'Anna ,  et  M"°  Nissen  fort 
intéressante  dans  celui  de  Catherine  Seymour.  Fornasari 
donne  l'air  un  peu  cent-suisse  à  Henri  VIII ,  et  sa  voix  ne 
sort  pas  avec  assez  d'égalité  ;  du  reste ,  il  chante  avec  soin  et 
talent.  Salvi ,  tout-à-fait  remis  de  son  indisposition ,  a  enfin 
véritablement  abordé  son  rôle ,  et  s'en  est  acquitté  avec  beau- 
coup de  distinction.  M°"  Grisi  a  été  rappelée. 

Il  Barhiere  s'est  montré  enfin  sous  les  trailsjde  Ronconi." 
Nous  ne  serons  pas  ingrat  pour  Tamburini,  qui  chantait  mer- 
veilleusement la  plus  grande  partie  do  ce  rôle,  et  se  trom- 
pait sur  le  reste  ;  mais  nous  lui  préférons  son  successeur. 
Celui-ci  est  plus  vrai ,  et  chante  même  beaucoup  plus  dans 
l'esprit  de  cette  musique ,  dont  le  spirituel  brio  ne  demande 
pas  à  être  exagéré.  Enfin  Ronconi  y  met  beaucoup  de  grâce, 
de  finesse ,  de  verve  intelhgente ,  de  pétulance  exacte  et  sa- 
vante ,  et  ces  qualités-là  nous  ont  toujours  semblé  indispen- 
sables ,  même  pour  un  Figaro  chantant. 

G.  L.  P. 


SOCIETE  DES  CONCERTS. 

Ipïcmiêre  mottnce. 

^^^^  'hJ.j-y-  elte  première  mati- 
née si  impatiemment 
attendue  a  donc  eu 
lieu  ,  dimanche  der- 
nier ;  et  comme  de- 
puis nombre  d'an- 
Frait  cet  aspect  brillant  et 
s  qu'on  ne  retrouve  plus 
irs  qu'aux  séances  de  la  Société  des 
Là,  point  d'annonces  préliminaires, 
point  de  réclames  ;  aucun  journal  ne  parle  de 
la  solennité  musicale  qui  fera  courir  tout 
Paris.  Une  simple  affiche,  petite  et  mesquine, 
suffit  pour  rassembler  le  grand  nombre  des  fi- 
dèles qui  viennent  entendre  les  sublimes  révéla- 
tions de  Beethoven  ,  Haydn  ,  Mozart ,  Gluck  et 
AVeber,  ces  grands  prophètes  de  la  musique. 
Certainement  il  se  trouve  parmi  les  croyants  de 
la  rue  Bergère  mainte  brebis  égarée;  mais  il  faut  espérer 
qu'on  la  verra  rentrer  avec  le  temps  dans  le  bercail  de  la  vé- 
ritable musique ,  et  je  ne  doute  pas  que  le  repentir  sincère 
d'un  pécheur  ne  soit  plus  doux  au  cœur  de  IM.  Habeneck  que 
l'enthousiasme  fervent  de  mille  croyants  qui  n'ont  jamais 
failli.  Bon  nombre  de  convertis  est  déjà  revenu  par  la  voie  de 
ce  collège,  où  s'enseigne,  s'il  est  permis  de  le  dire,  le  senti- 
ment de  la  grande  musique.  Applaudissons  aux  succès  déjà 
obtenus,  mais  en  même  temps  gardons-nous  de  croire  qu'il 
n'y  a  plus  rien  à  faire. 


DE  PARIS. 


21 


Il  s'agit  ici  plutôt  de  l'éducation  musicale  du  public  que  de 
celle  des  artistes.  Or,  le  développement  du  bon  goût  musical 
dans  le  public,  son  degré  de  capacité,  son  jugement  en  fait 
d'art,  exercent  la  plus  haute  influence  sur  le  sort  des  artistes. 
Je  ne  veux  parler  ici  que  des  artistes  qui  ont  compris  leur 
mission ,  des  artistes  qui  n'existoit  que  pour  exercer  leur 
art,  et  non  de  ceux  qui  n'exercent  leur  art  que  pour  exis- 
ter. Ces  derniers,  il  est  vrai ,  n'ont  aucun  intérêt  h  tra- 
vailler h  la  propagation  du  goût:  bien  au  contraire.  Mais  à 
tous  ceux  qui  aiment  véritablement  leur  art ,  à  tous  ceux 
qui  expient  cruellement  leur  amour  pour  ce  qui  est  su- 
blime ,  à  tous  ces  martyrs  de  la  bonne  foi  et  de  la  conscience 
pure  je  dirai  :  Prêchez  l'évangile  de  saint  Beethoven  et  d'au- 
tres bienheureux  saints  de  notre  religion  ;  ne  vous  laissez  pas 
rebuter  parla  mauvaise  volonté  ot  la  mauvaise  grâce  du  pu- 
blic ,  ce  géant  tant  soit  peu  sourd  qui  se  fâche  s'il  ne  com- 
prend pas  à  l'instant  ce  que  l'on  dit.  Sachez  bien ,  mes  pau- 
vres amis  ,  que  le  public  n'est  pas  aussi  sourd  ni  aussi  mal- 
veillant qu'il  en  a  l'air  ;  seulement  il  faut  savoir  s'y  prendre. 
Son  principal  défaut,  c'est  un  immense  amour-propre  ;  il  croit 
pouvoir  juger  en  une  heure  ce  qu'un  homme  de  savoir  et  de 
talent  a  médité  pendant  des  mois ,  que  dis-je?  pendant  toute 
sa  vie;  et  cela  ,  je  suppose  ,  entre  un  déjeuner  mal  digéré  et 
une  partie.de  plaisir  au  bois  de  Boulogne!  Toutefois,  il  ne 
faut  pas  trop  en  vouloir  au  public  s'il  ne  saisit  pas  du  premier 
coup  les  beautés  d'une  œuvre  d'art.  Revenez  è  la  charge  deux, 
trois  fois,  dix  fois  ;  peu  à  peu  il  se  familiarisera  avec  l'œuvre, 
elle  n'aura  plus  de  beauté  voilée  pour  lui  ;  elle  lui  apparaîtra 
dans  toute  sa  splendeur  et  telle  que  l'auteur  l'a  créée. 

Tout  ceci  est  applicable  aux  artistes  éminents  qui  com- 
posent l'orchestre  des  concerts  du  Conservatoire.  C'est  un 
beau  rôle  que  celui  qui  leur  est  échu,  et  qui  consiste  à  inter- 
préter devant  un  public  en  partie  artiste,  en  partie  néophyte, 
ce  que  notre  art  a  produit  de  remarquable.  Tout  véritable 
amateur  de  musique  a  dû  voir  avec  plaisir  que  le  répeitoire 
de  la  Société  commence  à  s'agrandir.  Cette  fois  l'orchestre 
exécutait  une  symphonie  de  F.  Mendelssohn  ,  choisie  par 
M.  Habeneck.  Déjà  l'on  avait  exécuté ,  il  y  a  doux  ans  et 
l'année  dernière  aussi,  des  fragments  de  l'oratorio  de  Saint- 
Paul  et  l'ouverture  de  la  Grotte  de  Fingal,  du  même  au- 
teur. Le  chœur  en  mi  bémol  de  l'oratorio  a  obtenu  tout  d'a- 
bord un  grand  et  beau  succès.  L'ouverture  de  la  Grotte  de 
Fingal  n'a  été  dignement  appréciée  qu'après  la  deuxième  ou 
troisième  audition  :  c'est  que  les  beautés  de  cette  ouverture 
sont  moins  saisissables  que  celles  du  chœur;  c'est  que  l'ad- 
mirable tissu  de  combinaisons  harmoniques  et  rhythmiques 
empêche  la  pensée  mélodique  de  parvenir  aussi  vite  aux 
oreilles  peu  exercées.  Il  était  de  toute  justice  de  faire  entendre 
an  public  du  Conservatoire  une  symphonie  d'un  compositeur 
devenu  populaire  en  Allemagne  et  en  Angleterre.  Celle  qu'on 
a  exécutée  dimanche  dernier  (N°  3  en  la  mineur)  se  com- 
pose de  cjuatre  morceaux  qui ,  selon  l'intention  de  l'auteur, 
doivent  être  joués  sans  l'interruption  ordinaire  après  chaque 
partie.  Ils  sont  intitulés  :  1°  Introduction  et  allegro  agitato; 
2°  Scherzo  assai  vivace  ;  3°  Adagio  cantabile  ;  W  Allegro 
guerriero  el  finale  maestoso.  Il  est  difficile, 'sinon  impossible, 
de  donner  une  idée  juste  d'un  ouvrage  d'une  telle  portée  en 
disséquant  une  à  une  toutes  les  parties  dont  il  se  compose. 
Rien  de  si  aride ,  de  si  triste ,  que  de  citer  tel  ou  tel  accord , 
telle  ou  telle  mesure  ou  modulation.  Quant  aux  pensées  mé- 
lodiques, comment  les  définir,  comment  les  expliquer?  Le 
moyen  d'analy.ser  les  mille  et  une  combinaisons  mélodiques, 
rhythmiques  et  harmoniques  d'une  œuvre  de  cette  étendue! 
Je  ne  veux  donc  pas  entrer  ici  dans  de  longs  détails  aussi  fa- 


tigants qu'inutiles.  Quelques  mots  seulement  suffiront,  et 
une  seconde  audition  de  l'œuvre  fera  le  reste. 

L'œuvre  nouvelle  me  semble  avoir  quelque  peu  dérouté  le 
pubHc  du  Conservatoire  ;  et  'si  je  dis  le  public ,  je  sous-en- 
tends  aussi  bon  nombre  d'artistes.  C'est  que  la  symphonie  de 
Mendelssohn  est  bien  en  effet  une  œuvre  à  lui  ;  c'est  que 
chaque  note  en  est  marquée  à  son  nom,  comme  pour  prouver 
sa  propriété.  Qu'on  ne  s'attende  donc  ni  à  une  symphonie 
de  Haydn  ,  ni  de  Mozart ,  ni  de  Beethoven.  Que  ceci  paraisse 
une  condamnation  aux  uns  ;  les  autres  y  verront  le  plus  bel 
éloge.  En  effet ,  Mendelssohn  ,  après  s'être  appuyé  sur  les 
œuvres  des  grands  maîtres  de  l'art ,  est  devenu  lui-même 
point  d'appui  d'une  jeune  école.  Il  a  su  obéir  aux  préceptes 
sévères  des  maîtres,  et  c'est  ainsi  qu'il  est  parvenu  à  son  tour 
à  faire  des  lois.  Il  s'est  concilié  la  sympathie  de  la  plupart  des 
jeunes  compositeurs,  et  leurs  ouvrages  attestent  la  vérité  de 
cette  puissance  attractive. 

Or  ,  cette  puissance  est  une  preuve  irrécusable  d'un  grand 
talent ,  et  surtout  d'une  originalité  vraie ,  que  nous  recon- 
naissons dès  la  première  mesure.  Écoutez  plutôt  cette  in- 
troduction de  la  symphonie  ;  de  qui  peut-elle  émaner ,  cette 
phrase  si  douce ,  si  élégiaque ,  si  limpide ,  sinon  de  Félix 
Mendelssohn  ?  Voilà  bien  son  tour  mélodique ,  son  faire 
simple  et  ingénieux  à  la  fois  ,  qui  vous  a  si  doucement  ému 
dans  les  romances  sans  paroles.  Vous  le  trouvez  ainsi  tout 
entier  dans  chaque  phrase  et  dans  chaque  morceau. 

iN 'est-ce  pas  un  bien  attrayant  tableau  que  celui  qui  se  dé- 
roule dans  ce  premier  allegro  agitato?  N'est-ce  pas  toute 
■une  vie  idyllique  où  les  jours  d'orage  ne  manquent  pas? 

Le  morceau  suivant,  en  /(/majeur,  est  vm scherzo  bien  gra- 
cieux ,  qui  étincelle  de  mille  feux  comme  un  diamant  ;  il  est 
enchâssé  dans  une  instrumentation  du  travail  le  plus  fini ,  le 
plus  complet.  Le  troisième  morceau  est  un  adagio  {la  ma- 
jeur), dont  la  première  phrase  a  vivement  impressionné  l'au- 
diloh-e.  Rien  ne  peut  égaler  le  charme  de  celte  phrase,  reprise 
!   plus  tard  par  les  violoncelles ,  si  ce  n'est  le  thème  du  premier 
morceau  ,   également  reproduit  à  la  seconde  reprise  par  les 
:  violoncelles;  l'effet  en  est  saisissant.  Le  dernier  morceau  est 
I   un  allegro  vicacissimo  {la  mineur) ,  plein  de  vigueur  et  de 
fougue.  On  y  a  particulièrement  remarqué  une  tenue  de  vio- 
I  Ions  et  de  basses  sur  la  quinte ,  tandis  que  la  clarinette  re- 
I   produit  le  second  thème  du  finale  ,  d'abord  seule  ,  puis  avec 
j   la  seconde  clarinette ,  et  le  basson  qui  reprend  à  son  tour  le 
thème  en  manière  de  dialogue.  Tout  cela  doit  être  dit pia- 
]   iiissimo  ,  et  prépare  au  dernier  allegro  maestoso  assai  {la  ma- 
jeur), qui  arrive  comme  un  chœur  final ,  large  ,  grandiose  , 
d'une  sérénité  douce  et  majestueuse  à  la  fois. 

L'orchestre  de  Mendelssohn  est  original ,  et  lui  appartient 
en  propre  comme  sa  musique.  Il  y  règne  souvent  ce  bruisse- 
ment mystérieux ,  indéfinissable ,  qui  se  fait  remarquer  dans 
presque  toutes  ses  ouvertures ,  surtout  dans  celle  de  la  Grotte 
de  Fingal.  Cela  est  neuf ,  saisissant,  digne  enfin  d'un  grand 
maître. 

Le  public  a  très  bien  accueilli  le  premier  morceau ,  le 
début  de  \' adagio  et  le  finale;  mais  il  n'a  pas  été,  ce  me 
semble  ,  à  la  hauteur  de  l'ouvrage.  Cette  symphonie  par- 
tagera le  sort  de  l'ouverture ,  jouée  l'hiver  dernier  :  le  public 
la  sentira  mieux  à  une  seconde  audition,  indispensable  à  l'in- 
telligence d'une  œuvre  de  cette  valeur  ,  et  que  M.  Habeneck 
ne  voudra  pas  refuser  à  tous  ceux  qui-  s'y  intéressent ,  je  ne 
dirai  pas  qui  devraient  s'y  intéresser. 

L'exécution  a  été  généralement  telle  qu'on  a  l'habitude  de 
la  trouver  au  Conservatoire  ;  cependant  il  me  semble  que 
certaines  parties ,  surtout  dans  le  premier  morceau  et  le 


22 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


scherzo,  auraient  pu  atteindre  un  plus  haut  degré  de  perfec- 
tion dans  l'ensemble.  Le  mouvement  du  dernier  allegro 
maestoso  cissai  m'a  paru  un  peu  trop  rapide ,  et  le  scherzo  un 
peu  trop  lent. 

Je  serai  plus  court  avec  le  reste  du  programme  ,  attendu 
que  les  morceaux  en  étaient  connus  de  tout  le  monde.  Ces 
morceaux  consistaient  en  un  Sa7icliis  et  Benedictvs  de  la 
messe  en  si  bémol  majeur,  de  Haydn ,  en  une  marche  et 
chœur  des  Ruines  d'Athènes,  de  Beethoven ,  en  un  concerto 
pour  trombone  solo,  avec  orchestre,  et  en  une  symphonie 
(n°  3,  en  sol  majeur)  de  Haydn. 

Le  Benedictus  de  Haydn  a  été  très  bien  chanté  et  a  fait 
beaucoup  de  plaisir.  On  sent  que  l'immortel  musicien  a  dû 
être  bon  catholique ,  non  pas  de  ces  catholiques  pleins  d'un 
mysticisme  rêveur  et  farouche.  Point  de  jeûnes,  point  de  ci- 
lice  ,  point  de  flagellations  :  tout  cela  est  bon  pour  les  pé- 
cheurs bourrelés  de  remords.  Haydn  aimait  plutôt  Dieu  qu'il 
ne  le  craignait  ;  il  avait  des  raisons  pour  se  croire  sur  un  bon 
pied  avec  la  Providence. 

Les  Ruines  d'Athènea,  opéra  ou  plutôt  mélodrame  du 
poëte  allemand  Kotzebue  (l'auteur  de  Misanthropie  et  Re- 
pentir,  de  larmoyante  mémoire)  fut  joué  la  première  fois  à 
Pesth ,  en  Hongrie ,  pour  l'inauguration  de  la  nouvelle  salle 
de  spectacle.  Pour  donner  plus  d'éclat  à  cette  solennité ,  on 
engagea  Beethoven  à  écrire  l'ouverture ,  les  entr'actes  et  les 
chœurs  du  mélodrame. 

La  marche  avec  chœurs  que  l'on  a  exécutée  dimanche  der- 
nier est  d'un  bel  effet ,  quoique  toute  cette  musique  des 
Ruines  d'Athènes  n'approche  pas ,  tant  s'en  faut ,  des  autres 
œuvres  du  grand  homme.  Il  y  a,  dans  le  plus  petit  morceau 
de  ses  sonates  pour  piano  ,  plus  de  puissance  et  plus  d'origi- 
nalité que  dans  cette  composition.  Cependant  il  s'y  trouve  de 
belles  choses ,  et  même  l'auteur  de  Fidelio  s'y  reconnaît  à  un 
passage,  mais  c'est  comme  à  travers  un  brouillard.  Le  grand 
homme  avait  alors  le  regard  tourné  vers  un  nouveau  monde, 
et  méditait  la  neuvième  symphonie  !  J'ai  oublié  de  dire  que 
le  chœur  des  Ruines  d'Athènes  a  été  redemandé. 

Le  concerto  pour  trombone ,  composé  par  David ,  a  été 
exécuté  par  M.  Beicke  ,  premier  trombone  du  roi  de  Prusse. 
Cet  artiste  ,  qu'on  a  pu  juger  excellent  musicien ,  malgré 
l'émotion  visible  qui  le  dominait,  a  bien  rendu  la  composition 
bien  écrite  de  M.  David,  de  Leipzig.  Le  public  a  reconnu  l'es- 
timable talent  de  M.  Beicke  ;  mais  il  faut  avouer  qu'un  con- 
certo de  trombone  a  quelque  chose  qui  approche  du  genre 
prohibé  entre  tous  les  genres  ,  quelque  chose  de  si  lugubre  , 
que  les  virtuoses  qui  jouent  de  cet  instrument  devraient  en- 
voyer des  lettres  de  faire  part ,  dans  le  style  de  celles  qu'on 
expédie  pour  convier  aux  services  et  enterrements. 

La  charmante  symphonie  de  Haydn ,  cette  causerie  spiri- 
tuelle et  aimable,  a  été  fort  goûtée  du  public.  L'andante  avec 
variations  a  été  bissé  et  couvert  d'applaudissements  frénéti- 
ques. Il  est  juste  de  dire  que  l'exécution  en  a  été  admirable. 

Maintenant ,  nous  attendons  avec  impatience  ce  que  les 
autres  concerts  nous  donneront.  La  Société  nous  doit  une 
symphonie  de  Beethoven ,  et  le  public  semblait  douloureuse- 
ment affecté  de  son  absence  ;  mais  il  y  a  tant  de  belles  choses 
encore  à  faire  connaître  !  Il  y  a  par  exemple  l'ouverture  de 
la  Belle  Melusine  de  Mendelssohn  ;  une  nouvelle  symphonie 
pour  deux  orchestres ,  par  Spohr;  une  symphonie  d'un  jeune 
Danois ,  nommé  Gade ,  qui  vient  d'obtenir  le  plus  grand  suc- 
cès en  Allemagne  ;  puis  enfin  une  symphonie  de  Robert 
Schumann  de  Leipzig.  En  effet ,  pourquoi  de  pas  faire  con- 
naître ce  qui  se  produit  de  remarquable  dans  le  pays  classique 
de  la  musique  instrumentale  ? 


Je  viens  d'énumérer  quelques  nouvelles  compositions  qui 
pourraient  être  présentées  au  public  cet  hiver  ,  tout  en  con- 
tinuant, cela  va  sans  dire,  le  culte  consacré  aux  œuvres  des 
grands  maîtres.  Mais  il  existe  de  par  le  monde  un  composi- 
teur qui  devrait  être  l'orgueil  de  ses  compatriotes ,  et  dont  le 
nom  ,  retentissant  partout ,  ne  brille  jamais  sur  l'affiche  des 
concerts  du  Conservatoire.  Pourtant  les  compatriotes  de  ce 
compositeur  sont  des  Français ,  et  les  musiciens  de  ces  con- 
certs forment  le  premier  orchestre  du  monde  ,  comme  leur 
directeur  est  un  des  chefs  les  plus  habiles  et  les  plus  savants. 
Je  demanderai  donc  pourquoi  l'on  n'entend  jamais  aux  con- 
certs du  Conservatoire  une  symphonie  ou  une  ouverture 
d'Hector  Berlioz  ?  Il  me  semble  pourtant  que  c'est  là  un  beau 
nom ,  et  que  la  symphonie  à'Harold  et  celle  de  Roméo  et 
Juliette  sont  de  belles  œuvres. 

Comment  la  première  institution  musicale  de  la  France 
hésiterait-elle  encore  longtemps  à  exécuter  les  œuvres  du 
premier  compositeur  instrumental  français  ?  Faudra-t-il  que 
Berlioz  prenne  le  parti  d'aller  dormir  de  ce  long  sommeil  qui 
change  subitement  les  ennemis  les  plus  acharnés  en  panégy- 
ristes enthousiastes  ?  Une  fois 'mort,  il  vivra  long-temps,  j'en 
suis  certain.  Le  cri  :  Berlioz  est  mort  !  fera  surgir  mille  voix 
qui  crieront  :  Vive  Berlioz  ! 

Stephen  Heller. 


ASSOCIATION  DES  ARTISTES  MUSICIENS. 

j'est  aujourd'hui  dimanche  ,  à  onze  heures  du 
matin  ,  que  cette  association ,  qui  ne  compte 
,  encore  qu'mie  année  d'existence,  doit  tenir  sa 
I  première  assemblée  générale.  Il  n'est  donc  pas 
sans  à  propos  ni  sans  importance  d'indiquer  ici , 
d'après  le  pacte  fondamental,  quel  doit  être  le  ca- 
ractère de  cette  réunion  encore  sans  précédent. 
Aux  termes  de  l'article  12  des  statuts,  approu- 
vés par  chaque  sociétaire ,  à  son  entrée  dans  l'associa- 
tion ,  l'assemblée  générale  n'a  pas  de  mission  délibérante. 
Elle  est  uniquement  convoquée  pour  entendre  le  compte- 
rendu  des  travaux  du  comité  pendant  l'année  qui  vient  de 
s'écouler ,  et  pour  procéder  par  voie  de  scrutin  secret ,  soit 
au  remplacement,  soit  à  la  réélection  des  neuf  membres  dé- 
signés par  le  sort,  comme  devant  sortir  du  comité. 

Là  se  bornent ,  d'après  les  statuts ,  le  pouvoir  et  l'action  de 
l'assemblée  générale.  Du  reste,  c'est  au  comité,  renouvelé 
chaque  année  par  cinquième ,  à  discuter ,  à  examiner,  à  ap- 
profondir toutes  les  questions  qui  intéressent  l'état  présent  et 
futur  de  l'association.  Si  quelque  sociétaire  croit  avoir  des 
observations  à  faire,  des  réclamations  à  présenter,  c'est  au 
comité  qu'il  doit  les  soumettre,  en  les  faisant  valoir  lui- 
même  ,  ou  en  les  faisant  soutenir  par  les  membres  de  son 
choix. 

En  un  mot ,  l'assemblée  générale  de  l'association  offre  une 
similitude  à  peu  près  complète  avec  le  corps  électoral  chargé 
de  nommer  ses  représentants  à  la  chambre  des  députés. 

Le  corps  électoral  n'a  d'autre  droit  que  celui  de  nommer 
des  repi'ésentants  :  les  représentants  nommés  délibèrent ,  dis- 
cutent et  décident. 

La  charte  fondamentale  de  l'association  des  artistes  musi- 
ciens n'offre  donc  rien  de  contradictoire  avec  celle  qui  sert 
de  base  à  noire  régime  constitutionnel ,  puisqu'elle  est  faite 
à  son  image. 

Tous  les  membres  de  l'association  ont  accepté  cette  charte; 
ils  l'ont  sanctionnée  en  apposant  leur  signature  à  côté  des 


DE  PARIS. 


23 


statuts  :  ils  ne  sauraient  la  renier  aujourd'hui ,  ni  chercher  en 
aucune  façon  à  lui  porter  atteinte;  car  le  premier  principe 
d'un  régime  constitutionnel,  c'est  de  respecter  la  constitu- 
tion. 

L'article  des  statuts  relatif  au  renoavellement  partiel  du 
comité,  et  prescrivant  que  ce  renouvellement  se  fera  par  cin- 
quième, jamais  par  totalité,  est  sans  doute  aucun  l'une  des 
dispositions  les  plus  essentielles  à  la  prospérité  de  l'associa- 
tion ,  à  la  perpétuité  de  ses  traditions ,  à  la  garantie  de  sa 
fortune. 

Demander  que  le  comité  soit  soumis  aux  chances  d'une 
rénovation  totale ,  comme  on  assure  que  quelques  membres 
en  ont  eu  l'idée ,  ce  serait  non  seulement  proposer  une  me- 
sure dangereuse  et  subversive  des  principes  de  l'association , 
mais  ce  serait  encore  demander  l'impossible,  à  moins  de  violer 
positivement  l'esprit  et  la  lettre  des  statuts.  Que  les  auteurs 
de  la  proposition ,  si  elle  existe ,  veuillent  bien  les  relire  ,  et 
ils  seront  convaincus. 


MM.  les  Abonnés  reçoivent  avec  le  présent  numéro  lA  SIITEiE, 
romance  de  M"'  liaDuport,  ornée  d'une  charmante  vignette  de 
Jules  David. 

Zic  Quatrième  Concert  offert  aux  Abonnés  de  la  Revue  et  Gazette 
musicale  aura  lieu  le  1"  février.  Nous  en  donnerons  le  programme 
dans  le  prochain  numéro. 


UOTTTSLiLiBS. 

*,*  Aujourd'hui  dimanche,  à  l'Opéra,  la  Heine  de  Chypre  chantée 
parDuprez,  Barroilhel,  Massol ,  Bouché  et  M"=  Stoltz. —  Demain 
lundi  le  Pliillre  et  la  Péri. 

*»*  La  foule  et  la  recette  augmentent  en  proportion-  égaTe  à  cha- 
que bal  de  l'Opéra.  Le  carnaval  n'est  pas  long  cette  année  ,  aussi  les 
amis  du  plaisir,  de  l'intrigue  et  de  la  danse  en  devancent-ils  l'épo- 
que en  faisant  de  chaque  samedi  une  espèce  de  mardi-gras. 

*,*  Demain  lundi,  le  Théâtre-Italien  donnera,  par  extraordinaire 
et  pour  le  bénéfice  de  M"'  Grisi,  0/e//o chanté  par  la  bénéficiaire, 
Lablache,  Mario  et  Ronconi. 

V  Les  bals  masqués  de  l'Opéra-Comique  obtiennent  aussi  beau- 
coup de  succès,  et  fournissent  un  lendemain  toujours  agréable  et 
commode,  souvent  obligé,  à  certaines  avenlures  très  communes  dans 
cette  saison. 

V  On  lit  dans  le  Journal  de  La  Uaije  ;  n  En  terminant  l'analyse 
de  la  Heine  de  Chypre  ,  dans  notre  numéro  du  16  décembre  dernier, 
nous  souhaitâmes  à  celte  [jièce  une  vogue  qui  put  amplement  dédom- 
mager l'administration  des  sacrifices  qu'elle  a  faits  pour  monter  un 
ouvrage  dont  l'immense  succès  à  Paris  avait  inspiré  un  vif  et  légitime 
désir  aux  habitués  de  notre  théâtre  de  le  voir  représenter  ici.  Eh 
bien!  nous  croyons  pouvoir  prédire  aujourd'hui  que  les  espérances 
fondées  sur  cet  opéra  seront  plus  que  réalisées,  et  que  l'adminis- 
tration aura  non  seulement  fait  une  bunne  spéculation ,  mais ,  ce  qui 
est  bien  plus  important  pour  elle,  que  les  abonnés  lui  seront  très 
reconnaissants  des  jouissances  qu'elle  leur  a  procurées  en  enrichis- 
sant de  celte  pièce  le  répertoire.  Les  deux  premières  épreuves  aux- 
quelles la  Heine  de  Chypre  a  été  soumise  jeudi  et  samedi  derniers, 
ont  été  on  ne  peut  plus  satisfaisantes,  et  nul  doute  que  le  brillant 
succès  obtenu  alors  n'aille  croissant,  puisque  les  artistes,  encouragés 
comme  ils  l'ont  été  par  les  témoignages  les  plus  brillants  et  les  mieu  x 
mérités  de  la  satisiaction  du  public ,  qui  était  accouru  en  foule  à  ces 
deux  soirées,  redoubleront,  d'efforts  pour  mettre  en  relief  les  beau- 
tés de  premier  ordre  qui  se  rencontre  dans  cet  opéra.  » 

*,"  Le  3  février  (samedi) ,  à  huit  heures  du  soir,  M.  Berlioz  don- 
nera dans  la  salle  de  Herz,  rue  de  la  Victoire,  38,  un  grand  concert 
vocal  et  instrumental  dans  lequel  on  entendra  quatre  morceaux 
nouveaux  de  sa  composition.  Nous  ferons  connaître  prochainement 
le  programme  de  celte  S(pirée.  On  trouve  dés  à  présent  des  billets 
chez  M.  Herz,  et  chez  H.  Schlesinger,  rue  Richelieu,  97. 

*,*  On  annonce  la  prochaine  arrivée  à  Bruxelles  de  Dreyschok ,  le 
célèbre  pianiste. 


*,'*  JL  Gh.  Dancla  donnera  le  30  de  ce  mois ,  dans  les  salons  de 
Pleyel,  un  concert  spécialement  consacré  à  l'audition  de  ses  compo- 
sitions nouvelles.  Il  y  fera  entendre  notamment  un  trio  pour  piano, 
violon  et  violoncelle,  avec  sa  sœur  et  son  frère,  le  violoncelliste,  ainsi 
que  plusieurs  études  pour  le  violon  avec  son  frère  Léopold. 

V  Le  concert  de  M.  Ckarles  Pollet,  harpiste  de  talent ,  esi  remis 
au  samedi  27  courant. 

",*  Parmi  les  caniatrices  d'élite  que  le  public  des  concerts  accueille 
avec  une  juste  faveur,  il  faut  citer  la  gracieuse  M""^  Sabaticr  dont  la 
voix  fraîche,  la  méthode  élevée  et  la  diction  aussi  vraie  qu'expres- 
sive obtiennent  de  nombreux  et  légitimes  applaudissements.  Quel 
dommage  que  l'Opéra-Gomique  ne  se  soit  pas  encore  appropriée  un 
talent  aussi  distingué  ! 

*,*  Concerts.  Société  des  artistes-unis.  Le  premier  concert  donné 
parcelle  Société,  fondée  par  l'entreprise  des  concerts  particuliers 
(orcheslre  et  chant) ,  a  eu  lieu  le  10,  dans  la  salle  Vivicnne.  Celte 
première  solennité  a  éié  très  brillante,  les  noms  les  mieux  connus  et 
les  plus  jusiement  aimés  du  public  se  pressaient  sur  le  programme. 
MM.  Rémusat,  Maurin ,  Verrousl,  Cuguot,  M"=  Duval,  ont  tour  à 
tour  reçu  de  nombreux  et  légitimes  applaudissements.  M.  Josse,  jeune 
compositeur  que  l'Opéra-Gomique  ne  tardera  pas  à  faire  connaître  , 
a  fait  exécuter,  pour  la  première  fois  en  public ,  deux  quatuors  pour 
voix  d'hommes  et  cors  à  pislons,  compositions  savantes  et  originales 
qui  ont  obienu  une  réussite  complète;  plusieurs  soirées  s'organisent 
déjà  dans  les  salons  aristocratiques  et  financiers  ,  pour  l'exéfulion  de 
ces  quatuors  remarquables.  La  Société  des  artistes-unis  a  heureuse- 
ment débuté  :  elle  compte  déjà  plusieurs  artistes  distingués  ,  et  nous 
le  prouvons  en  citant  les  noms  qui  ont  concouru  à  ce  concert;  elle 
s'est  attaché  André  Hoffmann  comme  chanteur  de  chansonnettes.  Il 
est  probable  qu'avec  de  semblables  éléments  elle  est  appelée  à  d'ho- 
norables succès. 

»,•  M.  Henri  Her2f  vient  de  faire  paraître  un  très  beau  morceau  de 
piano ,  sur  un  thème  arabe  de  la  Péri.  M.  François  Hunten  vient  de 
publier  également  deux  valses  ravissantes,  une  mélodie  variée  et 
trois  rêveries  mélancoliques,  sous  les  titres:  les  Topazes  elles  Eme- 
raudes.  Les  romances  de  Paul  Henrion  ,  jeune  compositeur  de  beau- 
coup de  talent,  obtiennent  en  ce  moment  un  grand  succès.  Nous 
citerons  particulièrement,,  Signal  d'orage  ,  le  Bonheur,  Prends  mon 
eœur  pour  ton  cœur.. 

*/  OnpnÉoN.  —  Par  le  mol  orphéon,  on  désigne  tout  à  la  fois  des 
réunions  musicales  de  sept  à  huit  cents  exécutants,  et  le  riche  recueil 
de  chœurs,  choisis  par  B.  Wilhem  dans  les  meilleurs  auteurs,  pour 
les  écoles  de  tous  les  degrés,  les  cours  de  chant,  les  régiments,  les 
collèges  et  les  séminaires.  Ces  chœurs,  œuvres  de  nos  grands  maîtres, 
sont  admirablement  arrangés,  ingénieusement  gradués.  En  peu  de 
temps,  et  à  peu  de  frais,  on  peut,  à  l'aide  de  la  métliode  du  même 
auteur  ,  mettre  un  grand  nombre  d'élèves  en  état  de  prendre  part  à 
ces  importantes  exécutions  chorales  qui  saisissent  d'admiration  les 
milliers  d'auditeurs  qui  se  pressent  chaque  année  dans  l'immense 
salle  de  la  Sorbonne.  Recommander  ce  précieux  ouvrage,  c'est  ren- 
dre un  véritable  service  aux  amis  de  l'art  musical. 

*,*  H.  Adolphe  Le  Carpentier,  auquel  les  jeunes  pianistes  doivent 
déjà  plusieurs  excellents  ouvrages  classiques,  vient  de  publier  deux 
petits  traités,  dédiés  aux  amateurs  de  musique.  Ces  deux  ouvrages, 
édités  en  un  format  in-S",  ont  pour  titre  :  Petit  traité  de  composition 
mélodique,  appliqué  aux  valses,  quadrilles  et  romances ,  et  Petite 
méthode  abrégée  d'harmonie  et  de  transposition ,  à  l'usage  des  jeunes 
pianistes.  Aux  qualités  solides  qui  distinguent  ces  deux  ouvrages, 
vient  encore  se  joindre  une  grande  modicilé  de  prix,  ce  qui  les  met 
a  la  portée  de  tontes  les  bourses,  comme  leur  rédaciion  claire  et  con- 
cise est  à  la  portée  de  toutes  les  intelligences. 

*,*  New- York ,  25  novembre. —  Le  séjour  de  Mm'  Damoreau  et  de 
M.  Arlôt  parmi  nous  est  une  suite  non  interrompue  d'ovations  du 
genre  de  celles  dont  Fanny  Ellsler  a  été  l'objet.  Après  avoir  donné  six 
concerts  dans  celte  ville,  les  deux  célèbres  artistes  ont  été  en  donner 
quatre  à  Buslon,  et  sont  revenus  ensuite  pour  donner  ici  deux  soi- 
rées sur  le  théâtre  du  Parc,  La  première  a  déjà  eu  lieu,  et  le  jeu  de 
M'"«  Damoreau  n'a  pas  excité  moins  d'enthousiasme  que  son  talent 
de  canlatrice.  Elle  a  rendu  la  scène  du  Mauvais  œil  avec  un  talent 
supérieur,  et  les  applaudissements  universels  l'ont  obligée  à  redire 
son  morceau.  Le  violon  de  M.  Artôt  n'a  pas  obtenrf  moins  de  succès. 
Ce  qui  caractérise  son  talent,  c'est  l'expression  passionnée,  élo- 
quente ;  son  archet  vil ,  son  violon  parle,  et  nous  doutons  qu'il  puisse 
y  avoir  au  monde  un  plus  divin  langage. 


Le  Directeur,  Hédacleur  eu  chef,  Maurice  SCHLESINGEI^ 


24 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Chez  J.  SISISSOSniTIEK ,  éditeur,  22,  rue  Sauphine.  —  Editeur  de  la  Méthode  de  Piano  de  HENKI  HERZ. 

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LA  CLE  DES  MODULATIONS, 

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Cet  ouvrage  a  pour  but  d'enseigner  aux  pianistes  qui  étudient 
l'harmonie,  rartde  préluder  et  moduler. 
Il  contient  les  exemples  nécessaires  pour  passer  dans  tous  les  tons  : 
1°  Préludes  du  mode  majeur  au  mode  majeur; 
2°      —         du  mode  majeur  au  mode  mineur; 
30      —  du  mode  mineur  au  mode  mineur; 

40      —  du  mode  mineur  au  mode  majeur. 


LA  CHANSON  AU  SALON, 

DIX    CHANSONS    NOUVELLES. 

Paroles  de  F.  DE  COITaC'Z'  ;  musique  de  I..  CI.APISSOM. 


1.  Le  Nouveau  Calendrier. 

2.  La  Perle  des  Maris. 

3.  La  Complainte  conjugale. 

4.  Le  Hochet. 

5.  Le  Alillionnaire. 


6.  Minette. 

7.  Les  Mystères  de  Province. 

8.  Mon  Lit. 

9.  Le  Touriste. 

10.  Le  Juge  de  Pali. 


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Divertissement  sur  le  ras  des  Aimées  de /a  P^ri 6     » 

XOUISIiACOMBE.  Op.  IS.  Trois  Mélodies 7  50 

Op,  21.  Trois  Nocturnes 7  60 

G.  GOMION'.  Op.   110.   Partez,  petite  Fantaisie  sur  un 

thème  de  F.  Masini 5     » 


FRANÇOIS  HUNTEN. 

Op.  128.  les  Emeraudes.  N.  1.  Valse  brillante .5 

N.  2.  Mélodie  variée 5 

Op.  129.  les  Topazes.  N.  1.  Valse  brillante 5 

N.  2.  Trois  Rêveries  mélancoliques.    .  5 
G.  KEDUER.  Op.  57.  l'Abeille,  petite  Fantaisie  sur   un 

thème  de  la  Péri. 5 


ROMANCES  NOUVELLES  de  FAUÎi  II£;NB,Z0H.  Signal  d'orage,  mélodie  pour  ténor  ou  basse  ;  Votre  coeur 
m'est  fermé,  romance;  Berce,  grand'm'ere,  romancej  Prends  mon  cœur  pour  ton  cœur,  chansonnette. 

CHANSONNETTES  COMIQUES.  BOUB-CrET  et  W.Ii.'B^QXI'S^'B^J.'E.  Le  véritable  Mathieu  Laensherg, 
chansonnette  prophétique.  —  ^AUI.  HSNïLïOSSî  et  33iUCfi4.ST.  Cloquetà  la  révision. 


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Comprenant,  pour  tous  les  modes  d'enseignement,  le  texte  et  la  musique  enpartilion  des  tableaux  de  la  méthode  de  lecture 

musicale  et  de  chant  élémentaire  ; 

Par  B.  'WIIHEIH. Ouvrage  approuvé  par  l'Institut  de  France,  approuvé  et  recommandé  par  le  Conseil  royal  de  l'instruction 

publique,  choisi  par  le  Comité  central  d'instruction  primaire  de  la  ville  de  Paris,  adopté  par  la  Société  pour  l'instruction 

élémentaire. 

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Composé  de  pièces  inédites  et  de  morceaux  choisis  dans  les  meilleurs  auteurs ,  et  contenant  im  grand  nombre  de  Morceaux  de  ctants, 

propres  à  être  exécutés  aux  Distributions  des  pbix  ;  par  B.  "WIIHEM. 

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SOMMAIRE.  Association  des  artistes-musiciens.  Assemblée  gcncTale. 
—  L'Actrice  et  l'Étudiant  ;3=  article)  ;  par  H.  BLANCHARD.  — 
Revue  critique.  —  Correspondance  particulière.  —  Nouvelles.  — 
Annonces. 


lE  BOBRE  DE  I.'IZiE  MAURICE.  Dessin  de  Gavarni. 


Xe   «Juatrième   Concert  aura  lieu  le  1"  février.  (Voir  le  Pro- 
gramme avant  les  A'ouvelles.) 


associa™  des  artistes-musiciens. 

ASSEMBLÉE  GÉNÉRALE. 

insi  que  nous  l'an- 
noncions dans  notre 
dernier     numéro , 
cette        assemblée 
avait  pour  but  d'en- 
tendre le  compte- 
rendu  des  travaux  de  l'année  qui  vient 
de  finir,  et  de  procéder  au  renouvelle- 
ment d'un  ciuquième  du  comité  qui  se 
compose  de  quarante-cinq  membres. 

La    séance   s'est    ouverte    vers   midi    et 
demi,  sous  la  présidence  de  M.  le   baron 
Taylor,  fondateur  de    l'association.  M.  Gé- 
nevay,  l'un  des  secrétaires ,  avait  été  choisi 
pour  présenter  le  compte-rendu  ,  ou  ,  en  d'au- 
tres termes ,  pour  écrire  la  première  page  de 
l'institution  naissante.  La  manière  dont   il  s'est 
acquitté  de  cette  tâche  honorable  lui  a  mérité 
d'unanimes  suflj-ages;  l'assemblée  entière  a  couronné  la  lec- 


ture de   son   rapport  par  des  applaudissements  prolongés. 

Dans  ce  document ,  qui  sera  bientôt  livré  à  l'impression  , 
l'idée  fondamentale  de  l'association ,  ses  progrès ,  son  avenir, 
sont  nettement  exposés.  Justice  est  rendue  à  tous  les  hommes 
généreux  qui  lui  sont  venus  en  aide  de  leur  bourse ,  de  leur 
temps ,  de  leur  zèle ,  de  leurs  conseils  :  aucun  sacrifice  ,  au- 
cun service  ne  sont  restés  dans  l'oubli.  Pendant  l'année  1843, 
l'association  a  reçu  ,  tant  par  le  produit  des  cotisations  que 
par  celui  d'un  concert  et  de  diverses  libéralités  ,  la  somme  de 
1-2,383  francs;  elle  a  placé  dix  mille  et  quelques  cents  francs 
en  rentes  sur  l'Etat,  qui  sont  devenus  la  propriété  inaliénable 
de  cliacun  de  ses  membres  ;  le  reste  a  été  employé  en  secours 
et  dépenses  obligées.  Voilà ,  en  quelques  mots ,  l'aperçu  de  sa 
situation  financière  ,  qui ,  comme  on  le  verra  tout-à-l'heure, 
est  en  voie  d'amélioration  prochaine  et  considérable. 

Après  la  lecture  du  rapport,  M.  le  baron  Taylor  a  pris  la 
parole  pour  dire  que  l'on  allait  procéder  au  tirage  des  noms 
des  neuf  membres  du  comité  que  le  sort  désignerait  comme 
devant  en  sortir,  s'ils  n'étaient  réélus  par  l'assemblée.  C'est 
alors  qu'a  eu  lieu  l'incident  relatif  à  une  protestation  signée 
d'un  certain  nombre  de  membres  de  l'association ,  qui  deman- 
daient que  le  comité  fût  entièrement  soumis  à  la  réélection  , 
contrairement  à  la  lettre  et  à  l'esprit  des  statuts.  Cette  de- 
mande, qui  n'était  fondée  ni  en  droit  ni  en  fait,  n'avait 
guère  de  chances  de  succès  auprès  d'une  assemblée  qui  venait 
d'entendre  le  résumé  des  travaux  du  comité ,  et  de  les  couvrir 
d'une  approbation  où  il  n'y  avait  rien  d'équivoque.  Deux 
personnes  seulement  se  sont  levées  pour  défendre  la  proposi- 
tion ,  et  comme  l'une  d'elles  alléguait  qu'en  provoquant  le 
renouvellement ,  ou  plutôt  la  réélection  intégrale  du  comité , 
elle  n'avait  d'autre  intention  que  de  lui  donner  plus  de  force , 
M.  le  baron  Taylor  l'en  a  remerciée  avec  beaucoup  de  conve- 
nance et  d'à-propos.  En  effet,  le  comité  venait  de  prouver 
par  le  compte-rendu  de  ses  opérations  qu'il  ne  manquait  pas 
plus  de  puissance  que  de  volonté.  M.  le  président  a  déclaré , 


BUREAUX   D'ABONKEMENT,    RUE   RICHEtlEU,    97. 


26 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


en  outre ,  que  le  eomité  voulait  se  montrer  fidèle  observa-  . 
teur  des  statuts ,  qu'il  entendait  les  exécuter  avec  tout  le  res- 
pect possible ,  que  par  conséquent  ce  n'était  ni  le  lieu  ni  le 
moment  d'engager  des  discussions  sur  lesquelles  l'assemblée 
n'avait  pas  à  prononcer.  Il  a  ajouté  que  si  quelque  membre 
de  l'association  avait  des  observations  à  faire ,  il  était  libre  de 
se  présenter  devant  le  comité ,  d'y  défendre  son  opinion  par 
lui-même  ou  par  les  représentants  de  son  choix.  L'assemblée 
entière  a  hautement  témoigné  qu'elle  comprenait  cette  théo- 
rie si  simple  et  si  raisonnable ,  par  les  bravos  dont  elle  a  cou- 
vert l'allocution  du  président.  L'une  des  deux  personnes  qui 
avaient  soutenu  la  protestation  a  cru  devoir  se  retirer,  accom- 
pagnée d'un  autre  signataire ,  et  la  séance  a  repris  son  cours. 
On  a  procédé  au  tirage  des  noms.  Le  sort  a  désigné 
MM.  Berlioz,  Zimraerman,  Bechem,  [Spontini,  Girard, 
Tolbecque ,  Carafa ,  Edouard  Monnais  et  Nargeot.  L'illustre 
Spontini  venait  d'être  appelé  au  comité  tout  récemment  à  la 
place  d'un  membre  démissionnaire.  Du  reste  il  a  été  réélu 
à  la  plus  forte  majorité  ;  les  autres  membres  sortants  ont  été 
réélus  aussi  dans  l'ordre  suivant  :  MM.  Tolbecque ,  Edouard 
Monnais,  Bechem,  Girard,  Berlioz,  Zimmennan,  Carafa.  Le 
seul  M.  Nargeot  n'a  pas  réuni  une  majorité  suffisante,  et 
l'assemblée  s'est  prononcée  en  faveur  de  M.  Érard ,  le  cé- 
lèbre facteur,  le  protecteur  éclairé  de  Fart  et  des  artistes. 

Le  résultat  du  scrutin  a  prouvé  de  «ouveau  combien  la 
protestation ,  en  la  supposant  légale ,  était  dépourvue  d'inté- 
rêt et  d'utilité;  tous  les  membres  sortants  ont  été  réélus,  sauf 
M.  Nargeot ,  qui  l'avait  signée. 

Parmi  les  noms  qui,  sans  atteindre  une  majorité  suffi- 
sante, ont'réuni  le  plus  de  voix,  il  faut  citer  M.  Dhenneville, 
qui  en  a  obtenu  trente-deux,  M.  le  duc  de  Feltre,  qui  en  a 
obtenu  trente,  MM.  Valentino  et  Klosé,  qui  en  ont  obtenu 
vingt.  Ce  sont  des  noms  dont  le  comité  se  souviendra  s'il 
survient  quelque  vacance  d'ici  à  la  première  assemblée  gé- 
nérale. 

En  résumé,  la  journée  a  été  bonne  et  heureuse  pour  l'as- 
sociation ;  l'impression  que  chacun  des  membres  présents  à 
cefte  première  assemblée  générale  en  a  emportée  exercera  la 
plus  salutaire  influence  ,  car  il  n'a  pu  rester  douteux  pour 
personne  que  l'association  s'appuie  sur  les  bases  les  plus  so- 
lides ,  l'ordre ,  l'économie ,  l'intelligence ,  et  que  le  dévoue- 
ment ,  la  sympathie ,  ne  sont  pas  près  de  lui  manquer. 

Nous  apprenons  à  l'instant  que  le  nouvel  élu,  M.  Érard  , 
s'est  empressé  de  se  rendre  au  comité ,  qui  se  tenait  jeudi 
dernier  chez  M.  le  baron  Taylor ,  et  que,  conformément  à 
ses  nobles  habitudes,  il  a  offert  à  l'association  un  piano  de  sa 
manufacture.  L'offre  a  été  acceptée  avec  une  vive  reconnais- 
sance ,  et  il  a  été  décidé  que  le  piano  serait  mis  eu  loterie  au 
profit  de  l'association ,  et  au  prix  d'un  franc  le  billet.  Un  des 
membres  du  comité  a  déclaré  qu'il  donnait  mille  morceaux 
de  musique ,  qui  feront  partie  des  lots ,  afin  que  sur  le 
nombre  des  billets  distribués ,  il  y  en  ait  toujours  mille  et  un 
qui  puissent  compter  sur  un  lot  quelconque. 

La  seconde  année  de  l'association  des  artistes-musiciens  ne 
pouvait  mieux  commencer.  Déjà  elle  compte  plus  de  onze 
cents  sociétaires  :  la  province  et  l'étranger  ont  répondu  à 
l'appel  de  la  capitale.  Le  pas  qu'elle  a  fait  dès  son  début  est 
assez  grand  pour  présager  avec  certitude  que  tous  les  pas 
suivants  le  seront  bien  davantage  encore. 

P.  S. 


L'ACTRICE  ET  L'ETUDIANT    '. 

in, 

ZVoviciat  d'un  Vaude-villl^e. 

^,xCvS=^îp  ,.  ^  „,  „  „^  ^^  ^^^ 

ous  pensez  bien  que 

me  voilà  prenant 
l'Opéra  en  indiffé- 
rence, et  que  je  n'y 
mis  plus  le  pied. 
Dans  l'espoir  de  re- 
trouver l'objet  de  mon  extravagant  amour, 
j'explorai  pendant  trois  mois,  et  chaque 
soir,  tous  nos  théâtres  secondaires ,  tan- 
tôt faisant  partie  du  public  ,  tantôt  chercliant 
à  en  connaître  le  personnel  artistique.  J'ob- 
servai de  près  quelques  uns  de^  ressorts  de 
la  grande  machine  dramatique;  je  me  liai 
avec  quelques  auteurs  et  plusieurs  de  leurs 
juges  habituels,  dont  la  plupart  sont  d'autant 
plus  impitoyables  qu'ils  siègent  souvent  aux  pre- 
mières représentations  en  vertu  de  billets  de  fa- 
veur. 
Un  soir  que  j'étais  allé  au  théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin , 
où  l'on  donnait  une  pièce  nouvelle ,  un  drame  féroce ,  long , 
large  et  corse  enfin,  comme  on  dit  en  langage  de  coulisses, 
de  combien  de  sentiments  tumultueux  ne  me  sentis-je  pas 
agité ,  quand  je  vis  entrer  en  scène  celle  que  je  cherchais 
depuis  si  longtemps  !  Il  me  serait  impossible  de  vous  décrire 
l'émotion  que  j'éprouvai  lorsque  j'entendis  pour  la  première 
fois  cet  organe  charmant,  qui  surpassait  encore  par  sa  douce 
mélodie  tout  ce  que  je  m'en  étais  figuré  de  suave  et  d'angé- 
lique;  et  lorsqu'elle  se  passionnait,  cette  voix  devenait  sonore 
et  stridente  pour  exprimer  d'une  manière  dramatique,  comme 
ses  regards,- la  colère ,  l'ironie  et  la  fierté. 

MalhcBreusemeat  l'ouvrage  qu'on  -avait  fait  pour  ses  dé- 
buts n'était  pas  bon  ;  il  tomba  ,  et  par  suite  de  cette  chute , 
elle  rompit  l'engagement  conditionnel  qu'elle  avait  contracté , 
et  rentra  dans  la  vie  privée.  Voilà  ce  que  j'appris  par  des  ouï- 
dire  sur  cette  fenmie  que  j'aimais  comme  un  fou,  et  qui  ne 
s'en  doutait  seulement  pas.  Je  restai  plusieurs  jours  dans  une 
atonie  complète.  Une  pensée  poétique  vint  me  tirer  de  cette 
inertie ,  et  je  fis  des  versa  sa  louange  ,  dithyrambe  hyperbo- 
lique que  je  lui  envoyai  sous  un  nom  supposé;  car  aller  chez 
elle ,  la  voir,  lui  parler,  lui  présenter  mes  vers  moi-même , 
ma  timidité  ne  m'aurait  pas  permis  alors  de  faire  une  telle 
démarche ,  et  d'ailleurs  je  l'aimais  trop  pour  cela.  Mais  voilà 
que  cette  femme ,  ce  Protée  qui  devait  avoir  tant  d'empire 
sur  moi ,  diriger  à  son  gré  ou  sans  le  vouloir  mon  coeur  et 
mon  esprit ,  me  rendit  à  ma  première  humeur  entreprenante 
et  hardie.  Au  bout  de  quinze  jours,  j'appiMs  qu'elle  allait  dé- 
buter, ainsi  qu'on  me  l'avait  dit  à  l'Opéra ,  sur  un  théâtre  de 
vaudeville.  Vous  pensez  bien  que  je  ne  manquai  pas  de  me 
trouver  à  cette  première  représentation.  La  pièce  était  char- 
mante ,  et  son  rôle  des  plus  brillants.  Elle  y  fut  tour  à  tour 
fine,  spirituelle,  touchante,  folle,  délicieuse  enfin.  De  ce 
moment  mon  sort  fut  décidé ,  et  je  m'écriai  :  Adieu  au  bar- 
reau !  je  serai  auteur  dramatique. 

Avec  quel  plaisir,  quel  bonheur  je  rerais  sur  le  chantier 
mes  charpentes  dramatiques!  avec  quelle  ardeur  j'ébauchais 
des  caractères  de  femmes  gracieuses,  sensibles,  pour  elle! 

(1)  La  reproduction  de  V Actrice  et  V Étudiant  est  interdite,  sous 
peine  de  poursuites  en  contrefaçon.  —  Voir  les  numéros  2  et  3. 


DE  PARIS. 


27 


Ces  créations  charmantes ,  les  applaudissements  de  la  foule , 
et  tontes  les  illusions  du  succès ,  voilà  les  roses  du  métier  ; 
les  lectures  à  obtenir,  la  réceptipn  de  l'ouvrage,  les  méticu- 
losités delà  censure,  et  le  jugement  définitif  du  public ,  en 
voilà  les  épines.  Ceux  qui  ont  parcouru  cette  carrière  savent 
et  se  sont  mille  fois  dit  que  le  plaisir ,  que  toutes  les  déli- 
cieuses illusions  qui  présidaient  au  travail  s'évanouissent 
lorsqu'un  auteur  dramatique  trace  le  mot  FIN  sur  son  manus- 
crit ;  il  ne  voit  plus  devant  lui  que  la  liste  infinie  des  tribu- 
lations. 

Et  d'abord ,  sans  aucun  titre  à  les  obtenir,  je  dus  cepen- 
dant songer  à  demander  mes  entrées  au  théâtre.  On  ne  sau- 
rait s'imaginer  à  quel  point  on  assiège  les  directeurs  de  sol- 
licitations à  ce  sujet.  Que  de  gens  riches ,  de  capitalistes  qui 
se  sont  quelque  peu  frottés  aux  arts ,  ont  proposé  de  billets 
de  mille  francs  pour  voir  de  près  les  coulisses ,  parler  aux  aCij 
teurs,  aux  actrices!  Il  est  juste  de  reconnaître  que  les  direc- 
teurs des  théâtres  de  Paris  mettent  autant  de  discernement 
que  de  sévérité  à  donner  ces  entrées  de  tolérance ,  que  d'ail- 
leurs ils  peuvent  révoquer  du  moment  que  leur  omnipotence 
directoriale  le  juge  convenable  dans  l'intérêt  des  mœurs. 

Le  moyen  le  plus  sûr  et  le  plus  direct  d'obtenir  ces  entrées 
à  titre  de  droit  étant  de  travailler  pour  le  théâtre ,  je  me  mis 
à  l'ouvrage ,  ainsi  que  je  viens  de  vous  le  dire.  Après  que 
j'eus  envoyé  trois  manuscrits ,  que  probablement  le  directeur 
n'avait  pas  lus ,  il  me  reçut  pour  me  dire  que  mes  ouvrages 
manquaient  d'expérience  de  la  scène ,  et  qu'il  me  conseillait 
de  m'adjoindre  un  auteur  en  renom  et  qui  connût  bien  son 
théâtre  ;  il  m'en  désigna  deux  ou  trois ,  et  me  donna  même 
un  bout  de  lettre  pour  chacun  d'eux.  Ces  auteurs ,  dont  je 
voyais  briller  avec  envie  les  noms  sur  l'affiche ,  se  chargèrent 
tous  de  mes  manuscrits;  mais  ils  semblaient  s'être  donné  le 
mot  pour  me  dire  la  même  chose ,  à  savoir,  qu'il  y  avait  une 
idée  de  iiièce  dans  le  manuscrit  que  je  leur  avais  remis  ;  mais 
qu'il  fallait  prendre  la  donnée  autrement,  et  tout  refaire;  et 
ils  ne  faisaient  ni  ne  refaisaient  rien  :  car  ii  est  de  bonne  tac- 
tique ,   dans  ce  genre  de  littérature  productive ,  de  laisser 
arriver  le  moins  possible  de  mangeurs  près  du  gâteau  drama- 
tique ,  dont  les  morceaux  sont  le  partage  de  trois  ou  quatre 
faiseurs  attitrés.  Enfin  j'allai  trouver  un  barbiste  qui  m'avait 
précédé  au  collège  et  dans  la  carrière  de  vaudevilliste  ;  il  me 
parla  plus  sincèrement  que  ses  confrères ,  se  chargea  d'un  de 
mes  manuscrits ,  y  fit  fort  peu  de  changements ,  le  lut  à  quel- 
ques amis  complaisants  du  directeur,  tout  dévoués  à  ses  inté- 
rêts ,  et  qu'il  rassemble  parfois  en  forme  d'aréopage  sous  la 
dénomination  de  comité  de  lecture.  Il  fit  recevoir  notre 
pièce ,  et  comme  je  ne  lui  avais  pas  caché  le  but  de  toutes  mes 
démarches ,  mon  désir  immodéré  de  voir  la  débutante ,  de  lui 
parler ,  il  me  dit  avec  une  naïveté  purement  industrielle  : 
Comme  il  faut  que  je  monte  h  pièce,  que  j'en  dirige  toutes 
les  répétitions ,  je  serai  seul  en  nom ,  je  toucherai  les  droits 
d'auteur,  et  disposerai  de  tous  les  billets  dans  l'inlérêt  de  son 
succès ,  en  attendant  nos  très  probables  succès  à  venir,  car 
vous  voilà  maintenant  le  pied  dans  l'étrier,  et  vous  n'oublie- 
rez pas ,  je  pense  ,  que  c'est  moi  qui  vous  l'y  ai  mis.  Au  reste, 
je  me  charge  de  vous  faire  avoir  vos  entrées ,  et  je  vous  pilo- 
terai dans  la  grande  affaire  de  cœur  qui  vous  préoccupe. 
Cela  vous  convient-il  ?  —  Oh  !  parfaitement ,  lui  répondis-je. 
—  Fort  bien.  D'abord  il  faut  faire  votre  entrée  dans  les  cou- 
lisses ,  dans  le  foyer  des  acteurs ,  comme  un  homme  qui  n'a 
pas  besoin  du  théâtre  pour  vivre.  —  Mais  je  puis  m'en  pas- 
ser à  la  rigueur.  —  C'est  absolument  qu'il  faut  dire.  Avec 
le  motif  qui  vous  y  amène ,  arrivez  au  théâtre  d'une  manière 
ercentriqne,  avec  quelque  chose  d'original,  d'exceptîonneï, 


soit  par  une  mise  ou  des  manières  recherchées ,  ou  tout  au 
moins,  laissez  croire  que  vous  avez  quelque  emploi,  et 
comme  la  meilleure  façon  de  se  distinguer  est  d'avoir  de  la 
fortune,  nous  ferons  circuler  le  bruit,  par  exemple,  que 
vous  êtes  riche.  —  Cependant  je  ne  sais  si  je  dois. ...  —  Et 
que  craignez-vous  ?  Songez ,  mon  cher  ami ,  que  tout  se  traite 
en  plaisantant  dans  ces  petits  temples  de  la  folie.  —  Allons , 
soit  ;  faites  comme  vous  voudrez ,  à  la  charge  par  moi  de  dire 
la  vérité  quand  cela  me  conviendra.  —  Oh  !  tout  h  votre  aise  ! 
Mon  collaborateur  me  quitta ,  et  je  crus  avoir  fait  un  mar- 
ché d'or  avec  lui.  J'eus  bientôt  l'autorisation  que  je  désirais 
tant,  c'est-à-dire  que  mon  nom  fut  donné,  selon  l'usage,  au 
concierge  de  l'entrée  des  acteurs  pour  qu'il  ait  à  me  laisser 
passer  librement. 

IV. 
Première  emtrevue. 

Ainsi  qu'Hérode,  dans  la  Mariamne  de  Voltaire,  s'écrie 
avec  enthousiasme  :  Enfin  je  vis  César!  alors  que  mêlant  ses 
sollicitations  aux  leurs,  et  confondu  dans  la  foule  des  rois  as- 
pirant à  la  faveur  suprême  d'obtenir  un  regard  de  l'empereur, 
il  fut  admis  en  sa  présence,  de  même  je  me  dis  :  Enfin  je  la 
verrai!  j'ai  mes  entrées!...  et  je  m'endormis,  bercé  des 
songes  les  plus  riants.  Je  vous  vois  sourire  de  l'importance 
que  je  mets  à  ce  simple  événement;  mais  rappelez-vous,  mon 
ami,  cette  maxime  si  vraie  de  notre  vieux  poëte  :  Chaque  âge 
a  ses  plaisirs ,  son  esprit  et  ses  mœurs.  Or,  tout  mon  esprit 
était  tendu  vers  ces  plaisirs  dramatiques  ;  je  les  vis  de  près ,  et 
je  pus  bientôt  me  convaincre  que  tout  ce  que  j'avais  lu  des 
mœurs  delà  Régence  et  du  siècle  de  Louis  XV  revivait  là. 

L'intérieur  du  théâtre  offre  tout  le  charme  et  tous  les  dan- 
gers d'une  civilisation  avancée,  excessive  ,  gâtée  enfin,  pour 
ne  pas  dire  plus.  On  y  résume  en  ironie  et  en  quelques  mots 
les  questions  les  plus  graves  comme  les  plus  légères,  ainsi  que 
me  l'avait  fort  bien  dit  mon  collaborateur.  La  plupart  des 
gens  du  monde  croient  que  l'immoralité  y  est  effrontée  ;  ces 
gens  se  trompent  :  elle  est  là  aussi  élégante  et  aussi  polie  que 
dans  la  société  ;  seulement  elle  est^îlus  gaie  et  plus  spirituelle, 
parce  qu'elle  est  moins  hypocrite:  aussi  est-on  fort  emprunté 
la  première  fois  qu'on  se  trouve  dans  ce  monde ,  et^  c'est  ce 
qui  m'arriva.  Ces  consultations  de  médecin  qui  se  font  dans 
un  coin,  sur  le  divan  du  foyer  des  acteurs,  ces  journalistes, 
ces  employés  du  gouvernement  qui  foudroient  ou  exaltent 
MM.  Thiers ,  Guizot  ou  de  Lamartine  ;  le  ton  cavalier  avec 
lequel  on  traite  la  haute  littéraiure;  les  ménagements  dont 
chacun  use  en  parlant  de  la  pièce  nouvelle,  dans  la  crainte  de 
blesser  dans  ses  plus  chers  intérêts  l'auteur  qu'on  ne  connaît 
pas,  mais  qui  peut  être  présent ,  et  qu'on  reconnaît  toujours 
à  l'espèce  de  dignité  avec  laquelle  il  dit  :  ma  pièce ,  quand 
son  collaborateur  n'est  pas  là  ;  ces  acteurs  en  habits  bariolés , 
ces  actrices  qui  descendent  de  leur  loge  où  elles  s'habillent , 
et  qui  viennent  consulter  la  glace  du  foyer  et  le  goût  des  ha- 
bitués sur  leur  toilette ,  tout  cela ,  et  bien  d'autres  choses  en- 
core, donnent  l'aspect  le  plus  animé,  le  plus  pittoresquement 
curieux  à  cette  foire  d'esprit ,  de  caprices ,  d'actions  décou- 
sues, de  manèges  de  coquetterie  au  milieu  de  laquelle  lord 
Byron ,  ainsi  que  nous  le  voyons  dans  sa  vie ,  venait  ranimer 
son  esprit  blasé  et  renouveler  ses  poétiques  inspirations. 

Le  foyer  s'illuminait  de  la  présence  de  celle  qui  m'avait 
fait  faire  tant  de  démarches  pour  la  retrouver,  le  soir  même 
où  j'entrais  pour  la  première  fois  dans  ce  tourbillon  drama- 
tique. Cette  fois  nos  regards  se  rencontrèrent  réellement,  le 
sien  scratateur,  brillant,  enjoué  tout  à  la  fois;  le  mienti- 


28 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


mide ,  furtif  et  trahissant  mon  embarras.  —  De  l'assurance  , 
de  l'aplomb ,  me  dit  tout  bas  mon  pilote  le  vaudevilliste  en 
passant  près  de  moi ,  et  allant  présenter  son  hommage  à  Pal- 
mire,  dont  il  baisa  la  main  avec  cette  galanterie  insignifiante 
qui  ne  rend  jaloux  ni  les  maris  ni  les  amants. 

Comme  toute  figure  inaccoutumée  dans  un  foyerde  théâtre 
est  sinon  un  événement,  du  moins  un  objet  de  curiosité,  j'en- 
tendis celle  qui  ne  se  doutait  pas  de  l'émotion  et  de  tout 
l'intérêt  que  m'inspirait  le  seul  son  de  sa  voix,  demander  un 
peu  bas  à  mon  ami  le  vaudevilliste  :  —  Quel  est  donc  ce  jeune 
homme  à  qui  vous  parliez  quand  je  suis  entrée,  et  qui  nous 
tourne  le  dos,  là,  dans  ce  groupe?—  Ce  jeune  homme? 
c'est...  un  auditeur  au  conseil  d'État,  h  ce  que  je  crois; 
poëte  et  riche,  dit-on ,  et  d'un  caractère  assez  singulier,  bi- 
zarre même. — Ah!  par  conséquent  peu  amusant,  dit  l'actrice 
en  riant.  —  Surtout  pour  les  personnes  qui  ne  prennent  rien 
au  sérieux ,  comme  vous.  —  Comme  moi  ?  mais  c'est  qu'au 
contraire  il  me  semble  que  j'aimerais  beaucoup  un  homme 
grave,  sérieux. — Pourquoi  faire?  —  Mais  pour  en  faire... 
un  mari. — Ah!  oui,  toujours  votre  chimère  du  lien  sacré. 
Au  reste,  vous  perdriez  ici  vos  soins  et  vos  peines;  car  je 
crois  le  jeune  homme  cuirassé  de  froideur  et  d'indifférence. 
—  Oh  !  si  on  le  voulait  bien. .. 

—  Mademoiselle  Palmire  !  vous  allez  manquer  votre  entrée, 
cria  en  ce  moment  le  régisseur  ;  allons  donc  !  allons  donc  !  — 
Et  l'actrice ,  toute  agitée  à  cet  appel ,  s'élanoe  vers  la  coulisse 
par  laquelle  elle  doit  se  présenter  devant  le  public  d'un  air 
calme  et  réfléchi,  comme  l'exigeait  son  rôle,  attitude  qu'elle 
prit  en  effet  avec  une  merveilleuse  facilité. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 
Henri  Blanchard. 


Bïeviae  vi'itscgïie. 

lie  Carnaval  de  Venise  ,  Variations  pour  le  Violon,  avec  accompa- 
gnement de  Quatuor  ou  de  Piano,  par  M.  H.  W.  ERNST.  — 
la  Clef  des  modulations,  par  M.  CHAUIiIEU. 

'air  du  carnaval 
Venise ,  si  dé- 
licieusement varié 
pour  le  violon  par 
M.  Ernst,  et  qu'il 
vient  de  publier  en- 
'  fin,  offre  plus  d'un  genre  d'intérêt.  Si  l'on 
en  croit  de  certaines  traditions ,  il  remon- 
terait à  la  plus  haute  antiquité.  Des  Grecs 
modernes  qui  résidaient  autrefois  à  Marseille 
le  psalmodiaient  à  l'enterrement  des  leurs  et 
disaient  qu'il  leur  avait  été  transmis  par  leurs 
pères,  qui  prétendaient,  eux,  le  tenir  de  leurs 
ancêtres  de  l'ancienne  Hellade,  donton  aformé, 
comme  on  sait,  le  nom  des  Hellènes.  Seulement 
cette  mélodie  se  chantait  en  ces  occasions  beaucoup 
plus  lentement,  plus  lourdement  et  plus  tristement. 
Un  de  nos  chorégraphes  le  plaça  dans  un  ballet  vif 
et  animé  où  il  changea  totalement  d'allure  et  de  physionomie. 
Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  étymologie  vraie  ou  fausse,  cette 
mélodie  a  un  cachet  particulier  de  naïveté  et  de  franchise  qui 
entraîne  et  prête  merveilleusement  aux  variations.  M.  Ernst 
s'en  est  emparé  et  l'a  brodée  de  la  manière  la  plus  riche  et  la 
plus  originale.  Ses  variations  sont  un  délicieux  caprice  pour 
le  violon.  La  priorité  de  ses  variations  a  été  contestée  ou  plutôt 


usurpée  par  le  violoniste  Sivori,  qui  disait  le  tenir  du  célèbre 
Paganini,  Si  M.  Ernst  n'avait  parfaitement  établi  dans  la 
presse  musicale  ses  droits  à  la  paternité  de  ces  variations ,  la 
manière  brillante  et  supérieure  dont  il  les  joue  les  ferait 
siennes. 

Les  quatre  cordes  du  violon ,  qu'il  monte  d'un  demi-ton 
chacune,  donnent  déjà  une  sorte  d'étrangeté,  de  son  argentin  à 
l'instrument  qui  n'est  pas  sans  originalité.  Or,  le  violon  prin- 
cipal jouant  en  la  majeur  pendant  que  l'accompagnement  est 
en  si  bémol  majeur,  forme  une  combinaison  de  sonorités  qui 
déroute  ,  étonne  et  plaît  tout  à  la  fois. 

L'introduction  est  pleine  d'élégance  et  de  distinction  ;  puis 
viennent,  non  pas  comme  à  l'ordinaire  trois  oaquatre  varia- 
tions ,  mais  plus  de  deux  douzaines  de  variations  qui  vous 
présentent  toutes  les  combinaisons  de  doigté,  de  coups  d'ar- 
chet ,  de  sons  harmoniques ,  de  bizarreries  comiques ,  de 
phrases  mélodiques  naïves ,  folles ,  fantastiques ,  qui  sem- 
blent procéder  de  l'esprit  du  fantasque  Hoffmann.  C'est  quel- 
que chose  d'excentrique ,  d'exceptionnel ,  que  ces  variations, 
et  quand  leur  auteur  les  exécute  ,  on  ne  sait  qui  admirer  le 
plus  du  compositeur  ou  de  l'exécutant.  Il  les  dira  probable- 
ment cet  hiver  dans  quelques  concerts  ou  soirées  musicales , 
et  nous  lui  garantissons  un  succès  de  vogue ,  car  ce  morceau 
plein  d'originalité  ne  peut  manquer  de  plaire  à  toutes  les 
classes  d'auditeurs. 


Le  bon  La  Fontaine  nous  a  dit  avec  son  laisser-aller  ordi- 
naire et  son  aimable  impertinence  à  l'égard  du  beau  sexe  : 

La  clef  du  coflre-lbrt  et  des  cœurs ,  c'est  la  même  ; 
Que  si  ce  n'est  celle  des  cœurs, 
C'est,  du  moins,  celle  des  faveurs. 

Des  esprits  ascétiques,  des  écrivains  spirituels,  serruriers 
intellectuels,  mystiques  et  catholiques,  nous  ont  confectionné 
des  livres  portant  le  titre  de  la  Clef  du  ciel;  les  faiseurs  de 
solfèges  écrivent  des  ouvrages  pour  nous  faire  chanter  sur 
toutes  les  clefs  :  voici  venir  M.  Chaulieu ,  pianiste  français 
qui  a  été  se  fixer  en  Angleterre,  et  qui  publie,  pour  son  pays 
natal  comme  pour  son  pays  adoptif,  son  220°  œuvre,  inti- 
tulé :  la  Clef  des  modulations.  Pour  beaucoup  de  personnes 
qui  connaissent  l'art  d'écrire  en  musique,  et  pour  ceux  qui 
se  sont  essayés  dans  l'art  non  moins  difficile  d'improviser,  il 
n'y  a  guère  que  le  génie  et  le  goût  qui  vous  puissent  donner 
le  secret  des  modulations,  qui  ne  sont  qu'une  suite  du  caprice 
et  de  la  fantaisie  du  compositeur;  mais,  comme  le  génie  et  le 
goût  ne  courent  pas  les  salons  ;  qu'il  y  a  une  foule  d'amateurs, 
de  jeunes  personnes  pianistes ,  et  même  de  professeurs ,  qui 
ne  savent  pas  préluder  parce  qu'ils  ne  savent  pas  moduler, 
la  Clef  des  modulations,  ouvrage  qui  manquait  dans  le  vaste 
champ  de  l'enseignement,  sera  d'une  grande  utilité. 

Dans  une  préface  fort  bien  faite,  M.  Chaulieu  indique  tout 
d'abord  la  manière  rationnelle  de  moduler  de  quinte  en 
quinte  en  montant  par  les  dièzes,  et  de  quinte  en  quinte  en 
descendant  par  les  bémols;  mais  cette  méthode,  mathémati- 
quement monotone  ,  est  considérée  assez  judicieusement  par 
lui  comme  puérile  et  peu  digne  d'attention.  L'érudition  de 
musique  grecque  point  même  en  quelques  endroits  de  cette 
préface ,  mais  sans  pédanterie.  L'auteur  de  la  Clef  des  mo- 
dulations suppose  ([ue  les  personnes  à  qui  il  s'adresse  con- 
naissent déjà  l'harmonie;  il  dit  quelques  mots  sur  l'origine 
des  dissonnances,  et  arrive  à  la  fameuse  règle  de  l'octave,  sur 
laquelle  a  reposé  si  longtemps  en  France  le  système  de  toute 
harmonie ,  de  tout  accompagnement ,  de  toute  bonne  basse , 
du  moins  h  ce  que  disaient  les  professeurs  émérites  qui  gar- 


DE  PARIS. 


29 


daient  par  devers  eux  les  principes  de  la  composition  musi- 
cale comme  des  arcanes,  auxquels  ils  ii'initaient  leurs  élèves 
qu'à  bon  escient. 

M.  Chaulieu  ne  le  prend  pas  si  haut,  et  sur  la  mélodie  de- 
venue triviale  à  force  de  popularité  :  J'ai  du  bon  tabac  dans 
ma  tabatière ,  il  pose  des  préceptes  et  des  exceptions  harmo- 
niques qui  ne  sont  pas  sans  intérêt.  Il  aborde  ensuite  les  mo- 
dulations par  le  genre  enharmonique ,  moyen  dont  on  abuse 
beaucoup  trop  de  nos  jours,  qui  jette  une  sorte  de  perturba- 
tion dans  le  sens  auditif,  qui  lui  fait  perdre  la  délicatesse, 
la  sûreté  de  sa  perception ,  et  dont  l'invasion  dans  l'art  mu- 
sical est  due  aux  pianistes ,  qui  en  abuseront  toujours  par  la 
facilité  qu'ils  ont  à  s'en  servir  sur  leur  instrument.  C'est  même 
de  l'usage  fréquent  de  moduler  ainsi  que  nous  viennent  les 
intonations  peu  sûres  et  si  fréquemment  fausses  de  nos  chan- 
teurs. 

Pour  l'observateur,  dit  M.  Chaulieu ,  il  n'y  a  que  quarante- 
six  modulations  types.  Il  les  a  multipliées  par  douze,  et  elles 
lui  ont  produit  cinq  cent  cinquante-deux  modulations  :  ainsi 
chaque  modulation  est  présentée  douze  fois  différemment. 
L'auteur  traite  aussi,  mais  comme  en  passant,  de  la  transpo- 
sition. Il  existe  d'ailleurs  des  ouvrages  spéciaux  sur  cette 
matière.  Tous  ses  préludes  modulés  sont  d'un  style  mélodique 
assez  élégant  et  d'une  bonne  harmonie  ,  quoique  souvent  un 
peu  crue,  un  peu  brusque.  Cela  vient  sans  doute  du  peu 
d'étendue  qu'il  a  donnée  à  ces  préludes,  qui  n'ont  tous,  à  très 
peu  d'exception,  que  cinq  ou  six  mesures.  Quoi  qu'il  en  soit 
de  cet  inconvénient ,  c'est  un  ouvrage  consciencieusement  fait. 
L'homme  expérimenté,  l'artiste  exercé  dans  l'art  d'écrire  en 
musique  verra  dans  la  Clef  des  modulations  des  cas  inatten- 
dus ,  des  exceptions  qui  lui  plairont.  Certainement  ce  traité 
n'a  pas  la  prétention  de  vous  enseigner  à  moduler  avec  goût, 
gracieusement,  dramatiquement;  mais  cette  «/</ peut  ouvrir 
la  porte  aux  idées ,  et  c'est  déjh  beaucoup.  Chacun  de  ces 
préludes  est ,  ainsi  que  nous  venons  de  le  dire  ,  d'un  bon  sen- 
timent mélodique,  et  pourrait  devenir  le  thème  d'un  morceau 
intéressant.  C'est  déjà  beaucoup  d'éveiller  la  pensée,  la  créa- 
tion dans  un  ouvrage  .scolastique.  M.  Chaulieu  a  donc  comme 
donné  la  clef  des  champs  à  la  pensée  musicale  en  lui  pré- 
sentant la  Clef  des  inadulations  ;  et  ii  fera  peut-être  dire  à 
l'homme  de  génie  ou  de  talent  qui  aura  lu  son  ouvrage:  Ille 
ego  qui  quondam  (ji-aeili  moditlatus  avenà,  comme  le  dit 
Virgilaau  moment  où  il  va  chanter  le  pieux  Énée,  Lavinie  et 
Turnus. 


CorvesitoHilaBice   iBariicialièa-e. 

Friboury  (Suisse),  18 jonmcf  1844. 
Un  concert  dans  une  maison  d'éducation  est ,  sous  le  point  de  vue 
du  progrès  de  l'arl,  un  événemenl  intéressant  :  c'est  ce  qui  m'engage 
à  vous  entretenir  du  concert  remarquable  qui  a  été  donné  au  pen- 
sionnat de  notre  ville  ,  le  7  de  ce  mois.  La  Gazelle  mmicale  a  déjà 
fait  connaître  plusieurs  fois  à  ses  lecteurs  les  résultats  de  quelques 
uns  des  précédents  concerts  qui  se  sont  donnésdans  cet  établissement, 
et  qui ,  depuis  que  JI.  Boissier-  Duran  a  été  appelé  à  les  diriger,  ont 
acquis  une  juste  célébrité.  Ce  ne  sera  donc  point  chose  nouvelle  si  je 
viens  vous  apprendre  que  l'orchestre  et  les  chœurs ,  sous  l'habile  di- 
rection de  ce  jeune  artiste,  ont  surpris  tous  les  auditeurs  par  leur 
précision  et  le  sentiment  général  qui  présidait  à  leur  exécution. 
L'ouverture  de  CAai/es/^/,  avec  son  chant  si  profondément  national, 
a  été  chaudement  applaudie;  et  aussi  était-ce  justice,  car  elle  a  été 
dite  avec  une  verve  admirable.  Vullegro  de  la  symphonie  en  ui  mi- 
neur de  Beethoven,  quoique  moins  à  portée  de  l'auditoire,  a  été 
aussi  fort  applaudi ,  et  tout  aussi  bien  exécuté.  Il  en  a  été  de  même 
de  la  gracieuse  ouverture  des  Deux  f-'oleiirs  d(?Girard  ,  précédée  de 
^asarabandc  qui  sert  d'introduction  à  la  pièce,  et  qu'on  avait  eu 


l'heureuse  pensée  de  placer  avant  l'ouverture  comme  andunie.  Les 
chœurs,  entièrement  composés  d'élèves ,  ont  successivement  exéiuté 
un  chœur  de  la  Mueiie,  un  chœur  d'Orpliée ,  l'introduction  de  Jii- 
chard ,  et  de  la  Fiancée  d'Auber.  Des  bravos  prolongés  ont  accueilli 
chacun  de  ses  morceaux.  M.  Boissier-Duran ,  après  nous  avoir  fait 
connaître  ses  talents  comme  chef  d'orchestre  et  directeur  de  musique, 
a  su  aussi  se  faire  apprécier  de  l'auditoire  comme  pianiste  de  grand 
mérite.  Il  a  exécuté  le  Jiêve  de  Kalkbrenner  avec  un  sentiment  par- 
fait et  une  vérité  d'expression  que  l'on  ne  trouve  guère  que  dans  un 
artiste  consommé.  Son  orchestre  a  mis  le  plus  grand  soin  à  l'accom- 
pagner, et  l'on  a  pu  se  convaincre  du  désir  qu'il  avait  de  contribuer, 
en  tant  qu'il  dépendait  de  lui ,  à  la  réussite  du  concertant.  Il  est  fâ- 
cheux que  M.  Boissier-Duran  n'ait  pas  eu  sous  la  main  un  piano  plus 
digne  de  son  talent.  Dans  un  établissement  comme  celui-là ,  et  pour 
les  concerts  qu'on  y  donne ,  quand  un  piano  y  figure ,  il  faudrait 
qu'il  sortit  des  manufactures  d'Erard  ou  de  Pleyel.  M.  WeismuUer 
fils,  qui  s'est  déjà  fait  entendre  au  concert  de  l'année  dernière,  a 
été  couvert  d'applaudissements  dans  une  délicieuse  fantaisie  pour  la 
clarinette,  par  Reissiger.  Qualité  de  son,  nuances ,  exécution  facile 
des  plus  grandes  difficultés,  rien  ne  manque  à  ce  jeune  artiste  pour 
le  placer  sur  le  chemin  des  plus  grands  succès.  M.  Krug  a  exécuté 
sur  le  violon  des  variations  de  Pechatscheck,  où  il  a  fait  le  plus  grand 
plaisir.  Des  difficultés  incroyables  ont  été  surmontées  par  lui  avec 
le  plus  grand  bonheur.  Il  en  a  été  de  même  de  M.  Gebert,  qui  a  exé- 
cuté sur  la  flûte  des  variations  composées  par  Boehm.  Quoique 
M.  Eggis  n'ait  pas  eu  la  prétention  d'exécuter  un  concerto,  il  n'en  a 
pas  moins  été  chaudement  applaudi  dans  la  Nostalgie  de  Proch, 
arrangée  pour  le  corpar  Gallay.  Cette  charmante  mélodie  ,  accom- 
pagnée au  piano  par  M.  Vogt,  a  vivement  impressionné  l'auditoire. 
Nous  ne  pourrions  oublier,  au  nombre  des  professeurs  qui  se  sont 
fait  entendre  comme  solistes,  l'excellent  professeur  de  chant  M.  Gior- 
dani,  qui,  dans  un  air  avec  chœurs  de  Tebaldo  ed  Isolina,  de  Mor- 
lacchi ,  nous  a  montré  toute  la  puissance  de  sa  voix  et  la  perfection 
de  sa  méthode.  De  fréquents  applaudissements  sont  venus  témoigner 
à  M-  Giordani  lavive  satisfaction  des  auditeurs.  Deux  jeunes  enfants 
ont  déridé  pour  un  instant  la  plus  grave  partie  de  l'auditoire  par  un 
charmant  petit  nocturne  qu'ils  ont  très  bien  chanté  — Trois  jours 
après  ce  concert ,  la  Société  de  musique  de  la  ville  a  donné  son  pre- 
mierconcert  au  bénéfice  des  pauvres.  L'orchestre ,  dirigé  par  M.Vogt, 
a  exécuté  successivement  une  ouverture  de  Hummel  et  l'ouverture 
de  JVorma  ,  qui  toutes  les  deux  ont  été  fort  applaudies.  Nous  avons 
remarqué  parmi  les  solistes  MM.  WeismuUer  fils  et  Gebert,  profes- 
seurs de  musique  au  pensionnat ,  où  nous  avons  eu  l'occasion  d'ad- 
mirer leur  beau  talent.  M.  Poletti ,  jeune  professeur  depuis  peu  atta- 
ché au  pensionnat,  a  été  fort  applaudi  dans  le7»  airvarié  de  Bériot. 
Si  nous  ne  craignions  de  blesser  la  modestie  de  deux  amateurs  de 
mérite,  nous  dirions  que  M.  de  M.,  au  zèle  et  au  talent  duquel  la 
Société  de  musique  et  les  artistes  doivent  tant  à  Fribourg,  a  joué 
admirablement,  et  que  M.  le  docteur  S.,  qui  lui  aussi  aime  l'art  et 
les  artistes,  a  chanté  parfaitement. 


PROGRAMME  DU  QUATRIÈME  COKCERT 

offert  OUÏ  abonnés  î)e  la  «Sujette  musicak 

QUI    AURA   LIEU 

JEUDI,  1"  FÉVRIER, 

DANS   LA    SALI.K   DE   MM.    PLEYEL    ET   C  ,   20,    RUE    nOCHECnOnART. 

1 .  Douzième  Quatuor  de  Beethoven  ,  exécuté  par  MM.  Alard , 

Chevillard  ,  Armiogaud  et  Croisilles. 

2.  Duo    de  Figaro,   de  Mozart,    chanté    par    M.    Goldberg  et 

mmc  Sabatier. 

3.  Air  du  Concert   interrompu,  de  Berton  ,  chanté  par  M"«  Iiia 

Duport. 

4.  Romances  de  Torquato  Tasso   et  d'il  Furioso,  chantées  par 

M.  Goldberg. 

5.  Grand    Trio    de   Beethoven ,    en    ré    majeur ,    exécuté    par 

MM.  Hallé  ,  Alard  et  Chevillard. 

6.  Homances  chantées  par  M""  Sabatier. 

7.  lie  Retour  de  Naples ,  de  Ricci ,  chanté  dans  le  dialecte  napo- 

litain par  M.  Goldberg. 

8.  Aria  di  Chiese  ,  de  Stradella  ,  chanté  par  M"'  Iiia  Duport  (I). 

9.  Finale, 

Le  Piano  sera  tenu  par  M.  ScHBiON. 
(1)  Cet  air  du  célèbre  chanteur  Stradella  est  celui  qui ,  en  1667, 
désarma  les  deux  bravi  apostés  dans  une  église  pour  l'assassiner. 


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EEVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


*,*  Une  jeune  cantatrice,  dont  le  public  a  toujours  aime  la  jolie 
voix  et  apprécié  l'excellente  méthode,  M"«  Nau,  est  rentrée  lundi 
dernier  à  l'Opéra  par  le  rôle  de  Thérésine  du  Philire ,  et  a  reçu  le 
meilleur  accueil.  On  dit  que  son  engagement  ne  sera  fixe  qu'à  partir 
de  l'année  prochaine,  et  que  d'ici  là  elle  devra  se  tenir  prête  à  chan- 
ter chaque  fois  que  l'administration  aura  besoin  de  son  service.  Il  y 
a  surtout  un  emploi  que  nous  engageons  M"»  Nau  a  reprendre,  celui 
des  pages ,  que  l'indisposition  de  M"=  Roissy  laisse  entièrement  va- 
cant. Du  reste  le  retour  de  M"«  Nau  ne  saurait  porter  ombrage  à  per- 
sonne: ce  n'est  qu'une  bonne  cantatrice  de  plus,  et  l'Opéra  ne  sau- 
rait être  trop  riche  en  ce  genre. 

Dans  cette  représentation  du  Philire,  Levasseur  était  en  verve 
de  gaieté  :  il  l'a  prouvé  par  les  variantes  qu'il  a  introduites  dans  son 
grand  air.  Quand  il  vante  les  propriétés  de  son  élixir,  qui  détruit, 
comme  on  sait,  les  insectes  et  les  rais,  au  lieu  d'ajouter  le  vers  si 
connu  : 

Dont  j'ai  là  les  certificats. 

il  s'est  écrié  avec  une  emphase  bouffonne  : 

Même  les  rats  de  l'Opéra  ! 

Si  la  rime  n'est  pas  riche ,  l'idée  est  plaisante  :  aussi  a-t-elle  excité 
un  éclat  de  rire  universel  dans  la  salle  et  sur  le  théâtre.  Les  rats 
eux-mêmes  n'ont  pu  garder  leur  sérieux  ! 

*,*  Charles  F/'était  annoncé  pour  mercredi  dernier;  mais  un  en. 
rouemcnt  subit  n'a  pas  permis  à  M'""  Stoltz  de  chanter  le  rôle  d'O- 
dette, et  à  Charles  VI  on  a  substitué  Guillaume  Tell. 

»/  La  Reine  de  Chypre,  donnée  dimanche  dernier,  a  reparu  dans 
tout  l'éclat  de  son  premier  succès.  L'exécution  de  ce  bel  ouvrage,  trop 
longtemps  éloigné  du  répertoire ,  a  été  excellente  :  Duprez ,  Bar- 
roilhet,  Massol,  M"»»  Stoltz,  y  ont  produit  l'effet  qui  ne  leur  manque 
jamais  dans  des  rôles  parfaitement  appropriés  à  la  nature  de  leur 
talent. 

*,*  On  annonce  que  le  ténor  Mengis  doit  bientôt  débuter  dans  le 
rôle  de  Fernand  de  la  Favorite. 

\*  On  parle  du  retour  de  M"»  Julian. 

*»•  M°"  Dorus-Gras ,  qui  a  droit  à  deux  mois  de  congé,  doit  les 
prendre  en  deux  fois",  le  premier  du  15  mai  au  15  juin  ,  le  second  du 
15  septembre  au  15  octobre. 

*,*  La  représentation  que  le  Théâtre-Italien  devait  donner  !andi 
dernier  au  bénéfice  de  M"»"  Grisi ,  a  été  ajournée  par  une  cause  bien 
douloureuse.  La  célèbre  cantatrice  venait  de  perdre  l'un  de  ses  deux 
enlants. 

*/  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  le  Théâtre-Italien 
donnera  il  Barbiere  di  6'ivicjlia. 

*/  Barroilhet  a  dû  chanter  hier,  au  théâtre  de  Rouen,  le  rôle  de 
Robert  d'Evreux ,  traduit  en  français ,  rôle  écrit  pour  lui  en  Italie , 
et  qui  lui  a  déjà  valu  de  beaux  succès  à  Lyon. 

*»*  Quelques  journaux,  persistent  à  nous  prendre  nos  articles  sans 
en  citer  la  source.  Jeudi  dernier,  nous  en  avons  encore  trouvé  un 
dans  l'Entr'acte,  qui  en  avait  seulement  changé  le  titre.  Ce  procédé 
n'est  conforme  ni  au  droit  ni  à  la  loyauté.  Quand  nous  ne  défendons 
pas  qu'on  nous  prenne  un  article,  que  nos  confrères  nous  l'empruntent, 
rien  de  mieux  ,  mais  que  du  moins  ils  avouent  l'emprunt ,  ou  nous 
serons  forcés  d'y  mettre  bon  ordre. 

*,*  Un  acteur,  qui  fut  célèbre  au  Vaudeville  dans  les  rôles  de  mau- 
vais sujet,  Julien,  vient  de  mourir  le  20  de  ce  mois.  Il  chantait  le 
couplet  avec  beaucoup  d'esprit.  En  1800,  il  créa  le  rôle  du  chevalier 
de  Sainte-Luce  dans  la  célèbre  pièce  de  Fanchon  la  vielleuse,  le 
triomphe  de  M"<^  Belmont,  et  s'y  distingua  par  un  excellent  ton  de 
comédie.  Bientôt  ses  succès  lui  donnèrent  l'ambition  de  monter  sur 
une  scène  plus  élevée ,  et  M°"  Belmont  ayant  quitté  le  Vaudeville 
pour  l'Opéra-Comique,  il  suivit  cette  aimable  transfuge.  Mais  Julien 
n'avait  qu'un  filet  de  voix,  et  quoiqu'il  ne  manquât  pas  de  goût,  il 
ne  put  se  soutenir  à  côté  des  chanteurs  parmi  lesquels  on  remarquait 
Elleviou,  Gavaudan  et  Martin.  Alors  il  quitta  Paris,  où  il  revint  vers 
1825 ,  et  rentra  au  Vaudeville  ;  mais  ses  beaux  jours  étaient  passés, 
il  y  resta  peu  de  temps ,  et  renonça  peu  après  au  théâtre.  Julien  est 
mort  à  l'âge  d'environ  70  ans ,  inconnu  à  la  génération  actuelle  ;  mais 
il  avait  laissé  d'agréables  souvenirs  parmi  les  anciens  amateurs  du 
Vaudeville. 

V  Le  roi  des  Belges  vient  de  faire  remettre  à  M.  Ferdinand  ta- 
vainne  une  grande  médaille  en  or  comme  témoignage  de  sa  haute 
satisfaction  pour  divers  morceaux  de  sa  composition  dont  sa  majesté 
avait  reçu  l'hommage. 


*,•  Un  jeune  violoniste,  compositeur  de  talent,  M.  Michiels,  a 
donné  ,  le  21 ,  dans  la  salle  de  Herz ,  un  concert  qui  avait  attiré  un 
nombreux  et  brillant  auditoire.  Le  bénéficiaire  a  exécuté  avec  beau- 
coup de  goût  et  de  verve  un  morceau  de  Vieuxtemps;  il  a  fait  en- 
tendre à  grand  orchestre  une  ouverture  et  une  symphonie  très  re- 
marquables de  sa  composition.  Il  a  recueilli  des  applaudissements 
unanimes  et  des  suffrages  qui  valent  encore  mieux  que  des  applau- 
dissements. L'attrait  du  concert  était  complété  par  la  vogue  et  le  ta- 
lent des  auxiliaires  qu'il  s'était  choisis,  Ponchard  et  M"=Lia  Duport. 
Le  premier  a  produit  une  vive  sensation  par  l'esprit  et  la  finesse 
dont  il  a  fait  preuve  dans  le  fameux  air  de  Montsigny  :  Je  ne  déser- 
terai jamais.  M""  Lia  Duport  ne  s'est  pas  bornée  à  déployer  sa  flexi- 
bilité habituelle  dans  un  air  de  fioritures  italiennes;  elle  a  chanté  un 
fort  bel  air  de  Berton  :  Jeunes  beautés,  craignez  de  tristes  chaînes ,  bien 
digne  de  ressusciter  à  côté  de  celui  de  Monsigny.  Le  public  lui  a  té- 
moigné par  ses  bravos  combien  il  sympathise  avec  ces  tentatives 
heureuses  pour  remettre  en  honneur  les  beaux  morceaux  de  nos  vieux 
maîtres.  Deux  romances  de  l'album  de  M'''  Lia  Duport,  le  Réveil  et 
la  Mide,  embellies  encore  par  sa  jolie  voix,  ont  eu  leur  part  du 
succès. 

V  M-  Lacombe,  ce  jeune  pianiste  d'un  si  brillant  avenir,  continue 
de  donner  à  Bordeaux  des  concerts  qui  attirent  la  société  la  plus 
choisie.  Il  doit  partir  incessamment  pour  Toulouse  et  Lyon:  son  ta- 
lent etises  brillantes  compositions  assurent  à  M.  Lacombe  des  applau- 
dissements partout  où  il  se  fera  entendre. 

V  Le  premier  concert  du  célèbre  violoncelliste  Ernst  aura  lieu  le 
28  février  dans  la  salle  de  H.  Herz.  L'orchestre  du  Théâtre-Italien 
sera  dirigé  par  M.  Berlioz.  Nous  donnerons  le  programme  incessam- 
ment. 

*/  Samedi  3  février,  M.  Berlioz  donnera  un  grand  concert  dans  la 
salle  de  M.  Herz,  38,  rue  de  la  Victoire.  On  y  exécutera  :  1°  Invitation 
à  la  valse,  de  Weber,  pour  orchestre;  2°  Hymne  de  Berlioz,  pour  six 
instruments  à  vent;  3°  Scène  de  Faust,  de  Berlioz,  chantée  par 
Mm"  Nathan-Treillhet ;  4»  Hélène,  ballade  de  Beriioz;  So  Ouverture 
du  Carnaval  de  Rome,  de  Berlioz;  6°  Grande  scène  du  troisième 
acte  à'Mceste,  deGlùck,  par  M"»  Nathan  et  M.  Bouché;  7°  Fragments 
de  la  symphonie  de  Rom~o  et  Juliette,  de  Berlioz.  On  trouve  des  bil- 
lets à  6  fr.  et  à  5  fr.,chez  M.  Schlesinger,  97,  rue  Richelieu. 

V  Le  quatrième  bal  de  l'Opéra  avait  attiré  plus  de  monde  encore 
que  les  trois  premiers.  La  vogue  de  ces  fêtes  nocturnes  s'accroît  non 
seulement  d'année  en  année,  mais  de  semaine  en  semaine. 

*,*  La  faveur  publique  a  décidément  pris  sous  son  patronage  les 
bals  masqués  de  l'Opéra-Comique.  Une  société  choisie,  des  traves- 
tissements de  bon  goût,  un  orchestre  d'élite  habilement  dirigé  par  le 
fils  de  Musard,  enfin  des  quadrilles  et  des  galops  sur  les  motifs  des 
opéras  les  plus  en  vogue,  voilà  ce  qu'on  est  sûr  de  trouver  tous  les 
dimanches  dans  la  salle  Favart,  si  coquette  et  si  bien  appropriée  à  ces 
sortes  de  fêtes. 

V  M'i=  Herminie  Froment  est  une  jeune  et  jolie  personne  qui  vient 
de  publier  un  quadrille  et  une  valse  pour  le  piano.  Nous  engageons 
les  amateurs  à  se  procurer  le  plaisir  d'entendre  ou  de  jouer  ces  deux 
gracieuses  compositions. 

Claroiaîfjiiiie   déitarieiaïeiitale. 

*,*  Marseille,  10  janvier.  —  M.  Dœhler  vient  de  partir,  après  avoir 
donné  deux  concerts  dans  notre  ville  où  son  talent  déjà  connu  avait 
laissé  les  plus  brillants  souvenirs.  Dire  l'effet  qu'il  a  produit,  serait 
chose  assez  difficile.  Qu'il  nous  suffise  de  constater  que  M.  Dœhler 
s'est  élevé  à  toute  la  hauteur  de  son  jeu  pur,  savant  et  énergique  dans 
les  divers  morceaux  qu'il  a  joués  à  l'hôtel  d'Orient,  en  présence  de 
l'élite  de  la  société  marseillaise. 

V  ■ti"e.  —  On  lit  dans  l'Eclio  du  lYord  ;  Le  célèbre  pianiste  Pru- 
dent s'est  fait  entendre  dimanche  dernier  dans  une  soirée  particu- 
lière devant  un  public  d'élite  où  se  trouvaient  réunis  la  plupart  des 
professeurs  de  piano  de  cette  ville.  Cette  soirée  a  eu  lieu  dans  les 
salons  de  M.  Pfeiffer.  Toutes  les  formules  lauiialives  seraient  impuis- 
santes à  donner  une  idée  du  talent  qu'a  déployé  Emile  Prudent  dans 
l'exécution  des  divers  morceaux  qui  composaient  cette  soirée.  Les 
amateurs  ne  savaient  trop  ce  qu'ils  devaient  admirer  le  plus  ou  de  la 
fantaisie  sur  les  motifs  de  Lucie,  remplie  de  chants  gracieux  que 
l'exécutant  exprime  avec  un  charme  indicible ,  ou  des  Huguenots.  En 
écoutant  ce  dernier  morceau  on  ne  pourrait  jamais  croire  qu'un  seul 
homme  pût  produire  un  effet  aussi  grandiose;  on  entend  tout  à  la  fois 
les  parties  de  chant  et  les  accompagnements  de  l'orchestre.  Emile 
Prudent  est  doué  d'^ne  telle  force ,  et  l'instrument  sur  lequel  il  joue 
a  tellement  de  sonorité ,  qu'il  remplit  une  salle  de  concert  comme  le 
ferait  un  orchestre.  Nous  ne  nous  étendrons  pas  sur  le  talent  de  cet 


DE  PARIS. 


31 


artiste  hors  ligne.  Nous  nous  bornerons  à  dire  que  ceux  des  profes- 
seurs et  des  amateurs  qui  l'ont  entendu  dimanche  soir,  n'ont  pas  hé- 
sité à  le  proclamer  un  des  premiers  pianistes  de  l'époque.  M"»"  Pfeiffer 
a  exécuté  avec  Prudent  un  morceau  de  Thalberg  pour  deux  pianos. 
Certes,  il  faut  être  d'une  grande  force  pour  soutenir  sans  désavantage 
le  voisinage  d'un  pareil  concurrent,  et  c'est  ce  que  M""  Pfeiffer  a  fait. 
M.  Prudent  et  M""  Pfeiffer  ont  donné  un  grand  concert  samedi  der- 
nier. La  salle  de  spectacle ,  contenant  environ  l.SOO  personnes ,  était 
comble  ,  et  le  succès  des  deux  artistes  complet. 

V  Saint-Malo.—  fi.  Battanchon  a  justifié  tous  les  éloges  qui  lui 
ont  été  donnés  dernièrement  par  plusieurs  journaux  de  la  Bretagne. 
Il  a  un  sentiment  très  rare  de  la  mélodic-i  tous  ses  andante  ont  été 
rendus  avec  un  charme  mélancolique  qui  est  le  véritable  caractère 
du  violoncelle.  Il  sait  finir  ses  phrases  avec  un  art  parfait.  Nous  avons 
surtout  remarqué  l'Invocation  an  Sommeil ,  et  le  gracieux  boléro  qui 
a  terminé  le  concert. 

*,* Londres.  —  Julien  vient  de  mettre  en  lumière  à  Covent-Garden 
une  composition  d'un  grand  effet  :  les  Échos  d'Irlande ,  qui  lui  ont 
été,  dit-il,  communiqués  par  l'inventeur  original.  Le  théâtre  est  tous 
les  soirs  garni  d'un  auditoire  nombreux  et  enthousiaste.  —  Mistress 
Wood,  célèbre  autrefois  sous  le  nom  de  raiss  Paton  dans  les  annales 
d'Angleterre ,  et  qui  ne  fut  éclipsée  que  par  l'apparition  de  M""  Ma- 
libran,  après  une  succession  d'événements  qui  font  un  roman  de  sa 
vie ,  mais  un  roman  dont  l'héroïne  est  restée  pure  et  irréprochable , 
vient  de  rentrer  dans  la  carrière  où  elle  s'était  illustrée.  Elle  s'est 
produite  avec  son  mari  au  théâtre  de  la  Princesse  dans  un  opéra-pas- 
ticco,  une  sorte  d'olla-podrida  des  plus  brillants  motifs  de  Kossini. 
Le  librello,  emprunté  au  plus  bel  épisode  d'Ivanlwé,  a  pour  titre  : 
the  Maid  of  Jiidah  {la  Fille  de  Judah).  Sa  voix,  dit-on ,  est  toujours 
remarquable ,  et  par  le  même  charme ,  et  par  la  même  pureté  de  pro- 
nonciation qu'au  temps  de  sa  jeunesse  et  de  ses  brillants  débuts.  Ce 
serait  là  une  merveille  non  moins  étonnante  que  les  romanesques 
incidents  qui  firent  d'elle  la  femme  d'un  lord,  et  après  un  divorce 
accompagné  de  pugilat ,  celle  d'un  comédien. 

—  Miss'Shaw  attire  la  foule  à  Drurylane  dans  la  Cenerentola,  que 
les  Anglais  ont  transformée  en  Cinderella. 

—  M"»  Eugénie  Garcia  vient,  au  théâtre  de  la  Princesse,  de  se  ha- 
sarder dans  la  Lacrezia  Borgia  et  d'y  obtenir  beaucoup  de  succès. 

—  La  Société  royale  des  musiciens ,  fondée  il  y  a  cent  six  ans  dans 
un  but  de  bienfaisance ,  a,  dans  une  réunion  récente ,  distribué 
70  livres  sterling  (1,750  fr.  )  à  des  individus  qui  n'avaient  aucun 
droit  à  ses  secours.  Dans  le  courant  de  l'année  elle  a  consacré  aux 
bonnes  œuvres,  objet  de  son  institution,  la  somme  de  2,389  livres 
(prés  de  00,000  fr.). 

*,*  Berlin.  —  L'ambassadeur  anglais,  connu  comme  compositeur, 
et  qui  a  obtenu  des  succès  en  Italie  et  en  Angleterre,  lord  Westmore- 
land ,  donne  des  matinées  musicales ,  qui  attirent  une  grande  af- 
fluence  de  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  fashionable  dans  notre  ville  :  c'est 
le  rendez-vous  de  la  plus  haute  société. 

V  Cologne.  —  Le  Maire  de  Paris,  opéra  de  Dorn,  a  été  représenté 
ici  avec  beaucoup  de  succès,  malgré  la  mesquinerie  de  la  mise  en 
scène. 

Francfort- sur-le-Mein.  —  La  saison  musicale  a  commencé,  et  pro- 
met d'être  très  brillante.  Dreyschok  a  donné  quatre  concerts ,  et  il  a 
obtenu  un  succès  d'enthousiasme.  Dans  son  dernier  concert,  il  a  joué 
un  morceau  pour  deux  pianos  avec  H.  Edouard  Rosenhain ,  frère  du 
célèbre  pianiste  qui  fait  à  Paris  des  cours  de  piano  avec  l'illustre 
Cramer,  dans  lesquels  se  forment  les  meilleurs  pianistes  de  bonne  et 
haute  école.  Le  morceau  a  produit  un  effet  immense.  M.  Dreyschok, 
ce  foi  des  octaves ,  comme  on  l'appelle  ici ,  est  paTtî  pour  Darmstadt , 
où  il  a  joué  à  la  cour  avec  des  applaudissements  inouïs  ici  en  pareille 
circonstance.  M.  Edouard  Rosenhain  annonce  plusieurs  soirées  musi- 
cales pour  la  musique  classique  et  la  musique  d'ensemble,  et  il  vient 
de  donner  la  première,  dans  laquelle  il  a  fait  entendre  le  trio  de 
Mendelssohn  en  ré  mineur,  et  le  grand  et  admirable  trio  de  Beetlio- 
ven  en  ré  majeur,  avec  une  verve  et  une  perfection  de  style  et  d'exé- 
cution qui  a  excité  la  plus  vive  admiration  de  la  part  des  connais- 
seurs et  du  public,  qui  était  accouru  avec  empressement  pour  en- 
tendre le  pianiste  et  le  professeur  en  vogue.  M.  Pischelz,  leTambuTini 
allemand ,  y  a  chanté  plusieurs  lieder,  et  M.  Elison  nous  a  fait  en- 
tendre sur  le  violon  la  délicieuse  romance  de  Beethoven. 

*,'  f^arsovie,  21  décembre. — Le  quatrième  concert,  donné  ici  par 
Haumann,  a  produit  encore  un  effet  supérieur  à  celui  des  trois  pre- 
miers ,  soit  que  l'acoustique  de  la  ^alle  du  théâtre  le  favorisât  da- 
vantage ,  soit  que  le  grand  artiste  eût  tenu  en  réserve  plusieurs  de 


ses  secrets  les  plus  merveilleux.  Dans  son  troisième  concert ,  tout 
l'enthousiasme  avait  été  pour  sa  fantaisie  sur  Giddo,  après  laquelle 
l'auditoire  l'avait  rappelé  à  deux  reprises.  Dans  le  concert  suivant, 
les  mêmes  transports  ont  accueilli  la  fantaisie  sur  l'air  :  Ue  ma  Cé- 
line et  la  scène  de  Lucia  di  Lammermoor.  Le  violon  d'Haumann 
peut  à  coup  SÛT  rivaliser  avec  la  plus  belle  voix  humaine.  Les  diffi- 
cultés désespérantes  qu'il  accumule  s'identifient  tellement  avec 
l'esprit  général  de  ses  compositions,  que  loin  de  l'étouffer  elles  le 
font  valoir  et  le  relèvent.  Rappelé  quatre  fois  par  tout  l'auditoire, 
Haumann  fut  obligé  de  redire,  au  milieu  des  bravos  unanimes ,  sa 
quatrième  variation. 

*,*  Gand.  —  La  direction  du  Grand-Théâtre  vient  d'engager 
M.  Joannès  Portéhaut  pour  remplir  l'emploi  de  premier  baryton.  Ce 
jeune  artiste,  qui  donne  de  belles  espérances,  a  chanté  avec  talent  et 
succès,  pour  les  Irois  débuis  de  rigueur,  les  rôles  d'Alphonse  dans/a 
Favorite,  de  Guillaume  dans  Guillaume  Tell,  de  Barnabe  dans  le 
Maître  de  chapelle.  De  vifs  applaudissements  ont  témoigné  au  débu- 
tant la  satisfaction  du  public  dans  ces  différentes  épreuves. 

*,"  Gand.  —  M-i»  Van  Prang-Hillen  a  fait  ses  débuts  avec  succès 
au  théâtre  de  cette  ville,  comme  première  chanteuse  àroulades.  Aussi 
a-t-elle  été  admise  à  l'unanimité  des  suffrages  par  les  abonnés , 
qui,  comme  on  sait,  votent  au  scrutin  secret  après  les  trois  débuts 
d'usage. 

**,*  Rome,  28  décembre.  —  Jusqu'aujourd'hui  les  danseurs  avaient 
le  droit  de  paraître  sur  la  scène  dans  les  ballets  avec  des  habits  d'une 
transparence  extraordinaire.  Celte  tolérance,  qui  remonte  fort  loin, 
était  un  vrai  scandale.  En  conséquence ,  l'autorité  avait  enjoint ,  à 
l'occasion  de  la  réouverture  du  théâtre  d'Apollon ,  aux  danseurs  de 
se  vêtir  plus  décemment.  Le  public  n'a  point  goûté  cette  innovation. 
Dans  le  théâtre  et  au-dehors,  il  y  a  eu  des  rixes  entre  les  bourgeois 
et  les  militaires.  Mais  quelques  arrestations  ont  étéopérées,  et  le  calme 
a  été  promptement  rétabli. 

*,*  lYaples.  —  La  Luise tta,  de  Pacini,  a  été  donnée  au  théâtre 
Nuovo.  Depuis  quelque  temps  on  distribue,  en  Italie,  des  fleurs  pour 
les  jeter  sur  les  théâtres  toutes  les  fois  qu'un  ouvrage  est  bien  mau- 
vais. Il  maestro  Pacini  a  été  couronné. 

',*  Naples.  —  Costanza  d'Aragona,  dont  le  sujet  est  tiré  de  la 
Fiancée  de  Messine,  de  Schiller,  est  due  à  la  plume  encore  novice 
d'un  jeune  maestro,  Sarmiento  ;  cette  partition,  malgré  les  talents 
réunis  de  la  Goldeberg,  de  Coletli  ^Basadonna  et  Tamberluk,  n'a  été 
goûtée  que  dans  quelques  morceaux;  on  cite  surtout  un  magnifique 
passage  dans  le  finale  du  second  acte. 

*,*  F'enise.  —  L'opéra  de  Verdi ,  i  Lombardi  alla  prima  crocciata  , 
n'a  pas  eu  de  succès  au  théâtre  de  la  Fenice. 

*/  Madrid. — On  vient  de  reprendre  au  théâtre  del  Circo  le  chef- 
d'œuvre  de  Rossini,  Utello,  qui  n'a  produit  qu'un  médiocre  effet  â 
cause  de  l'insuffisance  de  l'exécution. 

—  La  presse  musicale  de  Madrid  s'élève  avec  raison  contre  l'indif- 
férence qui  règne  dans  cette  ville  pour  les  intérêts  de  l'art.  Dernière- 
ment un  pianiste  de  grand  talent,  Ireneo  Barthe,  s'est  fait  entendre 
au  Lycée;  les  fondateurs  mêmes  de  l'établissement  n'avaient  pas  pris 
soin  d'assiter  à  cette  solennité.  On  reproche  également  au  Lycée  de 
n'avoir,  l'an  dernier,  donné  que  vingt  et  une  séances  au  lieu  de  cin- 
quante-deux qu'il  devait ,  d'après  son  règlement.  —  Le  ballet  el  Lago 
de  las  Hadas  {le  Lac  des  Fées)  el  M"'  Guy-Stephan  font  fureur  au 
théâtre  del  Circo,  à  Madrid. —  La  troupe  lyrique  de  Barcelonne  se 
trouve  incomplète  par  le  départ  de  Marini,  la  basse-taille.  —  Le 
jeune  violoniste  Monasterio  vient  d'obtenir  aux  deux  théâtres  de  cette 
ville,  celui  de  Santa-Craz  et  celui  del  Liceo ,  un  succès  qui  confirme 
tout  ce  qu'on  a  dit  de  cette  merveille  de  précocité.  —  Il  est  question 
de  réunir  dans  one  même  entreprise  les  trois  théâtres  de  Madrid  : 
celui  delà  Cruz  serait  consacré  à  l'opéra,  celui  del  Circo  au  ballet, 
et  celui  del  Principe  à  la  littérature.  —  Réguler,  le  premier  basso  de 
l'opéra  de  Madrid,  a  suspendu  son  service  par  suite  d'une  grave 
affection  de  pulmonie.  —  On  parle  de  la  formation  à  Valence  d'une 
troupe  lyrique  de  premier  ordre  qui  éclipserait  celle  de  la  capitale  du 
royaume. 


CONCERTS  ANNONCES. 

29  janvier.  M™"  de  Lonzano.  Salle  de  l'École  lyrique. 

30  —       Dancla.  Salle  Pleyel. 

1"  février.  Gazette  musicale.  Salle  Pleyel. 

3  —       Berlioz.  Salle  Herz. 

4  —       Matinée  au  bénéfice  d'un  artiste.  Salons  Bernbardt. 
,38     —       Ernst.  Salle  Herz. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESîNGER. 


32 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


JEtir  vente  eUe»  MAVRICE  SCllLESINGER,  97,  rue  RieSteMiew,  ta  Wettvsènte  Miivraêson, 

DE  LA  SEULE  C0LLECT80N  COMPLÈTE  POUR  LE  PIAMO, 

OES 

to0,  îluosi  et   0anate© 


COMPOSES  PAR 


L.  VA]\  BEETHOVEIV. 

Les  épreuves  sont  soigneusement  corrigées  par  M.  J.  SSSISESfBIAiaf ,  et  l'ouvrage  sera  orné  d'un  très  beau  portrait 

de  BEETHOVEN. 

Prix  de  Soyscriplîoïî  :  Cl^l  FRANCS  par  Livraison. 

Chaque  Sjiivraisoîi  comtieKîdra  IIO  à  150  planches. 

iV.  B.  —  C'est  la  seule  e'dition  dan,  laquelle  les  Trios,  Duos  et  Sonates  avec  accompagnement  seront  gravés  EN  PARTITION, 
c'est-à-dire  les  instruments  au-dessus  du  piano,  et  aussi  se'parément. 


Op. 

Chaque  Souscripteur  recevra  i 

1.  Trois  grands  Irios  pour  piano,  violon 
et  violoncelle  ,  en  mi  bémol ,   sol,  ut 
mineur. 

me 

Op. 

belle  médaille  en  bronze  ,  gravée  par  un 

©■=  S^ivraisoM. 

12.  Trois  sonates,  dédiées  à  Salieri,  en  ré, 

In,  mi  bémol. 
2.3.  Sonale,  piano  et  violon,  la  mineur, 

dédiée  au  comte  de  Tries. 

de 

Op. 

nos  plus  célèbres  artistes. 

lfi°  liivvaisoii. 

13.  Sonate  palhélique,  ui  mineur. 

14.  Deux  sonates,  mi,  sot. 
22.  Sonate  en  si  bémol. 

26.  Sonale,  la  Marche  funèbre. 

27.  Deux  sonates  fantaisies ,  mi  bémol,  ut 



3°   îiivrasgUBl. 

11.  Trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle 

ou  clarinelle,  en  .li  bémol, 
t  trio  posthume  en  wi. 
posthume. 

Op 

24. 
30. 

t"  liivraison. 

Sonate  en  /«,  dédiée  au  comte  de  Tries. 

Trois  sonutes  ,  la,  ui  mineur,  sol,  dé- 
diées à  l'empereur  Alexandre. 

dièze  mineur. 

Op. 

Peti 
Trie 

Op 

tS"  liivraisou 

28.  Sonate  pastorale  en  ré. 

31.  Deux  sonates,  sol,  ré  mineur. 

33.  Sonate  en  mi  bémol. 

Op 

47. 
69. 

g=  liivraison. 

Grande  sonate,  à  Kreutzer,  lu. 
Grande  sonate,  piano  et  violon  ou 
violoncelle,  en  la. 

35.  Andante  en  fa. 

49.  Deux  sonates,  sol,  sol  mineur. 

3'  l:ivï'aisom. 

70.  Deux  trios  pour  piano,  violon  et  vio- 
loncelle, en  ré,  mi  bémol. 

Op. 

Op 

S  3"  ïiivraisoii. 

53.  Sonate  en  ui. 

Op. 

4"  Hjivi'aisoH. 

97.  Grand  Irio  pour  piano,  violon  et  vio- 
loncelle, en  si  bémol. 
38.  Grand  trio. 

Op 

96. 
102. 

9"  Ijî-vi'aisoM. 
Sonate  en  sol,  piano  et  violon. 
Deux  sonates,  piano  et  violon  .ou  vio- 
loncelle, ut,  ré. 

57.      —     en  fa  mineur. 

78.  —     en /a  diczé  majeur. 

79.  Sonatine  en  sol. 

SI.  Les  Adieux,  sonale  en  la. 

Op 

1  '&<'  liiwi'aison. 

Op 

â'  KilvE'aison. 

5.  Deux  sonates  pour  piano  ,  violon  ou 
violoncelle,  fu,  sol  mineur. 

17.  Sonate,  piano  et  violon  ou  violon- 
celle, ou  alto,  ou  cor,  en  fa. 

Op 

.    2. 

7 
10 

1®°  JCiivraison. 

Trois  sonates,  dédiées  à   Haydn,  /a 

mineur,  la,  lU. 
Sonale  en  mi  bémol. 
Trois  sonates  en  ut  mineur,  fa,  ré. 

.    90.  Sonate  en  mi  mineur. 
101.  Grande  sonate  en  si  bémol. 
100.  Grande  sonate  en  si  bémol. 

109.  Sonate  en  mi. 

110.  —     en  la  bémol. 

111.  —      en  mi  bémol. 

En  l'eiste  cites  tous  les  aasai'asSisiiissaSs  «le  saasisicipse  : 

MUSIQUE  NOUVELLE  POUR  LE  PIANO, 

PAR  FÉLIX    LE    GOUPPET, 


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Douze  EStudes  expressives. 

1.  LaCrainle.  i4.  Douleur.  7.  Vague  pensée.  110.  Impromptu. 

2.  Voix  lointaine.  5.  Sérénade.  8.  Pastorale.  11.  Promenade  sur  l'eau. 

3.  Le  Sylphe.  16.  Espoir.  19.  Chanl  dos  montagnes.  '  12.  Joie  et  Tristesse. 

Cet  ouvrage  est  destiné  à  servir  d'introductionauxDOUZE  ÉTUDES  ]DESAS.OBJ.Prix:  )2fr.  (Au  Bureau  central,  29,'place  de  la  Bourse.) 


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servatoire par  décision  du  comité  d'enseignement.  —  Prix  :  12  fr.      I  î'rW  :  5  fr. 
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Pour  Paris  :  un  an,  30  ir.  ■  six  mois    15  fr.     —    Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres     —    Départements  :  un  an,  34  fr.  Étranger,  38  fr. 


Q^ 


GAZETTE  MUSICALE 

BÉDIGÉE  FIB 

MM.  ANDERS,  G.  BÉNÉDIT,|BERLIOI.|,  HENRI  BLA^'CHARD, 

MAUBICE  BODRGES,  F.  DANJOD,  DCESBERG,  FÉTIS  père,  EDOUARD  FÉTIS,  STEPBEN  HELLER,   J.  JANIN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  GEORGE  SAND,   L.  RELLSTAB.I^PAIJl  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Paraissant  Mous  Mes  Oiwnanches, 

XL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARM. 
lie  1*'  et  le   15  de  chaque  mois  on  recevra  on  morceau  de  masiqae» 


SOMMAIRE.  L'Actrice  et  l'Etuiiiant  (4«  article);  par  H.  BLAN- 
CUARD.  —  Société  des  concerts  :  seconde  matinée;  par  STE- 
PHEN  HELLER.  —  Revue  des  matinées  et  soirées  musicales  ; 
par  H.  BLAIVCHABD.  —  Nouvellest  —  Annonces. 

Ce  qu'apprend  aux  petites  demoiselles  la  musique  qu'on  leu 

Dessin  de  Gavarni. 


La  Table  et  les  Titres  pour  l'année  1843  sont  joints  à  ce 
numéro. 

L'ACTRICE  ET  L'ÉTUDIANT    '. 

V. 
C»pi>ice  et  Passion. 

on  singulier  inter- 
prète s'approchant 
de  moi  me  dit  :  — 
Vos  affaires  vont 
bien ,  mon  cher 
,v^  ami.    Je   viens  de 

[-^o  parlei  de  \ous  en  tenues...  —  Oui,  j'ai 
'~yTj  entendu  à  peu  près;  mais  je  trouve  que 
^  vous  me  donnez  un  rôle  fort  difficile  à 

jouer.  —  Au  contraire  :  que  diable  !  vous  avez 
de  l'esprit  ;  parlez  avec  assurance ,  avec  un 
peu  d'impertinence  même,  et  vous  serez  bien- 
tôt en  ce  lieu  le  roi  du  roi  des  animaux ,  c'est- 
à-dire  le  lion  des  lions;  et  je  vous  garantis 
que  la  belle  Palmire  aura  un  caprice  pour  vous. 
—  Un  caprice  !  — Mais  oui  ;  qu'il  y  aura  récipro- 
cité entre  vous  enfin.  —  Mais  moi  je  l'aime  du 
plus  profond  de  mon  cœur,  et  ce  n'est  point  un 

(1)  l.a  reproduction  de  l'Actrice  et  l'Étudiant  est  interdite,   sous 
peine  de  poursuites  en  contrefaçon.  — Voiries  numéros  2,  .3  et  't. 


caprice.  —  Oh  !  alors  ceci  devient  triste ,  et  je  ne  m'en  mêle 
plus,  car  je  vous  vois  sur  la  pente  qui  mène  à  toutes  les  ex- 
travagances dans  la  vie. 

Je  fus  étonné  et  comme  frappé  de  cette  prédiction  qui 
s'est  réalisée  depuis ,  et  qui  partait  cependant  d'un  esprit  su- 
perficiel ,  mais  aussi  d'une  philosophie  pratique  du  théâtre 
qui,  dans  ce  pays  des  prestiges,  détruit  rapidement  toutes  les 
illusions. 

—  Qu'entendez-vous  donc  par  ce  mot  de  caprice  ?  dis-je  à 
mon  cruel  mentor.  — Mais  j'entends,  je  vois  dans  ce  mot  la 
représentation  d'une  des  plus  jolies  choses  de  la  vie,  surtout 
avecles  femmes  ;  et  c'est  au  théâtre  que  le  caprice  est  tout , 
règne  en  roi  absolu.  Il  est  plus  décisif  là  que  dans  le  monde , 
où  la  coquetterie  des  jolies  femmes  le  divise  en  mille  petits 
riens  qui  ne  vont  à  rien  ;  au  lieu  qu'une  actrice  de  quelque 
valeur  intellectuelle  se  pas.se  souvent  un  caprice ,  pour  éviter 
une  passion.  — On  n'éprouve  donc  pas  de  ces  impressions  pro- 
fondes et  durables  au  théâtre?  —  Rarement ,  du  moins  on  les 
cache,  ou  on  les  évite  par  le  caprice  qui  ressemblé  beaucoup 
à  la  passion,  par  le  caprice  qui  est  vif,  impérieux,  qui  se  satis- 
fait à  tout  prix,  mais  qui ,  partant  de  la  tête  ,  ne  vous  domine 
pas  incessamment  la  nuit,  le  jour,  ne  vous  torture  point  le 
cœur,  ne  brise  pas  votre  existence.  Pour  éviter  cette  situa- 
tion intolérable,  les  actrices  se  marient,  c'est-à-dire  se  dé- 
poétisent à  plaisir;  et  dans  leur  prosaïsme,  elles  ne  vous 
parlent  plus  que  de  la  durée  de  leur  engagement,  de  leur 
congé ,  de  celui  de  leur  mari ,  de  leurs  griefs  réciproques 
contre  le  directeur,  d'une  augmentation  de  feux ,  non  de 
ceux  que  leurs  regards  allument ,  mais  de  la  petite  et  quel- 
quefois très  grosse  somme  supplémentaire  qui,  chaque  fois 
que  l'artiste  joue,  se  joint  à  ses  appointements.  Tout  ceci  est 
une  amélioration,  disent  quelques  uns,  ou  une  oblitération 
selon  quelques  autres,  et  je  suis  du  nombre,  des  mœurs 
dramatiques.  Il  est  vrai  que  le  caprice,  cet  enfant  joyeux  de 
la  fantaisie ,  ce  fils  du  hasard ,  de  l'inattendu ,  ne  perd  jamais 


BTTRXAUX   D'ABONNEMENT,    B.UE   RICHELIEU,    97. 


Sk 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ses  droits ,  et  que  ses  sœurs  la  vanité ,  la  séduction ,  la  ja- 
lousie le  réintègrent  souvent  dans  l'esprit  de  ces  dames. 
—  Et  vous  croyez  alors  que  Palmire  est  dans  cette  voie,  et 
qu'elle  ne  peut  ni  éprouver  ni  partager  un  amour  vrai  ?  — 
Je  ne  dis  pas  cela  ;  mais  ce  serait  un  malheur  pour  vous  ou 
pour  elle,  et  peut-être  pour  tous  les  deux. 

Poussé  par  je  ne  sais  quelle  fatalité ,  et  craignant  surtout 
de  n'être  point  assez  remarqué ,  je  suivis  les  conseils  de  cet 
homme  si  cruellement  expérimenté  ;  et  je  fus  brillant ,  et  je 
fus  écouté ,  applaudi  de  tous ,  de  Palmire  elle-même.  Per- 
mettez-moi, docteur,  d'achever  ici  le  portrait  intellectuel 
dont  je  ne  vous  ai  donné  qu'une  esquisse  physique.  Palmire 
est  d'une  humeur  douce,  enjouée  et  facile;  elle  a  cependant 
beaucoup  d'imagination ,  un  esprit  actif,  et  une  ardeur  dévo- 
rante de  savoir,  surtout  dans  les  arts  ,  peu  appuyée  malheu- 
reusement sur  la  constance ,  la  patience ,  qui  font  faire  de 
grandes  choses.  Comme  son  enthousiasme  pour  tout  ce  qui 
est  beau,  plutôt  intellectuellement  que  physiquement,  ne 
connaît  pas  de  bornes,  ses  idées  s'élancent  toujours  vers  le 
nouveau,  l'inconnu.  Son  caractère  ,  son  esprit,  son  langage, 
se  colorent ,  se  reflètent  de  tout  ce  qui  la  frappe ,  s'identifient 
à  tout  ce  qui  la  transporte,. Son  cœur,  qui  est  sensible  ,  bon , 
aimant,  est  en  guerre  perpétuelle  avec  cet  esprit  aventureux 
qui  se  charme  et  s'éprend  avec  tant  de  facilité  pour  ce  qu'elle 
croit  du  génie  ,  du  talent  ou  de  l'originalité. 

Je  ne  vis  alors  que  ce  qu'il  y  avait  de  séduisant  dans  un 
pareil  caractère,  d'enchanteur  dans  toute  la  personne,  et 
j'aimai  Palmire  de  toutes  les  forces  de  mon  cœur  et  de  mon 
esprit.  De  son  côté ,  elle  était  flattée  que  je  lui  fisse  la  cour, 
car  je  jouais,  peut-être  un  peu  malgré  moi,  le  rôle  brillant 
que  m'avait  fait  mon  collaborateur  ;  mais  enfin  j'y  étais  entré, 
et  je  ne  le  remplissais  pas  trop  mal.  Une  somme  de  trois  mille 
francs  de  supplément  à  ma  pension  que  le  banquier  corres- 
pondant de  mon  père  devait  tenir  à  ma  disposition  ,  suivant 
mes  petits  besoins  snccessifs,  fut  dépensée  en  un  mois,  et 
cela  en  petites  galanteries  insignifiantes,  en  snperbes  bou- 
quets, en  courses  à  cheval  et  en  voiture  au  bois ,  etc.,  etc. 
Tout  allait  le  mieux  du  monde ,  ou  pour  mieux  dire  tout  al- 
lait au  plus  mal.  J'avais  beau  m'étourdir  sur  mon  avenir,  sur 
la  situation  de  ma  bourse  et  de  mon  cœur,  je  connaissais  trop 
bien  mon  père  pour  penser  qu'il  pfit  revenir  sur  ses  résolu- 
tions; et  quanta  mon  cœur,  il  était  plus  malade  encore  que 
ma  bourse.  Je  ne  pouvais  plus  me  faire  illusion;  je  nageais 
en  pleine  mer  dramatique  et  sur  les  flots  de  la  réalité.  J'ai- 
mais Palmire  de  cœur,  elle  m'aimait  de  tête;  elle  avait  un 
caprice  pour  moi,  j'éprouvais  pour  elle  une  profonde  passion  ; 
et  une  sorte  de  délicatesse  sentimentale  m'empêchait  de  voir 
tous  les  avantages  de  cette  situation  ;  je  ne  profitai  pas  de 
plusieurs  occasions  délicieuses  :  j'aimais  trop  pour  cela. 

C'est  h  tort  que  l'on  a  dit  qu'un  caprice  dure  tant  qu'il 
n'est  pas  satisfait.  11  faut  peu  de  chose  pour  le  faire  naître, 
comme  peu  de  chose  aussi  le  tue.  Cette  lutte  était  pénible , 
intolérable  ;  d'ailleurs  la  probité  innée  en  moi ,  ma  franchise 
naturelle,  me  faisaient  répugner  à  continuer  mon  rôle  de 
jeune  homme  titré  ,  opulent ,  et  je  dis  enfin  à  Palmire  qui 
j'étais.  Elle  s'écrie  alors  avec  une  sorte  d'étonnement  co- 
mique et  naïf:  Tiens!  vous  n'êtes  pas  riche?  Et  puis,  après 
un  moment  de  réflexion ,  elle  me  dit  d'une  grâce  char- 
mante ,  comme  la  belle  veuve  des  Fausses  confidences  de 
Marivaux  :  Si  j'avais  appris  cela  d'un  autre  que  de  vous- 
même  ,  je  ne  vous  le  pardonnerais  pas... .  Au  reste  ,  ajouta- 
t-elle,  je  ne  vous  dirai  pas ,  comme  Araminthe ,  que  je  vous 
accorde  ma  main ,  —  je  lui  avais  déjà  parlé  de  mariage  dans 
l'exaltation  de  mon  amour,  —  car  nous  ferions  une  sottise , 


étant  sans  fortune  l'un  et  l'autre.  Écoutez,  mon  cher  Jules, 
il  faut  songer  à  l'avenir.  Je  n'en  vois  aucun  pour  moi  dans  ce 
ihéâtre-cj.  Qu'y  trouve-t-on?  des  écrivains  manques,  ainsi 
que  je  vous  l'ai  souvent  entendu  dire  ,  mesquinisant  l'art  dra- 
matique ,  remplaçant  la  bonne  et  belle  comédie  par  leurs  pe- 
tites pièces  bardées  de  refrains  volés  çà  et  là  dans  les  parti- 
tions qu'ils  dépècent  avec  autant  d'inintelligence  musicale 
qu'avec  peu  de  respect  pour  les  compositeurs;  vaudevillistes 
mercantiles  qui  vendent  à  une  actrice  ce  qu'ils  appellent  un 
joli  rôle  pour  un  prix  ,  qu'ainsi  que  bien  d'autres  je  n'ai  ja- 
mais voulu  y  mettre;,  qui,  dans  la  langue  qu'ils  se  sont  faite 
en  musique ,  appellent  un  fron-fron  barbare  et  discordant 
d'acteurs  qui  chantent  à  l'unisson  à  un  quart  de  ton  de  diffé- 
rence ,  et  chacun  dans  sa  mesure  ,  un  air  de  sortie;  qui  nom- 
ment invariablement  le  mineur,  la  seconde  reprise  d'un  pe- 
tit morceau  de  seize  mesures ,  fût-elle  dans  le  mode  le  plus 
majeur  possible.  On  s'accorde,  vous  le  savez,  mon  cher 
Jules ,  à  me  trouver  une  belle  voix  ;  je  suis  suffisamment  mu- 
sicienne ,  et  ne  joue  pas  trop  mal  du  piano  ;  or,  en  travail- 
lant sérieusement  pendant  six  mois,  je  puis  aborder  une 
de  nos  grandes  scènes  lyriques.  O  mon  ami ,  si  vous  saviez 
combien  l'art  du  chant  est  une  belle  chose!  Quelles  délicieuses 
émotions  il  vous  donne,  et  quel  plaisir  on  éproiive  à  les  ré- 
pandre sur  un  auditoire  enthousiasmé  !  Eh  bien  !  je  sens  en 
moi  comme  une  prévision  de  succès...  Oui,  je  réussirai;  et 
quand  je  serai  une  cantatrice  de  premier  ordre,  pouvant 
exiger  soixante  ou  quatre-vingt  mille  francs  d'appointements 
par  an,  alors  nous  songerons  à  nous  unir.  Quel  charme  dans 
cette  existence  mêlée  de  bonheur  intime  et  de  suffrages  uni- 
versels ! 

Et  comme  on  partage  toutes  les  pensées  de  la  personne 
qu'on  aime  avec  idolâtrie,  je  m'enivrai  de  cette  idée,  mon 
cher  docteur,  et  je  ne  doutai  pas  un  instant  de  ce  brillant 
avenir. 

VI. 
lie  g>|°ofesseiBa*  sSe  elïant  et  le  ténoi*  maigre  Ssti. 

Me  voilà  donc  mélomane  par  contre-coup,  par  sympathie, 
et  ne  songeant  plus  qu'à  ce  bel  art  du  chant  qui ,  dans  ma 
pensée,  parce  qu'elle  était  celle  de  Palmire,  devait  primer 
tous  les  autres  arts.  Si  j'ouvrais  l'histoire  romaine,  avec  quel 
plaisir  j'y  voyais  Néron  négligeant  les  soins  de  l'empire  pour 
s'occuper  exclusivement  de  sa  voix ,  et  parcourir  la  Grèce 
pour  y  disputer  le  prix  du  chant  dans  les  jeux  olympiques  ! 
De  tous' les  excès  de  puissance  dans  lesquels  s'étaient  plongés 
les  douze  Césars ,  c'était  celui  que  j'excusais  le  plus.  Je 
trouvais  tout  simple ,  en  lisant  les  annales  des  monarchies 
modernes ,  que  David  Rizzio  fût  devenu  le  favori  de  Marie 
Stuart;  que  le  charme  des  accents  de  Farinelli  l'ait  fait  par- 
venir au  poste  éminent  de  premier  ministre  d'un  roi  d'Es- 
pagne; que  la  cour  excessivement  polie  de  Marie-Antoinette 
ait  raffolé  de  Garât,  et  que  cette  reine  aimable,  qui  avait  al- 
lumé une  véritable  guerre  civile  et  peu  civile  entre  les 
gluckistes  et  les  piccinistes  ,  ait  payé  plusieurs  fois  les  dettes 
de  ce  chanteur  célèbre,  qui  a  vu  sa  renommée  s'accroître  et 
produire  une  sorte  de  fanatisme  sous  le  Directoire  que  le  gé- 
néral Bonaparte  appelait  le  règne  des  cinq  rois  à  terme,  sous 
le  consulat ,  l'empire  et  la  restauration.  Martin  balançant ,  à 
la  même  époque ,  tous  les  avantages  extérieurs  et  le  talent 
d'excellent  comédien  d'Elleviou ,  par  le  charme  de  sa  voix  ;  la 
Catalan!  achetant  une  espèce  de  principauté  avec  les  sommes 
énormes  qu'elle  avait  gagnées  par  son  talent  de  cantatrice  ; 
la  Sontag  devenant  ambassadrice  ;  d'autres,  marquises,  com- 


DE  PARIS. 


35 


tesses;  les  concitoyens  de  Rubini  lui  élevant  une  statue; 
tous  .ces  faits ,  et  une  infinité  d'autres ,  bouillonnaient  dans 
mon  esprit  impressionnable,  donnaient  de  fréquentes  com- 
motions h  mon  système  nerveux,  sensible,  irritable  à  l'excès; 
et  cette  fièvre  artistique  me  poussant  toujours  à  d'incessantes 
études  vocales,  je  finis  par  devenir  un  habile  chanteur.  De 
quoi  ne  rend  pas  capable  le  désir  de  plaire  à  une  femme 
qu'on  aime  ! 

Dans  l'espoir  de  devenir  un  ténor  léger  ou  dramatique , 
un  ténor  expressif,  h  voix  sombrée,  de  peindre  mon  amour 
réel  h  Palmire ,  dans  quelques  situations  d'amour  fictif,  et 
par  l'intermédiaire  d'un  chant  passionné,  je  négligeai  la  voix 
de  basse  que  m'avait  donnée  la  nature,  pour  acquérir,  par  le 
travail,  les  cordes  hautes  qui  me  manquaient,  travail  obstiné, 
ingrat,  mais  dans  lequel  je  réussis.  On  a  vu  de  ces  transfor- 
mations, de  ces  péripéties  vocales,  de  ces  voix  déplacées  par 
suite  d'un  rhume,  de  la  révolution  qui  s'opère  à  la  puberté, 
ou  même  par  la  volonté  du  chanteur  qui  donne  une  direction 
nouvelle  à  son  organe.  Cette  étude  me  mit  en  rapport  avec 
une  foule  de  professeurs  qui  me  rappelèrent ,  par  l'importance 
qu'ils  mettaient  àleur  enseignement,  les  maîtres  de  philosophie, 
de  musique  et  d'escrime  du  Bourgeois  gentilhomme.  L'un 
me  faisait  un  cours  complet  de  physiologie  ;  l'autre  un  traité 
d'esthétique;  celui-là  me  parlait  d'anatomie,  et  me  définis- 
sait l'os  jugal  qui  se  forme  de  deux  apophyses,  dont  l'une 
naît  de  l'os  des  tempes  et  l'autre  de  la  m?xhoire  supérieure , 
concourant  au  jeu  du  muscle  zygomatique,  d'oii  vient  le  rire 
et  le  sourire,  qu'il  faut  que  le  chanteur  sache,  selon  certains 
professeurs ,  stéréotyper  sur  sa  figure.  J'appris  de  tous  ces 
gens-là  à  ouvrir  démesurément  la  bouche,  à  montrer  les 
dents ,  à  dire  avec  vingt  inflexions  différentes  de  tendresse  : 
Je  vous  aime!  Je  crois  que  je  finis  par  me  laisser  persuader 
par  ces  professeurs  de  chant  qu'il  y  a  de  la  métaphysique  et  du 
socialisme  dans  cet  art;  qu'il  concourt  à  l'union  des  peuples, 
à  l'amélioration  des  mœurs,  etc. 

Ce  n'était  pas  tout  :  il  fallait  encore  acquérir  l'habitude  de 
la  scène,  des  planches,  comme  on  dit  en  terme  du  métier.  Je 
commençai  par  chanter  dans  les  concerts  de  société  ;  puis , 
ayant  appris  quelques  rôles  d'opéra ,  j'allai ,  sous  un  nom 
de  guerre ,  cabotiner  en  province ,  affronter  les  murmures , 
quelquefois  les  sifflets ,  du  public  départemental,  qui  mancpe 
souvent,  presque  toujours,  dégoût,  surtout  en  musique.  Je 
parvins  cependant  assez  vite  à  me  faire  une  réputation  de 
premier  ténor  et  à  donner  même  des  représentations  fruc- 
tueuses, car  nulle  profession  ne  rapporte  autant  d'argent  que 
celle-là. 

Cette  vie  nomade  et  d'émotions  incessantes  ne  me  plaisait 
pas  beaucoup  ;  mais  je  m'y  livrais  avec  ardeur  dans  l'espoir, 
de  chanter  bientôt  avec  Palmire ,  ainsi  que  je  l'ai  dit ,  ces 
phrases  de  délicieuses  mélodies  :  Il  est  donc  sorti  de  son  âme 
ce  secret  qu'ont  trahi  ses  yeux ,  d'Arnold  dans  Guillaume 
Tell,  ou  :  Tu  Vas  dit!  de  Raoul  de  Nangis  dans  les  Hugue- 
nots ,  ou  tout  autres  chants  si  passionnés  de  nos  opéras  mo- 
dernes. 

Je  revenais  fréquemment  à  Paris  pour  voir  Palmire,  pour 
m'informer  des  progrès  qu'elle  faisait  dans  sa  nouvelle  car- 
rière. Elle  me  recevait  toujours  au  mieux,  m'accueillait  avec 
joie;  et,  en  parlant  de  ses  progrès,  de  mes  triomphes  en 
province,  nous  nous  bercions  de  nos  succès  à  venir.  J'avais 
oublié  cette  différence  entre  le  caprice  et  la  passion  que  m'a- 
vait fait  remarquer  mon  ex-collaborateur  le  vaudevilliste. 
Cette  distinction  ne  me  semblait  plus  qu'une  subtilité  de  roué. 
Palmire  "était  si  bonne,  si  communicative ,  si  vraie!...  Je 
trouvais  seulement  les  louanges  qu'elle  me  faisait  de  mon 


professeur  de  chant  un  peu  exagérées.  Je  n'aimais  pas  beau- 
coup à  lui  entendre  dire  que  le  moindre  de  ses  accents  était 
expressif,  profondément  senti  ;  que  le  son  de  sa  voix  restait 
dans  le  souvenir  et  faisait  rêver  ;  qu'il  y  avait  tout  à  la  fois 
des  larmes  et  de  la  gaieté  dans  cette  voix;  cju'elle  était  plain- 
tive et  légère ,  triste  et  folle  ,  mélancolique  et  tendre.  Tout 
cela  ne  laissait  pas  que  de  m'inquiéter  un  peu  ;  mais  bientôt 
je  mettais  ces  éloges  sur  le  compte  de  son  enthousiasme  pour 
son  art;  d'autant  plus  que,  souvent  aussi,  elle  se  plaignait 
de  ce  même  professeur,  le  disant  fat,  inconstant;  prétendant 
qu'il  était  d'une  galanterie  banale  avec  toutes  ses  écolières  ; 
qu'en  ce  moment  il  en  protégeait  une  au  détriment  de  toutes 
les  autres;  qu'il  lui  faisait  la  cour,  et  que  cela  en  était  même 
ridicule,  scandaleux;  qu'on  parlait,  chose  inconcevable,  de 
ses  débuts  à  l'Opéra.  Depuis,  je  réfléchis  à  ce  dépit  qui  res- 
semblait fort  à  un  accès  de  jalousie;  mais  alors  j'étais  loin 
d'y  penser. 

Un  autre  jour  que  j'arrivais  pour  causer  avec  elle  de  chant, 
de  ses  études,  de  son  professeur,  etc. ,  toutes  choses  qui  pa- 
raissaient lui  faire  tant  de  plaisir,  elle  s'écria  :  Oh!  mon  cher 
Jules,  ne  me  parlez  pas  de  musique,  de  chant,  de  tout  ça.  Le 
théâtre  est  une  carrière  atroce,  et  j'y  renonce  s'il  faut  y 
entrer  comme  une  écolière,  une  débutante  timide  qui  a  besoin 
d'être  protégée  par  tout  le  monde,  par  un  professeur,  un 
directeur,  un  régisseur,  que  sais-je  enfin!  Être  appréciée 
d'avance  pour  ce  que  vous  valez  par  un  critique  juste ,  im- 
partial ,  par  un  écrivain  dont  tous  les  talents  médiocres  crai- 
gnent la  plume,  qui  fait  justice  de  vos  rivales,  à  la  bonne 
heurei  attendu  qu'en  vous  rendant  service ,  il  dirige  le  goût 
du  public  ,  c^ui  a  besoin  d'être  guidé. 

Étonné  à  cette  sortie  inattendue  de  Palmire,  mais  habitué 
à  ne  voir ,  à  ne  penser  que  comme  elle  ;  et  puis  dégoûté 
de  ma  vie  vagabonde  de  ténor  provincial,  j'abondai  dans  son 
sens,  je  fis  chorus  avec  elle,  n'étant  pas  fâché  d'ailleurs,  in- 
térieurement, qu'elle  ne  me  parlât  plus  de  ce  maudit  pro- 
fesseur que  je  ne  connaissais  pas,  et  que  je  n'avais  jamais  eu 
l'envie  de  voir. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 
Henri  Blanchard. 


SOCIETE  DES  CONCERTS. 

BtCOXÙit:  ilïttttnù. 

e  concert  commen- 
çait par  la  sympho- 
nie en  i(Me  Mozart, 
qu'on  n'avaitpas  en- 
tendue depuis  quel- 
ques années.  C'est 
celle  dont  le  finale  fugué  ,  travaillé  d'une 
manière  prodigieuse,  excite  l'admiration 
de  tous -ceux  qui  ne  croient  pas  que  le 
style  et  les  combinaisons  savantes  excluent  la 
pensée  et  l'imagination. 

Qu'il  me  soit  permis  cependant  de  préfé- 
rer tel  morceau   de  cette  symphonie  à  tel 
autre,  sans  encourir  le  reproche  banal  d'irré- 
vérence ou  d'hérésie.  Le  véritable  amour  de  l'art 
est  clairvoyant,  et  s'attache ,  non  pas  au  nom ,  mais 
à  l'œuvre.  Le  plus  haut  degré  de  la  critique,  c'est 
d'arriver  à  l'impartialité  dans  l'admiration. 
Je  dirai  donc  franchement  que  le  premier  morceau  de  la 


36 


BEVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


symphonie  en  ut  me  semble  bien  au-dessous  de  maint  ou- 
vrage beaucoup  moins  vanté  du  même  genre  et  du  même  au- 
teur. Les  morceaux  qui  me  touchent,  qui  m'émeuvent  ou 
qui  m'étonnent ,  soit  par  leur  charme  mélodique ,  soit  par 
leurs  richesses  harmoniques,  ce  sont  l'andante  et  le  finale. 
L'andante  a  été  bien  accueilli  par  le  public;  quant  au  finale, 
on  l'a  trouvé  trop  long  pour  un  morceau  si  savamment  traité. 
Le  public  (et  bon  nombre  d'artistes  y  compris)  veut  bien 
fermer  un  œil  ou  plutôt  une  oreille  pendant  qu'on  exçcute 
un  morceau  de  cette  force,  mais  il  regarde  sa  patience  comme 
une  œuvre  méritoire  que  l'auteur  doit  reconnaître  en  se 
bâtant  de  terminer  une  composition  si  insupportablement 
bien  faite. 

Le  Calme  de  la  mer ,  chœur  de  Beethoven  ,  n'a  pas  été 
goûté  par  l'auditoire.  Sans  compter  parmi  les  grandes  et  puis- 
santes conceptions  de  l'immortel  maître,  cette  composition 
ne  manque  pas  de  charmants  détails.  On  a  trouvé  générale- 
ment La  mer  calme  un  peu  houleuse.  C'est  que  le  pro- 
gramme promettait  un  miroir  uni,  et  ne  faisait  nullement 
pressentir  le  battement  des  vagues.  Voici  l'explication  de 
l'apparente  contradiction  que  présente  ce  morceau  qui  vogue 
dans  les  parages  peu  explorés  de  la  musique  descriptive.  Il 
se  trouve  parmi  les  poésies  de  Goethe  deux  lieds  qui  se  sui- 
vent immédiatement ,  et  intitulés  :  le  premier.  Calme  de  la 
mer  ;  le  second.  Heureux  voyage.  C'est  sur  ces  deux  lieds 
de  Goethe  que  Beethoven  a  composé  son  chœur.  J'emprunte 
à  l'excellentetraductiondespoésiesdeGoëthe.parM.  H.  Blaze, 
celle  delà  pièce  intitulée:  Calme  de  la  mer.  «  Un  calme  pro- 
»  fond  règne  sur  les  eaux,  la  mer  repose  sans  mouvement , 
»  et  le  nautonier  soucieux  promène  ses  regards  sur  la  sur- 
»  face  unie.  Nul  vent  d'aucun  côté  ne  souffle  ;  calme  de  mort, 
»  calme  effrayant  !  Et  dans  l'immensité  profonde ,  nulle  vague 
»  ne  bouge  !  » 

Malheureusement  M.  H.  Blaze  n'a  pas  cru  devoir  traduire 
le  lied  suivant,  qui  pourtant  forme  un  contraste  frappant  avec 
le  premier.  Je  ne  me  permettrai  pas  de  la  traduire  en  si  dan- 
gereux voisinage;  seulement  j'en  rendrai  quelques  mots  pour 
justifier  la  force  et  la  vigueur  toujours  croissantes  qu'on  a 
remarquées  dans  la  composition  de  Beethoven  sans  s'en  ex- 
pliquer la  raison.  Voici  à  peu  près  le  sens  du  second  lied , 
Heureux  voyage. 

«  Les  brouillards  se  déchirent,  le  ciel  s'éclaircit,  Éole  dé- 
»  tache  ses  lourdes  chaînes.  Des  vents  bruissent ,  le  nauto- 
»  nier  se  lève.  Vite!  vite!  La  vague  se  sépare,  le  lointain 
»  s'approche;  je  vois  déjà  le  terre!  »  Il  faut  lire  ces  deux 
lieds  dans  la  langue  du  grand  poète,  pour  se  faire  une  idée 
de  la  grandiose  uniformité  qui  règne  dans  le  premier ,  et  du 
mouvement  toujours  plus  accéléré  qui  se  manifeste  dans  le  se- 
cond. N'oublions  pas  que  Mendelssohn  a  traité  avec  bonheur 
le  même  sujet  dans  une  de  ses  belles  ouvertures. 

M.  Dorus  a  exécuté  un  fragment  d'un  concerto  de  Tulou. 
C'est  bien  un  des  plus  éionnants  flûtistes  de  l'époque.  Il  au- 
rait été  capable  de  vaincre  l'aversion  de  l'illustre  Cherubini 
pour  cet  instrument.  M.  Dorus  tire  de  sa  flûte  des  sons  d'une 
douceur  et  d'une  égalité  admirables.  C'est  un  rossignol  fait 
musicien,  ou  un  musicien  fait  rossignol,  je  ne  sais  lequel  des 
deux.  En  tout  cas,  c'est  de  tous  les  rossignols  le  meilleur 
musicien  que  je  connaisse.  Il  a  enchanté  la  gent  qui  porte 
plume  et  celle  qui  porte  cravate  :  succès  universel. 

Venait  ensuite  un  motet  de  Mozart  :  ne  pulvis  et  cinis  su- 
perbe te  géras. 

Le  motet  débute  par  un  lento  d'un  caractère  grave  et 
solennel ,  qui  rappelle  l'apparition  du  commandeur  de  Don 
Juan.  Les  violons  accompagnent  avec  sourdine  tout  ce  pre- 


mier mouvement.  L'allégro  présente  tout-à-coup  une  mélodie 
tant  soit  peu  vulgaire ,  qui  contraste  avec  le  début  majes- 
tueux d'une  façon  choquante.  Le  lento  de  ce  motet  m'a  fait 
penser  au  plaisir  qu'il  y  aurait  d'entendre  une  fois  au  Con- 
servatoire tout  le  premier  finale  de  Don  Juan,  ou  le  pre- 
mier finale  des  Noces  de  Figaro.  Ce  serait  une  fête  pour 
nous  autres  qui  aimons  encore  Mozart ,  malgré  le  finale  si 
insolemment  fugué  de  la  symphonie  en  ut!... 

La  symphonie  en  ?■«'  de  Beethoven  terminait  le  concert.  Il 
me  semble  toujours  que  c'est  surtout  en  jouant  Beethoven  que 
se  révèle  la  toute-puissance  de  l'orchestre  de  la  rue  Bergère. 
C'est  alors  surtout  que  se  montrent  les  mille  et  mille  nuances 
dont  cet  orchestre  est  capable.  Certes,  les  musiciens  dont  il 
se  compose  jouent  admirablement  les  œuvres  de  Haydn  et 
de  Mozart;  ils  les  jouent  avec  amour,  mais  cette  exaltation 
divine  qui  naît  de  la  passion ,  ils  ne  l'ont  que  pour  Beetho- 
ven. Les  symphonies  de  Haydn  et  de  Mozart ,  ils  les  aiment 
comme  une  épouse  éprouvée  ;  ils  les  aiment  autant  par  amour 
que  par  devoir.  Pour  certains  morceaux  même,  ils  ont  un 
caprice  ;  je  citerai  entre  autres  l'andante  avec  variations  de 
la  symphonie  de  Haydn  ,  exécutée  à  la  première  séance.  Sans 
doute  on  ne  peut  être  plus  aimable  et  plus  gracieux  qu'ils  ne 
l'ont  été  pour  ce  charmant  andante  plein  d'espiègleries  pi- 
quantes. Mais  si  une  œuvre  de  Beethoven  paraît ,  alors  c'est 
la  maîtresse  adorée ,  l'idole  chérie ,  l'objet  et  le  but  de  tous 
ses  efforts.  Ils  lui  donnent  le  dernier  coup  de  leur  archet ,  le 
dernier  souffle  de  leur  voix;  ils  l'interprètent  avec  un  en- 
thousiasme ,  un  abandon ,  une  éloquence  qui  n'appartiennent 
qu'à  la  passion  véritable. 

Et,  par  Apollon  !  ils  ont  bien  raison. 

Stephen  Heller. 


m\m  DES  MATINÉES  ET  SOIRÉES  MUSICALES. 

QUATRIÈME  CONCERT  SE  IiA  GAZETTE  IH[VSICAI.E. 

n  des  beaux  trios 
pour  piano ,  violon 
et  basse ,  par  Bee- 
thoven ,  a  ouvert  la 
•séance;  il  a  été  fort 
bien  dii  par 
MM.  Halle,  Armingaudet  Chcvillard.  Le 
chant,  qui  cette  fois  avait  une  large  part 
dans  cette  matinée ,  est  arrivé  avec  tous 
genres  de  séduction  :  ancien ,  moderne  , 
fiançais ,  mais  surtout  italien,  il  s'est  fait  en- 
itendre  avec  ses  accents  du  xvii",  du  xvilP  et 
du  XIX*  siècle  sous  les  noms  de  Stradella  ,  du 
divin  Mozart ,  de  notre  célèbre  Berton ,  et  de 
mademoiselle  Loïsa  Puget.  M.  Goldberg  et  la  gen- 
tille M'"'  Sabatier  sont  venus  nous  dire  un  joli  duo 
des  Nozze  di  Figaro ,  auquel  on  a  généralement 
trouvé  le  défaut  d'être  trop  court,  défaut  rare 
qu'on  ne  reprochera  pas  à  "os  compositeurs  modernes ,  à  qui 
l'on  est  toujours  tenté  de  dire  :  Qui  ne  sait  se  borner  ne  sut 
jamais  écrire.  Après  ce  court  duo,  fort  bien  vocalisé  par 
M""^  Sabatier,  M""  Lia  Duport  a  chanté  un  air  du  Concert  in- 
terrompu,  de  Berton  :  Jeunes  beautés,  craignez  de  tristes 
chaînes ,  etc. ,  Polacca  gracieuse  dans  laquelle  la  jeune  can- 
tatrice semblait  donner  comme  en  se  jouant  des  préceptes  de 
gracieuse  coquetterie,  et  des  exemples  de  brillante  vocalisa- 


DE  PARIS. 


S7 


tion.  M .  Goldberg  est  revenu  nous  dire  de  sa  voix  expressive  , 
et  dramatique  des  romances  ilaliennes,  et  M""  Sabatier  est 
revenue  aussi  jeter  à  l'auditoire ,  charmé  de  la  revoir,  une 
délicieuse  chansonnette  :  la  Jeime  bergère ,  de  M""  Puget ,  et  ■ 
puis  Nenni-da ,  étincelle  musicale  que  la  charmante  canta- 
trice dit  comme  sa  Follette,  qu'on  a  fait  et,  qu'en  écrivant  i 
pour  elle,  on  fait  et  on  refera  toujours  :  cela  est  précieux , 
maniéré,  mesquin,  pointu,  bourgeois,  bon  homme,  faux  i 
goût,  rococo,   Pompadour;  mais  c'est  éminemment  salon  i 
français  ;  d'ailleurs,  si  le  public  des  concerts  de  la  Gazette  mu- 
sicale applaudit  aussi  ces  bagatelles- là,  cela  ne  lui  gâte  pas  le 
goût ,  ne  l'empêche  pas  de  se  plaire  à  l'audition  de  la  musique 
grave  et  sérieuse.  Il  a  écouté  religieusement  l'air  religieux  de 
Stradella ,  qui  désarma  les  deux  assassins  venus  pour  tuer  ce 
célèbre  chanteur.   M""  Lia  Duport  s'est  bien  pénétrée  du  . 
caractère  et  du  style  de  ce  morceau  si  noble  et  si  touchant,  j 
qui  a  été  accompagné  sur  l'orgue  par  M.  Mulder  avec  un  son-  ! 
timent  partait  de  cette  belle  musique.  Et  comme  ce  concert  | 
avait  bien  commencé ,  il  fallait  qu'il  finît  bien  ;  pour  cela ,  il  j 
s'est  terminé  par  l'exécution  du  douzième,  quatuor  de  Bee-  i 
thoven ,  dit  admirablement  par  MM.   Aiard,   Armingaud,  j 
Ccoisilles  et  Chevillard.  Ce  qu'il  y  aurait  à  dire  sur  les  an-  | 
dante  ou  les  adagio  de  Beethoven  ,  et  particulièrement  sur 
celui  de  ce  beau  quatuor,  nous  mènerait  trop  loin  ,  car  il 
faudrait  scruter,  nombrer  combien  il  y  avait  de  richesses  mé- 
lodiques dans  ce  cerveau ,  dans  ce  cœur,  dans  cette  âme  qui 
semblait  avoir  reçu  la  mission  de  jeter  sur  la  terre  et  de  faire 
entendre  aux  hommes  surpris ,  éblouis ,  charmés ,  toutes  les 
harmonies  du  ciel. 

Que  les  personnes  qui  ne  sont  pas  très  familiarisées  avec 
la  forme  du  quatuor,  de  la  symphonie ,  du  trio,  ou  même  de 
la  sonate ,  nous  permettent  ici  une  petite  observation  cri- 
tique. Ces  morceaux  se  composent  ordinairement  de  quatre 
parties  :  le  premier  allegro,  ï adagio ,  le  scherzo  et  le  ron- 
deau ou  finale.  Nous  demandons  pardon  de  ce  lieu-commun  à 
la  majorité  des  amateurs;  mais  dans  les  personnes  qui  ne  sa- 
vent pas  cela ,  il  en  est  qui  croient  que  le  morceau  est  fini 
après  la  première  ,  la  seconde  ou  la  troisième  partie ,  et  qui 
sortent  dans  le  court  intervalle  qui  les  sépare.  Nous  les  pré- 
venons charitablement  qu'ils  dérangent  les  auditeurs,  les 
troublent  dans  leur  attention  ;  qu'ils  font  une  économie  de 
dix  ou  quinze  minutes  tout  au  plus,  et  qu'ils  se  singularisent 
déplorablement.  Que  diable!  on  écoute  un  quatuor  de  Bee- 
thoven tout  entier,  qui  dure  tout  au  plus  de  vingt-cinq  à 
trente  minutes,  ou  l'on  sort  avant  qu'il  soit  commencé,  à 
moins  qu'on  ne  vienne  vous  annoncer  que  le  feu  a  prisa  votre 
maison...  et  encore  !  —  A  cela  près  de  ce  petit  inconvénient, 
qui  se  renouvelle  quelquefois ,  tout  s'est  passé  artistiquement. 
Il  y  a  eu  suffrages  intelligents,  murmures  approbateurs  et  de 
bon  goût ,  et  applaudissements  distingués  pour  tous  les  exé- 
cutants. 

—  M.  Rosenhain,  compositeur  de  bon  savoir,  pianiste  habile, 
et  professeur  consciencieux,  a  donné  chez  lui,  un  de  ces  jours 
passés,  une  matinée  musicale  dans  laquelle  il  a  fait  entendre 
un  excellent  trio  de  sa  composition  pour  piano,  violon  et  vio- 
loncelle, fort  bien  exécuté  par  l'auteur ,  MM.  Alard  et  Coss- 
mann.  Ce  morceau,  sur  lequel  nous  reviendrons  dans  notre 
revue  critique  des  œuvres  de  ce  temps,  placerait  M.  Rosen- 
hain au  premier  rang  des  compositeurs  de  bonne  musique 
instrumentale ,  s'il  n'y  était  déjà.  Il  a  dit  pour  piano  seul  un 
joli  nocturne  et  une  valse  pleine  d'originalité;  M""  Hawes  a 
chanté  d'un  excellent  style  et  d'une  voix  bien  posée,  et  qui, 
sous  ce  rapport,  a  fait  de  notables  progrès,  un  air  de  Handel 
d'une  gothique  et  belle  forme. 


—  Le  concert  donné  le  30  janvier  dernier  dans  les  salons 
de  M.  Pleyel,  par  les  trois  frères  Dancla  et  leur  sœur,  nous 
a  montré  cette  intéressante  famille  de  virtuoses  dans  la  voie 
du  progrès.  M.  Charles  Dancla,  l'aîné  de  la  famille,  compose 
de  bonne  musique  de  violon  et  la  joue  bien.  Si  l'œuvre  et 
l'exécution  manquent  un  peu  de  largeur ,  d'individualité ,  le 
faire  en  est  fin,  distingué,  joli,  souvent  original.  Les  quatre 
études  qu'il  a  dites  avec  son  frère  Léopold  sont  charmantes, 
et  justifient  on  ne  peut  mieux  le  titre  à'OEuvre  mélodique 
qu'il  leur  a  donné.  Le  trio  composé  par  M.  Charles  Dancla 
pour  violon,  basse  et  piano,  et  dit  par  lui,  son  frère  Arnaud, 
violoncelliste ,  et  M"'  Dancla,  est  un  morceau  remarquable. 
L'andante  est  surtout  d'une  forme  charmante,  d'un  rhylhme 
neuf  et  d'une  mélodie  piquante.  M'i^Laure  Dancla,  qui  pour- 
rait ajouter  à  son  prénom  celui  de  Blanche,  est  fort  jolie,  ce 
qui  ne  l'empêche  pas  déjouer  fort  bien  du  piano;  elle  se- 
conde ses  frères  avec  autant  d'aplomb  que  de  verve  et  d'ex- 
pression. 

M.  Corradi  a  chanté  dans  ce  concert,  et  M"°  Mondutaigny 
aussi.  Ce  terrible  air  du  Freyschiitz  qu'elle  a  dit  de  toute 
sa  force ,  de  tout  son  enthousiasme  et  de  toute  son  âme , 
comme  toutes  les  cantatrices  qui  l'essaient,  nous  a  fait  penser 
au  conte  d'Hoffmann  intitulé:  Don  Juan,  dans  lequel  il 
prouve,  à  sa  manière  pittoresque,  que  le  rôle  de  Dona  Anna 
est  au-dessus  des  facultés  et  des  forces  humaines,. et  que  toute 
cantatrice  doit  y  succomber.  L'air  de  Weber  nous  semble 
toujours  de  la  même  famille ,  et  dans  la  même  catégorie  :  il 
est  écrasant  pour  la  plupart  des  cantatrices ,  et,  par  consé- 
quent, fatiguant  pour  les  auditeurs. 

Nous  avons  remarqué,  entre  autres  morceaux  composés  et 
fort  bien  exécutés  par  les  frères  Dancla,  des  fragments  de 
quatuor,  un  scherzo  et  un  finale  d'un  style  excellent.  Il  y  a 
dans  ces  morceaux  du  savoir  et  de  l'esprit,  ce  qui  constitue 
le  vrai  compositeur.  Ajoutez  à  cela  des  idées  grandioses,  et 
vous  êtes  un  homme  de  génie.  M.  Dancla  a  déjà  fait  les  deux 
tiers  du  chemin. 

Henri  Blanchakd. 


ET 

Ce  qu'apprend  aux  petites  demoiselles  la  musique  qu'on  leur  apprend. 

Dessins  de  Cavarni. 

Le  Bobre  est  un  instrument  dont  vous  avez  reçu  l'effigie 
avec  notre  dernier  numéro,  instrument  très  simple,  comme 
vous  avez  pu  en  juger,  et  particulièrement  cher  au  nègre  de 
l'île  Maurice ,  autrefois  l'Ile  de  France.  Le  Bobre  ne  donne 
qu'une  seule  note,  mais,  suivant  le  mot  d'un  grand  homme 
(qui  n'était  pas  nègre) ,  ceux  qui  aiment  cette  note  sont  ravis 
et  n'en  demandent  pas  davantage.  Il  est  clair  que  chez  une 
race  qui  n'a  pas  poussé  plus  loin  l'art  de  la  lutherie ,  les 
Stradivarius  et  les  Amati ,  les  Érard  et  les  Pleyel ,  ne  sont  pas 
même  encore  à  l'état  d'embryon.  Le  Bobre  de  l'île  Maurice 
ne  saurait  sous  aucun  prétexte  entrer  en  concurrence  avec 
un  violon  de  Crémone  ou  un  piano  de  Paris. 

D'une  civilisation  trop  peu  avancée ,  passons  à  une  autre 
qui  l'est  peut-être  beaucoup  trop. 

Ce  qu' apprend  aux  fetiles  demoiselles  la  musique  qu'on 
leur  apprend  /J... 

J'avoue  que  cela  donne  à  penser  !  Jusqu'à  cette  heure  je  ne 
m'étais  pas  douté  du  péril  caché  sous  les  (leurs  de  cet  air  en 


38 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


apparence  si  bénin ,  si  candide  :  Ah .'  vous  dirai-je,  maman  ? 
Décidément  Gavarni  est  un  profond  moraliste;  il  a  vu  le 
piège,  et  il  l'a  signalé  d'un  coup  de  son  crayon  sauveur.  Fé- 
nelon  eût  été  de  son  avis ,  et  dans  son  traité  de  V Education 
des  filles ,  il  n'eût  pas  manqué  de  leur  défendre  à  toutes  de 
chanter  ce  maudit  air  :  Ah  !  vous  dirai-je,  maman  ?  ou  bien 
il  en  aurait  demandé  à  l'Académie  française ,  qui  décerne  les 
prix  de  vertu,  une  édition  revue  et  corrigée  à  l'usage  de  la 
jeunesse. 

A  quoi  donc  songeaient  nos  pères,  qui  avaient  choisi  l'air: 
Ah  !  vous  dirai-je ,  maman  ?  pour  base  et  commencement 
de  toute  éducation  musicale,  comme  si,  en  formant  l'oreille, 
il  ne  fallait  pas  s'occuper  aussi  de  former  l'esprit  et  le 
cœur  ! 

Pour  l'honneur  de  nos  professeurs  modernes ,  et  pour  la 
tranquillité  des  pères  de  famille  ,  il  importe  de  constater  que 
cet  air  dangereux  disparaît  tous  les  jours  de  l'enseignement, 
et  qu'on  ne  l'entend  presque  plus  chanter  par  les  petites 
demoiselles.  Heureux  l'avenir  qui  recueillera  les  fruits  de  ce 
progrès! 

M.  S. 


*;*  Aujourd'hui  dimanche,  à  l'Opcra,  par  extraordinaire,  Char- 
les J^I,  chanté  par  Duprez ,  Barroilhct ,  Levasseur ,  Massol  et 
M'"'=  Stollz.  —  Demain  lundi  la  Muette. 

,'^*  Lundi  dernier  les  Huguenots  ont  été  représentés  devant  une 
nombreuse  et  brillante  assemblée.  Duprez  a  supéiieurement  chanté 
le  rôle  de  Raoul,  et  M"»  Méquillet  a  souvent  obtenu  de  légitimes 
suffrages  dans  celui  de  Yalentine.  M">'  Dorus-Gras  s'est  maintenue  à 
la  hauteur  de  son  délicieux  talent.  M"'^  Nau  reparaissait  dans  le  rôle 
du  page  Urbain,  qui  lui  avait  valu  tant  de  succès  à  l'époque  de  son 
début  improvisé  sur  la  scène  de  l'Opéra.  Depuis  ce  temps  la  jeune 
cantatrice  n'a  rien  perdu  de  sa  voix,  et  a  beaucoup  gagné  en  assu- 
rance, en  «pression  théâtrale.  Ainsi  que  nous  l'avions  prévu,  ce  re- 
tour à  un  emploi  où  elle  régnera  sans  rivale  n'a  recueilli  que  des 
approbations  et  des  bravos  unanimes.  Même  résultai  dans  le  page 
du  Comte  Ory  que  SI"=  Nau  a  repris  vendredi  dernier.  Octave  a  fait 
preuve  de  grands  progrès  dans  le  rôle  principal. 

V  Le  ballet  intitulé  les  Caprices  sera  représenté  dans  la  première 
quinzaine  de  ce  mois, 

♦,"  M.  Mengis  doit  incessamment  débuter  dans  la  Favorite. 

*«"  Quoique  Dom  Sébastien  n'eût  pas  été  représenté  à  l'Opéra 
depuis  quinze  jours,  cet  ouvrage  n'a  exercé  aucune  attraction  sur 
le  public  dans  la  représentation  de  celte  semaine.  Il  est  malheu- 
reux pour  les  éditeurs  de  cet  opéra  que,  malgré  le  charlatanisme  de 
leurs  réclames ,  le  public  ne  l'adopte  pas  plus  dans  le  salon  qu'au 
théâtre. 

*,*  La  représentation  donnée  samedi  dernier  à  Rouen  par  Barroll- 
bet  a  produit  une  recelte  de  6,000  francs.  Le  célèbre  artiste  jouait  le 
rôle  de  iN'otlingham  dans  Robert  d'Evreux;  il  a  de  plus  cbanlé,  en 
l'honneur  de  Louis  Brune,  l'Inlrépide  sauveur  normand  ,  une  can- 
tate dont  la  musique  est  de  M.  Méreaux,  et  le  Muletier  de  Castilte, 
redemandé  par  tout  le  public. 

%*  Le  théâtre  de  Drury-Lanea,  dil-on,  traité  avec  Duprez  pour 
les  mois  de  mai  et  juin  prochains.  Il  est  question  d'un  opéra  nou- 
veau qui  serait  écrit  pour  le  célèbre  artiste. 

V  Demain  lundi,  au  Théâtre-Italien,  la  Gazza  Ladra  pour  le 
bénéfice  de  Fornasarl. 

*,"  Cflff/iosdo  ,  opéra-comique  en  trois  actes,  est  annoncé  pour 
mardi  prochain.  LaSyrine,  autre  opéra  en  trois  actes,  se  répète 
activement,  ainsi  que  deux  pièces  en  un  acte,  Oreste  et  Pylade,  et 
le  Jabot. 

*,*  Dérivis,  qu'on  a  vu  avec  regret  abandonner  l'Opéra,  il  y  a  trois 
ans,  pour  aller  se  perfectionner  en  Italie,  s'est  conquis  au-delà  des 
Alpes  une  position  brillante.  Tout  distingué  qu'il  fût  au  temps  où  il 
suppléait  si  souvent  Levasseur,  Dérivis   ne  pouvait  faire  présager 


par  son  genre  de  voix  la  transformation  qui  s'est  opérée  en  lui, 
par  d'opiniâtres  travaux  bien  dirigés ,  et  une  force  de  volonté 
guidée  par  une  consciencieuse  intelligence.  Le  fait  est  que  r£i!- 
mio  *((/yior  Derivis  est  aujourdb'ui  un  des  bassi  les  plus  recherchés 
parles  grands  théâtres  d'Italie;  la  Scala  de  Milan,  ce  premier  des 
théâtres  transalpins,  l'a  rappelé  trois  saisons  conséculives,  et  Vienne 
l'a  redemandé  une  seconde  fois  avec  les  chanteurs  d'élite  que  chaque 
année  réunit  au  printemps  le  théâtre  impérial  de  cette  capitale. 
Ajoutons  que  quatre  partitions  par  les  maëslri  Verdi ,  Imperatori 
et  Donizeltl ,  ont  déjà  été  composées  pour  notre  compatriote.  Ne 
serait-Il  pas  temps  que  Dérivis,  comme  l'ont  fait  Duprez  et  Bar- 
roilhct, rapportât  dans  sa  patrie  un  talent  déjà  estimé  avant  son 
départ,  que  l'état  actuel  des  basses  à  l'Opéra  semble  nous  rendre  in- 
dispensable? 

*,"  M"«  Julian,  dont  on  croyait  la  rentrée  possible  à  l'Opéra,  vient 
de  traiter  avec  le  théâtre  de  Bordeaux,  sa  ville  natale. 

*,*  Le  ténor  Monchelet,  qui  a  débuté  cette  année  avec  un  grand 
succès  au  théâtre  d'Amsterdam,  est  engagé  pour  la  saison  prochaine 
à  Marseille. 

*,*  M.  Félis  père  est  depuis  hier  à  Paris. 

%•  Voici  le  programme  des  grands  concours  de  1844,  en  ce  qui 
touche  la  composition  musicale  :  Entrée  en  loges,  le  23  mars  ;  sortie, 
29  mars  ;  jugement,  le  30.  —  Concours  définitif  :  entrée  en  loges, 
5  avril  ;  sortie,  30  avril  ;  jugement  préparatoire ,  30  mai  ;  jugement 
définitif,  1='  juin. 

V  Jeudi  soir  il  y  avait  au  Cercle  des  Arts  un  concert  très  re- 
marquable ,  composé  presque  entièrement  de  musique  ancienne  et 
classique.  M"«  Dubré  y  chantait  la  grande  scène  du  second  acte  de 
la  Vestale  ,  M""  Henri  Potier,  le  duo  du  Tableau  parlant  avec  Pon- 
chard,  et  l'air  de  la  Fauvette.  On  y  exécutait  encore  un  finale  de 
VJEllsa  de  Cherubini ,  et  un  admirable  quintelto  de  Mozart  pour 
piano  et  instruments  à  vent.  M.  Rosenhain  tenaille  piano. 

*,*  Les  lettres  de  Berlin  parlent  du  grand  succès  qu'obtient  en  cette 
ville  le  violoncelliste  F.  Servais.  Le  roi  et  la  famille  royale  assistaient 
au  premier  concert  donné  par  ce  célèbre  virtuose.  M.  Félix  Mendels- 
sohn-Barlholdy  dirigeait  ce  concert.  Servais  a  excité  un  grand  en- 
thousiasme comme  compositeur  et  comme  exécutant.  La  Gazette 
d'Etat  de  Prusse  du  21  janvier,  en  douant  à  Servais  le  litre  de  Pa- 
ganini  du  violoncelle,  va  jusqu'à  dire  que,  si  l'on  pouvait  établir  un 
paralélle  enlre  le  violoniste  et  Servals,  l'avantage  serait  peut-être  en 
faveur  de  ce  dernier. 

*,*  Le  premier  concert  de  M.  Ernst  aura  lieu  le  28  février  dans  les 
salons  de  M.  Herz.  Le  célèbre  artiste  exécutera  un  concerto  de  Spohr 
(op.  S,  Scena  concertante],  une  Fantaisie  sur  la  marche  et  la  romance 
d'Otello,  de  sa  composition;  des  Variations  de  Mayseder;  et  ses 
Variations  burlesques  Intitulées  le  Carnaval  de  f^enise,  qui  sont  de- 
venues populaires  en  Allemagne,  et  le  seront  autant  en  France  après 
qu'on  les  aura  entendues  par  M.  F.rnst. 

*/  M.  Chevillard,  un  de  nos  violonoelllstes  les  plus  distingués  et 
les  plus  honorables,  donnera  un  concert  le  18  février  dans  la  salle 
Pleyel.  On  y  entendra  une  ouverture  à  grand  orchestre ,  un  duo  de 
Beethoven  exécuté  par  MM.  Halle  et  Alard,  un  concerto  pour  vio- 
loncelle et  orchestre  exécuté  par  M.  Chevillard,  une  fantaisie  et  un 
caprice  pour  violoncelle  par  le  même  ,  et  enfin  un  solo  de  piano  par 
M.  Halle.  Nous  annoncerons  le  programme  détaillé. 

*,"  Dreyschock  est  à  Bruxelles ,  où  il  s'est  fait  entendre  dans  une 
soirée  particulière  en  attendant  le  grand  concert  qu'il  doit  donner 
dans  la  salle  du  Vauxall.  Ceux  qui  l'ont  entendu  partagent  Tadmi- 
ration  que  son  prodigieux  talent  a  excitée  parmi  nous.  Il  vient 
d'être  nommé  maître  de  chapelle  du  grand-duc  de  Hesse.  Cet  ar- 
tiste, qui  a  obtenu  de  si  brillants  succès  à  Paris  l'année  dernière,  y 
est  attendu  sous  peu  de  jours. 

*,*  Thalbcrg  continue  ses  immenses sqcccs  en  Italie;  ses  Fantai- 
sies sur  la  Donna  del  J.ago  et  sur  Semiramide  font  fanatisme.  Bien- 
tôt Il  sera  en  France,  et  nous  pourrons  l'applaudir  à  Paris,  où  il  don- 
nera son  premier  concert  au  Théâlre-Itallen. 

*,*  Tous  les  grands  pianistes  de  l'Europe  se  donnent  rendez-vous 
cette  année  à  Paris.  Nous  posséderons  au  mois  de  mars  Thalberg , 
Liszt,  Doehler  cl  Dreyschock.  Voilà  un  véritable  congrès  de  pianistes. 

*,"  M.  Conradin  Kreutzer  est  arrivé  à  Paris  pour  assister  aux  ré- 
pétitions d'Una  Natte  a  Greiiana,  qui  doit  être  représenté  cet  hiver 
au  Théâtre-Italien. 

*.*  M.  et  M""'  Iweins  d'Hennin  sont  de  retour  à  Paris,  après  un  bril- 
lant voyage  et  de  grands  succès  obtenus  à  de  nombreux  concerts, 
que  ces  artistes  ont  donnés  dans  les  villes  principales  delà  Belgique 


DE  PARIS. 


39 


et  à  Lille.  Le  24  février,  la  société  Philharmonique  d'Arras  a  donné  i 
son  2«  concert  dans  lecjtiel  M»"  d'Hennin  a  fait  entendre  un  'grand 
air  de  lu  Favorite ,  le  duo  de  la  Reine  de  Chypre  ,  et  la  ballade  de 
Charles  F£;  elle  a  obtenu  des  applaudissements  unanimes. 

V  Parmi  les  canlatriees-protesseurs  que  le  public  des  salons  ac- 
cueille avec  une  faveur  méritée,  nous  devons  citer  M"»"  C.  Leroy,  du 
Conservatoire.  Sa  méthode  pleine  de  distinction  ,  sa  diction  vraie 
et  bien  sentie,  jusliGent  la  réputation  qu'elle  s'est  acquise  dans  l'en- 
seignement du  chant. 

*,•  On  vient  de  construire  à  Orléans  une  nouvelle  grande  salle  de 
concerts  et  un  hôtel  destiné  à  un  Institut  musical.  L'inauguration 
aura  lieu  le  t)  février,  par  un  grand  concert  pour  lequel  le  célèbre 
violoncelliste  Ernst  et  la  jolie  M""  Sabatier  sont  engagés.  Nous  ren- 
drons compte  de  cette  fête  musicale. 

V  Un  fabricant  d'instruments  à  Gotha  vient  d'inventer  des  dia- . 
posons  en  miniature,  qui  peuvent  se  porter  à  un«  montre  ,  attachés 
en  guise  de  clef. 

•,*  Encore  une  chute  à  enregistrer  :  c'est  Riccardo  Mour  de  Fran- 
çois Galles ,  qui  a  fait  un  fiasco  complet  à  Naples.  On  reproche  à 
juste  titre  à  cet  ouvrage  le  chaos  qui  régne  dans  de  soi-disant  mélo- 
dies mal  ordonnées,  et  une  instrumentation  sans  goût  et  tout-à-fait 
insuffisante. 

V  Le  Paradis  et  la  Péri,  opéra  de  Robert  Schumann  ,  a  été  re- 
présenté à  Leipzig.  On  s'est  demandé  si  c'était  de  la  musique  ou  uri 
charivari  qu'il  voulait  donner  au  public. 

*,*  Le  conseil  municipal  de  Wursbourg  a  décidé  que  le  théâtre, 
qui  était  une  propriété  particulière,  serait  acheté  par  la  ville.  C'est  un 
exemple  qui  devrait  être  suivi  par  nos  villes  de  province ,  car  il  est 
à  remarquer  que  les  faillites  des  directeurs  ont  presque  toujours  lieu 
dans  les  villes  où  les  loyers  sont  onéreux  pour  eux  ,  et  le  théâtre 
contribue  toujours  à  la  richesse  de  la  ville.    . 

*/  Le  nouveau  théâtre  que  l'on  se  propose  de  construire  en  Ha- 
novre coûtera  2,b0ft,000  francs;  ce  sera  une  des  plus  belles  salles  de 
l'Europe. 

*,*  Le  directeur  de  la  musique  de  l'orchestre  du  théâtre  royal  de 
Berlin  ,  M.  Schneider,  donne  cet  hiver  quatre  concerts  de  musique  de 
chant  classique.  On  remarque  dans  les  programmes  les  noms  :  Du- 
rante, Palestrina,  Haydn,  Cherubini  et  Spohr. 

*,*  L'engagement  de  M""  Schroeder-Devrient  au  théâtre  de  Dresde 
a  été  renouvelé  pour  deux  ans;  on  n'osait  le  faire  de  plus  longue  du- 
rée, la  célèbre  cantatrice  ayant  passé  la  quarantaine. 

*»*  M.  Dehn,  le  célèbre  professeur  de  musique  à  l'Université  de 
Berlin ,  vient  de  taire  un  cours  sur  la  musique  moderne. 

\*  On  a  représenté  à  Berlin  l'opéra  nouveau  de  Wagner  :  le  Hol- 
landais errant.  Cel  ouvrjige  a  obtenu  du  succès;  la  première  repré- 
sentation a  été  dirigée  par  Meyerbeer,  les  deuxième  et  troisième  par 
l'auteur. 

*/  Parmi  les  nombreux  candidats  qui  se  mettent  sur  les  rangs 
pour  la  chaire  de  musique  vacante  à  l'université  d'Edimbourg,  il 
faut  citer  le  chevalier  Catruffo.  Est-ce  l'auteur  d'un  opéra-comique 
déjà  oublié,  Félicie  ,  où  avait  surnagé  une  romance  ;  La  sympathie 
est  le  lien  des  âmes  ? 

*,'*  La  vogue  prodigieuse  du  bal  de  l'Opéra  s'augmente  toujours. 
Pour  ces  fêtes  si  singulièrement  populaires,  la  réclame  est  devenue 
une  vérité. 

»  *  Le  bal  de  l'Opéra-Comique  a  pour  lui  la  faveur  qui  s'attache 
au  lendemain  sans  lequel  il  n'y  a  pas  de  belles  fêtes.  La  foule  s'y 
porte  avec  un  empressement  périodique. 

%*  La  littérature  vient  encore  de  faire  une  perte  douloureuse  en 
la  personne  de  M.  Charles  Nodier,  dont  les  obsèques  ont  eu  lieu  lundi 
dernier,  à  l'église  Saint-Paul-Saint-Louis.  Pendant  la  messe  et  au 
momentde  l'élévation,  M.Elwart,  compositeur,  ancien  élève  de  Rome, 
a  fait  exécuter  par  quelques  uns  de  ses  amis  un  Pie  Jesu  ,  sans  ac- 
compagnement, qu'il  avait  écrit  à  cette  intention.  Ce  morceau,  d'une 
harmonie  douce,  d'un  sentiment  mélancolique  et  religieux,  tait  le 
plus  grand  honneur  au  talent  et  au  cœur  de  l'artiste.  Au  cimetière 
du  Père  La  Chaise,  des  adieux  touchants  ont  été  adressés  à  Nodier 
par  MM.  Etienne,  directeur  de  l'Aadémie  française;  Cayx,  député  et 
l'un  des  bibliothécaires  de  l'Arsenal ,  et  par  M.  le  baron  Taylor,  l'un 
de  ses  plus  anciens  amis. 


*,*  P^ersailles ,  21  janvier.  —  La  Juive  vient  d'être  donnée  sur  notre 
scène  avec  une  pompe  ,  un  luxe  vraiment  inouï  dans  nos  murs.  Ce 
soir  a  lieu  la  troisième  représentation ,  et  l'on  devra  refuser  des 
billets  à  la  porte  ,  car  le  succès  des  deux  premières  fait  présager  une 
continuité  d'abondantes  recettes.  Décors,  costumes,  accessoires,  tout 
est  nouveau,  frais  et  gracieux,  de  sorte  qu'avec  les  artistes  de  mérite 
que  nous  possédons,  M.  Chapiseau  doit  arriver  à  ne  pas  regretter  les 
dépenses  énormes  auxquelles  il  a  été  entraîné.  On  rira  peut-être,  on 
doutera  du  moins  si,  à  propos  de  ce  succès,  nous  osons  penser  à  une 
comparaison  avec  l'Académie  royale  de  Musique;  cependant,  rien 
n'est  plus  vrai  qu'après  avoir  entendu  la  Juive  à  Paris,  nous  l'avons 
vue  avec  plaisir  à  Versailles.  Sur  notre  scène  ,  elle  ne  laisse  rien  à 
désirer,  si  ce  n'est  un  plus  grand  espace  ,  qui  permette  à  la  pompe 
des  1",  3=  et  5«  actes  un  plus  ample  développemenl. 

CBiroBîisjaae  éta°asBgère. 

*,.*  Bruxelles.  —  Le  bal  offert  par  le  roi  aux  sociétés  de  la  Grande- 
Harmonie  et  de  la  Philharmonie  a  eu  lieu  hier  au  Grand-Théâtre. 
Depuis  plusieurs  mois  cette  fête  faisait  dans  tous  les  cercles  de  la  so- 
ciété de  Bruxelles  le  sujet  des  conversations.  Malgré  les  choses  pres- 
que merveilleuses  qu'on  avait  annoncées  d'avance,  la  tète  a  été  plus 
resplendissante  encore  qu'on  ne  pouvait  s'y  attendre.  Le  roi  voulait 
que  le  bal  fût  magnifique;  pour  obtenir  cejésultat,  S.  M.  avaitdonné 
l'ordre  de  ne  rien  épargner. 

—  La  musique  a  été  convoquée  pour  l'inauguration  du  bazar  de 
la  rue  Ducale.  L'élite  des  musiciens  du  Conservatoire  belge  s'était 
rendue  à  cet  appel ,  et  a  fait,  entre  autres  morceaux,  applaudir  une 
exécution  chaleureuse  de  l'ouverture  du  Comte  d'F/imont. 

*,"  Londres. —  On  vient  d'exécuter  des  mélodies  hébraïques  qui  re- 
montent, dit-on  ,  jusqu'aux  temps  les  plus  anciens,  et  qui ,  trans- 
mises par  la  tradition  orale,  ont  été  recueillies  par  les  rabbins.  Sans 
discuter  ici  ce  point  de  controverse  musicale  ,  bornons-nous  à  dire 
que  ces  mélodies  se  divisent  en  deux  séries,  l'une  toute  religieuse  , 
l'autre  consacrée  aux  passions  et  aux  sentiments  de  la  vie  sociale. 
Elles  ont  été  revêtues  des  formes  indispensables  de  l'art  moderne, 
parM.  Louis  Léo,  et  ont  trouvé  d'habiles  interprètes,  notammentle 
chanteur  Philips,  qui  a  chanté  avec  beaucoup  d'éclat  l'air  de 
triomphe  de  Moïse  après  le  passage  de  la  mer  Rouge.  On  a  aussi  re- 
marqué une  chanson  d'amour.  —  M.  Haynemayer,  jeune  violoncel- 
liste natif  de  Westphalie,  produit  une  vive  sensation  dans  les  cercles 
artistiques  de  Londres.  La  manière  hardie  dont  il  exécute  des  passa- 
ges qui  semblaient  jusqu'ici  impraticables  sur  son  instrument ,  lui 
a  valu  le  surnom  de  Paganini  du  violoncelle. 

—  A  rOpéra-Italien  de  Londres ,  il  se  prépare  quelques  change- 
ments ;  on  croit  que  la  signora  Favanti ,  qui  a  eu  un  si  beau  début  à 
Naples,  remplace  M°"  Moltini.  La  signora  Favanti  (miss  Edwards) 
est  élève  de  l'Académie  royale  de  Londres  ;  dans  les  concerts  donnés 
par  cet  établissement  elle  s'était  fait  remarquer  par  la  beauté  et  la 
puissance  de  son  organe  ;  toutefois  elle  laissait  beaucoup  à  désirer 
sous  le  rapport  de  la  méthode. 

—  M,"W.  H.  Holmer,  professeur  de  piano  à  l'Académie  royale  de 
musique  de  Londres,  a  donné  sa  première  soirée  musicale  dans  la 
salle  de  Willis,  Ring-Street.  A  côté  de  lui  se  sont  fait  entendre 
MM.  Séguin,  Parry,  Cramer,  Gustave  Brandt  et  M"'"  Messent  et 
Steel;  tous  ces  artistes  se  sont  fait  applaudir  par  un  nombreux  audi- 
toire. 

—  M.  Thomes  Allmann,  à  Londres ,  publie  un  choix  de  psaumes 
et  d'hymnes,  pour  une  ou  quatre  voix,  avec  accompagnement  d'or- 
gue ou  de  piano. 

*,*  Weimar. —  Le  céièbre  Liszt  est  ici  depuis  un  mois  comme  maî- 
tre de  chapelle  de  S.  A.  R.  le  Grand-Duc ,  à  la  tête  de  l'orchestre,  et 
occupe  ainsi  la  place  de  Hummel.  L'orchestre  se  ressent  de  sa  vive  et 
fougueuse  direction  et  s'améliore  beaucoup.  Les  chefs-d'œuvre  de 
Beethoven,  de  Weber  et  Meyerbeer,  que  Liszt  a  mis'au  répertoire,  ont 
été  reçus  avec  enthousiasme  par  le  public,  qui  aussi  applaudit  beau- 
coup le  grand  pianiste  quand  il  exécute  ses  compositions  ,  et  surtout 
ses  fantaisies  sur  Don  Juan  ,  Robert-le-Diable  et  sa  seconde  marche 
hongroise.  Les  airs  que  Liszt  a  publiés  à  Berlin  sous  le  titre  le  Lione 
des  Lieder,  excitent  fanatisme  quand  il  les  accompagne.  Ses  Lieds  , 
Lurley  de  Heine,  Mignon  de  Goethe,  sont  délicieux.  Le  second  vo- 
lume de  cet  ouvrage,  contenant  six  poésies  lyriques  de  Victor  Hugo, 
est  attendu  avec  impatience. 

—  Ona  dernièrement  faitdevant  la  reine  Victoria,  dans  la  chapelle 
particulière,  une  répétition  soient  :;lle  delà  musique  sacrée  compo- 


40 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


sée  par  son  époux,  le  prince  Albert.  L'orgue  était  tenu  par  le  docteur 
Elvey,  qui  présidait  à  cette  épreuve  intéressante. 

•,"  Berlin ,  23  janvier.  —  Dans  la  soirée  d'hier,  de  graves  désordres 
ont  eu  lieu  dans  notre  capitale.  Voici  à  quelle  occasion.  I.es  acteurs 
du  Théâtre-National  et  ceux  du  Théûlre-Royal  du  grand  Opéra  de 
Berlin  ,  selon  un  usage  qui  remonte  au  règne  de  Frédéric-le-Grand  , 
donnent  tous  les  hivers ,  au  bénéfice  des  artistes  dramatiques  indi- 
gents, une  représentalion  composée  de  trois  parties  distinctes  ,  sa- 
voir: 1»  L'exécution  de  quelques  fragments  de  pièces  de  théâtre  ;2o  la 
déclamation  de  divers  poèmes  ;  3"  un  concert.  La  représentation  de 
l'hiver  actuel  était  fixée  à  hier,  au  Théâtre-National,  et  le  programme 
du  concert  avait  en  effet  de  quoi  piquer  au  plus  haut  degré  la  cu- 
riosité publique:  il  annonçait,  entre  autres  morceaux  ,  des  chants 
nationaux  de  divers  peuples  de  l'Europe,  et  qui  étaient  choisis  et 
rangés  de  manière  que  chaque  chant  purement  monarchique  était 
suivi  d'un  autre  qui  rappelle  des  souvenirs  révolutionnaires;  ainsi, 
après  le  chant  f^ive  Henri  IF!  venait  la  Marseillaise;  après  God 
save  ihe  Queen  ,  le  Chant  du  Départ  ;  après  Dieu  conserve  l'Empereur 
(  d'Autriche  !  )  VHymne  de  Riego  ,  etc.  Ces  chants  avaient  été  instru- 
mentés exprès  pour  l'occasion  par  noire  habile  maître  de  chapelle 
Charles  Tauler,  et  ils  devaient  être  chantés ,  dans  les  langues  orien- 
tales ,  par  les  premiers  sujets  de  nos  théâtres  lyriques  et  un  grand 
nombre  des  diletianti  les  plus  distingués  de  Berlin.  Le  jour  même  où 
le  programme  de  la  représentation  fut  affiché,  tous  les  billets  furent 
enlevés,  et  le  roi  lui-même  en  envoya  chercher  quatre,  que  S.  M. 
paya  25  frédérichs  d'or  (520  fr.  ).  Dans  la  matinée  d'hier,  les  billets 
étaient  si  recherchés  qtie  ceux  qui  coûtaient  1,  2,  3  et  4  thalers(4,  8, 
12, 16tr.)  se  vendirent  au  quintuple  de  leur  prix  primitif.  Bien  que 
les  portes  du  ihéàtre  ne  dussent  être  ouvertes  qu'à  sept  heures,  elles 
étaient,  dès  trois  heures,  assiégées  d'une  foule  immense,  qui  se  grossit 
sui  cessivement,  et  finit  par  couvrir  la  vaste  place  où  est  situé  le  théâ- 
tre. A  cinq  heures  déjà  les  voitures  commençaient  à  arriver,  et  leur 
nombre  devint  si  considérable,  que  les  rues  voisines  s'en  trouvèrent 
encombrées.  Cependant,  à  sept  heures  un  quart  le  théâtre  n'élait  pas 
encore  ouvert ,  ce  qui  fit  murmurer  tout  haut  la  foule  impatiente  , 
qui  néanmoins  semblait  vouloir  se  résigner  à  attendre.  A  sept  heures 
et  demie  ,  quelques  voix  de  stentor,  parmi  le  peuple,  firent  retentir 
l'air  des  cris  de  :  «Ouvrez  donc  1  ouvrez  donc!  »  qui  furent  répétés 
en  chœur  par  plusieurs  milliers  de  personnes.  Alors  un  des  régisseurs 
du  théâtre  parut  sur  le  balcon,  et  après  avoir  fait  les  Irois  révérences 
usitées  sur  la  scène ,  lesquelles  toutefois  excitèrent  la  plus  bruyante 
hilarité  ,   il  dit  d'un  ton  timide  que  ,  par  suile  d'un  empêchement 
survenu  à  l'instant  même ,  la  représentation  ne  pourrait  pas  avoir 
lieu  ,  mais  que  le  lendemain  le  caissier  du  théâtre  rendrait  l'argent 
contre  la  remise  des  billets.  Celte  annonce  coïncidant  avec  le  bruit 
qui  se  répandit  au  même  moment,  que  le  gouvernement  avait  dé- 
fendu la  représentation  pour  être  agréable  à  quelques  membres  du 
corps  diplomatique,  qui  regardaient  comme  scandaleuse  l'exécution 
de  chants  révolutionnaires  sur  un  théâtre  public  de  Berlin,  devint  le 
signal  du  plus  vif  méconlenlement.  On  cria  de  tous  les  côtés  :  «  A  bas 
la  police!  vive  le  peuple  !  vive  la  liberté  !  »  Et  aussitôt  des  pierres 
furent  lancées  contre  les  croisées  du  théâtre  ,  dont  les  vitres  volèrent 
en  éclats.  Des  agents  de  police  sommèrent  le  peuple  de  se  disperser; 
mais,  loin  d'obtempérer  à  cet  ordre,  la  foule  l'accueillit  avec  des 
huées ,  se  tint  immobile  et  compacte ,  et  enlonna  les  airs  de  la  Mar- 
seillaise et  Y  Hymne  de  Riego.  Alors,  la  force  armée  intervint.  Les 
gendarmes  et  les  dragons  chargèrent  à  trois  fois  la  foule,  qui,  après 
avoir  essayé  une  résistance  inutile,  se  vil  forcée  de  se  retirer,  en  lais- 
sant sur  la  place  environ  cent  vingt  individus  blessés.  La  police  et 
les  troupes  ont  fait  de  nombreuses  arrestations,  dont  les  uns  portent 
le  chiffre  à  deux  cents,  d'autres  à  trois  cents  et  même  à  quatre  cents 
personnes.  La  justice  a  dû  commencer  aujourd'hui  l'instruction  de 
cette  affaire,  qui  a  causé  ici  une  vive  émotion. 


—  M.  Meyerbeer  est  de  retour,  mais  n'a  pas  encore  pris  la]direc- 
tion  de  l'orchestre;  il  y  a  même  des  personnes  qui  prétendent  qu'il 
a  offert  sa  démission  pour  le  cas  où  le  roi  n'accepterait  pas  ses  pro- 
positions pour  l'amélioration  de  l'opéra.  Les  Huguenots  ont  été  remis 
à  la  scène  avec  M"'»  Schroeder-Devricnt  et  M.  Hartiuger;  cet  opéra  a 
excité  ici,  comme  partout,  un  vif  enthousiasme.  Roberi-le-Diabte  est 
maintenant  en  répétition  ;  M"'=  Schroeder  chantera  le  rôle  d'Isabelle. 

—  Le  célèbre  ténor  iMoriani  continue,  pendant  son  séjour  à  Berlin, 
ses  représentations  au  théâtre,  et  l'effet  qu'il  avait  produit  dès  son 
premier  essai  s'augmente  chaque  fois  :  après  avoir  chanté  dans  Fm- 
crezia  et  dans  fSelisario,  où  il  s'était  montré  admirable  dans  le  genre 
passionné  aussi  bien  que  dans  le  genre  de  force ,  hier  il  a  chanté  le 
rôle  d'Edgardo  dans  Lucia  di  Lammermoor  avec  une  telle  perfection , 
qu'il  a  été  couvert  d'applaudissements  après  chaque  morceau.  Le  cé- 
lèbre chanteur  se  fera  entendre  encore  dans  la  Favorita  de  Doni- 
zetli ,  dans  les  Puritani ,  la  IVorma  et  le  Giuramento. 

—  Nous  avons  maintenant  beaucoup  de  jouissances  musicales. 
Avant-hier  Servais ,  hier  Moriani ,  aujourd'hui  M""^  Devrient  :  que 
nous  manque-t-il  pour  avoir  un  vrai  paradis  musical?  Incessamment 
grande  soirée  musicale  chez  lord  Westmoreland  ,  -qui  doit  également 
nous  faire  entendre  sous  peu  une  grand'messe  de  sa  composition;  elle 
sera  exécutée  p-ir  l'Académie  de  chant. 

*/  Munich.  —  Zaïde,  opéra  de  M.  Poils,  a  été  représenté  Ici  avec 
un  luxe  de  décors  et  de  costumes  presque  inouï  chez  nous.  Cet  ou- 
vrage a  obtenu  beaucoup  de  succès. 

*,"  Milan.  —  Nos  journaux  annoncent  le  brillant  succès  obtenu 
par  M"""  Monténégro  dans  le  rôle  de  Norma  au  théâtre  de  la  Scala. 

*,"  Lucques.  —  L'opéra  il  Ritorno  di  Columella  da  Padova  a  fait 
fiasco. 

*,">  Pétersbourg.  —  Par  ordre  de  l'empereur,  le  privilège  de  donner 
des  bals  masqués  est  désormais  restreint  à  la  direction  des  théâtres 
et  au  club  des  nobles.  Ces  sortes  de  réunions  sont  formellement  inter- 
dites aux  clubs  et  cercles  particuliers. 

V  Madrid.  —  José  Martos,  l'auteur  de  l'opéra  espagnol  Velleda, 
qui  a  obtenu  un  succès  d'éclat  à  Grenade ,  vient  de  se  rendre  à  Ma- 
drid ;  l'on  espère  que,  malgré  l'incurie  du  gouvernement,  on  lui 
offrira  l'occasion  de  donner  un  nouvel  essora  son  talent. 

*,"  Barcelone.  —  A  l' Opéra-Italien  on  a  donné  récemment ^oima, 
avec  M""  Emilie  Goggi.  Cette  cantatrice  avait  à  lutter  contre  les 
souvenirs  de  M""«  Brambilla,  qui  a  créé  autrefois  le  rôle  de  Norma, 
Au  théâtre  de  Santa-Cruz,  le  succès  de  M"»»  Goggi  a  été  complet; 
dès  la  cavatine  du  premier  acte ,  applaudissements ,  bouquets  et  cou- 
ronnes. M"»»  Gazzelio  (Adalgise),  M.  Verger  (PoUion),  se  sont  égale- 
lement  fait  applaudir.  Incessamment:  la  Muette,.  Roméo  et  Juliette 
et  les  Deux  Figaro  ,  musique  du  signor  Esperanza. 

*,*  Alexandrie  (Egypte).  —  Le  premier  ténor  du  Théâtre-Italien  a 
été  arrêté  et  conduit  à  Livourne;  il  est  accusé  d'avoir  provoqué  à  la 
guerre  civile. 


CONCERTS  ANNONCES. 


4    février.  M"=  Ducrest.  Salle  Pleyel. 

4        —        Deuxième  séance  de  quatuors  de  M.  Javault. 

4       —        Matinée  au  bénéfice  d'un  artiste.  Salons  Bernhardt. 

28      —        Ernst.  Salle  Herz. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


iUaurice  6£l)lcsinger , 

97,  RUE  Richelieu. 


18  ÉTUDES  POUR  LE  YIOLOIV 

COMPOSÉES   PAR 

A.  BOHRER. 


DEIXIEHE  EDITION. 


Nos  plus  célèbres  violonistes  regardent  ces  Éitules  comme  des  chefs-d'œuvre  dignes  d'être  mis  à  côté  des 
Études  célèbres  de  Slreiitzep.  Nous  les  recommandons  à  l'atlenlion  de  tous  les  violonistes  et  de  MM.  les  professeurs. 

PRIX  NET  :  6  FRANCS. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


Pour  Paris  :  un  an,  30  fr.  ;  six  mois,  15  fr.     —     Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres     —     Départements  :  un  an ,  34  fr.  Étranger,  38  lir. 


QiP 


REVUE 

ET 

GAZETTE  MUSICALE 


MM.  ANDERS,  G.  BENEDIT,  BERLIOZ,  Hehbi  BLANCHARD, 

MAL'iiiCE  BOURGES.  F.  DANJOll,  DUESBERG ,  FÉTIS  père,  Édouabd  FÉTIS,  Stepueb  HELLER,   J.  JANIN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  GEORGE  SAND,   L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Paraissant  tous  tes  IHntanehes, 

IL  SERA  JOEVT  A  CHAQIŒ;  NTWÉRO  UK  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVABNI. 
Le  â"  et  le   â5  de  cliaqne  mois  on  recevra  un  morceau  de  musi^iao* 


SOMMAIRE.  Un  livre  de  première  nécessité;  par  MAURICE 
BOURGES.  —  Conceil  de  M,  Hector  Berlioz;  par  MAURICE 
BOURGES. —  Coup-d'œil  musical  sur  les  concerts  de  la  semaine; 
parQ.BL.ANCHARD.  —  Correspondance  particulière  :  Bruxelles. 
—  Nouvelles.  — Annonces. 

lE  MARQUIS  ■D'&.m.O-ENT  COURT.  Dessin  de  GAVAKBiTI. 

MM.  les  Abouiiés  oui*  reçu  avec  Be  S'  in»- 
luéro ,  MjC  MSiabte  t'owge ,  Album  de 
3â  valses,  et  avee  le  S',  MJ Attilatotise , 
3'  -walse  «le  E.  'Wollf.  —  Uia  accident  arrivé  à 
la  pierre  iioias  oMige  de  reasiettre  la  publica- 
tion' des  Portraits  des  Coiinposîtenrs  dra- 
matiques célèbres  aai  mois  procliain. 


UN  LIVRE  DE  PREMIERE    NECESSITE. 

as  bons  livres  sont 
jrares.      Rien     de 
jinieux    établi  que 
cet  axiome  clans  les 
■rts  et  les  sciences; 
ien    pourtant    de 
•  moins  généralement  reconnu   parmi  les 
musiciens,  surtout  en  ce  qui  regarde  la 
composition.  A  les  entendre  ,  chacun  sé- 
parément et  selon  son  intérêt,  les  ouvrages 
didactiques  complets   et  raisonnes   ne   font 
point  faute  ;  ils  sont  gens  à  vous  en  citer,  non 
pas  un  ,  non  pas  dix ,  mais  vingt ,  trente  et 
au-delà ,  sans  sortir  de  la  période  moderne. 
Par  malheur,  tous  ces  écrits,  si  riches  selon  eux, 
si   entiers ,    si    suffisants,   se    réduisent    à    des 
compilations  indigestes ,  à  des  spéculations  trop 
souvent  arbitraires ,   à    des    séries    d'observa- 


tions classées  sans  ordre ,  sans  logique ,  pas  toujours  exac- 
tes, et,  ce  qui  est  pis,  présentées  sous  une  forme  aride  et 
soporifique. 

Reinarquez  bien  C|ue  je  ne  parle  même  pas  du  nombre  in- 
fini de  copies  plus  ou  moins  adroitement  déguisées ,  qui  re- 
produisent à  satiété ,  sans  la  moindre  addition  ou  correction, 
ce  que  tant  d'autres  avaient  emprunté  et  calqué  avant  elles. 
Je  m'en  tiens  aux  ouvrages  théoriques  qui  se  piquent  d'aper- 
çus neufs,  de  simplification  et  d'esprit  systématique.  Or, 
depuis  cinquante  ans  environ  ,  cette  prétention  a  été  terri- 
blement affichée,  sans  qu'il  en  soit  sorti  le  plus  petit  livre  qui 
ait  donné  une  solution  satisfaisante  à  tous  les  problèmes  de  la 
science  et  de  la  philosophie  musicale. 

Certes,  il  y  aurait  souveraine  injustice  à  nier  les  incontes- 
tables services  de  détail  que  plusieurs  de  ces  traités  ont  rendus 
à  l'enseignement.  L'opinion  publique ,  en  signalant  leurs  au- 
teurs, me  dispense  d'en  faire  ici  l'énumération.  Mais  enfln  , 
tout  respectables  que  ces  écrits  puissent  être ,  en  raison  du 
nouveau  jour  qu'ils  ont  parfois  jeté  sur  quelques  points  épars, 
et  du  progrès  qu'ils  ont  déterminé  dans  certaines  parties  de 
l'art  de  professer  ,  ils  ne  sauraient  désarmer  la  critique  et  la 
réduire  au  silence.  Loin  de  là.  Elle  voit  trop  bien  la  quantité 
de  lacunes  ,  de  contradictions ,  de  non-sens ,  d'erreurs  mani- 
festes ,  de  conclusions  fausses ,  que  renferment  tant  de  volu- 
mes imparfaits.  Elle  sent  qu'il  n'y  a  là  ni  principe  vital  d'unité, 
ni  liaison  générale ,  ni  conséquences  inattaquables  logique- 
ment déduites  d'un  critérium  absolu.  Ce  sont ,  il  est  vrai , 
d'utiles  renseignements  ,  des  recueils  quelquefois  bons  à  con- 
sulter, des  matériaux  à  mettre  en  œuvre  ,  tout  un  travail 
préparatoire  ;  mais  rien  de  définitif ,  de  grand,  de  solide  ,  qui 
mérite  le  beau  titre  de  corps  de  doctrine. 

Aussi  qu'advient- il  de  toutes  ces  productions  mal  digérées, 
sans  nœud,  sans  suite  et  platement  écrites?  Elles  disparais- 
sent peu  à  peu  de  la  circulation  avec  le  professeur  qui  leur 
a  dopné  une  vogue  éphémère ,  et  n'existent  plus  que  dans 


SURSAUX   B'ABON'N'EMEN'T,    RUE   RICHEIiIEU ,    97. 


42 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


la  poudreuse  obscurité  des  bibliothèques  pour  les  savants  ou 
les  amateurs  d'érudition  stérile. 

Mais  quoi  !  dira-t-on ,  voudriez-vous  nous  persuader  qu'il 
n'y  a  pas  un  seul  traité  de  coniposisioa  bien  conçu  ,  suffisam- 
ment écrit ,  et  qui  ait  résolu  toutes  les  questions  théoriques? 
Je  ne  prétends  pas  imposer  mon  opinion.  Je  laisse  agir  la 
puissance  des  faits,  et  consens  volontiers  à  être  cojivaincu 
d'erreur,  si  parmi  les  ouvrages  didactiques  publiés  jusqu'à 
ce  jour,  on  m'en  indique  un  seul  où  l'on  ne  découvre  à 
l'instant  l'omission  absolue  des  difficultés  les  plus  graves,  et 
des  vérités  capitales.  Qu'on  ne  s'y  trompe  pas  ;  tout  est  à 
faire  à  cet  égard  ;  ou  du  moins ,  si  cet  ensemble  souhaitable 
est  réalisé  quelque  part ,  le  monde  musical  n'en  a  pas  reçu 
la  confidence.  Voilà  pourquoi  j'appelle  de  tous  mes  vœux  ce 
livre  de  première  nécessité  ,  encore  inédit. 

D'où  vient  pourtant  qu'un  travail  évidemment  indispensa- 
ble n'a  pas  été  accompli,  à  une  époque  surtout  où  les  besoins 
de  la  pensée  sont  universellement  compris  et  satisfaits , 
comme  à  l'envi,  dans  toutes  les  autres  branches  de  l'art  ou  de 
la  science  ?  Il  y  a  à  cela  quelques  raisons  décisives.  En  géné- 
ral, tous  ceux  qui  se  mêlent  d'écrire  sur  la  musique  et  d'en- 
treprendre l'explication  dogmatique  de  certaines  parties  iso- 
lées, ou  même  de  l'ensemble  ,  ont  donné  beaucoup  de  temps 
à  la  pratique  ,  mais  fort  peu  aux  réflexions  ,  aux  recherches, 
aux  études  préliminaires.  La  philosophie  n'est  guère  le  lot 
des  musiciens  en  France,  leur  vie,  presque  toujours  tumul- 
tueuse, absorbée  par  les  intérêts  matériels,  vouée  à  l'ac- 
tion eSkiérieure  ,  ne  leur  permet  pas  de  miirir ,  de  développer 
cet  esprit  d'examen  ,  de  pénétration  ,  qui  s'élève  rationnelle- 
ment de  l'effet  à  la  cause. 

D'autre  part ,  lorsque  des  philosophes  font  à  la  musique 
l'honneur  de  s'en  occuper  ,  ils  s'égarent  bien  vite  ,  précisé- 
ment parce  qu'ils  ne  sont  pas  suffisamment  approvisionnés 
de  ressources  expérimentales.  Faute  de  cet  empirisme  indis- 
pensable ,  ils  poursuivent  des  utopies  hasardées ,  des  rêve- 
ries ,  et  entassent  ces  divagations  prohxes  qui  font  hausser 
les  épaules  au  praticien  et  le  conduisent ,  par  un  faux  raison- 
nement ,  au  mépris  de  la  science  réelle  ,  confondue  à  tort 
avec  de  vaines  hypothèses. 

Que  faudrait-il  donc  à  l'homme  qui  voudrait  laisser  après 
lui  un  livre  fortement  pensé  ,  fidèle  exposition  de  la  nature 
des  choses?  une  grande  expérience  dans  l'art  d'écrire  en 
musique  ,  une  longue  habitude  de  l'enseignement ,  une  im- 
mense lecture  spéciale  et  rétrospective  ,  une  aptitude  pîir- 
ticulière  à  l'examen  approfondi  des  moindres  détails ,  un 
entier  détachement  des  préjugés  de  routine  ;  enfin  ,  et  par- 
dessus tout ,  un  besoin  impérieux  de  méthode  rationnelle.  Si 
l'on  avoue  que  tant  de  conditions  obligatoires  sont  très  diffi- 
ciles à  réunir,  on  comprendra  sans  peine  comment  il  se  fait 
que  nous  en  soyons  encore  à  regretter  l'absence  d'un  livre 
aussi  désirable.  Et  cependant  l'insuffisance  de  tous  ceux  qu'on 
met  entre  les  mains  des  élèves  et  qui  sont  bien  éloignés  de 
leur  donner  des  idées  justes,  rend  plus  nécessaire  que  jamais 
la  publication  d'un  ouvrage  vraiment  philosophique  ,  qui 
marche  de  niveau  avec  les  créations  de  l'art  moderne.  Dans 
la  doctrine ,  en  effet ,  que  de  points  obscurs  !  que  de  ques- 
tions voilées  d'ombre  !  Sans  doute  on  a  fait  de  grands  pas 
depuis  un  siècle.  Mais  combien  la  route  est  longue  encore  avant 
d'avoir  atteint  la  vérité ,  et  pénétré  le  principe  radical  de 
la  science  !  Combien  de  faits  curieux  à  exploiter ,  à  constater, 
h  rattacher  à  une  souche  commune ,  à  une  famille  distincte  ! 
Depuis  l'avènement  de  notre  tonalité ,  qui  a  détrôné  celle 
du  plain-chant  et  réalisé  si  vite  la  conquête  de  l'Europe,  fort 
peu  d'écrivains  ont  sérieusement  songé  à  sa  constitution  ,  à 


sa  nature ,  à  son  origine  ,  à  son  avenir.  Aucun  des  livres  mis 
au  jour  n'a  démontré ,  n'a  laissé  même  entrevoir  le  désir  de 
démontrer  l'existence  forcée  d'un  principe  générateur  ,  es- 
sence de  cette  tonalité ,  les  causes  naturelles  de  la  forme  de 
notre  gamme ,  de  la  production  des  accords ,  et  des  lois 
immuables  qui  règlent  impérieusement  leurs  rapports  de 
succession. 

Vainement  on  chercherait  ces  considérations  et  quantité 
d'autres  de  l'ordre  le  plus  élevé  dans  les  volumes  sans  nombre 
écrits  sur  la  composition  musicale.  Il  n'y  en  a  pas  trace.  Pas 
un  ne  s'est  soucié  de  lui  donner  une  base  mathématique , 
fondée  en  fait  et  en  logique. 

Les  hommes  du  monde ,  parfaitement  incapables  d'appré- 
cier la  gravité  de  cette  matière  ,  et  trop  indifférents  pour 
accorder  quelque  importance  à  la  discussion  d'un  art  réputé 
d'agrément ,  s'en  reposent  sur  le  préjugé.  Les  musiciens 
eux-mêmes  (j'eiitendsla  masse)  s'écartent  avec  une  sorte  de 
dégoiît  de  tout  ce  qui  a  les  apparences  austères  de  la  théorie 
spéculative,  qu'ils  traitent  d'inutilité  ,  avec  une  confiance 
souverainement  ridicule.  Fort  peu  lettrés ,  d'ailleurs ,  ils  se 
déclarent  incompétents  pour  juger  ces  débats,  tout  en  se  ré- 
servant de  les  trouver  frivoles  et  stériles ,  puisqu'ils  exercent 
leur  art  sans  cet  auxiliaire. 

Reste  donc  la  critique;  mais  la  critique,  telle  qu'elle  est 
faite  aujourd'hui ,  n'est  rien  moins  que  profonde.  La  très 
grande  majorité  de  ceux  qui  la  représentent  ne  compren- 
draient même  pas  sans- doute  ce  dont  il  s'agit  ici.  Et  puis, 
qu'arriverait-il  au  feuilletoniste  qui  s'aviserait  de  parler  sé- 
rieusement d'une  chose  sérieuse?  On  se  dispenserait  de  le 
lire ,  sous  prétexte  qu'il  est  savant,  c'est-à-dire ,  en  style  de 
beau  monde  ,  pédant  et  ennuyeux. 

Mais  qu'importe!  l'homme  assez  ami  de  son  art  pour  en 
vouloir  sonder  les  causes  premières ,  et  travailler  à  expliquer 
les  mystères  de  la  science  ,  ne  doit  pas ,  ne  peut  pas  reculer 
devant  les  obstacles  que  lui  oppose  l'inertie  obstinée  de  la 
routine  et  de  l'ignorance  railleuse.  Après  tout,  une  vérité 
reste ,  domine  à  la  longue  un  siècle  entier,  et  illumine  à  ja- 
mais le  nom  de  celui  qui  l'a  conquise.  C'est  là  une  belle 
récompense  de  tant  de  travaux ,  d'abord  incompris  et  dé- 
daignés. 

Un  homme  éminent ,  qui  a  droit  de  faire  autorité ,  dans  le 
monde  musical,  par  ses  vastes  études,  ses  écrits  et  son  esprit 
de  critique  aussi  juste  qu'élevé,  M.  Fétis,  annonçait,  au 
commencement  del8/il,  un  ouvrage  du  plus  haut  intérêt 
sur  la  philosophie  de  la  musique.  L'importance  d'un  sujet 
aussi  neuf,  le  mérite  de  l'auteur  et  les  développements  que 
notre  célèbre  collaborateur  promettait  dans  un  plan  abrégé 
de  son  livre ,  avaient  inspiré  aux  musiciens  sérieux  un  grand 
désir  d'en  voir  hâter  la  réahsation.  Trois  années  cependant 
se  sont  écoulées ,  et  rien  ,  que  je  sache ,  ne  témoigne  l'appa- 
rition prochaine  d'un  si  curieux  ouvrage,  attendu  par  plu- 
sieurs avec  impatience. 

Une  pensée  analogue,  quoique  autrement  conçue,  à  ce 
qu'il  paraît ,  avait  frappé  ,  il  y  a  déjà  bien  longtemps  ,  un 
esprit  non  moins  judicieux.  Taiit  il  est  vrai  qu'un  besoin  po- 
sitif se  fait  comprendre  aux  hommes  d'élite  d'une  époque  , 
les  anime ,  les  pousse  ,  à  l'insu  les  uns  des  autres  ,  à  combler 
de  tout  leur  pouvoir  le  vide  laissé  dans  le  domaine  de  la 
science.  Un  artiste  du  plus  grand  talent ,  professeur  habile  , 
penseur  profond,  et  savant  très-éclairé,  M.  Barbereau , après 
d'immenses  travaux  préparatoires  ,  se  trouve ,  dit-on  ,  en 
mesure  de  livrer  incessamment  au  public  un  traité  de  com- 
position ,  qui  a  occupé  la  plus  belle  portion  de  sa  vie ,  et  tel 
que  peuvent  le  souhaiter  ceux  qui  aspirent  à  la  solution  de 


DE  PARIS. 


&3 


problèmes  jusqu'ici  négligés.  Un  événement  aussi  remar- 
quable ne  saurait  passer  inaperçu.  L'apparition  de  ce  livre  et 
les  quelques  leçons  dont  l'auteur  doit ,  assure-t-on  ,  l'ac- 
compagner ,  sont  un  fait  trop  important  pour  qu'un  journal 
aussi  franchement  consacré  que  la  Gazelle  aux  grandes  ques- 
tions musicales,  ne  s'en  occupe  pas  spécialement.  C'est  donc 
un  engagement  que  la  critique  prend  ici ,  et  qu'elle  se  fera 
honneur  de  tenir.  Dans  cette  publication  elle  désire  vivement 
rencontrer  la  réalisation  de  ses  espérances.  Si  elle  se  trom- 
pait ,  elle  élèverait  de  nouveau  la  voix  pour  appeler,  jusqu'à 
ce  qu'il  se  montrât ,  l'ouvrage  didactique,  qu'elle  croit  et 
déclare  un  livre  jusqu'à  présent  inconnu ,  et  pourtant  un  livre 
de  première  nécessité  !  Puisse-t-elle  être  entendue  ! 

Maurice  Bourges, 


GOliCERT  DE  M.  H.  BERLIOZ. 


teux  mots  suffiraient  pour  qualifier  l'effet  général  du 
concert  donné  le  3  février  par  M.  Berlioz,  deux 
mots  bien  courts  sans  doute ,  mais  qui  en  disent  plus 
qu'ils  ne  sont  gros  :  Bon  et  beau  !  N'est-ce  pas  l'éloge 
le  plus  complet  et  le  plus  bref?  Mais  un  résumé  aussi  abrégé 
n'accommode  pas  le  lecteur.  Il  veut  savoir  les  détails  d'une 
solennité  musicale  que  recommande  puissamment  le  nom  du 
bénéficiaire  (si  bénéfice  il  y  a ,  lorsqu'un  artiste  désintéressé 
n'épargne  rien  pour  traiter  le  public  avec  magnificence).  Eh 
bien  donc,  scrupuleux  lecteur,  prêtez  attention;  je  com- 
mence. Mais  avant  tout  laissez  là  ce  i^rogramme  ,  s'il  vous 
plaît  :  le  chapitre  des  indispositions  et  des  substitutions  for- 
cées y  a  porté  le  désordre.  Avec  M""*  Nathan-Treillet  souf- 
frante ,  l'Alceste  italienne  et  la  Marguerite  ont  dû  garder  la 
chambre.  Toute  la  perfection  de  la  méthode  exquise  de 
M™  Dorus-Gras  n'a  pu  entièrement  consoler  les  amateurs , 
qui  comptaient  sur  l'œuvre  peu  connue  de  Gluck  et  sur  la 
nouvelle  scène  de  Faust.  Il  est  vrai  que  l'hivitalion  à  la 
Valse,  si  merveilleusement  instrumentée  par  M.  Berlioz,  et 
sa  ravissante  Marche  des  Pèlerins,  ont  bientôt  rasséréné 
l'auditoire  enthousiasmé.  Je  saute  à  pieds  joints  sur  les  beau- 
tés de  ces  deux  morceaux,  aujourd'hui  populaires;  je  passe 
rapidement  sur  les  fragments  divers  de  la  Symphonie  de  Ro- 
méo ,  qui  ont  été  analysés  déjà  bien  des  fois.  Je  vous  suppose 
trop  bon  musicien ,  respectable  lecteur,  pour  n'avoir  pas  en- 
tendu ces  compositions  de  premier  ordre ,  et  lu  tout  ce  qu'on 
en  a  écrit  de  justement  élogieux.  Me  voilà  dispensé  de  vous 
en  dire  autre  chose ,  sinon  qu'elles  ont  obtenu  un  triomphe 
de  plus. 

J'ai  hâte  d'en  venir  aux  ouvrages  entièrement  nouveaux 
exécutés  pour  la  première  fois  dans  ce  concert.  En  dépit  de 
la  négligence  incroyable  avec  laquelle  le  choeur  d'hommes  a 
chanté  la  ballade  d'Hélène,  et  quoique  l'absence  de  plusieurs 
voix  de  basse  ait  rendu  l'exécution  plus  qu'imparfaite ,  ce  petit 
morceau  ,  divisé  en  trois  couplets,  a  été  jugé  d'un  rhythme 
original  et  d'un  style  piquant.  L'harmonie  a  de  l'imprévu  ,  et 
l'ensemble ,  bien  saisi ,  est  susceptible  de  beaucoup  d'effet. 
Une  prochaine  revanche  est  due  à  cette  ballade ,  qui  en  vaut 
certainement  la  peine. 

L'Absence ,  charmante  mélodie  d'un  caractère  tendre ,  a 
reçu  un  favorable  accueil.  M"°  Recio  en  a  bien  rendu  l'accent 
expressif. 


V Hymne ,  transcrit  pour  les  six  instruments  à  vent  de 
M.  Adolphe  Sax ,  n'avait  pas  originairement  la  destination 
que  M.  Berlioz  lui  a  assignée  dans  ce  concert.  Composé  sur 
des  paroles ,  cet  hymne  a  été  chanté  à  Marseille  avec  grand 
succès.  En  le  réduisant  pour  en  faire  un  sextuor  instrumen- 
tal, l'auteur  a  voulu  simplement  offrir  à  M.   Adolphe  Sax 
l'occasion  de  produire  en  public  des  inventions  ou  des  per-    • 
fectionnements ,  dont  presque  tous  les  compositeurs  et  les 
critiques  distingués  de  l'époque  ont  apprécié  le  mérite.  Voici 
l'impression  généralement  éprouvée  par  l'auditoire.  La  petite 
trompette  à  cylindres  en  mi  bémol ,  le  petit  bugle  à  cylindres 
en  mi  bémol  aussi ,  le  grand  bugle  à  cylindres  eu  si  bémol , 
la  clarinette-soprano,  la  clarinette-basse  et  le  saxophone, 
ont  paru  d'un  beau  timbre  et  d'une  sonorité  aussi  pleine  que 
satisfaisante.  Si  les  praticiens  ont  seuls  le  droit  de  prononcer 
sur  les  difficultés  du  mécanisme,  dont  ils  sont  les  juges  natu- 
rels, toute  oreille  bien  conformée  et  tant  soit  peu  exercée  est 
compétente  pour  apprécier  la  qualité  de  son  d'un  instrument. 
L'opinion  publique  a  ratifié  par  ses  suffrages  les  tentatives  de 
M.  Adolphe  Sax ,  tout  en  reconnaissant  que ,  malgré  leur  ta- 
lent incontestable ,  les  exécutants  n'avaient  pas  eu  le  temps 
de  se  familiariser  assez  avec  ces  instruments  nouveaux  ;  mais 
ceci  n'est  que  secondaire.  D'autres  épreuves  plus  spéciales  et 
préparées  de  plus  longue  main  finiront  par  porter  la  convic- 
tion dans  tous  les  esprits  exempts  de  partialité. 

Je  reviens  aux  œuvres  de  M.  Berlioz ,  dont  cette  digression 
incidente  m'avait  éloigné ,  mais  auxquelles  me  ramène  le 
bruit  des  applaudissements  et  des  bravos  multipliés.  Une  ou- 
verture redemandée  avec  transport,  et  bissée  à  l'instant 
même ,  à  la  grande  satisfaction  de  l'auditoire ,  n'est  pas  chose 
ordinaire;  une  composition  magnifique  a  seule  ce  pouvoir 
d'entraînement  ;  et  certes  je  ne  crains  pas  de  qualifier  ainsi 
l'ouverture  àa  Carnaval  romain.  Les  cent  bouches  du  feuil- 
leton répéteront  cet  éloge  sous  toutes  les  formes ,  et  s'éver- 
tueront à  peindre  le  côté  poétique ,  la  partie  expressive  de  ce 
bel  ouvrage.  Une  analyse  succincte  de  son  développement 
technique  convient  davantage  à  la  spécialité  de  ce  journal. 

Trois  mouvements  successifs  divisent  l'ouverture  écrite  en 
la  majeur.  Le  premier,  alietjro  très  vif  à  six-huit ,  fait  pres- 
sentir brièvement  la  mélodie  fougueuse  qui  joue  plus  loin  un 
si  grand  rôle.  Le  second  est  un  andante  à  trois  temps  en  xit 
majeur.  On  y  a  remarqué  avec  admiration  les  dispositions 
habilement  variées ,  dans  lesquelles  M.  Berlioz  présente  un 
chant  délicieux  extrait  du  trio  vocal  de  Benvenuto  Cellini. 
Récitée  d'abord  par  le  cor  anglais  avec  un  accompagnement 
à  contre-temps  du  quatuor  pizzicato ,  puis  reproduite  enwi 
majeur  par  les  altos  sous  un  contre-sujet  de  première  flûte 
et  de  première  clarinette,  cette  noble  mélodie  reparaît  traitée 
en  canon  à  l'octave  avec  une  richesse  d'effet  surprenante. 
Le  groupe  des  bassons ,  des  violoncelles  et  des  altos ,  qui  la 
disent  ensemble ,  est  imité  à  un  temps  de  distance  par  les 
violons ,  les  flûtes  et  les  hautbois  réunis.'  L'harmonie  large  et 
pleine,  qui  flotte  en  dessins  variés  sous  ce  chant  majestueux, 
acquiert  un  intérêt  plus  piquant  par  le  rhythme  singulier  et 
la  sonorité  toute  carnavalesque  de  deux  tambours  de  basque, 
des  cymbales,  destymbalesetdu  triangle.  Le  troisième  mou- 
vement, allegro  vivacc  à  six- huit,  débute  avec  sourdines  par 
une  phrase  fine,  légère ,  chuchotante,  etd'une  couleur  mys- 
térieusement folâtre.  Cette  partie  de  l'ouverture ,  écrite  avec 
un  ménagement  très  adroit  des  effets  d'instruments  à  vent, 
est  heureusement  opposée  à  l'explosion  du  fortissimo,  qui 
éclate  en  mi  majeur.  Rien  de  plus  chaud ,  de  plus  vigoureux , 
de  plus  ivre  que  ce  second  thème  délirant ,  échevelé.  Rien  de 
plus  éblouissant  et  aussi  de  plus  habile  que  l'art  avec  lequel 


Uk 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


l'auteur  l'a  trailé.  La  secousse  électrique  imprimée  par  celte 
pensée  étourdissante  redouble  d'intensité  après  le  développe- 
ment intermédiaire,  où  les  deux  motifs  de  l'allégro  passent 
et  repassent,  mélangés,  contrastés  avec  cent  beautés  de  dé- 
tail qui  échappent  à  une  analyse  rapide.  Ce  qui  frappe  vive- 
ment, c'est  le  retour  du  chant  de  l'andante,  interprété  par 
divers  organes,  tandis  que  les  seconds  violons  répèlent  obsti- 
nément et  dans  un  rhythnie  dansant  le  la  grave  sur  la  qua- 
trième corde. 

Le  temps  et  l'espace  ne  me  permettent  pas  d'insister  sur 
une  foule  de  passages  aussi  neufs  que  bien  réussis,  j'indique- 
rai seulement,  pour  terminer,  la  rentrée  du  second  thème 
de  l'allégro ,  dont  l'allure  frénétiquement  joyeuse ,  inspirée 
des  bacchanales,  semble  encore  plus  saisissante  dans  le  ton  de 
la  majeur.  La  péroraison,  engagée  par  quelques  imitations 
serrées  de  cette  phrase  étincelante ,  s'élève  en  crescendo 
jusqu'à  une  explosion  nouvelle,  qui  clôt  dignement  cet  ad- 
mirable morceau.  Grandeur  d'idées  et  grandeur  d'effets, 
inspiration  chaleureuse  et  rare  talent  de  facture ,  rien  ne 
manque  à  cette  œuvre,  qui  comptera  désormais  entre  les 
plus  belles  pages  dues  à  la  plume  de  M.  Berlioz. 

Maurice  Bour.CKS. 


mmw^^m^mËm  mwmËmâ.m 


IiXS  CONCERTS  D£  I,A  SEMAINE. 


ertains  petits  jour- 
naux qui  voudraient 
éterniser  le  vieil  es- 
prit français ,  c'est- 
à-dire     le     calem- 
bourg,  les  jeux  de 
mots,  les  rébus,  nient  le  goût  et  le  mou- 
vement musical  qui  se  sont  manifestés 
depuis  quelques  années  en  France  ,  et 
qui  sont  en  progrès;  il  faut  pourtant  bien 
qu'ils  en  prennent  leur  parti  :  ce  mouvement 
devient  plus  national  tous  les  jours,  car  il 
satisfait  en  même  temps  le  cœur  et  cet  esprit 
d'analyse  que  nous  portons  jusque  dans  nos 
plaisirs  intellectuels.  Il  y  a  tout  à  la  fois  dans  l'art 
musical  sensation  physiologique  et  science  .spécu- 
lative. 

Les  concerts  seront  donc,  à  ce  qu'il  paraît, 
aussi  nombreux  cette  année-ci  que  les  années  précédentes. 
Nous  avons  assisté  à  celui  que  M.  Félix  Planque  a  donné  chez 
Pleyel  le  3  de  ce  mois.  Ce  concert  avait  réuni  une  nombreuse 
et  brillante  assemblée.  M.  Planque ,  engagé  pour  l'année  pro- 
chaine au  Théâtre-Italien  de  Londres,  qui  a  commencé  son 
éducation,  musicale  par  la  méthode  "Wilhem  et  qui  a  fini  par 
obtenir  un  prix  de  chant  au  Conservatoire,  possède  une 
belle  voix  de  basse;  il  a  dit  dans  ce  concert  son  air  habituel 
A'OEdipe,  h  Moîwe.de  Meyerbeer,  et  l'air  du  charlatan  dans 
le  Philtre,  de  M.  Auber.  Ilîi  mérité  les  applaudissements  qu'il 
a  obtenus.  En  reconnaissant  que  le  bénéficiaire  a  été  fort  bien 
secondé  par  MM.  Goria  ,  Verroust ,  Rignault ,  Constant, 
Lac,  M-»"  Sabatier  et  Duvillard  ,  nous  devons  dire  aussi  que 


ce  concert ,  qui  devait  commencer  à  huit  heures ,  d'après  les 
billets,  n'a  commencé  qu'à  neuf  heures,  ce  qui  peut  passer 
pour  une  extension  un  peu  trop  élastique  du  quart  d'heure 
de  grâce.  Nous  croyons  utile  aux  artistes,  et  surtout  au  public 
bénévole  des  concerts,  de  signaler  cet  inconvénient.  Si  l'exac- 
titude est  la  politesse  des  rois,  elle  peut  bien  l'être  aussi  de 
messieurs  les  donneurs  de  concerts. 

—  M""  Georgette  Ducrest ,  professeur  de  chant ,  a  donné  le 
lendemain  et  dans  le  même  local ,  une  matinée  musicale  qui 
avait  également  attiré  un  brillant  auditoire.  Deux  airs  italiens , 
chantés  avec  méthode  et  sentiment  par  la  bénéficiaire  ,  ont 
prouvé  qu'elle  sait  aussi  bien  appli(|uer  les  préceptes  de  la 
science  vocale  qu'elle  sait  les  enseigner.  MM.  Jauconrt  et 
Seligniann  ont  été  fort  applaudis ,  le  premier  à  propos  d'une 
fantaisie  sur  l.i  Lucia  qu'il  a  dite  sur  le  basson  ,  et  le  second 
dans  une  fantaisie  aussi  sur  le  liravo  qu'il  a  chantée  sur 
le  violoncelle  ,  d'une  grâce  et  d'une  suavité  ravissantes. 
MM.  Triebert  sur  le  hautbois ,  Goria  sur  le  piano  et  Lac 
comme  chanteur,  se  sont  distingués  aussi  dans  ce  coucert. 

—  A  l'exemple  de  l'habile  violoncelliste  Franco-Mendès, 
qui  donna  dans  le  temps  des  séances  de  bonne  musique  ins- 
trumentale dans  lesquels  on  entendait  des  quatuors  et  des 
quintettes  de  Mozart  et  de  Beethoven  ,  M.  Javault ,  excellent 
violoniste,  donne  des  matinées  musicales  consacrées  à  l'au- 
dition de  la  musique  des  grands  maîtres.  La  première  de  ces 
séances  a  eu  lieu  le  21  janvier,  la  seconde  le  h  février;  les 
deux  dernières  seront  offertes  aux  amateurs  de  la  bonne  mu- 
sique classique  le  18  du  même  mois  et  le  3  mars.  C'est  en 
fervent  interprète  du  culte  musical  que  M.  Javault ,  fort  bien 
secondé  d'ailleurs  par  MM.  Boucher,  Casimir  Ney ,  Lebouc 
et  Gouffé ,  se  livre  à  ces  exercices  tout  artistiques ,  et  il  en 
est  récompensé  par  les  suffrages  des  bons  amateurs  qui 
abondent  à  ses  intéressantes  séances. 

—  M.  Fernando  Sauvan ,  qui  semblerait ,  par  son  prénom  , 
être  du  beau  j)ays  de  L'Ibérie ,  comme  on  dit  en  style  de 
boléro,  profite  sans  doute  du  peu  d'harmonie  qui  règne  dans 
sa  noble  patrie,  pour  venir  en  faire  dans  la  nôtre.  I!  a  donné , 
chez  le  facteur  Bernhart,  un  de  ces  jours  passés  —  nous  ne 
croyons  pas  que  nos  lecteurs  tiennent  absolument  à  savoir 
lequel  —  une  grande  matinée  musicale.  Pourquoi  cette  qua- 
lification de  grande  ?  serions-nous  en  droit,  à  la  rigueur,  de 
demander  au  bénéficiaire.  Etait-ce  parce  que  Tex-petit 
Bernadiu,  qui  recompose  les  romances  de  M"'  Puget,  y 
figurait?  qu'on  y  a  chanté  \à petite  bergère  de  la  même  de- 
moiselle Puget  ?  qu'on  y  a  dit  force  petites  romances  et 
chansonnettes?  Est-ce  à  cause  du  grand  succès  qu'on  pré- 
voyait qu'obtiendrait  M.  Paul  Bonjour,  qui  s'est  posé  en 
rival  dangereux  de  Levassor  en  chantant  quelques  scènes  à  la 
correctionnelle,  chansonnette  qui  a  tous  les  mérites  du 
genre,  sauf  celui  de  la  nouveauté?  Quoi  qu'il  en  soit, 
M.  Fernando  Sauvan  a  dit  des  romances  de  MM.  Masini  et 
Tagliafico,  et  une  fort  jolie  ronde  villageoise  de  M.  CuFdant, 
à  la  satisfaction  des  amateurs  des  grandes  matinées  musicales 
de  ce  genre;  et  tout  s'est  passé  au  mieux,  car  on  a  entendu 
aussi  dans 'ce  concert  MM.  Soler  et  son  frère  sur  le  hautbois 
et  la  clarinette  ,  car  on  a  ouï  le  jeune  Allard  sur  la  flûte  ,  car 
on  a  joui  de  la  présence  et  des  voix  agréables  de  M""  Che- 
valier et  Osselin,  premier  prix  du  conservatoire  ;  et  voilà. 

—  S'il  est  bon  de  signaler  à  la  défiance  publique  une  foule 
de  sociétés  académiques,  philotechniques ,  philharmoniques, 
littéraires ,  somnifères  et  plusieurs  traquenards  artistiques  de 
ce  genre  que  renferme  Paris,  sous  une  infinité  d'autres  dé- 
nomiiiaiions  qu'il  serait  beaucoup  trop  long  d'énumérer  ici, 
il  est  doux  de  reposer  son  attention  sur  des  établissements 


DE  PARIS. 


45 


fondés  par  une  noble  et  vjaie  philanthropie,  rendue  plus 
chère  et  plus  douce  encore  à  ceux  qui  en  sont  les  objets,  par 
l'étude  de  l'art  musical  qu'on  y  a  introduite  et  qui  porte  déjà 
ses  fruits.  De  ce  nombre  est  l'association  charitable  de 
Saint-Nicolas ,  rue  de  Vaugirard  98 ,  avec  une  succursale  à 
Issy ,  près  Paris.  Dans  ces  deux  maisons,  on  élève  huit  cents 
orphelins  à  qui  l'on  enseigne  la  musique  et  une  profession. 
La  moyenne  de  la  dépense  de  chaque  élève  est  de  260  francs 
par  an.  Le  budget  de  cette  année  ne  s'est  pas  élevé  à 
plus  de  208,000  francs  ,  fonds  dont  la  plus  grande  partie 
est  fournie  par  les  classes  riches  de  la  société.  Lundi  passé, 
à  deux  heures,  un  sermon  a  été  prononcé  dans  l'église  Saint- 
Sulpice  et  une  quête  a  suivi  ce  sermon.  Cette  solennité  phi- 
lantropique  a  été  aussi  une  fêle  musicale.  Les  élèves  de  l'as- 
sociation de  Saint- Nicolas  ont  fait  entendre  plusieurs  mor- 
ceaux d'harmonie  ,  d'instruments  à  cordes ,  et  des  chœurs. 
Si  le  goût  de  la  bonne  musique  ne  préside  pas  à  l'enseigne- 
ment dans  cet  établissement ,  si  les  chasses  et  la  grosse  caisse 
ont  un  peu  trop  dominé  dans  les  morceaux  exécutés  par  ces 
jeunes  musiciens  dans  l'église  Saint-Sulpice ,  lundi  passé, 
l'intention  est  bonne ,  et  il  est  toujours  temps  d'apporter  des 
améhorations  dans  le  mode  d'enseignement.  Il  est  fâcheux 
que  les  chefs  de  l'établissement  ne  compretinent  pas  mieux 
les  avantages  de  la  publicité.  Cette  cérémonie,  mal  annoncée  , 
avait  attiré  fort  peu  de  monde ,  et ,  par  conséquent ,  la  quête 
des  nobles  dames  patronesses  n'aura  pas  été  très  fructueuse. 

—  Une  autre  fondation  sous  le  titre  de  Société  de  patro- 
nage et  de  secours  pour  les  aveugles  travailleurs  a  donné 
aussi  une  séance  musicale  mercredi ,  7  février ,  dans  l'église 
Saint-Roch.  La  messe  a  été  suivie  d'un  sermon  prêché  par 
M.  l'abbé  Lacarrière ,  chanoine  honoraire  de  Bordeaux ,  le 
salut  a  été  donné  par  monseigneur  l'archevêque  de  Bordeaux. 
Alexis  Dupont  a  chanté  délicieusement  comme  toujours; 
l'orgue  a  été  touché  par  M.  Marins  Gueit ,  organiste  de 
Saint-Denis,  ancien  professeur  aveugle  de  l'institution  royale; 
et,  pendant  la  messe ,  des  morceaux  de  musique  religieuse 
d'un  beau  caractère  ont  été  exécutés  par  l'orchestre  des 
aveugles  de  l'hospice  royal  des  OuinzerVingts.de  ce  bel  éta- 
blissement fondé ,  comme  on  sait,  par  le  roi  saint  Louis  à 
son  retour  de  la  Palestine,  pour  y  recueillir  ses  compagnons 
d'armes  qui  avaient  perdu  la  vue  en  Orient.  L'orchestre  a  été 
fort  bien  dirigé  par  un  aveugle  ,  M.  Gailliod. 

—  L'humanité  ne  dégénère  pas;  le  monde  musical  est  loin 
de  s'abâtardir  :  rassurez-vous ,  amateurs  des  enfants-prodiges. 
Si  depuis  plus  d'un  mois  nous  ne  vous  avons  pas  signalé  le 
moindre  virtuose  âgé  de  quatre  ou  cinq  ans,  d'abord  vous 
avez  été  dédommagé  par  le  concert  d'un  enfant  de  trois  mois 
dont  le  crayon  spirituel  de  notre  collaborateur  M.  Gavarni 
vous  a  donné  la  représentation.  Mais,  au  reste  ,  la  race  des 
enfants  précoces  ne  périclite  pas;  car  voici  venir  M"'  Bor- 
chardt ,  jeune  pianiste  de  douze  ans ,  que  nous  avons  enten- 
due dans  une  soirée  chez  M""  la  comtesse  de  Lucotle,  et  qui 
donne  les  plus  belles  espérances.  Elle  a  joué,  ou  plutôt  elle 
s'est  jouée  de  la  fantaisie  de  Thalberg  sur  la  Straniera , 
comme  auraient  pu  le  faire  M"°  Guénée,  M™'  Polmartin, 
jjmc  pjgyei  gt  piesque  comme  Thalberg  lui-même.  Cette 
jeune  merveille  dit  la  musique  la  plus  difîQcile  avec  précision, 
netteté  ,  vigueur,  et  ses  petits  doigts  la  chantent  avec  un  sen- 
timent exquis;  et  cependant  le  père  de  cette  jeune  actrice, 
dont  il  a  formé  le  talent  lui  même ,  ne  veut  la  faire  paraître , 
entendre  en  public  que  sous  le  patronage  d'un  professeur 
célèbre...  Nous  n'en  voyons  pas  trop  la  nécessité.  Quel  est 
le  contrebassiste  ou  le  professeur  de  flageolet  qui  ne  con- 
naisse pas  maintenant  le  doigter  et  le  mécanisme  du  piano? 


Le  moindre  musicien  suffit  pour  vous  initier  à  ces  grands 
secrets,  et  l'écolier  d'un  tel  maître  a  l'avantage  de  n'être 
point  la  copie  servile,  le  singe  de  quelque  illustre  professeur 
dont  les  leçons  tyranniques  ont  presque  toujours  pour  résul- 
tat d'ôter  toute  individualité  à  chacun  de  ses  élèves ,  et  de 
grossir  le  nombre  des  pianistes  insignifiants  qui  pullulent  dans 
le  monde  musical. 

—  M.  Chaudesaigues,  le  chansonnettiste,  a  donné  sa  grande 
matinée  musicale,  son  grand  et  long  concert  qui  n'était  rien 
moins  composé  que  de  douze  morceaux  de  musique,  ou  pour 
dire  plus  exactement,  de  onze  numéros;  car,  arrivé  là ,  le 
bénéficiaire  a  dit  qu'il  était  exténué  et  qu'il  priait  le  public 
de  lui  faire  grâce  du  dernier  morceau  ,  grâce  que  ledit  public 
s'est  empressé  d'accorder,  impatient  qu'il  était  d'aller  dîner, 
car  il  était  fort  tard.  Cette  matinée  musicale  a  été  bardée  de 
force  romances;  cependant  M.  Ravina  y  a  joué  du  piano  tout 
seul ,  puis  ensuite  avec  M"'"  Chaudesaigues.  M.  Boulanger  et 
M"'  Beltz ,  et  M""  Duval ,  premier  prix  de  chant  du  Conser- 
vatoire de  cette  année ,  le  petit  Boverie  et  M.  Tagliafico ,  et 
les  MM.  Distin,  figuraient  sur  ce  riche  programme. 

Or,  pour  mettre  d'accord  tous  ces  talents  ensemble, 
Il  a  fallu  du  temps. 

Au  reste  ,  tout  s'est  bien  passé ,  à  l'exception  d'une  légère 
altercation  au  sujet  du  morceau  supprimé  par  le  bénéficiaire 
à  qui  l'auteur  de  la  chansonnette  passée  aurait  dit  :  Mes- 
sieurs, vous  me  rendrez  raison  de  ce  procédé  !  —  Non,  aurait 
répondu  le  chanteur,  mais  je  vous  rendrai  votre  chanson- 
nette. Il  résulterait  de  ce  petit  différent  que  l'accord  parfait 
ne  règne  pas  toujours  parmi  les  enfants  de  l'harmonie ,  et 
qu'on  peut  se  fâcher,  tuer  son  semblable  même ,  et  cela  à 
propos  d'une  chansonnette...  Il  est  vrai  que  la  législation  sur 
le  duel ,  qu'a  fait  prédominer  M'  Dupin  à  la  cour  de  Cassa- 
tion, est  là  pour  prévenir  de  tels  malheurs. 

Henri  Blanchard. 


CesripespoEiisîaaîce   pMn'tîcïoSièi'e. 
Bruxelles,  7  février  1844. 

On  vient  de  donner  au  grand  théâtre  de  celte  ville  la  première 
représentation  da/Juda  di  Chamounix,  avec  les  paroles  traduites  par 
M.  Hippolyle  Lucas.  Cette  pièce  n'a  en  qu'un  succès  médiocre.  Il 
faut  en  attribuer  la  cause  en  partie  à  l'exécution  ,  qui  a  été  d'une 
grande  faiblesse  ,  et  en  partie  aux  défauts  mêmes  de  l'ouvrage.  Il  est 
certain  que  M.  Donizetti  n'a  fait,  dans  la  partition  qu'il  a  composée 
pour  cette  pièce ,  qu'une  bien  petite  dépense  d'imagination.  C'est  en 
vain  que  l'auditeur  attentif  et  consciencieux  poursuit  la  reciierehe 
d'une  idée,  depuis  le  premier  jusqu'au  dernier  morceau  de  ces  Irois 
actes  interminables.  De  pareilles  productions  sont  acceptées  A  Paris  , 
à  Londres,  à  Vienne  ,  grâce  à  une  exécution  parfaite  qui  offre  assez 
d'intérêt  par  elle-même  pour  tromper  le  public  sur  le  mérite  de  la 
musique;  mais  privées  de  ce  prestige,  elles  sont  forcément  remises  à 
leur  véritable  place.  L'administration  des  théâtres  de  Bruxelles  avait 
cependant  be-oin  d'un  succès.  Les  Martyrs ,  joués  il  y  a  lieux  mois, 
n'ont  pas  fait  fortune  ;  ils  n'apparaissent  que  de  loin  en  loin  sur  l'af- 
fiche ,  et  l'on  est  obligé  d'en  revenir  à  un  répertoire  qui  est  bien  loin 
d'offrir  l'attrait  de  la  nouveauté. 

Il  y  aura  peu  de  changements  dans  la  composition  de  notre  troupe 
lyrique.  De  tous  nos  premiers  sujets,  Alizard  est  le  seul  qui  nous 
quitte.  On  lui  offrait  des  conditions  très  avantageuses  pour  le  renou- 
vellement deson  engagement;  mais  l'ambition  les  lui  a  fait  repous- 
ser. Il  veut  aller  en  Italie  acquérir  une  réputation ,  qui ,  dans  sa 
pensée,  le  ramènerait  à  Paris  où  il  occuperait  le  premier  rang.  Nous 
souhaitons  pour  lui  qu'il  ne  soit  point  trompé  dans  son  attente;  mais 
bien  qu'on  ne  puisse  nier  qu'il  a  une  très  belle  voix  ,  lorsqu'il  veut 
s'en  tenir  aux  rôles  de  basse  et  ne  pas  faire  d'excursion  dans  l'emploi 
du  baryton  ,  des'motifs  de  plus  d'une  espèce  semblent  s'opposer  à  ce 
qu'il  parvienne  jamais  à  de  hautes  destinées  dramatiques. 

Il  y  avait  un  parti  dans  le  public  pour  remplacer  Laborde,  notre 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


premier  ténor  actuel ,  par  Albert  Dommange,  qui  chante  en  ce  mo- 
ment à  Anvers,  et  qui  doit  figurer  dans  la  Iroupe  du  théâtre  de 
Hand,  durant  la  prochaine  année  théâtrale.  Ce  parti  est  en  minorité, 
et  nous  sommes  bien  aises  qu'il  n'ait  aucune  chance  de  succès.  Al- 
bert Dommange  est  un  excellent  musicien  et  un  acteur  fort  inlelli- 
gent;  mais  sa  vois  a  subi  depuis  quelques  années  de  graves  altéra- 
tions ,  et  le  spectateur  est  obligé  de  faire  maintenant  de  trop 
fréquenles  concessions  à  l'Insuffisance  de  son  organe.  Laborde  conçoit 
moins  bi^en,  mais  il  exécute  mieux  ;  il  a  une  jolie  voix,  et  si  ce  n'est 
pas  un  mérite ,  puisqu'on  ne  peut  y  voir  qu'un  don  capricieux  de  la 
nature',  c'est  du  moins  un  grand  avantage. 

Plusieurs  journaux  avaient  rép:indu  le  bruit  que  M.  Meyerbéer 
était  venu  à  Bruxelles  pour  entendre  M"=  Julien,  notre  forte  pre- 
mière chanteuse,  et  que  l'inlenlion  de  l'illustre  compositeur  était  de 
faire  engager  cette  artiste  à  l'Opéra  ,  dans  le  cas  où  elle  remplirait 
son  attente  ,  afin  de  lui  confier  le  principal  rôle  du  Prophète  qui  al- 
lait être  mis  en  répétition.  On  indiquait  le  jour  de  l'arrivée  du 
maestro,  celui  de  son  départ,  l'hôtel  où  il  était  descendu  ;  on  spéci- 
fiait le  chiffre  du  dédit  que  l'Opéra  serait  sur  le  point  de  payera  l'ad- 
ministration des  théâtres  royaux  de  Bruxelles  pour  la  rupture  de  l'en- 
gagement de  M"«  Julien,  tl  est  inutile  de  vous  dire  que  rien  de  tout 
cela  n'élait  fondé  ;  vous  savez  que  M.  Meyerbéer  ne  s'est  rendu  ni 
pour  cette  affaire,  ni  pour  aucune  autre  dans  la  capitale  de  la  Bel- 
gique. 

Dreyschock  est  ici  depuis  près  de  quinze  jours  ;  il  a  donné  vers  la 
fin  de  la  semaine  dernière  un  concert  où  s'était  rendue  l'élite  de  la 
société.  11  n'avait  réclamé  l'aide  d'aucun  aulre  artiste ,  et  il  a  seu' 
rempli  la  soirée  par  six  morceaux  de  sa  composition.  A  l'exception  de 
Liszt ,  pas  un  pianiste  n'a  obtenu  à  Bruxelles  un  succès  égal  au  sien. 
Non  seulement  aucune  fatigue  ne  se  manifesta  dans  l'auditoire,  du- 
rant cette  longue  séance  exclusivement  consacrée  à  l'exécution  de 
morceaux  de  piano  ;  mais  quand  l'habile  artiste  eut  joué  son  étude 
pour  la  main  gauche,  inscrite  en  dernier  lieu  sur  le  programme,  des 
voix  s'élevèrent  de  toutes  parts  pour  la  lui  redemander.  II  annonce 
pour  demain  un  second  concert,  et  nous  tenons  de  bonne  source  qu'il 
aura  un  auditoire  plus  nombreux  encore  que  la  première  fois.  Il 
pourra  se  vanter  d'avoir  accompli  un  véritable  miracle ,  car  les  con- 
certs sont  pour  ainsi  dire  impossibles  à  Bruxelles  dans  cette  saison, 
où  les  bals  et  les  raouts  se  pressent  en  si  grand  nombre,  qu'il  s'en 
donne  souvent  dans  une  soirée  plusieurs  entre  lesquels  la  société  est 
obligée  de  se  partager.  A  Paris,  il  y  a  le  même  jour,  à  la  même 
heure,  un  public  pour  toute  espèce  de  spectacle,  public  ou  privé;  il 
n'en  est  pas  de  même  dans  notre  capitale.  Comme  c'est  la  même 
société  qui  compose  le  public  ordinaire  des  bals,  du  théâtre  et  des 
concerts,  et  comme  cette  société  n'est  pas  très  nombreuse,  il  en  ré- 
sulte qu'une  de  ces  réunions  enlève  nécessairement  le  public  des 
autres.  Un  pianiste  d'un  incontestable  mérite,  M.  Prudent,  traversant 
la  Belgique  à  son  retour  d'un  voyage  en  Hollande  ,  a  vainement  es- 
sayé de  donner  un  concert  à  Bruxelles.  Ses  affiches  couvraient  les 
murs  de  la  ville,  toutes  ses  dispositions  étaient  prises  pour  donner 
une  brillante  soirée  musicale,  mais  le  public,  cet  élément  indispen- 
sable des  entreprises  du  genre  de  celle  qu'il  avait  tentée,  venant  à 
lui  manquer,  force  lui  fut  d'abandonner  la  partie. 

J'ai  eu  déjà  l'occasion  de  vous  dire  que  les  concerts  sont  mainte- 
nant une  fort  mauvaise  spéculation  à  Bruxelles  ,  si  ce  n'est  pour  l'ar- 
tiste qui  arrive  précédé  d'une  brillante  renommée.  Les  succès  rie 
Dreyschock  à  Paris  et  à  Londres  ont  changé  pour  lui  la  loi  com- 
mune; mais  pour  un  seul  qui  réussit,  combien  voient  leurs  espé- 
rances déçues  !  Dites-le  bien  à  vos  instrumentistes  et  à  vos  chanteurs 
d'un  mérite  secondaire. 


a5â  S2^ÎE<^®32S  sE.»^5Si<SïâSή  <g€>®2a®, 

l^essîn  de  ^avarni. 

Qui  ne  l'a  vu  et  rencontré  souvent  dans  les  rues  de  Paris, 
ce  marquis  d'Argent  court  (et  non  d'Agent  court ,  comme  on 
l'a  imprimé  par  erreur  ) ,  cet  artiste  bouffon  et  galant ,  à 
figure  triviale  et  à  manières  recherchées?  Qui  n'a  remarqué 
son  adresse  à  lancer  ses  chansons  à  tous  les  rangs  de  loges , 
c'est-à-dire  à  tous  les  étages  ,  oii  perchait  son  auditoire?  Nous 
avons  eu  beaucoup  de  mar  :uis ,  dont  la  noblesse  remontait  à 
la  même  source  que  celle  du  chanteur  nomade  ,  mais  nous 
en  avons  eu  peu  d'aussi  gais,  d'aussi  amusants,   d'aussi 


adroits!  Sa  physionomie  avait  des  droits  à  la  consécration 
séculaire ,  qui  lui  est  acquise  désormais. 


*,"   Demain  lundi ,  à  l'Opéra,  Z)o»!  li'^iasdÊHj 

*.'  La  repri'sentation  de  Charles  VI,  donnée  dimanche  dernier, 
pouvait  être  considérée  comme  une  reprise,  car  depuis  trop  long- 
temps ce  bel  ouvrage  ,  dont  les  receltes  sont  toujours  restées  supé- 
rieures à  celles  d'ouvrages  plus  nouveaux,  élait  éloigné  de  la  scène. 
\   La  foule  est  accourue  pour  le  revoir,  et  l'effet  en  a  été  excellent. 
j    M""  Stoltz  ,  quoique  indisposée  ,  a  retrouvé  ,  dans  le  rôle  si  original 
I    d'Odette,  toutes  les  inspirations,  toute  l'énergie  el  toute  la  grâce 
j    qu'elle  y  avait  déployées  dès  les  premiers  jours.  Barioilhet  s'est 
montré  plus  que  jamais  grand  acteur  et  chanteur  dans  le  rôle  prin- 
1    cipal;  il  a   été  admirable  dans  le  duo  des  cartes', et  dans  tous  les 
1    autres  morceaux  de  cette  belle  partition.  Duprez  a  chanté  le  rôle  du 
dauphin  avec  beaucoup  de  charme.  D'utiles  coupures  ont  été  faites 
dans  le  troisième  acte ,  dont  la  marche  devenue  plus  rapide  profite  à 
I    l'ouvrage  entier.  Charles  VI  ne  quittera  plus  le  répertoire  de  Paris. 
On  le  répète  en  même  temps  à  Bordeaux  et  à  Toulouse. 

\*  La  semaine  a  été  bonne  pour  M"'»  Dorus-Gras,  qui  souffre, 
comme  tout  le  monde ,  des  inlluences  de  la  saison  ,  et  dont  pourtant 
la  voix  conserve  une  pureté  sans  égale ,  un  éclat  vraiment  prodigieux. 
Mercredi  dernier,  elle  a  enlevé  tout  l'auditoire,  en  disant  la  char- 
mante cavatine  de  Maihilde  di  Shabrau  ,  introduile  par  elle  dans  le 
Comte  0)!(.  Vendredi  elle  a  chanté  encore  le  rôle  d'Alice,  dans  i?o- 
bert-le-Diuble ,  qui  avait  rempli  la  salle  ,  comme  toujours. 

*,**  Poulticr  a  chanté  deux  fois  celle  semaine,  dans  la  Muette  et 
dans  le  Comte  Ory.  Il  a  fait  preuve  de  grands  progrès  dans  le  prin- 
cipal rôle  de  ce  dernier  ouvrage  ,  où  il  s'était  essayé  d'une  manière 
assez  malheureuse.  Comme  acteur,  il  a  gagné  de  l'aplomb,  de  l'ai-? 
sance;  sa  voix  aussi  s'est  fortifiée  el  assouplie.  Avec  sa  physionomie, 
il  ne  réalisera  jamais  l'idéal  du  célèbre  séducteur,  mais  le  prestige  du 
chant  supplée  à  bien  des  choses. 

*,*  Le  ballet  que  prépare  l'Opéra  portera  le  titre  A'un  Caprice  ou 
le  Marché  aux  servantes. 

*,*  Cette  semaine  encore,  on  n'a  pas  représenté  Z)om  i5'éias(;e)!. 
Les  abonnés  el  le  public  approuvent  celle  mesure  de  la  direction  ;  ils 
trouvent  que  c'est  bien  assez  de  s'abstenir  une  fois  tous  les  quinze 
jours  d'aller  à  l'Opéra. 

*.*  M"'  Nau  esl  partie  pour  Lyon,  où  elle  doit  donner  douze  repré- 
sentations. Le  directeur,  embarrassé ,  cherche  à  suppléer  à  la  chute 
de  presque  tous  les  ouvrages  nouveaux  ,  tels  que  la  Pari  du  Diable, 
Mina  ,  Don  Pasquale  et  le  Puits  d'amour,  par  l'engagement  de  cette 
charmante  cantatrice. 

*,*  M.  Pierre  Durand  soutient  toujours  dans  le  Siicle  que  Meyer- 
béer donnera  son  Prophète  à  Berlin.  Nous  répétons  que  nous  sommes 
autorisé  à  dire  que  Meyerbéer  écrit  en  ce  moment  pour  l'ouverture 
du  nouveau  théâtre  de  Berlin  la  musique  d'une  pièce  de  circon- 
stance, el  que  le  Prophète  reste  toujours  destiné  à  l'Académie  royale 
de  musique.  Le  célèbre  maestro  sera  à  Paris  au  mois  de  mai. 

'/  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  le  Tbcâtie-Ita- 
lien  donnera  il  Barbiere  di  Siviglia  ,  chanté  par  M""  Persiani ,  La- 
blache  ,  î\onconi ,  Mario  cl  Morelli. 

",*  On  répète  avec  activité  à  Marseille  la  Heine  de  Chypre ,  d'Ha- 
lèvy,  qui  doit  être  représentée  dans  la  première  quinzaine  de  mars, 
sous  l'habile  direction  de  M.  Pépin,  le  chef  d'orchestre  le  plus  remar- 
quable de  la  province. 

",*  La  fortune  musicale  de  notre  ancien  collaborateur,  Richard 
Wagner,  grandit  tous  les  jours  en  Allemagne.  On  monte  à  Hambourg 
son  opéra  de  JHenzi,  pour  une  représentation  que  donnera  pendant 
son  congé  le  célèbre  chanteur  de  Dresde,  Tichatschek.  La  troisième 
représentation  du  Hollandais  Errant  est  attendue  à  Berlin ,  et  le 
jeune  compositeur  vient  de  terminer  un  nouvel  ouvrage,  intitulé  le 
Tannhaeuser. 

*,*  On  écrit  de  Charlestovvn  (Élals-Unis  d'Amérique):  Depuis  le 
commencement  du  mois  de  janvier  nous  avons  entendu  successive- 
ment ici  Artôl  et  Ole-Bule.  La  majorité  des  gens  de  goût  qui  de- 
mandent avant  tout  un  sens,  de  l'expression,  de  l'àme ,  ont  décerné 
tout  d'abord  la  palme  au  premier.  Le  concert  qu'il  a  donné  le  jour 
de  l'an  avait  attiré  beaucoup  plus  de  monde  que  celui  d'Ole-Bule; 


DE  PARIS. 


47 


la  foule  refluait  de  la  salle  jusque  sur  les  escaliers.  Le  bénéficiaire  a 
dû  répéter  Irois  fois  de  suite  le  Carnaval  de  f^cnise.  Quant  à  M"'^  Da- 
moreau,  elle  a  inspiré  plus  que  de  l'admiration  pour  son  incompa- 
rable talent;  c'était  de  Yadoralion.  Les  deux  grands  artistes,  M.  Artôl 
et  M"»'  Domoreau,  se  sont  embarqursie  lendemain  pour  la  Havane, 
sur  le  Havne,  qui  leur  avait  fait  la  galanterie  de  les  attendre  un  jour. 
Le  jour  de  l«ur  départ,  ils  ont  failli  périr  par  suite  d'un  accident: 
les  chevaux  de  leur  voiture  s'étant  emportés,  le  cocher  perdit  la  Icte 
et  poussa  des  cris  qui  augmentèrent  l'eUroi  des  chevaux.  Heureuse- 
ment les  nègres,  se  jetant  intrépidement  à  leur  tête,  parvinrent  à 
les  arrêter. 

*,*  Le  comité  de  l'association  des  artistes-musiciens  vient  de  mettre 
en  loterie  le  grand  piano  à  queue,  nouveau  modèle  de  ISi'i ,  donné 
par  M.  Erard.  Les  lots  gagnants  se  composeront  en  outre  de  1,030  mor- 
ceaux de  musique,  parmi  lesquels  se  trouvent  les  partitions  de  lio- 
bert-le-Diabte,  des  Huguenots,  de  la  Juive,  de  la  Favorite,  de  la 
Reine  de  Chypre  ,  de  Charles  T-^I ,  etc. ,  donnés  par  un  des  membres 
du  comité.  Le  tirage  aura  lieu  dans  le  courant  d'avril.  Le  prix  des 
billets  est  fi.vé  à  l  franc  •■  on  peut  s'en  procurer  au  magasin  de  mu- 
sique de  M.  Maurice  Schlesinger,  rue  Richelieu  ,  07. 

V  L'afl'aire  de  notre  collaborateur  et  ami  M.  J.  Janin  contre  la  lié- 
forme  et  M.  FéViK  Pyat  a  été  jugée  mercredi  à  la  police  correction- 
nelle. Le  tribunal  a  condamné  M.  Félix  Pyat  à  six  mois  de  prison  et 
1,000  fr.  d'amende  ;  M.  Grandménil  à  un  mois  de  prison  et  .3,000  fr. 
d'amende  ;  a  ordonné  la  suppression  du  numéro  du  journal  et  de  la 
brochure  inciiminés,  et  l'insertion  du  jugement  dans  deux  journaux 
de  Paris  et  dans  deux  journaux  des  départements;  condamnant  en 
outre  Félix  Pyat  et  Grandménil  en  tous  les  dépens. 

*,*  Dimanche  dernier,  M.  Antonin  Guillot ,  professeur  de  chant , 
avait  rassemblé ,  dans  les  salons  de  Tivoli ,  un  nombreux  auditoire , 
appelé  à  écouter  quelques  fragments  du  Pauluséc  Mendelssohnet  des 
Saisons  de  HayJn.  Au  dire  du  programme,  la  partie  vocale  était 
confiée  aux  élèves  de  M.  Guillot.  Les  chœurs  se  sont  distingués  par 
un  ensemble  sullisant.  Les  solos  ,  récités  d'une  manière  assez  estima- 
ble, n'ont  pas  été  toujours  rendus  avec  expression  juste  et  pureté; 
du  reste  le  chef  d'orchestre  a  pris  trop  vite  presque  tous  les  mouve- 
ments. Nous  demanderons  aussi  à  M.  Guillot  pourquoi  il  n'a  pas  jugé 
à  propos  de  choisir  une  traduction  plus  nouvelle  et  plus  fidèle  du 
Paulus  que  celle  dont  il  s'est  servi.  Quoique  le  texte  ne  semble  pas 
mériter  grande  importance,  plus  les  paroles  répondent  aux  intentions 
expressives  de  la  musique,  plus  aussi  l'exécution  devient  complète  et 
acquiert  de  fini.  Les  Saisons  de  Haydn  ont  été  dites  moins  bien  que 
le  Paulus;  la  lourdeur  est  inconnue  à  Haydn  ,  il  lui  faut  toujours  de 
la  délicatesse  et  de  la  grâce.  A  cela  près  du  reste,  nous  engageons 
vivement  M.  Guillot  à  persévérer  dans  l'excellente  idée  de  faire  exé- 
cuter de  la  musique  d'ensemble.  Cette  pensée  révèle  un  professeur 
consciencieux,  un  véritable  artiste.  Quelques  observations  de  critique 
sérieuse  ne  doivent  pas  le  décourager.  La  vérité  ne  se  dit  qu'à  ceux 
qui  sont  dignes  de  l'entendre. 

*,*  M.  Al.  Chevillard,  violoncelliste  d'un  talent  très  reconnu,  don- 
nera une  matinée  musicale  ,  le  18  février  1844  ,  à  deux  heures,  dans 
les  salons  de  M.  Pleyel ,  rue  Rochechouart,  20.  Voici  le  programme  : 
1.  Ouverture  de  Mozart;  2.  La  C((ra)(!/;(e  ,  chantée  par  M"=  de  La 
Morlière;  3.  Concerto  pour  le  violoncelle,  composé  et  exécuté  par 
M.  Al. Chevillard;  4.  ,^rfieî(x  de  Z)ai;iV,  chantés  par  M.  Révial;  S.  Va- 
riations et  finale  de  la  sonate  en  la  de  Beethoven ,  pour  piano  et  vio- 
lon, exécutée  par  MM.  Halle  et  Alard  ;  6.  Fantaisie-caprice,  composée 
et  exécutée  par  M.  Al.  Chevillard;  7.  Sauvez  ma  mère  et  Killanella , 
chantées  par  M"°  de  La  Morlière;  8.  Solo  de  piano,  exécuté  par 
M.  Halle;  9.  Le  Lac,  chanté  par  M.  Révial;  10.  Fantaisie  pour  le 
violon,  composée  et  exécutée  par  M.  Alard. 

%'  M.  Baumes-Arnaud;,  le  gracieux  ténor  que  la  Société  philhar- 
monique de  Troyes  avait  fait  venir  pour  chanter  à  son  concert',  y  a 
produit  beaucoup  d'effet  avec  Benhe-la- Folle ,  jolie  romance  dont  il 
est  l'auteur. 

V  En  ce  moment  il  se  publie  par  livraisons  un  ouvrage  impor- 
tant dont  voici  le  titre  :  Traité  théorique  et  pratique  de  composition 
musicale  ,  par  A.  Barbereau.  Cet  ouvrage  ,  divisé  en  trois  parties 
principales,  comprendra  tous  les  points  de  la  science  et  de  l'art.  Par 
la  nature  et  la  solution  des  questions  qui  y  sont  présentées  sous  un 
jour  nouveau,  l'apparition  de  ce  livre  ne  peut  manquer  d'éveiller 
l'attention  de  tous  ceux  qu'intéressent  les  hautes  études  musicales. 
Au  reste,  l'auteur  se  propose  d'anticiper,  par  quelques  conférences 
orales,  sur  la  partie  destinée  à  développer  les  principes  de  la  tona- 
lité moderne.  Six  livraisons  ont  déjà  paru  chez  Schonenberger, 
l'éditeur.  Nous  reviendrons  plus  en  détail  sur  cette  publication,  qui 
sera  sans  doute  étendue. 


*,"  On  lit  dans  le  Moniteur  Algérien  :  «  M""^  Adolphe  Berton  a 
joué  et  chanté  son  rôle  de  la  Part  du  Diable  avec  un  vrai  talent.  Les 
espérances  que  le  public  avait  fondées  sur  elle  se  réalisent  chaque 
jour  et  sontmême  dépassées.  M-^^  Adolphe  Berton  n'est  pas  seulement 
une  cantatrice  à  la  voix  fraîehe ,  expressive  et  sonore,  c'est  encore 
une  actrice  au  jeu  franc,  intelligent  et  de  plus  en  plus  sûr.  Trois 
opéras  surtout  ont  mis  en  relief  les  qualités  qui  la  disiinguent  :  le 
Domino  voir  ,  les  Diamants  de  la  couronne  et  lu  Part  du  Diable.  La 
première  de  ces  pièces  a  déjà  été  représentée  cinq  fois,  et  chaque 
représentation  a  marqué  un  progrès  nouveau  dans  son  talent  de 
cantatrice  et  de  comédienne  ;  la  seconde  a  manifesté  cette  dernière 
qualité  d'une  manière  plus  brillante  encore,  et  la  Part  du  Diable, 
en  nous  montrant  M""  Adolphe  Berton  sous  une  forme  nouvelle, 
nous  a  révélé  le  plus  charmant  lutin  qu'il  soit  po.ssibie  d'imaginer, 
en  même  temps  qu'elle  a  fait  valoir  l'étendue  et  la  flexibilité 
de  sa  voix.  Ces  trois  épreuves  suffisent,  sans  parler  des  autres  rôles 
qu'elle  a  abordés,  pour  faire  juger  de  l'avenir  qui  est  réservé  à 
M""^  Adolphe  Berton.  Nous  la  retrouverons  un  jour  (et  ce  jour  n'est 
probablement  pas  éloigné)  sur  la  scène  de  l'Opéra-Comique  de  Pa- 
ris. M.  Adolphe  Berton,  petit-fils  de  notre  grand  compositeur,  se 
distingue  dans  les  opéras  où  joue  sa  femme,  par  un  jeu  très  agréa- 
ble et  une  excellente  méthode  de  chant. 

V  La  lettre  suivante  a  été  adressée  au  rédacteur  d'un  journal  : 

«  Milan  ,  28  janvier. 

»  Monsieur,  je  prends  la  liberté  de  m'adresser  à  votre  obligeance 
pour  vous  prier  de  vouloir  bien  accorder  une  place  dans  votre  jour- 
nal à  la  réclamation  que  je  me  trouve  dans  la  nécessité  de  faire.  On 
vient  de  publier,  dans  un  des  écrits  périodiques  de  Londres  ,  des 
lettres  apocryphes  portant  le  titre  !  Funny  Elssler  ai  Havannah.  Je  dé- 
clare que  ces  lettres,  qu'on  annonce  devoir  composer  plusieurs  vo- 
lumes, sont  le  produit  d'une  illicite  spéculation,  jointe  au  projet  in- 
téressé de  me  nuire  par  le  ridicule  des  expressions  et  la  fausseté  des 
faits  qu'elles  contiennent.  J'espère,  Monsieur  le  rédacteur,  que  vous 
m'accorderez  l'appui  de  votre  feuille,  en  agréant  la  demande  que  j'ai 
l'honneur  de  vous  présenter.  Fanny  Elssler.  » 

*,*  Un  pianiste  de  beaucoup  de  talent,  M.  Waldinceller,  devienne, 
vient  d'arriver  à  Paris.  Nous  espéronns  qu'il  donnera  bientôt  un  con- 
cert afin  que  le  public  puisse  apprécier  son  talent  de  pianiste  et  de 
compositeur. 

',*  Aux  bals  du  faubourg  Saint-Germain,  on  ne  danse  plus  que  la 
valse  et  le  Polka  ;  cette  dernière  danse  est  tout-à-fait  adoptée.  11  sera 
sans  doute  agréable  aux  fashionablcs  d'apprendre  que  M.  Laborde  a 
ouvert  ses  cours,  rue  de  l'Anxîienne-Comédie,  13,  pour  apprendre  le 
Polka. 

V  M.  Henry  Cochen  donne  aujourd'hui,  à  2  heures,  un  concert  à 
grand  orchestre  dans  la  salle  de  M.  Herz.  On  entendra  plusieurs  com- 
positions du  bénéficiaire,  entre  autres  une  ouverture  à  grand  orches- 
tre et  plusieurs  morceaux  de  chant,  exécutés  par  l'auteur,  M.  Luc, 
M"°  Martin  ,  et  enfin  la  jolie  et  gracieuse  M"»=  Sabatier. 

*,*  Encore  un  prodige.  Un  enfant  de  quatre  ans  vient  de  donner 
un  concert  dans  une  petite  ville  près  de  Gotha,  au  bénéfice,  d'enfants 
pauvres.  Le  jeune  virtuose  a  exécuté  des  airs  du  Czar  et  le  Char- 
pentier, et  de  IJans  Sachs,  par  Lortzing.  Le  compositeur  peut  dire 
comme  dans  l'Ecriture  :  Les  enfants  et  les  mineurs  chantaient  mes 
louanges. 

*,*  L'Institut  catholique  a  ouvert,  samedi  dernier,  ses  séances  de 
musique  religieuse  et  classique.  Le  premier  concerta  eu  lieu  sous  la 
direction  de  M.  Sowinski,  etavait  attiré  une  société  brillante  et  nom- 
breuse. On  y  a  admiré  un  très  beau  Kyrie,  de  M.  Delsarte,  chanté 
par  ses  élèves.  VAveMaria,  deCherubini,  dignement  interprété  par 
M.  Manera,  a  produit  un  grand  effet.  On  a  écouté  aussi  avec  un  grand 
intérêt  une  mélodie  de  M.  Hebrard,  chantée  d'une  manière  ravis- 
sante par  M.  Boutroy.  Parmi  les  morceaux  instrumentais,  nous  cite- 
rons :  un  solo  de  violon ,  par  M.  Berthemot  ;  un  air  varié  de  Mozart, 
supérieurement  exécuté  par  M.  Dumouchel  ;  et  un  duo  pour  piano  et 
violon  par  MM.  Robber^chts  et  Sovinski. 

*,*  Continuation  avec  redoublement  de  la  vogue  du  bal  de  l'O- 
péra. Les  reeettcs  ne  s'y  eomptent  plus  que  par  vingtaine  de  mille  ! 
heureusement  la  fin  du  carnaval  approche. 

%*  Le  bal  masqué  de  rOpéra-Comique  grandit  et  grossit  toujours 
en  proportion  de  son  voisin. 

*,*  Lille,  i'i  janvier.  — Notre  ténor  ordinaire,  M.  Duffeyte,  étant 
malade,  on  avait  fait  venir  celui  de  Gand  pour  une  représentation  de 
la  Juive  •,mA\i  ce  dernier  fut  pris  d'un  enrouement  subit  après  le  troi- 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


siéme  acte,  et  Carlo,  qui  avait  jusque-là  rempli  le  rôle  deLéopold, 
se  chargea  d'acbevei- le  rôle  d'Éléazar,  aux  applaudissements  de  toute 
la  salle,  qui  voulut  le  revoir  après  la  chute  du  rideau. 

*,*  Dijon.— he  premier  concert  de  laSociété  philharmonique  vient 
d'avoir  lieu;  il  a  été  très  brillant.  M"'  Méquillet  était  venue  de  Paris 
exprès  pour  s'y  faire  entendre  ;  elle  était  secondée  par  M.  Verner,  ar- 
tiste du  théâtre,  par  M.  Valdteufel,  violoncelliste  de  beaucoup  de  ta- 
lent, et  par  M.  Mayer,  excellente  clarinette.  M"'  Méquillet  a  obtenu 
un  brillant  et  légitime  succès.  Elle  a  chanté  un  air  de  la  Favorite,  un 
air  italien,  un  duo  des  Huguenols ,  une  mélodie  et  des  romances. 
Le  public  a  vivement  apprécié  sa  belle  et  gracieuse  voix ,  sa  méthode 
large  et  pure,  son  goût  parfait  et  le  sentiment  profond  dont  elle  em- 
preint tout  ce  qu'elle  chante.  M.  Valdteufel  a  été  applaudi  avec  cha- 
leur dans  une  fantaisie  de  sa  composition  sur  des  motifs  du  Domino 
noir.  Cet  artiste,  qui  réunit  la  beauté  des  sons  à  l'agilité  de  l'archet, 
est  aussi  remarquable  par  sa  manière  de  chanter  que  par  la  facilité 
avec  laquelle  il  se  joue  des  plus  grandes  difficultés.  M.  Mayer  a  très 
bien  exécuté  un  air  varié  de  Berr  pour  la  clarinette.  En  somme,  la 
soirée  a  été  très  brillante  et  a  laissé  de  charmants  souvenirs  à  tous 
ceux  qui  y  ont  assisté. 

CIit'OBMque  éti-augère. 

,*,  Londres.  —  Music  Hall.  Le  22  janvier  M.  Wilson  a  mis  en  lu- 
mière une  œuvre  des  plus  curieuses  sous  le  titre  de  :  Marie,  reine 
d'Ecos'ie.  Il  y  a  donné  une  esquisse  de  la  vie  de  cette  princesse  in- 
fortunée en  l'entremêlant  de  diverses  illustrations  musicales  d'un 
grand  intérêt  et  d'un  grand  charme.  Avec  une  parfaite  candeur,  il  a 
franchement  reconnu  qu'il  ne  pouvait  produire  les  mélodies  authen- 
tiques du  temps,  et  que,  suivant  son  opinion,  il  n'en  restait  plus 
que  les  titres  seuls.  Il  a  également  nié  que  David  Rizzio  eût  greffé  le 
style  italien  sur-le  caractère  du  chant  écossais.  Il  a  du  reste  exécuté 
avec  une  excellente  voix  les  morceaux  traditionnels,  dont  il  venait 
de  révoquer  en  doute  l'antique  origine.  Le  Dernier  appel  des  irom- 
peties,  chanson  populaire  contre  le  gouvernement  des  femmes,  en- 
tonné par  lui  avec  vigueur,  mais  avec  une  légère  afiectation  d'accent 
nasal ,  aurait  arraché  un  sourire  à  John  Knox  lui-même ,  prédicateur 
delà  réforme  en  Ecosse,  et  violent  adversaire  de  la  reine  calholique, 
Alarie  Stuart;  l'auditoire  moderne  l'a  accueilli  avec  un  rire  cordial. 
Le  Dernier  laij  de  Chatelard ,  adapté  à  une  vieille  mélodie  française 
fort  belle,  a  été  le  seul  morceau  qui  ne  fût  pas  choisi  dans  la  musi- 
que nationale.  Ce  concert  tout  historique  s'est  terminé  par  une  suave 
et  touchante  complainte  pour  celle  qui  en  était  l'héroïne.  Il  y  a  dans 
cette  tentative  d'illustrer  l'histoire  par  la  musique  une  idée  originale, 
qui,  chez  nous,  pourrait  servir  quelquefois  à  jeter  de  la  variété  dans 
les  concerts  et  contribuer  à  l'heureuse  exhumation  déplus  d'un  tré- 
sor musical,  admirable  de  naïveté,  et  trop  longtemps  enseveli  dans 
la  poudre  des  bibliothèques. 

—  Un  comité  d'acteurs  célèbres  et  de  gens  de  lettres,  parmi  les- 
quels figurent  les  rédacteurs  des  principaux  journaux,  s'est  formé 
pour  décerner  le  prix  de  500  livres  sterling  (douze  mille  francs)  que 
M.  Webster  a  constitué  en  faveur  de  la  meilleure  comédie  anglaise 
envoyée  au  concours.  Le  nombre  des  manuscrits  reçus  est  de  101. 
Quelle  fécondité!  Pendant  que  nous  élevons  une  statue  à  Molière,  la 
succession  aurait-elle  passé  le  détroit  ? 

—  Un  des  premiers  pianistes  de  l'Angleterre,  M.  Holme,  vient  de 
donner  à  Londres  une  très  brillante  soirée  musicale.  Il  a  été  secondé 
dans  l'exécution  des  beaux  trios  de  Beethoven  et  dcMendelssohn  par 
deux  artistes  dislingués  sur  le  violon  et  le  violoncelle.  Cramer  et 
Philips.  Des  morceaux  de  l'Aihalia  de  Haendel  ont  contribué  à  l'effet 
de  la  partie  vocale.  On  voit  que  chez  nos  voisins  ,  comme  chez  nous, 
s'introduit  l'heureuse  pensée  de  ressusciter  les  chefs-d'œuvre  de  la 
belle  musique  des  temps  passés. 

Le  chanteur  Braham  et  ses  fils,  qui  lui  servent  d'heureux  auxi- 
liaires, poursuivent  leurs  concerts  avec  beaucoup  de  vogue.  Ils  en 
sont  au  septième,  et  l'atDuence  n'a  pas  encore  diminué. 

*  "  Berlin,  28  'janvier.  —  Hier  au  soir,  à  l'occasion  du  soixante- 
neuvième  anniversaire  de  .M.  de  Schelling,  huit  cents  étudiants  de 
l'Université  de  Berlin,  avec  la  permission  des  autorités,  se  sont  rendus 
processionnellement,  tous  munis  d'un  flambeau,  et  la  plupart  por- 
tant des  instruments  de  musique,  à  la  maison  de  l'illustre  philosophe 
et  lui  ont  présenté  leurs  hommages  par  l'organe  d'une  députation  de 
cinq  d'entre  eux.  Immédiatement  après,  ils  ont  exécuté,  sous  les 
croisées  de  M.  de  Schelling  ,  une  sérénade  composée  des  trois  mor- 
ceaux suivants  :  l'ouverture  de  Fidelio,  de  Beethoven;  Voàtlnieger 
viiœ ,  d'Horace ,  mise  en  musique  pour  cette  occasion  par  Meyeer- 
beer;  le  Gaudenmus,  chant  d'étudiants  [Burschenlied).  On  ne  saurait 
se  faire  une  idée  de  l'effet  grandiose  qu'ont  produit  ces  deux  derniers 


morceaux ,  chantés  par  huit  cents  jeunes  et  fraîches  voix  accompa- 
gnées de  six  cents  instruments  au  moins.  Toutes  les  rues  du  quartier 
où  demeure  M.  de  Schelling  étaient  encombrées  de  monde  à  pied,  à 
cheval  et  en  voiture  ,  et,  après  chaque  morceau  ,  l'air  a  retenti  des 
cris  de  vive  Schelling!  et  d'applaudissements  sans  fin. 

*,*  ZJieide.  —L'opéra  de  Marschner,  Uans  Heiling ,  obtient  ici  du 
succès. 

*,*  Francfort.  —  Il  faut  savoir  gré  au  maître  de  chapelle,  M.  Guhr, 
de  nous  avoir  fait  entendre  les  trois  premiers  morceaux  de  la  neu- 
vième symphonie  de  Beethoven.  Les  autres  sont  des  chefs-d'œuvre 
admirés  par  tout  le  monde,  mais  la  neuvième  n'est  pas  encore  géné- 
ralement comprise;  c'est  une  création  gigantesque  où  l'imagination 
du  compositeur  se  laisse  emporter  à  toute  la  fougue  un  peu  désor- 
donnée de  sa  verve  ;  il  faut  l'entendre  plusieurs  fois  et  l'étudier  avec 
soin  pour  démêler  les  proportions  de  l'ensemble  à  travers  tout  ce 
luxe  de  développement  et  de  figures.  Entre  la  symphonie  de  Bee- 
thoven et  un  concerto  pour  forte-piano  joué  par  M.  Gollmick,  on  a 
chanté  une  romance  de  M"'  Loïsa  Pugel.  Par  pitié  ne  nous  faites 
plus  entendre  de  pareilles  fadaises  ! 

*,*  Hanovre.  —  Au  théâtre  de  la  cour,  on  a  donné  dernièrement 
lUquiqui,  opéra  dont  la  musique  est  de  M.  Esser.  Le  livret  est  imité 
du  vaudeville  que  l'on  donne  au  Palais-Royal.  La  pièce  ,  comme  on 
sait,  commence  par  une  sortie  violente  contre  l'ancien  régime  et  l'an- 
cienne noblesse  française.  Après  la  première  scène  ,  le  roi  a  quitté 
la  salle  ;  Sa  Majesté  était  de  fort  mauvaise  humeur,  et  il  est  probable 
que  Hiquiqui  sera  mis  à  l'index. 

*,*  Amsterdam.  —  On  vient  de  donner  pour  la  première  fois ,  à 
l'Opéra-Italien  ,  Béatrice  di  Tendu.  Le  Sravo  de  Mercadante  a  été 
choisi  par  M.  Boldoni  pour  son  bénéfice.  Les  Hollandais  aiment  peu 
la  musique  italienne:  aussi  ne  croit-on  pas  à  un  long  séjour  de  la 
troupe  italienne  parmi  nous. 


CONCERTS  ANNONCES. 


11  février.  2  heures.  M.  Henry  Cohen.  Salle  Herz. 

18      —  2      —  M.  Al.  Chevillard.  Salons  Pleyel. 

28      —  2      —  M.  Eopiquet.  Salons  Bernhart. 

28      —  8      —  M.  Ernst.  Salle  Herz. 

5     mars.  8      —  M"'  Élise  Krinilz. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SGHLESINGER. 


COURS  explicatif  et  démonstratif  de  l'ART  DU  CHANT,  en 

3  séances  (les  )9,  22,  24  février,  â  2  heures),  par  A.  DE  GA- 
RAUDÉ.  —  Tous  les  préceptes  qui  doivent  faire  acquérir  une 
bonne  Méthode  de  Chant  y  seront  développés  progressivement ,  et 
chacun  d'eux  sera  suivi  d'exemples,  comme  Exercices  nombreux 
de  vocalisation ,  Romances ,  Airs  français  et  italiens ,  etc.,  ana- 
logues à  l'explication  précédente.  Ce  COURS  traitera  aussi  du 
Caractère  des  divers  genres  de  morceaux  de  chant  ;  du  Style ,  du 
Goût  et  de  l'Expression  ;  de  la  Manière  d'étudier  pour  dévelop- 
per ses  moyens  et  conserver  sa  voix,  etc.  —  Le  PROSPECTUS 
de  ce  COURS  se  distribue  chez  M.  DE  GARAUDÉ,  6,  rue  Neuve- 
des-Petits-Champs.  On  y  souscrit,  jusqu'au  15,  à  raison  de  10  fr. 
pour  les  3  séances ,  dans  lesquelles  plusieurs  artistes  distingués  se- 
ront entendus. 


UNE  BELLE  COLLECTION  de  Duos  composés  par  les 
plus  grands  maîtres ,  et  formant  seize  gros  volumes.  Cette  collection 
contient  quatre-vingt-quatre  œuvres,  dont  soixante-dix-sept  pour 
deux  violons,  et  sept  pour  violon  etalto. —  S'adresser  rue  Piichelieu, 
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GAZETTE  MUSICALE 

BÉDIGÉE  FAB 

MM.  ANCERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ!,  Henri  BLANCHARD, 

MiuniCE  BOCRGES,  F.  DANJOO,  DCESBERG,  FÉTIS  père,  Édouabd  FÉTIS,  Stepben  HELLER,   J.  JAMN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  GeoBGE  SAND,  L.  RELI.STAB,  PAt3L  SMITH,  A.  SPEGHT,  etc. 

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Vu  SERA  JOnVT  A  CHAQUE  NimiÉRO  V\  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVABM. 
lie  1™  et   le   15  de  chaqne  mois  on  recevra  on  morcean  de  nmslqne» 


SOMMAIRE.  Euphonia  ,  ou  la  Ville  musicale  (  première  lettre)  ;  par 
H.  BERLIOZ..  — Théâtre  royal  de  l'Opéra-Comique  :  Cagliosiro, 
paroles  de  MM.  Scribe  et  de  Saint-Georges  (  première  représenta- 
tion); pare.  BLANCHAHD. —  Société  des  concerts  :  Troisième 
matinée;  par  STEPHEIV  HELLER.  —  Nouvelles.  —  Annonces. 

ON  N'A  JAMAIS  COMPRIS  MON  CCŒUR.  Dessin  de  Gavarni. 


M" 


ou 
LA  TILLE  MUSICALE. 

Nouvelle  [>). 

PERSONNAGES. 
XiLEF,  compositeur,  préfet  des  instruments  à  cordes  de  la 

ville  musicale  d'Euplioni.i. 
ROTCEH  ,   compositeur,   préfet  des  instruments  à  vent. 
EI.LIMAC,  célèbre  canlaliice  danoise. 
ELLIANAC ,  sa  mère. 
EEKISF-D,  sa  femnic  de  l'haiiibro. 

Tm  seine  se  passe  en  Allennijne,  an  France  cl  t.u  [taliè,  vers  l'an  2344. 

PREMIÈRE  LETTRE. 

Sicile ,  7  juin  2344. 
XILEF  A   ROTCEH. 

Il  e  viens  de  me  baigner  dans  l'Etna  !  O  mon  cher 
/  Rotceh  ,  quelle  heure  délicieuse  j'ai  passée  à 
sillonner  à  la  nage  ce  beau  lac  frais ,  calme  et 
pur!  Il  est  immense,  mais  sa  forme  circulaire 
et  l'escarpement  de  ses  bords  en  rendent  la  sur- 
face sonore  au  point  que  ma  voix  parvenait  sans  peine  du 

(1)  Cette  nouvelle,  écrite  en  vieux  langage,  ne  peut  être  comprise 
malheureusement  que  d'un  très  petit  nombre  de  lecteurs,  c'est-à- 
dire  des  rares  érudits  qui  se  sont  appliqués  à  l'étude,  aujourd'hui 


centre  aux  parties  du  rivage  les  plus  éloignées.  Je  m'en  suis 
aperçu  en  entendant  applaudir  des  dames  siciliennes  qui  se 
promenaient  en  ballon  captif  à  plus  d'une  demi-lieue  de  l'en- 
droit où  je  m'ébattais  comme  un  dauphin  en  gaieté.  Je  venais 
i  de  chanter  en  nageant  une  mélodie  que  j'ai  composée  ce  ma- 
tin même  sur  un  poëme  en  vieux  français ,  que  l'aspect  des 
lieux  où  je  suis  m'a  remis  en  mémoire.  Ces  vers  me  ravis- 
sent. Leur  auteur,  à  ce  qu'il  paraît,  était  un  député  d'une 
petite  ville  de  France ,  qui ,  après  avoir  écrit  de  nombreux 
discours ,  aujourd'hui  perdus  malheureusement ,  sur  les  plus 
hautes  questions  politiques ,  s'essaya  ,  quand  sa  verve  patrio- 
tique se  fut  refroidie,  à  rimer  en  jeune  et  chaste  amant  des 
muses.  Il  se  nommait  Lemartin  ou  Lamartine  ;  nos  philologues 
ne  sont  pas  d'accord  à  ce  sujet.  Je  ne  sais  s'il  fut  grand  légis- 
lateur, mais  certes  c'était  un  poêle!  Tu  en  jugeras:  Enieh 
m'a  promis  de  traduire  le  Lac  en  allemand.  Que  n'es-tu  là! 
nOus  courrions  ensemble  à  cheval  ;  je  me  sens  plein  de  ver- 
doyante jeunesse  ,  de  force,  d'intelligence  et  de  joie.  La  na- 
ture est  si  belle  autour  de  moi!  Cette  plaine  où  fut  Messine 
est  un  jardin  enchanté  ;  partout  des  fleurs ,  des  bois  d'oran- 
gers, des  palmiers  inclinant  leur  tête  gracieuse  :  c'est  l'odo- 
rante couronne  de  cette  coupe  divine ,  au  fond  de  laquelle 
rêve  aujourd'hui  le  lac  vainqueur  des  feux  de  l'Etna.  Étrange 
et  terrible  dut  être  cette  lutte  !  Quel  spectacle  !  la  terre  fré- 
missant dans  d'horribles  convulsions,  le  grand  mont  s'affais- 
sant  sur  lui-même ,  les  neiges,  les  flammes,  les  laves  bouil- 
lantes ,  les  explosions ,  les  cris ,  les  râlements  du  volcan  à 
l'agonie ,  les  sifflements  ironiques  de  l'onde  qui  accourt  par 


trop  négligée,  de  la  langue  française  du  xix"  siècle  ;  c'est  un  caprice 
de  l'éditeur.  Il  trouve  plaisant  de  publier  une  nouvelle  historique 
dont  les  quatre-vingt-dix-neuf  centièmes  des  lecteurs  de  son  journal 
ne  comprendront  pas  un  mot  :  ce  qui  est  fort  désagréable  pour  l'au- 
teur! Encore  s'il  la  payait  d'une  façon  extraordinaire;  mais,  sous 
prétexte  que  nous  sommes  de  vieux  amis ,  y  ne  me  donne  que  le 
prix  courant ,  100  francs  la  ligne  !  !  !  Voilà  comment  les  éditeurs  en- 
tendent l'amitié!... 


BUREAUX   D'ABONNEiaENTT,    RUE   RICHEXiIEU,    97. 


50 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


mille  issues  souterraines ,  poursuit  son  ennemi ,  l'étreint ,  le 
serre,  l'étouffé,  le  tue ,  et  se  calme  soudain ,  prête  à  sourire 
à  la  moindre  brise!...  Eh  bien!  croirais-tu  que  ces  lieux  jadis 
si  terribles ,  aujourd'hui  si  ravissants ,  sont  presque  déserts  ! 
les  Italiens  les  connaissent  à  peine  ;  on  n'en  parle  nulle  part; 
les  préoccupations  mercantiles  sont  si  fortes  parmi  les  habi- 
tants de  ce  beau  pays,  qu'ils  ne  s'intéressent  aux  plus  snWimes 
spectacles  de  la  nature  qu'en  raison  des  rapports  qu'ils  peu- 
vent apercevoir  entre  eux  et  les  questions  industrielles  qui 
les  agitent  jour  et  nuit.  Voilà  pourquoi  l'Etna  n'est  pour  les 
Italiens  qu'un  grand  trou  rempli  d'eau  dormante,  et  qui  ne 
peut  servir  à  rien.  D'un  bout  à  l'autre  de  cette  terre  M  riche  ; 
naguère  en  poètes,  en  peintres,  en  musiciens,  qui  fut  après  la 
Grèce  le  second  grand  temple  de  l'art ,  où  le  peuple  lui-même 
en  avait  le  sentiment ,  où  les  artistes  éminents  étaient  hono- 
rés presque  autant  qu'ils  le  sont  aujourd'hui  dans  le  nord  de 
l'Europe ,  dans  toute  l'Italie  enfin ,  on  ne  voit  qu'usines ,  ate- 
liers, métiers,  marchés,  magasins,  ouvriers  de  tout  sexe  et 
de  tout  âge ,  brûlés  par  la  soif  de  l'or  et  par  la  fièvre  d'ava- 
rice ,  flots  pressés  de  marchands ,  de  spéculateurs  ;  du  haut  en 
bas  de  l'échelle  sociale  on  n'entend  retentir  que  le  bruit  de 
l'argent  ;  on  ne  parle  que  laines  et  cotons ,  machines ,  den- 
rées coloniales;  sur  les  places  publiques  sont  en  permanence 
des  hommes  armés  de  longues-vues,  de  télescopes,  pourguet- 
ter  l'arrivée  des  pigeons-voyageurs  ou  des  navires  aériens, 
L'Angleterre  au  cœur  et  aux  bras  d'acier  est  une  nation  artiste 
en  comparaison  de  la  moderne  Italie.  ït  c'est  là  que  notre 
ministre  des  chœurs  a  eu  l'idée  de  m'envoyer  pour  ti'ouver 
des  chanteurs.  Éternité  des  préjugés!  Il  faut  que  nous  soyons, 
nous  aussi,  étrangement  absorbés  dans  notre  personnalité 
pour  ignorer  à  ce  point  les  mœurs  barbarescentes  de  cette 
contrée ,  où  l'oranger  fleurit  encore  ,  mais  où  l'art  est  mort 
depuis  si  longtemps  qu'on  n'en  a  pas  même  conservé  le  sou- 
venir. 

Et  j'ai  rempli  ma  mission  cependant ,  et  j'ai  cherché  des 
voix,  et  j'en  ai  trouvé  en  grand  nombre.  Mais  quelles  or- 
ganisations !  quelles  idées  !  Je  ne  m'étonnerai  plus  de  rien 
maintenant.  Quand  m'adressant  à  une  jeune  femme  que  je 
soupçonnais ,  à  la  sonorité  de  sa  parole ,  d'être  douée  d'un  ap- 
pareil vocal  remarquable ,  je  la  priais  de  chanter  :  «  Chanter  ! 
pourquoi?  que  me  donnerez-vous ?  pour  combien  de  mi- 
nutes? c'est  trop  peu  ,  je  n'ai  pas  le  temps.  »  Si  j'en  déter- 
minais d'autres  moins  avides  à  me  faire  entendre  quelques 
notes ,  c'étaient  des  voix  souvent  puissantes  et  d'un  timbre 
-admirable,  mais  d'une  inculture  inouïe!  pas  le  moindre  sen- 
timent du  rhythme  ni  de  la  tonalité.  Un  jour ,  accompagnant 
une  femme  qui  avait  commencé  un  air  en  mi  bémol ,  j'ai ,  au 
retour  du  thème ,  modulé  subitement  en  ré ,  et  sans  s'en 
étonner  le  moins  du  monde  ma  jeune  barbare  a  continué  dans 
le  ton  primitif.  Ce  serait  un  tour  de  force  de  la  part  d'une 
musicienne ,  ce  n'était  chez  cette  femme  que  la  preuve  d'une 
monstrueuse  insensibilité  de  l'oreille  et  de  son  habitude  de 
chanter  pour  ainsi  dire  mécaniquement.  Chez  les  hommes 
c'est  bien  pis ,  ils  crient  de  toutes  leurs  forces  à  pleine  voix  ; 
quand  ils  possèdent  une  note  plus  sonore  que  les  autres 
notes^  ils  cherchent  lorsqu'elle  se  présente  dans  la  mélodie  à 
la  prolonger  autant  que  possible  ;  ils  s'y  arrêtent,  ils  s'y  com- 
plaisent, ils  la  soufflent,  la  gonflent  d'une  horrible  façon;  on 
croit  entendre  les  cris  sinistres  d'un  chien  aboyant  contre  la 
lune.  Et  ces  étonnantes  horreurs  ne  sont  que  l'augmentatif 
modéré  de  ce  que  font  les  chanteurs  de  théâtre.  Ceux-là  sont 
un  peu  moins  affreux,  voilà  tout.  C'est  pourtant  d'Italie 
que  nous  vinrent ,  il  y  a  cinq  cents  ans ,  les  Rubini ,  Per- 
siani,  Tacchinardi,  Crivelli,  Pasta,  Tamburini,  ces  dieux  du 


chant  orné!  Mais  pourquoi  et  pour  qui  chanteraient-ils,  s'ils 
revenaient  au  monde  aujourd'hui  ?  Il  faut  voii;  une  représen- 
tation de  ces  choses  qu'ils  appellent  opéras  pour  croire  à  la 
possibilité  d'une  insulte  pareille  faite  à  ce  qu'ils  appellent 
l'art ,  car  c'est  l'art  pour  eux.  Les  théâtres  sont  des  marchés, 
des  rendez- vous  d'affaires ,  où  l'on  parle  tellement  haut  qu'il 
est  presque  impossible  d'entendre  un  son  venu  de  la  scène. 
(Les  anciens  critiques  prétendent  qu'il  en  était  ainsi  au  temps 
des  grands  compositeurs  et  des  grands  virtuoses  chantants 
qui  firent  la  gloire  de  l'Italie ,  mais  je  n'en  crois  rien.  A  coup 
sûr  des  artistes  n'eussent  pas  supporté  une  telle  ignominie,) 
Pour  distraire  un  peu  ces  marchands  brutaux,  après  que 
leurs  tripotages  de  Bourse  sont  finis  ,  on  a  eu  l'aimable  idée 
de  placer  des  billards  au  milieu  du  parterre,  et  ces  messieurs 
jouent,  avec  de  grands  a'is  à  chaque  coup  inattendu ,  pen- 
dant que  le  ténor  et  la  prima  donna  s'époumonnent  sur 
l 'avant-scène.  Avant  hier  on  doonaità  Palernje/e  Roi  MuraU 
espèce  de  pasiiccio  de  vingt  auteurs  de  \ingt  époques  diffé- 
rentes ;  après  souper  (car  chacun  soupe  dans  sa  loge  toujours 
pendant  la  représentation) ,  les  dames,  impatientes  de  voir 
ces  messieurs  se  disposer  à  aller  fumer  et  jouer  dans  lepar- 
terre,  se  levèrent  toutes,  demandant  instamment  qu'on 
enlevât  les  billards  pour  improviser  un  bal,  ce  qui  fut  fait. 
Quelques  jeunes  gens  saisirent  des  violons  et  des  trompettes, 
se  mirent  à  sonner  des  valses  dans  le  coin  supérieur  de  l'am- 
phithéâtre ,  et  les  groupes  de  valseurs  tourbillonnèrent  au 
parterre  sans  que  l'exécution  de  l'opéra  fût  en  rien  suspen- 
due. J'ai  cru  que  je  mourrais  de  rire  en  voyant  de  mes  yeux 
cette  grotesque  abomination. 

O  sdnahcram  !  ô  segavuas!  ut  en  sariorc  sap,  siam  ej  eruj 
rap  Gluck  te  Beethoven,  euq  alec  tse  iarv  (1)  ! 

H.  Berlioz. 
{La  suite  au  prochain  numéro.") 

THÉÂTRE  ROYAL  DE  L'OPÉRA-COMIQUE. 


PIÈCE  EN  3  ACTES. 

Libretto  de  MM.  Sckibe  et  de  Saint-Georges  ; 
musique  de  M.  Adajl 
(Première  représentation.) 

'idéal,  le  merveil- 
leux ,    l'impossible 
tiennent  une  large 
part  dans  la  vie  de 
l'homme  :    toutes 
les  religions    sont 
basées  sur  ces  besoins  de  la  faible  hu- 
manité. Quand  elle  s'affranchit  de  ses 
croyances  superstitieuses,    elle    tombe 
dans  le  culte  du  veau  d'or,  des  intérêts  maté- 
riels ,  de  la  pièce  de  cent  sous ,  comme  au 
bien  heureux  temps  où  nous  sommes,  et  alors 
arrivent  ces  époques  de  corruption,  de  pourri- 
ture sociale  où  l'édifice  gouvernemental  craque 
sur  sa  base ,  et  s'en  va  eh  dissolution  comme  aux 
temps  des  festins  de  Balthazar  ou  de  Trimalcion. 
Les  nations  qui  en  sont  là  n'ont  plus  ni  croyance 
en  Dieu,  en  la  famille,  en  poésie ,  en  art,  en 

(1)  L'emportement  de  soh  indignation  a  fait  employer  ici  à  l'au- 
teur la  langue  moderne.  Ce  genre  de  distraction  lui  arrivera  proba- 
blement encore  dans  la  suite  de  son  récit:  il  faut  s'y  résigner. 
(  Woie  de  l'édileur.) 


DE  PARIS. 


51 


vertu ,  en  quoi  que  ce  soit  ;  mais  elles  font  des  lois  tant  qu'on 
leur  en  demande ,  jouissent  de  tous  les  plaisirs  matériels , 
rient  et  dansent  sur  les  volcans  populaires  en  répétant  le  vieil 
axiome  :  Après  nous  le  déluge.  C'est  donc  par  la  superstition, 
par  des  prodiges,  des  miracles,  chose  singulière  à  constater, 
que  se  reconstituent  les  sociétés.  Moïse,  Jésus-Christ,  Ma- 
homet en  offrent  des  preuves  convaincantes  ;  et  de  nos  jours 
Saint-Simon,  Owen,  Fourrier  et  l'abbé  Châtel,  qui  ont  voulu 
parler  trop  rationnellement  à  leurs  semblables ,  ont  échoué 
dans  leurs  projets  de  rénovation  sociale.  Wallenstein  ,  qui 
croyait  à  la  magie  et  Napoléon  à  la  fatalité,  ont  presque  fondé 
une  religion  militaire ,  culte  qui  ne  vit  que  des  prestiges  dé- 
cevants d'une  gloire  brutale,  d'une  obéissance  aveugle  et  d'une 
entière  abnégation  de  sa  vie  et  de  sa  volonté. 

Que  si  l'on  trouvait  que  voilà  de  bien  hautes  considéra- 
tions et  de  longs  prolégomènes  à  propos  d'un  libretto  ,  nous 
dirions  que  dans  cet  opéra-comique  il  s'agit  de  magie ,  de 
sorcellerie ,  d'alchimie  ,  du  grand  œuvre  et  de  cet  homme 
qui ,  parmi  les  philosophes  du  xviir  siècle ,  d'une  si  auda- 
cieuse incréduhté ,  recommença  le  fameux  comte  de  Saint- 
Germain  ,  fil  revivre  dans  la  société  la  plus  éclairée ,  la  plus 
railleuse,  la  plus  exempte  de  préjugés,  la  croyance  à  la  pierre 
philosophale ,  aux  prodiges  du  magnétisme ,  du  somnambu- 
lisme ,  et  toutes  les  fictions  scientifiques  du  moyen-âge. 

Balsamo ,  comte  de  Cagliostro ,  pris  en  Crispin  de  l'an- 
cienne comédie  qui  ne  vise  qu'à  voler  une  dot ,  ou  en  Robert 
Macaire ,  secondé  de  son  Bertrand ,  est  peu  dramatique  et 
n'inspire  nul  intérêt.  C'est  pourtant  ainsi  que  l'ont  envisagé 
les  auteurs  de  la  pièce  nouvelle  ;  mais  cela  ne  les  a  pas  em- 
pêchés d'en  faire  le  héros  d'un  opéra-comique  spirituel , 
amusant  et  surtout  très  musical.  Cagliostro  a  déjà  figuré ,  il 
y  a  plus  d'un  quart  de  siècle ,  au  Théâtre-Feydeau  dans  un 
opéra  en  trois  actes  dont  le  baron  Révéroni  de  Saint-Cyr,  au- 
teur de  l'opéra  du  Délire ,  avait  fait  les  paroles ,  et  M.  Dour- 
len  la  musique.  Ce  fut  Martin  qui  joua  le  principal  person- 
nage dans  cet  opéra  qui  n'eut  point  de  succès.  Lafont  devait 
jouer  celui-ci  au  théâtre  des  Variétés ,  dont  l'idée  principale 
est  empruntée  à  une  pièce  allemande. 

Comme  dans  la  jolie  comédie  du  Cercle  de  Poinsinet  de 
Sivry ,  la  première  scène  du  nouveau  libretto  nous  offre  un 
salon  de  Versailles  vers  1780,  dans  lequel  nous  voyons  des 
dames  de  haut  parage  avec  des  officiers  de  cavalerie  qui  font 
de  la  tapisserie ,  des  grands  seigneurs  qui  dévident  des  éche- 
veaux  de  soie,  un  abbé  qui  brode...  ;  au  reste,  on  ne  reverra 
plus  ce  personnage  muet  qui  contribuait  à  la  vérité  de  ce  ta- 
bleau de  mœurs,  la  censure  lui  ayant  interdit  de  reparaître. 
Ainsi  c'en  est  fait  des  réapparitions  sur  la  scène  de  V Abbé 
galant,  de  l'abbé  de  Lattaignant  dans  Fanchon  la  Vielleuse , 
de  l'abbé  du  Cercle,  de  l'abbé  chantant  cet  air  charmant  : 
Qu'on  se  batte ,  qu'on  se  déchire ,  dans  l'opéra  de  Félix  ,  de 
l'abbé  de  l'Épée ,  et  de  tant  d'autres  abbés ,  et  même  de  Fé- 
nelon  prêchant  la  tolérance  religieuse.  O  pudeur  de  la  cen- 
sure que  tu  as  de  charmes  ! 

Ces  seigneurs  et  ces  dames  de  cour  ne  s'occupent ,  ne 
parlent  que  du  héros  du  jour,  du  lion  du  moment,  de  Ca- 
gliostro ;  il  arrive  dans  cette  société  et  il  y  est  accueilli ,  fêté, 
choyé,  interrogé  par  tout  le  monde,  excepté  par  un  certain 
chevalier ,  neveu  de  la  vieille  marquise  chez  qui  la  scène  se 
passe ,  et  qui  prétend  que  Cagliostro  n'est  qu'un  charlatan. 
Ce  chevalier  fait  la  cour  à  sa  cousine  Cécile  ,  petite-fille  de  la 
marquise,  et  il  a  pour  rival  Cagliostro  qui  aime  aussi  la  jeune 
personne ,  ou  plutôt  son  immense  dot.  Il  faut  donc  déjouer 
les  manœuvres  du  charlatan  ;  mais  le  chevalier  a  fort  à  faire, 
car  il  lutte  contre  l'engouement  général  pour  Cagliostro  à  qui 


chacun  demande  de  l'or,  de  la  jeunesse,  un  secret  pour  se 
faire  aimer.  Au  nombre  de  ces  derniers  est  un  prince  bava- 
rois qui  adore  une  cantatrice  nommée  Corilla ,  à  qui  le  cheva- 
lier a  sauvé  la  vie  en  la  retirant  du  Tibre  dans  lequel  elle 
s'était  précipitée,  pour  se  soustraire  aux  mauvais  traitements 
de  son  mari  qui  n'est  autre  que  Cagliostro.  Sous  le  nom  de 
Corilla  elle  est  devenue  prima  donna  au  théâtre  de  San- 
Carlo,  a  Naples;  et  par  le  crédit  du  prince  bavarois,  sorte 
d'Allemand  de  convention  et  stupide  d'amour,  elle  sollicite 
un  bref  de  Sa  Sainteté  le  pape  pour  faire  annuler  son  ma- 
riage, afin  de  convoler  en  secondes  noces,  non  avec  le  prince 
qu'elle  n'aime  pas ,  mais  avec  le  chevalier  qui  lui  a  souscrit 
en  Italie  une  promesse  de  mariage  quand  il  l'adorait. 

La  lutte  du  chevalier  contre  Cagliostro  pour  le  démasquer; 
les  ruses  de  celui-ci  pour  l'emporter  sur  son  jeune  rival  qui 
succombe  souvent  sous  les  machinations  du  charlatan ,  sou- 
tenu et  trahi  tour  à  tour  lui-même  par  un  de  ses  compères , 
véritable  type  italien ,  paysan  calabrais ,  qu'il  décore  du  nom 
de  marquis  de  Caracoli,  et  à  qui  il  a  l'air  de  sauver  la  vie  sans 
le  connaître ,  pour  mieux  asseoir  sa  réputation  de  profond 
docteur  ;  la  crédulité  poussée  un  peu  loin  par  la  vieille  mar- 
quise dans  le  savoir  de  Cagliostro  ;  l'intervention  si  singuliè- 
rement désintéressée  de  la  cantatrice  dans  toute  cette  intrigue, 
forment  un  imbroglio,  sinon  intéressant,  du  moins  fort  amu- 
sant ,  tout  cela  brodé  surtout  d'un  dialogue  comique  et  des 
plus  spirituels.  La  broderie  musicale  est-elle  aussi  brillante  ? 
Nous  sommes  forcé ,  dans  l'impartialité  que  nous  professons , 
de  soutenir  la  négative. 

L'ouverture ,  qui  se  compose  des  lambeaux  de  quelques 
morceaux  de  chant  de  la  partition  et  qui ,  par  conséquent , 
manque  de  pensée  et  d'unité  comme  ouverture ,  commence 
par  un  allegro  brusque ,  sans  caractère;  puis  vient  une  mé- 
lodie assez  distinguée  ,  puis  une  coda  qui  est  parfaitement 
dans  l'esprit  du  temps  chorégraphique  et  carnavalesque  oti 
nous  sommes. 

Dans  l'introduction,  le  prince  bavarois  chante  des  couplets 
d'une  forme  un  peu  allongée  et  d'un  dessin  indécis  sur  les 
talents  et  le  pouvoir  de  Cagliostro.  Le  chevalier  survient  pour 
mêler ,  en  suivant  la  même  mélodie ,  ses  plaisanteries  sur  le 
charlatan  aux  phrases  admiratives  du  Bavarois. 

Le  morceau  d'ensemble  que  nous  appellerons  le  morceau 
de  la  guérison  du  marquis  de  Caracoli  est  sans  physionomie. 
Cependant  le  passage  sur  lequel  Cagliostro  fait  respirer  du  ta- 
bac d'Espagne  à  son  compère  est  modulé  assez  ingénieusement  : 
mais ,  pourrait  -  on  dire  avec  quelques  principes  de  logique 
musicale  ,  si  la  situation  n'est  qu'un  jeu  entre  Cagliostro  et 
son  compère ,  l'orchestre  ne  doit  point  exprimer  par  de  la 
recherche  et  des  péripéties  harmoniques  l'état  d'un  homme 
qu'on  arrache  au  trépas  pour  le  faire  rentrer  dans  la  vie. 
Quoi  qu'il  en  soit  de  celte  invraisemblance  modulée,  l'harmo- 
nie en  est  jolie  et  distinguée. 

L'air  chanté  par  la  Corilla  : 

C'est  le  caprice 

Qui  rend  propice 

La  canlalrice 

Au  cœur  changeant,  -^ 

est  d'une  mélodie  franche  et  dessinée  avec  grâce;  et  puis  cela 
est  bien  en  scène.  La  romance  chantée  par  le  chevalier  est  des 
plus  ordinaires ,  et  ne  se  retiendra  pas ,  défaut  capital  pour 
une  romance.  Le  trio  qui  la  suit  et  qui  finit  en  quatuor  ne 
laisse  pas  des  traces  plus  profondes  dans  le  souvenir  de  l'au- 
-diteur. 

Les  couplets  qui  ouvrent  le  second  acte ,  couplets  chantés 
par  Caracoli ,  valet  alchimiste  de  Cagliostro ,  dans  son  labo- 


52 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ratoire,  ont  assez  d'originalité;  ils  expriment  assez  bien  l'ef- 
froi de  l'Italien  crédule.  Le  petit  trait  des  violons ,  qui  dans 
le  mode  de  mi  majeur  fait  entendre  sur  la  tonique  tenue  par 
le  chanteur,  si,  ut  naturel ,  i-é  naturel ,  mi ,  ré  ,  ut,  si ,  et  le 
même  trait  répété  sur  la  dominante  si,  sont  d'un  effet,  si- 
non neuf,  du  moins  piquant  et  bien  placé. 

L'air  de  Cagliostro  qui  suit,  sur  ces  paroles ,  à  ce  que  nous 
croyons  :  Fortune  inconstante  et  légère ,  est  bien  dans  la 
première  partie;  mais  il  ne  se  soutient  pas,  et  tombe  dans  la 
vulgarité  ,  ainsi  que  la  coda  du  quintette  qui  succède  à  cet 
air.  Cequintette,  que  nous  appellerons  le  morceau  de  la  trans- 
mutation des  métaux ,  mais  qui  ne  prouve  pas  cependant  que 
le  compositeur  ait  trouvé  la  pierre  philosophale  en  musique , 
commence  largement  et  dans  un  bon  style.  Cela  est  bien,  et 
rappelle  pour  la  manière  le  beau  morceau  de  la  Fauase  Magie 
de  Grétry  :  0  grand  Albert!  Mais,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit,  la  péroraison  de  ce  morceau  est  commune  et  senttout-à- 
fait  son  bal  Musard ,  ou  autre,  dont  elle  fera  sans|doute  l'orne- 
ment aussitôt  qu'elle  sera  guarfn7/ee.  Après  cela,  nous  nesavons 
trop  que  dire  d'un  sextuor  insignifiant,  sous  le  rapport  de  l'art, 
et  d'un  air  chanté  par  la  Corilla ,  la  cantatrice ,  espèce  de  vo- 
calise tourmentée  d'un  médiocre  effet ,  et  qu'on  devrait 
bien  supprimer  aux  représentations  suivantes.  Cela  est  tout- 
à-fait  dans  le  caraclcie  de  ces  airs  italiens  exigés  par  h  prima 
donna.  A  ce  hors-d'œuvre  vocal  succède  un  incommensu- 
rable duo  entre  Cagliostro  et  le  chevalier ,  qui  sert  de  finale 
au  second  ac'e.  Certes,  quoiqu'à  deux  personnages,  la  scène 
était  musicale  et  pleine  d'originalité ,  Cagliostro  enivrant  son 
rival  avec  une  poudre  soporifique,  qu'en  violant,  au  reste, 
toute  vraisemblance  dramatique ,  celui-ci  a  l'imprudence  de 
prendre  dans  la  tabatière  de  son  ennemi ,  offrait  cependant 
au  compositeur  une  situation  neuve  et  d'un  bon  comique. 
Un  musicien  spirituel,  ingénieux,  et  cette  fois  M.  Adam  ne 
s'est  pas  moniré  tel,  un  compositeur  français  enfin,  comme 
D'Aleyrac,  Eoïeklieu ,  ou  tout  autre,  aurait  fait  entendre 
da;;s  l'orchestre,  pendant  le  jeu  scénique  des  personnages, 
l'air:  J'ai  du  bon  tabac  dans  ma  tabatière.  Ce  motif  con 
scvdini  en  style  fugué ,  ou  légèrement  traité  en  imitations , 
se;  le  d'ironie  musicale  de  la  part  de  Cagliostro,  aurait  ajouté 
an  comique  de  la  situation  et  serait  devenu  comme  un  ca- 
chet du  temps  où  se  pas.se  l'action ,  de  cette  époque  où  flo- 
rissait  cette  chanson  populaire  :  une  réminiscence  volon- 
taire et  tien  placée  est  souvent  un  trait  de  génie. 

le  troisième  acte  ne  contient  que  trois  morceaux  d'en- 
semble :  le  chœur  de  la  signature  du  contrat  de  mariage  entre 
Cagliostro  ei  Cécile,  morceau  d'une  teinte  gracieuse;  un. 
long  trio  entre  le  chevalier  et  ses  deux  maîtresses,  c'est-à-dire 
sa  future  et  la  Corilla,  Irio  prétentieusement  scénique  et  pa- 
thétique, et  qui  n'a  pas  une  grande  valeur  musicale,  soit  par 
la  coupe,  l'invention  mélodique  ou  les  effets  harmoniques; 
enfin  le  grand  morceau  de  somnambulisme,  dont  le  com- 
mencement renferme  une  réminiscence  au  Roi  d'Yvetol  : 
Le  honheitr  il  est  là,  voilà  tout  le  mystère ,  réminiscence 
gracieuse,  au  reste,  qui  prouve  que  M.  Adam  a  le  droit  de 
fouiller  dans  les  poches  de  son  imagination  et  qu'il  use  de  ce 
droit ,  mais  qui  n'a  pas  \e  piquant  qu'aurait  eu  celle  du  bon 
tabac  dont  nous  avons  parlé  plus  haut  pour  le  finale  du 
deuxième  acte.  Quoi  qu'il  en  soit ,  il  y  a  dans  la  scène  du  som- 
nambulisme des  phrases  mystéi-ieuses  de  mélodie  et  d'har- 
monie qui  sont  d'un  fort  jpli  effet.  Les  violons  divisés  et  fai- 
sant entendre  des  sons  harmoniques  soutenus  par  les  cors  font 
également  un  fort  bon  effet,  qui,  appartient  à  l'instrumenta- 
tion moderne,  et  que  M.  Adam  a  employé  là  heureusement. 
JJalgré  cela  et  plusieurs  autres  partiesde  cet  ouvrage,  traitées 


avec  de  l'expérience  et  du  goût ,  on  est  forcé  de  dire  qu'il  y 
a  loin  de  cette  partition  à  celle  du  Chalet.  Il  n'y  a  pas  même 
là-dedans  cette  verve  de  mélodie  commune,  mais  bien  rhyth- 
mée,  qui  s'implante  dans  la  mémoire  de  l'auditeur  commun 
et  qui  fait  son  tour  de  France  avec  lui.  Les  auteurs  du  li- 
bretto  ont  pourtant  fourni  au  compositeur  des  situations 
vives,  animées,  comiques,  éminemment  musicales  même. 
On  connaît  l'anecdote  comique  de  ces  pauvres  comédiens  am- 
bulants qui ,  voulant  donner  la  Dame  Blanche  dans  une  pe- 
tite ville  de  province ,  et  n'ayant  pas  d'orchestre ,  ou  ne 
sachant  pas  chanter,  firent  annoncer  sur  l'affiche  que,  la 
musique  nuisant  à  la  rapidité  de  l'action,  un  dialogue  vif  et 
spirituel  remplacerait  les  airs  et  les  morceaux  d'ensemble. 
Ce  trait  de  cabotinage ,  que  l'auteur  de  la  Dame  Blanche  ai- 
mait à  raconter  lui-même  comme  une  excellente  plaisante- 
rie ,  s'il  se  renouvelait  pour  Cagliostro,  pourrait  bien  ne  pas 
passer  pour  une  épigramrae ,  mais  pour  un  trait  d'esprit  et 
de  jugement  musical.  On  n'aurait  pas  même  besoin  de  rem- 
placer les  morceaux  de  musique  par  un  dialogue  spirituel , 
car  il  l'est  assez  déjà  ,  sans  compter  les  mouvements  maté- 
riels de  scène  qui  sont  bien  trouvés  et  fort  amusants. 

L'ouvrage  est  monté  avec  luxe;  les  costumes  sont  ri- 
ches :  nous  aurions  aimé  qu'ils  rappelassent  le  règne  de 
Louis  XVI  plutôt  que  celui  de  la  régence.  ChoUet  est  noble 
et  comique  dans  le  rôle  de  Cagliostro  et  le  chante  bien.  Mocker 
est  également  bien  placé  dans  celui  du  chevalier.  Henri  est 
franchement  comique  dans  le  marquis  Caracoli  ;  il  anime 
l'action ,  et  Grignon  est  fort  bien  aussi  dans  le  prince  bava- 
rois. La  cantatrice  Corilla  est  convenablement  représentée  par 
M™=  Thillon ,  qui  est  toujours  bien  jolie  et  qui  vocalise  avec 
une  excessive]légèreté.  A  cela  près  d'un  lapsus  linguœ  qui  lui 
a  fait  commettre  une  erreur  fluviale  en  lui  faisant  prendre 
le  Tibre  pour  la  Seine,  à  la  première  représentation,  elle  a  fort 
bien  joué  le  rôle  difficile  de  cette  prima  donna  et  à  été  on  ne 
peut  mieux  secondée  par  MM""  Boulanger  et  Potier.  C'est 
un  succès  de  plus  à  constater  pour  le  théâtre  de  l'Opéra- 
Comique. 

Henri  Blanchard. 


SOGIETZ:  DES  CONCERTS. 

troisième  iHûtinéf. 

ous  avions  déjà  entendu  l'an  passé  la  symphonie 
de  M.  Schwenke,  exécutée  dimanche  dernier,  et 
dont  la  reprise  semblait  autorisée  par  le  bon  ac- 
cueil qu'elle  avait  reçu  du  public.  M.  Schwenke 
a  bien  mérité  cette  faveur  ;  on  ne  saurait  assez  reconnaître 
les  efforts  d'un  artiste  aussi  consciencieux  qu'habile.  C'est 
surtout  dans  la  seconde  partie  du  premier  morceau  ,  dans 
l'andante  et  dans  quelques  parties  du  scherzo  que  se  ré- 
vèle un  talent  fin  et  nourri  de  bonnes  études.  D'ailleurs 
M.  Schwenke  n'en  est  pas  à  son  coup  d'es-sai.  De  nombreux 
ouvrages  attestent  son  savoir,  et  le  public  des  concerts  du 
Conservatoire  avait  déjà  eu  l'occasion  d'apprécier  le  mérite 
réel  qui  le  distingue  en  entendant  son  Ihnedictns ,  d'une 
large  et  belle  facture.  La  symphonie  de  M.  Schwenke  n'est 
pas  moins  digne  d'attention  ,  et  elle  a  obtenu  tout  ce  dont  elle 
est  digne. 

On  a  repris  encore  cette  année  le  chœur  des  chasseurs 
d'Eiirijanlhe,  de  Weber.  Aucun  musicien  avant  lui  n'avait 
soupçonné  cette  poésie  de  la  musique  de  chasse.  On  serait 
tenté   do  dire  qu'il  a  inventé   le   cor.  Voyez  le  rôle  qu'il 


^ee/tte/  efy  éraliUéi^ ■  Jfusim/e  dii'r^ Fm-ier  l^M 


^      h         $<i'^^\=i    .  ^^^e^ 


')/irn^  irm^  -     -   -r-P^^         -rri^  --       ~      -/*7>'  —      ckyr'  • 


DE  PARIS. 


53 


lui  fait  jouer  dans  le  Freyschûtz ,  dans  Preciosa ,  dans  Exi- 
ryanthe  ;  comme  il  le  fait  parler  dans  sa  langue  (qui  est  la  mu- 
sique, une  belle  langue  morte)  de  la  fraîcheur  des  forêts,  de 
leur  verdure ,  de  leur  ombre  ,  de  leurs  parfums ,  de  leurs 
mystères  !  Et  puis  quelle  énergie  dans  ces  chœurs  de  chas- 
seurs !  quelle  incessante  activité  dans  cet  orchestre  qui  éclate 
joyeusement  en  fanfares!  Tout  cela  est  étincelant,  éblouis- 
sant de  vie  et  de  force;  c'est  l'expression  la  plus  vraie  et  la 
plus  vigoureuse  de  cette  belle  vie  de  chasseurs  d'autrefois! 
Dans  ce  chœur  se  trouve  intercalé  un  petit  morceau  de  la 
façon  de  l'auteur  de  Pigeon  vole;  le  mi  bémol  majeur  de 
Weber,  ce  son  si  brillant  et  si  clair,  d'une  couleur  de  vert- 
forêt  si  éclatante  dégénère  subitement  en  une  couleur  terne 
et  triste.  La  musique  de  Weber ,  en  passant  par  les  mains 
d'un  autre ,  change  de  nuance  et  tombe  en  ut  mineur.  La 
forêt ,  si  gaiement  verdoyante ,  se  change  en  une  forêt  noire  ; 
les  chasseurs  ne  chantent  plus ,  ils  psalmodient  ;  ils  ont  jeté 
aux  orties  leurs  habits  galonnés  et  sont  devenus  trappistes. 
Mais  bientôt  on  reconnaît  les  cors  de  Webér  qui  reviennent 
chasser  les  spectres  de  la  Forêt  de  Senart.  Le  chœur  a  été 
redemandé,  et  les  chasseurs  s'y  sont  prêtés  de  fort  bonne 
grâce. 

Un  grand  succès  a  récompensé  la  bonne  et  sage  détei-- 
mination  de  faire  entendre  un  concerto  pour  piano  de  Bee- 
thoven. Depuis  fort  longtemps  pareille  fêle  n'avait  été  donnée 
aux  amateurs  de  la  belle  musique  de  piano.  Le  résultat  ob- 
tenu engagera  la  Société  des  concerts  à  être  désormais  moins 
avare  de  morceaux  de  ce  genre.  Qu'y-t-il  de  plus  désolant 
qu'une  fantaisie  ou  un  air  varié  qui  vient  se  jeter  entre  une 
ouverture  de  Weber  et  une  scène  de  Gluck  ou  une  sympho- 
nie de  Beethoven?  Qu'on  laisse  aux  mille  et  un  concerts  qui 
se  donnent  annuellement  à  Paris  le  soin  de  faire  connaître  les 
fantaisies  sur  des  thèmes  plus  ou  moins  favoris. 

Il  me  semble  que  le  plus  habile  virtuose  devrait  sentir  sa 
conscience  troublée  au  moment  où  il  sort  avec  l'intention 
malveillante  de  faire  entendre  des  variations  brillantes , 
quand  la  salle  frémit  encore  des  accents  sublimes  de  Weber 
ou  de  Beethoven.  Aussi  je  me  sens  beaucoup  de  sympathie 
pour  M"'  Louise  Mattmaun,  que  je  n'ai  pas  le  plaisir  de  con- 
naître ,  mais  qui  a  eu  l'heureuse  idée  de  nous  jouer  le  con- 
certo en  ut  mineur  de  Beethoven.  Ce  qui  m'a  plu  dans  le  ta- 
lent de  cette  jeune  personne,  c'est  la  simplicité ,  la  modestie 
avec  laquelle  elle  a  dit  cette  belle  composition.  Elle  l'a  inter- 
prétée à  sa  manière ,  il  est  vrai ,  et  dans  celte  manière  il  n'y 
avait  ni  grande  profondeur  ni  grande  chaleur,  eu  un  mot  rien 
de  surprenant.  Mais  comme  elle  ne  voulait  nullement  com- 
menter l'œuvre  (ainsi  que  doit  le  faire  un  grand  artiste),  elle 
s'est  naturellement  préservée  du  danger  de  tomber  dans  le 
faux  ;  elle  s'est  bornée  h  jouer  le  concerto  fidèlement ,  loya- 
lement, en  laissant  agir  l'œuvre  elle-même.  Et  c'est  pour  cela 
qu'on  doit  la  louer  en  toute  conscience.  Sans  doute  elle  n'est 
pas  encore  de  force  à  lutter  avec  un'géant  tel  que  Beethoven; 
mais  elle  n'a  pas  reculé  un  instant  devant  lui,  et  le  géant  n'a 
pas  voulu  vaincre  une  enfant  aussi  courageuse.  Constatons 
donc  son  grand  et  légitime  succès  ,  et  louons  le  public ,  par- 
fois si  fin  et  si  intelligent ,  d'avoir  applaudi  à  la  fois  au  talent 
de  la  jeune  virtuose  et  au  bon  sens  qui  lui  avait  fait  choisir  un 
morceau  digne  de  ceux  qu'on  a  l'habitude  d'entendre  jouer 
par  l'orchestre  du  Conservatoire.  Ajoutons  que  l'orchestre  a 
supérieurement  accompagné  ;  c'est  encore  une  des  choses 
dont  on  a  contracté  l'habitude. 

Le  concert  se  terminait  par  l'introduction  et  le  chœur  de 
Moïse  et  la  symphonie  en  la  de  Beethoven.  En  Allemagne , 
le  compte-rendu  de  pareils  concerts  se  borne  à  la  citation 


du  programme  ;  c'est  une  excellente  manière  de  se  tirer  d'af- 
faire et  dont  je  veux  profiter,  d'autant  plus  qu'on  connaît  les 
symphonies  de  Beethoven  à  Paris  aussi  bien  qu'en  Allema- 
gne. Ainsi  je  prie  le  lecteur  de  se  contenter  de  ces  mots  :  Le 
concert  se  terminait  par  la  symphonie  en  la.  En  effet ,  à  quoi 
bon  dire  que  Dieu  est  grand  et  que  Beethoven  est  son  pro- 
phète? 

Stephen  Heller. 


ON  N'A  JAMAIS  COMPRIS  MON  COEUR. 

Dessin  de  Gavamî. 

Ceci  est ,  comme  vous  le  voyez ,  la  romance  de  la  femme 
incomprise ,  et  pourquoi  cette  femme  est-elle  incomprise  !  On 
le  comprend  tout  de  suite  ,  en  la  regardant.  Le  pianiste  qui 
l'accompagne ,  et  dont  la  tête  se  dessine  à  travers  les  ombres 
du  second  plan ,  a  bien  l'air  aussi  d'un  pianiste  incompris , 
non  sans  cause ,  car  en  général  il  n'y  a  d'incompris  que  ceux 
qui  ne  savent  pas  se  faire  comprendre.  La  morale  à  tirer  de 
ce  petit  tableau ,  parfait  dans  son  genre,  c'est  que  les  chan- 
teuses de  salon  devraient  avoir  l'esprit  de  choisir  des  ro- 
mances ,  comme  elles  choisissent  des  robes  et  des  chapeaux  , 
et  de  les  assortir  à  l'air  de  leur  figure ,  sous  peine  d'exciter  le 
rire  universel.  Quand  une  femme  taillée  comme  la  virtuose 
de  Gavarni  vient  chanter  d'un  ton  lamentable  :  On  n'a  ja- 
mais compris  mon  cœur,  ce  qu'on  trouve  de  plus  honnête  à 
lui  dire,  c'est  :  «  Parbleu ,  madame ,  je  le  crois  bien  !  » 


MBI.  les  Abonnés  recevront  avec  le  présent  numéro  :  lie 
Canon  ènigmatique  à  cinq  parties  ,  sur  une  seule  ligne  ,  destiné 
à  être  placé  sur  la  tombe  de  Joseph  Haydn ,  et  composé  par  sou 
élève ,  Sigismond  llJeukomm,  Fac-Simile  de  l'écriture  de 
l'auteur  . 

Eie  cinquième  Concert  de  la  Gazette  musicale  aura  lieu  le 
ï"'  Mars  ,  dans  les  salons  de  SSIffl.  Pleyel  et  C',  20,  rue  Roche- 
chouart. 


HOTTTEIiLiES. 

.',  Aujourd'hui  par  extraordinaire  à  l'Opéra  ,  Dom  Sébastien  de 
Poriiignt.  —  Bemam  lundi,  le  Comte  Ory  et  la  Péri,  pour  la  dernière 
repiéseutalion  de  M"=  Carlotia  Grisi  avant  son  congé;  —  mardi 
Guillaume  Tell. 

,',  La  première  représentation  du  nouveau  ballet ,  un  Caprice  eu 
le  Marché  aux  servantes,  est  annoncée  pour  mercredi  prochain. 

,*.  Les  rcpélilions  du  Lazzaroiie  ou  le  Bien  vient  en  dormant  se 
continuent  avec  activité. 

*."  M''"  Nau  est  arrivée  à  Lyon  et  a  ohtena  un  succès  d'enthou- 
siasme, bouquets,  couronnes,  rappel;  eniîn  rien  n'a  manqué  au 
succès  de  celte  charmante  cantatrice. 

*„'  La  représentation  si  souvent  remise  d'Otello,  au  bénéfice  de 
M">=  Grisi,  a  eu  lieu  enfin  mercredi  dernier.  L'effet  a  été  générale- 
ment très  bon.  La  bénéficiaire  a  eu  de  magnifiques  élans  de  génie 
dramatique  et  musical.  Mario  ,  qui  s'était  déjà  montré  fort  remar- 
quable dans  le  rôle  d'Otello  ,  s'est  soutenu  au  moins  à  la  même  hau- 
teur. Ronconi ,  qui  remplissait  celui  de  lago  ,  a  cru  pouvoir  user  du 
bénéfice  de  sa  voix  pour  le  chanter  en  ténor;  mais  en  cela  il  s'est 
trompé,  non  qu'il  ait  laissé  beaucoup  à  désirer,  mais  il  eût  mieux 
valu  ,  pour  lui,  qu'il  chantât  ce  rôle  arrangé  pour  voix  de  baryton, 
comme  faisait  Tamburini;  Salvi  chante  la  partie  |de  Rodrigo  avec 
un  succès  fort  distingué. 

V  Masset,  le  ténor  de  l'Opéra-Comique,  dont  on  applaudit 
journellement  la  jolie  voix  et  la  méthode  excellente,  qui  a  chanté 
avec  tant  de  bonheur  dans  la  Dame  Blanche,  Zampa  et  tant  d'autres 


Sh 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ouvrages,  partira  en  congé  le  1"  avril  pour  un  mois;  c'est  une  nou- 
velle de  grand  intérêt  pour  les  directeurs  des  théâtres  de  province 
qui  voudront  le  posséder. 

*,*  Nous  appelons  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  un  cours  gratuit 
d'histoire  et  de  théorie  de  l'harmonie  que  M.  Fétis,  maître  de  cha- 
pelle du  roi  des  Belges  et  directeur  du  Conservatoire  de  musique  de 
Bruxelles,  vient  d'annoncer,  et  qui  commencera  aujourd'hui  à  deux 
heures  dans  la  salle  de  M.  Herz,  rue  de  la  Victoire.  Le  nom  du  cé- 
lèbre professeur,  l'estime  dont  jouissent  ses  ouvrages  concernant 
toutes  les  parties  de  l'histoire  et  la  théorie  de  la  musique,  dans  l'Eu- 
rope entière ,  ne  peut  laisser  de  doute  sur  l'intérêt  que  ce  cours 
inspire  à  tous  les  artistes  et  amateurs  de  musique. 
*/  Rossini  a  adressé  à  M.  Panseron  la  lettre  suivante  : 
<i  Mon  cher  ami ,  ainsi  que  je  l'ai  promis  à  mon  dernier  voyage  à 
Paris,  j'ai  fait  adopter  vos  excellents  ouvrages  de  chant  au  Conser- 
vatoire de  Bologne,  ouvrages  que  je  regarde  comme  devant  être 
d'une  grande  utilité  aux  élèves  de  la  carrière  théâtrale  ;  je  ne  fais 
en  cela  que  rendre  justice  à  votre  mérite  qui  sera  toujours  apprécié 
par  votre  affectionné , 
Bologne,  5  février  1844.  Gioachino  Rossini.  » 

*,*  Cette  semaine,  une  brillante  soirée  a  eu  lieu  chez  un  de  nos 
pianistes  les  plus  distingués,  M.  E.  Wolfï'.  On  y  a  entendu  M"«  Mé- 
lanie  Maas,  et  apprécié  la  netteté  et  la  justesse  de  son  jeu;  il  y  a  un 
grand  avenir  dans  cette  jeune  pianiste.  M'i=  Maas  a  exécuté,  avec 
M.  Trinquart,  un  duo  de  M.  E.  Wolff  sur  des  motifs  des  Huguenots, 
et  une  fantaisie  sur  la  Lucie,  de  Prudent.  M.  Wolff  a  fait  enlendre 
des  nouvelles  nocturnes,  la  Mélancolie  et  l'Espoir,  et  une  nouvelle 
valse,  V Andalouse.  Ces  ouvrages  délicieux  ont  été  couverts  d'applau- 
dissements. 

V  Dans  les  dernières  soirées  données  par  M"»'  la  comtesse  Merlin, 
on  a  entendu  et  beaucoup  applaudi  un  violoncelliste  italien,  M.  Piatti, 
que  l'on  peut  hardiment  citer  à  côté  des  Servais,  Batta,  Seligmann, 
et  Offenbach.  Nous  aurons  l'occasion  de  l'entendre  une  seconde  fois 
et  nous  parlerons  plus  longuement  de  cet  artiste  distingué. 

,*»  La  jolie  M""  Sabatier  annonce  un  concert  pour  le  9  mars  dans 
la  salle  de  M.  Herz.  Tous  ceux  qui  aiment  à  entendre  une  cantatrice 
charmante  s'y  sont  donné  rendez-vous. 

*,*  A  peine  M.  Goldberg  a-t-il  fait  son>pparition  dans  les  salons , 
que  déjà  il  est  tout  à-fait  adopté.  Nous  l'avons  entendu  ^'chanter  avec 
plusieurs  artistes  du  théâtre  Italien  ,  et  notamment  cliez  M.  Duprez, 
où  il  a  obtenu  des  suffrages  unanimes  pour  sa  voix  fraîche  et  drama- 
tique, et  surtout  pour  son  excellente  méthode. 

V  Le  concert  de  M.  Chevillard,  dont  nous  avons  donné  le  pro- 
gramme dans  notre  dernier  numéro,  a  lieu  aujourd'hui  à  2  heures 
dans  les  salles  de  M.  Pleyel. 

*,*  MM.  Alard  et  Dorus  ont  associé  leur  beau  talent  pour  un 
Concert  qui  aura  lieu  dans  la  salle  de  Herz,  le  dimanche,  17  mars,  à 
deux  heures.  Entre  plusieurs  morceaux  nouveaux,  ils  feront  enten- 
dre une  Fantaisie  concertante  pour  violon  et  flûte  ,  qui  obtiendra, 
nous  l'espérons,  un  grand  succès.  Nous  donnerons  dans  le  prochain 
numéro  le  programme  détaillé  de  ce  Concert,  qui  sera  très  remar- 
quable. 

*,*  La  fantaisie  brillante  pour  le  piano,  sur  des  motifs  de /a  Juive, 
par  M.  A.  de  Kontsky,  à  peine  publiée,  obtient  un  succès  d'enthou- 
siasme dans  tous  les  salons;  c'est  un  ouvrage  digne  d'un  pianiste  et 
compositeur  de  beaucoup  de  talent. 

,*,  Parmi  les  Concerts  qui  se  donneront  au  mois  de  mars,  nous 
citerons  celui  de  M.  Gold ,  jeune  violoniste  qui  s'est  déjà  fait  en- 
tendre dans  quelques  salons  avec  beaucoup  de  succès  ;  nous  donne- 
rons prochainement  le  programme  de  son  Concert. 

*,*  On  lit  dans  le  Journal  de  Bruges  :  «  M.  Adolphe  Fctis,  que  nous 
avions  le  plaisir  de  connaître  comme  un  de  ces  rares  accompagna- 
teurs que  les  artistes  chanteurs  préfèrent  aux  meilleurs  orcbeslres, 
nous  a  révélé  un  talent  de  pianiste  fort  remarquable.  Dans  un 
concerto  de  Herz,  il  nous  a  montré  un  doigté  des  plus  exercés  et 
plein  de  facilité  et  d'élégance;  le  son  qu'il  tire  de  son  instrument 
est  d'un  beau  volume  et  d'une  belle  qualité  :  par  ce  dernier  mérite, 
qui  constitue  à  notre  avis  la  plus  haute  qualité  du  pianiste,  M.  Adolphe 
Fétis  nous  a  rappelé  la  puissante  sonorité  de  Thalberg.  Dans  un  se- 
cond morceau  pour  piano,  avec  accompagnement  d'orchestre,  mor- 
ceau écrit  avec  une  grande  distinction  dans  les  idées  et  une  élégance 
de  style  fort  remarquable ,  BI.  Fétis  a  reçu  du  public  de  nombreuses 
marques  d'approbation.  » 

V  La  nouvelle  delà  mort  de  M"»  Catalan!  a  été  démentie.  A  ce 
sujet,  la  Gazette  de  Leipsick  publie  la  lettre  suivante  : 


«  M.  le  docteur  Pelier  :  Qu'ai-je  donc  fait  à  la  presse  allemande 
pour  qu'elle  me  tue  pour  la  quatrième  fois?  Quoiqu'àgée  de  soixante- 
quatre  ans,  je  jouis  d'une  bonne  santé,  et  je  vis  dans  la  retraite, 
heureuse  de  mes  souvenirs.  Les  journaux  français,  trompés  par  les 
feuilles  allemandes,  ont  deux  fois  annoncé  ma  mort;  les  journaux 
anglais  l'ont  annoncée  une  fois.  D'abord  cette  nouvelle  a  été  pour 
moi  plus  agréable  que  terrible ,  car  j'avais  lu  avec  une  certaine  sa- 
tisfaction les  éloges  qui  accompagnaient  l'annonce  de  ma  mort.  Mais 
j'avoue  que  ces  bruits,  toujours  répétés,  de  mon  décès  imaginaire 
finissent  par  m'alarmer.  C'est  une  chose  vraiment  cruelle  pour  une 
vieille  femme  d'apprendre  continuellement  par  les  journaux  qu'elle 
n'est  plus  de  ce  monde  ;  je  Cnirai ,  si  cela  dure,  par  me  croircmoi- 
même  bien  et  duement  enterrée.  De  grâce,  laissez-moi  vivre.  Mon 
héritage  est  trop  mince  pour  exciter  les  désirs  de  mes  héritiers.  Ce 
que  les  prodigalités  de  mon  mari  m'avaient  laissé,  je  l'ai  consacré  à 
l'Art,  lorsque  j'étais  à  la  tête  de  l'Opéra-Ilalien  de  Paris.  Quant  au 
produit  de  mes  concerts,  les  pauvres  l'ont  partagé  avec  moi.  Le  pe- 
tit domaine  où  je  suis  me  rapporte  quelques  mille  livres  sterling  : 
c'est  tout  ce  qui  me  reste  des  millions  que  l'Europe  m'a  donnés. 
Laissez-moi ,  je  vous  en  prie,  jouir  encore  de  cette  modeste  fortune, 
et  n'abrégez  pas  à  plaisir  le  peu  de  jours  qui  me  restent.  Car  je  le 
confesse ,  les  épreuves  réitérées  auxquelles  me  mettent  les  journaux 
sont  assez  peu  récréatives.  Veuillez  insérer  cette  lettre  dans  votre 
journal,  après  l'avoir  traduite,  ce  qui  vous  sera  facile ,  car  j'aime  à 
vous  supposer  un  peu  plus  familier  avec  la  langue  iialienne,  qu'à 
l'époque  de  votre  voyage  au  lac  de  Côme  ,  lorsque  vous  vîntes  me 
donner  des  nouvelles  de  mes  amis  d'Allemagne.  Permettez-moi, 
Monsieur,  de  me  dire,  en  toute  sincérité ,  votre  obéissante  servante. 
Florence ,  6  janvier.  Angelica  Catalani.  ■> 

,*,  M.  Waldmuller,  tel-  est  le  nom  singulièrement  estropié  par 
notre  imprimeur,  de  ce  pianiste  d'un  talents!  remarquable,  arrivé 
de  Vienne,  et  qui  doit  donner  prochainement  un  Concert. 

,*,  Dans  une  notice  fort  intéressante  sur  la  vie  du  célèbre  compo- 
siteur Charles  Czerny,  publiée  à  Vienne,  chez  Mechetti,  nous  trou- 
vons que  M.  Czerny  n'est  point  hongrois,  comme  on  l'avait  dit  der- 
nièrement par  erreur,  mais  né  en  Bohême;  son  nom  n'est  pas  d'ori- 
gine slave,  mais  tout-à-fait  Bohémien.  H  eut  pour  maître  Clementi. 
M.  Czerny,  pour  compléter  le  grand  nombre  d'ouvrages  d'un  mé- 
rite incontestable ,  que  nous  lui  devons  ,  s'occupe  en  ce  moment 
d'une  grande  collection  d'éludés  pour  le  piano,  depuis  les  plus  faciles 
jusqu'à  la  plus  grande  difficulté.  Il  commence  celte  publication  par 
VAri  de  délier  les  doign ,  dont  nous  aurons  à  nous  occuper  prochai- 
nement. 

",*  Le  chœur  national  de  Charles  fl  à  quatre  voix  d'hommes ,  et 
choeur  avec  accompagnement  d'orchestre ,  vient  de  paraître.  Nous 
nous  empressons  de  donner  cette  nouvelle  aux  sociétés  philharmo- 
niques, qui  désiraient  depuis  longtemps  ce  morceau  que  l'auteur  a 
dégagé  de  l'action  qui  s'y  trouve  liée  à  la  scène.  La  Société  philhar- 
monique de  Saint-Quentin  fera  la  première  exécuter  ce  chœur  déjà 
célèbre  à  son  concert,  qui  aura  lieu  le  19  courant.  L'ouverture  de 
Cliarles  VI  fait  aussi  partie  du  programme.  Nous  ne  doutons  pas  de 
l'empressement  que  toutes  les  sociétés  musicales  mettront  à  imiter 
celle  de  Saint-Quentin. 

Clu°oniqiie  tléiiavtenBentate. 

*,"  Orléans. —  L'inauguration  de  la  nouvelle  salle  de  l'Institut 
musical  a  eu  lieu  le  9  février.  Nous  avons  eu  le  bonheur  d'entendre 
et  d'applaudir  M.  Géraldy,  la  jolie  et  gracieuse  M"»  Sabatier,  et 
l'admirable  violoniste  M.  Ernst.  Ce  grand  artiste  aéleclrisé  toute  la 
salle,  en  nous  faisant  entendre  le  damaval  de  Venise ,  des  variations 
de  Mayseder,  le  Feuillet  d'Album,  extrait  des  études  de  Heller,  et 
une  élégie.  Les  honneurs  de  la  fêle  ont  été  pour  M.  Ernst,  et  il  les  a 
bien  mérités;  on  ne  l'appelle  ici  que  le  roi  des  violons. 

•,*  Clermoiil,  b  février.  —  Depuis  l'arrivée  do  M.  Hermann-Léon 
et  de  M"'"  Dunol-Maillard  ,  la  foule  encombre  notre  théâtre.  Nous 
avons  eu  successivement  la  lYorma,  le  Chalet,  la  Favoriie  et  lu  Juive, 
par  M""  Dullot-Maillard  et  Hermann-Léon.  Ce  dernier  a  chanté  et 
joué  le  cardinal  dans  la  perfection,  il""  Duflot ,  dans  le  rôle  de  Ra- 
chel ,  a  été  admirable.  Impossible  de  mieux  dire  •■  Lorsqu'à  toi  je  me 
suis  donnée ,  j'outrageais  mon  père  et  l'honneur.  M"'«  DuDot  est  une 
grande  tragédienne;  ce  qui  nous  étonne,  c'est  la  puissance  et  la  fraî- 
cheur de  sa  voix  dans  les  morceaux  les  plus  dramatiques.  Zni^juociie, 
qui  n'avait  été  jouée  que  deux  fois  il  y  a  deux  ans ,  vient  de  fournir 
l'occasion  d'un  nouveau  triomphe  à  Hermann  et  à  M"»  Duflot.  Ils  ont 
été  admirables,  et  rappelés  avec  enthousiasme  à  la  fin  de  la  pièce. 
Hermann-Léon  a  mis  tant  de  suavité  et  d'expression  dans  la  ro- 
mance :  Pour  tant  d'amour  ,  que  les  bravos  ont  éclaté  dans  toute  la 


DE  PARIS. 


55 


salle  à  la  fin  du  morceau.  Quant  à  M-»'  Duflot,  je  n'ai  qu'une  chose 
à  dire  :  c'est  que  l'enthousiasme  a  été  tel ,  au  quatrième  acte ,  qu'on 
a  redemandé  bis  pour  la  phrase  :  F'a  dans  une  autre  pairie,  La  grande 
cantatrice  s'est  rendue  au  désir  du  public. 

'J*  Bordeaux,  M  février.  —  Samedi  dernier,  le  Cercle  philhar- 
monique a  donné  son  second  concert  de  la  saison.  Des  bals  nombreux 
semblaient  devoir  nuire  à  l'éclat  de  cette  soirée  et  lui  enlever  celle 
multitude  de  femmes  élégantes  qui,  à  pareils  jours,  peuple  ordi- 
nairement la  salle  du  Casino.  Jamais ,  au  contraire,  l'empressement 
ne  fut  plus  grand  et  la  foule  plus  compacte.  Dès  sept  heures,  la  salle 
était  comble,  et  parmi  les  huit  ou  neuf  cenls  auditeurs  réunis  on 
pouvait  compter  plus  de  six  cents  dames  rivalisant  de  grâces ,  et 
dont  les  fraîches  et  élégantes  parures  faisaient  deviner  qu'après  le 
concert  un  autre  plaisir  les  alleodait.  Il  est  vrai  de  dire  que ,  de 
même  que  celui  du  16  décembre  dernier,  le  programme  était  des  plus 
attrayants;  on  devait  entendre  deux  artistes  de  mcrile,  Louis  La- 
combe,  pianisie  distingué ,  dont  le  talent  gracieux  et  correct  avait 
été  si  hautement  et  si  justement  apprécié  dans  ses  précédents  con- 
certs, et  M""  Sabine  Heinefetter,  caniatrice  déjà  avantageusement 
connue,  sœur  de  Catinka  Heinefetler,  l'une  des  premières  chan- 
teuses de  notre  théâtre.  Lacombe  a  joué  avec  une  supériorité  incon- 
testable le  morceau  de  concerto  en  la  mineur  de  Hummel ,  puis  sa 
grande  fantaisie  sur  Béatrice  di  lenda,  dédiée  à  Thalberg,  où  sont 
amoncelées  les  difficultés  les  plus  ardues  du  piano;  et  en  troisième 
lieu,  son  nocturne  en  ut  dièze,  sa  brillante  et  gracieuse  étude  en 
mi  bémol,  et  son  grand  galop.  Le  jeu  de  1  acombe  est  irréprochable; 
c'est  la  belle  école  du  piano  dans  toute  sa  pureté  ;  il  chante  délicieu- 
sement; il  joue  la  difficulté  avec  la  plus  grande  netteté  et  sans  le 
moindre  eflbrt;  il  captive  et  charme  surtout  ses  auditeurs  avec  un 
talent  tout-à-fait  exceptionnel.  Cet  habile  artiste  a  recueilli  à  Bor- 
deaux une  ample  moisson  de  lauriers;  il  y  compte  maintenant  au 
premier  rang  des  pianistes  célèbres  qui  ont  visité  notre  cité.  M"=  Sa- 
bine Heinefetter  a  chanté  avec  un  égal  bonheur  un  air  A'Elisire 
d'amure,  une  mélodie  de  Giulio  Atary  et  le  grand  air  du  dernier 
acte  de  Luùu.  M""  Sabine  est  une  belle  chanteuse  ;  sa  voix  large  et 
timbrée  se  prête  aux  élans  les  plus  dramatiques;  en  même  temps 
que,  légère  et  facile  ,  elle  vocalise  avec  une  grande  pureté.  La  mé- 
thode de  JM""  Sabine  est  excellente  et  ne  laisse  rien  à  désirer.  Le  pu- 
blic lui  a  témoigné  son  entière  satisfaction  par  ses  nombreus  et  cha- 
leureux applaudissements.  Les  ouvertures  du  Cheval  de  bronze,  celle 
de  Robin-des-bois  ,  et  le  premier  morceau  de  symphonie  de  Beetho- 
ven ont  été  exécutés  avec  aplomb  et  vigueur,  et  nous  croyons  pou- 
voir dire  avec  autant  de  perfection  qu'on  puisse  espérer  d'un  or- 
chestre presque  entièrement  composé  d'amateurs.  Un  artiste  avan- 
tageusement connu ,  M.  Bellon,  vient  de  faire  une  découverte  qui 
intéressera  au  plus  haut  degré  les  luthiers  et  les  violoncellistes.  Au 
moyen  de  ce  procédé,  il  réussit  à  détruire  le  frôlement  qui  existe  sur 
certaines  notes  des  grosses  cordes  du  violoncelle  et  qui  nuit  tant  à  cet 
instrument.  Nous  ne  nous  étendrons  pas  davantage  sur  celte  inven- 
tion avant  que  les  artistes  et  amateurs  distingués  de  noire  ville,  qui 
se  sont  empressés  d'en  faire  l'application  à  leurs  instruments,  en 
aient  fait  l'essai  pendant  quelque  temps  encore. 

*,*  Lyon.  —  Le  directeur  de  notre  théâtre  est  dans  un  singulier 
embarras;  il  est  en  discussion  avec  la  plupart  des  artistes.  Déjà  la 
meilleure  des  cantatrices  de  la  province  et  la  favorite  du  public  de 
Lyon  ,  M"""  Miro-Camoin  ,  a  résilié  son  engagement;  plusieurs  ar- 
tistes sont  sur  le  point  de  suivre  son  exemple.  Tous  les  ouvrages  nou- 
veaux sont  tombés  à  plat ,  tel  que  la  Part  du  Diable ,  le  Puits  d'A- 
mour et  Mina.  On  parle  assez  hautement  de  la  chute  de  celte  direc- 
tion, qui  sera  remplacée,  il  faut  bien  l'espérer,  par  une  plus  habile. 

Clu-oiiifiite  étrangère. 

%"  Londres.  —  La  Société  des  concerts,  dite  :  «  Ancient  concerts  », 
fondée  en  1776,  donnera  successivement  plusieurs  soirées  musicales 
dans  le  courant  de  mars,  avril  et  mai ,  et  terminera  par  le  Messie  de 
Haendel ,  qui  sera  exécuté  le  5  juin  de  cette  année,  au  profil  de  la 
société  royale  des  musiciens.  —  Aux  concerts  sacrés  [sacred  concerts  ) 
de  Crosby-Hall,  miss  Steele  a  chanté  un  air  de  Purcell,  M.  Hobbs  un 
air  d'Haydn  et  une  fugue  de  miss  Anna  Mounsey,  qu'on  prendrait 
pour  une  œuvre  de  Sebastien  Bach,  s'il  faut  en  croire  les  journaux 
anglais. — Le  comité  du  dernier  festival  qui  a  eu  lieu  à  Birmingham 
a  fait  remettre  à  l'administration  de  l'hospice  général  de  cette  ville  la 
somme  de  3,000  livres  slerl.  (75,000  f.)  qu'avait  produilecelte  grande 
solennité  musicale. — Selon  les  dernières  nouvelles,  le  personnel  de  la 
troupe  italienne  de  Londres  est  composé  de  M™»*  Grisi,  Favanti ,  Bel- 
lini,DaiFioTietPersiani,etdeMM.Mario,Corelli,DaiFiori,Felice,For- 
nasari  et  Lablache  père  et  fils.  M""'  Favanti,  ainsi  que  MM.  Corelli  etFé- 
lice  débutent  cette  année  au  théâtre  italien  de  Londres.  M°"  Persiani 


et  M.  Fornasari  ouvriront  la  saison  dans  Zampa.  M"»«  Carlotta  GrisI 
débutera  dansle  ballet  nouveau, -EimeiaWa,  deM.Perrot.quise char- 
gera du  rôle  de  Pierre  Gringoire.  On  annonce  une  autre  nouveauté 
chorégraphique,  c'est  le  ballet  de  Jeanne  d'Arc,  dans  lequel  débutera 
M"'  Fanny  Elssler,  M"'  Cerrilo  est  également  attendue  à  Londres  vers 
la  fin  d'avril.  Parmi  les  autres  notabilités  du  corps  de  ballet,  nous  ci- 
terons M'i»  Adélaïde  Frasi ,  du  théâtre  de  la  Pergola,  M«"  Guy  Ste- 
phan.  La  direction  de  l'orchestre  est  confiée  à  M.  Costa.  M.  Tolbecque 
est  chef  d'orchestre  ,  M.  Perrot  maître  de  ballet.  Ce  qui  paraît 
piquer  vivement  la  curiosité  du  beau  monde  de  Londres,  ce  sont  les 
débuts  de  M""  Favanti,  qui  est  Anglaise  de  naissance,  qui  a  été 
formée  par  le  conservatoire  royal  de  Londres  ;  l'amour-propre  na- 
tional est  intéressé  au  succès  de  la  jeune  débutante ,  qui,  par  consé- 
quent ,  peut  compter  sur  un  bienveillant  accueil.  Parmi  les  pièces  du 
répertoire  on  cite  encore  :  il  Fantasma,  de  Persiani,  Don  Carlos,  par 
Costa ,  Corrado  d'Altamuru ,  par  Ricci ,  etc. 

—  S.  A.  R.  le  duc  de  Cambridge  a  consenti  à  présider  le  club  des 
Mélodistes,  ainsi  que  le  festival  qui  aura  lieu  le  19  avril  pour  le 
106"  anniversaire  de  la  société  royale  des  musiciens.  Nous  aimons  à 
voir  en  Angleterre  les  princes  s'honorer  par  les  honneurs  qu'ils  ren- 
dent à  notre  art.— Camille  Sivori  Ernst  et  M"»  Dorus-Gras  doivent, 
dit-on  ,  se  trouver  réunis  à  Londres  dans  le  cours  de  la  saison  pro- 
chaine. —  Le  théâtre  de  Drury-Lane  vient  de  recevoir  un  drame  mu- 
sical, intitulé:  The  seven  Maidens  of  Munich  {les  sept  Filles  de 
Munich  ).  L'auteur,  M.  Rodwell ,  a  composé  à  la  fois  les  paroles  et  la 
musique,  exemple  qui  en  France  a  déjà  été  donné  par  notre  illustre 
Berlon.  L'ouvrage  va  être  mis  immédiatement  à  l'élude.— La  société 
d'Harmonie  sacrée  a  ,  dans  une  séance  très  brillante,  fait  entendre 
l'oratorio  de  Jeplué  par  Handel.  La  partie  vocale  avait  pour  dignes 
interprètes  Braham,  Phillips  et  miss  Rainforlh.— M.  Bunn  ,  le  direc- 
teur de  Drury-Lane,  a  engagé  notre  célèbre  Duprez  pour  douze  re- 
présentations,  et  lui  donne  pour  chacune  100  livres  sterl.  (2,500  fr.) 

*»*  Francfofi-sur-le-Mein. —  Le  succès  des  soirées  pour  la  musi- 
que classiqueque  M.  Edouard  Rosenhain  a  organisées  va  toujours  en 
augmentant.  Dans  la  seconde  soirée  qu'il  vient  de  donner  i'afQuence 
du  public  et  surtout  du  beau  monde  élait  telle  que  la  salle  pouvait  à 
peine  contenir  la  foule.  M.  Rosenhain  a  joué  un  trio  de  Hummel  et 
le  grand  trio  en  mi  bémol  majeur  de  Beethoven  avec  un  sentiment 
si  profond,  et  avec  tant  d'enirainement,  que  les  applaudissements 
les  plus  bruyants  éclataient  de  toutes  parts.  Aussi  nos  journaux  sont 
pleins  d'éloges,  et  nous  nous  réjouissons  que  labonne  musique  trouve 
de  si  bons  interprètes  et  tant  de  retentissement  parmi  nous,  et  qu'il 
n'appartient  pas  seulement  aux  airs  variés  et  &u\  grandes  fantaisies 
brillantes  la  prérogative  de  produire  de  l'effet. 

*,*  Leipzig.  —  Notre  Conservatoire  compte  aujourd'hui  soixante 
élèves;  il  est  dirigé  par  des  hommes  d'un  mérite  reconnu,  tels 
que  MM.  Mendelssohn-Bartholddy,  Robert  Schumann  ,  David,  etc. 
Robert  Schumann  vient  de  faire  exécuter  au  Gewandhaus  un  grand 
poëme  musical,  le  Paradis  et  la  Péri,  dont  le  sujet  est  tiré  de  lalla 
Book.  Cette  œuvre  nouvelle  du  spirituel  compositeur  n'est  pas  goû- 
tée de  tout  le  monde.  Le  Songe  d'une  nuit  d'été,  littéralement  tra- 
duit de  Shakespear  avec  la  musique  de  Mendeissohn  ,  a  tiil  fiasco; 
peu  s'en  est  fallu  que  l'auteur  i'Hamlei,  le  grand  génie  que  les  cri- 
tiques de  l'ancienne  école  romantique  ne  cessaient  d'opposer  aux 
maîtres  de  la  scène  française,  n'ait  été  sifflé  en  plein  théâtre;  et 
c'eût  été  de  toute  justice  ,  car  de  pareilles  rêveries,  des  contes'de 
fée  où,  pendant  une  heure  entière,  on  ne  voit  autre  chose  que  deux 
couples  amoureux  qui  se  poursuivent  et  se  fuient,  un  Oberon  d'un 
embonpoint  fort  honnête,  et  des  sylphes  rudement  charpentés  et  par- 
faitement nourris;  tout  cela  n'est  plus  de  notre  temps,  pas  plus  que 
le  style  du  poète,  surchargé  d'images  et  de  concetii.  Nous  préfé- 
rons cent  fois  les  vaudevilles  françaiss 

%*  Vienne.  —  Le  comte  Czernin  quitte  la  direction  supérieure 
du  Burgthéater  ;  il  est  remplacé  dans  ses  fonctions  par  le  landgrave  de 
Furstenberg ,  grand-maître  des  cérémonies. 


CONCERTS  ANNOirCÉS. 


18  février.  2  heures.  M.  Al.  Chevillard.  Salons  Pleyel. 

28      —  2  —  M.  Ropiquet.  Salons  Bernhart. 

28      —  8  —  M.  Ernst.  Salle  Herz. 

5  mars.  8  —  M"=  Élise  Krînitz. 

9       _  »  _  Mme  Sabatier.  Salle  Herz. 

12      —  8  —  M"'  Korn.  Salle  Herz. 

17      —  2     —  MM.  Alard  et  Dorus.  Salle  Herz. 


Le  Directeur,  Bédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


36  1  REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Pour  paraître  le   15  Mars 

mu  MAURICE  SCHLEMER,  97,  RDE  RlCIlELIEr. 


TRAITE   COMPLET 

DE  LA  THÉORIE  ET  DE  LA  PRATIQUE 

DE 

L'IIJ.EMOMIE 


PAR 


i.-J.    Jais, 


MAÎTRE  DE  CHAPELLE   DU   ROI  DES  BELGES  ,    ET  DIRECTEUR  DU  CONSERVATOIRE  DE  BRDXELLES. 

Prix  de  souscription  :  DIX  FRANCS,  net. 

Cet  important  ouvrage,  dans  lequel  le  célèbre  auteur  a  déposé  toute  son  érudition  avec  cette  clarté  et 
cette  lucidité  qui  le  distinguent,  est  un  livre  qui  doit  être  dans  les  mains  de  tous  les  musiciens  :  aussi 
avons-nous  fixé  le  prix  aussi  bas  que  possible ,  pour  le  mettre  à  la  portée  de  toutes  les  bourses.  Ce  Traité 
est  l'ouvrage  le  plus  complet  qui  ail  paru  jusqu'à  ce  jour  sur  l'étude  de  l'Harmonie. 

li'aiiteiar ,  pour  bien  faire  connaître  cet  ouvrage  si  iniportaEst ,  donnera  5  gratis, 

QUATRE  LEÇONS   D'HARIAIONIE, 

qi.i  auront  lieu  les  19,  S  S,  35  et  99  février^  dans  la  salle  de  91.  Herz. 


AU  PI^OFIT  DE  LA  CAISSE  DES  SECOURS  ET  PENSIONS. 

Prix  du  billet  :  M  franc. 

LE  TIRAGE  AURA  LIEU  AU  MOIS  D'AVRIL. 
MOSi     M.OTS     aAGIVAJWTS     S  M!     COJWJRO  S  EJ¥T  t 

1°  D'un  Piano  à  queue,  neuf,  d'Érard,  avec  tous  les  nouveaux  perfectionnements. 

2°  De  1030  Morceaux  de  musique,  parmi  lesquels  se  trouvent  les  partitions  de  Robert, des  Huguenots,  de  la  Juive, 
de  l'Eclair,  de  la  Reine  de  Chypre ,  de  Charles  VI,  de  Guida  et  Ginewa ,  de  la  Favorite ,  etc. ,  etc. 

On  trouve  des  biUets  au  Magasin  de  musique  de  MAURICE  SCBIiESINGER ,  97,  rue  Bicheliea. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rne  Jacob. 


Pour  Paris  :  un  an ,  30  fr.  ;  six  mois,  15  fr.     —    Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres    —    Départements  :  un  an ,  34  fr.  Étranger,  38  lir. 


GAIETTE  MUSICALE 

BiDIGÉB  FiB 

MM.  ANDERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ!,  HENTtI  BLANCHARD, 

MiUniCE  BOtRGES,  F.  DANJOU,  IlLESUERG ,  FÉTIS  pure,  F-UOCAIII)  FÉTIS,  Stfphen  HELLER,   J.  JANIÎî, 

G.  KASTNER  ,  LISZT,  GEOllGE  SA^"D,  L.  RELLSTAB,  P,U,L  SMllH.  A.  SPECHÏ,  etc. 

Paraissant  tous  Jles  Oitnanehes» 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUIUÉBO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GATABNI. 
Iic  t"  et  le  15  de  chaque  mois  on  recevra  un  morceau  de  niulvn* 


SOMMAIRE.  Euphonia ,  ou  l.i  Tille  musicale  (  suite)  ;  par  il.  BER- 
LIOZ..—  L' Actrice  et  l'Étudiant  (suite  et  fin);  par  n.  BLA\- 
CHARD. —  Académie  royale  de  musique  :  Lady  Hem-icue  ou  ta 
Servante  de  Greenwich,  ballet  en  trois  actes  (première  représenta- 
tion).—  Coup  d'oeil  musical  sur  les  concerts  de  la  semaine;  pir 
H.  BLANCHARD.—  Nouvelles.  —  Annonces. 

PinjsionomU  des  chanleurs.  [S.  2.)  LA  DOULEUR  D'UNE  MÈRE. 
Dessin  de  Gavarni. 


Xe  cinquième  Concert  de  la  Gazette  musicale  aura  lieu  le 
1"  Blarç.  (  Voirie  Programme  avant  les  Nouvelles.) 

MM.  les  Abonnés  recevront  avec  le  présent  nuoicro  :  Une 
Polka  nouvelle  de  «7.  Strauss. 


ou 
LA  VILLE  MUSICALE. 

PREMIÈRE  LETTRE, 

(Suite  1.) 

Sicile,  7  juin  2344. 
XltEF  A  fiOTCEH. 

Il  conséquence  de  ce  mépris  prodigieux  des  Ita- 
'  liens  actuels  pour  la  musique ,  ils  n'ont  plus  de 
compositeurs ,  et  les  noms  des  grands  maîtres 
des  écoles  anciennes,  de  1820  et  1860,  par 
exemple,  ne  sont  connus  que  d'un  très  petit 
nombre  de  savants.  Ils  ont  donné  la  dénomination  assez  plai- 
sante A'operatori  (opérateurs,  faiseurs  d'opéras)  aux  pauvres 
diables  qui ,  pour  quelques  pièces  d'argent ,  vont  compiler 

(I)  I.a  reproduction  de  cette   nouvelle  est   interdite. —Voir  le 
numéro  7. 


dans  les  bibliothèques  les  airs ,  duos ,  chœurs  et  morceaux 
d'ensemble  de  tous  les  maîtres,  de  tous  les  temps,  analogues 
ou  non  aux  situations ,  au  caractère  des  personnages  et  aux 
paroles  ,  qu'ils  assemblent,  au  moyen  de  quelques  soudures 
grossièrement  faites ,  pour  former  la  musique  des  pièces  de 
théâtre.  Ces  gens-là  sont  leurs  compositeurs,  ils  n'en  ont  plus 
d'autres.  J'ai  eu  la  curiosité  de  questionner  un  operatore 
pour  savoir  pertinemment  et  avec  détails  la  manière  dont  se 
pratiquent  leurs  opéralions.  Et  voilà  ce  qu'il  m'a  répondu  : 
«  Quand  le  directeur  veut  une  partition  nouvelle ,  il  as- 
»  semble  les  chanteurs  pour  leur  soumettre  le  scénario  de  la 
»  pièce  et  s'entendre  avec  eux  sur  les  costumes  qu'ils  auront 
«  à  porter.  Les  costumes  sont  en  effet  la  chose  principale  pour 
»  les  chanteurs ,  puisque  c'est  la  seule  qui  attire  un  instant 
»  sur  eux  l'attention  du  public  le  jour  de  la  première  repré- 
»  sentation.  De  là  surgissaient  autrefois  des  discussions  ter- 
»  ribles  entre  les  virtuoses  chantants  et  les  directeurs  (les 
»  auteurs  ne  sont  jamais  admis  à  ces  séances ,  ni  consultés  au 
1)  sujet  de  ces  débats.  On  leur  achète  un  libretto,  comme  on 
>)  fait  d'un  pâté  qu'on  est  libre  de  manger  ou  de  jeter  aux 
»  chiens  après  l'avoir  payé).  Mais  aujourd'hui  les  directeurs 
11  sont  devenus  plus  raisonnables,  ils  ne  tiennent  plus  à  la  vé- 
«  rite  des  costumes ,  ils  ont  senti  qu'il  ne  fallait  pas  pour  n 
11  peu  mécontenter  les  artistes ,  et  leur  tàclie  se  borne 
»  maintenant  à  les  satisfaire  tous ,  ce  qui  n'est  pas  aisé.  On 
11  vient  donc  seulement,  en  lisant  le  scénario,  savoir  quel 
11  genre  de  costume  les  acteurs  ont  choisi ,  et  veiller  à  ce 
11  que  deux  d'entre  eux  n'aient  pas  l'intention  de  revêtir  le 
»  même,  car  de  celte  coïncidence  naissent  souvent  d'inexpri- 
11  mables  fureurs  ;  et  c'est  alors  que  la  position  de  l'impre- 
11  sario  devient  embarrassante.  Ainsi ,  pour  l'opéra  nouveau 
11  le  Roi  Murât ,  Cretinone ,  chargé  du  rôle  de  Napoléon ,  a 
»  voulu  copier  une  statue  antique  et  paraître  sous  la  cuirasse 
11  de  Pompée,  un  ancien  général  qui  vivait  plus  de  trois  cents 
11  ans  avant  Napoléon ,  et  qui  fut  tué  d'un  coup  de  canon  à  la 


BUREAUX   B'ABONWEMEîgT,    RUE    I?3CHEÎ,ÏEiJ,    97. 


58 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSIG  VLE 


»  bataille  de  Pharsale.  (  Tu  vois  que  mon  pauvre  operatore 
n'est  guère  plus  fort  sur  l'hisloire  ancienne  que  sui;  la  mu- 
sique. Je  le  laisse  continuer.) 

»  Mais  justement  Caponetti,  qui  joue  .Murât,  avait  eu  la 
»  même  idée ,  et  il  n'y  aurait  jamais  eu  moyen  de  les  mettre 
»  d'accord,  si  Luciola,  notre  prima  donna,  n'avait  proposé 
»  le  grand  bonnet  à  poil  d'ours  avec  un  panache  blanc  pour 
»  Napoléon ,  et  le  turban  bleu  avec  une  croix  en  diamants 
»  pour  Murât.  Ces  coiffures  ont  plu  à  nos  virtuoses  et  leur  ont 
»  paru  établir  entre  eux  une  assez  notable  différence  pour 
»  leur  permettre  de  porter  tous  les  deux  la  cuirasse  romaine; 
»  sans  cela  la  pièce  n'eût  pas  été  représentée..  Une  fois  la 
»  grande  affaire  des  costumes  terminée,  on  passe  à  celle  des- 
»  morceaux  de  chaut.  Alors  commence  pour  l'operatore  une 
»  tâche  bien  pénible,  je  vous  assure,  et  bien  humiliante  pour 
»  lui,  s'il  a  quelque  connaissance  de  la  musique  et  un  peu 
»  d'amuur-propre.  — Ces  messieurs  et  ces  dames  examinent 
«l'étendue  elle  tissu  des  méiodii's  ,  et  d'après  celle  rapide 
»  inspection  l'un  dit  :  Je  ne  veux  pas  chanlcr  en  fa.  »iai 
»•  phrase  du  trio,  ce  n'est  pas  assez  briUanl.  Operiitore!  tu 
»  me  la  transposeras  en  fa  dièse.  —  Mais ,  monsieur,  c'est 
w  wn  trio,  el  les  deux  autres  voix  devant  rest.r  dans  le  ton 
»  primitif,  comment  [aire?- — Fais  comme  lu  voudras,  mo- 
!>  dule  avant  et  après ,  ajoute  qnelqftes"mf^tres ,  enptrar- 
»  range-toi,  je  veux  chanter  ce  thème  en  iaL.die.ze..— Cette  mé- 
»  lodie  ne  me  2JlaU  pas ,  dit  ïâ  ^nmà  donna, /en  veux  une 
»  autre.  — Signora'V^t'l'e  thème  dXimorcrawd'^ensemble,  et 
»  toutes  les  parties  de\chant  le  repretiMit  successivement  après 
»  vous,  il  faut  bien  que  vous  daigniez  le  chanter.  — Comment, 
»  ilfaut,\impertinent!  Il  faut  que  tu  m' en  donnes  un  autre, 
»  et  tout  dgf  suite  !  voilà  ce  qu'il  fatit.  Fais  ton  métier  et  ne 
»  raisonne  pas.  —  Hum!  hum.'  Tromba!  iromba  !  gia  ri- 
»  bomba  la  tromba,  crie  la  basse  sur  le  ré  supérieur.  Ah.' 
»  ah!  mon  ré  n'est  pas  si  fort  qu'à  l'ordinaire  depuis  ma 
»  dernière  maladie,  je  dois  le  laisser  revenir.  Operatore! 
»  tu'^auras  à  m  'ôler  toutes  ces  noies,  je  ne  veux  pas  de  ré 
»  dans  mes  rôles  jusqu'au  mois  de  septembre;  tu  mettras 
»  des  do  et  des  si  à  la  place.  —  Dis  donc,  facchino,  gronde 
»  le  baryton ,  est-ce  que  tu  aurais  envie  de  recevoir  une  ap- 
»  plication  de  la  pointe  de  mon  pied  quelque  part  ?  je  m'a- 
»  perçois  que  tu  oublies  mon  mi  bémol!  il  ne  paraît  qu'une 
»  vingtaine  de  fois  dans  mon  air  ;  fais-moi  le  plaisir  d'a- 
»  jouter  au  moins  deux  mi  bémol  dans  toutes  les  mesures,  je 
»  n'ai  pas  envie  de  perdre  ma  réputation!  etc.,  etc.  —  Et 
»  pourtant,  continue  le  malheureux,  il  y  a  quelquefois  de  bien 
»  jolispassagesdans  ma  musique,  je  puis  le  dire.  Tenez,  voyez 
»  cette  prière  qu'on  m'a  toute  gâtée,  je  n'ai  jamais  rien 
»  trouvé  de  mieux  !  » 

Je  regarde  !...  sa  musique...  juge  de  mon  étonnement  en 
reconnaissant  la  belle  prière  du  Moïse  de  Rossini  que  nous 
exécutons  quelquefois  le  soir  au  jardin  d'Euphonia  avec  un 
si  prodigieux  effet.  Le  vieux  maître  qui  faisait  si  bon  mar- 
ché ,  dit-on  ,  de  ses  compositions,  eût  donné  la  preuve  d'ime 
rare  philosophie  ou  plutôt  d'une  bien  coupable  indifférence 
en  matière  d'art  s'il  eût  pu  prévoir  sans  indignation  quel 
monstre  grotesque  l'une  de  ses  plus  belles  inspirations  de- 
viendrait un  jouF^!  D'abord  la  simple  et  vibrante  modulation 
de  sol  mineur  en  si  bémol  majeur,  qui  donne  tant  de  majesté 
au  déploiement  de  la  seconde  phrase ,  a  été  changée  pour 
celle  horriblement  dure  et  sèche  de  sol  mineur  en  si  naturel 
majeur  ;  puis  au  lieu  de  l'accompagnement  de  harpe  de  Ros- 
sini ,  ils  ont  imaginé  de  placer  une  variation  de  flûte  chargée 
de  traits  et  de  broderies  ridicules,  et  enfin  à  la  dernière  ré- 
prise du  thème  en  sol  majeur,  on  a  jugé  à  propos  de  substi- 


tuer... quoi?  Devine  si  tu  peux  et  dis-le  si  tu  l'oses!...  le- 
refrain  de  l'air  national  français  «  Aux  armes,  citoyens!  »  an- - 
compagne  d'une  dousaibe  de  tatnbonns.et.dë  quatre  grosses 
caisses!!! 

Il  est  prouvé  que  ce  vieux  Rossini ,  à  qui  certes  les  idées 
ne  faisaient  pas  faute ,  ne  négligeait  pas ,  dans  l'occasion  ,  de 
s'emparer  de  celles  d'autrui  qiiand  le  hasard  voulait  qu'une 
mélodie  heureuse  fût  tombée  en  partage  à  un  malotru  ;  il 
l'avouait  même  sans  façon ,  et  se  moquait  encore  de  celui 
qu'il  dépouillait  :  u  E  iroppo  buono  per  questo  coglione  !  » 
disait-il ,  et  il  en  faisait  un  morceau  charmant  ou  magnifique, 
selon  la  nature  du  sujet.  C'étaient  autant  de  canons  (sans  ca- 
lembourg)  pris  sur  l'ennemi,  avec  lesquels,  comme  disait  le 
grand  empereur,  il  fondait  sa  colonne.  Hélas!  aujourd'hui, 
la  colonne  est  brisée ,  et  de  ses  fragments  que  nous  recueil- 
lons avec  tant  de  respect,  les  Italiens  fondent  des  ustensiles 
de  cuisine  et  d'ignobles  caricatures. 

C'est  donc  ainsi  que  passent  certaines  gloires ,  sur  les  peu- 
ples même  qu'elles  ont  échauffés  de  leurs  rayons  les  plus  ar- 
dents! Nous  conservons,  il  est  vrai,  nous  autres  Euphoniens, 
toutes  celles  que  l'art  a  sérieusement  consacrées;  mais  nous 
ne  sommes  pas  le  peuple,  dans  la  liau.te  acception  du/niot, 
nous  formons  même,  il  faut  l'avouer,  un  très  petit  fragment 
de  peuple  perdu  dans  la  masse  des  nations  civilisées.  La 
~gloir.e  est  mt  soleil,  qui  illumine  successivement  certains 
points  de  notr^e  mesquine  sphère j  mais  qui,  en  se  mouvant 
à' travers  T'espace,  parcourt  un  cercle  d'une  telle  immensité, 
quB:la=science^la  plus  profonde  ne  saurait  prédire  avec  certi- 
tude l'époque  de  son  retour  aux  lieux  qu'il  abandonne.  Ainsi, 
pour  emprunter  encoreà  la  nature  une  autre  comparaison,  ainsi 
est-il  des  grandes  mers  et  de  leurs  mystérieuses  évolutions. 
Si,  comme  il  est  prouvé,  les  continents  où  s'agite  à  celte 
heure  la  triste  humanité  furent  jadis  submergés,  n'en  faut-il 
pas  conclure  que  les  monts,  les  vallées  et  les  plaines  ,  sur  les- 
quels roulent  depuis  tant  de  siècles  les  sombres  vagues  du 
vieil  Océan  ,  furent  un  jour  couverts  d'une  végétation  flori.s- 
sante,  servant  de  couche  et  d'abri  à  des  millions  d'êtres  vi- 
vants ,  peut-être,  même  intelligents  !...  Quand  notre  tour  re- 
viendra-t-il  d'être  de  nouveau  le  fond' de  l'abîme?... 

Et  le  jour  où  cette  catastrophe  immense  s'accomplira,  y 
aura-t-il  gloire  ou  puissance ,  feux  de  génie  ou  d'amour , 
force  ou  beauté,  qui  ne  soient  éteints  et  anéantis Qu'im- 
porte!... tout  ! 

Pardonne-moi ,  cher  Rotceh,  cette  digression  géologique  et 

cet  accès  de  philosophie  découragée Je  souffre,  j'ai  peur, 

j'attends ,  je  rougis,  mon  cœur  bat ,  j'interroge  de  l'œil  tous 
les  points  de  l'espace;  le  ballon  de  la  poste  n'arrive  pas,  et 
celui  d'hier  ne  m'a  rien  apporté.  Point  de  nouvelles  d'Elli- 
mac!  que  lui  est-il  arrivé?  Est-elle  malade  ou  morte,  ou 

infidèle! Je  l'aime  si  cruellement!  nous  souffrons  tant, 

nous  autres  enfants  de  l'art  aux  ailes  de  flamme;  nous  élevés 
sur  son  giron  brûlant;  nous  dont  les  passions  poétisées  la- 
bourent impitoyablement  les  flancs  pour  y  seiuer  l'inspira- 
tion, cette  âpre  semonce  qui  doit  les  déchirer  encore  quand 

ses  germes  se  développeront  ! Nous  mourons  tant  de  fois 

avant  la  dernière  !...  Rotceh!  Rotceh!  je  l'aime  !...  je  l'aime, 
comme  tu  l'aimerais  toi ,  si  tu  pouvais  ressentir  un  amour 
autre  que  celui  dont  tu  m'as  fait  la  confidence  !  Et  pourtant 
malgré  la  grandeur  et  l'éclat  de  son  talent,  Ellimac  m'appa- 
raît  souvent  comme  une  organisation  vulgaire.  Te  le  dirai- 
je  ?  elle  préfère  le  chaut  orné  aux  grands  élans  du  cœur  et  de 
l'âme  ;  elle  échappe  à  la  rêverie;  elle  entendit  un  jour  à  Paris 
ta  première  symphonie  d'un  bout  à  l'autre  sans  verser  une 
larme;  elle  trouve  les  adagios  de  Beethoven  troj)  longs  ! 


DETâRIS; 


fi9 


(Ellenicf  emmoird  !)  Le  jour  où  elle  me  l'avoua ,  je  sentis  un 
glaçon  aigu  me  traverser  le  cœur.  Bien  plus!  Danoise,  née  à 
Elsseneur ,  elle  possède  une  villa  bâtie  sur  l'emplacement  et 
avec  les  saillis  débris  du  ckdleau  d' Humlel...  et  elle  ne  voit 

rien  là   d'extraordinaire et  elle  prononce  le  nom  de 

Shakespeare,  sans  rougir  ni  pâlir;  il  n'est  pour  elle  qu'un 
grand  poëte,  comme  quelques  autres...  Elle  rit,  elle  rit,  la 

malheureuse!  des  chansons  d'Ophélia qu'elle  trouve  très 

inconvenantes  ;  rien  de  plus.  (Ellemef  cd  egnis!  !)  Oh!  par- 
donne-moi, rehc  ,  iuo  l.'^é'c  emâfni !  Mais,  malgré  tout,  je 
l'aime ,  je  l'aime;  et ,  pour  dire  comme  Othello,  que  j'imite- 
rais si  elle  me  trompait ,  tes  tresses  de  sa  chevelure  tiennent 

aux  fibres  de  mon  cœurl  Meurent  la  gloire  et  l'art! Elle 

m'est  tout...  je  1' — . 

Je  t'ai  quitté  un  instant,  et  le  mot  fatal  que  j'allais  écrire 
n'a  pas  été  achevé.  Tu  devines...  un  évanouissement!  Je  ne 
répéterai  point  à  ce  sujet  le  vieil  éloge  de  la  mort  ;  je  m'ab- 
stiendrai de  dire  :  <<  qu'on  est  heureux  de  n'être  pas  !  » 
C'est  faux  !  on  n'est  pas  heureux;  on  n'est  rien  !  et  la  vie  qui 
me  revient  avec  ses  angoisses...  est  la  vie  ,  après  tout.  Tiens  , 
je  pense  à  elle;  je  crois  la  voir  avec  sa  démarche  ondoyante  , 
ses  grands  yeux  scintillants,  son  air  de  déesse;  j'entends  sa 
voix  d'Ariel ,  agile,  argentine,  pénétrante...  je  crois  être 
auprès  d'elle;  je  lui  parle...  dans  son  dialecte  Scandinave: 
«  Emillac  !  sare  disiul  dolle  menos  ?  doer  si  men  ?  doer  ? 
vare  ,  Emillac!  vare,  vare!  »  Puis,  sa  tête  inclinée  sur  mon 
épaule ,  nous  murmurons  doucement  nos  intimes  confi- 
dences, et  nous  parlons  des  premiers  jours,  et  nous  par- 
lons de  t,oi 

Elle  est  très  curieuse  de  te  connaître;  elle  voudrait  aller  à 
•Euphonia  pour  cela  seulement.  On  lui  a  tant  vanté  de  tes 
compositions,  énormes  de  niasse,  noires  d'aspect  et  calmes 
d'abord,  comme  les  nuages  gros  de  foudrcset  de  tempêtes!.. 
Elle  se  fait  de  toi  un  portrait  assez  étrange ,  et  qui  ne  te  res- 
semble point,  fort  heureusement... 

Je  me  souviens  de  l'intérêt  avec  lequel  elle  recueillait 
avant  mon  départ  Tous  les  échos  de  tes  récents  triomphes.  Je 
l'en  plaisantai  même  un  jour;  et  comme  elle  faisait  à  ce  su- 
jet une  observation  sur  mon  humeur  jalouse  :  «  Moi ,  jaloux 
de  Rotceh  ,  répondis-je,  oh  non  !  je  ne  crains  rien;  il  ne 
t'aimera  jamais,  relui-là;  il  a  au  cœur  un  trop  puissant 
amour  qu'il  faudrait  éteindre  d'abord,  et  c'est  chose  im- 
posible!  »  Ellimac  ferma  les  yeux  et  se  tut...  l'instant  d'a- 
près les  rouvrant  plus  beaux  :  «  c'est  moi  qui  ne  l'ai- 
merai jamais,  dit-elle  en  m'embrassant.  Quant  h  lui,  si 
je  voulais,  monsieur,  je  vous  prouverais  peut  être  le  con- 
traire. »  Elle  était  si  belle  en  ce  moment,  que  je  me  sentis 
heureux  ,  je  l'avoue  ,  malgré  la  constance  à  toute  épreuve  de 
mou  ami  Rotceh,  de  le  savoir  à  trois  cents  lieues  de  nous, 
occupé  de  trombones,  de  flûtes  et  de  saxophones.  Tu  ne  m'en 
^voudras  pas  de  ma  franchise?.. 

Hélas!  et  je  suis  seul!  et  depuis  mon  départ  de  Paris, 
après  tant  de  protestations ,  tant  de  serments  de  ne  pas 
laisser  s'écouler  huit  jours  sans  m'écrire,  pas  une  ligne 
d'Emillac  ne  m'est  parvenue  ! 

Je  vois  descendre  un  autre  ballon  de  poste...  je  cours... 
rien!.. 

Tu  es  presque  heureux ,  toi  !  Tu  souffres ,  il  est  vrai ,  mais 
celle  que  tu  aimes  n'est  plus  !  Pas  de  jalousies ,  tu  n'espères  ni 
ne  crains  ;  tu  es  libre  et  grand.  Ton  amour  est  frère  de  l'art  ; 
il  appelle  l'inspiration;  ta  vie  e.st  la  vie  expansive  ;  tu  rayonnes. 
Je...  Oh  !  ne  parlons  plus  de  nous  ni  d'elles.  —  Noitcidelam 
rus  setuot  sel  semmef  selleb...  que  nous  n'avons  pas  !!  ! 

Je  vais  essayer  de  reprendre  mon  esquisse  commencée  des 


mœurs  musicales  de  l'Italie.  Il  ne  s'agit  ici ,  ni  de  passion  , 
ni  d'imagination ,  ni  de  cœur,  ni  d'âme  ,  ni  d'esprit  :  ce  sont 
de  plates  réalités. 

Or  donc  ,  je  poursuis.  Dans  toutes  les  salles  de  spectacle, 
il  y  a  devant  la  scène  une  noire  cavité  remplie  de  malheu- 
reux soufflant  et  raclant ,  aussi  indifférents  à  ce  qui  se  crie  sur 
le  théâtre  qu'à  ce  qu'on  bourdonne  dans  les  loges  et  au  par- 
terre, et  n'ayant  qu'une  idée,  celle  de  gagner  ieur  souper. 

La  collection  de  ces  pauvres  êtres  constitue  ce  qu'on  ap- 
pelle l'orchestre,  et  voici  comment  cet  orchestre  est  en  gé- 
néral composé  :  il  y  a  deux  premiers  et  deux  seconds. violons 
ordinairement,  très  rarement  un  alto  et  un  violoncelle, 
presque  toujours  deux  ou  trois  contre-basses,  et  les  hommes 
qui  les  jouent,  pour  quelque  monnaie  qu'on  leur  donne  à  la 
fin  de  la  soirée ,  sont  fort  embarrassés  quand  il  s'agit  d'exécu- 
ter un  morceau  oii  leurs  trois  cordes  à  vide  ne  peuvent  être 
employées ,  en  si  naturel  majeur,  par  exemple ,  où  les  trois 
notes  naturelles,  sot ,  ré,  la,  ne  figurent  point.  (Ils  ont  con- 
servé les  contre-basses  à  trois  cordes  accordées  en  quintes, 
ce  qui  les  oblige  h  démancher  pour  la  moindre  gamme  !  )  Ce 
formidable  bataillon  d'instruments  à  cordes  a  pour  adversaire 
une  douzaine  de  bugles  à  clefs ,  six  trompettes  à  pistons ,  six 
trombones  à  cylindres,  deux  ténors-tubas,  deux  basses-tubas, 
trois  ophicléides,  un  cor,  trois  petites  flûtes,  trois  petites 
clarinettes  en  mi  bémol ,  deux  clarinettes  en  ut,  trois  clari- 
nettes basses  pour  les  airs  gais,  et  un  buffet  d'orgue 7)0!<r 
jouer  les  airs  de  ballets.  N'oublions  pas  quatre  grosses-caisses, 
six  tambours  et  un  tamtam.  Il  n'y  a  plus  ni  hautbois,  ni 
bassons,  ni  harpes,  ni  timbales,  ni  cymbales.  Ces  instru- 
ments sont  tombés  dans  l'oubli  le  plus  profond.  Et  cela  se 
conçoit,  l'orchestre  n'ayant  pour  but  que  de  produire  un 
bruit  capable  de  dominer  de  temps  en  temps  les  rumeurs  de 
la  salle  ;  les  petites  clarinettes  et  les  petites  flûtes  ont  des  sons 
bien  plus  perçants  que  ceux  du  hautbois ,  les  ophicléides  et  les 
tubas  sont  bien  préférables  aux  bassons,  les  tambours  aux 
timbales ,  et  le  tam-tam  aux  cymbales.  Je  ne  vois  même  pas 
pourquoi  on  a  conservé  le  cor  unique  qu'on  se  plaît  à  faire 
écraser  par  les  autres  instruments  de  cuivre;  il  ne  sert  vrai- 
ment à  rien  ;  et  les  quatre  misérables  violons ,  et  les  trois 
contre-basses ,  on  les  distingue  à  peine  davantage.  Cette  sin- 
gulière agglomération  d'instruments  nécessite  un  travail  spé- 
cial des  operatori ,  pour  approprier  aux  exigences  de  l'or- 
chestre moderne  (phrase  consacrée)  l'instrumentation  des 
maîtres  anciens  qu'ils  dépècent,  pilent  et  accommodent  en 
olla-podrida ,  selon  le  procédé  que  je  t'ai  fait  connaître  en 
commençant.  Et  ces  arrangements,  bien  entendu,  sont  faits 
d'une  façon  digne  de  tout  ce  qui  se  manipule  ici  sous  le  nom 
de  musique.  Les  parties  de  hautbois  sont  confiées  aux  trom- 
pettes, celles  de  basson  aux  tubas,  celles  de  harpe  aux  petites 
flûtes ,  etc. 

Les  musiciens  (  les  musiciens!!!  )  exécutent  à  peu  près  ce 
qui  est  écrit,  mais  sans  nuance  aucune;  le  mezzo-forle  est' 
d'un  usage  invariable  et  permanent.  Le  forte  a  lieu  quand  les 
grosses  caisses,  les  tambours  et  le  tamtam  sont  employés,  le 
piano  quand  ils  se  taisent  :  telles  sont  les  huances  connues  et 
observées.  Le  chef  d'orchestre  a  l'air  d'un  sourd  conduisant 
des  sourds;  il  frappe  les  temps  à  grands  coups  de  bâton  sur 
le  bois  de  son  pupitre ,  sans  presser  ni  ralentir ,  qu'il  s'a- 
gisse de  retenir  un  groupe  qui  s'emporte  (il  est  vrai  qu'on 
ne  s'emporte  jamais  )  ou  d'exciter  un  groupe  qui  s'endort  ; 
il  ne  cède  rien  à  personne  ;  il  va  mécaniquement  comme  la 
tige  d'un  métronome  ;  son  bras  monte  et  descend  ;  on  le 
regarde  si  l'on  veut,  il  n'y  tient  pas.  Cet  homrae-matiiine 
ne  fonctionne  que  dans  les  ouvertures ,  les  airs  de  danse  et 


60 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


les  chœurs  ;  car  pour  les  airs  et  duos,  comme  il  est  absolument 
impossible  de  prévoir  les  caprices  rhythmiques  des  chanteurs 
et  de  s'y  conformer,  les  chefs  d'orchestre  ont  depuis  long- 
temps renoncé  à  marquer  une  mesure  quelconque;  les  mu- 
siciens ont  alors  la  bride  sur  le  cou  ;  ils  accompagnent  d'in- 
stinct, comme  ils  peuvent,  jusqu'à  ce  que  le  gâchis  devienne 
par  trop  formidable.  Les  chanteurs  alors  leur  font  signe  de 
s'arrêter,  ce  qu'ils  s'empressent  défaire,  et  on  n'accom- 
pagne plus  du  tout.  Je  ne  suis  en  Italie  que  depuis  peu ,  et 
j'ai  eu  souvent  déjà  l'occasion  d'admirer  ce  bel  effet  d'or- 
chestre. 

Mais  adieu  pour  ce  soir,  mon  ami ,  je  me  croyais  plus  fort  ; 
la  plume  s'échappe  de  ma  main.  Je  brûle  ;  j'ai  la  fièvre. 
Ellimac!  point  de  lettre.  Eliimac  !  que  me  font  les  Italiens! 
Ellimac!  et  leur  barbarie!  Eliimac!  Ellimac!  Je  vois  la  lune 
pure  se  mirer  dans  l'Etna  !  Ellimac  !  silence!  Ellimac  !  loin  ! 
seul!  Ellimac!  Ellimac!..  Ellimac!!!...  Paris!..  Ellimac!.. 

H.  Berlioz. 
[La  suite  au  prochain  numéro.) 


L'ACTRICE  ET  L'ETl^DIAMT 


YII. 
Joiar  SI  nIisiiLe 


A 


ne  nouvelle  el  com- 
plète      révolution 
s'était  opérée  dans 
mes  idées  :  je  ne 
rêvais  plus  que  ma- 
gistrature    de    la 
presse,    feuilleton    spirituel,    critique 
consciencieuse  ,  comme  disent  la  plupart 
de  nos  journalistes  en  ce   genre,    sans 
que  cela  tire  à  conséquence.  L'essentiel  était 
de  trouver  une  tribune,  et  le  plus  difficile, 
*d'apparaîlre  à  cette  tribune  avec  un  style  qui 
eût  une  physionomie ,  qui  ne  ressemblât  pas 
à  ce  style  de  tout  le  monde ,  à  ce  slyle  qui  ne 
blesse,  n'endort,  ni  ne  réveille  personne ,  qui, 
^/m^     dans  sa  phraséologie  banale  de  bienveillance  uni- 
'ïi[^    verselle,  vous  berce  de  nullités,  de  lieux  com- 
muns, d'éloges  flasques,  et  de  critiques  qui  n'en 
sont  pas. 

Je  me  mets  en  quête  d'un  journal  dont  l'administration 
comprenne  cela;  mais  en  cherchant  une  place,  je  m'aper- 
çois qu'elles  sont  toutes  prises  par  des  journalistes  qui  par- 
courent à  qui  mieux  mieux  la  grande  route  de  la  routine.  Je 
passe  six  mois  dans  cette  carrière,  comme  j'en  avais  passé  six 
dans  mon  emploi  de  ténor,  et  j'acquiers  la  certitude  que  la 
pensée  de  la  presse  en  général  n'est  nullement  celle  des  cer- 
veaux d'où  elle  part,  mais  bien  l'expression  des  intérêts 
d'hommes  d'argent,  d'industriels  qui  transmettent  leurs 
idées  mercantiles  sur  la  politique,  la  littérature  et  les  arts, 
à  des  écrivains  plus  ou  moins  complaisants,  plus  ou  moins 
menteurs ,  plus  ou  moins  adroits  mystificateurs  du  public  et 
de  leurs  lecteurs. 

Je  surmonte  cependant  tous  les  dégoûts  que  cela  m'in- 
spire ;  je  me  mets  aux  gages  de  ces  littérateurs  marchands  des 
pensées  d'auirui,  de  ces  découpeurs  de  livres  qui  font  des 

(I)  La  reproduction  de  V Actrice  el  l'Étudiant  est  interdite,  sous 
peine  de  poursuites  en  contrefaçon.—  Voir  les  numéros  2,  3,  4  et  6. 


histoires  avec  de  l'histoire ,  ou  plutôt  avec  des  ciseaux.  Ils 
me  payaient  fort  mal  ;  mais  enfin ,  à  force  de  travail ,  je  par- 
vins à  ce  que  les  deux  lettres  initiales  de  mon  nom  mises  au 
bas  d'un  article  fissent  autorité  dans  la  presse  littéraire,  dra- 
matique et  musicale.  Mais  voilà  que  lorsque  je  veux  parler 
à  Palmire  de  ma  puissance  de  journaliste ,  de  mon  pouvoir, 
et  de  mon  intention  de  la  faire  arriver  où  elle  voudrait  par  le 
crédit  de  ma  plume  de  critique,  elle  me  répond  :  Oui,  je 
vous  conseille  de  vous  en  vanter  !  c'est  une  belle  chose  !  je 
viens  de  le  voir  à  l'œuvre  ce  crédit  de  journaliste  conscien- 
cieux, indépendant,  impartial,  et  je  l'ai  vu  pousser  par  re- 
commandation ,  par  camaraderie ,  et  par  une  foule  d'autres 
considérations ,  des  artistes  de  tous  genres ,  de  tous  âges  et 
de  tous  sexes ,  mais  de  fort  peu  de  talent.  Bien  entendu  que 
les  solliciteuses ,  pour  peu  qu'elles  soient  jolies ,  ont  les  plus 
grandes  chances  de  succès  auprès  de  vous ,  messieurs.  Tenez, 
cela  m'a  révoltée,  et,  près  de  débuter,  j'ai  de  nouveau 
ajourné  ma  rentrée  au  théâtre,  car  j'ai  besoin  d'oublier  la 
partialité,  la  galanterie  générale,  surtout  de  MM.  les  journa- 
listes. 

Mais  il  est  des  exceptions  dans  le  journalisme,  dis-je  à 
Palmire.  — Oui,  mon  cher  Jules,  et  je  suis  sûre  que  vous 
en  offrez  la  plus  grande  preuve;  vous  êtes  bon,  obligeant  et 
juste  tout  à  la  fois ,  vous ,  c'est  ce  qu'on  dit  généralement  : 
aussi  je  m'honore  partout  du  nom  de  votre  amie ,  malgré  les 
plaisanteries  qu'on  méfait  à  ce  sujet...  A  propos,  avez-vous 
entendu  le  nouveau  pianiste ,  le  pianiste  à  la  mode ,  le  pia- 
niste par  excellence.  —  Non  ,  mais  on  m'en  a  parlé  avanta- 
geusement. —  Oh!  mon  ami,  c'est  délicieux ,  ravissant;  on 
ne  chante  pas  comme  ça  !  Quelle  puissance  de  son  !  quelle 
élégance  dans  la  mélodie  !  comme  il  impressionne  son  audi- 
toire ,  et  cela  sans  contorsions ,  sans  manière  !  —  Il  y  en  a 
peut-être  un  peu  à  croire  doué  de  tous  ces  avantages,  dis-je 
à  Palmire,  un  pianiste,  et  surtout  un  instrument  te!  que  le 
piano.  — Non,  non,  il  n'y  a  point  de  manière,  d'exagération 
à  dire  que  le  clavier  chante  sous  ses  mains  éloquentes ,  que 
les  sons  qu'il  tire  des  touches  vous  rafraîchissent  l'imagination 
en  vous  faisant  pleurer  doucement ,  parce  que  ces  sons  eux- 
mêmes  sont  comme  autant  de  pleurs  qui  tombent  de  ses 
doigts,  et  se  changent  en  gouttes  de  rosée  mélodique  vous 
provoquant  à  la  rêverie ,  à  l'attendrissement.  —  Comment 
diable  !  mais  vous  voilà  jetant  des  fleurs  de  rhétorique  et 
d'esthétique  à  pleines  mains,  ou  à  plein  esprit,  ma  chère 
Palmire!  Je  réclame;  car  c'est  envahir  mes  fonctions  de 
journaliste  admirateur  quand  même.  ^—  Ajoutez  enthousiaste, 
impartial  et  convaincu  ,  quand  vous  aurez  entendu  ce  jeune 
et  grand  artiste.  —  Je  ne  demande  pas  mieux. 

J'entendis  en  effet  ce  fameux  musicien  :  il  ne  me  parut 
pas  aussi  mélodiste,  aussi  poëte,  aussi  sensible  que  me  l'avait 
peint  son  admiratrice  ;  d'ailleurs  je  voyais  avec  peine  le 
piano  cherchant  à  détrôner  le  roi  des  instruments ,  le  violon, 
que  j'avais  beaucoup  étudié  dans  mon  enfance  et  au  collège  ; 
et  puis  je  parlai  à  ce  brillant  pianiste ,  qui  me  parut  cacher, 
comme  la  plupart  des  instrumentistes  célèbres ,  une  assez 
forte  dose  de  nullité  sous  une  égale  quantité  de  suffisance 
artistique.  Il  exploitait  incessamment  le  calembourg  et  par- 
lait avec  une  sorte  d'outrecuidance ,  non  de  ses  impressions 
de  voyage ,  mais  des  impressions  que  faisait  sa  personne  sur 
les  populations  accourant  pour  Tentendre  jouer  du  piano. 

Je  dis  dans  un  journal  ce  que  je  pensais  de  ce  talent  im- 
mense, employant  pour  cela  une  légère  teinte  d'ironie. 

—  Oh!  mon  ami,  comment  avez-vous  pu  traiter  ainsi  le 
plus  beau  talent  de  l'époque  !  me  dit  Palmire  lorsqu'elle  me 
revit. 


SUPPLEMENT. 


SUPPLEMENT. 


DE  PARIS. 


61 


—  Il  est  possible  que  je  l'aie  mal  jugé  selon  vous;  mais 
j'en  ai  parlé  comme  un  homme  inipariial,  convaincu  et  qui 
cherche  à  éviter  la  camaraderie  circonvenant  tous  les  journa- 
listes, comme  vous  savez. 

—  Oui,  oui,  je  comprends l'épigramme;  mais,  mon  cher 
Jules ,  il  faut  réparer  le  tort  que  vous  avez  fait  h  ce  jeune  ar- 
tiste. C'est  un  acte  de  justice  que  vous  accomplirez  si  vous 
avez  encore  de  l'amitié  pour  moi. 

—  Si  j'ai  de  ramitié  pour  vous,  Palmire!... 

Toutes  les  mystérieuses  sensations  d'une  amour  méconnu, 
refoulé  au  fond  du  cœur,  brisé  aussitôt  qu'il  était  né,  remon- 
tèrent du  fond  de  ce  coeur  à  mes  yeux,  à  ma  gorge;  et  je 
dis  à  cette  femme  qui  me  dominait  sans  pour  ainsi  dire  s'en 
douter,  je  lui  dis  d'une  voix  étranglée  et  les  yeux  presque 
mouillés  de  larmes  :  Oui ,  je  réparerai  ce  que  vous  appelez 
mon  injustice,  Palmire,  quoique  celte  prétendue  injustice 
ait  fait ,  j'en  suis  sûr,  fort  peu  d'impression  sur  celui  qui 
en  a  été  l'objet.  Il  se  croit  tellerat'nt  en  possession  de  l'admi- 
ration de  l'Europe,  qu'il  ne  comprend  pas  le  doute  ou  l'op- 
position à  ce  sujet. 

Palmire ,  qui  m'avait  d'abord  regardé  d'un  air  étonné  ,  en 
voyant  mon  émotion  subite  ,  me  dit  ensuite ,  revenant  à  celui 
qui  l'occupait  :  Il  faut  bien  pardonner  quelques  faiblesses  aux 
grands  artistes.  Au  reste,  je  vous  assure  que  vous  vous  trom- 
pez sur  le  compte  de  celui-ci.  Vous  l'entendrez  encore,  et 
vous  reviendrez  de  votre  prévention,  cl  vous  l'admirerez,  et 
vous  l'aimerez ,  car  vous  êtes  un  bon  enfant. 

—  Vous  le  voyez  donc  vous-même  quelquefois? 

—  Oui  ;  il  me  donne  des  leçons  de  perfectionnement,  de 
goût ,  de  sentiment. 

—  Ah  !...  des  leçons  de  sentiment? 

—  Mais  sans  doute.  On  apprend  à  phraser  l'expression,  on 
acquiert  de  l'âme.  Ob  !  le  phrasé ,  le  style ,  mon  cher,  voilà 
le  secret ,  le  vrai  moyen  d'impressionner  ses  auditeurs.  Lisez 
plutôt  ce  qu'a  écrit  Kalkbrenner  là-dessus  dans  sa  Méthode 
de  piano. 

Je  pensai  à  l'axiome  de  Buffon  et  me  dis  à  part  moi  :  Si  le 
style  c'est  l'homme ,  le  grand  écrivain  naturaliste  aurait  dû 
ajouter  :  La  parole  c'est  la  femme!  J'admirais  en  effet  avec 
quelle  merveilleuse  facilité  celle-ci  adoptait  de  nouvelles 
idées  et  les  défendait  comme  siennes ,  comme  si  elle  les  avait 
toujours  eues.  Et  moi,  je  lui  voyais  tant  de  foi,  tant  d'en- 
thousiasme dans  ces  nouvelles  pensées;  ses  sensations  étaient 
si  vives ,  si  convaincues  que  je  les  partageais ,  que  je  les 
éprouvais  aussi  vivement  qu'elle.  Ce  contre-coup  de  cœur  et 
d'esprit  me  faisait  oublier  mes  convictions,  mon  individua- 
lité. 

VIII. 
Piaiiisaiïe. 

Doué  d'une  grande  aptitude  musicale ,  assez  habile  sur  le 
violon,  je  me  dis:  Et  moi  aussi  je  serai  pianiste,  puisque 
c'est  un  moyen  de  lui  plaire;  et  me  voilà  m'exerçant  jour  et 
nuit  sur  le  piano  avec  une  inconcevable  ardeur.  Je  me  disais 
parfois  :  qu'il  me  tarde  d'en  être  à  ce  moment  d'aller  chez 
elle ,  de  me  mettre  au  piano ,  et  sans  affectation ,  sans  ce 
phrasé,  sans  ce  style,  cette  âme  de  convention,  sans  morceau 
appris,  de  lui  dire  dans  une  improvisation  tout  ce  qu'il  y  a 
de  sensibilité  profonde  en  moi ,  de  lui  peindre  tout  l'amour 
qu'elle  mliispire!...  Mais  hélas!  pour  en  arriver  là  que  d'é- 
tudes sèches ,  ingrates  !  que  de  découragements ,  de  dépits 
et  de  rage  contre  l'insuffisance  de  l'instrument! 

Avant  de  donner  une  forme  mélodique  et  harmonique  à 
la  pensée,  avant  de  pouvoir  la  formuler,  l'animer,  la  poé- 


tiser, la  faire  parler  avec  passion,  il  faut  acquérir  par  la 
patience ,  le  dégoût  et  l'ennui,  l'égalité,  l'indépendance  et  la 
liberté  des  doigts ,  presque  aussi  difficile  à  acquérir  que  l'é- 
galité, l'indépendance  et  la  liberté  politique.  Soit  que  dès  l'en- 
fance je  me  fusse  livré  sans  autre  pensée  à  ce  travail  ingrat, 
soit  que  le  violon  ait  en  lui  plus  de  charme  et  de  mélodie,  et 
que  j'en  eusse  déjà  surmonté  les  difficultés ,  je  reprenais 
quelquefois  cet  inslrument  pour  me  dédommager  des  fa- 
tigues que  me  donnait  l'autre.  Mon  violon  était  pour  moi  un 
ami  sûr  à  qui  je  confiais  mes  sentiments  les  plus  intimes,  les 
plus  cachés;  il  chantait  pour  elle,  comme  elle;  et,  des  ac- 
cents d'une  joie  éclatante,  folle,  enivrée,  il  passait  à  la  douce 
élégie ,  à  la  mélancolie  profonde  ,  aux  intonations  puisées  au 
fond  du  cœur;  et  puis  à  la  prière  harmonique  en  double 
corde,  succédaient  des  traits  exprimant  les  cris  déchirants  du 
désespoir;  et  des  pleurs  acres  et  doux  tout  à  la  fois  terminaient 
ordinairement  ce  paroxysme  musical  qui  m'épuisait,  me  fai- 
sait tomber  sur  un  siège  où  je  restais  plus  d'une  heure  ab- 
sorbé de  fatigue  et  dans  une  rêverie  fantastique,  et  sans  but, 
et  sans  fin,  et  qui  me  faisait  croire  que  je  devenais  fou.  Quand 
le  misérable  flambeau  que  nous  appelons  la  raison  se  rani- 
mait en  moi ,  je  voyais  avec  pitié  que  ce  jouet  social  que  l'on 
nomme  artiste  est  le  plus  malheureux  des  êtres  s'il  a  dans  le 
cœur  un  autre  amour  que  celui  de  son  art. 

Pour  oublier  ce  rêve  fatigant,  pour  faire  diversion  à  mes 
tristes  pensées,  je  me  remettais  au  piano  pour  me  délasser 
dans  la  monotonie  mécanique  de  cet  instrument.  Alors  un 
autre  tourment  commençait  pour  moi.  Passant  de  l'exercice 
réguher  à  la  manifestation  de  la  pensée  ,  de  la  mélodie,  je  re- 
grettais mon  violon  ,  si  bon  interprète  de  toute  poésie  du  cœur; 
je  ne  trouvais  plus  cette  pression  de  l'archet  sur  la  corde, 
cette  vibration  qui  fait  passer  l'âme  de  l'exécutant  dans  celle 
de  l'auditeur  ;  et  furieux  comme  Weber ,  arrêté  dans  son 
inspiration  ,  alors  qu'attaquant  sur  son  piano  une  note  qui  ne 
répond  point,  attendu  que  la  corde  est  cassée,  ainsi  qu'il  nous 
le  dit  dans  ses  Mémoires,  je  m'indignais  aussi  du  vide  de  la 
pensée  sur  ce  maudit  instrument,  sec,  aride,  dont  l'expres- 
sion n'est  que  conventionnelle.  Si  ce  n'eût  encore  été  là  que 
les  seules  déceptions  qu'il  me  faisait  éprouver  !  Je  faisais  de 
la  musique  avec  Palmire  ;  ses  mains  légères ,  interprètes  de  la 
légèreté  de  son  caractère,  volaient  brillantes  sur  le  clavier, 
mais  sans  s'identifier  à  ces  beaux  andante  de  Mozart  ou  de 
Beethoven;  et  lorsque  dans  les  imitations  mélodiques  de  ma 
partie  je  tàcbais  d'atteindre  au  dernier  degré  de  l'expression 
en  creusant  pour  ainsi  dire  le  son  avec  mon  archet,  en  cherchant 
à  le  rendre  plus  ample,  plus  resplendissant,  plus  impressionna- 
ble, et  dans  l'espoir  qu'elle  s'unirait  à  cette  noble  et  touchante 
exhubérence  de  cœur,  j'éprouvais  le  nouveau  tourment  de 
n'être  pas  compris,  entendu,  secondé.  Toute  musique,  pour 
celle  femme  séduisante ,  mais  qui  semblait  avoir  le  cœur  dans 
la  tête ,  était  un  scherzo  continuel ,  c'est-à-dire  un  badinage, 
un  besoin  d'émotions  passagères  et  non  profondes  ,  un  bruit 
flatteur ,  une  capricieuse  idéahté  qui  la  berçait  de  sensations 
vagues,  rapides,  et  qui  lui  plaisaient,  comme  cela  plaît  à  tout 
le  monde,  parce  que  l'art  musical  est  un  thème  de  conver- 
sation que  chacun  brode  ou  varie  à  sa  fantaisie,  et  qu'elle 
faisait  comme  tout  le  monde. 

Au  nombre  des  émotions  et  des  choses  les  plus  tristes  de  la 
vie ,  on  n'a  pas  encore  signalé ,  que  je  sache ,  docteur ,  le 
tourment  d'un  être  dont  l'âme  est  musicale ,  l'intelligence 
exercée  dans  la  science  des  sons ,  les  facultés  exquises ,  et  qui, 
possédant  une  sorte  de  sixième  sens,  ne  peut  harmonier, 
associer  la  femme  qu'il  aime  à  ses  poétiques  et  divines  ins- 
pirations. 


62 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Je  TOUS  vois  sourire  d'ironie  et  d'incrédulité,  mon  ami ,  si 
ce  n'est  même  de  pitié ,  parce  que  vous  ignorez ,  ou  que  vous 
niez  peut-être,  les  mystères  mathématiques,  si  l'on  peut 
ainsi  s'exprimer ,  du  corps  sonore ,  ceux  surtout  de  la  méta- 
physique musicale  liée  au  jeu  non  moins  mystérieux  de  la 
physiologie,  aux  prodiges  du  somnambulisme,  de  la  catalep- 
sie", et  par  laquelle  peuvent  s'expliquer  les  sympathies  ou  les 
antipathies  humaines  émanant  de  ces  harmonies  consonantes 
ou  dissonantes,  de  ces  harmonies  célestes,  infinies,  qui  ré- 
gissent la  nature,  qui  bercent  notre  sommeil ,  qui  nous  vien- 
nent du  ciel....  Mais  revenons  sur  la  terre,  car  aussi  bien  j'ai 
hâte  de  finir  ce  triste  récit. 

IX. 
C»39B"iees  «Bâves'S. 
Si  j'avais  fait  de  la  musique  plus  longtemps  avec  Palmire, 
je  n'en  serais  j)as  où  j'en  suis  :  j'aurais  peut-êtie  vu  plus  tôt 
l'inanité  de  son  esprit  et  les  infirmités  de  son  cœur;  elle  se 
serait  dépoétisée  à  mes  yeux ,  j'étais  sauvé.  Il  n'en  fut  pas 
ainsi.  Son  pianiste  prodige  partit,  obligé  qu'il  était ,  disait-il, 
d'aller  sillonner  en  tous  sens  l'Europe  musicale ,  et  même  le 
nouveau  monde  ,  pour  y  porter  les  bienfaits  de  son  talent  ci- 
vilisateur. Palmire  fut  attristée  de  ce  départ,  que  dis-je?  elle 
en  tomba,  ou  feignit  d'en  tomber  malade;  elle  eut  des  atta- 
ques de  nerfs,  des  langueurs,  des  ennuis,  et  comme  un  dé- 
goût de  la  vie il  y  avait  un  caprice  au  fond  de  tout  cela, 

et  je  ne  m'en  doutai  pas  encore.  Me  croyant  toujours  obUgé 
de  lui  parler  de  musique,  je  lui  dis  un  soir  que  je  venais 
d'entendre  un  fort  beau  duo  de  piano  et  de  violon  par  Thal- 
berg  et  de  Bériot  sur  Oberon.  Un  bâillement  terminé  par  un  : 
Ah!  montant  à  peu  près  d'une  quarte  qui  exprimait  un 
étonnement  de  complaisance,  fut  sa' réponse,  à  laquelle  elle 
ajouta:  Je  vous  dirai  franchement,  mon  ami,  que  la  mu- 
sique m'agace  les  nerfs  maintenant.  Il  y  a  quelque  chose  de 
vague,  d'indéterminé  dans  cet  art  qui  m'impatiente.  —Oh! 
il  ast  certain,  repris-je  aussitôt,  enchanté  du  nouveau  cours 
de  ses  idées  que  je  ne  m'expliquais  pas  encore ,  que  la  mu- 
sique n'est  guère  qu'une  futilité  sociale  à  ajoutera  d'autres. 

N'est- il  pas  vrai?  Parlez-moi  d'une  de  ces  belles  sciences 

utiles  à  l'humanité ,  comme  la  médecine  ,  par  exemple. 

Et  voilà  cette  femme  légère ,  folle ,  enjduée ,  qui  se  met 
à  me  faire  une  dissertation  médicale  pleine  de  sagacité ,  de 
vues  hautes,  d'aperçus  profonds,  entremêlés  même  de  termes 
techniques  sur  l'art  de  guérir ,  qui  me  pénètrent  d'étonne- 
ment  et  d'admiration. 

Que  vous  dirai-je?  sans  remonter  à  la  source  de  ce  savoir 
d'un  moment,  de  ce  caprice  de  science,  je  consacrai  moi- 
même  mes  nuits  et  mes  jours,  et  avec  une  inconcevable  ar- 
deur, à  la  médecine ,  qui  se  colorait  à  mes  yeux  de  poésie  et 
de  bonheur,  car  en  me  livrant  à  ces  profondes  études,  je  pen- 
sais qu'elles  me  serviraient  un  jour  à  prolonger  la  santé  et 
peut-être  la  vie  de  celle  que  j'aimais.  Sachant  bien  toute  la 
responsabilité  d'ailleurs  que  j'assumais  sur  moi  en  prenant 
une  telle  profession ,  je  me  mis  à  diviser  consciencieusement 
mon  travail  par  heures ,  et  je  me  posai  comme  règlement  in- 
variable, comme  charte  inviolable ,  s'il  en  est ,  cette  addition 
de  vingt- quatre  heures  pour  l'avoir  sans  cesse  devant  les 
yeux. 

Étude 16  heures. 

Sommeil 04     id. 

Spectacle  ou   distractions.     02     id. 
Repas.     ......     01     «i. 

Repos.     .....     •     01     id. 

Total.     .     .    2Zi  heures. 


Avec  une  telle  résolution  et  sa  stricte  exécution ,  on  par- 
viendrait en  quelques  années,  sinon  à  être  un  homme  de 
génie,  du  moins  à  faire  des  travaux  de  bénédictins,  ou  à 
produire  autant  de  pièces  de  théâtre  que  Scribe  en  a  jeté 
dans  la  circulation  dramatique.  Je  pénétrai  par  l'analyse  ana- 
toniique  dans  les  mystères  du  cerveau  avec  Gall ,  Spur- 
zheim  et  Dumontier;  je  combattis  les  phlegmasies  avec 
Broussais  et  ses  disciples;  je  recherchai  le  principe  des  pas- 
sions humaines  avec  Alibert,  qui  aurait  dû  s'en  tenir  à  la 
phlyctène;  car,  homme  de  science  légère  et  superficielle,  il 
n'a  vu  dans  son  livre  intitulé  Physiologie  des  passions  que  le 
tissu  cellulaire,  l'épiderme  de  son  sujet,  ce  qui  n'est  point 
étonnant  dans  un  médecin  connu  par  sa  spécialité  pour  les 
maladies  cutanées.  Vous  voyez ,  docteur,  que  j'ai  encore  l'es- 
prit assez  libre  pour  faire  de  mauvais  jeux  de  mots  sur  votre 
grave  profession. 

Que  vous  dirai-je  enfin?  je  scrutai  les  immenses  travaux 
produits  par  la  science  ancienne  et  moderne;  je  recherchai 
vainement,  comme  tous  vos  confrères  passés  et  présents,  à 
remonter  au  principe  de  la  (ièvre,  de  la  goutte,  de  l'hydropi- 
sie,  de  l'anévrisme  du  cœur,  delà  phthisie  et  de  tant  d'autres 
maladies  réputées  mortelles,  pour  les  prévenir  ou  en  affran- 
chir mes  semblables ,  et  je  vis  l'insuffisance  de  mon  savoir  et 
du  leur,  et  j'étais  découragé ,  et  j'aspirais  à  me  tirer  de  ce  la- 
byrinthe inextricable  de  doctrines  contraires ,  de  systèmes , 
de  mode  et  de  charlatanisme  scientifiques,  lorsqu'il  plut  à  mon 
Ariane  de  m'en  faire  sortir.  Elle  venait  d'entendre  nn  jeune  et 
brillant  avocat  qui  avait  plaidé  avec  le  prestige  d'un  bel  organe, 
les  ressources  d'un  cœur  éloquent,  et  les  élans  d'un  esprit 
convaincu,  pour  une  jeune  femme  accusée  d'avoir  empoi- 
sonné son  mari  :  il  la  fît  acquitter. 

Palmire  ne  connut  alors  rien  de  plus  beau  que  le  pouvoir 
de  la  parole;  je  la  vis  presque  regretter  de  n'être  point  accu- 
sée d'un  crime ,  afin  d'éprouver  le  plaisir  d'être  défendue  par 
ce  nouveau  Démosthènes.  Elle  n'eut  plus  qu'un  désir,  celui 
de  le  voir ,  de  le  connaître  ;  et  comme  ce  que  désire  une  jolie 
femme  indépendante  devient  bientôt  un  fait  accompli,  je  trou- 
vai un  jour  notre  jeune  avocat,  que  je  connaissais ,  au  reste , 
chez  elle  ;  il  se  montrait  fort  galant  et  fort  empressé. 

Palmire  ne  parlant  plus  que  par  exorde  et  péroraison ,  ne 
s'occupant  plus  que  de  législation  et  de  jurisprudence,  je  fis 
rapidement  par  elle  et  pour  elle  mon  cours  de  droit;  je  pris 
mes  inscriptions  ,  je  suivis  toutes  sortes  de  conférences  :  j'al- 
lais faire  mon  stage  et  plaider  tout  comme  un  autre ,  lorsque 
son  amour  pour  l'éloquence  s'éleva  plus  haut  encore  ;  elle 
me  parla  avec  enthousiasme  des  triomphes  et  des  vives  émo- 
tions que  doivent  procurer  à  ceux  qui  l'affrontent  la  tribune 
nationale.  Un  jour  je  trouvai  chez  elle  un  député  fort  riche  à 
qui  elle  me  présenta.  Par  la  raison  qu'elle  s'était  faite  légis- 
latrice, je  devins publiciste  :  au  reste,  ce  ne  fut  pas  long. 

—  Ah  !  je  suis-fatiguée ,  me  dit-elle  un  soir,  de  toutes  ces 
petites  intrigues  de  barreau ,  de  cuisine  législative  :  cela  ne 
mène  à  rien ,  et  j'aime  mieux  les  hommes  d'argent.  Si  vous 
m'en  croyez ,  Jules,  vous  ferez  des  affaires  à  la  Bourse.  — 
Des  affaires  à  la  Bourse!  répondis-je.  Y  songez-vous?  Mais 
il  faut  des  fonds,  une  clientèle,  de  l'habitude -de  ces  sortes 
d'affaires-là. 

—  Bah!  ça  s'apprend  bien  vite;  et  quant  à  des  fonds,  on 
fait  croire  qu'on  en  a. 

—  Mais  encore,  à  quel  titre  entreprendre?... 

—  A  titre  d'escompteur ,  de  courtier  de  commerce ,  de 
courtier-marron ,  de  faiseur  d'affaires,  que  sais-je  enfin?  On 

I  gagne  de  l'argent ,  et  voilà  l'essentiel.  Voyez  Habraham  Bour- 
dichon,  ce  gros  monsieur  que  vous  avez  vu  ici  quelquefois, 


DE  PARIS. 


63 


il  en  gagne  joliment,  lui,  allez!  ïl  en  gagne  autant  qu'un 
marchand  de  ces  animaux  dont  le  nom  rime  avec  le  sien. 

Et  voilà  que  ma  folle  se  met  à  rire  aux  celais  de  sa  plai- 
santerie, qui  m'avait  laissé  froid,  car  je  la  voyais  avec  peine 
perdre,  sans  s'en  apercevoir,  celle  fleur  de  pudeur  et  de  dé- 
licatesse qu'elle  avait  conservée  jusqu'alors  dans  son  langage. 
Elle  me  dit  tant  de  folies ,  il  lui  échappa  tant  de  traits  pleins 
de  verve  et  d'originalhésurson  M.  Bourdichon,  que  je  ne  l'en 
aimai  que  davantage.  Je  me  fis  loup-cervier  pour  lui  plaire , 
pour  parler  son  nouveau  langage.  J'allai  à  la  Bourse:  je  re- 
cherchai les  causes  des  fluctuations  des  divers  cours  des  places 
de  l'Europe,  qui  puisent  souvent  leurs  variations  dans  les 
nouvelles  les  plus  absurdes,  mises  en  circulation  par  des 
hommes  haut  placés,  agents  de  change  occultes,  exploitant 
la  crédulité  et  la  fortune  publique.  Je  descendis  plus  bas  dans 
celte  carrière,  où  l'on  autorise  une  certaine  classe  d'hommes 
à  vous  demander  la  bourse  ou  la  vie;  je  me  familiarisai  avec 
toute  la  vileté  de  l'agiotage ,  et  je  parlai  son  argot.  Sur  les 
traces  des  courtiers-marrons ,  je  fis  dans  les  huiles ,  les  grains 
et  les  savons,  comme  ils  disent;  je  finis  par  ennuyer,  par 
fatiguer  Palmire,  et  c'est  ce  que  je  voulais,  en  lui  parlant 
des  marchés  à  terme,  de  report,  de  report  sur  prime,  de 
prime  contre  prime,  de  prime  de  50  centimes,  d'un  franc, 
d'un  franc  50  centimes,  de  ferme  contre  prime  et  de  prime 
contre  ferme.  Enfin  ce  caprice,  le  plus  étrange,  le  plus  en- 
nuyeux et  le  plus  inconcevable  que  Palmire  avait  eu  jus- 
qu'alors, passa  comme  les  autres;  et  bientôt,  par  une  de  ces 
péripéties  qui  naissent  de  l'inconsistance  des  idées,  de  la  co- 
quetterie et  du  goût  des  contrastes  chez  les  femmes ,  elle  se 
fit  dévole ,  et  tomba  ou  s'éleva  toute  en  Dieu.  Ce  n'était 
certes  pas  parce  que  le  monde  se  relirait  devant  elle  qu'elle 
se  retirait  du  monde,  car  elle  avait  à  peu  près  vingt-lrois  ans. 
Madeleine,  Palmire  deSabran,  jouissait  de  tout  l'éclat  de  sa 
beauté,  ce  n'étaient  donc  point  les  ruines  de  Palmire  qu'elle 
cachait  dans  la  retraite ,  mais  plutôt  tous  les  charmes  de  sa 
patrone  repenlanle  et  pénitente.  Son  nom  de  noblesse  réelle 
ou  équivoque;  sa  tenue  pleine  de  grâce  et  de  pudeur  dans  le 
temple-boudoir  d'un  des  plus  beaux  quartiers  de  Paris ,  la 
firent  surnommer  sainte  Lorette-d'Antin.  Elle  ne  parlait  plus 
que  du  père  Lacordaire ,  des  abbés4[Iœur,  Duguerry ,  de  Ra- 
vignan,  de  l'éloquence  de  la  chaire  enfin  :  on  la  vil  monter 
à  l'orgue  et  rivahser  les  organistes  de  Paris  en  faisant  en- 
tendre sur  ce  bel  instrument  les  chanls  sensuels  de  Rossini , 
de  Donizetti  et  jusqu'aux  romances  de  M"°  Loïsa  Puget;  et 
puis  lassée  tout-à-coup  de  cette  carrière  d'hypocrisie  dans 
laquelle  je  l'avais  suivie  de  bonne  foi ,  la  voilà  s'éprenant  de 
l'équitation  ,  montant  à  cheval  tous  les  jours  et  n'allant  plus 
à  la  messe  ;  laissant  son  livre  d'Heures  et  les  Pères  de  l'Église 
pour  Laguérinière ,  pour  le  nouveau  dictionnaire  d'hippia- 
trique  et  d'équitation  du  colonel  Cardiui ,  et  tout  ce  qui  est 
relatif  au  sport.  Vêtue  en  amazone  et  chevauchant  sur  les 
boulevards,  en  compagnie  d'un  bel  écuyer  du  Cirque-Olym- 
pique qui  lui  donnait  des  leçons ,  elle  me  forçait  à  la  suivre 
dans  tous  ses  exercices;  et  j'eus  plusieurs  querelles  avec  quel- 
ques uns  de  mes  amis  qui  m'avaient  dit  que  nous  jouions  une 
comédie  à  cheval,  dans  laquelle  il  leur  paraissait  que  je  ne 
remplissais  pas  le  rôle  principal. 

Nous  touchons  à  la  fin  de  cette  triste  épopée  de  caprices , 
d'aventures,  de  foUes  dont  la  variété,  la  rapidité,  la  forme 
en  quelque  sorte  intellectuelle  que  leur  avait  données  celle  qui 
en  était  l'héroïne ,  m'avaient  dérobé  le  fond.  Ce  n'était  pas 
impunément  que  Palmire  avait  eu  des  relations  avec  des  gens 
de  bourse,  des  hommes  d'argent;  la  déUcatesse  de  ses  senti- 
ments s'en  était  altérée;  elle  n'avait  plus  cette  finesse  de 


lact  et  d'appréciation  que  la  culture  des  arts  avait  d'abord  fait 
naître  et  développée  ensuite  dans  son  esprit  et  dans  son  cœur. 

Elle  se  mit  h  parler  avec  son  enthousiasme  habituel  du 
talent  d'un  musicien  qui  jouait  du  cornet  à  piston  de  la  ma- 
nière la  plus  délicieuse,  disait-elle.  Comme  cet  artiste  émi- 
nent  tient  une  place  importante  dans  cette  histoire,  permet- 
tez-moi ,  docteur,  de  vous  en  tracer  aussi  le  portrait  ;  ce  sera 
le  dernier. 

X. 
M.  ®scav. 

M.  Oscar  Plumet  s'est  engagé  fort  jeune  dans  les  chasseurs 
en  qualité  de  trompette;  il  a  souvent  changé  de  corps  sans  se 
trop  préoccuper  du  consentement  de  ses  chefs.  En  parlant 
de  ses  exploits  en  Afrique ,  où  il  est  resté  quelque  six  mois , 
il  ne  manque  jamais  de  dire  :  J'étais  à  Mazagran  ,  où  je  vous 
prie  de  croire  qu'il  faisait  un  peu  chaud  !  Agé  de  vingt-cinq 
à  ving-six  ans  ,  il  peut  être  classé  dans  ce  qu'on  appelle  les 
jolis  soldats ,  et  fait  ou  faisait  partie  tout  récemment  d'un 
régiment  de  hussards.  Revêtu  de  son  uniforme  élégant  qui 
accuse  et  dessine  au  mieux  ses  formes ,  il  se  promène  sur  les 
boulevards  et  dans  les  passages  en  se  dandinant  sur  ses  han- 
ches, avec  fatuité  ,  fumant  son  cigare  et  astiquant  ses  mous- 
taches du  pouce  et  de  l'index  d'un  air  vainqueur.  Doué  de 
talents  multiples,  il  professe  l'escrime  et  cumule  ces  fonctions 
avec  celles  de  cornet  à  piston  à  l'orchestre  du  Cirque-Olym- 
pique. C'est  là  que  Palmire  l'entendit  et  que  le  son  strident 
de  cet  instrument  à  la  mode  fit  sur  elle  une  impression  dont 
je  ne  puis  me  rendre  compte.  N'osant  pas  se  mettre  à  jouer  du 
cornet  à  piston  elle-même ,  elle  usa  de  tout  l'empire  qu'elle 
exerçait  sur  moi  pour  m'engager  à  l' apprendre  ;  et  moi , 
dans  mon  abnégation  de  toute  volonté;  que  dis-je?  de  toute 
dignité  d'esprit  et  de  cœur,  je  me  mis  à  souffler  quelques 
heures  par  jour  dans  ce  malencontreux  instrument.  Cette 
femme,  qui  ne  m'aimait  pas ,  —  et  comment  ne  le  voyais-je 
pas  alors!  — me  donna  l'inimaginable  désir  de  rivaliser  cet 
homme.  Je  pris  de  ses  leçons  dans  les  différents  arts  qu'il 
exerçait  d'une  manière  toute  prétentieuse.  J'appris  donc 
l'escrime  :  j'égalai,  je  surpassai  même  mon  illustre  professeur, 
qui  en  vint  à  être  jaloux  de  moi  ;  mais  jamais  je  ne  pus  jouer 
du  piston  aussi  bien  que  lui ,  et  c'était  là  mon  désespoir. 
Notre  émulation  à  tous  trois ,  car  Palmire  faisait  aussi  des 
armes  et  même  fumait  son  cigare  comme  un  vrai  lion  ,  cette 
émulation  était  chose  déplorable  et  grotesque  ,  mais  curieuse 
et  piquante  tout  à  la  fois  pour  l'observateur  de  ces  mœurs 
exceptionnelles. 

XI. 
li®s  giEÎtes  sS'mbb  galep. 
Nous  étions  dans  la  saison  du  carnaval,  et  M.  Oscar,  qui 
joignait  à  ses  brillants  avantages  celui  d'être  un  beau  danseur, 
profitait  de  toutes  les  occasions  de  développer  ce  nouveau 
moyen  de  séduction.  Palmire  en  fut  éblouie  ,  subjuguée,  en- 
traînée, enivrée;  elle  s'associa  à  l'orgie  échevelée,  comme 
disaient  les  romanciers  d'il  y  a  dix  ans ,  aux  folies  infernales 
et  révoltantes  de  ce  temps  où  l'homme  divorce  avec  la  rai- 
son, et  se  livre  à  la  joie  sauvage  et  brutale  qu'il  nomme  les 
plaisirs  du  carnaval. 

Mon  aveuglement  égalant  mon  amour,  je  suivais  Palmire 
dans  un  de  ces  bals  qu'elle  voulait  connaître ,  disait-elle,  une 
fois  dans  sa  vie.  J'espérais  ainsi  la  garantir  des  dangers  de  ces 
tumultes,  atténuer  la  crudité  des  tableaux  qui  pourraient 
frapper  ses  yeux  ou  ses  oreilles  en  l'entraînant  loin  du  heu 
où  s'étalait  le  cynisme  de  ces  tableaux.  Je  la  voyais  curieuse , 
jetant  un  regard  ardent,  rapide ,  investigateur  sur  ce  bouil- 


64 


REMJE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


lonnement  désordonné ,  mais  en  même  temps  craintive  et 
pure  de  ces  excès.  Cependant  ce  désir,  ce  besoin  de  locomo- 
tion élrange  qui  naissent  de  l'atmosphère  enflammée  qu'on 
respire  là ,  de  ce  rhythme  musical  impérieux ,  d'une  harmo- 
nie stridente,  de  ces  éclats  d'une  joie  éclatante  et  féroce  qui 
finissent  toujours  par  ce  cri  :  Galop  général  !  tout  cela  frappe 
de  vertige ,  et  comme  de  rage  cette  foule  de  lycanthropes  hur- 
lant. Alors  coule  rapide  et  brûlante  la  lave  de  ce  volcan  so- 
cial ,  vomissant  une  jeune  aristocratie  qui  se  fait  populaire  à 
sa  façon ,  c'est-à-dire  qui  calomnie  le  peuple;  alors  l'audace 
frénétique  du  langage  se  mêle  au  délire  du  mouvement;  alors 
on  voit  dans  tous  les  yeux  un  désir  immodéré  de  participer  à 
ce  mouvement ,  un  élan  général  de  voix ,  de  bras  et  de  jam- 
bes frémissants  ;  l'apostrophe  impudente  ne  connaît  plus  de 

sexes;  la  débauche  se  tord  dans  toute  sa  hideur 

L'impulsion  générale  était  donnée:  les  poitrines  étaient  op- 
pressées ,  les  corps  se  balançaient  pantelants ,  les  mains  des 
femmes  se  crispaient  sur  les  épaules  des  danseurs,  les  regards 
flamboyaient ,  les  pieds  étaient  levés  !. ..  Comment  se  sous- 
traire à  ce  fluide  magnétiqi  e  ,  à  cette  commotion  électrique 
réitérée  ?  Je  voulus  emmener  Palmire;  il  n'était  plus  temps  : 
nne  sorte  de  fièvre  ,  de  tarentisme  la  dominait.  Oscar  l'avait 
saisie  par  la  taille,  et  au  moment  où  je  m'avançais  pour  la  dé- 
gager de  cette  insolente  étreinte,  cet  homme  dit  à  Palmire  : 
Viens  donc,  ma  chère,  ne  l'écoute  pas!  puis  il  cria  de  sa  voix 
cuivrée  comme  celle  de  son  cornet  à  piston  :  En  avant  le  ga- 
lop !  A  ces  mots,  à  cette  injonction  familière,  une  cruelle  dés- 
illusion m'étreignit  et  me  mordit  au  cœur  ;  tout  mon  passé 
m'apparut  et  se  colora  de  lueurs  rélrospectivcment  sinistres. 
Cette  odieuse  intimité  si  grossièrement  dévoilée  me  découvrit 
toutes  celles  qui  l'avaient  précédée,  et  sur  lesquelles  je  m'étais 
aveuglé  ;  et  dans  ce  moment  où  toutes  les  fureurs  de  la  jalou- 
sie fermentaient  dans  mon  cerveau ,  une  femme  colossale  et 
d'une  force  herculéenne  me  saisit  moi-même  par  le  milieu  du 
corps  ,  me  fait  pirouetter  et  me  force  de  participer  au^alop 
général.  C'est  en  vain  que  je  veux  sortir  du  torrent,  lutter 
même  contre  son  cours,  il  faut  le  suivre,  il  faut  aller,  rouler, 
tourbillonner;  et  nies  jurements  se  perdent  étouffés  dans  les 
hurlements  de  la  joie  générale.  Exaspéré ,  ne  me  connaissant 
plus,  je  saisis  ma  danseuse  par  le  cou  de  manière  à  l'étrangler, 
et  par  conséquent  à  lui  faire  lâcher  prise  ;  nous  tombons  l'un 
sur  l'autre  en  luttant  corps  à  corps.  Tous  les  galopeurs  qui 
sont  derrière,  qui  ne  trébuchent  pas  sur  nous  et  qui  ne  nous 
suivent  pas  dans  notre  chute ,  nous  foulent  aux  pieds  impi- 
toyablement. Enfin  ce  n'est  qu'à  ses  vociférations,  qu'aux  cris 
de  sa  voix  enrouée  et  de  taureau,  que  je  m'aperçois  que  ma 
danseuse  n'est  autre  qu'un  gros  garçon  boucher  déguisé  en 
femme  et  qui  voulait  rire ,  me  dit-il.  Cette  affaire  ne  pouvant 
avoir  de  suites,  je  me  mets  à  la  recherche  de  Palmire,  que  je 
trouve  assise  et  se  reposant,  pendant  que  M.  Oscar  promenait 
ses  grâces  dans  le  bal. 

—  Autorisez-vous ,  Palmire ,  la  familiarité  avec  laquelle  cet 
homme  vous  a  parlé  ? 

—  Mais. ..  il  faut  bien  vouloir  ce  qu'on  ne  peut  empêcher, 
me  répond-elle  d'un  air  dégagé. 

—  Ainsi  donc  mon  amour,  mon  dévouement  à  tous  vos 
goûts,  à  tous  vos  caprices;  nos  projets  d'avenir,  d'union.... 

—  Oh  !  dame ,  que  voulez-vous?  j'ai  cru  que  vous  n'y  pen- 
siez plus,  moi.  Il  y  a  si  longtemps  de  cela!...  vous  avez  man- 
qué tant  d'occasions!...  et  d'ailleurs ,  mon  cher  Jules,  vous 
n'avez  ni  état ,  ni  position ,  ni  fortune. 

—  O  Palmire  !  est-ce  à  vous  à  me  le  reprocher  ! 

—  Est-ce  que  le  rôle  d'ami ,  de  sigisbé  si  gentil ,  si  com- 
plaisant ne  vous  va  plus?  Vous  étiez  cependant  si... 


—  Assez ,  madame ,  assez  ! 

En  ce  moment  Oscar,  nous  ayant  aperçu ,  nous  rejoignit. 

—  Eh  bien ,  monsieur  le  philosophe ,  me  dit-il ,  vous  qui 
voulez  empêcher  les  autres  de  galoper,  vous  vous  en  êtes  jo- 
liment régalé  à  ce  qu'on  m'a  dit.  Et  le  voilà  racontant,  avec 
une  malice  grossièrement  ironique ,  ma  mésaventure  h  Pal- 
mire, qui  en  rit  comme  une  folle.  J'avais  la  rage  dans  le 
cœur;  mais  j'eus  assez  de  jugement  pour  ne  pas  faire  d'esprit 
concurremment  avec  M.  Oscar,  pour  ne  pas  me  livrer  au 
combat  de  plaisanteries  que  me  présentait  mon  rival  heureux. 
Je  lui  dis  seulement  :  Monsieur,  j'irai  vous  voir  demain  pour 
vous  payer  les  leçons  d'escrime  que  vous  m'avez  données. 

Le  ton  avec  lequel  je  lui  dis  cela  fit  qu'il  comprit  parfaite- 
ment ,  car  il  me  répondit  d'un  air  rodomont  :  Monsieur  mon 
élève,  je  suis  à  vos  ordres. 

Ces  paroles  avaient  été  échangées  si  rapidement  que  Pal- 
mire n'en  saisit  pas  le  sens.  Je  ne  vous  décrirai  pas  minu- 
tieusement mon  duel  avec  M.  Oscar,  docteur,  comme  on  le 
fait  dans  tout  roman  moderne.  Il  vous  suffira  de  savoir  que 
l'élève  donna  une  sévère  leçon  à  son  professeur.  Après  quel- 
ques bottes  rapides ,  aussi  bien  poussées  que  bien  parées  de 
part  et  d'autre  ,  je  traversai  le  bras  de  mon  adversaire ,  qui 
oublia  un  instant  la  vive  douleur  qu'il  éprouvait  pour  criti- 
quer la  manière  dont  il  avait  été  touché.  Le  laissant  sur  le 
terrain  analyser  le  coup  à  ses  témoins ,  je  le  quittai  en  lui  of- 
frant la  revanche,  quand  cela  lui  plairait. 

Le  lendemain  je  reçus  un  coup  au  cœur  plus  terrible  que 
celui  dont  j'avais  blessé  mon  rival.  Dans  une  lettre  ,  où  se 
montrait  la  douleur,  l'anxiété  et  un  grand  desordre  d'idées , 
Palmire  me  disait  :  «  Vous  êtes  un  homme  affreux  !. ..  Je  vous 
»  déteste!...  et  cependant  je  vous  aimais  comme  une  sœur, 
))  comme  une  amie,  et  même  plus  qu'une  amie...  Eh  bien  ! 
»  c'est  lui  maintenant  que  j'aime,  car  il  souffre  pour  moi.  Je 
1)  sais  que  vos  projets  de  vengeance  ne  doivent  point  se  borner 
»  là;  mais  j'emploierai  tous  les  moyens  possibles  pour  enem- 
»  pêcher  la  réalisation  :  le  sacrifice  de  ma  vie  même  me  coû- 
»  tera  peu  pour  sauver  la  sienne...  etc.,  etc. 

Inconcevable  aveuglement  de  femme  !  m'écriai-je  avec  fu- 
reur en  lisant  cette  lettre.  Quelle  abnégation  de  soi  !  Et  pour 
un  homme  de  cette  valeur  ! 

Je  restai  plongé  pendam  plus  de  quinze  jours  dans  une  mé- 
lancolie profonde.  Ayant  résolu  de  ne  plus  revoir  Palmire , 
auprès  de  qui,  me  dit-on,  mon  rival  jouait  le  rôle  intéressant 
de  blessé;  aimant  cette  femme  plus  que  jamais,  ma  tristesse 
se  changea  en  profond  dégoût  de  la  vie  :  je  me  dis  qu'il  était 
temps  d'en  finir  avec  l'existence  ;  et  cette  pensée  devint  une 
résolution  invariable,  lorsqu'il  y  a  deux  jours  je  reçus  la  lettre 
dont  vous  m'avez  parlé  avant  que  je  ne  commençasse  ce  récit. 
Cette  lettre  ,  dont  l'envoi  est  sans  dçute  une  sotte  vengeance 
de  mon  rival,  cette  lettre  ,  qui  ne  contient  qu'une  vaine  for- 
mule, a  pour  moi  quelque  chose  de  plus  significatif,  quelque 
chose  d'atroce  et  de  grotesque  tout  à  la  fois  ;  elle  m'humilie 
dans  ce  que  je  crois  valoir,  elle  m'humilie  pour  la  femme  que 
j'élevais  si  haut  dans  mon  cœur,  que  j'ai  tant  aimée...  et  que 
j'aime  encore,  docteur.  Tenez,  voici  cette  lettre  : 

«  M.  etM°°  Plumet,  marchands  de  brosses  et  autres  objets 
»  en  crins,  rue  aux  Fers,  10,  ont  l'honneur  de  vous  faire  part 
»  du  mariage  de  M.  Oscar  Plumet,  professeur  d'escrime  et  de 
»  cornet  à  piston,  avec  M""  Madeleine,  Palmire  de  Sabran, 
»  artiste  dramatique.  » 

Cette  bravade ,  mélange  d'insulte ,  d'esprit  mercantile  et 
de  ridicule,  excita  ma  colère  au  dernier  point.  Je  voulus  d'a- 
bord aller  trouver  celui  que  j'étais  fondé  à  croire  l'auteur  de 
cet  insolent  envoi ,  et  lui  donner  une  seconde  et  plus  sérieuse 


DE  PARIS. 


65 


leçon  que  la  première  ;  et  puis  je  vis  les  craintes ,  les  pleurs, 
le  désespoir  de  Palmire,  sa  haine ,  suite  de  raa  vengeance... 
Je  méditai  deux  jours  sur  ma  situation  ,  et  je  vis  qu'il  n'y 
avait  que  moi  à  punir  dans  tout  cela  pour  m'être  laissé  do- 
miner par  une  passion  qui  m'a  fait  mettre  en  oubli  ma  dignité 
d'homme  ,  et  qui  m'avilit  sans  doute  à  vos  yeux  comme  aux 
miens.  Vous  voyez  bien,  docteur,  qu'il  faut  que  j'en  finisse 
avec  la  vie. 

Le  docteur  dit,  après  un  long  silence  qui  suivit  ce  récit: 
Vous  êtes  en  effet  tombé  bien  bas,  mon  pauvre  Jules;  mais  je 
ne  désespère  pas  de  vous  tirer  du  précipice  :  j'ai  des  moyens 
rationnels  et  puisés  dans  la  nature.  Le  premier  et  le  plus 
simple ,  c'est  d'abord  le  repos  indispensable  après  la  longue 
narration  que  vous  venez  de  me  faire.  Ce  que  je  vous  dirai 
demain  à  votre  réveil  vous  ouvrira  une  vie,  des  idées,  un 
monde  nouveaux  dans  lesquels  il  faudra  bien  que  vous  entriez 
malgré  que  vous  en  ayez...;  mais  vous  êtes  trop  agité  mainte- 
nant pour  m'écouter,  et  subir  mon  traitement...  A  demain 
donc,  et  bonne  nuit. 

—  Soit ,  à  demain ,  docteur. 

XIL 

Jules  était^éveillé  de  bonne  heure  et  debout  lorsque  le  doc- 
teur entra  chez  lui.  Mon  ami,  dit  celui-ci,  je  vais  rapidement 
au  fait,  et  j'y  suis  d'autant  plus  obligé  qu'on  m'a  remis  hier, 
lorsque  je  suis  rentré  chez  moi,  une  lettre  fort  importante  et 
qui  vous  concerne.  Par  cela  mèftie,  il  faut  que  je  vous  parle 
un  peu  de  moi. 

Dans  mon  séjour  en  Amérique,  j'aimais  comme  un  fou, 
comme  un  extravagant ,  comme  vous  enfin ,  une  créole  belle, 
sensible,  exaltée  à  l'excès,  et  pour  qui  je  fis  aussi  toutes  sortes 
de  folies.  Elle  mourut  en  me  donnant  un  fils.  Soit  froideur 
pour  ce  fds,  dont  l'existence  me  coûtait  la  vie  de  sa  mère, 
soit  l'amour  de  la  science,  à  laquelle  je  me  hvrai  tout  entier 
après  cette  perte  cruelle,  soit  la  crainte  de  tomber  dans  les 
faiblesses  paternelles  que  j'avafs  toujours  ridiculisées,  soit 
toutes  autres  raisons,  peut-être  condamnables,  je  confiai ,  je 
donnai  ce  fils  à  un  ami,  qui  n'avait  pas  d'enfant,  et  qui  re- 
venait en  Europe  ,  en  lui  remettant  la  moitié  de  ma  fortune  , 
pour  l'employer  comme  il  jugerait  convenable  de  le  faire.  Ce 
fils,  Jules....  c'est  toi. 

—  Jloi ! 

—  Toi-même. 

Pendant  que  Jules  reste  muet  d'étonnement  et  ne  sait  que 
penser  de  celte  confidence,  le  docteur  ajoute  :  —  Le  négo- 
ciant aussi  probe  que  hardi ,  l'honnête  homme  qui  t'a  élevé 
et  qui  t'aimait  peut-être  trop  raisonnablement  pour  le  cœur 
aimant  que  tu  tiens  de  ta  mère  ,  pour  que  tu  l'aimasses  toi- 
même  avec  la  tendresse  qui  est  en  toi ,  cet  honnête  homme 
remplit  scrupuleusement  mes  intentions  ;  mais  je  vois  avec 
douleur  que  privé  en  naissant  du  bonheur  de  voir,  de  con- 
naître, d'embrasser  la  mère ,  tu  n'as  pu  même  appuyer  ton 
cœur  sur  deux  affections  paternelles  équivoques ,  et  que  je 
porte  ainsi  moi-même  la  peine  de  ma  singularité ,  de  mon  fol 
amour  de  la  science  et  de  mes  excentricités  sociales. 

—  Ah!  doct...  ah!  mon  père ,  pardon  ;  mais  la  surprise 

Et  ce  père  et  ce  fils,  si  singulièrement  réunis,  restent  si- 
lencieusement dans  les  bras  l'un  de  l'autre  durant  quelques 
instants  ,  après  quoi  le  docteur  reprend  : 

—  La  lettre  quej'ai  trouvée  chez  moi  m'apprend  que  mon 
excellent  ami,  que  ton  second  père  vient  de  mourir,  laissant  j 
une  fortune  dont  on  soupçonnait  bien  l'imporlanec ,  mais  j 
qu'on  n'aurait  jamais  crue  aussi  considérable.  Sans  famille  et  ! 


sans  héritiers ,  il  dit  dans  son  testament  que  le  principe  de  sa 
fortune  lui  venant  de  la  somme  que  je  lui  ai  confiée  et  dont 
je  ne  lui  ai  jamais  demandé  aucun  compte,  il  croit  juste  de 
me  léguer  la  moitié  de  cette  fortune  qui  se  monte  à  quatre 
millions  ;  et  quant  à  toi,  il  te  laisse  également  deux  millions, 
à  la  condition  expresse  cependant ,  car  c'était  un  homme  con- 
séquent et  qui  tenait  à  ses  idées ,  dit  le  docteur  en  souriant , 
que  tu  te  feras  recevoir  avocat. 

—  Deux  millions  !  ah  !  mon  dieu ,  si  je  l'avais  su  avant  le 
mariage  de  Palmire  ! 

—  Et  maintenant,  continue  le  docteur,  laissant  passer 
comme  ne  l'ayant  point  entendue  l'exclamation  échappée  au 
cœur  si  profondément  blessé  de  son  fils,  nous  devons  penser 
h  honorer  la  confiance,  l'affection  et  la  mémoire  d'un  homme 
laborieux ,  intègre ,  éminent ,  qui  nous  a  traités  en  frère  ,  en 
fils  chéris.  Si  je  l'avais  cru  une  âme  semblable  à  celles  des 
jeunes  gens  de  notre  époque,  je  t'aurais  annoncé  tout  d'abord 
la  nouvelle  qui  te  rend  possesseur  d'une  si  brillante  fortune  ; 
mais  je  pense  que  tu  as  en  toi  le  noble  désir  de  valoir  quelque 
chose  par  ton  mérite  personnel.  Sous  ce  rapport ,  de  grands 
biens  te  sont  venus  d'un  grand  mal  :  c'est  la  condition  de  la 
faible  humanité;  elle  ne  devient  forte  que  par  la  lutte.  Il  y  a 
encore  danger  pour  toi  ;  mais  il  disparaîtra  si  tu  veux  le  bra- 
ver, si  tu  l'attaques  de  front.  Eh  quoi  !  la  patience,  des  études 
obstinées ,  profondes ,  fructueuses  t'ont  rendu  apte  aux 
sciences,  aux  arts,  même  au  barreau,  dit  en  souriant  le  doc- 
teur, et  tu  ne  serais  pas  propre  à  faire  un  homme  !  Allons , 
Jules ,  tu  as  dans  ton  cœur  et  dans  ton  esprit  éclairé  plus  de 
moyens  qu'il  n'en  faut  pour  te  guérir  ;  et  si  tu  veux  te  laisser 
guider  par  moi. . . 

—  Je  ferai  tout  ce  que  vous  voudrez  ,  mon  père. 

—  Fort  bien.  iN'est-ce  pas  au  Cirque-Olympique  C[ue  ,  le 
soir,  cette  belle  si  dangereuse  a  élu  domicile  ? 

—  On  me  l'a  dit. 

—  Eh  bien  !  nous  irons  aujourd'hui  ;  je  connais  le  direc- 
teur de  ce  théâtre. 

—  Aller  au  Cirque  ,  y  pensez-vous? 

—  Eh  pourquoi  pas?  oh  !  songe  que  je  veux  carte  blanche. 
Je  n'ai  point  d'ailleurs  de  projet  arrêté,  et  nous  agirons  se'.on 
les  éventualités ,  comme  on  dit  dans  le  langage  politique  à  la 
mode. 

—  Soit ,  je  vous  suivrai. 

Le  soir  venu,  le  docteur  et  Jules  vont  à  ce  théâtre  dont 
l'intérieur  offre  à  l'observateur  une  physionomie  toute  par- 
ticuUère.  Les  acteurs  à  quatre  pieds  ,  mêlés  aux  groupes  des 
artistes  bipèdes,  montrent  autant  de  débonnaireté  dans  l'inti- 
mité dramatique  qu'ils  déploient  d'ardeur  simulée  et  d'adresse 
dans  les  charges  de  cavalerie  et  dans  les  combats  qu'ils 
livrent  devant  le  public.  Il  est  sans  exemple  qu'un  cheval 
marche  sur  le  pied  d'un  homme  dans  cette  espèce  de  foire 
théâtrale.  Les  vrais  chevaux,  pour  la  brutalité,  sont  moins  dans 
le  Cirque  et  les  écuries  contiguës  aux  coidisses  que  parmi 
ceux  qui  remuent  les  châssis,  ou,  pour  parler  d'une  façon  plus 
technique ,  les  portants  ikc.  ces  coulisses.  Aux  cris  du  machi- 
niste :  Gare  de  là  !  dans  les  entr'actes ,  se  mêlent  les  chants 
des  acteurs,  des  actrices,  les  préludes  des  musiciens,  les  hen- 
nissements des  chevaux,  et  l'odeur  des  incongruités  qu'ils 
font  sur  les  planches  du  théâtre ,  unie  à  celle  de  la  poudre  que- 
l'on  brûle  dans  chaque  pièce  en  l'honneur  de  l'honneur  fran- 
çais. Le  culte  de  la  galanterie  française  n'est  pas  là  très  épuré 
non  plus ,  et  il  y  règne  presque  un  aussi  mauvais  ton  que 
dans  les  coulisses  de  l'Opéra. 

Palmire  avait  déjà  passé  tour  à  tour  de  la  coquetterie  à  la 
dignité,  de  son  ancienne  familiarité   aux  agaceries;  mais 


66 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


grâce  aux  instructions  du  docteur,  Jules  gardait  assez  bien 
son  sang-froid  devant  ce  manège,  lorsqu'un  accident  trop 
fréquent  clans  les  théâtres,  et  dont  un  journal  de  spécialité 
dramatique  signalait  utilement  les  causes  il  y  a  quelques 
jours ,  vint  donner  un  tout  autre  cours  aux  idées  du  docteur. 

XIII. 

Le'docteur  et  Jules  venaient  d'entrer  sur  la  scène  pendant 
un  entr'acte  ;  on  changeait  la  décoration ,  lorsqu'ils  entendent 
un  cri  perçant  de  femme  auquel  répond  un  cri  général.  Cha- 
cun s'élance  vers  le  fond  du  théâtre  d'oii  est  parti  ce  cri ,  et 
l'on  voit  une  femme ,  Palmire ,  car  c'était  elle ,  renversée , 
évanouie  et  couverte  de  sang.  Un  portant ,  échappé  des  mains 
d'un  garçon  de  théâtre ,  exécutant  maladroitement  un  chan- 
gement de  décor,  était  tombé  d'aplomb  sur  le  front  de  Pal- 
mire  ;  et ,  de  ses  saillies  chantournées  figurant  les  aspérités 
anguleuses  d'une  ruine ,  avait  déchiré  la  figure  et  l'épaule 
gauche  de  la  pauvre  jeune  femme.  Une  clameur  d'indigna- 
tion et  de  pitié  générale  s'éleva.  La  douleur  profonde  et  mys- 
térieuse de  Jules  ne  se  décrit  pas.  Son  père  la  sentit  ;  mais 
plus  maître  de  son  émotion ,  il  prit  lui-même  la  blessée  dans 
ses  bras  et  la  porta .  dans  sa  voiture  pour  la  conduire  chez 
elle.  Son  fils  et  le  médecin  du  théâtre  l'accompagnèrent  seuls. 
Transportée  sur  sou  lit,  elle  revint  à  la  vie,  et  tout  l'amour 
vivace,  immense,  que  Jules  ressentait  pour  celte  femme  de- 
puis six  ans ,  sembla  revivre  aussi ,  et  tout  les  pleurs  que 
peut  verser  un  homme  coulèrent  des  yeux  du  pauvre  Jules. 
La  malade  souffrait  horriblement.  La  fièvre  se  déclara ,  et 
bientôt  le  délire  la  suivit.  Jules ,  joignant  et  tordant  ses  mains, 
implorait  la  science  de  son  père  ;  il  disait  au  médecin  du 
théâtre  :  Monsieur,  je  vous  en  supplie ,  sauvez-la ,  sauvez-la  ! 
C'était  chose  triste  h  voir  que  le  coup  d'œil  scrutateur,  in- 
quiet ,  impuissant,  de  ces  trois  hommes  de  l'art  sur  les  phases 
de  cette  fièvre  qui  devenait  de  plus  en  plus  intense.  Le  jeune 
médecin  qui  était  là  et  qui  professait  les  doctrines  modernes , 
parlait  de  saigner  fortement ,  de  glacé  sur  la  tête  pour  évi- 
ter la  congestion  cérébrale;  et  Jules  se  rangeait  à  cet  avis. 
Son  père ,  plus  expérimenté ,  vit  que  la  mort  était  imminente 
en  suivant  ce  traitement.  Une  pensée  cruelle ,  diabolique , 
traversa  le  cerveau  de  cet  homme ,  de  ce  père  qui  n'avait 
pas  su  l'être.  Il  se  dit  mentalement  :  Celte  femme  a  été  fatale 
à  mon  fils;  sa  vie  est  une  erreur  dangereuse  de  la  nature. 
Pourquoi  prolongerais-je  cette  erreur  quand  les  suites  d'un 
accident  fortuit  peut  nous  en  délivrer  ?  Un  médecin  animiste 
dirait  à  m.a  place  que  ce  fait ,  que  cet  accident  est  providen- 
tiel ;  et  d'ailleurs  ils  sont  deux  contre  moi ,  il  y  a  majorité , 
comme  parmi  nos  grands  législateurs  du  jour.  Pourquoi  ar- 
rêter cette  justice  mystérieuse ,  qui  fait  que  la  victime  va 
frapper  son  bourreau  croyant  la  sauver?...  Sophiste!  vas-tu 
le  faire  hypocrite  devant  ta  propre  pensée  et  dans  ta  religion 
scientifique  ? 

Ces  arguments ,  qui  avaient  traversé  l'esprit  du  docteur 
dans  l'espace  de  quelques  secondes ,  firent  place  à  une  pensée 
plus  philanthropique. 

Et  puis  il  hésite  en«ore,  et  puis....  il  laisse  faire. 

Et  la  pauvre  jeune  femme  succombe  sous  les  assauts  d'un 
traitement  d'un  système  qu'on  abandonne  tous  les  jours , 
celui  de  l'extraction  du  sang  dans  les  maladies  aiguës ,  inflam- 
matoires, système  qui  a  tué  Casimir  Perrier,  le  général  La- 
marque  ,  le  prince  de  Castelcicala  et  tant  d'autres. 

Henri  Blanchard. 


ACADÉMIE  ROY.ISJ:;  OE  MUSIQUE. 

LADY  HENRIETTE, 

ou 

BALLET  EN  3  ACTES  , 

par  MM.  de  Saint-Geokges  et  Mazilier; 

musique  de  MM.  de  FjlOTOW,  Bdrgmuller  et  Deloevez; 

décors  de  M.  Ciceri. 

(Première  représentation.) 

es  grandes  dames  ont  souvent  des  caprices ,  c'est 
leur  état.  Vous  connaissez  le  caprice  que  l'ennui 
suggère  à  la  marquise  de  Clainville  dans  la  Ga- 
^  genre  imprévue  :  c'est  aussi  l'ennui  qui  inspire 
à  lady  Henriette,  première  dame  d'honneur  de  la 
reine  Anne ,  l'idée  de  se  mêler  à  de  jeunes  servantes ,  de 
prendre  leur  costume  et  d'aller  avec  elles  au  marché  de 
Greenwich ,  où  les  fermiers  des  environs  viennent  s'approvi- 
sionner de  cette  espèce  de  denrée."  Lyonnel  aperçoit  lady  Hen- 
riette et  la  trouve  à  son  gré  :  le  marché  se  conclut  par  devant 
l'alderman.  Voilà  donc  lady  Henriette  servante  pour  rire,  et 
le  pauvre  Lyonnel  amoureux  pour  tout  de  bon ,  amoureux  au 
point  de  rompre  avec  sa  fiancée  et  de  s'engager  dans  les  troupes 
de  sa  majesté,  quand  lady  Henriette  juge  à  propos  de  quitter 
brusquement  son  service. 

Lyonnel ,  devenu  soldat ,  sauve  les  jours  de  la  reine  et  de- 
vient officier  de  sa  garde.  En  cette  qualité ,  il  entre  au  palais  ; 
il  assiste  au  spectacle,  danslequella  reine  et  ses  dames  d'hon- 
neur se  sont  distribué  des  rôles.  Il  reconnaît  sa  servante 
fugitive  dans  la  grande  dame  chargée  du  rôle  de  Vénus ,  et  il 
devient  fou,  comme  cela  ne  pouvait  manquer  en  pareille  oc- 
currence. 

On  arrête  Lyonnel ,  on  le  met  à  Bediam ,  où  nous  le  re- 
trouvons en  nombreuse  compagnie  d'aliénés  de  tout  sexe ,  de 
tout  âge  et  de  toute  profession.  Heureusement  pour  lui, 
lady  Henriette  est  bonne  et  tendre ,  quoique  grande  dame  : 
elle  veut  guérir  le  mal  causé  par  son  caprice,  en  reprenant 
les  habits  de  servante  et  en  épousant  Lyonnel ,  avec  la  per- 
mission de  la  reine,  qui  ne  peut  rien  refuser  à  son  sau- 
veur. 

Tel  est  le  cadre  du  ballet  nouveau ,  ballet  varié  de .  situa- 
tions, de  paysages,  de  costumes,  ballet  joyeux  et  pathétique, 
ballet  digne  de  l'auteur  de  la  Gipsij  et  de  la  Jolie  fdle-de 
Gand.  Puisque  l'on  voulait  dessiner  un  rôle  principal  pour 
M""  Adèle  Dumilatre,  on  ne  pouvait  rencontrer  mieux 
que  le  personnage  de  lady  Henriette,  où  il  y  a  de  la  gentillesse 
et  de  la  dignité ,  de  la  grâce  et  du  sentiment ,  de  la  coquette- 
rie et  de  la  décence.  L'avènement  de  la  jeune  danseuse  ne 
portera  nulle  atteinte  à  la  royauté  de  Carlotta  Grisi,  mais,  après 
Carlotta  Grisi,  vive  Adèle  Dumilatre!  Avec  le  système  des  con- 
gés, l'Opéra  n'a  pas  trop  d'une  reine  et  d'une  vice-reine. 
IPetitpa  s'est  grandement  distingué  dans  le  rôle  de  Lyonnel , 
et  Coralli  fils  dans  celui  d'un  fou  dansomane.  ÉUe,  Barrez , 
M"'=  Maria  et  Mai-quet  ont  très  bien  rempli  les  autres 
rôles. 

Parlons  de  la  musique  et  des  trois  compositeurs.  Le  pre- 
mier acte  est  le  plus  riche  en  mélodies  élégantes  et  fines  :  il  est 
de  M.  de  Flotow.  Le  second  tourne  un  peu  trop  autour  de  la 
valse  de  Giselle  et  l'instrumentation  laisse  beaucoup  à  désirer  : 
il  est  de  M.  Burgmitller.  Le  troisième  atteste  la  main  exercée 
d'un  musicien  qui  connaît  toutes  les  ressqurces  de  son  art  : 
il  est  de  M.  Deldevez. 


DE  PARIS. 


67 


Ciceri  a  peint  les  décors  à  lui  tout  seul ,  et  plusieurs  de  ses 
tableaux  sont  ravissants. 

P.   S. 


SUR 

EUS  COI?CS£lTS  Itm  £>A  SEMAXDÎf. 

ous  les  galops  du  carnaval  ayant  cessé  ,  nous 
pensons  que  les  concerts  vont ,  à  leur  tour, 
arriver  au  galop,  quoiqu'il  s'en  soit  déjà  donné 
un  assez  bon  nombre.  Le  dernier  de  la  se- 
maine dernière  auquel  nous  avons  assisté,  et 
dont  nous  avons  dû  ajourner  le  compte-rendu  faute  de  place, 
est  celui  qui  a  été  offert  aux  amateurs  de  musique  d'un  joli 
genre,  dans  les  salons  du  facteur  Rinaldi,  boulevard  Saint- 
Denis.  Celte  séance  musicale  (/o?!Hee  par  M.  Louis,  composi- 
teur-pianiste-violoniste, connu  par  la  musique  facile  et  agréa- 
ble qu'il  écrit  pour  ces  deux  instruments,  avait  pour  but  de  faire 
entendre  quelques  morceaux  d'un  opéra  que  ce  compositeur 
destine  au  théâire  de  Lyon.  Ces  morceaux  seraient  remarqués 
sur  notre  seconde  scène  lyrique ,  s'il  était  permis  à  tous  com- 
positeurs sans  précédents  dramatiques  d'y  arriver.  Nous  avons 
entendu  un  fort  bon  duo  pour  ténor  et  basse  assez  bien  inter- 
prété, quoiqu'un  peu  timidement,  par  SBl.  Camille  Delsarte 
et  Bussiue.  Plusieurs  mélodies  gracieuses  de  M.  Louis  et  de 
M.  Bérat  ont  été  dites  avec  expression  par  M""  Iwens-d'Oen- 
nin  ,  qui  a  même  chanté  d'une  façon  remarquable  un  air  de 
la  Reine  de  Chypre.  Dans  sa  velléité  dramatique,  M.  Louis 
n'a  pas  déserté  sa  mission  de  compositeur  instrumental,  et  il 
nous  a  fait  entendre,  par  l'intermédiaire  de  MW.  Bernardin 
et  Montaubry ,  une  fort  jolie  symphonie  concertante  pour 
deux  violons.  Nous  n'aurions  que  des  félicitations  à  adresser 
aux  deux  exécutants  sur  l'ensemble  avec  lequel  ils  ont  rendu 
ce  moixeau ,  si  le  premier  n'avait  l'habitude  de  monter  son 
violon  un  peu  haut  et  de  jouer  idem.  Cela  ne  l'a  pas  empêché 
de  fort  bien  exécuter  un  trio  pour  piano,  violon  et  basse  de 
M.  Louis ,  dans  lequel  il  a  été  on  ne  peut  mieux  secondé  par 
M.  Viereck  et  M"°  Rinaldi ,  pianiste  craintive,  mais  de  talent. 
Si  Titus  avait  pu  assister  à  cette  matinée  musicale ,  il  n'aurait 
pas  dit  :  J'ai  perdu  ma  journée. 

— M.  Henry  Cohen  est  un  chanteur  et  un  compositeur  con- 
sciencieux ;  il  a  donné  un  grand  concert  vocal  et  instrumen- 
tal dans  la  salle  Herz,  il  y  a  quelques  jours.  On  y  a  applaudi 
une  ouverture  de  sa  composition  ,  à  grand  orchestre.  M"°  Ju- 
lie Vavasseur  a  dit  dans  de  bonnes  traditions  vocales  un  air 
d'ArioJant  de  Méhul.  M.  Mecatti  s'est  fait  fort  applaudir 
dans  un  air  délia  Marianna  d'Inghilterre,  que  le  programme 
nous  a  dit  être  de  sa  composition.  M.  Oiîenbach  a  chanté  sur 
son  violoncelle  sa  suave  prière  et  son  gentil  boléro,  auquel  on 
désirerait  assez  qu'il  donnât  quelques  successeurs;  et  puis 
M°"  Sabatier,  la  fleur  de  tout  concert,  est  venue  embellir 
celui-ci  de  sa  présence  et  de  ses  gentilles  étincelles  musicales, 
qui  en  ont  été  comme  à  l'ordinaire  le  bouquet. 

—  Le  violoncelliste  à  la  manière  large  et  puissante ,  M.  Che- 
villard ,  a  donné  aussi  sa  matinée  musicale  chez  Pleyel  ;  et , 
bien  que  le  pianiste  Halle,  annoncé  sur  le  programme,  ait  fait 
défaut,  le  public  toujours  bienveillant  des  concerts  s'est 
tenu  pour  satisfait  de  voir  remplacer  le  brillant  pianiste  par 
M"°  Clara  Loveday,  la  brillante  pianiste.  Le  ténor  Révial , 
qui  a  été  renouveler  sa  voix  et  sa  méthode  en  Italie ,  a  chanté 
dans  ce  concert  de  façon  à  se  faire  justement  applaudir.  Jl  a 
fait  des  progrès  remarquables ,  et  il  serait  à  désirer  qu'on 


l'entendît  plus  souvent  pour  bien  l'apprécier.  Une  heure  après 
cette  séance  d'assez  bonne  musique,  nous  avons  assisté  à  une 
autre  séance  de  bonne  musique  donnée  par  M.  Halle,  le 
manquant  au  concert  ci-dessus,  attendu  qu'il  en  donnait  un 
le  même  jour  chez  lui ,  il  que,  suivant  le  vieux  proverbe  , 
charité  bien  ordonnée  commence  par  soi-même. 

—  M.  Halle  a  charmé  son  auditoire  comme  toujours  par 
la  netteté ,  l'expression ,  le  brio  de  son  exécution  ;  mais  sur- 
tout en  s'identifiant  corps,  àme  et  doigts  avec  Beethoven, 
Mendclssohn  et  Hcllcr.  La  Truite  de  ce  dernier,  morceau 
délicieusement  transcrit  de  Schubert  et  arrangé  pour  piano 
seul,  et  le  feiâUet  d'album  extrait  des  Éludes  de  Hcllcr,  ont 
fait  le  plus  grand  plaisir.  Quelques  unes  des  -pensées  fugi- 
iices  du  même  et  d'Ernst  pour  piano  et  violon  ont  été  dites 
par  MM.  Ernst  et  Halle  avec  cet  ensemble  de  verve  et  d'ex- 
pression qui  caractérisent  ces  deux  virtuoses. 

• — '  M""  la  comtesse  de  Lucotle ,  dans  la  dernière  soirée 
qu'elle  a  donnée,  a  fait  entendre  pour  la  seconde  fois  la  jeune 
pianiste  de  douze  ans  qui  a  nom  Borchard  t,  que  le  protc 
nous  a  fait  appeler  une  jeune  actrice,  au  lieu  de  la  quahfica- 
tion  de  jeune  artiste  que  nous  lui  avions  donnée  dans  un  de 
nos  précédents  articles.  Elle  a  joué  le  concerto  de  Weber  avec 
une  sûreté ,  un  sentiment  du  style  de  l'auteur,  qui  annoncent 
un  brillant  avenir  à  celte  précoce  et  charmante  virtuose. 

-—  M.  Alexis  de  Garaudé  ,  M.  ^César-Auguste  Franck  et 
M""  Clara  Loveday  donnent  aussi  chez  eux ,  d'une  manière 
toul-à-fail  désintéressée ,  d'intéressantes  matinées  musicales 
pour  le  chantetle piano,  ces  deux  organesprincipauxde  toute 
musique  en  France  ,  et  d'une  puissance  si  attractive.  Nous 
reviendrons  sur  ces  séances ,  qui  font  faire  plus  ou  moins 
de  progrès  à  l'art. 

Henri  Blanchard. 


LA  DOULKCR   D'UNE  MÈRE. 

Sessia  de  Qavarni. 

Il  y  a  une  loi  sur  le  sacrilège  pour  protéger  la  majesté 
des  lieux  saints.  Il  y  a  une  censure  pour  empêcher  que  sur 
le  théâtre  on  ne  tourne  en  ridicule  les  choses  dignes  d'admi- 
ration et  d'amour.  Il  n'y  a  ni  censure  ni  loi  qui  défende  à 
certains  chanteurs  de  faire  rire  dans  les  salons  aux  dépens 
des  sentiments  les  plus  respectables.  La  Douleur  d'une  mire, 
par  exemple  !  est-ce  qu'il  devrait  être  permis  de  s'en  consti- 
tuer l'organe  quand  la  nature  vous  a  doué  d'une  laideur  gro- 
tesque ,  et  que  l'on  a  pris  à  tâche  d'exagérer  prodigieusement 
ce  que  l'on  tient  de  la  nature?  La  Douleur  d'une  mère  avec 
un  visage  affreux  et  une  toilette  bouffonne!  La  DovJenr  d'une 
mère  avec  une  cravate  à  grandes  pointes  et  un  camélia  à  la 
boutonnière  !  Il  était  temps  de  mettre  une  glace  devant  la 
physionomie  de  ce  monsieur.  S'il  ne  se  tait  pas ,  c'est  qu'il 
est  aveugle,  et  alors  je  vous  souhaite  d'être  sourd. 


PROGRAMME  DU  CINQUIÈME  CONCERT 

offert  auï  :2lbonnés  îic  la  ©ajctlc  musifule 

QUI    AURA  LIEU 

VENDREDI,  1"  ESAXLS, 

DANS  LA  SALLE  DE  MM.  PLKYEL  ET  C,  20,  RUE  EOCHECnOUART , 

h  S  fteus'es  ifs'écise», 

1.  Trente-quatrième  Quatuor  d'OnsIov:-,  exécuté  parSSEI.  A!ar(', 
Chevillard  ,  Armiagaud  et  Croisilles. 


es 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


i 


2.  Air  de  Tamerlan  ,  dD  'Winter,  clianlé  par  M.  Flanque. 

3.  Semiramis,  Fantaisie  inédite  pour  le  piano  par  Thalberg,  exé- 

cutée par  Bï.  Georges  SSatbîas. 
4  .  Air  de  Clari  ,  chanté  par  M™'  CapdeviUe. 

5.  Fantaisie    pour    le    \ioIoncelle ,    composée    et  exécutée    par 
Bï.  Piatti. 

C.  Xes  Adieux  de  Savid  à  sa  harpe ,   scène  biblique   de  M.  A. 

Sauiziet:  n:usiquc  de  M.  A.Merniet;  chantée  par  Î3.  SS-évial. 
7.  Fantaisie  pour  la  flûte  ,  exécutée  par  M.  T.  Eotgorsehek. 
S.  ï:e  Moine,  de  Meyerteer,  chanté  par  M.  3Planque. 
9.  Allegro  du  cinquième  Coneerto    de  Beethoven ,    exécuté  par 

SI,  Georges  Mathias, 

Le  Piano  sera  tenu  par  M.  Schimon. 


■  *,'  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire  à  l'Opéra,  les  Hu- 
guenots.—  Demain  lundi ,  lady  Henriette ,  ballet  en  trois  actes,  pré- 
cédé du  Serment, 

*.*  La  représentation  de  Guillaume  Tell,  donnée  mardi  dernier, 
a  été  fort  brillante.  Duprez,  Barroilhet,  M""  Dorus-Gras,oiit  chanté 
à  merveille.  M"=  de  F.oissy,  longtemps  éloignée  de  la  scène  par  une 
grave  indisposition ,  a  reparu  dans  le  petit  rôle  de  Jemmy. 

*.*  M.  HabenecU  est  retenu  chez  lui  depuis  quelques  jours  par  une 
indisposition  douloureuse,  qui  heureusement  touche  à  son  terme. 

*,'  Au  Théâtre-Italien,  demain  lundi,  représentation  extraordi- 
naire au  bénélice  de  M""  Persiani ,  composée  du  I"  acte  de  Norma 
et  i'il  Barbicre. 

V  Corrado  d'AUamura,  de  Ricci  ,  doit  être  représenté  prochai- 
nement. 

V  Le  directeur  du  Théâtre-Italien  est  en  procès  avec  Fornasari, 
et  demande  la  résiliation  de  son  engagement ,  en  se  fondant  sur  ce 
que  cet  artiste,  dont  les  appointements  s'élèvent  à  35,000  fr.,  ne  rem- 
plissant pas  les  conditions  de  son  traité  ,  laisse  constamment  mettre 
son  nom  sur  l'affiche  ,  et  au  moment  de  jouer,  envoie  un  certificat 
de  maladie.  Fornasari  ,  de  son  côté  ,  prétend  justifier  par  des  cer- 
tificats de  médecin  de  son  état  de  soulTrance ,  et  repousse  la  demande 
du  directeur.  L'afi'jire,  appelée  cette  semaine  au  tribunal  de  com- 
merce ,  a  été  remise  à  quinzaine. 

*,*  Un  autre  procès  va  s'engager  probablement  entre  le  même  di- 
recteur et  Ronconi ,  qui ,  par  son  absence  et  son  refus  de  service  ,  a 
fait  manqner  la  représentation  du  liarbier,  annoncée  pour  mardi 
dernier.  VElisire  d'amore  a  été  donné  à  l'improviste. 

,*,  On  parle  encore  delà  prétention  de  l'un  des  auteurs  du  mélo- 
drame delà  Pie  voleuse,  réclamant  sa  part  des  .droits  de  la  Cazza 
ladru  ,  qu'il  ne  porte  pas  à  moins  de  30,000  fr.  Il  est  à  désirer  que 
M.  Vatel  ne  transige  pas  avec  lui ,  comme  il  l'a  fait  avec  les  auteurs 
ae.\i  Grâee  de  Dieu ,  et  qu'un  arrêt  vienne  fixer  la  jurisprudence 
sur  ce  point  important. 

%'  Tandis  que  l'Opéra  Comique  est  en  veine  de  reprises  brillan- 
tes et  productives ,  il  ne  saurait  oublier  un  des  plus  heureux  ou- 
vrages de  notre  célèbre  compositeur,  Berton ,  cette  charmante 
Aime  ,  dont  le  succès  serait  aussi  jeune  demain  qu'il  l'était  il  y  a 
plus  de  trente  ans.  Malheureusement  le  compositeur  n'est  pas  aussi 
jeune  que  son  ouvrage ,  et  il  trouve  qu'on  le  fait  bien  attendre.  Le 
public  est  de  son  avis. 

V  A  Naples ,  le  carnaval  a  été  assez  maussade.  La  direction  de 
San-Carlo  a  fait  v\n  fiasco  complet  avec  la  Catarina  Cornaro  de  Do- 
nizelti.  Les  journaux  de  Naples  traitent  ce  nouvel  ouvrage  du  maes- 
tro fort  sévèrement.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  piquant ,  c'est  que ,  pour 
atténuer  les  torts  de  Donizetti ,  on  fait  remSrquer  que  l'ouvrage 
n'avait  clé  destiné  primitivement  qu'au  public  de  Vienne  ,  et  nul- 
lement à  celui  de  Naples ,  primo  pubblico  del  mondo  ,  comme  on  sait. 
C'est  un  fait  généralement  reconnu  aujourd'hui  que  l'Opéra  de 
Rome  vaut  mieux  que  San-Carlo. 

","  Nous  apprenons  <jue  BIM.  Meyerbeer,  Rossini  et  Fétis  père , 
viennent  de  commander  à  M.  Adolphe  Sax  ,  pour  l'usage  des  divers 
établissements  qu'ils  dirigent,  plusieurs  des  instruments  inventés 
ou  perfectionnés  par  ce  jeune  artiste.  Des  faits  si  positifs ,  et  des  té- 


moignages si  honorables  répondent  victorieusement  aux  attaques  de 
la  malveillance. 

*,*  Nous  nous  proposons  de  rendre  un  compte  détaillé  des  inté- 
ressantes séances  du  Cours  gratuit  d'histoire  et  de  théorie  de  l'har- 
monie de  M.  Fétis  dès  qu'elles  seront  terminées;  mais  nous  ne 
croyons  pas  devoir  attendre  notre  prochain  numéro  pour  en  consta- 
ter l'immense  succès.  L'élite  des  artistes ,  des  amateurs ,  et  beau- 
coup de  littérateurs  et  de  savants ,  qui  ont  assisté  aux  deux  pre- 
mières séances  ,  ont  témoigné  leur  admiration  pour  la  théorie  aussi 
neuve  et  originale  que  lucide  et  simple,  exposée  par  le  savant  pro- 
fesseur, et  pour  son  élégante  et  facile  élocution.  Mous  avons  remar- 
qué beaucoup  de  dames  qui  ,  sortant  du  cours,  exprimaient  leur 
étonnement  d'avoir  compris  sans  difficulté  une  science  que  les  mé- 
thodes ordinaires  environnent  de  tant  d'obscurité,  d'ennui  et  d'a- 
rides spéculations.  On  assure  que  M.  Fétis  se  propose  d'invller  les 
personnes  qui  croiraient  pouvoir  élever  des  objections  à  présenter 
contre  quelques  points  de  sa  doctrine,  à  le  faire  dans  une  dernière 
séance,  où  il  se  livrerait  à  leur  discussion.  Celte  séance  n'aurait 
pas  le  caractère  d'une  leçon,  mais  d'une  conférence.  Nous  rappelons 
à  nos  lecteurs  que  les  deux  dernières  séances  du  Cours  de  M.  Fétis 
auront  lieu  aujourd'hui  25  février  et  jeudi  29  ,  à  midi ,  dans  la  salle 
de  M.  Herz. 

V  Dans  la  dernière  matinée  musicale  de  M""  Polmarlin,  une 
sonate  à  quatre  mains  de  la  composition  de  cette  éminente  artiste 
a  obtenu  le  plus  brillant  succès.  Le  charme  des  mélodies,  la  distinc- 
tion de  l'harmonie ,  l'heureux  enchaînement  des  idées ,  le  caractère 
consciencieux  de  l'œuvre  ,  et  surtout  la  chaleur  soutenue  de  l'inspi- 
ration, ont  révélé  dans  l'habile  pianiste  un  talent  d'invention  très 
remarquable,  et  dont  le  public  a  droit  de  lui  demander  compte. 
Un  coup  d'essai  si  digne  d'attention  ne  saurait  passer  inaperçu. 

V  Dans  une  soirée  donnée  la  semaine  dernière  par  M.  Ségalas , 
le  célèbre  médecin,  et  où  se  Irouvait  l'élite  de  la  société  parisienne, 
on  a  entendu ,  entre  autres  artistes ,  M.  Georges  Malhias ,  ci-devant 
enfant  remarquable,  et  qui  maintenant ,  grandi  de  taille  et  de  ta- 
lent, va  débuter  brillamment  dans  le  monde  compositeur  et  pia- 
niste. Il-a  exécuté  la  magnifique  fantaisie  de  Thalberg  sur  Sémira- 
mide  (encore  inédite) ,  et  qui  remplacera  certainement  sa  fameuse 
fantaisie  sur  Moï^e  ;  et  une  char.Tiante  polonaise-fantaisie  de  sa 
composition,  avec  une  finesse  de  toucher  et  une  expression  bien 
rare  aujourd'hui.  On  a  également  été  charmé  de  la  belle  voix  et  de 
la  parfaite  méthode  de  Goldberg,  baryton  qu'on  a  déjà  entendu 
dans  les  concerts  de  la  Gazette  musicale.  Les  honneurs  de  la  soirée 
ont  élé  pour  ces  deux  artistes. 

*,*  La  première  séance  du  cours  d'un  nouveau  genre ,  entrepris 
par  M.  de  Garaudé ,  s'est  tenue  lundi  19,  avec  un  plein  succès.  Les 
artistes-auditeurs  ont  pensé  que  l'idée  en  pouvait  être  fort  utile  à 
l'art ,  et  les  arlistes  exécutants ,  M.  Ponchard  ,  M™«  Couraud  et  Os- 
selin,  qui  ont  chanté  les  morceaux  destinés  à  servir  d'exemp/es  , 
se  sont  acquittés  de  leur  tâche  avec  toute  la.perfection  possible. 

',*  La  deuxième  matinée  donnée  par  M.  Javault  dans  les  salons 
de  M.  Duport  avait  attiré  bon  nombre  d'amateurs  de  musique  de 
chambre:  aussi  les  bravos  ne  lui  ont  pas  fait  défaut  dans  le  beau 
quatuor  en  ta  d'Haydn  et  le  quintette  en  mi  bémol  de  Beethoven. 
Le  huitième  quintette  de  M.  Onslow,qui  devait  terminer  la  séance, 
et  qui  est  venu  en  second,  a  été  parfaitement  rendu  par  MM.  Ja- 
vault, Boucher,  Casimir  Key  ,  Lebouc  et  Gonflé ,  qui  ont  enlevé 
tous  les  suffrages.  La  troisième  séance  aura  lieu  le  dimanche  3  mars 
à  deux  heures.  On  peut  se  procurer  des  billets  chez  M.  Duport,  rue 
Neuve-des-Petits-Champs,  83,  et  chez  M.  Javault,  rue  d'Amster- 
dam, 13. 

,*,  Un  des  admirateurs  de  M'"'  Catalan!  a  fait  graver  le  portrait 
de  la  célèbre  cantatrice  ,  et  en  a  envoyé  un  grand  nombre  d'exem- 
plaires dans  les  principales  villes  de  l'Europe.  Les  traits  de  M""Cata- 
lani,  qui  ont  encore  delà  distinction,  malgré  ses  soixante-quatre  ans, 
vont  être  également  reproduits  parle  célèbre  médailleur  Gerometli. 

","  Le  clergé  catholique  de  Moorfield-Chapel  a  écrit  à  la  veuve  de 
Weber,  pour  lui  oITrir  de  faire  transporter  les  cendres  de  l'illustre 
compositeur  à  Dresde,  et  de  payer  les  frais  du  transport.  Nous  ne 
savons  ce  que  M""»  de  Weber  aura  répondu;  mais  nous  craignons 
que ,  dans  la  position  où  elle  se  trouve  ,  ce  présent  funèbre  ne  de- 
vienne pour  elle  une  charge  de  plus, 

',*  Dœhler ,  un  des  pianistes  le  plus  justement  célèbres  de  notre 
époque,  vient  d'arriver  à  Paris,  Le  jour  de  son  premier  concert 
n'est  pas  encore  fixé,  mais  les  amateurs  et  les  artistes  l'attendent 
avec  trop  d'impatience  pour  qu'il  puisse  tarder  à  les  satisfaire, 

*,*  M.  Seligmann,  l'habile  violoncelliste,  vient  de  publier  une 


DE  PARIS. 


69 


rantaisie  sous  le  litre  de  Souvenirs  de  Monpou,  qui  se  distingue  par 
un  certain  cachet  mélancolique  et  par  des  traits  faciles  et  originaux. 

V  M.  Lacombe,  le  célèbre  planiste,  est  arrivé  à  Paris ,  après 
avoir  donné  les  concerts  les  plus  brillants  à  Bordeaux  et  à  Toulouse, 
où  il  a  obtenu  les  succès  les  plus  complets. 

*,*  Un  jeune  artiste  d'un  talent  remarquable  comme  composi- 
teur donnera  un  concert  le  1"^  mars  à  buit  heures  du  soir,  dans 
la  salle  de  M.  Moreau-Sainti.  Ce  concert,  presque  exclusivement 
consacré  à  l'exécution  de  ses  compositions,  ne  peut  manquer  d'ex- 
citer vivement  la  curiosité.  MM.  Hermann  ,  Carreau  ,  Mulder,  Cor- 
radi,  MasinI,  et  M""  Lia  Duport^Duvillard  et  Slrablbeim  exécu- 
teront un  grand  duo  italien,  une  canlale  religieuse,  un  air  de 
Salmandor,  la  Fiancée  du  Castillan  ,  Ai  tu  m'aimais,  V Andalouse ,  le 
Joyeux  Chasseur,  et  f^ivre  pour  souffrir,  toutes  compositions  de 
M.  Mulder;  puis  une  fantaisie  pour  violon  et  une  autre  pour  vio- 
loncelle, et  l'ouverture  li'Oberoa,  arrangée  pour  piano  et  orgue, 
et  le  célèbre  Aria  di  Chiesa  de  Stradella,  chaulé  di^jà  avec  tant  de 
succès  par  M"=  Lia  Duport  au  dernier  concert  de  la  Gazette  muii- 
cale.  Voilà  plus  qu'il  n!en  faut  pour  attirer  beaucoup  de  monde. 

*,"  M.  Ermel  donnera,  le  3mars  1S'!4,  un  concert  à  grand  orchestre 
dans  la  salle  de  l'École  lyrique ,  rue  de  la  Tour  d'Auvergne ,  n"  IS  , 
à  deux  heures.  On  entendra,  pour  la  partie  instrumentale,  un  trio 
de  Beethoven  pour  deux  hautbois  et  cor  anglais,  exécuté  par  MM.  So- 
1er,  Garimond  et  Triébert  ;  un  solo  de  violoncelle ,  par  M.  OITen- 
bach;  une  symphonie  concertante  à  grand  ochestre  avec  piano,  par 
M.  Ermel,  et,  pour  la  partie  vocale ,  M.  Alberlini  et  M"'  Lia  Duport. 
C'est  un  concert  fort  intéressant. 

V  Le  concert  de  M"«  Jenny  Vény  aura  lieu  dimanche  3  mars  à 
2  heures  ,  dans  les  salons  de  M.  Érard ,  rue  du  Mail ,  13.  Les  noms 
de  MM.  Dorus,  Dancla  frères,  Rignault,  Vény,  Chaudesaigues, 
jimes  fi_  Potier,  Chérie  Couraud,  figurent  sur  ce  programme ,  et 
assurent  à  ce  concert  un  succès  égal  à  celui  précédent. 

%' Dans  un  de  nos  précédents  numéros,  nous  avons  informé  nos 
lecteurs  que  M.  Jelmini  ,  facteur  de  pianos  ,  rue  Saint-Louis  ,  89, 
au  Marais,  avait  été  breveté  pour  l'application  qu'il  a  faite  aux  pia- 
nos droits  ,  des  arjraj'es  à  chevalets  en  cuivre  ;  aujourd'hui  que  l'ex- 
périence a  démontré  l'avantage  de  ce  précieux  perfeclioniicnient , 
nous  venons  rappeler  au  public  une  amélioration  qui  a  pour  but  de 
prévenir  la  rupture  des  cordes ,  conserver  l'accord ,  et  donner  aux 
pianos  une  supérieure  qualité  de  sons. 

",*  ta  Iberia  musical  rapporte  comme  un  témoignage  de  son 
succès  un  fait  qui  paraîtra  bizarre  dans  nos  mœurs ,  et  que  nous 
citons  pour  marquer  le  degré  d'en Ihousiasme  qu'inspire  l'art  musical 
en  Espagne.  Les  rédacteurs  de  ce  journal  s'étaient  réunis  à  un  ban- 
quet le  2  de  ce  mois.  Tout-à-coup,  au  milieu  du  repas,  ils  sont 
agréablement  surpris  par  l'entrée  de  valets  portant  dus  plats  d'ar-" 
gent.  Sur  l'un  étaient  des  bonbons  avec  une  devise  que  voici  :  'i  A 
los  redaclores  delà  Iberia  Musical  y  literaria,  varias  suscritoras  entu- 
siasias  de  la  Juventad  itustrata.  »  L'autre  plat  d'argent  contenait 
divers  présents  offerts  par  les  jolies  abonnées  à  ces  écrivains  qui  se 
sont  faits  les  champions  de  leur  art  favori.  Ces  objets  si  précieux  par 
leur  origine,  tels  qu'un  porte-crayon  en  or,  un  lorgnon  d'or,  un 
souvenir  en  velours,  une  cravate  brodée  ,  etc.,  ont  été  tirés  au  sort 
par  les  heureux  donataires,  qui  ont  ensuite  porté  un  toast  en  l'hon- 
neur des  donatrices  inconnues.  Que  dirait-on  d'une  pareille  scène 
dans  notre  pays,  où  il  est  convenu  que  l'enthousiasme  est  de  plein 
droit  chose  ridicule? 

Cluroiïifjiiie  ëts'aicgère» 

*»'  Berlin.  —  On  ropète  en  ce  moment  le  Chat  botté,  par  TiecU  , 
avec  la  musique  de  M.  Taubert ,  pour  le  bal  masqué  du  prince  de 
Prusse.  M.  Meyerbeer  a  eu  ces  jours-ci  une  audience  du  roi ,  qui 
n'a  pas  accepté  la  démission  offerte  par  l'illustre  maestro.  Sa  Ma- 
jesté lui  a  accordé  un  nouveau  congé  ,  afin  de  terminer  à  loisir  la 
cantate  qui  doit  inaugurer  l'ouverlure  du  nouveau  théâtre  de  l'O- 
péra. A  l'avenir,  la  direction  de  cet  établissement  sera  en  dehors 
des  attributions  de  l'intendant  des  spectacles.  Ainsi ,  jusqu'à  nouvel 
ordre ,  M.  Meyerbeer  restera  à  son  poste ,  à  la  grande  satisfaction  du 
public. 

—  La  pièce  les  Grenouilles,  d'Aristophane  ,  a  été  exécutée  derniè- 
rement par  l'Académie  de  chant.  A  Berlin,  un  journal  dit  que  le 
chanté  par  des  femmes ,  a  fait  un  singulier  effet.  Nous  le  croyons 
yolontiers. 

—  L'ouverlure  du?  Jardin  d'Hiver  de  KroU  vient  d'avoir  lieu  : 
les  salles  sont  très  riches ,  et  offrent  surtout  de  magnifiques  décors 


en  fleurs.  Ce  bel  établissement  a  été  inauguré  par  un  concert,  sous 
la  direction  de  M.  Gaehriich,  maître  de  chapelle,  qui  avait  com- 
posé une  ouverture  pour  la  circonstance. 

','  Pleniie.  — Voici  une  production  tout-à-fait  bizarre,  au  moins 
quant  au  litre:  le  Joueur  et  le  Fossoyeur,  tableau  romantique  et  co- 
mique ;  la  musique  est  de  M.  le  maître  de  chapelle  Proch.  Du  reste , 
c'est  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  connu  :  un  joueur  veut  en  finir  avec 
la  vie ,  et  va  se  brûler  la  cervelle  aux  portes  de  la  maison  de  jeu  ; 
son  père  ,  qui  est  fossoyeur,  vient  le  sauver. 

—  Un  compositeur  allemand  ,  M.  Otto  Nicolaï ,  qui  avait  obtenu 
un  brillant  succès  sur  tous  les  théâtres  d'Italie  avec  II  Templario , 
vient  de  faire  représenter  un  opéra  nouveau  ,  le  Retour  des  bannis, 
qui  a  obtenu  aussi  un  immense  succès. Depuis  le  3jusqu'ausl4  février 
cet  ouvrage  a  eu  quatre  représentations  ,  chose  bien  rare  chez  nous. 
Le  10  mars  aura  lieu  le  sixième  concert  philharmonique,  sous  la 
direction  de  M.  Nicolai.  On  exécutera,  entre  autres  choses  remar- 
quables, la  symphonie  en  ut  de  Mozart ,  la  symphonie  pastorale  de 
Beethoven,  et  un  air  à'Accio  et  Galathea ,  qui  sera  chanté  par 
M.  Staudigl. 

*,"  Scliwerin  (Mecklembourg).  — On  a  représenté  Lucie  de  Lam- 
mermoor,  de  Donizetti  :  succès  fort  tiide  ;  Faust,  avec  la  musique  de 
Lîndpaintner;  le  yampire,  de  Marschner.  Ce  dernier  opéra  a  eu  un 
succès  extraordinaire;  presque  tous  les  morceaux  furent  accueillis 
avec  des  transports  d'enthousiasme.  Le  Braconnier,  de  Lortzing,  est 
en  répétilion. 

—  Spohr,  le  célèbre  violoniste  et  compositeur,  est  enfin  sorti  de 
l'apalhie  où  il  semblait  endormi  à  tout  jamais;  il  a  joué  récemment 
dans  un  concert  donné  à  Hesse-Cassel  par  M«"»  Willmann. 

—  On  annonce  un  opéra  nouveau  de  Marschner  :  V Empereur  Ro- 
dolphe il  IVassau.  Le  texte  est  de  SI.  Rau. 

*,*  Leipzig.  —  Concert  des  sœurs  Milanollo  ;  le  prix  des  places 
était  presque  doublé,  la  salle  était  comble.  II  y  a  chez  ces  jeunes  ar- 
tistes tout  ce  qui  fait  le  virtuose,  mais  sur  une  petite  échelle  :  ce 
n'est  ni  grand  ni  imposant,  mais  c'est  joli  et  gracieux.  Elles  exécu- 
tent les  plus  grandes  difficultés  avec  une  facilité  merveilleuse.  A 
Francfort  on  disait  :  Marie  joue  comme  un  enfant  prodige,  Thérèze 
comme  un  ange. 

'.'•  Kiel{  Danemark).  —  Un  violoniste,  du  nom  de  Bazzinî,  a 
donné  ici  deux  concerts  ;  cette  célébrité  musicale,  dont  nous  lisons  le 
nom  pour  la  première  fois,  est  placée  par  ses  admirateurs  à  côté 
d'Ernst. 

*.*  Hanovre.  —  On  a  exécuté  Moïse,  oratorio  de  A.  Schmill,  qui 
a  été  fort  applaudi.  Il  est  question  de  mettre  en  scène  la  Fête  de 
Pâques  il  Paderborn ,  parle  même  compositeur. 

'.*  La  Haye.  —  Au  Théâtre-Français,  on  a  donné  récemment 
l'Ambassadrice,  d'Auber;  au  Théâtre-Italien  ,  Béatrice  di  Tenda.  La 
Fille  de  l'Archer,  opéra  en  4  actes  par  Pedrolti ,  est  en  répétition. 
Au  Salon  des  Variétés,  on  joue  une  traduction  hollandaise  du  yi- 
comtede  Létorières,  qui  a  été  métamorphosé  en  burgrave. 

*,*  Londres.  —  L'ouverture  du  Théâtre-Italien  est  chaque  année 
toujours  aussi  vivement  désirée  par  Ufashion,  les  artistes  et  les 
amateurs.  —  C'est  qu'il  faut  dire  que  rien  n'est  négligé  par  l'/mpre- 
Mrio  ,  pour  rendre  son  entreprise  fructueuse,  et  plaire  au  public 
dont  le  bon  goût  s'améliore  chaque  année  davantage.  Je  suis  content 
de  vous  annoncer  que  M""^  Grisi ,  Persiani ,  arrivent  le  3  avril ,  sui- 
vies de  Lablache  ,  Mario  ,  Fornasari,  puis  M""  Favanti ,  qui  n'est 
autre  que  miss  Edwards ,  élève  de  Crevilli ,  de  l'Académie  royale 
de  Londres.  Cette  jeune  cantatrice,  qui  ne  s'était  jamais  fait  enten- 
dre parmi  nous  que  comme  amateur,  a  obtenu,  dit-on,  de  très 
beaux  succès  sur  le  continent.  —  Corelli  débutera  également  cette 
année  sur  noire  scène.  De  grandes  améliorations  seront  introduites 
dans  la  direction  de  l'orchestre,  si  bruyant  l'an  passé  ,  qu'à  peine 
les  chanteurs  pouvaient  se  faire  entendre.  On  dit  que  le  corps  dn 
ballet  sera  aussi  brillant  qu'à  la  saison  dernière. 

—  Drury-Lane  a  monté  la  jolie  Fille  de  Gand,  avec  M"=  Fleury. 
On  attend  Duprez  incessamment ,  et  l'on  espère  qu'il  étonnera  toute 
l'Angleterre. 

—  Achard  a  terminé  son  engagement  au  Théâtre-Français ,  où  il 
a  obtenu  les  succès  les  plus  brillants  ,  les  plus  mérités ,  non  seule- 
ment comme  acteur  parfait ,  mais  comme  chanteur.  Bruno  le  fileur  , 
le  Brasseur'des  Champs-Elysées ,  Furiiiclli  et  Stradella,  lui  ont  per- 
mis de  déployer  tour  à  tour  sa  verve  et  son  talent.  C'est  L'Hérie  qui 
lui  succède  ,  et  qui  se  fait  applaudir  à  son  tour  dans  VArt  de  ne  pas 
monter  sa  rjarde. 

—  Les  concerts  de  Julien  tirent  à  leur  fin  ,  et  se  termineront  dans 


70 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Une  quinzaine;  mais  le  hanii  enlrepreneur  n'en  multiplie  pas  moins 
tous  ses  efl'orls  pour  cliaimer  fa  nombreuse  clientèle;  il  a  dernière- 
ment ofTert  lin  clioii  heureux  de:  ihe.  fall  nf  Pumpei  [lachule  :'.e 
JPompéi) ,  avec  un  chœur  de  trois  cents  voit. 

—  M»»  Dulcken  a  terminé  ses  charmantes  matinées  musicales.  La 
dernière  a  reçu  un  intérêt  nouveau  de  la  réapjiarition  de  M""  F.  La- 
blache,  après  une  longue  absence.  Celte  cantatrice  a  exécuté  avec 
talent  un  air  de  Kallivoda  :  ihc  Cravedigger  (le  Fossoyeur). 

V  Florence.  —  Au  théâtre  de  la  Pergola,  il  Primo  navigalore,  le 
Premier  navigateur,  action  mythologique  en  deui  actes  par  M-  An- 
tonio Cortcsi ,  chorégraphe ,  a  été  accueilli  par  d'unanimes  ap- 
plaudissements depuis  le  commencement  jusqu'à  la  (in.  A  chaque 
Teprésent.ition,  l'auteur  a  l'honneur  d'être  rappelé  sur  la  scène. 

*,*  Mod'ene. — La  Muria  d'Iiighilierrii  de  Pacini  n'a  eu  aucun  suc- 
cès. La  musique  de  Corrado  d'Aliamurn  n'a  pas  été  plus  heureuse. 

*,"  Bergame.  —  L'opéra  de  Xubucco  a  été  donné  au  bénéfice  de 
Biacchi ,  avec  un  égal  succès  pour  la  musique  et  pour,  le  bénélî- 
ciaire. 

".*  Corfoii. — On  a  donné /e//'raio de Mercadanle,  que  le  ténorForti 
avait  choisi  pour  son  bénéfice; il  s'y  est  fait  vivement  applaudir.  On 
dit  beaucoup  de  bien  des  décors  et  du  costumier. 

*.*  Madrid.  —  Le  bel  opéra  de  la  Favorite  va  être  monté  avec  la 
plus  grande  rapidité  au  théâtre  det  Circo.  Le  ténor  Carrion  est  chargé 
du  principal  rôle.  Il  vient  d'arriver  à  Madrid  une  cantatrice  italienne, 
Marietta  Albini,  qui  a  obtenu  de  grands  succès  à  Valence.  Deux  chan- 
teurs espagnols  d'un  mérite  distingué,  MM.  Salas  et  OJeda  Manli, 


vont  entreprendre  une  tournée  artistique  à  Taris,  Rbrdeaui  et  les 
principales  villes  de  France. 

—  La  célèbre  danseuse  M""  Guy-Stéphan ,  qui  est  engagée  pour 
(  ondres,  doit  donner  pour  sa  dernière  représentation  ie  ballet  de?o 
Sylphide. 

*,*  Lisbonne.  Au  théâtre  San-Carlos  on  a  donné  ,  le  S  février, 
/tnna  Bolena  avec  le  deuxième  acte  de  Giselle  et  le  grand  air  du 
Domino  noir  par  madame  Rossi-Caccia.  Celte  cantatrice  obtient  ici 
un  succès  d'enthousiasme;  elle  est  rengagée  pour  l'année  prochaine 
moyennant  une  somme  très  considérable. 


CO»rCERTS  ANNONCÉS. 

23 

février. 

2  bsures. 

M.  Ropiquet.  Salons  Bernhart. 

le, 

mars. 

8 

— 

M.  Mudier.  Salle  de  lÉcole  lyrique. 

3 

— 

2 

— 

M'i'  Yény.  Salle  Érard. 

3 

— 

2 

— 

M.  Ermcl.  Salle  de  l'Ecole  lyrique. 

5 

— 

8 

— 

M"=  ÉliseKrinilz.  Salle  Érard. 

6 

— 

8 

— 

M'i'  Boireux.  Salle  Érard. 

9 

— 

» 

— 

M""  Sabatier.  Salle  Herz. 

12 

— 

8 

— 

M>'«  Korn  Salle  Herz. 

IG 

— 

8 

— 

MM.  A.  Goria  et  Lac.  Salle  Pleyel. 

f7 

— 

2 

— 

MM.  Alard  et  Dorus.  Salle  Herz. 

20 

— 

S 

— 

Mi'=  I.oveday.  Salle  HeTZ. 

20 

— 

8 

— 

M.  Schad.  Salle  Erard. 

Ee  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


4'  JEailion.         PERROTKV,  éditeur,  rue  de  IaFontaine>niolière,  41,  au  l""^.         4"  EMiion. 

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Comprenant,  pour  tous  les  modes  d'enseignement,  le  texte  et  la  musique  en  partilion  des  tableaux  de  la  méthode  de  lecture 

musicale  et  de  chant  élémentaire  ; 

Par  B.  W  IZiBXïBff ,  —  Ouvrage  approuvé  par  l'Institut  de  France,  approuvé  et  recommandé  par  le  Conseil  royal  da  l'instruction 
f  ubl-ique,  cho:sx  par  le  Cozriîté  central  d'instruction  priniaire  de  la  ville  de  Paris,  adopté  par  la  Société  pour  l'instruction 

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20 


Partitions. 

HALÉVY.  Charles  VI.  Grande  partition.  400 

—  Orclie.stre.   .     .     .  400 

—  Partition  pour  piano  et 

chant,   Net.     ...     40 

—  Piano  solo  ,  Net. ...    25 

Piano. 

CRAMER  (J.-C.  Conseils  à  mes  élèves, 
nouvelle  méthode  de  piano, 
2«  é  lition  revue  et  auyiiieiilée, 
dans  laquelle  se  trouvent  55 
morieauï  cli'mentaires  ,  12 
mon  eaux  à  4  mains  nx-^Jucilex, 
108  étude<  préparatoires,  cl  24 
éludes  nouvelles  etprogresives 

—  Op.  lOU.  Sollege  pour  les  doigts, 

nouvelle  école  pratique  du 
piano,  consistant  en  IiO exem- 
ples d'unedilûculié  progressive 
et  d  unftgnin 'c  variéié  de  for- 
mes.servanl  d'exerciC'-s  prc  pa- 
ratoires  à  l'exé^uiioii  des  tom- 
positions  modernes  et  des 
grandis  éludes  de  l'auleur.  .  » 
CZERNY  ^C.).  ÉtU'ie  des  études,  ency- 
clopédie des  passages  brillants 
pour  le  piano,  exlra'ts  des  œu- 
vres des  pianistes  cél''t)res,  de- 
puis Scarlalti  jusqu'à  Thal- 
bergetDoelher,  2  suites.  Chaq.  15 

—  Le  premier  matlre  de  piano,  étu- 

des journalières,  4  livrais.  Ch.    6 
DOEHLER.50  grandes  éludes  de  salon, 

en  2  livres.  Chaque 

CHOPIN.  Op.  50.  3  MazurUas.     .     .     . 

—  Op.  51.  3'  Impromptu.     .     .     . 

—  Op.  52.  1V«  Ball.ide.     •     .     .     . 

—  Op.  53.  V1I1«  grande  polonaise, 

—  Op.  54.  IV'   Scherzo 9 

DÉJAZET  (E.).Op.  29.  Mélodie  et  rondo 

militaire  tirés  de  Charles  VI.  .    G 
DOEHLER.  Op.  44.  6  Romances  sans 
paroles,  en  2  livres.  Chaque. 

—  Op.  45.  N.l  et  2.  2  Eludes  à  4  m. 

N.  3.  L'Adieu  de  Schubert, 

transcrit  ei  varié.  .    5    » 

—  4.  Le  Tournoi.     ...    6    » 

—  5.  Le  Bohémien.     .    .    G     » 

—  6.  L'Hidalgo 6     » 

DREYSCHOCR.  Op.  22.  Variât,  pour  la 

main  gauche.    G    » 

—  Op.  23.  Andante 7  50 

—  25.  La  Coupe 5     » 

HELLER.Op.28.Capricesymphoni(}ue.     9     » 

—  Op.  29.  Lâchasse 6     » 

—  30.  Dix  pensées  fugiti\es.     .     »     » 

1.  Passé.  G.  Adieu. 

2.  Souvenir.  7.  Rêverie. 

3.  R'omance.  S.  Caprice. 

4.  Lied.  9.  Inquiétude. 

5.  Agilato.  lU.  Intel mezzo. 

—  31.  Fantaisie  sur  la  Juive.    .     6    » 

—  32.  Boléro  d°  .     .    6    » 

—  37.  Fantaisie  sur  Charles  VI.     7  50 

—  38.  Caprice  d°  .     7  50 

—  39.  La  Kermesse 7  50 

—  40.  Aliscellanéc^ 6     » 

—  41.  Caprice  .-ur  le  Déserleur.     G     » 
HENSELT.  Op  13.N.  3.  Cavatine  et  bar- 

carolle.-    ........     G    » 

HERZ  (J.).  Op.  39.  3  Air<  de  ballet  de 
Charles  VI,  en  rondeaux  bril- 
lanls.  N.  1.  La  Pavaiine,  N.  2. 
La  Mascarale.  N.  3.  La  Bour- 
rée, (haque 7  50 

HUNTEN  (W.).  Mosaïque  de  Charles  VI, 
en  4  suites.  Chaque.     .     .     . 

—  Mosaï'iue  du  I)é>erieur.     .     .     . 
KALKBRENNER.  Op.  165.  Grande  fan- 
taisie de  bravoure  sur  le  duo 
des  cartes  de  Charles  VI.    .     . 

KOiNTSKI  (A.).  Op.  GO.  Fantaisie  sur  la 
romance  de  Guido  et  Ginevra. 

—  Op.  61 .  Fantaisie  brillante  sur  la 

Juive  d'Halévy 7  50 

LECARPENTIER.  3U'-  et  37»  Bagatelle 

sur  Charles  VI.  Chaque.     .     .    5    » 

—  42  'Bagatelle  sur  des  Romances 

de  l'Album  de  Mlle  Lia  Duport.    5    » 


20     » 
7  50 

6  » 

7  50 
7  50 


7  50 
r  50 


7  50 
7  50 


7  50 


LISZT.  2"  Marche  hongroise ' 

—  Canzone  napolitana      .    .     .    .     J 

—  Fantdisie  sur  Don  Juan.    .     .     .  L 
OSBORNE.  Op.  48.  Fantaisie  sur  Char- 
les VI ■ 

REDLER.   le  livre    d'or    des   jeunes 
demoiselles  ,  en  G  livxes  : 

—  Op.  45.  1''  Bagatelles  1res  faciles 

et  agréables  sur  Robert  le-D. 

—  4G.2'Cagalellesurl.xFavorite 

—  47.  3' Bagateliosur  la  Juive.    . 

—  4.S.  4"  sur  les  H  iguenols.     . 

—  49.  S'surla  l'.einede Chypre. 

—  5ii..G'BagatellesurCh.irlesVI 

—  59.7*  Bag.it  siirle  Déserleur.. 
ROSEI.LEN.  Op.  64.  L' aérienne,  valse. 

—  Op.  50.  F.inlaisie  brillante  sur 

Charles   VI 

SCHUBERT  (P.).  Opi  39.  Vari.itions  sur 

le  chant  national  de  CharlesVl. 
STAMAÏY.  Op.   S.   S\)nate 

—  Op.  9-  Fanlaisio  sur  h  Juive      . 

—  Op.  10.  Fanlaisie.Mir  t.harles  VI. 
THALBEliG.Op  47.  (i  rondes  valses  bril. 

—  Op.  4S.Gr.  cap  lice  sur  CharlesVl. 

—  G  Romances  sans  paroles,    1' et 

2c  recueil 

—  Op.  49.  Fantaisie  sur  B.airice  di 

7'eii'fn 

—  Op.  51.  Fantaisie  sur  ^éiniratnis. 
WOLFF.  Op    84.  La  Reine  de  Chypre, 

2'  valse  originale 

—  Op.  83.  15=  Nocturne 

—  Op.  88.  Valse  sur  des  m.olifs  de 

CharlesVl 

.—    Op.  95.  La  Mélancolie  et  l'Espoir, 
deux  morceaux  de  salon.     .     . 

—  Op.  97.  L'Andalouse  ;  3'   valse 

originale". 

Qiiatlrilleg. 

TOLBECQUE.  Les  Enfants  terribles.     . 

—  Le  Gnnilolier  delà  Vi-tule.    .     . 

—  Le  Bonhomme 

—  3  Quadrilles  sur  Charles  VI.  Ch. 
Les  mêmes,  à  quatre  mains.  Ch. 

WAGNER  (P.).  Le   liai  d'enfants  aux 
Tuileries ,  quadrilles  faciles. 
N.  1.  La  F.worite 

2.  Le  Guitarrero 

3.  La  Reine  de  Chypre.     .     . 

4.  Adelia 

5.  Une  Nuit  à  Grenade.     .    . 
G.  Charles   VI 

LABITZRI.  Op.  85.  Les  Kiéganles.  .'    . 

—  Op.  8G.  LesSyrènes 

—  87.  Dublin 

—  88.  Edimbourg 

—  89.  La  Grandc-Brctogne.     . 

—  t)U.  La  saison  de  Londres.   . 

—  92.  Charles  VI 

—  94.  O.lette 

—  95-  Les  Parisiennes.   .     .     . 

—  96.  Charlotte 

—  9S.  La  Réunion 

LA-NNER.  Op.  185.  Les  Adieux.  .     .     . 

—  Op.  193.  Les  Idéales.     .     .     .  ,. 
I      —  195.  Le  Faubourg  Saint-Ger- 

;  main 

!      —  197.  LesTixjubadours.     .     . 

—  198.  Les  Nayades.      .    .    . 

—  203    La  Danse  des  Sorcières. 
STRAUSS.  Op.  1,:î2.  La  Débutante.      . 

—  Op.  134.  Egérie 

—  135.  Le  Maître  de  danse.    . 

—  139.  Les  Fantastiques.     .     . 

—  140.  Les  réunions  musicales. 

—  14  1.  Les  Ménestrels.    .    .    . 

—  143.  Latone 

—  145.  Minos 

—  146.  Les  Démons.       .     .     . 

—  150.  Les  Artistes 

"WAGNER  (P.).   Le  Bal  d'enfants   aux 

Tuileries,  valses: 

—  N.  1.  Les  mille  fleurs.    .     .     . 

—  2.  Les  Boutons  de  roses.     . 

—  .3.  tes  Fleurs  d'oranger,     . 


G 

„ 

9 

1) 

7 

50 

7 

50 

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4  50 
4  50 
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4  50 
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4  50 

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4  50 
4  50 
4  50 
4  50 
4  50 
4  50 
4  50 
4  50 
4  50 
4  50 
4  50 


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7 

60 

12 

» 

9 

I) 

7 

50 

7 

50 

10 

» 

Valses  à  4  mains. 

STRAUSS.  Op.  lOG.  Ma  Patrie.    ...    6 

—  Op.  109.  Les  Pliintes  exotiques.    6 

—  120.  Sainte  Cécile.     ...  6 

—  127.  Chants  du  Danube.    .  6 

—  128.  Apollon 6 

—  129.  Adélaïde 6 

Piaiïo    à   4  mains. 

BEETHOVEN.  Op.  13.  Grande  sonate 

pathétique 9 

CZERNY.  Op.  716.  Grand  duo  brillant 

sur  la  Reine  de  Chypre.  ...    9 

—  Op.  717.  Grandes  variations  sur 

la  Favorite 9 

DOEHLER.  Deux  études 7 

—  L'Adieu  de  Schubert,  transcrit 

pour  piano  à  4  mains.   .     .     . 

HERZ  (  J.)  3  Airs  de  ballet  à  4  m.  Ch. 

LECARPENTIER.  Op.  79.   Divertisse- 
ment sur  Charles  VI.     .     .     . 

ROSELLE.\lH.).  L'Aérienne,  valse  bril. 

THALI'.ERG.  Roniiincc  sans  paroles.     . 

—  Felice   Donzella ,  romance   ita- 

lienne de  J.  Dessauer,  transe. 

—  Op.      5.  Adagio  cl  r.ondo.    .     . 

—  10.  Capuleli 

—  31.  Scherzo. 

—  26.  Etude  en  la 

THALBKRG.  Op.  40.  Donna  del  Lago    . 

—  Op.  43.  2"  Faut.  Huguenots  .     . 

—  Op.  47.  Grandes  v:ilses  brillantes. 

—  Op.48.Gr.  caprice  sur  Charles  VI. 

—  Op.  61.   Grande  fantaise  sur  la 

Scniiramide 

MOSÉ.  Mi  manca  la  voce 

WOLFF.  Op.   74    iiv.   Grand  duo  sur 
Robert-lc-Diablc 

—  Op.76.  Gr.dnosur  lesHuguenots. 

—  79.  J(l.  surGuidoetGinevra. 

—  80.  Id.  sur  la  Juive.    .    .     . 

—  8G.   Jd.  sur  Charles  VI.    .     . 


Piano  et  Violom  concertants. 

HELLER  et  ERNST.  Pensées  fugitives. 

N.  1.  l>assé 5  » 

2.  Souvenir 5  » 

3.  Piomance 5  » 

4.  Lied 6  » 

5.  Agitalo 6  » 

G.  Adieu 6  » 

7..  Rêverie 5  » 

S.  Caprice 6  » 

9.  Inquiétude 6  » 

10.  Prière  pendant  l'orage.  5  » 

11.  Intermezzo 6  » 

12.  Presto  lapricioso      .  5  » 
KALKBRENNER  et  PANOFKA.Op.  *.G4. 

Grand  duo  bril.  sur  la  Juive.  10     » 

—  Op.  160.  Grand  duo  brillant  sur 

la  Favorite 10     ■• 

—  Op.  167.  Grand  duo  brillant  sur 

la  Heine  de  Cliyiu'c.  ....  10    » 

—  Op.  IGS.  Grand  duo  brillant  sur 

CharlesVl 10     » 

LOUIS.  Op-  t:i7.  Fantaisie  héroïque  sur 

Charles  VI .10     » 

PANOFKA.  .Mosaïque  de  Charles  VI,  en 

2  suites.  Ch  que 9     » 

THALBERG  et  PANOFKA.Op. 4  9  Grand 

duo  brillant  sur  des  niolils  de 

Bealiice  di  Tenda  ,  de  Bellini.  10    » 

'^'ioSon. 

ERNST.  Op.  19.  Le  carnaval  de  Venise, 
25  varialionç  burlesques,  avec 
accompagnement  de  piiins  ou 
quatuor 9     » 

—  Op.  20.  IiilroducJon  et  caprice 

sur  le  Pirate,  avec  accompa- 
gnement do  piano   ....    9    » 
ONSLOW.  34»  Quatuor  pour  deux  vio- 
lons, alto  et  basse   ".     .     .     .  18     » 
PANOFKA.  Op.  3S.  Grande  scène  dra- 
matique ,  avec  ace.  de  piano.    7  60 

—  40.  Grande  valse  de  bravoure  .    7  50 
L'ouverture  et  les  airs  de  Cliurles  F l  en 

quatuor  pour  2  violons  ,   alto  et  busse  , 
pour  2  violons  et  pour  violon  seul. 


72 


REVUE  ET  GAZETTE  IVroSICALE  DE  PARIS. 


En  vente  eloez  MAURICE  SCHLESINGER,  99,  rue  Richelieu. 

POLKAS  FAVORITES  DE  L'ALLEBIAGNE, 


COMPOSES    TAK 


STRAUSS,  LANKER,  LARITZKI,  ED.  WOLFF,  ETC. 


N.  1.  lia  Carlotta. 
i.  Xia  Cerrito. 

3.  lia  Duchesse. 

4.  Polka  favorite  des  Princes. 


IV.  5.  Polka  favorite  de  la  Cour. 

6.  Xie  Faubourg  Saint-Germaiu. 

7.  lie  Faubourg  Saint-Honorè. 
S.  lies  Camélias. 


N.     9.  I>es  Eaux  d'Ems. 

10.  Xies  Rayons  du  Soleil. 

11.  Caroline, 

12.  lie  Bal  de  la  Reine, 


Pour  paraître  le  \f'  Mars. 

GRANDE  FANTAISIE  POUR  LE  PIANO, 

TAS. 

S.    THALBERG. 


s> 


Op.  61. 


M                                THALBERG.  Op.  û9.  Fantaisie  sur  Béatrice  il  rentra 9 
WF;l¥Tïi       THALBERG  ET  PA%'OFKA.  Grande  Fantaisie  pour  piano  et  violon  concertants, 
■  CJi'fiAJj.                                                             Béatrice  di  Tenda 10 


(Kn  tiente* 


LE    DESERTEUR. 

RONDOLETTO  TRÈS  FACILE, 
Op.  59.  5fr. 


SUR  LES  ROMANCES  FAVORITES 
de  10}^'  X.IA  BUPORT, 


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LE  PIRATE. 

CAPRICE  POUR  LE   VIOLON, 

par 

H.-*^.    ERNST. 

Op,  20.  9  fr. 


Grande  Fautai^e  brillante  ; 

par 

A.  DE  KONTSKI. 

Op.  70.  7  fr.  50  c. 


LE  DESERTEUR. 

CAPRICE  rODRUPIW, 

PAR 

STEPHE]\  HËLLËR. 

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DEUX    NOCTURNES, 

PAR 

EDOUARD     WOLFF. 

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wigiiiiânii 

REVERIE,  LA  PETITE  MENDIANTE, 

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Op.  40.  6  fr. 


Imprimerie  do  FOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


Pour  Paris  :  un  an,  30  fr.  ;  six  mois,  15  fr. 


Annonces  :  50  c,  la  ligne  de  28  lettres    —    Départements  :  un  an ,  34  fr.  Etranger,  38r. 


^^f>_      __      _      _ 


REVUE 


GAZEHE  MUSICALE 

^  ,  BÉDIGÉE  FÀB 

MW.  ANDERS  ,  G.  BÉNÉDTT,  BERLIOZ  ,  HENKI  BLANCHAR1 , 

MiVIniCE  BOURGES,  F.  DANJOIT,  niESBERG,  FÉTIS  père,  Édouabd  FÉTIS.  Stfphen  HELLER,   J.  JAMN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  GEORGE  SAKD ,  L.  RELLSTAB,  PACL  SMI'  H,  A.  SPECHT,  etc. 

Paraissant  tous  tes  JMtnanches, 

IL  SERA  JOnVT  A  CHAQUE  NUmÉRO  m  DESSIN  INÉDIT  DE  6AVARNI. 
lie  l*'  et  le   15  de  chaqdb  mois  on  rece'vra  on  morceau  de  masiqnc» 


SOMMAIRE.  Des  formules  de  mode  dans  le  phrasé  du  chant  et  de  la 
musique  instrumentale;  par  FÉTIS  père.  — Euphonia  ,  ou  la  Ville 
musicale  (  suite  )  ;  par  H.  BERLIOZ.  —  Théâtre  royal  de  l'Opéra- 
Comique  :  Oreste  ei  Pylade  (première  représentation);  par  H. 
BLANCHARD. —  Cours  d'histoire  et  de  théorie  de  l'harmonie  de 
M.  Fétis.  —  Société  des  concerts  :  Quatrième  matinée;  par  STE- 
PHEN  HELLER.— Cinquième  concert  de  la  Hevue  el  Gazette 
musicale;  par  H.  BLANCHARD. —  Correspondance  particulière  : 
Lyon.  —  Nouvelles. 

L'ACTEUR  DES  PAROLES.  Dessin  de  Gavarni. 


Le*  exigences  de  la  poste  nous  obligent  d'envoyer  doréna- 
vant aux  Abonnés  de  la  province  et  de  l'étranger  les  dessins 
de  Gavarni  deux  fois  par  mois ,  les  2'^  et  4"=  dimanches. 


DES  FORMULES  DE  MODE 

DANS  LE  PHRASÉ 

DU   CHANT   ET   DIÎ  LA  TMCSIQUE  INSTRUMENTALE. 

a  mode ,  celte  reine  du  monde ,  étend  son 
empire  sur  toutes  choses.  Rien  ne  se  soustrait 
à  sa  domination  ;  car  ce  n'est  pas  seulement 
aux  vêtements,  aux  parures,  aux  ameuble- 
ments cju'on  la  reconnaît;  le  langage,  les 
arts ,  la  science  même  sont  soumis  à  ces  caprices.  Il  y  a  de 
la  mode  jusque  dans  la  philosophie ,  et  les  commentateurs 
quelque  peu  ridicules ,  dont  le  chef-d'œuvre  d'un  inconnu  a 
fait  justice,  n'étaient  que  les  esclaves  de  cette  fantastique  di- 
vinité. 

On  se  souvient  encore  de  notre  goût  pour  l'antiquité;  nous 
étions  Grecs  ou  Romains  jusque  dans  les  moindres  ustensiles 
de  nos  cabinets  de  toilette  ;  notre  peinture  semblait  dater  du 
siècle  d'Alexandre ,  et  notre  prédilection  était  si  complète 
pour  les  usages  des  temps  les  plus  reculés,  qu'il  s'en  fallut 
de  peu  que  les  lionnes  du  Directoire  ne  missent  en  vogue  le 
costume  dégagé  du  Romulus  et  de  l'Hersilie  du  tableau  de 


David.  La  musique  s'était  faite  austère  et  bruyante  pour  être 
de  son  époque  ;  enfin ,  les  tendres  et  spirituelles  mélodies  de  ' 
Monsigny  et  de  Grétry  avaient  fui  de  la  scène ,  envahie  par 
les  énergiques  coBipositions  de  Méhul  et  de  Cherubini. 

On  criait  alors  à  l'Opéra  ;  on  criait  au  théâtre  Feydeau ,  et 
M""  Scio  ne  succombait  pas  moins  à  la  fatigue  dans  la  Médée 
de  Cherubini,  qu'Adrien  et  Lainez  dans  le  Cosroès  de  Méhul. 
Sous  prétexte  d'honorer  l'Être  suprême,  ou,  comme  on  disait 
alors ,  de  le  reconnaître ,  on  vociférait  dans  les  temples  de 
bruyantes  hymnes  soutenues  par  un  grand  vacarme  d'in- 
struments, de  crotales  et  de  tambours.  Dans  les  intervalles  de 
tout  ce  bruit ,  un  seul  homme  chantait  en  France  :  cet 
homme  était  Garât. 

Aux  derniers  jours  du  xvra''  siècle ,  une  réaction  se  fit  à 
l'improviste  ;  on  la  vit  commencer  immédiatement  après  la 
révolution  du  18  brumaire:  car  les  idées  de  liberté,  presque 
inséparables  du  souvenir  des  Grecs  et  des  Romains,  n'étaient 
pas  du  goût  du  héros  d'Arcole  et  d'Aboukir.  Si  les  allures 
républicaines  nedisparurent  pas  tout-à-coup  sousle  Consulat, 
celui-ci  prépara  doucement  la  pompe  de  l'Empire.  Aux  hymnes 
à  l'Être  suprême  succéda  la  messe  solennelle.  Le  maître  n'ai- 
mait pas  le  bruit  en  musique ,  on  se  le  tint  pour  dit ,  et  pour 
essayer  de  chanter  à  l'Opéra ,  on  y  fit  arriver  Nourrit  père , 
Roland ,  Éloy ,  M""'  Branchu ,  et  plus  tard  M""  Hymm ,  tous 
élevés  dans  les  traditions  de  Garât.  L'affaire  n'alla  pourtant 
pas  si  vite  qu'on  l'avait  espéré,  car  on  n'en  finit  pas  aisément 
avec  les  coutumes  de  l'Académie  royale  de  musique.  Chéron, 
avec  la  belle  voix  dont  il  se  servait  assez  mal  ;  Adrien ,  aux 
vigoureux  poumons;  Lainez,  de  criarde  et  chaleureuse  mé- 
moire ;  Lays ,  avec  son  chant  de  curé  de  village ,  et  Clytem- 
nestre  Maillard,  firent  bonne  contenance  contre  leurs  jeunes 
antagonistes,  et  disputèrent  pied  à  pied  aux  chanteurs  le  ter- 
rain des  cris  et  deshoquets.  De  temps  en  temps  les  néophytes 
du  nouveau  culte  d'Apollon  trouvaient  à  la  vérité  le  moyen 
de  se  faire  applaudir  dans  Orphée ^  Didon  et  Armide ;  mais 


BUREAUX   D'ABONNEMENT,    RUE   RICHEI.IEU,    97. 


lu 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ce  ne  fut  que  plus  de  vingt  ans  après  que  la  réforme  put  être 
complète  à  l'Opéra ,  et  qu'une  nouvelle  génération  y  fit 
triompher  l'art  du  chant ,  bienlôt  après  détrôné  par  le  re- 
tour aux  vieilles  traditions. 

A  rOpéra-Comique,  les  succès  de  Délia  Maria  et  de  Boiel- 
dieu  avaient  préparé  l'aliandon  de  la  musique  énergique,  née 
de  la  révolution;  les  auteurs  de  cette  musique  s'étaient  eux- 
mêmes  modifiés.  Bientôt  la  reprise  des  productions  de  Gré- 
trf  et  de  Monsigny,  et  l'enthousiasme  qu'elles  firent  naître, 
marquèrent  la  tendance  de  l'époque  vers  le  chant  et  la  mé- 
lodie. Si  Martin,  Elleviou,  n'étaient  pas  de  grands  chanteurs, 
ils  possédaient  de  belles  voix  et  de  l'intelligence  musicale  ;  ils 
commencèrent  une  réforme  qui  fut  achevée  par  Ponchard  et 
jjmes  jjuret  et  Rigaut.  Mais  n'anticipons  pas. 

Sous  le  Consulat  et  aux  premières  années  de  l'Empire , 
tout  semblait  concourir  k  donner  enfin  aux  Français  le  goût 
pur  de  l'art  du  chant ,  longtemps  inconnu  chez  eux  ;  car  l'O- 
péra-Italien ,  alors  rétabli  sous  le  patronage  du  gouverne- 
ment ,  leur  fournit  quelques  modèles  de  cet  art ,  inférieurs 
sans  doute  à  ce  que  Mandini ,  Viganoni,  M"'  Morichelli ,  ar- 
tistes de  la  plus  haute  distinction ,  avaient  fait  entendre  h 
l'aurore  de  la  révolution,  mais  beaux  encore,  et  appartenant 
à  une  école  plus  avancée  que  celle  de  la  plupart  des  chan- 
teurs français.  Dans  un  ordre  plus  élevé  apparurent  ensuite 
M°"  Grassini,  et  surtout.Crescentini,  modèles  parfaits  de  l'ex- 
pression la  plus  pathétique  et  du  mécanisme  le  plus  pur. 
Alors  commença  la  rïro^e  tfa  chant  itafrcn ,  dont  les  progrès  ont 
été  constanis  jusqu'aujourd'hui,  et  qui  nous  a  conduits  pai 
degrés  à  la  possession  d'une  bonne  école  de  chanteurs. 

Toutefois  ce  même  chant  italien  a  été  soumis  lui-même  à 
diverses  transformations  qui  n'ont  pas  été  toutes  des  pro- 
grès, mais  que  la  mode  a  sanctionnées.  Un  examen  sérieux  de 
ces  transformations  ne  sera  peut-être  pas  sans  utilité  pour 
quelques  uns  de  nos  artistes  les  plus  habiles,  et  surtout  pour 
les  élèves  qui  suivent  leurs  traces  ;  c'est  ce  que  je  me  suis 
proposé  de  faire  dans  cet  article. 

Une  influence  réciproque  se  fait  remarquer  entre  le  style 
des  compositeurs  sur  les  chanteurs,  et  les  habitudes  des  chan- 
teurs sur  les  ouvrages  des  compositeurs.  Au  temps  ori  les 
opéras  de  Paisiello  ,  de  Cimarosa  et  de  Guglielmi  avaient  la 
vogue  ,  les  mélodies ,  larges  et  simples ,  expressives  surtout , 
exigeaient  peu  de  fioritures  ;  une  belle  mise  de  voix ,  un  sen- 
timent exquis,  une  glande  intelligence  du  phrasé,  étaient  les 
qualités  par  lesquelles  un  chanteur  pouvait  y  briller.  De  là 
les  tendances  des  artistes  exécutants  dans  le  développement 
de  leur  talent.  Mais  les  compositeurs  que  je  viens  de  citer 
avaient  eux-mêmes  formé  leur  style  dans  l'école  des  chan- 
teurs instruits  par  leurs  prédécesseurs  Jomelli ,  Majo  ,  Pic- 
cinni  et  Sacchini.  Cette  école  du  chant  large,  expressif,  pa- 
thétique, avait  pris  naissance  au  temps  d'Alexandre  Scarlatli 
et  de  Porpora.  Des  virtuoses  doués  de  facultés  extraordi- 
naires ,  tels  que  Farinelli ,  Cafi'arelli  et  la  Gabrielli ,  avaient  à 
la  vérité  fait  irruption  dans  le  domaine  du  chant  de  bravoure 
oii  se  déployait  avec  avantage  la  puissance  de  leur  flexible 
gosier  ;  mais  ce  chant  d'agilité,  dont  tous  les  professeurs  fai- 
saient faire  une  longue  étude  à  leurs  élèves ,  ne  trouvait  en 
général  d'emploi  que  dans  les  cadences  appelées  points  d'or- 
gue. Dans  tout  le  reste ,  quelques  trilles ,  quelques  groupes , 
quelques  appogiatures  composaient  tous  les  ornements  d'un 
chant,  dont  les  qualités  principales  étaient  une  belle  mise  de 
voix  et  le  phrasé  rhythmiqne  à  grandes  dimensions.  Pour 
posséder  ce  phrasé,  une  longue  respiration  était  nécessaire , 
et  les  efforts  des  maîtres  avaient  pour  but  de  développer  cette 
facidté  chez  leurs  élèves. 


C'est  par  la  réunion  de  ces  qualités ,  auxquelles  chacun 
ajoutait  à  un  degré  plus  ou  moins  élevé  les  avantages  de  k 
personnalité,  que  Paci  hiarotti',  Crescentini,  Garât,  Mandini, 
Viganoni ,  la  Morichelli ,  la  Banti  et  plusieurs  autres ,  méri- 
tèrent le  nom  de  gra-ids  chanteurs  à  la  fin  du  XYUI°  siècle 
et  dans  les  premières  années  du  xix°.  Et  qu'on  ne  s'y  trompe 
pas,  il  n'entre  point  dans  ma  pensée  de  relever  par  des  éloges 
exagérés  une  époque  passée  dans  le  dessein  de  rabaisser  le 
présent;  loin  de  moi  cette  étroite  conception  qui  n'admet- 
trait l'art  que  sous  une  forme.  Je  me  fais  ici  historien  fidèle 
àe  choses  qui  sont  encore  dans  ma  mémoire  et  que  je  veux 
comparer  avec  ce  qui  est  aujourd'hui. 

Une  action  réciproque  est  exercée  par  les  compositeurs  sur 
les  habitudes  des  chanteurs ,  et  par  ces  habitudes  sur  le  style 
des  compositeurs.  C'est  de  celte  action  et  de  sa  réaction  que 
naît  le  style  de  chaque  époque  ;  c'est  là  que  se  ti'ouve  anssi 
l'origine  des  tendances  du  goût  public  en  musique  et  de 
ses  nombreuses  transformations.  Lorsque  le  génie  d'Alexandre 
Scarlatti  eut  fait  prédominer  dans  l'art  le  style  d'expression, 
toutes  les  écoles  de  chant  se  proposèrent  en  Italie  la  perfec- 
tion d'exécution  dans  ce  style,  et  la  conséquence  immédiale 
de  cette  tendance  des  chanteurs  fut  que  les  compositeurs  qui 
succédèrent  à  Scarlatti,  tels  que  Léo,  Pergolèse,  Durante, 
Basse ,  JtmwïM  et  Majo ,  écrivirent  aussi  dans  le  style  expres- 
sif, et, n'innovèrent  que  dans  la  forme  des  morceaux,  dans  la 
modulation  et  dans  l'instrumentation. 

Doué  d'un  génie  particulier  pour  le  style  bouffe  et  léger, 
Galupipi  mit  en  vogue  l'opéra  de  ce  genre,  vers  1750,  et 
quelques  chanteurs  très  habiles  se  formèrent  bientôt  pour 
son  exécution  ;  à  leur  tête  se  plaça  la  fameuse  Gabrielli,  ini- 
mitable dans  le  chant  de  bravoure.  L'art  eut  alors  deux  gen- 
res de  phrasé  dans  le  chant ,  le  premier  large  et  pathétique  , 
pour  l'opéra  sérieux;  l'autre  élégant,  agile,  et  brillant  de 
grâce  et  de  gaieté,  dans  l'opéra  bouffe.  C'est  sous  cette  in- 
fluence c]ue  Piccinni ,  Sacchini  et  quelques  autres  écrivirent 
dans  les  deux  genres.  Mais  bientôt  une  sorte  de  fusion  s'opéra 
entre  les  deux  styles,  pour  composer  celui  qu'on  désigne 
par  le  nom  de  mezzo  carattere.  Mélange  heureux  du  style 
noble,  expressif,  et  des  ornements  empruntés  an  style  bril- 
lant, ce  genre  nouveau  devint  celui  de  quelques  belles 
compositions  de  Paisiello  et  de  Cimarosa,  et  sous  leur  in- 
fluence se  développa  le  talent  admirable  de  chanteurs  tels 
que  Pacchiarotti,  Crescentini,  Marchesi,  Mandini,  Viganoni, 
la  Banti,  la  Morichelli,  et  M"""  Grassini. 

L'influence  réciproque  des  compositeurs  sur  les  chanteurs, 
et  de  ceux-ci  sur  les  compositeurs,  ne  saurait  donc  être  mise 
en  doute.  On  verra  tout-à-l'heure  qu'elle  a  continué  de  se 
développer  jusqu'à  l'époque  actuelle. 

J'ai  déjà  dit  que  les  qualités  par  lesquelles  brillaient  les 
grands  chanteurs  que  je  viens  de  nommer  étaient  une  admi- 
rable mise  de  voix,  une  grande  facilité  de  vocahsation,  et  une 
parfaite  justesse,  d'intonation,  fruits  d'études  longues  et  bien 
faites.  A  ces  qualités  si  importantes,  ils  ajoutaient  une  belle 
articulation ,  l'art  de  respirer  à  propos  dans  le  phrasé ,  et  une 
admirable  exactitude  dans  le  sentiment  de  la  mesure  et  du 
rhythme.  Cette  dernière  qualité  est  digne  de  remarque  et  doit 
fixer  l'attention  des  chanteurs  de  notre  époque ,  par  qui  elle 
est  trop  négligée.  Ils  se  persuadent  que  l'expression  consiste  à 
ralentir  certaines  parties  de  phrases ,  à  en  presser  d'autres ,  à 
suspendre  à  chaque  instant  la  mesure  pour  s'arrêter  sur  cer- 
taines notes  et  les  faire  vibrer,  en  sorte  que  la  signification 
primitive  du  morceau  qu'ils  chantent  et  le  sentiment  du 
rhythme  s'anéantissent.  Tous  croient  sincèrement  que  sans 
ces  petites  manœuvres ,  il  n'y  aurait  pas  d'effet  possible. 


DE  PARIS. 


75 


L'exactitude  dans  la  mesure  leur  paraît  devoir  faire  naître  la 
froideur.  Mais  leur  erreur  est  évidente;  car  si  le  public  de 
l'époque  actuelle,  façonné  qu'il  est  aux  formules  de  fausse 
expression  par  les  artistes ,  les  applaudit  avec  peu  de  discer- 
nement ,  le  public  d'une  époque  où  l'art  était  dans  de  meil- 
leures conditions  applaudissait  aussi  avec  enthousiasme  les 
chanteurs  qui  montraient  une  expression  plus  vraie ,  unie  au 
respect  invariable  de  la  mesure  et  du  rhythrae.  Certes,  Napo- 
léoir  n'était  pas  un  damoiseau  facile  h  émouvoir,  et  le  par- 
terre des  Tuileries ,  composé  de  généraux  et  de  colonels  de  la 
grande  armée,  tous  enivrés  de  gloire,  d'honneurs,  et  dont  la 
sensibilité  était  au  moins  douteuse,  ne  se  laissait  pas  attendrir 
comme  une  assemblée  de  femmes:  cependant,  lorsque  Cres- 
centini  exprimait  la  douleur  de  Roméo  près  du  tombeau  de 
Juliette,  et  chantait  d'une  manière  si  touchante  la  célèbre 
mélodie  Ombra  adorata,  aspelta,  sans  rien  changer  à  la  me- 
sure, au  rhythme,  sans  ralentir  ni  presser,  il  pouvait  voir  les 
yeux  de  l'empereur  mouillés ,  et  les  rudes  guerriers  du  par- 
terre sous  le  charme  d'une  profonde  émotion. 

Garât,  qu'il  faut  toujours  citer  lorsqu'il  s'agit  de  l'art  de 
phraser  daas  le  chant,  car  personne  ne  porta  cet  art  plus  loin 
que  lui,  Garât,  si  plein  de  chaleur  et  de  verve ,  était  imper- 
turbable dans  la  mesure  ,  et  avait  le  sentiment  du  rhythme  le 
plus  exquis.  Quoiqu'il  semblât  quelquefois  chanter  à  tempo 
rubato  dans  les  choses  d'expression  ,  il  exigeait  de  l'orchestre 
et  de  l'accompagnateur  au.  piano  une  exactitude  rigoureuse 
de  mesure ,  ayant  l'art  d'arriver  toujours  au  temps  frappé  en 
même  temps  qu'eux ,  lorsqu'il  semblait  s'abandonner  à  toute 
la  verve  de  l'expression  dramatique.  L'expression  qui  ne 
s'obtient  qu'aux  dépens  de  la  mesure  n'est  qu'une  grimace, 
disait-il ,  et  n'a  rien  de  vrai. 

Ce  défaut  de  mesure  et  de  rhythme  dont  je  viens  de  parler 
n'est  pas  seulement  celui  des  chanteurs  de  notre  époque , 
mais  de  tous  les  instrumentistes.  Rien  de  plus  difficile  aujour- 
d'hui pour  un  orchestre  que  d'accompagner  un  des  violonistes 
à  la  mode.  Les  perturbations  de  mouvements  sont  si  fré- 
quentes dans  leur  jeu  ,  que  leur  expression  grimacière  ne 
laisse  plus  aucune  signification  à  la  musique  qu'ils  exécutent  : 
aussi  les  belles  compositions  de  Viotti  et  de  Rode  leur  sont- 
elles  interdites ,  et  ne  peuvent-ils  se  faire  entendre  que  dans 
leurs  fantaisies  ou  airs  variés.  Mais  revenons  à  l'examen  de 
l'influence  réciproque  de  la  musique  sur  le  goût  des  chan- 
teurs, et  de  ce  goût  sur  la  musique. 

Crivelli  et  Tacchinardi  brillaient  au  premier  rang  des 
chanteurs  qui  avaient  succédé  aux  grands  artistes  de  la  fin  du 
xviii°  siècle.  Déjà  l'école  de  chant  italien  commençait  à  s'ap- 
pauvrir par  suite  de  la  suppression  d'un  grand  nombre  de 
chapelles  et  de  conservatoires  où  les  chanteurs  se  formaient 
autrefois.  Depuis  la  mort  de  Ciraarosa,  plusieurs  compositeurs 
du  second  ordre ,  tels  que  Fioravanti ,  Niccolini ,  Federici , 
Mayer,  et  quelques  autres,  occupaient  la  scène  par  leurs  ou- 
vrages; ils  n'exerçaient  qu'une  faible  influence  sur  les  chan- 
teurs de  leur  temps.  Dix  années  se  passèrent  ainsi  :  puis  parut 
Rossini,  dont  tout  le  monde  sait  l'histoire.  Son  règne  dans  l'art 
marqua  la  fin  de  l'école  du  chant  d'expression  simple ,  et  in- 
troduisit dans  le  style  dramatique  le  goût  des  •  ornements 
d'agilité  et  du  chant  brillante. 

Dès  lors  tous  les  chanteurs  se  livrèrent  à  l'étude  de  ce  style 
nouveau  ,  et  leur  passion  pour  les  fioritures  alla  jusqu'aux 
dernières  limites  de  la  profusion.  On  sait  quelle  influence 
eut  cette  tendance  nouvelle  sur  tous  les  compositeurs  qui 
marchaient  à  la  suite  de  Rossini ,  et  particulièrement  sur 
Carafa ,  Pacini ,  Mercadante ,  et  plus  tard  sur  Donizetti.  Cette 
.  époque  est  la  dernière  où  l'art  du  chant,  malgré  ses  défauts, 


a  eu  une  existence  réelle  en  Italie.  Ainsi  que  je  l'ai  fait  re- 
marquer alors ,  la  prodigalité  des  traits  avait  pour  résultats 
inévitables  l'affaiblissement  de  l'expression  dramatique ,  la 
confusion  des  genres  et  la  monotonie  ;  mais  on  ne  peut  nier 
qu'il  ne  fallût  une  éducation  vocale  bien  faite  pour  arriver  au 
degré  d'habileté  nécessaire  dans  l'exécution  de  cette  multi- 
tude de  traits,  et  certes  ce  fut  une  réunion  d'artistes  bien  re- 
marquables en  leur  genre  que  celle  où  l'on  entendit  en  même 
temps  à  Paris  la  Malibran,  M""  Sontag,  M"'^  Grisî,  Rubini, 
Tamburini  et  Lablache. 

L'influence  de  tels  chanteurs  se  fit  bientôt  remarquer  sur 
l'école  française ,  et  le  style  de  notre  musique  dramatique  en 
fut  évidemment  modifié.  Leschanteurs  voulurent  entrer  dans 
la  carrière  du  chant  d'agilité,  et  y  montrèrent  du  talent.  Il  me 
suffit  de  rappeler  ici  l'époque  où  Rossini ,  écrivant  pour  l'O- 
péra de  Paris,  avait  pour  interprètes  M""=  Damoreau,  Adolphe 
Nourrit  et  Levasseur. 

Une  transformation  nouvelle  commença  esn  1827  par  le 
Pirata  de  Bellini ,  transformation  dont  nous  voyons  aujour- 
d'hui les  funestes  conséquences.  Ce  jeune  compositeur,  con- 
vaincu qu'il  n'y  avait  rien  à  espérer  pour  sa  renommée  de 
l'imitation  simple  de  Hossini ,  ne  vit  de  ressource  que  dans  la 
restauration  du  style  dramatique,  dont  il  emprunta  quelque 
chose  aux  formes  de  la  musique  française.  Dirigé  par  cette 
pensée ,  il  fit  disparaître  peu  à  peu  les  fioritures  de  sa  mu- 
sique, cherchant  ses  effets  d'expression  dans  l'expansion  puis- 
sante de  la  voix  des  chanteurs.  C'est  dans  ce  système  que 
furent  écrites  les  partitions  de  la  Straniera,  des  Capulcti,  de 
Béatrice  di  Tenda  et  de  Norma.  Les  succès  de  ces  ouvrages 
jetèrent  dans  la  même  voie  Donizetti  et  les  plus  jeunes  com- 
positeurs. C'est  la  môme  direction  dans  laquelle  la  musique 
est  encore  aujourd'hui ,  et  c'est  à  elle  que  nous  devons  attri- 
buer l'entier  anéantissement  de  l'art  du  chant  sur  les  théâtres 
d'Italie  ;  car  peu  à  peu  les  Italiens  se  passionnèrent  pour  les 
sons  poussés  et  vibres ,  pour  certaines  formules  nécessaires  à 
ce  système  du  chant  qui  venaient  rompre  à  chaque  instant  le 
rhythme  et  la  mesure ,  enfin  pour  le  bruit  formidable  d'une 
instrumentation  qui  ne  laissait  de  ressource  aux  chanteurs 
que  dans  la  force  de  leurs  poumons. 

Il  arriva  de  là  qu'une  voix  puissante  fut  considérée  comme 
la  qualité  principale  d'un  chanteur,  et  que  ceux  qui  jouis- 
saient de  cet  avantage  se  crurent  dispensés  d'aj;quérir  le  reste. 
Dès  lors  il  n'y  eut  plus  réellement  d'école  de  chant  en  Italie. 
Ce  furent  des  avocats,  des  artisans,  des  choristes,  doués  de 
l'énergie  d'organe  nécessaire ,  qu'on  vit  arriver  aux  premiers 
emplois  du  théâtre ,  après  quelques  mois  de  préparation ,  et 
sans  posséder  même  une  connaissance  élémentaire  de  la  mu- 
sique. Ne  connaissant  point  l'art  de  phraser,  aucun  de  ces 
chanteurs  ne  sait  ce  que  c'est  que  de  respirer  à  propos.  A 
chaque  instant  ils  hachent  les  phrases,  et  môme  les  mots,  par 
des  reprises  de  respiration ,  rendues  d'ailleurs  nécessaires  par 
l'énorme  dépense  qu'il  en  font  dans  l'émission  forcée  des 
sons.  La  mise  de  voix,  la  justesse  des  intonations,  sont  des 
choses  dont  personne  ne  s'occupe  plus ,  et  pour  lesquelles  il 
n'y  a  d'ailleurs  plus  de  maîtres. 

Le  chant  dramatique  était  engagé  dans  cette  direction , 
quoique  non  encore  arrivé  à  l'état  actuel  de  dégradation, 
lorsque  Duprez  obtint  ses  succès  sur  le  théâtre  de  Naples. 
Grand  musicien,  chanteur  habile,  et  doué  d'une  intelligence 
supérieure  ,  il  comprit  facilement  ce  qu'il  y  avait  d'avanta- 
geux pour  lui  dans  un  système  de  chant  qui  lui  permettait 
de  faire  admirer  la  beauté  de  son  articulation  des  paroles.  Se 
proposant  de  revenir  dans  sa  patrie  et  d'y  aborder  la  scène 
de  l'Opéra ,  il  vit  que  le  récitatif  et  le  chaut  large  seraient  son 


76 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


lot,  et  l'on  sait  quel  effet  il  y  produisit  lorsqu'il  parut  pour 
la  première  fois  dans  Guillaume  Tell.  Ce  succès  a  ramené 
l'Opéra  français  à  son  point  de  départ ,  et  en  a  fait  bannir  à 
peu  près  le  chant  d'agilité.  Si  Jl"°  Dorus-Gras  n'était  plus  à 
l'Opéra,  on  ne  l'y  entendrait  plus.  Malheureusement,  ceux  qui 
suivent  la  route  tracée  par  Duprez  n'ont  ni  son  art ,  ni  sa 
haute  conception  de  la  musique  :  ils  ne  savent  point  phraser, 
et  toute  leur  habileté  consiste  à  pousser  des  sons. 

A  rOpéra-Comique ,  l'inhabileté  des  chanteurs  nous  ra- 
mène aussi  à  la  musique  du  temps  où  les  Français  ne  savaient 
pas  chanter;  mais  qu'il  y  a  loin,  pour  l'intelligence,  des  inter- 
prètes actuels  de  cette  musique  à  ceux  d'autrefois  ! 
FÉTis  père. 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 


OD 

LA  VILLE  MUSICALE. 

PREMIÈRE  LETTRE. 

(Suite  1.) 

Sicile,  7  juin  2344. 
XILEF  A  KOTCEH. 

uel  martyre  notre  ministre  m'a  infligé  !  Res- 
ter, comme  je  le  fais ,  en  Italie ,  retenu  par 
ma  parole  trop  légèrement  donnée  de  n'en 
point  sortir  avant  d'avoir  engagé  le  nombre 
de  chanteurs  qui  nous  manque  !  quand  le 
moindre  navire  me  transporterait  en  quel- 
ques heures  à  travers  les  airs  aux  lieux  oîi 
est  ma  vie!...  Mais  pourquoi  son  silence?...  je  suis  bien  mal- 
heureux !  Et  m'occuper  de  musique  dans  cet  état  de  brûlant 
vertige ,  avec  ce  trouble  de  tous  les  sens ,  au  milieu  de  cet 
orageux  conflit  de  mille  douleurs!...  il  le  faut  cependant.  O 
mon  ami ,  le  culte  de  l'art  n'est  un  bonheur  que  pour  les 
âmes  sereines;  je  le  sens  bien  à  l'indifférence  et  an  dégoût 
que  j'éprouve  à  l'égard  des  choses  mêmes  qui ,  pour  moi , 
furent  en  d'autres  temps  des  objets  d'un  si  haut  intérêt. 
N'importe  !  continuons  ma  tâche. 

Sachant  la  mission  dont  je  suis  chargé  et  mes  fonctions  à 
Euphonia ,  les  membres  de  l'Académie  sicilienne  m'ont  écrit 
ce  matin  pour  me  demander  des  renseignements  sur  l'orga- 
nisation de  notre  ville  musicale  ;  ils  ont  beaucoup  entendu 
parler  d'elle,  mais  aucun  d'eux  cependant,  malgré  l'exces- 
sive facilité  des  voyages  ,  n'a  encore  eu  la  curiosité  de  la  vi- 
siter. Envoie-moi  donc ,  par  le  prochain  courrier,  un  exem- 
plaire de  notre  charte,  avec  une  description  succincte  de  la 
cité  conservatrice  du. grand  art  que  nous  adorons.  J'irai  lire 
l'une  et  l'autre  à  la  docte  assemblée;  je  veux  me  donner  le 
plaisir  de  voir  de  près  l'étohnement  de  ces  braves  académi- 
ciens qui  sont  si  loin  de  savoir  ce  qu'est  la  musique. 

Je  ne  t'ai  rien  dit  des  concerts  et  des  festivals  en  Italie , 
par  la  raison  que  ces  solennités  y  sont  tout-à-fait  inusitées  ; 
elles  n'exciteraient  parmi  les  populations  aucune  sympathie , 
et  l'exécution ,  en  tout  cas ,  ne  pourrait  en  différer  beaucoup 
de  celle  que  j'ai  observée  dans  les  théâtres.  Quant  à  la  mu- 
sique religieuse,  il  n'y  en  a  pas  davantage,  eu  égard  aux  idées 
que  nous  avons  et  que  nous  réalisons  si  grandement  sur  l'ap- 

(()  La  Reproduction  de  cette  nouvelle  est  interdite. —Voir  les 
numéros  7  et  8. 


plication  de  toutes  lés  ressources  de  l'art  au  service  divin. 
Les  derniers  papes  ayant  prohibé  dans  les  églises  toute  autre 
musique  que  celle  des  premiers  maîtres  de  la  chapelle  Sixtine, 
tels  que  Palestrina  et  Allegri ,  ont ,  par  celte  grave  décision , 
fait  disparaître  à  tout  jamais  le  scandale  dont  se  plaignaient 
si  amèrement ,  il  y  a  quelques  siècles ,  les  écrivains  dont  l'o- 
pinion nous  paraît  avoir  eu  de  la  valeur.  On  ne  joue  plus ,  il 
est  vrai ,  des  concertos  de  violon  pendant  la  messe ,  on  n'y 
entend  plus  de  cavatine  chantée  en  voix  de  fausset  par  un 
homme  entier,  l'organiste  n'exécute  plus  de  fugues  gro- 
tesques ni  d'ouvertures  d'opéra  buffa  ;  mais  il  n'en  faut  pas 
moins  regretter  que  cette  expulsion ,  trop  bien  motivée,  de 
tant  de  monstruosités  choquantes  et  ridicules ,  ait  entraîné 
celle  des  productions  nobles  et  élevées  de  l'art.  Ces  œuvres 
de  Palestrina  ne  sauraient  être  pour  nous,  ni  pour  quiconque 
possède  la  connaissance  aujourd'hui  vulgaire  du  vrai  stylesacré, 
des  œuvres  complètement  musicales ,  ni  absolument  religieu- 
ses. Ce  sont  des  tissus  d'accords  consonnants  dont  la  trame  est 
quelquefois  curieuse  pour  les  yeux  ou  pour  l'esprit,  en  considé- 
rant les  difficultés  dont  l'auteur  s'est  amusé  à  trouver  la  solu- 
tion, dont  l'effet  doux  et  calme  sur  l'oreille  fait  naître  souvent 
une  profonde  rêverie;  mais  ce  n'est  point  là  la  musique  com- 
plète, puisqu'elle  ne  demande  rien  à  la  mélodie,  à  l'expression, 
au  rhythme  ni  à  l'instrumentation.  Et  les  savants  de  ce  pays- 
ci  croient  encore  sincèrement  que  Palestrina  écrivit  ainsi  à 
dessein  sur  les  textes  sacrés  et  mû  seulement  par  l'intention 
d'approcher  le  plus  possible  d'une  pieuse  idéalité.  Ils  ne  con- 
naissent pas  ses  madrigaux ,  dont  les  paroles  frivoles  ou  ga- 
lantes sont  accolées  par  lui  cependant  à  une  sorte  de  musique 
absolument  semblable  à  celle  dont  il  revêtit  les  paroles  saintes. 
Il  fait  chanter  par  exemple  :  Au  bord  du  Tibre ,  je  vis  un 
beau  pasteur  dont  la  plainte  amoureuse,  etc.,  par  unciiœur 
lent  dont  l'effet  général  et  le  style  harmonique  ne  diffèrent 
en  aucuiip  façon   de  ceux  de  ses  compositions  dites  reli- 
gieuses. 11  ne  savait  pas  faire  d'autre  musique,  voilà  la  vé- 
rité ;  et  il  était  si  loin  de  poursuivre  un  céleste  idéal ,  qu'on 
retrouve  dans  ses  écrits  une  foule  de  ces  sortes  de  logogriphes 
que  les  contre-pointistes  qui  le  précédèrent  avaient  mis  à  la 
mode  et  dont  il  passe  pour  avoir  été  l'antagoniste  inspiré.  La 
messe  de  Palestrina,  dédiée  au  pape  Marcello,  est  écrite  à 
deux  chœurs,  dont  l'un  imite  canoniquement  l'autre  du  com- 
mencement à  la  fin.  C'est  là  une  grande  difficulté  de  contre- 
point habilement  vaincue;  mais  qu'en  résulte-t-il  de  beau  ou 
seulement  de  convenable  au  sentiment  religieux?  En  quoi 
cette  sorte  de  jeu  harmonique,  perceptible  seulement  pour 
les  yeux,  puisque  l'oreille  ne  saurait  suivre  des  imitations  ca- 
noniques de  notes  aussi  longues  et  sans  dessin  mélodique ,  en 
quoi,  dis-je,  cette  preuve  de  la  patience  du  tisseur  d'accords 
annonce-t-elle  en  lui  une  simple  préoccupation  du  véritable 
objet  de  son  travail?  en  rien  à  coup  sûr.   Il  importe  d'ail- 
leurs aussi  peu  à  l'expression  du  sentiment  religieux  de  des- 
siner deux  chœurs  en  canon  perpétuel  que  de  les  écrire  en  se 
servant  d'un  morceau  de  bois  au  lieu  de  plume,  ou  gêné  d'une 
façon  quelconque  par  une  douleur  physique  ou  un  obstacle 
matériel.  Si  Palestrina ,  ayant  perdu  les  deux  mains ,  s'était 
vu  forcé  d'écrire  avec  le  pied  et  y  était  parvenu,  ses  ouvrages 
n'en  eussent  pas  acquis  plus  de  valeur  pour  cela  et  n'en  se- 
raient ni  plus  ni  moins  religieux.  Les  savants  Siciliens  seront 
fort  surpris ,  j'imagine,  d'apprendre  avec  quel  soin  il  est  dé- 
fendu dans  nos  écoles  de  considérer  ces  puérilités  autrement 
que  comme  des  exercices ,  de  les  envisager  comme  le  but  et 
non  comme  le  moyen,  et  en  les  traitant  ainsi  sérieusement  de 
transformer  les  partitions  en  tables  de  logarithmes  ou  en 
échiquiers. 


DE  PARIS. 


77 


En  résumé  cependant ,  s'il  est  regrettable  qu'on  ne  puisse 
plus  entendre  dans  les  églises  que  des  harmonies  vocales 
calmes ,  au  moins  faut-il  se  féliciter  de  la  destruction  du  style 
effronté  qui  en  a  été  le  résultat.  Entre  deux  maux,  estimons- 
nous  heureux  de  n'avoir  que  le  moindre.  Les  papes  d'ail- 
leurs ont  permis  depuis  longtemps  aux  femmes  de  chanter 
dans  les  temples,  pensant  que  leur  présence  et  leur  partici- 
pation au  service  religieux  n'avaient  rien  que  de  naturel ,  et 
devaient  paraître  inOniment  plus  morales  que  le  barbare 
usage  de  la  castration  que  toléraient  et  encourageaient  même 
leurs  prédécesseurs.  11  a  fallu  des  siècles  pour  découvrir  cela  ! 
mais  enfin  on  l'a  découvert.  Autrefois  il  était  bien  permis  aux 
femmes  de  chanter  pendant  l'office  divin  ,  mais  à  la  condi- 
tion pour  elles  de  chanter  mal  ;  dès  que  leurs  connaissances 
de  l'art  leur  permettaient  de  chanter  bien  et  de  figurer  en 
conséquence  dans  un  chœur  artisiement  organisé,  défense 
était  faite  aux  compositeurs  de  les  y  employer.  Il  semble,  en 
lisant  l'histoire,  que  dans  certains  moments  notre  art  ait  eu  à 
subir  l'influence  despotique  de  l'idiotisme  et  de  la  foHe. 

Les  chœurs  des  églises  d'Italie  sont  eii  général  peu  nom- 
breux ;  ils  se  composent  de  vingt  à  trente  voix  au  plus ,  aux 
jours  des  grandes  solennités.  Les  choristes  m'ont  paru  assez 
bien  choisis;  ils  chantent  sans  nuances,  il  est  vrai,  mais  juste 
et  ensemble;  et  il  faut  évidemment  les  placer  à  part  fort  au- 
dessus  des  malheureux  choristes  des  théâtres  dont  je  m'abs- 
tiens de  te  parler. 

Adieu ,  je  te  quitte  pour  écrire  encore  à  Émillac  ;  serai-je 
plus  heureux  cette  fois,  et  me  répondra-t-elle  enfin  ! 

Ton  ami , 

XlLEF. 

H.  Berlioz. 
{La  suile  au  prochain  numéro.) 


TIIKATRE  ROYAL  DE  L'OPKRA-COMiQUE. 
ORESTE  ET  PYLADE, 

OPÉRA-COMUJUE  EN    1    ACTE, 

Paroles  de  MM.  Scribe  et  Dlpin  ;  musique  de  M.  Thys. 
(Première  représentation.) 

î\2r!^^^ans  le  monde  musical  comme  nous  l'a  fait  l'acte 
^S^tf^/B  législatif  qui  décréta  ,  il  y  a  quelque  cinquante 
«1/^45  3  ""'^  '  ^"®  '^  France  enverrait  tous  les  ans  un 
YMj^^f^^jeune  artiste  de  talent  dans  la  capilale  du 
monde  chrétien,  afin  qu'il  en  revînt  homme  de 
génie ,  nous  marchons  sur  des  grands  prix  de  Rome  qui  vont 
quêtant  partout  des  libretti.  Comme  ces  lauréats,  ainsi  qu'on 
les  appelle,  sont,  pour  la  plupart ,  fabriqués,  formulés  par 
des  professeurs  qui  ont  besoin  de  produire  des  élèves  afin 
d'entretenir  leur  renommée ,  et  qui  se  passent  entre  eux  la 
casse  et  le  séné,  il  en  résulte  qu'ils  jettent  dans  la  circula- 
tion musicale  des  compositeurs  pauvres  qui  sont  aussi  de 
pauvres  compositeurs ,  fort  peu  capables  de  charmer  leurs 
concitoyens ,  qui  ont  payé  leur  entretien  à  Rome  et  en 
d'autres  lieux,  par  des  œuvres  inspirées  ,  attendu  qu'on  pré- 
fère toujours  dans  les  écoles  les  élèves  patients ,  piocheurs 
propres,  seulement,  à  faire  des  hommes  de  métier  dans  l'art. 
Cette  thèse ,  qui  demanderait  de  longs  développements 
auxquels  je  ne  puis  me  livrer  ici ,  touche  plus  qu'on  ne  pense 
à  l'avenir  de  l'art  musical  en  France,  qui  est  une  des  gloires 
du  pays  ;  c'est  pourquoi  on  laissera  les  choses  dans  le  déplo- 
rable état  où  elles  sont. 


M.  Thys  est  un  de  ces  produits  d'école  dont  nous  venons 
de  parler.  Il  a  dû  harceler ,  comme  l'ont  fait  ses  prédécesseurs, 
et  comme  le  feront  sans  doute  ses  successeurs  les  grands  prix 
de  Rome ,  toutes  sortes  d'auteurs  dramatiques  pour  en  avoir 
vnpoëme.  Ce  poëme,  qu'il  a  enfin  obtenu  de  MM.  Scribe  et 
Dupin ,  n'est  autre  chose  que  le  vaudeville  intitulé  les  Insé- 
parables ,  joué  fort  longtemps  au  Gymnase ,  sous  la  Res- 
tau ration.  Pour  dérouter  les  souvenirs  du  public  et  des 
journalistes,  les  auteurs  n'ont  imaginé  rien  de  mieux  que 
de  donner  à  la  pièce  un  titre  à  côté,  un  titre  par  allusion  my- 
thologico-historique ,  ainsi  que  l'a  déjà  fait  M.  Scribe  dans 
son  libretto  intitulé  Actéon.  Comme  il  s'agit  ici  d'un  huissier 
qui  ne  veut  pas  se  séparer  d'un  débiteur  qu'il  tient  sous  le 
coup  d'une  prise  de  corps ,  on  a  donné  à  ces  deux  insépa- 
rables les  noms  d'Oreste  et  de  Pylade ,  comme  on  aurait  pu 
les  appeler  Castor  et  Pollux.  Ce  dernier  titre  n'aurait  pas  été 
moins  piquant  ;  il  aurait  fait  penser ,  par  le.  temps  de  res- 
tauration musicale  qui  court ,  qu'on  avait  refait  ou  relouché 
l'œuvre  de  Rameau ,  comme  on  a  badigeonné  celles  de  Gré- 
•  try  et  de  Monsigny.  Qui  sait  ?  un  trémolo  sur  le  beau  chœur  : 
tristes  apprêts ,  pâles  flambeaux  !  serait  peut-être  un  trait  de 
génie  oublié  par  Rameau. 

Pour  en  revenir  à  Oreste  et  Pylade ,  il  faut  convenir  que 
ce  vaudeville  n'avait  rien  de  bien  musical  ;  mais  alors,  comme 
Dellamaria  sur  le  libretto  du  Prisonnier,  qui  ne  prêtait  pas 
non  plus  beaucoup  à  l'inspiration ,  on  fait  une  musique  vive , 
légère ,  spirituelle  et  mélodique  surtout.  M.  Thys  n'a  pas  cru 
devoir  procéder  ainsi ,  ou  peut-être  ne  l'a-t -il  pas  pu.  M.  Thys 
sait:  c'est  le  grand  mot  de  l'école  actuelle,  qui  croit  qu'on 
est  un  grand  musicien  quand  on  manie  assez  bien  la  synlaxe 
harmonique  et  instrumentale.  M.  Thys,  qui ,  à  ce  que  nous 
croyons,  s'est  essayé  sur  la  scène  de  l' Opéra-Comique  par  un 
ouvrageintituléjl/rfa,  assez  oublié,  manque  par  l'invention 
mélodique ,  le  pire  de  tous  les  défauts  dans  un  compositeur. 

Son  ouverture,  morceau  dans  lequel  tout  jeune  composi- 
teur ,  tourmenté  du  désir  de  produire  ,  a  ses  coudées  franches 
et  peut  prouver  idée  et  science,  son  ouverture  n'est  qu'un 
pot-pourri  en  ré,  presque  exclusivement  en  ré,  de  quelques 
uns  des  motifs  assez  insignifiants  de  sa  partition.  A  l'excep- 
tion d'un  petit  bavardage  syllabique  qui  sert  de  coda  à  un 
trio  et  qui  est  déclamé  assez  vivement  et  d'une  façon  co- 
mique, tout  le  reste  de  cette  partition  est  sans  couleur,  sans 
intention  scénique  ,  et ,  nous  le  répétons  à  regret ,  sans  in- 
vention mélodique ,  ce  qui  est  déplorable  pour  un  des  tenants 
ou  teneurs  de  la  romance  et  de  la  chansonneUe  qui  se  font 
applaudir  au  moyen  des  simples  tra,  la,  la,  de  la  gentille 
et  gracieuse  M"=  Sabatier. 

Au  temps  où  florissaient  les  Inséparables ,  au  Gymnase ,  un 
théâtre  voisin  donna  VAmi  intime,  qui  était  absolument  le 
même  sujet.  Dans  cette  pièce,  où  Potier  remplissait  le  rôle 
de  l'ami  intime  d'une  façon  ravissante ,  comme  tons  ceux 
qu'il  jouait ,  il  y  avait  des  couplets  commençant  et  finissant 
par  ces  mots  :  j'ai  d' l'argent  !  dont  la  mélodie  franche  et  bien 
rhythmée  devint  rapidement  populaire  comme  beaucoup 
d'autres  du  même  compositeur.  Cette  mélodie,  qui  a  servi  de 
pas  redoublé  dans  la  musique  de  la  plupart  de  nos  régiments, 
passa  le  détroit  et  n'eut  pas  moins  de  vogue  en  Angleterre  ; 
elle  fut  chantée  à  Londres  par  Liston ,  qui  était  alors  le  co- 
mique en  vogue,  le  Potier  anglais.  Nous  avons  en  noire 
possession  cette  étincelle  musicale  avec  la  traduction  anglaise  : 
/  hâve  money  que  M.  Doche ,  dirigeant  alors  l'orchestre  du 
théâtre  français  à  Londres  ,  a  fait  graver  sous  son  nom. 

Si  la  postérité,  par  suite  de  cette  petite  spohation,  est  em- 
barrassée un  jour  de  savoir  quel  étaii  le  véritable  auteur  de 


78 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


cette  mélodie  populaire,  qui  n'a  pas  réclamé  contre  cette 
supercherie ,  et  à  qui  la  similitude  des  Inséparables,  d'Oresle 
et  Pylade ,  et  de  VAmi  intime  l'a  seule  rappelée  ,  elle  pourra 
recourir  à  la  Gazette  musicale  et  voir  ,  en  lisant  cet  article , 
qu'il  se  nommait 

Henri  Blanchard. 


de  M.  FETIS. 

Les  dernières  séances  de  ce  cours  ont  en  un  intérêt  plus 
vif  encore  que  les  premières.  Dans  la  troisième,  M.  Fétis  a 
fait  connaître  de  nouvelles  formtiles  de  modulations  d'un  ef- 
fet piquant ,  inattendu ,  qu'il  a  déduites  à  priori  de  ses  prin- 
cipes aussi  simples  que  féconds. 

La  dernière  séance  a  été  remplie  par  l'analyse  des  princi- 
paux systèmes  d'harmonie  qu'on  a  essayé  de  faire  prévaloir 
depuis  l'origine  de  la  science  jusqu'à  l'époque  actuelle.  Le 
professeur  y  a  fait  preuve  de  vues  aussi  profondes  que  jus- 
tes, et  d'une  érudition  qui  a  frappé  d'étonnement  toute  l'as- 
semblée. 

Un  incident  a  donné  à  la  fin  de  cette  séance  une  sorte  d'in- 
térêt dramatique  inattendu.  M.  Fétis  avait  annoncé,  dans  sa 
troisième  leçon,  que  s'il  se  trouvait  parmi  ses  auditeurs  quel- 
ques personnes  qui  crussent  avoir  des  objections  h  présenter 
contre  les  bases  de  sa  théorie ,  il  priait  qu'on  le  lui  fît  con- 
naître par  lettre  avant  sa  quatrième  séance  ,  afin  qu'il  pût  en 
annoncer  une  cinquième  qui  ne  serait  plus  une  leçon  mais 
une  conférence  sur  les  objections  présentées.  Un  seul  cham- 
pion ,  M.  Barbereau ,  professeur  d'harmonie  qui  jouit  à  Paris 
d'une  certaine  réputation  et  qui  publie  en  ce  moment  un 
livre  sur  cette  science  ,  s'est  présenté.  Dans  sa  lettre  à 
M.  Fétis,  il  exposait  sept  objections  principales;  mais  il  dé- 
clarait en  terminant  qu'il  n'acceptait  pas  leur  discussion  en 
séance  publique ,  demandant  qu'elle  eût  lieu  seulement  de- 
vant une  sorte  de  jury  composé  de  vingt-quatre  personnes 
dont  douze  seraient  choisies  par  M.  Fétis ,  et  douze  par  lui. 

Après  avoir  terminé  son  analyse ,  M.  Fétis  a  lu  la  fin  de  la 
lettre  de  M.  Barbereau ,  mais  sans  faire  connaître  son  nom 
et  exprimant  le  regret  qu'il  ne  lui  fût  pas  permis  de  discuter 
immédiatement  les  objections  sans  le  consentement  de  leur 
auteur.  Sur  cela ,  M.  Barbereau ,  présent  dans  la  salle ,  dé- 
clara qu'il  consentait  à  cette  discussion  par  M.  Fétis ,  mais 
ajouta  qu'il  n'y  prendrait  point  part.  Une  agitation  très  vive 
se  manifesta  aussitôt  dans  l'assemblée ,  et  l'attention  redou- 
bla dès  les  premières  paroles  du  professeur. 

Malgré  l'intention  déclarée  de  BL  Barbereau  de  ne  point 
prendre  part  à  la  discussion  de  ses  objections  ,  il  fut  bientôt 
entraîné  à  prendre  la  parole  par  les  pressants  arguments  de 
M.  Fétis;  mais  l'évidence  devint  bientôt  si  patente  en  fa- 
veur des  principes  du  savant  professeur ,  que  l'assemblée 
témoigna  à  plusieurs  reprises  son  adhésion  à  ses  paroles,  et 
que  M.  Barbereau  prit  le  parti  de  garder  le  silence  dans  le 
reste  de  la  séance. 

Après  cette  chaleureuse  improvisation ,  dans  laquelle 
M.  Fétis  avait  parlé  d'abondance  pendant  près  de  trois 
heures ,  l'estrade  fut  envahie  par  une  multitude  de  personnes 
parmi  lesquelles  nous  avons  remarqué  les  professeurs  de 
composition  et  d'harmonie  du  conservatoire,  MM.  Batlon, 
inspecteur  des  écoles  de  musique  de  France,  Zimmerman  , 
Panseron  et  plusieurs  autres  artistes  distingués.  Tous  témoi- 
gnaient à  M.  Fétis  leur  admiration  pour  l'étendne  de  son  sa- 


voir, la  nouveauté  de  ses  vues ,  et  la  lucidité  de  son  langage. 

A  la  sortie  de  la  salle  ,  des  groupes  nombreux  se  formèrent 
dans  la  vaste  cour  de  l'hôtel  de  M.  Herz  ;  "à  cinq  heures  et 
demie ,  on  y  discutait  encore  sur  ce  qu'on  venait  d'entendre. 

Inutile  de  dire  l'impatiente  curiosité  avec  laquelle  on  at- 
tend la  prochaine  publication  du  livre  où  M.  Fétis  a  déve- 
loppé sa  savante  et  neuve  doctrine. 

M.  S. 


SOCIETE  DES  CONCERTS. 

(iV»otrime  MaAxwh. 

e  chef  d'orchestre  habituel  de  ces  concerts, 
M.  Habeneck,  n'était  pas  à  son  poste  dimanche 
dernier;  une  indisposition  le  retenait  dans  sa 
chambre ,  et  lui  rendait  impossible  l'exercice  de 
ses  fonctions.  M.  Tilmant  aîné  s'était  chargé  de 
diriger  le  concert,  qui  commençait  par  la  symphonie  en  si 
de  Beethoven.  L'incomparable  chef-d'œuvre  a  été  parfaitement 
rendu  ,  et  le  sublime  andante ,  le  pétillant  finale  surtout ,  ont 
excité  les  transports  de  l'auditoire. 

Puis  nous  est  venue  une  jeune  cantatrice  envoyée  par  la 
perfide  Albion ,  et  l'on  ne  peut  certes  pas  dire  qu'elle  nous 
ait  voulu  jouer  un  mauvais  tour  en  cela  :  bien  au  contraire. 
Miss  Hawes,  douée  d'une  très  belle  voix  de  contralto,  doit 
être  regardée  comme  une  nouvelle  preuve  des  bonnes  et  ami- 
cales relations  qui  continuent  d'exister  entre  les  deux  puis- 
sances voisines.  Elle  a  chanté  deux  airs  de  Hœndel  avec  une 
méthode  et  un  goût  parfaitement  appropriés  au  style  sévère 
et  élevé  de  ce  grand  maître.  Elle  a  surtout  impressionné  le 
public  par  la  pureté  irréprochable  de  son  intonation ,  par  la 
rapidité  et  l'égalité  de  sa  cadence.  Peut-être  abuse-t-elle  un 
peu  de  ce  dernier  moyen  ;  mais  est-il  nécessaire  d'économiser 
lorsque  l'on  est  si  riche? 

M.  Léopold  Dancia  et  son  frère  ont  exécuté  ensuite  trois 
études  pour  deux  violons  sans  accompagnement.  Ces  mêmes 
artistes  se  sont  fait  entendre ,  il  y  a  deux  ou  trois  ans ,  devant 
le  même  public ,  et  ont  recueilli  une  riche  moisson  d'applau- 
dissements. S'ils  ont  été  moins  heureux  cette  fois ,  le  tort 
doit  en  être  imputé  au  choix  des  morceaux ,  peu  convenables 
pour  le  sanctuaire  où  l'on  entend  la  parole  divine  des  grands 
maîtres.  Les  frères  Dancia  sont  de  jeunes  artistes  de  beau- 
coup de  talent  ;  l'aîné  même  a  donné  des  preuves  d'une  vo- 
lonté plus  sérieuse  que  celle  de  beaucoup  de  ses  confrères  , 
et  il  demandera  sa  revanche  au  public  parisien  en  reparaissant 
devant  lui  couvert  de  meilleures  armes  et  d'un  bouclier  plus 
propre  à  parer  les  coups  de  la  disgrâce. 

Après  le  chœur  à'Eunjanthe,  affranchissons  notre  pa- 
trie ,  dans  lequel  Massol  a  chanté  le  solo  beaucoup  trop  bas , 
arrivait  le  morceau  final  de  la  séance.  C'était  l'ouverture  de 
Lénore.  Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  le  nom  de  l'auteur.  Qui 
de  vous  tous  ne  connaît  le  nom  du  chantre  divin  qui  a  ra- 
conté la  vie  de  l'épouse  sublime? 

Stephen  Heller. 


DE  PARIS. 


79 


CSNQUIÈiVlE  CONCERT 

DE   LA 
REVUE  ET  GAZETTE  BIUSICAIiE. 

Tous  les  vieux  amateurs  se  rappellent  les  soirées  de  Cicéri 
qui  donnaient  la  primeur  des  célébrités  étrangères  au  peuple 
artiste  de  Paris.  C'est  là  qu'on  entendit  Moschelès  pour  la 
première  fois.  Zimmernian  succéda  à  Cicéri  dans  cet  em- 
ploi tout  bienveillant  de  chercheur,  révélateur,  exhibeur  de 
talents  inconnus  ou  exotiques ,  et  nous  en  produisit  plusieurs 
dans  ses  brillantes  soirées;  mais  comme  tout  passe,  voilà  que 
ces  soirées  n'ont  plus  lieu  depuis  que  celui  qui  les  donnait  est 
devenu  riche.  La  Gazette  musicale  s'est  depuis  longtemps 
constituée  l'héritière  de  cette  intéressante  mission  en  trans- 
formant ces  soirées  en  matinées  musicales,  dans  lesquelles  on 
entend,  comme  chacun  sait,  de  la  bonne  musique  et  des  ar- 
tistes étrangers  qui  viennent  faire  sanctionner  leur  réputation 
d'artistes  européens  à  Paris. 

Le  cinquième  concert  donné  par  la  Gazette  musicale  n'a 
pas  été  moins  intéressant  que  les  précédents.  La  séance  s'est 
ouverte  par  le  trente-quatrième  quatuor  de  M.  Onslow,  exé- 
cuté pour  la  première  fois  à  Paris  par  MM.  Alard ,  Arrain- 
gaud,  Chevillard  et  Croisilles.  Ce  beau  quatuor  est  un  des 
plus  ingénieusement  travaillés  de  l'auteur  et  l'un  de  ceux  qui, 
par  conséquent,  présente  le  plus  de  diflicultés  dans  l'exécu- 
tion. Le  ton  à\it  mineur,  dans  lequel  il  est  composé ,  est  tout 
à  la  fois  d'une  mélancolie  noble  et  d'un  caractère  brusque  et 
sauvage.  Les  instruments  à  cordes  ne  se  meuvent  pas  fort  à 
l'aise  dans  celte  tonalité ,  qui  n'en  est  pas  moins  belle  pour 
cela.  Le  violoncelle ,  que  l'auteur  connaît  si  bien ,  y  joue  un 
rôle  charmant.  Le  menuet  en  vieux  style  est  ravissant  de 
grâce ,  y  adagio  est  d'une  suavité  qui  vous  berce  de  mille 
pensées  religieuses ,  et  le  finale  qui  renferme  des  traits  d'une 
difGculté  ardue  pour  le  violon ,  et  que  M.  Alard  a  dits  avec 
sa  prestesse  accoutumée ,  est  délicieux  par  une  phrase  imi- 
tant le  galop  d'un  cheval  et  qui  est  dialoguée  entre  les  quatre 
instruments  d'ime  façon  charmante.  Tout  cela  a  été  exécuté 
de  manière  à  enlever  d'unanimes  applaudissements. 

BL  Planque ,  avec  sa  belle  voix  de  basse ,  est  venu  nous 
chanter  un  air  du  Tamerlan  de  Winter,  qu'il  a  dit  avec  son 
excellente  méthode  et  dans  lequel  il  a  su  réunir  l'énergie  du 
farouche  conquérant  à  la  douceur  amoureuse  d'un  Pastor 
fido  ;  et  puis  il  nous  a  fait  entendre  l'élégie  sombre  et  terrible 
de  Meyerbeer  intitulée  le  Moine,  avec  toutes  les  intonations 
passionnées  que  demande  ce  beau  morceau. 

M°"  Capdeville  est ,  comme  chacun  sait ,  aussi  belle  à  voir 
qu'à  écouter  ;  elle  nous  a  chanté  deux  airs  italiens ,  le  premier 
de  Clari ,  puis  un  autre  d'un  Torquato  Tasso  dans  lesquels 
la  félicita  et  les  fioriture  n'ont  pas  manqué.  La  belle  canta- 
trice s'est  tirée  avec  audace  et  bonheur  de  toutes  ces  félicita 
en  style  fleuri.  Nous  aimons  à  constater  ici  qu'elle  a  fait  de 
tels  progrès  depuis  sa  sortie  de  l'Opéra-Comique ,  que  l'on 
peut  la  classer  maintenant  parmi  nos  meilleures  cantatrices 
de  concerts. 

M.  Piatti,  violoncelliste  habile,  est  venu  exécuter  un  air 
italien  dans  lequel  il  a  montré  une  profonde  sensibilité  qui 
aura  plus  de  portée  quand  il  pourra  faire  entendre  un  son 
plus  nourri,  plus  rond  et  par  conséquent  plus  puissant;  mais 
pour  cela  il  lui  faudrait  un  autre  instrument  que  celui  sur 
lequel  il  a  joué.  Quoi  qu'il  en  soit ,  il  a  impressionné  l'audi- 
toire; car  ce  jeune  artiste  chante  on  ne  peut  mieux ,  et  joue 
enfinsur  les  quatre  cordes,  n'imitant  pas  en  cela,  et  il  fait 
bien ,  nos  violoncellistes  actuels.  Un  autre  artiste  étranger, 
M.  BotgQrscheli,H  ollandais,  s'est  produit  dans  cette  séance  ; 


il  a  dit  sur  la  flûte  une  fantaisie  dans  laquelle  il  a  déployé  un 
joli  son  ,  et  a  chanté  sur  son  instrument  avec  expression  en 
y  joignant  de  nombreuses  et  brillantes  difficultés  dont  il  s'est 
bien  tiré. 

Un  artiste  d'un  talent  remarquable,  et  qui  était  naguère 
un  enfant  précoce  mais  non  encore  célèbre,  M.  Georges 
Mathias ,  peu  connu  du  public ,  mais  apprécié  par  les  artistes 
qui  l'ont  suivi  dans  les  développements  et  les  diverses  phases 
de  ses  études  de  pianiste,  s'est  fait  entendre  dans  ce  concert , 
s'est  révélé  enfin  artiste  comjjlet ,  artiste  qui  a  pris  toute  sa 
croissance  physique,  mécanique  et  intellectuelle  :  il  a  dit 
une  fantaisie  non  publiée  de  Thalberg,  sur  la  Semiramide , 
et  l'allégro  d'un  beau  concerto  de  Beethoven ,  dans  lequel  il 
nous  a  fait  entendre  ,  non  seulement  la  partie  de  piano ,  mais 
les  effets  de  l'orchestre,  suppléé  par  lui  avec  une  rare  habi- 
leté. Il  s'est  montré  le  digne  lieutenant  de  Thalberg ,  ce  gé- 
néralissime de  l'armée  des  pianistes  qui  marche  en  ce  moment 
à  la  conquête  du  monde  musical.  Vigueur ,  parfois  un  peu 
brusque ,  chaleur  et  netteté ,  style  élégant  et  pur  ,  chant  bien 
phrasé  ,  bien  nuancé  et  qui  se  colorera  d'un  peu  plus  de  sen- 
sibilité ,  de  passion ,  dans  quelque  temps,  telles  sont  les  prin- 
cipales qualités  qu'a  montrées  M.  Georges  Jiathias  ,  qui  s'est 
tout  d'abord  posé  en  lion  de  ce  concert ,  concert  brillant  et 
varié  que  le  nombreux  auditoire  qu'il  avait  attiré  a  regretté 
de  voir  finir  trop  tôt. 

Henri  Blanchard. 


CorrespoudaiBce  t>artici(lière. 

Lyon,  le  29  février  1844. 
Monsieur, 

Vous  aviez  été  parfaitement  renseigné,  lorsque  dans  votre  numéro 
du  18  courant, ~  vous  parliez  de  l'inhabileté  de  la  direction  de  nos 
théâtres.  Si  quelque  chose  peut  égaler  l'incapacité  de  M.  Duplan, 
c'est  certainement  la  présomption  dont  il  s'efforce  de  donner  chaque 
jour  une  nouvelle  preuve.  Sa  manie  d'écrire  ne  vous  est  peut-être 
révélée  que  depuis  cette  curieuse  réclame  qu'il  a  fait  insérer  dans  la 
France  musicale;  mais  pour  les  Lyonnais  ce  n'est  pas  la  première 
fois  qu'ils  ont  souri  de  pitié  en  face  de  telles  prétentions.  La  légèreté 
avec  laquelle  ce  préiendu  directeur  donne  un  démenti,  pourrait  en 
imposer  à  quelques  uns;  mais  pour  tenir  le  public  en  garde 
contre  toutes  ces  arlequinades,  il  est  bon  de  \ous  affirmer  quelques 
faits. 

M.  le  directeur  fait  grand  bruit  de  la  prospérité  de  son  entreprise, 
et  cependant  il  inonde  notre  ville  de  mémoires  tendant  à  prouver 
à  la  municipalité  qu'il  est  de  toute  justice  et  suriout  de  tonte  néces- 
sité qu'on  lui  permette  d'augmenter  le  prix  des  places.  Mais  peut- 
être  n'est-ce  là  qu'un  moyen  d'entretenir  le  public  de  sa  petite 
personne,  car  cet  honnête  directeur  ayant  été  SHtoi(«é  à  M.  Sirand 
qui  n'était  qu'un  prêle-nom,  il  arrive  aujourd'hui  qu'il  doit  être  fort 
tranquille  personnellement,  malgré  le  triste  état  de  nos  théâtres; 
car  les  hommes  dont  les  capitaux  sont  exploités  sont  trop  honorables 
et  trop  solvables  pour  qu'il  puisse  éprouver  la  moindre  inquiétude 
sur  les  quelques  mille  francs  qu'il  peut  gagner  par  année. 

M.  Duplan  prétend  être  au  mieux  avec  les  artistes;  pourrait-il 
donc  expliquer  les  nombreux  procès  entre  lui  et  les  pensionnaires 
que  les  journaux  enregistrent  si  souvent?  Nous  ne  citerons  que  pour 
mémoire  M"»  Desbrières,  M°"  Miro,  M.  Ambroise,  le  corps  de  ballet 
presque  entier,  etc.,  et  nous  ne  parlons  pas  d'autres  difficultés  sup- 
portées par  MM.  Hilariot,  Montassus  et  Delahaye.  Il  est  vrai  que  ce 
dernier  n'est  plus  chuté  depuis  quelque  temps,  car  on  a  décidément 
besoin  de  lui. 

Quant  aux  succès  de  certains  ouvrages ,  pour  ne  parler  que  du 
dernier,  je  puis  vous  assurer  qu'à  la  seconde  représentation  de 
Mina,  il  n'y  avait  pas  quarante  personnes  aux  premières,  les  au- 
tres places  étaient  dans  la  même  proportion.  Si,  de  ce  nombre,  l'on 
sort  les  abonnés  et  les  billets  de  faveur,  on  pourrait  demander  à 
M.  Duplan  s'il  dirait  à  tous  le  chiffre  de  la  recette,  et  s'il  prouverait 
par  là  que  sa  position  est  digne  d'envie.  La  Part  du  Diable  et  le  Puits 
d'amour  ont  eu  le  même  succès,  et  grâce  à  la  manière  dont  ils  ont 
été  montés,  mieux  vaudrait  pour  nous. qu'ils  eussent  aussi  disparu 


80 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


de  l'affiche.  Enfin,  ce  qui  vous  paraîtra  incroyable,  c'est  que  hi- 
chard  Cœu^-de-Lioii ,  qui  aurait  pu  avoir  ici  de  très  bons  interprètes, 
est  condamné  à  deux  on  trois  représentations.  Le  répertoire  marche 
péniblement  avec  la  Fia'nrUe,  T.ucie  et  le  Barbier.  M.  Raguenot  est 
malade,  M"«  Slorel  ne  joue  presque  pas,  et  dans  la  seconde  ville  de 
France  il  n'y  a  point  de  ballet.  Nous  n'avons  ni  première,  ni  seconde 
danseuse.  Tout  repose  sur  AI"'  Valenline,  première  danseuse  de 
mi-caractère. 

Quant  à  la  durée  de  sa  direction  ,  avant  d'en  parler  si  haut  M.  Du- 
plan  devrait  bien  attendre  le  renouvellement  de  l'année. 

Mainlenant,  comme  votre  correspondant  n'est  ni /ou,  ni  prétendu, 
ni  de  la  Cochinchine,  il  vous  tiendra,  je  vous  le  promets,  au  cou- 
rant de  cette  habile  administration. 
Agréez,  etc. 


L'ALTELR  DES  PAROLES. 

Dessin  de  Gavarni. 

L'illustre  marquis  de  Mascarille  disait:  «  Que  diable  est  ce 
»  là?  Je  fais  toujours  bien  le  premier  vers,  mais  j'ai  peine 
"  à  faire  les  autres.  «  Voici  un  poëte  de  romance  au  moment 
de  l'inspiration  ,  mais  l'inspiration  se  trouve  arrêtée  chez  lui 
dès  le  début  :  sou  imagination  fermente ,  sa  tête  bouillonne, 
ses  idées  roulent  comme  une  avalanche ,  mais  l'avalanche 
rencontre  pour  obstacle  un  petit  caillou  !  Ce  petit  caillou , 
c'est  le  premier  vers,  que  le  poêle  ne  peut  parvenir  à  tour- 
ner. Et  pourtant  que  d'efforts  !  que  de  travail  !  Le  plancher 
couvert  des  débris  d'une  rame  de  papier  en  porte  témoi- 
gnage. De  sa  brûlante  flamme  !...  De  son  ardente  flamme  !.. 
De  sa  modeste  l...  De  sa  magiquel...  De  sa  cuisante] ... 
Desal ...  De  sotil...  Le  choix  est  embarrassant.  Si  l'on  sa- 
vait ce  que  coûtent  souvent  les  paroles  d'une  romance ,  on 
se  hâterait  moins  de  dire  qu'elles  ne  valent  rien. 


nOUTSLIsES. 

",*  Aujourd'hui  par  extraordinaire  à  l'Opéra,  Roberl-le-Diable.  — 
Demain  lundi,  Lady  Henriette  précédée  du  Guérillero. 

",*  Le  succès  du  ballet  nouveau  ,  Lady  Henriette,  s'est  établi  par 
cinq  représentations  consécutives;  Coralli,  si  remarquable  et  si  ori- 
ginal dans  le  rôle  du  fou  Dansomane,  vient  d'être  élevé  au  rang  de 
premier  sujeL  C'est  un  grade  conquis  sur  le  champ  de  bataille. 

',•  Duprcz  est  parti  jeudi  dernier  pour  Londres,  et  doit  débuter 
demain  sur  le  théâtre  de  Drury-Lane  par  le  rôle  d'Arnold  de  Guil- 
laume- l'ell,  qu'il  chantera  en  anglais,  après  l'avoir  chanté  avec 
gr.ind  succès  dans  les  deux  langues,  italienne  et  française.  Il  nous 
reviendra  dans  un  mois  et  demi  environ. 

*,•  Barroilhct  a  profité  d'un  congé  de  huit  jours  pour  aller  chanter 
à  Rouen  et  à  Amiens,  où  le  succès  ne  pouvait  manquer  de  le  suivre. 

',*  Poultier  va  prendre  un  congé  de  deux  mois  :  il  se  rendra  d'a- 
bord à  Rouen ,  où,  indépendamment  des  rôles  qu'il  a  chantés  à  Paris, 
et  de  celui  de  Fernand  ,  de  la  Favorite ,  il  doit  aussi  s'essayer  dans 
Robert-le-Diable.  Des  personnes  qui  l'ont  entendu  chanter  les  prin- 
cipaux morceaux  de  cet  ouvrage,  assurent  qu'il  s'en  acquitte  fort 
bien. 

","  Le  Lazzarone,  ou  le  Bien  vient  en  dormant,  est  annoncé  pour  la 
seconde  quinzaine  de  ce  mois. 

♦,"  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  le  Théâtre-Italien 
donnera  Otello. 

*."  La  paix  est  faite  entre  la  direction  du  Théâtre-Italien  ctPion- 
coni ,  qui  est  rentré  lundi  dans  le  Barbier,  après  une  allocution 
adressée  au  public  dans  l'intérêt  de  l'artiste.  Quelques  sifflets  et 
murmures  ont  protesté,  mais  les  applaudissements  ont  bientôt  ob- 
tenu l'avantage. 

V  On  annonce  que  la  santé  de  Fornasari  s'améliore,  mais  son 
départ  pour  Londres  étant  fixé  au  10  mars,  Paris  n'en  profilera  que 
peu  ou  point  du  tout. 

.",  Jeudi  dernier,  M"'^  Nissen  a  remplacé  M™»  Persiani,  indisposée; 
elle  a  joué  le  rôle  de  Rosine,  sans  avoir  eu  le  temps  de  répéter;  elle 
a  mis  beaucoup  de  finesse  dans  son  jeu  :  le  public  l'a  vivement  ap- 
plaudie ,  surtout  dans  la  cavatine  et  dans  la  tyrolienne  des  Canta- 
trici,  qu'elle  a  chantées  au  deuxième  acte. 


*,"  La  Syrène ,  opéra-cumique  en  trois  actes,  le  Jabot,  en  un  acte, 
sont  les  deux  ouvrages  qui  doivent  être  joués  le  plus  prochaine- 
ment. 

V  On  lit  dans  la  Gazette  des  Théâtres  :  «  Deux  personnes  habitant 
Paris  ont  reçu  des  lettres  annonçant  la  mort  de  M-"»  Rossi-Caccia, 
actuellement  première  chanteuse  aulThéâtre  de  Lisbonne.  Cette  émi- 
nenle  artiste  aurait-suecombé  à  une  maladie  qui  n'aurait  pas  duré 
plus  de  trois  jours;  nous  aimons  à  douter  de  ce  malheur  jusqu'à  plus 
ample  information.  » 

'  V  M.  Onslow,  le  célèbre  compositeur,  est  depuis  quelques  jours 
à  Paris,  où  ses  fonctions  de  membre  de  l'Institut  le  rappellent. 

**,*  Le  premier  concert  de  Doehler,  ce  grand  et  célèbre  pianiste 
qui  fait  école,  aura  lieu  le  21  mars  dans  les  salons  d'Erard.  Quel  est 
le  pianiste  qui  ne  voudrait  y  assister? 

V  On  annonce  une  grande  solennité  musicale  donnée  par  M  Galli, 
le  mercredi  €  mars  à  deux  heures,  dans  laquelle  on  entendra  réunis, 
pour  la  première  fois,  les  premiers  artistes  de  l'Académie  royale  de 
musique  et  du  Théâtre  royal  Italien ,  Mm"  Stoltz ,  Grisi ,  Brambilla, 
MiM.  Barroilhet',  Lablache , Ronconi ,  Mario,  Salvi,  Morelli  et  Galli. 
S'adresser,  pour  la  location  des  stalles,  à  la  Salle  des  concerts,  38,  rue 
de  la  Victoire,  et  ebez  les  principaux  marchands  de  musique. 

",*  M.  Sudre,  inventeur  de  la  Langue  musicale  et  de  la  Téléphonie, 
donnera,  dimanche  prochain  10  mars,  à  deux  heures  précises,  dans 
la  salle  de  Herz,  un  concert  vocal  et  instrumental,  dans  lequel 
M"=  Joséphine  Hugot,  premier  prix  de  déclamation  lyrique  du  Con- 
servatoire, chantera  deux  grands  airs  et  deux  romances  nouvelles 
inédites.  M.  Sudre  fera  connaître  les  différentes  applications  de  sa 
méthode,  et  transmettra  à  son  élève,  au  choix  des  auditeurs,  des 
phrases  en  français,  italien,  espagnol ,  allemand,  anglais,  russe,  grec 
ou  latin,  qui  seront  répétées  par  l'élève  avec  la  prononciation  carac- 
téristique àe.  la  langue  dans  laquelle  ces  phrases  auront  été  écrites.  Il 
prouvera  également  la  possibilité  de  faire  communiquer  des  aveu- 
gles avec  des  sourds-muets  par  les  sceptiques  ai  la  musique.  Ce  concert, 
auquel  concourront  les  artistes  les  plus  distingués,  se  terminera 
par  des  expériences  de  téléphonie  ou  télégraphie  acoustique  ,  prati-  ,' 
quée  sur  le  clairon,  au  moyen  de  trois  sons  seulement  ut,  mi,  sol,  ■ 
avec  lesquels  on  peut  tout  exprimer.  Nous  anonçons  avec  plaisir  à 
nos  lecteurs  que  la  téléphonie  vient  d'être  approuvée  tout  récem- 
ment, par  deux  commissions  de  généraux,  nommées  par  M.  le  maré- 
chal ministre  de  la  guerre.  Il  n'est  donc  pas  douteux  que  la  foule  ne 
se  porte  à  cette  intéressante  séance.  On  peut  se  p  rocurer  des  billet 
à  l'avance,  chez  M.  Sudre,  rue  Richelieu,  42. 

*,*  Le  concert  de  M""  Krienitz,  élève  du  cours  de  M.  J.-B.  Cra- 
mer et  J.  Rosenhain,  aura  lieu  mardi  5  mars,  à  huit  heures  du  soir, 
dans  les  salons  de  M.  Érard.  Le  talent  de  M"=  Krienitz  et  l'excellent 
choix  d'artistes  qui  la  secpnderont  sont  de  nature  à  attirer  les  ama- 
teurs de  bonne  musique.  On  y  entendra  M.""  Lia  Duport ,  Montdu- 
laigny,  MM.  Goldberg  et  Cossmann,  et  un  quintetto  pour  les  nou- 
veaux instruments  inventés  par  M.  A.  Sax  et  exécutés  par  MM.  Dis- 
tin,  qui  savent  les  jouer  dans  la  perfection.  On  trouvedes  billets  chez 
M.  Schlesinger,  97,  rue  Richelieu. 


cosrcxRTS  AmroNTCxs. 


3  mars.  2  heures.   M.  Javault.  Salle  Duport. 

3  —  2  —  M"=  Vény.  Salle  Érard. 

3  —  2  —  M.  Ermel.  Salle  de  l'École  lyrique. 

5  —  8  —  M"»  Élise  Krienitz.  Salle  Érard. 

5  —  S  —  M"'' JennyRossignon.  Salle  Pleyel. 

6  —  2  —  M.  Galli.  Salle  Herz. 

6  —  8  —  M"=  Boireux.  Salle  Érard. 

9  _  »  —  M""»  Sabatier.  Salle  Herz. 

10  —  2  —  M.  Sudre.  Salle  Herz. 

)0  —  »  —  M"'  Aglaé  Massbn.  Salle  Érard. 

12  —  8  —  M"=  Korn.  Salle  Herz. 

12  —  »  —  M.  Gold.  Salle  de  l'École  lyrique. 

15  —  8  —  M.  Gultmann.  Salle  Érard. 

16  —  8  —  MM.  A.  Goria  et  Lac.  Salle  Pleyel. 

17  —  2  —  MM.  Alard  et  Dorus.  Salle  Herz. 

17  —  »  —  MM.  Déjazetet  Bessems.  Salle  Souffletot. 

20  —  8  —  M"'  Loveday.  Salle  Herz. 

20  —  8  —  M.  Schad.  Salle  Érard. 

21  —  2  —  M.  Doehler.  Salle  Érard. 
25  —  »  —  M.  Lacombe.  Salle  Érard. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


an  ,  34  r.-.   >:trangcr,  3Sr. 


SOMMAIRE.  La  Polka.  —  Théàlrc-Ilalien  :  Con-ado  d'AUamura 
(première  représenlalion  ).  —  Coup  d'œil  musical  sur  les  concerts 
(le  la  semaine;  par  H.  BLANCU.4RD.— Correspondance  parti- 
culière :  Marseille ,  Londres.  —  Nouvelles.  —  Annonces 

LA  CHANTEUSE  DES  CAFÉS.  Dessin  de  Gavarni. 


LA  polka! 
* 

N.  B.  —  Ce  qu'on  va  lire  est  extrait  d'une  lettre  écrite  par  l'un 
de-nos  jeunes  et  élégants  concitoyens  à,*in  ami  qui  stationne  en  ce 
moment  sur  un  vaisseau  français  dans  l^faie  de  Papeili. 

Maintenant  que  nous  avons  assez  parlé  poli- 
tique, je  laisse  la  reine  Ponaaré,  détrônée  par  vous,  restau- 
rée par  nous ,  et  j'arrive  au  chapitre  des  plaisirs  de  Paris 
dont  tu  veux  que  je  te  rende  comptç.  Ce  ne  sera  ni  long  ni 
difficile  :  nous  jouons  au  lansquenet  e£  nous  dansons  la  polka. 
Le  lansquenet  !  vas-tu  dire ,  un  jeu  qui  faisait  fureur  il  y  a 
plus  de  deux  cents  ans ,  et  avec  lequel  se  ruinaient  les  an- 
cêtres de  nos  ancêtres  !  un  jeu  particulièrement  cher  à  tous 
les  aigrefins ,  à  tous  les  chevaliers  d'industrie  ,  et  finalement 
chassé  de  toutes  les  bonnes  maisons  comme  dangereux  et  im- 
moral au  premier  chef!  Tout  cela  est  possible;  mais  nous 
n'en  avons  pas  moins  restauré  le  lansquenet,  comme  la  reine 
Pomaré,  deux  puissances  déchues,  l'une  depuis  deux  siècles, 
l'autre  depuis  quelques  mois.  Le  lansquenet  se  joue  partout 
avec  une  ardeur  incroyable  ;  il  se  joue  le  matin  ,  le  soir,  en- 
core plus  la  nuit  ;  il  se  joue  dans  les  salons ,  dans  les  cham- 
bres à  coucher,  jusque  dans  les  voitures  publiques  et  les 
wagons  de  chemin  de  fer.  Dernièrement  quatre  jeunes  gens, 
ayant  une  assez  longue  course  à  faire,  montent  dans  une  cita- 
dine à  quatre  places.  Au  détour  delà  première  rue,  l'un 
d'eux  descend,  n'importe  sous  quel  prétexte,  et  remonte 
bientôt  armé  d'un  jeu  de  cartes  :  «  Voilà  de  quoi  passer  le 
1)  temps,  dit-il;  en  avant  le  lansquenet!  » 


Cet  engouement,  cette  frénésie,  ne  peuvent  s'expliquer  que 
par  l'extrême  besoin  de  nouveauté  qui  nous  dévore:  nous 
sommes  tellement  fatigués  de  la  monotonie  qui  pèse  sur  nos 
amusements  que  nous  saisissons  avec  avidité  tout  ce  qui  peut 
y  jeter  une  variété  quelconque.  C'est  aussi  là  ce  qui  justifie  la 
vogue  de  hpolha,  et,  avant  la  ^Jo/Zi»,  celle^de  la  valse  h  deux 
temps ,  déplorable  invention  qui  n'avait  d'autre  résultat  que 
de  mettre  les  valseurs  en  combat  perpétuel  avec  la  plus  gra- 
cieuse de  toutes  les  mesures.  Je  soupçonne  les  professeurs  de 
danse  d'entrer  pour  quelque  chose  dans  ces  innovations  d'un 
goût  plus  que  bizarre.  Depuis  que  l'on  marche  au  lieu  de 
danser,  que  veux-tu  que  les  professeurs  de  danse  montrent  à 
leurs  élèves  ?  La  valse  à  deux  temps  était  venue  à  propos  pour 
rendre  leurs  leçons  nécessaires  et  remplir  leurs  classes  pen- 
dant quelques  mois;  la  piolha  leur  a  procuré  un  nombre  d'é- 
lèves bien  plus  considérable  encore. 

Mais  enfin  qu'est-ce  que  la  polka?  Tu  crois  peut-être  d'a- 
près son  nom  ,  que  c'est  une  danse  polonaise?  Du  tout ,  c'est 
une  danse  originaire  de  Bohême ,  une  danse  de  paysans , 
adoptée  d'abord  par  les  salons  de  l'Allemagne  et  ensuite  par 
les  nôtres.  La  polka  se  danse  sur  une  mesure  à  deux  quatre 
plutôt  lente  que  vive.  Le  cavalier  et  la  dame  tournent  comme 
dans  la  valse  :  ils  partent  du  pied  droit,  et  à  chaque  tour  ils 
s'arrêtent  pour  sauter  deux  fois  sur  le  pied  gauche ,  qui  ce- 
pendant quitte  à  peine  le  sol.  Tu  as  vu  cela  dans  toutes  les 
masoiirques  et  cracoviennes.  Seulement  tu  as  remarqué 
que  pour  que  ce  double  petit  saut  signifiât  quehiue  chose, 
il  fallait  que  les  pieds  du  danseur  et  même  de  la  danseuse 
fussent  armés  d'éperons  retentissants.  La  polka  sans  bottines 
et  sans  éperons  est  une  plaisanterie  fort  ridicule  ;  autant  vau- 
drait monter  à  cheval  en  culottes  courtes  et  en  bas  de  soie , 
ou  bien  faire  l'exercice  du  fusil  avec  un  bâton  dénué  de  toute 
espèce  de  capucines. 

Ajoute  à  cela  que  tous  nos  danseurs  français  ne  se  distin- 
guent ni  par  une  légèreté  aérienne,  ni  par  une  facilité  extraor- 


BVREAUX   D'ABONNEMENT,    RUE   EICHEIÏEÎJ,    97. 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


dinaire  de  luouvemeut  et  de  geste,  ni  par  une  imperturbable 
sûreté  d'équilibre.  La  poika  n'est  donc  pour  eux  ni  sans  dan- 
gers ni  sans  inquiétudes  :  il  s'ensuit  que  la  plupart  se  cram- 
ponnent à  leur  danseuse,  baissaut  le  front  et  relevant  la  crcupe 
de  la  manière  du  inonde  la  plus  grotesque ,  et  si  j'ose  le  dire 
la  plus  otaïliciine.  Il  y  en  a  qui  ont  l'air  de  vouloir  enfon- 
cer le  plancher,  d'autres  qui  semblent  déterminés  h  écraser 
un  insecte  !  La  première  fois  que  je  vis  danser  la  poika,  j'en- 
lendis  quelqu'un  dire  un  mot  profondément  juste  ,  et  ce  mot, 
le  voici:  «  J'ai  un  frotleur  gui  en  fait  aidant.  »  Le  mot  peint 
la  chose  en  peu  de  mots  :  un  mauvais  danseur  dejMUca,  c'est 
un  bon  frotteur,  moins  la  Lrosse. 

Si  j'étais  femme,  et  que  je  n'eusse  plus  précisément  la 
taille  effilée  d'une  sylphide ,  je  me  garderais  soigneusement 
de  hjmllia.  ïu  n'imagines  pas  combien  le  double  soubresaut 
est  défavorable  à  certaines  formes,  dont  l'embonpoint. s'ac- 
cuse avec  trop  d'évidence  ! 

Sous  le  point  de  vue  moral ,  je  n'ai  rien  à  dire  de  la  iwUca. 
Quoique  je  ne  nicpique  pas  d'une  excessive  pruderie,  la  valse 
ne  m'a  jamais  paru  le  complément  d'une  éducation  de  jeune 
fille  ;  la  j'olka  me  semble  encore  moins  appelée  à  faire  partie 
d'un  bon  système  d'éducation.  Toutefois,  je  n'hésite  pas  à 
déclarer  que  le  sergent  de  ville  le  plus  incorruptible  pour- 
rait la  voir  sans  s'alarmer. 

A  propos ,  cette  danse  bohémienne  a  déjà  produit  un  verbe 
français;  nous  conjuguons  cela,  et  nous  disons  :  je  police,  tu 
polkes,  nous  2}olkoiis,  vous  jiolkez,  ils  polketit.  En  entrant 
dans  un  salon ,  il  est  permis  de  demander  si  l'on  a  déjà^oZ/e. 
Reste  à  savoir  si  l'Académie  française  adoptera  le  mot  dans 
son  dictionnaire  futur  de  l'année  1950  ! 

Sous  le  point  de  vue  musical,  la  polka  nous  a  valu  des 
compositions  ravissantes  ;  la  verve  de  tous  nos  musiciens  s'est 
enflammée ,  et  les  mélodies  à  deux  temps  ont  coulé  comme 
la  lave.  Avec  la  présente  ,  je  t'envoie  ce  que  j'ai  trouvé  de 
mieux,  la  Cartoito de  Strauss,  la  Cen-ito  de  Lanner,  les 
Camélias,  la  Caroline  et  quelques  autres.  Je  t'enverrai  peut- 
être  l'un  de  ces  jours  quelques  dessins  représentant  la  véri- 
table polka,  dansée  par  les  paysans  de  Bohême  avec  l'énergie 
d'accent  qui  me  porte  à  croire  que  cette  danse  équivaut 
dans  le  pays  à  celle  que  dans  le  nôtre  la  pudeur  empêche  de 
nommer.  Je  t'enverai  aussi  l'esquisse  de  nos  danseurs  pris 
sur  le  fait,  et  tu  verras  si  tu  es  d'humeur  à  essayer  quelque 
chose  d'approchant  avec  les  dames  d'honneurs  de  la  reine 
Pomaré,  et,  pour  peu  que  l'étiquette  ne  s'y  oppose  pas,  avec 
la  reine  elle-même ,  le  jour  de  sa  restauration.  Là-dessus ,  je 
te  laisse  carte  absolument  blanche.  Tout  ce  que  je  te  recom- 
mande ,  c'est  de  ne  pas  risquer  le  lansquenet  avec  M.  Prit- 
chard  :  ce  diable  de  missionnaire  me  semble  un  peu  trop 
malin  ! 

Ton  bien  dévoué  de  cœur, 

Edmond  Lae... 


THUATRE-ITALIEN. 

OPERA  SERIA  EN  3  ACTES, 

musique  de  Ricci. 
(Première  représentation.) 

a  musique  italienne ,  au  sortir  de  la  brillante 
période  que  lui  firent  la  verve  exubérante  et 
le  génie  de  Rossini ,  ressemble  un  peu  à  un 
homme  qui  a  passé  la  nuit  dans  l'exaltation  des 
joies  du  carnaval.  Quand  les  fanfares  éclatantes 


se  sont  tues,  et  qu'à  la  lumière  acre  et  chaude  du  bal  a 
succédé  l'éclat  plus  pur  et  plus  froid  du  jour,  notre  homme 
sent  le  besoin  du  repos,  tout  en  rêvant  de  ses  plaisirs  passés. 
Sl' rejeter  la  nuit  suivante  dans  le  même  paroxysme  lui  seu> 
blerait  impossible  ;  mais  les  préoccupations  qui  l'attachaient 
jadis  tous  les  jours  ne  réussissent  qu'à  l'ennuyer.  Il  lui  faut 
du  calme ,  mais  il  aurait  horreur  de  tout  ce  qui  ressemblerait 
de  loin  ou  de  près  à  une  joie  innocente.  Il  est  mal  à  l'aise  , 
impuissant  a  bien  ou  mal  faire.  Il  a  froid,  et  le  feu  ne  lui  rend 
pas  la  vivacité  de  ses  esprits  vitaux.  Il  s'agite  sans  y  trouver 
de  plaisiri  et  pourtant  le  manque  absolu  d'actioane  lui  cause 
quedégoût.  Enfin  le  temps  seul  peut  refaire  en  lui  ce  que  le 
plaisir  a  défait. 

La  musique  italienne  nous  paraît,  quant  à  présent,  dans  une 
situation  encore  pire.  Chez  l'homme,  un  repos  suffisant  et  bien 
entendu  peut  rendre  la  faculté  de  goûtermême  les  joies  douces 
et  pures,  Biais  la  musique  italienne  d'aujourd'hui  a  passé  sa 
jeunesse,  et  ne  peut  plus  retrouver  l'âge  d'innocence.  Elle  se 
repose  de  la  perte  de  verve  qu'elle  a  faite  pendant  la  ravissante 
orgie  rossinicnne ,  et  ne  saurait  retourner  au  temps  de  Paï- 
siello  et  de  Cimarosa.  C'est  un  homme  toujours  spirituel  et 
aimable  qui  commence  à  s'ennuyer  et  qui  le  laisse  seuth- 
aux  autres. 

Les  compositeurs  italiens  contemporains,  ne  pouvant  plus 
nous  ramener  aux  fêtes  rossiniennes,  ont  essayé  avec  Bellini 
d'un  peu  de  raison  mitigée  de  pétulance  et  d'étourderie. 
C'est  grand  dommage  que  cela  sente  le  parti  pris  :  car  c'est 
encore  fort  agréable. 

Il  nous  serait  difficile  de  dire  si  Ricci ,  le  nouveau  venu , 
s'éloigne  plus  de  Donizetti,  son  modèle,  que  celui-ci  ne  s'est 
éloigné  de  Rossini  ;  mais  il  nous  semble  que  la  double  ten- 
dance d'imitation  et  d'indépendance  se  fait  sentir  au  même 
degré  chez  tous  deux.  Ricci  est  évidemment  un  Donizetti  dé- 
naturé, tout  en  sortant  comme  lui  de  la  souche  rossinienne. 
L'élégance  et  la  distinction  sont  reaiarquables  dans  les  deux. 
L'originalité  n'est  pas  non  plus  chez  le  dernier  la  qualité  do- 
minante. Enfin  il  emprunte  à  Donizetti  les  effets  d'éclat  dans 
la  même  proportion  que  celui-ci  les  a  empruntés  à  Rossini. 
Son  opéra  de  Corrado  d'Altamura  renferme  un  bon  air  chanté 
au  premier  acte  par  madame  Brambilla ,  un  joli  andante  par 
madame  Grisi,  un  joli  petit  duo,  ou  plutôt  une  mélodie  à 
deux  voix,  entre  Mario  et  madame  Grisi,  et  un  air  plein  d'une 
expression  fort  juste  très  bien  dit  par  Ronconi.  Madame  Bram- 
billa a  encor^i ,  au  troisième  acte ,  un  air  qui  fait  effet  et  ne 
manque  pas  de  mérite,  et  l'on  entend  après  cet  air  un  bon 
duo  entre  Mario  et  Ronconi.  Les  deux  morceaux  les  plus  sail- 
lants sont  le  finale  du  deuxième  acte  et  la  prière  du  troisième. 
La  mélodie  de  l'andante  de  ce  final  est  noble ,  belle  et  bien 
traitée.  Le  dialogue  ou  plutôt  les  réponses  des  bassons  frap- 
pant avec  le  dessin  pizzicato  des  contre-basses  produisent  un 
excellent  effet  au  commencement.  L'allégro  est  chaleureux  et 
d'un  effet  très  juste.  La  prière  est  à  trois  voix,  et  débute  par 
une  mélodie  d'une  chasteté  et  d'une  onction  ravissantes.  Le 
compositeur,  craignant  sans  doute  d'ennuyer  en  continuant 
jusqu'à  la  fin  ce  caractère  purement  religieux ,  a  changé  le 
travail  dans  un  sens  tout  moderne,  qui  est  pour  nous  une 
contradiction.  L'effet  a  d'ailleurs  été  généralement  approuvé. 
On  peut  encore  écouter  avec  plaisir  un  petit  chœur  de  reli- 
gieuses et  une  ballade  avec  chœurs  chantée  par  Mario  ;  mais 
ce  sont  des  parties  assez  faibles. 

Cela  constitue ,  en  somme ,  pour  M.  Ricci ,  un  bon  début 
à  Paris;  nous  croyons  toutefois  que  ce  début  eût  été  plus  heu- 
reux si  l'on  eût  exécuté  un  de  ses  opéras  bouffes.  C'est  un 
genre  dans  lequel  il  réussit  beaucoup. 


DE  PARIS. 


85 


Quant  à  la  mise  en  scène  de  la  Heine  de  Clnjprc  ,  elle  est  irrépro- 
chable et  rappelle  les  magnificences  de  l'Opéra. 

Je  crois  que  le  succès  d'une  pièce  ainsi  établie  doit  se  soutenir 
longtemps  et  dédommager  les  artistes  sociétaires  des  pertes  nom- 
breuses qu'ils  ont  éprouvées  depuis  la  retraite  de  M.  Auzet. 

Le  succès  de  la  deuxième  représentation  de  la  Ilcine  de  Chypre  a 
été  plus  grand  encore  que  celui  de  la  première;  ces  deux  soirées  ont 
produit  6,000  fr. 

G.    EÉSÉDIT. 


Londres,  i  mars  lS'i4. 
La  Jolie  Jllle  de  Gand  continue  d'attirer  le  public  à  Drury-I.anc  , 
et  les  succès  de  M"'  Fleury  vont  en  grossissant  comme  la  rccclle. 
Kean  de  son  côté  soutient  également  la  vogue  de  l'entreprise  avec 
Macbeth.— U""  Wood,  qui  dans /a  iVoram  avait  obtenu  de  si  grands 
succès,  n'a  pas  élé  aussi  heureuse  dans  Fra  Diavolo  que  vient  de 
faire  paraître  Princess-Theatre.  Par  compensation,  ihe  l'oiinrj  Scamp, 
sorte  de  traduction  ou  d'arrangement  du  Gamin  de  Paris,  a  été  reçu 
avec  satisfaction,  et  promet  à  l'entrepreneur  une  série  de  belles  re- 
cettes. —  L'indisposition  subile  de  Lhérie  a  forcé  Aehard  de  re- 
prendre un  engagement  nouveau.  La  famille  du  Fttmisic  fait  donc 
les  frais  du  théâtre  français,  dont  Cartigny  et  Aehard  font  les  hon- 
neurs. C'est  ce  soir  qu'a  lieu  le  premier  bal  masqué  de  Julien  à 
Covent-Garden;  on  dit  que  l'on  s'y  écrasera.  La  moralité  puritaine 
vient  d'ordonner  que  le  cancan  et  autres  danses  de  cette  espèce  ne 
seraient  pas  tolérées.  —  La  non  arrivée  de  Lablache  et  de  Ronconi , 
dont  les  noms  figuraient  sur  l'affiche  mardi  dernier,  a  causé  quelque 
désagrément  à  l'imprésario  du  théâtre  italien.  Au  lever  du  rideau 
on  est  venu  annoncer  que  les  artistes ,  retenus  malades  à  Paris ,  ne 
pouvaient  se  présenter,  et  VElisire  d'^more  a  remplacé  //  Tlarbitre. 
—  Les  concerts  Beuler  ont  eu  beaucoup  de  succès. 


LA  CHANTEUSE  DES  CAFES. 

Sessin  de  Gavarnî. 

Comme  elle  est  belle,  nobic  et  toiichanlo  !  Que  de  mélan- 
colie dans  ses  giands  yeux  noirs,  au-dessous  desquels  le  cha- 
grin et  la  fatigue  ont  marqué  leur  empreinte  semi  circulaire  ! 
•La  nature  l'avait  créée  pour  trôner  dans  un  salon  ,  sur  des 
coussins  de  soie  et  de  velours,  élincelanle  de  diamants,  floris- 
sante de  paruie,  de  jeunesse  etd'orgueil!  Et  la  voilà,  telle  que 
la  société  l'a  faite,  un  peu  flétrie,  mais  toujours  fière,  tenant 
dans  ses  mains  nu  violon  ,  an  lieu  de  sceptre,  et  prodiguant 
sa  voix  pour  quelques  pièces  de  monnaie!  Il  y  a  dans  le  livre 
de  notre  ami  Paul  Smith  un  chapitre  intitulé  :  Les  virtuoses 
de  table  d'/wle,  dans  lequel  vous  trouverez  le  type  d'un  de  ces 
anges  déchus ,  dont  la  Chanteuse  des  cafcs\ous  oïïve  la  poé- 
tique image.  Paul  Smith  et  Gavarni  se  sont  rencontrés. 

M.  S. 


*,*  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  à  l'opéra,  L,adij 
Henriette,  ballet  en  trois  actes,  précédé  dn  Freyschiiiz.  —  'Demiin 
lundi ,  Charles  VI  :  M.  Jlenghis  débutera  dans  le  rôle  du  Dauphin. 

"."  Duprez  a  fait  le  trajet  de  l^aris  à  Londres  en  vingt-cinq  heures  : 
il  est  arrivé  à  Drury-Lane  au  moment  où  l'on  commençait  une  répé- 
tition de  Guillaume  'Tell,  et  aussitôt  il  s'est  mis  à  chanter  le  rôle 
d'Arnold  de  manière  à  étonner  tous  les  assistants  et  à  combler  le 
directeur,  M.  Bunn ,  d'espérances  dorées.  Il  a  dû  débuter  jeudi 
dernier. 

V  Nous  avons  beaucoup  de  plans  pour  la  construction  d'une  salle 
d'opéra  définitive;  mais  comme  chez  nous  rien  ne  dure  plus  long- 
temps que  le  provisoire,  il  s'est  trouvé  un  architecte  dont  les  études 
se  sont  cuiicentrces  sur  un  projet  d'isolement  et  d'agrandissement  de 
la  salle  aclucUe  ;  de  ces  études  est  sorti  un  tra\ail  tout-à-fait  digne 
d'attention,  et  satisfaisant  aux  diverses  conditions  de  sûreté,  de  com- 
modité, d'élégance,  que  l'on  est  en  droit  d'exiger.  Quelques  centaines 
de  mille  francs  qu'on  retrouverait  plus  tard  dans  la  plus-value  des 


terrains  suffiraient  à  l'exécution  ,  qui  d'ailleurs  n'entraverait  nulle- 
meii;  la  marche  des  représentations  théàlrales.Ce  projet  mérite  qu'on 
l'examine  sérieusement  ;  il  concilie  trop  d'inléréts  pour  que  son  op- 
portuniié  puisse  être  contestée. 

•,"  Demain  lundi,  au  Théâtre-Italien,  au  bénéfice  de  Mario, 
/  Paritani. 

'.'  Le  tribunal  de  première  instance  de  la  Seine  vient  de  décider 
que  le  concessionnaire  d'une  loge  à  titre  gratuit  était  tenu  d'acquit- 
ler  de  ses  deniers  le.droit  des  pauvres.  La  question  s'agitait  entre  la 
direction  duThéùlrc-ltalien  et  les  ayant-cause  de  M.  Coursault,  an- 
cien propriétaire  de  la  salle  Ventadour. 

,*,  La  ccur  royale  de  Paris  vient  de  juger  que  la  taxe  du  cinquième 
élablie  par  l'ordonnance  du  S  décembre  1824  n'est  pas  un  impôt, 
mais  une  indemnité  stipulée  par  l'anlorité  au  profit  des  théâtres  de 
premier  ordre,  à  la  charge  des  théâtres  secondaires.  En  conséquence 
clic  a  condamné  le  sieur  Auccssy  ,  directeur  lies  concerts  Vivicnne  , 
à  payer  au  sieur  Cliapiseau,  directeur  du  théâtre  de  Versailles,  une 
somme  de  400  francs,  à  laquelle  elle  a  arbitré  le  cinquième  de  la 
recette  des  concerts  donnés  par  le  premier  dans  cette  ville. 

"."  Le  concert,  suivi  d'un  bal ,  donné  >endredi  par  M.  Erard  a  élé 
une  fè:e  vraiment  royale  par  son  luxe  et  son  élégance.  Les  arlistes  de 
premier  ordre,  tels  que  Doehier,  Calfe,  Lablache,  Batla,  M""SNissen 
et  Jourdan,  ont  chanté  à  ravir,  et,  au  bal,  on  voyait,  dans  ces  beaux 
salons  éclairés  d'une  manière  magique,  les  plus  jolies  femmes  de 
Paris  danser  et  valser,  entraînées  qu'elles  étaient  par  le  grand  et  ex- 
cellent orcheslre  dirigé  par  JL  Tolbecque,  qui  pendant  longtemps 
encore  sera  le  chef  d'orcheslre  de  tous  les  bals  de  la  haute  fashion. 

','  M.  Amèdée  Mereaux,  qui  habile  depuis  quelque  temps  P.ouen, 
doit  venir  incessamment  à  Paris  pour  donner  un  grand  concert  his- 
torique dont  il  destine  le  produit  à  la  caisse  de  l'association  des  ar- 
tistes musiciens.  L'immense  succès  obtenu  par  M.  Mereaux  à  Rouen 
dans  les  quatre  concerts  historiques  qu'il  a  donnés  l'année  dernière 
en  un  très  court  espace  de  temps],  ne  permet  pas  de  douter  que  le 
consciencieux  professeur  n'en  obtienne  autant  â  Paris.  Bientôt  nous 
annoncerons  le  jour  et  donnerons  le  programme. 

',"  Dans  une  brillante  soirée  donnée  par  M"'  Louise  Berlin  ,  nous 
avons  entendu  chanter,  par  M.  Delsarte,  d'une  manière  extrême- 
ment remarquable  et  arlislique,  différentes  œuvres  de  LuUi  et  de 
Gluck,  ainsi  que  plusieurs  morceaux  composés  par  Jl''' Louise  Ber- 
lin. Il  fallait  un  bien  grand  mérite  à  ces  dernières  compositions  pour 
êtrecnlciidues  à  côté  de  tels  chefs-d'œuvre,  et  nous  pouvons  dire  en 
conscience  que  l'auteur  de  Fawii  et  d'Esmeralda  s'en  est  tiré  avec 
bonheur.  Ces  morceaux,  presque  tous  avec  accompagnement  de 
chœurs,  sont  de  premier  ordre,  et.  si  l'on  en  publiait  la  Prière  avec 
le  nom  de  Mozart,  Gluck  ou  Beethowen,  beaucoup  d'artistes  ne  dou- 
teraient pas  de  son  authenlicilé. 

*,*  Dimanche  dernier  on  a  beaucoup  applaudi  chez  M.  Orfila  le 
deuxième  Trio  de  M.  Osborne,  parfaitement  exécuté  par  MM.  Léo- 
nard, Selignian  et  l'auteur. 

","'  Thalberg  arrivera  à  Paris  à  la  fin  do  mars  ;  il  doit  donner  im- 
médiatement un  concert ,  dans  lequel  il  fera  cnlendre  ses  fantaisies 
sur  Scmiramis,  la  Sluelte,  Charles  VI  et  Oiello  ,  qui  ont  produit  un 
fanatisme  indescriptible  à  Palerme,  où  le  célèbre  artiste  a  été  porté 
en  triomphe  à  son  domicile  après  avoir  donné  son  dernier  concert. 

*,*  Un  jeune  danseur,  Hoguct  Yestris,  que  nous  avons  vu  débuter 
récemment  à  l'Opéra ,  est  en  ce  moment  fort  applaudi  à  Londres,  et 
réhabilite  la  danse  masculine  auprès  des  Anglais ,  séduits  par  sa 
grâce,  son  aplomb,  et  la  vigueur  avec  laquelle  il  s'enlève.  Tous  les 
journaux  de  Londres  retentissent  de  son  éloge. 

',*  Le  concert  de  .M.  Doehier  aura  lieu,  comme  nous  l'avons  an- 
noncé, le2l  mars;  le  célèbre  pianiste  exécutera  les  morceaux  sui- 
vants :  1.  Trio  de  Beethoven  en  ui  mineur.  2.  Grande  fantaisie  sur 
des  motifs  de  Saffo,  opéra  de  Pacini.  3.  Andanlo  sur  une  romance 
de  Doni  Sébastien.  4.  La  Dispute,  grande  étude.  5.  Adieu,  de 
Schubert.  6.  Tarentelle  napolitaine. 

","  La  quatrième  et  dernière  séance  de  quatuors  et  quintettes  que 
donneront  â  deux  heures  M5L  Javault,  Boucher,  G.  Ney,  Lebouc 
etGouffé  dans  les  salons  de  M.  Duport,  ne  peut  manquer  de  piquer 
vivement  la  curiosité  des  amateurs;  on  entendra  un  quatuor  en  sol 
d'Haydn  ,  un  quintette  en  ré  de  Mozart,  un  qualuor  inédit  de  M. 
Onslûw  et  son  dernier  quintette,  qui.a  été  redemandé  généralement. 

'/  M""  Thérés;!  Wartel  donnera  le  'ih  de  ce  mois  une  soirée  mu- 
sicale dans  les  salons  de  M.  Delsarte;  plusieurs  arlistes  d'un  talent 
distingué  se  joindront  à  la  bénéficiaire,  qui  exéculcrade  la  musique 
de  Bach,  Beethoven  et  Weber. 


8« 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


*,"  M.  Louis  Lacombe  donnera  son  concert  le  25  de  ce  mois  dans 
les  salons  d'Erard;  on  y  entendra  plusieurs  morceaux  composés  et 
exécutés  par  le  bénéficiaire,  et  MM.  Revial ,  TagliaDco,  Lefort ,  Hcr- 
man,  Seligniann,  Triebert,  Jancourt  et  M°"  Sabatier.  Voilà  de  quoi 
occuper  une  soirée  avec  plaisir  et  Intérêt  :  aussi  le  public  ne  man- 
quera pas  à  l'appel. 

V  M.  et  M™"  Coche,  professeurs  au  Conservatoire  ,  donneront  un 
concert  le  mercredi  13  mars,  à  huit  heures  et  demie  du  soir,  dans  les 
salons  de  Pleyel.  Avec  les  bénéficiaires,  on  y  entendra  M.M.  Pon- 
charJ,  Massone,  Corradi,  Thys,  M""  Sabatier,  Chérie  Courand, 
Martin,  et  plusieurs  artistes  de  talent  qui  contribueront  à  rendre 
celle  soirée  très  intéressante.  M.  Coche  fera  entendre  deux  mor- 
ceaux inédits  de  sa  composition. 

",*  Parmi  les  nombreux  concerts  qui  sont  annoncés ,  il  faut  dis- 
tinguer celui  que  donnera  ,  mardi  soir,  12  mars,  dans  la  salle  Herz, 
H"»  Korn,  pianiste  de  grand  talent.  Le  programme  promet  MM.  A. 
Dupont,  Lac,  Dancla  frères,  Offenbach,  Constans,  M"»  Sabatier, 
M""  Korn  et  Vavasseur. 

",'  Il  vient  d'arriver  tout  récomment  à  Paris  une  famille  anglaise, 
dont  le  talent  ne  peut  manquer  d'exciter  le  plus  vif  intérêt,  dans 
les  conceris,  où  elle  a  le  projet  de  se  faire  entendre.  M.  John 
Dislin,  et  ses  quatre  fils  Georges,  Henry,  William  et  Théodore 
Distin ,  exécutent  avec  un  ensemble  extraordinaire  et  beaucoup 
d'effet  plusieurs  fragments  d'opéras  célèbres,  arrangés  très  habile- 
ment en  quintette  par  le  plus  jeune  d'entre  eux.  La  cavatine  de 
Roben  le  Diable,  la  conjuration  des  Huguenott ,  le  GodSave  sont 
leurs  morceaux  favoris ,  qu'ils  exécutent  avec  un  petit  bugle  mi  bé- 
mol ,  deux  bugles-alto  en  si  bémol ,  un  bugle-allo  en  mi  bémol ,  et 
un  trombone-ténor  à  cylindres.  Tous  ces  instruments ,  d'une  belle 
sonorilé,  sortent  des  ateliers  de  M.  Adolphe  Sax. 

V  M.  Belke,  que  nous  avons  entendu  à  l'un  des  derniers  concerts 
du  Conservatoire,  a  donné  un  grand  concert  à  Francfort,  où  il  a  ob- 
tenu un  brillant  succès. 

*/Un  violoniste  d'un  talent  très  remarquable ,  M.  Eller,  vient 
d'arriver  à  Paris.  A  son  passage  à  Lyon,  il  a  joué  au  Cercle  musical, 
et  les  journaux  de  cette  ville  parlent  de  cet  artiste  comme  d'un  talent 
de  premier  ordre. 

*,*  Les  Méthodes  de  chant  et  solfège  de  M.  Panseron  obtiennent  un 
succès  qui  a  surpassé  toutes  les  espérances  de  l'auteur.  Il  sera  donc 
agréable  au  public  d'apprendre  que  M.  Panseron  ,  pour  les  mettre  à 
la  portée  de  tous,  vient  de  publier  son  Solfège  d' Artiste  en  petit 
format,  et  qu'il  doit  publier,  le  15  avril,  dans  le  même  format,  son 
Solfège  de  Basse-Taille  et  Baryton.  Nous  ne  doutons  pas  que  ces  ou- 
vrages ne  soient  adoptés  dans  toutes  les  écoles  de  musique. 

V  Voici  une  nouvelle  publication  musicale  qui  sera  accueillie 
avec  joie  par  les  amateurs  de  la  musique  de  chant  ;  l'éditeur  J.Meis- 
sonnier  vient  de  faire  paraître  plusieurs  romances  de  nos  grands 
chanteurs  :Duprez,  Roger,  Géraldy  et  Delsarte  :  elles  sont  gracieuses, 
d'un  style  élégant,  et  bien  écrites  pour  la  voix.  Déjà  elles  obtiennent 
un  immense  succès  dans  les  soirées  et  les  concerts  où  elles  sont  in- 
terprétées par  M.  Ponchard  ,  M'"»  Sabatier,  M""^  Masson  et  par  les 
auteurs.  Le  même  éditeur  vient  de  mettre  en  vente  la  Méthode  de 
harpe  de  Th.  Labarre,  si  impatiemment  attendue  par  toutes  les  per- 
sonnes qui  s'occupent  de  cetinslrument. 

V  M""  Pouilley ,  l'une  des  plus  célèbres  cantatrices  des  théâtres 
des  départements ,  vient  de  mourir  à  Paris  dans  une  maison  de 
santé  de  la  rue  de  l'Oursine.  Cette  artiste  est'universellement  re- 
grettée. 

•,"  M.  Charles  Froment  vient  de  mourir  en  laissant  presque  sans 
ressources  une  veuve  et  deux  charmantes  petites  filles.  Aussitôt, 
les  artistes  les  plus  distingués,  artistes  par  le  talent  comme  par  le 
cœur,  se  sont  empressés  de  venir  offrir  leur  concours  pour  composer 
une  magnifique  soirée  musicale,  dont  le  produit  sera  destiné  à  sub- 
venir aux  premiers  besoins  de  la  veuve  et  des  pauvres  enfants. 
Celte  soirée  aura  lieu  dans  la  salle  de  l'Ecole  lyrique,  rue  delà 
Tour  d'Auvergne,  18,  le  lundi  18  mars,  à  huit  heures  du  soir.  On 
y  entendra  MM.  Moreau-Sainti ,  Mocker,  Lac,  Hoffmann,  Rémusal, 
Offenbach;  M™"  Castellan ,  Masson ,  de  la  Morlière ,  Clara  Loveday, 
Beltz.  On  exécutera  les  brilants  quadrilles  avec  chœurs  de  la  com- 
position de  Michaëli.  Les  billets  sont  de  5  et  de  10  francs;  on  en 
trouve  chez  M.  de  Villemessant,  rue  Taitbout,  2. 

*/  Un  artiste  distingué,  qui  s'était  d'abord  signalé  dans  la  car- 
rière des  armes ,  M.  Valenlino  Castelli,  vient  de  succomber  aux 
suites  d'une  opération  qu'avait  rendue  nécessaire  une  blessure 
reçue  en  1813.  Ancien  officier  de  dragons  de' la  garde  du  vice-roi 
d'Italie ,  décoré,  sur  le  champ  de  bataille,  de  l'ordre  de  la  Couronne 


de  Fer,  M.  Castelli  possédait,  comme  compositeur  et  comme  maître 
de  chant ,  un  talent  remarquable.  Il  avait  mis  en  musique  plusieurs 
méditations  de  Lamartine,  donc  quelques  unes  ont  été  publiées, 
et  d'autres  sont  encore  inédites.  Il  était  âgé  de  soiianle-deux  ans, 
et  laisse  un  jeune  fils  qui  cultive  avec  succès  l'art  de  la  peinture. 

*/  Un  accident  qui  aurait  pu  avoir  les  suites  les  plus  funestes  a 
manqué  interrompre  le  voyage  triomphal  que  font  en  ce  moment 
M°"  Cinli  Damorcau  et  Artôt  dans  les  Amériques.  La  veille  de  leur 
départ  de  Charleslown, les  chevaux  qui  conduisaient  leur  voiture  s'em- 
portèrent, et  ce  ne  fut  qu'au  bout  de  trois  minutes  que  l'on  parvint 
à  les  arrêter.  Ils  se  trouvaient  dans  une  de  ces  petites  voitures  lé- 
gères dont  on  se  sert  dans  la  Caroline,  et  au  moindre  choc  tout  eût 
été  brisé.  Aujourd'hui  nos  deux  grands  artistes  sont  à  la  Havane,  où 
ils  obtiennent  des  succès  prodigieux.  Ils  ont  contracté  avec  le  direc- 
teur du  Grand-Théâtre  un  engagement  pour  douze  conceris,  et  ont 
promis  d'en  donner  un  dans  chacune  des  salles  appartenant  aux  dif- 
férentes Sociétés  musicales  de  la  ville.  Le  9  février  ils  doivent  s'em- 
barquer pour  le  Mexique,  d'où  ils  ont  reçu  aussi  de  magnifiques  pro- 
positions. Avant  leur  départ  des  États-Unis,  la  Société  de  bienfai- 
sance de  New-York,  pour  leur  témoigner  sa  reconnaissance  d'un  con- 
cert qu'ils  avaient  donné  pour  les  pauvres  français,  leur  fit  remettre 
â  chacun  une  fort  belle  médaille  en  or  du  poids  de  600  francs. 

%"  Le  monument  de  Goethe,  que  Francfort ,  sa  ville  natale,  lui 
a  voté,  sera  mis  en  place  dans  le  courant  de  cette  année. 

*,*  On  écrit  de  Péra  (Constanlinople):  —  L'Elisire  d'Amore,  à  part 
la  malheureuse  barcarola  a  due  voci,  bien  mal  chantée  ,  a  été  bien 
applaudi.  Quel  dommage  !  tant  de  frais,  d'étude  cl  de  costumes  pour 
battre  en  retraite  après  trois  représentations,  trois  fatales  représenta- 
tions qui  ont  quasi  dévoré  tous  nos  pauvres  acteurs.  Il  faut  leur  ren- 
dre justice  pourtant;  le  courage  ne  leur  a  pas  failli,  mais  tousse 
sont  retirés  plus  ou  moins  meurtris  par  les  sifflets  ou  le  silence  du 
parterre. 

V  Le  festival  donné  cette  année  par  la  réunion  musicale  de  la 
Bavière  rhénane  aura  lieu  à  Deux-Ponts  le  30  juillet  et  le  1"''  août. 
Le  premier  jour  on  exécutera  l'oratorio  :  Paulits  de  Mendelssohn  ;  le 
lendemain  ,  une  symphonie  de  Beethoven,  un  lied  de  Marschner.et 
la  nuit  de  VP^alpurgis ,  par  M.  Mendelssohn. 

V  Le  carnaval  est  mort  et  enterré ,  mais  il  va  renaître  à  l'Opéra 
pour  une  seule  nuit;  celle  de  la  rai-carême  n'aura  rien  à  envier  à 
celle  du  mardi-gras ,  car  la  résurrection  promet  d'être  aussi  brillante 
et  aussi  joyeuse  que  possible. 

CIsa'WHïîjiae  éta'SîMgèa'e. 

*.*  Londres.  — C'est  dans  la  semaine  qui  vient  de  s'écouler  que 
le  Queeii's- Théâtre,  l'Opéra  de  Londres,  a  rouvert  ses  portes.  —  Le 
Théâtre  de  la  Princesse  vient  de  représenter  la  Norma  de  Bellini. 
Mislress  Wood  a  fait  sa  rcntiée  dans  le  rôle  de  la  belle  Druidesse. 
Elle  y  a  renouvelé  l'enthousiasme  qui  l'avait  fait  surnommer  autre- 
fois la  Heine  da  chant  anglais.  —  On  voit  à  ce  théàlre  ,  sous  le  titre 
boulTon  de  général  Thoraas-Thumb  (pouce)  un  nain  de  douze  ans, 
très  bien  proportionné,  et  dont  la  taille  est  celle  d'un  enfant  de  six 
mois.  Les  badauds  de  Londres,  dignes  émules  de  ceux  de  Paris, 
courent  en  foule  au  spectacle  de  ce  jeu  de  la  nature.  —  Des  artistes 
aimés  en  Angleterre,  M.  et  M'""  Puzzi,  viennent  d'y  rentrer  après  un 
vcyage  de  six  mois  en  Italie. — A  une  soirée  musicale  de  M.  Holmes, 
on  a  entendu  une  série  de  chansons  sur  les  principaux  sujets  des 
Mille  et  une  A^!ii(s;  elles  ont  pour  auteur  Macfarren  ,  et  pour  inter- 
prètes miss  Dolby  et  miss  Marshall.  On  y  trouve  du  charme,  mais 
peu  de  rapport  entre  elles  et  de  couleur  locale.  —  Le  grand  festival 
d'Oxford  annonce,  parmi  ses  éléments  de  succès,  l'oratorio  du  Mes- 
sie de  Haendel,  cl  le  concours  de  Mario,  de  Slaudigl ,  de  M"'»  Dorus- 
Gras.  —  Le  lied  de  Goethe  à  la  Lune  a  été  traduit  en  anglais  sur 
la  musique  de  Tomaschek  ;  un  journal  anglais  dit,  à  propos  du 
poème  :  »  Celui  qui  a  écrit  ces  vers  à  la  lune  n'était  pas  luna- 
tique. » 

— Carlotla  Grisi  est  arrivée  à  Londres,  ainsi  que  Perrol  et  Coulon. 
On  répèle  le  nouveau  ballet  à' Esmerulda.  Cette  œuvre  chorégraphi- 
que est  emprunlée  à  la  Notre-Dame  de  Paris  de  Victor  Hugo, 
qui  a  déjà  chez  nous  inspiré  une  femme  musicienne  et  poète  d'un 
talent  supérieur,  M"«  Louise  Berlin.  Le  ballet  en  question  devait 
être  représenté  l'année  dernière  et  n'a  été  ajourné  que  par  un  fâ- 
cheux accident  arrivé  à  Perrol.— Achard  va  être  remplacé  au  théâtre 
de  Saint-James  par  M"''  Albert,  qui  ajoutera  à  son  répertoire  du 
vaudeville  une  excursion  dans  celui  des  grands  drames,  comme 
VAngele,  d'Alexandre  Dumas. 

—  Les  concerts  sont  en  pleine  activité.  M.  Philipps  poursuit  son 


DE  PARIS. 


r85 


L'exécution  a  été  bonne  et  consciencieuse.  Mario  et 
M""  Grisi  méritent  des  éloges  au  même  degré.  M""=  Brambilla 
s'est  fait  chaleureusement  applaudir  pour  l'esquise  distinc- 
tion de  son  style ,  comme  Ronconi  pour  son  excellent  senti- 
ment dramatique. 

G.  L.  P. 


rnmww  m^mnmi  mwmËm^m 


XES  CONCERTS  3>E  ILA  SSIfflAlNS. 

ur  le  terrain  brûlant  de  la  politique  où  nous 
ont  conduits  nos  hommes  d'état  prétendus  ha- 
biles, les  seules  fusions  sociales  possibles,  parmi 
tant  d'opinions  divergentes,  s'opèrent  par  la  mu- 
sique. C'est  encore  dans  les  sectateurs  du  culte 
de  la  mélodie  et  de  l'harmonie  que  vivent  la  bienveillance  et 
la  politesse  de  l'ancien  caractère  français  ;  mais  comme  l'exa- 
gération est  inhérente  à  notre  esprit  national ,  nous  tombons 
dans  le  faux  goût  musical.  La  mélodie  est  tourmentée,  l'har- 
monie est  recherchée ,  le  style  est  maniéré  :  la  fantaisie  sans 
originalité ,  la  cavatine  sans  idée ,  l'air  varié  ,  ne  varietur,  le 
caprice,  aussi  vague  qu'impertinent,  méprisant  le  savoir  et  la 
méthode  qui,  seuls,  peuvent  donner  l'unité  delà  pensée  et  la 
clarté ,  sans  lesquelles  il  n'y  a  point  d'art  possible ,  régnent 
tyranniquement  dans  la  plupart  de  nos  concerts.  Il  résulte  de 
cet  état  de  choses  que  nous  faisons  du  bel  esprit  eu  musique, 
comme  on  en  faisait  en  httérature  dans  le  grand  siècle,  alors  que 
Molière ,  qui  sera  le  philosophe  le  plus  observateur  de  tous  les 
temps,  faisait  dire  à  l'une  de  ses  précieuses  :  «  Pour  moi ,  ce 
que  je  considère  particulièrement ,  c'est  que  par  le  moyen  de 
ces  visites  spirituelles,  on  est  instruit  de  cent  choses  qu'il  faut 
savoir  de  nécessité ,  et  qui  sont  de  l'essence  du  bel  esprit.  On 
apprend  parla,  chaque  jour,  les  petites  nouvelles  galantes,  les 
jolis  commerces  de  prose  ou  de  vers.  On  sait  à  point  nommé, 
un  tel  a  composé  la  plus  jolie  pièce  du  monde  sur  tel  sujet; 
une  telle  a  fait  des  paroles  sur  un  tel  air;  celui-ci  a  fait  un 
madrigal  sur  une  jouissance  ;  celui-là  a  composé  des  stances 
sm- une  infidélité;  monsieur  un  tel  écrivit  hier  au  soir  un  sixain 
à  mademoiselle  une  telle,  dont  elle  lui  a  envoyé  la  réponse  ce 
matin  sur  les  huit  heures;  un  tel  auteur  a  fait  un  tel  dessein  ; 
celui-là  esta  la  troisième  partie  de  son  roman;  cet  autre  met 
ses  ouvrages  sous  la  presse.  C'est  là  ce  qui  vous  fait  valoir  dans 
les  compagnies  ;  et  si  l'on  ignore  ces  choses ,  je  ne  donnerais 
pas  un  clou  de  tout  l'esprit  qu'on  peut  avoir.  »  —  Nous  reve- 
nons à  ce  bienheureux  temps  d'investigations  minutieuses, 
mais  pour  ce  qui  est  relatif  à  la  musique  seulement.  On  ren- 
contre dans  le  monde  musical  des  diletlanti ,  de  belles  dames 
qui  vous  apprennent  avec  une  orgueilleuse  satisfaction  que 
M.  le  prince  de...  est  en  train  défaire  un  opéra,  que  M°"=P... 
vient  de  terminer  une  grande  sonate  en  vt  dièze  majeur,  pour 
le  piano,  que  Thalberg  va  publier  la  sienne  en  fa  mineur,  que 
M"''  la  comtesse  M...  se  dispose  à  lancer  dans  les  salons,  sans 
nom  d'auteur,  un  recueil  de  romances,  dont  elle  a  fait  les  pa- 
roles et  la  musique ,  qui  doit  faire  révolution  dans  le  monde 
musical,  etc.,  etc.,  etc. 

Historien  obligé  de  tons  ces  petits  faits  harmoniques  et  mé- 
lodiques,, parmi  lesquels  il  en  est  cependant  qui  intéressent 
l'art ,  nous  vous  dirons  d'abord  que  MM.  Péronet  et  Baumes- 
Arnaud  ont  donné ,  chacun  chez  eux ,  une  soirée  musicale , 
dont  le  nombreux  auditoire  était  composé  par  la  plus  grande 


partie  de  leurs  élèves ,  ce  qui  prouve  que  ces  excellents  pro- 
fesseurs en  ont  beaucoup.  Les  amateurs  de  bonne  musique 
de  piano  n'ont  pas  manqué  non  plus  dimanche  passé  à  la  ma- 
tinée musicale  de  M.  Halle ,  l'interprète  poétique  de  toute 
musique  difficile  et  belle;  admirable  traducteur  des  pensées 
des  autres  qu'il  semble  faire  siennes  parla  manière  dont  il  les 
rend. 

A  propos  de  bonne  musique,  de  musique  sérieuse  qui  est 
enfin  de  la  musique  réelle  et  non  de  fantaisie ,  nous  signale- 
rons la  troisième  séance  de  quatuors  et  quintettes  donnée 
par  M.  Javault  dimanche  passé,  dans  les  salons  de  M.  Duport. 
Haydn ,  Mozart  et  Beethoven ,  parfaitement  interprétés  par 
MM.  Javault,  Boucher,  Casimir  Ney ,  Lebouc  et  Gouffé,  en 
ont  fait  les  frais,  et,  par  conséquent,  le  charme;  et  le  vingt- 
sixième  quintette  cle  M.  Onslow ,  exécuté  pour  la  première 
fois  à  Paris,  a  terminé  d'une  manière  heureuse  cette  inté- 
ressante matinée  musicale.  L'auteur,  qui  était  présent,  a  dû 
être  aussi  heureux  de  s'entendre  traduire  que  l'auditoire 
était  charmé  d'écouter  son  œuvre,  qui  témoigne  du  mouve- 
ment ascensionnel  de  ce  beau  talent ,  en  voie  de  recueillir 
l'héritage  des  idées  oubliées  par  Mozart  et  Beethoven  en  ce 
monde  musical. 

Ce  programme  sur  papier  rosé  que  je  vois  là  sur  mon  bu- 
reau me  rappelle  la  bénéficiaire  blanche  et  rose  en  jolie  robe 
bleue  ,  M""  Jenuy  Veny,  qui  a  donné ,  le  troisièmejour  de  ce 
mois  de  mars,  dans  les  salons  de  M.  Érard,  son  concert  comme 
tant  de  pianistes,  et  qui  s'est  distinguée  entre  tant  de  pia- 
nistes autrement  que  par  une  jolie  figure  et  une  jolie  toilette, 
c'est-à-dire  par  une  méthode  rationnelle,  un  touché  fin ,  dé- 
licat ,  une  manière  nette  et  brillante ,  et  un  bon  sentiment 
musical  qu'a  spontanément  compris  et  non  moins  bien  déve- 
loppé son  habile  professeur,  M.  Henri  Lemoine.  Quand,  avec 
un  peu  plus  de  confiance  en  soi ,  51"'=  Veny  aura  acquis  plus 
de  force ,  d'ampleur,  et  par  conséquent  de  puissance  de  son, 
elle  sera  une  de  nos  bonnes  pianistes. 

M""  Krinitz  et  Boireaux  sont  aussi  deux  intéressantes 
pianistes  qui  ont  donné  concert  dans  les  salons  de  M.  Érard 
à  un  jour  de  dislance.  M""  Krinilz  est  une  jeune  Saxonne  qui, 
sous  les  auspices  de  MM.  Cramer  et  Ilosenhain,  se  produit 
dans  le  monde  musical  :  elle  a  dit  d'une  façon  remarquable 
un  remarquable  concerto  de  Mendelssohn  ,  et  puis  des  études 
de  ses  deux  patrons;  entre  autres  la  L'anse  des  sylphes  de 
M.  Rosenhain ,  morceau  gracieux ,  vaporeuse  idéalité  dans 
laquelle  M""  Krinitz  s'est  livrée  à  des  évolutions  digitigrades 
(qu'on  nous  pardonne  ce  mot  un  peu  recherché)  qui  peuvent 
rivaliser  avec  celles  de  Carlotta  Grisi ,  et  qui  semblent  cares- 
ser l'ivoire  du  clavier  comme  la  charmante  Péri  effleure  le  sol 
en  se  jouant.  M"=  Boireaux  est  plus  passionnée  dans  son  jeu  ; 
elle  a  ouvert  son  concert  par  le  charmant  duo  de  piano  et 
violon  en  la  mineur  d'Osborne  et  de  Bériot  qu'elle  a  dit  avec 
M.  Charles  Dancla  d'une  manière  tout  artistique,  c'est-à- 
dire  une  verve,  une  chaleur  qui  l'emporte  quelquefois.  Cette 
ardeur  s'est  un  peu  modifiée  dans  un  grand  morceau  où  elle 
a  eu  à  lutter  contre  des  difficultés  plus  sérieuses  dont  elle  est 
sortie  assez  victorieusement ,  si  cet  adverbe  peut  être  accom- 
pagné de  l'autre  adverbe  modifîcatif  qui  le  précède.  Il  appert 
de  tout  ceci  que  M"°  Boireaux  est  une  charmante  pianiste,  et 
qu'elle  sera  une  bonne  pianiste  quand  elle  saura  régulariser 
son  jeu. 

Il  nous  reste  à  parler  de  deux  manifestations  de  musique 
sérieuse ,  réelle ,  de  bonne  musique  enfin.  La  première  est 
celle  de  M.  Richard  Mulder,  jeune  compositeur,  qui  a  vii 
son  programme  renversé  la  veille  de  l'exécution  par  une 
grave  indisposition  de  M"=  Lia  Duport  qu'il  avait  choisie  pour 


84 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


-  principale  interprète  de  ses  morceaux  de  chant.  Ceux  qu'il  lui 
a  été  permis  de  nous  faire  entendre  font  augurer  on  ne  peut 
pas  plus  favorablement  du  talent  mélodique,  harmonique,  et 
même  dramatique  de  M.  Mulder.  La  scène  suivie  d'un  air  de 
son  opéra  de  Salmandor,  chanté  par  M.  Corradi ,  est  un  mor- 
ceau remarquable  par  son  expression  et  ses  modulations  pas- 
sionnées, et  le  Joyeux  chasseur,  chanté  par  le  même,  a  en- 
levé tous  les  suffrages  par  l'entrain ,  la  franchise  et  la  verve  du 
rhythme.  Le  concert  a  commencé  par  l'ouverture  d'Oberon , 
traduite  pour  orgue  et  piano  par  M.  Rlulder,  fort  bien  exécutée 
par  le  traducteur  et  sa  sœur,  qui  est  une  belle  et  bonne  pianiste. 
Elle  a  dit ,  avec  M.  Herman  ,  un  duo  pour  piano  et  violon , 
par  Osborne  et  de  Bériot ,  dans  lequel  elle  ne  s'est  pas  moins 
distinguée  que  son  partner.  Celui-ci  avait  exécuté  à  la  fin  de 
la  première  partie  un  caprice  pour  le  violon  de  sa  composi- 
tion et  d'un  grand  effet.  M.  Herman  est  un  de  nos  jeunes 
violonistes  qui  agit  le  plus  vivement  sur  le  public,  parce  qu'il 
s'impressionne  profondément  lui-même.  H  n'est  pas  seule- 
ment artiste  par  les  doigts,  mais  jusqu'au  bout  des  doigts  en 
commençant  par  le  cœur.  Que  lui  manque-t-il  donc  pour  se 
placer  hors  ligne  ?  ce  qui  manque  à  la  plupart  de  nos  artistes 
de  premier  ordre ,  le  fini ,  et  quelquefois  même  la  justesse 
imperturbable ,  mais  surtout  ce  fini  dans  le  trait  qui  berce 
l'auditeur  délicat ,  à  l'oreille  exercée,  de  confiance  et  de  sé- 
curité, et  ne  lui  offre  même  pas  le  prétexte  de  froncer  imper- 
ceptiblement le  sourcil  sur  une  intonation  équivoque.  A  l'ex- 
ception de  cette  qualité  qu'il  acquerra,  Herman  a  le  son 
puissant,  une  sensibilité  exubérante,  de  la  distinction  dans 
le  chant,  de  l'audace  dans  le  trait,  et  une  foule  d'autres  dons 
précieux  qui  ne  s'analysent  point,  mais  qui  constituent  la 
poésie  de  l'art. 

L'autre  tentative  de  sérieuse  et  de  bonne  musique  que  nous 
avons  à  signaler  aux  véritables  amateurs ,  c'est  celle  qui  a  été 
suivie  d'exécution  ,  par  M.  Ermel ,  dimanche  passé ,  et  tou- 
jours dans  la  salle  Jloreau-Sainli.  M.  Ermel  est,  à  ce  que 
nous  croyons,  de  l'école  belge.  Les  musiciens  qui  en  sortent 
ont  généralement  du  talent ,  mais  de  ce  talent  solide  et  quelque 
peu  matériel,  auquel  il  manque  la  haute  inspiration,  l'inven- 
tion qui  fait  tout  grand  artiste.  La  fantaisie,  la  distinction, 
le  caprice,  la  poésie  et  l'originalité  ,  sont  quelque  chose  dans 
les  arts,  et  ce  n'est  point  ces  qualités  précisément  que  re- 
cherchent les  Belges  :  leurs  virtuoses  manquent  généralement 
par  l'esprit  et  la  délicatesse  ;  mais  ce  qu'ils  écrivent  ou  disent 
est  bien  fait,  solidement  exécuté,  consciencieusement  écrit. 
Telles  sont  les  qualités  que  nous  a  montrées  M.  Ermel  dans 
l'ouverture  et  la  symphonie  qu'il  nous  a  fait  entendre  il  y  a 
huit  jours.  Son  ouverture  est  belle,  l'introduction  en  est  bien 
dessinée.  Nous  y  avons  remarqué  une  phrase  des  violons  qui 
font  ut  si  et  ut  ré,  legati  en  trémolo  sur  un  dialogue  d'in- 
struments à  vent  qui  n'est  pas  sans  originalité.  Les  dessins 
mélodiques  sont  un  peu  vagues ,  mais  tout  cela  est  vigoureu- 
sement instrumenté. 

La  symphonie  est  une  œuvre  plus  franchement  accusée,  et 
qui  montre  de  l'expérience  dans  l'art  d'écrire.  Nous  ne  sau- 
rions trop  dire  si  la  partie  obligée  de  piano  qui  se  mêle  aux 
masses  de  l'orchestre  est  une  bonne  idée.  Il  nous  a  semblé , 
ainsi  ciu'ii  bon  nombre  d'auditeurs  ,  que  le  piano  ne  joue  pas 
un  rôle  assez  important  et  assez  passionné  dans  ce  drame  in- 
strumental ,  comme ,  par  exemple ,  le  violon  dans  le  concerto 
à  grand  orchestre  attribué  h  M.  Vieuxtemps.  Quoi  qu'il  en 
soit,  le  piano  intervient  souvent  d'une  façon  délicieuse  dans 
l'œuvre  de  M.  Ermel ,  notamment  dans  le  premier  morceau 
où  il  dialogue  avec  les  hautbois.  Dans  Vandante  en  mi  bémol, 
où  l'on  distingue  un  très  joli  effet  de  pizzicato,  le  piano  pro- 


cède trop  en  arpèges  comme  dans  le  premier  morceau.  Ici 
revient  encore  un  passage  facile  et  brillant  pour  le  piano,  ac- 
compagné par  des  tenues  de  hautbois  ;  puis  vient  dans  l'or- 
chestre une  phrase  à  trois  temps  qui  rappelle  un  peu  celle  de 
l'Ambassadrice,  sur  ces  paroles  :  Le  sultan  Misapouf ,  etc. 
Lorsqu'on  était  prêt  à  se  dire  dans  l'auditoire  que  la  vie  de 
l'originalité  manquait  dans  tout  cela,  le  scherzo  en  canon,  mé- 
lodie franche  et  dans  laquelle  intervient  le  piano  d'une  ma- 
nière heureuse,  est  arrivé;  puis  son  trio  délicieusement  dia- 
logué entre  le  piano  et  les  instruments  à  vent  ;  et  puis  ces 
instruments  éclatant  en  pompeuse  harmonie  qui  ont  enlevé 
d'unanimes  applaudissements. 

Le  finale,  quoique  d'une  excellente  facture,  a  eu  tort  de 
venir  après  ce  scherzo  brillant  et  de  science  inspirée  ;  et  d'ail- 
leurs, par  l'atmosphère  d'à  peu  près  25  degrés  Réaumurqui 
pesait  dans  la  salle,  les  instruments  à  vent  avaient  cruellement 
monté  pour  des  oreilles  un  peu  délicates.  Malgré  cet  incon- 
vénient de  température,  l'orchestre  de  l'Opéra-Comique , 
fort  bien  conduit  par  M.  Merle,  a  chaleureusement  inter- 
prété l'œuvre  de  M.  Ermel,  œuvre  de  conscience  et  de  sa- 
voir dont  les  vrais  amateurs  de  l'art  musical  se  souviendront 
quand  le  règne  de  la  fantaisie  et  de  l'air  varié  sera  passé. 

Le  bouquet  de  tous  ces  concerts,  feux  d'artifices  mélo- 
diques et  harmoniques,  a  été  tiré  au  bénéfice  du  vieux  chan- 
teur Galli  mercredi  passé,  dans  la  salle  Herz.  C'est  lui  qui  a 
mis  en  jeu  cette  brillante  pyrotechnie  italienne  composée  des 
fusées  vocales  délia  diva  Grisi ,  délia  bella  BrambiUa ,  del 
potente ,  pomposo  e  comico  Lablache ,  del  simpatico  Bar- 
roilhet,  del  energieo  Ronconi  e  tutti  quanti.  Salvimême, 
avec  qui  son  directeur  s'est  brouillé,  dit-on,  a  montré,  dé- 
veloppé dans  ce  concert  une  méthode  pure,  une  émission  de 
voix  pleine  de  charme  qui  ont  été  saluées  par  la  nombreuse 
et  brillante  assemblée  présente  à  cette  solennité  musicale  , 
par  d'unanimes  et  justes  applaudissements. 

Henri  Blanchard. 


Coi'i'esinoiEdanee   pnE'ticielière. 

31arseille,  le  i  mars  1844. 

Je  vous  écris  à  la  liàte  pour  vous  annoncer  le  magnifique  succès 
obtenu  par  la  Jleine  de  Clitjpre  sur  notre  première  scène.  Dès  cinq 
heures  du  soir  la  salle  était  comble,  l'impatience  ïe  manifestait 
bruyamment  au-dedans  et  au-dehors,  et  l'animation  qu'offrait  alors 
l'enceinle  du  Ihéàlre  était  telle  ,  qu'on  aurait  pu  se  croire  aux  plus 
beaux  jours  de  la  Juive  et  de  Robert. 

Pourtant  les  journaux  avaient  annoncé  la  pièce  nouvelle  avec 
beaucoup  de  réserve  et  sans  avoir  recours  à  ces  réclames  pompeuses 
qui,  le  plus  souvent,  rappellent  l'apologue  si  vrai  etsi  connu  de  la 
montagne  en  travail;  mais  le  nom  d'Halévy  était  dans  toutes  les  bou- 
ches ;  on  savait  d'avance  que  l'on  allait  entendre^un  ouvrage  de  l'au- 
teur de  la  Juive,  et  le  public ,  plein  de  confiance  dans  le  génie  d'un 
si  grand  musicien,  élail  admirablement  bien  disposé  à  recevoir  ses 
nouvelles  inspirations. 

Dès  l'ouverture  de  la  Heine  de  Chypre ,  la  satisfaction  de  l'audi- 
toire a  éclaté  de  tous  les  points  de  la  salle  ,  et  l'approbation  chaleu- 
reuse qui  a  accueilli  ce  morceau  de  symphonie  d'un  travail  si  re- 
marquable a  été  la  préface  d'un  succès  général.  Le  beau  finale  du 
premier  acte,  le  chœur  des  gondoliers,  le  duo  du  troisième,  l'orgie, 
le  chœur  divine  providence,  et  la  belle  marche  du  quatrième  acte, 
ont  enlevé  les  applaudissements  et  les  bravos  de  l'assemblée  entière. 
11  est  vrai  que  l'opéra  d'Halévy  est  fort  bien  interprété  par  Godfnho, 
M">«  Fabre,  Junca  etPauli.  Ce  dernier  surtout,  profitant  des  sages 
avis  de  la  critique,  a  trouvé  dans  les  sons  mixtes  de' fort  jolis 
effets  de  voix  et  a  été  fort  applaudi.  L'orchestre,  dirigé  par  M.  Papin 
d'une  manière  admirable,  a  prouvé  qu'avec  un  chef  d'un  mérite 
aussi  èmincnt  rien  ne  lui  était  impossible,  car  il  est  parvenu  à  jouer 
la  Reine  de  Chypre  à  la  satisfaction  générale,  après  trois  ou  quatre 
répétitions  d'ensemble  seulement. 


DE  PARIS. 


87 


cours  de  mélodies  hébraïques  et  attire  toujours  la  foule.  A  la  qua- 
trième séance  des  musiciens  anglais,  Beethoven  et  Mozart  se  sont 
trouves  en  compagnie  d'un  compositeur  insulaire,  M.Richard. — 
M.  Bennet  a  fait  aussi  entendre  ses  propres  œuvres  dans  le  troisième 
et  dernier  concert  de  musique  de  chambre  classique,  —  Les  anciens 
concerts  dont  la  fondation  remonte  à  soixante-huit  années,  vont 
rouvrir  sous  la  présidence  du  duc  de  Cambridge.  —  Le  club  dos  mé- 
lodistes établi  en  1S25  ,  pour  encourager  la  production  des  ballades , 
a  fait  une  ample  moisson  d'applaudissements.  Le  duc  de  Cambridge, 
prince  mélomane,  qui  le  préside,' a  annoncé  un  prix  de  10  liv.  st. 
(250 fr.)  pour  le  meilleur  duo,  destiné  au  meeting  du  mois  de  mai. 
—  On  cite  parmi  les  artistes  quT  se  succéderont  à  Londres  dans  la 
saison  cooran te  ,  M'""  Dorus-Gras,  buprez,  Camille  Sivori ,  Ernst, 
Mendeissohn,  Thalberg  et  Doelher. 

*,*  Vienne,  11  février.  —  Dans  la  matinée  d'hier  a  été  célébré  le 
mariage  de  la  célèbre  cantatrice.  M"'  Clara  Novello  (née  à  Londres), 
prima  donna  du  théâtre  impérial  et  royal  ilalieu  de  notre  capitale, 
avec  M.  le  comte  del  Gigliuccr,  palririen  de  Venise,  chambellan  de 
l'empereur,  et  l'un  des  plus  riches  propriétaires  fonciers  de  sa  pa- 
trie. La  bénédiction  nuptiale  a  été  donnée  par  M.  l'archevêque  de 
Vienne,  et  parmi  la  foule  qui  encombrait  la  vaste  église,  on  remar- 
quait les  hauts  dignitaires  de  la  cour,  un  grand  nombre  de  membres 
de  la  haute  noblesse  et  presque  toutes  les  sommités  artistiques  et 
littéraires  de  notre  capitale.  La  jeune  mariée  quittera  la  scène  pour 
toujours.  Elle  ne  doit  y  paraître  encore  qu'une  seule  fois,  afin  de 
prendre  congé  du  public  :  ce  sera  dans  le  rôle  de  donna  Anna  de 
Don  Juan  ,  dans  lequel  elle  lit,  il  y  a  environ  dix-huit  mois  ,  son 
premier  début  à  Vienne. 

V  Berlin.  Au  Théâtre-Italien  le  signor  Bendini  ,  qui  jusqu'ici 
n'avait  rempli  que  des  rôles  secondaires,  s'est  montre  tout-à-coup 
avec  un  éclat  extraordinaire  dans  le  rôle  de  Roméo  da  I^Capuleii 
e  i  HJoniecchi.  Bendini  a  partagé  les  honneurs  de  la  soirée  avec 
la  signera  Malvani,  qui  a  déployé  dans  le  rôle  de  Juliette  toute 
l'énergie  passionnée  de  son  âme:  malheureusement  sa  voix  est  en 
baisse,  elle  paraît  être  fatiguée  et  aurait  besoin  de  repos.  On  n'a 
pas  été  content  de  l'orchestre,  qui  est  mollement  conduit  par  le  maî- 
tre de  chapelle ,  le  Buzzola. 

—  L'oratorio,  Moïse,  par  M.  Schmitt,  a  été  ex-écuté  une  seconde 
fois,  à  la  demande  générale  du  public  qui  remplissait  la  vaste  salle. 

*,"  Brunsiiick. — JNousavonseu  un  ballet  nouveau  intitulé:  Lurley; 
le  sujet  est  emprunté  aux  légendes  du  Rhin.  La  pantomime  et  les 
danses  sont  accompagnées  de  chants  :  M"=  Fischer-Achtcn  a  chanté 
le  rôle  de  la  sirène  du  Rhin  avec  une  grâce ,  une  expression  remar- 
quable. On  vante  également  les  décors ,  surtout  un  fond  mobile, 
qui  fait  passer  successivement  les  plus  beaux  sites  des  bords  du  Rhin 
sous  les  yeûi  du  spectateur. 

*."  Stuiignrt. — Le  carnaval  a  fait  peu  de  bruit  :  pas  de  mascarades, 
pas  de  ces  longs  et  joyeux  cortèges  traversant  les  rues  comme  on  les 
voit  à  Cologne  et  à  Maycnce,  villes  toutes  catholiques,  jadis  gouver- 
nées par  des  archevêques  et  qui  ont  gardé  les  bonnes  traditions.  Le 
hal  donné  par  la  bourgeoisie  à  Stuttgart  a  été  le  plus  joyeux  de 
l'année;  on  est  venu  dans  la  salle  en  traîneaux;  on  y  a  représenté 
la  fameujc  revue  de  Napoléon  aus  Champs-Elysées. 

/,  Inspruck.  —  On  vient  de  donner  un  opéra  nouveau  :  Les  Mi- 


neurs, par  M.  Hamm  ;  quelques  morceaux  ont  été  favorablement  ac- 
cueillis ;  mais  au  lolal  c'est  un  pasiiccio  de  nos  grands  maîtres. 

','  Ofen  (Hongrie  ).  —  On  a  représenté  un  opéra  nouveau  :  les 
Brigands,  libretto  d'après  Schiller:  la  musique,  par  Loeschenger, 
n'a  obtenu  aucun  succès. 

*,'  Prague.  —  Cendrillon ,  par  Nicolo,  a  été  remise  à  la  scène,  à  la 
grande  satisfaction  du  public. 

*.*  Riga.' —  Bramant,  opéra  nouveau  par  M.  Pauwitz,  a  été  re- 
présenté avec  succès. 

*,*  Anvers.  —  M.  Gary,  jeune  baryton  d'un  mérite  distingué, 
vient  de  débuter  avec  grand  succès  dans  le  rôle  d'Alphonse  de  la 

Favorite. 

V  Siockliolin.  —  On  vient  de  découvrir  en  Suède  deux  chansons 
d'amour,  composées  en  1GI6  par  le  grand  roi  Gustave  Adolphe. 

",*  Madrid.  —  On  va  donner  l'opéra  du  Mosc  à  Madrid  ,  pour  le 
début  de  deux  jeunes  artistes  espagnols,  Barba  et  la  Senora  Chimeno. 
—  On  vient  de  représenter  dans  celte  capitale,  une  production  plus 
récente,  bien  moins  jeune  de  verve  et  de  génie,  il  farioso,  qui  n'a 
pas  laissé  d'obtenir  un  brillant  succès,  grâce  aux  chanteurs,  Salva- 
tori,  Sinico,  Alba,  et  les  senoras  Basso-Borio  et  Gariboldi.  —  Le 
théâtre  du  Cirque  va  renoncer  aux  genres  do  l'opéra  et  du  ballet, 
pour  se  renfermer  exclusivement  dans  la  tragédie  et  la  comédie, 
ainsi  que  l'a  fait  chez  nous  l'Odéon  ,  après  avoir  servi  à  populariser 
plus  d'un  chef-d'œuvre  musical,  comme  le  FreyschiUz  et  Marguerite 
a' Anjou.  —  11  est  question  de  fermer  à  Madrid  les  théâtres  de  so- 
ciété qui  opposent  une  concurrence  fatale  aux  entreprises  publiques 
del  Piincipe,  de  la  Cruz,  et  del  Circo.  —  La  Panda  Diable,  ai  les 
Deux  f'olems,  joués  en  comédie  au  Museo  matritensc,  n'ont  eu  que 
peu  de  succès,  et  sont  jugés  très  sévèrement  parla  critique  espa- 
gnole. 


COI^CERTS  AMDJOSJCES. 


2  heures.  M.  Sudre.  Salle  Herz. 

M'''  Aglaé  Masson.  Salle  Érard. 

M"=  Korn.  Salle  Herz. 

M.  Gold.  Salle  de  l'École  lyrique. 

M.  Charles  de  Lisle.  Salle  Herz. 

M.  et  M™»  Coche.  Salle  Pleyel. 

M.  Gultmann.  Salle  Érard. 

MM.  A.  Goria  et  Lac.  Salle  Pleyel. 

MM.  Alard  et  Dorus.  Salle  Herz. 

MM.  Déjazetet  Bessems  Salle  Souffletot. 

M""  Loveday.  Salle  Herz. 

M.  Schad.  Salle  Érard. 

M.  DoehU-r.  Salle  Érard. 

M"'=  Lonnias.  Salle  Pleyel. 

M™»  Th.  Wartel.  Salle  Delsarte. 

M"«=  Slœpel.  Salle  Éiard. 

M.  Oshorue.  Salle  de  l'Ecole  lyrique. 

M.  Lacombe.  Salle  Érard. 


Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  MAUniCE  SCHLESINGER. 


10 

mars. 

2 

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2 

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Editeur  de  la 
IVIétliode  de  Piano 

de  Henri  HERZ. 


C.  DVFKEZ,  de  l'Académie  royale  de  musique. 

Il  me  trompait à  M"'  Masson. 

Le  Secret  surpris à  M'"'  Sabalier. 

La  Fiancée  d'Antar à  M-=  la  C'*'  de  Sparre. 

Le  Bon  Larron à  M.  Roger. 

La  part  de  Piisc à  M.  Ponchard. 

Sur  la  Tamise,  à  2  voix à  M.  Balte. 

F.    SSX.SARTS. 

Le  Pèlerin Romance  pour  ténor. 

Le  Désespéré Air  pour  basse  ou  ténor. 


G.  K.OGER ,  de  l'Op^éra-Comique. 

Je  ne  sais  aimer  que  vous a  M"'  Lavoye. 

La  Cliasse  saxonne  ,  duo  pour  ténor  et 

baryton àiï.  Albertini. 

j.  azu.Aï.iiTr. 

Au  bal à  M""  Sabaticr. 

Amour  et  Mystère à  M.  Roger. 

AB.  S'ABHÉRIAIl. 

Gabao  le  Noir,  pour  baryton à  M.  Grard. 

Térési ta,  pour  baryton à  M.  Baroilhet. 

Le  doux  nom  de  Marie Romance  pour  soprano. 


Prix  :  poiu*  Piano,  net  :  1  fi'>  —  Po«aB>  Ksiitare,  net  :  50  c. 

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Du  même  auteur  :  Trois  airs  favoris  variés  pour  la  harpe.  N"  1.  Air  du  Roi  d'Yvetot.  N°  2.  Jeune  Fille  à  quinze  ans. 
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TRAITÉ  THÉORIQUE  ET  PRATIQUE  de 

GOmPOSITION    inUSIGALE, 

PAR  A.  BARBEREAU. 


Ouvrage  divisé  en  trois    parties  ! 


Impartie  :  Harmonie  Élémentaire.  (Théorie  générale  des  accords.) 
2'   partie  :  Mélodie.  —  Son  union  avec  l'harmonie. 

3=  partie  :  Harmonie  concertante.  (Contre-point  et  fugue.  — Style  scientifique.) 
Pris  net  :  60  centimes  la  livraison  de  seize  pages. —  (  Les  SEPT  premières  livraisons  sont  en  vente.) 
n  parait  deux  livraisons  par  mois. 

Indication  sommaire  des  matières 

Première  série. 


REALISATION  ECRITE    DES    PARTIES    SUPERIEURES  ,    LA   BASFE  CHIFFREE 
ÉTANT   DONNÉE. —  APPLICATION   DE    CETTE    ÉTUDE   AU    PIASO. 

LIVRE  I'''. —  Principes  généraux.  —  Accords  de  trois  sons.  — ^Tpna- 
lité.  —  Partie  supérieure  de  l'harmonie.  —  Chiflrage 
supérieur  de  la  basse. —  GhifTrage  inférieur  ou  ana- 
lytique- —  Modulations.  —  Classification  des  voix. 
—  Progressions  harmoniques. 

LIVRE  II.  —  Accords  dissonants.  —  Résolution  normale.  —  Résolu- 
tions diverses.  —  Réalisation  de  ces  accords  dans  les 
progressions  harmoniques. 


traitées  dans  la  première  fiartie. 

LIVRE  III. —  Suspensions. —  Pédale. —  Observations  sur  le  chilTrage 

supérieur  de  la  basse. 

Cette  première  série,  composée  d'environ  vingt-quatre  livraisons, 

formera  un  traité  completde  la  réalisation  des  partiessupérieures  dans 

l'Harmonie  élémentaire,  et  de  l'accompagnement  de  la  base  chiffrée. 

*  l>euxième  série. 

SUCCESSION  DES  ACCORDS.  — CONSTRUCTION  ET  CHIFfRAGK  DE  LA  BASSE. 

LIVRE  IV.  —  Succession  des  accords  dans  une  même  gamme, 
LIVRE  V.  —  Succession  des  accords  dans  les  modulations. 

iY.  B.  Afin  de  faciliter  l'intelligence  de  celte  partie  essentielle  de 
l'harmonie,  on  a  annexé  au  texte  des  tableaux  synoptiques,  disposés 
pour  chaque  accord  et  donnant  tous  ses  enchaînements  possibles. 


Pour  paraître  le  25  Mars  chez  MCAURICS  SCHIiESISTGER,  97,  rue  Richelieu. 

TRAITÉ   COMPLET 

DL  LA  THÉOBEE  ET  DE  LA  PRATIQUE 

DE 

L'HAEIHONIE 


PAR 


f 


F.-J.  FETIS, 


MAITRE  DE  CHAPELLE  DU  ROI  DES  BELGES  ,   ET  DIRECTEUR  DU  CONSERVATOIRE  DE  BRDXELLES, 

Prix  de  souscription  :  DIX  FRANCS,  net. 

Cet  important  ouvrage,  dans  lequel  le  célèbre  auteur  a  déposé  toute  son  érudition  avec  cette  clarté  et 
celte  lucidité  qui  le  distinguent,  est  un  livre  qui  doit  être  dans  les  mains  de  tous  les  musiciens  :  aussi 
avons-nous  fixé  le  prix  aussi  bas  que  possible ,  pour  le  mettre  à  la  portée  de  toutes  les  bourses.  Ce  Traité 
est  l'ouvrage  le  plus  complet  qui  ail  paru  jusqu'à  ce  jour  sur  l'étude  de  l'Harmonie, 


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Pour  Paris  :  un  an,  30  fr.;  six  mois,  15  fr.     —     Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres     —     Départements  :  un  an ,  34  fr.  Étranger,  38  (Ir 


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M»I3niCE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DUESBERG,  FÉTIS  père,  ÉdocAKD  FÉTIS,  Stephen  HELLER,   J.  JANIN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  GEOnOE  SAND,   L.  RELLSTAB,  PiUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

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SOMMAIRE.  Cours  gratuit  d'hisloiie  et  (le  théorie  de  l'iiarmonie; 
par  FÉTIS  père.  —  Euplionia  ,  ou  la  Ville  musicale  (suite);  par 
H.  BERLIOZ.— Coup  d'oeil  musical  surles  concerts  delà  semaine  ; 
parn.  RLANCBARD.—  Correspondance  particulière  :  Londres. 
—  Nouvelles.  —  Annonces 

MUSIQUE  DES  VOISINS.  Dessin  de  Gavarni. 


BÏM.    les    Abonnés     recevront     aujourd'hui    ILZïS   JEUNES 
FOXiIiES  ,  valses  nouvelles  de  S.  STRAUSS. 


'HISTOIRE  ET  DE  THÉORIE  DE  L'HARMONIE. 

FAlr  DANS  LA  SALLE  DE  M.  HERZ, 


F.-l.    FE'fl'IS, 

ET    ANALYSÉ   PAU   LL'I-MÊME. 

ès  l'âge  de  neuf  ans ,  je  remplaçais  mon  père 
comme  organiste  du  chapitre  noble  de  ma 
ville  natale.  En  colle  qualité  il-me  fallait  ac- 
compagner à  l'orgue,  sur  la  basse  chiffrée, 
la  vieille  musique  d'église  de  Kraft  et  de 
Fiala  que  faisait  exécuter  un  non  moins  vieux  maîlre  de  cha- 
pelle ,  coiffé  d'une  perruque  à  trois  marteaux  et  habillé  d'un 
pourpoint  à  l'ancienne  mode  espagnole.  Je  n'avais  pas  les 
premières  notions  d'accords  ni  de  chiffres  destinés  h  les  re- 
présenter, mais  je  compris  bientôt  qu'un  3  indiquait  la  tierce, 
que  je  trouvais  fort  bien  accompagnée  avec  la  quinte  et  l'oc- 
tave ,  ce  qui  me  donnait  en  effet  V accord  parfait.  Il  ne  me 
fut  pas  difficile  de  voir  que  le  6  indiquait  l'intervalle  de  sixte, 
et  le  7  celui  de  septième.  Mon  oreille  faisait  le  reste ,  et  mes 
mains  allaient  sur  le  clavier  avec  autant  d'aplomb  que  si 
j'eusse  su  ce  que  je  faisais.  Mon  vieux  maître  de  chapelle , 


qui  n'était  pas  fort,  assurait  gravement  que  j'étais  un  très  ha- 
bile accompagnateur. 

Dans  le  même  temps  ,  j'écrivais  des  concertos  de  violon  et 
de  piano  avec  orchestre,  sans  avoir  jamais  vu  de  partition  ; 
tout  cela  -fourmillait  d'incorrections  ;  mais  on  y  remarquait 
un  certain  sentiment  d'harmonie  :  l'instinct  y  tenait  lieu  de 
savoir.  Je  finis  par  devenir  harmoniste  de  pratique;  mais  j'é- 
tais complètement  ignorant  de  toute  théorie  ,  lorsque  je  fus 
admis  comme  élève  au  (Conservatoire  de  musique  de  Paris,  h 
l'âge  de  seize  ans.  J'y  suivis  le  cours  d'harmonie  du  vénérable 
Rey ,  et  j'y  appris  le  système  de  la  basse  fondamentale  de  Ra- 
meau. Dans  le  même  temps  parut  celui  de  Catel,  qui  y  était 
coraplélement  opposé,  mais  qui,  ayant  obtenu  l'assenlimciit 
de  Cherubini ,  de  Méhul ,  et  des  autres  musiciens  célèbii s 
du  Conservatoire  ,  eut  bientôt  une  grande  autorité.  Mes  dis- 
positions, mes  progrès  depuis  mon  entrée  au  Conscrvatniio  , 
et  mon  penchant  pour  l'étude ,  me  rendaient  propre  à  l'ana- 
lyse des  deux  systèmes  que  je  comparai ,  en  cherchant  à  m'é  ■ 
clairer  sur  le  degré  de  certitude  de  leur  principe  fondamenia'. 
Le  découragement  fut  le  premier  résultat  de  mes  efforts  ;  car 
si  d'une  part  je  trouvais  une  méthode  plus  philosophique 
dans  les  écrits  de  Rameau,  de  l'autre  je  voyais  dans  le  système 
de  Catel  un  ordre  de  faits  plus  conforme  aux  procédés  pra- 
tiques de  l'art  d'écrire  l'harmonie. 

Le  hasard  ayant  mis  successivement  entre  mes  mains  les 
Traités  d'harmonie  de  Roussier ,  de  Langlé  ,  du  chevalier  de 
Liron ,  de  Marpurg,  de  Kirnberger  et  de  Sabbatini,  je  les 
lus  avec  attention  ,  et  mes  incertitudes  augmentèrent.  Je  me 
fis  encore  longtemps  cette  question  :  Quelle  est  la  base 
certaine  de  la  science  de  l'harmonie?  sans  y  trouver  de  solu- 
tion satisfaisante.  Un  nouvel  ouvrage  de  M.  de  Monsigny,  qui 
parut  en  1806  ,  ne  m'éclaira  pas  plus  que  les  autres ,  malgré 
les  promesses  et  le  ton  dogmatique  de  son  auteur. 

Ce  fut  alors  que  je  crus  trouver  plus  de  ressources  dans  les 
écrits  des  mathématiciens  relatifs  à  l'objet  de  mes  recherches, 


BUREAUX    D'ABONNEMEKIT,    RUE   RICHEIIEU,    97. 


90 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


et  que  je  lus  les  ouvrages  de  Ballière  ,  de  Janiard ,  de  Sure- 
main-de-Missery ,  de  Tarlini ,  l'Essai  d'Euler  ,  et  la  Gram- 
matica-armonica  fsico-matematica  de  Catalisano  ;  mais  là 
je  me  trouvai  encore  plus  loin  de  mon  but  que  dans  les  livres 
de  musiciens  ;  car  ces  géomètres  ne  m'offraient  que  des  spé- 
culations abstraites,  sans  application  déterminée  pour  l'art. 

Je  parlais  quelquefois  à  Jiéliul  de  mes  perplexités;  mais 
loin  d'en  recevoir  des  encouragements ,  je  ne  trouvais  en  lui 
qu'incrédulité  sur  la  possibilité  et  même  sur  l'utilité  d'une 
théorie  rationnelle  de  l'harmonie.  «  Tout  ce  qu'un  musicien 
doit  savoir  de  cette  science  ,  me  disait-il ,  se  trouve  dans  le 
Traité  de  Catel  ;  le  reste  est  inutile.  »  Je  ne  partageais  pas 
son  opinion  ,  quoique  j'eusse  beaucoup  d'estime  pour  le  mé- 
rite de  la  méthode  de  Catel ,  et  que  je  la  considérasse  comme 
très  supérieure  à  toutes  les  autres,  sous  le  rapport  des  ap- 
plications pratiques.  Sortant  de  chez  Méhul  un  jour ,  après 
une  conversation  sur  le  même  sujet ,  il  me  vint  une  idée  qui 
fut  un  trait  de  lumière,  et  qui  me  mit  sur  la  voie  de  la  théorie 
que  je  viens  d'exposer  dans  le  cours  que  j'ai  fait  à  Paris,  les 
18,  22,  25  et  29  février,  et  dont  on  trouvera  les  développe- 
ments dans  le  Traité  de  la  théorie  et  de  la  pratique  de  Vhar- 
monie,  que  je  publie  en  ce  moment.  On  a  cherché  (me 
disais-je)  le  principe  de  l'harmonie  dans  des  phénomènes 
acoustiques ,  dans  des  progressions  numériques  de  divers 
systèmes,  dans  des  procédés  plus  ou  moins  ingénieux  d'a- 
grégations d'intervalles,  et  dans  des  classifications  arbitraires 
d'accords  ;  mais  il  est  évident,  par  l'examen  des  monuments 
de  l'histoire  de  la  musique ,  que  ce  n'est  pas  par  ces  choses 
que  l'art  s'est  formé.  Les  phénomènes  acoustiques  de  toute 
espèce  constatés  par  des  expériences  modernes  ;  les  progres- 
sions harmonique ,  géométrique  et  arithmétique  ;  les  addi- 
tions de  tierces  à  d'autres  tierces  supérieures  ou  inférieures; 
et  les  autres  points  de  départ  de  théoriciens ,  n'ont  point  été 
les  guides  qui ,  dès  les  premiers  pas  ,  ont  dirigé  les  composi- 
teurs, et  tout  cela  a  été  lettres  closes  pour  ceux-ci.  Une 
cause  plus  active ,  plus  immédiate  ,  a  dû  agir  sur  eux  dans  la 
formation  des  accords  et  dans  l'enchaînement  qu'ils  leur  ont 
donné.  Cette  cause ,  ou  en  d'autres  fermes  ce  principe  de 
l'harmonie,  et  comme  art  et  comme  science,  n'a  pu  être 
autre  que  ce  qui  règle  les  rapports  des  sons  et  l'ordre  où  ils 
se  suivent  dans  la  gamme  des  deux  modes  ;  car  il  est  impos- 
sible qu'il  y  ait  deux  principes  dans  l'art,  dont  un  régirait  les 
successions  de  la  mélodie  ,  et  l'autre  les  agrégations  de  l'iiar- 
monie ,  puisque  ces  deux  choses  sont  étroitement  liées  l'une 
à  l'autre. 

Or  le  principe  régulateur  des  rapports  des  sons,  dans 
l'ordre  successif  et  dans  l'ordre  simultané,  se  désigne  en 
général  par  Jle  nom  de  tonalité.  Tout  ce  qui ,  dans  l'harmo-  ■ 
nie ,  est  une  conséquence  immédiate  de  la  tonalité ,  et  en 
peut  être  considéré  eu  même  temps  comme  l'expression  ab- 
solue, abstraction  faite  de  toute  circonstance  étrangère,  a 
donc  nécessairement  une  existence  primitive  et  naturelle  , 
tandis  que  ce  qui  n'çst  pas  conforme  à  cette  tonalité  |et  ne 
satisfait  pas  immédiatement  l'oreille  n'a  qu'une  existence  ar- 
tificielle. 

On  voit  que  par  cette  pensée  je  cherchais  dans  la  musique 
elle-même  le  principe  de  l'harmonie ,  et  que  j'en  écartais 
toute  considération  de  phénomènes  acoustiques,  de  divisions 
de  monocorde  ,  de  progressions  numériques  et  de  formation 
mécanique  d'accords,  parce  que  ce  sont  des  choses  dont 
nous  n'avons  pas  conscience  ,  et  qui ,  conséquemnient ,  ne 
sont  pas  des  parties  intégrantes  de  l'art ,  et  n'ont  pas  contri- 
bué à  sa  formation.  Je  me  demandai  quels  accords  notre 
instinct  musical  admet  comme^existants  par  eux-mêmes ,  in- 


dépendamment de  toute  circonstance  étrangère,  et  comme 
des  conséquences  naturelles  de  la  tonalité  ;  je  n'en  trouvai 
que  deux  :  le  premier  consonnant,  c'est  "a-dire  V accord 
l^arfuit ,  composé  de  trois  sons  ;  le  deuxième  dissonant ,  à 
savoir,  l'accord  de  septième  de  la  dominante ,  composé  de 
quatre  sons.  Je  vis  que  le  premier  constitue  le  repos  dans 
l'harmonie ,  parce  que  lorsqu'il  se  fait  entendre ,  rien  n'in- 
dique la  nécessité  de  succession ,  et  que  l'autre ,  au  con- 
traire, est  attractif  par  la  réunion  du  quatrième  degré  ,  de 
la  dominante  et  de  la  note  sensible ,  et  conséquemment  qu'il 
a  des  tendances  de  résolution  ,  et  qu'il  caractérise  le  mouve- 
ment dans  l'harmonie.  Ces  deux  accords  donc  ,  et  leurs  dé- 
rivés par  le  renversement  de  leurs  intervalles ,  constituent 
toute  l'harmonie  naturelle  ,  c'est-à-dire  celle  qui ,  suivant  le 
langage  des  harmonistes  ,  s'attaque  sans  préparation. 

En  vain  cherchai-je  quelque  autre  accord  nécessaire  pour 
constituer  la  tonalité;  je  n'en  pus  découvrir,  et  j'acquis  la 
conviction  que  tous  les  autres  sont  des  modifications  de  ceux- 
là.  Il  ne  me  restait  donc  plus  cju'à  chercher  la  nature  et  le 
mécanisme  des  divers  genres  de  modifications  ;  ce  fut  à  cette 
recherche  minutieuse  que  j'employai  plusieurs  années ,  jus- 
qu'en 1816,  où  j'achevai  le  premier  manuscrit  du  Traité 
d'harmonie  que  je  publie  en  ce  moment.  J'ai  rapporté,  dans 
la  Biograj)hie  universelle  des  musiciens ,  les  circonstances 
qui  en  ont  retardé  si  longtemps  la  publication.  Toutefois  j'en 
fis  connaître  sommairement,  en  1823,  les  bases  dans  ma 
Méthode  élémentaire  et  abrégée  d'harmonie ,  dont  il  a  été  fait 
depuis  lors  trois  éditions,  et  qui  a  été  traduite  en  plusieurs 
langues  étrangères. 

Lorsque  j'eus  laissé  refroidir  l'espèce  d'enthousiasme  qui 
s'empare  presque  toujours  de  l'auteur  d'une  théorie  nouvelle, 
je  sentis  le  besoin  de  m'assurer  d'une  part  que  je  n'avais 
point  été  précédé  par  quelque  auteur  dans  la  voie  où  je  m'é- 
tais engagé  ;  et  de  l'autre,  que  les  monuments  de  l'histoire 
de  l'art  n'étaient  point  en  contradiction  avec  mon  système. 
Pour  lever  mes  scrupules  sur  le  premier  point ,  je  ne  négli- 
geai rien  pour  m'entourer  de  tous  les  traités  généraux  ou 
spéciaux  dans  lesquels  il  est  traité  de  la  science  de  l'harmo- 
nie d'une  manière  plus  ou  moins  directe ,  plus  ou  moins  ap- 
profondie. Le  nombre  d'ouvrages  de  ce  genre ,  que  j'ai  lu 
dans  l'espace  d'environ  vingt  ans,  s'élève  à  plus  de  huit  cents 
A  l'égard  des  compositions  de  toute  espèce  que  j'analysai,  je 
les  rangeai  par  époques  et  par  catégories  de  transformations 
de  l'art.  Il  me  serait  difficile  de  donner  une  idée  juste  de  la 
source  inépuisable  d'instruction  que  je  trouvai  dans  cette 
étude  persévérante ,  dont  le  résultat  fut  de  me  conduire  à  la 
conviction  de  l'infaillibilité  de  mes  principes. 

Parvenu  à  ce  point ,  il  ne  me  restait  plus  qu'à  faire  la  der- 
nière rédaction  de  l'ouvrage  que  je  livre  au  public  comme 
mon  dernier  mot  sur  cette  partie  de  la  science  de  la  musique. 
Avant  qu'il  parût ,  il  m'a  semblé  nécessaire  de  fixer  l'atten- 
tion des  artistes  et  des  amateurs  sur  une  théorie  qui  se  dis- 
tingue des  autres,  autant  par  sa  simplicité  que  par  la  nature 
de  sa  base  ,  et  de  leur  en  expliquer  le  but  :  c'est  ce  qui  m'a 
conduit  à  Paris,  pour  y  faire,  dans  le  mois  de  février  dernier, 
un  cours  gratuit  d'histoire  et  de  théorie  de  l'harmonie,  que 
j'ai  divisé  en  quatre  séances.  Voici  l'ordre  que  j'y  ai  suivi. 

Dans  la  première  séance,  j'ai  d'abord  fait  connaître  en  quoi 
consiste  la  différence  de  l'ancienne  tonalité  du  plain-chant  qui 
a  servi  de  base  à  toute  la  musique  jusqu'à  la  fin  du  xvi'  siècle 
et  de  la  tonalité  moderne.  J'ai  fait  voir  que  les  différents  modes 
de  cette  ancienne  tonalité  sont  le  produit  d'une  gamme  unique 
prise  à  ses  différents  degrés ,  et  qu'ils  ne  diffèrent  entre  eux 
i  que  par  la  position  des  deux  demi-tons  de  l'octave ,  par  leur 


DE  PARIS. 


91 


dominante  ou  note  plus  fréquente  que  les  autres  et  par  leur 
finale;  en  sorte  que  leur  caractère  n'est  point  essentiellement 
distinct  da'ns  l'harmonie ,  et  qu'ils  se  confondent  à  l'audition 
par  la  similitude  des  successions.  Si  je  ne  suis  pas  entré  plus 
avant  dans  l'analyse  des  formes  de  cette  tonalité ,  c'est  que 
d'une  part  cela  n'était  pas  nécessaire  à  mon  sujet,  et  que,  de 
l'autre,  j'ai  traité  à  fond  cette  matière  dans  ma  Méthode  élé- 
mentaire de  plain-chant  (1). 

Il  était  bien  plus  important  pour  mon  sujet  de  démontrer 
que  l'harmonie  consonnante ,  inhérente  à  cette  tonalité,  et 
dans  laquelle  apparaissent  seulement  çà  et  là  quelques  disso- 
nances artificielles ,  produites  par  le  retard  des  consonnances, 
est  essentiellement  une  harmonie  de  repos ,  étrangère  à  toute 
tendance  de  modulatioii,  et  que  les  changements  apparents  de 
tons  qu'on  y  remarque  quelquefois  ne  sont  jamais  les  résul- 
tats d'attraction,  et  qu'ils  ne  déterminent  rien,  n'y  ayant  ni 
nécessité  de  transition  ,  ni  cadence  de  conclusion.  J'ai  terminé 
mes  observations  sur  cette  tonalité  en  faisant  remarquer  à 
mon  auditoire  que  l'absence  de  cadences  nécessaires  et  l'en- 
jambement incessant  des  motifs  par  les  rentrées  successives 
des  voix  dans  les  anciennes  compositions,  en  excluaient  ab- 
solument tout  sentiment  de  rhythme  et  de  période. 

Arrivant  ensuite  à  l'époque  importante  de  l'introduction  de 
l'accord  dissonant  naturel,  danslamusique  par  le  compositeur 
vénitien  Monteverde  ,  j'ai  démontré  que  cet  accord  attractif 
changea  tout-à-coup  la  tonalité,  en  donnant  à  la  note  sensible 
son  caractère  ascendant,  qu'elle  ne  peut  avoir  qu'harmonique- 
ment  par  son  union  avec  le  quatrième  degré  et  avec  la  domi- 
nante; que  les  quatre  notes  de  cet  accord ,  ayant  une  position 
déterminée,  fixent  aussi  la  position  de  la  tonique  et  du  troisième 
degré  par  la- résolution  des  notes  attractives  dans  la  cadence 
parfaite ,  et  du  sixième  degré  dans  la  cadence  rompue  ;  que 
par  ce  même  accord ,  tous  les  degrés  de  la  gamme  des  deux 
modes  acquièrent  un  caractère  déterminé  et  une  destination 
spéciale  ;  et  enfin ,  que  par  lui  aussi ,  l'élément  de  la  transi- 
tion est  introduit  dans  la  musique,  puisqu'il  suffit  de  faire 
entendre  sans  préparation  l'accord  dissonant  naturel  d'un 
ton  non  encore  entendu ,  ou  l'un  de  ses  dérivés ,  pour  que  ce 
ton  soit  à  l'instant  connu ,  y  eût-il  même  immédiatement  après 
une  autre  transition  qui  ne  permît  pas  de  faire  la  cadence. 

A  ce  grand  fait  du  changement  de  la  tonalité  par  l'introduc- 
tion dans  la  musique  de  l'accord  dissonant  naturel ,  j'ai 
ajouté  la  démonstration ,  par  des  exemples  qui  ont  excité  l'in- 
térêt de  l'assemblée ,  que  de  lui  est  né  l'accent  expressif  et 
passionné  qui  n'existait  ni  dans  l'ancienne  tonalité,  ni  dans 
rharmonie  consonnante  qui  en  était  le  produit  :  avec  cet  ac- 
cent, ai-je  dit,  est  né  le  drame  musical  véritable;  et  la  can- 
tate, autre  sorte  de  petit  drame  à  voix  seule,  accompagnée 
d'un  instrument ,  a  succédé  au  madrigal  à  plusieurs  voix ,  et 
l'a  fait  disparaître  en  peu  de  temps. 

Dans  la  seconde  séance  j'ai  établi  que  l'harmonie  naturelle 
et  la  tonalité  étant  constituées  par  les  deux  accords  conson- 
naut  et  dissonant  primitifs,  tous  les  autres  accords  ne  sont 
que  des  modifications  de  ceux-là,  et  que  les  modifications  sus- 
ceptibles de  combinaisons  enlre  elles  sont  de  trois  espèces , 
savoir  :  la  substitution  d'une  note  à  une  autre  ;  l'introduc- 
tion d'une  note  étrangère  dans  les  accords  naturels  ou  dans 
leurs  renversements ,  par  la  prolongation  d'une  note  d'un  ac- 
cord précédent ,  et  enfin  l'altération  ascendante  ou  descen- 
dante des  notes  naturelles  par  des  lignes  d'élévation  ou  d'a- 
baissement. 

La  substitution  ,  ai-je  dit ,  s'opère  par  le  sixième  degré  du 

(1)  Paris,  1843,  in-8,  chez  M"»  V' Canaux,  rueSle-Apolline,  15. 


mode  majeur  ou  mineur,  qui  prend  la  place  de  la  dominante 
dans  l'accord  dissonant  naturel  ou  dans  ses  dérivés.  Ainsi , 
ce  degré  se  substituant  à  l'octave,  dans  l'accord  de  septième 
sol ,  si ,  ré ,  fa,  sol ,  ou  sol,  si,  fa,  sol ,  produit  sol ,  si ,  ré, 
fa,  la,  ou  sol,  si,  fa,  la,  si  la  substitution  est  du  mode 
majeur ,  et  sol,  si,  ré,  fa,  la  bémol,  ou  sol,  si,  fa,  la  bé- 
mol ,  si  elle  est  du  mode  mineur.  Ces  accords  ainsi  modifiés 
prennent  en  général  chez  les  harmonistes  les  noms  de  ne^l- 
vième  majeure  et  de  neuvième  mineure  de  la  dominante.  De 
même ,  si  la  substitution  du  mode  majeur  se  fait  dans  le 
premier  dérivé  de  l'accord  dissonant  naturel ,  si,  ré ,  fa ,  sol 
ou  si,  ré,  fa,  la,  appelé  septième  de  sensible,  par  quelques 
théoriciens,  et  si  la  substitution  est  du  mode  mineur,  on  a  si, 
ré,  fa,  la  bémol ,  appelé  dans  l'école  accord  de  septième  di- 
minuée, etc.,  etc. 

La  substitution  ,  ai-je  dit,  est  toujours  mélodique  ;  d'mi  il 
suit  qu'elle  appartient  à  la  partie  supérieure  de  l'harmonie. 
Elle  est  facultative ,  n'est  point  une  nécessité  de  la  tonalité , 
et  ne  change  rien  à  la  destination  de  l'accord  modifié.  On  en 
peut  faire  à  volonté  la  résolution  avant  celle  du  reste  de  l'ac- 
cord ,  ou  ne  la  faire  que  collectivement  avec  lui. 

L'introduction  d'une  ou  de  plusieurs  notes  étrangères  dans 
les  accords  consonnants  et  dissonants  naturels ,  par  la  pro- 
longation des  notes  d'un  accord  précédent,  y  fait  entrer  sou- 
vent des  dissonances  artificielles  :  dans  ce  cas ,  ces  dissonances 
doivent  opérer  leur  résolution  en  descendant  d'un  degré  ;  car 
la  destination  de  toute  dissonance  est  de  descendre.  Ainsi , 
dans  la  succession  des  deux  accords  si,  fa,  sol,  ré  et  ut,  mi, 
sol,  ut,  si  ré  du  premier  accord  est  prolongé  sur  le  second,  il 
retarde  l'octave  de  l'accord  parfait  ut,  mi,  sol,  ut,  et  produit 
l'accord  de  neuvième  artificielle  ut,  mi,  sol,  re,dont  la  disso- 
nance doit  faire  sa  résolution  en  descendant  sur  la  note  retar- 
dée. De  là  se  tirent  les  règles  suivantes  pour  les  limites  de 
l'emploi  de  la  prolongation  :  1"  toute  note  descendant  d'un 
degré  dans  la  succession  d'un  accord  à  un  autre,  peut  être 
prolongée;  2°  une  note  prolongée  ne  peut  se  résoudre  en 
montant  dans  la  succession  de  deux  accords ,  que  lorsqu'elle 
n'introduit  pas  de  dissonance  dans  le  second. 

De  ce  genre  de  modification  des  accords  naturels  résultent 
beaucoup  d'accords  artificiels  ,  qui  jettent  de  la  variété  dans 
l'harmonie,  mais  qui  sont  facultatifs  ,  et  ne  résultent  point  de 
nécessités  tonales.  Toute  prolongation  étant  supprimée ,  il 
doit  rester  une  bonne  harmonie  naturelle  qui  ne  perd  rien  de 
sa  signification. 

FÉTis  père. 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 
(  La  suite  à  un  prochaiji  numéro. 


92 


BEVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ou 
LA  VILLE  aiUSICALE. 

(Suite'.) 

(  Un  salon  splendidement  meublé  à  Paris.  ) 

ELLIMAC  (seule). 

h  çà ,  mais  il  me 
semble  que  je  vais 
ni'enouyer!  Est-ce 
que  ces  messieurs 
se  moquent  de  moi  ! 
^    ,  Comment!  pas  un 

ï"^  d'eux  n'a  encore  songé  à  me  proposer 
quelque  chose  d'amusant  pour  aujour- 
d'hui !  Me  voilà  seule  et  abandonnée  de- 
puis quatre  longues  heures.  Le  baron  lui- 
'^  même,  le  plus  attentif,  le  plus  empressé  de 
tous,  n'est  pas  encore  venu!..  Peut-être  ont- 
ils  bien  fait ,  ma  foi ,  de  me  laisser  tranquille; 
ils  sont  si  cruellement  sots  tous  ces  beaux  qui 
m'adorent  !  Ils  ne  savent  jamais  me  parler  que  de 
fêtes ,  de  courses ,  d'intrigues ,  de  scandales ,  de 
toilette;  pas  un  mot  qui  décèle  l'intelligence  ou 
le  sentiment  de  l'art,  rien  qui  vienne  du  cœur. 
Et  je  suis  artiste  avant  tout,  moi,  et  artiste  par...  l'âme, 
par...  le  cœur.  D'où  vient  que  j'hésite  à  le  dire?  Suis-je  bien 
sûre,  dans  le  fait,  d'avoir  un  coeur  et  une  âme?...  Eh!... 
qui  sait  !  Voilà  déjà  que  je  ne  me  sens  plus  le  moindre  amour 
pour  Xilef.  Je  n'ai  pas  même  répondu  à  ses  brûlantes  lettres. 
11  m'accuse,  il  se  désespère,  etje  pense  à  lui...  quelquefois, 
mais  rarement.  Allons  ,  ce  n'est  pas  ma  faute ,  si ,  comme  dit 
mon  imbécile  de  baron  ,  les  absents  ont  toujours  tort ,  et  les 
prc!:ents  sont  toujours  acceplés.  Je  ne  suis  pas  chargée  de 
refiiirc  le  monde.  Pourquoi  est-il  parti?  Un  homme  qui  aime 
bien  ne  doit  jamais  quitter  sa  maîtresse  ;  il  doit  ne  voir  qu'elle 
au  monde ,  et  compter  tout  le  reste  pour  rien. 
EÉRISED  (entrant). 
Madame,  voici  vos  journaux  et  deux  lettres. 

ELLIMAC  (  ouvrant  un  journal). 
Voyons!...  Ah!  la  fêle  de  Gluck  à  Euphonia  dans  huit 
jours!  j'y  veux  aller,  j'y  chanterai.  {Lisant.)  <.  L'hymne  com- 
posée par  Rotceh  occupe  toute  la  ville,  est  le  sujet  de  toutes 
les  conversations.  On  n'a  jamais  encore,  pensons-nous ,  ex- 
primé plus  magnifiquement  un  plus  noble  enthousiasme. 
Rotceh  est  un  homme  à  part ,  un  homme  différent  des  autres 
hommes  par  son  génie,  par  son  caractère,  parle  mystère  de 
sa  vie.  »  Eérised ,  appelez  ma  mère. 

EÉRISED  (en  sortant). 
Madame  ,  vous  ne  lisez  pas  vos  lettres  ;  je  crois  qu'il  y  en 
a  une  de  votre  fiancé  M.  Xilef. 

ELLIMAC  (seule). 
Mon  fiancé  !  le  drôle  de  mot.  Ah  !  que  c'est  ridicule  un 
fiancé  !  Mais  il  peut  aussi  m'appeler  sa  fiancée  !  je  suis  donc 
ridicule  !  Sotte  fille ,  avec  ses  termes  grotesques  !  Tout  cela 
me  déplaît,  me  crispe  ,  m'exaspère.  Et  qui  pis  est,  tout  cela 
est  vrai.  Elle  n'a  que  trop  bien  deviné.  Oui ,  cette  lettre  est 
de  mon  fidèle  Xilef.  C'est  cela...  des  reproches...  des  souf- 
frances... son  amour...  l'art...  toujours  la  même  chanson... 


(l)-Li  reproduction  de  cette  nouvelle  est  interdite.  —  Voir  les 
numéros  7,  8  et  9.  I 


Jeune  homme  !  tn  m'obsèdes.  Décidément,  mon  pauvre  Xilef, 
te  voilà  flambé  !  Eh  !  au  fait ,  ils  sont  insupportalDles  ces  êtres 
éternellement  passionnés!  Qui  est-ce  qui  les  prie  d'être 
constants?  qui  l'a  prié  de  m'adorer  ?...  qui?...  eh,  mais  c'est 
moi ,  ce  me  semble  ;  il  n'y  songeait  pas.  Et  maintenant  qu'il 
a  perdu  pour  moi  le  repos  de  sa  vie  (phrase  de  romans)... 
c'est  un  peu  leste  de  le  planter  là  !  Oui,  mais...  on  ne  vit 
qu'une  fois. 

Voyons  l'autre  missive  !  (Riant.)  Ah  !  ah  !  voilà  une  épître 
laconique  !  un  cheval ,  très  bien  dessiné  ma  foi ,  et  pas  un 
mot.  C'est  à  la  fois  un  emblème ,  un  portrait ,  une  signature 
et  une  phrase  hiéroglyphique!  Cela  signifie  que  je  suis  atten- 
due pour  une  course  au  bois  par  mon  animal  de  baron.  Il 
courra  sans  moi.  {M""  ElUanac  s'avance  pesamment.)  Mon 
dieu,  ma  mère ,  que  vous  êtes  lente  à  venir  quand  je  vous 
appelle!  je  suis  ici  à  me  morfondre  depuis  plus  d'une  demi- 
heure.  Je  n'ai  pas  de  temps  à  perdre  cependant! 

M"»»  ELLIANAC. 

De  quoi  s'agit-il  donc ,  ma  fille  ?  quelle  nouvelle  folie  allez- 
vous  entreprendre  ?  vous  voilà  bien  agitée  ! 

ELLIMAC. 

Nous  partons  ! 

M"-»  ELLIANAC. 
Vous  partez! 

ELLIMAC. 

Nous  partons,  ma  mère! 

M""  ELLIANAC. 

Mais  je  n'ai  pas  envie  de  quitter  Paris,  je  m'y  trouve  fort 
bien  ;  surtout  si ,  comme  je  le  soupçonne  ,  c'est  pour  aller 
rejoindre  votre  pâle  amoureux.  Je  vous  le  répète,  Ellimac, 
votre  conduite  est  impardonnable ,  vous  manquez  à  ce  que 
vous  me  devez  et  à  ce  que  vous  devez  à  vous-même.  Ce  ma- 
riage ne  nous  convient  en  aucune  façon  ,  ce  jeune  homme  n'a 
pas  assez  de  fortune  !  Et  puis  il  a  des  idées ,  des  idées  si 
étranges  sur  les  femmes!  Tenez ,  vous  êtes  folle  ,  trois  fois 
folle,  pardonnez-moi  de  vous  le  dire,  et  même  niaise  ,  avec 
tout  votre  esprit  et  tout  votre  talent.  On  n"a  jamais  vu 
d'exemple  d'un  tel  choix,  ni  d'une  telle  manie  d'épousailles. 
Je  pensais  pourtant  que  la  société  brillante  que  vous  voyez 
habituellement  ici  vous  avait  un  peu  remise  sur  la  voie  du 
bon  sens  ;  mais  il  paraît  que  vos  caprices  sont  des  fièvres  in- 
termittentes, et  que  voilà  l'accès  revenu. 

ELLIMAC  (s'inelinant  avec  un  respect  ex-igéré). 

Ma  respectable  mère ,  vous  êtes  sublime  !  Je  ne  dirai  pas 
que  vous  improvisez  à  merveille,  car  c'est,  j'en  suis  sûre, 
pour  préparer  ce  sermon  que  vous  m'avez  tant  fait  attendre! 
N'importe ,  l'éloquence  a  son  prix.  Mais  vous  prêchiez  une 
convertie.  Or  donc,  nous  partons;  nous  allons  à  Euphonia;  je 
chante  à  la  fête  de  Gluck  ;  je  ne  pense  plus  à  Xilef;  nous 
changeons  de  nom  i)our  nous  mettre ,  dans  le  premier  mo- 
ment, à  l'abri  de  ses  poursuites;  je  m'appelle  Nadira,  vous 
vous  nommez  ma  tante  Essam  ;  je  passe  pour  une  débutante 
autrichienne ,  et  le  grand  Rotceh  me  prend  sous  sa  protec- 
tion ;  j'ai  un  succès  fou  ;  je  tourne  toutes  les  têtes  ;  pour  le 
reste. . .  qui  vivra  verra. 

M""  ELLIANAC. 

Ah  !  mon  Dieu ,  bénissez-la!  je  retrouve  ma  fille.  Enfin  la 
raison...  embrasse-moi,  ma  toute  belle.  Ah!  j'étouffe  de  joie! 
plus  de  ces  sottes  opinions  sur  de  prétendues  promesses!  à  la 
bonne  heure  !  Oui ,  partons.  Et  ce  petit  niais  de  Xilef  qui  se 
permettait  de  songer  à  mon  Ellmiac  et  de  vouloir  me  l'enle- 
ver. Ah  !  que  j'aie  an  moins  le  plaisir  de  lui  signifier  son 
congé  ;  à  cet  éjwuseur  ;  c'est  moi  que  cela  regarde ,  etje  vais. .. 
Morveux!  une  cantatrice  de  ce  talent  et  si  belle!  Oui,  mon 


DE  PARIS. 


93 


garçon,  elle  est  pour  toi,  va,  compte  là-dessus.  En  dix  lignes 
je  le  congédie;  dans  deux  heures  nos  malles  sont  faites,  notre 
navire  de  poste  est  prêt ,  et  demain  à  Euphonia  où  nous 
triomphons  pendant  que  le  petit  monsieur  nous  poursuivra 
dans  la  direction  contraire.  Ah  !  je  vais  lui  donner  des  nœuds 
à  filer.  (  M"'  Ellianac  sort  en  soufflant  comme  une  baleine  et 
en  faisant  des  signes  de  croix.) 

EÉRISED(qui  esl  rentrée  depuis  quelques  instants'. 
Vous  le  quittez  donc,  madame? 

ELLIMAG. 

Oui ,  c'est  fini. 

EÉRISED. 

O  mon  Dieu ,  il  vous  aime  tant ,  et  il  comptait  tant  sur 
vous!  Vous  ne  l'aimez  donc  plus ,  plus  du  tout? 

ELLIMAC. 

Non. 

EÉRISED. 

Cela  me  fait  fait  peur.  Il  arrivera  quelque  malheur ,  il  se 
tuera ,  madame. 

ELLIMAG. 

Bah! 

EÉRISED. 

Il  se  tuera ,  cela  est  sûr  ! 

ELI.IMAC. 

Assez,  voyons! 

EÉRISED. 

Pauvre  jeune  homme  ! 

ELLIMAG. 

Ah  çà,  vous  tairez-vous,  idiote?  Allez  rejoindre  ma  mère 
et  l'aider  à  faire  nos  préparatifs  de  départ.  Et  pas  de  ré- 
flexions ,  je  vous  prie ,  si  vous  tenez  à  rester  à  mon  service. 
(Eérised  sort.) 

ELLI.MAG  (seule). 

Il  se  tuera!...  ne  dirait-on  pas  quejesuis  obhgée...  D'ail- 
leurs est-ce  ma  faute...  si  je  ne  l'aime  plus! 

Elle  se  met  au  piano  et  vocalise  pendant  quelques  minu- 
tes; puis  ses  doigts,  courant  sur  le  clavier,  reproduisent  le 
thème  delà  première  symphonie  de  Rotceh  qu'elle  a  enten- 
due six  mois  auparavant.  Et  elle  murmure  en  jouant:  «  Réel- 
lement c'est  beau  cela  !  il  y  a  dans  cette  mélodie  quelque 
chose  de  si  élégamment  tendre,  de  si  capricieusement  pas- 
sionné!... »  Elle  s'arrête...  Long  silence...  Elle  reprend  le 
thème  symphonique:  «  Rotceh  est  un  homme  à  part!...  dif- 
»  férent  des  autres  hommes...  par  son  génie,  son  carac- 
»  tère  (jouant  toujours)  et  le  mystère  de  sa  vie...  (elle 
»  prend  le  mode  mineur)  il  ne  m'aimera  jamais,  au  dire  de 
»  Xilef  !  >'  Le  thème  reparaît  fugué ,  disloqué ,  brisé.  Cres- 
cendo. Explosion  dans  le  mode  majeur.  Ellimac  s'approche 
d'une  glace,  arrange  ses  cheveux  en  fredonnant  les  premières 
mesures  du  thème  de  la  symphonie...  Nouveau  silence.  Elle 
aperçoit  la  lettre  du  baron  qui  contient  un  cheval  dessiné  au 
trait  ;  elle  prend  une  plume ,  trace  sur  le  col  de  l'animal  une 
bride  flottante,  et  sonne.  Un  domestique  en  livrée  paraît  : 
Vous  rendrez  ceci  au  baron ,  lui  dit-elle ,  c'est  ma  réponse. 
(A  part.)  Il  est  assez  bête  pour  ne  pas  la  comprendre. 
EÉRISED  (entrant). 

Madame,  tout  est  prêt. 

ELLIMAG. 

Ma  mère  a-t-elle  écrit  à...  ? 

EÉRISED. 

Oui ,  madame ,  je  viens  de  porter  sa  lettre  à  la  poste  d'I- 
talie. 

EI-LIMAC. 

Montez  toutes  les  deux  dans  le  navire ,  je  vous  suis.  »  La 


femme  de  chambre  s'éloigne.  Ellimac  va  s'asseoir  sur  un  ca- 
napé, croise  ses  bras  sur  sa  poitrine  et  demeure  un  instant 
absorbée  dans  ses  pensées.  Elle  baisse  la  tête  ,  un  impercep- 
tible soupir  s'échappe  de  ses  lèvres,  une  légère  rougeur  vient 
colorer  ses  joues;  enfin  saisissant  ses  gants,  elle  se  lève  et  sort 
en  disant  avec  un  geste  de  mauvaise  humeur  :  «  Eh  !  ma  foi , 
qu'il  s'arrange  !  » 

H.  Berlioz. 
(£a  suite  au  prochain  numéro.) 


SUR 
XES  CONCERTS  SE  IiA  SEMAISTE. 

lions  !  en  véritable  inspecteur  aux  revues  musi- 
cales, jetons  nos  regards  scrutateurs  dans  les 
rangs  de  la  grande  armée  instrumentale  et  vocale, 
dont  les  lignes  occupent  en  ce  moment  les  salons 
de  Paris.  Des  divisions  de  théoriciens ,  de  pro- 
fesseurs ,  de  compositeurs ,  de  virtuoses  instrumentistes  et 
chanteurs  opèrent  avec  une  égale  dextérité  concertante ,  et 
dans  les  principes  de  la  stratégie  harmonique,  sur  les  oreilles 
et  le  système  physiologique  de  toutes  les  classes  de  la  société. 
M.  Rigel,  qui  vient  de  publier  un  quatuor  pour  deux  vio- 
lons, alto  et  basse,  œuvre  de  conscience  et  d'un  excellent  style, 
a  fait  exécuter,  un  de  ces  jours  passés,  aux  concerts  Yivienne, 
une  belle  ouverture  également  de  sa  composition ,  qui  a  été 
appréciée  par  les  amateurs  de  la  bonne  et  sérieuse  musique, 
et  qui  est  faite  pour  maintenir  M.  Rigel  au  rang  des  compo- 
siteurs classiques,  espèce  d'artiste  qui  dégénère  tous  les 
jours. 

Le  cours  en  trois  séances  auquel  M.  Alexis  Garaudé  a  con- 
vié les  amateurs  de  chant  a  beaucoup  plu  aux  nombreux 
auditeurs  qu'il  avait  attirés,  et  dont  il  a  captivé  l'attention  par 
la  substance  et  la  concision  de  ses  préceptes,  qualités  rares 
dans  l'enseignement.  Tout  professeur  trônant  dans  une  chaire 
est  verbeux,  abondant  en  définitions,  sans  pour  cela  être  plus 
clair.  Le  professeur  expérimenté  que  nous  citons  ici,  sachant 
combien  l'exemple  ajoute  de  force  au  précepte,  a  fait  appuyer 
ses  leçons  sur  l'art  vocal  de  phrases ,  de  morceaux  exécutés 
par  nos  plus  habiles  artistes ,  qui  ont  révélé  ainsi  tous  les  se- 
crets physiologiques  et  artistiques  de  la  voix  ;  la  classification 
de  ses  différents  registres  ;  les  moyens  de  bien  phraser  et 
d'arriver  ainsi  par  un  travail  mécanique  et  d'analyse  à  l'ex- 
pression ,  à  posséder  enfin  ce  je  ne  sais  quoi  qu'on  appelle 
l'âme  musicale.  M.  de  Garaudé  va  participer  au  grand  œuvre 
delà  décentralisation  musicale,  en  portant  dans  les  princi- 
pales villes  de  nos  départements  sa  méthode  orale  et  simul- 
tanément appliquée  :  elle  y  obtiendra  sans  doute  le  même 
succès  qu'à  Paris. 

Et  puisque  nous  en  sommes  sur  le  chapitre  de  l'enseigne- 
ment, nous  devons  citer  M.  Bodln,  le  professeur  de  piano , 
dont  la  patience  et  l'excellent  mode  d'enseignement  obtien- 
nent de  bons  et  nombreux  résultats.  On  a  été  à  même  de  les 
apprécier  dans  la  matinée  musicale  qu'il  a  donnée  chez  lui ,  où 
l'on  a  entendu  ses  élèves,  puis  après.  M""  Pierson-Bodin , 
MM.  Cuvillon  et  Lée,  qui  ont  exécuté  un  fort  beau  trio  de 
jyjms  Farrenc  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  œuvre  de  con- 
science et  d'art,  œuvre  inspirée,  dans  laquelle  les  idées  scien- 
tifiques se  fondent  dans  les  Idées  mélodiques  les  plus  gra- 
cieuses avec  un  bonheur  qu'on  ne  rencontre  que  lorsqu'on 


94 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


est  profondément  versé  dans  le  grand  art  d'écrire  comme 
M°"=  Farrenc. 

Un  public  à  manières  aristocratiques ,  choyé ,  placé  avec 
toutes  sortes  d'égards ,  entourait  il  y  a  quelques  jours ,  chez 
Pleyel ,  l'estrade  de  la  publicité,  sur  laquelle  paraissait  pour  la 
première  fois,  que  nous  sachions,  une  jeune  cantatrice  peu 
connue  dans  le  monde  musical,  M"=  Jenny  Rossignon.  Nous 
avions  envie  de  laisser  subsister  1'/  au  lieu  de  l'n  qui  termine  ce 
nom,  et  que  nos  imprimeurs  avaient  mis  là  par  mégarde,  celte 
erreur  nous  offrant  d'ailleurs  l'occasion  de  dire  avec  une  galan- 
terie typographique  et  toute  française  que  la  bénéficiaire  avait 
chanté  comme  son  homonyme  ailé;  mais  assez  mal  placé,  re- 
légué au  bout  de  la  salle  par  ce  que  les  donneurs  de  concerts 
appellent  — Dieu  le  leur  pardonne  !  ' —  un  billet  de  faveur, 
nous  nous  bornerons  à  dire  que  M'"  Rossignon  a  chanté 
d'une  façon  gracieuse ,  et  en  l'accompagnant  d'un  joli  petit 
sourire,  l'air  dit  de  la  Prise  de  Jéricho,  de  Mozart,  cet  air  si 
noble  et  si  plein  de  mélancolie  :  Eh!  pourquoi  me  faire  un 
crime  d' avoir  plaint  des  malheureux?  La  bénéficiaire^a  éga- 
lement dit  avec  une  gentillesse  vocale  mieux  appropriée  au 
sujet ,  et  secondée  de  son  professeur  Ponchard ,  un  duo  de 
Valeniin  par  Berton.  M"°  Veny  s'est  distinguée  dans  ce  con- 
cert en  jouant  avec  son  père  et  M.  Coken  un  trio  pour  piano, 
hautbois  et  basson  sur  des  thèmes  de  VElisire  d'amore ,  dans 
lequel  M.  Schad ,  l'habile  pianiste ,  qui  doit  donner  un  con- 
cert dans  quelques  jours ,  a  intercallé  uï\e  variation  pour  le 
piano  du  plus  brillant  effet. 

Parlez-moi  d'un  concert  sans  façon  tel  que  celui  qu'a 
offert  à  ses  amis  et  connaissances  un  des  jours  de  la  semaine 
passée  la  famille  Beaucé ,  dans  la  jolie  petite  salle  Moreau- 
Sainti,  rue  de  la  Tour-d'Auvergne.  Il  s'agissait  là  d'une  pe- 
tite émission  vocale  et  instrumentale  toute  de  confiance,  faite 
comme  qui  dirait  en  famille.  Le  programme  n'a  pas  été  men- 
teur ,  décevant  comme  tout  programme  politique ,  ou  inter- 
verti, et  bouleversé  comme  ceux  de  plusieurs  concerts,  at- 
tendu qu'il  n'y  en  avait  point.  La  séance  a  été  ouverte 
par  un  tout  jeune  Beaucé  qui  joue  du  violon  et  chante  des 
chansonnettes  comme  un  virtuose  fini ,  et  qui  a  toutes  les 
quaUtés  requises  pour  faire  un  enfant  célèbre  par  l'aplomb 
et  la  gesticulation.  M""  Beaucé,  probablement  ses  sœurs, 
sont  deux  jeunes  cantatrices  intéressantes  et  fort  agréables  à 
voir.  L'une  possède  une  voix  de  soprano  un  peu  pâle  ,  mais 
dont  elle  se  sert  avec  beaucoup  d'agilité  ,  et  l'autre  une  voix 
de  mezzo-contralto  mieux  timbrée,  plus  caractérisée  et  dont 
elle  se  sert  également  avec  adresse  et  talent.  Somme  toute,  ce 
sont  deux  charmantes  cantatrices  ayant  une  bonne  méthode 
de  chant,  et  qui  n'ont  qu'à  suivre,  pour  être  appréciées  à  leur 
juste  valeur  et  obtenir  de  la  réputation  qu'elles  méritent ,  la 
voie  de  la  publicité ,  et  faire  retentir  la  voix  de  cette  même 
publicité  en  se  produisant  plus  souvent  en  public. 

M""  Sabatier,  dont  le  gracieux  talent,  à  peine  à  son  aurore 

—  qu'on  nous  pardonne  cette  image  quelque  peu  surannée  , 

—  a  déjà  conquis  les  sympathies  de  toutes  les  classes  de  la 
société ,  a  donné  son  concert  samedi ,  9  mars ,  dans  la  salle 
de  Herz  ;  et ,  bien  qu'elle  n'ait  chanté  que  ce  qu'elle  chante 
dans  tous  les  concerts ,  elle  a  été  applaudie  par  le  nombreux 
public  qui  était  accouru  à  son  invitation ,  comme  s'il  enten- 
dait pour  la  première  fois  les  morceaux  qu'elle  dit  de  sa  jolie 
et  fraîche  voix.  Avec  M""  Capdeville ,  qui  s'est  fait  remarquer 
aussi  dans  cette  soirée  par  sa  méthode  pure  et  sa  voix  expres- 
sive, en  chantant  un  air  italien,  on  peut  citer  M.  Revial, 
qui  nous  a  dit  d'une  voix  touchante,  pure,  expressive,  une 
scène  intitulée  :  les  Adieux  de  David  a  sa  harpe ,  et  M.  La- 
combe,  qui  a  exécuté  sur  le  piano,  d'une  manière  irrépro- 


chable,  une  jwnance  ,  une  2^olonaise  el  le  Torrent  (har- 
monie) ,  qui  est  plutôt  un  torrent  de  mélodie  et  de  traits, 
aussi  difficiles  que  brillants. 

L'Association  des  fabricants  et  artisans  pour  l'adoption 
des  or])helins  des  deux  sexes ,  société  estimable  ,  fondée  en 
1839 ,  a  consacré  une  soirée  musicale  au  bénéfice  de  ses  pe- 
tits protégés.  Au  nombre  des  artistes  qui  se  sont  joints  à  cette 
bonne  œuvre ,  en  prêtant  le  concours  de  leurs  talents ,  il  faut 
citer  MM.  Triebert ,  Jancourt ,  de  Courcelles,  Aumont, 
M°'°  Iwens  d'Hennin  ,  qui  a  chanté  de  sa  voix  passionnée  , 
M""  Elisa  Christiani,  qui  n'a  pas  moins  bien  chanté  sur  le  vio- 
loncelle ,  et  M""  Louise  Guénée,  qui  a  chanté  aussi  bien  que 
toutes  les  deux  la  fantaisie  de  Prudent,  sur  la  Lucia  ,  pour  le 
piano.  Netteté ,  phrasé  distingué,  rectitude  et  abandon  qui  va 
presque  jusqu'à  la  sensibihté  vraie,  profonde  et  convaincue 
dans  la  mélodie ,  telles  sont  les  qualités,  sinon  nouvellement 
acquises,  du  moins  plus  développées  dans  ce  concert  par 
M"'  Guénée,  cette  pianiste  si  distinguée  que  les  nombreux 
amateurs  de  piano  désireraient  entendre  plus  souvent. 

M.  Sudre  a  donné ,  dans  la  salle  Herz ,  sa  séance  annuelle 
de  téléphonie  ou  télégraphie  acoustique  ,  avec  ses  expériences 
de  la  langue  musicale  qui  peut  servir  aux  sourds-muets  et  aux 
aveugles ,  qui  est  enfin  une  langue  universelle.  Tout  cela  est 
fort  curieux ,  et  peut  être  même  d'une  haute  utilité  po,ur 
donner  des  signaux  en  cas  de  guerre  maritime  ou  de  terre , 
ainsi  que  l'ont  déjà  constaté  diverses  commissions  nommées 
par  le  gouvernement.  M.  Sudre  a  pour  interprète  de  la  langue 
pittoresque  qu'il  a  créée  M"'  Joséphine  Hugo,  cantatrice 
agréable  ,  dramatique  même ,  à  prononciation  un  peu  trop 
feripe  toutefois,  et  qui  a  traduit,  qui  a  lu  même  avec  une 
exactitude  vraiment  surprenante,  quoi  qu'elle  eût  un  ban- 
deau sur  les  yeux,  ces  mots  que  nous  avions  tracés  sur  le  ta- 
bleau noir  ,  pour  rendre  justice  à  la  belle  invention  de  son 
professeur  :  De  l'Epée,  Sicard  et  Sudre,  bieiifaiteurs  de 
l'humanité. 

Et  puisque  nous  en  sommes  sur  les  découvertes  musicales, 
c'est  le  cas  de  rendre  justice  ici  à  l'un  de  nos  meilleurs  fac- 
teurs de  pianos ,  M.  Pape  ,^qui  est  pour  ainsi  dire  un  diction- 
naire vivant  d'inventions  appliquées  ail  perfectionnemeiit  de 
cet  instrument,  devenu  un  vrai  besoin  social.  Dans  une  soi- 
rée musicale  que  cet  habile  industriel  a  donnée  chez  lui  di- 
manche dernier,  et  dans  laquelle  on  a  entendu  plusieurs  ar- 
tistes en  renom,  MM.  Rosenhaia,  AYolff,  Osborne  et  Pixis 
ont  exécuté  une  grande  fantaisie  sur  les  Huguenots,  à  huit 
mains,  pour  deux  pianos,  composée  par  le  dernier  de  ces 
compositeurs-pianistes.  Ce  morceau  a  produit  le  plus  grand 
efïet,  par  la  manière  dont  il  est  écrit ,  par  la  brillante  exécu- 
tion de  ces  habiles  interprètes,  mais  surtout  par  les  effets  de 
sonorités  nouvelles  des  pianos  à  huit  octaves,  dont  M.  Pape 
vient  d'enrichir  le  monde  musical.  Les  cordes  graves  de  ce 
nouveau  clavier  vibrent  bien ,  les  sons  n'en  sont  point  vagues 
ou  confus,  l'intonation  en  est  positive  et  nette  ,  et  les  notes  à 
l'aigu  ont  un  son  aérien  des  plus  doux.  Enfin  on  peut  dire 
que  le  piano  à  huit  octaves  est  orchestral  et  symphonique  ,  et 
qu'il  n'a  point  de  rival  parmi  les  instruments  harmoniques. 

En  rendant  compte  du  concert  de  M"°  Krinitz ,  nous  avons 
oublié  de  parler  de  M"'"  Capdeville  ;  mais  on  n'aime  pas  répé- 
ter toujours  la  même  chose,  et  cependant  on  est  toujours 
obligé  de  dire  que  M"''  Capdeville  est  une  cantatrice  déli- 
cieuse et  belle,  et  que  sa  place  est  marquée  à  l'Opéra. 

M""  Polmartin  a  donné  cette  semaine,  chez  elle,  sa  matinée 
annuelle  et  de  musique  intime  ,  si  l'on  peut  nommer  ainsi 
cette  séance  dans  laquelle  une  foule  d'amateurs  se  pressent 
dans  l'appartement  de  cette  pianiste  au  style  pur,  élégant  et 


DE  PARIS. 


95; 


gentil ,  qui  ne  fait  jamais  entendre  à  son  auditoire  que  de 
la  bonne  musique.  Elle  a  dit  avec  MM.  Bessems,  Hamel  et 
Cossman  le  grand  quatuor ,  œuvre  5  de  Weber  ;  la  sonate- 
fantaisie,  œuvre  27  de  Beethoven  ,  plus,  une  grande  fantaisie 
sur  des  motifs  de  Guillaume  Tell,  par  Doehler,  et  tout  cela 
bien  dans  la  manière  de  chaque  auteur,  avec  ce  fini  précieux, 
cette  grâce  facile,  cette  conscience  musicale,  qui  remplacent 
pour  beaucoup  d'auditeurs  la  verve  ,  la  fougue  et  la  poésie, 
que  dans  les  arts  il  faut  laisser  au  sexe  masculin. 

Secondé  par  deux  guitaristes  de  l'antique  Ibérie ,  MM.  Are- 
nas  et  Cièhra,  par  M"'  Iwens  d'Hennin,  l'infatigable  et  im- 
pressionnable cantatrice  de  concert,  par  M"°  Blanche  Mari- 
cot,  la  jolie  et  blanche  pianiste  qu'on  éprouve  autant  de  plaisir 
à  écouter  qu'à  regarder,  M.  Gold,  jeune  violoniste  russe  de 
beaucoup  de  talent,  s'est  fait  entendre  mardi  pas  é  dans  la 
salle  Moreau-Sainti.  Nous  prédisons  un  bel  et  richce  avenir 
d'artiste  à  M.  Gold,  s'il  parvient  jamais  h  chanter  aussi  bien 
sur  sou  instrument,  à  dire  aussi  simplement  la  mélodie ,  qu'il 
déploie  d'audace  et  d'adresse  à  se  tirer  d'inextricables  diffi- 
cultés :  il  a  obtenu  du  succès. 

M.  et  i>l""=  Coche  ont  concerté  conjugalement  mercredi, 
chez  Pleyel,  et  se  sont  fait  justement  applaudir;  le  chef  de 
la  communauté  en  jouant  de  fort  jobs  morceaux  de  flûte ,  et 
M°'°  Coche  en  disant,  comme  un  professeur  du  Conservatoire , 
d'excellente  musique  de  piano  :  c'est-à-dire  qu'à  l'aplomb 
d'une  bonne  musicienne,  elle  joint  la  précision,  la  grâce  et 
le  brillant  d'une  soliste  qui  ne  quitte  pas  l'estrade  de  la  pu- 
bhcité. 

Autre  pianiste  du  genre  féminin  qui  a  donné  aussi  une 
brillante  soirée  musicale  dans  la  salle  Herz.  M"°  Eugénie 
Korn  est  déjà  connue  des  amateurs  de  concerts,  qui  se  por- 
tent enfouie  à  celui  que  cette  jeune  artiste  donne  annuelle- 
ment. La  séance  s'est  ouverte  par  un  nouveau  trio  de  Mayse- 
der  pour  piano ,  violon  et  violoncelle  ,  d'un  beau  caractère,  et 
qui  a  été  dit  avec  un  ensemble  parfait  par  la  bénéficiaire , 
MM.  Léopold  Dancla  et  Offenbach.  Ce  morceau  ,  d'un  style 
remarquable,  et  qui  n'avait  pas  encore  été  joué  en  public  à  Pa- 
ris, a  disposé  favorablement  les  amateurs  de  nouvelle  musique, 
à  qui  l'on  en  donne  si  peu  dans  les  concerts.  M"=  Korna  fait 
des  progrès  depuis  l'année  passée  ;  elle  sent  mieux  la  musique  : 
c'est  toujours  la  pianiste  au^touché  net,  brillant,  qui  se  colore 
maintenant ,  et  qui  finira  par  impressionner  le  public,  der- 
nier terme  du  talent  pour  l'artiste  qui  joue  du  piano. 

Si  M.  Charles  de  Lisle  n'en  est  pas  tout-à-fait  là  encore, 
il  pourra  y  parvenir,  car  il  est  jeune  et  il  a  de  l'ardeur,  et  il 
a  de  la  persévérance ,  et  il  est  animé  d'un  grand  amour  de 
l'art.  Tant  mieux,  car  il  en  faut  beaucoup  pour  venir  grossir 
le  nombre  des  artistes  surtout  qui  exploitent  le  piano.  M.  de 
Lisle  a  exécuté  un  morceau  de  Prudent  avec  talent,  ainsi 
qu'une  jolie  mélodie  de  M.  Jacques  Herz ,  son  maître,  dans  le 
concert  qu'il  a  donné  jeudi  dernier  dans  la  salle  de  M.  Henri 
Herz. 

Le  même  jour,  M.  Van  Nuffel,  le  producteur  infatigable 
de  bonnes  pianistes ,  a  fait  entendre  une  partie  de  ses  char- 
mantes élèves  dans  ses  salons,  et  l'on  a  pu  se  convaincre  des 
excellents  résultats  de  son  mode  d'enseignement. 

Quelques  jours  auparavant,  M.  Érard,  ainsi  que  nous 
l'avons  dit  en  quelques  mots  dans  le  dernier  numéro  de  la 
Gazette  musicale,  avait  donné  dans  ses  vastes  salons  une  de 
ces  soirées  splendides  dans  lesquelles  il  se  plaît  à  réunir  fas- 
tueusement  l'industrie ,  les  arts  et  la  noblesse ,  fusion  dont 
il  résulte  une  société  à  physionomie  originale ,  piquante  et 
des  plus  agréables.  Là  aussi  on  a  encore  entendu  un  pianiste 
sur  de  beaux  et  bons  pianos,  mais  un  pianiste  exceptionnel, 


un  pianiste  vif ,  léger,  expressif,  pittoresque,  limpide  et  bril- 
lant, Doehler  enfin;  et  puis  Batta,  chantant  sur  son  violon- 
celle un  air  de  la  Juive,,  disant  les  frémissements  paternels 
d'Éléazar  par  la  pression  de  son  cachet ,  ayant  des  larmes-  au 
bout  de  chaque  doigt;  et  puis  Lablache  avec  sa  verveuse 
gaieté,  et  Balfe,  et;  Nissem  nons  berçant  de  leur  enivrante 
musique  italienne.  Tout  cela  faisait  de  cette  brillante  réunion 
une  de  ces  fêtes  féeriques  de  la  pompeuse  Venise  au  temps  de 
son  aristocratie  répubhcaine,  ou  bien  nous  retraçait  une  de 
ces  nuits  délicieuses  où  les  Médicis ,  eux  aussi  qui  avaient  été 
des  industriels ,  conviaient  toutes  les  aristocraties  intellec- 
tuelles de  la  belle  Florence  sur  les  bords  enchantés  de  l'Arno. 
Henri  Blanchard. 


Londres,  le  12  mars  1844. 

Le  Théâtre  Italien  a  ouvert  avec  un  grand  succès;  mais  malgré 
cela  nous  regrettons  que  le  prospectus  ne  nous  laisse  pas  la  perspec- 
tive, de  voir  le  vieux  répertoire  ravivé.  On  attend  avec  anxiété  l'ar- 
rivée des  premiers  artistes,  que  Paris  retiendra  jusqu'au  30  mars 

Duprez,  le  grand  ténor,  le  grand  artiste ,  a  débuté  dans  Guil- 
laume Tell,  mardi,  à  Drury-Lane  ,  et  malgré  la  série  d'incidents 
défavorables  qui  l'ont  accompagné  ,  il  n'en  a  pas  moins  obtenu  un 
triomphe  extraordinaire  ;  et  son  succès  ne  fera  que  grandir  au  fur 
et  à  mesure  de  ses  représentations.  M.  Lefler  n'a  pu,  faute  de  moyens 
sufflsanls,  égaler  miss  Romer,  qui,  électrisée  par  le  grand  chanteur, 
a  été  constamment  au  dessus  de  son  talent  dans  le  rôle  de  Mathilde. 
L'orchestre,  parfaitement  dirigé  par  BenedicI,  a  grandement  contri- 
bué à  la  solennité  de  la  représentation.  L'administration  est  ap- 
pelée à  de  belles  recettes  et  trouvera  une  juste  récompense  aux  dé- 
penses énormes  qu'elle  fait  pour  satisfaire  son  public. 

La  bal  masqué  donné  par  Julien  a  élé  magnifique;  mais  l'afduence 
était  si  grande  que  l'on  ne  formait  qu'à  grand  peine  les  quadilles. 
Julien  avait  déployé  un  luxe  de  décoration  extraordinaire.  Jamais 
Covent-Garden  n'avait  vu  une  fête  si  brillante.  Tout  ce  que  les 
juifs  de  Londres  ont  pu  fournir  de  costumes  de  fantaisie  ou  étran- 
gers a  été  endossé  par  unel  foule  de  jeune  gens  à  la  mode.  Le  sou- 
per servi  dans  le  foyer  a  été  aussi  animé  que  les  amants  qui  s'y 
étaient  donné  rendez-vous  Cette  fête  ,  toute  française  par  sa  forme, 
et  qui  ne  laissera  que  le  désir  de  la  revoir  avant  la  fin  de  la  saison, 
a  fini  avec  l'arrivée  du  jour. 

—  Le  Mariage'de  raison,  traduit  pour  Haymarket-Theatre,  vient 
d'y  obtenir  un  grand  succès. 

—  Achard  termine  cette  semaine  son  engagement  au  Théâtre 
Français.  Madame  Albert  a  débuté  hier  avec  succès.  Le  public  aime 
beaucoup  cette  actrice, 


MUSIQUE  DES  VOISINS. 

3>essin  de  Gavarnî, 

La  Gazette  musicale  avait  déjà  traité ,  dans  un  chapi,tre 
ex  professa,  de  la  Musique  des  Voisines;  cette  fois  Gavarni 
aborde  le  chapitre  de  la  Musique  des  Voisins;  son  ingénieux 
dessin  pouvait  être  intitulé  :  Flageolet  et  Clarinette;  mais 
cela  eût  eu  l'air  de  vouloir  rappeler  le  fameux  opéra  de  Pigeon 
vole,  qui  avait  pour  second  titre  Flûte  et  Poignard.  Con- 
naissez-vous rien  de  'plus  naturel,  de  plus  simple,  de  plus 
vrai ,  que  la  figure ,  la  tournure  et  le  dialogue  des  deux  inter- 
locuteurs? Bientôt  la  Gazette  musicale  vous  donnera  la  phy- 
siologie d'une  autre  espèce  de  musique  non  encore  explorée, 
et  qui  lui  a  demandé  de  profondes  études  :  la  Musique  des 
Etudiants  !.'.' 


96 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


XTOUTEIalaES. 

*,*  Demain  lundi  à  l'Opéra  ,  lady  Henrielle,  ballet  en  trois  actes  > 
précédé  du  Siège  de  Corinlhe. 

V  On  a  repris  le  Siège  de  Corinlhe,  le  premier  des  ouvrages  ar- 
rangés par  Rossini  pour  la  scène  française.  Massol  est  le  seul  artiste 
qui  ait  reparu  dans  le  rôle  originairement  créé  par  lui.  Levasseur 
avait  déjà  remplacé  Dérivis  lors  d'une  précédente  reprise.  Octave, 
Brémont  et  M"'  Dobré  étaient  entièrement  nouveaux.  On  doit  des 
éloges  à  leurs  efforts  et  au  talent  qu'ils  ont  déployé  dans  l'exécution 
de  cet  ouvrage,  qui,  sans  être  au  rang  des  chefs-d'œuvre  de  l'au- 
teur, n'en  porte  pas  moins  l'empreinte  d'un  puissant  et  fécond  génie. 

*,"  M.  Menghisa  débuté  dans  Charles  ^/ par  le  rôle  du  Dauphin. 
Sa  voix  offre  des  qualités  remarquables  accompagnées  de  défauts 
que  le  travail  n'a  pas  encore  fait  disparaître.  Il  y  a  dans  son  chant 
beaucoup  d'inégalité,  d'inexpérience;  mais  il  y  a  souvent  aussi  du 
charme  et  de  l'expression.  Pour  le  juger,  d'autres  épreuves  sont  né- 
cessaires. Du  reste,  Barroilhet  et  M""  Stollz  ont  joué  et  chanté, 
comme  de  coutume,  les  beaux  rôles  de  Charles  V(  et  d'Odette. 
M""=  Dorus-Gras  n'a  jamais  dit  avec  plus  d'art  et  d'éclat  celui  d'Isa- 
belle :  aussi  la  représentation  a-t-elle  été  pleinement  satisfaisante, 
et  ce  grand  ouvrage  a-t-il  produit  tout  son  effet. 

*,*  La  Polka  va  bientôt  faire  son  début  public  et  solennel  à  l'O- 
péra dans  un  divertissement  composé  de  plusieurs  danses  exotiques. 

*.*  Un  accident  grave  est  arrivé  à  M.  Habeneck,  l'habile  chef 
d'orchestre  de  l'Opéra,  au  moment  où ,  remis  d'une  indisposition 
assez  longue ,  il  venait  de  rentrer  dans  l'exercice  de  ses  fonctions. 
Samedi ,  9  mars ,  en  se  rendant  du  théâtre  à  l'orchestre  pour  la  rè- 
pétiiion  de  Charles  F'I ,  dans  lequel  devait  débuter  M.  Menghis ,  il 
est  tombé  dans  un  escalier  étroit  et  obscur.  Le  résultat  de  cette 
chute  a  été  une  fracture  au  poignet  droit,  une  foulure  au  gauche  et 
une  blessure  à  la  bouche.  On  doit  se  féliciter  de  ce  que  les  suites 
n'en  aient  pas  été  plus  terribles.  L'état  du  blessé  s'améliore  de  jour 
en  jour.  Bientôt  il  pourra  sortir,  et  avant  un  mois  il  pourra  re- 
prendre son  poste,  qu'en  attendant  M.  Battu  continue  à  remplir 
avec  autant  de  zèle  que  de  talent. 

•/Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  au  Théâtre-Ita- 
lien ,  représentation  au  bénclicc  de  Salvi. 

",*  M"'  Nissen  n'est  pas  réengagée  pour  la  saison  prochaine  ;  elle 
doit  partir,  dit-on ,  pour  l'Ilalie. 

*,*  Le  maestro  Ricci,  auteur  de  Corrado  d'AUamera ,  vient  de 
partir  pour  Trieste,  où  il  va  prendre  la  direction  du  Teairo-Grande, 
en  l'absence  de  son  frère  Luigi ,  qui  se  rend  à  Odessa  pour  mettre 
un  de  ses  opéras  en  scène. 

",•'  La  recette  du  bal  donné  samedi  ,  9  mars ,  dans  la  salle  de  l'O- 
péra-Comique ,  au  profit  de  la  caisse  de  l'association  des  artistes 
dramatiques ,  fondée  et  présidée  ,  comme  celle  de  l'association  des 
anistes-musiciens,  par  M.  le  baron  Taylor,  s'est  élevée  à  33,000  fr. 

•,•  Mardi  dernier,  il  y  avait  foule  d'artistes  et  de  gens  de  monde, 
amis  des  arts,  dans  les  salons  de  Zimmerman.  L'objet  principal 
do  la  réunion  ,  c'était  d'entendre  des  fragments  de  musique  sacrée  , 
composés  par  l'un  de  nos  chanteurs  les  plus  célèbres  ,  Géraidy.  Un 
Kijrie  ,  un  Agnux  ,  un  O  Salularis  et  un  Ave  Maria  ont  été  succes- 
sivement chantés  par  l'auteur,  Octave,  de  l'Opéra,  MM.  Tagliafico  et 
Segond.  L'effet  général  de  l'œuvre  a  été  très  heureux.  Si  ce  n'est  pas, 
quant  au  sentiment  et  à  la  forme,  de  la  musique  vraiment  reli- 
gieuse, c'est  toujours  de  la  musique  mélodieuse,  doucement  em- 
preinte de  tendresse  et  de  mélancolie.  Dans  la  même  soirée, 
M.  Alkan,  l'habile  pianiste,  a  exécuté  plusieurs  de  ses  études  et  une 
saltarclle  délicieuse  ,  dont  la  composition  ,  non  moins  que  l'exécu- 
tion ,  révèle  la  main  du  maître.  M"'^  Nissen  et  Calfe  ont  de  plus 
chanté  quelques  morceaux  pour  compléter  la  soirée  ,  à  laquelle, 
comme  en  le  voit,  le  talent  ne  manquait  pas. 

*,*  La  mort  de  M""^  Piossi-Caccia  a  été  heureusement  démentie  par 
un  voyageur  qui  n'a  quitté  Lisbonne  que  le  20  février,  et  qui  a 
laissé  la  cantatrice  dans  le  cours  de  ses  brillants  succès. 

*,"  M.  Berlioz  donnera  au  théâtre  de  l'Opcra-Comique,  le  sa- 
medi-saint, G  avril,  un  grand  concert  spirituel  dont  le  programme, 
que  nous  publierons  plus  tard,  est  de  nature  à  exciter  vivement 
l'intérêt  et  la  curiosité  du  public.  Ce  qu'on  apprendra  avec  plaisir, 
c'est  que  la  belle  ouverture  exécutée  avec  un  si  éclatant  succès  à 
son  dernier  concert  fera  partie  de  ce  programme. 

*,"  Voici  le  programme  du  concert  que  M.  Doehier  donnera,  le 
31  mars  à  deux  heures,  dans  la  salle  d'Érard.   1.  Duo  de  Beethoven 


en  ut  mineur,  par  MM.  Alard ,  Seligmann  et  Doehier.  2.  Rondeau 
final  de  /o  <S'o»ii;am/i(i/a  ,  chanté  par  M""^  Castellan.  3.  Adieu!  de 
Schubert;  la  Dispute,  grande  élude  de  Doehier.  4.  Romance  chantée 
par  Ronconi.  5.  Fantaisie  (Inédite)  sur  Sappho ,  de  Doehier.  G.  L'ul- 
timo  sospiro  ,  la  Zingara .  mélodie  italienne  de  Doehier,  chantée  par 
M""'  Castellan.  7.  Solo  de  violoncelle  ,  de  Seligmann.  8.  Ali'.m'  odi , 
Il  Gandoliere  fortunato ,  deux  romances  de  Doehier,  chantées  par 
M">=  Castellan.  9.  Andanle  et  tarentelle ,  de  Doehier.  Le  nom  de 
l'artiste  et  le  choix  des  morceaux  justifient  l'empressement  du  public 
d'amateurs  à  ce  concert. 

*/  Ed. -H.  Lindsay  Slopcr,  pianiste  ,  donnera  un  concert  dans  la 
salle  Erard  ,  le  26  mars ,  à  deux  heures. 

",*  Une  famille  anglaise  fort  inléressante  ,  composée  de  M.  Delisles 
père  et  de  ses  quatre  fils,  donnera  un  concert  dans  la  salle  de  M.  Herz 
le  26mars.Cfs  messieurs  exécutent  avec  une  perfection  et  une  justesse 
rares  des  morceaux  d'opéras  ,  tels  que  Roben-le- Diable  ,  Lucie  et  i 
Piiritani ,  sur  des  instruments  en  cuivre  perfectionnés  par  M.  Sax  , 
le  fadeur  le  plus  habile  que  nous  possédions. 

V  Au  concert  de  M.  Guttmann,  qui  aura  lieu  demain  lundi, 
18  mars ,  on  entendra  MM.  Alard  ,  Seligmann  et  M""' Capdeville. 
M.  Adolphe  Guttmann,  jeune  pianiste  et  compositeur  d'un  talent  si 
fin  et  si  distingué,  fera  entendre  son  deuxième  trio  [ut  mineur)  des 
fantaisies  sur  des  motifs  du  Freyscliûiz  et  d'Oberon  ,  un  nocturne  et 
des  études  de  sa  composition. 

*,*  Composition  musicale.  —  Premier  essai  :  entrée  en  loges  le 
23  mars,  sortie  le  29,  jugement  le  30.  Concours  définitif  :  entrée 
en  loges  le  5  avril ,  sortie  le  30  ,  jugement  préparatoire  le  30  mai, 
jugement  définitif  le  1"'  juin. 

','  Un  de  nos  abonnés  d'Italie  nous  écrit  pour  nous  demander  si 
le  Carnaval  de  f-^enise  lie  M.  Ernst  est  le  même  ouvrage  que  celui  qu'il 
possède  de  Paganini.  Nous^prions  cet  abonné  de  se  procurer  l'ouvrage 
de  M.  Ernst,  publié  depuis  quelques  jours,  et  il  s'assurera  qu'il  n'y 
a  que  le  thbnie  qui  soit  commun  à  l'une  et  l'autre  fantaisie. 

Cltroniqiie   dépai-teBt&esïtalle. 

*,*  Marseille.  — La  Reine  de  Chypre  commence  une  série  de 
vogue  bien  prononcée.  Les  quatie  premières  représentations  ont 
produit  14,000  fr.,  et  l'on  s'est  vu  forcé  de  rendre  l'argent  aux  bu- 
reaux pour  des  billets  de  toutes  places. 

*,'  Lille.  —  On  a  donné  le  Dom  Sébastien  ,  mis  en  scène  avec  un 
luxe  de  décors  et  de  costumes  peu  accoutumé  chez  nous;  cet  ou- 
vrage a  obtenu  du  succès  dès  la  première  représentation. 


A  VENDRE  AUX  ENCHERES,  le  30  mars,  à 
midi,  en  l'étude  de  M"  Outrcboii ,  notaire,  à  Paris',  rue  St- 
Honoré,  354,  uu  FOiVDS  D'ÉDITELK,  suai-cliainal  de 

M iisifgue ,  avec  mobilier  et  marchandises  le  garnissant,  sis 
à  Paris,  rue  Neuve-Luxembourg,  10,  en  face  l'Assomption. 
Mise  h  prix  :  8,000  fr. 


CONCERTS  AlSSSOtSCXS. 

2  heures.  M.  Javault.  Salle  Duport. 

2      —        MM.  Alard  et  Dorus.  Salle  Herz. 

»      —       MM.  Déja/et  et  Bessems.  Salle  Souffletot. 

2      —        M"'  Duvillard.  Salle  Pieyel. 

Société  des  concerts  de  musique  vocale,  sous 
la  présidence  de  M.  le  prince  de  la  Moskowa. 
Salle  Herz. 

M.  Guttmann.  Salle  Érard. 

M"'  Loveday.  Salle  Herz. 

M.  Schad.  Salle  Érard. 

M.  Doehier.  Salle  Érard. 

M.  Ch.  Halle.  Salle  Érard. 

M">'  Bonnias.  Salle  Pleycl. 

M°"  Th.  Wartel.  Salle  Delsarle. 

M.  Lacombe.  Salle  Érard. 

M.  Delisles  et  ses  quatre  fils.  Salle  Herz. 

M"«Stœpel.  Salle  Érard. 

M.  Osborne.  Salle  de  l'Ecole  lyrique. 


Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maubice  SCHLESINGER. 


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Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Ja«ob. 


Pour  Paris  :  un  an ,  30  fr.  ;  six 


15  fr.     —     Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres    —    Départements  :  un  an ,  34  fr.  Étranger,  38  fir. 


GAZEHE  MUSICALE 

BËDIGÉB  tkn 

MM.  ANDERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ|,  Henbi  BLANCHARD, 

MAUBICE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DUESBERG,  FÉTIS  père,  Édodabd  FÉTIS,  Stepben  HELLER,   J.  JAMN, 

G.  KASTNER  ,  LISZT,  J.  MEIERED ,  GEOBGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

JPaÊ'aiaaant  toua  Mea  MUtnane/iea. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NimiÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVABNI. 
Le    i"   et   le    15  de  chaque  mois  on   recevra  un  morceau  de   miisiqae» 


SOMMAIRE.  Euphonia  ,  ou  la  Ville  musicale  (suite)  ;  par  U.  BER- 
LIOZ. —  Les  Luttes  du  compositeur;  par  J.MEIFRED.—  Pianos 
de  M.  Pape  ;  par  FÉTIS  père.  —  Coup  d'oeil  musical  sur  les  con- 
certs de  la  semaine  ;  par  H.  BLANCHARD.  —  Revue  critique  ;  par 
G.  KASTNER.  —  École  du  violon  ;  par  H.  BLANCHARD.—  Cor- 
respondance particulière:  Lyon.  Londres. — Nouvelles. — Annonces. 
LA  TROMPE.  Dessin  de  Gavarni. 


^^â>  536^3^ 


9 


ou 


LA  VILLE  MUSICALE. 

(Suite  1.) 
ROTCEH  A  XILEF. 

Euphonia,  6  juillet  2344. 

oici ,  mon  cher  et 
triste  ami,  la  charte 
musicale  et  la  des- 
cription  d'Eupho- 
nia.  Ces  documents 
sont       incomplets 
sous  quelques  rapports;  mais  tes  loisirs 
forcés  te  permettront  de  revoir  mon  ra- 
pide travail ,   et  si  tu  veux  consulter  tes 
souvenirs,   tu  pourras,  sans  trop  de  peine, 
le  rendre  complet  sous  tous  les  rapports.  Je 
]  ne  pouvais  l'envoyer  simplement  le  texte  de 
nos  règlements  de  police  musicale  ;   il  fallait 
par  une  description  succincte ,  mais  exacte , 
donner  à  tes  académiciens   de   Sicile  une  idée 
approximative  de  notre  harmonieuse  cité  ;  il  m'a 
donc  fallu  prendre  la  plume  et  portraire  Euphonia 
tant  bien  que  mal.  Mais  tu  excuseras  les  incor- 

(1)  La  reproduction  de  cette  nouvelle  est  interdite.  —  Voir  les 
numéros  7,  8,  9  et  11. 


rections  et  Vinfaii  (le  non  fini)  de  mon  œuvre,  en  appre- 
nant les  étranges  émotions  qui  depuis  quelques  jours  ont  si 
violemment  troublé  ma  vie.  Chargé ,  comme  tu  sais  ,  de  la 
direction  de  la  fête  de  Gluck,  j'ai  dû  composer  l'hymne  des- 
tinée à  être  chantée  autour  du  temple.  Il  m'a  fallu  surveiller 
les  répétitions  du  premier  acte  d'Alceste  qu'on  a  exécuté  dans 
le  palais  thessalien ,  présider  aux  études  des  chœurs  de  mon 
hymne  et  te  remplacer,  en  outre ,  dans  l'administration  des 
instruments  à  cordes.  Mais  c'est  peu  ;  les  noires  préoccupa- 
tions, les  cruels  souvenirs,  le  découragement  profond  oii 
m'ont  plongé  d'anciens  et  incurables  chagrins  ont  au  moins , 
en  le  dégageant  de  toute  influence  passionnée  ,  donné  à  mon 
caractère  cette  gravité  calme  qui,  loin  d'enchaîner  l'activité, 
la  seconde  au  contraire ,  et  dont  tu  es  malheureusement  si 
dépourvu.  C'est  la  souffrance  qui  paralyse  nos  facultés  d'ar- 
tiste ,  c'est  elle  seule  qui  par  sa  brûlante  étreinte  arrête  les 
plus  nobles  élans  de  notre  cœur  ,  c'est  elle  qui  nous  éteint , 
nous  pétrifie,  nous  rend  fous  et  stupides.  Mais  j'étais  exempt, 
moi ,  tu  le  sais,  de  ces  douleurs  ardentes  ;  mon  cœur  et  mes 
sens  étaient  en  repos  ,  ils  dormaient  du  sommeil  de  la  mort  , 
depuis  que...  la...  blanche  étoile  a  disparu  de  mon  ciel... 
et  ma  pensée  et  mon  cerveau  n'eu  vivaient  que  mieux.  Aussi 
pouvais-je  utiliser  à  peu  près  tout  mon  temps  et  l'employer 
comme  la  raison  d'art  m'indiquait  qu'il  fallait  le  faire.  Et  je 
n'y  ai  point  manqué  jusqu'ici ,  moins  par  amour  de  la 
gloire  que  par  amour  du  beau  ,  vers  lequel  nous  tendons  in- 
stinctivement tous  les  deux  sans  aucune  arrière-pensée  de  sa- 
tisfaction orgueilleuse. 

Ce  qui  m'a  ému,  troublé,  ravagé  ces  jours  derniers,  ce 
n'est  pas  la  composition  de  mon  hymne ,  ce  ne  sont  pas  les 
acclamations  dont  notre  population  musicale  l'a  saluée  ,  ni  les 
éloges  du  ministre,  ce  n'est  pas  la  joie  de  l'empereur,  que 
ma  musique ,  à  en  croire  Sa  Majesté  ,  a  transporté  d'enthou- 
siasme ;  ce  n'est,  même  pas  l'effet  vraiment  très  grand  que 
cette  œuvre  a  produit  sur  moi ,  ce  n'est  rien  de  tout  cela  ; 


BUREAUX    D'ABONNEMENT,    BUE   RICHEI.IEU,    97. 


EEVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


il  s'agit  d'un  événement  bizarre,  qui  m'a  frappé  pins  que  je 
ne  croyais  pouvoir  être  frappé  d'aucune  chose  ^  et  dont  ï'iitt- 
pression  par  malheur  ne  s'efface  point. 

Comme  je  respirais  la  fraîcheur  du  soir^  après  nne  longue 
répétition  ,  mollement  couché  dans  mou  petit  navire  ,  et  re- 
gardant, delà  hauteur  où  je  m'étais  élevé,  s'éteindre  le  jour, 
j'entends  sortir  d'un  nuage,  dont  je  longeais  les  contours, 
une  voix  de  femme  stridente  ,  pure  cependant,  et  dont  l'agi- 
lité extraordinaire ,  dont  les  élans  capricieux  et  les  charmantes 
évolutions  semblaient,  en  retentissant  ainsi  au  milieu  des 
airs ,,  être  le  chant  de  quelque  oiseau  merveilleux  et  invisible. 
J'arrêtai  soudain  ma  locomotive...  Après  quelques  instants 
d'attente  ,  au  travers  des  vapeurs  empourprées  par  le  soleil 
couchant,  je  vis  s'avancer  un  élégant  ballon  dont  la  marche 
rapide  se  dirigeait  vers  Euphonia  ;  une  jeune  femme  était  de- 
bout à  l'avant  du  navire  ,  seule  et  appuyée  dans  une  pose  ra- 
vissante ,  sur  une  harpe  dont ,  par  intervalle ,  elle  effleurait 
les  cordes  avec  sa  main  droite  étiucelante  de  diamants. 
Elle  n'était  pas  seule,  car  d'autres  femmes  passèrent  plu- 
sieurs fois  à  l'intérieur  devant  les  croisées  du  bord.  Je  crus 
d'abord  que  c'étaient  quelques  unes  de  nos  jeunes  coryphées 
de  lame  desSopraniqui  venaient,  comme  moi,  faire  une  pro- 
menade aérienne;  elle  chantait,  en  l'ornant  de  toutes  sortes 
de  folles  vocalises,  le  thème  de  ma  première  symphonie ,  qni 
n'est  guère  connue,  pensais-je,  que  des  Euphoniens.  Mais 
bientôt ,  en  examinant  de  plus  près  la  charmante  créature 
au  brillant  ramage  ,  je  dus  reconnaître  qu'elle  n'était  pomt 
des  nôtres,  et  que  jamais  encore  elle  n'avait  paru  à  Euphonia. 
Son  regard ,  à  la  fois  distrait  et  inspiré  ,  m'étonna  par  la  sin- 
gularité de  son  expression  ,  et  je  pensai  tout  de  suite  au  mal- 
heur de  l'homme  qui  aimerait  une  telle  femme  sans  en  être 

aimé.  Puis  je  n'y  songeai  plus Les  hautes  cimes  du  Hartz 

me  dérobaient  déjà  la  vue  du  soleil  à  l'horizon  ;  je  fis  monter 
perpendiculairement  mou  navire  de  quelques  centaines  de 
pieds  pour  revoir  l'astre  fugitif,  et  je  le  contemplai  quelques 
minutes  encore ,  au  milieu  de  ce  silence  extatique  dont  on 
n'a  pas  d'idée  sur  la  terre.  Enfin  ,  las  de  rêver  et  d'être  seul 
dans  l'air,  le  vent  d'ouest  m'apponantles  lointains  accords  de 
la  Tour  qui  sonnait  l'hymne  de  la  nuit,  je  descendis,  ou  plu- 
tôt je  fondis  comme  un  trait  sur  mon  pavillon,  situé,  comme 
tu  sais,  hors  des  murs  de  la  ville.  J'y  passai  la  nuit.  Je  dor- 
mis mal  ;  vingt  fois ,  en  quelques  heures ,  je  revis  en  songe 
cette  belle  étrangère  appuyée  sur  sa  harpe  ,  sortant  de  son 
nuage  rose  et  or.  Je  rêvai  même  en  dernier  lieu  que  je  la 
maltraitais,  que  mes  mauvais  traitements,  mes  brutalités 
l'avaient  rendue  horriblement  malheureuse  ;  je  la  voyais  à  mes 
pieds ,  brisée ,  en  larmes ,  pendant  qne  je  m'applaudissais 
froidement  d'avoir  su  dompter  ce  gracieux  mais  dangereux 
animal.  Étrange  vision  de  mon  âme,  si  éloignée  de  pareils  sen- 
timents !  !  !  A  peine  levé  ,  j'allai  m'asseoir  au  fond  de  mon 
bosquet  de  rosiers,  et,  machinalement,  sans  avoir  la  con- 
science de  ce  que  je  faisais,  j'ouvris  à  deux  battants  les 
portes  de  ma  harpe  éolienne.  En  un  instant  ,  des  flots 
d'harmonie  innondèrent  le  jardin  ;  le  crescendo  ,  le  foi'te ,  le 
decrescendo ,  le  pianissimo  ,  se  succédaient  sans  ordre  au 
souffle  capricieux  de  la  folle  brise  matinale.  Je  vibrais  dou- 
loureusement ,  et  n'avais  pas  la  moindre  tentation  cependant 
de  me  dérober  à  cette  souffrance  en  fermant  les  cloisons  de 
l'instrument  méJancolique:  Loin  de  là ,  je  paraissais  m'y  com- 
plaire ,  et  immobile  j'écoutais.  Au  moment  où  un  conp  de 
vent ,  plus  fort  qne  les  précédents  faisait  sortir  de  la  harpe , 
comme  nn  cri  de  donleur,  l'accord  de  septième  dominante, 
et  l'emportait  gémissant  à  travers  le  bosquet,  le  hasard  voulut 
que  du  dtcrescendo  sortît  im  arpège  où  se  trouvait  la  sncces- 


sioB  mélodique  des  premières  mesures  du  thème  quej'avais 
entendu  chanter  la  veille  à  mon  inconnue.  Étonné  de  ce  jeu 
de  la  nature,  j'ouvris  les  yeux  que  je  tenais  fermés  depuis  le 
commencement  du  concert  éolieu...  Elle  était  debout  devant 
moi  ;  belle  ,  puissante,  souveraine  ,  Deii  !  Je  me  levai  brus- 
quement, a  —  Madame  !  —  Je  suis  heureuse ,  monsieur,  de 
me  présenter  à  vous  au  moment  où  les  esprits  de  l'air  vous 
adressent  un  si  gracieux  compliment;  il  vous  disposera  sans 
doute  à  l'indulgence  que  je  viens  réclamer,  et  dont  le  grand 
Piotceh ,  dit-on,  n'est  pas  prodigue.  —  Qui  a  bien  voulu  ,  ma- 
dame ,  venir  si  malin  animer  ma  solitude?  —  Je  me  nomme 
Nadira,  je  suis  cantatrice  ,  j'arrive  de  Vienne,  je  veux  voir 
la  fêle  de  Gluck  ;  je  désire  y  chanter,  et  je  viens  vous  prier 
de  me  donner  place  dans  le  programme.  —  Madame...  — 
Oh  !  votts  m'entendrez  auparavant ,  c'est  trop  juste.  —  C'est 
inutile ,  J'ai  en  déjà  le  plaisii-  de  vous  entendre.  —  Et  quand, 
et  où  donc  ?  —  Hier  soir,  au  ciel.  —  Ah  î  c'était  donc  vous 
«  qui  voguiez  ainsi  solitaire ,  et  qne  j'ai  rencontré  au  sortir  de 
mon  nuage,  justement  quand  je  chantais  votre  admirable 
mélodie?  Cette  belle  phrase  était  prédestinée  sans  doute  à 
servir  d'introduction  à  nos  deux  premières  entrevues.  — 
C'était  moi.  —  Et  vous  m'avez  entendue?  —  Je  vous  ai  en- 
tendue ,  je  vous  ai  vue  et  admirée.  —  O  !  mon  Dieu  ,  c'est 
nn  homme  d'esprit ,  il  va  me  persifler,  et  il  faudra  que  j'ac- 
cepte ses  railleries  pour  des  compliments  !  —  Dieu  me  garde 
de  railler,  madame;  vous  êtes  belle.  — Encore!  Oui,  je 
suis  belle ,  et  à  votre  avis  je  chante  ?  —  Vous  chantez. . .  trop 
bien.  —  Comment ,  trop  bien?  —  Oui ,  madame  ;  à  la  fête  de 
Gluck  le  chant  orné  n'est  point  admis;  le  vôtre  brille  surtout 
par  la  légèreté  et  la  grâce  des  broderies,  il  ne  saurait  donc 
figurer  dans  une  cérémonie  éminemment  grandiose  et  épique. 
—  Ainsi  vous  me  refusez  ?  —  Hélas  !  il  le  faut.  —  Oh  !  c'est 
incroyable  ,  dit-elle  en  rougissant  de  colère  et  en  arrachant 
de  sa  tige  une  belle  rose  qu'elle  froissa  entre  ses  doigts.  Je 
m'adresserai  au  ministre...  (je  souris),  à  l'empereur. — 
Madame  ,  lui  dis-je  d'un  accent  fort  calme ,  mais  sérieux ,  le 
minisire  de  la  fête  de  Gluck ,  c'est  moi  ;  l'empereur  de  la 
fête  de  Gluck ,  c'est  encore  moi  ;  l'ordonnance  de  cette  céré- 
monie m'a  été  confiée  ,  je  la  règle  sans  contrôle  ,  j'en  suis  le 
maître  absolu  ;  et  (la  regardant  avec  la  moitié  de  ma  colère  ) 
vous  n'y  chanterez  pas.  »  Là-dessus  la  belle  Nadira  essuie  en 
tressaillant  ses  yeux ,  où  le  dépit  avait  amené  quelques  larmes, 
et  s'éloigne  précipitamment. 

Ma  demi-colère  dissipée,  je  ne  pus  m'empêcher  de  rire, 
mais  de  rire  aux  éclats,-  de  la  naïveté  de  celte  jeune  folle, 
accoutumée  sans  doute  à  Vienne  ,  au  milieu  de  ses  adora- 
teurs, à  tout  voir  plier  devant  ses  caprices,  et  qui  avait  pensé 
venir  sans  résistance  détruire  l'harmonie  de  notre  fête  et  me 
dicter  ses  volontés. 

Pendant  quelques  jours  je  ne  la  revis  point.  La  fête  eut 
heu.  Alceste  fut  dignement  exécutée  ;  après  la  représentation 
les  six  mille  voix  du  cirque  chantèrent  mon  hymne ,  qne  je 
n'ai  fait  accompagner  que  par  cent  familles  de  clarinettes  et 
saxophones,  cent  autres  de  flûtes,  quatre  cents  violoncelles 
et  trois  cents  harpes.  L'effet,  je  te  l'ai  déjà  dit ,  fut  très  grand. 
L'orage  des  acclamations  une  fois  calmé  ,  l'empereur  se  leva 
et  me  complimentant  avec  sa  courtoisie  ordinaire ,  voulut 
bien  me  céder  son  droit  de  désigner  la  femme  qui  aurait 
l'honneur  de  couronner  la  statue  de  Gluck.  Nouveaux  cris,  et 
applaudissements  du  peuple.  En  ce  moment  de  radiemi  en- 
thousiasme ,  mes  yeux  tombèrent  sur  la  belle  Nadira  ,  qui , 
d'une  loge  éloignée,  attachait  sur  moi  un  regard  humble  et 
attristé.  Soudain  l'attendrissement ,  h  pitié ,  une  sorte  de  re- 
mords même ,  me  saisirent  au  cœur,  à  l'aspect  de  la  beauté 


DE  PARIS.ï 


99 


vaincue ,  éclipsée  par  l'art.  Il  me  sembla  que,  vainqueur  gé- 
néreux ,  l'art  devait  maintenant  rendre  à  la  beauté  une  part 
de  sa  glaire^  et  je  désignai  Nadira,  la  frivole  cantatrice  vien- 
noise ,  pour  couronner  le  dieu  de  l'expression.  L'étonnement 
général  ne  peut  se  dépeindre;  personne  ne  la  connaissait. 
Rougissant  et  pâlissant  tour  à  tour,  Nadira  se  lève ,  reçoit 
des  mains  du  prêtre  de  Gluck  la  couronne  de  fleurs,  de 
feuilles  et  d'épis ,  qu'elle  doit  déposer  sur  le  front  divin ,  s'a- 
vance lentement  dans  le  cirque,  monte  les  degrés  du  temple, 
et ,  parvenue  au  pied  de  la  statue ,  se  tourne  vers  le  peuple 
en  faisant  signe  qu'elle  veut  parler.  On  se  tait,  on  l'admire; 
les  femmes  mêmes  semblent  frappées  de  son  extrême  beauté. 
«  Euphoniens  ,  dit-elle ,  je  vous  suis  inconnue.  Hier  encore 
Je  n'étais  qu'une  femme  vulgaire ,  douée  d'une  voix  éclatante 
et  agile  ,  rien  de  plus.  Le  grand  art  ne  m'avait  point  été  ré- 
vélé. Je  viens  ,  pour  la  première  fois  de  ma  vie  ,  d'entendre 
'  Alceste  ,  je  viens  d'admirer  avec  vous  la  splendide  majesté  de 
l'hymne  de  Rotceh.  Je  comprends  maintenant ,  j'entends ,  je 
vis  :  je  suis  artiste.  Mais  l'instinct  du  génie  pouvait  seul  le 
deviner.  Souffrez  donc  qu'avant  de  couronner  le  dieu  de 
l'expression  ,  je  prouve  à  vous ,  ses  fidèles  adorateurs ,  que 
je  suis  digne  de  cet  honneur  insigne,  et  que  le  grand  Rolceh 
ne  s'est  pas  trompé.  »  A  ces  mots ,  arrachant  les  perles  et 
joyaux  qui  ornaient  sa  chevelure,  elle  les  jette  à  terre  ,  les 
foule  aux  pieds  (abjuration  symbolique),  la  main  sur  son 
cœur,  s'incline  devant  Gluck ,  et  d'une  voix  sublime  d'accent 
et  de  timbre ,  elle  commence  l'air  d'Alceste.  «  Ah  !  divinités 
implacables!  » 

Impossible  ,  cher  Xilef ,  de  te  décrire  avec  quelque  appa- 
rence de  fidélité  l'immense  émotion  produite  par  ce  chant 
inouï.  En  l'écoutant  tous  les  fronts  s'inclinaient  peu  à  peu , 
tous  les  cœurs  se  gonflaient;  on  voyait  çà  et  là  les  auditeurs 
froids  et  lièdes  joindre  les  mains ,  les  élever  machinalement 
sur  leurs  têtes  ;  plusieurs  de  nos  jeunes  femmes  se  sont  éva- 
nouies ,  et  à  la  fin ,  au  le  tour  de  l'immortelle  phrase  :  «  Ce 
n'est  pas  vous  faire  une  offense  que  de  vous  conjurer  de  hâter 
mon  trépas,  »  Nadira,  accoutumée  à  l'enthousiasme  bruyant  de 
ses  Viennois ,  a  dû  éprouver  vn  instant  d'angoisse  horrible  : 
pas  un  applaudissement  ne  s'est  fait  entendre.  Le  cirque  en- 
tier s'est  tu,  terrassé  ;  mais  après  une  minute,  chacun  retrou- 
vant la  respiration  et  la  voix  (admire  encore  une  fois  le  sens 
musical  de  nos  Euphoniens),  sans  que  le  préfet  des  chœurs  ni 
moi  nous  ayons  fait  le  moindre  signe  pour  désigner  l'har- 
monie ,  un  cri  de  dix  mille  âmes  s'est  élancé  Spontanément 
sur  Vaccord  de  septième  diminuée  de  fa  dièze ,  suivi  d'une 
pompeuse  cadence  en  vt  majeur.  Nadira ,  chancelante  d'a- 
bord, se  redresse  à  cette  harmonieuse  clameur,  et  élevant  ses 
bras  antiques ,  belle  d'admiration ,  belle  de  joie ,  belle  de 
beauté,  belle  d'amour,  elle  dépose  la  couronne  sur  la  tête 
puissante  de  Gluck  l'olympien.  Alors  inspiré  à  mon  tour  par 
cette  scène  auguste ,  et  pour  adoucir  un  enthousiasme  qui 
tournait  à  la  passion  ,  déjà  jaloux  peut-être  ,  je  fis  le  signe  de 
la  marche  d'Alceste  ;  et  tous  à  genoux ,  Euphoniens  fer- 
vents ,  nous  saluâmes  le  souverain  maître  de  sa  poétique  mér 
lopée. 

En  nous  relevant,  nous  cherchons  Nadira  :  elle  avait  dis- 
paru. A  peine  retiré  chez  moi ,  jela  voisentrer.  Elles'avance, 
s'incline  et  dit  :«  Rotceh,  tu  m'as  initiée  à  l'art,  tu  m'as  donné 
une  existence  nouvelle;  je  t'aime...  Peux-tu  m'aimer?  Jeté 
fais  don  de  tout  mon  être  ;  ma  vie ,  mon  àme  et  ma  beauté 
sont  à  toi.  »  Je  réponds  après  un  instant  de  doute  silencieux, 
et  en  songeant  à  mon  ancien  amour  qui  s'évanouissait  :  «  Na- 
dira, tu  m'as  fait  voir  hors  de  l'art  un  idéal  sublime...  Sincè- 
rement je  t'aime. ..  je  t'accepte...  Mais  si  tu  me  trompes ,  au- 


jourd'hui ou  jamais,  tu  es  perdue.  —  Aujourd'hui  ni  jamais 
je  ne  puis  te  tromper  ;  mais  dussé-je  payer  par  une  mort 
cruelle  le  bonheur  de  l'appartenir,  je  le  veux  ce  bonheur,  je 
te  le  demande...  Rotceh  ! —Nadira!...  »  Nos  bras...  nos 
cœurs...  nos  âmes...  l'infini...  Dieu... 

Il  n'y  a  plus  de  Nadira  ;  Nadira ,  c'est  moi.  Il  n'y  a  plus  de 
Rotceh  ;  Rotceh  ,  c'est  elle.. . 

J'ai  honte ,  cher  Xilef,  de  faire  un  tel  récit  à  toi  dont  le 
cœur  saigne ,  déchiré  par  l'absence;  mais  la  passion  et  le  bon- 
heur sont  d'un  égoïsme  absolu.  Pourtant  mon  bonheur  a  des 
intermittences,  et  sa  lumineuse  atmosphère  est  traversée  quel- 
quefoispar  d'affreux  rayons  d'obscurité.  Je  me  souviens  qu'au 
moment  où  j'ai  dit  à  Nadira  :  «  Sincèrement,  je  t'aime  !  » 
trois  cordes  de  ma  harpe  se  sont  rompues  avec  un  bruit  lu- 
gubre... J'attache  à  cet  incident  une  idée  superstitieuse.  Se- 
rait-ce un  adieu  de  l'art  qui  me  perd?...  11  me  semble  en 
effet  que  je  ne  l'aime  plus.  Mais  écoute  encore. 

Hier,  journée  brûlante  d'un  été  brûlant,  nous  planions , 
elle  et  moi ,  au  plus  haut  des  airs.  Mon  navire ,  sans  direction , 
errait  au  gré  d'un  faible  souffle  du  vent  d'est;  éperdument 
enlacés,  ivres-morts  d'amour,  gisants  sur  la  molle  ottomane 
de  ma  nacelle  embau.mée ,  nous  touchions  au  seuil  de  l'autre 
vie,  un  se*il  pas,  un  seul  acte  de  volonté  et  nous  pouvions  le 
franchir  !  «  Nadira  !  lui  dis-je,  en  l'étreignant  sur  mon  cœur, 
—  Cher  !  ■ —  Vois ,  il  n'y  a  rien  de  plus  pour  nous  en  ce 
monde ,  nous  sommes  au  faîte ,  redescendrons-nous  ?  mou- 
rons! »  Elle  me  regarda  d'un  air  surpris.  «  Oui,  mourons, 
ajoutai-je ,  jetons-nous  embrassés  hors  du  navire;  nos  âmes , 
confondues  daùs  un  dernier  baiser,  s'exhaleront  vers  le  ciel 
avant  que  nos  corps,  tourbillonnant  dans  l'espace,  aient  pu 
toucher  de  nouveau  la  prosaïque  terre.  Veux-tu  ?  viens  !  — 
Plus  tard ,  me  répondit-elle ,  vivons  encore  !  »  Plus  tard  !  mais 
plus  tard,  pensai-je,  retrouverons-nous  un  semblable  mo- 
ment ?. . .  Oh  !  Nadira ,  ne  serais-tu  qu'une  femme  !. . .  Je  reste 
donc  puisqu'elle  veut  rester...  Adieu,  mon  ami,  depuis  les 
deux  heures  employées  à  l'écrire ,  je  ne  l'ai  pas  vue ,  et  à  cha- 
que minute  qui  s'écoule  maintenant  loin  d'elle  je  crois  sentir 
une  main  glacée  m'arracher  lentement  le  cœur  de  la  poitrine. 

Rotceh. 
H.  Berlioz. 
{La  suite  au  prochain  numéro.) 


LES  LUTTES  DU  COMPOSITEUR. 

(  Premier  article). 

cintres  qui  vous  plaignez  de  la  rareté  des  com- 
mandes ,  des  mauvaises  places  assignées  à  vos 
tableaux  dans  les  expositions  publiques,  des 
rigueurs  de  la  critique  ,  des  froideurs  du  pu- 
?^~~-  blic  et  de  mille  autres  choses  encore  ;  poètes 
qui  lancez  les  foudres  de  votre  éloquente  indignation  sur  les 
goûts  bourgeois  du  siècle,  sur  la  dureté  des  éditeurs  et  sur  le 
prosaïsme  forcé  de  l'existence  dans  cette  vallée  de  misère; 
sculpteurs,  architectes,  danseurs,  romanciers-feuilletonistes, 
ténors,  pianistes,  basses,  barytons,  vaudevillistes,  contralli 
et  tutti  quanti ,  qui  excitez  des  tempêtes  en  agitant  l'air  des 
ondes  sonores  de  vos  clameurs  et  de  vos  plaintes  ! 

Daignez  me  pardonner  l'apostrophe  que  je  vous  adresse, 
et  jeter  un  coup  d'œil  de  sympathie  sur  le  récit  à  la  fois  la- 
mentable et  comique  dont  je  vais  dérouler  devant  vous  les 
véridiques  pages;  vous  y  puiserez,  sans  doute,  un  salutaire 
enseignement ,  qui  vous  fera  trouver  votre  existence  douce, 


100 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


heureuse,  limpide  et  désirable,  en  comparaison  de  l'existence 
rocailleuse,  sombre  et  morose  de  votre  confrère  en  Apollon  , 
le  compositeur  de  musique;  être  infortuné  dont  la  vie  est  rem- 
plie d'amertumes  et  de  chagrins,  et  qu'on  poursuit  encore  au- 
delà  du  tombeau,  en  mettant  sur  sa  conscience  une  foule 
d'oeuvres  posthumes,  plus  ou  moins  apocryphes,  car  la  mort 
est  la  plus  belle  des  réclames! 

Vous  entendez  de  reste  que,  par  le  mot  de  compositeur,  je 
prétends  désigner  ici  l'artiste  poussé  par  de  fortes  études , 
par  une  opiniâtre  volonté ,  par  une  ferme  vocation  ,  à  la  créa- 
tion d'œuvres  de  longue  haleine  et  de  grande  facture  :  un 
opéra,  une  symphonie ,  une  messe ,  un  oratorio ,  et  même  un 
quatuor  instrumental.  Quant  à  ceux  qui ,  bornés  dans  leur 
ambition,  se  contentent  du  cadre  restreint  de  la  romance  et 
du  quadrille  ,  qu'une  jolie  trouvaille  suffit  à  remphr,  sans 
travail ,  sans  études ,  je  les  nommerai  d'heureux  trouveurs 
lorsqu'ils  réussissent  à  bien  rencontrer  ;  et  s'ils  n'y  réussis- 
sent pas,  ou  s'ils  y  réussissent  à  demi,  ce  qui  est  tout  un  à  mes 
yeux ,  alors.. .  je  ne  les  nommerai  pas  du  tout  ! 

Les  misères  du  compositeur  (et  Dieu  sait  si  elles  sont 
nombreuses)  naissent  de  deux  causes  :  d'abord  de  ce  que  son 
œuvre  est  trop  compliqviée ,  formée  de  trop  de  parties  con- 
stitutives pour  qu'il  se  puisse  rendre  un  compte  exact  du 
véritable  effet  qu'elle  produira  au  grand  jour  de  l'exécution  , 
ensuite  de  ce  que  les  éléments  de  manifestation  de  cette 
œuvre  sont  si  nombreux  ,  si  difficiles  à  rassembler ,  si  rudes 
à  mouvoir,  si  hostiles,  tranchons  le  mot!  au  malheureux 
compositeur,  que  la  volonté  la  plus  puissante ,  l'opiniâtreté  la 
plus  tenace,  la  plus  vivace  ardeur,  l'amour  paternel  lui-même, 
cet  inépuisable  amour  de  l'auteur  pour  son  œuvre,  n'y  sau- 
raient suffire. 

Que  si ,  par  fortune ,  vous  trouvez  le  tableau  trop  sombre 
et  chargé  outre  mesure  de  teintes  bistrées ,  je  n'ai ,  pour 
justifier  cette  peinture ,  d'autre  moyen  que  celui ,  bien  doux 
à  l'écrivain ,  de  vous  supplier,  ô  lecteur  bénévole ,  de  conti- 
nuer la  tant  agréable  et  nourrissante  lecture  de  ces  lignes  que 
je  trace  à, votre  intention! 

Le  peintre  recule  de  quelques  pas ,  regarde  son  tableau , 
el  se  rend  compte  avec  la  dernière  exactitude  de  l'effet  d'en- 
semble de  son  œuvre;  il  se  rapproche,  examine  attentivement 
les  lignes  délicates ,  les  nuances  fines,  les  touches  légères ,  et 
peut  ainsi  critiquer  son  travail ,  le  corriger,  le  polir,  le  per- 
fectionner avant  de  le  livrer  aux  regards  du  public;  le  sculp- 
teur et  le  graveur  sont  placés  exactement  dans  les  mêmes 
conditions  ;  l'architecte ,  au  moyen  de  ses  plans ,  sait  à  bien 
peu  de  chose  près  ce  que  sera  son  monument,  el  le  poëte 
n'a  qu'à  lire  ses  vers  à  haute  voix  pour  en  élaguer  les  mots 
rudes  ou  faibles,  les  liaisons  défectueuses,  les  expressions  ha- 
sardées. L'auteur  dramatique  lui-même,  bien  que  les  ressorts 
de  son  art  soient  plus  nombreux  et  plus  compliqués ,  met  sa 
pièce  en  scène  dans  sa  tête ,  varie  les  inflexions  de  sa  voix , 
joue  ses  divers  personnages,  et  calcule,  s'il  a  quelque  habileté, 
le  degré  d'émotion,  d'élonnement  ou  d'hilarité  qui  doit  ré- 
sulter d'une  situation,  d'un  mot,  d'une  péripétie;  d'ail- 
leurs, ne  faisant  parler  qu'une  personne  à  la  fois,  il  doit 
lui  être  toujours  possible  de  savoir  exactement  ce  qu'illul 
fait  dire. 

Pour  le  compositeur,  et  surtout  pour  le  jeune  compositeur, 
les  choses  ne  vont  pas  ainsi  ;  son  œuvre  multiple  emploie 
mille  moyens  divers ,  qui  tous  concourent  simultanément  à 
la  création  de  l'unité;  ce  sont  la  mélodie,  l'harmonie,  les 
cent  instruments  de  l'orchestre  avec  leurs  timbres  variés  à 
l'infini ,  les  voix  du  chœur  et  des  principaux  personnages ,  la 
prosodie  ,  le  rhythme ,  la  vérité  de  l'expression ,  le  juste  en- 


cadrement dans  la  musique  de  tous  les  mouvements  de  la 
scène ,  et  pour  ainsi  dire  de  tous  les  gestes  des  acteurs ,  qui 
i  chargent  l'immense  palette  sur  laquelle  il  doit  choisir  ses 
couleurs  invisibles  pour  les  placer  heureusement  sur  la  toile  , 
pour  en  former  le  tableau  vivant  des  sentiments  et  des  passions 
.  qui  agitent  le  cœur  de  l'homme. 

Et  à  celui  qui  se  flatterait  d'avoir  une  tête  assez  forte  ,  une 
érudition  assez  vaste,  un  goût  assez  sûr,  un  génie  assez  pers- 
picace, pour  juger  à  priori,  sur  le  simple  examen  d'une  par- 
tition, que  toutes  les  conditions  d'un  bon  ouvrage  y  sont  con- 
!  tenues;  à  celui-làje  dirais,  s'il  n'avait  pour  plaider  en  sa  faveur 
l'expérience  d'un  grand  nombre  d'ouvrages  représentés.. .  je 
lui  dirais,  comme  dans  la  tragédie  :  «  Jeune  présomptueux  !  » 
,       D'ici  je  vois  le  lecteur  impatient  s'écrier  :  «  Sans  doute 
»  vous  avez  raison,  un  compositeur  ne  peut  revoir  et  com- 
I  »  pléter  son  œuvre  qu'en  l'entendant;  eh  bien!  qu'il  l'en- 
;  »  tende,  et  pour  Dieu  !  que  tout  cela  finisse...  !  » 
I      Tout  doux  lecteur  !  tout  doux  !  ne  vous  emportez  pas. 
I  qu'il  l'entende!...  Mais  savez- vous  bien  l'immense  valeur, 
I  les  conséquences  infinies  du  mot  que  vous  venez  de  pronon- 
cer! Imaginez-vous  d'une  façon  exacte   ce  qu'il  faut  pour 
qu'un  compositeur  entende  son  œuvre?  Non,  mille  fois  non! 
et  je  vais  vous  faire  tressaillir  à  la  simple  énumération  des 
moyens  d'action  que  doit  réunir  un  compositeur  pour  arriver 
à  cette  chose  qui  vous  paraît  si  simple ,  si  naturelle,  si  facile 
et  primitive ,  s'entendre  !  ! 

Il  faut  :  1°  un  directeur  de  bonne  volonté  qui  consente  à 
accorder  un  poëme  au  jeune  compositeur;  2°  un  auteur  de 
bonne  volonté  qui  consente  à  confirmer  de  son  consentement 
le  consentement  du  directeur;  3'  des  chanteurs  de  bonne  vo- 
lonté (je  supplie  le  Phénix  de  m'en  faire  connaître  de  tels) 
qui  consentent  à  se  charger,  sans  exiger  trop  de  changements 
et  de  mutilations,  des  rôles  qui  leur  sontdestinés;  4"  un  chef 
d'orchestre ,  également  de  bonne  volonté  (cela  se  rencontre 
s'il  n'est  pas  compositeur  lui-même),  qui  consente  à  faire 
faire  les  répétitions  avec  soin  et  conscience;  5"  un  maître 
des  ballets  assez  charitable  pour  épargner  au  néophyte  les 
rudes  épreuves  auxquelles  il  est  contraint  de  se  soumettre. 

Avec  le  concours  de  ces  bonnes  volontés,  le  compositeur 
arrive  enfin  à  s'entendre  !  Il  corrige  son  œuvre  et  la  soumet 
au  public.  Mais  alors  surgissent  de  nouvelles  tribulations,  des 
embarras  sans  cesse  renaissants  :  il  faut  encore  appeler  à  soi 
l'intervention  de  la  cabale,  qui  doit  diriger  l'attention  des  au- 
diteurs sur  les  endroits  saillants  et  dominer  les  murmures  de 
la  malveillance ,  négocier  avec  la  presse  et  traiter  avec  un 
éditeur. 

Que  vous  en  semble?  Est-ce  facile,  agréable  et  commode, 
el  seriez-vous,  d'aventure,  tenté  de  consacrer  votre  jeunesse 
à  étudier  une  science  cent  fois  plus  difficile  que  les  mathé- 
matiques; de  sacrifier  votre  cœur  et  votre  âme,  et  toutes  vos 
passions  et  toutes  vos  pensées,  au  démon  insatiable  de  l'inspi- 
ration ;  puis  d'employer  le  reste  de  vos  forces  à  cette  lutte 
ridicule  contre  des  obstacles  non  moins  ridicules,  dans  le 
simple  but  de  procurer  un  moment  d'émotion  ou  d'agrément 
à  ce  monsieur  plus  ou  moins  ganté,  plus  ou  moins  verni,  plus 
ou  moins  distrait  et  préoccupé,  qu'on  appelle  le  public? 

Et  encore  ne  voyez-vous  qu'en  bloc  et  superficiellement 
les  luttes  du  compositeur ,  et  vous  plaindriez  bien  davantage 
cet  être  infortuné,  si  vous  vouliez  vous  laisser  conduire  , 
comme  le  Dante  par  l'ombre  de  Virgile ,  dans  la  spirale  sans 
fin  de  cet  enfer,  que  la  gloire  et  le  succès  peuvent  tout  au 
plus  transformer  en  purgatoire ,  jamais  en  paradis  ! 

J.  Meifred. 
(  La  suite  à  un  prochain  numéro. 


SUPPLEMENT. 


SUPPLEMENT. 


DE  PARIS. 


101 


PIANOS  DE  M.  PAPE. 

I  y  a  quelque  seize  ou  dix-sept  ans  que  seul ,  ou  à 
peu  près ,  contre  ropinioii  de  la  plupart  des  fac- 
teurs et  des  artistes,  j'établis  dans  la  Revue  musi- 
Bj  cale ,  que  le  principe  du  mécanisme  placé  au- 
■=*^  dessus  des  cordes  du  piano ,  tel  que  l'avait  conçu 
M.  Pape,  présentait  de  grands  avantages  sous  le  rapport 
de  la  simplicité,  et  conséquemment  de  la  solidité.  J'ajou- 
tais qu'il  est  plus  normal ,  plus  rationnel ,  de  frapper  les 
cordes  dans  le  sens  de  leur  point  d'appui  sur  la  table  d'har- 
monie ,  que  de  les  soulever  de  ce  point  d'appui  par  la  per- 
cussion ,  comme  on  le  faisait  dans  les  anciens  pianos,  auprès 
de  la  pointe  sur  laquelle  ces  cordes  se  coudaient  ;  car,  disais- 
je ,  c'est  à  cette  fausse  conception  des  anciens  pianos  qu'il 
faut  attribuer  le  ton  sec  et  court  de  ces  instruments ,  et  le 
peu  de  solidité  des  cordes. 

On  affectait  alors  de  confondre  les  pianos  de  M.  Pape  avec 
ceux  du  système  analogue  fabriqués  parStreicher  à  Vienne  , 
et  les  défauts  de  ceux-ci  paraissaient ,  dans  l'opinion  que  je 
combattais  ,  devoir  se  rencontrer  dans  ceux  de  l'habile  fac- 
teur de  Paris.  Les  objections  portaient  sur  ce  que  le  marteau, 
après  avoir  frappé  la  corde  dans  le  mécanisme  en  dessus,  doit 
être  ramené  en  haut  par  un  contre-poids  ou  par  un  ressort. 
Le  contre-poids ,  disait-on  ,  ne  peut  manquer  d'allourdir  le 
toucher,  et  tout  ressort  mis  fréquemment  en  action  tend  à 
s'affaiblir.  Mais  ceux  qui  raisonnaient' ainsi  n'avaient  point 
examiné  avec  attention  le  ressort  en  spirale  concentrique  ima- 
giné par  M.  Pape,  ressort  à  la  fois  énergique  et  souple  ,  dont 
la  flexion  s'opère  dans  un  si  coui  t  espace  ,  et  dont  la  réaction 
Cit  si  rapide,  qu'il  est  permis  d'affirmer  que  le  même  ressort, 
soumis  a  une  action  incessante  pendant  un  siècle,  ne  perdrait 
pas  sensiblement  de  sa  vivacité. 

A  l'égard  du  doute  qu'on  essayait  d'élever  concernant  l'a- 
vantage de  frapper  les  cordes  dans  le  sens  de  leur  point  d'ap- 
pui ,  il  est  plus  apparent  que  réel;  car  tout  !e  monde  sait 
que  c'est  cet  avantage  qui  a  fait  chercher  avec  persévérance 
les  modes  les  plus  avantageux  de  construction  des  pianos  ver- 
ticaux ou  droits,  et  qui  a  fait  faire  tant  d'essais  pour  renver- 
ser la  table  et  les  cordes  en  laissant  le  mécanisme  en  dessous. 
ÎS'est-il  pas  évident  que  l'obligation  d'établir  une  solution  de 
continuité  entre  la  table  et  le  sommier,  pour  livrer  passage 
aux  marteaux  qui  viennent  frapper  les  cordes  en  dessous,  est 
une  monstruosité  dans  la  construction  des  pianos  ordinaires  ? 
Quoi  qu'on  en  ait  dit,  l'avantage  de  la  percussion  des  cordes 
dans  le  sens  de  leur  point  d'appui  sur  le  chevalet  est  incon- 
testable. Des  expériences  délicates  faites  par  M.  Savart  ont 
démontré  d'ailleurs  que  la  pression  de  l'air  par  le  coup  de 
marteau  dans  ce  sens  imprime  une  vibration  plus  énergique  à 
la  table  d'harmonie,  que  lorsque  cette  pression  n'est  que  le 
résultat  de  la  réaction  de  la  corde  frappée  dans  le  sens  con- 
traire. 

Mais  il  est  bien  d'autres  avantages  évidents  qui  sont  le  ré- 
sultat de  la  disposition  du  mécanisme  en  dessus,  tel  que  l'a 
imaginé  M.  Pape  ,  et  surtout  tel  qu'il  est  devenu  par  les  per- 
fectionnements que  ce  savant  mécanicien  y  a  progressivement 
introduits.  Tous  sont  les  conséquences  nécessaires  d'un  sys- 
tème bien  combiné  dans  toutes  ses  parties.  Par  exemple  ,  on 
sait  que  lorsque  le  besoin  de  sonorité  plus  grande  eut  fait  chan- 
ger les  proportions  et  les  dispositions  de  l'ancien  piano  carré, 
pour  le  monter  de  cordes  plus  fortes,  et  pour  les  faire  attaquer 
par  un  coup  de  marteau  plus  énergique ,  on  aperçut  la  néces- 
sité de  contrebalancer  le  tirage  des  cordes ,  qui  faisait  fléchir 
la  caisse ,  par  des  moyens  artificiels.    On  se  rappelle  encore 


que  les  pianos  de  Pelzold ,  dont  la  qualité  de  son  était  sédui- 
sante au  sortir  de  l'atelier,  perdaient  insensiblement  leur 
moelleux  et  leur  rondeur,  parce  que  l'équilibre  n'existant 
point  entre  le  tirage  et  la  résistance,  la  table  finissait  par  être 
comprimée  jusqu'au  point  de  perdre  une  partie  de  son  élasti- 
cité. On  a  vu  de  ces  pianos  dont  les  deux  angles  correspon- 
dant au  s;ns  du  tirage  se  relevaient  d'une  manière  très  sen- 
sible, de  telle  sorte  que  les  pieds  ne  posaient  plus  à  terre. 
Pour  obviera  ce  grave  inconvénient,  on  ne  trouva  rien  de 
mieux  que  d'employer  un  appareil  de  barres  de  fer  dans  la 
partie  supérieure  de  l'instrument,  cherchant  ainsil'équilibre 
dans  la  réaction  de  deux  forces  opposées. 

Par  son  système  de  mécanisme  en  dessus,  M.  Pape  a  trouvé 
une  combinaison  bien  plus  simple  et  bien  plus  rationnelle  ; 
car,  ayant  pu  débarrasser  la  partie  inférieure  de  la  caisse  de 
l'instrument  de  tout  l'appareil  de  l'ancien  système  ,  il  a  pu 
abaisser  la  position  de  la  table  et  le  placement  des  cordes  près 
du  fond  solide  de  cette  caisse,  au  heu  de  faire  opérer  la  trac- 
tion vers  les  bords  opposés  ,  oii  les  moyens  de  résistance  na- 
turelle n'existent  pas.  Dès  lors ,  le  tirage  des  cordes  a  été  sans 
danger  pour  la  solidité  de  l'instrument,  par  l'effet  de  la  résis- 
tance naturelle,  et  sans  avoir  recours  au  formidable  appareil 
du  barrage  en  fer  des  autres  facteurs. 

Un  autre  avantage  de  cette  disposition  consiste  h  faire  frap- 
per les  cordes  au  point  convenable  pour  obtenir  une  meilleure 
qualité  de  son  en  éloignant  le  coup  de  marteau  de  ce  point  où 
la  corde  fait  un  angle.  Ce  qui  est  surtout  remarquable  et  digne 
des  plus  grands  éloges  dans  les  instruments  de  M.  Pape  ,  c'est 
la  simplicité  du  mécanisme.  On  sait  que  le  problème  à  résou- 
dre dans  les  pianos  est  la  réunion  de  la  puissance  d'attaque  à 
la  rapidité  de  l'articulation  de  la  note.  Dans  la  construction 
ordinaire,  on  obtient  la  force  d'impulsion  du  marteau  par  la 
longueur  du  levier  de  la  touche;  mais  M.  Pape  ne  voulait  pas 
user  de  celle  ressource.  D'ailleurs  il  s'était  proposé  c'e  donner 
à  son  mécanisme  la  plus  grande  solidité  possible,  en  diminuant 
le  nombre  de  frottements,  et  pour  cela  il  fallait  que  l'attaque 
fût  directe.  Mais  là  se  présentaient  les  conséquences  de  ce 
principe  de  mécanique  que  ce  qu'on  gagne  en  vitesse  on  le 
perd  en  force,  et  réciproquement.  Cette  difficulté  a  été  le  point 
d'arrêt  de  M.  Pape  pendant  plusieurs  années  ;  et  même  après 
avoir  si  bien  conçu  toutes  les  autres  parties  de  ses  instruments, 
il  lui  resta  longtemps  à  résoudre  le  problème  de  la  plus  grande 
diminution  possible  de  la  longueur  de  son  levier  d'altaque, 
pour  avoir  la  légèreté  du  toucher  en  conservant  la  force  d'im- 
pulsion du  marteau.  Il  n'y  a  que  Dieu  qui  voie  d'un  coup 
d'oeil  le  principe  et  la  fin  de  toute  chose;  si  habile ,  si  ingé- 
nieux que  soit  un  homme,  il  y  a  des  difficultés  qui  peuvent 
l'arrêter  longtemps,  quoiqu'il  ne  les  croie  point  insolubles 
Telle  fut  la  situation  de  M.  Pape  pendant  quelques  années. 
Pendant  ce  temps,  les  artistes  ,  qui  ne  s'informent  guère  du 
principe  des  choses,  et  qui  ne  voient  que  les  résultats  ,  ne 
trouvant  pas  dans  les  claviers  de  ses  pianos  toute  la  légèrelé 
qu'ils  désiraient ,  ne  rendirent  pas  justice  à  la  beauté  d'une 
conception  dont  ils  ne  comprenaient  pas  l'importance.  Moi 
seul  je  protestai  constamment  contre  leurs  préjugés,  et  à  plu- 
sieurs reprises,  dans  l'espace  de  dix-sept  ans,  j'analysai  les 
améliorations  progressives  que  je  voyais  faire  par  l'habile  et 
persévérant  facteur  dans  son  système.  Enfin  ,  par  une  de  ces 
heureuses  inspirations  qui  semblent  destinées  à  donner  un 
démenti  aux  principes  de  la  mécanique  universelle,  il  est 
parvenu  à  réduire  la  longueur  de  son  le\icr  à  moins  de  huit 
pouces ,  sans  rien  perdre  delà  force  nécessaire  d'impulsion  , 
en  proportionnant  le  poids  et  la  course  de  chaque  marteau  , 
ainsi  que  la  vitesse  du  ressort ,  au  point  d'équilibre  du  levier, 


Î02 


REVUE  ET  GiVZETTE  MUSICALE 


ettrouvanldaiis  celle  combinaison  heureuse  l'équivalent  d'une 
longueur  proporlionnelle  de  ce  même  levier.  C'est  ainsi  que 
Winkcl,  d'Amsterdam,  a  trouvé  le  moyen  de  remplacer  la 
longueur  proporlionnelle  du  pendule  astronomique  pour  là 
mesure  du  temps  en  musique ,  par  le  court  balancier  du  mé- 
tronome attribué  à  Maclzel ,  au  moyen  du  poids  mobile  qui 
glisse  sur  ce  balancier  pour  changer  le  ceulre  de  gravité  ,  en 
raison  de  la  vitesse  voulue.  Ce  sont  là,  il  faut  l'avouer,  des 
conceptions  de  génie  dont  les  artistes  qui  se  servent  du  piano 
et  du  métronome  ne  comprennent  guère  la  valeur,  mais  qui 
n'en  sont  pas  moins  dignes  de  l'admiration  des  connaisseurs. 
J'ai  non  seulement  examiné  avec  soin  les  derniers  produits 
de  M.  Pape  dans  tous  leurs  détails ,  mais  je  les  ai  joués,  et  j'en 
ai  trouvé  le  mécanisme  aussi  facile  que  prompt ,  le  son  puis- 
sant ,  moelleux  et  chantant.  Ses  pianos  en  forme  de  table 
hexagone ,  de  la  dimension  d'une  table  de  salon  ,  offrent  dans 
cette  petite  caisse  de  peu  d'épaisseur  les  phénomènes  d'une 
puissance  de  son  qu'on  croirait  sortir  d'un  grand  instrument, 
et  de  l'étendue  des  pianos  ordinaires.  Rien  de  plus  ingénieux 
que  la  disposition  croisée  des  cordes  de  ce  piano ,  et  que  celle 
du  clavier  mobile ,  et  du  mécanisme.  C'est  en  son  genre  un 
chef-d'œuvre  de  simplicité  dans  sa  conccplionet  dans  son  exé- 
cution. 

A  l'égard  du  grand  piano  de  concert ,  devenu  une  nécessité 
de  notre  époque ,  par  l'importance  que  cet  instrument  a  ac- 
quise depuis  quelques  années,  les  artistes  ont  longtemps  re- 
proché à  celui  de  M.  Pape  de  manquer  d'éclat  dans  sa  sonorité 
et  de  légèreté  dans  son  mécanisme.  Mais  ces  défauts,  qui  dis- 
paraissaient en  partie  sous  une  main  puissante,  étaient  le  ré- 
sultat de  ce  qui  restait  à  faire  pour  que  M.  Pape  atteignît 
complètement  son  but,  de  la  plus  grande  simplicité  possible, 
réunie  à  la  plus  grande  solidité  de  l'instrument.  Or,  depuis 
qu'il  a  trouvé  son  heureuse  loi  d'équilibre  entre  la  force  d'at- 
taque et  la  rapidité  de  l'articulation  des  notes ,  ces  défauts 
ont  complètement  disparu  ,  et  le  mécanisme  de  ces  grands 
pianos  est  devenu  aussi  léger  que  celui  des  autres  instruments 
du  même  facteur. 

Sans  être  partisan  de  l'étendue  toujours  croissante  que  cer- 
tains facteurs  donnent  à  leurs  pianos ,  M.  Pape  éprouvait  le 
besoin  de  fixer  des  limites  telles  que  la  variation  continuelle 
de  ces  instruments  eût  un  terme.  Pour  cela  ,  il  a  tracé  en 
dernier  lieu  le  plan  d'un  grand  piano  de  huit  octaves  com- 
plètes ,  c'est-à-dire  l'étendue  que  l'orgue  le  plus  complet  a 
dans  son  plus  grand  développement ,  depuis  sa  note  la  plus 
basse  du  son  le  plus  grave  jusqu'à  lapins  élevée  du  son  le 
plus  aigu!  Descendant  une  quinte  plus  bas  que  les  grands 
pianos  ordinaires,  c'est-à-dire  au  contre-/a  grave,  cet  in- 
strument monte  jusqu'au  contre-f«  sur-aigu.  Les  dernières 
notes  graves  ont  une  majesté  imposante.  Quant  aux  dernières 
notes  sur-aiguës,  les  cordes  en  sont  si  courtes  et  les  vibra- 
tions si  rapides ,  qu'elles  ont  peu  de  sonorité  par  elles-  mêmes; 
mais  lorsqu'elles  sont  harmonisées  avec  les  notes  de  l'octave 
inférieure ,  leur  timbre  devient  beaucoup  plus  clair  et  d'une 
facile  perception.  En  cet  état ,  on  peut  affirmer  que  l'étendue 
du  piano  a  atteint  ses  dernières  limites.  M.  Pape,  ayant  com- 
pris que  lorsqu'on  n'en  fait  point  usage ,  cette  étendue  extra- 
ordinaire peut  être  gênante  pour  l'exécutant,  a  combiné 
des  boîtes  qui  s'ajustent  sur  le  clavier  pour  le  réduire  aux  di- 
mensions habituelles,  mais  dont  on  peut  découvrir  à  volonté 
une  ,  deux  ou  trois  notes. 

Considérée  en  elle-même ,  l'énorme  étendue  de  ces  pianos 
n'aura  peut-être  pas  un  grand  intérêt  aux  yeux  des  artistes 
qui  cherchent  avant  tout  une  signification  sérieuse  à  la  musi- 
que ;  mais  la  puissance  sonore  qu'elle  ajoute  au  reste  de  l'in- 


strument ne  saurait  être  contestée ,  et  je  ne  crains  pas  de  dé- 
clarer que  je  ne  connais  pas  de  grand  piano  de  concert  dont 
l'énergie  soit  comparable  à  celle  des  instruments  de  cette 
espèce.  J'ai  entendu,  pendant  mou  séjour  à  Paris,  un  très 
bon  morceau  à  huit  mains,  pour  deux  pianos  à  huit  octaves, 
composé  par  M.  Pixis  et  exécuté  par  lui ,  MM.  Osborne  ,  Ro- 
senhain  et  AVoIff ,  sur  deux  des  nouveaux  pianos  de  M.  Pape , 
et  jamais  musique  de  ce  genre  ne  m'a  paru  avoir  produit  Un 
pareil  effet.  De  plus,  malgré  cette  grande  puissance,  le  son 
était  clair,  limpide ,  et  dans  la  plus  grande  vélocité  de  mouve- 
ment ,  toutes  les  notes  parlaient  avec  une  remarquable 
netteté. 

Depuis  longtemps  les  pianos  carrés  de  M.  Pape  s'étaient  fait 
une  réputation  par  leur  excellente  sonorité  et  leur  solidité  à 
toute  épreuve  :  dans  leur  état  actuel ,  ces  instruments  sont 
réellement  la  réalisation  complète  de  l'instrument  le  plus 
simple  et  le  plus  rationnel.  Le  savant  et  ingénieux  facteur 
vient  de  mettre  le  comble  à  sa  gloire  en  donnant  les  mêmes 
qualités  au  grands  pianos,  réunies  à  la  puissance  sonore  et  à 
la  légèreté  du  mécanisme.  Les  grands  artistes  nomades  qui 
voyagent  pour  se  faire  entendre,  et  qui  changent  de  pianos 
comme  de  vêtements ,  n'attacheront  peut-être  pas  une  grande 
importance  à  cette  simplicité  de  construction  dans  laquelle 
les  frottements  sont  évités  avec  soin ,  ce  qui  est  la  condition 
nécessaire  pour  la  solidité  ;  mais  le  piano  est  un  instrument 
d'un  prix  si  élevé ,  que  le  public  n'aura  pas  la  même  indiffé- 
rence. 

Je  crois  devoir  ajouter  une  considération  très  importante 
en  faveur  des  instruments  de  M.  Pape.  On  sait  que  lorsqu'un 
accident  arrive  à  un  piano  construit  suivant  les  principes  du 
mécanisme  anglais ,  de  celui  de  Petzold  ou  de  tout  autre ,  il 
faut  nécessairement  cesser  la  musique  jusqu'à  ce  qu'on  ait 
trouvé  l'ouvrier  nécessaire  pour  faire  la  réparation ,  ce  qui 
n'est  presque  jamais  possible  à  l'instant  même  ;  mais  le  mé- 
canisme de  M.  Pape  est  si  simple  et  de  si  peu  de  volume  , 
que  les  touches ,  les  marteaux ,  étouffoirs ,  tout  enfin  ne 
forme  qu'une  boîte  de  la  longueur  du  clavier,  et  d'environ 
8  pouces  de  largeur.  Or,  les  parties  de  ce  mécanisme  sont  si 
bien  combinées,  qu'on  peut  l'ôter  d'un  piano  pour  le  poser 
sur  un  autre  où  il  s'adapte  parfaitement.  Il  est  donc  facile 
d'acheter  deux  mécaniques  avec  un  seul  piano ,  et  si  par  ha- 
sard il  survient  un  accident ,  le  changement  pourra  être  ef- 
fectué dans  l'espace  d'une  minute  environ ,  par  la  première 
personne  venue  ,  et  la  musique  ne  sera  point  interrompue. 

J'ai  voulu ,  dans  cet  article,  constater  les  importantes  in- 
ventions d'un  artiste  aussi  persévérant  dans  ses  recherches  , 
qu'habile  et  consciencieux  ,  et  contribuer  autant  qu'il  est  en 
moi  à  ce  que  justice  soit  rendue  à  de  si  utiles  travaux.  Il  y 
a  toujours  un  temps  où  le  vrai  devient  évident  ;  mais  il  n'est 
pas  sans  importance  que  ce  soit  pendant  la  vie  de  celui  qui  a 
découvert  la  vérité. 

FÉTis  père. 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 


SUR 
IiES  CONCERTS  DE  IiA  SEBSAIBTE. 

1  y  aurait  un  livre  en  deux  volumes  in-folio  au 
73  moins  à  faire  sur  le  piano ,  sur  l'art  d'en  jouer, 


sur  le  rang  qu'il  tient  dans  l'Europe  musicale  et 
sur  l'influence  que  cet  instrument  humanitaire 
exerce  sur  les  mœurs ,  les  habitudes  intimes  de 
'   la  société  actuelle  et  la  civilisation  en  général.  Eu  attendant 


DE  PARIS. 


m 


qu'un  philosophe  acousticien  entreprenne  ce  bel  ouvrage,  en 
attendant  de  même  le  précis  historique  sur  les  pianistes,  que 
nous  nous  proposons  de  publier  dans  celte  feuille  ou  dans 
toute  autre,  précis  biographique,  physiologique,  esthétique 
et  psychologique  dont  le  besoin  se  fait  vivement  sentir  en 
France,  comme  dit  tout  prospectus  de  nouveau  journal,  nous 
allons  enregistrer  ici  les  faits  et  gestes  de  quelques  uns  de  ces 
artistes  dont  le  nombre  ,  en  ce  moment  à  Paris ,  se  monte  , 
sans  compter  les  deux  chefs  de  secte ,  Liszt  et  Thalberg ,  à 
près  de  cinquante  du  sexe  masculin  ,  et  ving-cinq  au  moins 
qui  font  partie  de  la  plus  belle  moitié  du  genre  humain.  La 
plupart,  de  première  force,  jette  dans  le  monde  musical  tous 
les  ans  une  foule  d'élèves  professeurs  ou  amateurs  qui  pro- 
pagent la  science  et  le  goût  du  piano  d'une  façon  inquiétante 
pour  le  repos  des  familles  et  des  locataires.  Ces  pauvres  lo- 
cataires croient  voir  chaque  mur  mitoyen,  chaque  parquet  se 
transformer  en  statue  de  Slemnon ,  c'est-à-dire  en  corps  so- 
nore vous  réveillant  en  sursaut  par  des  gammes  chroma- 
tiques ,  des  trilles  et  des  études  sans  fin  qui  les  frappent  et 
qu'ils  vous  renvoient  :  il  y  a  des  optimistes  qui  prétendent 
que  cela  nous  maintient  dans  la  voie  du  progrès  indéfini  de 
l'art  ;  nous  voulons  bien  le  croire. 

Les  concerts  des  pianistes  ont  été  entremêlés  celte  semaine 
de  quelques  matinées  et  soirées  musicales  données  par  des 
chanteurs  et  des  cantatrices.  Au  nombre  de  ces  dernières 
s'est  montrée  M"»  Duviilard  ,  qui  a  offert  aux  amateurs  de 
chant  une  exhibition  de  musique  vocale  ,  dimanche  passé , 
chez  Pleyel.  Si,  "a  la  qualité  de  bonne  musicienne,  M"°  Du- 
viilard pouvait  joindre  celles  de  moins  chanter  de  la  gorge  et 
de  vocaliser  le  Irait  avec  un  peu  plus  de  facilité  et  de  préci- 
sion ,  elle  deviendrait  une  cantatrice  fort  agréable;  elle  a  dit 
son  premier  air  de  Marina  Faliero  d'un  bon  style  de  chant 
cl  avec  expression . 

i\L  Hercule  Mecatti  avait  donné ,  la  veille ,  dans  la  salle 
Herz,  une  matinée  musicale  dans  laquelle  il  s'est  montré  sous 
la  double  qualité  de  chanteur  et  de  compositeur.  Ses  amis 
doivent  lui  conseiller  d'opter  pour  l'un  ou  l'autre  de  ces  deux 
titres  ;  et  quand  il  aura  cessé  de  courir  deux  lièvres  à  la  fois , 
il  aura  encore  quelque  chose  à  faire  pour  en  attraper  un.  11  a 
dit  cependant  avec  un  vrai  sentiment  dramatique  de  chant, 
ainsi  que  sa  partner.  M"'"  Hénelle ,  un  duo  à' Anna  Bolena , 
puis  seul ,  une  cavatine  de  l'opéra  de  Gemma  di  Vcrgy,  et 
puis  un  autre  duo  italien.  M.  Seligmann  a  fort  bien  chanté 
aussi  sur  le  violoncelle  la  romance  de  Dom  Scbaslien,  et  sur- 
tout sa  belle  fantaisie  sur  il  Bravo. 

La  soirée  musicale  donnée  le  même  jour  par  MM.  Krie- 
gelstein  et  Plantade  ,  facteurs  de  pianos,  dans  leurs  ateliers, 
rue  Laval ,  offrait  un  programme  très  varié  dont  nous  garan- 
tirions l'exacte  exécution  avec  plaisir  si ,  d'après  les  travers 
actuels  et  à  la  mode  dans  ces  sortes  de  solennités  artistiques, 
la  séance  ne  s'était  pas  ouverte  deux  heures  et  demie  plus  tard 
que  ne  l^indiquaient  les  lettres  d'invitation ,  et  s'il  nous  avait 
été  possible  d'entendre  plus  de  deux  morceaux,  fort  bien 
dits  du  reste  par  MM.  Allard  ,  Halle  et  Ponchard  ,  qui  sont 
coutumiersdu  fait,  comme  chacun  sait. 

La  quatrième  et  dernière  séance  de  quatuor  et  de  quintetti, 
donnée  par  i>L  Javault ,  le  17  passé,  n'a  pas  fait  moins  de 
plaisir  aux  artistes  et  aux  amateurs  de  bonne  musique  que  les 
trois  dernières.  M.  Onslow  s'est  maintenu  ferme  et  droit  à 
côté  de  Haydn  et  de  Mozart ,  appuyé  sur  un  nouveau  quatuor 
en  si  mineur,  d'une  difficulté  diabolique ,  renfermant  un 
adagio  délicieux  ,  et  sur  le  vingt-sixième  quintetti  en  ut  mi- 
neur qu'on  avait  redemandé  à  MM.  .lavault ,  Boucher,  Ney, 
Lebouc  et  Gouffé ,  et  qui  ont  dit  ce  bel  œuvre  de  manière  à 


contenter  les  auditeurs  les  plus  difficiles.  C'est  comme  un  en- 
gagement contracté  par  ces  habiles  exécutants  derecommcncer 
ces  intéressantes  séances  l'an  prochain. 

Le  concert  européen  dont  les  gens  du  pouvoir  ont  tant  parlé 
h  la  Chambre  basse,  la  véritable  entente  cordiale  entre  les 
niasses  et  les  sommités  sociales  se  préparent  au  moyen  de 
l'art  musical.  Semblable  à  la  grammaire  qui  sait  régenter 
jusqu'aux  rois,  l'harmonie  et  le  rhylhme  finiront  par  réunir 
dans  un  accord  parfait,  et  faire  marcher  dans  la  même  voie 
peuple  et  aristocratie.  Cette  dernière  a  chanté  toute  seule 
lundi  dernier  dans  la.salle  de  M.  Herz.  Sous  le  patronage  de 
mesdames  la  maréchale  duchesse  d'Albuféra ,  la  duchesse  de 
Coigny ,  la  duchesse  de  Grammont ,  la  duchesse  de  Massa ,  la 
maréchale  princesse  de  la  Moskowa  ,  la  duchesse  de  Poix  ,  la 
duchesse  de  ïalleyrand ,  la  princesse  Charles  de  Beauvau  ,  la 
princesse  de  Craon,  la  maréchale  comtesse  de  Lobau ,  la  comtesse 
Merlin,  la  vicomtesse  de  Noailles ,  la  comtesse  de  Sandwich  , 
et  sous  la  direction  de  M.  le  prince  de  la  Moskowa ,  la  Société 
djs  concerts  de  miisiqne  vocale ,  religieuse  et  classique  nous 
a  fait  entendre  de  la  délicieuse*  musique  rétrospective. 
MM.  de  la  Ferronnais,  de  Yaraignc,  Robert,  Inchindi,  ma- 
dame la  comtesse  Polocka,  madame  la  marquise  de  Lagrange, 
madame  Galoz,  mesdemoiselles  de  Rupplin  et  de  Thorn  ont 
dignement  interprété  le 'suave  Palcstrina ,  Marcello,  Arca- 
delt,  Haîndel,  Orlando  de  Lassus,  et  surtout  Clément  Jan- 
nequin,  dont  ils  ont  dit  le  fameux  chœur  composé  à  l'occasion 
de  la  victoire  remportée  par  François  I"  à  Marignan.  Ce  mor- 
ceau national  a  produit  le  plus  grand  effet.  Un  chœur  popu- 
laire sur  les  paroles  de  ce  même  François  !"■  :  Tout  est  perdu 
fors  l'honneur!  n'aurait  pas  moins  impressionné  ce  brillant 
auditoire. 

La  veille  de  cette  intéressante  et  curieuse  séance  de  gothi- 
que musique,  deux  instrumentistes  en  renom  et  de  grand 
talent ,  MM.  Alard  et  Dorus,  ont  fait  une  ample  moisson  de 
bravos  dans  la  même  salle;  un  public  nombreux  a  rendu  en 
hourras  enthousiastes  le  vif  plaisir  qu'il  a  reçu  de  ces  deux  ha- 
biles artistes.  M.  Alard  a  dit  le  premier  morceau  d'un  con- 
certo de  sa  composition  ,  classitjue  par  la  forme  et  moderne 
par  le  style  et  l'instrumentation.  S'il  trouve  l'occasion  de  faire 
entendre  ce  concerto  en  entier,  à  un  public  fatigué  de  fantai- 
sies et  d'airs  variés,  nous  analyserons  cette  œuvre,  dont  la 
première  partie  nous  a  paru  remarquable,  et  d'une  difficulté 
d'exécution  à  laquelle  visent  un  peu  trop  nos  violonistes  ac- 
tuels. Quant  à  l'exécution  ,  elle  a  été  verveuse  ,  fougueuse  ; 
mais  pas  toujours  irréprochable  sous  le  rapport  de  la  clarté  , 
de  la  limpidité  d'intonation.  Nous  ne  saurions  trop  le  répéter 
à  nos  violonistes,  et  à  tous  les  instrumentistes  en  général  : 
le  fini  de  l'exécution  est  le  cachet  d'un  talent  supérieur, 
achevé;  c'est  le  lien  sympathique  entre  l'auditeur  et  l'exécu- 
tant. M.  Alard  semblerait  agir  en  vertu  de  cet  axiome  politique 
qui  dit  :  Le  roi  ne  lâche  que  lorsque  le  peuple  arrache.  Le 
véritable  roi  des  artistes,  c'est  le  public  ,  roi  blasé  ,  auquel  il 
faut  arracher  des  applaudissements ,  et  M.  Alard  se  fait  peu- 
ple vis-à-vis  le  roi  des  instruments.  Qu'il  mette,  pour  quitter 
toute  figure  ,  un  frein  ,  ou  un  peu  plus  de  sobriété  dans  la 
saccade  nerveuse  de  tous  ces  «(Vf*  d'archet,  et  il  sera  plus 
pur  sans  rien  perdre  de  sa  vigueur.  Si  cette  vigueur,  cette 
rondeur,  celte  ampleur  de  son ,  manquent  à  M.  Dorus  sur  la 
flûte,  que  de  grâce,  de  pureté  ,  d'aplomb  ,  de  finesse  dans 
son  exécution  !  On  ne  peut  mieux  caractériser  enfin  ce  déli- 
cieux flûtiste  ,  qu'en  disant  qu'il  chante  comme  sa  sœur  sur 
son  instrument ,  c'est-à-dire  qu'il  réunit  le  sentiment  musi- 
cal le  plus  exquis  au  style  le  plus  pur. 

Et  maintenant,  pat  suite  de  notre  propension  à  affronter 


104 


REVUE  ET  GAZETTE  IMUSICALE 


les  clifficullés  delà  critique  musicale,  nous  avons  gardé  pour 
la  fia  le  compte-rendu  de  toutes  les  matinées  ou  soirées  mu- 
sicales données  par  des  pianistes  ,  et  rapprcciation  sommaiie 
de  ces  virtuoses  qui  semblent  se  multiplier  à  vue  d'œil. 

Dans  la  matinée  donnée  chez  M.  Souffleto,  par  MM.  Dé- 
jazet  et  Besscms,  ce  dernier  s'est  montré  violoniste  sage, 
pur,  possédant  un  beau  son  et  une  manière  correcte ,  intel- 
ligente ,  d'accompagner  et  de  jouer  le  solo.  Le  premier,  pia- 
niste fin ,  délicat ,  gracieux ,  a  exécuté,  avec  MW.  lîesseras  et 
Seligman  ,  un  fort  joli  trio  de  sa  composition  qui  renferme 
un  délicieux  schcrso ,  puis  des  variations  sur  un  thème  tyro- 
lien qui,  avec  une  fantaisie  de  M.  Bessems,  ont  obtenu  les 
honneurs  de  la  séaiice. 

M.  Gutlmann  est  un  pianiste  au  jeu  net  et  quelque  peu 
froid;  il  a  ce  qu'on  appelle  des  doigts  et  s'en  sert  avec  beau- 
coup de  dextérilé.  Sa  manière  procède  plutôt  de  celle  de 
Thalberg,  au  dire  des  connaisseurs,  que  de  celle  du  profes- 
seur habile  qui  lui  a  donné  des  leçons.  Il  a  fait  plaisir  aux 
amateurs  de  piano,  dans  la  soirée  musicale  qu'il  a  donnéelundi 
passé  chez  M.  Erard  ;c'estsurtoutsafantaisiesur/c  Freischûlz 
qui  a  été  assez  applaudie.  Celle  offerte  par  M"°  Clara  Loveday 
aux  amateurs  de  France  et  d'Angleterre ,  qui  affluent  toujours 
à  ses  concerts,  aux  amateurs  de  ces  deux  natioiîs,  qui 
s'aiment  fort  peu  ,  mais  qui  ne  s'en  estiment  pas  moins , 
a  été  des  plus  brillantes  par  la  coniposilion  du  programme 
et  le  public  distingué  qui  s'était  rendu  dans  la  salle  de 
M.  Ferz.  Le  trio  espagnol  de  Brod  a  ouvert  la  séance  et  a  été 
joué  avec  beaucoup  d'ensemble  par  MM.  Triébcrt,  hautbois, 
Blaizc,  basson,  et  la  bénéficiaire,  qui  a  dit  !a  partie  du  piano 
avec  autant  de  \ivacité  et  d'entrain  que  d'élégance.  La  déli- 
catesse du  toucher,  une  neltelé charmante,  et  même  parfois 
une  sorte  de  brio  presque  masculin ,  telles  senties  qualités 
principales  qu'on  reconnaît  dans  le  jeu  de  M""  Loveday  et 
qu'on  rencontre  à  peu  près  en  égale  somme  en  M"''  Guénée, 
sœur  de  M"' Loveday  par  la  délicatesse ,  la  netteté,  hbrio, 
et  qui  a  donné  aussi  chez  elle  une  soirée  musicale  dans  la- 
quelle elle  s'est  montrée  pianiste  aussi  distinguée  que  maî- 
tresse de  maison  aimable  et  polie. 

Procédant  aussi  du  Thalberg;  essayant  de  chanter  comme 
lui;  rêveur  et  rehgicux  jusqu'au  bout  des  doigts  dans  son 
chant  de  Madone ,  dans  son  Te  deiim  allemand  plein  d'une 
pompeuse  harmonie,  M.  Schad,  pianiste helvétien,  adonné 
son  concert  annuel  chez  M.  Erard ,  mercredi  dernier,  et  il  a 
fait  plaisir  aux  partisans  nombreux  d'une  méthode  sage,  pure 
et  de  l'inspiration  toujours  élevée. 

Comment  ne  pas  se  répéter  en  parlant  de  M.  Doehier  ? 
comment  ne  pas  redire  ce  que  nous  en  avons  dit  les  années 
précédentes  ,  il  y  a  même  quelques  jours  en  parlant  de  la 
soirée  de  M.  Érard?  Dans  la  matinée  musicale  qu'il  a  donnée 
jeudi  dernier,  il  s'est  montré  avec  la  même  monotonie  de 
perfection  ;  et  comme  si  les  fièrcs  paroles  de  la  Médée  de  Cor- 
neille: Moi!  moi,  dis-je ,  ei  c'eut  assez!  ne  lui  suffisaient 
pas,  il  nous  a  fait  entendre  dans  son  concert  une  charmante 
cantatrice  franco-italienne ,  M""  Casfellan,  à  la  voix  étendue , 
passionnée ,  éminemment  dramatique  cl  possédant  une  ex- 
cellente méthode  dont  elle  doit  les  principes  à  noire  célèbre 
professeur  M"'°  Damoreau. 

M.  Halle,  l'inlcrprôte  chaleureux  de  toute  bonne  musique 
sur  le  piano,  le  pianiste  nerveux  qui  rend  les  idées  des  autres 
comme  un  homme  de  génie  compose ,  c'est-à-dire  avec  ins- 
piration ,  avec  amour;  qui  les  fait  siennes  ainsi  que  nous 
l'avons  déjà  dit ,  M.  Halle  a  déposé  dans  le  grand  bazard  des 
pianistes  et  des  pianos  de  M.  Érard ,  vendredi  dernier,  une 
foule  de  traits,  de  trilles ,  de  doubles  octaves ,  de  difficullés 


inextricables  qu'il  a  jetés  avec  profusion  h  son  auditoire 
charmé,  et  que  celui-ci  a  payés  en  applaudissements  prodi- 
gués avec  une  égale  profusion.  La  fantaisie  sur  la  Semiraniide 
de  Thalberg,  qu'il  a  admirablement  exécutée,  et  la  Truite 
de  Heller,  ont  produit  le  plus  grand  effet,  ainsi  que  les  varia- 
tions délicieusement  dites  par  M.  Alard. 

Qui  pourrait  croire  qu'il  vient  de  surgir  encore ,  parmi 
tous  ces  pianistes  de  mérites  si  divers,  quoique  possédant  tant 
de  qualités  identiques,  un  pianiste  à  nouvelle  physionomie? 
C'est  cependant  un  fait  que  nous  devons  constater.  M.  Ca- 
vallo ,  jeune  pianiste  bavarois  que  nous  avons  déjà  cité  dans 
la  Gazelle  musicale ,  est  un  de  ces  artistes  de  l'étoffe  de 
Huramel  pour  l'improvisation,  avec  plus  de  fougue  toutefois. 
Dans  un  concert  qu'il  se  propose  de  donner  bientôt,  on  pourra 
apprécier  la  haute  portée  de  son  talent.  Ce  jeune  artiste  ne 
s'enferme  point  pour  composer  à  loisir  un  impromptu  ou  une 
fantaisie,  il  vous  traite  l'idée  que  vous  lui  demandez  en  l'en- 
richissant d'une  foule  d'idées  accessoires.  Le  caprice  n'est 
pas  médité  chez  lui  ;  il  sort  instantanément  de  son  imagina- 
tion. Dans  la  soirée  musicale  donnée  par  M.  Pape,  dimanche 
dernier,  M.  Cavallo  a  improvisé,  surplusienrs  thèmes  qui  lui 
ont  été  fournis,  avec  une  facilité  qu'on  peut  appeler  la  sœur 
du  génie.  Ses  inspirations  avaient  d'autant  plus  d'éclat  que  les 
excellents  pianos  de  M.  Pape  les  renvoyaient  riches  de  mélo- 
dies et  pompeuses  d'harmonie  aux  auditeurs  charmés  du 
brillant  effet  de  ces  beaux  instruments. 

Henri  Blanchakd. 


Revue  critique. 

Prière  à  la  Sainte-Vierge  pour  deiixsoprani,  ténor  et  basse. 
—  Valse  pour  h  piano,  par  M.  Lenvec. — Trois  fan- 
taisies pour  le  piano,  par  M.  Lovel.  — Rigolette,  par 
M'"'  Ami5R0IS]NE  Leroy. — La  Fuga  di  Bianca  Capella, 
par  M.  Tadolini. 

oilà  un  titre  qui  réunit  des  éléments  nombreux 
et  variés;  certes,  ce  n'est  point  la  matière  qui 
manque,  et  nous  ne  serions  nullement  en  peine 
de  commencer  la  tâche  qui  nous  est  confiée , 
s'il  ne  fallait  d'abord  aviser,  entre  tous  cesmor- 
ceaux  de  musique  d'un  genre  si  différent,  celui  qui  aura  la 
préséance,  en  d'autres  termes,  celui  qui  viendra,  le  premier, 
s'offrir  â-notre  examen.  Pour  ne  point  exciter  de  jalousie,  le 
mieux  que  nous  puissions  faire,  ce  nous  semble,  est  de  nous 
placer  à  la  suite  de  M.  Lenvec  sous  l'invocation  de  la  Vierge 
Marie,  ce  choix  étant  suffisamment  motivé  par  le  sentiment  do 
déférence  que  doivent  inspirer  les  choses  saintes.  Nous  unis- 
sant donc  à  M.  Lenvec,  nous  adresserons  à  la  mère  du  Christ 
un  chœur  d'introduction,  auquel  succédera  un  solo  de  ténor 
en  la  bémol  majeur  à  12/8  d'un  caractère  noble,  d'un  style 
distingué  et  qui  renferme  des  imitations  fort  heureuses;  puis, 
ayant  fait  rentrer  le  chœur,  qui  sert  comme  d'encadrement 
aux  parties  principales,  nous  passerons  à  un  solo  de  basse,  le- 
quel, pour  ne  rien  taire,  ne  vaut  pas  à  tous  égards  le  précé- 
dent ,  et  oij  nous  avons  cru  remarquer  certaines  petites  défec- 
tuosités harmoniques,  telles  que  deux  quintes  justes  dans 
l'accompagnement,  ce  qui,  à  vrai  dire,  n'est  pas  un  bien  gros 
péché  ;  nous  finirons  d'ailleurs  par  la  reprise  du  chœur  cité 
plus  haut,  morceau  plein  d'une  harmonieuse  onction  ,  émi- 
nemment capable  de  racheter  une  foule  de  peccadilles  et 
même  au  besoin  de  faire  oublier  quelques  successions  hasar- 
dées de  consonnances  parfaites. — Quittant  le  sanctuaire,  nous 


DE  PARIS. 


105 


suivrons  encore  M.  Lenvec  pour  nous  lancer  avec  lui  dans  le 
tourbillon  de  la  valse  :  la  valse  où  il  nous  entraîne  sera  de 
longue  durée;  elle  marche,  marche  toujours  et  déroule  co- 
quettement son  sinueux  ruban ,  semé  çà  et  là  de  diamants  ou 
de  fleurs  comme  le  Graziuso  de  la  page  2  ,  et  le  Dolce  en  la 
majeur  de  la  page  5.  Cependant  le  piano  a  frappé  les  derniers 
accords,  et  comme  étourdi  de  cette  course  rapide,  c'est  tout 
au  plus  s'il  nous  reste  assez  d'haleine  pour  féliciter  M.  Lenvec 
du  (aient  qu'il  a  déployé  dans  ces  deux  compositions. — De  la 
valse  à  la  fantaisie  il  n'y  a  que  l'espace  d'une  mesure;  et  à 
propos  du  mot  fantaisie  ,  il  nous  est  maintes  fois  venu  dans 
l'idée  qu'après  toutes  les  fadeurs  et  les  platitudes  qui  se  sont 
produites  à  l'abri  de  ce  titre,  la  fantaisie  n'avait  plus  désormais 
qu'une  seule  chance  de  réussite,  c'était  d'être,  dans  toute  la 
force  du  terme,  l'enfant  gâté  de  l'imagination,  et  comme 
telle  de  nous  impressionner,  de  nous  ravir  par  le  charme  de 
l'imprévu  ,  le  laisser-aller  delà  pensée,  la  grâce  de  l'expres- 
sion ,  aussi  bien  que  par  les  élans  d'une  verve  impétueuse  , 
d'un  esprit  en  délire  et  par  toutes  les  excentricités,  en  un 
mot,  que  peut  admettre  la  passion  sans  franchir  les  bornes  de 
l'art.  Mais  au  lieu  de  cela,  on  ne  nous  donne  le  plus  souvent 
pour  des  fantaisies  que  de  lourdes  et  indigestes  kyrielles  de 
notes  invariablement  alignées  d'après  le  même  modèle.  Il  est 
vrai  que  ces  sortes  de  productions  trouvent  encore  des  audi- 
teurs complaisants  parmi  les  gens  qui ,  n'étant  pas  en  état  de 
saisir  les  choses  du  premier  coup,  appellent  volontiers  les  re- 
dites et  les  lieux  communs  au  secours  de  leur  intelligence  pa- 
resseuse ou  débile.  — Bien  que  la  musique  de  M.  Louël  soit 
agréable  dans  son  ensemble ,  elle  ne  brille  pas  positivement 
par  l'originalité  ,  et  l'on  constate  à  regret  dans  les  trois  mor- 
ceaux que  l'auteur  intitule  fantaisies,  l'emploi  incessant  des 
mêmes  procédés  pour  arriver  aux  mêmes  effets  :  ainsi  le  pre- 
mier débute  par  une  introduction  en  ré  mineur,  à  laquelle 
succède  le  thème  en  ré  majeur,  et  se  termine  par  des  varia- 
tions ;  item  pour  le  second  :  introduction  en  tit  mineur, 
thème  en  ut  majeur  et  variations  ;  item  pour  le  troisième  : 
introduction  en  sol  mineur,  thème  en  sol  majeur...  et  varia- 
tions. Malgré  l'uniformité  du  plan ,  du  style  et  des  idées 
mêmes  qui  ont  toutes  un  air  de  famille ,  mais  qui  sont  en  gé- 
néral douces  et  gracieuses,  il  y  a  dans  ces  trois  compositions 
jumelles  de  quoi  satisfaire  les  dilettantes  de  salon ,  et  surtout 
l'auditoire  de  jeunes  fdies  auquel  elles  semblent  plus  particu- 
lièrement s'adresser.  —  Nous  avons  encore  de  M.  Louël  une 
mélodie  expressive,  intitulée  Mon  frère,  où  l'on  trouve  un 
joli  passage  legato ,  mais  qui  du  reste  n'est  pas  très  neuve 
comme  inspiration,  ni  bien  extraordinaire  comme  facture. 

Rigohtte  est  une  chanson  vive  ,  accorle  ,  joyeuse  et  pi- 
quante ni  plus  ni  moins  que  la  fameuse  héroïne  des  Mys- 
tères de  Paris ,  dont  elle  reproduit  le  type  gracieux.  Tout  y 
est  bien  dans  le  caractère  du  sujet,  et  le  charmant  dessin  dû 
au  talent  remarquable  de  M'""  Élise  Boulanger,  et  la  musique 
de  M'""  Ambroisine  Leroy,  et  les  paroles  spirituelles  dont  cette 
musique  pleine  de  verve  et  d'entrain  rend  si  fidèlement 
l'expression.  M"°  Déjazet,  notre  célèbre  et  intelligente  ac- 
trice ,  a  pris  sous  sa  protection  spéciale  cette  jolie  chanson- 
nette que  tout  le  monde  voudra  lui  entendre  dire. 

La  Fvga  di  Bianca  Capella  ,  del  signer  Tadolini ,  n'est 
point ,  comme  on  pourrait  le  croire ,  une  fugue  à  un  ,  deux , 
trois  ou  quatre  sujets  avec  exposition  ,  épisodes ,  répercus- 
sions ,  strettes,  pédale,  etc.  ;  non  pas  que  l'auteur  ne  soit 
fort  capable  de  résoudre  les  problèmes  les  plus  compliqués 
de  la  science,  mais  cette  fois,  il  faut  reconnaître  que  tout  cela 
ne  lui  eût  été  d'aucun  secours,  puisqu'il  s'agissait  simplement 
d'una  fuga  amorosa  (à  deux  sujets  s'entend),  genre  de  com- 


position qui  n'entre  pas  dans  la  catégorie  des  études  classi- 
ques, et  ([u'on  n'a  pas  encore  enseignée  aux  élèves  du  Con- 
servatoire.— Pour  peindre  la  fuite  de  deux  amants  ,  la  seule 
chose  qui  fût  nécessaire  au  maestro,  c'était  quelque  cantilène 
bien  expressive,  bien  touchante,  bien  passionnée,  sans  oublier 
un  accompagnement  plein  d'intérêt  et  de  couleur  harmoni- 
que; voilà,  en  effet,  ce  qui  distingue  l'œuvre  de  M.  ïadolini, 
qu'on  ne  manquera  point  d'apprécier  comme  elle  mérite  de 
l'être.— Ce  dernier  morceau  vient  clore  la  liste  des  publica- 
tions annoncées  en  tête  de  notre  article;  maintenant  nous 
pouvons  quitter  la  plume:  notre  lâche  est  remplie. 

Georges  Kastner. 


>lil    PV   W1&^@1 


GKANDE  MÉTHODE  COMPLÈTE  A  l'uSAGE  DU  CONSERVATOIRE  , 
Far  M.   GUICHARD. 

n  se  demande  comment  il  se  fait  que ,  dans  le 
mouvement  musical  qui  règne  en  France,  le  vio- 
lon ,  ce  roi  constitutionnel  de  la  république  in- 
strumentale, soit  pris  en  indifférence  par  la  géné- 
ralité des  amateurs.  Il  est  certain,  il  est  évident 
que  cet  instrument  est  négligé.  Le  violon  est  cependant  l'in- 
terprète essentiel ,  indispensable  de  toute  musique  d'ensem- 
ble ;  et  comme  organe  soliste ,  c'est  encore  l'instrument  qni 
remue,  impressionne  et  charme  le  mieux  un  auditoire.  S'il 
compte  beaucoup  moins  de  sectaires  fervents  dans  le  monde, 
il  faut  convenir  au  reste  que  le  nombre  de  ceux  qui  le  culti- 
vent par  état  ne  diminue  pas,  car  le  concours  du  Conserva- 
vatoire  se  montre  chaque  année  plus  nombreux  et  plus 
brillant. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  faut  être  animé  d'une  noble  courage 
pour  reprendre  aô  ovo  les  principes  et  l'enseignement  de  cet 
instrument,  et  parfaire  une  méthode  d'après  toutes  celles  qui 
ont  été  publiées.  C'est  cependant  h  ce  travail  utile  que  vient  de 
se  livrer  M.  Guichard,  ex-premier  violon  du  Théâtre-Italien 
de  Paris.  Sa  Méthode  complète  et  raisonnée  à  l'nsage  du  Con- 
servatoire est  l'ouvrage  d'un  professeur  patient,  logique  et 
tout  dévoué  au  bel  art  de  jouer  du  violon.  M.  Guichard  n'a 
jamais  eu,  que  nous  sachions,  une  grande  renommée  comme 
soliste;  il  n'a  pas  promené  son  talent  des  bords  du  Tage  aux 
bords  de  la  Neva  ;  mais  cela  n'est  pas  nécessaire  pour  faire  un 
bon  ouvrage  en  ce  genre.  Les  plus  célèbres  instrumentistes  ne 
sont  pas  ceux  qui  ont  écrit  les  meilleures  méthodes.  Rode , 
Kreutzer  et  Baillot,  aidés  de  Cherubini,  en  ont  fait  paraître 
une,  adoptée  par  le  Conservatoire,  pour  servir  à  l'enseigne- 
ment dans  cet  établissement,  qui  n'a  jamais  été  adoptée  par 
aucun  professeur  ni  aucun  élève.  Au  reste,  quand  on  a  quel- 
que expérience  de  l'enseignement ,  on  acquiert  la  conviction 
que  toutes  grammaires  ou  méthodes ,  quelque  défectueuses 
qu'elles  soient,  sont  toujours  bonnes  avec  un  bon  professeur. 
Il  y  a  même  plus ,  une  mauvaise  grammaire ,  comme  une 
mauvaise  méthode,  offre  quelquefois  l'occasion  au  maître  d'en- 
seigner à  son  élève  comment  il  ne  faut  pas  faire  ,  ce  qui  fait 
partie  aussi  de  tout  bon  enseignement.  Nous  ne  pousserons 
pas  cependant  cette  assertion  plus  loin  de  peur  de  tomber  dans 
le  paradoxe,  et  nous  dirons  ici  avec  franchise  que  M.  Guichard 
a  rendu  un  véritable  service  à  l'art  du  violon  en  colligeant , 
en  résumant  d'une  manière  claire,  lucide,  tout  ce  qui  a  été  dit 
et  fait  par  les  grands  maîtres  pour  ce  bel  instrument. 

Toute  la  partie  élémentaire  de  cette  méthode  est  traitée  avec 


M6 


REVUE  ET  GAZETTE  IMUSICALE 


une  conscicuce  infinie,  avec  des  développements  qui  attestent 
l'expérience  et  la  patience  du  professeur.  Après  les  principes 
de  musique  ,  commencement  indispensable  à  toule  méthode 
inslrumeniale,  l'auteur  donne  toutes  les  gammes  à  la  première 
position  ,  en  rondes  ou  blanches  pointées  ,  avec  une  partie 
d'accompagnement  d'un  second  violon,  deslinée,à  être  jouée 
par  le  professeur.  Cette  idi'e  est  prise  à  la  méthode  du  Con- 
servatoire, traitée  dans  celle  partie  par  Chcrubini ,  qui  a  fait 
d'admirables  basses  sur  ces  simples  gammes  par  rondes  aussi. 
La  partie  de  second  violon  employée  par  M.  Guichard  est 
d'une  harmonie  correcte  et  pure  ;  puis  viennent  ensuite  des 
exercices  élémentaires  pour  violon  seul.  Ces  exercices  sont 
nombreux  sans  êlre  trop  décourageants  pour  les  élèves  ;  ils 
sont  d'ailleurs  progressifs  et  n'ont  pas  plus  de  huit  pages,  et 
mettent  l'élève  en  voie  de  se  perfectionner  dans  l'art  de  se 
servir  de  l'archet  parTariiiii.  Viennent  ensuite,  en  une  dou- 
zaine de  pages,  30  leçons  progressives  et  chantantes  dans 
les  ions  les  2' lus  usiiés ,  toujours  avec  accompagnement  d'un 
second  violon.  Ces  petits  exercices  ingénieux  et  faciles  peu- 
vent tenir  lieu  de  travail  vocal  préparatoire ,  si  indispensable 
à  tous  ceux  qui  veulent  devenir  sérieusement  musiciens, 
quoique  l'auteur  recommande  plusieurs  fois  l'élude  du  solfège 
comme  point  de  départ  absolument  nécessaire  à  une  bonne 
éducation  musicale. 

Les  traits  d'agrément ,  le  circolo-mezzo  ,  le  trille,  les  ap- 
poggiature,  les  petites  notes  trouvent  ici  tout  naturellement 
leur  place;  et  puis  viennent  trois  duos  progressifs  qu'on  pour- 
rait peut-être  trouver  un  peu  naïfs,  si  la  première  condition  , 
cjuand  on  parle  à  des  élèves,  n'était  pas  d'être  simple.  L'idée 
de  faire  suivre  ces  petits  duos  par  des  exemples  en  double 
corde  est  fort  bonne,  et  surtout  celle  de  leiu-  donner  une 
forme  harmonique,  c'est-à-dire  des  principaux  accords  en 
deux ,  trois  et  quatre  sons  superposés. 

Troisduos  concertants  terminent  la  première  parliede  celte 
méthode.  Ces  petits  duos,  qu'on  aurait  pu  faire  d'une  forme 
mélodique  un  peu  plus  actuelle ,  rappellent  quelque  peu  le 
style  de  ceux  de  Pleyel;  mais  par  cela  même  ils  sont  chan- 
tants, bien  doigtés,  et  par  conséquent  faciles  à  jouer. 

Le  démancher,  les  gammes  et  exercices  à  toutes  les  posi- 
tions ouvrent  la  seconde  partie.  Chaque  gamme  et  chaque 
exercice,  à  chacune  de  ces  positions  ,  sont  suivis  d'une  leçon 
mélodique  en  duo  ;  puis  d'exemples  du  démancher  dans  les 
sept  positions,  et  sur  chaque  corde,  chose  oubliée  dans 
presque  toutes  méthodes,  et  qui  est  cependant  d'une  réelle 
utilité. 

Comme  tout  faiseur  de  méthode ,  M.  Guichard  traite  de 
l'expression  dans  son  ouvrage;  mais  cela  sans  manière,  sans 
phrases,  sans  esthétique  ridicule.  Il  donne  en  dix  lignes,  ap- 
puyées d'une  citation  de  J.-J.  Rousseau  fort  bien  choisie,  une 
concise  et  suffisante  définition  du  goût ,  du  sentiment  et  de 
l'expression,  en  engageant  avant  tout  l'élève  à  acquérir  le  mé- 
canisme de  l'instrument,  qui,  seul,  peut  le  mettre  à  même  de 
rendre  ce  qu'il  sent  :  voilà  tout  le  secret  de  l'expression  mu- 
sicale de  l'individualité. 

Les  exemples  donnés  par  l'auteur  des  différents  coups  d'ar- 
chet pris  dans  divers  ouvrages  de  nos  grands  maîtres,  paraî- 
tront un  peu  courts  selon  nous  ;  mais  ils  sont  suffisants.  Dans 
ces  exemples,  sont  compris  le  legato  ,  le  grand  détaché,  le 
tremolando ,  le  martelé,  le  staccato,  le  ricochet,  le  détaché 
léger,  le  détaché  perlé,  le  détaché  sautillé,  les  arpèges  ,  le 
coup  d'archet  saccadé,  le  trémolo,  etc.  Après  ces  aperçus 
mécaniques  de  l'art  de  l'archet,  l'auteur  fait  quitter  à  l'élève 
le  champ  aride  du  mécanisme  de  l'instrument,  et  lui  donne 
encore  l'occasion  de  dialoguer  avec  son  maître  en  jouant  trois 


grands  duos  concertants  tout  empreints  de  la  manière  clas- 
sique ,  le  premier  en  mi  mineur,  le  second  en  ré  majeur,  et 
le  troisième  en  mi  bémol  majeur.  A  la  suite  de  ces  trois  duos, 
qui  auraient  fort  bien  pu  terminer  la  méthode ,  et  laisser 
l'élève  sur  la  bonne  bouche  de  suave  mélodie  et  de  pure  har- 
monie ,  l'auteur  a  mieux  aimé  finir  par  six  études  exclusive- 
ment mécaniques  pour  violon  seul  ;  puis  viennent  les  moyens 
factices,  en  dehors  du  caractère  de  l'instrument,  les  moyens 
charlataniques  enfin,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi,  de  pro- 
duire de  l'effet ,  tels  que  les  sons  harmoniques ,  le  pizzi- 
cato, etc. ,  dont  ont  beaucoup  uséPaganini  et  ses  imitateurs. 
M.  Guichard  n'a  rien  omis  dans  sa  méthode  :  tout  y  est 
bien  classé,  bien  traité,  sans  esprit  trop  étroitement  scolas- 
tique.  Il  a  réuni ,  concilié  ces  deux  problèmes  :  instruire  et 
amuser  l'élève  dans  la  tâche  difficile  d'enseigner  à  jouer  du 
violon,  art  utile,  indispensable,  et  duquel  dépendent  les  pro- 
grès de  l'art  musical  en  France,  où  cet  art  prend  depuis  quel- 
que temps  un  essor  prodigieux. 

Henri  Blanchard. 


Correspondance  particiilière. 

Lyon,  20  mars  1844. 

Nous  avons  eu  hier  soir  la  première  représenlatîon  âeDom  Sébas- 
tien. Les  merveilles  que  quelques  amis  de  la  direction  avaient  an- 
noncées, cette  mise  en  scène  si  pompeuse  qui  ne  devait  le  céder  en 
rien  à  celle  de  l'Académie  Royale,  ont  été  réalisées  par  trois  ou 
quatre  douzaines  de  soldats  plus  ou  moins  bien  historiquement 
vêtus,  et  par  deux  décors  assez  remarquables.  Tout  le  reste  a  été 
d'une  pauvreté  insigne.  Cependant  le  directeur  disait  avoir  vu  l'ou- 
vrage à  Paris  et  ne  devait,  pour  cette  raison ,  recevoir  de  conseil  de 
personne;  il  est  bien  fâcheux  qu'il  n'ait  pas  suivi  autant  que  possi- 
ble~ce  qui  se  fait  à  l'Opéra  ,  car  celte  malheureuse  idée  de  s'aban- 
donner à  ses  propres  inspirations  n'aurait  pas  compromis,  en  la  ri- 
diculisant, une  pièce  qui  ne  pouvait  avoir  ici  d'autre  succès  que 
celui  d'une  féerie.  La  scène  des  funérailles  a  paru  bouffonne;  un 
corbillard  du  genre  de  ceux  que  ^ous  avez  à  Paris  pour  vos  enterre- 
ments de  troisième  c'a?se  ,  une  marche  mal  ordonnée, 'un  peu  de 
cohue  ;  voilà  ce  qu'a  été  tout  ce  grandiose  qu'on  nous  promettait. 

Quant  à  l'exécution,  je  voudrais  ne  pas  vous  en  parler  encore ,  car 
malgré  les  nombreuses  répétitions  générales,  il  n'y  a  pas  eu  le  moin- 
dre ensemble.  De  plus  M.  Delahaye  était  visiblement  fatigué,  et 
c'est  le  seul  qui  probablement  eût  été  bien  placé  d.ins  son  rôle.  Celui 
de  Massol  était  rempli  par  le  ténor  d'opéra-comique,  jeune  homme 
qui  ne  manque  pas  de  latent ,  mais  qui  n'avait  que  faire  au  milieu 
de  tout  ce  tapage.  Le  rôle  de  Zaïda  a  été  crié  faux  d'un  bout  à  l'au- 
tre. Le  Camocns,  M.  Flachat  jeune  ,  a  eu  les  honneurs  de  la  soirée  , 
on  a  applaudi  sa  jolie  voix  qui  a  fait  passer  un  peu  sur  son  inexpé- 
rience de  la  scène  et  sa  mauvaise  méthode  de  cliant. 

Maintenant  le  décorateur,  qui  s'attendait  à  une  ovation,  a  eu  deux 
salves  d'applaudissements  au  troisième  et  au  cinquième  acte.  Tel  a 
été  le  plus  clair  de  l'onlhousiasme.  Dieu  protège  Dom  ISébastien  à 
Lyon  ! 


Londres  ,  le  18  mars. 

LAclelia  de  Donizetli  a  obtenu  un  brillant  succès ,  qui  se  prolon- 
gera pendant  la  saison.  Le  talent  de  M'""  Persiani  a  contribué  beau- 
coup aux  applaudissements  que  cet  ouvrage  a  obtenus.  Demain  nous 
aurons  le  chef-d'œuvre  d'Hérold.  Ptien  n'a  été  épargné  pour  faire  de 
Zampa  un  attrait  vif,  nouveau  pour  nos  dilellanti.  Samedi  nous 
verrons  la  tant  vantée  signorina  Favanti ,  dans  la  Cenereniola.  Nous 
espérons  avoir  à  proclamer  vraie  l'admiration  qu'ont  les  Italiens 
pour  celle  jeune  cantatrice  que  l'Anglelerre  a  vue  naître.  Le  ballet 
Esmeralda  est  monté  avec  un  luxe,  un  soin  digne  de  l'Académie 
royale  de  Paris,  et  obtiendra  un  grand  succès  de  vogue,  CarloUa 
Grisi  et  Perrot  en  font  les  honneurs  avec  leur  admirable  talent.  Les 
décors  sonl  delà  plus  grande  magnificence. Tout  cela  doil  vous  prou- 
ver que  l'habile  Lumiey  réussira  aussi  bien  cette  année  que  la  der- 
nière. 

Le  succès  de  Duprcz  à  Drnry-Lane  est  colossal,  et,  malgré  la  ré- 
munération excessive  qu'il  reçoit  chaque  soir  (2,500  francs),  l'admi- 


DE  PARIS. 


107 


nistration  y  trouvera  son  compte.  Duprez  répète  la  Favorite,  qui  sera 
représentée  vendredi  prochain.  Nouvel  attrait  pour  le  public,  cl  nou- 
veaux triomphes  pour  le  roi  des  ténors  de  France  ,  comme  l'on  dit 
.  ici. 

Les  concerts  de  Wilsonetde  Beuler  continuent  toujours.  On  attend 
les  artistes  étrangers ,  et  principalement  Thalberg ,  Liszt ,  Dohler  et 
Ernst. 


LA  TROMPE. 

lïessia  de  Gavarni. 

Le  plus  fort  chasseur  parmi  les  écrivains,  et  le  plus  habile 
écrivain  parmi  les  chasseurs  ,  M.  EIzéar  Blaze ,  définit  ainsi 
la  trompe  :  «  Instrument  de  musique  ;  il  sert  aux  chasseurs 
»  pour  s'appeler  dans  les  bois  ,  pour  faire  connaître  les  divers 
1)  incidents  de  la  chasse  et  pour  célébrer  la  victoire  ,  lorsque 
))  victoire  il  y  a.  »  Donc  la  trompe  est  tout  à  la  fois  un  instru- 
ment de  musique  et  de  guerre  ;  il  sonne  la  charge ,  bat  le 
rappel ,  chante  le  Te  Dmm  !  Celui  qui  joue  de  la  trompe  est 
un  personnage  important ,  une  espèce  de  maître  Jacques  ! 
Mais  comme  on  ne  peut  pas  toujours  tromper  (est-ce  que 
irompéier  vaudrait  mieux?  ) ,  attendu  que  les  poumons  se  fa- 
tiguent et  que  le  gosier  se  dessèche,  il  faut  boire,  ou,  si  vous 
voulez,  jouer  de  la  gourde,  et  Gavarni  a  saisi  son  trompeur  dans 
cette  partie  accessoire  de  l'exercice  de  ses  fonctions.  Cela 
vous  explique  aussi  pourquoi ,  en  général ,  les  leçons  de 
trompe  ou  de  cor  de  chasse  se  donnent  dans  un  cabaret. 

M.  S. 


lie  sixième  Concert  de  la  Gazette  musicale  aura  ïieu  le  1  <='  avril. 
Nous  donnerons  le  programme  dans  le  prochain  numéro. 


nOTTTELLiBS. 

%*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  Stradella,  suivi  du  Diable  amoureux  ; 
au  second  acte  M.  Coralli  et  Al"»  Maria  danseront  la  Polka. 

*,*  Pendant  toute  la  semaine  on  a  répété  généralement  le  Luzza- 
rone,  dont  la  première  représentation  est  fixée  à  mercredi  prochain. 
Aujourd'hui  dimanche  aura  lieu  la  dernière  répétition  générale. 

",*  IMardi  prochain,  la  i'ijr'eiie  doit  être  représentée  à  l'Opéra- 
Comiquc. 

V  Deux  danseuses  célèbres  à  divers  titres,  M'"'*  Cerrito  et  Lola 
Montés,  se  sont  trouvées  ensemble  à  l'aris.  La  première  est  déjà  partie 
pour  Bruxelles. 

"/  Liszt  a  donné  des  concerts  à  Stettin.  Il  a  été  reçu  à  Berlin  avec 
enthousiasme;  mais,  malgré  toutes  les  demandes  et  prières  ,  il  n'a 
pas  voulu  donner  de  concerts ,  et  sera  à  Paris  le  25  mars. 

*,"  Jeudi  dernier,  dans  une  brillante  soirée  donnée  par  M.  Charles 
Mévil,  on  a  essayé  le  dliserere  de  Donizelti.  L'exécution  en  était 
confiée  à  dix-neuf  chanteurs  et  cantatrices ,  parmi  lesquels  on 
comptait  JIJI.  Octave,  Inchindi,  M'""  Capdeville  et  Masson. 
M.  Alary  tenait  le  piano.  A.  une  première  audition  ,  ce  qui  frappe  le 
plus  dans  celle  composition,  qui  vise  à  une  certaine  austérité  reli- 
gieuse, c'est  le  défaut  d'étendue  et  de  grandeur.  Si ,  comme  on  l'an- 
nonce, le  31iserere  doit  cire  exécuté  à  l'Opéra  pendant  la  semaine 
sainte ,  on  aura  l'occasion  de  se  prononcer  déflnilivement  sur  sa  va- 
leur. 

V  Rien  ilcplus  brillant  que  la  soirée  musicale  donnée  dernière- 
ment par  M.  Arnaud-Baumes.  Un  auditoire  d'élite,  une  réunion 
d'artistes  distingués,  un  choix  de  morceaux  charmants,  tout  contri- 
buait à  l'intérêt  de  ce  concert  intime.  M"""  Sabatier,  Lottin,  MM.  Al- 
lard,  Ponchard,  De  Courcelles,  ont  été  fort  applaudis.  Jl"=  Mondu- 
laigny  a  produit  surtout  beaucoup  d'effet  en  chantant  l'air  de  Fer- 
nand-Coriez,  et  deux  romances  très  jolies ,  Ilerlhe  la  folle  et  Comte 
et  Comtesse.  L'auteur  de  ces  deux  charmantes  compositions,  M.  Ar- 
naud-Baumes, a  fait  apprécier,  comme  toujours,  sa  voix  gracieuse, 
sa  méthode  pure ,  sa  diction  précise  et  bien  nuancée.  C'est  un  talent 
complet. 


*.*  M.  Tudor  a  donné  mercredi  dernier,  dans  ses  magnifiques  sa- 
lons, une  des  plus  brillantes  soirées  de  la  saison.  On  y  a  entendu 
M^'sGrisi,  Brambilla  ,  MM.  Lablache,  Mario  et  Ronconi  exécuter 
les  plus  beaux  morceaux  de  Rossiiii ,  Eellini,  etc.  Le  fameux  trio  de 
Guillaume  'Tell ,  chanté  par  Lablache  ,  Mario  et  Ronconi ,  a  été  re- 
demandé unanimement.  La  partie  instrumentale  de  ce  mémorable 
concert  a  été  confiée  à  M.  Georges  Malhias ,  pianiste  qui  a  excité  un 
véritable  enthousiasme  par  un  morceau  remarquable  de  sa  compo- 
sition sur  des  motifs  du  Freijschut-. 

*,*  L'archiduchesse  de  Parme,  Marie-Louise,  vient  de  nous  si- 
gnaler l'opinion  qu'on  doit  se  faire  à  Paris  du  talent  perfectionné 
de  notre  compatriote  Dérivis,  en  lui  faisant  cadeau  d'une  superbe 
épingle  en  diamants,  distinction  que  cette  souveraine,  excellente 
virtuose  elle-même',  n'avait  jusqu'à  ce  jour  accordée  qu'à  deux  des 
plus  grandes  gloires  lyriques  de  ces  temps-ci  :  c'est-à-dire  Lablache 
et  Duprez.  —  Dérivis  a  mérité  celte  flalteuse  distinction  dans  les 
concerts  de  cour,  et  surtout  en  créant  avec  un  latent  sur  lequel  tous 
les  journaux  italiens  sont  unanimes  le  nouvel  opéra  de  Mercadante, 
le  liécjent  (sur  le  livret  de  Gustave  III ,  de  Scribe).  Trois  saisons 
consécutives  à  la  Scala  de  Milan ,  deux  à  Vienne ,  ce  dernier  succès 
à  Parme  ,  trois  ou  quatre  partitions  expressément  composées  pour 
lui  ,  voilà  des  titres  qui  doivent  être  plus  que  suffisants  pour  que 
l'administration  de  l'Opéra  songe  sérieusement  à  nous  rendre  Dé- 
rivis. 

V  Une  grande  fête  vient  d'être  célébrée  à  Turin  pour  le  300"  an- 
niversaire de  la  naissance  du  Tasse.  La  poésie  et  la  musique  se  sont 
associées  dans  cette  circonstance  solennelle.  Les  plus  grands  poètes 
vivants  de  l'Italie  ont  tour  â  tour  célébré  le  génie  de  l'auteur  de  la 
Jérusalem  délivrée,  et  pour  la  clôture  on  à  exécuté  une  cantate  de 
Rossini  que  l'auditoire  enthousiaste  a  fait  répéter  jusqu'à  trois  fois. 

*,"  Moriani  est  arrivé  à  Hambourg,  où  il  donnera  deux  représen- 
tations. Il  se  fera  entendre  dans  les  Puritains  et  dans  Lucia. 

V  M.  Doebler  n'a  pu  résister  aux  demandes  de  l'assemblée  élégante 
qui  se  trouvait  à  son  premier  concert,  et  qui  en  demandait  una- 
nimement un  deuxième.  Le  célèbre  artiste  le  donnera  donc  mercredi 
3  avril.  La  foule  fashionable  n'y  manquera  pas. 

*»•  Le  programme  du  concert  donné  à  l'Opéra-Comique  le  samedi 
6  avril,  par  M.  Berlioz,  sera  du  plus  vif  intérêt.  On  doit,  entre  autres 
choses  piquantes,  y  entendre  le  concerto  de  violon  de  Beethoven 
exécuté  par  Alard  ,  cl  un  autre  concerto  de  violon  de  Paganini,  exél 
cuté  parSivori,  qui  viendra  à  Paris  tout  exprès  pour  ce  concert.  On 
espère,  déplus,  que  Liszt  reparaîtra  dans  celle  solennité  musicale. 
La  place  manquera  donc  à  la  foule  des  amateurs. 

*/  il""  Ronconi ,  celle  belle  et  expressive  cantatrice,  donnera  un 
concert  lundi,  l"'  février,  à  huit  heures  du  soir,  dans  les  salons  de 
Herz.  On  entendra  les  morceaux  italiens  les  plus  à  la  mode  chantés 
par  la  bénéficiaire,  M"'«  Brambilla,  Salvi,  et  M.  Ronconi.  MM.  Piatti 
et  Herz  exécuteront  des  solos  de  violoncelle  et  de  piano. 

*,"  Un  des  concerts  les  plus  intéressants  de  la  saison  sera  celui 
donné  par  i\I.  Delsarte,  le  12  avril,  dans  ses  salons.  Voici  le  pro- 
gramme qui  fixera  l'altenlion  de  tous  les  vrais  amateurs  de  musique. 
M.  Delsarle  chantera:  1.  le  Songe  àTphigénie,  de  Gluck;  2.  la  scène 
de  la  Révolte  de  Feniand-Cortez,  deSpontini;  3.  le  Chant  des  saints, 
de  Gounod;  'i.  l'air  de  Castor  et  Poilus ,  de  Piameau;  5.  une  Gavotte 
tendre  du  prologue,  même  opéra,  de  Rameau;  (i.  l'air  Ah  !  quel 
tourment,  de  Roland ,  de  Lully;  7.  Stances  de  Malherbe  ,  de  Reber 
S.  air  de  Femdnd-Cortez,  deSpontini;  9.  grand  air  à'Alceste,  de 
Gluck.  On  trouve  dos  billets  au  prix  de  15  fr.  chez  M.  Delsarte,  S,  rue 
Coquenard. 

V  Le  concert  de  M.  Seligmann,  ce  jeune  violoncellisle  d'un  talent 
si  fin  et  si  distingué,  aura  lieu  le  9  avril,  dans  les  salons  d'Érard.  On 
y  entendra  MM.  Doehier,  Osborne,  Mecalti,  Ilermann  et  Seligmann, 
et  M""5  Castellane,  Brambilla  elBouIangé-Kunzé.  Un  morceau  pour 
deux  pianos  sera  exécuté  par  MM.  Doehier  et  Osborne. 

*,*  Le  concert  de  M»"  Pauline  Jaurdan  aura  lieu  jeudi  2S  mars; 
on  y  entendra  un  morceau  nouveau  pour  la  h/irpc ,  composé  et  exé- 
cuté par  la  bénéficiaire,  MM.  Ofi'enbach  ,  Triébert,  Tagliaûco  ,  La- 
blache, Boulanger,  et  M"'«  Lovedey,  Brambilla,  Sabatier  et  Va- 
vasseur. 

*,"  M.  Louis  Lacombe,  de  retour  à  Paris  de  sa  brillante  tournée 
dans  les  principales  villes  de  France,  donnera  un  grand  concert  lundi 
prochain  ,  salons  de  M.  Erard.  Indépendamment  d'un  grand  duo  à 
deux  pianos  sur  Frciischniz  de  Wcber,  exécuté  par  les  célèbres  pia- 
nistes Dohler  et  Lacombe,  voici  les  morceaux  de  sa  composition  que 
doit  exécuter  le  bénéficiaire  :  Quintette,  fantaisie  sur  Béatrice  di 
Temltt  (l'cdemandée) ,  Polonaise,  le  S'oir,  une  Etude  et  son  duo  sur 


108 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


OA^ro'!  avec  le  violonisle  Herman. —  M'"'^Sabalier,  MM.  TagliaCco, 
Révial ,  Lcfort ,  Séligmann  ,  Jancourt  et  Triéberl  se  feront  entendre 
dans  ce  concert. 

*,"  M""'  Sabatier  et  M.  Tagliaflco  sont  de  relour  de  leur  voyage  à 
Reims.  les  journaux  de  celte  ville  ne  tarissent  pas  sur  le  succès 
d'enthousiasme  obtenu  par  ces  deux  jeunes  artistes.  Notre  gracieuse 
cantatrice  a  su  comme  toujours ,  comme  parîout  commander  l'ait- 
roiration.  M.  Tagliatico  a  fait  applaudir  sa  belle  voix  et  sa  méthode 
sûre;  la  romance  de  Charles  VI,  qu'il  a  dite  en  mailrc,  lui  a  été 
redemandée. 

*,*  Dans  un  concert  donné  cette  semaine,  on  a  entendu  et  remar- 
qué M.  Wagner,  jeune  pianiste,  dont  le  talent  doiine  beaucoup 
d'espérance. 

*,*  M.  César-Auguste  Frank  a  été  retenu  pendant  près  de  deux  mois 
par  une  grave  maladie;  ses  nombreux  amis  apprendront  avec  plai- 
sir que  ce  jeune  artiste  remarquable  reprendra  bientôt  le  cours  de 
ses  leçons. 

"."  On  lit  dans  le  Courrier  de  Manchester  :  Le  grand  festival  aura 
lieu  le  S  et  le  9  avril.  Les  directeurs  ont  eu  l'excellente  idée  d'enga- 
ger pour  celle  solennité  M.  Ernst,  le  célèbre  violonisle  alleman'l,  que 
nous  avons  eu  le  bonheur  d'applaudir  l'année  dernière  pendant  le 
trop  court  séjour  qu'il  a  fait  en  Angleterre.  Le  style  de  cet  ;irtis'.e 
est  très  élevé,  et  sa  manière  de  jnucr  ;iùm\ta.h\&(wonderJul),  comme 
qualité  de  son  et  comme  expression.  Son  succès  chez  nous  est  assuré 
d'avance. 

*,"  Le  Musical  Examiner,  journal  anglais  soi-disant  musical, a  Ira- 
àu'\l\' Eiifhonia  de  Berlioz,  et  a  indiqué  comme  journal  dont  il  l'a 
extrait  le  Figaro.  Voilà  une  loyauté  dont  les  Anglais  ne  se  vante- 
ront pas. 

*."  L'Arl  de  délier  les  doigts,  tel  est  le  titre  d'un  grand  ouvrage 
contenant  bl) Eludes  pour  toutes  les  difficultés  du  piano,  que  Czerny 
vient  de  composer,  et  dont  le  premier  livre ,  renfermant  25  Etudes, 
sera  publié  le  ["avril.  Nous  fixons  l'attention  de  tous  les  pianistes 
sur  cet  ouvrage  très  remarquable  ,  qui  obtiendra  certainement  non 
moins  de  succès  que  l'^ri  de  la  vélocité  du  même  auteur. 

*.•  M.  Challamel  fait  paraître  en  ce  moment  Je  Salon  de  1844.  Un 
goût  sévère  et  délicat  préside  à  cette  publication.  Le  Salon  de  1844 
obtiendra  certainement  le  succès  des  Salons  de  IS'iO,  1S41,  1842  et 
1843,  publiés  par  le  même  artiste.  Tous  les  premiers  peintres  de 
France  collaborent  à  cette  belle  œuvre  ,  qui  prendra  rang  dans  les 
bibliothèques  des  amateurs  de  beaux  livres  sur  les  aris.  L'ouvrage 
de  M.  Challamel  se  trouve  chez  tuusles  libraires  et  marchands  d'es- 
tampes de  la  France  et  de  l'étranger. 

CIiuroniqHe  déiiaftententale. 

*,*  Marseille. — L'éclatant  succès  do /a  Reine  de  Chypre  prouyc  que 
chaque  fois  qu'une  administralion  théâtrale  se  donne  la  peine  de 
monter  les  grands  ouvrages  avec  tout  le  soin  qu'ils  méritent,  le  public 
se  charge  de  l'indemniser.  La  mise  en  scène  de  la  Heine  de  Chypre  a 
été  consciencieusement  traitée  par  .M.  Laverrière  ,  qui  a  eu  l'heu- 
reuse idée  de  profiter  de  la  présence  à  Marseille  de  M.  GircI  ,  ex- 
administrateur  du  théâtre  de  Toulouse ,  et  de  réclamer  ses  conseils 
pour  l'exécution  scénique  d'un  ouvrage  que  Toulouse  joue  depuis 
deux  ans,  et  que  M.  Girel  snvait  par  cœur.  Cette  collaboration, 
toute  désintéressée,  a  porté  fruit.  La  partie  musicale,  confiée  à  la 
science  éprouvée  de  M.  Pépin ,  ne  laisse  rien  à  désirer.  Il  eût  été  im- 
possible de  mettre  mieux  en  œuvre  les  éléments  que  cet  habile  chef 
d'orchestre  avait  sous  la  mains  C'est  un  pénible  travail  bien  réussi. 
Du  reste,  le  nombreux  personnel  du  Grand-Théâtre  a  rivalisé  de 
dévouement  dans  cette  circonstance  si  décisive  pour  les  intérêts  de 
tous.  Chacun  a  plus  ou  moins  droit  à  revendiquer  une  part  de 
succès. 

.",  Saint-Quentin. —  La  Société  philharmonique  vient  do  donner 
un  concert  très  remarquable  au  profit  des  indigents.  Plus  de  cent 
vingt  exécutants  ou  chanteurs  ont  concouru.  M.  Courtois  aîné,  aussi 
habile  chef  d'orchestre  que  violoniste  distingué,  a  eu  les  honneurs 
de  cette  soirée.  Entendu  deux  fois,  dans  un  duo  avec  sa  fille,  élève 
très  remarquable  de  M.  Stamaty,  et  dans  une  fantaisie  d'Arlût ,  il  a 
montré  toules  les  ressources  de  son  beau  talent.  la  salle  entière,  par 
une  triple  salve  d'applaudissements,  lui  a  rendu  justice.  L'ouverture 
de  Charles  Vl  doit  êlre  mentionnée  particulièrement,  car  elle  a  été 
dite  avec  autant  de  vigueur  que  de  précision.  Le  beau  chœur  d'in- 
troduction de  Moïse,  un  chœur  des  Huguenots  et  le  chant  national  do 
Charles  VI  ont  été  dits  également  avec  un  ensemble  remarquable. 
M"«  Obletz ,  Desamis  et  D...,  amateur  distingué ,  ont  montré  beau- 


coup de  talent.  Cette  dernière  a  fait  valoir,  dans  une  fantaisie  bril- 
lante dcHerz,  un  excellent  piano  nouveau  modèle  à  8  octaves  de  Pape. 

*,•  Orléans.  —  Le  troisième  concert  de  i'instilut  musical  a  eu  lieu 
le  I.")  mars.  On  avait  appelé  de  Paris  MJl.  ICrnst  et  Hellcr,  qui  ont 
bien  voulu  venir  nous  faire  applaudir  leur  magnifique  talent  et  des 
compositions  d'un  mérite  de  premier  ordre.  Ces  messieurs  ont  exé- 
cuté ensemble  qualre  pièces  fugiiives.  Romance  ,  l'Inquiétude,  l'A- 
dieu et  le  Lied,  qui  sont  depelitschefs-d'œuvre.  Puis  M.F.rnst  a  joué 
seul  une  Romance  et  le  Feuillet  d'Album  ,  et  sa  célèbre  fantaisie  sur 
la  romance  d'C'(«Ho.  llaproduit  un  enthousiasme  universel.  M.  Hel- 
ler  nous  a  fait  entendre  des  Eludes  de  sa  composition  et  la  Truite  de 
Schubert  arrangée  par  lui  d'une  manière  très  brillante.  Tout  le 
monde  criait  en  l'applaudissant  :  M.  Heller  est  un  grand  pianiste  et 
un  grand  compositeur. 

*,*  Valenciennes ,  4  mars.  —  Vol  d'un  fa  diize.  — On  s'était  aperfu 
depuis  quelque  temps  que  le  carillon  du  collège  avait  des  lacunes; 
des  recherches  furent  faites  à  cet  égard,  et  l'on  découvrit  l'absence 
d'un  fa  dièze  et  de  plusieurs  cloches.  Une  enquête  judiciaire  dé- 
montra que  la  soustraciion  provenait  de  l'horloger,  chargé  par 
l'administralion  de  l'entrelien  de  l'horloge  du  collège.  En  consé- 
quence,  le  tribunal  correctionnel  de  Valenciennes  a  condamné, 
vendredi  dernier,  le  sieur  Charles,  horloger,  à  8  jours  de  prison  , 
50  fr.  d'amende,  la  rcstitulion  des  objets  volés  et  aux  frais. 

"."  Avesnes.  —  Un  concert  a  été  organisé  ici  sous  la  direction  de 
M.  Stavany,  qui  a  fait  exécuter  les  ouvertures  d'Oiello  et  de  la  Cazza 
Ladra ,  arrangées  avec  beaucoup  de  talent  pour  Irois  pianos.  Les 
morceaux  de  chant  ,  exécutés  par  M"=  K*"',  M""  G"'  et  M.  L.,  ama- 
teurs distingués ,  ont  été  couverts  d'applaudissemenls. 

Chronique  étrangère. 

*,*  Londres. — Au  Théâtre  de  la  Princesse,  on  vient  de  donner, 
avec  succès,  un  ballet  très  bien  monté  qui  a  pour  litre  :  Leola , 
ou  The  may-day  bride  (la  Fiancée  du  jour  de  mai)  ;  [le  sujet 
repose  sur  une  superstition  irlandaise. —  M.  de  Wilte,  harpiste 
de  la  cour  impériale  de  Russie,  vient  de  donner  un  très  beau  con- 
cert où  son  rare  talent,  sur  un  instrument  qui  commence  un  peu  à 
passer  de  mode,  n'en  a  pas  été  moins  vivement  apprécié.  —  Tonte 
l'aristncralie  anglaise  ,  présidée  par  les  ducs  de  Cambridge  et  de 
Wellington,  semblait  s'êlre  fait  un  point  d'honneur  d'assister  à  la 
première  séance  des  anciens  concerts,  parvenus  à  leur  6£°  année.  On 
y  a  distingué  un  morceau  du  Samson  de  Haendel  :  Dead  mardi. 

•,*  Jullien  a  reçu  des  artistes  qu'il  dirigeait  dans  ses  concerts- 
promenades  un  élégant  bâton,  comme  témoignage  de  ses  loyaux  pro- 
cédés à  leur  égard. —  Le  chanteur  Phillips  s'apprélc  à  partir  l'au- 
tomne prochain  pour  l'Amérique,  où  il  compte  donner  des  concerts. 
—  Mendelssohn  vient  d'être  engagé  pour  conduire  six  concerts  de  la 
société  philharmonique,  à  partir  du  troisième  de  celte  saison,  qui  est 
fixé  au  29  avril.  —  Les  concerts  de  l'Académie  royale  ont  commencé. 
Les  noms  des  plus  grands  maîtres  et  ceux  des  meilleurs  cxécutanls 
figurent  sur  le  programme.  W.  Cramer  les  dirige. 

*,*  Berlin.  —  Lord  Westmorelaiid  ,  ambassadeur  extraordinaire  à 
la  cour  de  Pru.-se  ,  vient  d'être  nommé  membre  honoraire  du  Con- 
servatoire de  musique  devienne,  et  ses  compositions  ont  été  placées 
dans  la  bibliothèque  du  Conservatoire.  Il  donne  dans  son  palais  des 
matinées  musicales,  où  des  symphonies,  des  ouvertures,  des 
chœurs  et  des  airs  de  sa  composition  sont  exécutés  sous  sa  direction 
par  l'orchestre  de  l'Opéra  royal  et  par  les  artistes  les  plus  distingués, 
de  manière  à  satisfaire  les  plus  sévères  critiques.  Les  symphonies  se 
distinguent  par  la  suavité  des  mélodies  et  par  une  orchestration  où 
se  rcconnaîi  la  main  d'un  véritable  artiste. 

—  M.  Bernhard  Molique,  maître  de  concert  de  la  cour  de  Wur- 
temberg, a  donné  deux  conceris,  dans  lesquels  il  s'est  montre  l'un 
des  plus  éminciUs  virtuoses  sur  le  violon  et  composiieur  distingué. 
Le  public  l'a  applaudi  avec  fanatisme.  M.  Molique  est  parti  pour 
Saint-Pétersbourg. 

—  M.  Sigismond  Goldschmidt,  pianiste  de  Prague,  a  donné  un 
grand  concert  où  il  a  fait  entendre  plusieurs  de  ses  composilions  à 
grand  orchestre.  Une  ouverture  et  le  grand  concerto  (Op.  32)  de 
Charles-Marie  de  Weber,  qui  n'avait  été  exécuté  ici  en  public  que 
par  le  célèbre  auteur  lui-même  ,  ont  obtenu  le  plus  grand  succès.  Ce 
qui  ajoutait  à  l'intérêt  de  ce  concert ,  c'était  l'exécution  de  l'ouver- 
ture à'Ondine,  opéra  dont  la  musique  a  été  composée  par  le  cé- 
lèbre romancier  Hoffmann.  La  grande  partition  de  cet  ouvrage  a 
été  brûlée  en  18l7  dans  l'incendie  du  théâtre,  et  depuis  ce  temps, 
Ondiite  a  disparu  de  la  scène.  M.  Goldschmidt  est  parli  pour  Var- 
sovie. 

—  M.  Vesque  de  Putllingen ,  le  célèbre  auteur  des  opéras  de  Tu- 


DE  PARIS. 


109 


randot  et  de  Jeanne  d'Arc ,  donnés  sous  le  pseudonyme  de  J.  Hoven, 
et  qui  sont  au  répertoire  de  tous  les  théâtres  d'Allemagne,  a  quitté 
notre  ville,  où  il  était  venu  chargé  d'une  mission  diplomatique, 
pour  retournera  Vienne.  Sa  présence  a  eu  pour  effet  de  répandre  et 
de  populariser  parmi  nous  ses  tieder  et  ballades ,  que  l'on  chante 
presque  dans  tous  les  concerts.  On  croit  que  l'un  de  ses  opéras  sera 
représenté  l'année  prochaine  après  la  réouverture  du  théâtre  royal. 

—  Le  docteur  Pirmanich  vient  de  publier  un  recueil  de  tous  les 
idiomes  de  l'Allemagne  sous  le  litre  de  Germanicus  volker.slimmen. 
Cet  ouvrage,  contenant  beaucoup  de  poésies  qui  s'adaptent  à  la  mu- 
sique, est  loué  par  tous  les  journaux.  L'Alsace  et  la  Bourgogne  ont 
aussi  fourni  leur  contingent  à  l'ouvrage  du  docteur.  En  France ,  on 
avait  aussi  conçu  l'idée  d'un  ouvrage  de  ce  genre;  mais  la  chute  de 
l'empire  en  arrêta  l'exécution. 

—  Carlo  Broschi  [la  Part  du  Diable)  vient  d'être  représenté  à 
l'Opéra-Royal.  La  musique  d'Auber  et  le  spiriluel  libretlo  de 
M.  Scribe  ont  obtenu  beaucoup  de  succès.  La  charmante  Léopol- 
dine  Tuczek  ,  chargée  du  rôle  principal ,  y  a  surtout  contribué  par 
son  talent. 

—  M"""  Ronzi-Debegnis ,  une  célébrité  des  théâtres  de  l'Italie, 
vient  de  passer  dans  notre  ville  pour  se  rendre  à  Varsovie  ,  et  de  là  à 
Saint-Pétersbourg.  Tous  les  dilettanti  regrctient  vivement  qu'elle 
ait  été  trop  pressée  par  son  engagement ,  cl  obligée  de  refuser  l'offre 
de  chanter  les  rôles  d'Anna  Bolena  et  Lucia ,  que  le  maestro  Do- 
nizelti  a  écrits  pour  elle. 

—  Pour  célébrer  la  fête  de  S.  M.  la  reine ,  le  roi  avait  arrangé  un 
grand  concert  spirituel  ;  une  messe  de  Pergolèsc  cl  des  airs  de 
Meyerheer,  Mendefssohn  el  Kucken  ,  composaient  le  programme  : 
l'excellent  pianiste  Th.  ICullak  tenait  le  piano. 

—  G  mars.  —  Le  système  des  excursions  dans  le  domaine  de  l'an- 
tiquité continue  d'être  en  vigueur.  Une  réunion  d'étudiants  vient 
de  représenter  au  théâtre  du  Cercle  dramatique,  dit  d'Uranie.la 
comédie  de  Plaute,  intitulée  Captivi  [les  prisonniers),  dans  la 
langue  originale  et  réduite  en  3  actes ,  au  lieu  de  S  avec  le  prologue. 
Dans  les  entr'actes ,  vingt  étudiants  ont  exécuté  avec  accompagne- 
ment d'orchestre  trois  odes  d'Horace ,  dont  les  deux  premières 
avaient  été  mises  en  musique  pour  celte  occasion  par  M.  le  maître 
de  chapelle  Christian  Tauberl,  cl  la  troisième  l'était  déjà  par  l'il- 
lustre Meyerheer.  Les  décors,  exécutés,  d'après  les  dessins  de 
M.  l'architecle  Stank,  par  le  célèbre  peintre  Grossius,  ont  excité  l'ad- 
miration générale ,  surtout  celui  qui  représenle  une  rue  de  Pompéia. 
Les  costumes  avaient  élé  donnés  par  le  roi  ,  qui  les  avait  fait  des- 
siner sous  la  direction  du  célèbre  archéologue  Zimmerman.  Le  roi 
est  arrivé  à  l'hôlel  du  Cercle  d'Uranie  à  huit  heures  précises,  et  a 
été  reçu  par  une  dépulalion  de  cinq  étudiants,  avec  lesquels  il  s'est 
entretenu  très  longtemps.  Pendant  la  représenlaiion  ,  Sa  Majesté 
feuilletait  de  temps  à  autre  un  exemplaire  de  l'édition  stéréotypée 
des  œuvres  de  Plaute. 

V  yienne.  —  La  saison  des  concerts  a  commencé  chez  nous  sous 
les  plus  tristes  auspices.  Les  salles  sont  presque  vides.  Le  public  est 
las  de  ces  sortes  de  solennités  musicales.  Le  célèbre  Briccialdi  lui- 
même  s'est  fait  entendre  devant  des  banquettes  vides.  L'aristocratie 
se  renferme  dans  ses  salons  ,  et  les  bourgeois  vont  écouler  Strauss 
et  les  autres  virtuoses  delà  valse.  L'opéra  :  le  Retour  des  exilés ,  par 
M.  Nicolaï  (auteur  du  Templario),  a  eu  un  grand  succès  bien  réel. 
La  musique  se  ressent  à  la  vérité  des  allures  éclectiques  de  l'auteur; 
mais  elle  a  de  véritables  beautés.  Le  succès  de  C.uido  ei  Ginevra  a 
été  bien  éclatant,  quoique  l'on  se  soit  permis  d'écourter  par  des 
coupures  maladroites  cette  belle  partition  de  M.  Halévy.  Les  repré- 
sentations des  acteurs  français  sont  toujours  très  suivies;  elles  al- 
ternent avec  l'opéra  et  le  ballet. 

","  Francfort.  —  Ces  jours-ci ,  on  a  joué  à  notre  théâtre  le  Bar- 
bier de  Séville  ,  de  Rossini.  Ce  qui  donnait  un  piquant  intérêt  à  cette 
représentation,  c'est  que  M.  Hasselt  paraissait  pour  la  centième  fois 
dans  le  rôle  de  Bartolo.  A  son  apparition  il  fut  accueilli  avec  de 
bruyants  applaudissemenis.  L'acteur  remercia  le  public  dans  une 
allocution  un  peu  saugrenue,  qui  toutefois  lui  a  parfaitement  réussi. 
On  a  remis  à  la  scène  l'opéra  de  Médée  ,  de  Cherubini. 

"."  La  Haye ,  22  février.  —  La  Heine  de  Chypre  renouvelle  pour 
l'administration  de  notre  théâtre  français  le  succès  de  la  Juive  et 
des  Huguenots.  Chaque  fois  que  ce  bel  opéra  est  représenté  ,  la  salle 
est  comble.  Jeudi  dernier,  au  grand  déplaisir  des  abonnés ,  la  hui- 
tième représentai  ion  a  eu  lieu  ,  abonnement  suspendu ,  ce  qui  n'a 
pas  empêché  que  toutes  les  places  ne  fussent  retenues  quarante- 
huit  heures  à  l'avance. 

V  Vanovie.  —  L'opéra  polonais  est  au  plus  bas;  on  a  engagé 
une  troupe  italienne.  Parmi  les  virtuoses  qui  se  sont  tait  entendre 


chez  nous ,  il  faut  citer  MM.  Haumann  et  de  Meyer.  Par  malheur,  la 
majorité  du  public  n'est  guère  en  état  d'apprécier  le  véritable  la- 
lent:  aussi  les  artistes  font-ils  généralement  chez  nous  de  mau- 
vaises affaires.  Tout  passionné  que  le  Polonais  soit  pour  la  musique, 
il  n'y  a  guère  que  des  airs  de  mazourka  ou  de  krakowiaka  qui  aient 
de  l'attrait  pour  lui.  Maria  Taglioni ,  cette  héroïne  du  ballet, 
donne  depuis  quelque  temps  des  représentations  sur  noire  théâtre. 
Je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  qu'elle  est  accueillie  chaque  jour  avec 
des  transports  d'enthousiasme.  A  notre  grand  regret,  la  célèbre  dan- 
seuse doit  nous  quitter  bientôt  pour  se  rendre  à  Paris. 

"."  Milan.  —  A  la  Scala  on  annonce  l'opéra  intitulé  l'Ebria ,  dont 
la  partition  a  été  écrite  expressément  pour  ce  théâtre  par  le  maestro 
Pacini. 

—  Madrid.  —  On  s'occupe  au  Lycée  de  mesures  énergiques  pour 
couper  dans  la  racine  les  abus  de  cet  établissement,  et  le  ramener  à 
sa  destination,  celle  d'être,  non  une  spéculation  mesquine,  mais  le 
sanctuaire  des  aris  et  de  la  littérature.  —  Voici  comment  est  com- 
posée définitivement  l'entreprise  lyrique  del  Circo  :  prime-donne , 
Mmcs  Basso-Borio  et  Gariboldi  ;  seconde  prima.  M"'  Moreno-Farro; 
ténors,  Confortini  et  Unanue;  basses,  Salvatori  et  Spech.  M""«  Mo- 
reno,  que  nous  venons  de  mentionner,  vient  de  se  faire  connaître 
avec  succès  à  Madrid,  dans  un  air  de  las  Treguas  de  Ptolemaïde,  du 
maestro  Eslaba,  compositeur  espagnol. 

—  On  lit  dans  le  journal  el  Casiellano  :  Nous  avons  devant  nous 
les  premiers  numéros  de  la  Gazelle  musicale  et  littéraire  de  l'Aca- 
démie espagnole.  Cette  société,  qui  s'est  constituée  sous  la  protection 
de  S.  M.  la  reine  dona  Isabelle  II,  a  fondé  un  recueil  uniquement 
consacré  aux  questions  musicales  et  littéraires,  et  qui  compte  les 
premières  notabilités  de  l'époque  parmi  ses  rédacteurs.  Le  per- 
sonnel de  la  troupe  chantante  du  théâtre  du  Cirque  à  Madrid  est 
composé  des  senoras  Basso-Borio,  Gariboldi,  Rocco,  et  des  se- 
nores  Salvatori,  Confortini  et  Unanue. 

—  Au  dernier  concert  de  la  Iberia  musical,  le  29  février,  on  a  re- 
marqué, comme  un  symptôme  de  l'estime  accordée  à  notre  art, 
que  la  princesse  HobanofT  de  Rostotf  a  chanté  un  duo  avec  la  senora 
Borio ,  cantatrice  du  théâtre  du  Cirque.  Nous  applaudissons  à  cette 
fusion  du  monde  de  l'aristocratie  avec  celui  des  artistes.  Il  est  bon 
que  cet  exemple,  déjà  donné  en  France,  se  propage  en  Espagne, 
terre  classique  jusqu'ici  de  la  morgue  nobiliaire. 

*,*  Barcelone.  —  On  a  donné  au  théâtre  de  la  Sanla-Cruz  /  due 
Figaro  ,  opéra  bouffe  en  2  actes  ,  du  maestro  Speranza.  La  partition 
manque  d'originalité  dans  les  motifs  et  de  brillant  dans  l'instru- 
mentation. L'exécution  a  été  faible.  La  signora  Goggi  a  mis  pourtant 
de  la  grâce  dans  un  rôle  de  mnnola  (  grisetle  de  Madrid),  quoiqu'on 
lui  reproche  de  n'en  avoir  point  copié  les  manières  avec  assez  de 
naturel. 


CONCERTS  ANNONCES, 
mars.      2  heures.    M»«  Th.  Warlel.  Salle  Delsarte. 

—  »      —        M.  Lacombe.  Salle  Érard. 

—  2      —        M.  Ch.  de  Lisie  Salle  Herz. 

—  2      —        M.  Lindsay  Sloper.  Salle  Érard. 

—  8      —       M.  Delisles  et  ses  quatre  fils.  Salle  Herz. 

—  8      —       M.  Osborne.  Salle  de  l'École  lyrique.     " 

—  8      —        MM.  Goria  et  Lac.  Salle  Pleyel. 
M"»^  Slœpel.  Salle  Érard. 
M.  Vauldmuller.  Salle  Pleyel. 
M""  Bonnias.  Salle  Pleyel. 
M"'  Pauline  Jourdan.  Salle  Érard. 
Mii=  Cortez.  Salle  Pleyel. 
M.  Prumier  fils.  Salle  de  l'École  lyrique. 
M»'  Deligny.  Salle  Pleyel. 
Gazette  musicale.  Salle  Pleyel. 
M»"  Ronconi.  Salle  Herz. 
M.  Porto.  Salle  Pleyel. 
M.  Doehier.  Salle  Érard. 
M.  Berlioz.  Salle  de  l'Opéra-Comique. 
M.  Milhés.  Salle  Pleyel. 
M"'  de  Dieiz.  Salle  Pleyel. 
M""  Régnier.  Salle  Pleyel. 
M.  Herman.  Salle  Pleyel. 
M"'  Mattmann.  Salle  Pleyel. 
M""  Alessi.  Salle  Pleyel. 
M.  Fridrich.  Salle  Pleyel. 
M.  Mereaux.  Concert  historique.  Salle  Pleyel. 


—  2  — 

—  2  — 

—  8  — 

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avril  2  — 

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—  2  — 


Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SGHLESINGER. 


110 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Four  paraître  le  1"  Mai  chez  nAITBlCE  SCBIiESIHtîER,  97,  rue  Richelieu. 

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Prix  de  souscription  :  DIX  FRANCS,  net. 

Cet  important  ouvrage,  clans  lequel  le  célèbre  auteur  a  déposé  toute  son  érudition  avec  cette  clarté  et 
cette  lucidité  qui  le  distinguent ,  est  un  livre  qui  doit  être  dans  les  mains  de  tous  les  musiciens  :  aussi 
avons-nous  fixé  le  prix  aussi  bas  que  possible ,  pour  le  mettre  à  la  portée  de  toutes  les  bourses.  Ce  Traité 
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de  l'Éclair,  de  laBeinede  Chypre,  de  Charles  VI,  de  Guidv  et  Ginevra  ,  de  la  Favorite,  etc.,  etc. 


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reilsgymnastiques  destinèsà  donner  de  rea;(ens/on  i 
lamainetderécarf  aux  doigts  à  augmenteretàé^aïf- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  qualriéme  et  le  cinquième 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnaste 
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Op.  143.  latone. 
145.  Minos. 
149.  Zies  Jïénaons. 


Op.  150.  lies  Artistes. 
152.  Iiss  Caprices. 
157.  £es  Valses  du  Rhin. 


LA  RÉUIVIOIV, 


Op.  90.  lia  Saison  de  Iiondres. 
92.  Charles  VI,  grande  valse. 


Valse  favorite  de  Prague. 

lOp.  94.  Odette. 

I         95.  lies  Parisiennes. 


Op.  96.  Charlotte. 


U  DAIVSE  DES  SORCIÈRES, 


Op.  185.  lies  Adieux. 
193.  lies  Idéales. 


Grande  Valse  de  Penh. 

jOp.  195.  lie  Faubourg  Saint-Germain,  jOp.  198.  lies  Noyades. 

197.  lies  Troubadours,  {         203,  lia  Danse  des  Sorcières. 


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^.  lia  Cerrito. 

3.  lia  Duchesse. 

4 .  Polka  favorite  des  Princes. 


N.  5.  Polka  favorite  de  la  Cour. 

6.  lie  Faubourg  Saint-Geimain. 

7.  lie  Faubourg  Saint-Honoré. 

8.  lies  Camélias. 


N,     9.  lies  Eaux  d'Ems. 

10.  lies  Rayons  du  Soleil, 

11.  Caroline. 

12.  Xe  Bal  de  la  Reine. 


^Wâ®llî]La.lS  îlOlErfMTO  Bl  W©111, 


QUASniLLES  BUILLAMTS. 


^a  I>anse  des  Fantômes, 
^e  Retour  du  Croisé. 


lia  Favorite. 
Ite  Guitarrero. 


Zies  Fleurs  d'Oranger. 


Ilie  I>iable  rouge. 
lia  Grotte  des  Fées. 


ilia  Xoce  de  Léonore. 
I  lie  Xiac  bleu. 


QUADRILLES  FACILES. 


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Adelia. 

VALSES  FACILES. 

I  lies  raille  Fleurs, 


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I  Charles  VI, 


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Le   1~*'   et   le    15  de  chaque  mois  on  recevra  on  morceau  de  musique. 


SOMMAIRE.  Académie  royale  de  musique:  le  T.az^arone.  opère  en 
deux  aclcs  (première  représentalion'i;  par  M/VUIUCE  nOlJRGES. 

—  Tliéâlre  royal  de  l'Opéra-Comique  :  la  Airciie,  opéra  en  trois 
actes;  par  H.  BLANCHARD.  — Coup  dœil  sur  les  concerts  de  la 
semaine;  par  II.  BLANCHARD. — L'empereur  Joseph  II  cl  le 
compositeur  Ditlersdorf. —  Correspondance  particulière:  Londres. 

—  Nouvelles. 

LES  DEUX  MÉNÉTRIERS.  Dessin  de  Gavarni. 


lie  sixième  Concert  de  la  Gazette  musicale  aura  lieu  le  l*^*"  Avril. 
(  Voirie  Programme  avant  les  Nouvelles.) 

ACADÉMIE  ROYALE  DE  MUSIQUE. 

LE  LAZZARONE, 

ou 

aïs  S253SÎ  "^2SSîîS  S3SÎ  t^<B^ms:i.it^» 

,      OPÉEA   EN    2   ACTES. 

Paroles  deM.  DESAiNT-GiiORGES;  musique  de  JF.  F.  HaléW. 

(Première  représentation.) 

ieii  de  moins  décisif  qu'une  prcniièfe  repré- 
sentation ,  surtout  h  l'Opéra.  Que  de  belles 
inspirations,  qui ,  depuis,  ont  fait  fortune, 
furent  d'abord  gauchement  appréciées  et  re- 
çues avec  froideur  !  Que  d'ouvrages  médio- 
cres, portés  aux  nues  dès  leur  apparition,  tombèrent  bientôt 
dans  le  profond  oubli ,  qui  les  réclamait  !  Je  ne  sais  donc  rien 
de  plus  contraire  à  l'expérience  et  à  la  raison  ,  que  de  pronon- 
cer en  dernier  ressort ,  aussitôt  après  une  seule  et  unique 
épreuve.  Ces  arrêts  prématurés  ne  passent  presque  jamais 
sans  appel,  car  c'està  peine  si  la  critique  consciencieuse  peut 
être  bien  assurée  d'avoir  saisi  les  passages  les  plus  saillants. 
Quant  à  l'ensemble ,  il  est  impos.sible  de  l'embrasser  si  rai)i- 
)o  dément.  Que  de  motifs,  au  contraire,  pour  rendre  la  première 
pv  audition  insuffisante  !  Des  acteurs ,  qui  ne  sont  pas  plus  fami- 
Ç'     iarisés  avec  leurs  l'ôles  qu'avec  leurs  nouveaux  costumes,  des 


chœurs  qui  n'osent  pas  attaquer  rondement ,  un  orchestre 
dans  lequel  se  manifeste  un  peu  d'hésitation  forcée,  des  lon- 
gueurs qui  ne  sont  sensibles  que  le  rideau  levé,  point  de 
sympathie  encore  établie  entre  la  scène  et  la  salle  ,  un  public 
qui  ne  sait  ni  qui  parle  ni  de  qui  on  parle ,  enfin  une  sorte  de 
défiance  générale,  de  retenue  singulière,  qui  ne  disparaît 
qu'après  récidive  :  n'est-ce  pas  assez  pour  fausser  de  tous 
points  les  jugements  et  donner  le  change  aux  esprits  les  plus 
exercés?  Comment  se  hasarder  alors  à  décider  lestement,  je 
ne  dis  pas  d'un  poëme,  mais  d'une  musique  compliquée , 
écrite  avec  art ,  semée  d'intentions  délicates  ,  fugitives  ,  peu 
commune  de  rhythnie,  d'instrumentation,  de  plan  mélo- 
dique, et,  par  conséquent,  difficile  à  bien  pénétrer  de  prime- 
saut?  Donc,  point  de  conclusion  absolue  jusqu'à  plus  ample 
informé,  du  moins  pour  la  totalité  de  l'ouvrage  sous  le  rap- 
port musical. 

La  valeur  précise  du  librctto  est  plus  aisée  à  déterminer. 
L'auteur,  qui  a  fait  preuve  tant  de  fois  d'esprit  et  d'habileté, 
a  voulu  évidemment  entrer  dans  une  voie  de  réaction.  Lassé 
sans  doute ,  comme  tout  le  monde,  de  ce  dédale  de  péripéties 
romanesques,  d'événements  inouis,  de  moyens  impossibles 
accumulés  dans  le  moindre  opéra  moderne ,  il  a  essayé  d'en 
revenir  aux  ressorts  les  plus  simples  Et  en  cela  ,  il  a  jiarfai- 
tement  réussi.  Peu  de  pièces  sont  moins  intriguées  que  le 
Lazzarone. 

Beppo,  le  pêcheur  insouciant  de  Naples,  où  le  beau  jou- 
venceau se  plaint  de  ne  pouvuir  plus  dormir,  sauve  par  ha- 
sard la  vie  à  un  charlatan  de  première  clas.se,  h  Mirobolante, 
le  pompeux  improvisateur,  un  Pindare  en  herbe,  que  le  peu- 
ple, juge  implacable  en  poésie,  allait  noyer  sans  façon  pour 
quelques  méchants  vers.  Avis  à  bon  nombre  de  nos  poètes  : 
l'air  de  Naples  leur  serait  dangereux.  Mirobolante  cependant 
en  est  quitte  pour  la  peur.  Et  puis, 'que  ne  braverait-il  pas 
pour  atteindre  la  fortune,  lui  qui  a  couru  si  longtemps  après 
l'inconstante  déesse,  à  travers  tant  de  dangers?  Mais  la  voici 


BUREAUX    D'ABOIJlffEMEHTT,    RUE    aiCHElIEU,    97. 


114 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


qui  semble  tout  d'un  coup  lui  sourire.  Un  certain  Josué, 
oncle  dénaturé,  tuteur  infidèle,  moins  ami  de  son;  sang  qjue  de 
sa  bourse,  a  fait  disparaître  jadis  l'enfant  de  sa  sœur  pour 
empocher  l'héritage.  Or,  ce  neveu  est  sans  doute  le  lazzarone 
lui-même,  Bcppo,  qui  porte  une  croix  prudenmicnt  attachée 
à  son  cou,  comme  signe  de  reconnaissance.  Jlirobolaiitc, 
toujours  h  la  piste  desévénemcnts,  démêle  cette  trame;  Allons, 
vénérable  Josu<5,  voici  l'héritier  légitime.  Votre  embarras  vous 
trahit  ;  l'improvisaleur  vous  ramène  ce  rejeton  supprimé. 
Cédez  au  repentir  et  à  la  tendresse  :  cela  vaut  mieux  que  la 
potence  ;  et  embrassez  votre  neveu.  «  —  Jlon  neveu  !  mon 
»  neveu  !  s'écrie  le  vieil  usurier  avec  transport  Eh  !  c'était 
»  mie  nièce.  »  Pauvre  Mirobolante  !  encore  une  partie  per- 
due. Pour  Reppo,  il  chante ,  il  rit ,  et  se  console  en  baptisant 
je  ne  sais  quelle  cloche  avec  la  fleuriste  Baptista,  sa  commère 
et  son  amoureuse.  Mais  le  charlatan,  qui  aimerait  cent  fors 
'  mieux  fondre  la  cloche  qu'en  être  le  parrain  ,  ne  se  tieffit  pas 
pour  battu.  En  un  clin  d'oeil,  ses  espérances  sont  relevées. 
La  croix  providentielle  appartient  à  Baptista,  dont  l'identité 
est  également  prouvée  par  un  acte  de  naissance  en  bonne 
forme.  Pour  le  coup,  nous  tenons  l'héritière  ;  mais  l'héritière 
et  Beppo  ne  se  soucient  guère  de  cette  découverte-là.  «  Si  tu 
«deviens  riche,  dit  en  soupirant  le  lazzarone,  je  serai  trop 
»  pauvre,  moi!  Plus  de  mariage;  plus  d'amour!  —  Non, 
»  non ,  pas  de  fortune  à  ce  prix  !  »  et  Baptista  brûle  l'acte  au- 
thentique. Où  en  serait ,  je  vous  prie,  le  malheureux  et  infa- 
tigable Mirobolante ,  s'il  ne  parvenait  à  inspirer  à  Beppo  de 
graves  scrupules  sur  le  dévouement  de  sa  belle  ,  et  à  la  belle 
de  sérieuses  inquiétudes  sur  la  fidélilé  de  Beppo  ?  Mais,  grâce 
au  chevalier  d'industrie ,  l'enfant  du  peuple  se  fait  soldat ,  et 
sa  fiancée  promet  sa  main  par  vengeance  à  l'improvisateur. 
Grande  indignation  du  vieux  Josué  !  Puisque  son  illustre  ho- 
monyme a  pu  arrêter  le  soleil  dans  sa  course ,  il  pourra  bien, 
lui,  enrayer  la  marche  de  ce  coureur  de  dots.  Aussi,  que  fait 
le  barbon?  Forcé  de  reconnaître  une  nièce  dans  Baptista,  il 
se  propose  à  elle  pour  époux.  Ce  sera  moi,  s'écrie  Mirobolante. 
Ce  sera  moi ,  parbleu ,  réplique  Josué.  Ce  sera  lui,  dit  Bap- 
tista ,  et  elle  tire  par  le  bras  le  gentil  Beppo,  devenu  dragon, 
qui  s'est  enivré ,  ne  vous  déplaise ,  et  dort  au  beau  milieu 
delà  place,  dans  le  temps  même  où  la  fortune  et  l'amour 
Tiennent  le  prendre  par  la  main. 

Voilà  tout  le  fond  du  livret.  Le  dialogue  est  en  général  spi- 
rituellement écrit,  pas  assez  vif  cependant  pour  le  genre 
bouffe.  Il  y  a  dés  scènes  bien  coupées  ;  plusieurs  demanderont 
de  nombreux  retranchements.  Le  sujet  est  trop  léger  pour 
supporter  des  développements  étendus. 

Le  défaut  capital  à  mon  sens ,  c'est  l'absence  de  ténor.  Les 
quatre  rôles  sont  écrits  pour  un  soprano  aigu ,  un  mezzo- 
soprano ,  un  baryton  et  une  basse.  Il  est  fâcheux  que  la  di- 
sette de  ténors  ait  obligé  M.  Halévy  de  renoncer  à  un  timbre 
de  voix  si  nécessaire  dans  un  opéra.  Il  en  résulte  une  certaine 
monotonie  indépendante  du  talent  de  l'auteur ,  mais  qui  n'en 
est  pas  moins  nuisible. 

Dans  les  cinq  duos,  les  deux  trios ,  les  six  morceaux-soli  et 
les  quatre  ou  cinq  chœurs ,  qui  forment  la  partie  musicale 
du  Lazzarone ,  on  a  retrouvé  la  facture  élégante  et  distinguée 
de  M.  Halévy.  Les  effets  d'orchestre  sont  ménagés  et  propor- 
tionnés au  caractère  peu  bruyant  du  poëme.  L'instrumen- 
tation ,  pleine  de  goût ,  est  partout  expressive  et  bien  entendue. 
La  couleur  mélodique  se  fait  remarquer  en  général  par  la 
grâce  et  la  fraîcheur  naïve  ;  depuis  l'Eclair ,  ouvrage  qui 
prêtait  à  la  musique  légère  et  facile ,  M.  Halévy  ne  nous  avait 
point  donné  des  mélodies  aussi  faciles  à  retenir.  Il  y  aurait  à 
citer  une  foule  de  traits  dans  la  déclamation ,  qui  a  semblé  par- 


ticulièrement soignée.  Plusieurs  passages  sont  empreints  de 
cette  finesse  franche ,  de  cette  charmante  rondeur  naturelle  h 
Grétry".  Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  M.  Halévy  témoigne 
de  cette  tendance.  Parmi  les  morceaux  qu'on  aie  plus  applaudis, 
on  doit  mentionner  :  l'Ouverture,  dont  le  premier  mouvement 
à  trois  temps,  puis  l'allégro  vif  et  piquant  ont  produit  un  heu- 
reux effet  ;  la  cavatine  de  Beppo ,  l'air  bouffe  et  originalement 
coupé  de  l'improvisateur ,  le  duo  du  Lazzarone  et  de  Miro- 
bolante ,  dont  les  deux  thèmes  principaux  sont  vraiment  dé- 
licieux; les  couplets^coquets  de  Baptista  ,  le  rêve  de  Beppo, 
si  bien  accompagné  par  un  effet  de  sourdines  ;  les  deux  trios, 
du  meilleur  comique  ,  et  contenant  des  mélodies  délicieuses  ; 
le  chœur  et  les  couplets  du  baptême ,  la  chansonnette  vive 
et  pétillante  :  Quand  on  n'a  rien;  l'ensemble  expressif  du 
duo  suivant  entre  Baptista  et  Beppo  ;  enfin  le  duo  remarquaMe 
de  Mirobolante  et  du  Lazzaroras  au  deuxième  acte. 

Voila  certainement  une  somme  de  morceaux  suffisante 
pour  assurer  la  fortune  d'un  ouvrage.  Les  représentations 
suivantes  mettront  encore  plus  en  lumière  ce  qu'il  y  »  de 
véritables  beautés  dans  cette  nouvelle  partition  de  l'auDJeBr 
de  la  Juive  et  de  Charles  VI.  11  serait  bon  cependant 
qu'on  y  fît  quelques  coupures  utiles  à  l'effet.  La  légèreD&-<}u 
canevas  ne  comporte  pas  une  si  grande  quantité  de  musique. 
L'ensemble  marchera  plus  lestement  après  quelques  sup- 
pressions intelligentes. 

Deux  mots  encore  sur  les  acteurs.  iM"'=  Dorus-Gras  a 
chanté  avec  ce  goût  exquis  et  cette  voix  délicate  qu'on  lui 
connaît.  La  gracieuse  fleuriste  a  mérité  les  bouquets  de 
fleurs  qui  sont[allés  à  son  adresse.  RI""'  Stoltz ,  un  charmant 
garçon  ,  ma  foi,  a  joué  avec  verve  le  rôle  de  Beppo.  Elle  a 
eu  de  très  heureuses  inspirations.  Le  costume  de  dragon 
rhabille  à  ravir.  Barroilhet  a  fort  bien  saisi  son  personnage. 
Levasseur  aurait  pu  ne  pas  donner  au  sien  une  allure  de  Cas- 
sandre  si  marquée.  Tous  deux ,  du  reste ,  ont  très  bien 
rempli  leur  emploi  de  chanteurs. 

Les  deux  dernières  décorations  ont  été  bien  accueillies , 
quoique  le  modeste  cabinet  de  la  pauvre  fleuriste  ait  toute 
l'apparence  de  la  serre  la  plus  riche  en  arbustes  rares  et  exo- 
tiques. C'est  une  véritable  succursale  du  Jardin  des  Plantes 
avec  des  proportions  trop  gigantesques.  A  cela  près ,  tous 
les  accessoires  de  mise  en  scène  ont  mérité  l'approbation. 

C'est  donc  un  beau  succès  à  constater,  et  qui  sera  produc- 
tif pour  le  théâtre  si  la  direction  sait  en  profiter. 

Maurice  BOURGES. 


THEATRE  ROYAL  DE  L'OPERA-COMIQUE. 
LA   SIRÈNE, 

OPERA-COMIQUE    EN   3   ACTES, 

Paroles  de  M.  Scribe;  musique  de  M.  Auber. 
(Première  représentation.) 

1  s'agit  encore  ,  dans  ce  nouveau  librelto  de 
M.  Scribe ,  de  révolution ,  de  restauration  ,  du  roi 
Joachim  Murât  et  d'un  de  ses  infâmes  et  plats 
courtisans  qui  espère  ou  craint  son  retour.  Tels 
sont  les  éléments,  les- ressorts  constitutifs  de  cette 
machine  dramatique  dont  l'avant-scène,  le  fonds  de  l'intri- 
gue ,  les  événements  et  les  individus  sont  comme  offerts  en 
holocaustes  sur  l'autel  de  l'Opéra-Comique.  De  l'intérêt  à 
petites  doses,  un  comique  du  bout  des  lèvres,  un  cliquetis 
charmant  d'événements  impossibles,  un  dialogue  spirituel 
comme  toujours:  tels  sont  aussi  les  moyens  que  l'auteur  iné- 


DE  PARIS. 


115 


puisable,  infatigable,  a  su  employer  avec  autant  d'adresse 
que  de  bonheur,  et  qui  out  été  couronnés  d'un  plein  succès. 

Un  nouveau  Fra-Diavolo  ,  chef  de  voleurs  ou  contreban- 
diers, nommé  Marco  ïempcsta  ,  infeste  avec  sa  troupe  les 
environs  de  Naplcs.  Le  duc  de  Popoli ,  aussi  présomptueux 
qu'imbécile,  est  envoyé  par  son  gouvernement  pour  détruire 
la  bande  de  Marco  Tempesta.  Ce  dernier  entre  en  relation 
avec  le  duc,  qu'il  a  servi  à  Naples,  et  qui  par  conséquent  ne 
le  connaît  que  sous  le  nom  de  Scopetto.  Ils  se  rencontrent 
tous  deux  dans  le  presbytère  d'un  vieux  curé  de  campagne 
nouvellement  décédé,  où  ils  sont  venus  demander  l'hospitalité, 
ainsi  qu'un  jeune  officier  de  marine  qui  est  entré  dans  le 
presbytère  pour  se  garantir  de  l'orage ,  et  qui  est  aussi  bien 
reçu  par  la  servante  du  défunt  curé  ,  qu'il  l'est  mal ,  ainsi 
que  Scopetto  ou  Marco  Tempesta  ,  par  le  signer  Bolbaja,  di- 
recteur de  spectacle ,  et  presque  homonyme  du  fameux  Bar- 
baja ,  imprésario  des  théâtres  de  Naples  et  autres,  et  connu 
de  toutes  les  ])rime  donne  et  de  tous  les  tenori  du  monde 
musical.  Scopetto  a  une  sœur  appelée  Zerbina ,  surnommée 
la  Sirène  à  cause  de  sa  jolie  voix  ,  et  que  son  frère  emploie  à 
tromper,  attirer  et  charmer  les  voyageurs  ou  les  douaniers. 
Eu  bon  frère  qu'il  est,  le  jeune  contrebandier  n'aspire  qu'à 
voler  le  gouvernement  napolitain  pour  doter  sa  sœur  et  la 
marier.  11  parvient  à  ce  double  but  en  reprenant  au  duc  de 
Popoli  (c'est-à-dire  le  duc  des  peuples)  quelque  cinq  cent 
mille  piastres  de  marchandises  que  ce  noble  courtisan  avait  en- 
levées aux  contrebandiers  commandés  par  Marco  ïempesia,  et 
en  unissant  sa  sœur  au  jeune  officier  de  marine,  quiestlepropre 
neveu  du  duc ,  et  que  celui-ci  a  dépouillé  de  son  titre  etde  sa 
fortune.  Il  va  sans  dire  que  le  jeune  marin  et  Zerbina  s'aimaient 
déjà  ;  mais  ce  qui  complique  l'intrigue  et  paralyse  le  bon 
vouloir  du  contrebandier  à  l'égard  du  jeune  officier  de  ma- 
rine ,  c'est  que  c'est  ce  dernier ,  commandant  la  tartane 
VEUia,  qui  a  enlevé  la  fortune  du  contrebandier  et  de  ses 
compagnons.  Cependant  avecune  probité,  une  délicatesse,  une 
somme  de  vertus  de  famille  enfin  comme  on  n'en  trouve  que 
chez  les  brigands  d'opéra-comique ,  le  chef  de  bandits  abjure 
tout  ressentiment  contre  celui  qu'il  nomme  déjà  son  beau- 
frère  ,  et  le  duc  de  Popoli  est  forcé  de  restituer  une  partie  de 
sa  fortune  à  son  neveu  Scipion  ,  l'officier  de  marine ,  de 
crainte  de  voir  publier  sa  correspoudance  avec  le  roi  Murât , 
et ,  qui  plus  est ,  il  contribue  à  l'évasion  du  contrebandier, 
qui  va  sans  doute  vivre  sur  une  terre  plus  hospitalière  où  l'on 
puisse  apprécier  ses  talents  d'émancipation  sociale,  com- 
merciale ,  et  où  l'on  sache  récompenser  enfin  le  vice  vertueux. 
Cette  morale  n'est  pas  neuve  ,  mais  elle  est  consolante  en 
matière  d'économie  pohtique,  si  difficile  à  réaliser. 

Sur  ce  libretto ,  que  les  grands  journaux  peu  lyriques  nous 
analyseront  en  une  demi-douzaine  de  colonnes  au  moins , 
M.  Auber  a  jeté  sa  broderie  musicale  habituelle  ,  sa  broderie 
élégante  ,-  avec  force  paillettes  de  clinquant  et  d'or  pur.  Le 
faire  de  ce  compositeur  ne  vieilUt  pas,  parce  que  son  style  est 
recherché ,  travaillé  avec  soin ,  avec  conscience.  Nous  ne 
voulons ,  pour  preuve  de  cette  conscience ,  que  ce  qui  est 
arrive  à  l'égard  de  l'ouverture ,  qui  a  provoqué  un  mot  naïve- 
ment maladroit  de  louange  empressée ,  et  assez  plaisant  par 
la  tournure  d'involontaire  épigramme  qu'il  a  pris.  L'auteur 
ayant  écrit  et  fait  répéter  une  ouverture  dont  il  n'était  pas 
content,  dit  :  Il  faut  que  j'en  refasse  uneautre  qui,  au  reste, 
sera  peut-être  aussi  mauvaise.  — Ah  !  c'est  impossible ,  s'écria 
un  auditeur-acteur,  qui  s'imaginait  adresser  un  comphment 
au  compositeur.  Quoi  qu'il  en  soit ,  M.  Auber  a  composé  une 
seconde  ouverture  ,  et ,  sans  connaître  la  première  ,  nous 
pensons  qu'il  a  bien  fait.  Celle  que  nous  avons  entendue,  sans 


être  dans  la  forme  classique  de  nos  belles  ouvertures  de  Me- 
hul ,  de  Cherubini  et  de  Bertou ,  sert  de  préface  à  l'ouvrage 
en  empruntant  plusieurs  motifs  de  la  partition  ,  ce  qni  est  un 
moyen  plus  commode  et  plus  facile  que  de  créer  une  sym- 
phonie analogue  au  sujet ,  et  qui  se  distingue  par  l'unilé  de 
pensée.  Le  chant  large  des  violoncelles  sali,  qui  sert  d'intro- 
duction à  celle-ci ,  est  beau  ;  puis  vient  un  mouvement  de 
valse  plein  d'élégance  et  d'entrain  ;  et  puis  une  coda  un  peu 
commune  qui  sent  toujours  le  salon  :  tout  cela ,  arrangé  avec 
coquetterie,  esprit  et  beaucoup  de  goût,  a  été  vivement  et 
justement  applaudi  par  la  généralité  des  auditeurs. 

Les  couplets  chantés  par  M""  Prévost,  après  l'ouverture,  et 
auxquels  viennent  se  mêler  les  accents  lointains  et  mystérieux 
de  la  Sirène,  ont  de  la  couleur  et  sont  bien  orchestrés.  Le  duo 
entre  Roger ,  qui  joue  le  contrebandier,  et  Audrau ,  remplissant 
le  rôle  du  jeune  officier  de  marine,  s'annonce  d'une  manière 
dramatique,  mais  ne  finit  pas  aussi  bien  qu'il  a  commencé.  Le 
morceau  d'ensemble  dans  lequel  les  instruments  de  cuivre 
accompagnent  les  voix  est  le  morceau  capital  de  l'acte  ;  les 
cors  y  sont  on  ne  peut  pas  mieux  traités,  et  interviennent 
d'une  façon  délicieuse  avec  les  trombones.  Ce  morceau  a  été 
bissé,  quoiqu'il  n'offre  rien  de  bien  saisissant  par  l'invention  ; 
mais  les  voix  y  sont  employées  avec  beaucoup  d'art.  Le  finale 
qui  suit  est  commua  par  la  mélodie ,  reproche  que  l'auteur 
ne  nous  a  pas  accoutumé  à  lui  adresser. 

Le  chœur  ouvrant  le  deuxième  acte  n'a  pas  beaucoup  de 
caractère  et  d'originalité  ;  mais  lorsque  le  chef  des  contre- 
bandiers intervient  et  leur  dit  :  Voyez-vous  ce  sombre  nuage  7 
l'orchestre  est  traité  là  avec  beaucoup  de  goût,  et  les  gammes 
chromatiques  qui  se  succèdent  sont  d'un  effet  tout-à-fait 
pittoresque  ;  et  puis  la  romance  en  ut  majeur  que  chante 
ensuite  Roger,  etqu'ildit  déUcieusement,  estd'un  effet  char- 
mant. Après  quelques  fleurs  de  rhétorique  et  de  poésie  peut- 
être  motivées  dans  un  contrebandier  napolitain ,  et  que  doit 
exaller  le  ciel  inspirateur  de  la  belle  Italie ,  le  chœur  reprend, 
et  cette  fois  mieux  traité  que  dans  l'introduction  de  l'acte. 
Des  imilations  dramatiques,  et  formant  un  bon  dialogue 
musical ,  terminent  on  ne  peutplus  heureusement  ce  morceau 
pittoresque  et  d'un  bel  effet. 

Les  couplets  chantés  par  la  Sirène  à  son  entrée  en  scène 
sont  délicieux.  Ils  sont  dits  par  M"°  Lavoye  de  manière  à  faire 
répéter  par  toute  la  salle  que  cette  jeune  cantatrice  était  bien 
faite  pour  continuer  l'emploi  des  Sirènes,  vacant  à  l'Opéra- 
Comique  depuis  le  départ  de  M°"  Damoreau  et  Rossi-Caccia. 
Après  ce  madrigal,  qu'il  nous  soit  permis  de  lui  dire  qu'il  faut 
autant  que  possible ,  après  les  tours  de  force  et  d'agilité  du 
larynx ,  montrer  un  peu  d'âme  musicale  quand  on  en  trouve 
l'occasion,  et  quand  on  en  a. 

Un  joli  duo  entre  le  contrebandier  et  sa  sœur ,  et  qui  se 
promène  de  fa  majeur  et  la  majeur  d'une  gracieuse  manière, 
aurait  dû  prendre  sous  la  plume  d'un  compositeur  aussi  re- 
marquable que  M.  Auber  une  extension  plus  largement  mélo- 
dique et  surtout  plus  dramatique  lorsque  Marco  Tempesta 
apprend  le  nom  de  celui  que  sa  sœur  aime  et  dont  il  a  préparé 
la  mort.  Celte  situation  est  belle;  elle  change  la  face  du  mor- 
ceau. C'est  une  péripétie  dramatique  et  par  conséquent  émi- 
nemment musicale  ;  le  compositeur  ne  s'est  pas  assez  pas- 
sionné là;  chose  ,  au  reste,  qui  lui  arrive  rarement  ainsi  qu'à 
son  librettiste ,  qui  enlève  les  suffrages  i)ar  la  finesse  du  dialo- 
que,  la  mesure  et  la  rapidité  de  l'action;  mais  non  par  des 
mois  partant  du  cœur. 

Dans  une  romance  fort  bien  chantée  par  M""  Lavoye,  nous 
avons  distingué  sur  le  mot  reviens ,  plusieurs  fois  répété ,  des 
harmonies  inattendues,  pleines  d'une  élégante  originalité. 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Cela  s'enchaîne  h  des  duos ,  des  trios  qui  n'ont  rien  de  bien 
saillant;  puis  avec  le  chœur  dans  lequel  Marco  Tempcsla  lutte 
contre  la  révolte  de  ses  gens,  et  qui  offre  de  belles  parties, 
surtout  quand  il  leur  dit  : 

Qu'à  sa  vois  la  tempête 
Doit  cesser  de  gronder. 

Le  grand  morceau  d'ensemble  dans  lequel  la  Sirène  in- 
tervient comme  prélcnduc  prima  donna  de  la  troupe  de 
Bolbaja,  offre  des  vocalisesdifficiles,  hautes,  sèches,  et  quel- 
que peu  dures  par  la  manière  dont  M"'  Lavoye  les  attaque. 
Ces  exercices  font  penser  au  joli  air  du  Billet  de  loterie  de 
Nicolo  :  Non ,  je  ne  veux  pas  chanter ,  etc. ,  si  plein  de  grâce 
et  de  fine  ironie.  L'ensemble  de  ce  final  d'acte  est  d'un  bel  et 
puissant  effet;  c'est  une  pompeuse  et  magnifique  péroraison. 
Dès  le  commencement  l'auleur  passe  iVut  mineur  en  ni  ma- 
jeur de  la  manière  la  plus  logique  et  la  plus  naturelle  ,  qui 
étonne  et  plaît  par  la  simplicité  du  moyen ,  et  puis  vient 
un  unisson  général  largement  dessiné.  Il  est  dommage  que  le 
compositeur  ail  interrompu  ce  morceau  de  splendide  har- 
monie pour  suivre  son  poëte  qui  lui  fait  atténuer  ce  bel  effet 
par  le  départ  de  ses  personnages,  espèce  de  coda  inutile 
comme  scène  et  nuisible  comme  musique. 

Le  troisième  acte ,  dans  lequel  il  y  a  peu  dciiuisique ,  com- 
mence par  un  chœur  de  contrebandiers  assezordinaire  et  qui  ne 
vaut  pas  le  beau  chœur  des  Pirates  dans  Zampa  qu'il  rappelle 
par  sa  situation  qui  est  h  peu  près  pareille.  Après  ce  morceau 
vient  un  duo  entre  Zcrbina  et  Scipion  qui  a  de  la  grâce.  Les 
appoggiaiuie  n'y  manquent  pas  ;  mais  ces  dissonances  mé- 
lodiques sont  bien  allaquées  par  les  deux  récitants.  Dans  le 
morceau  d'ensemble  très  étendu  qui  termine  l'ouvrage, 
M"'  Lavoye  se  livre  à  un  luxe  de  vocalises  d'une  inextricable 
difficulté ,  provoquant  des  applaudissements  qui ,  en  témoi- 
gnant du  plaisir  qu'on  éprouve  à  l'écouter,  semblent  aussi  la 
féliciter  d'être  sortie  de  cette  lutte  vocale  plus  ambitieuse  que 
gracieuse. 

Duprez,  à  sonretourd'Angleterre,  trouvera  son  audacieux 
ut  de  poitrine  éclipsé  par  le  ré  Hmpide,  éclatant  de  M""  La- 
voye. La  pièce  qui  attache,  excite  la  curio.sité  comme  tous  les 
ouvrages  d'intrigue ,  est  montée  avec  un  grand  luxe  de  décors  ; 
elle  est  jouée  avec  beaucoup  d'ensemble  par  MM.  Roger, 
Henri,  Audran  et  Ricquier.  M""  Lavoye  et  Prévost  y  sont  fort 
bien  placées  aussi.  C'est  donc ,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà 
dit,  un  nouveau  succès  à  enregistrer  pour  le  théâtre  de 
l'Opéra-Comiquc. 

Henri  Blanchard. 


SUR 
IiES  COBJCERTS  DE  EA  SEBÎAIETE. 

\îk  '  ""^  ^'^'^'''  ''"^  sans  importance  pour  l'art  musical 
^^  de  faire  un  relevé  slatislique  de  toutes  les  socié- 
jlés  philharmoniques  qui  existent  maintenant  en 
)  France.  Ces  sociétés  aident  et  poussent  au  pro- 
grès de  la  décentralisation  artistique ,  et  c'est 
un  bien  pour  la  civilisation.  Paris  a  aussi  sa  société  philharmo- 
nique. Si  cette  corporation  musicale  est  un  peu  dans  le  genre 
de  l'ancienne  Académie  de  Marseille,  qui,  au  dire  de  Voltaire, 
semblable  à  une  honnête  fille,  n'avait  jamais  fait  parler  d'elle, 
elle  n'en  fonctionne  pas  moins  tous  les  mois  coram  populo; 
et  dimanche  passé  elle  a  donné  un  grand  concert  dans  la  salle 
Montesquieu.  Cette  société  se  compose  d'amateurs ,  ce  qui 


n'empêche  pas  plusieurs  artistes  de  s'y  faire  entendre.  M.  Loi- 
seau,  l'un  des  ex-premiers  violons  du  théâtre  de  l'Opéra-Co- 
niique ,  dirige  cet  orchestre  d'amateurs  avec  talent ,  et  lui 
fait  exécuter  avec  autant  d'ensemble  et  d'aplomb  que  pos- 
sible ,  les  ouvertures  de  tous  nos  opéras  modernes.  S'il  a 
quelques  rapports  avec  les  employés  subalternes  de  la  société, 
nous  l'engageons  à  leur  recommander  d'être  un  peu  plus 
polis  qu'ils  ne  le  sont  envers  le  public;  qu'il  leur  dise,  s'ils 
ne  le  savent  pas ,  qu'Orphée  adoucissait  l'humeur  des  ani- 
maux les  plus  farouches  au  moyen  de  l'harmonie ,  et  ces  gail- 
lards-lh  s'humaniseront  peut-être  un  peu. 

Et  puisque  nous  en  sommes  aux  fictions  mythologiques , 
nous  dirons  qu'il  faut  absolument  que  quelque  nouveau 
Cadmus  ait  semé  les  dents ,  sinon  d'un  dragon ,  du  moins  de 
quelque  démenti  ou  d'un  Hummel ,  qu'il  aura  tué  et  dont  il 
naît  une  foule  de  pianistes  qui  se  combattent  et  s'entre-dé- 
truisent  comme  les  soldats  nés  des  dents  du  monstre  vaincu 
par  le  fils  d'Agénor  et  de  Théléphassa.  Si ,  pour  suivre  notre 
figure,  il  n'en  restait  que  cinq  pour  bâtir  ou  rebâtir  avec  un 
autre  Amphion  quelque  nouvelle  ïhèbes ,  ou  cette  cité  har- 
monieuse d'Euphonia  que  nous  promet  Berlioz ,  on  pourrait 
en  prendre  son  parti  ;  mais  ce  qu'il  y  a  d'inquiétant ,  c'est 
que  les  pianistes  ne  se  battent  qu'à  coup  de  langue,  ce  qui 
fait  qu'il  n'en  meurt  pas.  Ils  semblent  se  multiplier  comme 
les  doubles,  les  triples  et  quadruples  croches  qu'enfantent 
leurs  doigts;  et  l'on  peut  dire  d'eux  avec  la  Marseillaise  : 

La  terre  en  produit  de  nouveaux 

Contre  vous  tout  prêts  à  se  battre. 

Le  premier  qui  ait  vaillamment  combattu  dans  les  premiers 
jours  de  cette  semaine  pour  conserver  sans  tache  ses  litres  de 
compositeur  et  de  pianiste  agréable  et  parfois  énergique , 
c'est  M.  Osborne  :  il  nous  a  fait  entendre ,  dans  la  jolie  salle  de 
M.  Moreau-Sainli ,  le  beau  duo  pour  piano  et  violon'qu'il  a 
composé  avec  M.  de  Beriot ,  et  qu'il  a  fort  bien  exécuté 
avec  M.  Herman,  ainsi  que  son  joli  caprice  ornithologique 
inlhuléï Hirondelle;  puis  la  Tarentella;  et  puis  un  autre 
grand  duo  pour  deux  pianos  qui,  exécuté  par  M.  Dœhler  et 
l'auteur,  a  produit ,  ainsi  qu'une  belle  étude  en  mi  mineur, 
le  plus  grand  effet  sur  l'auditoire  presque  tout  anglais,  et  qui 
s'était  empressé  de  venir  entendre  un  compatriote,  ou  à  peu 
près  ,  car  M.  Osborne  est  Irlandais. 

Le  lendemain,  M.  Distin  et  sa  famille,  également  du 
royaume-uni  de  la  Grande-Bretagne,  se  sont  fait  entendre 
sur  les  excellents  instruments  de  M.  Adolphe  Sax,  dans  la 
salle  de  M.  Ilerz,  et  ont  produit  leur  effet  accoutumé.  Les 
morceaux:  Robert,  toi  que  j'aime,  le  final  de  la  Lucia,  mais 
surtout  le  God  save  the  king  ont ,  fait  le  plus  vif  plaisir  à 
l'assemblée  presque  toute  anglaise  aussi ,  et  qui  a  même  eu 
le  plaisir  d'ajiplaudir  un  pianiste  anglais,  M.  Julien  Adams, 
qui  a  fort  bien  dit  le  concerto  de  Weber. 

Le.  même  jour,  M.  Lindsay  Sloper,  autre  jeune  pianiste 
anglais  pur-sang,  en  compagnie  de  Roger  de  l'Opéra-Comique, 
de  notre  jeune  violoniste  Herman,  de  la  gentille  M"""  Sabatier, 
de  M''°  Masson ,  la  cantatrice  poétique ,  et  qui  fait  rêver, 
M.  Lindsay  Sloper,  concertait  de  sa  personne  pour  un  public 
de  bonne  compagnie  anglaise  et  française.  Qu'on  dise  après 
cela  que  nous  entendons  mal  et  ne  pratiquons  pas  bien  l'hos- 
pitalité envers  nos  ennemis  intimes  de  la  perfide  Albion  !  Le 
bénéficiaire  est  un  pianiste  fin  ,  à  manière  féminine.  Son  jeu 
net,  brillant  et  pur  a  été  apprécié  dans  la  belle  fantaisie  sur  la 
Sémiramide  de  Thalberg ,  et  dans  le  caprice  intitulé  la 
Truite ,  charmante  composition  dans  laquelle  Ilellera  si  bien 
interprété  Schubert,  et  que  M.  Lindsay  Sloper  a  dit  avec 
beaucoup  de  talent. 


!        1 

i        I 


DE  PARIS. 


117 


M.  Auguste  Franck  est  un  pianiste  qui  interprète,  traduit, 
franscrit  aussi  les  mélodies  de  Schubert,  qu'il  joue  fort  bien , 
ainsi  que  sa  musique  qu'il  ne  joue  pas  moins  bien.  Il  a  déjà 
donné  plusieurs  matinées  musicales  chez  lui;  elles  ont  attiré 
une  nombreuse  société  qui  applaudissaient  toujours  sa  brillante 
exécution. 

M.  Albert  Sowinski  qui  est  pianiste  comme  un  autre ,  aussi 
bien  qu'un  autre,  mieux  qu'un  autre  même ,  a  deux  cordes  à 
son  arc.  11  compose  de  la  musique  sacrée,  et  se  donne  le  plaisir, 
ainsi  qu'à  ses  amis,  de  faire  exécuter  quelquefois  ses  inspi- 
rations religieuscF.  C'est  ce  qu'il  a  fait  il  y  a  quelques  jours 
dans  l'église  du  couvent  des  Oiseaux,  charmante  serre  de 
fleurs  mystiques  et  de  voix  suaves,  qui  ont  dit,  avec  une  grande 
intelligence  musicale,  une  messe  solennelle  à  trois  parties: 
solos  et  deux  chœurs,  avec  accompagnement  d'orgue,  de  la 
composition  de  M.  Sowinski.  Ou  a  surtout  remarqué  l'incar- 
natus  est,  solo  de  contralto,  trio  et  chœur,  h  crucifixiis , 
sextuor  et  chœur,  \c  bencdictus  ,Vag)nts  dci  et  le  dona 
nobis  pacem. 

Après  avoir  honoré  l'Angleterre  ,  la  Belgique  et  la  Pologne 
dans  la  personne  de  ses  artistes ,  qu'il  nous  soit  permis  de 
parler  un  peu  de  nos  artistes  nationaux.  M"''  Jourdan-Mar- 
chal ,  élève  de  presque  tous  nos  professeurs  de  harpe,  et  qui, 
de  plus,  est  elle-même  harpiste  de  la  reine  des  Français,  a 
donné  un  grand  concert  dans  les  salons  de  M.  Erard.  En 
qualité  de  harpiste  gouvernementale  ,  elle  a  joué  avec 
M""  Lovcday  le  duo'du  couronnement  de  la  reine  d'Angleterre 
pour  piano  et  harpe  ,  composé  par  MM.  Herz  et  Labarre  ; 
puis  une  fantaisie  sur  un  thème  original  de  sa  composition. 
Ces  morceaux  ont  fait  plaisir  au  nombreux  pubHc  de  toutes 
les  classes  de  la  société  qui  se  coudoyait ,  se  foulait  quelque 
peu  pour  entendre  et  voir  les  exécutants,  et  pour  constater 
que  M""  lîourdon  a  fait  depuis  l'année  dernière  de  notables 
progrès,  et  qu'on  peut  hardiment  la  classer  maintenant  parmi 
les  harpistes  de  premier  ordre. 

M.  Lacombe  a  donné  précédemment,  dans  le  même  local, 
une  soirée  musicale  qui  a  réuni  presque  autant  de  monde.  Il 
a  d'abord  dit  dans  cette  séance  un  quintette  en  fa  dièze  pour 
piano,  violon  ,  violoncelle  ,  hautbois  et  basse  de  sa  composi- 
tion. M.  Lacombe  ne  s'est  pas  épargné  dans  celte  soirée 
comme  compositeur  et  exécutant.  Hommage  à  Tliaiberg 
sur  des  motifs  de  Béatrice  di  tendu;  àno  pour  deux  pia- 
nos, sur  B.ohin  des  bois  ;  neuvième  harmonie  des  harmo- 
nies de  la  nature;  étude  en  ««bémol  mineur;  Polonaise; 
duo  pour  piano  et  violon  sur  des  motifs  d'Oberon  ,  tel  est  le 
menu  du  repas  musical  tjue  le  bénéficiaire  a  offert  à  ses  con- 
viés. Ils  ont  tout  goûté  d'un  bon  appétit.  M.  Lacombe  est  un 
pianiste  remarquable ,  à  manière  nette  et  brillante ,  au 
style  pur  dans  ses  compositions  et  dans  son  exécution...  Mais 
nous  nous  arrêtons  ici ,  car  il  faut  bien  se  réserver  quelques 
adjectifs  laudatifs  pour  deux  pianistes  charmantes ,  qui  ont 
aussi  donné  concert  dans  le  courant  de  la  semaine  qui  vient 
de  s'écouler 

La  première ,  M""=  Wartel ,  jolie  Française  ,  et ,  de  plus , 
jouant  fort  bien  du  piano  ,  vient  de  parcourir  l'Allemagne, 
pays  des  bons  pianistes  et  de  la  bonne  musique ,  oi!i  notre 
charmante  compatriote  a  été  lithographiée  ,  applaudie  avec 
enthousiasme  :  il  y  a  eu  plus  et  mieux  que  galanterie  dans 
les  suffrages  qu'on  lui  a  si  libéralement  accordés,  dans  les  ova- 
tions qu'on  lui  a  faites;  il  y  a  eu  justice.  M""  Wartel  s'est 
montrée  pianiste  classique  et  du  progrès  dans  le  concert 
qu'elle  a  donné  chez  son  beau -frère  ,  M.  Delsarte ,  excellent 
professeur  de  chant.  Un  concerto  de  Bach,  une  belle  eœuvre de 
Beethoven ,  et  le  brillant  morceau  de  salon  de  Weber  lui  ont 


offert  l'occasion  de  montrer  un  talent  sévère  ,  solide  et  même 
masculin  ,  sans  que  la  force,  l'éclat  et  la  verve  lui  fassent  ou- 
blier la  grâce  inhérente  à  sa  qualité  de  jolie  femme.  C'est  aussi 
à  ce  dernier  titre  qu'on  peut  parler  de  M™  Bonnias ,  pianiste 
distinguée ,  qui  joue  de  son  instrument  d'une  manière  expres- 
sive et  brillante.  M»'"  Bonnias  s'est  aussi  expatriée  ;  elle  a  été 
chercher  des  applaudissements  et  de  la  réputation  en  Angle- 
terre, et  puis  elle  nous  est  revenue,  parce  qu'elle  a  vu  que  la 
réputation  artistique  que  l'on  conquiert  dans  notre  capitale  de 
France  est  la  réputation  la  mieux  acquise ,  la  moins  contestée 
ensuite;  que  les  applaudissements  que  l'on  vous  adresse  ne 
sont  accordés  qu'avec  discernement  et  goût ,  comme  elle  a 
pu  s'en  convaincre  dans  le  concert  qu'elle  a  donné  chez 
M.  Pleyel  le  28  passé.  La  grande  sonate  pour  piano  et  violon, 
dédiée  à  Kreutzer  par  Beethoven  ;  une  fantaisie  de  ïhalberg, 
d'une  difficulté  diabolique ,  sur  la  Norma ,  et  le  joli  trio  es- 
pagnol de  Brod  pour  piano,  hautbois  et  basse ,  ont  montré  le 
talent  de  M°'=  Bonnias  dans  toute  son  étendue  et  sa  variété. 
MM.  Baumes-Arnaud ,  Lac ,  Triebert ,  Jancourt ,  comme 
chanteurs  et  instrumentistes,  se  sont  distingués  dans  ce  con- 
cert, ainsi  que  M""  Dobré  et  Chérie  Couraud;  mais  c'est 
surtout  M.  Alard  qui  a  dit  un  solo  de  violon  d'une  manière 
ravissante ,  pleine  de  verve ,  d'expression  et  d'éclat. 

Henri  Blanchard. 


L'EMPEREUR  JOSEPH  II  ET  LE  COMPOSIIECR  DIITERSDORF. 

1986. 

ittersdorf,  l'auteur 
de  quelques  com- 
positions   légères , 
qui  eurent  dans  le 
temps  une  grande 
vogue,  avait  écrit 
un  oratorio  sous  le  titre  de  Job ,  qu'il  vou- 
;lait  faire  exécuter  à  Vienne,   ainsi  que 
des  symphonies  sur  les  métamorphoses 
d'Ovide ,  dans  le  local  i>iAugarten.  Pour  cela 
il  lui  fallait  la  permission  de  l'empereur,  qui 
la  lui  accorda  sans  difficulté.  L'affaire  termi- 
née ,  le  dialogue  suivant  s'établit  entre  le  sou- 
verain et  le  compositeur  : 
L'empereur.  Vous  avez  un  emploi  en  Silésie? 
Biltersdorf.    Oui,  sire;  je  suis  capitaine  de 
bailliage. 

L empereur.  Avez-vous  toutes  les  connaissances 
qu'exige  un  poste  aussi  important  ? 

Ditlersdorf.  Né  et  élevé  à  Vienne ,  ce  serait  une  honte 
pour  moi  si  je  n'avais  appris  qu'à  jouer  du  violon  et  à  faire 
un  peu  de  musique. 
r    L'empereur.  Vos  réponses  sont  fort  nettes. 

Bittersdorf.  On  m'a  dit  que  vous  aimiez  la  franchise;  s'il 
y  a  quelque  inconvenance  dans  mes  paroles ,  je  prie  Votre 
Majesté  de  me  pardonner. 

L'empereur.  —  On  a  eu  raison ,  et  vos  paroles  ne  m'ont 
nullement  blessé.  Avez-vous  entendu  jouer  Mozart  ? 
Bittersdorf.  Trois  fois ,  sire. 
L'empereur.  Qu'en  pensez-vous? 
Bittersdorf  Ce  qu'en  doit  penser  tout  connaisseur. 
L'empereur.  Avez-vous  aussi  entendu  démenti? 
Bittersdorf  Je  l'ai  entendu  également. 
L'empereur.  Quelques  uns  le  préfèrent  à  Mozart ,  que  vous 
en  semble?  répondez  franchement. 


116 


BEVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Ditièrsdorf.  Le  jeu  de  démenti  a  beaucoup  d'art  et  de 
profondeur;  chez  Mozart  on  trouve  ces  deux  qualités  ,  et  de 
plus  beaucoup  de  goût. 

L'empereur.  C'est  mon  avis.  Je  suis  charmé  de  me  rencon- 
trer avec  vous  dans  mon  opinion  sur  le  jeu  de  Mozart.  Main- 
fenant  que  dites-vous  de  ses  compositions? 

Dittersdorf.  C'est,  sans  contredit,  un  génie  original,  et  je 
rie  connais  pas  de  compositeur  chez  lequel  les  idées  neuves 
jaillissent  avec  autant  d'abondance;  on  pourrait  même  dire 
qu'il  en  a  trop.  Mozart  ne  donne  pas  à  l'auditeur  le  temps 
de  respirer.  A  peine  on  vient  d'apercevoir  avec  transport 
■quelque  belle  création,  que  soudain  il  en  surgit  une  autre, 
et  ainsi  de  suite.  On  jouit  au  galop,  et  l'on  regrette  à  la  fin 
de  l'opéra  tout  ce  que  l'on  a  été  obligé  de  laisser  en  chemin 
pour  suivre  le  compositeur  dans  l'élan  de  sa  productivité  in- 
fatigable et  inépuisable. 

L empereur.  C'est  vrai.  De  plus ,  je  trouve  que  sa  musique 
est  surchargée  de  notes;  les  chanteurs  eux-mêmes  s'en  plai- 
gnent. 

Dittersdorf.  Ce  n'est  point  là  un  défaut ,  pourvu  que  l'ac- 
compagnement ne  couvre  pas  la  voix. 
L'empereur.  Et  que  dites-vous  d'Haydn? 
Dittersdorf.  Je  n'ai  point  entendu  ses  compositions  pour 
le  théâtre. 

L'empereur.  Vous  n'y  perdez  rien  ;  mais  sa  musique  de 
chambre,  comment  la  trouvez-vous? 

Dittersdorf  Je  trouve  que  c'est  à  bon  droit  qu'elle  fait 
partout  grande  sensation  ,  et  qu'il  ne  court  pas  risque  de  voir 
jamais  sa  verve  tarie  ,  comme  cela  est  arrivé  à  bien  des  com- 
positeurs de  nosjours.  Haydn  sait  si  bien  régénérer  et  parer 
l'idée  la  plus  commune*!  la  pias  osée,  que  le  connaisseur 
lui-même  est  trompé.  . 

L'empereur.  Ne  tombe -t-lps  qoékfn^râs  dans  l'afTé- 
terie? 

Dittersdorf.  Haydn  sait  être  graci«us  sans  donner  dans  le 
maniéré  et  sans  profaner  la  dignité  de  l'art. 

L'empereur.  Votre  remarque  est  juste.  (Après  un  moment 
de  silence.)  J'ai  établi  dernièrement  un  parallèle  entre  Haydn 
et  Mozart;  établissez-en  un  de  votre  côté  pour  voir  jusqu'à 
quel  point  nos  opinions  s'accordent. 

Dittersdorf  (haussant  les  épaules).  C'est  là  une  question 
fort  épineuse. 

L'empereur.  Oh!  je  connais  votre  modestie ,  messieurs; 
j'avoue  que  je  ne  m'attendais  pas  à  la  rencontrer  chez  vous 
d'après  le  caractère  décidé  que  vous  avez  montré  jusqu'ici 

Dittersdorf.  Eh  bien!  puisqu'il  le  faut  absolument,  que 
Votre  Majesté  me  permette  de  lui  adresser  d'abord  une  ques- 
tion. 

L' empereur .  Parlez. 

Dittersdorf.  Lequel  des  deux  poètes  Votre  Majesté  pré- 
fère-t-elle,  de  Klopstock  ou  de  Gellert? 

L'empereur.  Ce  sont  deux  grands  poètes ,  avec  cette  diffé- 
rence qu'il  faut  s'y  prendre  à  deux  fois  pour  saisir  toutes  les 
beautés  de  Klopstock ,  tandis  que  le  mérite  de  Gellert  vous 
saute  aux  yeux  de  prime-abord. 

Dittersdorf.  Voire  Majesté  vient  de  résoudre  elle-même  la 
question. 

L'empereur.  D'après  vous ,  Mozart  c'est  Klopstock ,  et 
Haydn  serait  Gellert? 

Dittersdorf.  Précisément. 
L'empereur.  Je  n'ai  pas  d'objection  à  faire. 
Dittersdorf.  Maintenant  oserais-je  demander  quelle  est  l'o- 
pinion de  Votre  Majesté  h  l'égard  de  ces  deux  artistes? 
L'empereur,  Je  comparais  les  productions  de  Mozart  à  une 


tabatière  faite  à  Paris ,  et  Haydn  à  une  tabatière  faite  à  Lon- 
dres: toutes  deux  sont  belles.  La  première  se  fait  remarquer 
par  l'élégance  et  le  bon  goût  des  ornements ,  la  seconde  par 
la  simplicité  et  le  brillant  du  poli.  Vous  voyez  que  nous  sommes 
à  peu  près  du  même  avis ,  et  je  suis  enchanté  de  trouver  que 
vous  ne  ressemblez  en  rien  au  portrait  qu'on  m'avait  fait  de 
vous. 

Dittersdorf  Comment  cela ,  sire  ? 

L'empereur.  On  m'avait  dit  que  vous  étiez  égoïste ,  que 
vous  ne  rendiez  justice  à  aucun  virtuose  ni  à  aucun  compo- 
siteur, que  vous  étiez  vaniteux.  Je  viens  de  me  convaincre 
du  contraire,  et  je  serai  enchanté  de  vous  voir  chez  moi  pen- 
dant votre  séjour  à  Vienne  ;  vous  me  trouverez  toujours  à 
cette  heure-ci. 


Correspondance   jtaE'dâeïalièn'e. 

Londres  ,  le  28  mars. 
Zampa,  que  Fornasari  annonçait  pour  son  début,  a  été  compromis 
par  l'indisposition  de  cet  artiste.  C'est  avoir  vraiment  joué  de  mal- 
heur; elle  pius  grand  de  tous,  c'est  qu'un  certain  F.elice,  qui  l'a 
remplacé,  ait  été  détestable;  jamais  nom  n'a  été  moins  vrai;  la  ré- 
ception qu'il  a  reçue,  ainsi  que  les  ovulions,  l'ont  suffisamment 
prouvé.  Felice,  le  malheureux Felice,  a  fait  pourtant  ce  qu'il  a  pu; 
mais  son  talent  est  au-dessous  d'un  pareil  rôle.M"'Persiania  été  comme 
toujours  admirable  dans  Camilla,  et  Corelli  a  fort  bien  représenté 
Alfonso.  On  espère  que  Fornasari  sera  mieux  portant ,  et  que  le  ma- 
gnifique opéra  marchera  avec  plus  d'ensemble.  Le  ballet  à'Esme- 
raliia  obtient  un  succès  extraordinaire  et  mérité. 

jVjUc  Favanti  vient  de  nous  apparaître  dans  la  Cenereniola  ;  il  est 
impossible  d'êlre  mieux  reçue  qu'elle  ne  l'a  été  par  ses  compatriotes. 
Son  début  doit  être  considéré  comme  un  grand  triomphe,  qui  en  pré- 
dit de  plus  grands  encore.  M^''^  Favanti  possède  une  voix  claire  et 
parfaitement  timbrée;  ses  notes  graves  et  celles  du  médium  sont 
pourtant  préférables  aux  autres,  et  quoiqu'elle  n'égale  ni  M""' Persiani, 
ni  M"' Grisi,  M"' Favanti  peut  prend  replace  près  de  ces  deux  grandes 
cantatrices.  M"'  Favanti  a  une  figure  charmante,  et  de  plus  elle  est 
bonne  comédienne  :  voilà  plus  de  qualités  qu'il  n'en  faut  pour  se 
faire  une  grande  réputation.  — Palloni  a  débuté  dans  le  rôle  de  Dan- 
dini  ;  c'est  un  baryton  superbe  qui  chante  avec  goût ,  et  son  acqui- 
sition, ainsi  que  celle  do  M"=  Favanti,  peut  être  d'un  immense  avan- 
tage pour  l'Opéra-Ilalien. 

Drury-Lane  était  comble  hier.  Dupvez  jouait  dans  Guillaume  Tell. 
Hier  il  a  paru  dans  la  Favoriie.  Son  succès  a  été  immense,  et  la  salle 
ne  pouvait  contenir  la  foule  qui  voulait  applaudir  le  grand  artiste. 
Comme  l'engagement  de  ce  célèbre  chanteur  expirera  très  prochai- 
nement, nous  pouvons  prédire  que  l'on  se  boxera  pour  assister  à  ses 
dernières  représentations. 

La  Fille  de  Figaro  obtient  avec  iM"""  Albert  un  grand  succès  ^u 
Théâtre-Français.  Garligny  remplit  le  rôle  de  Dupéron. 


LES  DEUX  MEIVETKIERS. 

Dessin  de  Gavarni. 

11  y  a  des  moments  où  l'imagination  de  l'homme  s'exalte, 
où  les  moindres  objets  prennent  à  ses  yeux  des  proportions 
gigantesques,  où  les  sentiments  de  l'amitié  disparaissent 
devant  les  intérêts  de  l'art ,  où  l'indignation  s'élève  jusqu'au 
sublime  de  l'héro'isme,  où  le  sacrifice  se  produit  sous  la  forme 
du  plus  impérieux  des  devoirs!...  Les  deux  ménétriers  de 
Gavarni  sont ,  à  n'en  pas  douter,  dans  un  de  ces  moments , 
qui  peuvent  être  amenés  par  diverses  causes  :  celle  qui  les  y 
a  placés  n'est  pas  la  plus  noble  de  toutes ,  mais  ce  n'est  pas 
non  plus  la  moins  commune.  Leur  discussion,  née  d'un 
avant-deux ,  a  passé  sur  le  terrain  de  la  musique  savante  : 
comment  reviendra-t-elle  à  son  point  de  départ  ?  Et  com- 
ment eux-mêmes  reviendront-ils  à  leur  logis? 

M.  S. 


DE  PARIS. 


119 


PROGRAMME  DU  SIXIEME  CONCERT 

offert  am  abonnés  îie  la  €>a]€iie  mxmcaie 

QUI  AURA  LIEU 
DANS  LA  SALLE  DE  MM.  PLKYEL  ET  C  ,   20  ,  RUE  ROCHECIIOOART , 

i.  Quintetto   inédit   de   G.    Onslow,   eïccuté  par  MM.    Alard, 
Chevillard,  Croisilles,  Armicgaud  et  Goufië. 

2.  Air  de  Ezio  de  Haendel ,  charité  par  M"=  Nissen. 

3.  Air  italien  ciianlè  par  M"»»  Castellan. 

4.  Fantaisie  pour  le  violon  ,  composée  et  exécutée  par  M.  Alaid. 

5.  Tyrolienne  de  Betly,  chantée  par  M"=  Nissen. 

G.  Buo  de  Iiucrezia  Borgia,  chanté  par  M.  Saivi  etM»'  Castellan. 
7.  Ouverture    du    Carnaval    romain,  par  H.  Berlioz   (inédite), 

arrangée  pour  2  pianos  à  8  mains  par  M.  Fixis,  exécutée  par 

MM.  lïoehier,  Halle  ,  Heller  et  E.  'WolS'. 

Le  Piano  sera  tenu  par  M.  ScHlMON. 


ïrOTTTSZaZaBS. 

V  Demain  lundi  à  l'Opéra,  le  /lazzarone,  suivi  du  Bal  de  Don 
Jiiait. 

".*  La  semaine  n'a  pas  été  féconde  seulement  en  nouveautés  mu- 
sicales ;  la  danse  a  aussi  fourni  son  contingent ,  et  d'abord  la  Polka , 
qui  continue  à  se  répandre  dans  tous  les  théâtres  et  dans  tous  les 
salons  avec  la  fureur  d'une  avalanche  ,  s'est  montrée  à  l'Académie 
royale  de  musique  sous  le  costume  national  ,  fort  bien  représentée 
par  Coralli  fils  et  M"*  Maria.  Ensuite  la  danseuse  espagnole  ,  qui  a 
fait  tant  de  bruit  dans  les  cours  du  Nord,  Lola  .Montés,  a  débuté  sur 
la  même  scène;  mais  la  belle  étrangère  n'a  pas  reçu  du  public  pari- 
sien un  accueil  aussi  favorable.  La  musique  de  ces  pas  abusait  de  la 
permission  accordée  aux  .mélodies  espagnoles  d'être  monotones  et 
soporifiques. 

V  Aujourd'hui,  dimanche  ,  clôture  du  Théâtre-Italien. 

*,*  La  question  soulevée  par  l'un  des  auteurs  du  mélodrame  la 
Pie  voleuse  contre  le  directeur  du  Théâtre-Italien ,  a  été  résolue  en 
faveur  du  premier  qui  désormais  touchera  des  droits  d'auteur  à 
chaque  représentation  de  la  Gazza  ladra.  L'un  des  motifs  du  juge- 
ment rendu  par  le  tribunal  de  première  instance  ,  T  chambre,  c'est 
que  la  représentation  de  l'ouvrage  sur  le  Théâlre-Italicn  a  pu  porter 
préjudice  aux  auteurs  de  la  pièce  originale.  11  nous  semble  que  c'est 
tout  le  contraire  qu'il  faudrait  dire  ;  sans  la  Guzza  ladra,  sans  la  mu- 
sique de  Rossini,  la  Pie  voleuse  et  la  prose  de  MM.  Caignez,  d'Aubi- 
gny  et  Poujol  ne  seraient-elles  pas  dès  longtemps  oubliées? 

*,"  Masset,  de  l'Opéra-Comique,  part  le  ï"  de  ce  mois  pour  Liège, 
sa  ville  natale,  où  il  va  donner  des  représentations  attendues  avec 
grande  impatience. 

V  Les  deux  dernières  matinées  de  la  Société  des  concerts  n'ayant 
offert  aucune  nouveauté  remarquable ,  nous  croyons  devoir  nous 
abstenir  d'en  rendre  compte. 

",*  Au  concert  de  vendredi,  qui  sera  donné  au  Conservatoire, 
M.  Ilallé,  le  célèbre  pianiste,  jouera  le  concerto  en  mi  bémol ,  cette 
création  sublime  de  Beethoven. 

*,*  Le  concert  spirituel  de  M.  Berlioz  aura  lieu  le  samedi-saint, 
G  avril ,  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique.  On  y  entendra  ,  arec  les 
principaux  chanteurs  de  ce  théâtre,  BIH.  Salvi ,  Alexis  Dupont  et 
Camille  Sivori,  gui  vient  de  Bruxelles  tout  exprès.  Voici  le  pro- 
gramme :  1.  Ouverture  du  Hoi  Lear,  de  M.  Berlioz;  2.  Motet  avec 
chœurs,  de  Lesiteur;  -3.  Cavatine,  de  M.  Berlioz;  ^.Le  5  mai,  cantate 
avec  chœurs,  de  M.  Berlioz;  5.  Solo  de  piano  ;  G.  Air  chanté  par 
iM. Salvi;  7.  Morceau  de  Roberi-le-DiabU ,  exécuté  sur  5  instruments 
de  cuivre  de  Sax,  par  SIM.  Distin  ;  8.  Ouverture  du  Carnaval  romain, 
deM.  Berlioz;  9.  SaneUis,de  M.  Berlioz;  10.  Concerto  de  violon  de 
M.  C.  Sivori;  11.  Duo  A'Armide,  de  niuckj  12.  Symphonie  funèbre 
et  triomphale,  pour  deux  orchestres  et  chœurs,  de  M.  Berlioz.  Le  solo 
de  trombone  sera  joué  par  M.  Dieppo.  Les  exécutants,  au  nombre  de 
180,  disposes  en  amphithéâtre  sur  la  scène,  seront  dirigés  par  M.  Ber- 
lioz. On  trouve  des  billets  au  buieira  de  locatio»  de  rOpérof-Co- 
mique. 


*,*  Mercredi  10  avril,  à  huit  heures  du  soir,  dans  les  salons  de 
M.  Erard,  rue  du  Mail,  13,  M.  Alexandre  Batta  donnera  un  concert 
dans  lequel  il  exécutera,  1.  Un  duo  nouveau  pour  piano  et  violon- 
celle ;  2.  Hommage  à  Duprez,  fantaisie  nouvelle  sur  la  Juive  ;  3.  Ada- 
ffîo  pour  violoncelle,  exécuté  pour  la  première  fois;  i^.  Souvenirs  du. 
Béarn,  chant  des  montagnes,  transcrit  pour  violoncelle;  5.  Grand 
duo  sur  les  motifs  de  la  Favorite  ,  pour  piano  et  violoncelle,  par 
Wolffet  A.  Batta.  Prix  des  stalles:  15  fr.  Prix  du  billet:  10  fr. 

*,*  Le  second  concert  de  notre  célèbre  pianiste  Doehler aura  lieu 
le  8  avril  ;  il  se  fera  entendre  six  fois ,  dans  un  trio  inédit  de  Mayse- 
der,  des  romances  sans  paroles ,  des  études  de  salon  ,  des  fantaisies 
sur  Moïse ,  la  seconde  valse ,  et  un  nocturne  et  tarentelle  avec  M.  Al- 
lard.  La  partie  vocale  sera  remplie  par  M.  Salvi  et  M»">  Brambilla.  La 
salle  de  M.  Érard  sera  trop  petite. 

%*  M.  Cavallo,  dont  nous  avons  déjà  plusieurs  fois  signalé  le  ta- 
lent si  remarquable,  donnera  un  concert  lundi,  S  avril,  dans  les 
salons  de  M.  Pape.  Il  se  fera  enlendre  sur  les  nouveaux  pianos  à  huit 
octaves,  et  exécutera,  outre  un  trio  de  Beethoven,  plusieurs  morceaux 
de  sa  composition.  A  la  fin  du  concert  il  improvisera  sur  des  thèmes 
que  la  société  voudra  lui  fournir.  Dans  plusieurs  salons  où  ce  jeune 
artiste  s'est  fait  entendre,  son  exécution  foudroyante,  et  surtout  son 
rare  talent  d'improvisateur,  ont  excité  une  vive  admiration;  nous 
ne  doutons  nullement  que  dans  son  concert  il  n'obtienne  un  succès 
aussi  brillant  que  mérité. 

*,"  Dans  le  concert  pour  les  pauvres  qui  a  eu  lieu  dernièrement  à 
Versailles ,  M.  Gold ,  jeune  violon  de  talent ,  et  dont  nous  avons  eu 
l'occasion  de  parler  lors  de  son  concert  donné  dans  la  salle  lyrique, 
a  obtenu  un  très  brillant  succès. 

*,*  Les  journaux  de  l'Ile  de  Cuba  sont  remplis  de  détails  qui  té- 
moignent du  goût  musical  et  éclairé  de  ce  poétique  pays.  Le  succès 
obtenu  par  M""  G.  Damoreau  et  par  M.  D.  Arlôt  dans  leurs  deux 
premiers  concerts,  à  la  salle  Santa-Cecilia  et  de  la  Société  havan- 
naise,  a  été  prodigieux  ;  les  directeurs  ont  l'intention  de  faire  placer 
dans  les  salles  une  plaque  commémorative  du  passage  de  ces  deux 
artistes.  Le  troisième  concert,  donné  le  1"  janvier  dans  le  Thealro- 
principale,  Ini  a  procuré  de  nouveaux  triomphes.  A  Matanzas,  le 
signorMiro,  pianiste,  obtient  également  des  succès  en  société  de 
Billet,  jeune  violoncelliste  qui  s'est  fait  connaître  à  New-York,  et  de 
jjiies  Deville,  dont  le  journal  l'Aurora  compare  les  voix  à  celles  de 
deux  anges  descendant  du  ciel. 

*,*  A  Berlin,  comme  à  Vienne,  des  droils  d'auteur  vont  être  accor- 
dés aux  poètes  et  aux  musiciens,  ainsi  qu'à  leurs  veuves  et  enfants. 

V  La  Russie  est  exploitée  en  ce  moment  par  quelques  virtuoses 
allemands  ;  M"'  Clara  Schumann,  la  célèbre  pianiste,  après  avoir  eu 
de  grands  succès  en  dernier  lieu  à  Dorpat ,  vient  de  partir  pour 
Saint-Pétersbourg  où  son  époux  compte  faire  représenter  son  orato- 
rio la  Péri.  M""  Schloss,  cantatrice,  fait  également  une  tournée  dans 
la  Russie. 

Clu'onlqiie  départeiitentale. 

*,'  Toulouse,  23  mars.  —  La  Bohémienne ,  opéra  en  trois  actes,, 
paroles  de  MM.  Samazeuilh  et  Soutras  ,  musique  de  M.  Soubies,  a 
été  représentée  hier  avec  un  plein  succès  sur  le  Ihéâtre  du  Capitule. 
Plusieurs  morceaux  de  cet  ouvrage  ont  été  vivement  applaudis,  et 
la  barcaroUe  chantée  par  M""^  RouUc  a  obtenu  les  honneurs  du  bis. 

',*  ^ioc.— Mardi  19,  notre  théâtre  a  été  témoin  d'un  scandale  dont 
la  faute  ne  doit  pas  être  imputée  à  la  direction.  Le  public  ayant  de- 
mandé les  couplets  de  gC/iar/es  f^l ,  l'autorité  n'a  pas  voulu  per- 
mettre qu'on  les  chantât,  quoiqu'elle  eût  laissé  chanter  l'avant- 
veille  la  Marseillaise  sur  la  scène.  Le  public  a  persisté;  alors  gen- 
darmes et  soldats,  baïonnettes  en  avant,  ont  envahi  le  parterre  et  fait 
évacuer  la  salle. 

Chronique  étrangère. 

*'  Liège.  —  L'administration  du  Théâtre-Royal  a  fait  sa  paix  avec 
M"""  Laborde.  Elle  a  généreusement  payé  à  cette  cantatrice  le  mois 
d'appointements  qu'elle  était  en  droit  de  lui  retenir,  par  suite  delà 
condamnation  prononcée  par  le  tribunal  de  commerce. 

V  Berlin.— H.  Moeser,  maître  de  chapelle  de  Sa  Majesté  le  roi  de 
Prusse,  et  l'un  des  artistes  les  plus  distingués  de  l'Allemagne,  a  en 
l'honneur  de  recevoir  de  Sa  Majesté  le  roi  des  Belges  une  belle  mé- 
daille d'or  en  témoignage  de  sa  royale  salisfaclion  pour  une  grande 
composition  musicale  dont  il  lui  a  fait  hommage.  M.  Moeser  est  le 
père  du  jeune  violoniste  dont  nous  avons'eu  plusieurs  fois  l'occasion 
d'applaudir  le  talent  et  que  M.  de  Bériot  compte  au  nombre  de  ses 
plus  brillants  élèves. 


120 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


•."  T^iemie.  — On  vient  de  représenter  au  Théâtre  de  la  Porte  de 
Carinthie  l'opéra  intitulé:  Pascal  Bruno,  composé  par  M.  Hatlon , 
maître  de  chapelle  au  service  de  Sa  Majeslé  la  reine  d'Angleterre. 
Cette  solennité  musicale  avait  attiré  toute  li  haute  société  de 
Vienne;  la  partition  du  compositeur  anglais  n'a  obtenu  qu'un  demi- 
succès. 

*,"  J^ienne.  —  Par  ordre  de  l'empereur  d'Autriche  ,  les  droits 
d'auteur,  abandonnés  jusqu'ici  au  bon  plaisir  des  directeurs  de 
spectacles,  viennent  d'être  réglés  de  la  manière  suivante  :  pour 
une  pièce  qui  occupe  toute  la  soirée,  10  p.  c.  de  la  recette  brute; 
C  p.  c.  pour  une  pièce  qui  ne  remplit  que  les  deux  tiers  de  la  soirée, 
et  3  p.  c.  pour  les  pièces  de  moindre  dimension.  Ces  droits  seront 
perçus  par  l'auteur  immédiatement  après  chaque  représentation  ,  et 
sont  assurés  à  ses  héritiers  pour  disons.  De  plus,  l'auteur  a  droit 
dans  la  même  proportion  au  produit  des  loges  et  stalles  louées  à 
l'année,  évalué  à  35011.  par  soirée,  et,  en  outre,  il  pourra  être 
payé  des  primes,  qui  toutefois  ne  pourront  dépasser  la  somme  de 
■400  0.,  maximum  des  honoraires  accordés  jusqu'à  présent.  Du  reste, 
l'ordonnance  impériale  n'a  point  force  rétroactive.  51.  Halni,  dont 
la  dernière"  pièce  est  rétribuée  depuis  le  nouveau  tarif,  a  déjà  touché 
plus  de  C,000  fr.,  ce  qui  est  inou'i  dans  les  annales  du  théilre  alle- 
mand. Toute  pièce  reçue  doit  être  joucc  dans  le  courant  de  l'année , 
à  partir  du  jour  de  la  réception.  Celte  réforme,  qui  est  d'une  portée 
immense  pour  la  littérature  de  l'Allemagne  dramatique  ,  a  été 
provoquée  par  M.  de  Holbcin  ,  directeur  du  Jliugihcaier,  à  Vienne, 
et  ne  concerne  que  ce  seul  établissement.  On  espère  décider  les  di- 
recteurs de  province  à  entrer  dans  cette  voie  de  progrès. 

'/  Londres.  —  M.  Lover  a  commencé  le  20  les  concerts  irlandais 
qà  il  doit  faire  entendre  les  chants  de  la  mélancolique  Érin  à  ses  op- 
presseurs ;  il  a  ouvert  cette  première  séance  par  un  discours  sur  la 
musique  et  la  musique  de  l'Irlande.  Un  nombreux  auditoire  alBuait 
dans  la  salle  de  concerts  du  théâtre  de  la  Princesse.  —  La  Société 
d'harmonie  sacrée  a  fait  entendre  une  seconde  fois  le  bel  oratorio  de 
Saiil ,  qui  n'avait  pas  attiré  une  foule  moins  nombreuse  qu'à  la  pre- 
mière audition.  Les  chœurs  ont  été  supérieurement  exécutés,  et  les 
masses  de  sons  majestueux  et  sublimes  dont  ils  remplissaient  l'air 
ressemblaient,  dit  un  critique,  aux  accords  d'un  million  de  harpes 
éoliennes  caressées  par  le  souffle  de  la  brise.  —  John  Parry  chante 
avec  un  brillant  succès,  au  théâtre  de  HaymarUet,  une  scène  d'opéra 
intitulée  JYorma.—Le  comte  de  Westmoreland  a  fait  une  visite  au  roi 
de  Hanovre.  Ce  souverain  a  donné  plusieurs  soirées  en  l'honneur  de 
son  noble  hôte  qui  est  un  musicien  des  plus  accomplis. 

V  Manchester.  — Il  existe  ici  une  Uederiafel  (académie  de  chant), 
fondée,  il  y  a  quelques  années,  par  des  négociants  de  Hambourg 
qui  sont  établis  dans  cette  ville.  Le  10  février,  cette  liedertafel  a  cé- 
lébré son  troisième  anniversaire  par  un  concert  dont  les  journaux 
anglais  parlent  avec  un  enthousiasme  peu  ordinaire  chez  nos 
phlegmatiques  voisins. 

*,"  Madrid.  —  Rien  de  curieux  comme  le  programme  d'un  concert 
donné  à  Madrid  et  où  assistaient  la  reine  Isabelle  II  et  sa  sœur  l'in- 
fante. Chaque  morceau  s'y  trouve  coupé  par  une  valse  de  Strauss,  et 
à  l'exception  même  de  l'ouverture  de  Guillaume  TM,  on  n'y  trouve 
que  des  productions  sans  aucune  renommée;  ainsi  les  ouvertures 
d'ismalia  de  Wercadante,  de  Fausia  de  Donizctli ,  une  fantaisie  na- 
politaine, il  Zampognaro,  par  Mercadanto  déjà  nommé.  Il  semble  que 
le  morceau  emprunté  au  chef-d'œuvre  de  Uossini  soit  là  comme  une 
protestation  comme  tout  le  reste.  —  Un  violoniste  qui  prend  le  titre 
d'élève  de  Paganini,  Robbio,  vient  d'obtenir  un  succès  d'éclat  à  Ma- 
drid. Le  public,  fou  d'enthousiasme  après  un  concerto ,  l'a  rappelé 
sur  la  scène  pour  lui  en  faire  recommencer  plusieurs  passages.  — Il 
ne  se  présente  aucun  aspirant  au  concours  pour  les  places  de  surnu- 
méraires à  la  chapelle  royale;  singulier  mode  en  effet  d'encourage- 
ment pour  les  artistes,  leur  accorder  la  faveur  d'exercer  leur  talent... 
gratis!  —  Une  société  dramatique  qui  devait  s'ouvrir  sous  le  titre  de 
ta  Union ,  a  suspendu  ses  apprêts  ;  la  discorde  est  au  camp  d'Agra- 
mant.  —  L'Opéra  de  cette  capitale  a  été  ces  jours  derniers  le  théâtre 
d'un  scandale,  frois  frères  qui  s'y  sont  présentés  pour  chanter  sont 
devenus  le  jouet  du  public.  On  blâme  sévèrement  l'entreprise  d'avoir 
accueilli  trop  facilement  une  prétention  que  rien  ne  justifiait,  et  qui 
convertit  une  scène  élégante  en  une  espèce  de  cirque  de  taureaux. 
—  A  Valladolid,  la  prima  donna,  Catalina  M.is-rurcell,  vient,  grâce 
à  des  inspirations  heureuses ,  à  l'aplomb  et  à  la  verve  de  son  chant , 
d'obtenir  un  beau  suocès  dans  Lucreiia  Borjia. —  On  a  donné  sur  le 
théâtre  de  la  même  ville  une  représentation  au  bénéfice  des  reli- 
gieuses ;  des  cantatrices  du  grand  monde  ont  concouru  avec  celles 
de  la  scène  à  augmenter  l'intérêt  de  cette  œuvre  de  bienfaisance. 


".*  Madrid.  —  Le  directeur  du  Cirque ,  pour  couper  court  au 
système  des  traductions,  se  propose  do  former  une  société  d'au- 
teurs dramatiques  dans  le  but  d'obtenir  d'eux  des  nouveautés  pour 
son  théâtre.  11  leur  oUrira  comme  honoraires  1,500  réaux  (335  fr.  ) 
par  acte.  On  espère  que  l'opéra  national  ne  sera  pas  négligé  dans 
cette  combinaison,  destinée  à  aiguillonner  le  génie  espagnol. 

—  Une  société  dramatique  intitulée  el  Cenio  vient  de  .<e  dissoudre. 
Un  critique  spirituel  de  Madrid  a  la  franchise  de  faire  à  ce  sujet  le 
tristeaveu  que  le  génie  périt  toujours  en  Espagne,  et  pourtant  quel 
pays  est  plus  favorisé  de  la  nature  pour  lui  donner  et  naissance  et 
accroissement? 

*,'  Saini-Péiersboui-g.  —  Le  célèbre  violon  M.  Alexis  Lwolf,  co- 
lonel dans  l'armée  russe ,  a  été  nommé  général  et  aide-de-camp 
(  général-adjudant  )  de  S.  M.  l'empereur. 

","  JYetc-Vork,  13  février.  —Théâtre  Palme.  Il  a  été  fait  d'heu- 
reux changements  dans  la  distribution  des  places  de  ce  charmant 
théâtre.  Les  numéros  n'expriment  plus  que  le  nombre  des  places 
qu'il  y  a  sur  chaque  banc,  et  les  places  ont  été  élargies  d'un  tiers. 
Les  améliorations  ne  feront  qu'accroître  le  succès  de  ce  théâtre.  Les 
recettes  des  Puritains  ont  été  toujours  en  augmentant,  comme  le 
triomphe  des  artistes.  M"'  Borghèse  surtout  est  devenue  la  favorite 
du  public.  —  15  février.  —  La  représentation  de  Belisario  a.V!i'\l 
ailiro  le  monde  fashionable.  Si  elle  manquait  d'ensemble,  il  faut 
espérer  que  la  seconde  sera  meilleure. 

',*  Meocique. — Vieuxtemps  et  sa  sœur  se  sont  embarqués  le 
I"  février  à  la  Nouvelle-Orléans  pour  le  Mexique,  où  M.  Artot  et 
j[nic  Damorcau  les  ont  précédés. 


COKCSB.TS  ANNOIffCZS. 


mars.      2  heures.   M.  E.  Pasquié.  Salle  Hcrz. 
—         2      — 


2      — 
S      — 


M.  Prumier  fils.  Salle  de  l'Ecole  lyrique. 

M""  Deligny.  Salle  Pleyel. 

Gazette  musicale.  Salle  Pleyel. 

Mme  Ronconi.  Salle  Herz. 

M.  Porto.  Salle  Pleyel. 

M.  Baerwolff.  Salle  Pleyel. 
avril.  Concerts  du  Conservatoire. 

M.  Berlioz.  Salle  de  l'Opéra-Comiquè. 

M.  Doehler.  Salle  Érard. 

M.  Milhés.  Salle  Pleyel. 

M.  Cavallo.  Salle  Pape. 

M.  Secligmann.  Salle  Érard. 

il"'  Régnier.  Salle  Pleyel. 

M.  Herman.  Salle  Pleyel. 

M'i^Matlmann.  Salle  l'ieyel. 

M"'^^  Alessi.  Salle  Pleyel. 

Cercle  musical.  Salle  Herz. 

M.  C'oss.'iiann.  Salle  Erard. 

M    Vivien.  Salle  Érard. 
S      —        M.  Fridrich.  Salle  Pleyel. 
2      —        M.  îlereaux.  Concert  historique  au  bénéfice 
de  la  société  formée  pour  venir  au  secours 
des  musiciens  malheureux  Salle  Pleyel. 

Le  Directeur,  Jiédacteur  en  chef,  Mauhick  SCIILESlNGEr.. 


3    — 

2 

.5,  14  et  21 

avr 

6    — 

8 

8    — 

2 

8    — 

2 

8    — 

S 

9    — 

S 

10   — 

8 

11   — 

2 

11   — 

S 

12   — 

2 

13   — 

S 

13   — 

S 

15   — 

2 

Le  Chirogymnasle  est  un  assemblage  de  neaf  appa- 
reils gymnasliqucs  destinés  à  donner  de  l'ca;Iens_ion  k 
lamainetdel'écarî  aux  doigts  à  augmenter  et  à  éffalf- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quatrième  et  le  cinquième 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnwste 
aété  aussi  approuvé  et  adopté  par  MM.  Adam,  Bertini, 
de  Beriot,  Cramer,  Herz,  Kalkbreimer,  Listz.Moschelès 
Prudent,  Sinon,  Thalherg,  Tulou,  Zimmermann,  etc. 

Chaqge  Chirogymnasle  est  revêtu  de  la  signature 
de  l'inventeur  el  se  vend  place  de  la  Bourse,  n»  13, 
hhuil appareils,  50fr.,àneufapp.e0fr.,  mélhode,5fr. 

a-VMNASTIQIJE  APPI.IQIJÊE  A  I^'ÉTCDE  DU  PIAWO,  p«r  MABITM,  3  Ir. 
IM  eVISMASTIQUE  DES  DOICTS,  pmr  H.  BEBTIKI.  Vnx  net,  3  Cr.  7B  •, 


InventÉ  par  C.  MARTIN 

Factear  do  Pinmos, 

BREVETÉ  DU  ROI 

Place  de  la  Bourse,  tS. 

Approuvé  par  rinaititnt 

et  adopté  dans  les  elassps 

desCOIUSERVATOIBES 

de  Paris  et  de  Londres. 


Les  expéditions  sont  faites  contre  remboursement,  i"^ 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARflNET,  30,  rue  Jacob. 


Pour  Paris  :  un  an,  30  fr.  ;  s^x  mois,  15  fr.     —    Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres    —    Départements  :  un  an,  34  Tr.  Étranger,  38  fr. 


QiP 


REVUE 


GAZEHE  MUSICALE 

BÉDIGÉE  FiB 

MM.  ANFERS,  (}.  BÉNÉniT,  BERLIOZ,  Hf.NIll  BLANCHARn, 

MvUuiCE  BOURGES.  F.  DANJOU,  nUESHERG  ,  FÉTrS  pire,  ÉDOtiiBD  FÉTIS,  STrpiiEN  HEILER,   .T.  JA^IN, 

G.   KASTNER  ,  LISZT,  J.  J  E  FRED  ,  G'.CBGE  SAiNO,  L.  RELLSTAB,  Paul  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

M'aÈ'aiggattt  foMS  tes  JOhnattches. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 
Le    l"   et    lo    IS  de  chaque   mois  on    receii-u   un   luurc-uuu    de    imiisifiae. 


SOMMAIRE.  Cours  gratuit  d'histoire  et  de  tJiéorie  de  l'iiarmonie 
(deuxième  article);  par  FÉTIS  père.  — Théâtre-Italien  :  Clôture. 
Avenir;  par  A.  SPECHT.  —  Coup  d'œil  sur  les  concerts  de  la 
semaine;  par  H.  BLANCHARD.  —  Nouvelles.  —  Annonces. 

Un  Sauvage  de  ii'îraijtorte  où.  Dessin  de  Gavarni.5 


OOTTRS     G-HATTTIT 


L' 


FAIT  DANS  LA  SALLE  DE  M.  HERZ  , 
par 

ET    ANALYSÉ   PAR   LUI-MÊME. 
(  Second  article"  ). 

près  avoir  établi  commoiU  se  modifient  les 
accords  naîui-els  par  la  substitution  et  par  la 
prolongation  ,  je  suis  arrivé  à  une  harmo- 
^  nie  qui  a  été  l'écueil  de  tous  les  systèmes  et 
®  qui  a  donné  la  torture  à  tous  les  harmonistes; 
je  veux  parler  d'un  certain  accord  que  quelques  uns  appel- 
lent septième  du  second  degré ,  d'autres  septième  et  tierce 
mineure ,  d'autres  encore  ,  septième  de  seconde  espèce ,  pour 
distinguer  cet  accord  de  celui  de  septième  de  dominante, 
qu'ils  considèrent  comme  la  première  espèce.  L'harmonie 
dont  il  s'agit  est  celle  qui ,  dans  le  ton  d'a^ ,  par  cvemple ,  est 
composée  des  notes  ré ,  fa ,  la  ,  ut. 

Parmi  les  théoriciens  ,  les  uns ,  et  c'est  le  plus  grand  nom- 
bre ,  la  considèrent  comme  un  accord  qui  a  une  existence 
primitive,  absolue,  ainsi  que  l'accord  de  septième  dominante. 
La  seule  différence  entre  ces  deux  accords ,  disent-ils ,  c'est 

(")  Voirie  numéro  II. 


que  la  dissonance  de  l'accord  de  septième  du  second  degré  , 
ou  de  deuxième  espèce ,  doit  être  préparée.  Mais  quoi  !  que 
signifie  ce  mot  de  préparation}. ,  si  ce  n'est  qu'il  y  a  quelque 
chose  ([ui  précède  cet  accord,  et  dont  il  dépend?  Il  n'est 
donc  pas  primitif  !  il  n'existe  donc  pas  par  lui-même  !  il  n'est 
donc  pas  une  nécessité  de  la  tonalité ,  c'est-à-dire  de  la  mu- 
sique !  Car,  encore  une  fois,  la  tonalité,  c'est  la  musique 
en  elle-même ,  telle  qu'elle  existe  par  la  nature  des  choses , 
que  l'homme  n'a  point  inventée,  mais  dont  il  a  découvert 
tour  à  tour  les  divers  phénomènes  naturels.  Ces  phénomènes, 
tels  que  l'harmonie  consonnante  de  l'accord  parfait  et  l'har- 
monie dissonante  de  l'accord  de  septième  dominante ,  nous 
les  acceptons  comme  primitifs  et  indépendants  de  notre  vo- 
lonté ,  par  une  conséquence  de  notre  organisation  ,  c'est-à- 
dire  sans  qu'ils  soient  préparés,  sans  que  rien  les  précède. 
Au  contraire,  tout  ce  qui,  dans  l'harmonie,  n'est  pas  une 
conséquence  immédiate  de  cette  loi  suprême ,  n'a  qu'une 
existence  artificielle  ,  et  n'est  que  le  produit  de  la  volonté  de 
l'homme.  Est-il  donc  nécessaire  que  j'insiste  avec  tantde  per- 
sistance sur  l'évidence  de  ces  principes? 

Si ,  comme  je  le  pense ,  ils  sont  incontestables ,  l'accord  de 
septième  ré,  fa,  la,  ut,  n'étant  point  admis  immédiatement  et 
sans  préparation  par  notre  sens  musical ,  n'est  donc  que  le 
produit  d'un  artifice.  Plusieurs  théoriciens  ont  compris  cette 
vérité ,  et  en  ont  fait  une  des  bases  de  leurs  systèmes.  Catel , 
particulièrement,  pose  en  fait  que  cet  accord  n'est  qu'une 
prolongation  de  la  tonique  sur  un  accord  parfait  du  second 
degré  (  Traité  d'harmonie,  page  23).  Mais  son  erreur  est 
évidente  ;  car  toute  prolongation  qui  introduit  une  dissonance 
artificielle  dans  un  accord  coiisonnant  a  pour  conséquence 
que,  si  elle  était  supprimée  ,  c'est-à-dire  résolue  sur  la  note 
dont  elle  est  le  retard ,  l'accord  consonnant,  retardé  par  la 
prolongation  ,  apparaîtrait  immédiatement  :  or,  c'est  ce  qui 
n'a  point  lieu  ,  car  si  on  résout  ui ,  de  l'accord  ré,  fa,  la,  ut, 
SUT  si  (résolution  nécessaire  de  la  prolongation),  on  aura  ré, 


BUREAUX   D'ABOSrSrEMEBJT,    B.UE    RICHEUEU,    97. 


122 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


fa,  la,  si,  c'est-à-dire  un  autre  accord  dissonant  de  quinte  et  [ 
sixte  dont  on  ne  trouve  plus  rorigine. 

fliais ,  disent  les  partisans  absolus  de  tout  le  système  de  ] 
Catel ,  ce  n'est  pas  sur  l'accord  parfait  de  ré,  fa,  la,  que  se  ! 
fait  la  résolution  de  la  prolongation  ut  ;  c'est  sur  l'accord  de  \ 
septième  sol,  si,  ré,  fa,  dans  la  succession  des  deux  accords 
de  septième.  Ah  !  messieurs ,  vous  n'y  pensez  pas  !  Si  la  note  . 
prolongée  ne  peut  pas  se  résoudre  sur  l'accord  ré  ,  fa,  la, 
c'est  que  ce  n'est  pas  cet  accord  qui  est  modifié  par  cette  pro-  | 
longation  ;  et  si  vous  ne  trouvez  de  résolution  possible  de  1 
celle-ci  que  sur  l'accord  de  septième  dominante^o/,  si,  ré,  fa, 
c'est  que  c'est  celui-ci ,  ou  plutôt  son  dérivé  ré,  fa,  sol,  si,  ': 
qui  est  en  réalité  l'accord  modifié;  et  je  montrerai ,  en  effet,  i 
tout-à-l'heure  que  c'est  celui-là  qui  est  l'accord  retardé.  j 

Mais  que  faire  du  /a qu'on  voit,  dans  cet  accord,  prendre 
la  place  de  sol  .?Car,  enfin ,  on  comprend  ré,  fa,  sol,  ut,  re-  ] 
tardant  ré,  fa.  sol,  si,  et  non  ré,  fa,  la,  si.  C'est  ici  que  se 
présente  une  des  nouveautés  les  plus  remarquables  de  la 
théorie  que  j'ai  exposée  dans  mon  cours. 

On  se  souvient  que  j'ai  démontré ,  par  l'analogie  de  desti- 
nation et  de  tendance ,  que  les  accords  de  neuvième  majeure 
et  mineure  de  la  dominante ,  ceux  de  septième  de  sensible , 
de  septième  diminuée ,  et  les  autres  de  même  espèce ,  ne  sont 
que  l'accord  de  septième  dominante  et  ses  dérivés  par  le 
renversement ,  dans  lesquels  le  sixième  degré  des  modes  ma- 
jeur ou  mineur  prend  la  place  de  la  dominante  dans  la  note 
supérieure  de  ces  accords;  substitution  mélodique  et  attrac- 
tive admise  sans  préparation  dans  notre  sens  musical.  Or, 
•c'est  précisément  cette  substitution  qui  change  ré,  fa,  sol,  si, 
en  ré,  fa,  la,  si,  et  c'est  sur  l'accord  ainsi  modifié  que  se  fait 
la  prolongation  d'où  naît  ré,  fa,  la,  ut.  Et  ce  qui  prouve  que 
ce  n'est  pas  autre  chose ,  c'est  qu'on  peut  faire  une  très  bonne 
résolution  de  la  note  prolongée  sur  l'accord  affecté  de  substi- 
tution, en  ayant  soin  de  mettre  la  note  substituée  à  la  partie 
supérieure.  Si  on  fait  à  la  fois  la  résolution  de  la  note  pro- 
longée et  de  la  note  substituée ,  on  trouve  l'accord  de  sixte 
sensible,  ré,  fa,  sol,  si,  ce  qui  prouve  que  c'est  en  effet  cet 
accord  qui  est  doublement  modifié  dans  l'accord  ré,  fa,  la,  ut. 
J'ai  démontré  par  des  exemples  très  clairs ,  dans  mon  Traité 
de  la  théorie  et  de  la  pratique  de  l'harmonie,  que  les  succes- 
sions où  l'accord  naturel ,  l'accord  avec  substitution  ,  l'accord 
avec  prolongation  sans  substitution ,  et  l'accord  avec  retarde- 
ment et  substitution  ,  sont  employés  à  volonté,  accomplissent 
les  mêmes  fonctions  harmoniques ,  et  ont  les  mêmes  résul- 
tats dans  la  tonalité. 

Depuis  que  j'ai  fini  mon  cours,  un  de  mes  amis,  homme 
d'une  instruction  solide  dans  l'harmonie  et  dans  le  contre- 
point ,  m'a  fait  cette  objection  :  «  Ce  n'est  pas  seulement  sur 
»  le  second  degré  qu'on  fait  un  accord  de  septième  avec  la 
»  tierce  mineure  ;  on  en  fait  un  aussi  sur  le  sixième ,  en  le  pré- 
»  parant.  Comment  pourrait-on  expliquer  celui-là ,  puisqu'il 
»  n'y  a  point  de  substitution  possible  sur  ce  degré  ?  »  Ma  ré- 
ponse a  été  celle-ci  :  «  Dans  mon  traité ,  comme  dans  mon 
»  cours,  j'ai  fait  voir  qu'on  fait  quelquefois  usage  de  progres- 
»  sions  non  modulantes  dans  lesquelles  le  même  accord  se  fait 
»  sur  tous  les  degrés  de  la  gamme ,  par  analogie  de  mouve- 
»  ment  dans  la  basse  et  dans  la  marche  des  parties ,  parce  que 
»  le  sens  musical  suspend ,  dans  ces  progressions ,  tout  senti- 
»  ment  de  tonalité  jusqu'au  moment  de  la  cadence,  où  il  s'en 
»  ressaisit.  Or,  c'est  dans  ce  cas  seulement  que  la  septième 
»  mineure  se  fait  sur  le  sixième  degré. 

»  Il  est  vrai  que  quelques  musiciens  ont  fait  usage  de  la 
»  succession  suivante  :  ut,  mi,  sol;  la,  ut,  mi,  sol;  la,  ut,  fa; 
»  mais  l'obligation  où  ils  se  sont  trouvés  de  faire  monter  mi 


«  h  fa  ,  en  même  temps  que  sol  descend  à  la  même  note , 
»  dans  la  succession  du  troisième  accord  au  second  ,  prouve 
»  que  ce  second  n'est  qu'un  retard  de  l'accord  de  sixte  sira- 
»  pie,  et  que  ces  musiciens  ont  eu  tort  d'y  introduire  la 
»  quinte.  Il  y  a  des  fautes  contre  la  langue  dans  les  œuvres  de 
»  Racine  et  de  Molière ,  mais  l'autorité  de  ces  grands  hommes 
»  n'empêche  pas  que  les  règles  de  la  grammaire  ne  soient  très 
»  rationnelles  et  très  certaines.  » 

On  m'a  demandé  aussi  s'il  ne  serait  pas  plus  simple  d'ad- 
mettre un  accord  de  plus  que  les  deux  naturels  que  j'ai  recon- 
nus; savoir,  cet  accord  de  septième  avec  tierce  mineure, 
cause  de  tant  d'embarras.  Mais  quoi  !  il  ne  s'agit  pas  d'ad- 
mettre ou  de  rejeter  de  notre  plein  gré  :  nous  n'en  sommes 
pas  à  nous  passer  un  accord  de  plus  ou  de  moins,  comme  ces 
médecins  qui  consentaient  à  s'accorder  la  casse  en  faveur  du 
séné.  Ce  que  nous  avons  à  faire  pour  fonder  une  théorie 
d'accord  avec  la  pratique ,  c'est  de  rechercher  avec  toute  la 
rigueur  de  la  méthode  philosophique  ce  qui  est  vrai  et  ce  qui 
ne  l'est  pas  :  le  vrai,  une  fois  reconnu,  ne  nous  permet  pas 
de  transaction.  Or,  je  dirai  toujours  à  toutes  les  objections  de 
ce  genre  qu'on  me  présentera  :  «  Trouvez  un  ou  plusieurs 
»  autres  accords  qui  soient  nécessaires ,  comme  l'accord  par- 
»  fait  et  l'accord  de  septième  dominante ,  pour  fonder  la  to- 
»  nalité  et  accomplir  des  successions  nécessaires  de  la  musique, 
»  un  ton  étant  donné,  et  je  les  admettrai  immédiatement, 
»  parce  que  rien  ne  pourra  empêcher  de  les  prendre  pour 
»  bases  de  la  musique  :  mais  toute  agrégation  de  sons  qui  ne 
»  remplira  pas  ces  conditions  sera  nécessairement  une 
»  harmonie  artificielle  dont  il  faudra  chercher  le  système  de 
»  modification. 

»  —  On  répugne ,  me  disait  le  même  ami ,  à  cette  double 
»  opération  de  la  substitution  et  de  la  prolongation  pour  ex- 
«  pliquer  une  harmonie  ;  il  faut  pour  la  comprendre  plus 
»  d'attention  et  d'habitude  d'analyse  que  n'en  ont  la  plupart 
»  des  jeunes  gens  qui  se  livrent  à  l'étude  de  la  musique,  et 
»  en  particulier  de  l'harmonie.  »  J'avoue  que  je  suis  peu  tou- 
ché de  cette  objection.  Jamais  je  ne  pourrai  croire  que  pour 
rendre  plus  facile  l'intelligence  d'une  science,  il  soit  néces- 
saire de  la  dénaturer  ,  de  la  fausser,  et  de  substituer  à  des 
vérités  qui  exigent  quelque  attention ,  un  enseignement  em- 
pirique de  faits  erronés  ,  aussi  nuisible  à  la  pratique  de  l'art 
qu'à  la  théorie  de  la  science.  D'ailleurs  ,  pour  répondre  victo- 
rieusement à  cette  objection  ,  je  n'ai  pas  besoin  de  chercher 
d'autre  argument  que  le  succès  obtenu  dans  le  cours  que  je 
viens  de  faire  sous  le  rapport  de  la  clarté  ;  car,  parmi  le  grand 
nombre  de  jeunes  gens  et  de  dames  qui  assistaient  aux 
séances  de  ce  cours ,  plusieurs  m'ont  exprimé  leur  étonne- 
ment  de  ce  que  cette  science  de  l'harmonie,  dont  on  leur 
avait  fait  grand'peur ,  leur  avait  paru  simple  et  facile.  Les 
préjugés  d'écoles  des  hommes  instruits  par  d'autres  principes 
que  ceux  d'une  nouvelle  théorie,  me  paraissent  plus  difficiles 
à  vaincre  que  l'ignorance  et  l'inattention  de  ceux  qui  en  sont 
encore  au  commencement  de  l'étude. 

Si  j'ai  tant  insisté,  dans  ce  qui  précède ,  sur  cette  partie  de 
la  théorie  nouvelle  que  je  mets  en  lumière  ,  et  qui  a  été  si 
bien  accueillie  dans  mon  cours,  c'est  que  c'est  sur  ce  point 
seulement  que  j'ai  trouvé  du  doute  dans  l'esprit  de  quelques 
artistes  dont  j'estime  le  savoir.  Je  passe  maintenant  au  qua- 
trième genre  de  modification  dont  les  accords  naturels  sont 
susceptibles. 

Dans  toute  succession  de  denx  accords,  soit  d'un  disso- 
nant à  un  consonnant ,  on  d'un  consonnant  S  un  dissonant , 
tout  mouvement  de  l'intervalle  d'un  ton  peut  être  altéré  par 
le  demi-ton  intermédiaire ,  soit  en  montant ,  soit  en  descen- 


DE  PARIS. 


123 


dant.  L'effet  de  ces  altérations  est  d'introduire  dans  les  accords 
des  notes  étrangères  au  ton  auquel  ces  accords  appartiennent, 
et  conséquemmeut  d'établir  des  tendances  vers  des  tons  nou- 
veaux", bien  que  ces  tendances  n'aboutissent  pas  toujours  à  la 
terminaison  qu'elles  semblent  indiquer. 

L'effet  des  altérations  ascendantes  est  de  donner  aux  notes 
qui  en  sont  affectées  le  caractère  de  notes  sensibles  acciden- 
telles qui  se  résolvent  en  montant ,  lors  même  qu'elles  se 
transforment  en  dissonance ,  parce  que  le  sentiment  d'at- 
traction de  l'accent  ascendant  absorbe  celui  de  la  dissonance. 
Pour  donner  des  exemples  de  l'effet  des  altérations  dans  la 
succession  des  accords ,  je  fis  voir  à  la  troisième  séance  de 
mon  cours  que  l'altération  de  la  quinte  de  l'accord  parfait  , 
dans  la  succession  de  celui  de  la  tonique  ut ,  mi ,  sol ,  a  celui 
du  quatrième  degré  fa,  ut,  fa,  la ,  produit  un  accord  de  quinte 
augmentée  ut,  mi,  sol  dièse,  et  que  cette  altération  établit 
une  attraction  ascendante  du  sol  dièse  au  la.  De  même  ,  dans 
la  succession  de  l'accord  de  sixte  du  sixième  degré  du  mode 
mineur  fa ,  la,  ré,  ii  l'accord  parfait  de  la  dominante  mi , 
sol  dièse ,  si ,  mi ,  l'altération  de  la  sixte  ré  en  ré  dièse  pro- 
duit une  attraction  ascendante  qui  oblige  ce  ré  dièse  à  mon- 
ter à  mi,  et  engendre  l'accord  connu  sous  le  nom  de  sixte 
augmentée.  De  même  encore  ,  disais-je  ,  dans  la  succession 
de  l'accord  de  quinte  mineure  et  sixte,  si,  fa ,  sol ,  ré ,  à  l'ac- 
cord parfait  avec  tierce  redoublée  ut,  mi,  sol,  mi,  si  l'on 
altère  ré  du  premier  accord  par  un  dièse ,  on  aura  une  attrac- 
tion ascendante  qui  devra  se  résoudre  sur  un  mi  du  second. 
Ici  l'attraction  sera  double;  car,  tandis  que  l'altération  de 
ré  devra  monter  en  sa  qualité  de  note  sensible  accidentelle  , 
la  dissonance  fa  devra  descendre. 

Quant  aux  altérations  descendantes,  leur  attraction  vers 
une  note  inférieure  n'est  pas  moins  impérative  que  la  ten- 
dance à  monter  des  altérations  ascendantes.  Par  exemple, 
disais-je  encore  ,  supposez  la  même  succession  de  l'accord  de 
quinte  mineure  et  sixte  si,  fa,  sol,  ré ,  à  l'accord  parfait  ut , 
mi,  sol,  ut  ;  la  ,  ré  descend  à  ut;  si  on  altère  l'intervalle 
d'un  ton  qui  se  trouve  entre  ces  deux  notes  par  le  ré  bémol , 
il  en  résultera  un  accord  composé  de  tierce  diminuée ,  quinte 
mineure  et  sixte  mineure  ;  or  l'attraction  descendante  de  ré 
bémol  est  aussi  irrésistible  que  l'attraction  ascendante  de  la 
note  sensible  si. 

J'ai  saisi  l'occasion  de  cette  théorie  des  altérations  des  ac- 
cords naturels  pour  faire  remarquer  à  l'auditoire  qu'il  n'y  a 
d'intervalles  augmentés  ou  diminués  que  lorsque  l'altération 
d'une  ou  de  plusieurs  notes  de  ces  accords  met  eu  rapport  des 
sons  qui  appartiennent  à  des  tons  différents  ;  par  exemple  si, 
fa,  sol,  ré  bémol  produit  une  tierce  diminuée  entre  si  bécarre 
et  ré  bémol ,  parce  qu'il  n'est  aucun  ton  dans  lequel  ré  soit 
naturellement  bémolisé,  tandis  que  si  reste  dans  son  intona- 
tion naturelle.  De  même,  si  dans  la  succession  de  l'accord  par- 
fait mJ,  mi,  sol,  ul,  à  l'accord  de  quinte  mineure  et  sixte «i, 
fa,  sol,  ré,  on  altère  1'»^  supérieur  du  premier  accord  par  un 
dièse,  on  aura  l'octave  augmentée  ut  —  ?/< dièse;  or,  il  n'existe 
aucun  ton  dans  lequel  id  soit  à  la  fois  dans  sa  situation  natu- 
relle et  affecté  d'un  dièse.  Augmenté  signifie  donc ,  pour  les 
intervalles,  plus  grand  que  la  dimension  naturelle,  et  diminué, 
plus  petit  que  la  même  dimension.  D'où  il  suit  que  la  situa- 
tion naturelle  des  intervalles  conformes  à  un  ton  quelconque 
est  qu'ils  soKni  justes,  majeurs  ou  mineurs.  Les  auteurs  qui 
ont  appelé  diminuée  la  quinte  mineure  qui  se  trouve  entre 
la  note  sensible  de  la  gamme  et  le  quatrième  degré ,  et  aug- 
mentée ,  la  quarte  majeure  formée  par  le  renversement  des 
mêmes  notes,  ont  donc  introduit  de  la  confusion  dans  le  lan- 
gage de  la  science. 


Les  altérations  des  notes  naturelles  des  accords  sont  une 
source  féconde  de  variété  dans  l'harmonie  ;  mais  cette  variété 
devient  plus  riche  encore  en  se  combinant  avec  les  modifica- 
tions des  accords  naturels  par  la  substitution  et  par  la  pro- 
longation. J'en  ai  donné  les  exemples  suivants  dans  la  troi- 
sième séance  de  mon  cours. 

1°  Supposons  la  succession  des  accords  de  septième  dimi- 
nuée si,  fa,  la  bémol,  ré,  et  de  l'accord  parfait  avec  tierce 
redoublée  ut,  mi,  sol,  mi;  il  est  évident  que  le  mouvement 
de  ré  à  mi  pourra  être  altéré  par  un  dièse  au  ré  qui  établira 
une  attraction  ascendante  de  ré  dièse  à  mi ,  tandis  que  la  sep- 
tième diminuée  la  bémol  et  la  quinte  mineure  fa  auront  une 
attraction  descendante.  11  est  remarquable  que  dans  l'accord 
ainsi  modifié  toutes  les  notes  sont  attractives,  car  la  note  sen- 
sible du  ton,  qui  en  est  la  base,  doit  aussi  se  résoudi'e  en  mon- 
tant. 

2°  La  succession  du  même  accord,  si,  fa,  la  bémol,  ré,  et 
de  l'accord  parfait,  ut,  mi,  sol,  ut,  donne  lieu  au  mouve- 
ment descendant,  ré,  ut,  dans  lequel  ré  peut  être  altéré  par  le 
bémol  accidentel ,  ce  qui  produit  l'accord  de  septième  dimi- 
nuée avec  tierce  diminuée,  si,  fa,  la  bémol,  ré  bémol,  et 
donne  naissance  à  une  triple  attraction  descendante  de  fa ,  la 
bémol ,  ré  bémol ,  réunie  à  l'attraction  ascendante  de  si  vers 
ut.  Voilà  pour  les  altérations  réunies  à  la  substitution  ;  voyons 
maintenant  la  réunion  des  altérations  aux  prolongations. 

3°  Supposons  la  succession  de  trois  accords ,  savoir  :  l'ac- 
cord de  sixte,  mi,  ut,  sol,  ut,  l'accord  de  triton,  fa,  ré, 
sol,  si,  et  enfin  le  retour  au  premier  accord,  mi,  ut,  sol, 
ut;  il  est  évident  que  ut  supérieur  du  premier  accord  des- 
cendant à  si  du  deuxième  pourra  être  prolongé ,  et  que  ut 
inférieur  montant  à  ré,  dans  la  même  succession,  pourra 
donner  lieu  à  l'altération  de  ré  en  ré  bémol ,  d'où  résultera 
l'harmonie  de  fa ,  ré  bémol ,  sol,  ut ,  retardant  fa ,  ré  bémol , 
sol,  si,  altération  de  l'accord  naturel  de  triton,  qui,  en  défi- 
nitive, fera  sa  résolution  sur  l'accord  de  sixte,  suivant  la  loi 
de  tonalité.  Ces  cas  suffisent  pour  faire  comprendre  le  méca- 
nisme de  ces  différents  genres  de  modifications  des  accords 
naturels. 

Il  en  est  un  autre  qui  consiste  à  prolonger  les  notes  alté- 
rées sur  la  résolution  des  successions  :  celles-là ,  dont  j'ai 
révélé  le  premier  l'existence ,  constituent  un  ordre  de  faits 
absolument  nouveau  dans  l'harmonie ,  qui  consiste  à  établir 
des  relations  multiples  entre  tous  les  tous.  Je  dirai  plus  loin 
quelles  conséquences  j'en  ai  tirées. 

Après  cet  exposé  de  la  génération  naturelle  et  artificielle 
de  toutes  ces  combinaisons  harmoniques ,  j'avais  à  entretenir 
mon  auditoire  de  certains  accords  qui  ne  semblent  point  s'y  rat- 
tacher, et  qui  ont  exercé  une  grande  influence  sur  les  erreurs 
de  tous  les  auteurs  de  système  d'harmonie.  Il  s'agissait  d'un 
accord  de  tierce  mineure ,  quinte  et  septième  mineure ,  qui 
se  fait,  en  de  certaines  circonstances,  sur  le  sixième  degré 
du  mode  majeur,  et  d'un  accord  de  tierce  majeure,  quinte 
juste  et  septième  majeure ,  qui  s'emploie  dans  les  mêmes  cir- 
constances sur  la  tonique  et  sur  le  quatrième  degré.  Or,  j'ai 
fait  voir  que  ces  accords  ne  peuvent  se  rencontrer  que  dans 
des  progressions  harmoniques  non  modulantes ,  où  toutes  les 
successions  se  faisant  symétriquement  sur  le  modèle  d'un 
premier  mouvement  naturel ,  l'attention  du  sens  musical  se 
fixe  sur  la  symétrie ,  et  suspend  le  sentiment  de  la  tonalité 
jusqu'au  moment  de  la  cadence ,  de  telle  sorte  que  tous  les 
accords  de  trois  et  de  quatre  sons  se  posent  sur  tous  les  de- 
grés dans  ces  progressions ,  bien  que  dans  Tordre  de  la  tona- 
lité chacun  de  ces  accords  ait  une  place  déterminée.  Ainsi , 
ai-je  dit,  dans  une  suite  comme  ut,  mi,  sol;  ut,  mi,  la; 


124 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ré ,  fa,  la;  ré ,  fa ,  si;  mi,  sol ,  si;  mi,  sol,  ut,  etc.,  l'ac- 
cord parfait  et  l'accord  de  sixte  se  font  entendre  tour  à  tour 
sur  toutes  les  notes  de  la  gamme,  jusqu'à  ce  que  toute 
l'échelle  étant  parcourue ,  l'accord  parfait  se  lasse  entendre 
de  nouveau  sur  la  tonique  ;  alors  la  formule  symétrique  est 
épuisée ,  et  le  besoin  de  l'ordre  tonal  se  manifeste  de  nouveau 
au  sens  musical.  Ainsi  encore,  après  avoir  fait  entendre  l'ac- 
cord de  septième  sur  la  dominante ,  si  la  basse  procède  par 
des  mouvements  réguliers  de  quarte  et  de  quinte,  et  si  sur 
chacune  des  notes  de  cette  progression  un  accord  de  septième 
se  fait  entendre,  à  l'imitation  de  la  première  note ,  ces  accords 
de  septième  seront  composés  d'intervalles  différents ,  suivant 
les  notes  où  ils  seront  placés;  sur  le  second  degré,  sur  le 
troisième  et  sur  le  sixième ,  la  tierce  et  la  septième  seront 
mineures;  sur  la  tonique  et  sur  le  quatrième  degré ,  ces  in- 
tervalles seront  majeurs  ;  sur  le  septième  degré ,  la  quinte 
de  cet  accord  sera  mineure  ;  la  dominante  seule  aura  la  tierce 
majeure  et  la  septième  mineure  ;  or,  cette  constitution  de 
l'accord  est  la  seule  qui  soit  constitutive  de  la  tonalité  ;  c'est 
la  seule  qui  pourra  être  attaquée  sans  préparation,  tandis  que, 
dans  la  progression  dont  il  s'agit,  la  septième  de  tous  les  au- 
tres accords  devra  être  préparée ,  preuve  incontestable  que 
ce  ne  sont  pas  des  accords  naturels ,  et  qu'ils  ne  sont  admis 
dans  cette  progression  que  parce  que  l'analogie  de  mouve- 
ment et  de  succession  absorbe  le  sentiment  tonal,  jusqu'au 
moment  où  le  retour  à  la  dominante  fait  renaître  ce  senti- 
ment ,  et  provoque  le  besoin  de  cadence  et  de  terminaison. 

Telle  est  donc  la  théorie  de  la  classification  et  de  la  géné- 
ration des  accords  que  j'ai  développée  dans  les  trois  premières 
séances  de  mon  cours ,  théorie  basée  sur  la  nature  des  choses, 
sur  notre  conformation ,  et  qui ,  dans  le  développement  des 
faits ,  suit  exactement  la  marche  de  l'histoire  de  l'art.  Elle 
se  résume  en  ceci  :  tout  accord  admis  immédiatement  par  le 
sens  musical ,  et  sans  aucune  circonstance  préalable ,  est  un 
accord  naturel,  au  lieu  que  ceux  qui  ne  peuvent  être  admis 
sans  le  secours  de  la  préparation  sont  des  produits  artificiels, 
et  n'ont  point  d'existence  par  eux  ;  d'où  il  suit  qu'en  les  pré- 
sentant isolément  comme  autant  d'accords  primitifs ,  comme 
on  l'a  fait  dans  la  plupart  des  théories ,  on  les  a  transformés 
en  faits  absurdes  que  le  sens  musical  ne  peut  pas  plus  com- 
prendre que  l'intelligence  ne  peut  saisir  la  conséquence  d'une 
proposition  dont  on  lui  cache  les  prémisses.  Or,  deux  accords 
primitifs  seulement  sont  admis  immédiatement  par  le  sens 
musical  comme  des  conséquences  de  la  tonalité  :  ce  sont  l'ac- 
cord parfait  et  celui  de  septième  de  la  dominante.  Tous  les 
autres  sont  le  produit  d'artifices  qui  modifient  ceux-là ,  et  ces 
artifices  ne  sont  pas  autre  chose  que  la  substitution ,  la  pro- 
longation, l'altération  des  intervalles ,  et  leurs  combinaisons. 
FÉTIS  père, 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 
{La  suite  au  prochain  numéro.) 


THÉÂTRE-ITALIEN. 
CX.OT17R.I;.  —  ikVENIK. 

e  qui  m'étonne,  c'est  que  les  ennemis  du 
Théâtre-Italien  (car  il  a  des  ennemis  comme 
tout  ce  qui  réussit  bien ,  longtemps  et  à  bon 
droit)  n'aient  pas  comparé  l'Opéra- Italien  à 
ces  fils  de  bonne  famille  dont  le  crédit  survit  à  leur 
ruine ,  et  qui  trouvent  le  moyen  de  mener  un  train 
de  priaces  tout  le  reste  de  leur  vie,  quoiqu'on  ne 
leur  connaisse  plus  depuis  longtemps  ni  patrimoine  ni 
capitaux.  La  comparaison  serait  certes  aussi  juste 
qu'une  comparaison  peut  l'être.  Pour  une  musique  nationale 
quelconque ,  pour  une  musique  dramatique  surtout ,  vivre  , 
et  vivre  dignement,  c'est  avoir,  en  guise  de  fermiers,  des 
compositeurs  qui  cultivent  incessamment  le  sol  de  l'art ,  et  en 
tirent  chaque  année  des  produits  frais,  nouveaux,  jeunes 
enfin ,  et  dont  la  saveur  succulente  satisfait  le  goût  général. 
Si ,  par  hasard,  lesdits  fermiers,  par  suite  de  paresse,  négli- 
gence ,  ou  incapacité ,  ou  amour  peu  consciencieux  d'un  gain 
équivoque,  visent  h  la  quantité  des  produits  au  détriment  de 
la  qualité  ,  ils  fatiguent  et  appauvrissent  une  terre  généreuse, 
et  la  propriété  perd  sa  valeur  si  elle  ne  périt  entièrement. 
Les  fruits  d'un  travail  ainsi  dirigé  cessent  de  trouver  du  dé- 
bit ,  et  le  propriétaire  embarrassé ,  obéré ,  «inon  ruiné  tout- 
à-fait  j  est  forcé  d'attendre  que  la  terre  ait  repris  l'énergie 
qui  l'enrichissait  jadis.  C'est  tout  comme  s'il  n'avait  plus  de 
propriété. 

Il  est  certain  que  l'Italie  fournit  chaque  année  sa  moisson 
d'opéras  au  moins  aussi  abondante  qu'à  aucune  autre 
époque;  mais  il  ne  l'est  pas  moins  que  ces  opéras-là  sont, 
comme  on  dit ,  à&peu  de  garde,  et  que  le  plus  grand  nombre 
ne  peut  se  conserver  au-delà  d'une  saison.  Cette  absence  de 
qualité  a  un  autre  inconvénient,  c'est  qu'on  a  peine  à  trou- 
ver au-dehors  le  placement  d'aussi  pauvres  denrées ,  et  qu'il 
en  faut  consommer  à  l'intérieur  la  majeure  partie  :  ce  qui  se 
fait  très  vite ,  vu  qu'on  gaspille  beaucoup  de  cette  plate  mu- 
sique en  une  très  courte  période  de  temps. 

Les  chanteurs  italiens  et  les  entrepreneurs  de  théâtre ,  qui 
sont  les  commissionnaires  et  commis-voyageurs  pour  le  débit 
des  marchandises  musicales  de  l'Italie,  semblent  donc  chaque 
année  menacés  de  manquer  d'occupation ,  à  raison  de  l'in- 
suffisance de  la  production  nouvelle  et  de  la  vétusté  des  an- 
ciennes ,  qui  se  passent ,  ou  dont  le  public  ne  veut  plus  guère. 
Et  pourtant ,  de  même  qu'en  France  ,  après  plusieurs  an- 
nées de  vendanges  mauvaises ,  le  bon  vin  est  loin  de  manquer, 
et  qu'on  y  trouve  toujours  à  récréer  le  palais  et  le  cerveau, 
que  les  vieux  celliers  s'ouvrent,  et  les  réserves  sont  portées 
sur  la  place,  l'Opéra-Italien  se  maintient  toujours  sur  les 
places  de  l'Europe,  même  après  de  longues  années  de  pro- 
ductions détestables  et  de  stérilité  chez  les  compositeurs. 
L'ancienne  réputation  explique  la  vogue  qu'on  soutient  par 
des  emprunts  à  de  la  musique  plus  ancienne.  L'habileté  des 
chanteurs  fait  le  reste.  Ce  sont  de  redoutables  courtiers  dont 
il  faut  se  défier  un  peu  ,  quelque  agréable  que  soit  leur  art. 
Ces  admirables  charlatans  ont  le  talent  de  vous  faire  trouver 
délicieuse  la  musique  médiocre ,  et  de  vous  faire  supporter 
assez  volontiers  la  mauvaise. 

Voilà  ce  qui  explique  la  prospérité  plus  ou  moins  constante 
du  Théâtre-Italien ,  dont  l'avenir,  à  chaque  saison ,  semble 
pouvoir  être  mis  en  question.  E  pur  si  muove!  Et  l'on  y  fait 
de  belles  recettes  !  et  il  est  probable  qu'on^en  fera  longtemps, 
même  avec  des  conditions  semblables  à  celles  de  l'état  de 


DE  PARIS. 


125 


choses  actuel.  Que  sera-ce  à  l'avènement  du  génie  qu'on  at- 
tend, et  qui  viendra  tôt  ou  tard  ?  car  la  création  peut  se  repo- 
ser, mais  elle  n'est  jamais  stérile  ! 

La  saison  de  l'Opéra-ltalien  vient  de  se  fermer,  après  avoir 
ouvert  sous  des  auspices  assez  douteux.  On  n'avait  en  pers- 
pective que  des  opéras  nouveaux ,  Dieu  sait  à  quel  titre ,  et 
deux  nouveaux  chanteurs  pour  remplacer  Tamburini.  Les 
opéras  se  sont  produits  sans  faire  précisément  tort  h  l'entre- 
prise :  seulement  il  en  faudra  essayer  d'autres  l'an  prochain. 
Les  chanteurs  ont  réussi.  Tamburini,  virtuose  beaucoup  trop 
semblable  à  lui-même,  mais  vccaliseur  parfait,  dont  la  per- 
fection avait  le  grand4ort  d'être  sue  par  cœur  depuis  dix 
ans ,  Tamburini  no  pouvait  plus  demeurer  à  Paris.  Ses  suc- 
cesseurs ne  l'égalent  pas  sous  le  rapport  du  chant  d'école , 
mais  on  ne  les  connaît  pas  bien  encore  ,  et  c'est  un  attrait 
qui  peut  exister  longtemps  à  leur  égard ,  surtout  en  ce  qui 
touche  Ronconi ,  remarquable  par  l'inspiration  et  l'imprévu. 
Fornasari  durera  évidemment  moins ,  en  supposant  que  sa 
position  vis-à-vis  de  la  direction  permette  de  le  faire  revenir 
à  Paris.  L'avenir  ne  peut  faire  moins  en  faveur  du  Théâtre- 
Italien  que  de  lui  réserver  des  chances  et  des  hasards  de  cette 
nature,  d'autant  plus  qu'il  n'y  a  pas  grande  exigence  à  les 
lui  demander.  On  a  donc  en  perspective  une  situation  au 
moins  tolérable,  et  nous  connaissons  plus  d'un  théâtre  qui 
n'est  pas  italien  auquel  on  pourrait  en  souhaiter  autant.  En- 
core faudrait-il  être  en  veine  de  bienveillance  et  de  partialité. 

A.  Specht. 


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;pr^  1.^,4,1; 


3,ES  OONCEaTS  BE  E.A  SERÎAINF. 

n  ciel  bleu,  vaste  et 
pur,  comme  a  dit 
Béraiiger,  un  soleil 
spicndide,  la  tiède 
atmosphère      d'un 
printemps  qui  s'est 
fait  attendre  et  désirer,  et  qui  versait  dans 
l'âme ,  dans  l'esprit  un  secret  et  mysté- 
rieux contentement ,  une  prédisposition 
la  bienveillance,  tels  étaient  les  prolégo- 
mènes, le  prodrome  du  sixième  et  dernier 
^concert  donné  par  la  Gazelle  musicale  a  ses 
abonnés,  dans  les  salons  de  M.  Pleyel,  lundi 
passé  ,  1"  de  ce  mois ,  qui  certes  n'a  pas  été 
un  poisson  d'avril  musical ,  comme  tant  de  con- 
^^     certs  de  la  saison. 

\i^^  La  séance  s'est  ouverte  par  le  nouveau  quintette 
en  lit  mineur  de  M.  Onslow,  exécuté  par  M.  Alard 
et  ses  confrères  en  quatuors  qui  le  secondent  si  bien  et  don- 
nent une  physionomie  toute  particulière,  une  allure  excen- 
trique à  chaque  ouverture  des  concerts  de  la  Gazette  musi- 
cale. Dire  les  nombreuses  mélodies ,  les  finesses  harmoniques, 
les  heureux  artifices  scolastiques ,  les  choses  inspirées  que 
renferment  les  quatre  parties  dont  se  composent  le  nouvel 
œuvre  de  M.  Onslow  nous  conduirait  trop  loin ,  et  l'espace 
nous  manque.  Nous  rappellerons  seulement  aux  personnes 
qui  ont  assisté  à  cette  intéressante  séance  de  sérieuse  et  bonne 
musique ,  certains  que  nous  sommes  de  faire  revivre  en  elles 
d'agréables  souvenirs ,  l'of/aj/o  si  remarquable  de  ce  remar- 
quable quintette.  Le  motif  en  est  d'une  suavité,  d'une  religio- 


sité infinies  ;  il  est  interrompu  vers  le  milieu  de  sa  splendide  et 
noble  carrière  par  une  pensée  xle  vieille  et  bonne  musique  à 
la  Hœndel ,  à  la  Bach  ,  procédant  par  imitations  à  la  basse  en 
style  fugué,  manifestation,  profession  de  foi  de  l'auteur  qui 
semble  vous  dire  par  là  de  quel  temple  il  est  prêtre ,  et  qu'il 
ne  se  jettera  point  dans  les  divagations  du  romantisme  musi- 
cal. Il  rentre  logiquement  dans  son  thème  après  sa  petite  ex- 
cursion dans  le  domaine  scolastique ,  et ,  fidèle  à  l'uniié  de  la 
pensée,  il  se  promène  dans  son  motif,  berçant  son  auditeur 
de  rêveries  délicieuses  qui  le  transportent  dans  le  ciel.  On 
doit  reconnaître  aussi  que  M.  Alard  a  joué  cet  adagio  avec 
une  sensibilité  si  profonde  et  si  vraie,  avec  un  tel  sentiment 
de  la  mélodie  et  des  nuances  harmoniques,  qu'on  ne  savait 
qui  admirer  le  plus  de  l'auteur  ou  de  l'exécutant. 

Pour  continuer  cette  émission  de  nmsique  consciencieuse, 
M"'  Nissen ,  du  Théâtre-Italien ,  est  venue  dire  un  bel  air  de 
Hœndel,  qu'elle  a  chanté  de  sa  voix  large  et  puissante,  et  dans 
le  vrai  style  de  l'auteur,  ce  que  beaucoup  de  nos  brillantes 
cantatrices  d'airs  à  la  mode ,  de  romances  et  de  petites  chan- 
sonnettes ne  pourraient  pas  faire.  Elle  n'a  cependant  pas 
moins  bien  chanté  dans  le  genre  moderne  la  charmante  tyro- 
lienne de  la  Betly  de  Donizelti. 

M"=  Méquillet,  de  l'Opéra,  qui  suppléait  M""=  Castellan, 
indisposée ,  a  dit ,  avec  le  sentiment  dramatique  qui  caracté- 
rise sa  manière  de  chanter,  la  Religieuse ,  de  Schubert ,  ce 
drame  mystique,  cette  belle  peinture  des  orages  d'un  cœur 
mêlant  ses  révoltes,  ses  gémissements  à  ceux  d'un  orage  de  la 
nature ,  tableau  poétique ,  passionné  et  éminemment  musical 
dont  la  cantatrice  a  parfaitement  fait  saisir  toutes  les  nuances 
aux  auditeurs;  elle  a  chanté  ensuite  avec  M.  Saivi ,  cet  artiste 
I  remarquable  que  le  public  du  Théâtre-Italien  n'a  pas  encore 
I  été  à  même  d'apprécier  à  sa  juste  valeur,  un  duo  de  Roherlo 
Devereuœ  qui  a  produit  un  grand  effet.  Méthode  sage  et  pure, 
1  sensibilité  dans  la  voix ,  grâce  et  distinction  dans  l'émission 
!  de  cette  voix ,  qui  n'excluent  pas  l'énergie  et  le  dramatique , 
i  telles  sont  les  qualités  de  M.  Salvi ,  qualités  qui  finiront  par 
!  le  placer  au  rang  qu'il  doit  tenir  au  Théâtre-Italien ,  où ,  par 
modestie  et  nécessité  de  sa  position ,  il  s'est  laissé  par  trop 
'  effacer. 

\  M.  Alard ,  qu'il  faudra  bientôt  nommer  Alard  tout  court , 
!  s'il  continue  à  être  le  lion  de  nos  violonistes  actuels,  a  joué  sa 
!  fantaisie  sur  des  motifs  italiens  avec  autant  de  fougue,  d'ex- 
!  pression  et  d'audace  heureuse  qu'il  en  déploie  toujours ,  et 
'  avec  un  progrès  sensible  dans  le  fini  de  l'exécution.  II  a  chanté 
délicieusement  ;  et  cette  verve ,  cette  chaleur,  cette  profonde 
expression,  ont  réagi  sur  l'accompagnateur,  M.  Schimon,  qui 
a  fait  de  son  rôle  secondaire  un  rôle  essentiel ,  inhérent  à  celui 
du  récitant,  chose  trop  peu  remarquée  dans  les  concerts.  De 
cette  confiance  du  soliste  dans  son  fidèle  Achate ,  il  naît  une 
action  saisissante,  animée,  un  petit  drame  musical  qu'écoute 
religieusement  l'auditoire  et  qui  provoque  d'unanimes  suf- 
frages :  c'est  ce  qui  est  arrivé  pour  ce  solo  de  violon  ,  qui  est 
entré  au  fond  des  sympathies  de  toute  l'assemblée.  Après  ce 
morceau  d'une  exécution  si  remarquable  est  venue  l'Ouver- 
ture du  Carnaval  de  Rome,  ce  drame  instrumental  exprimant 
si  bien  la  joie  populaire  de  la  folle  Italie  ,  ce  poëme  carnava- 
lesque de  IM.  Berlioz  plein  de  verve  et  d'originalité,  que 
M.  Pixis  a  si  parfaitement  arrangé  pour  deux  pianos,  et  à 
huit  mains,  qu'on  croit  entendre  un  foudroyant  orchestre.  Il 
a  été  exécuté  par  MM.  Dœhler,  Halle,  Heller  et  AVolff  avec 
la  perfection  qu'on  devait  attendre  de  ces  quatre  virtuoses. 

Tout  était  fini  ;  la  Gazette  musicale  avait  payé  le  tribut 
qu'elle  s'est  imposé  elle-même  ;  elle  avait  jeté  ses  torrents 
d'harmonie  sur  ses  lecteurs  dont  elle  a  fait  de  fervents  audi- 


126 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


teurs,  quand  d'insatiables  amateurs,  se  souvenant  d'avoir  en- 
tendu chez  M.  Érardla  jolie  Tarentelle  deM.  Dœhler,  se  sont 
mis  à  crier  :  la  Tarentelle  !  la  Tarentelle  !  Et  le  complaisant 
artiste  de  se  rendre  à  cette  invitation  bienveillante ,  admira- 
tive  I  et  le  public ,  après  l'audition  de  ce  délicieux  morceau , 
d'applaudir,  d'applaudir  encore,  et  toujours,  et  quand  celui 
qui  était  l'objet  de  cette  ovation  ne  pouvait  plus  l'entendre. 
Ainsi  s'est  terminé  triomphalement  le  dernier  des  concerts 
donnés  en  cette  saison  par  la  Gazette  musicale  ,  exhibition 
courte  de  musique  bien  choisie  et  qui  doit  avoir  laissé  un  bon 
souvenir  d'art  à  ceux  qui  ont  assisté  à  ce  concert. 

MM.  Goria  et  Lac  avaient  aussi  donné  un  concert  de  com- 
pagnie dans  le  même  lieu  ,  quelques  jours  avant.  M.  Goria 
est  un  fort  bon  pianiste  qui  sait  tirer  un  beau  son  de  l'in- 
strument, qui  fait  avec  calme  d'inextricables  difficultés,  et  qui 
chante  même  avec  beaucoup  d'expression  sur  le  clavier.  Il  a 
dit  la  belle  fantaisie  de  Thalberg  sur  la  Semiramide  d'une 
manière  remarquable  ;  puis  un  beau  duo  pour  deux  pianos 
avec  M.  Ravina;  puis  deux  études  de  sa  composition,  une 
entre  autres  intitulée  la  Sérénade,  pour  la  main  gauche,  qui 
lui  avait  été  demandée  (bien  entendu  la  Sérénade  et  non  la 
main  gauche)  et  qui  a  été  bissée.  M.  Lac,  le  second  bénéfi- 
ciaire ,  qui  vient,  au  reste,  de  débuter  avec  quelque  succès  à 
rOpéra-Comique  dans  la  Dame  blanche,  a  chanté  avec  quelque 
succès  aussi  le  duo  du  quatrième  acte  de  la  Favorite  avec 
M"°  Masson.  M.  Herman  le  violoniste  s'est  distingué  également 
dans  ce  concert. 

M.  Célestin  Tingry  est  un  violoniste  oui  mérite  une  mention 
de  la  presse  musicale.  L'un  des  bons  élèves  de  Baillot ,  son  jeu 
est  large  et  brillant;  il  a  montré  ces  qualités  et  bon  vouloir  de 
se  placer  au  premier  rang  de  nos  violonistes  actuels  dans  la 
matinée  musicale  qu'il  a  doimée  dimanche  dernier,  SI  du  mois 
passé.  On  y  a  entendu  pour  la  première  fois  une  polonaise 
de  sa  composition  et  son  deuxième  quatuor  pour  deux  vio- 
lons ,  alto  et  basse  ,  qui  ont  été  aussi  vivement  que  justement 
applaudis  :  M.  Tingry  est  un  jeune  artiste  d'avenir.  Et  puisque 
nous  en  sommes  aux  jeunes  artistes  qui  prennent  leur  art  au 
sérieux,  nous  devons  citer  ici  M.  Prumier,  fils  du  professeur 
de  harpe  au  Conservatoire,  et  harpiste  lui-même,  qui  a 
donné  concert,  un  de  ces  jours  passés ,  dans  la  salle  Moreau- 
Sainti ,  rue  de  la  Tour-d'Auvergne.  Dans  le  programme ,  un 
peu  trop  fourni  de  musique,  M.  Prumier  est  intervenu  comme 
exécutant  et  compositeur  pour  une  fantaisie  avec  accompa- 
gnement de  quintette  d'instruments  à  cordes,  pour  un  duo 
de  harpe  et  violoncelle,  et  deux  septuors  pour  flûte ,  hautbois, 
clarinette  ,  cor,  basson ,  contre-basse  et  harpe.  Le  jeune  au- 
teur a  fait ,  dans  ces  morceaux ,  de  la  musique  sérieuse ,  trop 
sérieuse  peut-être,  trop  scolastique.  C'est  parce  que  nous 
nous  apercevons  que  M.  Prumier  se  livre  consciencieusement 
à  son  art,  que  nous  devons  lui  dire,  bien  que  ce  conseil  soit 
un  peu  rococo ,  qu'il  faut  sacrifier  aux  grâces  ;  que  ce  n'est 
pas  le  tout  de  réunir,  en  sept  lignes  de  partition,  sept  instru- 
ments de  différentes  sonorités ,  et  de  leur  faire  dire  :  à  toi ,  à 
moi,  en  imitations  plus  ou  moins  régulières,  jdIus  ou  moins 
serrées,  quelques  petits  traits  de  mélodie  plus  ou  moins  con- 
nue, consacrée;  que  ces  idées  exclusivement  scolastiques 
ne  suffisent  pas  à  des  auditeurs  actuels.  Sans  donner  dans 
l'extravagance  du  romantisme  en  musique,  il  faut  se  garder 
aussi  de  la  monotomie  classique.  Avoir  une  idée  mélodique 
neuve ,  large  ,  et  savoir  en  tirer  parti ,  voilà  toute  la  question. 
Nous  avons ,  à  propos  de  mélodie ,  remarqué  un  fort  joli 
andante  en  mi  bémol  dans  le  premier  septuor  de  M.  Prumier. 
Ses  dialogues  d'instruments  à  vent  prouvent  qu'il  connaît 
bien  le  caractère  de  chacun  de  ces  instruments.  Son  duo 


pour  violoncelle  et  harpe  est  gracieux  :  nous  aimons  moins 
la  fantaisie,  dont  l'accompagnement  obligé  n'est  guère  qu'un 
lieu  commun  instrumental  quelque  peu  suranné.  Nous  con- 
seillerons enfin  à  ce  jeune  compositeur,  si  cela  peut  lui  être 
de  quelque  utilité ,  de  rechercher  un  peu  la  mélodie ,  l'origi- 
nalité ,  et  plus  de  vigueur,  plus  de  passion ,  d'éclat  dans  son 
exécution. 

Si  nous  disons  que  M.  Petiton  a  joué  d'une  manière  assez 
agréable  dans  ce  concert  un  solo  de  flûte  un  peu  trop  long , 
que  M.  Révial  a  dit  la  Religieuse,  de  Schubert,  de  manière 
à  inquiéter  Wartel ,  qui  n'a  été  en  Allemagne ,  dit-il ,  que 
pour  y  importer  la  vraie  manière  d'interpréter  Schubert,  nous 
ne  ferons  que  rendre  hommage  à  la  justice ,  et  pour  être  juste 
eii  tout ,  nous  ajouterons  que  ce  n'est  pas  avec  beaucoup  de 
justesse  que  M.  Lefort  et  M"°  Rossignon  ont  dit  un  assez  mé- 
diocre nocturne  à  deux  voix  de  M.  Thys ,  qui ,  lui-même ,  a 
chanté  ensuite  une  charmante  valse  de  sa  composition  sur  les 
termes  itahens  employés  en  musique ,  et  dont  les  paroles  sont 
aussi  spirituelles  que  pleines  de  poésie. 

M.  Rosellen  est  fort  heureux  ;  son  nom  est  presque  ho- 
monyme, du  moins  pour  l'oreille,  de  celui  d'un  pianiste- 
compositeur  de  talent ,  M.  Rosenhain.  M.  Rosellen  a  du  ta- 
lent lui-même,  et  du  talent  qui  se  vend  beaucoup  en  leçons 
et  en  productions  d'une  facile  exécution.  La  vanité  des  ama- 
teurs se  lasse  quelquefois  d'acheter  de  la  musique  injouable. 
Celle  de  M.  Rosellen  est  accessible  à  toutes  les  intelligences, 
à  tous  les  doigts  :  c'est  le  compositeur-pianiste  de  la  moyenne 
propriété  ;  il  n'a  pas  la  prétention  d'être  un  musicien  in- 
compris. Ses  fantaifies  ,  ses  arrangements  bien  écrits  ,  bien 
doigtés,  et  dans  lesquels  prédominent  toujours  de  jolies  et 
faciles  mélodies ,  lui  ont  donné  une  sorte  de  vogue.  Le  Ro- 
sellen enfin  se  vend  fermé  et  à  prime  à  la  bourse  musicale 
de  Paris.  C'est  le  Henri  Karr,  le  Hunten  du  moment.  M.  Ro- 
sellen se  donne  aussi  la  joie  de  faire  de  la  musique  sérieuse, 
des  études,  qui  sont  là  sur  notre  bureau  ,  et  dont  nous  par- 
lerons un  de  ces  jours;  des  trios  pour  piano,  violon  et  vio- 
loncelle. C'est  une  œuvre  de  ce  gem-e  qu'il  a  exécutée ,  se- 
condé par  MM.  Bernardin  et  Offenbach,  dans  le  concert  qu'il 
a  donné  dernièrement  chez  M.  Erard.  Il  y  a  des  mélodies 
faciles  et  gracieuses,  une  harmonie  suffisante  dans  ce  trio, 
qui  a  fait  plaisir  à  l'auditoire  composé  de  la  clientèle  et  des 
amateurs  de  la  musique  légère  de  M.  Rosellen  :  c'est  dire 
qu'il  était  nombreux.  Le  bénéficiaire  a  joué  ensuite  une 
grande  fantaisie  sur  Dom  Sébastien,  puis  un  duo  pour  deux 
pianos  de  sa  composition  qu'il  a  exécuté  avec  M"°  Mattmann, 
la  jeune  pianiste,  sérieuse  et  convaincue,  qui  semble  rem- 
plir une  mission  sacrée  quand  elle  est  au  piano ,  et  même 
quand  elle  exécute  de  la  musique  de  M.  Rosellen.  Au  reste, 
cette  mission  est  douce,  facile  et  agréable. 

M"'  Mondutaigny  ,  cette  jeune  et  grande  cantatrice,  à  la 
santé  si  fleurie ,  a  dit  dans  ce  concert  l'air  du  Freischûtz 
qu'elle  redit  un  peu  souvent ,  cet  air  dont  la  vague  rêverie, 
la  haute  poésie,  le  mystique  amour,  la  mélancolie  allemande, 
vont  aussi  peu  à  sa  nature,  que  la  romance  intitulée  :  Mon 
•pauvre  enfant,  élégie  fatigante  d'une  mère  qui  demande  du 
pain  jusqu'à  satiété.  A  cela  près  du  sentiment  pénible  pro- 
voqué par  ce  pauvre  enfant  mourant  de  faim ,  le  concert  de 
M.  Rosellen  a  été  tout  aussi  brillant,  tout  aussi  amusant  et 
tout  aussi  productif  qu'un  autre. 

Henri  Blanchard. 


DE  PARIS. 


127 


WTi»  Sawvage  gle  ■n'imj^at'te  au. 

Dessin  de  Gavarni. 

Ce  sauvage  de  n'importe  où  fui  longtemps  populaire  dans 
le  chef-lieu  de  la  civilisation  européenne.  Il  habitait  un  café 
souterrain  du  Palais-Royal,  et  le  soir,  quand  vous  vous  pro- 
meniez dans  la  galerie  du  Perron,  vos  oreilles  étaient  frappées 
des  murmures  et  des  éclats  de  son  terrible  instrument ,  en 
même  temps  que  votre  nez  était  saisi  d'une  forte  odeur  de 
bière  et  d'alcool.  Le  tout  vous  arrivait  par  un  étroit  soupirail , 
à  travers  lequel  vous  aperceviez  les  clartés  rougeâtres  d'une 
douzaine  de  quinquets  fumeux.  Coucevez-vous  le  plnisir  qu'il 
y  avait  à  s'enfoncer  dans  une  caverne  pour  entendre  jouer  des 
timbales  à  bout  portant  par  une  espèce  de  tambour-major 
coiffé  de  plumes?  Du  reste  l'enseigne  était  bonne ,  et  les  ama- 
teurs s'estimaient  heureux  quand  ils  trouvaient  un  coin  de 
table  et  un  tabouret  au  café  du  Sauvage. 


L'exposition  des  produits  de  l'industrie  française  ouvrira  dans 
trois  semaines,  et,  comme  pour  les  expositions  précédentes,  1» 
Gazelle  musicale  donnera  un  compte-rendu  Ijdèle  et  scrupuleux  des 
découvertes  et  des  progrès  qui  ont  signalé  la  dernière  période.  Cette 
fois  encore  un  écrivain,  dont  lesconnaissanccsspéciales  font  aulorilé 
non  moins  à  l'étranger  qu'en  France  ,  a  bien  voulu  se  charger  de  ce 
travail ,  qui  se  recommande  à  tous  les  lecteurs  par.sa  haute  impor- 
tance et  son  vif  intérêt. 


nOTTTELIaES. 

V  Demain  lundi ,  à  l'Opéra ,  le  Lazzarone  suivi  du  bal  de  Gus- 
tave. 

*/  Trois  représenta  lions  on  t  consolidé  le  succès  du  nouvel  opéra  en 
deux  actes.  Les  charmantes  mélodies  dont  le  Lazzarone  est  rempli , 
sont  parfaitement  comprises.  Les  artistes,  plus  sûrs  d'eux-mêmes, 
ont  aussi  plus  de  verve  et  d'entrain.  11  faut  en  dire  autant  de  l'or- 
chestre dont  la  direction  fait  beaucoup  d'honneur  à  M.  lîattu. 

*»*  La  santé  de  M.  Habeneck  s'améliore  chaque  jour;  l'illustre 
chef  a  déjà  repris  son  poste  au  Conservatoire:  il  assiste  aux  examens 
et  préside  aux  répétitions. 

*,*  On  répète  Cendrillon  ,  musique  de  Nicole,  revue  et  corrigée; 
M"'  Darcier  remplira  le  principal  rôle. 

\*  M.  Fétis ,  directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles,  vient  d'a- 
dopter les  Etudes  de  salon  ,  de  F.  Le  Couppey,  pour  servir  à  l'ensei- 
gnement dans  les  classes  de  piano  de  cet  établissement. 

*,•  M.  Ernst,  le  célèbre  violoniste  ,  est  parti  pour  l'Angleterre  où 
il  est  engagé  pour  plusieurs  concerts  philharmoniques  et  pour  de 
grands  festivals. 

*,*  C'est  demain  ,  lundi,  qu'aura  lieu  ,  à  huit  heures  du  soir,  dans 
les  salons  de  M.  Pape ,  le  concert  de  M.  Cavallo  dont  nous  avons 
parlé  dans  notre  dernier  numéro.  Outre  un  trio  de  Reissiger,  exécuté 
pour  la  première  fois  à  Paris ,  le  bénéficiaire  jouera  plusieurs  mor- 
ceaux de  sa  composition.  Cette  soin'e,  à  laquelle  concourront  pour 
la  partie  vocale  M""  Sabalier  et  M.  Tagliaflco ,  présentera  encore  un 
attrait  particulier;  nos  lecteurs  se  rappellent  les  éloges  que  nous 
avons  donnés  à  ce  jeune  pianiste  qui  s'est  déjà  fait  entendre  avec  un 
grand  succès  dans  plusieurs  salons.  Demain  le  public  le  jugera  ei 
pourra  mettre  à  l'épreuve  son  talent  d'improvisateur  qui  a  partout 
excité  l'étonnement  et  l'admiration.  Il  ne  restera  aucun  doute  sur  la 
réalité  des  improvisations  de  M.  Cavallo,  car,  suivant  le  programme, 
toute  personne  qui  voudra  proposer  un  motif  est  priée  de  le  déposer 
à  l'entrée,  écrit  en  notes  et  sous  enveloppe  cachetée.  A  la  fin  du  con- 
cert, on  en  tirera  deux  au  sort  que  l'artiste  recevra  et  décachètera  au 
momen  t  de  se  mettre  au  piano.  Voilà ,  certes ,  de  quoi  piquer  la  cu- 
riosité du  public. 

*.*  Le  second  concert  de  notre  célèbre  Doehler,  retardé  par  indis- 
position, aura  lieu  mardi  9  avril,  à  deux  heures,  dans  les  salons 
d'Érard.  M.  Doehler,  dont  le  nom  suffit  pour  attirer  la  foule  fashio- 
nable  toutes  les  fois  qu'il  donne  un  concert ,  jouera  un  trio  nouveau 
de  Meyseder,  des  romances  sans  paroles ,  des  études  de  salons ,  une 
fantaisie  sur  Maomeiio,  une  valse  brillante  et  une  tarentelle  avec 
M.  Alard.  La  partie  vocale  est  confiée  à  M.  Morelli  et  à  M°»"  Bram- 
billa  et  Hayes. 

\»  Le  jeune  et  célèbre  corniste  Vivier  donnera  le  lundi  15  avril , 


à  huit  heures  du  soir,  un  grand  concert  dans  les  salons  d'Érard. 
Cuire  le  bénéficiaire,  on  y  entendra  MM.  Doehler,  Mocker,  M"""  Ché- 
rie Couraud  et  Anna  Thillon.  Le  piano  sera  tenu  par  M.  Adam.  Prix 
des  billets,  10  et  15  francs. 

*,"  M.  Prume,  le  célèbre  violoniste,  qui  vient  du  se  faire  entendre 
au  Conservatoire,  donnera  le  mardi  9  avril  1844,  dans  la  salle  de 
l'école  lyrique,  un  concert  dans  lequel  il  jouera  son  deuxième  con- 
certino  et  plusieurs  autres  morceaux  inédits  de  sa  composition. 

•."  Après  demain  mardi,  à  huit  heures  du  soir,  dans  la  Salle  Érard, 
le  magnifique  concert  de  Séligmann  avec  le  concours  de  Doehler, 
Oshorne,  H""  Brambilla,  M"»»  Castellan  ,  MM.  Herman  ,  Boulanger- 
Kunzé ,  Mecatti ,  Piatli,  Cormann,  etc.  11  y  sera  exécuté  pour  la  pre- 
mière fois  un  quatuor  inédit  de  Mercadante  pour  4  violoncelles. 

*,*  Au  concert  qui  sera  donné  vendredi  prochain  dans  l'hôtel  de 
M.  de  Laroche-Foucault-Doudeauville,  31 ,  rue  de  Varennes,  au  pro- 
fit de  l'église  catholique  de  P.olle,  on  entendra  le  duo  pour  deux  pia- 
nos et  à  huit  mains  sur  le  choral  des  Huguenots,  composé  exprès  par 
M.  Pixis  pour  les  pianos  à  huit  octaves  de  M.  Pape.  L'auteur  et 
MM.  Oshorne,  Rosenhain  efWolITseront  les  interprètes  de  ce  brillant 
morceau. 

*,*  C'est  le  20  avril  prochain  ,  à  huit  heures  du  soir,  dans  la  salle 
de  M.  Herz  ,  que  M.  Jacques  Olfenbach  donnera  son  concert  annuel. 
Nous  avons  tout  lieu  de  croire  que  cette  soirée  musicale  réunira  une 
société  aussi  nombreuse  que  choisie,  car  ce  jeune  violoncelliste  d'un 
si  beau  talent  a  fait  encore  de  notables  progrés ,  et  sa  réputation  est 
grande  aujourd'hui.  Indépendamment  du  bénéficiaire  qui  exécutera 
avec  sa  supériorité  incontestable  divers  morceaux  inédits  de  sa  com- 
position, on  entendra  Mi""  Brambilla,  Osselin,  MM.  FiOger,  Boulan- 
ger, Albertini  et  Jules  Offenbach. 

V  Le  concert  historique  donné  par  M.  Amédée  Mercaux  au  béné- 
fice de  l'Association  des  artistes  musiciens,  aura  lieu  le  28  avril 
dans  les  salons  de  Pleyel.  Nous  donnerons  dans  notre  prochain 
numéro  le  programme  complet  de  cet  intéressant  concert  dans 
lequel  on  dira  entre  autres  choses  pour  la  première  fois  à  Paris 
les  Cris  de  Paris,  publiés  par  la  Gazelle  musicale  dans  les  Archives 
curieuses  de  la  musique. 

V  M.  A.  de  Kontslcy  donnera  son  concert  le  20  avril  ;  il  fera  en- 
tendre plusieurs  ouvrages  nouveaux  de  sa  composition,  savoir:  une 
symphonie  à  grand  orchestre  et  des  fantaisies  sur  des  motifs  de  ta 
Juive,  de  Lucrèce  et  de  lioberi-le-Diable.  La  réputation  de  l'artiste 
suffit  pour  lui  assurer  un  auditoire  nombreux. 

",*  Lundi  dernier,  on  a  appelé  à  l'audience  du  tribunal  de  Com- 
merce l'affaire  de  la  direction  du  Théâtre-Italien  contre  M.  Forna- 
sari.  Le  tribunal  n'ayant  pas  accordé  la  remise  de  la  cause  ,  deman- 
dée par  M.  Vatel,  celui-ci  a  été  condamné  par  défaut. 

*,"  Le  célèbre  scuplteur  Thorwaldsen  vient  de  mourir;  ses  restes 
seront  déposés  à  Copenhague  dans  l'église  de  Holm.  Ohenstchlaeger 
a  écrit  pour  cette  triste  cérémonie  une  cantate  funèbre  qui  a  été 
mise  en  musique  par  M.  Glaeser.  Thorwaldsen  a  légué  toute  sa  for- 
tune au  musée  qu'il  a  créé  et  qui  porte  son  nom.  Le  jour  de  sa 
mort  il  travaillait  encore  à  un  buste  de  Luther. 

*,*  M.  le  marquis  de  Louvois ,  pair  de  France,  membre  de  la 
commission  spéciale  des  théâtres  royaux  et  du  comité  de  l'associa- 
tion des  arlisles-musiciens,  est  mort  dans  la  matinée  de  mardi  der- 
nier. C'est  une  perte  bien  regrettable  pour  les  arts  et  les  artistes  dont 
il  s'était  toujours  montré  protecteur  aussi  bienveillant  qu'éclairé. 
CEu'onâtiiie   dëjiafteitieiittïle. 

V  Marseille, 'i&  mars.  —  Il  ne  fallait  qu'une  occasion  pour  que 
les  couplets  si  énergiques,  si  entraînants  de  l'opéra  de  Cliarles  yi 
prissent  leur  rang  parmi  nos  chants  nationaux,  et  cette  occasion  s'est 
présentée.  Dimanche  dernier  la  foule  était  énorme  au  Grand-Théâtre 
et  remplissait  même  les  corridors.  Plusieurs  voix  demandèrent  les 
couplets  avec  une  varianle  dans  les  paroles  du  dernier  vers ,  propo- 
sée par  un  billet.  Le  régisseur  désira  savoir  si  le  public  approuvait 
la  variante  demandée;  un  immense  bravo  fut  la  réponse  de  l'audi- 
toire. C'est  alors  que  Junca  vint  chanter  les  couplets  au  milieu  d'un 
silence  profond,  et  lorsque  l'artiste,  de  sa  voix  tonnante,  eut  lancé  les 
mots  :  Jamais  en  France,  jamais  Henri  ne  régnera,  une  tempête  d'ap- 
plaudissements, répétée  trois  fois,  ne  permit  pas  d'entendre  le  chœur. 
Au  second  couplet,  le  même  refrain  reçut  le  même  accueil. 

*,»  Bordeaux.  — Charles  Ff,  d'Halévy,  a  été  représenté  pour  la 
première  fois  vendredi  derniu-  avec  un  immense  succès.  Les  hon- 
neurs de  la  soirée  ont  été  sur;uut  pour  Kl-"  Valgalier  et  M°"  Wide- 
mann.  La  direction  a  monté  cet  ouvrage  avec  un  grand  luxe  de 
décors ,  et  le  public  a  applaudi  avec  enthousiasme  cette  belle  parti- 
tion de  M.  Halévy.  

Le  Directeur,  JUdacteur  en  chef,  Maokice  SCHLESINGER. 


128 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


EN  VENTE  :  2  bis,  rue  Yivieane,  au  Magasin  de  Musique  de  A.  MEISSONNIER  et  BEUGEIi. 

MUSIQUE  DE  CHOIX  POUR  LE  PIANO. 


H.  ROSELLEN. 


7  50 
7  50 


Op.  40.  Fantaisie  biillatile  sur  Béatrice  di  Tenda.     .     . 

Op.  48.  Fanta'Sie  brillante  sur  Fleurette,  de  M"«  Puget 
QU.%»RILLE  ITALIEIV, 

Varié  à  2  et  i  mains,  sur  des  motifs  favoris  deRossini,  Bellini, 
nonizetti,  Mercadanic  et  Ricci,  orné  des  porlraitsde  ces  com- 
posileurs.  —  Prix  à  2  mains  :  7  fr.  50  c.  —  A4  mains  :  9  fr. 


DU  MEME  AUTEUR.   Album  de  Mlle  Puget,  aiTaiigé  pour  Piano  seul,  en  5  livraisons.  Chacune  :  5  fr. 


I  2"  livraison. 

I.e  Rêve  d'un  page, 
l'i'oi,  [lartout  t"t  toujours! 

Le  Kelour  de  la  mère. 


1^=  livraison. 
Le  Serment  devant  Dieu  ! 
Vole,  mon  cœur,  vole  1 
Les  Bohémiens  de  Paris. 


Grande  fantaisie  de  concert  sur  Béatrice  di  Tenda,  exécutée 
par  l'auteur  au  concert  du  Ménestrel 9 


3'^  livraison. 
Appelle-moi  ta  mère! 
To::  Cœur  ! 


4*^  livraison. 
I  es  Amours  deMicheletChristine. 
Morte  d'amour! 
L'Amant  le  plus  tendre! 


5°  LIVRAISON. 

LA  PETITE  BERGÈRE,  ou  LE  CHARME  DE  LA  VOIX. 


L  HALL. 


Fantaisie  brillante  sur  l'air  favori  du  Diserteur  :  Je  ne  dé- 
serterai jamais.      .      .' 7  50 


A.  MISARD. 


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NOUVELLE  

A  2  mains ,  5  fr.  —  A  4  mains,  6  fr.  —  En  feuille,  2  fr. 

POLKA    DE     SAL01\  )    «riMMle  VaSse  favorite  «laa  Itéseftewr,  à  S  et  4  iBiaius 

Avec  l'a  théorie  de  cette  dause  d'ai)rès  la  Méthode  Labokde  adoptée  dans  les  salons  parisiens. 


A.  THYS. 

POLKA  FAVORITE, 


l'air  populaire  adopté  poi 


Moi°eea«BX  et  f^tianli'iBles  faciles. 

A.  ADAM.  Mosaïque  du /)^seriÉ'Hi- -.     . 

A.  IiECAB.FEarTIER.  2  nouvelles  fantaisies  mignonnes 
sur  les  motifs  de  Mlle  Puget. 

N.  1.  La  petite  Bergère 

N.  2.  Les  amours  do  Michel  et  Christine.  .     . 

—  La  Rose  bretonne,  fantaisie 

—  La  Normande 

—  L^apetiie  bergère,  quad.  facilesurl'album  de  Mlle  Puget. 

A.  XEDUC.  Le  Déserteur,  quadrille  facile 

BOIiOGNISri.  La  Perle  du  village 


4  50 
4  50 
4  50 


MorceatH.  et  Quaoli'illes  uaoyeiine  foi*ee« 
II.  HAIiIi.  Fantaisie  brillante  sur  la  Petite  Bergère  de  Mlle  L. 

Puget 7  50 

—  Fantaisie  brillanle  sur  ^ppe/te-mo!  «a  mère 7  50 

A.  lEiECARFEM'TIEa.  Variations  brillantes  sur  le  Déser- 
teur   6    » 

—  Variations  i)ril!antes  sur  le  Cor  des  Alpes 6    » 

lanSARD.  Quadrille  des  Bohémiens  de  Paris,  sur  l'Album 

de  Mlle  L.  Puget 4  50 

—  Quadrille  du  Déserteur.    .    .  ■ 4  50 

BOIiOGNIBII.  ^(î(ai«e,  quadrille  chevaleresque.      ...  4  50 


VALSES. 


L'Orientale.  .  .  . 
Les  Vénitiennes.  .  . 
Le  Bouquet  de  Perles. 


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4  50 


PAR 


A.  THYS. 


I.a  Séduisante. 


La  Mystérieuse. 


50 


PAR 


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27  mSTRUMEl^TS  BREVETES. 


POUR 

CENT 

PAR   AN 


10 

ASSOCIATION 


soBit  assurés  «lès    anjourtl'Uiii  à    TSS.W.   les   Aetioiinaires.    On 

poairra  ^s'isitei"  to^as  Ses  jours,  de  laiie  lieaare  à.  quatre  lieiires, 
la  fabi>iiij«Be  «le  M.  SA'%.,  eu  itlein  rapport. 

10,  RtTE  rjElIJVE-SAINT-GEOB.GES ,  A  PARIS. 

Pour  rExploitation  de  tous  les  Instruments  de  musique,  à  vent,  en  cuivre 
et  en  bois,  et  de  ceux  qu'a  inventés  M.  A».  SA'S. ,  qui  sont  adoptés 
par  les  Régiments,  les  principaux  Conservatoires  et  Théâtres  de  France  et 
de  l'Étranger. 

EZ.  AD.  SAX,  pour  satisfaire  aux  demandes  qui  lui  sont  adressées  de  toutes  parts,  se  croyant  obligé  de  donner  une  plus  grande  exten- 
sion à  sa  fabrique ,  vient  de  fonder  une  Société  par  actions  de  250  fr.  et  de  500  fr.  Dés  aujourd'hui,  M.  SAX  assure  aux  actionnaires  un 
bénéfice  de  10  pour  100  par  an,  et  une  part  proportionnelle  dans  l.es  bénéfices.  Les  instruments  nouveaux  deBI.  AD.  SAX,  approuvéspar 
MM.  Rossini,  Spontini,  Auber,  Halévy,  Berlioz,  Carafa,  Ad.  Adam,  A.  Thomas,  G.  îtastner,  doivent  remplacer  une  grande  partie 
des  instrumenls  doiU  on  se  sert  aujourd'hui  dans  les  Régiments,  les  principaux  Théâtres  et  Conservatoires.  Il  n'est  pas  besoin  d'insister  sur 
la  moralité  et  le  résultat  d'une  pareille  entreprise. 

Les  actions  sont  ou  porteur,  de  25!)  et  de  500  fr.  Les  personnes  de  la  province,  en  envoyant  un  bon  à  vue  sur  Paris,  pour  la  somme  d'ac- 
tions qu'elles  désireront,  recevront  l'Acle  de  Société  et  les  titres  en  échange  par  le  courrier.  On  souscrit  à  Paris,  10,  rue  Neuve-St-  Georges. 


POUR  ECRIRE  LA  MUSIQUE. 

N"  13.  Pour  écrire  la  musique.  Cette  plume  convient  aussi  aux  per- 
sonnes qui  n'écrivent  pas  l'anglaise. 

X"  13  bis.  Pourcopierla  grosse  musique,  telle  que  parties  séparées, 
et  écrire  en  gros  et  en  ronde. 

N"  le  médium.  Plus  fine  que  le  No  13,  très  bonne  pour  l'écriture 
expédiée. 

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de  tous  les  formats,  soit  ordinaire  ou  de  fantaisie,  ainsi  que  des 

albums  pour  écrire  la  musique. 


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rue  Feydeau ,  22. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jtcob. 


Four  Paris  :  un  an,  30  fr.  ;  six  mois,  15  fr. 


Annonces  :  50  e,  la  ligne  de  28  lettres    —    Départements  :  on  an ,  34  fr.  Étranger,  38  fr. 


UNE  OCCASION. 

u'est-ce  que  le  ta- 
lent sans  l'occasion , 
et  l'occasioa  sans 
un  peu  d'audace  ou 
d'adresse?  l'histoire 
est  là  pour  le  dire , 
pet  bien  s'en  faut  que  l'histoire  ait  tout  dit. 
'Combien  d'hommes,  vraiment  rares,  ont 
passé  inconnus ,  à  qui  il  n'a  manqué ,  pour 
^surgir  à  la  lumière ,  qu'un  petit  coup  de  main 
de  la  fortune  !  Que  de  beaux  génies  ,  ignorés 
Il  de  tous  et  d'eux-mêmes,  se  sont  éteints  dans 
les  entrailles  de  l'oubli  faute  d'une  issue,  d'une 
brèche  soudaine  ouverte  devant  eux  par  le  ha- 
sard !  Ecoutez  ce  qui  advint  à  Granier,  joueur  de 
viole  du  xvi"  siècle ,  et  niez  après  cela  que  le  ca- 
price des  circonstances  n'entre  pas  pour  les  trois 
quarts  au  moins  dans  les  succès  de  ce  monde. 
Né  de  parents  obscurs  et  pauvres ,  le  petit  Granier  n'était 
à  dix  ans  qu'un  simple  enfant  de  chœur  à  la  cathédrale  de 
Moulins.  Mais  sa  voix  avait  tant  de  fraîcheur  et  de  justesse, 
son  intelligence  tant  de  promptitude ,  son  caractère  tant  de 
douceur,  que  le  bon  vicaire  Simon ,  passionné  dilettante ,  prit 
bien  vite  en  affection  le  jeune  choriste  et  travailla  sans  relâche 
à  l'initier  dans  les  secrets  mystères  du  plain-chant,  de  la  com- 


position sacrée,  de  la  musique  profane  et  même  de  la  lutherie. 
Aussi ,  dès  l'âge  de  quatorze  ans,  Granier  faisait  des  prodiges. 
Soit  qu'il  chantât  à  l'office  avec  l'onction  et  la  grâce  d'un  séra- 
phin ,  soit  qu'il  improvisât  sur  le  livre  avec  le  savoir  d'un 
clerc  passé  maître,  soit  qu'il  jouât  sur  la  viola  di  gamba 
quelque  belle  pièce  écrite  en  signes  de  tablature,  soit  enfin 
qu'il  fît  exécuter  un  motet  tout  hérissé  de  contrepoint  et  de 
doctes  réminiscences ,  c'était  merveille  de  l'entendre  et  de  le 
voir.  Tout  Moulins  ne  parlait  que  du  miraculeux  enfant  de 
chœur,  el  le  vieux  vicaire  humait  pieusement  une  bonne  part 
de  l'encens  offert  à  son  disciple. 

Mais  qu'y  a-t-il  de  durable  ici-bas?  le  temps  s'en  allait  et 
l'âge  venait.  Un  certain  jour  de  Pâques  on  s'aperçut  que  la 
voix  de  Granier  n'avait  plus  sa  pureté  première.  A  l'Ascen- 
sion, déconfiture  nouvelle;  ce  beau  dessus  avait  perdu  toute 
une  quarte  dans  le  haut.  La  quarte  était  devenue  sixte  à  la 
Pentecôte.  Bref,  la  fêle  de  Noël  constata  un  enrouement  com- 
plet. 

Rien  ne  s'oublie  comme  les  services  passés.  Le  chapitre , 
aussi  vétilleux  qu'un  fort  en  état  de  blocus  sur  l'article  des 
bouches  inutiles ,  jugea  que  celle  du  choriste  n'était  plus 
bonne  à  grand'chose ,  et  le  raya  sans  pitié  de  la  liste  des 
chantres.  Seulement,  grâce  à  l'intervention  du  vicaire,  l'ex- 
soprano  garda  ses  entrées  au  chœur  en  qualité  de  batteur  de 
mesure,  mais  avec  de  minces  émoluments.  N'importe,  c'était 
conserver  un  pied  sur  l'échelle.  Par  malheur,  un  camarade 
envieux  vit  un  soir  Granier  sortir  du  prêche,  et  l'entendit  au 
cabaretse  vanter  imprudemment  d'avoir  fait  la  musique  d'un 
psaume  de  Clément  Marot.  Le  bruit  en  courut;  grand  scan- 
dale parmi  les  âmes  dévoles.  On  en  référa  au  terrible  chapitre. 
Le  mot  de  huguenot  fut  lancé,  et  l'hérétique  chassé  delà  ca- 
thédrale comme  un  lépreux. 

Encore  si  tout  se  fût  borné  là  ;  mais  un  malheur  ne  vient 
jamais  seul.  En  peu  de  mois  Granier  eut  la  douleur  de  voir 
porter  en  terre  son  pieux  protecteur,  puis  son  père ,  puis  sa 


BUREAUX   D'ABONNEMENT,    B.UE   B.ICHEI.IEU,    97. 


130 


REVUE  ET  GAZETTE  IMUSICALE 


mère.  De  farouches  créanciers  s'abattirent,  comme  de  véri- 
tables oiseaux  de  proie  ,  sur  les  débris  d'œie  maigre  succes- 
sion qui  s'ouvrait  sous  de  si  tristes  auspices.  Tout  fut  bien 
vite  dévoré.  Quand  l'orplielin,  après  les  premiers  accès  de 
chagrin  ,  regarda  autour  de  lui ,  il  ne  lui  restait  plus  que 
trente  livres ,  sa  jeuRe  sœur  .Marthe  ,  ses  chansons  et  sa 
viole. 

Mais  ces  chansons,  cette  viole,  n'était-ce  pas  toute  une 
fortune?  quel  artiste  ,  au  début  de  sa  carrière ,  doute  jamais 
de  son  avenir?  Certains  lambeaux  d'érudition  biographique 
qui  lui  venaient  du  vicaire  achevèrent  d'exalter  les  espérances 
de  Granier.  «  Pourquoi ,  se  disait-il ,  ne  ferais-je  pas  comme 
»  tant  d'autres  qui  sont  partis  de  si  bas  pour  aller  si  loin  et 
»  s'élever  si  haut?  Etaient-ils  plus  que  moi,  dès  leurs  pre- 
»  miers  pas ,  ce  Josquin  Desprez ,  ce  Jannequia  ,  cet  Adrien 
»  Le  Roy,  ce  Corteley,  ce  Baltazarini ,  qui  ont  joui  de  la  fa- 
»  veur  des  rois  et  des  reines?  Oui,  mais  il  n'y  a  ni  roi  ni 
»  reine  à  Moulins  ;  c'est  à  Paris  que  vivent  les  princes  et  les 
»  grandes  dames.  Eh  bien  !  allons  à  Paris.  Marthe,  nous  par- 
»  tirons  demain.  —  Frère ,  où  donc  irons-nous  ? —  Dans  une 
»  ville  vingt  fois  plds  grande  que  Moulins.  —  Où  tu  ne  seras 
»  plus  triste?  où  je  ne  pleurerai  plus  ?  où  nous  ne  serons  plus 
»  si  pauvres?  —  Oui ,  dans  un  pays  où  il  y  a  de  beaux  châ- 
»  teaux  et  de  grands  seigneurs  pour  accueillir  et  fêter  les 
»  musiciens.  » 

Marthe  sauta  de  joie;  mais  ses  larmes  recommencèrent  à 
couler  quand  son  frère  lui  dit  que ,  pour  ne  pas  toucher  aux 
trente  Uvres  avant  d'arriver  à  Paris,  il  faudrait  chanter  dans 
lès  hôtelleries  et  sur  les  places  durant  le  voyage.  —  Jamais  je 
n'oserai ,  répétait  en  sanglotant  la  pauvre  petite  ;  jamais  je 
ne  pourrai,  toutes  ces  figures  me  feront  tant  de  peur! — Mais 
si  personne  ne  te  voit,  si  tu  ne  vois  personne?  s'écria  Gra- 
nier frappé  d'une  illumination  soudaine.  —  Oh  !  alors  je  ne 
tremblerai  pas,  j'aurai  du  courage,  je. chanterai. 

Le  musicien  ne  se  doutait  guère ,  en  concevant  une  idée 
des  plus  bizarres,  qu'elle  ferait  plus  tard  sa  fortune  et  sa  re- 
nommée. Quelques  semaines  lui  suffirent  pour  réaliser  son 
plan.  Enfin  le  joli  mois  de  mai ,  tant  célébré  par  les  poètes 
d'alors,  vit  cheminer  vers  la  grande  ville  l'aventurier  de  vingt 
ans,  son  énorme  viole  sur  le  dos,  ses  manuscrits  sous  le  bras, 
suivi  de  la  petite  Marthe  qui  portait  le  reste  du  bagage,  c'est- 
à-dire  un  paquet  de  bardes  bien  léger.  A  chaque  bourg , 
dans  chaque  ville,  devant  chaque  hôtellerie,  Granier  ne  man- 
quait pas  de  faire  halte ,  puis  d'entamer  une  ritournelle  sur  sa 
basse  de  viole.  Les  sons  de  la  musique  attiraient  la  foule;  les 
badauds  du  lieu  se  groupaient  autour  du  soliste.  Mais  quelle 
n'était  pas  leur  surprise  ,  lorsque  des  flancs  volumineux  de 
l'instrument  s'élevait  une  voix  argentine  ,  délicieuse ,  ravis- 
sante ,  qui  dialoguait  avec  l'habile  archet  du  virtuose  !  On 
murmurait,  on  criait  déjà  à  la  magie,  à  la  sorcellerie;  alors 
la  table  postérieure  de  la  viole  tournait  sur  deux  charnières 
adroitement  dissimulées  dans  l'ornementation ,  puis  du  fond 
de  cette  armoire  d'une  nouvelle  espèce  bondissait  une  gentille 
enfant  de  treize  ans  qui  faisait  une  révérence  gracieuse  et 
naïve  à  tous  les  assistants,  et  présentait  au  cercle  ébahi  un 
petit  plateau  où  tombaient  assez  de  pièces  de  cuivre  pour  suf- 
fire aux  frais  de  route.  Grâce  à  cette  heureuse  invention , 
Granier  et  sa  sœur  entrèrent  dans  Paris  sans  avoir  rien  dé- 
tourné de  leur  précieux  trésor.  Quel  bon  augure  pour  l'avenir! 

Mais  là  devait  s'arrêter  ou  plutôt  se  suspendre  le  cours  de 
ces  prospérités  riantes  ;  le  rayon  de  bonheur  allait  s'éclipser. 
Soit  à  cause  du  changement  de  vie  et  de  climat,  soit  par  ex- 
cès de  lassitude ,  Marthe  fut  bientôt  atteinte  d'une  maladie 
de  langueur.  Adieu  les  espérances  dorées!  Les  misères  vinrent 


nne  à  une  promener  fcur  sombre  cortège  dans  l'asile  de  ces 
pauvres  enfemts.  Il  fallut  recourir  au  médecin,  prendre  un  gîte 
mieux  aéré,  une  nourriture  plus  saine.  Gomment  les  trente 
livres  n'auraient-elles  pas  fondu  bien  vite  au  souffle  destruc- 
teur de  la  maladie  et  dans  l'inaction  forcée?  Garnier,  exté- 
nué de  Teilles,  allait  bien,  la  mort  dans  l'âme,  la  larme  à  l'œil, 
jouer  de  la  viole  au  milieu  des  carrefours;  mais  son  beau  ta- 
lent n'était  pas  à  la  portée  des  manants  et  de  la  populace  ;  la 
voix  mystérieuse  et  la  magie  de  l'instrument  à  secret  n'étaient 
plus  là  pour  faire  merveille.  On  passait  donc  avec  indifférence. 

Vainement  l'artiste  aux  abois  essaya-t-il  d'arriver  jusqu'aux 
seigneurs,  jusqu'aux  gens  de  cour;  une  nuée  d'insolents  va- 
lets, de  pages,  d'écuyers  l'accablait  d'affronts,  de  mépris,  de 
rebuffades.  Vainement  un  ministre  huguenot  lui  promil  de  le 
recommander  à  d'Andelot,  à  Cohgny;  les  chefs  huguenots, 
assez  mal  en  cour  alors,  avaient  bien  d'autres  affaires  à  dé- 
mêler que  celles  d'un  obscur  musicien  de  province.  Ainsi  ce 
Paris ,  rêvé  naguère  par  Granier  comme  un  paradis ,  ne  lui 
semblait  plus  qu'un  abîme  infernal  où  les  cris  de  détresse  se 
perdaient  dans  le  tumulte  des  intérêts  privés  et  les  rumeurs 
de  la  politique.  Cependant  il  y  avait  chaque  jour  grande 
chasse  royale,  de  belles  cavalcades,  de  joyeuses  mascarades  à 
travers  la  ville;  chaque  soir  les  lustres  du  bal  faisaient  flam- 
boyer dans  l'ombre  les  fenêtres  du  Louvre.  Et  Marthe  se  mou- 
rait sur  un  misérable  grabat ,  et  son  malheureux  frère  san- 
glotait avec  désespoir  à  son  chevet;  canle  médecin  refusait  de 
venir,  le  droguiste  ne  livrait  plus  rien  faute  d'argent ,  l'hôte- 
her  défiant  grommelait.  Mais  qu'importaient  tant  de  tortures  à 
Granier  si  Marthe  lui  était  rendue  !  Dieu  la  prit  en  pitié  et  la 
voulut  retirer  à  lui.  Une  nuit,  après  un  court  assoupissement 
où  la  fatigue  l'avait  plongé ,  à  son  insu ,  au  pied  de  cette 
lugubre  couche ,  le  musicien  s'aperçut  en  s'éveillant  que 
Marthe ,  les  yeux  fermés ,  les  mains  jointes ,  la  sérénité  sur 
les  traits ,  les  lèvres  empreintes  du  sourire  des  anges ,  ne  re- 
muait plus,  ne  se  plaignait  plus,  ne  respirait  plus.  Son  cœur 
avait  cessé  de  battre,  son  corps  était  glacé.  Le  joueur  de  viole 
tomba  sans  connaissance  avec  un  affreux  gémissement... 

Deux  jours  après ,  un  jeune  homme  pâle ,  défait ,  les  vête- 
ments en  désordre ,  s'éloignait ,  par  une  matinée  brumeuse , 
du  charnier  des  Innocents  ;  il  marchait  à  pas  précipités  et  se 
dirigeait  vers  la  Seine.  Lorsqu'il  passa  devant  une  porte  bâ- 
tarde d'où  sortaient  mystérieusement  plusieurs  hommes,  le 
nez  dans  leur  manteau ,  et  quelques  femmes  masquées  selon 
l'usage  du  temps ,  son  nom,  accompagné  d'un  cri  de  surprise, 
retentit  à  côté  de  lui.  Une  main  féminine  l'arrêta,  et  décou- 
vrant un  minois  agréable,  lui  laissa  voir  une  ancienne  con- 
naissance ;  c'était  la  petite-nièce  du  vicaire  Simon ,  la  com- 
pagne d'enfance  de  Granier ,  jeune  fille  sans  fortune  que  ses 
parents  avaient  été  trop  heureux  d'attacher  à  SI""  de  Joyeuse, 
grande  dame  soupçonnée  de  donner  dans  les  idées  de  la  ré- 
forme uniquement  pour  plaire  au  frère  du  roi,  le  duc  d' Alen- 
çon.  La  jolie  suivante ,  un  peu  entachée  de  l'épidémie  à  la 
mode ,  venait  elle-même  d'un  prêche  clandestin.  Cette  ren- 
contre sauva  Granier.  Il  conta  son  infortune ,  il  pleura  ;  on 
s'attendrit,  on  promit  de  le  servir  avec  zèle,  d'intéresser 
M""  la  duchesse  ;  on  lui  confia  même ,  mais  tout  bas ,  qu'on 
pourrait  par  Madame  obtenir  l'appui  du  duc  d'Alençon. 

O  merveilleux  effet  de  l'espérance  !  en  quittant  l'offi- 
cieuse camériste ,  qui  sut  avec  une  amitié  délicate  anticiper 
sur  la  générosité  de  sa  maîtresse,  Granier,  malgré  ses  regrets 
amers,  oublia  l'horrible  dessein  qui  le  menait  droit  au  fleuve. 
Il  y  courait  pour  mourir,  il  en  revint  avec  un  secret  désir  de 
vivre.  Maurice  Boijkges, 

(la  suite  au  prochain  numéro.) 


DE  PARIS. 


lâl, 


CONCERT  DE  M.  OŒHLER. 

près  avoir  parlé  de  tant  de  pianistes  de  tout 
sexe,  de  tout  âge,  de  toutes  conditions, 
qui  uous  aurait  dit  qu'il  faudrait  faire  un  ap- 
pendice aux  soirées  musicales  de  la  semaine , 
iet  reparler  d'un  pianiste  dont  nous  n'avons 
cité  que  les  actes  d'obligeance  dans  les  autres  concerts  !  C'est 
pourtant  un  pareil  oubli  que  nous  avons  à  réparer  ici ,  ayant 
fait  en  cela  comme  cet  architecte  qui  n'avait  omis  que  l'esca- 
lier dans  une  maison  qu'il  s'était  chargé  de  faire  construire. 
Or,  puisque  nous  voilà  rentré  dans  la  mine  des  pianistes ,  sui- 
vons le  filon  de  cette  mine  inépuisable ,  de  cette  mine  d'or 
pur  et  de  diamants  qui  scintillent  de  raille  feux  brillants , 
quand  ce  sont  les  mains  de  Dcehler  qui  l'exploitent. 

Dans  le  second  concert  qu'il  a  donné,  mercredi  10,  chez 
M.  Erard,  les  amateurs  ont  apprécié  plus  que  jamais  ses 
charmantes  compositions  et  son  exécution  vive,  limpide  et 
sympathique  à  toutes  les  intelligences  musicales  :  aussi  le  pu- 
blic nombreux  qui  était  accouru  à  l'annonce  de  son  deuxième 
concert  l'a-t-il  applaudi  comme  ill'avait  applaudi  naguère, 
et  comme  ill'applaudira  toujours.  Ce  pianiste  exceptionnel, 
brillant,  qui  a  su  se  faire  un  jeu  éclectique  dans  tant  de  fa- 
çons déjouer  du  piano,  a  d'abord  extrait  capricieusement  de 
délicieux  petits  caprices  qu'il  a  publiés  sous  le  titre  de  Cin- 
quante études  de  salon ,  pensées  tout  à  la  fois  fugitives ,  et 
qui  restent  dans  le  souvenir  quand  on  les  a  entendues  une 
fois ,  et  il  les  a  jetées  à  son  auditoire  avec  ce  laisser-aller  qui 
caractérise  les  geus  dont  la  conversation  est  riche  et  brillante. 
Ces  charmantes  petites  études ,  sœurs  de  cette  si  ravissante 
Tarentelle  provoquant  la  gaieté,  la  danse  et  le  bonheur,  ont 
disposé  le  public  on  ne  peut  mieux. 

Après  ces  étincelles,  le  bénéficiaire  a  dit  sa  Grande  Fantai- 
sie sur  des  motifs  deMaometlo,  drame  instrumental  qui  rap- 
pelle les  mélodies  les  plus  scéniques,  les  plus  saillantes  du 
drame  vocal  de  Rossini;  puis  est  venu  un  nocturne  pour 
piano  et  violon  ,  morceau  d'un  style  large  et  gracieux  tout  à 
la  fois,  et  dans  lequel  notre  habile  violoniste  Alard  s'est  uni, 
âme  et  doigts,  aux  inspirations  de  Dœhler,  d'où  il  est  résulté 
un  dialogue  musical  plein  d'intérêt  et  de  charme. 

Salvi,  dans  une  cavatine  de  Robert- Devereiix,  s'est  fait 
beaucoup  applaudir  ainsi  que  la  gracieuse  Irlandaise  M"°  Hayes, 
qui  chante  d'une  excellente  méthode  et  d'une  voix  pure  et 
limpide  l'air  :  Ah  bel  raggio  lusinghierJ  de  la  Semira- 
mide. 

Dœhler,  le  bénéficiaire  désiré,  est  revenu  dire  sa  Taren- 
telle napolitaine ,  et  sa  deuxième  grande  valse  brillante;  et  à 
ce  déluge  d'inextricables  difficultés  dont  il  sort  toujours  vic- 
torieux, de  traits  brillants,  d'une  netteté,  d'une  clarté  irré- 
prochable ,  a  succédé  un  déluge  d'applaudissements  qui  doi- 
vent durer  encore...  du  moins  dans  le  souvenir  de  l'artiste 
modeste  et  bon  enfant  qui  en  a  été  l'objet ,  et  qui  doit  lui 
prouver  combien  son  talent  est  sympathique  et  admiré  par  le 
public  de  Paris. 


SOGIEl'i:  BES  GONGSRTS. 

Soirée  dst  Veii«ti>edi-Siaiut. 

amais  on  ne  vit  un  ])ublic  plus  attentif,  plus  re- 
cueilli qu'au  premier  concert  spirituel  donné  le 
Vendredi -Saint.  Mais  aussi  quel  programme 
magnifique!  la  symphonie  en  la  de  Beethoven, 
VAve  veriim  de  Mozart ,  le  concerto  de  piano 
(cette  autre  symphonie  avec  piano  obligé)  en  mi  bémol  de 
Beethoven ,  un  Agmis  Dei  de  Cherubini ,  et  enfin  l'ouverture 
de  Fidelio. 

Les  honneurs  de  la  soirée  ont  été  pour  la  symphonie  dont 
l'andante  a  été  redemandé ,  et  pour  le  concerto  de  piano. 
C'étaient  les  points  lumineux  du  concert,  et  comme  compo- 
sition et  comme  exécution.  Bien  des  gens  ne  citent  de  cette 
symphonie  que  l'andante ,  comme  si  la  merveilleuse  beauté 
de  ce  morceau  n'était  là  que  pour  faire  oublier  l'infériorité 
des  autres.  Encore  l'autre  soir  j'ai  entendu  dire  à  quelqu'un 
que  la  symphonie  en  la  renfermait  un  andante  bien  remar- 
quable. Je  me  retournai  brusquement  pour  voir  le  malheu- 
reux qui  venait  de  prononcer  ces  mots ,  et  je  vis  un  jeune 
homme  que  je  soupçonne  fort  d'appartenir  à  la  gent  pianis- 
tique,  race  fort  nombreuse  et  fort  répandue,  qui  désole  le 
pays.  Mais  si  mon  jeune  homme  est,  en  effet ,  de  cette  race, 
il  ne  peut  être  de  bonne  souche.  Un  talent  bien  né  et 
bien  élevé  ne  peut  trouver  l'andante  en  la,  bien  remar- 
quable. 

Cependant ,  c'est  un  fait  :  parlez  à  cent  personnes  de  la 
symphonie  en  la ,  et  quatre-vingt-dix-neuf  vous  répondront 
qu'elles  aiment  beaucoup  l'andante.  Quelques  unes  d'entre 
elles  iront  plus  loin  ,  et  en  parleront  avec  enthousiasme  (de 
ce  même  andante),  mais  il  faut  de  la  chance.  C'est  surtout  le 
finale ,  cet  admirable  caprice  ,  si  plein  de  force  et  de  puis- 
sance, qui  est  loin  d'être  compris,  et  certes  il  n'est  pas  le 
moins  du  monde  inférieur  aux  autres  parties  de  la  symphonie. 
Dans  le  finale  Beethoven  a  montré  une  de  ces  mille  faces  de 
son  génie  qui  ne  se  trouve  pas  aussi  développé  dans  les  par- 
ties précédentes.  C'est  ce  que  les  Allemands  appellent  humor, 
(les  Anglais  humour),  qui  n'est  autre  chose  que  ce  qu'on 
trouve  dans  les  œuvres  de  Shakespeare,  de  Jean-Pauî-Fr. 
Richter  ,  et ,  à  un  degré  bien  inférieur,  dans  celles  de  Hoff- 
mann. C'est  à  la  fois  de  la  sensibilité  et  de  la  moquerie ,  du 
sérieux  et  du  facétieux,  du  fantastique  et  du  réel ,  de  l'héroï- 
que et  même  parfois  du  trivial  ;  car  tous  les  grands  auteurs 
l'ont  parfois  introduit  dans  leurs  œuvres  comme  élément  co- 
mique. Lisez  une  comédie  de  Shakespeare,  et  vous  re- 
connaîtrez cette  même  humour  toute-puissante  qui  anime 
chaque  mesure  du  finale  de  la  septième  symphonie,  et  de  celui 
de  la  huitième  en  fa,  qui  est  à  mon  sentiment  la  plus  parfaite, 
la  plus  merveilleuse  et  la  plus  fine  comédie  qu'on  ait  faite. 
C'est  un  pendant  aux  chefs-d'œuvre  des  Shakespeare,  des 
Calderon  et  des  Molière. 

Et  maintenant  passons  à  cet  autre  chef-d'œuvre,  le  con- 
certo en  mi  bémol  de  Beethoven. 

Quel  bonheur  !  point  de  solo ,  de  trombone  ou  de  cor,  ni 
de  basson  ni  de  flûte,  pas  même  de  solo  de  piano ,  pas  de  fan- 
taisie brillante ,  —  le  croirait-on  ?  mais  bien  un  admirable 
concerto  avec  accompagnement  de  grand  orchestre  !  A  la 
bonne  heure  !  on  ne  s'est  point  senti  brusquement  tomber 
des  hauteurs  où  le  génie  du  grand  maître  vous  avait  élevé 
en  écoulant  la  symphonie  en  la. 

Hâtons-nous  de  dire  que  Charles  Halle  a  remporté  un  suc- 
i  ces  magnifique  l'autre  soir ,  et ,  ce  qui  est  plus ,  un  succès 


132 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


mérité  par  la  grande  et  |large  manière  dont  il  a  interprété 
l'œuvre  de  Beethoven. |Bien  souvent,  en  entendant  Halle  jouer 
des  sonates  de  Beethoven,  je  me  demandais  comment  il  était 
possible  que  le  même  artiste  pût  jouer  de  ces  morceaux 
brillants  et  h  effet ,  dont  je  n'ai  pas  besoin  de  dire  les  au- 
teurs. Mais  c'est  là  le  propre  de  son  talent.  Halle  joue  des 
fantaisies  et  autres  morceaux  avec  des  doigts  de  feu  ;  mais  il 
y  associe  une  âme  ardente,  s'il  joue  du  Beethoven.  Qui  n'a  pas 
été  étonné  de  ce  jeu  si  richement  nuancé ,  si  fin ,  si  transpa- 
rent ,  si  énergique  à  la  fois  et  si  délicat  et  expressif  quand  il 
joue  la  musique  de^Chopin ,  de  Mendelssohn ,  etc. ,  etc.  ?  Le 
grand  succès  obtenu  au  Conservatoire  a  mis  le  sceau  à  la 
réputation  de  HalIé  ;  il  marche  désormais  l'un  des  premiers 
dans  cette  imposante  phalange  des  pianistes  ;  quand  on  vou- 
dra citer  les  meilleurs  noms  d'entre  eux ,  jamais  on  ne  man- 
quera d'y  mêler  le  sien. 

Stephen  Heller. 


SUR 
Z.ES  CONCERTS  DE  X.A  SEMAINE. 

1  y  a  eu  de  tout  temps  dans  notre  langue  une  phra- 
MS\\\     néologie  du  jour  plus  ou  moins  prétentieuse  ,  plus 


ou  moins  fausse  qui  montre  plutôt  notre  goût  pour 

^fej  le  nouveau  qu'un  amour ,  un  besoin  d'exprimer 

^^  d'utiles  vérités. 

La  langue  musicale  a  ses  formules ,  ses  néologismes  comme 

celles  de  la  politique  ,  des  sciences,  de  la  littérature,  comme 

les  autres  parties  de  l'entendement  humain. 

Faire  de  l'art  pour  l'art  est  une  de  ces  formules ,  un  de  ces 
axiomes  à  la  mode  ;  il  ne  signifie  pas  grand'chose,  par  le  temps 
qui  court  d'idées  positives  et  matérielles ,  mais  cela  sonne 
bien  et  sert  aux  faiseurs  d'esthétique  bourgeoise  ou  aux  vir- 
tuoses donnant  concerts  qui  se  soucient  fort  peu  qu'on  fasse 
de  l'art  pour  l'art  pourvu  qu'ils  fassent ,  eux ,  de  l'effet  et  par 
conséquent  de  l'argent. 

Ces  musiciens  exécutants ,  enfants  de  la  sensation ,  voient 
leur  importance  naître  et  mourir  avec  elle  ;  ils  pensent  donc 
peu  à  faire  de  l'art  pour  l'art.  Selon  le  degré  de  renommée 
qu'on  a  su  se  faire ,  donner  deux ,  trois ,  quatre  concerts  par 
an  à  Paris ,  ou  au  moins  un  pour  ne  pas  se  laisser  oublier  ; 
s'entourer  d'un  noyau  d'auditeurs  aristocratiques  ;  distribuer 
à  foison  des  billets  d'antichambre ,  de  foyer  ou  de  corridor 
portant  le  prix  de  8  ou  10  francs  qui  fait  sourire  d'ironie  ceux 
qu'on  en  gratifie;  commencer  le  concert  une  heure  plus  tard 
que  celle  marquée  sur  le  programme  ;  intervertir  ce  pro- 
gramme à  plaisir  ou  selon  les  exigences  de  tel  ou  tel  artiste  qui 
ne  veut  ni  commencer  ni  finir  le  concert,  ni  chanter  ou  jouer 
après  tel  ou  tel  morceau  ;  porter  dans  toutes  les  solennités 
musicales  ses  deux  ou  trois  airs ,  ses  deux  ou  trois  romances , 
ses  deux  ou  trois  fantaisies  dans  lesquelles  on  imite  depuis 
deux  ou  trois  ans  la  vibration  tremblotante  de  Rubini,  ou  le 
passage  du  pouce  de  Thalberg,  ou  ses  gammes  chromatiques  par 
triples  croches  sur  un  thème  quelconque  :  telle  est  l'histoire 
de  toutes  les  matinées  ou  soirées  musicales  qui  se  donnent 
depuis  quelques  années.  11  est  évident  que  tous  ,ces  gens-là 
font  autre  chose  que  de  l'art  pour  l'art.  Ce  n'est  pas  ainsi 
qu'ont  procédé  Mozart,  démenti,  Beethoven,  Viotti,  We- 
ber ,  etc.  ;  c'est  pourtant  ce  que  ne  croient  point  nos  artistes 
actuels.  Habitués  qu'ils  sont  h  la  louange  banale  et  aux 
lieux  communs  des  salons ,  aux  éloges  d'une  critique  com- 


plaisante ou  endormie ,  ils  ne  songent  pas  qu'elle  peut  se 
réveiller  de  son  bienveillant  sommeil  et  dire  aux  flots  toujours 
croissants  de  leurs  mélodies  sans  mélodies ,  de  leurs  traits  en 
triples  et  quadruples  croches:  Quos  ego  !...  Mais  com- 
ment déployer  les  rigueurs  salutaires  de  la  critique  contre 
M"°  Louise  Schibel ,  pianiste  âgée  de  huit  ans?  Nous  ne  pen- 
sons pas  qu'il  soit  contre  les  intérêts  de  l'art  pour  l'art  de  dire 
que  cette  jeune  virtuose,  élève  de  M"'  Clara  Loveday,  a  donné 
le  8  de  ce  mois,  dans  la  salle  Moreau-Sainti,  un  concert  ex- 
traordinaire, ainsi  que  le  stipulait  le  programme,  dans  lequel 
on  a  entendu  MM.  et  M""  Georges,  Lutgen,  Visconti,|Vireck, 
Caceres ,  Monterau ,  Osselin ,  etc.  ,  etc. ,  etc.  Entre  autres 
morceaux  de  piano  fort  bien  dits  par  la  jeune  bénéficiaire , 
l'Invitation  à  la  valse  de  Weber,  à  quatre  mains,  a  été  exé- 
cutée par  M"'  Loveday  et  sa  jeune  élève  de  manière  à  pro- 
voquer d'unanimes  applaudissements. 

Si  nous  nous  montrons  bienveillant  envers  cette  petite  pia- 
niste, malgré  notre  juste  prévention  contre  les  enfants  préco- 
ces, merveilleux  phénomènes  qui  finissent  toujours  par  faire 
de  médiocres  artistes  en  grandissant,  nous  ne  lancerons  pas 
non  plus  les  foudres  de  la  critique  contre  MM.  Baerwolf  et 
Nicolo  Martyns ,  compositeurs  tous  deux ,  qui ,  s'il  n'ont  pas 
un  talent  de  force  à  faire  avancer  l'art  musical,  ne  paraissent 
pas  non  plus  capables  de  le  faire  reculer. 

M.  Baerwdlf  (lisez  ours-loup  en  français)  nous  a  paru  un 
artiste  d'expérience  par  les  cheveux  et  le  talent.  M.  Pasqué 
et  M""  Ney  ont  dit  des  morceaux  de  chant  de  ce  compositeur, 
qui  ont  été  plus  applaudis  pour  leur  mérite  intrinsèque  que 
pour  la  manière  dont  ils  ont  été  exécutés.  On  a  remarqué 
dans  cette  matinée  musicale  qui  a  été  donnée  le  9  du  mois 
passé,  chez  Pleyel,  un  nouveau  violoniste  du  nom  de  Kieswet- 
ter,  qui  a  devant  lui  de  l'avenir,  et  M""  Calinka  de  Dietz, 
pianiste  de  l'école  clémentinienne  et  kalkbrennérienne  au  jeu 
fin,  délicat,  limpide,  qu'on  a  fort  et  justement  applaudie 
dans  un  quintette  et  un  concerto  de  Hummel. 

Dans  la  soirée  de  ce  jour  M.  Nicolo  Martyns ,  jeune  compo- 
siteur, a  fait  entendre  dansle  même  local  le  Charme  inconnu, 
romance  qui  mérite  d'être  connue  ,  un  duo  biblique  et  deux 
mélodies  intitulées  :  Fragoletta  et  la  Terreur  des  mers, 
qui  montrent  qu'il  y  a  mélodie  scénique  en  M.  Nicolo 
Martyns. 

M.  Goria  a  exécuté,  dans  cette  séance,  la  fantaisie  sur  la 
Semiramide  par  Thalberg ,  puis  une  étude  de  concert  et  la 
sérénade  pour  la  main  gauche  de  sa  composition  qui  ont  pro- 
duit beaucoup  d'effet. 

Dans  les  salons  d'Érard  et  secondé  par  Dœhler  et  M"''  Gian- 
pietro  Castellan,  la  cantatrice  de  concert  à  la  mode,  à  la  voix 
étendue,  à  la  méthode  hardie,  au  chant  passionné ,  M.  Sélig- 
mann,  le  violoncelliste  delà  rêverie  et  du  cœur,  a  aussi  donné 
son  concert  qui  avait  attiré  une  nombreuse  et  brillante  so- 
ciété. Le  bénéficiaire  a  dit  d'abord,  avec  tout  le  charme  de 
sa  manière  ,  des  mélodies  expressives  de  sa  composition,  in- 
titulées :  Souveniis  de  Monpou  et  Scène  nocturne  originale  ; 
et  puis  un  "morceau  pour  quatre  violoncelles ,  noble  élégie 
intitulé  :  Poesia,  et  composée  par  Mercadante,  a  été  exécuté 
par  MM.  Piatti,  Cossmann,  Marx  et  le  bénéficiaire.  Le  choix 
de  ce  morceau  exceptionnel  dans  un  concert  est  de  bon  goût. 
Cela  ne  ressemble  en  rien  aux  machines  à  provoquer  les 
applaudissements  qu'on  appelle  fantaisies;  ou  plutôt  c'est 
une  fantaisie  tout  empreinte  de  suavité  et  d'un  profond 
sentiment  religieux,  une  véritable  fantaisie  d'arlistes  qui,  avec 
le  capriccio  pour  le  violoncelle ,  composé  et  délicieusement 
dit  par  M.  Séligman ,  puis  un  air  d'Ida  délia  Torre  ,  chanté 
d'une  manière  ravissante  par  M""  Castellan ,  et  la  brillante 


DE  PARIS. 


13$ 


tarentelle  de  Dœhler  ont  composé  l'un  des  plus  intéressants 
concerts  de  la  saison. 

Un  autre  violoncelliste  degrand  talent,  M.  Alexandre Batta, 
a  fait  également  son  apparition  annuelle  dans  les  salons  Erard. 
M°"'  Brambilla  et  Castellan  ,  MM.  Savi  et  Dœhler  ont  figuré, 
dans  cette  soirée,  accompagnés,  suivis  des  suffrages  qu'ils 
sont  sûrs  de  recueillir  dans  tous  les  concerts.  Celui-ci  s'est 
ouvert  par  un  grand  duo  sur  des  motifs  de  Robert-Ie-Diable, 
pour  piano  et  violoncelle ,  écrit  par  Alexandre  Batta  et  dit 
par  lui  et  son  frère  Laurent.  Une  nouvelle  fantaisie  sur  la 
Juive ,  un  adagio  pour  violoncelle  seul ,  et  des  chants  pyré- 
néens sous  le  titre  de  Souvenirs  du  Béarn,  transcrits  et  exé- 
■  tés  par  M.  Alexandre  Batta,  ont  complété  cette  soirée ,  dans 
laquelle  le  bénéficiaire  nous  a  révélé  des  progrès,  s'est  mon- 
tré plus  grave,  plus  solide,  cherchant  moins  le  suffrage  des 
gens  du  monde,  des  belles  dames ,  que  celui  des  artistes,  qui 
voudraient  cependant  encore  l'entendre  abuser  un  peu-moins 
de  la  vibration,  qui  finit  par  donner  au  violoncelle  une  sorte 
de  similitude  avec  la  voix  cassée  d'une  vieille  femme.  Ce  bel 
instrument  impressionne  assez  par  lui-même ,  et  M.  Batta 
a  l'intonation  assez  pure  et  le  son  assez  puissant  pour  n'em- 
ployer que  des  moyens  simples  et  naturels. 

Par  le  temps  de  pianistes-machines  qui  courent  les  rues  et 
les  concerts,  il  est  doux,  il  est  consolant  de  rencontrer,  d'en- 
tendre une  pianiste  consciencieuse  comme  M"'  Louise  Matt- 
mann.  Ce  ne  sont  pas  les  leçons  d'un  professeur  quelconque 
qui  donnent  le  sentiment  exquis ,  la  mesure  d'expression 
classique ,  cette  chaleur ,  cette  inspiration  qui  se  communi- 
quent à  l'auditoire ,  et  lui  commandent  le  silence  et  l'atten- 
tion ,  c'est  la  nature  qui  vous  doue  de  ces  brillants  avantages, 
et  elle  en  a  été  prodigue  envers  M"'  Maltmann.  C'est  ce  que 
cette  jeune  pianiste  a  prouvé  dans  le  concert  qu'elle  a  donné 
jeudi  passé  dans  le  salon  Pleyel  en  jouant  d'une  manière  tout- 
à-fait  remarquable  le  concerto  en  ut  de  Beethoven ,  et  la 
sérénade  de  Schubert  arrangée  en  fantaisie  par  M.  Prudent. 
M.  Jourdain,  que  les  sociétés  philharmoniques  de  province 
appellent  à  elles,  et  dont  le  journal  de  ïroyes  chantait  der- 
nièremeiit  les  louanges,  a  chanté  lui-même  avec  succès  dans 
ce  concert  son  air  favori  des  Deux  familles,  et  quelques  ro- 
mances plus  ou  moins  de  sa  composition. 

Un  concert  en  faveur  de  l'église  catholique  de  Rolle ,  en 
Suisse ,  a  été  donné  avant-hier  vendredi  dans  l'hôtel  Laroche- 
foucauld-Doudeauville,  rue  de  Varennes.  Cette  manifestation 
de  musique  religieuse  s'est  faite  au  moyen  de  la  société  cho- 
rale dirigée  par  M.  Antonin  Guillot  ;  elle  a  dit  avec  beaucoup 
d'ensemble  le  bel  oratorio  du  Judas  Machabée  de  Hœndel. 
Le  concert  a  commencé  par  le  grand  morceau  sur  le  choral 
des  Huguenots ,  composé  par  M.  Pixis  pour  deux  pianos  à 
huit  octaves  de  M.  Pape,  et  exécuté  par  MM.  Rosenhain, 
Wolf,  Osborne  et  l'auteur.  Succès  de  compositeur,  d'exécu- 
tants et  de  facteur. 

Et  puisque  nous  en  sommes  toujours  sur  les  pianistes  et  les 
pianos ,  nous  devons  dire  le  grand  effet  produit  par  le  concert 
donné  il  y  a  quelques  jours  chez  M.  Pape  par  le  pianiste  im- 
provisateur Cavallo.  Pendant  l'exécution  d'une  fantaisie  libre 
plus  ou  moins  écrite  que  ce  jeune  virtuose  bavarois  disait  sur 
le  piano ,  ayant  vu  entrer  les  aides-de-camp  du  prince  Maxi- 
miUen  de  Bavière,  qui  ne  le  cède  en  rien  au  prince  Albert, 
mari  de  sa  majesté  britannique,  pour  la  composition,  l'impro- 
visateur a  intercalé  dans  sa  fantaisie  une  Polka  composée  par 
le  prince  de  Bavière  lui-même,  en  l'enrichissant  d'une  foule 
d'idées  accessoires  du  plus  brillant  effet.  Si  ce  trait  sent  un 
peu  son  courtisan,  on  ne  peut  lui  refuser  le  mérite  d'un  spi- 
rituel à-propos. 


Sa  barcarolle  du  Gondolier  de  Venise  est  suffisamment 
ondulée  pour  une  barcarolle  ;  son  nocturne  de  la  Petite  cloche 
du  cimetière  fait  rêver  et  rappelle  le  beau  chapitre  des  clo- 
ches de  M.  de  Chateaubriand ,  dans  son  Génie  du  christia- 
nisme; son  Scherzo  infernal  est  véritablement  d'une  infer- 
nale difficulté  ;  mais  c'est  à  l'improvisation  promise  qu'on 
attendait  le  virtuose.  Quatorze  motifs  ou  sujets  de  fugues  ont 
été  déposés  dans  les  urnes  qu'on  avait  mises  à  l'entrée  des 
salons.  Le  sort  en  a  désigné  deux ,  dont  s'est  emparé  M.  Ca- 
vallo ,  et  qu'il  a  traités  d'abord  séparément ,  en  les  réunissant 
ensuite,  les  opposant  l'un  à  l'autre  d'une  manière  plus  pi- 
quante que  scientifique ,  mais  avec  beaucoup  de  verve  et 
d'originalité.  On  peut  dire  qu'il  n'a  pas  eu  précisément  l'in- 
spiration large ,  qu'il  a  restreint  à  une  proportion  quelque 
peu  exiguë  la  phrase  musicale  proposée ,  et  qu'il  a  laissé  à 
désirer  de  voir  traiter  le  sujet  en  augmentation ,  en  imita- 
tions ,  en  slretti;  mais  enfin  ce  n'en  a  pas  moins  été  un  tra- 
vail fort  curieux  que  celui  de  ces  pensées  instantanées  ren- 
dues surtout  avec  une  verve ,  une  netteté ,  une  délicatesse 
d'exécution  qui  ont  provoqué  d'unanimes  applaudissements. 
Si  l'on  ajoute  qu'à  la  qualité  de  brillant  pianiste  il  joint  celle 
d'être  un  excellent  organiste,  ce  qui  n'est  certainement  pas  la 
même  chose ,  on  conviendra  que  M.  Cavallo  est  un  artiste 
éminent. 

Henri  Blanchard. 


AH!  BElMBIS-lflOI  PHAOAI,  OU  JE  IHEURS. 

Dessin  de  Gavarni. 

Voici  encore  un  feuillet  de  l'immense  Album  destiné  à  re- 
produire les  variétés  les  plus  saillantes  des  physionomies  de 
chanteurs,  y  compris  les  cantatrices.  Rien  n'est  plus  difficile 
que  de  bien  chanter,  si  ce  n'est  peut-être  de  ne  pas  chanter 
d'une  manière  ridicule.  Chaque  salon,  chaque  salle  de  concert 
en  fournissent  tous  les  jours  la  preuve.  Ah!  rends-moi 
Phaon,  ou  je  mewj's.' Quel  homme  de  goût  ne  serait  tenté 
de  prendre  au  mot  la  Sapho  ci-présente ,  et  de  ne  pas  lui 
rendre  le  Phaon  demandé  ? 


nOTTTELLSS. 

*,•  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  à  l'Opéra,  Robert 
le  Diable.  M.  Serda  fera  sa  rentrée  par  le  rôle  de  Berlrara.  —  De- 
main, lundi,  le  Freischiilz  et  Lady  Henrielle. 

",*  Les  restaurations  que  l'Opéra  est  dans  l'habitude  de  faire 
pendant  les  vacances  de  la  semaine  sainte  ont  eu  cette  année  plus 
d'importance  qu'à  l'ordinaire.  Non  seulement  les  peintures  et  do- 
rures de  la  salle  ont  repris  leur  éclat,  mais  on  a  rétabli  l'ancienne 
entrée  de  l'amphithéâtre,  en  la  replaçant  au  milieu  et  en  supprimant 
les  deux  entrées  latérales.  L'administration  gagne  une  loge  déplus 
par  ce  moyen. 

V  Le  Lazzaroiie  a  àéfrayé  les  trois  représentations  données  celle 
semaine  :  à  chaque  soirée ,  le  succès  et  la  recette  ont  été  en  augmen- 
tant. 

V  Duprez  a  dû  partir  hier  de  Londres  chargé  de  couronnes  et  do 
sacs  de  guinées.  Les  grands  succès  et  l'or  se  séparent  rarement.  On 
l'attend  à  Paris  demain. 

*,"  Poultier  vient  de  chanter  à  Rouen  la  Juive  et  la  Favorite  ,  avec 
un  succès  très  brillant.  Aujourd'hui  même  il  doit  êlre  à  Amiens , 
pour  y  donner  deux  représentations  :  il  reviendra  eusuilcà  Rouen, 
où  il  s'essaiera  dans  Robert  le  Diable. 

*,*  On  a  raconté  diversement  l'aventure  d'un  des  chefs  de  chant  à 
l'Opéra,  M.  Dietsch  ,  qui  était  allé  à  Milan  favoriser  l'évasion  d'un 
jeune  ténor,  en  le  faisant  passer  pour  son  domestique.  Arrêté  à  la 
frontière,  M.  Dietsch  par  une  mesure  de  sévérité  extraordinaire,  a 


134 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


n  I 


été  mis  au  secrel  pendant  quelques  jours,  mais  enfin  il  est  libre  et 
doit  revenir  bientôt  à  Paris. 

".*  On  annonce  pour  la  fin  du  mois  au  Théâtre  Italien  rexéculion 
d'UQ  opéra  espagnol  en  trois  actes,  !es  Contrebandiers  au  Pott- 
Sainte-A/nrie ,  de  M.  Bazili.  Voici  les  noms  des  chanteurs  et  canla- 
trices:  M.  Ojeda,  ténor;  Salas,  basse-taille;  M-"  Amigo  et  Catala, 
gnî  arrive  de  Madrid.  Les  ciiœurs  cl  l'orchestre  seront  ceui  du 
Théâtre  Italien. 

','  Travaux  des  théâtres  lyriciues  pendant  le  mois  de  mars.  — 
Opéra:  le  Lazsarone  ,  opéra  en  2  actes  (paroles  de  JI.  Saint-Georges, 
musique  de  M.  Ilalévy).  Début  de  Mengis  par  le  rôle  du  dauphin 
dans  Cliarhs  r-'I,  et  de  M"<^  I.ola  iUontès,  danseuse  espagnole.— 
Opéra-Comique:  la  Sirène,  opéra-comique  en  3  actes  (paroles  de 
M.  Scribe  ,  musique  de  M.  Auber).  Début  de  M.  Lac  par  le  rôle  de 
Georges  dans  la  Dame  blanclie.  —  Théà Ire-Italien  :  Corrudo  d'Alla- 
^mura,  opéra  en  3  acies  (F.  Ricci). 

',*  M.  Dhennevillc,  membre  de  la  commission  spéciale  des  théâtres 
royaux,  a  été  élu  pour  remplacer  M.  le  marquis  de  Louvois  comme 
membre  du  comité  de  l'association  des  artistes-musiciens.  Lors  des 
élections  qui  ont  eu  lieu  dans  la  dernière  assemblée  générale ,  M. 
Dhenneville  était  le  candidat  qui  avait  réuni  le  plus  grand  nombre 
de  sufi'rages. 

V  Liszt,  à  peine  arrivé  à  Paris,  donne  un  concert  qui  aura  lieu 
mardi  prochain,  16  avril,  à  huit  heures  du  soir,  dans  la  salle  du 
Théâtre  Italien.  Le  grand  pianiste  exécutera  les  morceaux  suivants  : 
1.  Andante  final  de  Lucia  di  Lammermoor  —  2.  Piéminiscences  de 
Norma  —  3.  le  Lae  —i.  Mélodies  hongroises  ,  fragment  de  l'album 
d'un  voyageur—  5.  Fantaisie  sur  des  motifs  de  JDon  Juan— G.  le 
Roi  des  aulnes,  lied  de  Schubert — 7.  Galop  chromatique. 

V  Dans  le  concert  qu'il  a  donné  cette  année  ,  M.  Porto  a  réussi 
comme  les  années  précédentes.  On  n'a  pas  moins  rendu  jus- 
tice à  la  beauté  de  sa  voix,  jeune,  pleine  et  vibrante,  qu'à  l'excel- 
lence de  sa  méthode.  C'est  un  des  barytons  les  plus  distingués  d'une 
époque  où  il  y  en  a  beaucoup. 

%■  Dans  une  soirée  particulière  donnée  chez  M.  Pape  pour  faire 
entendre  ses  beaux  pianos,  on  a  remarqué  un  grand  morceau  de 
concert  sur  le  choral  des  Hugucnois,  composé  par  M.  Pixis ,  exécuté 
par  MM.  Alkan,  Cavallo,  Wolff  et  l'auteur  lui-même.  On  a  aussi  beau- 
coup applaudi  M"'"  Aubert,  Dupont,  Farrenc,  Guénée,  Stœpeket 
Maricot,  qui  ont  supérieurement  joué  l'ouverture  de  la  Flûte  en- 
chantée. 

*'  M.  et  M""  d'Hennin  viennent  de  faire  encore  une  tournée  triom- 
phale en  province,  ils  ont  donné  des  concerts  à  La  Flèche,  Laval  et 
le  Mans ,  et  partout  ils  ont  obtenu  les  plus  brillanis  succès. 

*,"  M.  Ponchard,  le  célèbre  et  excellent  professeur  de  chant  du 
Conservatoire,  donnera  un  concert,  mardi  IG  avril  prochain,  dans 
la  salle  Herz.  Plusieurs  choeurs  exécutés  par  les  élèves  du  Conserva- 
toire, une  grande  scène  de  Grétry,  le  beau  quatuor  de  Mu  Tante 
Aurore;  enfin,  le  concours  des  célèbres  artistes  Dorus,  Alard, 
M"'"  Sabatier,  Castellan,  et  Géraldy  :  tels  seront  les  éléments  de 
cette  soirée, 

*,"  M.  Alkan  aîné,  ce  pianiste  d'un  si  beau  talenl,  dont  le  seul  dé- 
faut est  un  excès  rie  modestie ,  donnera  un  concert  samedi  20  avril 
dans  les  salons  Erard ,  dans  lequel  il  jouera  des  ouvrages  de  Bach , 
Scarlalti,  Beethoven,  et  plusieurs  morceaux  de  sa  composition. 

*.*  M.  Botgorschek,  premier  flûtiste  de  Sa  Majesté  le  roi  de  Hol- 
lande, que  nos  abonnés  se  rappellent  avoir  applaudi  a  un  des  concerts 
delà  Gazelle  musicale,  part  sous  peu  de  jours  pour  la  Hollande.  Cet 
artiste  remarquable  s'est  fait  entendre,  pendant  son  court  séjour  à 
Paris,  dans  plusieurs  concerts  et  soirées ,  et  partout  il  a  obtenu  les 
plus  brillants  succès. 

"*,*  M""  Maria  Borchhardt  donnera  une  matinée  musicale  jeudi 
prochain,  18  avril,  chez  M.  Érard.  Elle  jouera  le  concerto  de  Weber, 
un  duo  pour  violon  et  piano,  et  la  Straniera  ,  par  Thalberg. 

*,*  Le  troisième  et  dernier  concert  de  notre  célèbre  Dœhler,  avant 
son  départ  pour  Londres,  aura  lieu  le  30  avril,  dans  les  salons  Érard, 
au  bénéfice  de  l'Association  des  artistes-musiciens  ;  nous  donnerons 
le  programme  dans  notre  prochain  numéro. 

V  Le  grand  concert  historique  donné  par  M.  Amédée  Méreaux , 
au  bénéfice  de  l'Association  des  artistes-musiciens,  aura  lieu  le 
28  avril ,  à  deux  heures,  dans  la  salle  Pleyel.  Voici  le  programme  : 
Première  partie.  149.8.  Prière  au  tombeau  du  Christ,  le  Vendredi- 
Saint,  musique  de  Jean  Mouton,  maître  de  chapelle  de  François  I", 
chantée  par  les  élèves  de  l'école  de  M.  Pastou,  avec  accompagnement 
d'orgue.  — 1737.  Renais  plus  brillante ,  prologue,  et  Tristes  upprêls, 
Castor  et  Pollux,  de  Piamcau,  chantés  par  M.  Delsarte.  — 1695.  7'rois 
pièces  de  clavecin,  par  François  Couperin,  de  la  musique  de  LouisXIV, 
exécutées  par  M.  Amédée  Méreaux.  — 1735.  Secerca,sedice,  air  de 


l'Olympiade,  de  Pergolèse,  chanté  par  M.  Charles  Dumas.— 1530.  La 
Romanesca ,  air  de  danse  du  xvi=  siècle,  exécuté  par  M.  Alard. — 
1540.  Les  Cris  de  Paris  sous  François  I«',  par  Clément  Junnequin-, 
chantés  par  les  élèves  de  l'école  de  M.  Pastou  (sans  accompagne- 
menl).  —  172C.  Tioispiices  de  clavecin  ,  par  Fiameau  ,  exécutées  par 
M.  Amédée  Méreaux.  —  1550.  Cliorul  de  Claude  Goudimel ,  chanté 
par  les  élèves  de  l'école  de  M.  Pastou.— 1685.  Ah  !  quel  tourment  d'ai- 
mer sans  espérance ,  air  de  Roland,  de  Lulli,  chanté  par  M.  Delsarte. 
— 1720.  Grande  sonate  Juguée  ,  pour  piano  et  violon  ,  de  Jean-Sébas- 
tien Bach,  exécutée  par  MM.  Amédée  Méreaux  et  Alard.— 1737.  Bri- 
sons tous  nos  fers,  chœur  de  Castor  et  Pollux,  de  Eameau,  chanié  par 
les  élèves  de  l'école  de  SI.  Pastou.  Deuxième  partie.  1785.  Grand 
Concerto  en  ré  m'meuv,  de  Mozart,  avec  accompagnement  d'or* 
chcslre,  exécuté  par  M.  Amédée  Méreaux.  — 1779.  De  noirs  pres,- 
senliments ,  air  de  Thoas ,  û'Iphigénie  en  Tauride  ,  de  Gluck,  chanté 
par  M.  Delsarte. — 1700.  Cantundo  un  di,  duo  madrigalesque  de  Clari, 
chanté  par  M'"»  Dorus-Gras  et  M.  Cliarles  Dumas.  — 1730.  Air  varié 
pour  le  clavecin,  de  Ilaendel,  exécuté  par  M.  Amédée  Méreaux. — 
1G20.  Romance  de  Guedron,  maître  de  chapelle  de  Louis  XIII,  chan- 
tée par  M""  Dorus-Gras.  —  1741.  Alléluia  du  Messie,  de  Ha;ndel, 
chanté  par  les  élèves  de  l'école  de  M.  Pastou,  avec  accompagnement 
d'orchestre.  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  H.  Berlioz;,  le  piano  sera 
tenu  par  M.  Schimon. — Prix  des  places:  stalles,  10  fr.;  parquet,  6  fr. 
On  trouve  des  billets  chez  MM.  Schlesinger,  rue  Richelieu,  97;  et 
Pleyel,  rueRochechouart,  20. 

*,*  Les  représentations  de  Morîani  à  Hambourg  ont  offert  celte 
particularité  assez  bizarre  que|Moriani  et  M"'  Rozctti  chantaient  en 
Italien,  tandis  que  les  autres  artistes  s'en  :  tenaient  tout  simplement 
à  la  langue  de  leur  pays,  d'où  résultait  un  charivari  très  peu  flatteur 
pour  les  oreilles  hambourgeoises;  mais  on  voulait  entendre  Moriani 
dans  les  Puritains  et  surtout  dans  la  Lucia,  et  le  temps  n'aurait  pas 
permis  de  répéter  ces  deux  pièces  en  italien.  A  la  rcprésentalion  des 
Diamants  de  la  Couronne  ,  il  y  a  eu  un  petit  scandale  à  propos  de  la 
prima  donna  ,  M"=  Jazède  ,  dont  le  départ  prochain  avait  indisposé 
une  partie  du  public.  L'affaire  s'est  terminée  à  l'amiable,  mais 
M"=  Jazède  n'en  quitte  pas  moins  le  théâtre  delà  ville  de  Hambourg. 
Morîani  se  trouve  en  ce  moment  à  La  Haye ,  où  il  a  débuté  le  3  avril 
dans  Lucrèce  liorjia  avec  M""  Rozetti,  première  chanteuse  du  théâtre 
impérial  de  Vienne;  Moriani  prend  le  titre  de  «  Artiste  ;chanteur  de 
la  cour  de  l'empereur  d'Autriche,  du  grand-duc  de  Toscane,  et  pre- 
mier ténor  de  tous  les  théâtres  impériaux  et  royaux  de  l'ItaliCi  »  Le 
ballet  de  Ciselle  a  été  donné  au  théâtre  hollandais  de  La  Haye. 

-"J"  Tout  ce  que  la  Belgique  compte  à  Paris  de  gens  honorables,  soit 
artistes  ,  soit  industriels ,  soit  écrivains ,  entre  lesquels  on  peut  citer 
MM.  Gérard  ,  Soubrc  ,  P.Iassart ,  Batta,  Robberechts,  Mengal,  Vaëz, 
Messcmaekers,  Franck,  etc.,  viennent,  sur  la  proposition  de  M.  Col- 
soal,  de  demander  au  roi  Léopold  la  croix  deson  ordre  pour  M.  Adolphe 
Sax  ,  inventeur  d'instruments  à  vent  du  plus  haut  mérite.  Cette  pé- 
tition est  appuyée  de  lettres  et  attestations  écrites  par  MM.  Meyer- 
beer,  Halévy,  Berlioz,  Kastner,  Spontini,  Ambroise  Thomas,  Nieder- 
meyer,  etc.  Les  appréciateurs  du  grand  talent  de  M.  .\dolphe  Sax 
applaudiront  à  cette  noble  et  généreuse  manifestation. 

*,*  AI.  Sainton,  violoniste  de  beaucoup  de  talent,  vient  d'arriver 
de  Toulouse;  cet  artiste  donnera  un  concert  incessamment. 

*,*  Notre  collaborateur  Georges  Kastner  vient  de  terminer  deux 
suppléments  à  son  limité  général  d'insirumeniation  ,  comprenant  les 
propriétés  et  l'usage  de  chaque  instrument ,  précédé  d'un  résumé jur  les 
voix  ,  et  à  son  Cours  d'instrumentation  considéré  sous  les  rapports  poé- 
tiques et  philosophiques  de  l'art  ;  approuvés  par  l'institut  de  France  et 
adoptés  pour  l'enseignement  dans  les  classes  du  Conservatoire.  Ces 
ouvrages  ont  obtenu  parmi  les  artistes  un  succès  qui  a  déterminé 
leur  auteur  aies  compléter  et  à  les  enrichir  de  plusieurs  invcDitiOBS 
nouvelles  et  de  plusieurs  perfectionnements  imporlants,  introduits 
dans  celle  branche  de  l'art,  depuis  l'apparition  des  premiers  traités. 
De  celte  manière,  le  travail  de  M.  Kastner  sera  le  plus  intéressant 
et  le  plus  complet  qui  ait  jamais  été  écrit  sur  ce  sujet.  L'importance 
des  matières  contenues  dans  les  suppléments  annoncés,  et  qui 
doivent  paraître  très  prochainement,  les  rendent  d'ailleurs  indis- 
pensables à  toute  personne  possédant  déjà  le  Traité  ou  le  Cours  d'in- 
strumentation. 

","  La  romance  favorite  de  Scudo,  Le  fil  de  la  Vierge ,  romance 
qui  obtient  de  jour  enjonrplus  de  succès,  vient  d'inspirer  à  M.  Kalk- 
brenner  une  fantaisie  brillante  pour  le  piano  qu'on  peut  à  juste  lilre 
citer  comme  l'une  de  ses  plus  remarquables  productions.  Nul  doute 
que  celte  fan^piisîe  n'obtienne  autant  de  vogue  que  la  mélodie  qu'elle 
reproduit  sous  des  formes  aussi  piquantes  que  variées. 

*,"  A  l'occasion  des  fiançailles  de  la  grande  duchesse  Alexandrinc 
etde  sa  soeur  Elisabeth,  on  a  représenté  une  pièce,  I-Iarounul  Ras- 
child,  qui  a  été  entièrement  jouée  par  des  princes.  M""  de  Rossi 


DE  PARIS. 


d35 


M""  Sontag),  a  chanté  un  iiilermède  dans  ce  curieux  divertisse- 
ment. L'art  théâtral  fait  d'immenses  progrès,  puisqu'il  a  su  péné- 
trer parmi  l'aristocratie  moscovite. 

*,"  Le  Diorama  vient  d'augmenter  son  exposition  d'un  troisième 
tableau  que  M.  Bouton  appelle  modestement  rideau  d'intermède.  Ce 
tableau  qui  représente  la  vue  intérieure  d'une  des  arcades  du  Colysée 
à  Rome,  résume  à  lui  seul  toutes  les  qualités  du  talent  de  son  auteur, 
et  vient  se  placer  dignement  entre  les  deux  tableaux  que  le  public 
alTectionne. 

V  Bordeaux.  —  Cliarlss  Kl  vient  d'êire  représenté  avec  un  im- 
mense succès.  Justice  pleine  et  entière,  à  l'opéra  nouveau.  Jamais 
nous  n'avions  rien  vu  de  si  beau,  de  si  riche  que  le  magnitique 
cortège  du  troisième  acte.  La  musique  a  été  appréciée  dignement, 
et  a  soulevé  des  tonnerres  de  bravos.  Pour  l'exécution  qui  a  été  par- 
faite, citons  avant  tout  M"=  Widemann,  notre  sublime  Odette;  il 
faudrait  trop  de  mots,  trop  d'éloges  pour  rendre  ce  que  tout  le 
monde  en  pense,  et  l'espace  comme  le  temps  nous  manque;  ad- 
mirée, applaudie,  elle  a  obtenu  un  triomphe  aussi  rare,  aussi 
beau  qu'il  était  mérité.  Payen-Charles  VI  s'est  animé  de  l'ardeur 
de  ceux  qui  l'entouraient,  et  ce  beau  rôle  n'a  rien  perdu  à  être 
chanté  par  lui.  Valgalier-le  Dauphin,  M"»"  Elian-IsabcUe  et  Lacroix- 
Raymond  ont  fait  valoir  les  parlres  qui  leur  étaient  conQées.  Nous 
reviendrons  plus  longuement  la  prochaine  fois  sur  chacun  de  ces 
artistes  et  sur  ceux  quenous  pouvons  oublier  en  ce  moment.  Aux 
représentations  suivantes  le  succès  a  été  plus  grand  encore.  Depuis 
longtemps  le  théâtre  de  Bordoattx  n'avait  obtenu  un  succès  pareil  à 
celui  de  Chartes  VI. 

*/  yiiignon,  .31  mars.  —  La  Heine  de  Chypre  s'est  montrée  avec 
éclat  sur  notre  théâtre.  La  mise  en  scène  a  été  bien  entendue  :  on 
avait  convoqué  le  ban  et  l'arrière-ban  des  musiciens  des  régiments 
pour  remplir  ce  double  orchestre ,  dont  les  voix  se  marient  si  admi- 
rablement. Les  acteurs  ont  rivalisé  de  zèle  :  Giraud  ,  Margaillan  et 
surtout  M"=  Annette  Lebrun  ont  fait  preuve  d'un  talent  remar- 
quable. 

ClBfonique  étrangère. 

*,*  Londres.  —  C'est  le  S  qu'ont  fait  leur  rentrée  au  Queen's- 

Thealre  dans  I Puriiani  Lablache  et  W"'  Grisi,  renforcés  de  Forna- 

sari,  enfin  remis  dosa  longue  indisposition. — Dans  le  second  des  trois 

concerts  qu'il  a  promis,  M.  Chatterton,  harpiste  d'un  rare  talent,  a 


exécuté  un  remarquable  morceau  de  sa  composition.  Une  débu- 
tante, M'"  Miller,  a  chanté  avec  quelque  seccès  le  fameux  air;sac»é 
de  Haîndel:  «  From  mighty  kings  »  (Des  pnisfants  rois). 

V  Francfort.  —  Le  troisième  concert  de  M.  Rosenhain  avait  at- 
tiré la  plus  brillante  société ,  et  l'artiste  a  eu  le  même  succès  qu'il 
obtient  chaque  fois  que  nous  avons  le  plaisir  de  l'entendre.  On  a 
beaucoup  applaudi  le  beau  trio  de  M.  J.  Rosenhain  et  le  quatuor  de 
Mozart. 

*.*  Wiesbade.  —  Notre  Opéra  possède  quelques  talents  remar- 
quables, et  pourtant  il  est  rare  qu'une  seule  représentation  soit  sa- 
tisfaisante pour  l'ensemble.  Le  théâtre  a  perdu  dans  M.  le  baron  de 
Breidbach  un  directeur  aussi  intelligent  que  zélé,  el  il  exigerait  une 
réforme  complète. 

",*  Varsovie.  —  Le  danseur  ïarczynowitz  et  sa  femme,  qui  ont 
quelque  réputation  en  Allemagne,  viennent  d'être  engagés  pour  le 
théâtre  dirigé  par  M.  Taglioni. 


CO^CURTS  ABrsrOBrCES. 
14,  21  ayril.  2  heures.  Concerts  du  Conservatoire. 


M.  Amat.  Salle  de  l'Ecole  lyrique. 

M.  Vivier.  Salle  Érard. 

F.  Liszl.  Théàtre-rtalîen. 

M.  Ponchard.  Salle  Herz. 

M.  A.  Carreau.  Salle  Pleyel. 

M"»  Clara  Woislin.  Salle  Bemha'rdt. 

M.  Fridrich.  Salle  Pleyel. 

M"«  Borchhardt.  Salle  Érard. 

M.  Alkan.  Salle  Érard. 

M.  A.  Kontsky.  Salle  de  l'École  lyrique. 

M"«  Péan de  la  Roche-Jagu. Salle  Bernhardt. 

M"=  Julie  Vavasseur.  Salle  Herz. 

M.  Scavarda.  Salle  Bernhardt. 

M.  Tagliafico.  Salle  Herz. 

M.  Méreaux.  Concert  historique  an  bénéfice 

de  l'Association  des   artistes-musiciens. 

Salle  Pleyel. 
Troisième  concert  de  DœWer ,  au  bénéfice 

de  l'Association   des  artistes-musiciens. 

Salle  Érard. 


Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


■^7  mSTRUMEMTS  BREVETES. 


POUR 

CENT 

PAR   AN 


sont  'assitréis  dès  aiijoiird'Iiui  à  HIITI.  les  Actîoiinaîi-es.  On 
pourra  -visiter  tous  les  jours,  de  une  Ueure  à  quatre  IteureS; 
la  falirique  de  M.  tiAJL,  en  plein  rapport. 

10,  B.UI:  NEUVE-SAINT-GEORGES,  A  PARIS. 

Pour  l'Exploitation  de  tous  les  Instruments  de  musique ,  à  vent ,  en  cuivre 
et  en  bois,  et  de  ceux  qu'a  inventés  51.  AU.  S .^S ,  qui  sont  adoptés 
par  les  Régiments,  les  principaux  Conservatoires  et  Théâtres  de  France  et 
de  l'Étranger. 

"msAS.  SAX,  pour  satisfaire  aux  demandes  qui  lui  sont  adressées  de  toutes  parts,  se  croyant  obligé  de  donner  une  plus  grande  exten- 
sion â  sa  fabrique ,  vient  de  fonder  une  Société  par  actions  de  250  fr.  el  de  500  fr.  Dès  aujourd'hui,  M.  SAX  assure  aux  actionnaires  un 
bénéfice  de  10  pour  100  par  an,  et  une  part  proportionnelle  dans  les  bénéfices.  Les  instruments  nouveaux  de  M.  AU.  SAX,  approuvéspar 
IffilH.  Rossini,  Spontini,  Auber,  Malévy,  Berlioz,  Oarafa,  Ad.  Adam,  A.  Thomas,  6.  Kastner,  doivent  remplacer  une  grande  partie 
des  instruments  dont  on  se  sert  aujourd'hui  dans  les  Régiments,  les  principaux  Théâtres  el  Conservatoires.  Il  n'est  pas  besoin  d'insister  sur 
la  moralité  et  le  résultat  d'une  pareille  entreprise. 

Lesaclions  sont  au  porteur,  de  250  et  de  5no  fr.  Les  personnes  de  la  province,  en  envoyant  un  bon  à  vue  sur  Paris,  pour  la  somme  d'ac- 
tions qu'elles  désireront,  recevront  l'Acte  de  Société  et  les  litres  en  échange  par  le  courrier.  On  souscrit  à  Paris,  10,  rue  Neuve-St- Georges. 


lATION 


&?7 GYMNASE  OT^DOICTS  A  LUSAGE  />i'S  PIANISTES 


Le  Chirogymnaste  est  un  assemblatîedeneafappa- 
reilsgymnastiques  deslinésà  donner  de  rea:(ension  à 
iamaiuetderécarï  aux  doigts  â  aiigmenteretàégoi(- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quatrième  el  le  cinquième 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnaste 
aétéaussi  approuvé  et  adopté  parMM.  Adam,Dertini, 
aeïîeiiot.  Cramer,  Herz,  Kalkbreuner,  Lislz,Moschelès 
Pruùtmt,  Sivon,  Thalherg,  Tulou,  Zimmermann,  etc. 

Chaque  Chirogymnaste  est  revêtu  de  la  signature 
de  ^'inventeur  et  se  vend  piace  de  ia  Bourse,  n°  13, 
à  huit  appareils,  50  fr.,  à  neu/"app.  GO /"r.,  méthode  f^fr, 

GYMNASTIQUE  APPI.IQIJÉE  A  L'ÈTtJDE  DU  PIA^VO.  par  MARTIN.  8  Ir. 
La  GYMNASTIQUE  DES  DOIGTS,  pmr  U.  BERTINl.  Prix  net,  3  fr.  7&  «, 

Les  expéditions  sont  faites  contre  remboursement.  Ëeiire  franco* 


%  Anglclc: 


Inventé  par   C.  MARTIN 

Facteur  do  Pianos, 
RREVETK  DU  ROI 

Pl.-tcc  de  lu  Buursc,  iS, 
Approuvé  par  l'IoMlitmC 

deNCONSERVATOIRES 
de  Pari»  et  de  Londres. 


A.    B 


fue  <itf  Sentier,  Mé» 


SPECIALITE    POUR    LES 

FIiï.i:rOS  1.  QTJBTÏE. 

Réduction  Se  Fiix.  —  Garantie  de  deux  années. 

On  peut,  avant  de  conclure  un  marché,  comparer  ces  instruments 
avec  ceux  de  tout  autre  facteur. 


136 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


EN  VENTE,  au  BURE  AIT  CENTRAI  DE  MUSIQUE,  29,  place  de  la  Bourse,  à  côté  du  théâtre. 


GAGLIOSTRO 

Opéra-comique  en  3  actes. 

Musique  d'AD.  ADAM. 

Poëme  de  Scribe  et  de  Saint-Georges. 
Partition  piano  et  chant,  format  in-8.  Prix  net,  10  (t. 

Valse  populaire  de  CACililOSTRO, 

PAR  r.  BURGMULLEH. 


Deux  divertissements  faciles  pour  piano  sur  Cagïiostro  , 

PAR  AD.  ADAM. 

Prii ,  chaque  :  C  fr. 
Deux  Q'iadrilles  sur  CAeiiI®STia© , 

PAR  MIISARD  ET  J.-B.  TOLBECQIJE. 

Prix,  chaque  :  4  fr.  50  c. 
Partition  Piano  et  Chant. 

Grand  opéra  en  â  actes. 

Musique  de  G.  DONIZETTI. 

Prix  nef:  40  fr. 


Partition  italienne ,  Piano  et  Chant. 

MARIA  DI  ROHAN. 

Grand  opéra  en  3  actes, 
»    Musique  de  «.  MOSTIZETTI.'' 

Prix  net  :  24  fr. 


Musique  pour  Piano  et  Violon, 


N.  XiOUIS.  Deux  mosaïques  sur  Mina,  chaque.    .    .    . 

—  Grand  duo  sur  Maria  di  Rohan 

—  Duo  sur  Don  Pasquale 

—  Deux  divertissements  sur  Dom  Sébastien ,  chaque. 

—  Duo  pour  piano  et  violon  sur  le  Code  noir.    .     ,    . 

—  L'Amitié,  fantaisie  pour  deux  violons 


Musique  pour  deux  Cornets. 

T.  COBNETTE.  Les  airs  de  Mina,  deux  suites,  chaque. 

—  Les  airs  de  Maria  di  Rohan,  deux  suites,  chaque. 

—  Les  airs  de  Cagliostro,  une  suite 

—  Les  airs  de  Dom  Sébastien,  quatre  suites,  chaque.    . 


9  > 
9  a 
7  50 
9  » 
9    » 


7  50 

9      B 

9    > 


A.  PESSIT.  Airs  de  Son  Pasquale,  pour  cornet  et  piano.  .    9    > 

FORESTIER.  FantaisiesurDonPasquale.cornetetpiano.    8    * 
—    Fantaisie  sur  le  Code  Noir,  cornet  et  piano 7  50 


Musique  pour  Flûte  et  Piano. 

II.  XEPIiUS.  Fantaisie  sur  Don  Pasquale 7  50 

—    Quatre  petites  fantaisies  sur  Son  Pasquale,  chaque.  4     » 

Xi.  CONNINX.  Deux  fantaisies  sur  Mina,  chaque.    .    .    .  7  50 


Opéra -comique 

en 

trois  actes. 


Partition  Piano  et  Chant. 

miNA 

Prix  net  :  24  fr. 


Musique 

de 

A.    THOMAS. 


Partition  Piano  et  Cliant. 

Prix  :  30  fr. 


I.ES  BliI.I.ES  DU  NORD, 

SOL  POIiKA,  brillantes  et  originales,  pour  le  Piano, 

PAR  H.  HERZ. 


ORNEES   DE  SIX  BEAUX   DESSINS. 

.1.  La  belle  Bohémienne Z    «        t        4.  La  belle  Suédoise. 

5.  La  belle  Moscovite. 


2.  La  belle  Polonaise 3 

3.  La  belle  Allemande. 3 


6.  La  belle  Hongroise. 


V.  ALKAIV. 

Saltarelle 7  60 

Nocturne 5     » 


G.  OSBORNE. 

Morceau  de  concert  sur  DomSébastien.    9 


A.  LEGARPENTIER. 

Fantaisie  facile  sur  I>om  Sébastien.    .  7  50 

41'^  bagatelle  sur  Dom  Sébastien.  .    .  6     » 

40' bagatelle  sur  Mina 6    » 

Deux  morceaux  faciles  sur  Maria  di 

Rohan.  Chaque G    » 


E.  PRUDENT. 

m  mimm. 

SOLVEMRS  DE  SCHUBERT. 

Prix  :  9  fr. 
Quatuor  de  Don  Pasquale ,  varié.      .     S     » 

HEmrHERZ. 

Trois  divertissements  sur  Dom  Sébas- 
tien. Chaque 7  50 

Fantaisie  sur  Don  Pasquale.      .    .     .    9    » 

Un  Soupir,  mélodie  variée 3    » 


H.  ROSELLEN. 

Fantaisie  de  concert  sur  Dom  Sébas- 
tien   () 

Fantaisie  sur  Mina s 

Fantaisie  sur  Don  Pasquale.      ...  9 


J.  Herz. 

Yalse  brillante  de  Dom  Sébastien.      .     6 


Fantaisie  sur  M.^RIjI  DI  noiIAIV. 

Prix  :  7  fr.  50  c. 


Pour  paraître  dans  quelques  jours, 

TROIS  COMPOSITIONS  pour  viox.on  et  piano  de  GAIVIILLO  SIITORI. 

1.  Fantaisie  originale.  |  2.  Variations  sur  le  Pirate. 

3.  Variations  sur  la  quatrième  corde  ,  sur  II  cor  non  piu  mi  sento ,  de  Paisiello. 
Duo  pour  Piano  et  Violon  sur  Dont  Sébastien,  par  ERSISX  et  STEPHEIV  HELIiER. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rne  Jacob. 


Pour  f  aris  :  un  an ,  30  fr.  ;  six  mois,  15  fr.     —    Annonces  :  50  c.  la  li jae  de  28  lettres    —    Départements  :  un  an ,  34  fr.  Étranger,  38  fr. 


GAZETTE  MUSICALE 

BÊOIGÉE  PiB 

•      MM.  ANDERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  HeiiBI  BI.AXCHARn 
MAUiiiCE  BOCRGES,  F.  DANJOU,  DCESBERG ,  FÉTfS  pire,  Éd  )OARD  FÉTIS,  Stipben  HEtLER,   J.  JAMN, 
'       G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  GecBGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  Paci,  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

M'aÊ'aiaaant  taus  tes  JOitnancFtes. 

IL  SERA  JOmT  A  CHAQUE  IVUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAYARNI. 
Le    fl"-   et    le    15  de  chaque   mois  on   recevra  un  morceaa  de  nmsiqoe» 


SOMMAIRE.  Une  occasion  (suite  et  fin);  par  MAURICE  BOURGES. 

—  Concert  de  F.  Liszt.  — Coup  d'œll  musical  sur  les  concerts  de 
la  semaine.  —  Correspondance  parliculière  :   Lyon.  Bruxelles. 

—  Nouvelles.  —  Annonces. 

Dans  la  galère  Capitaiic , 

Ils  étaient  quatre-vingts  rameurs. 

Dessin  de  Gavarni. 


UNE  OCCASION. 


(Suite  et  fin.') 

ien  en  prith  Granler,  car  la  nièce  du  vicaire  tint 
I  parole.  Elle  fit  tant  et  si  iiien,  que  la  duchesse 

consentit  à  entendre  le  virtuose  inconnu.  Aussi, 
I  la  semaine  suivante ,  sa  protectrice  l'introdui- 

sit-elle ,  par  un  escalier  dérobé  ,  dans  un  élé- 
gant cabinet  voisin  de  la  chambre  à  coucher  de  M""  de 
Joyeuse. 

C'était  un  charmant  »-«<raif ,  un  délicieux  boudoir,  comme 
on  dirait  aujourd'hui,  où  la  caraérisle  le  laissa  avec  sa  viole. 
«Prenez  patience,  lui  dit-elle,  madame  n'est  pas  encore 
I)  levée  ;  mais  elle  vous  recevra  ce  malin ,  et  seule ,  car  M.  le 
»  duc  suit  la  chasse  royale  à  Fontainebleau.  Mais,  ajouta-t- 
i>  elle  plus  bas  et  en  sortant ,  vous  ne  perdez  rien  à  ne  pas 
->  voir  ce  vilain  seigneur  grondeur  et  jaloux,  qui  n'a  jamais 
»  su  chanter  ni  par  bémol  ni  par  bécarre.  » 

Granier  eut  donc  tout  le  temps  d'admirer  à  loisir  ces  boi- 
series sculptées  et  dorées ,  ces  vitraux  coloriés ,  ces  meubles 
à  l'italienne,  ces  riches  tentures ^  ce  demi-jour  mystérieux, 
qui  laissait  dans  une  pénombre  discrète  plusieurs  points  de 
ce  lieu  enchanteur.  Puis  il  tendit  les  crins  de  son  archet ,  re- 
monta les  sept  cordes  de  son  instrument ,  auquel  l'étrange 

(")  Yoirle  numéro  15. 


invention  du  large  buffet  intérieur  avait  donné  une  sonorité 
siugulière,  et  pour  chasser  les  tristes  souvenirs  qui  l'obsé- 
daient, chercha  à  se  remettre  dans  l'esprit  les  meilleurs  mor- 
ceaux de  son  répertoire. 

Tout-à-coup  il  croit  entendre  un  léger  bruit  dans  l'escalier 
dérobé.  On  monte,  on  marche  avec  précaution.  La  clef  crie 
en  dehors  dans  la  serrure.  On  la  retire  ;  on  s'éloigne  comme 
on  est  venu.  Que  signifie  ce  mystère  ?  La  petite  porte  se  trouve 
fermée  à  double  tour.  Est-ce  méprise?  Est-ce  dessein  pré- 
médité? Granier  s'étonnait,  se  perdait  en  conjectures,  lors- 
qu'un tumulte  subit  attira  de  nouveau  son  attention  du  côté 
de  la  chambre  voisine.  On  courait ,  on  remuait  des  meubles , 
on  semblait  parler  avec  agitation 

Enfin  la  porte  qui  donnait  passage  de  la  chambre  dans  le 
cabinet  tourna  rapidement  sur  ses  gonds. 

—  C'est  lui,  c'est  le  duc,  dit  une  voix  émue.  Ah!  cher 
prince ,  je  tremble  pour  vous.  Si  mon  mari  vous  irouvaii  chez 
moi ,  à  cette  heure  !. . .  Sortez ,  de  grâce.  Fuyez  par  ici.  Dans 
ce  cabinet  une  porte  ouvre  sur  l'escalier  dérobé.  Vous  serez 
dans  le  jardin  avant  que  le  duc  ait  pu  monter  à  mon  appar- 
tement. Si  vous  m'aimez,  échappez  à  sa  jalousie. 

Un  tendre  adieu  résonna  sur  le  seuil.  La  porte  fut  close. 
La  portière,  jusqu'alors  baissée,  se  leva,  et  un  jeune  cava- 
lier de  seize  à  dix  sept  ans,  blond,  joh ,  leste,  élégant, 
s'élança ,  plus  rapide  que  l'éclair,  vers  l'issue  indiquée. 

—  Fermée!  murmura-t  il  en  secouant  la  serrure  inutile- 
ment. Fermée!...  et  le  duc  qui  est  là,  chez  sa  femiUe  !  le 
duc  qui  peut  me  surprendre  ! 

Et  le  galant  cavalier  serrait  convulsivement  la  poignée 
d'une  petite  dague  qu'il  avait  tirée  de  son  pourpoint.  Et  ses 
yeux  erraient  à  travers  la  chambre  pour  y  chercher  une  autre 
voie  de  salut.  Tout-à-coup  ils  tombèrent  sur  Granier,  immo- 
bile et  muet  dans  l'ombre.  Qu'on  s'imagine  la  surprise  du 
jouvenceau  et  l'embarras  du  virtuose. 

Saisir  une  bourse  dans  sa  poche  et  courir  au  musicien , 


BUREAUX   D'ABOI^NEMENT,    RUE    RICHEI.IEU,    97. 


138 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


qui  lui  sembla  un  espion  placé  sur  son  passage ,  ce  fut  pour 
le  damoiseau  l'affaire  d'un  instant. 

—  Vingt  carolus  pour  toi ,  si  tu  m'ouvres  cette  porte.' 

—  Hélas!  monsieur,  je  ne  le  puis. 

—  Tu  en  veux  trente;  tu  les  auras. 

—  Impossible. 

—  Quoi!  le  duc  t'a-t-il  payé  plus  cher?  tu  abuses  de  ta 
position  ;  mais  à  tout  prix  j'achète  tes  services. 

—  Pensez-vous  que  je  songe  à  les  vendre? 

—  Mais  que  veux-tu  alors? 

—  Vous  les  offrir  en  homme  de  cœur. 

Le  cavalier  recula  étonné.  —  Qui  es-tu  ?  reprit-il. 

—  Un  simple  joueur  de  viole ,  un  musicien  de  province. 

—  Me  connais-tu  ? 

—  Non  ;  mais  qu'importe?  Vous  êtes  en  péril,  cela  suffit. 

—  Eh  bien  !  finissons- en.  Tire-moi  de  ce  lieu ,  et  tu  n'au- 
ras pas  à  t'en  repentir. 

—  Entrez  donc  ici ,  dit  Granier  en  ouvrant  sa  viole. 

—  Dans  cette  boîte!  Comment,  misérable!  voudraisHo 
me  livrer  sans  défense  comme  un  ours  encagé? 

—  Monsieur,  vons  êtes  libre  de  taire  à  votre  guise. 

Et  Granier  allait  refermer  1«  battant  de  sa  viole ,  quand  un 
bruit  de  voix  plus  distinct  se  fit  entendre  dans  la  chambre  de 
M""'  de  Joyeuse. 

—  C'est  le  duc,  reprit  le  damoiseau  !  Advienne  que  pourra. 
Ménétrier,  je  me  fie  à  ta  parole.  Ta  fortune  est  dans  tes 
mains.  Sauve-moi.  Le  duc  d'Alençon  t'en  récompensera  au 
Louvre. 

Le  mince  et  leste  cavalier  venait  à  peine  de  se  blottir  dans 
les  vastes  flancs  de  la  viole ,  que  le  maître  du  logis ,  le  visage 
animé  par  la  colère ,  la  menace  à  la  bouche ,  l'épée  à  la  main , 
se  précipita  dans  le  cabinet.  Le  joueur  de  viole  cependant  se 
tenait  impassible  et  calme  tout  auprès  de  son  instrument , 
comme  s'il  n'attendait  qu'un  ordre  pour  commencer. 

Le  duc  s'arrêta  étonné.  —  Madame  ,  s'écria-t-il ,  quel  est 
donc  cet  homme  ? 

—  Un  homme!  répondit  une  voix  tremblante  partie  de  la 
chambre  à  coucher  ;  et  la  duchesse  ,  pâle  de  terreur,  parut 
aussitôt  sur  le  seuil.  Granier  s'inclina. 

—  Ce  n'est,  dit-il,  qu'un  pauvre  joueur  de  viole  qui  at- 
tendait la  faveur  de  se  faire  entendre  à  madame  de  JoyeuTse. 

—  Ah  !  fit  la  duchesse  avec  crainte  ;  vous  étiez  ici  ? 

—  L'ignoriez- vous,  madame?  reprit  le  mari,  qui  venait 
d'examiner  inutilement  la  fenêtre  trop  élevée  pour  servir 
d'issue,  la  porte  secrète  toujours  bien  fermée  ,  et  jusqu'aux 
tapisseries ,  aux  rideaux  et  aux  moindres  meubles.  Par  où  ce 
ménétrier  est- il  donc  entré? 

—  Par  ce  petit  escalier,  monseigneur. 

—  Mais  la  porte  en  était  close,  j'en  suis  sûr. 

—  Je  l'ai  entendu  fermer  en  dehors  après  mon  arrivée. 
Voici  une  heure  que  j'attends. 

—  Une  heure  !  s'écria  le  duc  ;  mais  alors  tu  as  dû  voir  la 
personne  qui  est  entrée  ici  ? 

—  Quelle  personne  ?  hors  vos  seigneuries ,  je  suis  le  seul 
qui  ai  pénétré  dans  ce  cabinet. 

La  duchesse,  qui  avait  affreusement  pfdi  à  la  dernière 
question  de  son  époux,  jeta  sur  Granier  un  regard  de  vive 
reconnaissance ,  mêlée  d'inquiétude  et  de  surprise. 

—  C'est  étrange ,  murmurait  M.  de  Joyeuse  en  marchant 
d'un  pas  agité.  Il  est  clair  qu'on  m'a  trompé. 

Alors  l'embarras  de  sa  position  et  le  ridicule  d'une  scène 
de  jalousie  inutile  lui  montèrent  à  l'esprit  et  se  peignirent 
sur  son  visage.  Il  voulut  effacer  une  impression  fâcheuse. 
—  Allons  r  madame ,  dit-il  en  donnant  à  ses  traits  une  grâce 


un  peu  contrainte ,  et  en  tendant  la  main  à  sa  femme ,  excu- 
sez-moi d'avoir  interrompu  le  calme  de  cette  solitude.  Voyons, 
ménétrier  ;  puisque  madame  veut  bien  t'écouter,  joue-nous 
quelque  chose  de  galant ,  une  pavane ,  une  bourrée ,  tout  ce 
qui  plaît  à  la  cour.  N'est-il  pas  vrai,  chère  duchesse? 

Mais  la  duchesse  sentait  l'avantage  inespéré  de  sa  position , 
et  par  un  vague  instinct  de  cœur  venait  aussi  de  comprendre, 
au  regard  intelligent  et  inquiet  que  lui  lança  Granier,  qu'il 
y  avait  là  un  dangereux  mystère.  En  femme  habile  et  sûre  de 
son  pouvoir ,  elle  appela  à  son  aide  les  grandes  ressources  de 
la  ruse,  les  reproches  de  l'innocence  accusée,  les  plaintes, 
les  larmes,  les  sanglots  d'une  victime;  elle  finit  par  les  va- 
peurs. Le  duc  était  tout  hors  de  lui ,  appelant,  jurant,  priant 
et  criant.  Les  suivantes  accoururent.  On  porta  M"'°  de 
Joyeuse  sur  son  lit;  on  jeta  sur  elle  toutes  les  essences  ima- 
ginables ;  mais  rien  n'y  faisait. 

—  Ah!  par  Dieu  !  dit  tout-à-coup  le  duc,  M.  de  Brantôme 
assurait  l'autre  jour  que  la  musique  produisait  d'étonnants 
effets  sur  les  nerfs.  Appelez  le  joueur  de  viole ,  qui  est  là  dans 
le  cabinet.  Qu'il  vienne,  et  nous  exécute ,  s'il  le  sait,  l'air  qui 
calma  les  fureurs  d'Alexandre  et  que  Claudin  prétend  avoir 
retrouvé. 

A  ces  mots,  la  duchesse  se  trémoussa  de  plus  belle  et  bon- 
dit à  faire  trembler  les  colonnes  et  le  ciel  empanaché  de  son 
ht.  Mais  sa  fidèle  camériste  vint  dire  que  pendant  le  tumulte 
le  musicien  s'en  était  allé  par  discrétion ,  emportant  sa  viole 
sur  le  dos.  Peu  après  cette  nouvelle  et  deux  mots  que  la  sui- 
vante lui  glissa  dans  l'oreille  ,  la  duchesse  se  trouva  calmée , 
rouvrit  doucement  ses  beaux  yeux ,  et  sourit  languissamment 
à  son  époux ,  qui  demandait  merci  d'une  voix  attendrie. 

Le  soir  même,  tous  les  familiers  du  jeune  duc  d'Alençon,  et 
le  duc  lui-même,  racontaient  au  Louvre  qu'il  venait  d'arri- 
ver un  joueur  de  viole  merveilleux,  un  véritable  prodige. 
Les  courtisans ,  pressentant  la  faveur  du  prince ,  renchéris- 
saient à  l'envi  sur  ce  talent  encore  inconnu.  Mais  trois  jours 
après,  dans  un  concert  chez  la  reine-mère ,  Granier  fut  dé- 
claré le  premier  virtuose  de  son  époque,  le  Servais,  le  Baita, 
le  Franchomme  de  son  temps.  Sa  réputation  était  faite;  sa 
fortune  suivit  deprès.  Elle  alla  même  si  vite  et  si  loin  ,  que 
bientôt  l'aimable  reine  de  Navarre ,  la  spirituelle  et  galante 
Marguerite  amena  Granier  en  Béaru,  tant  sa  viole  mystérieuse 
avait  pour  elle  de  prix  et  de  valeur.  Toute  la  cour  regretta 
le  grand  artiste  et  surtout  l'admirable  instrument,  que  les 
comtesses  et  les  duchesses  se  disputaient,  dit-on ,  pour  leur 
petit-lever. 

Maurice  Bourges. 


CONCERT  DE  F.  LISZT. 

liC  premier  Concert  de  F.  Usât  a  c»  lien  le  iG  aTvn 
an  Théâtre-Italien.  Personne  ne  dcuuuidera  si  le  plus 
grand  et  le  plus  predigiettK  pianiste  du  inonde  avait 
attiré  la  foule ,  et  s'il  'y  a  eu  manifestation  d'enthon- 
■iasme  unanime  de  la  part  de  l'élégante  assemblée. 


DE  PARIS. 


139 


XES  CONCERTS  DE  I.A  SEBIAIIffE. 


ette  fois  nous  procé- 
derons sans  préam- 
bules ,  vu  la  recru- 
descence, le  redou- 
blement d'intensité 
du  choléra-concert 
qui  nous  envahit,  nous  étreint  et  laisse  par 
conséquent  peu  de  place  aux  digressions  : 
c'est  d'ailleurs  un  moyen  facile  d'être 
agréable  une  fois,  parun  capricede  journaliste, 
à  ces  esprits  étroits  qui  croient  que  la  musique 
ne  touche  pas  à  la  morale,  à  la  religion,  à  la 
politique,  atout.  Sans  préambule  donc,  nous 
féliciterons  M.  Delsarte  sur  l'effet  du  concert 
qu'il  a  donné  chez  lui ,  vendredi  12  avril ,  dans  le 
salon  où  il  fait  son  cours  de  chant.  ^On  n'a  guère 
entendu  là  que  de  la  musique  rétrospective  exha- 
lant un  parfum  classique ,  émolliant  les  sens  au- 
ditifs endurcis ,  blasés  par  toutes  les  fantaisies  fantastiques  et 
sataniques  de  nos  instrumentistes  plus  ou  moins  à  la  mode  par 
leur-excentricité.  M.  Delsarte ,  fidèle  à  son  culte  pour  Gluck , 
a  dit  plusieurs  morceaux  de  ce  grand  compositeur  et  entre 
autres  un  air  A'Alceste,  mais  surtout  un  duo  à'Iphîgénie  avec 
Massol  de  l'Opéra,  qui  a  produit  le  plus  grand  effet.  M°"  Thé- 
résa  Wartel  a  exécuté,  en  provoquant  les  mêmes  applaudisse- 
ments par  son  jeu  tour  à  tour  énergique  et  gracieux ,  un 
fragment  du  concerto  en  ré  mineur  de  Sébastien  Bach  et  le 
Stuck-concert  de  AVeber. 

Le  Cercle  musical  des  amateurs ,  qui  en  est  à  sa  septième 
année  d'existence,  a  donné  son  concert  annuel  samedi  13 
dans  la  salle  Herz.  Cette  Société ,  qui  est  tout  aussi  philhar- 
monique qu'aucune  autre  de  France  ou  de  Navarre ,  est  ani- 
mée du  même  bon  esprit  rétrospectif  que  M.  Delsarte.  L'or- 
chestre, composé  en  grande  partie  d'amateurs,  est  dirigé  par 
M.  Tilmant,  qui  s'acquitte  de  cette  mission  comme  chacun 
sait.  Là  sont  aussi  en  honneur  les  exhumations  de  notre  vieille 
musique  nationale.  Ces  messieurs  ont  fort  bien  dit  les  belles 
ouvertures  de  la  Stratonice  de  Méhul  et  celle  de  Roméo  et 
Julietteipar  Steibelt.  Et  d'abord,  pour  ouvrir  la  séance,  la  sym- 
phonie en  M«  mineur  de  Beethoven  a  été  exécutée  avec  verve, 
ensemble  et  chaleur.  M"'  Iweins  d'Hennin,  M"''  Mondutai- 
gny  et  M.  Saint-Denis ,  de  l'Opéra ,  ont  fort  bien  chanté ,  et 
MM.  Alard  et  Dorus  n'ont  pas  moins  bien  chanté,  le  premier 
sur  le  violon  et  le  second  sur  la  flûte.  Tels  étaient  les  éléments 
de  ce  concert,  qui  avait  réuni  une  société  brillante  et  d'une 
intelligence  assez  apte  à  saisir  les  beautés  réelles  de  l'art ,  ce 
qui  n'arrive  pas  toujours  dans  Paris.  Le  Cercle  musical  est  en 
voie  de  donner  un  éclatant  démenti  à  la  seconde  partie  de  cet 
impertinent  axiome  :  Dieu  nous  garde  d'un  dîner  d'amis  et 
d'un  concert  d'amateur. 

M.  Vivier,  le  cor  exceptionnel,  le  cor  harmonique,  ainsi 
que  nous  l'avons  nommé  assez  justement  lors  de  ses  appari- 
tions dans  quelques  uns  des  salons  de  Paris  ;  M.  Vivier  .'qui 
s'était  fait  entendre  dans  le  dernier  concert  de  Dœhler,  a 
donné  le  sien  lundi  passé  chez  Érard.  Un  adagio  joué  par  lui 
sur  le  cor  avec  la  voix  naturelle  de  cet  instrument ,  lui  a  offert 
l'occasion  de  développer  dans  ce  morceau  son  talent  de  cor- 
niste simple ,  chantant  avec  expression  et  noblesse  ;  puis  sont 
venus  les  effets  du  cor  double,  triple,  quadruple,  dont  les 


acousticiens,  les  oreilles  les  plus  exercées  ne  peuvent  se  rendre 
compte  logiquement ,  et  dont  il  faut  accepter  les  résultats 
comme  chose  curieuse,  extraordinaire,  et  qu'on  ne  peut  ana- 
lyser. M-"  Anna  Thillon  de  l'Opéra-Comique ,  qui  ne  figure 
jamais  dans  les  concerts ,  a  chanté  dans  celui-ci  son  air  de  la 
cantatrice  de  l'opéra  de  Cagliostro.  M""  Thillon ,  qui  a  la 
figure  aussi  mobile  que  jolie,  ce  qui  n'est  pas  peu  dire,  abuse 
un  peu  trop  de  cette  mobihté  et  enjoué  comme  une  coquette 
fait  decelle  qu'elle'a  dans  le  cœur.  Dans  ce  quatrain  si  court  et 
qui  ne  rend  guère  qu'une  pensée  : 

C'est  le  caprice 
Qui  rend  propice 
La  cantatrice 
Au  cœur  changeant, 

M""  Thillon  croit-elle  qu'il  faut  changer  quatre  fois  l'ex- 
pression de  sa  figure  parce  que  ce  petit  couplet  contient  le 
mot  changeant  7  Elle  aurait  tort.  Elle  dit  le  premier  vers  en 
souriant ,  le  second  d'un  visage  triste ,  le  troisième  d'un  air 
insignifiant,  air  qui  doit  lui  être  difficile  à  se  donner,  et  le 
dernier  vers  en  ressouriant.  Nous  lui  conseillons  d'appliquer, 
au  concert  comme  au  théâtre ,  son  sourire  fin  et  intelligent , 
qui  lui  va  si  bien ,  au  sens  des  paroles ,  dût-elle  étudier  ses 
morceaux  de  chant  et  le  sens  exact  de  ses  paroles,  pour  l'ex- 
primer avec  vérité,  devant  une  glace ,  ce  qui  lui  procurerait , 
au  reste,  un  fort  agréable  vis-à-vis.  M.  Dœhler  a  produit 
l'effet  accoutumé;  on  lui  a  demandé  la  piquante  tarentelle 
que  l'on  ne  se  lasse  jamais  d'entendre. 

M.  Prume  est  un  violoniste  de  talent  qui  s'était  laissé  ou- 
blier dans  Paris,  où  l'on  oublie  tant  de  choses  plus  graves, 
plus  essentielles  qu'un  violoniste  ;  il  est  venu  se  faire  entendre 
cette  année  au  Conservatoire ,  et  il  y  a  fait  plaisir  ;  puis  il  a 
donné  un  concert  dans  la  salle  Moreau-Sainti ,  rue  de  la 
Tour-d'Auvergne ,  où  il  a  joué  un  nouveau  concertino  de  sa 
composition ,  des  mélodies  champêtres  par  M.  le  comte  Pil- 
let-Will,  un  andante  suivi  d'un  rondeau  composés  par  lui, 
et  la  fantaisie  de  Lafont  sur  la  Muette  de  Portici,  qu'il  a 
exécutée  de  manière  à  rappeler  le  jeu  sage,  pur,  élégant  et 
classique  de  l'avant-dernier  représentant  de  la  belle  école 
française.  M.  Prume  joint  h  ces  qualités  l'énergie  et  la  passion 
qui  caractérisent  les  virtuoses  actuels. 

Le  pianiste  bénéficiaire  n'a  pas  trop  fonctionné  dans  cette 
semaine.  Deux  violoncellistes  de  talent ,  après  Batta  et  Selig- 
mann,  se  sont  fait  entendre  :  ce  sont  MM.  Bernard  Cossmann 
et  Adrien  Carreau.  Le  premier,  qui  porte,  ce  qui  est  d'un 
bon  augure,  le  prénom  de  Romberg,  a ,  comme  son  illustre 
devancier,  un  beau  son  et  un  bon  sentiment  musical.  Il  est 
musicien  de  conscience,  et  joue  de  la  bonne  musique  autant 
que  cela  lui  est  possible;  il  a  dit  l'Attente  et  VAm  Maria  de 
Schubert ,  mélodies  transcrites  pour  le  violoncelle,  une  fan- 
taisie sur  Robert-le-Diable,  composée  par  M.  Lée,  et  une 
autre  fantaisie  sur  le  Freischiitz,  composée  par  lui,  et  qu'il 
a  jouée  comme  un  violoncelliste  qui  aspire  au  premier  rang, 
où  il  est  bien  capable  de  parvenir.  M"'°  Wartel  a  exécuté  sur 
le  piano  le  concerto  de  salon  par  Weber,  avec  accompagne- 
ment de  quatuor,  de  manière  à  se  faire  beaucoup  et  justement 
applaudir. 

M.  Guerreau  est  aussi  un  violoncelliste  de  talent  ;  il  a  joué 
avec  une  expression  profondément  sentie  sa  fantaisie  sur  la 
Lucia,  par  laquelle  il  a  ouvert  le  concert  qu'il  a  donné  mer- 
credi passé  chez  Pleyel  ;  mais  cette  fantaisie  sur  la  Lucia  est- 
elle  bien  la  sienne?  N'est-ce  pas  la  fantaisie  de  tout  le  monde? 
Comme  le  poëte  disant  d'une  manière  si  comiquement  origi- 
nale : 

Qui  nous  délivrera  des  Grecs  et  des  Romains  ! 


1^0 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


nous  nous  écrierons  en  \ile  prose  :  Qui  nous  délivrera  de  celte 
mélodie  vibrante ,  tremblante  et  chevrotante  par  laquelle  on 
nous  continue,  on  nous  parodie  assez  inutilement,  depuis 
trois  ou  quatre  ans ,  M.  le  colonel  Rubini  ?  A  cela  près  de  ce 
travers  général  dans  lequel  il  a  donné ,  comme  tant  d'instru- 
mentistes de  talent ,  M.  Carreau  a  fait  plaisir  dans  un  solo  sur 
la  Juive ,  et  par  ses  Souvenirs  suisses  tout  empreints  d'un 
parfum  helvétien. 

M.  Piatti,  qui  nous  revient  en  mémoire,  est  un  antre  vio- 
loncelliste qui  chante  avec  beaucoup  d'expression  sur  son  in- 
strument ,  et  qui  a  donné  aussi  sa  matinée  musicale  chez 
M.  Érard  ;  il  en  avait  le  droit,  et  il  en  a  usé  de  manière  à  se 
faire  justement  applaudir  dans  plusieurs  morceaux  remarqua- 
bles de  sa  composition.  Nous  reviendrons  sur  ce  concert. 

Ponchard,  dont  l'obligeance  chante  au  bénéfice  de  tout  le 
monde  artiste,  a  chanté  au  sien  mardi  passé,  dans  la  salle 
Herz.  M""^  Sabalier  y  a  dit  gentiment  la  gentille  romance  inti- 
tulée le  Rêve  d'un  page.  Quelques  élèves  du  Conservatoire  ont 
fort  bien  interprété  et  nuancé  le  beau  chœur  des  chasseurs 
à' Etiriante,  deWeber,  et  celui  des  Deux  Avares,  de  Grélry. 
Les  honneurs  de  la  soirée  ont  été  pour  le  bénéficiaire  et  Gé- 
raldy ,  qui  ont  dit  à  ravir  l'auditoire  le  joli  duo  de  Picaros  et 
Diego,  de  D'Aleyrac,  et  puis  pour  Dorus,  qui  a  joué  d'une 
manière  délicieuse  un  charmant  solo  de  flûte  composé  par 
Kuhlau. 

M.  Visconti  est  un  excellent  professeur  de  chant  qui  a  donné 
un  concert  chez  Pleyel  le  15  avril ,  qui  laissera  des  souvenirs 
beaucoup  plus  agréables  que  le  ministère  de  cette  date,  et  dans 
lequel  on  a  entendu  les  célébrités  du  moment.  Le  bénéficiaire 
a  chanté  et  joué  du  piano  en  homme  de  talent.  M"'  Delphine 
Beaucé  a  été  la  lionne  musicale  de  cette  matinée.  La  veille , 
M.  Léopold  Amat  s'était  montré  l'agneau  bêlant  la  naïve  ro- 
mance ,  la  tendre  villanelle  et  le  piquant  sirvente ,  dans  une 
matinée  musicale  qu'il  a  donnée  dans  la  salle  Moreau-Sainti. 
La  feuille  et  le  serment  est  un  charmant  lai  qui  a  fait  rêver 
les  jolies  boutiquières  du  faubourg  Montmartre,  qui  assis- 
taient en  majorité  à  ce  concert.  Dans  ce  même  faubourg , 
chez  M.  Bernhardt ,  l'excellent  facteur  de  pianos.  M"'  Clara- 
Voislin  ,  qui  a  conquis  le  premier  prix  de  piano  cette  année 
au  Conservatoire ,  a  donné  une  matinée  musicale  dans  la- 
quelle elle  a  joué  plusieurs  morceaux  de  son  maître,  M.  Herz, 
et  dans  lesquels  elle  s'est  fait  justement  applaudir.  M""  Vir- 
ginie Bernhardt,  son  élève,  a  exécuté  avec  elle,  et  d'une  ma- 
nière remarquable ,  des  variations  et  un  rondo  brillant  à  deux 
pianos. 

M"'  Maria  Borchhardt ,  de  Bruxelles,  âgée  de  douze  ans,  et 
dont  nous  avons  déjà  dit  quelques  mots  dans  la  Gazette  mu- 
sicale, s'est  fait  entendre  jeudi  dernier  chez  M.  Érard.  Élève 
de  son  père  et  un  peu  de  tout  le  monde ,  cotte  jeune  virtuose 
a  vivement  intéressé  l'auditoire,  qui  l'a  applaudie  avec  justice, 
comme  s'il  entendait  une  pianiste  de  vingt  ans  qui  a  du  talent. 
M"'  Recio  a  dit  dans  ce  concert ,  avec  une  grâce  et  une  ex- 
pression toute  castillane  ou  toute  andalouse  ,  et  dans  la  langue 
ibérienne,  une  charmante  séguidillede  Gomis;  puis  le  Cor- 
saire, mélodie  de  M.  Concone ,  agréable  par  sa  contexture  et 
par  la  manière  dont  elle  a  été  chantée. 

Rechercheur  de  toutes  les  manifestations  musicales,  nous 
devons  signaler  au  monde  dilettante  la  séance  donnée  par 
M"'  la  comtesse  Péruzzi ,  femme  de  l'ambassadeur  du  grand 
duc  de  Toscane ,  et  digne  de  prendre  le  titre  d'artiste  par  la 
manière  dont  elle  interprèle  la  bonne  et  sévère  musique.  La 
première  partie  d'un  quintette  de  Spohr,  les  deux  morceaux 
du  premier  concerto  de  Chopin  et  la  fantaisie  sur  la  Liicia , 
de  Prudent,  lui  ont  donné  l'occasion  de  montrer  un  talent  | 


de  premier  ordre.  Enfin  la  tarentelle  de  Rossini ,  chantée  par 
M'"^  Ungher-Sabatier ,  la  grande  artiste  qui  ne  chante  plus 
que  pour  son  plaisir  et  toujours  pour  celui  des  autres  ;  le  duo 
d'il  Barbiere ,  dit  par  Balfe  et  M"""  la  comtesse  de  Sparre  ; 
mais  surtout  le  bel  air  de  Guido  et  Ginevra,  admirablement 
chanté  par  cette  dernière ,  ont  donné  à  ceux  qui  l'ont  en- 
tendue l'idée  la  plus  avantageuse  du  bon  goût  de  la  haute 
fashion  musicale. 
Et  maintenant, 

Comme  à  tous  ses  lecteurs  la  Gazette  doit  plaire, 
Passons  du  concert  noble  au  concert  populaire. 

Si  nous  vous  transcrivons  ici  le  programme  bien  fourni  d'un 
concert  donné  le  14  avril  passé  dans  la  salle  du  Tivoli  d'hi- 
ver de  la  rue  de  Grenelle-Saint-Honoré,  sous  la  direction  de 
M.  Isidore,  vous  verrez  que  ce  programme  contient  les  noms 
de  MM.  Clodomir,  Landry,  Gourlay,  Pierné,  Isidore,  Clé- 
ment, Janilon,  Xélor,  Lahau,  Noirol  et  M"'"  Zudrel,  Del- 
phine Garde,  Desguimées,  etc.,  etc.,  noms  qui  ne  sont  guère 
plus  connus  dans  le  monde  musical  que  celui  de  M.  Soumis, 
par  qui  le  piano  était  tenu  ,  et  que  celui  de  M.  Jelmini,  par 
qui  il  a  été  fabriqué.  Au  reste,  entre  autres  bonnes  choses  que 
contenait  le  programme  de  cette  solennité  musicale ,  il  était 
dit  en  nota  qu'il  y  serait  fait  une  quête  pour  les  indigents,  et 
qu'il  n'y  aurait  point  d'entr'acte,  ce  qui  paraissait  assez  né- 
cessaire vu  les  vingt-un  morceaux  de  musique  composant  le 
susdit  programme.  C'était  vraiment  le  cas  de  désirer  que  ce- 
lui-ci fût  menteur  comme  tous  les  programmes  politiques. 

Esclave  du  devoir  que  nous  nous  sommes  imposé  d'assis- 
ter à  toutes  les  matinées  et  soirées  musicales ,  nous  pouvons 
dire  que  nous  avons  consciencieusement  et  avec  une  noble 
résignation  accompU  notre  mission  ,  que  nous  avons  digne- 
ment porté  ce  faix  de  monotonie ,  d'ennui  et  de  sommeil ,  ou 
plutôt  rempli  ce  travail  de  nègre  :  aussi  combien  de  fois , 
comme  le  pauvre  noir ,  n'avons-nous  pas  rêvé  de  liberté , 
d'affranchissement  dans  toutes  les  acceptions  de  ce  dernier 
mot ,  même  à  l'égard  de  ces  nombreuses  missives  qui ,  en 
échange  de  la  faible  somme  de  quinze  centimes  que  chacune 
d'elles  nous  coûte,  nous  gratifient  de  billets  à  prix  fabuleux 
avec  invitation,  prières,  supplications,  d'aller  entendre  et 
louer  les  mêmes  artistes,  les  mêmes  morceaux  et  par  consé- 
quent les  mêmes  concerts  ! 


Corre^ltoiidauce   particulière. 

Lyon.iOavriHHi. 

Nous  terminons  notre  année  théâtrale  au  milieu  d'une  avalanche 
de  concerts,  qui,  rapprochés  du  genre  de  spectacle  dont  on  nous 
sature  tous  les  soirs ,  devraient  nous  faire  passer  pour  les  gens  les 
plus  mélomanes  du  monde.  Il  n'en  est  vraiment  rien  pourtant, 
car,  à  ce  régime  de  croches  et  de  doubles  croches  ,  tout  le  monde 
est  harassé  d'ennui,  et  le  théâtre  n'est  plus  maintenant  qu'un 
rendez-vous  pour  concerter  le  plan  de  l'affaire  importante,  je 
veux  parler  du  renouvellement  de  l'année.  Rien  de  plus  curieux  que 
ces  intermédiaires  cherchant  à  désarmer  la  susceptibilité  du  vérita- 
ble public,  et  â  lui  imposer  par  avance  MM.  tels  ou  tels.  Nous  avons 
été  si  continuellement  leurrés  qu'on  résiste  énergiqucment ,  et  qu'on 
peut  se  dire  déjà  :  Les  débuis  seront  fort  orageux.  En  attendant,  et 
comme  je  vous  l'ai  dit,  concerts  et  grands  opéras  se  succèdent  tous 
les  jours  avec  une  désespérante  monotomic;  et  au  milieu  de  tous  je 
voudrais  déjà  pouvoir  vous  parler  du  concert  de  Georges  Haml  que 
nous  enlendrons  samedi ,  et  qui  sortira  probablement  de  l'ornière 
par  sa  belle  composition.  Celui  de  M""  Miro-Camoin,  notre  ex-prima 
donna,  a  été  vraiment  le  plus  remarquable.  L'immense  talent  de  la 
bénéficiaire  défrayait  presque  seul  cette  matinée  musicale,  et  cepen- 
dant jamais  programme  n'a  été  plus  réellement  agréable.  M"''  Miro 
nous  élait  revenue  avec  celte  puissance  d'organe,  cette  coquetterie  si 


DE  PARIS. 


llil 


gracieuse  et  celte  méthode  si  pure  qui  lui  ont  valu  à  un  si  haut  de- 
-  gré  la  sympathie  des  diletianles  :  aussi  l'accueil  le  plus  flatteur, 
c'est-à-dire  l'enthousiasme  des  Lyonnais,  ne  lui  a  pas  manqué. 
M"=  Nau,  grâce  à  Vhubikié  de  la  direction,  sans  doute,  ne  nous  fait 
entendre  sa  jolie  voix  et  ses  charmantes  vocalises  que  dans  un  bien 
petit  nombre  d'ouvrages;  et  c'est  dommage,  vraiment,  car  on  semble 
déjà  s'accoutumer  à  toutes  ces  jolies  choses,  et  la  beauté  de  son  la- 
lent  ne  produit  plus  autant  d'effet.  Toute  l'attention  se  porte  du  côté 
des  débuts  que  l'on  attend,  et,  d'après  ce  que  l'on  en  dit,  je  puis 
vous  promettre  une  correspondance  qui  ne  manquera  pas  d'intérêt. 


Bruxelles. 

L'administration  des  théâtres  royaux  de  cette  ville  est  prodigue  de 
traduction  ;  à  Linda  de  Chamouny  a  succédé  le  Furieux  de  l'île  de 
Saint-Domingue.  Donizetti,  toujours  Donizetti  ;  nous  apprécions  au- 
tant que  qui  que  ce  soit  le  mériie  de  ce  maître ,  mais  ses  amis  eux- 
mêmes  doivent  convenir  que  peu  de  compositeurs  sont  moins  variés 
que  lui  et  font  un  égal  abus  de  certaines  formules.  On  se  lasse  de 
tout,  même  de  la  perfection  ;  à  plus  forte  raison  neconserve-l-on  pas 
un  goût  éternel  pour  les  choses  dont  les  défauts  balancent  au  moins 
les  qualités.  //  Furioso  a  été  traduit  et  arrangé  pour  la  scène  fran- 
çaise par  un  jeune  littérateur  belge  et  par  un  musicien  italien  atta- 
ché au  Conservatoire  en  qualité  de  professeur  de  chant  d'ensemble. 
Le  littérateur  a  encore  enchéri  sur  la  profonde  stupidité  du  poëme  ; 
on  n'imagine  rien  de  plus  complètement  absurde  que  cette  pièce 
quant  au  fond  et  quant  à  la  forme;  le  style  est  digne  de  l'intrigue. 
Le  rôle  du  Furieux  est  écrit  pour  un  baryton  dans  la  partition  origi- 
nale; les  arrangeursenont  fait  un  ténor  a  la  demande  de  M.  Laborde, 
le  Rubini ,  ou  si  vous  aimez  mieux ,  le  Duprez  de  notre  troupe. 
Un  nègre,  qui  joue  dans  la  pièce  le  rôle  du  niais  de  l'ancien  mé- 
lodrame, s'est  également  trouvé  transformé  de  basse  en  ténor  de 
par  l'autorité  privée  de  ces  messieurs.  Vous  comprenez  que  ces  bou- 
leversements produisent  un  singulier  effet  sur  l'économie  de  la  par- 
tition ;  Donizetti  lui-même  aurait  peine  à  reconnaître  sa  musique.  Il 
n'y  aurait  pas  de  mal  si  elle  était  devenue  meilleure,  mais  c'est  le 
contraire  qui  a  eu  lieu.  La  Furieux ,  exécuté  d'une  façon  médiocre, 
n'aura  pas  six  représentations.  Le  public  ne  proteste  pas  contre  cet 
opéra  en  le  sifllant,  par  considération  sans  doute  pour  le  nom  du 
compositeur;  il  proteste  en  n'allant  pas  le  voir,  ce  qui  est  beaucoup 
plus  fâcheux  pour  l'administration. 

On  a  représenté  dernièrement  pour  la  première  fois,  et  le  même 
soir,  deux  petits  opéras-comiques,  Friire  el  Mari  et  Mademoiselle  de 
Mérange  ;  \\s  onl  été  favorablement  accueillis,  grâce- à  leur  mérite 
assurément,  mais  grâce  surtout  à  la  manière  agréable  dont  Couderc 
et  M""  Guichard  y  remplissent  les  principanx  rôles.  On  s'occupe  en 
ce  moment  de  la  mise  en  scène  d'un  opéra  intitulé  le  Moine ,  paroles 
d'un  écrivain  indigène,  musique  de  M.  Willent,  le  bassoniste  que 
vous  connaissez. 

Après  un  séjour  de  plus  de  deux  mois  en  Belgique,  où  il  a  donné 
de  nombreux  concerts  et  obtenu  de  brillants  succès,  Dreyschock  va 
nous  quitter.  Il  s'est  fait  entemlre  il  y  a  quelques  jours  pour  la 
dernière  fois  dans  une  soirée  dramatique  et  musicale  donnée  par 
M.  Mira.  Cette  séance,  qui  avait  attiré  urï  assez  bon  nombre  de 
curieux,  a  eu  lieu  dans  la  salle  de  spectacle  de  M.  de  Bcriot.  Vous 
allez  me  demander  sans  doute  comment  il  se  fait  que  H.  de  Bériot 
ait  une  salle  de  spectacle  :  le  voici.  L'habile  violoniste  s'ennuyait  de 
son  inactivité  ,  il  regrettait  de  n'avoir  plus  d'autre  occupation  que 
celle  de  manger  paisiblement  sa  fortune  ;  il  communiqua  à  quelques 
amis,  qui  s'associèrent  à  ses  idées,  le  projet  de  fonder  un  théâtre  de 
société.  Sur  un  terrain  contigu  à  sa  maison,  il  fit  contruire  une  salle 
de  spectacle  communiquant  à  ses  appartements  pur  une  galerie 
couverte.  Doué  d'une  adresse  singulière  en  toute  chose,  il  fut  lui- 
même  l'architecte  el  le  décorateur  de  son  théâtre,  et  il  établit  des 
machines  fort  ingénieuses  pour  remplacer  celles  dont  on  se  sert  sur 
de  plus  vastes  scènes.  Il  est  inutile,  je  pense,  d'ajouter  que  rien  n'est 
grandiose  dans  cette  salle  composée  seulement  d'une  galerie  et  d'un 
parterre  garni  de  stalles.  Sur  le  pourtour  de  la  galerie  sont  peints 
dans  des  médaillons  les  portraits  des  principaux  maîtres  des  diffé- 
rentes écoles.  L'inauguration  de  ce  petit  joujou  dramatique  a  eu  lieu 
il  y  a  quelques  jours  par  un  concert  dans  lequel  l'impresario-pro- 
priétaire  a  dirigé  l'orchestre  en  personne.  Les  représentations  vont 
bientôt  commencer.  En  attendant,  M.  de  Bériot  prêle  obligeamment 
sa  salle  aux  artistes  qui  veulent  y  donner  des  concerts.  La  séance 
organisée  par  M.  Mira  se  composait  de  trois  actes  de  Tartufe  récités 
par  lui  et  de  morceaux  joués  par  Dreyschock.  Ce  dernier  part  pour 
la  Hollande,  où  il  a  contracté  des  engagements  pour  quelques  con- 
certs; de  là  il  se  rendra  à  Paris.  Vous  l'entendrez  donc  avant  son 


départ  pour  Londres ,  et  vous  trouverez  que  son  talent  a  encore 
grandi. 

La  saison  musicale  est  sur  le  point  de  se  clore ,  et  c'est  à  peine  si 
elle  a  commencé  pour  nous.  Dreyschock  et  Sivori  sont  les  seuls  ar- 
tistes étrangers  qui  soient  venus  nous  visiter,  les  seuls  du  moins  dont 
on  parle,  car  nous  en  avons  encore  vu  passer  quelques  uns  de  plus 
obscurs  dont  les  noms  ne  nous  sont  point  présents  à  la  pensée.  Les 
concerts  des  Sociétés  particulières,  qui  avaient  rendu  les  concerts 
publics  impossibles,  ont  éié  peu  nombreux  cette  année.  En  se  mul- 
tipliant, ces  Sociétés  se  sont  affaiblies;  leur  situation  financière  n'est 
pas  brillante,  et  elles  ont  été  obligées  de  faire  des  économies  sur 
leurs  soirées  de  musique,  pour  lesquelles  elles  n'ont  plus  engagé, 
comme  les  années  précédentes,  des  artistes  célèbres.  A  la  vérité  une 
concurrence  redoutable  pour  elles  comme  pour  les  artistes  isolés 
s'est  établie  depuis  peu  sous  un  puissant  patronage  :  je  veux  parler 
des  concerts  donnés  dans  un  but  ou  pour  mieux  dire  sous  un  pré- 
texte de  philanthropie.  Ces  concerts  ont  eu  lieu  tout  l'hiver,  deux  fois 
par  semaine,  dans  deux  établissements  où  l'on  était  admis  moyennant 
un  droit  d'entrée  qui  variait  de  2  francs  à  50  centimes.  Les  protec- 
teurs de  ces  établissements ,  où  se  tenaient  des  bazars  et  des  loteries 
au  profil  des  pauvres,  n'hésitaient  pas  à  s'adresser  aux  artistes  pour 
obtenir  leur  concours  gratuit.  Il  faut  vous  dire,  du  reste,  que  la 
haute  société  ne  fréquente  pas  ces  concerts  à  dix  sous ,  et  que  ceux 
du  Conservatoire  sont  les  seuls  auxquels  on  juge  convenable  de  se 
rendre. 

Nous  avons  eu  la  Cerrilo  ;  elle  a  joué  deux  fois  la  Sylphide  avec  un 
immense  succès.  Ce  n'est  pas  que  le  public  fût  très  favorablement 
prévenu  pour  elle;  encore  tout  plein  du  souvenir  d'EIssIer,  il  n'était 
pas  disposé  à  lui  accorder  des  applaudissements  de  complaisance. 
Cerrilo  n'a  même  complètement  vaincu  sa  froideur  qu'après  le  pre- 
mier acte  du  ballet;  alors  la  réserve  a  fait  place  à  l'enthousiasme,  et 
le  reste  de  la  représentation  a  été  un  long  triomphe  pour  la  sédui- 
sante danseuse.  On  lui  a  redemandé  la  Gituna,  danse  espagnole 
qu'elle  a  introduite  dans  un  divertissement  à  la  fin  de  la  soirée.  Ce 
n'est  pas  Elssler!  murmuraient  encore  en  sortant  du  théâtre  quel- 
ques amateurs  fidèles  à  leurs  souvenirs.  Ce  n'est  pas  Elssler,  mais 
tant  mieux,  c'est  autre  chose,  c'est  Cerrito;  Elssler  n'était  pas  Ta- 
glioni.  Nousavons  trois  artistes  célèbresau  lieu  d'une,  y  a-t-il  là  de 
quoi  nous  plaindre? Cerrito  est  petite  ,  Julie,  bien  faite  et  gracieuse; 
de  toutes  les  danseuses  remarquables  qu'on  peut  citer,  elle  est  la 
seule  dont  le  buste  ait  de  l'embonpoint.  Sa  légèreté  est  merveilleuse, 
elle  voltige  littéralement  sur  la  scène;  il  est  probable  qu'elle  touche 
parfois  la  terre ,  mais  c'est  à  l'insu  du  spectateur.  Elle  n'est  pas ,  elle 
ne  sera  peut-être  jamais  actrice  comme  EUsler  dans  les  rôles  drama- 
tiques, elle  n'a  pas  non  plus  celle  coquetterie  savanle  qui  parle  aux 
sens  du  public  un  langage  irrésistible  ;  mais  la  perfection  de  chacun 
de  ses  pas  est  inimiiable,  el  tout  ce  qu'elle  fait  porte  un  cachet  par- 
ticulier. Elle  arrive  de  Paris  ;  comment  se  fait-il  qu'elle  n'ait  pas  été 
engagée  à  l'Opéra?  Bruxelles  aura  eu  seize  représentations  de  Cer- 
rito, et  Paris  pas  une.  Vous  n'accuserez  plus  les  Belges  de  ne  savoir 
qu'imiter  ce  qui  se  fait  en  France. 


Dans  la  galère  Capîtane , 

Us  étaient  quatre-vingts  rameurs. 

Sessîn  de  Gavarni. 

Ce  monsieur  serait  sur  le  point  de  monter  à  l'abordage 
qu'il  n'aurait  pas  l'air  plus  déterminé.  Quelle  bouche  il  ouvre 
pour  répéter  avec  toute  l'énergie  dont  il  est  capable  son  re- 
frain retentissant  :  Dans  la  galère  capilane ,  etc.  Règle  gé- 
nérale :  le  chanteur  de  salon  doit  s'abstenir  soigneusement 
des  excès  d'humeur  entreprenante  et  belliqueuse ,  de  même 
que  la  cantatrice  des  excès  de  tendresse  et  de  passion. 


142 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


irO'CJTBlaLBS. 

",*  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  à  l'Opéra  ,  les  Hu- 
guenots pour  la  rentrée  de  Serda ,  et  la  continuation  des  débuis  de 
M.  Mcngis.  —  Demain  le  Lazzarone  ,  suivi  du  ballet  de  Lady  Hen- 
riette. 

V  Duprez  a  fait  sa  rentrée  avant-hier  |dans  le  rôle  de  Dom  Sé- 
bastien. Il  y  avait  foule  ,  et  le  grand  chanteur  a  pleinement  justifié 
l'empressement  du  public  :  M"""  Slollz  et  Barroilhet  ont  aussi  chanté 
d'une  manière  admirable.  Au  quatrième  acte,  Levasseur,  saisi  d'un 
enrouement  subit,  a  été  remplacé  parBramond. 

V  Serda  n'a  pas  fait  sa  rentrée  dimanche  dernier  dans  Robsrt- 
Ze-i?iaWe;  c'est  Levasseur  qui  remplissait  ce  rôle,  et  M""  Dorus- 
Gras  celui  d'Alice ,  créés  si  admirablement  par  l'un  et  l'autre  artiste, 

*,*  Un  concours  aura  lieu  le  mercredi  24  avril,  à  l'Académie 
royale  de  musique,  pour  des  places  de  premier,  second  dessus  et 
ténor,  dans  les  chœurs.  Les  personnes  qui  désireraient  se  faire  en- 
tendre sont  priées  de  se  faire  inscrire  au  secrétariat  de  l'Opéra,  rue 
Grange-Batelière,  3. 

V  A  l'Opéra-Comiqne,  Moreau-Sainti  vient  de  prendre  le  rôle 
d'Alexis  du  Déserteur,  avec  beaucoup  de  talent  et  d'effet.  M""  Casi- 
mir s'est  aussi  essayée  dans  le  rôle  d'Henriette,  de  V Ambassadrice , 
et  sa  belle  voix  y  a  déployé  toute  sa  puissance  et  toute  son  agilité. 

",*  A  la  fin  de  ce  mois,  M°>=  Anna  Thillon  va  profiter  d'un  congé 
de  six  semaines  pour  aller  chanter  à  Londres,  sur  le  théâtre  de  la 
Princesse  ,  les  Diamants  de  la  couronne ,  Lucie  de  Lammermoor,  le 
Puits  d'Amour  et  l'Eau  merveilleuse. 

*,*  Pour  le  commencement  de  l'année  théâtrale  à  Bruxelles  on  va 
monter  la  Reine  de  Chypre,  d'Halévy,  et  la  Sirène,  d'Auber. 

*»*  Dans  l'exercice  qui  doit  avoir  lieu  au  Conservatoire  le  diman- 
che 28  avril,  les  élèves  exécuteront  :  1»  le  second  acte  du  Mariage 
de  Figaro,  de  Mozart  ;  2°  une  grande  scène  à'Armide,  de  Gluck.  Le 
dimanche  suivant ,  5  mai ,  aura  lieu  le  second  exercice,  dans  lequel 
on  exécutera  un  opéra  nouveau  de  M.  Bousquet,  ancien  premier 
prix  de  Rome. 

%*  On  parle  beaucoup  en  ce  moment  en  Italie  d'une  jeune  canta- 
trice française  qui  fit  ses  premiers  pas  à  Paris ,  il  y  a  quatre  ans, 
dans  la  représentation  donnée  par  des  amateurs,  dans  la  Salle  Ven- 
tadour,  au  bénéfice  des  Polonais.  Depuis  celte  époque,  M""  Anna  de 
Lagrange  a  quitté  Paris  pour  aller  se  perfectionner  dans  le  pays 
qu'on  appela  longtemps  la  terre  classique  du  chant.  Cette  jeune  ar- 
tiste, non  moins  remarquable  par  son  talent  de  pianiste  que  par  la 
beauté  de  sa  voix ,  s'est  fait  applaudir  sur  les  théâtres  de  Novare , 
Plaisance ,  Parme  et  Modène.  Elle  est  maintenant  à  Bologne,  d'où 
elle  se  rendra  à  Rome;  un  fort  bel  engagement  lui  était  offert  pour 
le  Théâtre  Valle. 

*,"  M°"  Miro-Camoin  est  arrivée  à  Paris.  Nous  espérons  que  cette 
cantatrice  si  dramatique  ne  partira  plus ,  et  que  l'Opéra  ou  l'Opéra- 
Comique  la  compteront  parmi  leurs  pensionnaires. 

*.*  Le  deuxième  concert  de  M.  F.  Liszt  aura  lieu,  au  Théâtre-Ita- 
lien, jeudi,  25  avril.  Le  célèbre  artiste  exécutera  les  morceaux  sui- 
vants: 1.  Ouverture  de  Guillaume  TcH;  2.  Tarentelle  de  Rossini; 
3.  Sérénade  de  Schubert;  4.  Valse  infernale,  réminiscences  de  Ro- 
berl-le-Diable  ;  5.  Fantaisie  sur  la  cavatine  de  la  Niobé  {Iiuoifre- 
quenii  palpiti  )  ;  6.  Marche  triomphale  des  Tscherkesses  ;  7.  Mélodies 
hongroises. 

*,*  Le  grand  concert  historique  donné  par  M.  Amédée  Méreaux , 
,  au  bénéfice  de  l'Association  des  artistes-musiciens ,  aura  lieu  le 
28  avril,  à  deux  heures,  dans  la  salle  Pleyel.  Voici  le  programme: 
Première  partie.  1498.  Prière  au  tombeau  du  Christ,  le  Vendredi- 
Saint,  musique  de  Jean  Mouton,  maître  de  chapelle  de  François  I", 
chantée  par  les  élèves  de  l'école  de  M.  Pastou,  avec  accompagnement 
d'orgue.  — 1737.  Remis  plus  brillante  ,  prologue,  et  Tristes  apprêts. 
Castor  et  Pollux,  de  Rameau,  chantés  par  M.  Delsarte.  — 1695.  Trois 
pièces  de  clavecin,  par  François  Couperin,  de  la  musique  de  LouisXIV, 
exécutées  par  M.  Amédée  Méreaux.  —  1735.  Se  cerca ,  se  dice,  air  de 
l'Olijmpiçide,  de  Pergolèse,  chanté  par  M.  Charles  Dumas.— 1530.  La 
Romanesca,  air  de  danse  du  .\vi=  siècle,  exécuté  par  M.  Alard. — 
1540.  Les  Cris  de  Paris  sous  François  I",  par  Clément  Jannequin , 
chantés  par  les  élèves  de  l'é  oie  de  M.  Pastou  (sans  accompagne- 
ment). —  1726.  Trois  pièces  i.c  clavecin  ,  par  Rameau ,  exécutées  par 
M.  Amédée  Méreaux,  —  1550.  Choral  de  Claude  Goudimel,  chanté 
par  les  élèves  de  l'école  de  M.  Pastou.— 1685.  Ah!  quel  tourment  d'ai- 
mer sans  espérance,  air  de  Roland,  de  Lulli,  chanté  par  M.  Delsarte. 
— 1720.  Grande  sonate  fuguée,  pour  piano  et  violon ,  de  Jean-Sébas- 
tien Bach ,  exécutée  par  MM.  Amédée  Méraux  et  Alard.  — 1737.  Bri- 
sons tous  nos  fers,  chœur  de  Castor  et  Pollux,  de  Rameau,  chanté 


par  les  élèves  de  l'école  de  M.  Pastou.— Deuxième  partie.  1785.  Grand 
Concerto  en  ré  mineur,  de  Mozart,  avec  accompagnement  d'or- 
chestre, exécuté  par  M.  Amédée  Méreaux.  —  1779.  De  noirs  pres- 
sentiments, air  de  Thoas,  à'Iphigénie  en  Tauride  ,  de  Gluck,  chanté 
par  M.  Delsarte.— 1700.  C(!H(flHdo!(Hdi,duomadrigalesque  deClari, 
chanté  par  M"»»  Dorus-Gras  et  M.  Charles  Dumas.  —  1730.  Air  varié 
pour  le  clavecin,  de  Haendel ,  exécuté  par  M.  Amédée  Méreaux.  — 
1620.  Romance  de  Guedron,  maître  de  chapelle  de  Louis  XIII,  chan- 
tée par  M"*  Dorus-Gras.  —  1741.  Alléluia  du  Messie  ,  de  Hœndel , 
chanté  par  les  élèves  de  l'école  de  M.  Pastou,  avec  accompagnement 
d'orchestre.  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  H.  Berlioz;  le  piano  sera 
tenu  par  M.  Schimon. — Prix  des  places  :  stalles,  10  fr.;  parquet  5  fr. 
On  trouve  des  billets  chez  MM.  Schlesinger,  rue  Richelieu  ,  97;  et 
Pleyel ,  rue  Rochechouart,  20. 

V  La  troisième  et  dernière  matinée  musicale  donnée  par  M.  Th. 
Dœhler,  avaut  son  départ  pour  Londres,  au  profit  de  la  caisse  de 
l'Association  des  artistes-musiciens,  aura  lieu,  dans  les  salons 
d'Érard,  le  20  avril.  M.  Dœhler  exécutera  les  morceaux  suivants  : 

1 .  Grande  sonate  de  Beethoven  pour  piano  seul  (  ut  majeur,  op.  53); 

2.  Souvenir  (sicilienne),  la  Plainte ,  l'Heureux  gondolier,  romances 
sans  paroles;  3.  Grande  fantaisie  sur  la  Somnambule  (manuscrit); 
4.  la  Truite ,  de  Heller,  Ballade ,  Tarentelle  napolitaine.  Nous  don- 
nerons le  programme  complet  dans  notre  prochain  numéro.  Prii 
des  places  :  stalles,  15  et  10  fr.;  billets  d'entrée,  5  fr. 

",'■  M'!':  Julie  Vavasseur  dounera  le  mardi  23  de  ce  mois ,  à  huit 
heures  du  soir,  dans  la  salle  de  M.  Henri  Herz,  un  grand  concert 
dans  lequel  on  entendra,  pour  la  partie  vocale.  M"""  Sabatieret  Va- 
vasseur, MM.  Boulanger-Runzé  et  Tagliafico;  pour  la  partie  instru- 
mentale, MM.  Henri  Herz,  Offenbach,  etc.  La  bénéficiaire  chantera 
une  cantate  sacrée  composée  pour  elle  par  M.  Nicou-Choron ,  avec 
chœur  et  quatuor. 

*,*  Au  dernier  concert  de  la  Société  des  amateurs,  on  a  vivement 
applaudi  une  jolie  scène  dans  le  genre  bouffe,  intitulée:  le  Piteux 
Jaloux,  dont  M.  Bousquet  a  écrit  la  musique.  Cette  gracieuse  com- 
position fait  honneur  au  jeune  artiste  ,  qui  paraîtra  bientôt  sans 
doute  sur  la  scène  de  l'Opéra-Comique. 

*,*  On  lit  dans  les  journaux  de  la  Nouvelle-Orléans:  La  location 
des  loges  pour  la  représentation  deM""  Daraoreau,  qui  jouait  YAm- 
bassadrice  ,  a  été  mise  à  l'enchère  ;  la  plupart  des  loges  avaient  été 
prises  à  12,  15  et  18  piastres.  Malgré  une  pluie  battante  ,  la  foule  la 
plus  brillante  et  la  plus  nombreuse  se  pressait  à  tous  les  étages  du 
théâtre:  les  loges  étaient  trop  petites  pour  les  dames;  le  parquet, 
le  parterre  trop  étroits  pour  les  dilettanti.  Le  succès  et  l'enthou- 
siasme ont  été  en  proportion  de  l'affluence  du  public. 

*,*  Voici  encore  un  témoignage  en  faveur  du  chirogymnaste,  cette 
ingénieuse  invention  si  utile  aux  pianistes  commençants  et  aux  pia- 
nistes les  plus  experts ,  ainsi  que  le  constate  la  lettre  que  l'on  va  lire, 
et  qui  explique  la  popularité  toujours  croissante  que  le  chirogym- 
naste acquiert  en  France ,  en  Allemagne  et  en  Angleterre  : 

«  MonsiEUR,  Après  avoir  examiné  avec  beaucoup  d'attention  lechi- 
rogymnaste  que  vous  m'avez  soumis ,  je  crois  faire  un  acte  de  justice 
en  ajoutant  mon  entièreTadhésion  à  toutes  celles  que  vous  avez  réu- 
nies relativement  à  l'utilité  incontestable  de  cet  instrument.  Par  suite 
de  votre  ingénieuse  invention,  vous  aurez  rendu  un  service  signalé 
aux  personnes  qui  se  destinent  au  piano  comme  à  celles  qui  ont  déjà 
acquis  sur  cet  instrument  un  certain  degré  de  perfection,  et  ce  sera, 
j'en  suis  certain,  grâce  au  chirogymnaste  que  les  phalanges  du  qua- 
trième doigt,  ordinairement  si  rebelles ,  seront  domptées  sans  tour- 
menter les  oreilles  du  pianiste  ni  celles  de  ses  voisins.  Je  n'énumère 
pas  tous  les  avantages  qui  résulteront  de  l'usage  du  chirogymnaste; 
je  ne  puis  cependant  m'empècher  de  vous  félicitersur  le  procédé  elle 
mécanisme  propre  à  l'étude  des  notes  également  répétées;  je  veux 
parler  de  l'appareil  que  vous  désignez  par  le  n"  9.  Je  trouve  en  somme 
pleinement  justifiée  l'approbation  que  le  public  artistiquea  donnée  à 
votre  invention  que  je  trouve  éminemment  utile. 

«  Veuillez  agréer,  etc.  Tn.  Doehler.  » 

V  U«s  fêtes  brillantes  ont  eu  lieu  à  Wiesbaden  à  l'occasion  du 
mariage  de  S.  A.  le  duc  de  Nassau  avec  une  princesse  russe ,  fille  de 
l'empereur  Nicolas.  Le  bal  du  28  mars  a  été  magnifique;  toutes  les 
classes  de  la  population  y  étaient  représentées.  On  y  voyait  l'élite 
des  jeunes  paysannes;  elles  ont  eu  le  plus  grand  succès.  L'une  de  ces 
beautés  agrestes  s'écria  :  «  Au  théâtre  je  croyais  être  au  ciel ,  mai» 
voici  le  véritable  paradis.  »  La  cour  lit  son  entrée  à  dix  heures  et 
prit  place  sur  l'estrade  qui  lui  avait  été  réservée  ;  alors  commença 
le  défilé  du  cortège  allégorique ,  composé  ainsi  qu'il  suit:  héraut 
d'armes ,  deux  bannières ,  Nassovia ,  le  Rhin ,  le  Main ,  Gérés ,  Bac- 
chus,  Hygiéia,  Vulcain,  Diane,  le  château  de  Weilbourg,  bourgeois 
de  Weilbourg  costume  du  moyen-âge,  vendangeurs,  chasseurs,  tem- 


DE  PARIS. 


m 


pliers,  etc.  La  façade  du  Kursaal  était  illuminée  ainsi  que  les  rues  et 
places  de  la  ville. 

*,*  Lucrèce,  Iragédie  de  M.  Ponsard,  traduite  en  allemand  par 
M.  Gabriel  Seidl,  vient  d'être  représentée  pour  la  première  fois  avec 
un  grand  succès  à  Vienne  ;  à  la  fin  de  la  représentation ,  M.  Seidl  a 
été  appelé  sur  la  scène ,  ce  qui  est  honorable  pour  un  traducteur. 

V  Opéras  et  ballets  représentés  au  Théâtre  royal  de  Berlin  ,  dans 
le  courant  du  mois  de  mars.  Ballets  :  le  2  mars.  Première  représen- 
tation de  Vite  d'Amour,  on  la  Loi  inexécutable,  ballet-pantomime, 
par  M.  Taglioni ,  qui  a  été  donné  en  tout  sept  fois.  Le  second  acte  de 
la  Laitière  suisse,  tes  Aventures  galantes,  Robert  et  Bertrand.  — 
Opéra  :  les  Caputels  et  les  Montaigus  ,  le  Freiscinilz ,  la  Fille  du  Ré- 
giment, les  Huguenots,  Raoul,  Barbe  bleue,  If  Ingénie  en  Tauride, 
Fidelio.  L'opéra  de  Burbe  bleue  a  été  représenté  au  bénéfice  de 
M""  Schroeder  Devrient,  qui  quitte  Berlin,  et  qui  a  fait  ses  adieux 
au  public  dans  le  rôle  de  Fidélio. 

*,*  Le  directeur  du  théâtre  de  Brunn,  en  Moravie,  a  mis  au  con- 
cours un  prix  de  20  ducats  pour  le  meilleur  drame  qui  aurait  pour 
sujet  le  siège  de  cette  ville  par  les  Suédois  dans  le  courant  de  la 
guerre  de  trente  ans.  De  plus ,  il  y  aura  des  accessits,  l'un  de  16, 
l'autre  de  12  ducats.  Les  ouvrages  couronnés  restent  la  propriété 
des  auteurs. 

|^\"  M""=  Gontier,  veuve  du  célèbre  acteur  de  ce  nom,  et  qui, 
avant  de  jouer  sur  des  théâtres  de  vaadeville,  s'était  montrée  à 
rOpéra-Comique  sous  le  nom  de  Rosette  Gavaudan,  vient  de  mourir 
à  l'âge  de  soixante  ans. 

V  Bordeaux.  —  Le  concert  donné  par  le  Cercle  philharmonique 
le  22  mars  dernier  a  excité  le  même  empressement  et  le  même  intérêt 
que  les  précédents  de  la  saison.  Pouvait-il  en  être  autrement  lorsque 
le  beau  talent  de  M.  Dorus  sur  la  flûte  devait  concourir  à  l'éclat  et 
aux  plaisirs  de  cette  soirée."  Venu  exprès  de  Paris  pour  cette  circon- 
stance, M.  Dorus  nous  a  permis  de  constater  a  combien  juste  titre  il 
avait  acquis  la  haute  réputation  dont  il  était  précédé  parmi  nous, 
et  qui  nous  a  fait  si  longtemps  désirer  de  le  connaître.  Quoi  de  plus 
correct  et  de  plus  gracieux  que  sa  manière  de  phraser?  quoi  de  plus 
pur  et  de  plus  suave  que  ses  sons?  quoi  de  plus  net  et  de  plus  intel- 
ligible que  la  difficulté  sous  ses  doigts?  tqut  est  dans  son  talent  d'une 
perfection  admirable.  C'est  le  beau  idéal  de  la  flûte  ,  et  personne, 
sans  contredit,  n'a  mieux  joué  et  ne  jouera  jamais  mieux  de  cet 
instrument  que  M.  Dorus.  Le  troisième  concerto  de  Tulou  ,  les  airs 
en  mi  et  en  ut  de  Boëhme  nous  ont  tour  à  tour  captivés  et  saisis  d'un 
charme  inexprimable,  et  ont  valu  à  l'artiste  les  applaudissements  et 
les  bravos  nombreux  qu'il  est  habitué  à  moissonner.  Nos  chanteurs 
solistes  et  choristes  ont  eu  occasion  de  se  faire  applaudir  dans  la 
prière  et  la  cavatine  de  la  Juive,  dans  plusieurs  chœurs  de  Guillaume 
Tell,  et  dans  le  finale  du  troisième  acte  de  Lucie.  L'orchestre  a  exé- 
cuté avec  aplomb  et  vigueur  l'andante  delà  symphonie  en  «(mineur 
de  Beethoven ,  l'ouverture  de  lu  Pie  voleuse  et  celle  de  Zampa. 
M.  Alard,  le  violoniste,  est  attendu  pour  le  prochain  concert. 
Charles  FI,  d'Halévy,  continue  d'attirer  la  foule;  c'est  un  grand 
succès  d'enthousiasme. 

Cltronique  étrangère. 

*,*  Londres.  —  Le  Queen's  Théâtre  a  montré  à  la  fois  Lablache, 
Fornasari,  Mario  et  M"'^  Grisi  dans  le  chef-d'œuvre  de  Bellini/PM- 
rimji!  ;  dans  Don  Pasquule,  Mario  seul ,  par  suite  d'une  indisposition, 
manquait  à  cet  ensemble  attractif;  il  a  été  remplacé  par  Corelli,  qui 
a  obtenu  les  honneurs  du  bis  dans  la  sérénade.  Le  ballet  {ait  fana- 
tisme avec  Esmeralda  et  la  Polka.- — Duprez  a  terminé  ses  représen- 
tations à  Drury-Lane,  en  chantant  encore  une  fois  l'Arnold  de  Guil- 
laume Tell,  au  milieu  d'un  enthousiasme  qui  démentait  le  phlegme 
britannique.  Pour  essayer  de  remplacer  l'influence  de  son  nom  et 


de  son  talent,  on  va  donner  un  opéra  nouveau  de  Bénédict,  et  on 
annonce  les  débuts  de  la  charmante  danseuse.  M""  Lucile  Grahn, 
qui  vient  d'obtenir  tant  de  succès  en  Italie.  —  La  troupe  française 
du  Théâtre  Saint-James  est  allée  donner  trois  représentations  très 
brillantes  àBrighton.  M»»  Albert  vient  déjouer  Joset  dans  les  Deux 
Petits  Savoyards.  Le  Théâtre  de  la  Princesse  attire  en  ce  moment 
l'affluence  avec  une  féerie  tirée  des  contes  de  M'"'d'Aulnoy,F<i!is(ar 
{la  belle  étoile];U.  James  y  a  jeté  une  très  agréable  musique.  La  danse 
y  tient  une  large  place,  et  au  premier  rang  la  Polka,  qui  est  aujour- 
d'hui la  monomanie  de  Londres  comme  celle  de  Paris:  la  vogue  eu- 
ropéenne de  cette  vieille  bourrée  d'Auvergne  justifie  le  mot  si  fin  de 
Rivarol  :  «  Il  n'y  a  de  nouveau  que  ce  qui  est  oublié.  » — Encore  une 
Polka  au  petit  théâtre  du  Lyceum.  Celle-ci  s'est  glissée  au  milieu 
d'un  conte  des  Mille  et  une  Nuits ,  ajusté  en  forme  de  pièce  sous  le 
titre  de  Morgiane  ;  elle  est  dansée  par  les  quarante  voleurs  d'Ali- 
Baba,  titre  qui,  chez  nous,  rappelle  un  glorieux  et  triste  souvenir, 
celui  du  dernier  chef-d'œuvre  donné  par  Cherubini  à  notre  première 
scène  lyrique.  —  Le  comte  de  Westmoreland  ,  grand  protecteur  de 
l'art  musical,  un  de  ces  amateurs  qui  seraient  dignes  d'être  artistes, 
vient  d'envoyer  son  présent  habituel  à  la  Société  royale  des  musi- 
ciens, qui  s'apprête  à  célébrer  son  cent  sixième  anniversaire.  —  Le 
compositeur  Hatlon,  qui  a  fait  représenter  avec  succès  à  Vienne  un 
opéra  dont  il  est  l'auteur,  est  de  retour  à  Londres,  où  sans  doute  il 
fera  entendre  bientôt  son  œuvre  nouvelle.  —  M.  Lover  continue  à 
faire  entendre  avec  le  plus  grand  succès  son  choix  de  mélodies  ir- 
landaises. L'Angleterre  en  use  avec  l'Irlande  comme  Mazarinavec  la 
France  :  qu'ils  chantent;  ils  paieront. 

*/  Milan.  —  Le  27  mai,  Fanny  Elssler  a  dansé  ici  pour  la  dernière 
fois  dans  une  représentation  au  bénéfice  des  pauvres.  On  donnait  le 
ballet  de  Giselle.  Nulle  langue  humaine  ne  saurait  exprimer  l'en- 
thousiasme qu'excitait  le  moindre  pas,  la  moindre  pirouette  de  la 
célèbre  danseuse  ;  c'étaient  des  cris ,  des  trépignements ,  des  tempêtes 
d'applaudissements  et  de  bravos  qui  faisaient  trembler  les  voûtes 
retentissantes  de  l'immense  édifice.  A  la  fin  du  ballet ,  la  fille  bien- 
aimée  de  Terpsychore  fut  couronnée  par  les  Grâces.  Un  déluge  de 
bouquets  et  de  sonnets  vint  déborder  sur  la  scène  :  des  fleurs  magni- 
fiques lui  furent  présentées  dans  des  vases  et  des  corbeilles  d'argent 
du  travail  le  plus  exquis.  On  demanda  le  Zapaïadeo ,  et  cette  danse 
tout  aérienne,  dans  laquelle  Fanny  Elssler  est  parvenue  à  se  sur- 
passer elle-même ,  vint  clore  dignement  cette  brillante  solennité 
théâtrale. 

*/  Stuttgard.  —  Le  8  avril ,  on  a  donné  au  Théâtre-Royal  les 
trois  premiers  actes  de  la  Juive ,  de  M.  Halévy.  La  salle,  richement 
décorée,  resplendissait  des  feux  de  mille  bougies.  On  célébrait  la 
convalescence  du  roi,  qui,  depuis  sa  maladie,  paraissait  pour  la 
première  fois  au  théâtre.  Les  décors  et  les  costumes  étaient  d'une 
magnificence  éblouissante.  Le  grand  cortège,  à  la  fin  du  premier 
acte,  offrait  une  circonstance  assez  curieuse;  les  seigneurs  et  les 
nobles  de  Souabe,  qui  dans  le  temps  accompagnèrent  l'empereur  à 
son  entrée  à  Constance ,  y  étaient  représentés ,  tels  que  les  barons  de 
Woelhvarth,  Seckendorfl',  etc.  Un  écuyer  portait  derrière  eux  le 
casque  et  l'écusson  avec  leurs  armes. 


Le  tirage  de  la  Loterie  au  bénéfice  de  la  Société  des  artis- 
tes-musiciens, dans  laquelle  il  sera  gagné  un  Piano  à  queue, 
neuf ,  à' Erard  ,  et  1030  morceaux  de  musique  et  opéras 
célèbres  ,  aura  lieu  dans  les  premiers  jours  de  mai.  Les  per- 
sonnes de  la  province  qui  n'auraient  pas  placé  les  billets  qui 
leur  ont  été  adressés  par  le  comité ,  sont  priées  de  les  ren- 
voyer immédiatement  à  M.  Thuillier,  caissier  de  la  Société. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


GRAND  QUATUOR 

POUR    DELX    VIOLONS,     ALTO    ET    BASSE, 

composé  et  dédié  à  son  ami  VIDAL , 

de  la  musique  parliculiôre  du  roi, 

PAR  M.  RIGEL, 

membre  de  rlnslitut  d'EgypIe  et  de  l'ordre  de  la  Lêgiaa.d'HoDDCur. 

Op.  51.  Prix:  12  fr. 

Paris ,  chez  M.  Richautet  M""  Lauuer. 


Immense  rabais  au  comptant. 
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EN  PARFAIT  ÉTAT|,    DE 

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S'adresser  à  M.  Panseron ,  95  ,  rue  Richelieu, 


nu 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


XoHvciies  FnbUeatîons  de  J.  MEISSOAÎWER ,  3S,  rue  Danphine. 


PIANO. 


TH.  DOHliER.  Op.  43.  Grande  fantaisie  sur  Maometto  de 

Kossini ,,•    "    ' 

Op.   iG.    Souvenirs  de    Naples ,    larenlelle  pour 

piano  solo 

—       I.a  même  à  4  mains 

Ou.  47.  Deuxième  grande  valse  brillante.     .     .     . 

H.  HERZ.  lie  Mouvement  perpétuel.  N.   3   des  Morceaux 

de  salon ",  .;    ■ 

II.  CHIiEDO'WSK.T.  les  trois  Polka  dansées  au  Ihealre 
des  Variétés 

Violon. 

BERNARDîN.  Caprice  sur  la  Bénédiction  d'un  père  et 
les  Yeux  d'une  mère,  avec  accompag.  de  piano. 

Violoncelle. 

SEIiIGMAH'ia'.   Souvenirs   de   Monpou ,    fantaisie   avec 
accompag.  de  piano 


7  50 
9  » 
y    » 


I..  CHLEDO'WSKY'.  lia  Polka,  exécutée  au  cours  de 
BS.  Cellarius ,  avec  l'explication  du  pas.    .    .    . 

I.E  CARFEMTIER.  Op.  92.  Trois  Polka  :  N.  1.  La  Polo- 
naise.—N.  2.  La  Française.— N.  3.  La  Hongroise. 

Chaque 

Les  Irois  réunies 

—       Op.  93.  Polka  favorite,  variée 

A.  IiEDUC.  Op.  14.  Fantaisie  sur  la  Ronde  des  Bohémiens 
de  Paris 

II.  CXiAPISSON.  Teresa,  valse 


4  50 

2  50 
6  » 
6     » 

C  • 
4  50 


Cornet  à  Pistons. 

FORESTIER.  Caprice  surGastibeIza  et  lambert  Simnel , 

avec  accompag.  de  piano 

Flûte. 

RÉMUSAT.  Fantaisie  sur  Eambert  Simnel,  avec  acc.  de 
piano 


ROMANCES   NOUVELLES  DE  L.  AMAT. 

La  Prière  du  Matelot.  —  Ma  Jlarguerite.  —  Le  Page  et  la  Bachelette.  —  Le  Lis  et  le  Papillon 


NOUVEAUX    PROGRES 

PAR 

H.   PAPE, 

lacleuv  î»c  îpionos  îiu  ïloi. 

Pat'is,  19,  t'ùe   «ies  Bans-Enfant». 

londres,   106,  Neve-Bond-StreeW  —  Bruxelles,  85,  rue  de  la  Madelaine. 


PIANOS  A  HUIT  OCTAVES. 


Les  nombreux  perfectionnements  introduits  par  M.  Pape  dans  la 
fabrication  des  pianos  ont  apporté  des  améliorations  importantes 
dans  cette  branche  d'industrie;  l'une  des  plus  remarquables  est  sans 
contredit  le  systèmede  mécanisme  en  dessus,  à  l'aide  duquel  M.  Pape 
est  parvenu  à  résoudre  les  problèmes  de  réduction  des  formats  avec 
augmentation  de  son  et  de  simplification  des  m(*canismes.  Plusieurs 
des  nouveaux  instruments  de  M.  Pape  ,  tels  que  les  pianos-consoles 
elles  pianos-tables,  démontrent  de  la  manière  la  plus  évidsnie  les 
avantages  de  ce  système.  Ces  pianos  réunissent ,  dans  la  dimension 
la  plus  réduite,  une  puissance  et  une  qualité  de  son  telles  qu'aucun 
piano  du  système  ordinaire  ne  peut  leur  être  comparé. 

Une  fois  arrivé  à  faire  de  bons  pianos  dans  de  petits  formats,  il 
devenait  facile  pour  M.  Pape  de  le  faire  dans  de  grandes  dimen- 


sions; c'est  ainsi  qu'il  a  pu  porter  les  claviers  des  pianos  à  queue  à 
huit  octaves  en  obtenant  une  parfaite  sonorité  dans  toute  leur  éten- 
due. Ces  claviers  prennent  de  Vui  le  plus  grave  de  l'orgue  (32  pieds) 
jusqu'au  neuvième  ai  sur-aigu,  ou  du/a  au /a;  on  peut  affirmeravec 
M.  Fétis  que  l'étendue  du  clavier  doit  avoir  atteint  par  là  ses  der- 
nières limites.  Ce  nouveau  perfectionnement,  qui  fournit  tant  de 
ressources  pour  l'art,  est  déjà  apprécié  par  desavants  compositeurs, 
et  il  ne  tardera  pas  à  devenir  d'un  usage  général. 

Les  pianos  à  queue  à  huit  octaves  réunissent  à  une  construction 
simple  une  infinité  d'autres  avantages,  qui  sont  détaillés  dans  des 
notices  explicatives  contenant  aussi  la  nomenclature  des  brevets  de 
M.  Pape,  et  qui  seront  publiées  incessamment. 


27  I]\STRUME]^TS  RREVETÉS. 


POUR 

GEMI 

PAR   AN 


10 

ASSOCIATION 


sont  assui'és  iSè>@  issejosard'iiuï  à  MM.  les  Actionnaires.  On 
posaa'a-a  -«'isiteB'  Soies  les  Joni-s,  de  nne  Ssens-e  à  quatre  Kenres, 
la  fal9a*à«|«iie  de  M.  SA'^,  en  iileSeï  s-apiiort. 

10,  RUE  rjEUVE-SAINT-GEORGES ,  A  PARIS. 

Pour  l'Exploitation  de  tous  les  Inslrumeiits  de  musique,  à  vent,  en  cuivre 
et  en  bois,  et  de  ceux  qu'a  inventés  M.  AU.  S.'ît.X ,  qui  sont  adoptés 
par  les  Régiments,  les  p-.-incipaux  Conservatoires  et  Théâtres  de  France  et 
de  l'Étranger. 

M.  AD.  SAX,  pour  satisfait  eaux  demandes  qui  lui  sont  adressées  de  toutes  parts,  se  croyant  obligé  de  donner  une  plus  grande  exten- 
sion à  sa  fabrique,  vient  de  fonder  une  Société  par  actions  de  2.50  fr.  et  de.500  tr.  Dès  aujourd'hui,  M.  SAX  assure  aux  actionnaires  un 
bénéfice  de  10  pour  100  par  an,  et  une  part  proportionnelle  dans  les  bénéfires.  Les  instruments  nouveaux  de  M.  AD.  SAX,  approuvés  par 
MM.  Ros.sini,  Spontini,  Auber,  Halévy,  Berlioz,  Carafa,  Ad.  Adam,  A.  Thomas,  G.  Kastner,  doivent  remplacer  une  grande  partie 
des  instruments  dont  on  se  sert  aujourd'hui  dans  les  Régiments,  les  principaux  Théâtres  et  Conservatoires.  Il  n'est  pas  besoin  d'insister  sur 
la  moralité  et  le  résultat  d'une  pareille  entreprise. 

Les  actions  sont  au  porteur,  de  250  et  de  51)0  fr.  Les  personne?  de  la  province,  en  envoyant  un  bon  à  vue  sur  Paris,  pour  la  somme  d  ac- 
tions qu'elles  désireront,  recevront  l'Acte  de  Société  et  les  titres  en  échange  par  le  courrier.  On  souscrit  à  Paris,  10,  rue  Neuve-St-  Georges. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


Pour  Paris 


30  fr. 


:  mois    15  fr.     Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres    —    Départements  :  un  an ,  34  fr.  Etranger,  38  fr. 


TE  MUSICAL 


UÊDIGEE  PIB 

MSI.  ANDERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  HE-ini  BLANCHARD 

MAliiiCE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DUESBERG ,  FÉTIS  pire,  ÉdU'J.bd  FÉTIS,  STrpiiEN  HELLER,   J.  JAMN 

G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  GEOBGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  (te. 

Paraissant  tous  tes  tHvnancFte»» 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 
Le   f"'   et    lo    15  de  chaque   mois  on   recevra  on  morcean   de   mnsiqne» 


SOMMAIRE.  Euphonia  nu  la  Ville  musicale  (suite);  par  H.  BER- 
LIOZ.—  Cours  gratuit  d'histoire  et  de  Ihcorie  de  l'harmonie 
(troisième  et  dernier  article);  par  FÉTIS  père.  —  Kccrnlogie  : 
Berlon  (Henri-Montanj  ;  par  l'AUL  SMITII.— Coup  d'oeil  musical 
sur  les  concerts  de  la  semaine.  —  Nouvelles.  —  ,\nnonces. 
LE  MARCHAND  DE  ROBINETS.  Ursiin  de  Gav.irni. 


MM.  les  Abonnés  reçoivent  avec  le  présent  numéro  :  IiA 
PETITE  CI.OCHE  DU  CIMETIÈRE  ,  étude  pour  le  Piano, 
par  CAVAXiîiO. 


ou 
LA  VILLE  MUSICALE. 

(Suite  '.) 

a  lettre  de  M"'»  Ellianac ,  dans  laquelle  cette 
respectable  matrone,  en  déclarant  cynique- 
ment à  Xilef  que  sa  fille  le  dégageait  de  sa 
promesse  et  renonçait  à  lui,  annonçait  aussi 
le  départ  d'Elliraac  pour  l'Amérique  où  l'ap- 
pelaient les  offres  avantageuses  d'un  directeur  de  théâtre  et 
Vamiiii:  d'un  riche  armateur.  L'idée  d'une  vengeance  rapide, 
immédiate,  fut  celle  qui  se  présenta  la  première  à  l'esprit  du 
jeune  homme  outragé  dans  ses  sentiments  les  plus  intimes  et 
les  plus  chers.  Xilef  résolut  donc  départir  pour  l'Amérique, 
où  il  se  flattait  de  découvrir  bientôt  sa  perfide  maîtresse. 
Il  brisait  ainsi  tous  les  liens  qui  l'attachaient  à  la  direction 
d'Euphonia,  il  perdait  sa  place,  il  anéantissait  du  même  coup 
son  présent  et  son  avenir!  Mais  que  lui  importait  après  tout! 

(1)  La  reproduction  de  cette  nouvelle  est  interdite. — Yoir  les 
numéros  7,  8,  9,  11  et  12. 


restait-il  pour  Xilef  dans  la  vie  un  autre  intérêt  que  celui  de 
sa  vengeance  ?  Il  partit  donc  silencieux  et  .sombre  ,  comme 
ces  nuages  porteurs  de  la  foudre  qui  se  meuvent  sans  qu'il 
fasse  de  vent.  La  lettre  de  Rotceh ,  et  avec  elle  la  descrip- 
tion d'Euphonia,  parvinrent  à  Xilef  au  moment  où  il  allait 
quitter  Palerme,  et  il  n'eut  que  le  temps  d'adresser  ce  docu- 
ment à  l'Académie  sicilienne,  avec  quelques  lignes  expliquant 
pourquoi  il  ne  venait  pas  le  présenter  et  le  lire  lui-même  ainsi 
qu'ill'avait  promis. 

Voici  le  manuscrit  de  Rotceh  tel  que  le  président  de  l'A- 
cadémie le  lut  en  séance  publique;  Xilef  n'y  avait  rien  ajouté. 

]9$esci*i|>li09s  <V£sagtIioiaîfl. 

Euphonia  est  une  petite  ville  de  douze  mille  âmes,  si- 
tuée sur  le  versant  du  Hartz,  en  Allemagne. 

On  peut  la  considérer  comme  un  vaste  Conservatoire  de 
musique,  puisque  la  pratique  de  cet  art  est  Vubji't  unique  des 
travaux  de  ses  habitants. 

Tous  les  Euphoiiiens,  hommes,  femmes  et  enfants,  s'oc- 
cupent exclu.sivement  de  chanter  ou  de  jouer  des  instru- 
ments. 

La  plupart  sont  à  la  fois  virtuoses  et  chanteurs.  Ceux  qui 
n'exécutent  point  se  livrent  à  la  fabrication  des  instruments, 
à  la  gravure  et  à  l'impression  de  la  musique.  Quelques  nus 
consacrent  leur  temps  à  des  recherches  d'acoustique  et  à  l'é- 
lude de  tout  ce  qui,  dans  les  phénomènes  physiques  ,  peut 
se  rattacher  à  la  production  des  sons.  Les  joueurs  d'instru- 
ments et  les  chanteurs  sont  classés  par  catégories  dans  les 
divers  quartiers  de  la  ville. 

Chaque  voix  et  chaque  instrument  a  une  rue  qui  porte  son 
nom,  et  qu'habite  seule  celte  partie  de  la  population  affectée 
à  la  pratique  de  cette  voix  ou  de  cet  instrument.  Il  y  a  les 
rues  desSoprani,  des  Basses,  des  Ténors,  des  Contralti,  des 
Violons,  des  Cors,  des  Flûtes,  des  Harpes,  etc.,  etc. 

Il  est  inutile  de  dire  qu'Euphonia  est  gouvernée  militaire- 


BUKXAT7X   D'ABONNEMENT,    B.trE    RICHEXIEU,    97. 


L&e 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ment,  et  soumise  à  un  régime  dospoii<|np.  De  là  l'ordre  par- 
fait qui  règne  dans  les  éludes,  et  les  résultais  merveilleux  que 
l'art  on  a  obtenus. 

L'empereur  d'Allemagne  fait  tout ,  d'ailleurs ,  pour  rendre 
aussi  heureux  que  possible  le  sort  des  Euphoniens.  11  ne  leur 
demande  en  retour  que  de  lui  envoyer  deux  ou  trois  fois  par 
an  quelques  milliers  de  musiciens  pour  les  fêtes  qu'il  donne 
sur  divers  points  de  l'empire.  Rarement  la  ville  se  meut  tout 
entière. 

Aux  fêtes  solennelles  dont  l'art  est  le  seul  objet,  ce  sont 
les  auditeurs  qui  se  déplacent,  au  contraire ,  et  viennent  en- 
tendre les  Euphoniens. 

Un  cirque,  à  peu  près  semblable  aux  cirqiiesde  l'antiquité 
grecque  et  romaine  ,  mais  construit  dans  des  conditions  d'a- 
coustique beaucoup  meil  eures,  est  consacré  à  ces  exécutions 
monumentales.  Il  peut  contenir  d'un  côté  vingt  mille  audi- 
teurs et  de  l'autre  dix  mille  exécutants. 

C'est  le  ministre  des  beaux-arts  qui  choisit  dans  les  popu- 
lations des  différentes  villes  de  l'Allemagne  les  vingt  mille 
auditeurs  privilégiés  qui  assisteront  à  la  fête  harmonique.  Ce 
choix  est  toujours  déterminé  par  le  plus  ou  moins  d'intelli- 
gence et  de  culture  musicale  des  individus.  Malgré  la  curio- 
sité excessive  que  ces  réunions  excitent  dans  tout  l'empire , 
aucune  considération  étrangère  à  l'art  n'y  ferait  admettre  un 
auditeur  reconnu,  par  son  inaptitude,  indigne  d'y  assister. 

L'éducation  des  Euphoniens  est  ainsi  dirigée  :  les  enfants 
sont  exercés  de  très  bonne  heure  à  toutes  les  combinaisons 
rhythraiques  ;  ils  arrivent  en  peu  d'années  à  se  jouer  des  dif- 
ficultés de  la  division  fragmentaire  des  temps  de  la  mesure , 
des  formes  syncopées,  des  mélanges  de  rhythmes  inconci- 
liables, etc.  ;  puis  vient  pour  eux  l'étude  du  solfège,  parallè- 
lement à  celle  des  instruments  ,  un  peu  plus  lard  celle  du 
chant  et  de  l'harmonie.  Au  moment  de  la  puberté,  à  cette 
heure  d'efflorescence  de  la  vie  où  les  passions  commencent  à 
se  faire  sentir ,  on  cherche  à  développer  en  eux  le  sentiment 
juste  de  l'expression  et  par  suite  du  beau  style. 

Cette  facultési  rare  d'apprécier,  soit  dans  l'œuvre  du  com- 
positeur, soit  dans  l'exécution  de  ses  interprètes ,  la  variété 
d'expression,  est  placée  au-dessus  de  toute  autre  dans  l'opi- 
nion des  Euphoniens. 

Quiconque  est  convaincu  d'en  être  absolument  privé  ou 
de  se  complaire  à  la  production  d'ouvrages  d'une  expression 
fausse  ,  est  inexorablement  renvoyé  de  la  ville,  eûl-il  d'ail- 
leurs un  talent  éminent  ou  une  voix  exceptionnelle,  à  moins 
qu'il  ne  consente  à  descendre  à  quelque  emploi  inférieur,  tel 
que  la  fabrication  des  cordes  à  boyaux  ou  la  préparation  des 
peaux  de  timbales. 

Les  professeurs  de  chant  et  des  divers  instruments  ont 
tous  sous  leurs  ordres  plusieurs  sous-niaîlres  destinés  à  en- 
seigner des  spîcialités  dans  lesquelles  ils  sont  reconnus  supé- 
rieurs. Ainsi ,  pour  les  classes  de  violon  ,  d'alto ,  de  violon- 
celle et  de  contrebasse ,  outre  le  professeur  principal  qui 
dirige  les  éludes  générales  de  l'instrument,  il  y  en  a  un  qui 
enseigne  exclusivement  le  pizzicato  ,  un  autre  les  sons  har- 
moniques, un  autre  le  staccato,  ainsi  de  suite.  Il  y  a  des  prix 
institués  pour  l'agilité,  pour  la  justesse,  pour  la  beauté  du 
sou  et  même  pour  la  ténuité  du  son.  De  là  les  nuances  de 
piano  si  admirables  cjue  les  Euphoniens  seuls  en  Europe 
savent  produire. 

Le  signal  des  heures  de  travail  et  des  repas,  des  réunions 
par  quartiers ,  par  rues ,  des  répétitions  par  petites  ou  par 
grandes  masses ,  etc. ,  est  donné  au  moyen  d'un  orgue  gigan- 
tesque placé  au  haut  d'une  tour  qui  domine  tous  les  édifices 
de  la  ville.  Cet  orgue  est  animé  par  la  vapeur,  et  sa  sonorité 


est  telle  qu'on  l'entend  sans  peine  à  quatre  lieues  de  distance. 
Il  y  a  cinq  siècles  à  peine ,  quand  l'ingénieux  facteur  A.  Sax , 
à  qui  nous  devons  la  précieuse  famille  d'instruments  de  cuivre 
h  anche  qui  porte  son  nom,  voulut  émettre  l'idée  d'un  orgue 
pareil  destiné  à  remplir  d'une  façon  plus  musicale  l'olTre  des 
cloches,  on  le  traita  de  fou  comme  on  avait  fait  auparavant 
pour  le  malheureux  qui  parlait  de  la  vapeur  appliquée  à  la 
navigation  et  aux  chemins  de  fer,  comme  on  faisait  encore  il 
y  a  deux  cents  ans  pour  ceux  qui  s'obsiiuaient  à  chercher  les 
moyens  de  diriger  la  navigation  aérienne,  art  sublime  qui  a 
changé  la  face  du  monde.  Et  cependant  l'orgue  à  vapeur  est 
aux  ancieunes  orgues  comme  le  trombone  est  au  flageolet.  Le 
langage  de  l'orgue  de  la  tour,  ce  télégraphe  de  l'oreille ,  n'est 
guère  compris  que  des  Euphoniens;  eux  seuls  connaissent 
assez  bien  la  téléphonie,  précieuse  invention,  dont  un  nommé 
Sudre  eulrevil ,  au  xix"^  siècle ,  toute  la  portée ,  et  qu'un  de 
nos  préfets  de  l'harmonie  a  développée  et  conduite  au  point 
de  perfection  oii  elle  est  aujourd'hui.  Ils  possèdent  aussi  la 
télégraphie,  et  nos  préfets  directeurs  des  répétitions  n'ont  à 
faire  qu'un  simple  signe  avec  une  ou  deux  mains  et  le  bâton 
conducteur  pour  indiquer  aux  exécutants  qu'il  s'agit  de  faire 
entendre,  fort  ou  doux,  tel  ou  tel  accord  suivi  de  telle  ou  telle 
cadence  ou  modulation ,  d'exécuter  tel  ou  tel  morceau  clas- 
sique tous  ensemble,  ou  en  petite  masse,  ou  en  crescendo, 
les  divers  groupes  entrant  peu  à  peu  successivement.  Quand 
il  s'agii  d'exécuter  quelque  grande  composition  nouvelle, 
chaque  partie  est  étudiée  isolément  pendant  trois  ou  quatre 
jours;  puis  l'orgue  annonce  les  réunions  au  cirque  de  toutes 
les  voix  d'abord.  Là,  sous  la  direction  des  maîtres  de  chant , 
elles  se  font  entendre  par  centuries  formant  chacune  un  chœur 
complet.  Alors  les  points  de  respiration  sont  indiqués  et  pla- 
cés de  façon  qu'il  n'y  ail  jamais  plus  de  cent  chanteurs  qui 
respirent  à  la  fois  au  même  endroit ,  et  que  les  points  de  res- 
piration du  grand  ensemble  soient  ainsi  cachés  pour  l'audi- 
teur. L'exécution  est  étudiée,  en  premier  lieu  ,  sous  le  rap- 
port de  la  fidélité  littérale,  puis  sous  celui  des  grandes 
nuances ,  et  enfin  sous  celui  du  style  et  de  I'expression. 

Tout  mouvement  du  corps  indiquant  le  rhvthme  pendant 
le  chant  est  sévèrement  interdit  aux  choristes.  On  les  exerce 
ainsi  au  silence,  au  silence  absolu  et  si  profond,  que  trois 
mille  choristes  Euphoniens  réunis  dans  le  Cirque ,  ou  dans 
tout  autre  local  sonore,  laisseraient  entendre  le  bourdonne- 
ment d'un  insecte,  et  pourraient  faire  croire  à  un  aveugle 
placé  au  milieu  d'eux  qu'il  est  entièrement  seul.  Ils  sont  par- 
venus à  compter  ainsi  des  centaines  de  pauses,  et  à  attaquer 
un  accord  de  toute  la  masse  après  ce  long  silence ,  sans  qu'un 
seul  chanteur  manque  son  entrée. 

Un  travail  analogue  se  fait  aux  répétitions  de  l'orchestre; 
aucune  partie  n'est  admise  à  figurer  dans  un  ensemble  avant 
d'avoir  été  entendue  et  sévèrement  examinée  isolément  par 
les  préfets.  L'orchestre  entier  travaille  ensuite  seul  ;  et  enfin 
la  réunion  dos  deux  niasses  vocale  et  instrumentale  s'opère 
quand  les  divers  préfets  ont  déclaié  :  u'elles  étaient  suffisam- 
ment exercées. 

Le  grand  ensemble  subil  alors  la  criti(]ue  de  l'auteur,  qui 
l'écoute  du  haut  de  l'amphithéâtre  que  doit  occuper  le  pu- 
blic; et  quand  il  se  reconnaît  maître  absolu  de  cet  immense 
instrument  intelligent,  quand  il  est  sûr  qu'il  n'y  a  plus  qu'à 
lui  communiquer  les  nuances  vitales  de  mouvement  qu'il 
sent  et  peut  donner  mieux  que  personne ,  le  moment  est 
venu  pour  lui  de  se  faire  aussi  exécutant ,  et  il  monte  au 
pupitre-chef  pour  diriger.  Un  diapason  fixé  à  chaque  pupitre 
permet  à  tous  les  instrumentistes  de  s'accorder  sans  bruit 
avant  et  pendant  l'exécution;  les  préludes,  les  moindres 


DE  PARIS. 


147 


bruissements  d'orchestre  sont  rigoureusement  prohibés.  Un 
ingénieux  mécanisme  qu'on  eût  trouvé  cinq  ou  six  siècles 
plustôt,  si  on  s'était  donné  la  peine  de  le  chercher,  et  qui 
subit  l'impulsion  des  mouvements  du  chef  sans  être  visible  au 
public,  marque,  devant  les  yen.r  de  chaque  exécutant,  et 
tout  près  de  lui ,  les  temps  de  la  mesure  ,  en  indiquant  aussi 
d'une  façon  précise  les  divers  degrés  de  forte  ou  de  piano.  De 
cette  façon,  les  exécutants  reçoivent  immédiatement  et  instan- 
tanément la  communication  du  seniiment  de  celui  qui  les 
dirige,  y  obéissent  aussi  rapidement  que  font  les  marteaux 
d'un  piano  sous  la  main  qui  presse  les  touches  ;  et  le  maître 
peut  dire  alors  qu'il  joue  de  l'orchestre  en  toute  vérité. 

H.  Berlioz. 
{La  suite  au  prochain  numéro.) 


)'lilSTOIRE  ET  DE  THÉORIE  !)E  L'HÂRl!0\iE. 

FAIT  DANS  I.A  SALLE  DE  M.  HEKZ, 
par 

W.-S.  FÉ'I'IS, 
ET    ANALYSÉ  PAR   LUI-MÊME. 
(  Troisième  et  dernier  arlicle"  ). 

arvenu,  dans  la  troisième  séance  de  mon  cours, 
I  à  la  constitution  complète  de  la  théorie  de 
l'harmonie ,  en  raison  du  principe  de  tonalité 
que  j'avais  posé,  il  ne  me  restait  plus  qu'à  ex- 
poser les  lois  de  la  modulation ,  lois  négligées 
par  la  plupart  des  auteurs  de  syslônies  d'hainiùiiie  ;  car,  plus 
ou  moins  dirigés  par  la  nKihodc  empirique  ,  ils  i!c  l'ont  con- 
sidérée que  dans  l'analyse  do  cas  particulirrs.  Au  surplus, 
ils  sont  excusables ,  car  ces  lois  ils  ne  pouvaient  les  trouver 
en  dehors  du  principe  de  tonalité  ,  qu'aucun  d'eux  n'a  connu. 
On  se  souvient  que  j'avais  élabli  d'abord  que  l'ancienne 
tonalité,  base  de  tonle  musique  jusqu'à  la  fin  du  xvi'  siècle  , 
ne  présente,  dans  ses  d.fférenls  modes,  qu'une  gamme 
unique  commençant  par  l'un  ou  l'antre  de  ses  degrés,  et  une 
harmonie  consonnanle  toujours  en  repos;  d'où  il  suit  que, 
n'y  ayant  jamais  d'aliraciion  dans  les  agrégations  harmoni- 
ques de  celte  tonalité  ,  il  n'y  a  pas  de  modulation  possible,  et 
que  toute  musique  émanée  de  ce  système  tonal  est  nécessai- 
rement înîtfofn'çMe  ,  c'est-à-dire  d'un  seul  ton.  En  vain,  di- 
sais-je,  Nicolas  Vicenlino,  .^larcnzio,  et  plusieurs  autres 
musiciens  célèbres  du  xvi'  siècle,  blessés  de  la  monotonie 
harmonique  des  compositeurs  de  leur  temps,  essayèrent-ils 
de  l'éviter  en  faisant  succéder  à  l'accord  parfait  d'un  ton  les 
accords  parfaits  de  plusieurs  autres  tons  :  chacun  de  ces  ac- 
cords parfaits  affectant  le  sens  musical  de  l'idée  de  repos,  le 
sentiment  de  la  modulation  ne  pouvait  naître  de  leur  succes- 
sion, mais  seulemem  la  sensation  désagréable  d'accords  qui 
se  succédaient  sans  points  de  contact. 

Au  contraire  ,  ajoufais-je ,  après  que  l'accord  dissonant  na- 
turel eut  été  introduit  dans  la  musique ,  et  eut  fait  naître 
immédiatement  notre  tonalité  actuelle  par  l'attraction  de  ses 
notes  principales ,  la  transition ,  c'est-à-dire  le  passage  d'un 
ton  dans  un  autre  par  attraction ,  eut  un  organe  infaillible; 
car  il  suffit  de  cet  accord,  de  quelque  ton  que  ce  soit,  et  si 
éloigné  que  soit  le  ton  où  l'on  passe  de  celui  qu'on  quitte, 
pour  qu'à  l'instant  le  nouveau  ton  soit  connu  ,  et  que  le  pas- 


(")  Voir  les  numéros  11  et  14. 


sage  de  l'un  à  l'autre  soit  clairement  établi  dans  notre  esprit. 
Supposons ,  en  effet ,  qu'à  l'accord  parfait  de  la  tonique  du 
ton  d'ut  nous  fassions  succéder  l'accord  de  triton  si  bémol, 
ut,  mi,  sol;  dès  ce  moment,  et  avant  que  nous  entendions 
la  résolution  des  notes  attractives  sur  un  accord  consonnant, 
il  ne  reste  plus  de  doute ,  nous  savons  tous  que  nous  sommes 
en  fa.  Dira-t-on  qu'il  était  plus  simple  et  plus  facile  de 
prendre  immédiatement  l'accord  parfait  de  fa  après  celui 
d'ut?  Mais  là  je  serai  en  doute  si  la  musique  a  passé  réelle- 
ment du  ton  d'w^au  ton  de  fa,  ou  si  l'accord  parfait  de  cette 
dernière  note  n'est  pas  simplement  celui  du  quatrième  degré 
du  ton  d'ul.  Un  ton  n'est  caractérisé  dans  la  musique  mo- 
derne que  par  le  rapport  harmonique  du  quatrième  degré  et 
de  la  note  sensible;  quand  ce  rapport  se  fait  entendre,  il  n'y 
a  plus  de  doule  possible  concernant  le  ton  nouveau.  Encore 
un  exemple  pour  un  ton  plus  éloigné  :  supposons  qu'après 
l'accord  parfait  delà  tonique  vt  on  entende  immédiatement 
l'accord  de  sixte  sensible  si  bémol ,  ré  bémol ,  nu"  bémol ,  sol; 
aussitôt  le  sens  musical  sera  saisi  invinciblement  du  senti- 
ment du  ton  de  la  bémol ,  avant  que  la  résolution  des  notes 
attractives  soit  faite. 

La  conclusion  que  je  tirai  de  ces  fails  et  que  je  pré.senlai  à 
mon  auditoire  ,  c'est  que  l'accord  dissonant  naturel  n'est  pas 
seulement  constitutif  de  la  tonalité  moderne,  mais  qu'il  est 
en  même  temps  l'élément  de  la  iransilion  ,  et  qu'il  a  créé  le 
genre  Irarsitoniquc ,  seconde  phase  de  la  musique  harmo- 
nique. 

Passant  erisuile  aux  substitutions  du  mode  mineur,  dans 
l'accord  dissonant ,  j'ai  fait  remarquer  que  la  propriété  de  ces 
substitutions  est  de  créer  des  harmonies  dont  chacune  des 
notes  a  deux  tendances,  l'une  ascendante,  l'autre  descen- 
dante; en  sorte  que  le  même  accord  est  susceptible  de  plu- 
sieurs résolutions  dans  des  tons  différents.  Supposons,  ai-je 
dit,  l'accord  de  septième  diminuée,  si,  ré,  fa,  la  bémol, 
substitution  du  premier  dérivé  de  l'accord  de  septième,  si, 
ré,  fa,  sol ,  il  est  évident  que  la  bémol  pourra  être  considéré 
comme  sol  dièse  ,  et  que  par  ce  changement  l'accord  devien- 
dra celui  du  second  degré  du  ton  de  la ,  savoir  :  si,  ré,  fa, 
sol  dièse,  substitution  de  si,  ré,  mi,  sol  dièse;  en  sorte 
qu'au  lieu  de  faire  la  résoinlion  sur  la  tonique  du  ton  A'iit, 
on  pourra  la  faire  sur  celle  du  ton  de  la  ,  ou  majeur,  ou  mi- 
neur. Supposons  maintenant  que  la  note  fa  du  même  accord 
soit  changée  en  mi  dièse  ,  l'accord  sera  si,  ré ,  mi  dièse  ,  sol 
dièse ,  subslitué  de  si ,  ul  dièse  ,  mi  diè.se  ,  sol  dièse  ,  et  la  ré- 
soinlion se  fera  dans  le  ton  de  fa  dièse,  majeur  ou  mineur. 
Supposons  enfin  que  dans  ce  même  accord,  si,  ré.  fa,  la 
bémol ,  sise  change  en  vt  bémol,  en  .sorte  que  l'accord  soit 
vt  bémol ,  ré ,  fa ,  la  bémol ,  subslituticm  de  l'uccord  de  sep- 
tième dominante  ,  si  bémol ,  ré,  fa  ,  1 1  bémol ,  et  la  résolu- 
tion se  fera  dans  le  ton  de  mi  bémol. 

Les  substitutions  du  mode  mineur,  ai-je  dit,  ont  donc  la 
propriété  de  créer  des  tendances  vers  divers  tons,  d'exciter 
la  sensation  de  surprise  dans  la  modulaiion ,  et  de  donner 
naissance  au  genre  phiriloniqne ,  troisième  phase  de  la  mu- 
sique harmonique.  Dans  cet  état  de  choses,  deux  phénomènes 
très  importants  se  manifestent ,  à  savoir  :  l'affaiblissement 
du  besoin  d'unité  tonale,  et  l'apparition  de  l'échelle  chroma- 
tique dans  la  musique ,  comme  une  nécessité  de  sa  constitu- 
tion lorsqu'elle  sort  de  cette  unité. 

Bien  que  je  fusse  entré ,  par  ces  analyses,  dans  la  théorie 
transcendante  de  la  science ,  les  nombreux  exemples  et  les 
morceaux  que  je  fis  entendre  ,  à  l'appui  des  propositions  di- 
verses de  cette  théorie  si  nouvelle  de  la  tonalité  et  de  la  mo- 
dulation ,  saisirent  mon  auditoire  d'un  tel  caractère  d'évi- 


UR 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


dence ,  que  les  artistes  et  les  amateurs  qui  assistaient  à  ces 
séances  m'assurèrent  qu'aucun  doute  ne  restait  dans  leur  es- 
prit à  ce  sujet. 

Poursuivant  mon  examen  des  diverses  phases  par  où  l'art  a 
passé,  et  de  la  voie  où  il  s'est  engagé  relativement  à  la  modu- 
lation ,  j'analysai  les  effets  des  altérations  des  notes  naturelles 
des  accords  sous  ce  rapport ,  et  je  fis  voir,  par  de  nombreux 
exemples ,  qu'elles  engendrent  des  relations  tonales  multiples 
par  leurs  attractions  ascendantes  et  descendantes ,  simples  et 
doubles,  résolues  ou  évitées.  Pour  atteindre,  ai-jedit,  aux 
dernières  limites  de  cet  ordre  de  faits  harmoniques,  il  ne 
reste  plus  qu'à  prolonger  les  notes  altérées  sur  les  accords 
qui  appellent  leur  résolution.  Alors,  ai-je  ajouté,  nous  serons 
parvenus  à  la  solution  de  ce  problème  :  Trouver  des  formules 
telles,  qu'une  noie  étant  donnée ,  on  puisse  la  mettre  en  re- 
lation immédiate  avec  tous  les  tons  et  leurs  modes.  Et  pour 
ne  laisser  aucun  doute  à  cet  égard,  je  fis  entendre  un  certain 
nombre  de  formules  nouvelles  (en  prenant  un  seul  accord 
pour  point  de  départ) ,  dont  aucune  n'a  été  employée  jusqu'à 
ce  jour,  et  qui  sont  aussi  satisfaisantes  que  neuves  et  singu- 
lières. Arrivé  à  ce  point,  la  musique  est  dans  le  genre  omni- 
loniqiie ,  dernier  ternie  de  la  modulation  ,  anéantissement  de 
l'unité  tonale,  et  création  absolue  et  complète  de  l'échelle 
enharmonique. 

Je  ne  pouvais  abandonner  ce  sujet  sans  faire  remarquer  que 
l'usage  immodéré  des  formules  harmoniques  de  ce  système 
est  unedégénéralionde  l'art,  qu'il  tend  à  substituer  à  la  jouis- 
sance pure  do  l'uniié  tonale  et  de  la  transition  bien  réglée  la 
jouissance  nerveuse  de  l'inccriiludc  et  delà  surprise  ;  qu'il  a 
pour  effet  inévitable  d'affaiblir  le  sentiment  du  beau  mélo- 
dique en  enlevant  à  celui-ci  son  caractère  de  simplicité;  en- 
fin, que  la  musique,  devenue  éminemment  sensuelle  |)ar  cet 
abus,  doit  avoir  pour  résullat  d'énerver  la  sensibilité  phy- 
sique trop  fréquemment  excitée.  Il  en  est,  ;ii-je  dit ,  des  re- 
lations pluritoniques  et  omnitoniques  des  agrégations  de  l'har- 
monie comme  de  toute  autre  partie  de  l'art.  Considérées 
comme  des  formes  de  la  pensée,  elles  ont  une  destination 
spéciale  déterminée  par  la  pensée  elle-même;  mais  transfor- 
mées en  objet  essentiel  de  l'art  par  la  fréquence  de  leur  em- 
ploi ,  comme  elles  le  sont  dans  les  œuvres  des  musiciens  de 
l'époque  actuelle ,  ce  ne  sont  plus  que  de  vaines  formules  qui 
causent  plus  de  fatigue  que  de  plaisir. 

Là  s'est  terminé  dans  mes  leçons  l'exposé  du  système  de  la 
science  tel  que  je  l'ai  conçu.  Il  ne  me  restait  plus,  pour  ache- 
ver ma  lâche,  que  de  faire  connaître  à  mon  auditoire  les  autres 
systèmes  qui  l'ont  précédé ,  en  les  classant  dans  de  certaines 
catégories ,  à  raison  du  principe  qui  les  domine  ;  ce  fut  l'ob- 
jet principal  de  ma  quatrième  leçon.  Dans  cette  séance,  dont 
la  durée  a  été  de  près  de  trois  heures ,  j'ai  fait  voir  que  tous 
les  systèmes  de  génération  et  de  classilication  des  faiis  har- 
moniques se  rapportent  à  l'un  de  ces  principes:  1°  phéno- 
mènes acoustiques;  2°  division  du  monocorde  et  proportions 
harmoniques  des  intervalles;  3°  progressions  arith]néti<|iies; 
4°  formation  mécanique  des  accords  par  agrégation  arbitraire 
d'intervalles;  5°  choix  arbitraire  d'un  certain  nombre  d'ac- 
cords fondamentaux.  Ayant  traité  ce  sujet  avec  beaucoup  de 
développement  dans  mon  Esquisse  de  l'histoire  de  l'harmo- 
nie, insérée  dans  la  Revue  et  Gazette  musicale,  en  ^8/i0,  je 
ne  crois  pas  devoir  répéter  ici  ce  que  j'en  ai  écrit  alors,  ayant 
suffisamment  démontré  dans  ce  travail  ce  qu'il  y  a  eu  de  vrai 
et  de  faux  dans  les  travaux  des  théoriciens  pour  la  création  de 
la  science  de  l'harmonie. 

Ayant  parcouru ,  dans  le  rapide  exposé  de  mes  quatre 
séances,  le  cercle  de  connaissances  dont  se  compose  cette 


science,  je  ne  me  dissimulais  pas  qu'jyant  posé  la  base  de  ma 
théorie  sur  un  point  d'appui  absolument  différent  de  celui  de 
tous  les  autres  systèmes ,  je  devais  rencontrer  de  l'opposition 
chez  les  partisans  de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces  systèmes,  et  je 
me  rappelais  involontairement  à  ce  sujet  ce  que  l'illustre  phi- 
losophe De  Schelling  écrivait  à  léna,  au  mois  de  mars  1800, 
dans  la  préface  de  son  Système  de  l'idéalisme  transcenden- 
tal.  Voici  la  traduction  du  commencement  de  cette  préface  : 
«  Un  système  qui  change  entièrement  et  renverse  le  point 
»  de  vue  dominant  sous  lequel  on  envisage  les  choses  non 
»  seulement  dans  la  vie  commune,  mais  encore  dans  la  plu- 
1)  part  des  sciences ,  rencontre  une  contradiction  constante 
1)  chez  ceux  qui  sont  à  même  de  saisir  et  d'apprécier  réelle- 
»  ment  l'évidence  de  sa  démonstration.  Cela  tient  à  l'im- 
»  puissance  où  l'on  est  de  faire  abstraction  de  la  masse  de 
»  problèmes  particuliers  que  l'imagination  préoccupée,  à 
»  l'annonce  d'une  révolution  semblable ,  suscite  de  tous 
»  points  de  la  sphère  de  l'expérience  et  qui  viennent  troubler 
»  le  jugement.  Est-il  impossible  de  nier  la  force  de  la  dé- 
»  monstration?  Sans  avoir  rien  de  certain  ni  d'évident  à 
»  mettre  à  la  place  des  principes  sur  lesquels  elle  s'appuie  , 
»  on  recule  néanmoins  devant  le  caractère  eœtraordinaire 
»  des  conséquences  qu'on  en  voit  sortir,  et  l'on  désespère  de 
1)  résoudre  toutes  les  difficultés  que  les  principes  doivent  in- 
»  failliblement  rencontrer  dans  l'application. 

1)  Mais  comme  on  a  le  droit  d'exiger  de  quiconque  prend 
)>  part  aux  études  philosophiques  d'être  capable  de  cette  ab- 
»  straction  et  de  savoir  comprendre  les  principes  dans  leur 
»  généralité  la  plus  haute,  il  est  naturel,  en  posant  les  pre- 
»  mières  assises  du  système ,  d'écarter  les  recherches  qui 
»  descendent  au  particulier,  et  de  se  borner  à  établir  les  pre- 
1)  miers  principes  dans  toute  leur  pureté  en  les  élevant  au- 
»  dessus  de  tous  les  doutes.  D'ailleurs  la  pierre  de  touche  la 
»  plus  sûre  de  la  vérité  d'un  système,  c'est  que  non  seulement 
n  il  résolve  avec  facilité  les  problèmes  auparavant  insolubles , 
»  mais  qu'il  en  suscite  lui-même  d'entièrement  nouveaux 
»  auxquels  on  n'avait  pas  songé  jusqu'alors,  et  que  de  l'é- 
»  branleinent  général  qu'il  imprime  à  tout  ce  qui  était  ad- 
»  mis  pour  vrai  il  fasse  sortir  une  vérité  d'une  nature  nou- 
»  velle.  » 

Cette  position,  je  venais  de  la  faire  à  ma  théorie,  je  me 
l'étais  faite  à  moi-même.  Sans  me  préoccuper  de  tous  les 
faits  particuliers  qui  se  manifestent  dans  l'expérience  de  l'art, 
je  m'étais  attaché  aux  principes  généraux  et  j'en  avais  dé- 
duit un  système  coordonné,  cherchant  à  leur  donner  un  ca- 
ractère d'évidence  par  leur  généralité  même.  Toutefois  je 
comprenais  la  nécessité  de  mettre  les  principes  nouveaux  qui 
forment  la  base  de  mon  système  à  l'abri  de  fausses  interpré- 
tations en  sollicitant  les  objections  qu'on  croirait  pouvoir  leur 
opposer.  C'est  ce  qui  m'a  déterminé  à  inviter  ceux  de  mes 
auditeurs  qui  ne  seraient  pas  saisis  par  l'évidence  des  prin- 
cipes de  cette  théorie,  à  m'informcr  deleursdoutespar  écrit, 
afin  que  j'en  fisse  l'objet  d'une  discussion  publique  dans  une 
dernière  séance. 

Un  seul,  entre  les  harmonistes  qui  assistaient  à  mon  cours, 
RI.  Barbereau ,  ancien  élève  de  Reicha ,  aujourd'hui  profes- 
seur d'harmonie  et  de  composition,  répondit  à  mon  appel.  Je 
reçus  sa  lettre  dans  la  soirée  qui  précéda  ma  dernière  séance, 
et  elle  parut  dans  un  journal  le  jour  même.  Depuis  lors,  elle 
a  été  répétée  sur  plusieurs  autres.  Dans  cette  lettre,  M.  Bar- 
bereau formulait  sept  objections  contre  ma  théorie  ;  mais  il 
déclarait  ne  vouloir  point  accepter  la  discussion  publique , 
où,  disait-il,  l'attention  et  l'intérêt  s'amoindrissent  en  face 
de  discussions  hérissées  de  termes  et  de  détails  techniques.  Il 


SUPPLEMENT. 


SUPPLEMENT. 


DE  PARIS. 


H9 


terminait  en  me  proposant  de  composer,  pour  la  discussion  , 
une  sortede  jury  formé  de  vingt-quatre  personnes,  dontdouze 
à  mon  choix  et  douze  au  sien. 

Sans  nommer  M.  Barbereau  ,  je  fis  connaître  à  l'auditoire 
de  ma  dernière  leçon  l'objet  de  la  lettre ,  exprimant  le  regret 
qu'il  n'ettt  pas  accepté  la  discussion  publique  devant  une  as- 
semblée où  se  trouvaient  réunis  tous  les  professeurs  de  com- 
position et  d'harmonie  du  Conservatoire ,  outre  une  multi- 
tude d'artistes  tous  initiés  au  langage  de  la  science  et  à  la 
pratique  de  l'art.  La  discussion  publique ,  dis-je ,  et  le  juge- 
ment d'une  académie,  lorsqu'on  le  sollicite,  sont  les  seules 
choses  que  puisse  accepter  l'auteur  d'une  théorie  nouvelle. 
Toute  autre  discussion,  toute  autre  appréciation  est  sans  por- 
tée ,  quel  que  soit  d'ailleurs  le  mérite  des  artistes  pris  pour 
juges;  car,  choisis  par  l'auteur  du  système  ou  par  son  adver- 
saire ,  ils  portent  dans  leur  examen  des  opinions  toutes  faites 
que  la  discussion  parvient  rarement  à  modifier.  D'ailleurs 
j'avais  proposé  de  dissiper  des  doutes  et  non  point  demandé 
des  juges;  car,  qu'il  me  soit  permis  de  le  dire  sans  être  ac- 
cusé d'une  vanité  qui  est  loin  de  moi ,  ce  n'est  point  à  celui 
qui,  suffisamment  initié  dans  la  connaissance  de  l'art  et  doué 
d'un  esprit  méditatif,  a  fait  une  étude  longue  et  approfondie 
de  tous  les  systèmes  d'harmonie,  qui  s'est  attaché  à  en  péné- 
trer l'esprit  et  à  en  distinguer  les  qualités  et  les  défauts;  qui, 
enfin,  en  possession  depuis  trente  ans  de  la  doctrine  qu'il 
publie  aujourd'hui ,  a  passé  ce  long  espace  à  en  vérifier  la 
solidité ,  l'infaillibilité  par  tous  les  moyens  que  la  science  et 
l'art  pouvaient  lui  offrir,  ce  n'est  point  à  celui-là,  dis-je, 
qu'on  peut  imposer  un  jugement  quelconque  sur  une  théo- 
rie dont  les  juges  ne  pourraient  prendre  qu'une  connaissance 
sommaire.  Lorscjue  je  me  suis  décidé  à  publier  mon  Traité 
d'harmonie  et  à  en  expliquer  l'objet  dans  un  cours  ',  j'avais  la 
certitude  de  l'infaillibilité  des  principes  qui  m'ont  dirigé; 
celte  certitude ,  rien  ne  saurait  l'ébranler.  Et ,  encore  une 
fois,  qu'on  ne  croie  point  que  je  suis  en  cela  sous  la  domina- 
tion d'un  sentiment  de  vanité;  car  je  sais  très  bien  que  le 
mérite  de  cette  théorie,  qui  m'inspire  tant  de  confiance  ,  ne 
m'appartient  pas  en  propre  ;  d'une  part,  j'en  ai  trouvé  les  pre- 
miers élémenls  au  sein  de  la  multitude  d'erreurs  qui  four- 
millent dans  les  autres  systèmes;  de  l'autre,  l'esprit  phi- 
losophique qu'on  y  peut  remarquer  est  celui  de  mon  siècle. 
Après  cette  digression,  je  viens  aux  objections  de  M.  Barbe- 
reau. 

Je  venais  d'exprimer  le  regret  qu'il  n'eût  pas  accepté  la 
discussion  publique,  et  là  allait  se  terminer  mon  cours,  lors- 
que M.  Barbereau  se  levant  déclara  qu'il  acceptait  l'analyse 
qu€  je  voudrais  faire  de  ses  objections.  Malgré  la  fatigue  de 
l'assemblée,  après  l'audiiion  d'une  leçon  où  j'avais  parlé  pen- 
dant plus  de  deux  heures,  je  commençai  immédiatement  celte 
analyse ,  après  avoir  donné  lecture  des  objections  de  mon 
contradicteur. 

Les  principaux  sujets  qui  paraissaient  à  M .  Barbereau  n'a- 
voir pas  été  envisagés  sous  leur  véritable  point  de  vue  étaient 
ceux-ci  : 

1»  L'appréciation  de  la  tonalité  antérieurement  au 
xvii*  siècle. 

Ma  réponse  consiste  à  démontrer  de  nouveau  que  cette 
tonalité  a  pour  principe  une  gamme  unique,  diversifiée 
seulement  à  ses  différents  modes  par  les  notes  qui  lui  ser- 
vent de  limites,  par  la  doniinanie  et  par  la  finale.  Au  reste, 
la  couàtitution  des  tons  du  plain-cliant  avait  été  examinée 
à  fond  dans  mon  Traité  du  pUnn-chant  (r) ,  et  c'est  préci- 

(I)  Paris,  M»'  veuve  Canaux,  rue  Ste-Apolline,  15,  1843,  in-S".     | 


sèment  la  tieXteté  et  ■!«  nouveauté  de  l'exposition  que  j'en 
ai  faite  qui  a  été  i'objt  t  des  éloges  des  savants  en  cette  ma- 
tière, à  Rome. 

2°  La  détermination  des  tonalités  dans  le  système  mo- 
derne, attribuée  trop  exclusivement  à  Montevevde  ;  car 
Zarlin,  qui  lui  est  antérieur  d'environ  un  demi-siècle,  en- 
seignait comme  un  fait  déjà  acquis  de  son  temps  la  néces- 
sité de  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  la  note  sensible. 

Réponse  :  Ce  que  M.  Barbereau  prend  pour  la  note  sen- 
sible dans  le  passage  de  Zarlino  dont  il  parle,  avait  été 
expliqué  longtemps  avant  cet  écrivain  dans  les  trente- 
sixième  et  trente-septième  chapitres  du  troisième  volume 
du  Recanetum  de  musica  aarea ,  de  Vanneo  :  c'est  la  néces- 
sité d'employer  quelquefois  le  dièse  pour  éviter  les  rela- 
tions de  quarte  majeure  dans  les  successions  du  chant; 
tandis  que  le  caractère  de  la  note  sensible  de  la  tonalité 
moderne  est  purement  harmonique  ,  et  réside  précisément 
dans  ce  rapport  de  quarte  majeure ,  qui  ne  se  trouve 
qu'entre  le  quatrième  degré  de  la  gamme  et  le  septième. 

3°  Le  rôle  indispensable  attribué  à  tort  à  l'accord  de  sep- 
tième dominante  dans  la  fixation  du  ton ,  puisque  cet  ac- 
cord (qui  d'ailleurs  n'indique  pas  le  mode)  n'a  sur  les  ac- 
cords de  trois  sons  que  l'avantage  de  donner,  en  une  seule 
percussion  [sol,  si,  ré,  fa), .un  certain  nombre  de  notes 
déterminantes ,  ce  qu'on  obtient  d'ailleurs  d'une  manière 
bien  plus  complète  en  deux  accords  de  trois  sons  [Ja,  la, 
ut;  sol,  si,  ré;  ou  ré,  fa,  la;  sol,  si,  ré)  ;  d'où  il  résulte 
qu'en  supprimant  l'intervalle  de  septième  de  tous  les  ac- 
cords de  dominante  dans  les  exemples  soumis  par  vous  à 
l'auditoire  ,  les  modulations  sont  aussi  positivement  éta- 
blies par  les  accords  parfaits  qui  restent  que  par  les  accords 
primitifs  de  quatre  sons. 

Réponse  :  J'ai  dit  que  l'accord  de  septième  de  la  domi- 
nante détermine  la  tonalité,  et  M.  Barbereau  oppose  à  ce 
principe  des  formules  de  successions  d'accords  parfaits. 
Mais  quel  rapport  peut-il  y  avoir  entre  un  accord  qui  seul 
constitue  la  tonalité  et  une  succession  d'accords  ;  et  qui  ne 
voit  que  l'avantage  est  pour  le  premier?  Il  y  à  d'ailleurs 
une  réponse  accablante  à  faire  à  M.  Barbereau  contre  sa 
proposition  :  c'est  qu'il  y  a  des  milliers  d'exemples  des 
lieux  successions  qu'il  indique  dans  la  musique  composée 
dans  l'ancienne  tonalité,  d'où  il  résulte  évidemment 
qu'elles  ne  sauraient  constituer  la  tonalité  moderne. 

4°  La  théorie  si  commode  de  la  substitution  et  de  la  pro- 
longation, expliquée  par  ce  principe  non  moins  étrange  : 
la  fantaisie  ou  la  volonté  du  compositeur,  sans  indiquer 
les  limites  dans  lesquelles  ces  expédients  peuvent  être  em- 
ployés à  former  l'agrégation  des  sons. 

Réponse  :  Que  la  théorie  de  la  substitution  et  de  la  pro- 
longation soit  commode  ou  ne  le  soit  pas ,  la  question  n'est 
pas  là  ;  il  suffit  qu'elle  soit  vraie ,  et  je  crois  avoir  démoa- 
tré  que  c'est  la  seule  qui  le  soit  pour  l'explication  des  ac- 
cords que  ces  modifications  engendrent.  Quant  à  l'explica- 
tion de  ces  phénomènes  par  la  seule  volonté  du  con>.posi- 
teur,  elle  est  inattaquable,  car  ils  ne  résultent  pas  de  né- 
cessités tonales  ;  et  partout  où  les  accords  nnlurels  peuvent 
être  employés,  leurs  modifications  peuvent  l'être  aussi. 

5°  L'admission  sans  critique  des  détestables  successions 
d'accords  conservées  par  certaines  écoles,  quoique  rejetées 
dans  la  pratique,  dans  les  progressions  unitoniques,  etc. 

Réponse'  :  CfS  progressions  ne  sont  pas  tellement  bannies 
de  la  pratique  qu'on  ne  les  voie  souvent  employées  avec 
les  modifications  du  retard  des  intervalles.  Elles  seules 


IjO 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


peuvent  expliquer  la  position  des  accords  parfaits,  de  sixte, 
de  septième,  etc.,  sur  toutes  les  notes  de  la  gamme. 

6°  L'absence  complète  de  lois  indiquant  les  limites  dans 
lesquelles  les  altérations  sont  praticables.  Faute  d'une 
théorie  à  ce  sujet,  que  dire  à  l'élève  qui,  dans  une  suite 
d'harmonie  en  la  mineur,  par  exemple ,  emploierait  l'agré- 
gation j-i ,  7e' bémol , /a  ,  ou  celle-ci,  mi  bémol,  sol,  si? 
Les  notes  ré  bémol  et  mi  bémol  ont  évidemment  une  ten- 
dance vers  ut  et  ré  naturels ,  et  cependant  sont  insoute- 
nables dans  le  ton  dont  il  s'agit  ici. 

Réponse  :  Il  n'est  pas  exact  de  dire  que  je  n'ai  pas  indi- 
qué les  lois  des  limites  dans  lesquelles  les  altérations  sont 
praticables ,  car  je  les  ai  données  positivement ,  en  disant 
que  dans  toute  succession  tonale  ou  modulante ,  tout  inter- 
valle d'un  ton  peut  donner  lieu  à  f  altération  ascendante  ou. 
descendante  par  le  demi-ton  intermédiaire.  Des  deux  exem- 
ples donnés  par  M.  Barbereau,  rien  de  plus  facile  que 
d'employer  l'altération  du  premier  dans  cette  succession  : 

ré,  ré  bémol,     ut. 

sol  dièse ,  la. 

fa ,  mi. 

si,  -  ut. 

Quant  au  second ,  il  n'est  pas  dans  le  ton  de  la  mineur. 
Pour  qu'il  le  fût ,  il  faudrait  que  sol  fût  diésé  ;  dans  ce  cas , 
rien  ne  serait  plus  facile  que  de  faire  descendre  mi  bémol 
à  ré,  pendant  que  sol  dièse  et  si  seraient  soutenus.  L'erreur 
de  M.  Barbereau  est  manifeste  comme  sur  tous  les  autres 
points.  L'assemblée  marqua  du  reste ,  d'une  manière  non 
équivoque ,  son  adhésion  à  toutes  mes  réfutations. 

7»  On  aurait  désiré ,  monsieur,  de  votre  esprit  investi- 
gateur, quelques  recherches  analytiques  sur  la  place  oc- 
cupée par  les  demi-tons  dans  la  gamme,  plutôt  que  de 
vous  entendre  accepter  celle-ci  comme  un  fait  indémon- 
trable. 

Ma  réponse  à  cette  dernière  objection  fut  que  s'il  ne 
s'agissait  que  de  démontrer  la  nécessité  de  la  position  de 
ces  demi-tons  pour  la  constitution  de  la  tonalité  sous  les 
rapports  harmoniques  et  mélodiques  ,  rien  ne  serait  plus 
facile ,  mais  que  découvrir  le  principe  absolu  qui  a  fait  la 
gamme  ainsi  ne  nous  est  pas  donné.  Cette  forme  de  la 
gamme  nous  la  sentons,  et  nous  en  saisissons  les  rapports 
pratiques  par  une  conséquence  de  notre  conformation; 
nous  en  avons  conscience,  mais  nous  ne  pouvons  aller  au- 
delà. 

Ici  doit  se  terminer  l'analyse  de  mon  cours;  mais  un  nou- 
veau champion  vient  d'entrer  dans  la  lice  par  un  travail  inséré 
dans  la  France  musicale  sous  ce  titre  :  Sur  le  principe  phi- 
losophique du  système  d'harmonie  de  M.  Fétis.  J'aime ,  je 
l'avoue ,  à  voir  porter  la  question  dans  ces  hautes  régions ,  et 
je  me  propose  d'y  suivre  mon  nouvel  antagoniste.  Mais  je 
dois  attendre  qu'il  ait  achevé  son  travail;  car  si  j'ai  vu  jus- 
qu'ici comment ,  en  dénaturant  mes  paroles ,  il  attaque  ma 
doctrine ,  je  ne  vois  point  encore  ce  qu'il  se  propose  de  mettre 
à  sa  place. 

FÉTIS  père, 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 


IVécroIosie. 

BERTON       (BEHTRI-MONTAN). 

undi     dernier ,    à 
neuf  heures  et  de- 
mie du  soir,  s'est 
éteinte  une  de  nos 
plus  belles  illustra- 
tions ,  une  de  nos 
^'^'  gloires  nationales  et  européennes,  le  der- 
nier grand  musicien  d'une  grande  école 
et  d'une  grande  époque.  Nous  n'entre- 
prendrons pas  en  ce  moment  une  biographie 
détaillée  d'un  homme  de  génie  qui  fut  notre 
collaborateur,  notre  ami ,  et  dont  le  nom  se 
retrouve  dans  tant  de  pages  de  ce  journal , 
joint  à  des  souvenirs  pleins  d'intérêt  pour 
l'histoire  de  l'art  et  des  artistes.  Nous  ne  rouions 
que  rappeler  quelques  dates ,  et  retracer  quel- 
ques traits  de  celte  physionomie ,  tout  à  la  fois  si 
vénérable  et  si  aimable ,  que  la  mort  vient  de 
frapper  de  son  éternelle  immobilité. 

Henri-Montan  Berton  naquit  à  Paris  le  17  septembre  1767  ; 
il  était  le  fils  de  cet  autre  Berlon,  grand  musicien  aussi,  qui 
se  distingua  surtout  comme  chef  d'orchestre  et  directeur  de 
l'Opéra,  en  prêtant  à  Gluck  un  concours  si  intelligent  et  si 
puissant  pour  la  représentation  de  ses  chefs-d'œuvre  sur  la 
scène  française.  Le  père  mourut  en  1780  ;  quatre  ans  plus 
tard,  le  fils  débutait  dans  la  carrière  comme  premier  violon- 
solo  à  l'Opéra.  En  1787,  il  remplissait  dans  l'orchestre  du 
même  théâtre  les  fonctions  de  deuxième  maître  de  musique; 
en  1796,  il  entrait  comme  professeur  de  composition  dans 
l'institution  naissante  du  Conservatoire.  Enfin,  sous  l'Empire, 
il  fut  successivement  nommé  directeur  de  l'Opéra  buffa  (1807) , 
premier  maître  de  chant  à  l'Académie  royale  de  nnisique 
(1811) ,  décoré  de  la  Légion-d'Honneur  et  appelé  à  l'Insti- 
tut (1815).  Voilà  de  quoi  se  composa  sa  vie  publique  et'offi- 
cielle. 

Quant  à  la  liste  de  ses  ouvrages,  elle  ne  contient  pas  moins 
de  quarante  partitions,  auxquelles  il  faut  en  ajouter  dix 
autres,  la  plupart  de  circonstance,  composées  en  société,  et 
la  musique  de  trois  ballets.  Berton  écrivit  encore  plusieurs 
messes  et  morceaux  religieux,  plusieurs  morceaux  de  musique 
instrumentale,  des  marches  militaires,  des  cantates,  des  ro- 
mances, plusieurs  recueils  de  canons.  Il  publia  un  Traité 
d'harmonie,  un  Dictionnaire  des  accords,  concourut  à  l'^n- 
cyclopédie  moderne  et  au  nouveau  Dictionnaire  de  l'Acadé- 
mie française,  pour  la  partie  mu.sicale.  Tels  sont  les  travaux 
qui  occupèrent  une  existence  de  soixante-dix-sept  années; 
car  si  l'on  en  excepte  les  derniers  temps,  Berton  ne  cessa  de 
travailler,  de  tenir  sa  place  au  Conservatoire,  à  l'Institut,  soit 
en  formant  des  élèves,  soit  en  dictant  des  rapports. 

Et  pourtant,  dès  sa  première  jeunesse,  Berton  avait  souf- 
fert d'un  mal  qui  tourmenta  cruellement  son  âge  mûr.  Avant 
l'âge  de  vingt  ans,  il  ressentit  des  attaques  de  goutte  qui,  à 
plusieurs  reprises,  le  privèrent  pendant  des  mois,  pendant  des 
années,  de  l'usage  de  ses  membres,  sans  rien  ôter  au  calme  et 
à  la  liberté  de  son  esprit.  C'était  durant  ses  accès  les  plus 
violents  qu'il  composait  ses  canons  les  plus  burlesques.  Lors- 
que Picard,  le  célèbre  auteur  comique,  fut  sur  le  point  de 
donner  M.  Musard,  il  vint  trouver  son  ami  Berton  qui  gisait 
perclus  dans  un  lit  de  douleur,  et  lui  dit  qu'il  avait  besoin  de 
lui  pour  des  couplets  qu'il  voulait  faire  chanter  à  la  un  de  sa 


DE  PARIS. 


151 


pièce.  «Montre-moi  tes  paroles,  »  lui  répondit  Berton;  et,  dès 
qu'il  leseut  parcourues,  «  Prends  mon  bras,  ajoutat-il,  pose- 
»  le  sur  le  papier  ;  mets  une  plume  entre  mes  doigts,  et  tu 
»  Tas  avoir  ta  musique.  »  C'est  ainsi  que  fut  composé  le  joli 
air  des  couplets  :  En  affaire,  comme  en  voyage.  A  la 
même  époque ,  Berton  logeant  près  de  l'Opéra ,  c'était  sa 
femme  qui  le  portait  elle-même  de  sa  maison  au  théâtre, 
pour  qu'il  lui  fût  possible  de  surveiller  les  répétitions. 

Il  y  a  environ  trois  ans  que  Berton  célébrait  la  cinquan- 
taine de  son  mariage  avec  cette  bonne  et  tendre  épouse,  qui 
était  à  peu  près  de  son  âge ,  qui  ne  l'a  pas  quitté  un  seul 
instant,  et  dont  le  dévouement  alla  souvent  jusqu'au  sublime. 
Il  eut  au  moins  cette  grande  consolation,  cet  immense  bon- 
heur, de  conserver  auprès  de  lui  cette  compagne  chérie,  lui 
qui  avait  vu  mourir  l'un  après  l'autre  tous  ses  enfants,  ses 
deux  fils,  Pierre  et  Henri,  l'un  à  vingt  ans,  déjà  peintre  cé- 
lèbre, l'autre  à  quarante,  excellent  musicien,  compositeur, 
chanteur,  pianiste,  et  sa  fille  Stéphanie,  douée  de  tant  de  la- 
lent,  d'esprit  et  de  grâce  !  Henri  a  laissé  deux  fils,  tous  deux 
Voués  à  l'art  dramatique,  l'un  qui  joue  en  ce  moment  l'opéra- 
comique  à  Alger,  l'autre,  qui  joue  la  comédie  et  chante  aussi 
l'opéra  à  Vienne.  Quelle  famille  d'nriisles!  quel  héritage  de 
vocations,  d'inspirations,  à  défaut  de  tout  autre  héritage  ! 
Ainsi  que  beaucoup  d'hommes  de  génie,  ses  contemporains, 
ses  confrères,  Berton  ne  lègue  à  «a  veuve,  à  ses  petits-enfants 
que  la  gloire  de  .son  nom  ! 

Il  avait  commencé,  trop  tard  pour  pouvoir  l'achever,  une 
œuvre  qui  promettait  d'être  infiniment  curieuse  et  instructive, 
les  Mémoires  de  sa  vie,  entièrement  consacrée  à  l'étude  de 
l'art  et  si  bien  placée  pour  en  saisir  tous  les  points  de  vue.  Il 
nous  en  avait  communiqué  les  premiers  chapitres,  écrits  avec 
tout  le  charme  qui  naît  de  l'alliance  de  l'esprit  et  de  la  bonté. 
En  anticipant  sur  l'ordre  des  temps,  il  avait  écrit  exprès  pour 
nous  le  chapitre  relatif  à  Monlano  et  Stéphanie,  d'où  nous 
avons  tiré  V Histoire  d'un  chef-d'œuvre  (1).  Là  s'arrêta  sa 
plume,  que  les  années  rendaient  paresseuse,  et  nous  y  avons 
perdu  un  livre  qui  aurait  fait  le  pendant  des  Essais,  de  Gré- 
try,  son  protecteur,  son  modèle,  dont  nous  avons  raconté, 
d'après  lui-même,  la  touchante  et  poétique  fin  (2). 

Ce  quixaractérise  Berton,  comme  artiste,  c'est  la  facilité, 
l'abondance,  la  franchise,  le  tour  naturel  et  spirituel  de  la 
mélodie.  Bien  qu'il  connût  toutes  les  ressources  de  son  art,  il 
ne  se  soutenait  pas  par  l'effort  d'un  labeur  pénible  et  minu- 
tieux :  il  travaillait  vite  et  ne  cherchait  jamais  à  sauver  la  fai- 
blesse de  l'idée  principale  sous  la  magnificence  des  accessoires. 
De  là  vient  que  jamais  il  n'a  fait  un  de  ces  ouvrages  qu'on  est 
convenu  d'appeler  estimables,  parce  qu'en  effet  il  est  juste 
que  l'estime,  sinon  l'admiration,  récompense  le  soin,  la  pa- 
tience, avec  lesquels  leurs  auteurs  les  ont  mis  au  monde. 
Berton  était  inspiré  ou  n'était  rien  :  de  là  aussi  la  distance 
énorme  qui  sépare  ses  chefs-d'œuvre  du  reste  de  ses  produc- 
tions, dislance  qu'il  avouait  lui-même  avec  une  sincérité  par- 
faite. Il  y  a  quelques  mois,  on  lui  apporta  l'une  de  ses  pre- 
mières partitions,  le  Nouveau  d'Assas,  qui  manquait  à  la 
collection  de  ses  œuvres,  et  qu'il  avait  oubliée  depuis  long- 
temps. Enchanté  de  la  retrouver,  il  se  mit  à  la  relire,  mais 
l'enchantement  se  changea  bientôt  en  surprise  :  «  Je  ne  sais 
)i  pas  ce  que  j'avais,  disait-il,  quand  j'ai  écrit  cette  musique  ! 
»  C'est  qu'il  n'y  a  rien  du  tout,  absolument  rien,  depuis 
»  l'ouverture  jusqu'au  finale  !  » 

Comme  artiste  et  comme  homme,  ce  qui  distinguait  encore 
Berton,  c'était  l'absence  presque  totale  de  ce  sentiment  d'en- 

(i)  Voy.  Gazette  niitsicale ,  année  1841,  numéros  57,  58  et  59. 
(2)  \oy.  Gazelle  musicale,  année  1842,  numéro  9. 


vie  que  font  naître  les  succès  d'autrui.  Berton  était  aussi  peu 
jaloux  que  la  nature  humaine  le  comporte  :  il  comprenait,  il 
admirait  les  ouvrages  de  ses  rivaux;  il  leur  rendait  pleine  jus- 
tice; il  était  le  premier  à  les  applaudir.  De  même  il  encoura- 
geait les  tentatives  des  jeunes  gens ,  qu'ils  fussent  ou  non 
ses  élèves  :  il  ne  se  montrait  pas  ombrageux  et  craintif  en 
présence  des  générations  nouvelles.  Une  fois  seulement  il  fut 
injuste,  ou  plutôt  il  se  trompa,  en  protestant  contre  l'avène- 
ment de  la  musique  Rossinienne,  qui  lui  semblait  offrir  le 
caractère  d'une  invasion  funeste  ;  mais  il  ne  tarda  pas  à  chan- 
ger d'opinion,  et  à  replacer  l'auteur  du  Barbier,  de  la  Gazza, 
de  Guillavtne  Tell,  au  rang  suprême  que  lui  assignait  son 
génie.  Berton  ne  comptait  guère  que  des  amis,  et  ce  qu'il 
serait  impossible  de  compter,  c'est  le  nombre  des  services 
qu'il  a  rendus  pendant  le  cours  de  sa  longue  carrière,  c'est 
celui  des  artistes  qu'il  a  formés,  protégés,  servis  de  tout  son 
crédit,  de  tout  son  zèle.  Par  une  justice  providentielle,  sa 
mort  a  été  douce  comme  sa  vie  ;  il  s'est  affaibli  par  degrés,  et, 
quand  il  s'est  aperçu  que  le  dernier  moment  approchait,  il 
n'a  témoigné  ni  effroi  ni  colère  ;  il  a  lui-même  réclamé  la 
visite  d'un  digne  ecclésiastique,  M.  l'abbé  Coquereau,  et  il  a 
terminé  chrétiennement  une  existence  toute  mondaine,  mais 
à  laquelle  le  sentiment  religieux  n'était  jamais  resté  étranger. 

Ses  obsèques  se  sont  célébrées  avec  la  seule  pompe 
digne  d'un  artiste  et  d'un  homme  tel  que  lui.  Au  mi- 
lieu d'une  foule  considérable,  dans  laquelle  se  pressaient 
des  notabilités  de  tout  genre ,  les  artistes  de  l'Opéra ,  de 
rOpéra-Comique  et  du  Conservatoire  s'étaient  réunis  pour 
exécuter,  dans  l'église  de  Saint-Roch  ,  une  messe  composée 
de  divers  morceaux  :  un  Requiem  de  M.  Deldevès ,  un  Agniis 
Dei  de  M.  Bienaimé ,  tous  deux  élèves  de  Berton  ;  dans  le 
Pie  Jesn  ,  M.  Panseron  ,  qui  est  aussi  l'un  des  élèves  du 
grand  maître  ,  avait  eu  l'heureuse  idée  d'introduire  le  pre- 
mier motif  de  l'air  célèbre  :  Oui,  c'est  demain.'  En  entendant 
cette  mélodie  céleste ,  des  larmes  ont  coulé  de  tous  les  yeux, 
et  le  morceau  tout  entier  a  produit  un  excellent  effet.  M.  Le- 
febure-Wely,  aussi  élève  de  Berton,  a  supérieurement  touché 
l'offertoire.  A  l'entrée  du  corps  dans  l'église ,  l'orchestre  a 
joué  la  marche  funèbre  de  Virginie,  grand  opéra  de  Berton; 
les  autres  morceaux  de  la  messe  étaient  empruntés  à  son 
illustre  émule  et  ami ,  Chérubini ,  qui  l'avait  précédé  de  deux 
ansdans  la  même  enceinte. 

Sur  la  tombe  de  Berton,  M.  Raoul-Rochette  a  porté  la 
parole  au  nom  de  l'Institut;  MM.  Panseron  et  Dancla  au 
nom  des  élèves  du  maître  ;  M.  Bureau  ,  comme  secrétaire  du 
comité  de  l'association  des  artistes-musiciens ,  dont  Berton 
faisait  partie  ;  M.  Elwart  a  aussi  prononcé  un  discours.  Pen- 
dant que  les  orateurs  parlaient,  le  soleil  rayonnait  de  tous 
ses  feux,  les  oiseaux  chantaient  dans  les  arbres  fleuris,  l'air 
était  embaumé  de  parfums.  Jamais  immortalité  mieux  ac- 
quise ne  commença  sous  de  plus  riauls  auspices. 

Paul  SSQTH. 


@@p^  n^eii)  ^9^!E@^Ë 


IES  concerts  de  I.A  SEMAINE. 

n  n'a  point  encore,  que  nous  sachions,  apprécié 
à  sa  juste  valeur  la  connexité  qui  existe  entre  la 
métaphysique  et  la  physiologie;  on  n'a  pas  assez 
recherché ,  à  propos  des  hommes  d'art ,  des  vir- 
tuoses ,  de  quels  organes  vient  plus  directement 
la  sensibilité ,  si  du  cœur ,  si  des  nerfs ,  et  par  conséquent  du 


152 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


cerveau ,  siège  de  la  pensée  et  de  l'esprit  ;  si  de  l'aponévrose , 
d'où  naît  l'expansion  esthétique  réagissant  sur  les  hommes 
assemblés  et  réveillant  en  eux  des  sensations  douces  ou  vio- 
lentes, C'est-à-dire  de  mélancolie  et  de  tendre  sympatliLe,  ou 
d'enthousiasme  frénétique  provenant  des  commotions  impri- 
mées aux  systèmes  nerveux  par  un  artiste  dont  l'inspiration 
vient  de  la  tête  ou  du  cœur.  Celte  étude  serait  curieuse  à 
faire  sur  l'art  de  jouer  du  piano  que,  le  premier,  nous  avons 
assez  justement  appelé  le  pianisme,  travers  qui  nous  circon- 
vient, nousenvahit,  nous  étreint  et  menace  de  dominer  toutes 
les  classes  de  la  société.  Nous  pourrons  nous  livrer  un  de  ces 
jours  à  un  travail  amusant  sur  ce  nouveau  culte  musical ,  sur 
ce  saint-simonisme  instrumental  dont  M.  Liszt  est  au  moins 
le  grand-prêtre  s'il  n'en  est  le  Mahomet. 

Sans  analyser  ici  le  principe  de  l'inspiration  et  de  l'en- 
thousiasme qui  est  en  lui  et  qu'il  inspire  à  son  auditoire , 
constatons  d'abord  que  M.  Liszt  provoque  et  entrelient  cet 
enihousiame  du  public  pendant  près  de  trois  heures  par  la 
seule  puissance  de  son  talent  d'exécution,  chose  jusqu'à  pré- 
sent sans  exemple  dans  la  carrière  d'un  pianiste.  Le  concert 
qu'il  a  donné  jeudi  dernier ,  a  commencé  par  l'ouverture  de 
Guillaume  Tell,  qui  a  été  écoutée  avec  assez  de  tranquillité 
par  la  nombreuse  et  brillante  assemblée  qui  s'était  empressée 
de  se  rendre  à  l'invitation  du  pianiste  exceptionnel.  L'intro- 
duction de  la  belle  préface  du  chef-d'œuvre  de  Rossini,  le 
chant  si  suave  des  violoncelles ,  l'orage  qui  parcourt  et  bruit 
dans  les  montagnes  et  les  vallées  de  l'Helvélie,  toutes  ces  har- 
monies frémissantes  de  la  nature  agitée  ont  manqué  de  puis- 
sance pour  les  oreilles  habituées  à  les  entendre  clamer  par 
les  puissantes  voix  de  l'orchestre.  Le  itanzdes  Vaches,  chanté 
dans  l'ouverture  par  le  cor  anglais,  a  cependant  été  dit  avec 
beaucoup  de  charme  et  de  puissance  de  son.  En  reconnaissant 
le  mécanisme  foudroyant  qui  a  présidé  à  l'arrangement  et  à 
l'exécution  de  l'allégro  final ,  il  est  quelques  partisans  du 
rhythme  de  l'original  qui  auraient  voulu  ne  pas  voir  transfor- 
mer en  triolets-croches  un  passage  du  trait  en  huit  doubles 
croches  que  Rossini  a  mis  aux  violons  et  qu'il  n'abandonne 
plus  jusqu'à  la  fin.  Après  ce  morceau  est  venue  la  tarentelle 
du  même  autepr  et  transcrite  par  M.  Liszt.  Vivacité,  préci- 
sion, brio  ravissant,  mais  également  rhythme  par  trop  souvent 
brisé. 

L'artistique  et  rêveuse  Germanie,  et  le  génie  mélancolique 
et  tendre  de  Schubert  nous  ont  bercé  de  toutes  leurs  suaves 
idéalités,  évoquées  qu'elles  ont  été  avec  un  charme  infini  par 
leur  traducteur  ;  il  a  rendu  la  Sérénade  ,  cette  mélodie  du 
cœur,  ce  chant  nocturne  qui  aspire  au  ciel  avec  le  cœur  plus 
qu'avec  les  doigts;  ensuite  est  venue  la  capricieuse  fantaisie 
sur  liobert-le-Diable,  puis  celle  sur  l'air  de  la  Niobé  dont 
toute  l'introduction  repose  trop  obstinément  sur  les  quatre 
premières  notes  du  thème. 

Nous  ne  dirons  rien  d'un  petit  morceau  circassien ,  géor- 
gien, caucasien,  plus  bizarre  que  piquant  et  plus  tourmenté 
qu'original,  qui  a  précédé  une  charmante  mélodie,  ou  marche 
hongroise  arrangée  avec  esprit ,  et  qui  a  fait  grand  plaisir ,  à 
ce  point  qu'on  a  demandé  le  bis  obligé  aux  concerts  du  béné- 
ficiaire. Celui-ci  a  fait  preuve  de  goût  en  donnant  en  échange 
du  morceau  redemandé  une  charmante  fantaisie  sur  les  déli- 
cieux motifs  :  Là,  ci  daretn  la  mono  elFinch'han  dal  Vino, 
du  Don  Juan  de  Mozart ,  morceau  bien  composé ,  heureuse- 
ment coupé,  et  exécuté  de  manière  à  faire  envie  à  tous  les 
pianistes  de  France  et  de  Navarre ,  d'Allemagne,  d'Europe  e 
de  mille  autres  lieux.  Somme  toute,  ce  concert ,  auquel  a  as- 
sisté toute  la  haute  fashion  musicale  et  autre  ,  a  été  des  plus 
brillants  et  k  jilus  productif  de  tous  ceux  de  la  saison. 


Notre  horizon  s'épure,  comme  dit  l'auteur  des  Mystères 
de  Paris,  en  avançant. dans  la  carrière.  L'atmosphère  musi- 
cale se  raréfie  à  la  fin  de  da  saison  des  concerts  ;  et  quelques 
artistes,  moins  pressés  d'arracher  des  applaudissements  quand 
même  au  premier  auditoire  venu  que  de  plaire  aux  connais- 
seurs, nous  ont  fait  entendre  quelques  beaux  fragments  de 
musique  sérieuse,  faite  dans  l'intérêt  des  progrès  de  l'art. 
De  ce  nombre  est  M.  Antoine  de  Kontski.  €et  artiste ,  qui 
ne  s'en  tient  pas  seulement  à  son  talent  d'excellent  pianiste- 
compositeur  et  de  pianiste-exécutant,  a  voulu  prouver  qu'il 
savait  écrire  aussi  pour  l'orchestre  ;  il  a  fait  exécuter,  dans  la 
salle  de  M.  Moreau-Sainti ,  rue  de  la  Tour-d'Auvergne , 
20  avril ,  un  premier  morceau ,  une  marche  funèbre  et  un 
scherzo  d'une  symphonie  en  ut  mineur  de  sa  composition. 
Ces  trois  parties  du  grand  œuvre  à  la  mode,  de  la  symphonie 
«nfin ,  témoignent  dans  l'auteur  plus  d'expérience  d'écrire 
de  la  musique  large  qu'on  ne  lui  en  connaissait. 

La  première  partie  écrite  en  mouvement  d'allegro  risolulo , 
entre  en  matière  par  un  dessin  formé  d'une  blanche  et  de 
croches  en  six  pour  quatre  qui  est  bien  caractérisé;  puis  un 
second  sujet  mélodique  vient  se  mêler  à  celui-là,  et  plaît  par 
le  travail  complexe  et  clair  qui  en  résulte,  travail  classique, 
mais  qui  n'en  est  pas  plus  mauvais  pour  cela.  La  marche  fu- 
nèbre qui  suit ,  et  qui  tient  lieu  d'adagio ,  est  d'un  beau  ca- 
ractère. Les  instruments  à  vent  y  sont  bien  traités,  et  les  effets 
de  timbales  ménagés  d'une  manière  pittoresque  et  dramati- 
que. S'il  n'était  pas  un  peu  trop  consacré  de  dire  que  tout 
scherzo  est  plein  de  verve  et  d'originalité ,  nous  dirions  que 
celui  de  la  symphonie  de  M.  de  Kontski  possède  éminemment 
ces  qualités  ;  mais  nous  nous  bornerons  à  dire  qu'il  a  l'entrain 
et  la  vivacité  voulus ,  en  laissant  désirer,  toutefois ,  cette 
teinte  de  caprice  fantasque  qu'on  trouve  dans  ceux  de  Beet- 
hoven. Quoi  qu'il  en  soit,  ces  trois  morceaux  et  le  finale,  qui  n'a 
pas  étéexécuté  mais  que  nous  connaissons,  forment  une  œuvre 
reiaarquable  qui  assigne  nue  belle  place  à  M.  de  Kontski 
parmi  les  compositeurs  de  haut  style.  Une  fort  jolie  fantaisie 
sur  les  motifs  de  Liicrezia  Borgia,  une  autre  belle  fantaisie 
sur  la  Juive,  et  un  brillant  morceau  de  concert  inspiré  par 
Robert-le-Diable ,  morceaux  auquelsnous  réservons  une  ana- 
lyse qui  les  fera  apprécier  à  leur  juste  valeur,  ont  fourni  l'oc- 
casion à  leur  auteur  de  manifester  d'une  manière  splendide 
un  beau  talent  d'exécution  auquel  il  ne  manque  que  de  se 
produire  plus  souvent  pour  .se  mettre  en  première  ligne.  Ara- 
pleur  de  son  ,  énergie ,  délicatesse  du  toucher,  égalité  parfaite 
dans  le.i  doubles  octaves,  art  de  chanter  d'une  suavité  char- 
mante, jtelles  sont  les  qualités  de  M.  de  Kontski  sur  le 
piano. 

M.  Beaulieu  e.st  un  aulre  compositeur  consciencieux  qui 
fait  à  de  trop  longs  intervalles  des  apparitions  dans  la  ca- 
pitale des  beaux-arts.  Élève  de  Méhul ,  ex-pensionnaire  de 
l'académie  des  Beaux-Arts  à  Rome,  il  habite  la  province,  et 
vient  parfois  essayer  ses  forces  musicales  dans  Paris.  Il  a 
donné ,  le  23  avril,  dans  la  salle  Herz,  une  séance  de  mu- 
si([ue  vocale  des  plus  intéressantes.  Il  a  fait  exoculer  un 
Miserere  à  grand  chœur  avec  solo  ,  ainsi  qu'un  Oratorio  in- 
titulé :  Hymne  du  Matin;  maissintout  une  ballade  traduite 
de  Schiller  par  M.  Vinati,  qui  avait  déjà  été  exécutée  à  Paris 
et  que  nous  avons  entendue  de  nouveau  avec  le  plus  grand 
plaisir.  Cette  mélodie,  fort  bien  chantée  au  reste  par  Alexis 
Dupont ,  est  accompagnée  par  trois  flûtes  obligées  et  un  piano 
qui  produisent  un  effet  ravissant.  Tout  cela,  qui  a  été  aussi 
vivement  que  justement  applaudi,  devrait  engager  M.  Beau- 
lieu  à  renouveler  ses  excursions  artistiques  plus  souvent;  ce 
nous  serait  une  douce   compensation  à  l'envahissement  du 


DE  PARIS. 


153 


quadrille  el  du  galop  qui  retentissent  même  sur  nos  scènes 
lyriques. 

M.  Sticgler,  jeune  compositeur  bavarois,  pour  faire  oublier 
le  canon  brûlai  qui  a  brisé  la  façade  de  l'église  Saint-Méry 
dans  l'une  de  nos  récentes  guerres  civiles,  fait  entendre  par- 
fois de  plus  doux  canons,  des  canons,  fils  de  la  fugue,  dans 
cette  gothique  basilique.  Il  a  fait  exécuter  une  bonne  misse 
en  musique  en  celle  église,  dans  le  courant  de  la  semaine 
passée,  elles  amateurs  de  ce  beau  genre  de  musique  ont  pu 
apprécier  le  style  correct  de  ce  jeune  compositeur. 

M.  Waldmuller  a  donné  chez  Pleyel,  il  y  a  plusieurs  jours 
de  cela,  un  concert  dans  lequel  il  a  joué  deux  fantaisies  de  sa 
composition  sur  VElisir  d'amore  et  la  Nonna ,  qu'il  a  très 
bien  exécutées  ;  il  a  dit  de  plus  celle  qu'un  de  nos  meilleurs 
pianistes  français,  M.  Prudent,  a  faite  sur  la  Lucia ,  et  il  y  a 
montré  un  véritable  talent. 

Dans  le  concert  qu'elle  a  donné  chez  Ilerz,  le  23  avril 
passé.  M""  Julie  Vavasseur,  cantatrice  expressive  et  qui  pos- 
sède une  belle  voix  de  presque  contralto  qui  doit  finir  par  se 
caractériser,  a  chanté  avec  succès  un  duo  de  la  Scmiramide 
avec  Tagliafico,  puis  une  cantate  sur  les  Prestiges  de  l'har- 
monie composée  par  M.  Nicou  Choron,  puis  un  air  italien 
<VJ  Capulettiedi  Monlecchi,  de  Bellini,  morceaux  dans  les- 
quels elle  a  fait  plaisir  à  l'auditoire  extrêmement  nombreux 
qui  était  venu  à  son  concert;  et,  dans  ce  même  concert, 
M.  Boulaiiger-Kunzé  a  chanté  de  sa  voix  gracieuse,  1M"'°  Sa- 
batier  de  sa  voix  délicieuse,  et  le  petit  lîoverie  a  exécuté  sur 
le  violon  avec  justesse  et  aplomb  un  concerto  de  M.  deBériot. 

Une  élève  de  liotre  illustre  collaborateur,  Bcrton,  qui  vient 
de  mourir,  M"'  Péan  de  la  Rocbejagu,  a  donné  une  soirée 
musicale  le  22  avril,  dans  le  salon  de  M.  Bernhardt.  De  jolies 
romances  de  la  bénéficiaire,  celle  entre  autres  intitulée  le 
Garde  de  nuit,  dont  les  paroles  .sont  de  M.  Olivier  Lcgall, 
puis  la  /latelière,  des  mêmes  auteurs  ;  une  cantatrice,  qui  se 
révélait  à  nous  pour  la  première  fois,  M"''  Martin,  qui  a  fort 
bien  dit  un  ak  de  Piquillo,  tout  cela  accompagné  de  la  jolie 
voix  de  M""'  Sabatier,  a  produit  une  soirée  agréable  et  pro- 
ductive, nous  l'espérons,  pour  M""^  Péan  de  la  Rochejagu,  car 
le  public  français  est  toujours  galant  et  obligeant  pour  toutes 
les  dixièmes  nuises  qui  se  consacrent  à  ses  plaisirs.  Ce  j)nblic 
français  et  galant  et  de  plus  philanthropique  n'a  pas  manqué 
non  plus  à  l'ajipel  que  lui  ont  fait  de  philanlhropiques  artistes 
qui  ont  donné  un  concert  dimanche  passé,  dans  la  salle  Mo- 
reau-Sainti,  au  bénéfice  de  la  veuve  el  des  enfants  de  Charles 
Froment,  directeur  du  journal  l'Echo  des  théâtres,  qu'une 
mort  prématurée  vient  d'enlever  h  sa  famille,  dont  il  était  le 
seul  soutien. 

(Je  n'est  pas  seulement  par  leur  bienfaisance  que  les  artistes 
qui  ont  joué  dans  ce  concert  se  sont  distingués,  c'est  aussi  par 
le  talent.  Une  bonne  action  vous  donne  toujours  de  nobles  et 
belles  inspirations  :  M"'  Masson  n'a  jamais  mieux  chanté  le 
duo  de  la  Favorite,  les  mains  de  W.  Dœhler  n'avaient  jamais 
volé  plus  légères  et  plus  brillantes  sur  le  clavier  ;  le  violoncelle 
de  M.  Piatti  n'avait  pas  encore  rendu  des  sons  plus  touchants; 
et,  dans  le  duo  qu'il  a  chanté  avec  le  violon  de  M.  Panofka,  il 
a  semblé,  au  public  charmé,  entendre  les  voix  douces  et  con- 
solantes de  la  religion  et  de  la  charité.  M.  Panofka  a  joué  aussi 
une  très  jolie  valse  de  sa  composition  qui  a  obtenu  les  hon- 
neurs du  bis. 


LE  MAr.CIÎA\D  DE  IlOBIXETS. 

Sessin  de  Gavarni. 

Vous  entendez  dans  la  rue  une  fanfare  militaire ,  qui  excite 
les  aboiements  furieux ,  les  gémissements  plaintifs  de  tous  les 
chiens  du  quartier  ;  vous  mettez  la  têle  à  la  fenêtre ,  et  vous 
apercevez  un  simple  industriel,  un  marchand  de  robinets! 
Je  vous  demande  un  peu  quelle  est  l'analogie  naturelle  entre 
la  trompette  elle  robinet?  Si  tous  les  marchands  nomades  se 
mettaient  à  jouer  de  quelque  instrument ,  que  deviendrait  le 
repos  public?  Il  me  semble  que  ceci  regarde  la  police  et 
qu'elle  ferait  bien  de  s'en  occuper. 


HOTTTELLBS. 

*.*  Demain  lundi ,  à  l'Opéra,  la  Juive  ,  chantée  par  Duprez. 

",'  La  rentrée  de  Serda  et  le  second  début  de  M.  Mengis  ont  eu 
lieu  dimanche  dernier  dans  les  Iiu(jueno(s.  Serda  s'est  montré  à  nous 
Ici  que  nous  le  connaissions;  seulement  il  a  apporté  au  costume  de 
Marcel  une  modification  qui  ne  nous  semble  pas  heureuse,  en  se 
couvrant  la  tète  d'un  casque  au  lieu  d'un  chapeau.  M.  Mengis  a  bien 
chanté  quelques  parties  du  rôle  de  Baoul;  mais  il  a  été  Taible  dans 
l'ensemble  ,  et  surtout  dans  la  grande  scène  du  quatrième  acte,  qui 
exige  un  artiste  consommé. 

*,"  La  représentation  de  Guillaume  Tell  a  été  fort  brillante  :  Du- 
prez a  chanté  le  rôle  d'Arnold  avec  la  perfection  qu'on  lui  connaît, 
et  qu'on  est  heureuï  de  lui  retrouver  après  quelque  temps  d'absence. 
Barroilbet  et  M"  =  Dorus-Gras  ont  aussi  mérité  des  bravos  enthou- 
siastes, 

"."  PouUier  a  obtenu  beaucoup  de  succès  à  Rouen  dans  le  rôle  de 
liobert-le-Diablc ,  qu'il  a  récemment  abordé. 

V  Massel,  de  l'Opéra  Comique,  a  obtenu  un  succès  complet  à 
Liège  ,  sa  ville  natale  ,  dans  Zampa  ,  d'Hérold  ;  il  doit  jouer  ensuite 
la  Heine  d'un  jour. 

*.'  M"'  Julian  vient  d'obtenir  un  magnifique  succès  au  concert 
de  la  Société  philharmonique  de  Bruxelles,  à  laquelle  la  jeune  canta- 
trice était  allée  prêter  .'on  concours  désintéressé.  Après  le  concert, 
l'orchestre  lui  a  donné  une  1res  belle  sérénade.  M"'  Julian  va  venir 
passer  quelques  jours  à  Paris  ,  d'où  elle  repartira  pour  Lille  où  l'at- 
tend un  brillant  engagement. 

*,"  M°"  Caslellan,  cette  charmante  cantatrice  qui  a  obtenu  de 
grands  succès  à  Paris  dans  tous  les  concerts  où  elle  s'est  fait  entendre 
cet  hiver,  vient  de  partir  pour  Londres. 

*/  Dans  une  brillante  soirée  donnée  jeudi  dernier  par  M""»  Aguado, 
marquise  de  Las  Marismas,  on  a  entendu  les  chanteurs  espagnols 
venus  à  Paris  pour  donner  des  représentations  d'opéra  espagnol ,  qui 
n'auront  pas  lieu  à  cause  de  l'absence  d'une  primadonna.  M.  Dœhler, 
qui  est  cette  année  lornenient  obligé  de  tontes  les  soirées  fashiona- 
bles,  a  joué  quelques  nocturnes,  et  il  a  fini  par  tarenteller  aux  ap- 
plaudissements unanimes  de  l'élégante  assemblée. 

".'■  La  troisième  et  dernière  matinée  musicale  donnée  par  M.  Th. 
Dœhler,  avant  son  déiiart  pour  Londres  ,  au  profit  de  la  caisse  de 
l'Association  des  arliïlcsmusiciens,  aura  lieu,  dans  les  salons 
d'Érard,  le  30  a\ril.  M.  Dœhler  exécutera  les  morceaux  suivants: 

1.  Grande  sonate  de  Beethoven  pour  piano  seul  [ut  majeur,  op.  53); 

2.  Souvenir  (sicilienne),  la  Plainte  ,  l'Heureux  gondolier,  romances 
sans  paroles;  3  Grande  fantaisie  sur  ta  Somnambule  ( manuscrit); 
4.  la  Truite,  de  Heller,  Ballade,  Tarentelle  napolitaine. 

V  Le  grand  concert  historique  donné  par  M.  Amédée  Méreaux, 
au  bénéfice  de  l'Association  des  artistes-musiciens ,  est  remis  à  di- 
manche 5  mai ,  et  aura  lieu  au  Conservatoire.  Voici  le  programme  : 
Première  partie.  1493.  Piicre  au  tombeau  du  Christ,  le  Vendredi- 
Saint,  musique  de  Jean  Mouton,  niaitre  de  chapelle  de  François  I", 
chantée  par  les  élèves  de  l'école  de  M.  Pastou,  avec  accompagnement 
d'orgue.  —  1737.  7'risles  npprôts,  Castor  el  Pollux,  de  Rameau,  chan- 
tés par  M.  Delsarte. —  1695.  Trois  pièces  de  clavecin,  par  François 
Couperin.dela  musique  do  LouisXIV,  exécutées  par  M.  Amédée  Mé- 
reaux.—1779.  Songe  d'iphiijciiie ,  chanté  par  M.  Delsarte.  —  1686. 
Air  A'Armide,  de  Lulli,  chanté  par  M.  Eoulanger.  —  1530.  La 
Ilomuncsca,  air  de  danse  du  xvr  siècle,  exécuté  par  M.  Alard. — 
1  j40.  Les  Cris  de  Paris  SOUS  François  1",  par  Clément  Jannequin  , 
cUanlés  par  les  élèves  de  l'école  de  M.  Pastou  (sans  accompagne- 
njjnt).  —  172C.  Trois  pièces  de  clavecin  ,  par  Rameau,  exécutées  par 
M.  Amédée  Mereaux.  —  1550.  Choral  de  Claude  Goudimcl,  chanté 


154 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


par  les  élèves  de  l'école  de  .V.  P  sloa.— !fi>^5.  -Ih  '.  que'  l  i::nnc:ii  d'di- 
mei-xiiiis  espiiunce,  air  de  Roland,  de  Liilli,  chaulé  par  M.  Oelsarle. 
—  17211.  Cranile  soiiaie  fugiiée,  pour  piano  et  violon  ,  de  Jcan-Séljas- 
tien  r.aih  ,  exécutée  par  MM.  Amédée  Méraux  et  Alard.  —  Deuxième 
partie.  1785.  Grand  Concerto  en  ré  mineur,  de  Mozart ,  avec  accom- 
pagnement d'orchestre,  exécuté  par  M.  Amédée  Mércaux.  —  1770.  De 
noirs prestetniineiil-9,  air  de  Thons,  à'ipl.içjéine  en  J'amide,  de  GlucU, 
chanté  parM.  l^elsarle.  — 1700.  Cuntamio  un  di, dao  madrigiilcs;]uedc 
Clari,  chanté  par  M'""  Uorus-Gr.s  et  .M.  Boulanger.  — n:iO.  yJirvirié 
pour  le  clavecin,  de  Ilœndcl ,  exécuté  par  iM.  Amédée  Mércaiix.  — 
1G20.  Jiomanie  de  Gneriron  ,  maître  de  chapelle  de  Louis  XIlI ,  chan- 
tée par  M"'=  Dorus-Gras.  —  1741.  Allduia  du  j)/e^sie  ,  de  Ha>ndel , 
chanté  par  les  élèves  de  l'école  de  M.  l'aslou  ,  avec  accoriipagncmi'iit 
d'orchestre.— Prix  des  places  :  stalles,  10  fr.;  parquet  5  fr.  On  trouve 
des  billets  chez  M.AI.  Sclilcsinger,  rue  P.ichelieu,  97;  et  IMeycl,  rue 
r.ochechouart,  20. 

*."  M.  Prudent,  de  retour  de  Bruxelles ,  où  il  a  joué  avec  des  ap- 
plaudissements unanimes  au  concert  philanthropique  ,  donnera  , 
mardi  7  mai ,  un  conceri  au  ïhéJlrc-ltalien  ,  dans  lequel  il  fera  en- 
tendre les  morceaux  suivants  :  Siuvcnirs  de  Beethoven,  trio  de 
Guilluiirne  Tell,  And. nie  exprissif,  la  Ron.ie  de  nuit,  cl  le  caprice 
sur  les  Uwjuenols. 

V  Les  journaux  de  la  Nouvelle-Orléans  contiennent  les  détails 
les  plus  brillants  sur  le  triomphe  obtenu  par  M""  Cinti-l  amorcau 
dans  la  représentation  qui  a  eu  lieu  à  son  bénéfice  le  l5  mars  der- 
nier :  «  La  leçon  de  chant  du  Barbier,  dit  l'.-JbciUe,  où  M""  Danio- 
reau  a  introduit  ce  merxeillcu\  air  du  Henneni,  qui  semble  sa  créa- 
tion et  sa  propriété  ,  s'est  tern.inée  par  une  pluie  de  bouiiucts  lancés 
avec  un  tel  enthousiasme  ,  que  l'un  de  ces  énormes  paiiuets  de  fleurs 
est  venu  frapper  la  prima-donna  sur  l'épaule,  de  façon  à  lui  causer 
une  assez  vive  douleur.  A  la  fin  de  cet  air,  le  chef-d'orchestre,  au  nom 
des  musiciens,  lui  a  passé  une  couronne  d'une  élégance  et  d'une 
richesse  remarquables,  sur  les  rubans  de  laquelle  se  trouvaient  en 
lettres  d'or  ces  mots  :  A  M""  C.  Jjamoreuu  t'orcliesne  du  théâtre 
d'Orléuns.  Après  le  spectacle,  les  artistes  du  théâtre  ont  poursuivi 
M""  Damoreau  jusqu'à  son  hôtel  pour  lui  donner  une  sérinade, 
après  laquelle  ils  ont  été  invités  à  un  souper ,  dont  les  honneurs  ont 
été  faits  par  l'héroine  de  la  soirée  et  par  son  compagnon  de  voyage 
et  de  triomphe ,  M.  Arlôl ,  qui ,  nous  n'avons  pas  besoin  de  le  dire , 
a  eu  sa  bonne  part  dans  les  succès  de  cette  solennité. 

*.*  Dans  l'espace  de  huit  jours  ,  H.  cl  U""  Coche  ,  si  avantageuse- 
ment connus  ,  l'un  par  son  talent  sur  la  flùlc ,  cl  l'auire-siir  le  piano, 
viennent  de  donner  deux  concerts  à  Arras  et  un  à  Lille,  accompa- 
gnés de  1M"=  Morize,  jeune  cantatrice,  élè\e  du  Conscivatoire  de 
Paris,  auquel  ils  sont  tous  deux  altacliés  comme  professeurs.  L'exé- 
cution supérieure  de  M.  Coche,  habile  cl  ingénieux  propagateur  do 
la  flûte  dite  de  Bohm,  l'élégance  et  la  correction  de  son  jeu,  l'expics- 
sion  a\ec  laquelle  il  chante,  le  slyle  pur  et  correct  de  sa  femme,  qui, 
à  son  exem|ile,  ne  cherche  pas  à  éblouir  par  un  vain  luxe  de  dil'ti- 
cultés,  ont  obtenu  des  succès  de  bon  aloi  et  des  bravos  beaucoup 
plus  flatteurs  que  ceux  qu'on  enlève  à  force  de  moyens  mécaniques. 
Mii=  Morize,  qui  compte  à  peine  ,dix-sept  ans,  et  qui  appartient  à  la 
classe  de  Bordogni,  a  révélé  des  dispositions  qui  présagent  un  bel 
avenir  au  théâtre. 

•,*  La  semaine  dernière,  une  espèce  d'émeute  a  eu  lieu  au  Théâtre 
de  la  r.eine,  à  Londres.  Après  la  représenlation  de  £>on  Pasqunle  , 
deux  particuliers,  M.  H.  Hanwcll,  icnam  l'hôtel  de  Waterloo,  et  John 
Freire,  un  de  tes  employés,  ont  je;é  des  galeries  au  milieu  du  par- 
terre plusieurs  paquels  de  billets  imprimé-  ainsi  conçus  :  «  Pour- 
quoi n'a-t-on  pas  engagé  Salvi,  le  premier  ténor  de  l'Opéra-Ualien 
à  Paris?  11  faut  demander  compte  au  directeur  de  celte  négligence, 
et  au  besoin  renouveler  la  mémorable  démonstration  qui  a  été  faite 
à  l'égard  de  ïamburini  en  1840,   et  crier  do  toute  la  force  de  nos 


poumons:  Sihi!  .SaM  !  l'rgagerrz-vous  Sal>i,oui  ou  non?»  Le 
|)ublic  du  parterre  n'a  pas  failli  à  cet  appel.  Les  cris  :  Salvi  !  Salvi  !  » 
ont  retenti  de  toulcs  parts;  le  régisseur  s'est  présenté  pour  balbutier 
quelques  excuses,  on  n'a  pas'voulu  l'écouter  ;  on  a  lancé  sur  lui  une 
grcle  de  pièces  de  monnaie  de  cuivre,  et  on  a  fini  par  arracher  les 
bauqueltes  et  démolir  les  barrières  de  séparation.  Les  distributeurs 
de  celte  provocation,  qui  ne  portait  point  de  nom  d'imprimeur,  ont 
été  conduiis  au  bureau  de  police  de  Malborough-slreei.  M.  I.umley, 
directeur  de  l'Opéra-Ualien,  a  déclaré  porter  une  plainte  an  compi- 
racij ,  c'est-à-dire  de  complot  imaginé  pour  nuire  à  son  entreprise 
théâtrale.  MINL  llanvvell  pi  Freire  n'ont  obtenu  leur  liberté  provi- 
soire qu'en  fournissant  caution  de  se  présenter  à  la  prochaine  ses- 
sion correctionnelle;  le  cautionnement  csl  ,  jiour  chacun  d'eux,  de 
100  livres  sterlings,  et  encore  à  la  charge  de  faire  recevoir  deux  cau- 
tions folvables  de  60  livres  sterlings  chacune;  en  tout  5,IH)0  fr..ncs 
pour  chaque  délinquant. 

*,"  f.onlrjs.  —  le  17  on  a  donné  au  Queen's-'Ihcatre  la  Sémira- 
nii'le  avec  une  distribution  magnifique.  M"''  FaNanti ,  dont  la  belle 
voix  de  conlralio/ni(/aHn/i«ne  à  Londres,  remiilistait  le  rôle  d'Ar- 
sace.  M"'  Grisi  a  reirouvé  dans  plusieurs  passages  du  rôle  de  la  reine 
les  inspirations  de  son  beau  temps.  Fornasari  chantait  Assur,  Corelli 
Idreno,  etenlin,  pour  compléterce  rare  ensemble,  Lablache  n'avait 
pas  dédaigné  le  petit  rôle  du  grand-prélre  Oroé  —  A  Drury-I.ane  le 
ballet  de  /.ady  Henriette  n'a  eu  qu'un  succès  tiès  douteux  ,  et  les  an- 
(;lais  se  demandent  ce  qui  a  pu  le  fuiic  réussir  à  Paris,  lin  revanche, 
W"«  Lucile  Grahn  est  toujours  1 1  favorite  des  amateurs,  nonobstant 
le  grand  éclat  que  vient  de  jeter  Carlolta  Grisi. —  Le  grand  tragé- 
dien Macready  excite  l'enthousiasme  dans  les  représen-ations  qu'il 
donne  en  ce  moment  aux  États-Unis.  Les  rôles  d  Hamiet ,  de  Virgi- 
nius,  de  Fiichelieu,  ont  été  pour  lui  autant  de  triomphes.  —  Uuprez, 
dans  son  court  séjour  à  Londres,  a  gagné  1,200  liv.  sterl.  (30,000  fr.). 
Son  engagement  lui  assurait  l.OOJ  liv.  sterl.  (2.5,000  fr.),  et  son  béné- 
fice a  réalisé  le  cinquième  de  cette  somme.  —  On  joue  aux  États- 
Unis  une  pièce  empruntée  aux  événements  qui  agitent  l'Angleterre. 
Elle  a  pour  titre  The  repeal.  —  Au  second  concert  de  la  Société  har- 
monique, John  Parry  doit  chanter  une  de  ses  scènes  d'opéra. — 
Ernst  est  parti  pour  Dublin  ;  il  s'y  fera  entendre  à  deux  concerts  de 
la  Société  philharmonique.  —  Salvi  ,  dont  le  nom  a  servi  dernière- 
ment de  drapeau  à  une  espèce  d'émeute  dilettante  contre  la  direc- 
tion du  Queen's-Theatre,  vient  d'arriver  à  Londres. 

","  Vienne,  18  avril.  —  Avant-hier  a  eu  lieu  la  première  repré- 
sentation du  Biirbiere  di  Siiiglia.  ce'te  création  du  génie  de  Ros- 
sini ,  qui  sera  ce.core  fraîche  et  adorable  lorsque  toute  la  musique 
boul'i'e  d'aujourd'hui  sera  depuis  longtemps  fanée  et  oubliée, 
jimc-  pauline-Yiardol ,  Honconi  et  Ro>ere  ont  été,  comme  dans  la 
saison  dernière,  Rosine,  Figaro  et  Barlolo;  Gardoni  et  Marini  nous 
étaient  nouveaux  comme  Almaviva  et  Basilio  La  Rosine,  également 
parfai  e  par  le  chant  et  par  le  jeu,  est  maintenant  la  propriété  ex- 
clusive de  M""  Viardot.  Où  en  trouver  une  seconde  qui  réunisse  à 
la  fois  le  sang  espagnol ,  le  feu  italien  ,  la  finesse  française,  un  goût 
incomparable  ,  la  plus  étonnante  souplesse  de  gosier,  et,  dans  l'ac- 
tion, la  naïveté  la  plus  charmante?  Si  M'"'  Viardot  a  jamais  eu  une 
Rosine  rivale ,  ci'e  était  de  même  sang:  c'était  sa  sœur.  Les  deux 
sœurs  pouvaient  seules  se  dî.-puter  la  palme  dans  ce  rôle.  Nous 
n'avions  jamais  entendu  tant  de  grâce  et  de  facilité  dans  l'exécution 
des  traits  les  plus  hardis.  Les  fleurs  du  chant  les  plus  brillantes  et 
les  plus  suaves  se  déroulent  de  cet  admirable  organe  sans  que  jamais 
on  découvre  un  effort,  ni  le  moindre  mouvement  pénible  La  plus 
pirfaite  méthode  et  les  plus  riches  dons  de  la  nature  sont  ici  confon- 
dus. On  pourrait  dire  que  M""  Viardot  pnrle  le  chant  de  bravoure. 


Le  Directeur,  Jlédacicu 


chef,  WAur.ici;  SCill.ESINGER. 


Wil 


on  CTMNASE  bj'^  DOIGTS  A  L  USAiiE  DES  PIANISTES 


lXrcv<;ié   en   France      1     Le  C/nroyt/înnûsic  est  Un  assemblable  lie  ticafappa- 
et en  Angicierre.  reîls gymnastiqucs  destinésà  donnerde  Yexlcnsion  à 

la  main  et  de  Yéoart  aux  doigts  à  augmenter  et  à  ériall- 

Inventa  par  C.  MABTIN  «cr  leur force  et  ù  rendre  le  (/unineœe  et  \ecinqtdàme 

Facteur  tie'piano»,        indépendanla  de    tous  les  autres.  Le  Chirogymnaste 

BREVETÉ  mj  BOI      aètèaussi  approuvé  et  adopté  parMM.Adam,Dertini, 

Place  de  la  Boui-se,_JS.    „c  Jlcriot,  Cramer,  Uerz,  Kalkbrenner,  Listz, iloschelùs 

et^'Ké'danVicV^îLïiîaU^»'»"''  Sivon,Thal])erg,  Tulou, Zimmcrmann.tlc. 

deaCo^scBVATOiBEis      Chaque  Chirogymnaste  est  revêtu  delà  signature 

de  Paru  et  de  Londres,     de  l'inventeur  et  SB  Vend  place  de  la  Bourse,  n°  13, 

U/iKiIa;)pore!l!,  50/'r.,oneii/'app.00/'r.,  métbode.Zfr. 

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Les  expëditioQs  sont  faites  contre  remboursement.  Ecrire  fran«a. 


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On  peut  ,  avant  de  conclure  un  marché,  comparer  ces  instrument 
avec  ceux  de  tout  autre  facteur. 


DE  PARIS. 


155 


|l0ur  paraître  le  20  Û\aï  prorijatm 

MORCEAUX  DE  CHACT  DE  L'OPÉIIA 


Ouverture. 
.  1.  Cavaline  chanlcc  par  M»'  Slollz. 

2.  Air  de  l'improvisateur,  chanté  par  M.  Barroilhet. 

3.  Duo  chanté  par  M""  Stoltz  et  M.  Barroilhet. 

4.  Cliansori  de  la  Bouquetière,  chantée  par  M""  Dorus-Gras. 

5.  Duo  chante  par  M""  Dorus-Gras  et  Stoltz. 

6.  Trio,  par  MM.  Barroilhet,  Levasseur  et  K""  Dorus-Gras. 

7.  Couplets  du  baplêrtie  de  la  cloche,  chantées  par  M""  DoruS' 

Gras. 


Paroles  de  M.  us  Saint-Geoecrs. 

N.    S.  Duo  chante  par  M.  Barroilhet  et  M"  '  Dorus-Gras. 
9.  Chansonnette  chantée  par  y.""  Stoltz. 

10.  Duo  chanté  parM"'"  Stollzel  Dorus-Gras. 

1 1.  Duo  chanté  i>ar  M.  Barroilhet  et  K""' Stoltz. 
Il  bis.  Cavaline  extraite,  chait'e  par  M.  Barroilhet. 
11  1er.  Romance  extraite,  chantée  par  M"»'  Stoltz. 
1?.  Trio  chanté  jiar  MM.  Levasseur,  Bai  roilhet  et  M™ 

Gras. 
13.  Couplets  chantes  par  M"'  Stoltz.  ' 


PRÉCÉDÉE  d'un  nouveau  MODE  D'ENSEIGKEMENT,  ET   SUIME   DS  NOTIONS  PRATIQUES  SUR 

L'ACCORD  DU  PIANO,  par 

DUGHEMIN-BOISJOUSSE. 

Prix  :  2k  fr. 
Chez  i'AïaScsir,  S,  sue  BEacinEe,  près   l'Odécu. 


]\OUVEAUX    PROGRES 

PAR 

Xordres,   106,  BTew-Bond-Street. 


PARIS, 
É9, 


rue    aes   SonS-JEstfaîStS.  i'tKUUr  ÎIC  JpiOllOS  ÎHl  Hoi.  Bruxelles ,  85  ,  rue  de  lo  Madelai. 

PiMOS  A  MÎT  OCTAVES. 


Les  nombreux  perfectionnements  introduits  par  M.  Pape  dans  la 
fabrication  îles  pianos  ont  apporté  des  améliorations  importantes 
dans  celte  branche  d'industrie;  l'une  des  plus  remarquables  est  sans 
contredit  le  systèmede  mécanisme  en  dessus,  à  l'aide  duquel  M.  Pape 
est  parvenu  à  résoudre  les  problèmes  de  réduction  des  formats  avec 
augmentation  de  son  et  de  simplification  des  mécanismes.  Plusieurs 
des  nouveaux  instruments  de  M.  Pape  ,  tels  que  les  pianos-consoles 
et  les  p'anos-tables ,  démontrent  de  la  manière  la  plus  évidenle  les 
avantages  de  ce  système.  Ces  pianos  réunissent ,  dans  la  dimension 
la  plus  réduite,  une  puissance  et  une  qualité  de  son  telles  qu'aucun 
piano  du  système  ordinaire  ne  peut  leur  être  comparé. 

Une  fois  arrivé  à  faire  de  bons  pianos  dans  de  petits  formats,  il 
devenait  facile  pour  M.  Pape  de  le  faire  dans  de  grandes  dimen- 


sions; c'est  ainsi  qu'il  a  pu  porter  les  claviers  des  pianos  à  queue  à 
huit  octaves  en  obtenant  une  parfaite  sonorité  dans  toute  leur  éten- 
due. Ces  claviers  prennent  de  l'u(  le  plus  grave  de  l'orgue  (32  pieds) 
jusqu'au  neuvième  m  sur-aigu,  ou  du/a  au/o;  on  peut  aflîrmeravec 
M.  Fétis  que  l'étendue  du  clavier  doit  avoir  a  teint  par  là  ses  der- 
nières limites.  Ce  nouveau  perfectionnement,  qui  fournit  tant  de 
ressources  pour  l'art,  est  déjà  apprécié  par  desavanis  compositeurs, 
et  il  ne  tardera  pas  à  devenir  d'un  usage  général. 

Les  pianos  à  queue  à  huit  oclaves  réunissent  à  une  construction 
simple  une  infinité  d'autres  avantages,  qui  sont  détaillés  dans  des 
notices  explicatives  contenant  aussi  la  nomenclature  des  brevets  de 
M.  Pape,  et  qui  seront  publiées  incessamment. 


27  mSTRUMENTS  RREVETES. 


POUR 

CENT 

PAR   AN 


10 

ASSOCIATION 


soa&t   s&sssEi'és  «lès    aiajoiii'd'Iiiii   à    lUITI.   les   Actionnaires.    Oii 

ItOBsiffa.  '«'Igâtes°  S(9ïss  îes  josars,  de  giste  iieiire  tt  quatre  lieiires, 
1»  faSsi-iasEse  «Se  M.  SAX,  eus  îjleiai  ragiiioa't. 

10,  RUS  KrEUVZ:-SAINT-G£OB.GES  ,  A  PARIS. 

Po'dr  l'Exploitation  de  tous  les  Inslruments  de  musique ,  à  vent ,  en  cuivre 
et  en  bois,  et  de  ceux  qu'a  inventés  M.  AU.  SAX ,  qui  sont  adoptés 
par  les  Régiments,  les  principaux  Conservatoires  et  Théâtres  de  France  et 
de  l'Etranger. 

M.  AD.  SAX,  pour  satisfaire  aiix'demandes  qui  lui  sont  adressées  de  toutes  parts  ,  se  croyant  obligé  de  donner  une  plus  grande  exten- 
sion à  sa  fabrique ,  vient  de  fonder  une  Sociélc  par  actions  de  2,'>()  fr.  et  de  otiO  l'r.  Dès  aujourd'hui,  ES.  SAX  assure  aux  actionnaires  un 
bénéfice  de  10  pour  tOO  par  an  ,  et  une  part  proportionnelle  dans  les  béncfiies.  Les  inslruments  nouveaux  de  M.  AU.  SAX,  approuvéspar 
MM.  Kossini,  Spontini,  Auber,  Halévy,  Berlioz,  Carafa,  Ad.  Adam,  A.  Thomas,  G.  Elastner,  doivent  remplacer  une  grande  partie 
des  instruments  dont  on  se  sert  aujourd'hui  dans  les  Régimenls,  les  principaux  Théâtres  et  Conservatoires,  tl  n'est  pas  besoin  d'insister  sur 
la  moralité  et  le  résultat  d'une  pareille  entreprise. 

Les  actions  sont  au  porteur,  de  250  et  de  .!iiio  fr.  Les  personnes  de  la  province,  en  envoyant  un  bon  à  vue  sur  Paris,  pour  la  somme  d'ac- 
tions qu'elles  désireront,  recevront  l'Acte  de  Société  et  les  litres  en  échange  par  le  courrier.  On  souscrit  à  Paris,  10,  rue  Neu\e-St  Georges. 


Mnsi^ue  ttauvette  )>t*btiée  en  18JI-M  t*n»'  MTAirMeMCJE  SCBMéEStI¥CiM:Ml,  99,  wte  ItieheMief. 


Ouvrages  théoriques. 

FÉXIS.  Tiaili;  coiiiplet  Je  la  tlu-orie  et 
lie  la  pratiiiiie  rie  l'Iiarmonie, 
)  beau  vol.  inSo.  Prix  net.         10 
Partitions. 

HALÉVy.  Charles  VI.  Grande  parti- 
tion. 400 

—  Orchestre.  400 

—  Partition  pour  piano  et  chant,  net.  40 

—  Piano  solo ,  net.  23 

Piano. 
CRAMER  (J.-B.).  Conseils  à  mes  élevés, 
nouvelle mélhode  île  piano. 
2=  édition  revue  et  augnienlic, 
dans  laquelle  se  trouvent  33 
morceaux  éJémentaires,  12  mor- 
ceaux à  4  mains  Iré.i  faciles , 
lOS  éludes  préparatoires,  et  24 
études  nouvelles  et  progressives.  20 

—  Op.  100.  Solfège  pour  les  doigts, 

nouvelle  école  pratique  du  piano, 
consistant  en  100  exemples  d'une 
dlfncnlté  progressive  et  d'une 
grande  variété  de  formes ,  ser- 
vant d'exercices  préparatoires  à 
l'exécution  des  compositions 
modernes  et  des  grandes  études 
de  l'auteur.  20 

—  Exercice  journalier,  consistant  en 

gammes  dans  tous  les  tons ,  en 
exercices  calculés  pour  donner 
aux  mains  la  position  convena- 
l)le ,  et  servant  d'introduction 
auxÉtudes  de  Clémenti,  Cramer, 
Moschclés,  etc.  9 

—  23  Études   caraclérislijqnes    j)our  ^ 

servir  de  suite  à  ses  Études.         13 

—  Etudes  de  délassement,  coUeclion 

de  pièces  doigtées  et  classées 
progressivement.  12 

CZERN  Y  (C.  j.  Etude  des  études,  ency- 
clopédie des  passages  brillants 
pour  le  piano ,  extraits  des  a  u- 
vres  des  pianistes  célèbres,  depuis 
Scarlalli  jusqu'à  Tlialberg  et 
Docllier,  2  suites.  Chaque.  13 

—  Le  premier  maître  de  piano  ,  étu- 

des journalières,  4  livrais.  Chaq.    6 

—  Op.  699.  l.'ai-t  de  délier  les  doigis, 

30  Études  de  perfectionnement 
en  2  livraisons.  Cha>|ue.  |g 

CHOPIN.  Op.  o;).  5  Maiin-kas.  7  J 

—  Op.  51.  5=  Impromptu  6 

—  Op.  32.  i'  Ballade.  7  i 

—  Op.  33.  S'  Grande  polonaise.  7  £ 

—  Op.  54.  i'  Scherzo.  9 
DÉJAZET  (E.).  Op.  29.    IMélodie    et 

rondo  militaire  tirés  de  Char- 
les VI.  6 
DOEHLER.  0(1.  44.  6  Romances  sans 

paroles,  en  2  livrais.  Chaque.         7  ^ 

—  Op.  43.  N-  I  et  2.  2  Études  à  4  m.  7  c 

N.3.  L'AdicndeSchubert, trans- 
crit et  varié.  3 

—  4.  I.e  Tournoi.  6 

—  S.  Le  lioliémien.  6 

—  6.  L'Udalgo.  6 

—  30  grandes  (■Indes  de   salon,  en 

2  livraisons.  Chaque.  20 

DREYSCHOCK.    Op.   22.    Variations 

pour  la  main  gauche.  6 

—  Op.  2.').  Andunic.  7  £ 

—  23.  La  Coupe.  S 
ilELLER.  Op.  2S.  Caprice  symphoni- 

(|uc.  9 

—  29.  La  Chasse  6 

—  30.  Dix  lîeusî'-cs  fngiiives.  » 

1.    l'.lSSI'. 


2.  Sonv 
5.  IKiin 


A:;iti 
Prix 


0.  Adieu. 

7.  Uéverie. 

S,  Caprice. 

9.  Inquiélnde. 

10.  Intermezzo, 
ehaipic  :  3  fr. 
sie  ïur  la  Juive. 


—  Op.  31. 

—  32.  Biih'ro.  d» 

—  S7.  I'',inlaisii'  sur  Charles  VI. 

—  ns.  Ciprice  d" 

—  .->9.  I..iKLTnics?e. 

—  M.  Jliscellanérs 

—  41.  Caprice  sur  le  Pi)serteur. 
lïENSEI.T.  Op.   !.■;.  N.  3.  Cavatine  et 


heuz 


dIIc 


r.9.  .3  Airs  de  ballet  de 
1.  on  rondeaux  bril- 
.  la  Pavanne.  N.  2  ,  la 
.   N.  3  ,  la  Bourrée. 


riUNTK.N.  (V\\).  Jliisaïqnc  de  Charles  VI, 

en  'i  suiles.  Chaque.  7  I 

—  Mosaïipie  du  Déserteur.  ^  7  i 

KALKBUENNER.Op.  163.  Grande  fan- 
taisie de  hr.ivoure  sur  le  duo  des 
cartes  de  Charles  VI.  9' 


KONTSKI  (A.).  Op.  00.  Fantaisie  sur 

la  romance  deGuidoet  Ginevra.  7  50 
— .  Op.   fil.  Fantaisie  brillante  sur  la 

Juive  d'Halévv.  7  50 

LECARPENTIER.  ôè=  et  57'  Bagatelle 

sur  Charles  VI.  Ch.'Hjue.  i 

—  42e  Bagatelle  sur  des  romances  de 

l'Album  de  iMl:e  lia  Duport.  I 

LISZT.  2e  Marche  hongroise.  : 

—  Canzone  napulilana.  ! 

—  Fantaisie  sur  Don  Juan.  11 
OSBORNE.  Op.  48.  Fantaisie  surChar- 
les VI. 

REDLER.  Le  Livre  d'or  des  jeunes  de- 
moiselles, en  6  livres  : 

—  Op.  43.    i"  Bagatelle   Iros  facile 

et  agréable  sur  Robert-le-Diab.  I 

—  46.  2'=  Bagatelle  sur  la  Favorite.  I 

—  47.  3i-  Bagatelle  sur  la  Juive.  I 

—  48. 4' sur  les  Huguenots.  1 

—  49.  3e  sur  la  Reine  de  Chypre.  I 

—  30  6e  Bagatelle  sur  Charles  VI.  i 

—  39.  7»  Bagatelle  sur  le  Déserteur.  I 
ROSEL  LEN.  Op.  34.  L'Aérienne,  valse.  I 

—  Op.  36.  Fantaisie  brillantesnr  Char- 

les VI.  : 
SCHUBERT  (P.).  Op.  59.  Variationssur 

le  chant  national  de  Charles  VI.  ( 

STAMATY.  Op.  S.  Sonate.  ! 

—  Op.  9.  Fantaisie  sur  la  Juive.  ', 

—  10.  Fanlaisie  sur  Charles  VI.  : 
THALUEKG.   Op.  47.  Grandes  valses 

brillantes.  ! 

—  Op.  48.  Grand  caprice  sur  Char- 

les VI.  ! 

—  6  Romances  sans  paroles,  l^'ct  2« 

recueil.  ; 

—  Op.  49.  Fantaisie  sur  Béatrice  ii 

Ten'la.  i 

—  Op.  31.  Fanlaisie  sur  Sémiramis.  1( 
WOI.FF.  Op.  84.  I.a  Reine  de  Chy|irc, 

2"^  valse  originale.  ( 

—  Op.  83.  13'^  Nocturne.  f 

—  Op.  88.  Valse  sur  des  motifs  de 

C.liarlcsVI.  { 

—  O]!.  93.  La  IMélancolie  et  l'Espoir , 

deux  morceaux  de  salon.  ( 

—  Op.  97.  L'Andalouse,  3e  valse  ori- 

ginale. { 
S'iano  ù  4  mains. 

BERLIOZ.  Ouverture  du  Carnaval  ro- 
main par  Pixis.  i 

BEETHOVEN.  Op.  15.  Grande  sonate 

pathétique.  * 

CZERNY.  Op  716.  Grand  duo  brillant 

sur  la  Reine  de  Chypre.  î 

—  Op.  717.  Grandes  variations  sur  la 

Favorite.  ! 

DOEHI.EIl.  Deux  études.  ; 

—  L'AdicndeSchubert,  transcrit  pour 

piano  à  4  mains.  { 
HERZ  (J.).  3  Airs  de  Ballet  à  4  mains. 

Chaipic.  i 
LECARPENTIER.  Op.  79.  Divertisse- 

menl  siu"  Charles  VI.  ( 
ROSELLEN   (H.).  I,' Aérienne,  valse 

brillanle.  ( 

THAl.BtRG.  Romance  sans  paroles.  ( 

—  FeliceDonzella,  romance  italienne 

(le  J.  Dessauer,  Iransc.  ' 

THALBEUG.  Op.  3.  Adagio  cl  Rondo,  t: 

—  Op.  10.  Capnicli.  i 

—  Op.  20  Étude  en  la.  ; 

—  Op.  31.  Scherzo.  ; 

—  Op.  40.Donnadcl  Lago.  1( 

—  Op.  43.  S' Fantaisie  des  Huguenots.  V. 

—  Op.  47.  Grandes  valses  brillanles.  K 

—  Op.  48.  Gr.  caprice  sm- Charles  VI.  K 

—  Op.  31.  Grande  fantaisie  sm-  la  Sé- 

miraniide.  K 

—  Mi  inanca  la  voce  de  Mosé.  ; 
WOLFF.  Op.  74  bis.  Grand  duo  sur 

Rohert-le-Diable.  ! 

—  Op. 73.  Gr.  duo  sur  les  Huguenots.  ! 

—  79.  ïd.  sur  Guido  et  Ginevra.  1 

—  80.  lil,  sur  la  Juive.  ! 

—  86.  Id.  sur  Charles  VI.  ! 

Quadrilles. 

LEDUC.  La  Mule.  4  30 

TOLBECQUE.  I  es  Enfants  terribles.  4  30 

—  Le  Gondolier  de  la  Vislnle.  4  60 

—  LeBoidionune.  l 

—  3  Quadrilles  sur  Charles  VI.  Ch.  i 
\VAGiVER(P.).  Le  Bal  d'enfanls  aux 

Tuileries,  quadrilles  faciles. 

—  1.  La  Favorite.  i 

—  2.  Le  Guitarrero.  J 

—  3.  La  Reine  de  Chypre.  ' 

—  4.  Adelia.  '■ 

—  3.  Une  Nuit  à  Grenade.  l 

—  6.  Charles  VI.  i 

—  La  Danse  des  fantômes.  ' 

—  Le  Retour  du  croisé.  ■! 


WAGNER  (P.).  Le  Diable  rouge. 

—  La  Noce  de  Lénore. 

—  Le  Lac  bleu. 

—  La  Grotte  des  fées. 

Quadrilles  à  -S  mains. 
LEFEBURE  WELY.  Trois  quadrilles 

sur  Charles  VI.  Chaque. 
Polkas. 
STRAUSS.  La  Carlolta. 
LANNER.  La  Cerrilo. 

—  La  Duchesse. 
WOLFF.  Polka  des  princes. 

—  Polka  de  la  cour. 

—  Le  Faubourg  Saint-G("rmain. 

—  Le  Faubourg  Saint-Hunoré. 

—  Les  Camélias. 

—  Les  Eaux  d'Ems. 

—  Les  Rayons  du  soleil. 

—  Caroline. 

—  Le  Bal  de  la  reine. 
LABITZKI.  Les  Anémones. 

—  Les  Tubéreuses. 

—  Les  Roses  de  Bengale. 
DUC  n.  DE  BAVIERE.  Améhe. 
WOLFF.  La  Maréchale. 

—  La  Favorite. 

—  L'Amazone. 

—  La  Biihéniienne. 
STRAKA.  La  Couronne  de  lis. 

—  Le  Bouquet  d'immortelle. 

—  La  Branche  d'aecacia. 

—  Pcilka  favorite  de  Paris. 
.(OACHYM.  La  Course. 

Valses. 
DUC  M.  DE  BAVIERE.  Les  Phalènes. 

—  Souvenirs  de  Paris. 
LABITZKI.  Op.  83.  Les  Elégantes. 

—  Op.  80.  LesSyrènes. 

—  87.  l'ublin. 

—  8S.  Edindiourg. 

—  S9.  La  Grandc-Brelagne. 

—  90.  La  saison  de  Londres. 

—  92.  Charles  VI. 

—  9'i.  Odelte. 

—  93.  Les  Parisiennes. 

—  90.  Charlotte. 

—  98.  La  Réunion. 
LANXER.  Op.  183.  Les  Adieux. 


—  O. 


.  193.  Les  Idéales. 
Le  Fan bon r 


4  50 
St-Germain.    4  30 


197.  Les  Troubadours. 

198.  Les  Nayades. 
203.  La  danse  des  Sorcières. 

STRAUSS.  Op.  132.  LaDcbulanle. 
011.134.  Egéric. 

153.  Le  Maiire  de  Danse. 
1.39.  Les  Fantastiques. 

140.  Les  Réunions  musicales. 

141.  Les  Ménestrels. 
113.  Latone. 


4  50 
4  30 
4  30 
4  30 
4  30 
4  30 
4  30 
4  30 
4  30 
4  30 


.  Mil 


—  146.  Les  Démons.  4  S 

—  130.  Les  Artistes.  4  5 

—  130.  Les  Caprices.  43 

—  134.  Valses  du  Rhin.  43 

—  133.  Les  Jeunes  folles.  4  6 
WAGNER  (P.).  Le  Bal  d'enfants  .lUx 

Tuileries,  valses  faciles. 

—  N.  1.  Les  Mille  Heurs.  45 

—  2.  Les  Boutons  de  roses.  4  3 

—  5.  Les  Fleurs  d'oranger.  4  5 
Valses  si  4  mains. 

STRAUSS.  Op.  100.  Ma  Patrie.  6 

—  109.  Les  Piaules  exotiques.  6 

—  120.  Saiide  Cécile.  6 

—  127.  Chants  du  Danube.  6 

—  128.  Apollon.  6 

—  129.  Adélaïde.  6 
Pîano  et  Violon  concertants. 

HELLER  etERSST.  Pensées  fugitives 
N.  1.  Passé.  3    »        9.  Inquiétude.  5 

2.  Souvenir.    S    »      10.  Prièrepen- 
5.  Romance.  5    »  dant  l'o- 

4.  Lied.  3    >  rage.  3 

5.  Agitalo.      S    »      11. Intermezzo. 3 

6.  Adieu.         3    »        12.  Presloca- 

7.  Rêverie.     5    »  pricioso.  5 

8.  Caprice.      5    » 
KALKBUENNERelPANOFKA.  Op.  164. 

Grand  duo  brillant  sur  la  Juive.  10 

—  Op.  166.  Grand  duobrillant  sur  la 

Favori  le.  10 

—  Op.  167.  Grand  duo  brillant  sur  la 

Reine  de  Chypre.  10 

—  Op.  168.  Grand  duo  brillant  sur 

Charles  VI.  10 

LOUIS.   Op.   137.  Fantaisie  héroïque 

sur  Charles  VI.  10 

PANOFK  A.  Mosaïque  de  Charles  VI,  en 

2  suites.  Chaque.  9 

THALBERG  et  PANOFK  A.  Op.  49.  Gr. 

duo  brillant  sur  des  motifs  de 

Béatrice  di  Tenda ,  de  Bellini.      10 


Piano  et  Violoncelle. 

DOTZAUER.  Adélaïde  de  Beethoven , 
la  Rose  de  Spuhr,  la  Sérénade 
de  F.  Schubert, en  2  livres.  Ch. 

HELLER  et  LEE.  12  Pensées  frigitivcs. 


N.  1.  Passé. 
2   Souvenir. 
3.  Romance. 
Lied. 


9.  Inquiétude.  S 
10.  Prière  pen- 
dant l'o- 
rage. 5 
ll.lntèrmezzo.5 
12.  Presto  ca- 
pricioso.    5 


3.  Agitato. 

6.  Adieu. 

7.  Rêverie, 

8.  Caprice. 
MENDELSSOHN.Op.  19.Six  romances 

sans  paroles.  1"  livre. 

—  Op.  30.  M.        2e   livre. 
LEE.   Op.  52.  Grande  Fantaisie  sur 

Charles  VI ,  avec  ace.  de  piano.     7  50 
KALKBRENNER  et  LEE.  Grand  duo 
sur  les  Huguenots.  9 

—  /(/.        la  Juive.  10 

—  /(/.       la  Favorite.  10 

—  Id.       la  Reine  de  Chypre.        10 

—  M.        Charles  VI.  10 
THALBEUG  et  LEE.  Grand  duo  sur  les 

Huguenots.  10 

—  Gr.  duo  sur  Benlrlce  di  Teiida.      10 
WOLFFctBATTA.  Duo  sur  la  Favorite.    9 

—  Id.        la  Reinede  Chvpre.  9 
WOLFF  et  LEE.  W.  Uohert-lc-Diable.  10 

Piano  et  S''lùte. 
GREGOIRE  et  VIEUXTEMPS.  Fantai- 
sie surlegr.  duo  des  Huguenots.  10 
KALKBRENNER  et  WALCKIERS. 

—  Op.  164.  Grand  diio  sur  la  Juive.      10 

—  166.  Id.  sur  la  Favorite.  10 

—  167.  Id.  SurlaReinedeChypre.lO 

—  167.  Jd.  sur  Charles  VI.  10 
WOLFF  et  WALCKIERS.  Grand  duo 

sur  la  Favorite.  10 

—  Id.     ■sur  la  Reine  de  Chvpre.      10 
THALBERG  et  WALCKIERS.  Duo  sur 

les  Huguenots.  10 

sur  Béatrice  di  Tetido.  10 

Violon. 
E!\NST.  Op.  19.  Le  Carnaval  de  Venise, 
23  variations  burlesques ,  avec 
accompagnement  de  piano  ou 
quatuor.  9    • 

—  Op.'20  Intioductionet  caprice  sur 

le  Pirate,  avec  accompagne- 
mrnl  de  piano.  9    > 

GUICH  A  R  D.  Ecole  d  u  violon  ;  nouvelle 

méthode  complète.  23    • 

ONSI.OW.  34e  Quatuor  pour  deux  vio- 
lons, alto  et  basse.  15    » 

PaNOFKA.  Op.  38.  Grande  scène  dra- 
matique, avec  ace.  de  piano.        7    50 

—  40.  Grande  valse  de  bravoure.         7  50 
I/ouverture  cl  les  airs  de  Charles  VI 

en  quatuor  pour  2  violons,  alto  et 
basse ,  pour  2  violons  et  pour  vio- 
lon scitl. 

Flûte. 
WALCKIERS.  Op.   8-2.  Fantaisie  sur 
Charles  VI ,  avec  accompagne- 
ment de  piano- 
fj'ouverture  et  les  airs  de  Charles  VI 
en  quatuor  pour  fli'tle,  violon,  alto 
et  basse,  pour  2  flûtes  et  pour  flûte 
seule. 

Cornet  il  Pistons. 
GUICIIARD.  Airs  de  Cliarles  VI  pour 
2  cornets,  2  suites.  Chaque. 
Les  mèmiîs  pour  cornet  seul.  7  30 

SCHILTZ.  Vive  le  plaisir!  100  mélodies 
et  airs  favoris  des  opéras  célè- 
bres de  Meyerbeer,  Halévy ,  Do- 
nizeiti ,  Weber,  Spohr  et  Mozart 
pour  carnet  seul.  4  suites.  Ch. 

—  Amusons-nous.  100  morceaux  favo- 

ris de  Meyerbeer,  Rossini ,  Ha- 
lévy ,  Donizetli ,  Mozart,  We- 
ber, etc.,  pour  cornet  seul.  4 
suites.  Chaque. 

—  Les  Plaisirs  du   cornetiste.  Cent 

duos  ]iour  2  cornets  à  pistons. 

4  suiles.  Cha  pie.  7  30 

SIi!*SOILLIEZ.  Douze  ipiatuors  pour  4 

cornets  à  pistons  sur  Robert.  9  1 
Collection  des  Duos  progressifs. 
SCHILTZ.  Op.  1 1 0. 1  er  livre.  6  duos  très 

faciles.  7  50 

—  Op.  m.  2e  livre.  6  duos,  51=  force.    7  50 

—  112.  3e  livre.  5  grands  duos, 
2«  force.  7  SO 

—  Op.  113.  4e  livre.  5  grands  duos, 

2e  force.  7  50 

—  Op.  1 14.  5"  Uvre.  5  grands  duos, 

l'e  force.  7  59 

—  Op.  115.  6e  livre.  5  grands  duos 

1"  force.  7  30 


Paris.— Imp.  de  Bourgogne  et  tVlailinet,  rue  Jacob,  3o. 


Pour  Paris  :  un  an ,  30  fr.  ;  six  mois,  15  fr.     —    Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres    —    Départements  :  un  an ,  34  fr.  Etranger,  38  fr. 


MM.  ANDERS  ,  G.  BENEDIT,  BERLIOZ ,  HENRI  BLANCHARD 

MiUUICE  BODRGES,  F.  DANJOU,  Dt'ESBERG ,  FÉTIS  père,  ÉD3UARD  FÉTIS,  Stepuen  HELLER,    J.  JANIN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  GEORGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Ptei'eeissamt  l&MS  tes  SShaimMcSies. 

IL  SERA  JOIXT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UIV  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARXI. 
Le    i"   et    Ec    IS  de  cliaciiic   mois   on    recevra    on  morecati    de   masiqne» 


SOMMAIRE.  Conservatoire  royal  de  musique  et  de  déclamation  : 
Exercice  dramatique  et  lyrique;  parPACL  SMITIl.  —  Coup  d'oeil 
musical  sur  les  concerts  de  la  semaine  et  de  la  saison.  —  Revue 
critique;  par  G.  KASTNER. — A  la  mémoire  de  Berton;par 
ANTOIVI  DESCHAMPS.  —  Nouvelles.  —  Annonces. 

IL  SIGIVOR  SMORFIO.  Dessin  de  Gavarni. 


CONSERVATOIRE  ROYAL  DE  MSIftUE  ET  DE  DÉCIAMATION. 
EXERCICE  DRAMATIQUE  ET  LÏRIQLE. 


e  programme  se 
composait  de  la  pe- 
tite comédie  d'A. 
Duval ,  les  Héri- 
tiers ,  du  second 
acte  des  Noces  de 
Figaro ,  de  Mozart ,  de  fragments  d'Ar- 
mide,  de  Gluck.  Pas  de  tragédie  cette 
fois,  comme  si  le  Conservatoire  eût 
voulu  faire  une  allusion  polie  au  repos  forcé 
que  garde  ]>]"'=  Rachel,  la  grande  tragédienne. 
La  comédie  n'offrait  pas  de  diûcultés  trop  sé- 
rieuses à  des  élèves  qui  ont  pu  souvent  la 
voir  jouer  par  leurs  maîtres,  et  se  former  à 
leur  exemple  encore  mieux  qu'à  leurs  leçons,  car 
l'exemple  est  et  sera  toujours  le  plus  efficace  des 
enseignements.  Voilà  pourquoi  mon  indulgence 
pleine  et  entière  était  d'avance  acquise  aux  jeunes 
gens  courageux  qui  allaient  affronter  les  terribles  écueiis  de 
la  musique  de  Mozart ,  et  surtout  de  celle  de  Gluck.  J'aurais 
autant  aimé  voir  partir  pour  les  brûlants  déserts  de  l'Afrique 
de  téméraires  voyageurs  qui  n'auraient  pas  même  eu  le  temps 
de  jeter  un  coup  d'œil  sur  la  carte  générale  du  pays. 


Certes ,  je  n'ai  pas  la  moindre  envie  de  contester  l'utilité 
des  études  classiques  pour  former  de  bous  musiciens,  de  vrais 
artistes;  j'irai  même,  si  l'on  veut,  jusqu'à  l'archéologie  la 
p;  ■s  reculée,  mais  ce  sera  sous  certaines  réserves.  Je  me  de- 
maiide  si  ce  n'est  pas  exiger  beaucoup  d'élèves  dont  la  plu- 
part ne  comptent  pas  deux  années  de  classes  que  de  leur  impo- 
ser l'interprétation  d'ouvrages  admirables,  il  est  vrai,  mais 
qui  s'éloignent  tout-à-fait  des  habitudes  actuelles.  Ce  qu'il  y 
a  de  plus  aisé  pour  tout  le  monde,  c'est  de  parler  la  langue  de 
son  temps ,  c'est  de  comprendre  et  d'exprimer  les  idées  qui 
sont  à  l'ordre  du  jour.  En  musique,  cela  est  encore  plus  vrai 
qu'en  littérature  et  en  poésie.  Un  jeune  homme,  une  jeune 
personne  découvrent  qu'ils  ont  une  belle  voix  et  viennent  au 
Conservatoire  pour  apprendre  à  s'en  servir;  ils  ont  lu  le  nom 
de  Gluck  écrit  en  lettres  d'or  sur  quelque  toile  de  théâtre  ;  ils 
ont  même  passé  devant  sa  statue ,  mais  où  ont-ils  entendu  sa 
musique?  on  ne  l'exécute  nulle  part.  Leurs  maîtres  leur  disent 
que  cette  musique  est  sublime,  et  je  suis  sûr  qu'il  y  en  a  beau- 
coup qui  ont  de  la  peine  à  le  croire.  Faites  lire  à  un  jeune 
collégien  une  page  de  Montaigne  ou  de  Saint-Simon  ,  il  trou- 
vera leur  style  détestable.  Ce  n'est  pas  tout  :  on  les  oblige , 
non  seulement  à  admirer,  mais  à  rendre  admirablement  des 
beautés  dont  ils  n'ont  pas  la  conscience  intime.  Il  faut  con- 
venir que  la  tâche  n'est  pas  commode ,  et  que  leurs  maîtres 
eux-mêmes ,  tout  pénétrés  qu'ils  sont  d'une  foi  vive  et  ro- 
buste, ne  s'en  tireraient  pas  sans  danger. 

La  musique  de  Mozart  est  bien  moins  effrayante  que  celle 
de  Gluck.  Quoiqu'il  n'y  ait  que  huit  ans  d'intervalle  entre 
la  composition  d'Armide  et  celle  des  Noces  de  Figaro ,  il  y 
en  a  cinquante  entre  les  deux  manières  ainsi  qu'entre  les 
procédés  d'exécution  qu'elles  nécessitent.  Un  chanteur  né 
d'hier  n'a  pas  besoin  d'éducation  préalable  pour  aborder  Mo- 
zart; tandis  que,  pour  remonter  jusqu'à  Gluck, illui  faudra 
de  longues  préparations.  La  seule  chose  qui  rende  Mozart 
difficile ,  c'est  que  rien  n'y  est  écrit  précisément  et  unique- 


BUREAUX   D'ABONTIVEMENT,    B.1TE    RICHELIEU,    97. 


158 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICAUE 


ment  en  vue  de  l'effet  :  tout  y  est  d'expression  et  de  scène 
comme  dans  les  productions  de  l'an  aux  époques  où  le  goût 
n'est  pasencore  blasé.  Quoi  de  plus  contraire  à  notre 
système  d'aujourd'hui  que  l'air  de  la  comtesse  au  se- 
cond acte ,  que  le  petit  duo  de  Suzanne  et  de  Chérubin ,  se 
terminant  sans  un  trait,  sans  une  note ,  qui  mette  l'auditoire 
en  disposition  d'applaudir  ?  Dans  la  fameuse  romance ,  Mon 
cœur  soupire,  on  peut  enlever  des  bravos,  mais  à  quel  prix? 
en  se  condamnant  à  l'abstinence  la  plus  sévère  de  toute  fio- 
riture et  agrément  de  même  espèce.  Le  finale  est  un  incom- 
parable morceau,  composé  par  le  maître  de  telle  façon  que  le 
talent  des  chanteurs  n'y  puisse  servir  qu'à  mettre  en  relief 
son  propre  génie. 

Au  Conservatoire,  ce  finale  a  été  rendu  avec  un  ensemble 
très  satisfaisant  par  tous  les  élèves  qui  avaient  un  rôle  dans 
la  pièce,  MM.  Chaix,  Gassier,  Guignot,  Montauriol,  Garcin- 
Brunet;  M""  Mondutaigny,  Morize,  Duval,  Leclerc,  qui 
jouaient  les  rôles  du  comte  Almaviva,  de  Figaro,  de  Bartholo, 
de  Basile ,  d'Antonio,  de  la  comtesse  ,  de  Chérubin  ,  de  Su- 
zanne et  de  Marceline,  en  dépit  des  affreuses  paroles  soi-di- 
sant françaises  que  la  traduction  les  contraignait  de  broyer  à 
grand  renfort  de  lèvres  et  de  mâchoires.  M"°  Duval  a  péché 
par  excès  d'intention  en  chantant  la  romance ,  et  elle  a  trop 
oublié  qu'au  fond  le  page  sentimental  est  un  mauvais  sujet 
et  un  hypocrite.  Si  l'on  n'avait  entendu  M"'  Morize  que  dans 
le  petit  duo,  dit  de  la  fenêtre  ,  on  ne  se  douterait  pas  qu'elle 
possède  une  des  plus  charmantes  voix  de  l'école.  Son  débit  et 
ses  allures  ont  quelque  chose  d'un  peu  commun  ,  mais  il  y  a 
aussi  de  la  verve  et  de  l'à-propos.  Je  lui  conseille,  ainsi, qu'à 
M"°  Mondutaigny ,  de  faire  grande  attention  à  sa  manière  de 
chanter. 

Même  recommandation  à  M""  Beaussire,  qui  jouait  le  rôle 
d'Armide ,  et  qui  n'a  pas  l'air  de  se  douter  des  premiers  prin- 
cipes de  la  locomotion  théâtrale.  M°"  Beaussire  est  douée 
d'une  très  jolie  figure  et  d'une  très  belle  voix.  Nous  la  verrons 
bientôt  à  l'Opéra ,  sans  doute ,  mais  dans  un  tout  autre  per- 
sonnage que  l'enchanteresse,  qui  est  évidemment  au-dessus 
de  ses  forces ,  comme  celui  de  Renaud  dépasse  celles  de  Ma- 
thieu ,  qui  n'est  pas  encore  parvenu  à  mettre  ses  bras  et  ses 
jambes  en  rapport  avec  sa  voix;  comme  celui  de  la  Haine 
écrase  M'"'  Moisson ,  qui  crie  au  lieu  de  chanter,  et  diminue 
le  volume  de  sa  voix  en  voulant  le  grossir  outre  mesure.  Ce 
qu'il  y  a  eu  d'admirablement  rendu  dans  ces  fragments,  d'un 
immortel  chef-d'œuvre ,  ce  sont  les  chœurs ,  dans  lesquels , 
ainsi  que  dans  l'orchestre ,  éclatait  une  verve  juvénile,  con- 
tenue et  réglée  dans  ses  plus  fougueux  élans.  Pour  la  pre- 
mière fois ,  Habeneck  avait  repris  son  archet  magistral  qu'il 
agitait  tantôt  de  sa  main  droite ,  encore  faible  et  souffrante  , 
tantôt  de  sa  main  gauche ,  et  qu'il  déposait  de  temps  en  temps 
quand  la  fatigue  se  faisait  trop  sentir. 

Ceux  qui  viennent  aux  exercices  du  Conservatoire  ne  doi- 
vent pas  oublier  qu'ils  sont  dans  une  école  et  non  dans  un 
théâtre.  Les  élèves  eux-mêmes  doivent  se  souvenir  qu'ils  sont 
des  élèves,  et  c'est  peut-être  ce  qu'ils  se  rappellent  le  moins. 
Il  nous  revient  quelquefois  d'étranges  nouvelles  de  ces  artistes 
en  herbe ,  dont  l'amour-propre  grandit  plus  vite  que  le  talent. 
Jeunes  gens ,  jeunes  gens ,  prenez  garde  !  on  cultive ,  on  en- 
courage, on  caresse  en  vous  des  espérances,  et  l'on  ne  vous 
en  demande  pas  plus  ;  mais  le  public  vous  demandera  du  ta- 
chose ,  et  si  vous  ne  lui  montrez  que  des  prétentions ,  autre 
gueil,  le  sifflet  en  fera  justice!  Vous  rêvez  des  millions  ,  des 
châteaux ,  des  voitures ,  et  vous  aurez  un  pauvre  engagement 
de  province,  avec  banqueroute  au  bout  de  trois  mois  ! 
Pour  le  prochain  exercice  du  Conservatoire ,  on  annonce 


le  Comte  Ory;  c'est  un  choix  excellent  qui  fera  une  diversions 
utile  aux  études  de  musique  rétrospective. 

Paul  Smith. 


SUR 
I.XS  CONCERTS  DE  I.A  SEMAim:  ET  BE  IiA  SAISON. 

els  que  les  Dots  de  l'Océan  qui  reviennent 
sans  cesse  battre  et  rebattre  encore,  mais  sans 
intensité ,  sans  fureur,  le  rivage  après  la  tem- 
pête ,  ou  tels  que  les  sanglots  de  ces  enfants 
qui  ont  été  la  proie  d'un  violent  chagrin  ,  et 
qui  poussent  encore  de  temps  en  temps  des  soupirs  irrégu- 
liers ,  les  traits ,  les  cris  et  les  hoquets  des  instrumentistes  et 
des  chanteurs  s'affaiblissent  par  degrés,  et  ce  n'est  plus  que  de 
loin  en  loin  qu'ils  viennent  bruire  à  notre  oreille  :  c'est-à-dire 
que  la  furia  musicale  s'apaise ,  et  que  la  saison  des  concerts 
touche  à  sa  fin. 

Nous  allons  quelque  Tpenstatistiquer,  si  l'on  peut  s'exprimer 
ainsi ,  l'armée  des  concertants ,  et  désigner  nominativement 
ceux  qui  ont  mérité  les  honneurs  du  souvenir. 

La  composition  largement  instrumentale  a  eu  pour  repré- 
sentants, cette  année  ,  MM.  Onslow,  Berlioz,  Beaulieu,  Er- 
niel ,  Konlski  et  M""  Farrenc  :  on  a  regretté  de  ne  pas  voir 
réapparaître  M.  Douay  dans  les  manifestations  de  ce  beau 
genre  musical. 

Les  ministres  du  roi  des  instruments  ont  été  MM.  Alard, 
Herman,  Dancla  ,  Sivori,  Prume,  Tingry,  Gold  et  Sainton. 
Autant  par  esprit  de  justice  que  par  esprit  national,  nous 
pensons  que  le  premier  de  ces  artistes  est  digne  de  la  prési- 
dence de  ce  conseil,  qui  jette  plus  d'harmonie  en  Europe  que 
celui  qui  préside  à  nos  destinées  constitutionnelles. 

L'instrument  élégiaque ,  qui  chante  avec  mélancolie ,  dont 
la  voix  grave ,  noble  et  triste  impressionne  l'auditeur  comme 
une  nuit  d'Young  ou  des  vers  de  Lamartine  sur  la  mort  de 
leurs  enfants,  le  violoncelle  enfin,  a  eu  pour  interprètes  cette 
année  MM.  Batta,  Séligmann,  Piatti ,  Cossmann,  Offenbach 
etGarreau.  Ils  ontnoblement  dit  et  chanté  leurs  diverses  ira- 
pressions. 

Les  chanteurs  et  cantatrices  qu'on  a  entendus  le  plus  fré- 
quemment et  toujours  avec  un  nouveau  plaisir,  selon  la  for- 
mule officielle ,  sont  M"'"  Gianpietro  Castellan  ,  Brambilla  , 
Sabatier  ,  Nissen ,  Iweins  d'Hennin  ,  Delphine  Beaucé  , 
Hawes  ,  Vavasseur,  Dorus  ,  Lia  Duport ,  MM.  Lablache  , 
Salvi,  Ponchard,  TagliaCco ,  Géraldy,  Alexis  Dupont,  Ercole 
Mecatii,  Roger,  Révial  et  Planque. 

Les  instrumentistes  à  vent  ne  se  sont  pas  trop ,  ne  se  sont 
même  pas  assez  montrés  dans  cette  saison  de  manifestations 
harmoniques.  MM.  Klosé,  Dorus,  Jancourt,  Vivier,  sur  la 
clarinette,  la  flûte,  le  basson  et  le  cor,  sont  à  peu  près  les 
seuls ,  avec  la  famille  Distin ,  sur  les  excellents  instruments 
de  M.  Sax ,  qui  ont  donné  signe  de  vie  et  de  talent. 

Il  y  a  eu  beaucoup  d'exhibitions  de  musique  aristocratique 
parmi  lesquelles  il  faut  citer  en  première  ligne  celles  dirigées 
par  M.  le  prince  de  la  Moskowa ,  à  qui  l'on  doit  savoir  beau- 
coup de  gré  d'avoir  exhumé,  entre  autres  beaux  morceaux 
de  musique  classique,  le  chœur  si  pittoresque  de  la  Bataille 
de  Marignan,  qui  a  produit  taut  d'effet.  Les  soirées  d'ex- 
cellente musique  de  M""  Ungher-Sabatier,  devenue  artiste- 
amateur,  etde  M°"  la  comtesse  Peruzzi,  dont  nous  avonsdéjà 
parlé  dans  la  Gazette  musicale ,  ont  été  trèj  brillantes.  On 


DE  PARIS. 


159 


regrette ,  dans  le  monde  musical  fashionable ,  que  la  littéra- 
ture et  la  théologie  aient  enlevé  aux  amateurs  de  l'harmonie 
sévère  et  grandiose  M"'°  la  princesse  de  Belgiojoso ,  qui  en 
est  une  des  plus  éloquentes  interprètes. 

C'est  surtout  la  division  de  pianistes  des  deux  sexes  qui 
s'est  couverte  de  gloire  dans  les  diverses  batailles  musicales 
qui  se  sont  livrées  cet  hiver  et  ce  printemps.  Il  faut  citer  en 
tête  celui  qui  est  venu  le  dernier,  M.  Liszt;  puis  MM.  Dœh- 
1er,  Kontski,  Halle,  Cavallo,  Prudent,  Goria,  Mathias,  Al- 
kan ,  Lacombe ,  Osborne ,  Herz ,  Schad ,  Lindsay-Sloper  ;  et 
parmi  les  dames  pianistes,  M"""  et  M""  "Wartel,  Polmartin, 
Bonnias,  Guénée,Loveday,  Peruzzi,  Dietz,  Mattmann,  Korn  , 
Pierson-Bodin,  Veny,  Mulder,  Boireaux,  Krinitz,  et  les  deux 
petites  merveilles  Maria  Borchardt  et  Louise  Scheibel,  quoi- 
que ,  heureusement,  les  enfants  précoces  n'aient  pas  trop 
donné  cette  année.  Les  trois  cents  doigts  de  ces  trente  vir- 
tuoses ont  opéré  sur  les  excellents  pianos  de  MM.  Érard, 
Pape ,  Pleyel ,  et  plusieurs  autres  sur  les  instruments  de 
MM.  Bernhardt,  Souffleto,  Kriegelstein,  Montai,  Rinaldi  et 
autres  facteurs  de  mérite. 

Parmi  ces  artistes  qui  ont  montré  plus  ou  moins  d'inspi- 
ration ,  de  talent  et  d'individualité ,  qu'on  nous  permette  de 
rappeler  les  noms  de  Rubini,  de  Damoreau,  de  Vieuxtemps, 
de  Servais  et  de  Thalberg,  qui  ne  sont  pas  venus  celte  année 
à  Paris,  et  qui  ont  brillé  par  leur  absence,  comme  dit  Tacite, 
dans  nos  solennil es  musicales;  on  assure  cependant  que  le 
dernier  vient  d'arriver  à  Paris. 

Un  des  derniers  concerts,  et  qui  n'a  pas  été  le  moins  bril- 
lant de  la  saison ,  est  celui  donné  par  M.  Jacques  Offenbach 
dans  la  salle  Herz ,  vendredi  26  du  mois  dernier.  Ce  jeune 
violoncelliste,  qui  sait  ce  qu'il  faut  pour  réveiller  les  sympa- 
thies du  gros  public  musical ,  n'a  pas  négligé  cette  fois  de 
plaire  également  aux  gens  délicats ,  aux  artistes.  Sa  fantaisie 
intitulée:  Hommage  à  Rossini,  dans  laquelle  il  a  su  réunir 
on  ne  peut  plus  heureusement  des  motifs  de  Guillaume  Tell 
et  de  Moïse ,  a  produit  beaucoup  d'effet ,  surtout  par  la  ma- 
nière dont  il  a  su  amener  et  attaquer  Y  allegro  de  l'ouverture 
du  premier  de  ces  ouvrages.  Son  élégie ,  sa  musette  et  sa 
danse  bohémienne  contiennent  des  effets  divers  de  composi- 
tion qui  assurent  à  l'auteur  de  ces  différents  morceaux  un 
succès  brillant  dans  les  soirées  qu'il  va  donner  à  Londres. 

M.  Dœhler  a  donné  aussi,  avant  son  départ  pour  Londres, 
une  matinée  musicale  fort  intéressante  chez  M.  Érard ,  au 
bénéfice  de  l'association  des  artistes  musiciens.  Ces  actes  de 
philanthropie  artistique  sont  bien  entendus  de  la  part  des  vir- 
tuoses exploitant  la  célébrité,  et  leur  portent  bonheur.  L'ha- 
bile pianiste  a  ouvert  la  séance  par  la  grande  sonate  de  Bee- 
thoven pour  piano  seul  {tit  majeur,  op.  53);  il  l'a  dite  avec 
la  netteté  ,  le  brio  et  la  vigueur  que  réclame  la  musique  du 
grand  maître.  La  Fuga  di  Bianca  capello,  mélodie  de 
M.  ïadolini ,  a  été  chantée  par  M.  Ciabatti ,  jeune  Romain 
amateur,  dit-on,  qui,  dans  les  deux  apparitions  publiques 
qu'il  a  faites  à  Paris,  s'est  fait  remarquer  par  sa  manière  ex- 
pressive et  craintive  de  chanter,  mais  surtout  par  la  régula- 
rité noble  et  belle  des  traits  de  son  visage.  Qu'il  donne  un 
peu  d'animation  à  ses  traits  et  h  son  chant,  si  cela  est  possi- 
ble, et  il  y  gagnera  autant  que  le  public.  La  charmante 
M"°  Sabatier  a  dit  un  air  fioriturata,  et  l'un  de  ces  jolis  fa- 
bhaux  qu'elle  raconte  à  ravir  de  sa  voix  naïve,  fraîche  et  déli- 
cieuse. M.  Piatti  a  exécuté  sur  le  violoncelle  un  solo  de  sa 
composition  plein  de  charmantes  mélodies  ;  il  a  été  aussi 
généralement  que  justement  applaudi.  Le  pianiste  intermé- 
diaire entre  Thalberg  et  Liszt ,  le  Lépide  de  ces  Auguste  et 
Antoine  du  piano,  Dœhler,  est  revenu,  et  a  dit  trois  jolies  ro- 


mances sans  paroles  de  sa  composition  :  le  Souvenir  (sici- 
lienne), la  Plainte,  et  l'Heureux  Gondolier  ; 'puis  il  a  dit  une 
Grande  fantaisie  sur  la  Sonnambula ;  et  puis  trois  autres 
étincelles,  trois  autres  perles  musicales  ayant  nom  :  la 
Truite  de  Heller,  la  Ballade,  et  la  Tarentelle  napolitaine, 
dont  tout  concert  dans  lequel  figure  Dœhler  ne  peut  plus  se 
passer. 

M.  Tagliafico,  le  chanteur  infatigable  de  l'époque,  et  qui  a 
dévoué  son  âme  et  sa  voix  à  tous  les  artistes,  a  chanté  pour  son 
propre  compte  dans  le  concert  qu'il  a  donné  la  semaine  pas- 
sée chez  M.  Herz,  qui,  lui-même,  a  exécuté  avec  M.  Dœhler 
un  beau  duo  pour  deux  pianos.  Le  bénéficiaire  a  dit  roraauces, 
ballades,  airs,  duos  et  quatuor  de  sa  voix  belle  et  timbrée , 
de  sa  bonne  méthode,  qui  lui  ont  valu  de  nombreux  et  vifs 
applaudissements.  M°'=  Iweins-d'Hennin  l'a  secondé  de  sa 
voix  impressionnable  et  passionnée ,  M""  Sabatier  de  sa  voix 
riante  et  brillante^  M.  Herman  de  son  violon  exp  essif,  et 
Ponchard  de  sa  méthode  expérimentée;  et  tout  cela  s'est  ter- 
miné h  la  satisfaction  générale,  qui  s'est  fréquemment  mani- 
festée en  bravos  unanimes. 

Le  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  cédant  à  l'impulsion  géné- 
rale, a  aussi  voulu  donner  un  concert,  un  intermède  musical 
qu'il  a  encadré  entre  deux  opéras,  et  qui  a  été  suivi  d'un  pas 
dansé  par  deux  époux  espagnols,  portant  le  nom  assez  peu 
ibérien  de  M.  et  M™=  Finart,  Nous  voudrions  pouvoir  dire 
qu'ils  ont  autant  brillé  par  leur  talent  chorégraphique  que 
par  leurs  costumes  couverts  de  paillettes.  Ils  n'ont  guère  of- 
fert au  public  qu'une  repi'oduction  des  pas  dansés  par  Dolo- 
rès  et  Camprubi.  La  partie  musicale  de  cet  intermède  a  été 
plus  intéressante.  Deux  morceaux  de  chant  à  quatre  voix,  in- 
titulés :  les  Gardes  françaises  et  le  Sabbat,  composés  par 
M.  Josse,  ne  nous  ont  pas  paru  sans  intérêt.  Le  premier, 
avec  accompagnement  de  petite  flûte  et  de  tambour,  est  mo- 
dulé avec  assez  d'originalité  et  d'une  mélodie  franche.  Le 
second,  fort  bien  dit  par  Roger,  Grignon,  Audran,  Laget, 
doublé  par  quatre  autres  voix  du  lieu,  appartenant  à  des  ar- 
tistes dont  nous  ne  nous  rappelons  pas  les  noms,  est  accom- 
pagné par  des  instruments  de  cuivre  qui  donnent  une  sorte 
de  couleur  satanique  à  ce  morceau,  qui  n'est  pas  sans  poésie 
et  sans  inspiration.  L'accompagnement  a  été  fort  bien  exécuté 
par  MM.  Baneux  père  et  fds,  Urbin  et  Azimont. 

M.  Sainton ,  violoniste  ,  dit-on ,  des  bords  de  la  Garonne  , 
a  figuré  dans  cet  intermède  d'une  façon  assez  brillante  ;  il  a 
joué  un  concerto  de  sa  composition  ,  morceau  d'une  forme 
classique  et  bien  écrit  pour  l'instrument ,  et ,  cependant , 
d'une  difficile  exécution.  M.  Sainton  a  dit  ensuite  un  air  va- 
rié également  de  sa  composition ,  dont  le  thème  ne  manque 
pas  d'élégance  ,  mais  qui ,  par  les  variations ,  ressemble  à 
tous  les  morceaux  de  ce  genre.  Son  exécution  est  aisée ,  son 
archet  a  de  l'élégance ,  il  est  très  rapide  et  brillant  ;  mais  il 
ne  tire  pas  un  grand  son  de  l'instrument;  quant  à  l'intona- 
tion ,  elle  est  souvent  au-dessus  du  ton.  Nous  conseillons  à 
cet  artiste  de  veiller  à  cela.  Du  reste ,  il  a  été  généralement  et 
justement  applaudi. 

M.  Duchemin-Boisjousse  est  aussi  un  professeur  qui  a 
quitté  la  province  pour  venir  enseigner  les  éléments  de  la  mu- 
sique aux  enfants  de  Paris.  Ce  n'est  peut-être  pas  une  idée 
bien  neuve ,  bien  hardie ,  et  par  conséquent  bien  heureuse  ; 
mais  puisque  J.-J.  Rousseau  a  quitté  la  Savoie  pour  venir  à 
Paris  proposer  à  l'Académie  des  sciences  un  nouveau  système 
de  musique  qui  n'a  pas  été  adopté ,  il  est  vrai ,  M.  Duche- 
min-Boisjousse avait  bien  le  droit  d'en  faire  autant.  Nous 
avons  assisté  à  une  séance  d'enseignement  musical  que  ce 
professeur  a  donnée  à  l'Athénée  de  Paris ,  et  tout  ce  que 


iêO 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


nous  pouvons  dire  de  celte  méthode,  c'est  que  s;  elle  ne  fait 
pas  avancer  l'art  de  l'enseignement,  elle  ne  le  fera  pas  recu- 
ler; partant,  si  ce  n'est  guère  utile,  c'est  encore  moins  nui- 
sible. Que  de  musique  qui  se  compose  et  s'exécute  en  France 
et  qui  n'a  pas  d'autre  résultat! 


Retiie  critique. 

OFFICE  COMPLET  DU  MATIN 

POUR  LE  SERVICE  DE  l'ORGUE  , 

Collection  de  Mess.es  danstousleslonsà  l'usage  des  églises  de  France, 
par    PATRICE    VAIiENTIN. 

i  l'orgue  est  le  plus 
noble,  le  plus  com- 
plet, le  plus  majes- 
I  tueux  des  instru- 
ments; si  nul  autre 
ne  saurait  lui  être 
comparé  pour  la  variété ,  la  richesse  et  la 
puissance  ;  s'il  peut  à  lui  seul  remplir  les 
fonctions  de  tout  un  orchestre  ;  s'il  con- 
tribue enfin  pour  une  si  large  part  à  l'éclat  et 
à  la  solennité  de  nos  cérémonies  religieuses, 
;  n'est  qu'à  la  condition  de  garder  son  carac- 
tère de  grandeur  et  sa  destination  primitive. 
Plus  il  y  a  de  sainte  gravité  dans  ses  accents, 
plus  ils  paraîtront  déplacés ,  nous  dirons  même  sa- 
crilèges, toutes  les  fois  qu'ils  rappelleront  les  plai- 
sirs mondains  et  les  frivolités  de  la  terre.  L'orgue 
doit  inspirer  le  recueillement,  inviter  l'âme  à  la 
prière,  la  transporter,  au  moyen  d'une  harmonie  expressive 
et  sublime ,  dans  les  hautes  régions  où  elle  sera  tout  en  Dieu. 
Cet  instrument  est  en  quelque  sorle  le  médiateur  des  fidèles 
auprès  de  la  divinité;  lorsqu'il  a  servi  d'interprète  aux  chants 
pieux  où  sont  exprimés  leurs  douleurs ,  leurs  vœux  et  leurs 
espérances,  il  leur  apporte  d'en  haut,  organe  digne  et  impo- 
sant ,  de  puissantes  exhortations ,  de  célestes  accords  qui  sem- 
blent avoir  pour  note  fondamentale  la  voix  même  de  l'Éter- 
nel. Vous  le  voyez,  son  royaume  n'est  guère  de  ce  monde; 
laissez-lui  en  partage  les  ferventes  extases  et  les  saintes  aspi- 
rations, mais  banissez  les  folles  mélodies  et  les  bruits  pro- 
fanes ;  ne  souillez  pas  la  majesté  du  temple  par  des  ressouve- 
nirs  de  fête ,  en  un  mot  ne  transportez  pas  l'Opéra  dans  le 
sanctuaire.  Telles  sont  les  réflexions  que  les  gens  sensés 
émettent  souvent  de  nos  jours  et  que  l'on  a  déjà  faites  dans 
un  temps  bien  antérieur  à  notre  époque.  Sans  pousser  le  ri- 
gorisme jusqu'à  exiger  que  la  musique  sacrée  dépouille  en- 
tièrement l'expression  dramatique  et  se  purifie  de  tout  con- 
tact, avec  les  passions  humaines,  on  ne  peut  s'empêcher  de 
reconnaître  les  résultats  déplorables  d'un  système  qui  com- 
promet au  plus  haut  point  les  destinées  de  l'art  religieux.  En 
France  ,  les  organistes  semblent  avoir  oublié  et  méconnu  si 
complètement  le  but  auquel  ils  devraient  tendre  ,  qu'il  n'est 
presque  plus  permis  d'entrer  dans  une  église  sans  se  voir 
poursuivi  par  les  airs  de  danse  à  la  mode  ou  le  motif  favori 
du  dernier  opéra.  Plusieurs  causes  ont  déterminé  cette  fu- 
neste déviation  des  saines  doctrines  ;  d'abord  le  mauvais  goût, 
puis  le  désir  de  plaire ,  enfin  et  par-dessus  tout ,  l'ignorance. 
Sans  doute  il  serait  chimérique  de  prétendre  exiger  que 
chaque  organiste  fût  un  docte  musicien  et  un  habile  impro- 
visateur, qu'il  connût  toutes  les  ressources  dés  combinaisons 


harmoniques,  des  contre-points  doubles,  triples,  quadruples, 
du  style  fugué  et  de  l'emploi  des  différents  registres  de  son 
instrument;  mais  il  y  a  plus  d'un  degré  entre  ce  profond  sa- 
\oir  et  certaines  connaissances  élémentaires  indispensables 
à  celui  qui  exerce  une  pareille  profession.  A  défaut  d'ins- 
truction personnelle,  il  faut  du  moins  prendre  avis  de  plus 
savants  que  soi ,  et  M.  Valentin  était  pénétré  de  cette  vérité 
quand  il  conçut  le  projet  d'offrir  aux  organistes  dans  l'em- 
barras le  fruit  de  ses  propres  inspirations,  de  son  propre  tra- 
vail et  peut-être  de  ses  propres  veilles ,  quoiqu'il  s'agisse  de 
l'Office  du  matin. 

L'ouvrage  qui  porte  ce  titre  renferme  cinq  messes  à  l'u- 
sage des  églises  de  France,  tant  pour  les  dimanches  ordi- 
naires que  pour  les  grandes  fêtes  ;  plus  une  collection  des 
principaux  plain-chants  et  proses  de  l'année.  L'espace  nous 
manque  pour  suivre  pas  à  pas  et  analyser,  numéro  par  nu- 
méro ,  l'œuvre  de  W.  Valentin.  En  conséquence  nous  n'en- 
trerons "point  dans  les  détails  techniques  qu'exigerait  une 
appréciation  minutieuse,  reconnaissant  volontiers  qu'une  ana- 
lyse de  ce  genre  est  difficilement  applicable  à  un  travail  aussi 
étendu ,  bien  qu'en  tout  autre  cas  il  vaille  cent  fois  mieux  y 
recourir  et  mentionner  à  propos  tel  ou  tel  accord  ,  telle  ou 
telle  modulation,  afin  de  légitimer  l'éloge  et  de  justifier  !a 
critique,  que  de  s'en  tenir  aux  formules  prétentieuses  et  dé- 
clamatoires d'une  esthétique  banale  procédant  à  grand  ren- 
fort de  points  admiratifs ,  formules  qui ,  le  plus  souvent,  ne 
prouvent  rien  si  ce  n'est  l'arrogance  d'une  opinion  tout  ar- 
bitraire. 

Pour  en  revenir  au  livre  de  M.  P.  Valentin ,  avouons  qu'il 
décèle  chez  son  auteur  de  grandes  connaissances  musicales 
unies  à  une  longue  pratique  de  l'instrument  auquel  il  est 
destiné  ;  qu'on  y  remarque  des  progressions  originales ,  une 
harmonie  pleine  de  douleur,  l'habitude  des  développements 
dans  la  manière  fuguée ,  et  enfin  une  grande  abondance  d'ir 
dées  mélodiques.  A  l'appui  de  nos  éloges,  nous  pourrions  in- 
diquer au  besoin  de  nombreux  passages  qui  ne  laisseraient 
aucun  doute  sur  les  mérites  de  cette  production.  Mais  après 
avoir  rendu  justice  à  la  valeur  en  quelque  sorte  matérielle  de 
l'œuvre ,  nous  ne  pensons  pas  qu'il  soit  superflu  d'examiner 
si  le  but  qu'on  s'était  proposé  a  été  parfaitement  atteint.  Voici 
les  termes  du  prospectus  :  «  Nos  églises  sont  transformées  en 
»  salles  de  bal  et  de  spectacle.  Contredanses,  valses,  airs  d'o- 
i>  péra  de  toute  espèce,  telle  est  la  musique  sacrée  qu'on  exé- 
»  cute  et  qu'on  entend  dans  le  saint  lieu  aux  fêtes  et  diman- 
»  ches.  Cette  déplorable  innovation  vient  de  la  disette  des 
»  compositions  musicales  destinées  à  l'orgue  ;  il  n'en  existe 
»  aucune  qui  soit  en  rapport  avec  le  culte  en  usage  dans  le 
»  nord  de  la  France ,  et  les  sentiments  religieux  des  popula- 
»  tiens  de  ces  contrées  !  etc. ,  etc.  » 

La  musique  de  M.  P.  Valentin  vient-elle  remplir  cette  la- 
cune? Voilà  ce  qu'on  est  en  droit  de  vérifier.  Sans  doute  elle 
est  de  beaucoup  préférable  à  tout  ce  qu'on  exécute  et  ce  qu'on 
entend  habituellement;  mais  réunit-elle  au  degré  voulu  ce 
style  sévère  ,  ce  sentiment  profond,  ce  caractère  élevé,  cette 
facture  large  qui  conviennent  à  la  véritable  musique  d'église? 
IN  'a-t-on  pas  lieu  de  dire  qu'elle  est  encore  un  peu  trop  coquette, 
un  peu  trop  mondaine  ;  qu'elle  conserve  une  certaine  saveur 
de  fruit  défendu  ,  et  que  l'amour  profane ,  comme  dans  le  li- 
vre de  Thomas  A-Kempis,  V Imitation  de  Jésus-Christ,  y  tient 
souvent  la  place  de  l'amour  divin?  nous  n'en  voulons  pour  preuv  e 
quelen"  7  (6/8  andantino  quasi  allegretto)  du  Gloria  de  la 
première  messe  en  ré  mineur.  N'est-ce  pas  là,  en  effet,  un  joli 
motif  de  contredanse,  qui  se  prête  à  ravir  aux  balancements 
voluptueux  de  la  Poule  ?  —  Quant  aux  airs  d'opéra  ,  plus  d'un 


DE  PARIS. 


161 


compositeur  dramatique  se  fût  estimé  heureux  de  trouver 
dans  son  propre  fonds  quelques  uns  des  motifs  que  M.  Va- 
lenlin  a  employés  pour  l'élévation  et  pour  le  morceau  qui  suit 
immédiatement  le  Domine  salvtim  et  Vile  missa  est.  —  Il  est 
si  difOcile  de  renoncer  complètement  à  Satan ,  à  ses  pompes 
et  à  ses  œuvres  ! 

L'une  des  messes  les  plus  remarquables ,  après  celle  en  fa 
majeur,  est  la  cinquième  en  ré  mineur  et  sol  mineur.  Nous  y 
avons  particulièrement  observé  un  Gloria  qui  est  composé  en 
partie  dans  le  goût  de  la  musique  imilative  et  descriptive. 
L'auteur  semble  avoir  eu  l'intention  de  peindre  le  réveil  de 
la  nature ,  le  couccrt  matinal  où  les  mille  voix  de  la  création 
s'unissent  pour  célébrer  les  louanges  du  Très-Haut.  A  une 
phrase  en  accords  plaqués  et  à  un  prélude  brillant  succède 
un  canon  à  l'octave ,  ou  plutôt  une  suite  d'imitations  cano- 
niques; probablement  à  cet  endroit  les  ombres  de  la  nuit  se 
dissipent,  le  jour  vient  par  degré,  le  soleil  se  montre  à  l'ho- 
rizon. En  tête  du  N"  4  ,  nous  lisons  ces  mots  :  Dans  le  genre 
montagnard.  C'est  une  sorte  de  pastorale  en  sol  mineur  d'un 
effet  agréable  et  pittoresque,  qui  prépare  fort  bien  le  N°  5. 
Ce  dernier  morceau  ,  tant  par  le  rhythme  que  par  la  mélodie, 
affecte  la  couleur  des  airs  espagnols;  s'agirait-il  d'une  aubade 
donnée  par  un  montagnard  des  Pyrénées  à  sa  maîtresse  ?  Cela 
ne  ressemblerait  pas  tout-à-fait  à  une  prière  du  matin;  mais 
après  tout  n'est-ce  pas  encore  une  manière  d'honorer  le  créa- 
teur que  de  s'enflammer  pour  sa  créature  ?  Dans  le  N°  7  nous 
trouvons  un  duo  fort  brillant  confié  aux  registres  de  hautbois 
et  de  trompette  ;  nous  n'en  cherchons  point  la  signification  , 
pour  arriver  plus  vite  au  N"  8  ,  le  plus  curieux  de  tous  ;  celte 
officieuse  annotation  :  Imitant  k  ramage  des  oiseaux,  nous 
en  fait  connaître  l'objet.  Ce  n'est  rien  moins  qu'une  volière 
musicale  dont  les  hôles  gazouillent  à  qui  mieux  mieux.  On 
croirait  entendre  des  artistes  italiens,  des  chanleurs  de  haute 
volée.  La  caille,  le  coucou,  la  poule  et  le  coq,  qui  furent 
jadis  l'objet  de  la  sollicitude  du  père  Kircher,  n'ont  pu  figurer 
ici  comme  étant  de  trop  basse  extraction. 

Bornant  là  nos  commentaires ,  nous  dirons  que  les  autres 
parties  de  la  cinquième  messe  sont  fort  bien  traitées  ,  et  que 
cette  composition  ,  dont  l'auteur  a  offert  la  dédicace  à  notre 
célèbre  facteur  d'orgues ,  M.  Aristide  Cavaillé,  présente  des 
qualités  réelles.  On  ne  saurait  le  nier,  M.  Patrice  Valentin  a 
fait  un  pas  utile  vers  la  réforme  qu'il  appelle  lui-même  de  tous 
ses  vœux  ,  et  nonobstant  les  restrictions  un  peu  sévères  que 
nous  nous  sommes  permises  dans  l'intérêt  de  son  talent  et 
dans  le  but  d'assurer  pour  l'avenir  h  ses  vues  généreuses  une 
réalisation  plus  complète,  nous  sommes  persuadé  que  YOf- 
fice  du  malin  aura  un  grand  succès,  et  que  cet  ouvrage  de- 
viendra le  vade-mectim  de  tous  les  organistes  de  province. 
N'oublions  pas  d'ajouter  que  la  seconde  partie  contenant  les 
proses  et  plains-chants  des  principales  fêtes,  plus,  d'excellents 
conseils  sur  la  manière  de  les  exécuter,  offre  une  utilité  in- 
contestable, aussi  bien  qu'une  introduction  indiquant  les  di- 
vers mélanges  des  jeux  de  l'orgue.  L'auteur  promet  sous  le 
titre  d'Office  du  soir  une  suite  à  ce  premier  travail.  Un  com- 
positeur aussi  distingué  ne  peut  manquer  de  rendre  tôt  ou 
tard  d'importants  services  à  la  musique  religieuse  ;  mais  pour 
cela  il  ne  doit  point  perdre  de  vue  les  chefs-d'œuvre  de  l'an- 
cienne école  d'Italie ,  ou  les  productions  moins  austères  mais 
plus  sympathiques  des  grands  maîtres  allemands. 

Georges  Kastner. 


Z  la  mémoire  î>e  ^exion. 

Aui  cieiix  supérieurs,  au  sein  des  belles  (lammes  , 
Tu  vas  écrire  enfin  la  musique  des  âmes 
Avec  Cherubini,  MéhuI  et  Coïeldieu  , 
Et  l'auslère  Lesueur,  dans  la  cité  de  Dieu  ; 
Mais  tu  nous  laisseras  Aline  et  Stéphanie, 
Ces  deui  charmantes  sœurs  ,  filles  de  ton  génie. 
Ton  corps  est  déposé  près  des  sacrés  autels , 
Ton  corps  n'est  plus,  Berton  ,  tes  chants  sont  immortels  1 
Antoni  Descuamps. 


IL  SIGIVOR  SMORFIO. 

Dessin  de  Gavarnî. 

Vous  voyez  dans  il  signor  Smorfio  le  frère  jumeau  du  gri- 
macier dont  la  renommée  fut  grande  à  Paris  pendant  le  der- 
nier siècle ,  et  dont  nous  vous  avons  raconté  l'histoire  en 
vous  parlant  du  second  tome  des  Chansons  populaires  de  la 
France  (voy.  Gazette  musicale ,  1843,  n°  36).  Il  signor 
Smorfio  ressemble  à  son  frère  par  le  talent  plutôt  q»e  par  la 
physionomie.  L'un  et  l'autre  se  servaient  du  même  instrument 
pour  accompagner  leur  pantomime  grotesque  :  mais  ni  l'un 
ni  l'autre  ne  paraissent  avoir  laissé  de  postérité.  La  grimace 
est-elle  donc  un  art  qui  se  perd?  ou  bien  a-t-elle  changé 
d'expression  comme  de  but?  Nous  n'empêchons  personne 
d'adresser  à  l'Académie  des  sciences  un  mémoire  sur  ce  sujet 
important. 


aJOITTlSlalaES. 

•."  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  à  l'Opéra, 
Charles  VI  chanté  par  Duprez ,  Barroilhet ,  Levasseur  et  M»"  StoKz. 

*,'  La  représentation  de  la  Juive ,  donnée  lundi  dernier  ,  et  celle 
de  la  lîeine  de  Chypre ,  donnée  vendredi ,  n'ont  pas  été  moins  pro- 
ductives que  brill.mtes.  Les  beaux  jours  de  l'hiver  sont  effacés  par 
eeui  du  printemps. 

".*  Poullicr  vient  encore  de  chanter  avec  beaucoup  de  succès  à 
Rouen  le  rôle  d'Edgard  de  Lucie  de  Lammermoor. 

*."  Dans  la  même  ville,  M""  Brambilla  ,  chantant  au  bénéfice  de 
M"*  Fleury ,  a  ausM  enlevé  une  large  part  de  bravos ,  surtout  à 
cause  de  sa  belle  méthode. 

*,*  On  écrit  de  Londres,  26  avril  :  Salvi  avait  promis  son  con- 
cours à  M.  Bénédict,  directeur  de  la  musique  du  théâtre  royal  de 
Drury-Lane,  et  il  lui  a  tenu  parole  en  chantant  hier,  dans  la  repré- 
sentation à  son  bénéfice,  l'air  du  troisième  acte  de  Lucia.  A.  son  en- 
trée sur  la  scène  où  Duprez  vient  de  laisser  de  si  beaux  souvenirs  , 
Salvi  a  été  salué  par  les  applaudissements  universels.  Dans  le  réci- 
tatif et  à  chaque  phrase  du  laryo,  des  frémissements,  des  bravos, 
des  trépignements  multipliés  interrompaient  l'habile  ténor.  L'air 
achevé,  l'enthousiasme  a  été  porté  jusqu'au  délire  ;  d'un  cri  unanime 
le  public  a  demandé  bis  et  Salvi  a  dû  se  rendre  à  ce  vœu  si  flatteur. 
Salvi  a  déjà  chanté  dans  quelques  beaux  concerts.  Il  est  demandé 
par  S.  A.  R.  le  prince  Albert,  et  il  sera,  personne  n'en  doute,  le 
lion  musical  de  la  saison.  Du  reste  il  est  faux  qu'à  son  occasion  une 
espèce  d'émeute  ait  eu  lieu  au  Théâtre  de  la  Reine  :  tout  s'est  borné 
à  la  distribution  d'un  petit  écrit  à  la  porte  et  dans  les  escaliers  du 
théâtre  ,  et  bien  entendu  sans  que  l'artiste  y  fiit  entré  pour  rien. 

",*  Les  représentations  données  parMasset,  de  l'Opéra-Comique, 
à  Liège,  sa  ville  natale,  sont  une  suite  de  triomphes.  Il  a  chanté 
successivement  dans  Zampa,  la  Reine  d'un  jour,  la  Dame  blanche 
et  Richard.  Outre  les  applaudissements  qu'on  lui  prodigue,  on  lui 
donne  des  sérénades  et  des  banquets. 

*.*  M.  de  Vatry,  membre  de  la  Chambre  des  députés,  remplace 
M.  le  marquis  de  Louvois,  comme  membre  de  la  Commission  spé- 
ciale des  théâtres  royaux. 

V  Le  grand  concert  historique  de  M.  A.  Méreaui  aura  lieu  au- 
jourd'hui à  deux  heures,  au  Conservatoire. 

V  Le  comité  de  l'association  des  artistes-musiciens  a  pris  l'initia- 
tive en  l'honneur  de  notre  illustre  compositeur,  Berton ,  que  la  mort 
vient  d'enlever.  Une  souscription  pour  l'érection  d'un  monument  à 


162 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sa  mémoire  est  ouverte  chez  M.  Thuillier ,  caissier  de  l'association , 
et  chez  M.  Réty,  au  Conservatoire. 

*«*  M.  Antoine  de  Konlsliy,  compositeur  et  pianiste,  donnera  dans 
la  Salle  du  Conservatoire  un  grand  concert  au  bénéfice  de  la  respec- 
table veuve  de  l'illuslre  Berton,  membre  de  l'Inslilut.  Toutes  les 
sommités  musicales  ont  bien  voulu  promettre  leur  concours  à  cette 
solennité  musicale.  Dimanche  prochain  nous  annoncerons  le  jour  et 
la  composition  du  programme,  qui  sera  des  plus  attrayants. 

V  Les  personnes  qui  désireraient  des  billets  pour  la  loterie  au 
bénéfice  de  l'association  des  artistes-musiciens,  dans  laquelle  il  sera 
gagné  un  piano  à  queue,  neuf,  d'Érard  .  et  1030  morceaux  de  mu- 
sique et  partitions,  sont  prévenues  qu'il  en  reste  encore  un  petit 
nombre  ,  et  que  le  tirage  aura  lieu  dans  le  courant  de  mai.  On  peut 
se  procurer  des  billets  chez  M.  Thuillier,  caissier  de  l'association ,  et 
chez  M.  Maurice  Schlesinger,  97,  rue  Richelieu. 

",*  M.  Tagliafico,  dont  la  belle  voix  de  basse  a  été  souvent  ap- 
plaudie dans  nos  concerts  parisiens,  vient  d'être,  dit-on,  engagé 
au  Théâtre-Italien  pour  la  saison  prochaine. 

*,♦  M""  Rossi-Caccia  a  continué  ses  brillants  succès  ,  à  Lisbonne, 
dans  Marie  Sliiart,  de  Donizetti.  La  réussite  de  cette  partition  a  été 
complète.  Les  chanteurs  ont  été  rappelés  quatre  fois  sur  la  scène. 
Quant  à  f,l<"'  Rossi-Caccia ,  elle  a  été  redemandée  avec  enthou- 
siasme, et  inondée  de  bouquets  et  de  couronnes. 

V  II  est  question  de  nommer  M.  Donizetti  directeur  du  théâtre 
de  l'Opéra  de  Vienne,  capitale  de  l'Autriche. 

*/  Alexandre  Batta  souffre  toujours  de  sa  foulure  à  la  main 
droite  ;  une  inflammation  s'y  est  déclarée  depuis  l'inauguration  de 
la  salle  de  l'Hôtel-de-Ville,  où  l'artiste  a  voulu  jouer,  au  bénéfice  de 
la  colonie  de  Petit-Bourg,  malgré  le  conseil  des  médecins. 

*,*  A  Rome  il  est  question  d'élever  un  monument  à  Palestrina;  le 
régénérateur  sera  le  créateur  de  la  musique  religieuse  au  xvi"  siècle. 
*,*  M"'^  Lilla  Loewe,  sœur  de  la  célèbre  cantatrice  de  ce  nom ,  a 
donné  une  suite  de  représentations  au  Théâtre  Royal  de  Hanovre; 
le  succès  qu'elle  y  a  oblenu  a  décidé  le  directeur  à  lui  offrir  un  bril- 
lant engagement. 

\*  Belisario,  opéra  de  Donizetti,  vient  de  faire  fiasco  au  théâtre  de 
Francfort. 

•,*  Le  directeur  du  théâtre  de  Cologne  a  eu  recours  à  un  assez 
singulier  expédient  pour  peupler  la  salle  ;  il  a  mis  les  places  en  lote- 
rie; 4,000  actions  à  2  thalers{7fr.  50)  ont  été  distribuées,  et  avec  quel- 
que chance  on  peut  gagner  un  abonnement  tout  entier.  Il  est  fâcheux 
pour  nos  directeurs  de  province  que  les  loteries  soient  prohibées 
en  France. 

'»*  Les  sœurs  MiianoUo  ont  donné  plusieurs  concerts  à  Berlin  ;  ces 
charmants  enfants  ont  enchanté  leurs  nombreux  auditeurs.  Les  con- 
structions de  la  nouvelle  salle  de  spectacle  s'avancent  rapideînent; 
on  espère  qu'elle  pourra  être  livrée  au  public  dans  le  courant  de 
l'année,  et  il  est  probable  que  l'ouverture  aura  lieu  au  mois  d'oc- 
tobre. 

*,*  Une  troupe  dramatique  française  a  obtenu  la  permission  de 
donner  quelques  représentations  à  Madrid. | 

*»•  M.  Offenbach,  ce  jeune  violoncelliste  qui  a  obtenu  à  Paris, 
pendant  tout  l'hiver,  des  succès  si  brillants ,  vient  de  partir  pour 
Londres. 

*/M.  J.  Raab,  le  meilleur  compositeur  de  Polka,  et  maître  de 
danse  à  Prague,  doit  arriver  à  Paris  d'ici  à  peu  de  jours;  nous 
connaîtrons  donc  enfin  la  véritable  Polka! 

*,*  F.  Stall,  guitariste  de  Vienne,  vient  d'arriver  à  Paris. 
*,*  Castelli ,  un  des  plus  aimables  et  des  plus  spirituels'  poètes  de 
l'Allemagne,  nous  apprend  dans  un  article  publié  parle  journal  les 
Greiizboteti  ;  o  Que  le  texte  de  l'opéra  la  Famille  suisse  lui  a  rapporté 
en  tout  huit  florins ,  soit  dix-sept  francs  vingt  centimes.  »  La  Famille 
suisse  a  fait  la  fortune  de  je  ne  sais  combien  de  théâtres,  et  le  livret 
de  M.  Castelli  a  eu  six  éditions.  Sur  ce  pied-là  un  auteur  n'aurait 
qu'à  écrire  quatre  libretti  d'opéra  pour  aller  à  l'hôpital. 

V  II  se  publie  à  Bruxelles,  depuis  six  ans,  un  élégant  annuaire 
dramatique  qui  renferme  sur  les  auteurs ,  les  compositeurs,  les  ar- 
tistes de  théâtre  et  les  instrume»  listes  des  notices  pleines  d'intérêt 
et  rédigées  avec  autant  de  goùi  et  d'impartialité  que  d'esprit.  Cet 
ouvrage  est  la  continuation  heureuse  et  perfectionnée  des  anciens 
almanachs  de  spectacles,  qui  commencèrent  vers  le  milieu  du  siècle 
dernier  et  se  sont  continués  en  France  sous  divers  titres.  Cette  en- 
treprise, qui  eut  longtemps  une  certaine  vogue,  est,  si  nous  ne  nous 
trompons,  abandonnée  aujourd'hui.  Un  spirituel  littérateur  belge 
s'en  est  emparé  très  habilement  en  lui  donnant  un  nouvel  attrait  par 
les  biographies  dont  nous  venons  de  parler,  et  qui  en  feront  un  do- 


cument précieux  pour  l'histoire  des  arts  à  notre  époque.  Puisque  la 
Belgique  contrefait  si  souvent  nos  bons  livres ,  ce  serait  bien  ici  le 
cas  d'user  envers  elle  de  représailles. 

C!Etta=®Eaîqstc   tlépstfienieutale. 

*,*  Toulouse,  i(i  avril.  —  Les /'rai/iiieHW  de  Charles  Vt  ont  obtenu 
hier  un  succès  complet,  etdonnent  l'envie  de  voir  ce  bel  ouvrage  non 
aiTfljigi;  (style  d'aHiche).  Les  honneurs  de  la  soirée  ont  été  pour  la 
bénéficiaire,  M^'RouUe,  dont  Odette  est  une  des  plus  belles  créa- 
tions. Les  couronnes  et  les  bravos  pleuvaient  de  toutes  parts. 
MM.  Laurent,  Périlhès  etEspinasse  ont  eu  part  à  ces  derniers.  L'air 
national  :  Guerre  aux  tyrans!  a  été  bissé  et  applaudi  frénétiquement. 
•„"  i^'flHcy.  —  Au  dernier  concert  de  la  Société  philharmonique, 
M.  Michel  Lévy,  violoncelliste  de  talent,  s'est  fait  applaudir  dans  la 
fantaisie  de  Séligmann  sur  la  Sonnambula. 

".*  Strasbourg.  —  Des  actes  de  bienfaisance  nous  ont  valu  le  13  et 
le  22  mars  deux  beaux  concerts  très  suivis ,  dans  lesquels  les  ama- 
teurs et  les  artistes  ont  rivalisé  de  zèle.  Dans  le  premier,  notre  vio- 
loniste Schwederle  a  brillé  dans  un  septuor  en  mi  bémol  de  Mayse- 
der  et  dans  un  andante  et  rondo  russe  de  Bériot  ;  des  variations  de 
Pixis  sur  un  air  du  Barbier  exécutées  sur  le  piano  par  une  amateur, 
et  un  solo  de  harpe  composé  et  exécuté  par  M.  Stockhausen,  ont  en- 
levé tous  les  suffrages  ;  la  partie  vocale  n'a  pas  été  moins  brillante , 
tant  par  le  choix  des  morceaux  que  par  l'admirable  talent  des  ama- 
teurs qui  ont  bien  voulu  concourir  à  l'acte  de  bienfaisance  que  la  Société 
exerçait.  Le  duo  de  la  Juive,  pourdeux  soprano;  un  aulredeZîici-esîa, 
pour  contralto  et  ténor;  des  chœurs  d'hommes  sans  accompagne- 
ment ;  la  f^cnezia  et  V  Orgia  ,  nocturnes  pour  deux  voix  égales ,  et 
pour  contralto  et  ténor;  l'air  de  la  Juive,  pour  ténor  avec  accompa- 
gnement décor  anglais,  et  un  air  pourmezzo  soprano,  de  Bériot,  ont 
reçu  des  applaudissements  mérités  et  unanimes.  — Dans  le  second , 
donné  au  profit  des  pauvres  de  la  Société  de  Saint-Vincent  de  Paul 
et  dirigé  par  M.  Wackenlhaler,  maître  de  chapelle  et  organiste  delà' 
cathédrale ,  nous  avons  été  agréablement  surpris  d'abord  par  la  pré- 
sence d'un  orchestre  complet  et  nombreux,  remplacé  dans  le  précé- 
dent par  un  quatuor  et  un  piano,  ensuite  par  un  choix  de  morceaux 
intéressants  et  nouveaux  ,  tels  qu'une  ouverture  â  grand  orchestre 
très  bien  écrite,  une  scène  pour  voix  de  basse,  et  un  impromptu  pour 
physharmonica ,  chant  religieux  d'enfants  de  chœur  placés  dans  une 
pièce  voisine,  et  à  grand  orchestre,  composés  par  M.  Wackenlhaler;  le 
rondo  d'un  concerto  de  piano  de  Herz,  exécuté  par  U"'  W,;  la  scène 
des  tombeaux  de  Lucie,  exécutée  sur  le  violon  par  M.  Schwederle, 
composition  d'Arlôt  ;  les  variations  sur  l'air  de  la  Niohé  pour  le  piano, 
par  Sowinski ,  jouées  par  une  amateur  avec  une  grande  supé.riorité. 
Parmi  les  morceaux  de  chant ,  un  duo  pour  deux  voix  de  basse  ,  de 
Marina  Faliero,  chanté  par  les  frères  SchIo>Yer,  un  trio  de  Stra- 
della,  et  la  prière  de  Moisc  à  grands  chœurs,  ont  fait  le  plus  grand 
plaisir;  enfin  n'oublions  pas  la  belle  ouverture  d'OieroH,  dont  l'exé- 
cution parfaite  a  été  accueillie  avec  enthousiasme.  Notre  Académie 
de  chant  poursuit  toujours  ses  exercices  avec  une  louable  persévé- 
rance par  l'étude  d'ouvrages  classiques;  une  partie  des  Saisons 
d'Haydn  a  eu  son  tour.  Nous  sommes  à  la  fin  de  l'année  théâtrale, 
presqu'au  moment  où  la  troupe  d'opéra,  après  quatre  débuts  infruc- 
tueux de  premiers  ténors,  s'était  complétée  par  l'acquisition  de 
M.  Maurin  ,  jeune  élève  du  Conservatoire  de  Lyon  ,  possédant  une 
voix  fraîche  et  bien  agréable.  Les  seules  nouveautés  montées  dans 
le  courant  de  cette  année  théâtrale  sont  :  la  Part  du  Diable  ,  Scara- 
mouche  et  Don  Paviuale.  Pour  la  nouvelle  année  théâtrale,  dont 
l'ouverture  est  fixée  au  1"  juin  prochain  ,  le  privilège  a  été  concédé 
à  M.  Mutée,  venant  du  Havre;  dès  lors  notre  théâtre  restera  fermé 
du  1"  avril  au  1"  juin. 

Cliiroiaiqiïe  étvsMtgivB. 
V  Londres.  —  On  a  donné  au  théâtre  de  Drury-Lane  la  première 
représentation  d'un  opéra  intitulé  :  The  Bridesof  F^enice  [les  i^i'an- 
ciics  de  F'eHî'.se),  dont  le  sujet  semble  emprunté  d'un  peu  loin  au 
romande  George  Sand,  l'Uscoque.  La  musique  de  Bénédict  a  eu 
beaucoup  de  succès  ;  plusieursmorceauxontété  bissés.  On  cite  parmi 
ceux  qui  sont  appelés  à  une  vogue  populaire,  un  chœur  de  femmes, 
Good  morrow  ,  lady  fair;  une  ballade,  Jf  a  lear  should  repose;  une 
chanson  The  smile  that  plays  on  woman's  cheek  ;  un  duo  Like  llie 
storm  now  died  away,  etc.  Les  principaux  chanteurs  ont  été  rappelés 
après  l'ouvrage,  où  le  compositeur  a  fait  preuve  de  science,  c'est 
beaucoup  :  de  conscience,  c'est  plus  encore,  et  a  bien  mérité  de  l'art 
et  du  public— Au  théâtre  Saint-James,  M""  Albert  continue  ses  suc- 
cès dans  Arthur,  Seize  ans  après,  la  Dame  de  l'empire,  etc.  Elle  a  fait 
reprendre  avec  quelques  changements  un  vaudeville  qui  date  du 
commencement  de  ce  siècle ,  le  Procès  du  Fandango,  ressuscité  et 
rajeuni  comme  tant  d'autres  vieilleries  par  un  nouveau  titre,  le  Pro- 
cls  de  la  Polka. 


DE  PARIS. 


163 


— Mendelssohn  est  attendu  poDr|diriger,  le  13  mai,  le  4'  concert  de 
la  Société  philharmonique. —  Il  existe  à  Londres  une  Société  royale 
des  dames  musiciennes  (o//ema/e  m«sicîaHs),  elle  va  donner  son 
concert  annuel.  Quel  exemple  pour  nos  brillantes  virtuoses  qui  n'ont 
pas  encore  songé  à  former  entre  elles  une  association  !  — M""  Dorus- 
Gras  et  Staudigl  vont  se  trouver  réunis  à  Londres,  où  Thalberg  doit 
retourner  aussi  à  la  fin  de  mai.  Rien  ne  peut  donner  une  idée  de 
l'activité  musicale  qui  règne  dans  la  capitale  de  l'Angleterre  pendant 
cette  saison,  où  elle  commence  en  France  à  se  ralentir ,  pour  passer 
pendant  cinq  ou  six  mois  à  un  état  de  silence  presque  absolu. 

—  On  a  repris  la  Worma  au  Queen's-Thealre.  Ce  qui  donnait  un 
intérêt  de  nouveauté  à  cette  partition  si  connue,  c'est  que  M"""  Fa- 
vanti,  l'idole  des  Anglais  et  leur  compatriote,  s'était  chargée  du  rôle 
d'Adalgise.  Celte  physionomie  douce,  tendre,  un  peu  effacée,  con- 
venait moins  à  son  jeu  vif  et  énergique  que  les  beaux  loles  de  Cene- 
rentola  et  de  l'Arsace  de  Semiramide  :  aussi  n'a-t-elle  pu  y  produire 
le  même  effet,  et  il  y  a  lieu  de  retourner  en  cette  occasion  le  fameux 
vers  de  Voltaire,  et  se  dire  :  Tel  brille  au  premier  rang  qui  s'éclipse  au 
second. 

—  Rien  de  nouveau  à  l'Opéra-ltalien.  On  attend  Liszt,  Doebler, 
Thalberg,  pour  les  concerts  aristocratique  qui,serontdonnés  enhon- 
neur  de  l'empereur  de  toutes  les  Russies. 

*,*  Berlin.  —  Jl  Mairimonio  segreto  au  théàlre  de  Kocnigsstadt. 
Les  librettistes  italiens  du  siècle  dernier  faisaient  tout  comme  font 
leurs  successeurs  :  quand  un  drame  ou  un  roman  avait  quelque  part 
un  grand  succès,  ils  se  ruaient  dessus  et  le  travaillaient,  le  déchi- 
quetaient et  le  défiguraient  en  en  extrayant  des  situations  musicales. 
On  sait  que  le  livret  du  3/alrimonio  segreto  n'est  qu'un  extrait  d'une 
comédie  de  Garrick  :  «  Tlie  clandesline  mnrriage,  »  qui  fut  donné  à 
Drury-Lane  en  1766.  Le  texte  italien  avait  été  traduit  par  Herkiols; 
la  traduction  fut  consumée  par  les  flammes  lors  de  l'incendie  du 
Théâtre  royal:  elle  a  été  faite  de  nouveau  par  Cb.  Lebrun.  L'opéra 
de  Cimarosa  a  été  représenté  le  10  avril  à  Berlin  à  la  grande  satisfac- 
tion des  connaisseurs  :  une  signora  Eandini  a  chanté  avec  succès  la 
partie  de  Fidalma,  dans  laquelle  on  se  rappelle  sans  doute  avoir  vu 
paraître  M°"  Malibranà  l'apogée  de  sa  gloire. 

*,*  Breslatt.  —  La  Part  du  Diable  a  été  donné  à  notre  Grand- 
Théâtre  avec  le  plus  brillant  succès.  L'opéra  de  M.  Thomas,/»  Double 
échelle ,  est  un  ouvrage  assez  remarquable  dans  la  partie  musicale  , 
mais  il  exige  de  la  part  des  exécutants  une  q^taine  dose  de  finesse  et 
de  prestesse,  et,  sous  ce  rapport,  les  exécutants  laissent  beaucoup  à 
désirer. 

%*  Zurich.  —  Notre  théâfre  a  terminé  sa  saison  d'hiver  et  restera 
fermé  à  partir  du  1"  avril.  Parmi  les  dernières  pièces  qui  ont  eu  du 
succès ,  nous  citerons  :  la  Flûte  enchantée  ,  de  Mozart  ;  le  Braconnier, 
le  Serment ,  de  Mercadante,  qui  a  été  accueilli  assez  froidement; 
les  Deux  archers,  de  Lortzing;  et  les  Diamants  de  la  couronne, 
d'Auber. 

*,*  Copenhague. — Le  directeur  de  notre  Théâtre-Italien ,  M.  More- 
sini,  a  renoncé  à  son  privilège.  L'exploitation  de  l'entreprise  passe 
entre  les  mains  de  M»"  Forconi ,  prima  donna.  Les  deux  dernières 
représentations  de  la  troupe  ont  été  fort  orageuses.  Les  engagements 
expiraient  le  20  avril;  toutefois  on  s'était  entendu  pour  jouer  en- 
core deux  fois  avant  la  clôture  au  bénéfice  de  MM.  Tilly  et  Biaggi. 
Les  billets  étaient  placés,  la  salle  commençait  à  se  remplir,  lorsque 
MM.  Rossi  et  Torri  parurent  sur  la  scène  et  déclarèrent  qu'ils  ne 
joueraient  pas.  Là-dessus,  grand  esclandre,  violenls  articles  dans  les 
journaux.  Le  lendemain  soir,  MM.  Rossi  et  Torri  firent  des  excuses 
au  public,  et  les  choses  en  restèrent  là.  M""=  Secci-Corsi  nous  quitte; 
elle  est  engagée  pour  deux  ans  au  théâtre  d'Odessa. 

•/  Saint-Pétersbourg.  —  Nous  avons  tous  les  jours  des  concerts 
qui  sont  plus  ou  moins  fréquentés  selon  que  l'artiste  bénéficiaire  est 


plus  ou  moins  recommandé  soit  par  sa  renommée,  soit  par  des  pro- 
tecteurs haut  placés.  Après  les  fêtes  dispendieuses  du  carnaval,  il 
reste  encore  à  la  haute  société  des  fonds  suffisants  pour  récompenser 
les  virtuoses  qui,  la  plupart,  habitent  notre  capitale;  par  contre  les 
fournisseurs  elles  ouvriers  sont  renvoyés  les  mains  vides.  Les  grands 
seigneurs  russes  sont  les  plus  mauvais  administrateurs  du  monde; 
ils  confient  leur  fortune  à  des  maîtres  d'hôtel  étrangers  qui  savent 
très  bien  faire  leurs  affaires.  L'Opéra  allemand  n'est  pas  en  voie  de 
prospérité;  il  a  passé  la  saison  d'hiver  à  Moscou,  où,  l'année  dernière, 
on  l'avait  accueilli  avec  tant  de  bienveillance  et  de  faveur;  cette  an- 
née-ci, il  en  a  été  autrement.  On  croit  généralement  que  les  repré- 
senlalions  de  l'Opéra  allemand  à  Pétersbourg  vont  cesser.  Nous  sa- 
vons de  bonne  source  que  trente-deux  acteurs  du  théâtre  allemand 
ont  été  congédiés,  ainsi  que  tout  le  personnel  de  l'Opéra  allemand. 
C'est  la  troupe  italienne  qui  a  la  vogue:  pendant  l'hiver  qui  vient 
de  s'écouler,  la  salle  était  presque  entièrement  envahie  par  les  abon- 
nés, et  il  était  très  difficile  au  reste  du  public  de  trouver  à  se  placer. 
M"' Viardot-Garcia,  MM.  Rubini  et  Tamburini  sont  réengagés  pour 
la  saison  prochaine.  C'est  M""^  Viardot-Garcia  qui  est  la  prima  donna 
assoluta.  Cette  cantatrice  est  en  grande  faveur;  ceux  qui  ne  l'ont  en- 
tendue qu'à  Paris,  à  Londres  ou  en  Allemagne  seraient  bien  étonnés 
s'ils  l'entendaient  aujourd'hui.  Son  talent  s'est  développé  d'une  ma- 
nière vraiment  miraculeuse. 

*,"  Xew-york.  —  Théâtre  Palmo.  La  représentation  au  bénéfice 
de  M"'  Borghèse  avait  attiré  la  plus  grande  foule  que  le  théâtre  ait 
encore  vue  depuis  son  ouverture.  Les  Italiens  ont  eu  l'heureuse  idée 
de  donner  encore  trois  représentations  :  c'est  un  dernier  adieu  au- 
quel le  public  ne  fera  pas  défaut,  nous  l'espérons.  M">=  Heilberg, 
cantatrice  qui  vient  de  Suède,  était  arrivée  à  New- York,  où  elle  se 
proposait  de  donner  un  concert. 

V  Valence.  —  La  prima  donna  Mugnoz  remplace  la  segnora  Man- 
rochi,  laquelle  a  rompu  son  engagement,  parce  que  l'entreprise 
n'apas  voulu  engager  Rom'i  avec  elle.  Cette  compagnie  lyrique  pos- 
sède aussi  la  segnora  Toral,  qui  a  laissé  de  brillants  souvenirs  au 
théâtre  des  Capucins  à  Barcelonne. 

*/  Madrid.  —  Un  jeune  poète  et  compositeur  de  Madrid,  Rubi, 
vient  d'y  obtenir  un  grand  succès  avec  une  œuvre  dramatique  inti- 
tulée :  Bandera  negra  [le  Drapeau  noir). — On  s'occupe  avec  une  grande 
activité  de  former  des  chœurs  pour  les  opéras  del  Circo  et  delaCruz, 
ainsi  que  pour  les  troupes  de  province.—  Un  artiste  distingué,  Juan 
Confortini,  est  engagé  comme  premier  ténor  à  l'Opéra  del  Circo. — 
Parmi  les  ballets  où  la  danseuse  Guy  Stephan  obtient  la  vogue  ,  on 
cite  ce  titre  curieux  pour  une  œuvre  chorégraphique  :  los  Imjleses 
en  cl  Indostan  (  les  Anglais  dans  l'Inde).  Se  figure-t-on  nos  flegma- 
tiques voisins  traduisant  leur  tyrannie  sanguinaire  en  pirouettes  et 
en  jetés-battus?— Unanue,  jeune  ténor  espagnol,  revient  se  faire  en- 
tendre à  Madrid  après  avoir  couru  la  province,  où  il  a  fait  de  grands 
progrès. 

—  On  a  entendu  à  la  chapelle  royale  quelques  lamentaciones  com- 
posées par  Tedesma,  chef  de  cet  établissement.  On  y  a  exécuté  aussi 
les  Sept  paroles  d'Haydn.  — Le  théâtre  de  la  Cruz  prépare,  dit-on, 
un  opéra  tout  espagnol  intitulé  Dona  Maria  Molina.  —  Au  moment 
où  il  se  disposait  avec  une  troupe  lyrique ,  composée  de  toute  sa  fa- 
mille, à  aller  exploiter  Malaga  et  Gibraltar,  Villô-Remos  vient  de 
mourir  subitement;  c'était  le  mari  d'une  cantatrice  très  aimée  en 
Espagne.  —  Un  chanteur  que  nous  avons  entendu  à  Paris,  Oller,  est 
nommé  chef  des  chœurs  au  théâtre  de  la  Cruz. —  La  reine-mère  et  sa 
fille  Isabelle  II  ont  assisté  dernièrement  à  un  concert  donné  au 
Lycée.  On  y  a  exécuté  un  Miserere  et  un  Stabat  Mater  du  maestro 
Saldoni. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


Le  Chirogymnasle  est  un  assemblage  Je  neuf  appa- 
reils gymnastiques  destinés  à  donner  de  V extension  à 
lamaiuelderécarl  aux  doigts  à  augmenter  et  à  é^a/f- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quatrième  et  iecinquiéme 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnasle 
Pété  aussi  approuvé  et  adopté  parMM.  Adam, Bertini, 
ne  Bciiot^  Cramer,  Herz,  KaUihrenner,  tistz,  Moschelés 
Pruaifrtl.  Sivon,  Thalberg,  Tulou,  Zimmermann,  etc. 

(Chaque  Chirogymnasle  est  revêtu  de  la  signature 
de  ^'inventeur  et  se  vend  place  de  la  Bourse,  n°  13, 
è,  huit  appareils,  50fr.,àneufapp,60fr.,mélhode,5fr. 

CVSnVASTIQIJE  APPLIQUÉE  A  L'ÉTUDE  DU  PIANO,  par  MAnTIN.  3  b. 
La  GKIHIVASTIQUE  DES  DOIGTS,  par  H.  BERTINI.  Prix  net,  3  fr.  1B  c. 

Les  expéditions  sont  faites  contre  remboursement.  Écrire  franco* 


1  Angleterre. 
Inventé  par  C.  MARTIN 


et  adopté  dans  le 
desCONSERl'ATOIBÉS 
^e  P«riH  et  de  Londres. 


PLIIIIES  MÉTALLIQUES  POUR  ECBIRE  U  MUSIQUE. 

N°  13.  Pour  écrire  la  musique.  Celte  plume  convient  aussi  aux 
personnes  qui  n'écrivent  pas  l'anglaise.  —  N"  13  bis.  Pour  copier  la 
grosse  musique,  telle  que  parties  séparées,  et  écrire  en  gros  et  en 
ronde.  —  ti"  i6  médium.  Plus  fine  que  le  No  13,  très  bonne  pour 
l'écriture  expédiée.  —  Prix  :  la  douzaine,  50  c.  ;  la  grosse,  4  francs. 
Chez  IiARS-XSN AUU> ,  Papetier,  rue  Feydeau ,  23 ,  à  Paris. 

Spécialité  pour  la  reliure  de  musique  ;  papier  réglé  pour  musique 
de  tous  les  formais,  soit  ordinaire  ou  de  fantaisie,  ainsi  que  des 
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un  marché,  comparer  ces  instruments  avec  ceux  de  toutautre  facteur. 


164 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


(Kn  tlente» 

TMITÉ   COMPLET 

DE  LÀ  THÉORIE  ET  DE  LÀ  PRATIQUE 

DE 

L'MARliOIfflS 


PAU 


F.-J.  FETIS, 

MAÎTRE   DE  CHAPELLE  DU  KOI  DES  BELGES  ,    ET   DIRECTEUR  DU  CONSERVATOIRE  DE  BRUXELLES. 

Prix  de  souscription  :  DIX  FRANCS,  net. 

Cet  important  ouvrage,  dans  lequel  le  célèbre  auteur  a  déposé  toute  son  érudition  avec  cette  clarté  et 
cette  lucidité  qui  le  distinguent,  est  un  livre  qui  doit  être  dans  les  mains  de  tous  les  musiciens  :  aussi 
avons-nous  fixé  le  prix  aussi  bas  que  possible,  pour  le  mettre  à  la  portée  de  toutes  les  bourses.  Ce  Traité 
est  l'ouvrage  le  plus  complet  qui  ait  paru  jusqu'à  ce  jour  sur  l'étude  de  l'Harmonie. 

|l0ur  parottre  le  20  Mai  ftoc\}axn. 
MORCEAUX  DE  CMKT  DE  L'OPÉRA 

lAÏi£¥Y. 


Paroles  de  M.  de  Saint-Georges. 


Ouverture. 
N:  I.  Cavaline  chantée  par  M""'  Sloltz. 

2.  Air  de  l'improvisateur,  chanté  par  M.  Barroilhet. 

3.  Duo  chanté  par  M""  Stollz  et  M.  Barroilhet. 

i.  Chanson  de  la  Bouquetière,  chantée  par  M"'«  Dorus-Gras. 

5.  Duo  chanté  par  M"""  Dorus-Gras  et  Stoltz. 

6.  Trio,  par  MM.  Barroilhet,  Levasseur  et  M""  Dorus-Gras. 

7.  Couplets  du  baptême  de  la  cloche,  chantées  par  M™'  Dorus- 

Gras. 


8.  Duo  chanté  par  M.  Barroilhet  et  M°'«  Dorus-Gras. 

9.  Chansonnette  chantée  par  M""  Stoltz. 

10.  Duo  chanté  par  M""  Stollz  et  Dorus-Gras. 

11.  Duo  chanté  par  M.  Barroilhet  et  M"'  Stoltz. 

1 1  bis.  Cavatine  extraite ,  chantée  par  M.  Barroilhet. 
II  ter.  Romance  extraite,  chantée  par  M""'  Stoltz. 
15.  Trio  chanté  par  MM.  Levasseur,  Barroilhet  et  M°" 

Gras. 
13.  Couplets  chantés  par  M""=  Stoltz. 


NOUVEAUX    PROGRES 

PAR 

H^B^     iH^     ^V^  ^M  Iiondres,   106,  STevr-Bond-Street. 


PARIS, 


M  9, 


t'ite  "fies  ISonS-X!nf€»mt8.  £aC\.e\\X  îlf  |3iatt05  Î)U  îloi.  Bruxelles,  85,  rue  de  la  Madelaine. 

PÏMOS  A  HUiT  OCTAVES. 


Les  nombreux  perfectionnements  introduits  par  M.  Pape  dans  la 
fabrication  des  pianos  ont  apporté  des  améliorations  importantes 
dans  cette  branche  d'industrie;  l'une  des  plus  remarquables  est  sans 
contredit  le  système  de  mécanisme  en  dessus,  a  l'aide  duquel  M.  Pape 
est  parvenu  à  résoudre  les  problèmes  do  réduction  des  formats  avec 
augmentation  de  son  et  de  simplification  des  mécanismes.  Plusieurs 
des  nouveaux  instruments  de  M.  Pape ,  tels  que  les  pianos-consoles 
elles  pianos-tables,  démontrent  de  la  manière  la  plus  évidente  les 
avantages  de  ce  système.  Ces  pianos  réunissent ,  dans  la  dimension 
la  plus  réduite,  une  puissance  et  une  qualité  de  son  telles  qu'aucun 
piano  du  système  ordinaire  ne  peut  leur  être  comparé. 

Une  fois  arrivé  à  faire  de  bons  pianos  dans  de  petits  formats,  il 
devenait  facile  pour  M.  Pape  de  le  faire  dans  de  grandes  dimen- 


sions; c'est  ainsi  qu'il  a  pu  porter  les  claviers  des  pianos  à  queue  à 
huit  octaves  en  obtenant  une  parfaite  sonorité  dans  toute  leur  éten- 
due. Ces  claviers  prennent  de  !'«(  le  plus  grave  de  l'orgue  (32  pieds) 
jusqu'au  neuvième  la  sur-aigu,  ou  du/a  au /a;  on  peut  afRrmeravec 
M.  Fétis  que  l'élendue  du  clavier  doit  avoir  atteint  par  là  ses  der- 
nières limites.  Ce  nouveau  perfectionnement,  qui  fournit  tant  de 
ressources  pourl'art,  est  déjà  apprécié  par  de  savants  compositeurs, 
et  il  ne  tardera  pas  à  devenir  d'un  usage  général. 

Les  pianos  à  queue  à  huit  octaves  réunissent  à  une  construction 
simple  une  infinité  d'autres  avantages ,  qui  sont  détaillés  dans  des 
notices  explicatives  contenant  aussi  la  nomenclature  des  brevets  de 
M.  Pape,  et  qui  seront  publiées  incessamment. 


Inoprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


Pour  Paris  :  un  an,  30  fr.  ;  six  mois,  15  fr.     —     Annonces  :  5<Kc.  la  ligne  de  28  lettres     —     Départements  :  un  an,  34  fr.  Étranger,  38  fr. 


REVUE 


GAZETTE  MUSICALE 

BÈDIGÉE  riB 

MM.  ANDERS  ,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  HENRI  BLANCHARD, 

MiUniCE  BOURGES,  F.  DAJVJOO,  DUESBERG ,  FÉTIS  pÈre,  Édouabd  FÉTIS,  Stephen  HELLER,   J.  JANIN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  J.  ME1FRED  ,  GEORGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PABL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

JPfiraiasaMt  totts  tes  ItimancFtea, 

tt  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 
Le    fi'"'   et    lo    tS  de  ehaijHc   mois   on    recevra   nn  morceaa    de   musique* 


SOMMAIRE.  Les  lutles  du  compositeur  (deuxième  article);  par 
J.  MEIFllED.  —  Théâtre  royal  de  l'Opéra-Comique  ;  Le  Bal  du 
sous-préfet  (  première  représentation  )  ;  par  H.  BLANCHARD.  — 
Concert  de  M.  Berlioz  au  Théâtre-Italien;  par  H.  BERLIOZ. — 
Concert  historique  donné  par  M.  Mcreaux,  et  concert  de  M.  Emile 
Prudent  ;  par  H.  BLANCHARD.  —  Correspondance  particulière  : 
Londres.  —  Nouvelles.  —  Annonces. 

Rcndez-lnî  son  léger  bateau.  Dessin  de  Gavarni. 


LES  LUTTES  DU  COMPOSITEUR. 

(Deuxième  article.") 

maginez  un  jeune  homme  à  peine  échappé  de  la 
géhenne  du  collège ,  des  agréments  de  la  rhétori- 
que, des  délices  de  la  philosophie  éclectique,  des 
émotions  des  concours,  et  des  déceptions  de  la 
W  distribution  des  prix  :  dans  ses  courts  moments  de 
loisir,  il  a  émaillé  son  existence  toute  hérissée  de  latin ,  de 
grec,  d'objectif  et -de  subjectif,  des  rêves  sans  bornes  de 
quelque  amour  idéal  ;  ignorant ,  l'écolier  qu'il  est ,  ce  que 
sont  les  passions  de  ce  monde ,  et  la  prodigieuse  distance  qui 
sépare  l'amour  naïf ,  rêveur,  dévoué  jusqu'à  la  folie,  qu'il 
nourrit  dans  sa  tête  et  daus  son  cœur,  de  l'amour  réel  avec 
ses  amertumes,  ses  soupçons  et  ses  mésalliances.  De  retour 
dans  la  maison  paternelle ,  il  avise  aa  fond  du  jardin  une  pe- 
tite fenêtre  à  double  grille  ,  à  triple  jalousie ,  et  derrière  ces 
obstacles,  une  forme  vague ,  indécise ,  animée  par  deux  yeux 
à  la  fois  tristes  et  passionnés.  Il  ne  lui  en  faut  pas  davantage  : 
toutes  les  puissances  de  son  organisation  se  réunissent  en  un 
faisceau  briilant ,  et  se  dirigent  vers  l'objet  inconnu  ;  puis  , 
avec  cette  force  d'induction  si  naturelle  aux  passions  de  la 
jeunesse ,  il  bâtit  un  roman ,  et  un  long  roman ,  je  vous  as- 
sure ,  dans  lequel  il  fait  entrer  comme  réalité  infaillible  tous 

(")  Voirie  numéro  12. 


ses  rêves  d'amour,  de  bonheur,  de  dévouement  et  de  succès. 
Sans  doute ,  la  belle  inconnue  (  elle  doit  être  belle  )  est  quel- 
que Rosine,  tendre  et  passionnée  ,  victime  des  plans  intéres- 
sés d'nn  tuteur  vieux  et  laid;  sans  doute  elle  aimera  le  jeune 
homiiv.  !  que  dis-je?  elle  l'aime  déjà!  Mais  les  obstacles?  Eh 
bien  ,  il  les  détruira  par  la  force ,  les  tournera  par  la  ruse  ! 
En  une  minute,  cette  fleur  d'honnêteté,  ce  parfum  de  can- 
deur, cette  auréole  de  probité  que  chacun  porte  sur  sou 
front  en  entrant  dans  la  vie ,  s'effaceront  pour  faire  place  à  la 
hardiesse  d'un  don  Juan ,  à  la  fourbe  d'un  vieux  diplomate  : 
l'amour  fait  de  plus  grands  miracles.  Mais ,  en  attendant  le 
succès  de  toutes  ses  tentatives,  que  ne  donnerait  pas  notre 
brûlant  adolescent,  pour  voir  de  près  les  traits  à  la  fois  spiri- 
tuels et  doux  de  l'objet  de  sa  passion  ,  ses  yeux  dont  les  feux 
sont  tempérés  par  quelque  larme  furlive  ,  et  surtout  pour  en- 
tendre sa  voix  harmonieuse  dire  entre  deux  soupirs  :  OhJ 
comme  je  t'aime!...  Son  sang,  sa  vie,  son  bonheur  dans  ce 
monde ,  son  salut  dans  l'autre ,  sa  famille ,  son  avenir,  ses 
rêves  de  fortune  ,  d'ambition  !  Non ,  tout  cela  n'est  pas  assez 
pour  payer  l'ineffable  jouissance  de  ce  moment  suprême. 

Eh  bien  !  cet  amoureux  passionné ,  c'est  notre  jeune  com- 
positeur: dans  les  études  rocailleuses  de  la  fugue  et  du  con- 
trepoint, dans  les  travaux  de  l'école,  parsemés  de  sujets ,  de 
contre-sujets,  de  réponses,  de  canons,  d'imitations ,  de 
slrettes  ,  etc. ,  etc. ,  et  douze  lignes  d'etc.  ,  il  a  rêvé  qu'un 
jour  son  génie  tirerait  de  la  forme  indécise  d'une  harmonie 
rêveuse  quelques  unes  de  ces  mélodies  expressives,  autour 
desquelles  tous  les  cœurs  viennent  se  grouper  comme  par 
une  irrésistible  attraction  ;  et  lorsqu'il  est  enfin  débarrassé  des 
entraves  scolastiques ,  il  fixe  ,  dans  sa  fougue ,  tous  les  ca- 
prices de  son  imagination  ,  tous  les  chants  qu'elle  lui  fournit 
sans  choix ,  sans  examen ,  sur  la  froide  surface  d'un  cahier 
à  dix-huit  portées. 

Ses  idées ,  il  les  aime  jusqu'au  déhre  !  et  c'est  avec  un 
indicible  amour  qu'il  se  plaît  à  les  vêtir  d'une  riche  et  somp-  , 


BUREAUX  B'ABOI^NEDIENT,    RUE    RICHEI.IEU ,    97. 


166 


BJEVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tueuse  harmonie ,  à  les  parer  des  bijoux  d'une  exubérante 
instrumentation.  Mais  il  ne  les  peut  voir  qu'à  travers  l'épais 
grillage  des  ligues  de  son  papier,  sous  la  forme  cabalistique 
des  signes  de  la  notation  ;  tout  au  plus  leur  donnera-t-il  uu 
simulacre  de  vie,  une  existence  factice  en  les  essayant  au 
piano ,  ce  squelette  de  l'orchestre  et  des  voix ,  cette  pile  de 
Volta  du  galvanisme  musical  !  Hélas  !  ce  n'est  pas  sous  cette 
forme  anguleuse  et  froide  qu'il  les  avait  rêvées ,  et  pour  les 
voir  de  près,  pour  entendre  ,  par  le  secours  d'habiles  inter- 
prètes, leur  douce  voix  lui  dire  :  Je  t'aime  comme  tu  m'aimes  ! 

il  sacrifierait tout  ce  que  le  compositeur  sacrifie  à  son 

œuvre! 

Laissant  les  rêves  poétiques  créés  par  sa  jeune  imagination, 
il  entre  dans  la  vie  réelle  avec  une  profonde  conviction ,  une 
foi  robuste  ,  une  volonté  à  toute  épreuve.  Il  n'a  qu'un  but , 
le  succès,  qu'un  moyeu,  le  théâtre;  et  comme  il  sent  bien 
que  l'emploi  de  la  force  ne  servirait  qu'à  lui  en  fermer  les 
issues  ,  il  se  jette  tout  entier  dans  les  voies  d'une  diplomatie 
cauteleuse,  mille  fois  plus  habile  et  plus  clairvoyante  que  celte' 
avec  laquelle  on  parvient  à  gouverner  des  royaumes ,  à  domi- 
ner l'Europe.  Richelieu,  Mazarih,  Talleyrand,  Metteruich, 
seraient  des  enfants  en  comparaison  de  ce  jeune  homme  de 
vingt  ans,  qui  ne  débat  pas  froidement  les  intérêts  de  peuples 
ou  de  monarques ,  mais  qui  sait  concentrer  une  immense 
passion,  cacher  une  aspiration  brûlante,  sous  un  masque  im- 
passible que  nul  regard  ne  saurait  pénétrer. 

C'est  merveille  de  voir  comme  notre  Machiavel  lyrique  va 
changer  sa  nature  primitivement  franche,  et  même  un  peu 
brutale,  pour  une  nature  d'emprunt,  factice  et  composée.  Le  | 
plus  habile,  le  plus  expérimenté  d'entre  les  comédiens,  lui  j 
envierait  ce  sourire  tour  à  tour  caressant;  flatteur,  appro- 
bateur, ou  seulement  insignifiant;  ce  regard  parfois  vif, 
animé,  perçant,  plus.souvent  terne  et  sans  direction,  dont  il 
se  sert  avec  une  présence  d'esprit  incroyable,  selon  qu'il  faut 
louer  ou  blâmer  ;  et  le  paysan  écossais  lui-même ,  si  célèbre 
pour  la  réserve  et  la  prudence  qu'il  met  à  ne  dire  que  les 
paroles  indispensables ,  pourrait  recevoir  d'excellentes  leçons 
de  notre  futur  triomphateur.  Ne  craignez  pas  que  jamais  il 
compromette  la  plus  légère  de  ses  chances  de  succès  par  une 
parole  indiscrète ,  par  une  critique ,  même  la  mieux  fondée , 
sur  l'ouvrage  d'un  homme  influent  au  théâtre  !  Tout  est  bien , 
tout  est  bon,  Pangloss  ne  saurait  mieux  dire  !  Que  si ,  d'a- 
venture, le  directeur  d'un  théâtre  lyrique  distingue  ■parti- 
culièrement l'une  de  ses  pensionnaires ,  il  faut  admirer 
comme  notre  jeune  compositeur  la  trouve  belle  ,  comme  il 
devient  passionné  pour  son  chant,  pour  ses  gestes,  pour  son 
débit!  M"'  Mars  doublée  de  M""  Rachel;  toutes  deux  addi- 
tionnées avec  M"''  Catalani ,  Damoreau ,  Grisi,  Malibran  et 
Sontag ,  forment  à  peine  un  total  digne  d'être  comparé  au 
nouvel  astre  qui  vient  de  se  lever  à  l'horizon. 

Et  nul  n'oserait  le  blâmer  de  violer  ainsi  sa  pensée ,  ses 
sentiments ,  de  dérober  à  l'œil  des  curieux ,  des  malveillants 
et  des  rivaux,  ce  qui  se  passe  dans  son  for  intérieur.  Dépen- 
dant de  tout  le  monde,  il  doit  ménager  tout  le  monde;  ne 
pouvant  faire  sa  carrière  qu'en  flattant  une  piiis.san'ce  absolue, 
sans  contrôle ,  il  devient  courtisan.  Ainsi  armé  de  la  cuirasse 
sans  défaut  d'une  impénétrable  diplor.îatie,  notre  jeune  ar- 
tiste fera  le  blocus  de  la  place  et  tâchera  de  s'en  rendre  maî- 
tre ;  sa  foi  robuste,  sa  forte  croyance  en  lui-même  le  soutien- 
dront pendant  cette  longue  et  douloureuse  stratégie.  Mais  au 
premier  pas  qu'il  voudra  faire  dans  la  carrière,  il  sentira  la 
froide  main  de  l'isolement  se  placer  sur  son  épaule  d'un  geste 
familier;  il  verra  clairement  que  rien  ne  lui  est  encore  possi- 
ble, car  il  ne  tient  à  rien  :  ses  amis  ne  sont  que  des  camarades. 


aussi  impuissants  que  lui  et  courant  d'ailleurs  la  même  voie  ; 
ses  parents  ne  sont  ni  riches  ni  répandus;  ils  fondent  le  plus 
clair  de  leurs  espérances  sur  son  talent,  sur  son  avenir.  Et 
si,  passez-moi  la  parenthèse,  le  mot  de  M""  Staël  :  «  Pour  le 
»  génie ,  les  barrières  sont  des  appuis ,  »  est  une  vérité ,  il 
faut  convenir  que  les  familles  des  jeunes  artistes  sont  les  plus 
fermes  appuis  qu'on  puisse  imaginer.  Notre  compositeur  ne 
peut  donc  compter  ni  sur  ses  parents  ni  sur  ses  amis.  Il  n'a 
plus  de  relations ,  pas  de  coterie  ,  et  le  besoin  de  s'entourer 
devient  son  idée  fixe,  sa  passion  dominante.  Par  tous  les 
moyens,  il'  cherche  à  entrer  dans  le  monde  des  salons,  et  en- 
fin, iii'eçoiC,  après  bien  des  efforts,  la  lettre  d'invitation  qui 
lui  ouvre  les  portes  de  cette  société  privilégiée  dont  il  veut, 
dans  son  ambition ,  faire  le  premier  échelon  qui  doit  le  con- 
duire an  succès. 

I. 

Xi'eiitfrëe  d'ans  le  laaonde. 

Enfin,  après  un  nombre  infini  de  tentatives  avortées,  de  dé- 
marches vaines,  d'essais  infructueux,  notre  ambitieux  fait  sooi 
entrée  dans  cette  société  de  convention  qu'on  appelle  le 
monde ,  et  il  la  fait  par  la  bonne  porte.  Déjà  très  habile  dans 
l'art  de  discerner  ce  qui  peut  le  servir  d'une  manière  efficace, 
il  a  vu,  avec  cette  lucidité  qu'une  sensibilité  très  vive  déve- 
loppe chez  le  véritable  artiste,  que  d'un  bon  commencement 
dépend  un  bel  avenir.  Puis  observant  que  malgré  le  prosaïsme 
de  notre  benoite  époque ,  le  protectorat  est  encore  une  des 
prétentions  des  personnes  haut  placées ,  il  cherche  à  se  faire 
protéger,  et  accepte  avec  reconnaissance ,  mais  non  sans  pro- 
lester à  part  lui ,  la  singulière  mission  de  représenter  abso- 
lument et  sans  partage  la  composition  musicale  dans  un  salon 
d'élite. 

Chaudement  recommandé  par  le  maître  et  surtout  par  la 
maîtresse  de  la  maison,  sa  première  apparition  est  entourée 
de  toutes  ces  questions  bienveillantes,  de  toutes  ces  adorables 
cajoleries,  de  ces  paroles  d'espérance,  de  ces  prophéties  de 
niais,  dont  les  gens  d'une  certaine  éducation  n'ont  pas  en- 
core pendu  le  secret,, et  son  cœur  s'épanouit  doucement  à  ce 
murmure  si  harmonieux  pour  son  amour-propre.  Sa  musi- 
que, chantée  con  amore  par  de  belles  et  nobles  personnes , 
douées  de  voix  fraîches  et  pures ,  et  pour  le  moins  aussi  bonnes 
musiciennes  que  beaucoup  de  cantatrices  de  profession,  est 
religieusement  écoulée,  applaudie  avecfureiu-.  Dans  une  soi- 
rée, il  est  devenu  l'oracle,  le  maître  de  chapelle  et  l'ordonna- 
teur de3  fêtes  musicales  de  la  maison,  et  s'il  touche  du  piano, 
l'engouement  dont  il  est  l'objet  croîtra  jusqu'au  délire,  car 
il  fera  danser  avec  une  complaisance  sans  bornes  cette  bril- 
lante jeunesse  qui  a  si  bien  accueilli  sa  musique,  et  qui, 
disons-le  franchement,  aime  autant  l'applaudir  avec  les  pieds 
qu'avec  les  mains. 

Mais  la  cruelle  nécessité  de  se  prêter  avec  le  sourire  sur  les 
lèvres  aux  plaisirs  des  invités  n'est  pas  la  seule  charge  de 
la  nouvelle  position  du  jeune  compositeur;  de  tous  les  côtés 
vont  lui  pleuvoir  des  vers  (et  quels  vers  !)  échappés  à  la  verve 
de  ses  nouvelles  connaissances,  qu'il  lui  faudra  mettre  en 
musique.  11  devra  s'évertuer  à  faire  venir  des  artistes  exécu- 
tants pour  les  grandes  solennités;  il  écrira  des  cantiques  à 
trois  voix  pour  la  vieille  marquise,  des  valses  pour  la  jeune, 
des  fadeurs  pour  sa  fille,  des  polkas  pour  les  habiles  danseurs, 
des  airs  variés  pour  les  pianistes,  et  même ,  triste  sort  !  il  sera 
chargé ,  par  une  duchesse  chrétienne  et  philanthrope ,  de  la 
direction  musicale  des  séances  de  quelque  œuvre  de  charité, 
ou  du  mois  de  Marie,  dans  une  église  bien  obscure.  Joignez 
à  cela  les  cartes  de  visites  à  remettre,  les  dames  à  reconduire 


DE  PARIS. 


167 


à  l'issue  des  soirées  et  des  bals ,  le  chapitre  des  habits ,  des 
gants,  du  vernis,  et  autres  menues  dépenses  qui  écrasent  son 
modique  budget  (nous  supposons  qu'il  a  un  budget),  et  ju- 
gez si  l'infortuné  paie  avec  usure  la  protection  qu'on  lui  laisse 
espérer. 

El  cet  affreux  métier,  il  faut  qu'il  le  fasse,  non  dans  une 
seule  maison,  mais  dans  plusieurs;  on  se  l'arrache,  et  c'est  là 
son  succès...  Mais  du  même  coup  on  lui  arrache  son  temps , 
sa  force;  plus  d'heures  pour  la  méditaiion  solitaire,  plus 
d'instants  pour  la  poétique  recherche  du  beau.  Que  si ,  par 
fortune,  l'inspiration  frappe  doucement  à  la  porte  ,  il  faut 
qu'elle  attende  son  tour  d'audience  ,  et  la  fée  impatiente  re- 
gagne le  ciel  à  tire  d'ailes,  ne  voulant  rien  avoir  à  démêler 
avec  toutes  ces  duchesses ,  comtesses  et  marquises  qu'elle  ne 
connaît  pas,  et  qui  peut-être  ne  la  voudraient  pas  recevoir. 

Pour  prix  de  tant  de  soins,  en  échange  de  tant  de  supplices, 
le  jeune  compositeur  obtient  enfin  de  puissantes  recomman- 
dations, et,  tremblant  de  crainte  et  d'espérance,  il  va  sollici- 
ter d'un  directeur  ce  qu'on  appelle  en  langage  technique  tme 
audition,  ce  qui  signifie  une  répétition  d'essai,  dans  laquelle 
les  exécutants,  mal  préparés,  n'entendent  pas  ce  qu'on  veut 
qu'ils  expriment ,  et  oii  les  auditeurs  chargés  de  décider  du 
mérite  de  l'œuvre  daignent  à  peine  écouter  ce  qu'on  veut 
leur  faire  ouïr. 

J.  Meifked. 
(  La  suite  à  un  prochain  numéro.  ) 


THEATRE  ROYAL  DE  L'OPERA-COMIQUE. 

LE  BAL  DU  SOUS-PRÉFET. 

Librettode  MM.  Paul  Duport  et  Saint-Hilaire; 
partition  de  .M.  Boilly. 

(Première  représentation.) 

es  travers,  les  ridicules  des  habitants  de  la 
province ,  que ,  le  premier.  Picard  à  si  bien 
observés  et  stéréotypés  dans  sa  charmante  co- 
^^  médîe  de  la  Petite  ville,  font  le  sujet  de  l'opéra- 
comique  en  un  acte  représenté  mercredi  passé 
au  thealie  Favart.  Ce  fonds  est  inépuisable  et  toujours  amu- 
sant ,  car  le  chapitre  des  cancans  tient  la  plus  large  place  dans 
la  vie  départementale.  Joignant  à  ce  genre  de  comique  la 
surdité  simulée,  employée  avec  tant  de  bonheur  par  Desfor- 
ges dans  sa  comédie  intitulée  le  Sourd  ou  l'Auberge  pleine , 
et  tout  cela  arrangé  avec  l'esprit,  la  connaissance  de  la  scène 
que  possèdent  si  bien  MM.  Paul  Duport  et  Saint-Hilaire,  il 
en  est  résulté  un  petit  acte  agréable,  qui  devait  d'abord  s'ap- 
peler le  Jabot ,  et  qui  s'est  naturalisé  à  l'Opéra-Comique 
sous  le  titre  du  Bal  chez  le  sons-préfet. 

Un  vieux  garçon  ,  rentier  ,  désire  se  marier  ,  et  pour  cela 
faire,  il  s'adresse  au  receveur  dos  domaines  delà  ville  de 
Meaux  ,  premier  cancanier  de  France  et  de  Navarre  qu'on  ne 
trouve  jamais  à  son  bureau ,  attendu  qu'il  a  élu  domicile  chez 
M"'"  Mairet  ou  Moiré  ,  marchande  de  modes  ,  ayant  pour  la 
représenter  une  demoiselle  de  boutique  digne  du  receveur 
pour  médire  du  prochain. 

Le  rentier  ,  que  son  ami  fait  passer  pour  sourd  afin  de  lui 
fournir  les  occasions  d'étudier  les  caractères  des  demoiselles 
qu'il  veut  épouser,  ébauche  deux  ou  trois  mariages,  et  a  le 
bonheur  d'échapper  au  joug  de  l'hymen  que  subit  avec  joie 
et  plaisir  une  de  ses  prétendues  ,  M""  Agathe,  si  nous  ne 
nous  trompons  de  nom,  avec  M.  Alfred,  jeune  commis  voya- 


geur qui  était  venu  faire  l'article  commercial  dans  la  ville  de 
Meaux. 

Cette  petite  aciion  ,  suffisamment  fournie  de  scènes  comi- 
ques et  de  mots  spirituels,  a  tenu  en^haleine  le  public,  qui  a  ri 
et  applaudi.  Que  diable  pouvait-on  exiger  de  plus  de  sa  part? 
Il  s'est  montré  bon  prince  même  en  associant  au  succès ,  dont 
il  dotait  les  paroles,  la  musique  de  M.  Boilly,  ancien  lauréat 
de  l'Institut  qui  a  dormi  un  peu  longtemps  sur  sa  couronne 
de  laurier  ,  croyant  sans  doute ,  comme  la  plupart  des  grands 
pris  de  Rome  ,  qu'il  pouvait  se  reposer  sur  ses  lauriers.  Ces 
lauriers  que  l'on  obtient  trop  souvent  par  des  sollicitations 
de  famille,  par  suite  de  conventions,  de  concessions  de  pro- 
fesseurs à  professeurs  qui  doivent  fournir  à  tour  de  rôle  leur 
contingent  de  premier  prix  ,  ces  lauriers  se  fanent,  tombent 
en  poudre,  ou  en  romances,  quand  un  lauréat  veut  bien  com- 
poser en  ce  petit  genre  ,  et  prouvent  qu'ils  sont  plus  utiles  et 
d'un  meilleur  goût  en  sauce ,  ou  autour  d'un  jambon,  qu'au- 
tour de  la  tête  d'un  compositeur  médiocre...  Nous  ne  plar 
çons  pas  M.  Boilly  dans  cette  catégorie;  mais  nous  croyons 
bon  de  protester  contre  cette  complaisance  académique,  pour 
nous  servir  d'un  mot  bienveillant,  qui  proclame  régulière- 
ment tous  les  ans ,  par  ce  complément  pompeux  d'éducation 
musicale  insuffisante  ,  un  compositeur  soi-disant  d'avenir. 

La  musique  de  M.  Boilly  est  facile  et  scénique  ;  elle  est 
assez  dans  la  manière  d'HéroId,  moins  la  distinction  et  la 
mélodie  si  bien  accusée  en  tous  ses  ouvrages  par  l'auteur  de 
Marie  et  du  Pré-aux-Clercs.  C'est  dans  cette  partie  si  es- 
sentielle de  l'art  musical  qu'est  l'infirmité  de  l'école  actuelle. 
L'instrumentation  est  assez  bien  maniée  dans  l'ouverture  :  ce 
morceau  a  de  la  vivacité  ,  de  l'entrain  ;  et  un  duo  chanté  par 
M"°  Prévost  et  Grignon  nous  a  paru  d'un  bon  style  drama- 
tique. Nous  pensons  que  la  romance  mystique  ,  dite  par 
M"°  Boulanger,  aura  disparu  à  la  seconde  représentation. 
Avec  cette  coupure ,  et  quelques  autres  encore ,  l'ouvrage 
prendra  droit  de  bourgeoisie  à  l'Opéra-Comique  et  sera 
entendu  avec  plaisir.  Bien  des  auteurs  ne  débutent  pas  au 
théâtre  aussi  heureusement. 

Henri  Blanchard. 


AU    THiÉATIlE-lTALIEN. 

^'^  '^    e  ne  puis  pas  souf- 
frir cet  homrae-là! 
c'est  un  des  carac- 
tères les  plus  mal 
faits,  un  des  esprits 
les  plus  mal  venus, 
'"i'C^A"'""  des  imaginations  les  plus  absurdes 
M^T^  qu'on  puisse  rencontrerdans  notre  monde 
si  clair-semé  de  bons  esprits,  de  caractères 
heureux  et  d'imaginations  riantes.  Et  c'est 
précisément  moi  qu'on   vient  choisir   pour 
écrire  sur  lui.  — Faites,  faites,  me  dit-on,  cela 
sera  agréable  à  celui-ci ,  désagréable  à  celui- 
là,  et  d'autant  plus  original  que  vous  vous  ap- 
pelez comme  lui.  On  croira  qu'il  a  rendu  compte 
lui-même  de  son  concert,  on  glosera,  on  disputera, 
c'est  tout  ce  qu'il  faut. — Très  bien  !  à  merveille! 
il  ne  dépendrait  dinc  quede  moi  d'en  dire  un  bien 
immense  pour  le  compromettre  et  le  couvrir  de  ridicule. 
Mais  comme  il  y  a  des  gens  assez  simples  pour  prendre  mes 


les 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


éloges  au  sérieux  et  que  d'aulre  part  je  ne  puis  en  dire  Ijeau- 
coup  de  mal,  puisque  je  viens  de  le  déclarer  un  être  à  moi 
profondément  antipathique,  je  n'ai  rien  de  mieux  h  faire  que 
de  n'en  pas  parler  du  tout.  Liszt  jouait  à  ce  concert ,  il  jouait 
le  concerto  de  "Weber  avec  orchestre ,  sa  fantaisie  sur  Don 
Juan ,  le  Bal  de  la  symphonie  Fantastique ,  et  ses  Mélodies 
hongroises.  Grand  enthousiasme,  grands  applaudissements  du 
public  et  de  l'orchestre,  cela  se  devine.  Mais  on  ne  saurait 
vraiment  rien  deviner  au  sujet  de  la  manière  dont  Liszt  a 
rendu  l'admirable  et  charmant  concerto  de  AVeber  ;  il  n'y  a 
de  points  de  comparaison  dans  le  jeu  d'aucun  autre  virtuose 
pour  donner  une  idée  de  cette  prestesse,  de  cette  grâce,  unies 
à  tant  de  grandeur,  de  force  et  de  puissante  sonorité  !  c'est  la 
flèche  qui  vole ,  c'est  l'éclair  qui  fracasse ,  c'est  l'étincelle 
diamantée  d'une  noire  prunelle  qui  brille  et  frappe  le  cœur  ! 
Et  quelles  ravissantes  coquetteries  entre  le  piano  et  l'or- 
chestre !  le  premier  se  faisant  petit  et  modeste  parfois  pour 
grandir  ensuite,  enlacer  le  second,  le  dominer,  l'étrcindre, 
le  submerger  sous  un  déluge  de  perles  harmonieuses  !  Pauvre 
Weber  !  n'avoir  pu  entendre  un  de  ses  chefs-d'œuvre  exé- 
cuté de  cette  façon  ! 

Quant  au  morceau  sur  Dun  Juan  et  aux  mélodies  hon- 
groises, tout  a  été  dit,  je  crois;  et  je  ne  puis  que  répéter  à 
leur  sujet  les  expressions  admiratives  de  nos  confrères  de  la 
grande  et  delà  petite  presse.  .l'ajouterai  seulement  qu'on  n'a 
pas  fait  assez  ressortir  les  inventions  de  toute  espèce  que  con- 
tiennent ces  morceaux  au  point  de  vue  de  la  composition  et 
du  mécanisme.  Ce  sont  des  œuvres  que  les  harmonisles  au- 
ront à  étudier  tout  autant  que  les  pianistes;  et  pour  ne  citer 
qu'un  seul  passage  pris  au  hasard,  je  prierai  les  savants  de 
médire  si  l'on  avait  entendu  quelque  part  auparavant,  et 
avec  un  pareil  effet ,  la  seconde  note  du  ton  altérée ,  placée 
dans  la  basse  et  répétée  aussi  souvent  sans  rien  ôter  de  sa 
foice  à  la  tonalité.  Cette  harmonie  est  magnifique  et  d'un  ca- 
raciùre  entièrement  neuf. 

Liszt ,  en  exécutant  après  l'orchestre  le  Bal  de  la  sympho- 
nia  Fantastique,  a  fait  un  tour  de  force ,  non  point  dans  le 
sens  qu'on  pourrait  le  croire  ,  c'est-à-dire  en  obtenant  du- 
piiiiio  des  masses  de  sons  orchestrales,  mais  en  chantant  les 
mciodies  avec  une  grâce,  un  abandon,  un  voluptueux  ca- 
price que  l'orchestre  le  plus  souple,  le  plus  exercé,  le  plus 
un  dans  sa  complexité  ne  pourra  jamais  atteindre.  Une  autre 
luite  non  moins  curieuse  a  été  celle  de  Dœhler  contre  Liszt 
au  duo  ûnal,  l'Hexameron.  Dire  que  Dœhler  l'a  soutenue 
vaillamment,  n'est-ce  pas  faire  de  son  talent  un  éloge  qui 
(.dispense  de  tout  autre? 

W'  Zerr  n'était  point  encore  connue  à  Paris;  elle  ne  pou- 
vait trouver  une  occasion  plus  belle  ni  plus  solennelle  de  s'y 
produire.  Elle  a  figuré  seule  cantatrice  dans  ce  concert,  où 
elle  s'est  fait  entendre  trois  fois  avec  succès.  On  a  donc  pu 
étudier  à  loisir  sa  voix  et  sa  méthode.  Sa  voix  est  pure  et  éten- 
due ,  sans  avoir  une  très  grande  force  ;  M"'  Zerr  a  du  goût , 
sa  vocalisation  ne  manque  pas  d'agilité  ,  son  style  est  sobre 
d'ornements.  On  l'a  applaudie  dans  un  air  italien  composé 
par  Ch.  Bériot  pour  M""  Viardot.  Le  lied  de  Lachner,  très 
bien  accompagné  sur  le  violoncelle  par  M .  Cossmann ,  a  laissé 
l'auditoire  un  peu  froid.  La  raison  en  est  sans  doute  dans 
l'impossibilité  où  se  trouvait  un  auditoire  français  d'apprécier 
!(•  mérite  d'expression  d'une  œuvre  de  cette  nature  chantée 
(il  langue  allemande.  L'air  d'Agathe  du  Freyschûtz  était  éga- 
lement chanté  en  allemand,  il  est  vrai  ;  mais  tout  le  monde 
connaît  le  sujet  de  celte  scène  immortelle,  et  il  a  été  facile 
de  reconnaître  le  sentiment  avec  lequel  la  cantatrice  a  su  la 
rendre. 


Maintenant  parlons  de  l'orchestre  ,  de  ce  malheureux  or- 
chestre que  M.  Berlioz  brise,  tord,  souffle,  gonde  et  crève  de 
tant  de  déplorables  façons.  Il  était  composé  de  l'élite  des 
instrumentistes  de  Paris,  formant  un  total  de  soixante-dix 
instruments  à  cordes,  avec  tous  les  instruments  'a  vent  grou- 
pés par  quatre ,  savoir  :  k  (lûtes ,  k  hautbois ,  h  clarinettes , 
h  bassons,  k  cors,  k  trompettes,  k  trombones,  plus  k  instru- 
ments de  percussion,  2  cornets  à  pistons,  2  harpes  et  1  ophi- 
cléide. 

Je  crois  fermement  que  cet  orchestre  est  le  plus  admirable 
qu'on  puisse  trouver  en  Europe;  c'est  celui  que  l'impitoyable 
compositeur  s'est  plu  à  torturer  depuis  dix  ans  dans  ses  con- 
certs du  Conservatoire,  en  le  façonnant  aux  mille  extrava- 
gants caprices  de  ses  œuvres  bizarres  et  que  diverses  causes, 
existant  dans  l'hiver  seulement,  ne  lui  permettent  pas  tou- 
jours de  réunir  intégralement.  Cette  fois  il  était  au  grand 
complet  et  sans  mélange  ;  on  y  trouvait  la  fleur  de  nos  jeunes 
violons  conduits  par  ïilmant  l'aîné,  des  violoncelles  et  des 
contrebasses  ayant  en  tête  de  colonne  MM.  Desmarest,  Che- 
villard,  Tilmaut  jeune,  Rignaut,  Durier.  Pourlesiustrumenls 
à  vent ,  il  faudrait  les  citer  tous  ;  les  instruments  de  cuivre 
surtout  n'ont  pas  de  rivaux.  Ils  sont  à  la  fois  énergiques  et 
agiles,  ils  ont  une  sonorité  puissante ,  mais  pure  et  belle,  et 
leur  ensemble  est  fort  sans  rudesse,  et  ne  laisse  rien  à  désirer 
pour  la  justesse  ni  la  précision.  L'entrée  des  trombones  et 
ophicléides  AiXii  l'introduction  de  l'ouverture  des  Francs- 
Juges  a  été  rendue  d'une  manière  admirable:  c'était  bien  là 
le  caractère  de  majesté  terrible  du  tribunal  secret.  Les  vio- 
lons auraient  besoin  de  travailler  encore  avec  soin,  pour  l'u- 
niformité des  coups  d'archet ,  le  thème  en  fa  mineur  de 
l'allégro  de  cette  ouverture.  Ils  excellent  dans  tout  le  reste. 

M.  Veny  a  joué  avec  un  sentiment  et  un  goût  exquis  le 
solo  de  cor  anglais  du  Carnaval  romain.  MM.  Dufresne  et 
Forestier  ont  largement  chanté  le  thème  de  i'inlroduction 
d'Ilarold;  mais  les  instruments  de  cuivre,  cornets  et  trom- 
bones n'ont  éclaté  nulle  part  avec  autant  de  fougue  que  dans 
l'orgie  qui  termine  celte  symphonie.  Ce  morceau,  le  plus  dif- 
ficile peutêlre  qui  existe  pour  l'orchestre,  à  cause  du  style 
chromatique  dans  lequel  certains  traits  sont  écrits,  des  ca- 
prices du  rhythme ,  de  la  violence  et  de  la  soudaineté  des  ac- 
cents, a  été  dit  comme  il  ne  le  fut  jamais.  L'orchestre  s'y  est 
montré  sans  peur  et  sans  reproche. 

M.  Berlioz  doit  une  grande  reconnaissance  à  son  alto  solo  , 
à  M.  Urhan,  qui,  toujours  fidèle,  toujours  attentif  et  soigneux, 
donne  aussi  toujours  à  cette  partie  fort  difficile  tant  de  mé- 
lancolique poésie ,  un  coloris  si  doux ,  une  rêverie  si  reli- 
gieuse. 

Quant  à  lui,  quant  à  M.  Berlioz  chef  d'orchestre,  il  a  tou- 
jours l'air  de  mauvaise  humeur,  et  nous  avons  vu  le  moment 
où  il  allait  jeter  son  bâton  à  la  tête  de  deux  dames  ,  fort  res- 
pectables cependant,  qui  causaient  assez  haut  dans  une  se- 
conde loge  d'avant-scène  pendant  l'exécution  de  la  Marche 
des  Pèlerins.  Ne  voilà  t-il  pas  en  effet  un  beau  sujet  de  co- 
lère! et  peut-on  exiger  d'une  salle  entière  une  attention  ab- 
solue quand  il  ne  s'agit  pas  d'écouter  un  ballet?  Il  y  avait 
en  outre  plus  de  dix  minutes  que  ces  bonnes  dames  n'avaient 
rien  dit,  et  le  silence  élait  profond  partout  ailleurs. 

Le  théâtre ,  hermétiquement  fermé  par  une  décoration 
double  de  châssis  appliqués  l'un  sur  l'autre,  élait  fort  bien 
disposé  pour  l'aspect  et  la  sonorité.  En  somme,  c'est  une 
splciidide  soirée  où  tout  le  monde  a  dû  trouver  son  compte  , 
les  artistes,  le  public,  les  auditeurs  attentifs,  les  vieilles  fem- 
mes bavardes  et  les  marchandes  de  fleurs. 

Quant  aux  compositions  de  mon  ennemi  intime ,  j'ai  déjà 


DE  PARIS. 


169 


dit  que  je  n'en  dirais  rien.  Cependant. ..  Eh  bien  ,  non  !  tant 
pis,  que  le  diable  l'emporte! 

H.  Berlioz. 


donné  par  Tfl.  Amédée  Méreaux, 

AU    BÉNÉFICE   DE    L'ASSOCIATION    DES    ARTISTES-MUSICIEKS. 

I  n'est  pas  si  facile  qu'on  croit  de  faire  de  la 
w  philanthropie  par  le  temps  d'égoïsme  et  devanilé 


■■^^qui  court:  on  se  persuade  difficilement  qu'un 
'  !  individu  fait  le  bien  pour  le  plaisir  de  le  faire  ; 
c'est  cependant  le  seul  sentiment  qui  ait  animé 
M.  Méreaux  dans  le  concert  qu'il  a  donné  dimanche  passé 
au  Conservatoire.  Cette  solennité  de  musique  rétrospective  a 
été  des  plus  intéressantes.  Agir  ainsi,  c'est  faire  l'histoire  de 
l'art,  non  par  des  livres,  par  l'archéologie  ,  la  numismatique, 
sciences  froides  et  décolorées,  fût-on  fanatique  de  vieilles 
chroniques,  de  monuments  antiques  et  gothiques,  ou  de  mé- 
dailles ,  comme  le  sont  les  Thierry ,  les  Champollion  ou  les 
Perrier  ;  c'est  l'histoire  de  l'art  par  des  accents  animés,  dra- 
matiques; c'est  l'évocation  mimique,  accentuée,  passionnée 
de  l'homme,  de  nos  ancêtres  se  manifestant  par  la  voix,  par  la 
musique  telle  qu'ils  l'aimaient ,  qu'ils  l'écrivaient ,  de  cet  art 
qui  fut  et  sera  toujours  une  religion  tout  à  la  fois  sensuelle 
et  mystique ,  innée  en  nous  et  qui  nous  vient  du  ciel. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  faire  delà  philanthro- 
pie musicale  n'est  pas  chose  facile.  Le  programme  artislico- 
rétrospectif  si  soigneusement  composé  par  M.  Méreaux  a  été 
tout  aussi  interverti,  tout  aussi  modifié  qu'un  programme 
politique.  Et  d'abord,  on  aurait  pu  lui  donner  cette  couleur 
s'il  ne  l'avait  eue  déjà  par  la  date  du  5  mai  qu'il  portait,  et  qui 
est  l'anniversaire  de  la  mort  de  Napoléon  ,  en  exécutant  les 
strophes  de  Béranger  mises  en  musique  par  M.  Berlioz,  qui 
devait  diriger  ce  concert,  mais  que  des  circonstances  dépen- 
dantes ou  indépendantes  de  sa  volonté,  son  indifférence  pour 
Mozart,  peut-être,  dont  on  devait  exécuter  un  concerto,  ont 
empêché  de  s'associer  à  cette  bonne  action. 

La  ferveur  religieuse  de  M.  Urhan ,  mêlée  à  son  devoir  et 
à  ses  scrupules  d'organiste ,  lui  ont  également  fait  négliger  la 
promesse  qu'il  avait  faite  à  ses  camarades  de  vouer  quelques 
sons  d'alto  et  de  violon ,  pendant  quelques  instants ,  au  culte 
de  la  bienfaisance,  qui  est  la  plus  noble  fdle  de  tous  les  cultes 
possibles,  et  l'acte  de  la  dévotion  la  mieux  entendue  et  la 
plus  estimable.  Le  public  a  donc  été  privé  de  la  Romanesca 
et  d'une  Grande  sonate  fugitée  pour  piano  et  violon,  de  Jean- 
Sébastien  Bach ,  qui  devait  être  exécutée  par  MM.  Méreaux 
et  Urhan  ,  qui  a  été  privé ,  lui  aussi ,  des  applaudissements 
que  lui  aurait  sans  doute  valus  son  incontestable  talent. 

M""  Dorus-Gras,  forcée  de  partir  pour  Londres ,  a  été  di- 
gnement suppléée  par  M""  Anna  Zerr,  jeune  et  jolie  canta- 
trice allemande,  qui  a  chanté  dans  sa  langue  maternelle,  d'une 
manière  expressiie  et  avec  une  excellente  méthode,  un  air 
de  Mozart,  ce  chef  des  compositeurs  médiocres,  ainsi  que  l'a 
nommé  un  publiciste ,  avocat  et  pianiste  distingué ,  qui  n'en 
est  pas  moins  resté  notre  ami  malgré  cette  sacrilège  profes- 
sion de  foi  artistique ,  tant  il  est  vrai  que  la  transaction  est  la 
divinité  du  jour. 

La  séance  a  commencé  par  un  chœur  intitulé  :  Prière  au 
tombeau  du  Christ  le  Vendredi-Saint,  par  Jean  Mouton, 
maître  de  chapelle  de  François  I".  La  date  de  lZi98,  que  le 
programme  donnait  à  ce  morceau  tout  empreint  de  religiosité , 


le  faisait  remonter  deux  règnes  plus  haut  que  celui  de  Fran- 
çois I",  c'est-à-dire  à  celui  de  Charles  VIIL  Quoiqu'il  en 
soit,  il  a  été  dit  avec  beaucoup  d'ensemble  et  autant  de 
nuances  qu'on  en  peut  mettre  dans"  la  musique  de  cette 
époque ,  par  les  élèves  de  M.  Pastou.  Cet  habile  professeur  a 
fait  exécuter  ensuite  VAllduia  du  Messie,  de  Hœndel  ;  puis 
les  Cris  de  Paris,  par  Clément  Jannequin ,  morceau  vocal 
pittoresque,  original,  mais  dont  la  péroraison  est  un  peu  lon- 
gue. Le  public  n'en  a  pas  moins  applaudi  cette  curieuse  ex- 
humation musicale,  cette  pièce  originale,  et  au  talent  de  celui 
qui  la  fait  si  bien  exécuter. 

M.  Delsarte,  autre  habile  professeur,  étonnant  toujours 
l'auditoire  qui  ne  le  connaît  pas  par  les  accents  de  sa  voix 
terne  et  voilée ,  l'étonné  encore  plus  par  le  profond  senti- 
ment dramatique ,  l'àrae  musicale  et  la  diction  si  vraie  qu'il 
déploie  dans  les  œuvres  de  nos  vieux  compositeurs.  L'air  : 
Ah  .'  quel  tourment  d'aimer  sans  espérance  1  du  Roland  de 
Lulli  ;  Plusj'observe  ces  lieux ,  de  l'Armide  du  même  auteur  ; 
le  songe  de  VIphigénie  de  Gluck ,  mais  surtout  l'air  de  Thoas  : 
De  noirs pressenlimenls ,  mon  âme  intimidée,  de  ce  giand 
compositeur ,  ont  produit  le  plus  puissant  effet  par  la  manière 
dont  ils  ont  été  chantés. 

Au  milieu  des  prestiges,  des  prodiges  digitigrades  que  nous 
font  entendre  et  voir  nos  pianistes  modernes,  il  est  curieux 
et  agréable  d'écouter  la  musique  de  piano  ou  de  clavecin  des 
xvii"  et  XTIII"  siècles.  Il  n'est  pas  moins  curieux  et  tout  aussi 
rare  de  trouver  des  virtuoses  qui  sachent  rendre  cette  mu- 
sique dans  son  véritable  style.  Cette  qualité,  M.  Méreaux, 
bien  qu'artiste  moderne  ,  la  possède  au  plus  haut  degré  ;  il  a 
dit  d'abord  dans  le  vrai  style ,  avec  la  couleur  du  temps  et 
d'une  simplicité  charmante,  trois  pièces  de  clavecin  intitu- 
lées :  la  Voluptueuse ,  les  Bergeries  et  le  Réveil-matin ,  par 
François  Couperin ,  de  la  musique  de  Louis  XIV ,  et  datées 
de  1695,  qui  ont  fait  le  plus  vif  plaisir;  puis  trois  autres 
pièces  de  clavecin  par  Rameau  ,  de  l'année  1720,  ayant  pour 
titres  :  Gavotle  variée,  Pastorale  et  Tambourin.  Le  premier 
de  ces  morceaux  a  produit  une  surprise  générale  par  les 
traits  tout  actuels  que  renferment  quelques  unes  des  varia- 
tions dans  lesquelles  les  doigts  s'enchevêtrent  et  se  croisent  à 
la  manière  moderne.  Mais  le  morceau  qui  a  réuni  tous  les 
suffrages,  qui  a  provoqué  tous  les  applaudissements,  c'est, 
dussions-nous  déplaire  à  quelques  détrôneurs  des  royautés 
musicales  passées  qui  ne  passeront  pas  quoi  qu'ils  en  disent , 
c'est  le  magnifique  concerto  en  ré  mineur  pour  piano  par 
Mozart.  Quelle  sobriété,  quelle  élégance  d'instrumenta- 
tion! quel  orchestre  simplement  savant!  mais  surtout  quelle 
logique  dans  la  mélodie!  L'andante  est  un  chant  suave,  cé- 
leste, ravissant,  frère  d'il  mio  tesoro  intanto  du  Don  Juan, 
de  la  belle  mélodie  de  la  Prise  de  Jéricho  et  d'une  foule 
d'autres  chefs-d'œuvre  mélodiques  dont  Mozart  avait  en  lui 
une  source  inépuisable.  L'exécutant  a  été  à  la  hauteur  delà 
mission  qu'il  s'était  donnée;  il  a  dignement  interprété  l'au- 
teur. Les  vrais  amateurs  de  la  vrais  musique  conserveront  un 
long  souvenir  de  ce  beau  concert,  quia  été  aussi  une  bonne 
action. 

COi^CERT  DE  M.  EMILE  PRLDEIMT 

DONNÉ  AU   TIIÉATBE-ITALIEN. 

L'individualité  dans  les  arts  est  ce  qu'il  y  a  de  plus  rare  parm  i 
les  artistes  :  elle  se  compose  d'une  originalité  native,  d'unefoule 
de  qualités  excentriques  et  souvent  étrangères  à  leur  talent 
acquis;  de  longs  cheveux,  d'une  jolie  figure  ou  d'une  laideur 
phénoménale;  de  l'indépendance  que  donne  la  fortune,  ou 
d'une  noblesse  dépendante,  ou  de  toute  autre  chose  aussi  fu- 


J.70 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


,tjle ,  mais  surtout  de  l'absence  de  toute  iniitalioii.  Or,  don- 
ner seul  ou  presque  seul  un  concert  dans  lequel  on  entend 
•  un  morceau  depiano  seul,  puis  un  autre  morceau  pour  piano 
sejjl ,  et  ainsi  de  suite ,  cela  n'est  pas  de  l'individualité ,  c'est 
de  la  personnalité,  c'est  moins  que  cela,  c'est  imiter  ce  qui  a 
été  déjà  fjit  et  qui  n'a  été  justifié  que  par  la  priorité,  par 
l'axiome  latin  :  Audaces  fortitna  juvat.  Eh  bien  !  quoique 
JVI.  Prudent  se  soit  fait  imitateur,  on  ne  peut  pas  dire  qu'il 
ait  trop  présumé  de  ses  forces.  Le  concert  qu'il  a  donné  mardi 
passé  au  théâtre  Ventadour  avait  attiré  une  nombreuse  et 
brillante  assemblée.  Quoiqu'il  n'y  ait  fait  entendre  que  des 
morceaux  déjà  connus ,  à  l'exception  de  sa  fantaisie  sur  les 
Huguenots ,  ces  morceauxont  fait  plaisir,  surtout  l'introduc- 
tion large  et  belle  de  son  Souvenir  de  Beethoven  ,  l'Hiron- 
delle, petite  fantaisie  aérienne,  et  son  grand  morceau  sur  la 
Lucia,  arrangement  on  ne  peut  mieux  exécuté,  mais  d'une 
sensibilité  imitée  et  conventionuelle  dont  tous  les  solistes  ont 
cruellement  abusé  depuis  trois  ou  quatre  ans. 

La  confédération  germanique  de  pianistes  qui  se  partage 
comme  un  gâteau  l'admiration  européenne ,  trouve ,  dit-on , 
M.  Prudent  imprudent,  car  elle  exploite  aussi  le  jeu  de  mots 
et  le  calembourg  français,  de  venir  prendre  sa  paTt  de  ce  gâ- 
teau dans  son  propre  pays,  où  elle  sait  qu'on  n'est  pas  pro- 
phète. Le  jeune  artiste  pleiii  d'ardeur  laisse  dire ,  et  con- 
quiert sa  place  au  soleil  de  la  célébrité.  Sous  le  rapport  de 
l'exécution,  il  a  gagné.  Son  jeu  a  moins  d'afféterie  et  plus  de 
légèreté  que  par  le  passé  ;  il  pose  mieux  le  son  ,  s'écoute  ,  et 
par  conséquent  se  fait  écouter  quand  il  chante  ,  qualité  qui 
vaut  bien ,  si  ce  n'est  mieux,  tout  ce  qu'il  y  a  d'éblouissant 
dans  le  prodigieux  mécanisme  d'un  pianiste  prestidigitateur. 
Si  M.  Prudent  a  conservé  quelque  chose  de  sa  pantomime 
un  peu  maniérée  ,  il  a  moins  de  mouvement  de  tête  :  ce  n'est 
plus  l'orgie  harmonique  échevelée  siégeant  au  piano ,  c'est 
l'artiste  qui  a  médité  sur  tous  les  effets  qu'il  peut  tirer  de  son 
instrument,  qui  s'impressionne  profondément,  cl  qui  ren- 
voie ses  impressions  à  son  auditoire  qu'il  remue,  étonne ,  en- 
traîne. Les  suffrages,  l'admiration,  l'enthousiasme,  comme 
on  voudra ,  se  sont  manifestés  en  fleurs  lancées  à  l'artiste  ; 
et  par  suite  du  débordement  de  provinciaux  inondant  Paris  en 
j  ce  moment ,  nous  avons  vu  une  dame  qui  doit  être  de  Car- 
pentras,  de  Carcassonne ,  ou  de  la  patrie  de  M.  de  Pourceau- 
gnac,  qui  s'est  approprié  un  fort  beau  bouquet  qu'une  main 
débile  ou  craintive  sans  doute  n'avait  pas  pu  faire  parvenir 
jusqu'à  l'heureux  bénéficiaire.  On  voit  que  rien  n'a  manqué 
au  succès  de  W.  Prudent,  pas  même  le  désir,  dans  une  johe 
spectatrice,  de  posséder  un  bouquet  qui  lui  était  destiné. 
Avec  un  peu  de  présomption,  il  serait  permis  d'en  tirer 
vanité. 

M""  Brambiila  a  chanté  dans  ce  concert  d'une  manière  ex- 
quise, d'une  méthode  parfaite  et  d'un  sentiment  musical 
aussi  profond  que  plein  de  finesse.  Géraidya  fort  bien  chanté 
aussi;  mais  ou  aurait  voulu  qu'il  eût  un  peu  plus  réfléchi  sur 
ce  que  c'était  que  le  roi  de  Thèbes  poétiquement  et  musica- 
lement parlant.  OEdipe ,  connne  l'a  compris,  l'a  peint  Sac- 
chini,  est  le  type  de  la  douîeur  noble,  triste  et  grandiose; 
c'est  la  victime  de  lafalalilé  qui  lire  les  accents  les  plus  lou- 
chants du  fond  de  son  cœur  pour  exprimer  tout  à  la  fois  son 
amour  à  sa  fille,  et  pour  hun;  lier  le  fils  ingrat,  l'usurpateur 
qui  l'écoute,  par  le  retentit;  cment  de  ses  adjurations  à  la 
justice  éternelle  des  dieux.  Ce  n'est  pas  un  capitaine,  un  gro- 
gnard, un  troupier  du  temps  de  Napoléon  qui  a  reçu  un  coup 
de  feu  dans  les  yeux ,  et  qui  grommelé  contre  les  Prussiens 
ou  les  Russes  auxquels  il  doit  son  infirmité ,  c'est  un  per- 
sonnage des  temps  héroïques ,  une  personnification  du  mal- 


heur, c'est  la  voix  du  malheur  lui-même,  voix  pleine  de  la 
plus  haute  poésie  :  il  faut  que  le  chanteur ,  que  l'interprète 
de  ce  personnage  et  de  sa  douleur  profonde  pense  à  Homère,  à 
Bélisaire,  ces  illustres  aveugles,  à  Milton,  qui  ayant  aussi 
perdu  la  clarté  des  cieux,  en  voyait,  en  décrivait  cependant 
les  beautôA|Jes  anges  aux  blanches  ailes ,  aux  harpes  d'or, 
aux  châritSWaves  et  divins.  Si  le  poêle,  le  compositeur,  doit 
être  d'une  nature  choisie,  élevée,  l'acteur  et  le  chanteur  ne 
doivent  pas  être  doués  de  sens  moins  exquis. 

Henri  Blanchard. 


C©n'esj»»B»«la,BBce   BBS6i"tîciBlâèa*e. 

Londres,  le  (i  tuai. 
La  gracieuse  CarloUa  Grisi  vient  de  nous  quitter.  La  représenta- 
tion donnée  mardi  dernier  à  son  bénéfice  a  produit  autant  d'argent 
que  d'applaudissements.  CarloUa  Grisi  esl  fort  aimée  en  Angleterre. 
Un  train  spécial  a  été  mis  à  sa  disposition.  Un  bateau  à  vapeur  l'at- 
tendait à  Folkeslone,  et  vingt-deux  heures  après  son  départ  de  Lon- 
dres elle  arrivait  à  Paris  traînée  par  quatre  chevaux.  Cérito,  que 
nous  possédons  sous  condition ,  et  qui  n'en  est  pas  moins  la  seconde 
danseuse  d'Europe,  ne  voyagerait  pas  plus  vite.  Ses  succès  dans 
Ondine  sont  extraordinaires. 

—  Don  Giovanni  a  été  repris;  mais  Fornasari  n'est  pas  ce  qu'il 
pourrait  ou  devrait  être.  Nous  n'en  dirons  pas  autant  de  donna  Anna, 
d'Elvira  et  de  Zerlina,  représentées  par  M™"  Grisi,  Favanti  et  Persiani. 

—  Les  Diamants  de  lu  Couronne  ont  obtenu,  grâce  à  M""  Thillon, 
un  succès  complet  à  Princess's-Theatre.  Après  la  représentation,  cette 
chanteuse  a  été  rappelée  et  inondée  de  bouquets. 

—  Le  Théâtre-Français  est  toujours  en  faveur,  conséquemment 
M""  Albert  aussi.  La  Polka  s'y  danse  tous  les  soirs.  Une  Femme  rai- 
sonnable est  la  pièce  à  la  mode;  puis/es  Demoiselles  de  Saini-Cyrs'y 
font  applaudir  avec  M"'  Plessy,  de  la  Comédie-Française. 

—  On  attend  toujours  les  rois  du  piano,  Liszt,  Thalberg,  Dœhler, 
et  l'empereur  de  Russie. 


KENDEZ-LUI  SOIM  LEGER  BATEAU. 

JSeasîn  de  Gavarni. 

Encore  une  physionomie  précieuse!  ciicore  un  type!  On 
est  certainement  bien  coupable  de  r.i;  pas  lui  rendre  son  léger 
bateau,  si,  tant  qu'on  ne  le  lui  aura  pas  rendu,  il  est  invaria- 
blement décidé  à  répéter  la  même  chose.  C'est  qu'il  la  répète 
depuis  bien  longtemps!    - 


Kiiszt  et  Itœliler  dolninei'oiBt  sin  concert  ensemble, 
Jeudi  proeSsaisi,  £iei  'S'£téàtire-Stif&&ies5.  ^'oeïs  emtCiBdroiis 
S  Huos  poui-  deu:ï  pianos  ,  et  4  Morceaux  exéeutés  par 

ces  deux  gi-ssinds  pianistes.  Coraililcn  de  pcrsoraracs  le 
caissier  rcmierra-t-Jl î 


*,"  Aujourd'hui  dimanche  ,  à  l'Opéra,  par  extraordinaire ,  le 
Freyscliiiiz  ,  suivi  de  Ladij  Uenrieiie  ,  ballet  dans  lequel  débuteront 
M.  et  M""  Bretin.  —  Demain  lundi,  la  Favorite. 

\*  L'Opéra  conlinue  de  faire  des  recettes  magnifiques;  chaque 
fois  qu'il  ouvre  ses  portes,  la  foule  s'empresse  d'accourir. 

V  Carlotta  Grisi  a  fait  sa  rentrée  lundi  dernier  dans  Giselle,  et 
vendredi  elle  a  joué  la  Péri  avec  tout  le  talent  et  tout  le  charme 
qu'on  lui  connaît.  Jusqu'ici  rien  ne  confirme  les  bruits  qu'on  avait 
répandus,  et  la  danseuse  n'a  rien  perdu  de  sa  légèreté  naturelle. 

*,"*  M"»  Taglioni  est  arrivée  à  Paris,  pour  y  donner  plusieurs 
représentations. 

","  M"">  Dorus-Gras  est  en  congé  :  comme  les  années  précédentes, 
elle  se  rend  en  Angleterre ,  et  doit  chanter  à  Londres  et  à  Dublin  ; 
c'est  M""  Nau  ,  qui  la  remplacera  dans  le  Lazzarone ,  que  l'on  de- 
vait donner  vendredi ,  mais  auquel  on  a  substitué  la  JCacarilla  ■ 
M"'  Nau  a  reparu  dans  cette  dernière  pièce. 


DE  PARIS. 


171 


V  Nous  voyons  avec  plaisir  les  efforts  de  M"=  Dobrée  couronniîs 
d'un  plein  succès.  Celle  semaine  encore  cette  jeune  et  remarquable 
artiste  a'chanlé  le  rôle  d'Isabelle  do  Bavière,  de  Cliarles  FI,  et  celui 
de  la  comtesse  dans  le  Comte  Ory,  et  elle  a  reçu  les  applaudisse- 
ments d'un  public  nombreux  qui  remplissait  la  salle  de  l'Opéra. 

","  Albert ,  le  célèbre  danseur  et  maître  de  ballels ,  vient  d'être 
chargé  par  le  directeur  de  l'Opéra  de  la  direction  supérieure  des 
éludes  relalives  à  la  chorégraphie  avec  le  litre  spécial  de  maître  de 
la  classe  de  perfcclionnemenl.  ,4f. 

*,*  Aucun'  lecteur  sérieux  n'a  pris  sérieusement  l'annonce  d'un 
opéra  de  Jeunne  d'Arc,  que  Rossini  serait  en  train  de  composer.  Ce 
n'est  pas  la  première  fois  que  le  nom  de  l'illustre  héroïne  sert  de 
prétexte  à  une  mauvaise  plaisanterie. 

*„*  Charles  /''/d'Halévy  obtient  un  très  grand: succès  à  Toulouse. 
L'ouvrage  est  fort  bien  joué  cl  chanté  par  MM.  Laurent,  Herman, 
Léon,  Espinasse  etiU"-»  Roulle.  L'air  national:  Guerre  aux  tyrans 
obtient  toujours  les  honneurs  du  bis  et  soulève  l'enthousiasme  pa- 
triotique du  parterre. 

V  Aline,  l'u»  des  chefs-d'œuvre  de  Berlon ,  doit  être  bientôt 
donnée  à  l'Opéra-Comique ,  pour  la  rentrée  de  M"»  Miro-Camoin. 

*»*  On  répèle  aussi  Gulistan  avec  musique  retouchée. 

*,*  M.  Vivier,  dont  le  beau  talent  sur  le  cor  a  été  justement  ap- 
précié dans  les  concerts  de  cet  hiver,  part  sous  peu  de  jours  pour 
Londres;  il  débutera  dans  le  concert  que  Thalberg  y  donnera  le  29 
mai. 

",'  m.  Valenlino,  le  célèbre  chef  d'orctelre,  vient  d'être  nommé 
membre  du  comité  de  l'association  des  artistes-musiciens  ,  en  rem- 
placement de  M.  Berlon. 

V  L'école  lyrique  et  dramatique  fondée  par  MM.  Moreau-Sainti , 
Henri  Potier  el  Daudé  ,  a  tenu  récemment  une  séance  composée  de 
comédie,  dopera-comique  et  de  grand  opéra,  dans  laquelle  la' 
plupart  des  élèves  se  sont  présentés  avec  avantage.  Le  second  acte 
de  la  Juive  a  surtout  fait  valoir  les  deux  chanteurs  principaux, 
MM.  Duc  et  Garras,  M"°  Stœpel  et  une  autre  jeune  personne ,  qu'on 
dît  nièce  de  Mocker. 

*,*  Ernst  obtient  d'immenses  succès  en  Angleterre;  le  célèbre  vio- 
loniste a  complètement  éclipsé  M.  Sivori,  dont  on  ne  parle  pas  celte 
année  à  Londres,  quoiqu'il  y  soit  déjà  depuis  près  d'un  mois. 

V  Le  succès  de  Dreyschock  en  Belgique  el  en  Hollande  est  prodi- 
gieux; à  la  Haye  ,  où  ce  grand  et  habile  pianisie  a  joué  devant  la 
cour,  le  roi;  a  été  tellement  enthousiasmé  de  son  exécution  si 
parfaite,  qu'il  l'a  nommé  chevalier  de  l'ordre  de  la  Couronne  de 
Chêne. 

*,*  Après  avoir  parcouru  la  Belgique,  le  grand-duché  de  Bade, 
une  partie  de  l'Allemagne  et  donné  vingt-six  concerts  à  Vienne,  les 
deux  sœurs  Milanollo  sont  en  ce  moment  à  Berlin,  où  elles  ont  déjà 
donné  douze  concerts.  C'est  avec  un  bien  vif  plaisir  que  nous  enre- 
gistrons les  succès  de  Teresa  et  de  Jlaria,  qui  parleur  beau  talent  et 
leurs  excellentes  qualités  laissent  partout  des  amis  heureux  de  leurs 
triomphes  el  avides  de  les  revoir. 

V  C'est  mardi  prochain,  14  mai,  que  Géraldy  donnera  son  con- 
cert, à  huit  heures  dusoir,  danslasalle  de  Henri Herz.  On  y  entendra 
Hlmcs  Brambilla  el  Sabatier,  MM.  Ponchard,  Poullier,  Dorus,  Henri 
Herz  et  Herman.  Géraldy  et  Poullier  doivent  dire  ensemble  le  beau 
duo  de  la  Heine  de  l.hypre. 

%*  M"''  Catinka  de  Dietz,  la  pianiste  distinguée  que  les  amateurs 
ont  applaudie  cet  hiver  dans  les  salons  de  M.  Pleyel,  va  partir  pour 
l'Angleterre,  où  elle  est  appelée  par  la  reine  Victoria  à  passer  deux 
mois. 

*,*  On  attend  à  Paris,  sous  peu  de  jours,  le  célèbre  organiste  de 
Breslau,  Ad.  Hess,  qui  vient  en  France  pour  assister  à  l'inauguration 
de  l'orgue  de  Sainl-Euslache,  et  se  faire  enlendre  sur  ce  magni- 


fique instrument  que  la  maison  Daublaine-Callineft  termine  en  ce 
momenl. 

*»*  On  a  publié  à  Milan,  dans  le  mois  d'avril  dernier,  les  mor- 
ceaux de  musique  d'un  opéra  nouveau  du  maestro  Verdi,  Ernani,  nui 
n'a  obtenu  qu'un  succès  1res  conleslé  eu  Italie.  Voilà  donc  encore 
un  ouvrage  tombé  dans  le  domaine  public  ;  mais  nous  ne  savons  si 
cet  opéra  n'aura  pas  le  sort  du  plus  gr.ind  nombre  des  ouvrages  soi- 
disant  nouveaux  qui  se  donnent  sur  les  théâtres  de  l'Italie,  c'esl-à- 
dire  qu'ils  ne  sont  pas  publiés  en  France ,  quoique  le  droit  en  soit 
acquis. 

*.*  Maria  Corini  (Constance  Janssens  ),  dont  les  succès  en  Italie 
comme  cantatrice  ont  élé  très  brillants,  est  en  Hollande  pour  quel- 
ques semaines.  Elle  a  chaulé  le  25  avril  dans  un  concert  de  la  cour, 
el  la  famille  royale  lui  a  donné  les  marques  les  plus  flatteuses  de  sa 
satisfaction. 

'.*  On  n'a  pas  oublié  la  fin  tragique  d'un  artiste  ,  le  malheureux 
Pamel,  qui,  atteint  subitement  d'aliénation  mentale,  tua  sa  femme, 
un  de  ses  enfants,  blessa  plusieurs  personnes  el  finit  par  se  suicider. 
La  charité  publique  vint  au  secours  des  trois  orphelins  qui  survé- 
curent à  celte  scène  de  meurtre.  Le  tuteur  de  ces  trois  enfants  nous 
écrit  aujourd'hui  que  les  souscriplions  ouvertes  par  la  Gazette  des 
Théâtres ,  MM.  Susse  el  M.  Dumesnil,  ont  produit  une  somme  to- 
tale de  8,060  fr.  21  cent.,  qui  sera  placée  de  façon  à  permettre  un  jour 
l'élablissemenl  des  malheureux  orphelins,  dont  deux  ont  élé  adoptés 
par  M.  Daniel,  leur  tuteur,  et  M.  Lespigue ,  son  beau-frère;  et  le 
troisième,  Louise-Amélie  Pamel ,  âgée  de  quatre  ans,  par  M'i"  Des- 
préaux de  Saint-Sauveur,  directrice  de  la  poste  aux  lettres  de  Fiers, 
prés  Amiens.  Celle  dernière,  après  avoir  souffert  longtemps  des  pri- 
vations résultant  de  la  gène  horrible  de  ses  parents  ,  a  recouvré  sa 
santé,  grâce  aux  soins  tout  maternels  de  sa  bienfaitrice. 

AVIS  ESSEWTIEI..  —  Le  Comité  de  l'Associalion  des  artistes- 
musiciens  a  fixé  le  23  de  ce  mois  comme  terme  de  rigueur,  pour 
le  règlement  de  compte  avec  les  personnes  qui  ont  pris  des  billets  de 
la  loterie  composée  d'un  piano  d'Érard  et  de  1,030  partitions  et 
morceaux  de  musique.  Tous  les  billets  dont  le  prix  n'aura  pas  élé  soldé 
à  celle  époque  seront  annulés.  Le  tirage  aura  lieu  le  2  juin  prochain. 

*,*  tienne,  le  25  avril.  — Nous  nageons  en  pleine  musique  :  ce 
sont  tous  les  jours  des  concerts ,  etc.  Le  Théâtre-Italien  a  commencé 
le  cours  de  ses  représentations,  qui  font  les  délices  de  la  haute  so- 
ciété. M"=  Elssler  vient  d'arriver,  et  nous  consacrera  dix  soirées  ; 
elle  a  débuté  par  le  rôle  de  Giselle,  aux  bruyantes  acclamations  de 
la  salle,  qui  était  comble.  Jl™»'  Viardot-Garcia  el  Tadolini,  MM.  Ron- 
coni,  Rovère,  Marini ,  sont  d'anciennes  connaissances;  parmi  les 
nouveaux  venus,  nous cilerons  les  dames  Monténégro,  Albani,  Cat- 
laneo,  les  sieurs  Fereli,  Gardoni  el  Ivanolî.  La  plupart  de  ces  artistes 
jouissent  d'une  grande  réputation  en  Italie.  Nous  verrons  bientôt 
jusqu'à  quel  point  elle  est  méritée.  Quelques  uns  ont  assez  mal  dé- 
buté dans  I\'oi-ma.  On  nous  promet  trois  opéras  nouveaux,  enlr'au- 
Ires,  I  IVormanni  a  Parigi.  VioaizeUi  restera  à  Vienne  pendant  la 
durée  de  la  saison.  Le  monde  musical  et  artistique  vient  de  faire  une 
perte  dans  la  personne  de  M.  de  Mosel ,  qui  a  rempli  jadis  les  fonc- 
tions de  sous-direcleur  du  théâtre  de  la  cour,  Burglhealer.  Il  s'est 
fait  connaître  avantageusement  comme  écrivain  et  comme  compo- 
siteur. On  a  de  M.  de  Jlosel  une  Histoire  de  la  musique,  traduite  de 
l'anglais;  un  Essai  sur  l'esthéliquc  de  la  composition  mflsicale;  une 
Notice  biographique  sur  Salierî;  de  plus  il  a  fait  insérer  un  grand 
nombre  d'articles  sur  la  musique  dans  difl'érents  journaux.  Parmi 
ses  compositions  les  plus  importantes  nous  cilerons  deux  opéras  : 
Su'em  el  Cyrus  et  Asiyage ;  il  a  laissé  Irois  recueils  de  Lieder  et 
des  choeurs.  M.  Mosel  naquit  à  Vienne  le  â  avril  1772;  en  1818, 
l'empereur  François  lui  conféra  des  titres  de  noblesse. 

Le  Directeur,  liédacteur  en  chef,  Maukice  SCHLESINGER. 


Wil 


C.  DIABTIN 


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Le  Chirogymnasle  est  un  aseemblage  de  neuf  appa- 
reils gymnastiques  destinés  à  donner  de  Vexlension  à 
la  main  et  de  Vécart  aux  doigts  à  augmenter  et  à  égalt' 
ser  leur  force  et  à  rendre  Iq  qualriéme  et  iecinqîiième 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnasle 
oMé  aussi  approuvé  et  adopté  parMAf.  Adam,  Bertini^ 
de  Heriot,  Cramer,  Herz.  Kalkhrenner,  Listz,  Moscheîès 
Pruaeiit^  Sivon,  Thalberg,  Tvlou,  Zimmermann,  etc. 

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Divisées  en  2  livres.  Prix  de  chaque  livre,  net  :  S  fr. 


(gl&âlRâlTl-ffiîIîraf  IIPIDIS  lOWflILILlS 


COMPOSEES  PAR 


Op.  20.  i"  livre.  Prix  net  :  8  fr. 


ED,  WOLFF. 

En  2  livres. 


Op.  60.  Z'  livre.  Prix  net  :  8  fr. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


Pour  Paris  :  un  an ,  30  fr 


Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres    —     Départements  :  un  an ,  34  fr.  Etranger,  38  fr. 


QiO 


GAZEHE  MUSICALE 

BÉDIGÉE  Pin 

MM.  ANDERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  Henbi  BLANCHARD, 

MAOBICE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DL^SBERG,  FÉTrS  père,  ÉDODABD  FÉTIS,  Stephem  HELIER,  J.  JANIN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED ,  GEOHGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A,  SPECHT,  elc. 

FaraiHgant  tous  tes  mmanehea. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 
lie   i"  et  le   tS  de  chaque  mois  on  recevra  on  morceau  do  musique* 


SOMMAIRE.  Souvenirs  anecdotiques  sur  Berton  et  plusieurs  de  ses 
ouvrages;  par  PAUL  SIMIXII.  —  La  musique  des  comédies  de 
Molière;  par  ÉD.  FÉTIS.  —  Concerts  ;  par  H.  BLANCHARD.  — 

Nouvelles.  —  Annonces. 

LE  FLAGEOLET.  Dessin  de  Gavarni. 


MINI.  les  Abonnés  ont  reçu  avec  le  dernier  numéro  : 
I/a  Noce  de  Léonore,  quadrille  de  contredanses,  par 
^Vagncr.  Ils  recevront  avec  le  procliain  numéro  :  Une 
Polka  non-velle  de  M.  Pixis,  adoptée  par  M.  Kaali,  de 
Prague;  et  dans  quinze  jours,  Une  Étude  de  'fliallterg. 
—  ]%'ous  avons  fait  recommencer  la  planclie  des  compo- 
siteurs célèbres,  elle  est  terminée,  et  sera  livrée  à 
Sm.  les  Abonnés  le  l'i^  juillet. 


SOUVENIRS   ANEGDQTIQUES 

SUR   BKRÏON 

ET  PLUSIEURS  DE  SES  OUVRAGES. 

ous  ne  lui  avons  pas  encore  fait  nos  derniers 
adieux ,  à  ce  grand  musicien ,  à  ce  composi- 
teur illustre  dont  la  mémoire  nous  sera  tou- 
jours plus  chère  et  plus  présente  que  celle  de 
tout  autre  par  la  raison  bien  simple  qu'il  fut 
la  première  gloire  dont  les  rayons  frappèrent  notre  regard 
d'enfant.  La  première  fois  qu'il  nous  apparut,  c'était  en  plein 
théâtre,  il  y  a  bientôt  trente-quatre  ans,  conduit  triomphale- 
ment sur  la  scène  après  la  représentation  jmr  ordre  de  son 
Montana ,  qui  concourait  avec  le  Joseph  de  MéhuI  pour  le 
prix  décennal.  Vers  le  même  temps  il  nous  fut  donné  de  le 
voir  de  plus  près ,  au  milieu  de  ses  amis ,  de  sa  famille,  et  par 


conséquent  de  l'aimer.  Notre  admiration  pour  son  talent , 
notre  attachement  h  sa  personne  n'ont  cessé  de  s'accroître 
jusqu'au  dernier  jour  de  sa  vie,  et  maintenant  que  la  mort 
nous  l'a  enlevé,  nous  le  retrouvons  à  toute  heure  ;  nous  nous 
rappelons  ses  derniers  travaux  auxquels  nous  avons  assisté , 
ses  dernières  confidences ,  ses  dernières  causeries  si  spiri- 
tuelles et  si  bonnes,  d'oii  le  sentiment  d'aigreur  si  naturel  à 
la  vieillesse  était  toujours  banni,  et  nous  ne  pouvons  résister 
au  plaisir  de  consigner  encore  ici  quelques  unes  des  choses 
qui  nous  reviennent  à  la  pensée,  comme  on  reprend  une  con- 
versation interrompue  avec  un  ami  dont  on  a  peine  à  se  sé- 
parer. 

Le  philosophe  marchait  pour  prouver  le  mouvement:  Ber- 
ton prouva  qu'il  était  né  musicien  en  composant  d'excellente 
musique,  et  pourtant  sa  vocation  lui  fut  niée  plusieurs  fois.  Il 
est  à  croire  que  son  père  ,  si  habile  à  juger  le  mérite,  ne  se 
serait  pas  trompé  sur  son  avenir,  mais  il  n'avait  que  treize 
ans  lorsqu'il  le  perdit,  et  Rey,  le  chef  d'orchestre  ,  sous  les 
ordres  duquel  il  passa  quatre  ans  plus  tard,  lui  signifia  qu'il 
ferait  bien  déjouer  du  violon  toute  sa  vie,  attendu  qu'il  n'avait 
pas  la  moindre  disposition  pour  composer.  Ce  qu'il  y  a  de  cu- 
rieux ,  c'est  que  le  docteur  Gall  fut  du  même  avis  à  une  épo- 
que où  Rey  lui-même  en  aurait  changé ,  s'il  ne  fût  mort  au- 
paravant. Un  jour,  Berton,  se  trouvant  dans  un  cercle  avec  le 
célèbre  phrénologue ,  qui  ne  le  connaissait  pas ,  on  pria  ce 
dernier  de  lui  tâter  le  crâne  et  de  dire  ce  qu'il  y  remarquait. 
Le  docteur  déclara  qu'il  lui  trouvait  l'organe  très  prononcé  de 
la  poésie.  —  Et  celui  de  la  musique?  demanda  quelqu'un.  — 
Pas  le  moins  du  monde,  répondit  le  docteur.  Or,  en  sa  qua- 
lité de  poëte,  Berton  n'avait  fait  que  de  petits  vers  de  société 
plus  que  médiocres;  en  sa  qualité  de  musicien,  il  avait  Mon- 
tano,  le  Délire  et  Aline. 

Voici  le  procédé  qu'employa  Berton  pour  savoir  au  juste  à 
quoi  s'en  tenir  sur  la  réalité  de  l'instinct  qu'il  sentait  en  lui- 
même.  Il  prit  une  partition  de  Paisiello,  ta  Frascatana ,  et 


BITREAIJ:^   D'ABON'NESIXH'T,   TiVE   RICHEIiIEIT ,   97. 


174 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


se  mit  à  la  parodier  sur  un  livret  français  de  genre  analogue, 
que  lai  avait  confié  Moline  et  qui  s'appelait  la  Dame  invisible. 
Berton  se  fit  un  devoir  d'imiter  jusque  dans  leurs  moindres 
détails  le  style  et  la  facture  de  Paisiello.  Là  où  celui-ci  avait 
mis  des  hautbois ,  il  mettait  des  hautbois  ;  là  où  il  voyait  des 
bassons,  il  niellait  des  bassons,  et  de  même  pour  tout  le  reste. 
Il  voulait  que  la  Dame  invisible  fût  exactement  sœur  ju- 
melle de  la  Frascatana.  Quand  sa  partition  fut  faite,  il  la 
montrai  Sacchini  par  le  conseil  et  l'entremise  d'une  célèbre 
actrice  de  l'Opéra  ,  qui  aimait  beaucoup  le  jeune  musicien , 
qui  croyait  aux  promesses  de  son  génie.  Sacchini  confirma 
l'opinion  de  M""  Maillard  et  adopta  le  petit  Berton  pour  soa 
élève.  Pendant  trois  ans,  il  lui  donna  des  leçons,  qui  ne  ces- 
sèrent qu'à  sa  mort ,  et  dont  nous  avons  retracé  ailleurs  le 
simple  et  touchant  tableau  (1). 

Cette  Dame  invisible  fut  jouée  la  même  année  que  les¥r&- 
mcsses  de  mariage ,  ouvrage  par  lequel  Berton ,  âgé  de  vingt 
ans,  débuta  au  théâtre  (1787).  Plusieurs  autres  opéras  ou 
opérettes  se  succédèrent  dans  l'espace  de  cinq  ans;  celui  qui 
mérita  et  obtint  le  plus  de  succès  fut  les  Rigueurs  du 
cloître,  donné  en  1790.  Pendant  la  terreur,  Berton  fut  obligé 
de  s'exiler  de  Paris,  et  de  se  réfugier  à  la  campagne ,  chez  la 
tante  de  sa  femme  ,  M"'°  Dufresnoy.  Là ,  dans  une  solitude 
profonde,  il  n'avait  d'autre  moyen  de  se  distraire  que  de  se 
promener,  de  lire  et  de  composer.  Les  chants  lui  arrivaient 
en  foule,  mais  il  n'avait  pas  de  paroles,  pasdepoëme  :  il 
était  dans  la  position  de  nos  jeunes  lauréats  de  l'Institut  qui 
reviennent  de  Rome,  avec  cette  différence  toutefois  qu'il 
n'était  pas  libre  d'aller  frapper  à  la  porte  de  tous  les  libret- 
tistes de  l'époque.  Que  faire  en  pareil  cas?  Devenir  poëte  soi- 
même  ,  et  c'est  à  quoi  se  résigna  Berton.  Il  avait  trouvé  dans 
la  bibliothèque  de  sa  tante  les  romans  de  M"'"  de  Gomez  :  en 
lisant  Ponce  de  Léon,  il  lui  avait  semblé  que  c'était  un  excel- 
lent sujet  d'opéra  bouffe  ;  il  s'était  amusé  à  en  esquisser  le  plan  ; 
il  en  avait  écrit  les  morceaux ,  en  les  liant  par  une  espèce  de 
dialogue.  Quand  les  jours  d'orage  et  de  sang  furent  passés , 
Berton  quitta  sa  retraite  et  n'eut  rien  de  plus  pressé  que  de 
remettre  à  Hoffmann  le  canevas  qu'il  s'était  permis  de  bro- 
cher, en  le  priant  de  vouloir  bien  l'arranger  de  manière  à  le 
rendre  digne  du  public.  Deux  jours  après ,  le  musicien  ren- 
contre son  poëte,  qui  lui  dit  :  «  Eh  bien  !  mon  ami,  tu  as  lec- 
»  turepour  demain.— Comment,  répond  l'autre  étonné,  lec- 
»  ture  de  quoi  ?  —  Lecture  de  ton  ouvrage.  —  Tu  l'as  donc 
»  arrangé  déjà? — Je  n'y  ai  pas  changé  une  syllabe.  C'est  très 
»  bien  comme  cela  :  tu  liras,  tu  seras  reçu  et  tu  auras  du  suc- 
»  ces:  que  te  faut-il  davantage?  »  La  prédiction  d'Hoffmann 
se  vérifia  de  point  en  point:  Ponce  de  ie'ow  réussit  très  bien, 
paroles  et  musique.  La  pièce  était  jouée  par  Michu ,  Gavaii- 
dan,  Chenard,  Dozainville,  et  M""  Gontier.  Mais  quel  admi- 
rable trait  de  conscience,  de  désintéressement  littéraire  que 
celui  d'Hoffmann,  refusant  les  avantages  d'une  collaboration, 
qui  lui  aurait  coûté  si  peu  de  peine ,  et  que  pourtant  il  pou- 
vait accepter  avec  honneur  ?  Quel  contraste  avec  les  mœurs 
et  coutumes  de  nos  jours,  oti  tant  d'auteurs  n'ont  pas  rougi 
de  toucher  des  droits  pour  d'insignifiantes  corrections,  pour 
le  changement  d'un  titre,  pour  la  substitution  de  deux  points 
à  un  point  et  une  virgule  ! 

Ponce  de  Léon  marqua  un  progrès  notable  dans  la  carrière 
du  jeune  compositeur ,  qui  travaillait  déjà  depuis  dix  ans ,  et 
dont  c'était  le  dixième  ouvrage  exécuté  sur  la  scène  (  1797  ). 
Montana,  qui  fut  le  treizième  et  qui  vint  deux  ans  après 

(1)  Voy.  Gazelle  musicale,  1S43,  n"  57.  Sacchini  et  son  chef- 
d'œuvre. 


(  1799  ) ,  eut  encore  une  plus  grande  importance  et  plaça 
son  auteur  au  premier  rang  des  maîtres.  Le  Délire  suivit  à 
peu  de  distance  Montano ,  et  cette  fois  il  y  eut  non  seule- 
ment succès,  mais  vogue  prodigieuse,  engouement,  frénésie. 
Cependant,  à  l'honneur  du  bon  sens  des  comédiens ,  il  faut 
dire  que  la  pièce  avait  été  refusée  cinq  ou  six  fois,  et  qu'elle 
ne  fut  jouée  que  parce  que  GavauJan  furieux  déclara  que 
si  on  ne  la  jouait  pas  ,  il  quitterait  le  théâtre.  —  Eh  bien! 
joue-la  donc,  et  sois  sifflé!  lui  dirent  tout  d'une  voix  ses 
camarades.  Il  arriva  ce  qui  arrive  souvent  au  théâtre  ,  c'est- 
à-dire  qu'au  lieu  de  la  chute  prévue  on  eut  un  succès  co- 
loasal  ,  «t  que  le  bon  sens  se  trouva  dans  -son  tort.  Si  le 
théâtre  est  fait  à  l'image  du  monde,  avouons  que  cela  est  hu- 
miliant pour  la  raison. 

Dans  une  autre  circonstance  du  même  genre,,  les  mêmes 
comédiens  se  trompcrentencore  et  l'événement  le  lenrprotrva 
par  des  arguments  irrésistibles.  Du  temps  que  Berton  était 
vidlon-solo  à  l'Opéra ,  on  avait  donné  à  ce  théâtre  une  Aline, 
paroles  de  Sedaine ,  musique  de  Monsigny.  Le  succès  en  fut 
médiocre  ,  et  le  jeune  instrumentiste,  qui  avait  pro^bible- 
ment  lu  le  conte  de  Boafllers,  trouva  que  les  auteurs  avMent 
mal  profité  des  ressources  de  leur  sujet  et  que  l'ouvrage 
restait  à  faire.  Dès  lors,  iKentrevit  la  charmante  idée  de 
jeter  une  Provence  en  plein  royaume  de  Golconde ,  et  de 
réaliser  sous  forme  dramatique  un  conte  des  Mille  et  une 
nuits.  Quelques  années  plus  tard,  toujours  préoccupé  d'^Z»ne, 
il  confia  son  idée  à  Favières ,  qui  l'exécuta.  La  pièce  fut  lue 
et  refusée  :  il  y  manquait  de  la  grâce  ,  de  la  légèreté  ,  de 
l'esprit ,  sans  compter  l'intérêt ,  la  vraisemblance ,  tout  ce 
qui  manque  enfin  aux  pièces  refusées.  Berton  n'en  garda  pas 
moins  sa  conviction  et  son  amour  pour  Aline  :  seulement  il 
jugea  nécessaire  de  s'adjoindre  un  troisième  collaborateur  , 
et  ce  fut  Vial  qu'il  choisit.  Vial  refit  le  second  acte  :  la 
pièce  fut  relue  et  refusée  une  seconde  fois,  refusée  une  troi- 
sième :  c'était  toujours  la  même  chose ,  disaient  les  fortes 
têtes  du  comité;  toujours  la  même  pièce  absurde,  impossible. 
Et  Berton  n'en  restait  pas  moins  toujours  convaincu,  toujours 
amoureux. 

L'été  de  1803  se  signala  par  une  de  ces  chaleurs  brûlantes 
que  le  ciel  envoie  à  la  terre  quand  il  a  ses  motifs  pour  punir 
les  directeurs  de  spectacle  et  récompenser  les  limonadiers. 
Les  recettes  de  l'Opéra-Comique  étaient  presque  tombées  à 
zéro ,  tant  à  cause  de  l'élévation  de  la  température  que  de 
l'absence  d'Elleviou  et  Martin ,  qui  avaient  profité  du  moment 
pour  aller  courir  la  province.  Les  acteurs  sociétaires  et  pen- 
sionnaires se  divisaient  alors  en  trois  catégories,  qui  s'appe- 
laient troupe  dorée ,  troupe  d'argent,  et  troupe  ée  fer-blanc. 
Comment  lutter  contre  l'influence  d'une  zone  torride  avec 
des  troupes  de  métal  inférieur,  quand  la  troupe  dorée  même 
eût  eu  peine  à  faire  un  peu  d'argent?  Le  comité,  siégeant  en 
permanence,  opinait  donc  pour  la  clôture  momentanée,  lors- 
qu'un des  membres ,  regardant  par  la  fenêtre  si  quelque  gros 
nuage  chargé  de  pluie  n'arrivait  pas,  aperçut  Berton ,  et  lui 
fit  signe  de  monter.  —  Que  dis-tu  du  projet  ?  lui  deraanda- 
t-on.  —  Je  dis  qu'il  est  admirable ,  répondit  le  compositeur, 
et  je  vous  conseille  même  d'afficher  que  le  théâtre  de 
MM.  Elleviou,  Martinet  autres  sera  fermé  jusqu'à  ce  qu'il 
leur  plaise  de  revenir.  —  Tu  en  parles  bien  à  ton  aise;  mais 
que  veux-tu  que  nous  fassions  ?  —  Montez  un  ouvrage  nou- 
veau. —  C'est  bientôt  dit;  mais  nous  n'avons  rien.  —  Montez 
Aline!  —  Ah!  te  voilà  encore  avec  ton  Aline!.,  tu  y  tiens  !.. 
—  Au  fait,  dirent  Juliet  et  Lesagc,  pourquoi  n'en  essaierions- 
nous  pas?  Berton  s'y  connaît  autant  que  nous;  il  croit  la 
pièce  bonne  ;  il  espère  un  succès  :  tenions  la  chance.  —  Eh 


DE  PARIS. 


175 


bien!  soit,  nous  ne  demandons  pas  mieux,  répondirent  les 
autres,  apporte-nous  ta  partition.  — Ha  partition!.,  je  n'en 
ai  pas  écrit  une  note!  —  Alors  de  quoi  viens-tu  nous  parler? 
Comment  veux-tu  qu'on  songe  à  quelque  chose  qui  n'existe 
pas? — Wa  partition  est  dans  ma  tête;  en  quinze  jours  je  la 
couche  sur  le  papier.  —Si  l'on  te  prenait  au  mot?  —  Fai- 
sons mieux ,  signons  un  dédit.  Je  me  mets  ù  travailler  aujour- 
d'hui même  :  demain  on  commence  à  répéter. 

La  proposition  fut  acceptée  :  le  compositeur  et  les  comé- 
diens rédigèrent  un  acte  par  lequel  l'un  s'engageait  à  livrer 
sa  musique ,  les  autres  à  jouer  la  pièce  dans  le  délai  de  trois 
semaines ,  sous  peine  de  six  mille  francs  à  titre  de  dom- 
mages intérêts.  Sans  perdre  une  minute ,  on  fit  venir  les  co- 
pistes, le  décorateur,  le  costumier,  le  metteur  en  scène;  Ber- 
tonleur  expliqua  de  quoi  il  s'agissait,  leur  communiqua  ses  in- 
tentions; puis  il  courut  se  renfermer  chez  lui ,  et  k  dix  heures 
du  soir  il  envoyait  deux  morceaux  a  la  copie.  Il  continua  de 
même  jusqu'à  la  conclusion  de  l'œuvre  :  chaque  jour  il  écri- 
vit deux  morceaux,  tout  en  s'occupant  des  répétitions,  et, 
dans  le  délai  fixé ,  la  partition  fut  faite ,  la  pièce  apprise  ,  re- 
présentée, applaudie;  la  foule  reprit  le  chemin  de  l'Opéra- 
Comique ,  et  le  répertoire  de  l'Europe  entière  compta  un 
chef-d'œuvre  de  plus. 

Cette  soudaineté  d'inspiration ,  cette  promptitude  de  tra- 
vail ,  Berton  les  conserva  tant  qu'il  écrivit.  Nous  l'avons  vu, 
pendant  les  répétitions  des  Créoles,  son  dernier  grand  ou- 
vrage ,  et  la  veille  même  de  la  représentation,  itnproviser  des 
morceaux  charmants  :  les  couplets  populaires  ,  que  chantait 
si  bien  Tilly ,  Je  suis  maître  cTèqvipage  ,  furent  ainsi  com- 
posés d'un  seul  jet ,  sans  autre  peine  que  celle  de  prendre  la 
plume  et  de  mettre  du  noir  sur  du  blanc. 

Le  seul  chagrin  de  la  vieillesse  de  Berton  lui  fut  commun 
avec  tous  les  compositeurs,  qui  arrivent  au  tombeau  chargés 
d'années,  avec  Monsigny,  Grétry,  Cherubini  et  tant  d'autres. 
Il  s'affligeait  de  ne  plus  voir  ses  ouvrages  au  théâtre  et  de  se 
sentir  inconnu  de  la  génération  nouvelle.  Il  n'aurait  pas  voulu 
que  son  nom  fût  accepté  sur  parole ,  et  demandait  encore  à 
faire  ses  preuves  ,  quand  ce  n'eût  été  que  pour  réduire  au 
silence  quelques  blasphémateurs  obscurs ,  quelques  insul- 
teurs  des  anciennes  gloires  ,  qui ,  n'ayant  pu  parvenir  à 
clouer  quatre  notes  de  leur  misérable  musique  dans  la  mé- 
moire de  personne ,  voudraient  à  toute  force  en  effacer  qui- 
conque a  joui  du  bonheur  d'entendre  ses  chants  répétés  de 
bouche  en  bouche  et  d'échos  en  échos. 

Berton  est  mort  sans  avoir  la  consolation  d'assister  à  la 
reprise  de  cette  Aline,  qui  fut  jouée  si  souvent,  si  longtemps, 
mais  qui  ne  fut  jamais  reçue,  et  qui  doit  bientôt  reparaître  à 
l'Opéra-Comique.  Montano  aussi  reparaîtra  quelque  jour  : 
ce  sera  une  justice  tardive ,  mais  enfin  ce  sera  une  justice, 
une  protestation  légitime  faite  au  nom  du  génie  contre  l'aban- 
don et  l'oubli. 

Paul  Smith. 


UMUSIOUEDEHOMËDIES  DE  MOLIÈRE. 

n  lisant  dans  la  Gazette  musicale  l'annonce  d'un 
'  nouveau  quadrille  de  M.  Tolbecque  intitulé  : 
les  Femmes  savantes ,  et  d'une  valse  à  laquelle 
M.  Burgmuller  a  donné  le  nom  de  Pourceau- 
gnac ,  nous  nous  sommes  demandé  si  ces  deux 
artistes  avaient  pris  pour  thèmes  de  leurs  compositions  des 
fragments  de  la  musique  qui  fut  écrite  jadis  pour  les  diver- 


tissements de  Molière,  ou  s'ils  avaient  feulement  donné  par 
fantaisie  ces  titres  à  des  ouvrages  sortis  tout  entiers  de  leur 
imagination.  A  tort  ou  à  raison  ,  et  ne  pouvant  pas  vérifier  le 
fait,  attendu  que  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  deux  morceaux  n'a 
encore  franchi  la  frontière  de  Belgique,  c'est  à  la  dernière 
supposition  que  nous  nous  sommes  arrêté. 

Les  éléments  de  la  musique  sont  essentiellement  vagues; 
dans  l'impossibilité  où  senties  artistes  d'appliquer  à  celles  de 
leurs  compositions  instrumentales  dont  ils  n'ont  pas  tiré  les 
principaux  motifs  de  quelque  opéra  nouveau  ,  des  titres  qui 
offrent  avec  la  nature  de  leur  pensée  une  analogie  que  chacun 
puisse  apprécier ,  ils  sont  libres,  pour  les  baptiser  d'une  ma- 
nière quelconque,  de  leur  donner  des  noms  de  fantaisie.  As- 
surément un  peintre  n'aura  jamais  l'idée  de  placer  sous  son 
tableau  une  inscription  qui  soit  sans  rapport  avec  l'action 
qu'il  a  représentée,  car  le  premier  venu  serait  en  mesure  de 
constater  l'erreur  et  de  lui  en  demander  compte  ;  mais  la  mu- 
sique et  la  peinture  ne  peuvent  se  comparer  sur  ce  point. 
M.  Tolbecque  serait  peut-être  fort  embarrassé  de  démontrer 
le  rapport  qui  existe  entre  son  quadrille  des  Femmes  savantes' 
et  la  comédie  de  Molière  ;  mais  on  le  serait  bien  plus  encore 
de  lui  prouver  qu'une  autre  désignation  eût  mieux  convenu  à 
ce  morceau  ;  et  les  dessins  dont  ce  dernier  est  orné  établi- 
raient dans  tous  les  cas  une  forte  présomption  en  sa  faveur. 
Ce  même  témoignage  donnerait  encore  plus  sûrement  gain  de 
cause  à  M.  Burgmuller,  car  Monsieur  de  Poiirceaugnac  aàes 
attributs  auxquels  on  ne  peut  le  méconnaître. 

Les  deux  artistes  distingués  dont  les  récents  ouvrages  nous 
fournissent  ces  réflexions  savent-ils  que  des  partitions  origi- 
nales furent  composées  pour  les  divertissements  des  comédies 
de  Molière?  Telle  est  la  question  que  nous  aurions  dû  poser 
d'abord  avant  de  demander  s'ils  ont  tiré  de  ces  mêmes  parti- 
tions les  motifs  du  quadrille  et  de  la  valse  qu'ils  viennent  de 
faire  paraître.  Il  est  pcrriiis  d'en  douter  sans  que  cela  porte 
aucun  préjudice  à  l'estime  qu'on  a  pour  leur  mérite.  Les 
monumenls  de  la  musique  sont  malheureusement  bien  plus 
périssables  que  ceux  des  autres  arts  ;  ce  qui  a  cinquante  ans 
d'existence  n'est  plus  guère  connu  que  des  érudits,  et  les  pro- 
ductions sur  lesquelles  un  siècle  entier  a  passé  sont  enseve- 
lies dans  un  oubli  profond.  Or,  deux  cents  ans  se  sont  écoulés 
depuis  que  les  chefs-d'œuvre  du  prince  des  comiques  fran- 
çais ont  fait  leur  première  et  mémorable  apparition.  On  n'a 
pas  publié  toute  la  musique  des  divertissements  que  l'illustre 
écrivain  ajouta  à  quelques  unes  de  ses  comédies  ;  il  n'existe, 
croyons-nous ,  pas  de  traces  de  certaines  partitions  dans  les 
archives  de  l'Opéra  ni  de  la  Comédie-Française.  Par  une  heu- 
reuse pensée  de  Louis  XIV,  qui  voulait  laisser  de  son  règne 
des  monuments  de  toute  espèce ,  les  travaux  des  musiciens 
dont  Molière  avait  réclamé  l'aide  ne  se  sont  pas  perdus.  Le 
grand  roi  chargea  Philidor  aîné,  artiste  de  sa  chapelle  et  garde 
de  sa  musique,  de  recueillir  en  aussi  grand  nombre  que  pos- 
sible d'anciens  monuments  de  l'art.  Philidor  commença  par 
rassembler  les  airs  populaires  des  anciennes  provinces  de 
France ,  ceux  qui  avaient  été  composés  à  l'occasion  d'événe- 
ments remarquables  des  règnes  de  Henri  III,  de  Henri  IV  et 
de  Louis  XIII,  et  les  productions  des  anciens  rois  des  violons, 
dont  on  a  cru  longtemps  que  rien  n'avait  été  conservé.  Vint 
ensuite  la  musique  des  ballets  dansés  à  la  cour  de  France.  Les 
airs  composés  par  les  violons  de  la  grande  bande  des  vingt- 
quatre,  sous  Louis  XIII  et  Louis  XIV,  ceux  qu'on  attribuait 
à  des  personnages  illustres,  la  partition  A' Orphée,  de  Rossi, 
le  premier  opéra  qui  ait  été  représenté  en  France,  et  jusqu'à 
la  musique  des  ballets  dansés  au  collège  des  Jésuites,  firent 
partie  de  cette  volumineuse  collection,  dans  laquelle  on  trouve 


176 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


également  la  musique  des  divertissements  des  comédies  de 
Molière,  dont  Lully  composa  la  plus  grande  partie. 

Il  y  avait  autre  chose  que  des  airs  de  danse  à  composer 
pour  les  divertissements  exécutés  à  la  cour  :  des  morceaux  de 
chant ,  des  chœurs  remplissaient  une  partie  des  intermèdes. 
Dans  le  Sicilien,  ou  L' Amour  peintre ,  comédie-ballet  qui  ne 
se  joue  plus  depuis  fort  longtemps ,  se  trouve,  par  exemple, 
une  scène  entière  d'opéra  que  Molière  a  fait  précéder  d'une 
dissertation  très  plaisante  sur  le  bécarre  et  le  bémol.  Hali 
amène  des  musiciens  pour  la  sérénade  qu'Adraste,  son  maître, 
veut  donner  h  la  belle  Isidore. —  Que  chanteront-ils?  demande 
Hali. 

—  Ce  qu'ils  auront  de  meilleur. 

—  Il  faut  qu'ils  chantent  un  trio  qu'ils  me  chantèrent  l'autre 
jour. 

—  Non ,  ce  n'est  pas  ce  qu'il  me  faut. 

—  Ah  !  monsieur,  c'est  du  beau  bécarre! 

—  Que  diantre  veux-tu  dire  avec  ton  bécarre? 

—  Monsieur,  je  tiens  pour  le  bécarre.  Vous  savez  que  je 
m'y  connais.  Le  bécarre  me  charme.  Hors  du  bécarre,  point 
de  salut  en  harmonie.  Écoutez  un  peu  ce  trio. 

—  Non ,  je  veux  quelque  chose  qui  m'entraîne  dans  une 
douce  rêverie. 

—  Je  vois  bien  que  vous  êtes  pour  le  bémol  ;  mais  il  y  a 
moyen  de  nous  contenter  .l'un  et  l'autre.  Il  faut  qu'ils  vous 
chantent  une  certaine  scène  de  petite  comédie  que  je  leur  ai 
vu  essayer.  Ce  sont  deux  bergers  amoureux  tout  remplis  de 
langueur,  qui,  sur  un  bémol ,  viennent  séparément  faire  leurs 
plaintes  dans  un  bois,  puis  se  découvrent,  l'un  à  l'autre,  la 
cruauté  de  leur  maîtresse;  et  là-dessus,  vient  un  berger 
joyeux  avec  un  bécarre  admirable ,  qui  se  moque  de  leur 
faiblesse. 

Deux  musiciens ,  habillés  en  bergers ,  se  mettent,  en  effet, 
à  déplorer  en  mineur  les  rigueurs  de  leurs  belles,  cl  sont 
interrompus  par  un  troisième  qui  leur  chante  en  majeur  : 

Pauvres  amanis,  quelle  erreur 
D'adorer  des  inhumaines,  etc. 

La  musique  de  cette  scène ,  parfaitement  en  harmonie  avec 
les  paroles ,  plut  beaucoup  au  roi ,  disent  les  Mémoires  du 
temps ,  et  fut ,  par  conséquent ,  applaudie  de  toute  la  cour. 
Lully  en  retira  honneur  et  profit.  On  loua  aussi  les  airs  du 
ballet  de  la  fin ,  dans  lequel  Louis  XIV  parut  sous  l'habit 
d'un  Maure  de  qualité. 

Le  Mariage  forcé  fut  représenté  au  Louvre,  le  29  jan- 
vier 1664  ,  sous  le  titre  de  Ballet  du  roi;  cette  pièce  était 
en  trois  actes  ,  avec  des  intermèdes  mêlés  de  chants  et  de 
danses ,  dont  Lully  avait  composé  la  musique.  Lorsqu'elle 
fut  jouée  dans  cette  forme  ,  Sganarelle  s'endormait  h  la  cin- 
quième scène  du  premier  acte ,  et  divers  personnages  lui  ap- 
paraissaient. Les  figures  allégoriqu.es  de  la  jalousie  ,  des  cha- 
grins ,  des  soupçons  plaisants  ou  goguenards  ;  des  égyptiens, 
des  magiciens  et  des  démons  passaient  successivement  sous 
ses  yeux  ;  venaient  ensuite  un  maître  à  danser  enseignant  une 
courante  à  l'ombre  de  Sganarelle;  un  concert  espagnol  com- 
posé de  six  exécutants  des  deux  sexes,  un  charivari  grotesque, 
auquel  prenaient  part  des  personnages  de  toute  espèce ,  pen- 
dant que  des  galants  serraient  de  près  la  femme  du  pauvre 
époux,  terminaient  ces  divertissements,  qu'exécutèrent  le  roi, 
monsieur  le  Duc ,  le  comte  d'Armagnac ,  le  duc  de  Saint- 
Aignan ,  le  marquis  de  Villeroy  et  d'autres  personnes  de 
qualité. 

Lully  n'était  pas  seulement  l'auteur  de  la  musique  de  la 
plupart  de  ces  divertissements,  il  y  remplissait  un  rôle  au 


besoin.  Dans  la  pièce  de  Pourceaugnac,  pour  laquelle  il  avait 
écrit  des  intermèdes  mêlés  de  chants ,  et  qui  fut  représentée 
pour  la  première  fois  à  Chambord  ,  le  6  octobre  1669,  il 
dansa  ,  chanta  et  joua  du  violon  sur  la  scène.  «  Tous  les 
grands  talents  étaient  employés  au  service  du  roi ,  fait  obser- 
ver l'écrivain  qui  constate  le  fait  ;  et  tout  ce  qui  avait  rap- 
port aux  beaux-arts  était  honorable.  »  L'abbé  de  La  Porte , 
dans  ses  Anecdotes  dramatiqties ,  prétend  que  Lully  joua  un 
jour  devant  le  roi  le  rôle  de  Pourceaugnac  ;  voici  dans  quelles 
circonstances.  Le  grand  artiste  avait  eu  le  malheur  de  dé- 
plaire à  Louis  XIV  ;  c'était  une  infortune  sur  laquelle  il  était 
impossible  qu'on  prît  son  parti ,  et  dont  on  s'efforçait  de  dé- 
tourner les  conséquences  au  prix  de  toute  espèce  de  sacrifices. 
Lully  voulut  essayer  de  rentrer  dans  les  bonnes  grâces  du 
maître  par  une  plaisanterie.  Il  joua  donc  le  rôle  de  Pourceau- 
gnac ,  et  se  livra  h  toute  l'exagération  de  sa  verve  italienne. 
Après  chacune  de  ses  bouffonneries ,  il  regardait  du  coin  de 
l'œil  la  figure  du  roi ,  et  il  avait  la  douleur  de  voir  que  le  mo- 
narque conservait  son  sérieux.  Il  résolut  de  tenter  un  der- 
nier effort.  A  la  fin  du  premier  acte  ,  quand  les  apothicaires 
le  poursuivirent ,  armés  des  instruments  de  leur  métier , 
Lully ,  après  avoir  longtemps  couru  sur  le  théâtre  pour  les 
éviter ,  sauta  sur  le  clavecin  qui  était  dans  l'orchestre  et  le 
mit  en  pièces.  La  gravité  du  roi  ne  put  pas  tenir  contre  cette 
folie ,  et  l'artiste  rentra  en  grâce.  Lully  avait  risqué  de  se 
rompre  les  jambes  ;  mais  que  n'eût-on  pas  fait  pour  plaire  au 
plus  grand  roi  de  la  terre  ? 

Edouard  Fétis. 
{La  suite  au  prochain  numéro.) 


CONCERTS. 

Soirée  musicale  donnée  au  bénéfice  des  orphelines  recueillies 
par  les  sœurs  du  Gros-CaîUou.  —  Quatorziènae  séance  annuelle 
de  la  Société  libre  des  Beaux-Arts.  —  Soirée  musicale  de 
BI.  Geraldy. 

Pour  tout  esprit  délicat  et  progressif,  la  louange  n'ade  prix 
que  mêlée  à  la  critique  consciencieuse  et  bien  formulée;  et 
nous ,  qui  n'avons  ni  préventions  d'école ,  ni  système  arrêté , 
ni  poétique  musicale  à  fonder ,  à  faire  prédominer ,  nous 
nous  croyons  bien  posé  pour  dire  la  vérité  h  tous  et  sur  tout. 
Par  exemple ,  oubliant  les  excentricités  tout-à-fait  en  dehors 
de  leur  talent  et  qui  vous  agacent  les  nerfs  dans  de  certains 
artistes ,  nous  aimons  à  reconnaître  ce  talent ,  à  lui  rendre 
justice;  et  pour  preuve,  nous  demandons  à  tous  ceux  que 
nous  rencontrons  depuis  quelques  jours  :  Avez-vous  entendu 
Liszt  samedi  passé?  et  sur  leur  réponse  négative,  nous  ra- 
contons ce  fait  qui  est  resté  gravé  dans  notre  souvenir.  Talma, 
l'éloquent  interprète  de  Corneille ,  de  Racine  et  même  de 
Sliakspeare ,  avait  joué  certain  soir  YHamlet  de  Ducis  ,  cette 
pâle  imitation  de  l'Eschyle  anglais;  elle  lendemain,  tous  ceux 
qui  se  rencontraient  se  demandaient  avant  toute  formule  de 
politesse  :  Avez-vous  vu  Talma  hier  dans  Hamlet  ?  et  sans 
attendre  la  réponse  à  cette  question,  ils  s'écriaient  :  Ah  !  qu'il 
a  été  beau  !  que  d'inspirations  soudaines  et  terribles  !  quelle 
touchante  mélancolie,  quelle  variété,  quelle  richesse  d'in- 
flexions !  quels  cris  de  l'âme  inattendus ,  quels  accents  som- 
bres et  déchirants  !  Jamais  il  n'a  été  si  loin  dans  son  art ,  si 
supérieur  à  lui-même,  et  il  est  impossible  qu'il  rencontre  en- 
core tant  de  force,  de  profondeur  et  d'éclat. 

Ceux  qui  n'avaient  point  assisté  à  cette  solennité  drama- 
tique se  le  reprochaient  et  en  manifestaient  leurs  regrets.  Eh 


DE  PARIS. 


177 


bien  !  il  en  est  de  même  de  la  soirée  musicale  donnée  au  pro- 
fit des  orphelines  recueillies  par  les  sœurs  dcSaint-Vincent- 
de-Paule ,  et  placées  sous  le  patronage  de  M"'"  la  marquise 
de  Bedmar,  la  princesse  de  Belgiojoso,  la  comtesse  de  Beu- 
ret,  la  princesse  Czartoryska,  la  comtesse  Obrescoff,  Réca- 
mier,  la  comtesse  des  Roys,  la  marquise  de  Tracy.  Le  pianiste 
exceptionnel,  le  pianiste  à  la  mode  s'est  trouvé  là  dans  son 
centre,  entouré  de  ce  qui  l'exalte,  de  ce  qui  l'inspire,  d'une 
aristocratie  de  femmes  aussi  bienfaisantes  qu'artistiques;  il 
était  le  lion  de  ce  concert ,  de  ce  concert  non  comme  en 
donnent  ces  musiciens  soi-disant  extraordinaires  aux  idées 
fort  ordinaires,  pour  gagner  de  l'argent,  mais  pour  en  jeter  à 
de  pauvres  filles  placées  sous  l'invocation  du  plus  grand  de 
tous  les  saints,  c'est-à-dire  du  premier  de  tous  les  philoso- 
phes pratiques,  qui  aurait  sans  doute  fort  mal  défendu  les 
privilèges  du  clergé  et  plus  mal  attaqué  ceux  de  l'Université. 
Liszt  a  parlé  là  de  ses  dix  doigts  qui  sont  comme  dix  voix 
éloquentes.  Inspiré  par  la  philanthropie,  heureux  de  se  mani- 
fester tout  entier,  lui  el  ses  œuvres ,  il  a  dit  ses  réminiscen- 
ces de  la  Sonnambula ,  sa  Fantaisie  sur  la  Lucrezia  Bor- 
gia,  sa  Marche  hongroise  suivie  d'une  improvisation  amenée 
par  le  bis  que  provoque  toujours  cette  mélodie  hongroise  ;  et 
tout  cela  d'un  feu ,  d'une  prestesse,  d'un  brio ,  d'un  mépris 
de  toute  difficulté  qui  a  commotionné  toul  le  système  physio- 
logique du  public. 

La  partie  vocale  de  ce  concert  n'a  pas  été  moins  curieuse 
et  moins  intéressante  que  la  partie  instrumentale.  Après  l'ou- 
verture du  carnaval  romain  dite  sur  deux  pianos  par  51M.  Liszt, 
Pixis,  Heller  et  Halle,  un  terzeito  con  cori,  de  la  composition 
de  M.  Kuken ,  a  été  chanté  par  MM.  Mengis ,  Ciabatta  et 
M""  Juva-Branca.  Ce  morceau ,  ingénieusement  modulé  et 
bien  écrit  pour  les  voix,  a  donné  une  idée  des  plus  favorables 
du  talent  scénique  de  son  auteur:  il  a  été  on  ne  peut  mieux 
chanté  par  les  trois  récitants  et  les  choristes  de  la  Société  de 
chant  allemand,  fort  bien  dirigés  par  M.  Slern.  M.  Mengis 
est  un  chanteur  d'avenir  ;  mais  qu'il  se  rappelle  ce  vers  de 
Milton  dans  son  Paradis  perdu  : 

L'ange  aspire  à  monter,  il  résiste  à  descendre, 

et  il  se  gardera  alors  de  sa  tendance  à  baisser  d'intonation. 
M.  Ciabatta ,  dont  la  voix  de  basso-bai-itono  pleine  d'expres- 
sion a  été  appréciée  dans  quelques  concerts  de  la  saison ,  a 
figuré  d'une  manière  remarquable  dans  ce  trio,  avec  M°'°  Juva- 
Branca,  dont  les  accents  ambitieux,  et  ils  ont  le  droit  de 
l'être,  ont  dignement  interprété  ensuite  le  dramatique  In- 
flammatus  du  Stabatde  Rossini.  La  sœur  de  cette  cantatrice 
distinguée  a  fort  bien  dit  aussi  un  duo  italien  avec  M.  Cia- 
batta. 

Le  pianiste  lion  ne  s'en  est  pas  tenu  aux  manifestations  de 
sa  royauté  instrumentale ,  il  a  voulu  se  révéler  aussi  compo- 
siteur de  musique  vocale  et  dramatique.  Il  y  a  de  l'originalité 
dans  son  faire  qui  relève  un  peu  de  celui  de  Weber.  Son 
chœur  des  étudiants ,  de  Fausl  :  Es  leht  einc  Ralte  im  Kel- 
lernest,  est  surtout  dans  la  manière  et  la  couleur  de  l'illustre 
auteur  du  Freyschiitz.  Ce  morceau  a  été  précédé  d'un  autre 
chœur  fort  joli  de  M.  Stern ,  offert  galamment  au  pubUc , 
comme  supplément  au  programme,  par  M.  Liszt ,  avant  l'exé- 
cution de  son  chœur  d'étudiants.  Son  morceau  d'ensemble 
intitulé  Reiterlied ,  texte  de  Herwegh ,  dit  également  par  la 
société  de  chant  allemand ,  a  produit  un  effet  d'étonnement , 
et  demanderait  à  être  entendu  quelquefois  pour  être  mieux 
apprécié,  ainsi  que  le  lied,  ou  la  romance  française  en  une 
forme  nouvelle  :  Il  m'aimait  tant,  dans  laquelle  il  y  a  tout 
à  la  fois  passion  et  prétention  harmonique  et  dramatique. 


Et  quand  toutes  les  émotions  du  virtuose  et  du  compositeur 
semblaient  épuisées  par  le  bénéficiaire,  c'est-à-dire  bénéfi- 
ciaire de  gloire ,  il  est  venu  nous  dire  la  charmante  fantaisie 
concertante  pour  deux  pianos,  parThalberg,  avec  une  belle 
fllilanaise,  planiste  des  plus  distinguées,  sœur  de M°"  Juva- 
Branca  ,  et  portant,  de  par  les  lois  de  l'hymen,  le  nom  de 
M.  Cambiasi ,  critique  musical  fort  distingué  lui-même  de  la 
presse  italienne.  M""=  Cambiasi  possède  un  jeu  tout  plein  de 
vigueur  et  de  grâce ,  pur  et  brillant ,  tout-à-fait  digne  enfin 
de  l'interlocuteur  qu'elle  s'était  choisi  ou  que  le  hasard  lui 
avait  donné;  aussi  son  succès  a-t-il  été  complet. 

M°'  la  princesse  de  Belgiojoso  faisant  preuve  de  goût, 
d'obligeance  et  de  talent,  dont  elle  possède  un  inépuisable 
fonds ,  a  tenu  le  piano ,  dans  cette  séance  de  musique  philan- 
thropique ,  en  véritable  artiste  ,  remplissant  son  rôle  de  mo- 
deste et  intelligente  accompagnatrice ,  ce  qui  n'est  pas  aussi 
aisé  que  beaucoup  de  personnes  le  pensent ,  avec  modestie  et 
plaisir,  nous  en  sommes  sûr,  car  c'était  en  même  temps  un 
acte  de  bienfaisance. 

La  quatorzième  séance  annuelle  de  la  société  fibre  des 
beaux-arts  a  eu  lieu  dimanche  passé  à  l'Hôtel-de-Ville ,  dans 
la  salle  Saint-Jean.  On  a  fait  là ,  comme  dans  beaucoup  de 
sociétés  académiques  que  possède  Paris ,  de  la  musique  entre- 
mêlée de  vers  et  de  prose  plus  ou  moins  littéraires.  M.  Jac- 
quart  ou  Jacquemart,  nous  ne  nous  souvenons  plus  lequel  de 
ces  deux  noms  a  été  prononcé  par  l'honorable  président , 
M.  Jacob ,  un  jeune  membre  donc ,  portant  l'un  ou  l'autre  de 
ces  noms,  autorisé  qu'il  était  par  la  société  libre  des  beaux- 
arts,  a  exprimé  librement  son  opinion  sur  la  critique  du  sa- 
lon faite  par  les  journaux.  Il  est  revenu  si  souvent  sur  les  in- 
convénients, les  injustices  de  la  presse,  qu'on  pourrait  bien 
critiquer  la  critique  de  ce  critique  de  la  critique ,  malgré 
l'ignoble  exemple  et  l'appréciation  grossièrement  immorale 
qu'il  cite  d'un  feuilleton  de  la  Presse  sur  le  tableau  exposé 
cette  année  sous  le  titre  de  l'Or,  doctrine  sociale  et  artistique 
dont  la  presse  en  général  n'accepte  point  la  solidarité ,  bien 
qu'on  paie  et  qu'on  décore  de  notre  temps  les  propagateurs 
de  pareils  principes;  mais  nous  n'avons  ni  le  temps,  ni  l'es- 
pace pour  répondre  aussi  longuement  qu'il  le  faudrait  au  jeune 
interprète  de  la  société  libre  des  beaux-arts. 

M.  Mirault  a  jeté  d'éloquentes  fleurs  de  rhétorique  et  de 
souvenir  sur  la  tombe  de  Redouté ,  célèbre  peintre  de  fleurs 
de  l'empire  ;  M.  Calemard  de  Lafayette  a  dit  des  vers  agréables 
sur  une  amphore  antique;  puis  le  président  a  distribué  des 
médailles  d'argent  à  M.  Denuelle,  pour  des  études  sur  l'art 
décoratif  qu'il  a  faites  en  Italie  ;  à  M.  Lesueur,  pour  sa  col- 
lection de  dessins  d'histoire  naturelle  exécutés  pendant  un 
voyage  autour  du  monde  ;  à  M.  Cavalier,  pour  les  améliora- 
tions introduites  dans  la  facture  des  orgues ,  etc.  ;  et  puis  on 
a  passé  à  la  partie  musicale  de  la  séance  dans  laquelle  se  sont 
distingués  M.  Armingaud  par  un  solo  de  violon  qu'il  a  dit 
avec  beaucoup  de  justesse  et  de  sentiment  quoiqu'avec  un  peu 
trop  de  timidité  ;  M.  Pastou  et  ses  choristes  enfants  ;  M""  Korn, 
dans  une  grande  fantaisie  sur  des  motifs  de  Guillaume  Tell 
pour  le  piano  ;  M""=  Arlhémise  Duval ,  dans  un  air  de  YÉli- 
sabette  de  Rossini  qu'il  a  introduit  depuis  dans  le  Comte  Ory; 
enfin  MM.  Audran ,  Gary  et  Chaudesaigues  :  mais  les  suf- 
frages de  la  partie  la  plus  musicale  du  public  ont  été  pour  la 
famille  Distin  qui  a  exécuté  des  morceaux  de  Robert-le- 
Diable  et  le  final  de  la  Lucia  avec  un  ensemble  admirable , 
une  justesse  parfaite  dus  en  partie  aux  excellents  instru- 
ments de  M.  Adolphe  Sax. 

Le  concert  donné  mardi  dernier  dans  la  salle  Herz  par 
M.  Géraldv  avait  attiré  une  nombreuse  assemblée ,  tant  il  est 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


vrai  que  si  les  donneurs  de  concerts  se  lassent,  le  public  ne 
se  fatigue  pas  de  venir  les  entendre.  Il  est  à  remarquer  que 
les  auteurs  dont  les  noms  figuraient  sur  le  programme  sont 
ceux  dont  s'honore  le  plus  l'école  française:  Sacchini, 
Méhul,  Monsigny,  D'Aleyrac  ,  Auber,  etc.  Le  bénéficiaire  a 
dit  l'air  d'OEdipe  avec  un  sensible  progrès  de  noblesse,  d'onc- 
tion paternelle  et  de  style  élevé;  il  a  délicieusement  chanté, 
comme  toujours ,  et  avec  Ponchard ,  le  duo  de  Picaros  et 
Diego,  l'air  de  Fontanarose  du  Philtre,  le  duo  de  l'Irato: 
Jurons!  puis  une  mélodie  triste  et  jolie:  le  Petit  mousse 
noir;  et  puis,  par  un  caprice  d'artiste,  la  Petite  bergère,  ce 
fabliau  si  gentiment  dit ,  raconté  dans  tous  les  concerts,  par  la 
gentille  M"'°  Sabatier  qui ,  elle  aussi ,  par  une  rare  complai- 
sance d'artiste,  a  consenti  à  faire  ombre  au  tableau  en  faisant 
précéder  la  Petite  bergère  qui  est  son  bien ,  sa  chose  par 
droit  de  conquête,  d'une  vocalise  sur  M"°  Philomèle  d'un  ef- 
fet h-peu-près  nul.  Cela  n'a  pas  empêché  le  concert  de  SI.  Gé- 
raldy  d'être  un  des  plus  agréables  de  la  saison ,  et  le  petit 
Boverle ,  et  Ponchard ,  et  M"'  Brambilla ,  et  le  premier  flû- 
tiste de  l'époque,  Dorus,  d'y  chanter,  d'y  jouer  avec  le  ta- 
lent qui  les  distingue  et  d'être  applaudis  comme  à  l'ordi- 
naire, c'est-à-dire  comme  des  enfants  chéris  et  gâtés  par 
le  public. 

Henri  Blanchard. 


LE  FLAGEOLET. 

Dessin  de  Gavarnî. 

Le  flageolet  est  l'ami  de  l'homme ,  mais  l'homme  n'est  pas 
toujours  l'ami  du  flageolet  :  cela  dépend  de  la  manière  de 
s'en  servir.  Il  est  certain  que  la  musique  des  rues,  à  l'usage 
et  au  bénéfice  des  pauvres  diables ,  qui  demandent  l'aumône , 
n'a  pas  uniquement  pour  but  de  flatter  l'oreille.  En  général 
cette  musique  aspire  aux  propriétés  distinctives  du  cri  per- 
çant de  la  victime  que  menace  le  poignard  et  qui  appelle  du 
secours.  11  en  résulte  que  vous  payez  le  musicien  pour  qu'il 
s'éloigne  et  vous  affranchisse  d'un  supplice.  Mais  comme  rien 
n'est  absolu  dans  ce  monde ,  ce  qui  paraît  insupportable  à 
celui-ci  semble  quelquefois  délicieux  à  celui-là,  de  sorte  qu'il 
n'est  pas  hors  d'exemple  que  vous  rencontriez  des  gens  qui 
ne  soient  pas  moins  les  amis  du  flageolet  que  de  l'homme  et  de 
l'homme  que  du  flageolet. 


nOTTTBIaZaSS. 

*,*  Aujourd'hui,  dimanche,  à  l'Opéra,  Guillaume  Tell,  chanté  par 
Duprez,  Barroilhet.  —  Demain  lundi  le  Lazzarone  suivi  de  Ladij 
Henriette. 

*,"  \ux  deux  représentations  de  la.Favorite  données  celte  semaine, 
la- recette  a  dépassé  10,000  trancs. 

*,*  Les  ouvrages  que  l'on  monte  en  ce  moment  sont  d'abord 
Othello,  pour  la  représentation  au  bénéfice  de  Barroilhet,  la  Bohé- 
mienne, opéra  en  trois  actes,  musique  de  Balte  (sur  le  même  sujet 
que  la  Gipsy),  liichard  en  Palestine,  opéra  en  deux  actes. 

V  Les  représentations  de  M"»  ïaglioni  commenceront  le  1"  juin 
prochain,  et  se  poursuivront  les  S, "9,  14,  21  et  29  du  même  mois.  La 
dernière  sera  au  bénéfice  de  la  danseuse. 

%"  Le  Conservatoire  doit  donner  dans  hait  jours  l'exercice  com- 
posé d'un  ouvrage  nouveau  de  M.  Bousquet,  ancien  pensionnaire  de 
Rome,  et  du  Comte  Ory. 

*,*  Dans  le  numéro  prochain,  nous  commencerons  la  série  des  ar- 
ticles consacrés  à  l'examen  des  produits  de  l'industrie.  Jusqu'ici  rien 
n'étant  complet  dans  l'exposition,  les  retards  des  exposants  nous  ont 
forcé  nous-méme  à  ajournemotre  revue. 


"."  Thalberg  et  Dœhler  sont  partis  cette  semaine  pour  Londres. 
Liszt-nous  reste;  malheureusement  le  grand  artiste  est  gravement 
malade ,  mais  tout  fait  espérer  une  prompte  guérison. 

V  MM.  Thalberg,  Dœhler  et  Pixis,  ont  visité  samedi  dernier  à 
l'exposition,  le  nouveau  piano  de  Boisselot  de  Marseille,  qui  a  la 
propriété  de  produire  les  octaves  avec  un  seul  doigt. — Cette  remar- 
quable innovation  a  été  l'objet  d'un  examen  attentif  delà  part  des 
trois  illustres  artistes ,  qui  en  ont  paru  très  satisfaits,  et  ils  ont  ac- 
cordé les  plus  grands  éloges  à  MM.  Boisselot. 

*,"  L'inventeur  du  système  de  la  téléphonie  musicale,  M.  Sudre, 
vient  de  rfcevoirdeM.le  président  du  conseil,  ministre  de  la  guerre, 
une  mission  qui  aura  pour  résultat  une  expérience  des  plus  curieu- 
ses. Il  s'agit  de  former  cent  clairons  pour  les  répartir  ensuite  dans  les 
divers  régiments,  qui  marcheront  de  divers  côtés  sur  la  ville  de 
Metz,  et  ferontle  simulacre  d'un  siège.  Ces  régiments  correspondront 
entre  eux  au  moyen  du  système,  dont  l'inventeur  a  été  fort  bien 
traité  dans  celle  circonstance  par  l'illustre  maréchal  cl  ministre,  à 
la  suite  d'une  séance  donnée  en  son  iiôtel.  Nous  avons  assisté  nous- 
même  à  l'une  des  dernières  séances  particulières  de  M.  Sudre,  et 
après  avoir  admiré  l'intelligence  extraordinaire  de  son  élève  et  in- 
terprète, M"=  Hugol,  nous  avons  élc  charmé  de  la  belle  voix  dont 
celte  jeune  personne  est  douée,  ainsi  que  de  la  belle  méthode  qui 
lui  sert  à  la  diriger.  Il  est  difficile  de  chanter  avec  plus  d'accent, 
plus  d'âme  et  plus  de  goût.  L'influence  des  leçons  de  Duprez  se  re- 
connaît aux  progrès  de  la  jeune  cantatrice. 

V  La  Société  philanthropique  de  Troyes,  en  Champagne,  a  donné 
son  troisième  concert  de  l'année  lundi  dernier.  Notre  célèbre  vio- 
loniste Alard  s'y  eslfail  entendre  avec  le  succès  qui  lui  eslordinaire. 
On  y  a  aussi  beaucoup  applaudi  l'ouverture  et  le  chœur  national  de 
Charles  FI. 

",'  M.  et  M""  Iweins  d'Hennin ,  le  couple  mélodieux,  ont  recueilli 
une  belle  pari  de  bravos  dans  le  dernier  concert  delà  Société  phil- 
harmonique de  Tours,  en  chantant  le  grand  air  des  31ijslcres  d'Isis, 
le  duo  de  Don  Sébanien,  l'air  de  la  Favorite  et  des  romances  de  di- 
vers auteurs. 

V  Fanny  Elssler  doit  donner  une  suile  de  représentalions  au 
théâtre  de  Peslh. 

V  Le  grand  festival  des  chanteurs  du  Taunus  aura  lieu  le  28  mai 
prochain  dans  les  salies  du  vieux  château  de  Kœnigstein,  sous  la  di- 
rection de  M.  Just ,  à  Francfort.  Ce  sera  une  fêle  brillante  pour  les 
vingt-quatre  sociétés  de  chant  du  Taunus. 

*,*  Depuis  longues  années  la  Polka,  celle  danse  favorite  des  Pari- 
siens, n'était  dansée  que  par  les  paysans  de  la  Bohème.  Il  y  a  quel- 
ques années  que  le  professeur  de  danse  le  plus  distingué  do  Prague, 
M.  Raab,  eull'idée  de  moderniser  cette  danse  et  de  l'introduire  dans 
les  salons.  Nous  avons  le  plaisir  d'annoncer  à  nos  lecteurs  que 
M.  Raab  est  arrivé  à  Paris,  et  que,  grâce  à  lui,  nous  connailrons  en- 
fin la  véritable  Polka  telle  qu'on  la  danse  à  Prague  et  à  Vienne,  et 
qui  a  été  tant  parodiée  cet  hiver  à  Paris. 

*,*  On  sait  que  le  tombeau  de  Mozort  est  perdu ,  et  qu'il  a  été  im- 
possible, malgré  les  rechcrchcsios  plus  minutieuses,  de  le  retrouver. 
Mais  ces  perquisitions  n'ont  pas  été  tout-à-fait  inutiles;  elles  ont 
servi  à  fiire  découvrir  le  tombeau  de  Gluck  dans  le  cimetière  de 
Watzleinsdorf ,  à  Vienne.  La  pierre  tumnlaire,  entièrement  couverte 
de  mousse  et  fendue  parle  milieu,  se  trouve  derrière  un  magnifique 
mausolée  appartenant  à  unricheiianquicr,  dont  le  fils  a  fait  banque- 
route, en  plongeant  dans  la  misère  un  grand  nombre  de  veuves  et 
d'orphelins.  Surcelte  pierre  on  lit  la  simple  épitaphe  que  voici:  »  Ci- 
gît  un  honnête  homme  allemand,  un  bon  chrétien  el  un  min  fidèle, 
Christophe ,  chevalier  de  Gluck  ,  maître  dans  l'an  de  la  musique,  mort 
le  16  novembre  1787.  i> 

V  La  société  élégante  de  Paris  possède  enfin  un  digne  représen-' 
tant  de  son  goût,  de  ses  manières  et  de  sa  toilette  ;  toutes  ces  choses 
précieuses  pour  la  bonne  compagnie  des  départements  et  de  l'étran- 
ger sont  fidèlement  reproduites  par  les  Modes  parisiennes ,  joumaX'- 
album  que  publient  MM.  Aubert  el  C,  fondateurs  du  piquant  Cha- 
rivari el  de  tant  d'autres  publications  célèbres  à  difl'érenls  titres.  Les 
Modes  parisiennes  ne  donnent  pas  ,  comme  la  plupart  des  feuilles  de 
leur  spécialité,  des  gravures  mal  dessinées  et  dont  les  toilettes  sont 
exagérées  à  ce  point  qu'elles  ne  peuvent  servir  de  modèles  qu'aux 
gens  de  mauvais  goût;  leurs  dessins  sont  exécutés  par  les  premiers 
artistes,  gravés  sur  acier  par  les  graveurs  en  réputation,  el  les  toi  ; 
lettes  sont  choisies  dans  le  monde  par  une  femme  du  monde  au  lieu 
d'être  prises  dans  les  boutiques  des  pacotilleurs.  Ajoutons  que  ,  par 
un  perfectionnement  non  moins  important,  chaque  objet  de  toilette 
dont  la  coupe  présente  quelque  nouveauté  on  quelque  ditBculté,  est 


DE  PARIS. 


179 


accompagné  d'un  patron  de  grandeur  naturelle  qui  rend  son  exécu- 
tion facile  à  tout  le  monde.  Enfin,  comme  si  tous  ces  avantages  leur 
avaient  encore  semblé  trop  peu  de  chose  pour  soutenir  la  lutte  avec 
les  concurrences ,  MM.  Aubert  et  G"  font  présent  à  toute  personne 
qui  souscrit  pour  un  an  (28  francs)  d'une  collection  de  300  grands 
dessins  de  broderies  pourrobes— voiles— écharpes — fichus — canezous 
— bonnets— collerettes,  etc.  Aussi  les  Modes  parisiennes  ont-elles  ob- 
tenu un  succès  prodigieux  autant  que  mérité. 

*.*  /jandres.. —  Voici  la  magnifique  distribution  4s  Zampa -su 
Queen's-Thsaitr*.  Fornasari ,  Zampa  ;  Lablache,  Dandolo  ;  M">«  Per- 
siani,  Oamilla;  Corelli ,  Alfonso  ;  F.  Lablache,  Daniele.  C'est  un 
digne  hommage  à  la  gloire  d'Hérold.  Inutile  d'ajouter  que  le 
succès  d'un  tel  chef-d'œuvre  a  répondu  au  talent  de  ses  nouveaux 
interprètes.  —  La  rentrée  de  M""  Gerrito  au  théâtre  de  la  Reine,  la 
vogue  de  M"=  Lucile  Grahn  à  Drury-Lane  se  disputent,  ou  ,  comme 
dit  Figaro,  se  partagent  la  foule  et  l'enthousiasme. —  On  prépare  au 
théâtre  français  de  Saint-James  le  Mariage  de  Figaro.  —  M.  Lover 
fait  entendre  avec  succès  dans  la  salle  de  concert  du  'Fhéàtre  de  la 
Princesse  un  nouveau  morceau  intitulé:  ihe  Irisitbrigader.  —  En  gé- 
néral ,  les  concerts  font  à  Londres  en  ce  moment  comme  un  effort 
désespéré  pour  s'enlever  l'un  à  l'autre  le  public  indécis  entre  tant 
de  séductions.  Parmi  les  grands  artistes  qui  s'apprêtent  à  en  donner, 
nous  distinguons  avec  intérêt  le  nom  si  honorable  de  Gramer.  Au 
moment  de  finir,  la  saison  musicale  jette  ,  comme  la  bougie  prête  à 
s'éteindre,  une  clarté  plus  brillante. 

—  On  a  donné  au  Queen's-Theatre,  pour  le  bénéfice  de  M"»  Gar- 
lolta  Grisi ,  le  chef-d'œuvre  de  Mozart ,  Don  Giovanni,  avec  une  dis- 
tribution digne  d'une  telle  musique;  Dona  Elvira  avait  pour  Inter- 
prète M"=  Favanti;  dona  Anna,  M"' Grisi;  Zerllna,  M°"  PersIanI  ; 
Fornasari  chantait  don  Giovanni  ;  Mario ,  Ottavio  ;  Lablache  ,  Lepo- 
rello,  et  son  fils ,  Mazetto.  —  Les  solennités  musicales  continuent; 
nous  avons  à  enregistrer  celle  Aesancieijs  concerts  et  celle  des  mélo- 
distes ,  qui  ont  été  fort  brillantes.—  M.  Glarlte ,  l'habile  organiste  de 
la  cathédrale  deWorcester,  est  mort  subitementla  semaine  dernière. 
—  Salvi  est  engagé  pour  chanter  à  Manchester,  dans  quelques  villes 
du  nord  de  l'Angleterre  et  à  Dublin.  —  M"«  Gerrito  a  reçu  de  l'ex- 
impératrice  Marie-Louise  un  riche  présent  avec  une  lettre,  où  cette 
souveraine  déchue  exprime  à  la  danseuse  le  plaisir  qu'elle  a  trouvé  à 
jouir  de  son  talent,  qui  lui  rappelait  le  temps  où  sa  présence  était, 
à  Paris,  un  encouragement  pour  les  artistes  de  l'Académie  Impé- 
riale de  Musique. 

—  Le  théâtre  royal  de  Manchester  a  été  la  proie  des  flammes  : 
il  n'existe  plus.  L'incendie,  qui  a  ooraimencé  à  six  heures  du  ma- 
lin, atout  réduit  en  cendres  dans  l'espace  d'une  heure.  Malgré  les 
efforts  des  pompiers  et  le  jeu  actif  de  la  puissante  pompe  dite  Nia- 
gara, tout  est  brûlé.  On  a  sauve  une  partie  des  costumes.  L'édifice 
était  assuré  pour  4,000  livres  sterling.  Pendant  que  le  théâtre  de 
Manchester  brûlait,  le  feu  a  failli  prendre  au  Ihcàtrc  royal  de  Li- 
verpool.  Pendant  la  représentation,  il  y  a  eu  une  panique,  le  feu 
avait  prisàquelques  décors.  Le  public  s'est  précipité  vers  les  portes: 
heureusement  l'accident  n'a  eu  aucune  suite. 

•,*  Vienne,  \" mai.  —  La  célèbre  cantatrice  Jenny  Luizer, actuel- 
lement engagée  au  théâtre  impérial  et  royal  delà  Porto  de  Carinihie, 


vient  d'épouser  M.  Gharles  Dingelstadt ,  jeune  poêle  très  distingué, 
et  qui  appartient  à  une  des  premières  familles  de  robe.  Le  jour  même 
où  leur  union  a  été  célébrée,  S.  M.  l'empereur  a  conféré  à  M.  Din- 
gelstadt le  litre  de  conseiller  aullque ,  dignité  qui  donne  de  plein 
droit  entrée  à  la  cour.  La  nouvelle  mariée  se  retire  du  théâtre. 

*,*  Darmstadt.  —  Belisario  a  été  représenté  avec  un  éclatant  suc- 
cès. MM.  Pischek  etMayr  ont  été  rappelés  sur  la  scène,  à  la  fin  de  la 
représentation.  Nous  avons  entendu  également  M.  Mayr  dans  Norma 
et  dans  la  Fille  du  régiment.  Ce  jeune  artiste  possède  une  belle  voix 
de  ténor,  et  est  d'un  extérieur  agréable  :  aussi  vient-il  d'être  engagé 
aiB  théâtre  de  la  Cour,  àDannstadt. 

",*  Dresde.  —  Un  jeune  ténor,  M.  WHtiim<nyeT,  vient  de  d^toter 
avec  un  succès  marqué  dans  Dmi  Juanel  duBsOtello. 

*,*  Wiirzbourg.  — La  Part  du  Diablen  fait  fureur. 

*,*  Stuttgart.  —  Le  roi  a  donné  cent  cinquante  mille  florins  pour 
la  construction  d'une  nouvelle  salle  de  spectacle  ;  mais ,  comme  on  a 
l'intention  de  le  construire  sur  une  grande  échelle ,  cette  subvention 
est  regardée  comme  insuffisante,  et  il  est  probable  qu'elle  sera  aug- 
mentée. 

".*  Soleure. — Le  grand  festival  de  la  Fédération  suisse  aura  lieu 
cette  année,  dans  notre  ville,  sous  la  présidence  de  M.  lelandamman 
Munziger.  Le  comité  se  compose  de  MM.  Charles  de  Haller,  maître 
de  chapelle,  Lack  et  Wis  wald  ;  l'orchestre  sera  dirigé  par  M .  Schnyder 
de  Wartensée,  de  Francfort;  M.  le  chapelain  Wohlgemulh  dirigera 
les  chœurs, 

","  Stockholm.  —  Le  théâtre  Lindeberg  a  repris  le  cours  de  ses  re- 
présentations par  suite  d'une  permission  spéciale.  Quant  au  théâtre 
royal ,  il  reste  clos  définitivement ,  tout  le  personnel  de  la  troupe  a 
été  congédié;  cet  établissement  ne  subsistait  qu'à  l'aide  d'une  sub- 
vention qui  avait  des  adversaires  acharnés  dont  les  protestations 
se  produisaient  tous  les  ans  aux  Étals.  Stockholm  est  en  ce  mo- 
ment la  seule  résidence  royale  qui  n'ait  pas  de  théâtre  national. 

*.*  Madrid.  —  Ramon  Carnicer  vient  de  renvoyer  despotiquement 
du  théâtre  de  la  Cruz  trois  chefs  de  chœurs,  dont  le  crime  était 
d'avoir  prêté  leur  concours  à  un  concert  du  journal  de  musique  la 
Iberia;  la  mesure  n'est  pas  d'une  générosité  chevaleresque  ,  comme 
on  le  lui  reproche  amèrement  dans  la  patrie  de  Don  Quichotte.  Dans 
les  arts,  comme  dans  la  politique  ,  on  retrouve  encore  le  vieux  sang 
afriwn  qui  bouillonne  partout  en  Espagne.  Non  moins  sensibles , 
peut  être,  à  la  critique ,  les  directeurs  parisiens  ont  le  bon  goût  de 
ne  pas  la  traiter  ainsi  de  Turc  à  Maure. 

•/  Triesie.  —  Le  théâtre  allemand  fait  très  bien  ses  affaires, 
malgré  deux  redoutables  concurrences.  Au  Teatro  grande ,  \ai  so- 
ciété  du  théâtre  de  la  cour  de  Parme  ,va^ec  la  prima  donna  Ris- 
tori ,  une  des  plus  belles  et  des  plus  brillantes  cantatrices  de  l'Italie, 
donne  des  représenlallons  fort  suivies  ;  les  comédies  de  Goldoni , 
jouées  en  dialecte  vénitien,  au  Teatro  Mauroner,  attirent  également 
la  foule.  Mais  l'élfte  de  la  société  seporle  au  Teairo  fllodrammatico, 
petite  salle  fort  élégante ,  qui  a  été  ouverte  le  lundi  de  Pâques  ;  on  y 
représente  les  produelions  les  plus  remarquables  de  l'art  dramatique 
en  Allemskgne. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


27  mSTRUMENTS  BREVETES. 


POUR 

CENT 

PAR   AN 


10 

ASSOCIATIOH 


sont  assurés  dès  aiijoiird'lHÛ  à  9191.  les  Actionnaires.  On 
pourra  visiter  tous  les  jours,  de  une  lieure  à  quatre  Iteures, 
la  falirique  de  M.  SAX,  en  plein  rapport. 

10,  R1XEirEirVE-SAINT-GEOB.GES,  A  FAIUS. 

Pour  l'Exploitation  de  tous  les  Instruments  de  musigae ,  à  vent ,  en. cuivre 
et  en  bois ,  et  de  ceux  qu'a  inventés  M.  AD.  SAX ,  qui  sont  adoptés 
par  les  Régiments ,  les  principaux  Conservatoires  et  Théâtres  de  France  et 
de  l'Étranger. 

M.  A».  SAX,  pour  satisfaire  auxdemandes  qui  lui  sont  adressées  de  toutes  parts ,  se  croyant  obligé  de  donner  une  plus  grande  exten- 
sion à  sa  fabrique,  vient  de  fonder  une  Société  par  actions  de  2,S0  fr.  et  de  500  fr.  Dés  aujourd'hui,  M.  SAX  assure  aux  actionnaires  un 
bénéfice  de  10  pour  100  par  an,  et  une  piut  proportionnelle  dans  les  bénéfices.  Les  instruments  nouveaux  de  M.  A».  SAX,  approuvéspar 
MM.  Rossini,  Spontini,  Auber,  Halévy,  Berlioz,  Carafa.  Ad.  Adam,  A.  Thomas,  G.  Kastner,  doivent  remplacer  une  grande  partie 
des  Instruments  dont  on  se  sert  aujourd'hui  d.ms  les  Régiments,  les  principaux  Théâtres  et  Conservatoires.  Il  n'est  pas  besoin  d'insister  sur 
la  moralité  et  le  résultat  d'une  pareille  cnlrepriscV, 

Lesactions  sont  au  porteur,  de  250  et  de  500  fr.  Les  personnes  delà  province,  en  envoyanliun  bon  à  vue  sur  Paris,  pour  la  somme  d'ac- 
tions qu'elles  désireront,  lecevronl  l'Acte  de  Société  el  les  titres  en  échange  par  le  courrier.  On  souscrit  a  Pan»,  10,  rue  Neuve-St-  Georges. 


180 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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TRAITÉ   COMPLET 

DL  LA  THÉORIE  ET  DE  LA  PRATIQUE 

DE 

L'HARIMEONIE 

PAR 

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MAÎTBE  DE  CHAPELLE  DU  ROI  DES  BELGES  ,    ET  DIRECTEUR  DU  CONSERVATOIRE  DE  BRUXELLES. 

Prix  de  souscription  :  DIX  FRANCS,  net. 

Cet  important  ouvrage,  dans  lequel  le  célèbre  auteur  a  déposé  toute  son  érudition  avec  cette  clarté  et 
cette  lucidité  qui  le  distinguent,  est  un  livre  qui  doit  être  dans  les  mains  de  tous  les  musiciens  :  aussi 
avons-nous  fixé  le  prix  aussi  bas  que  possible ,  pour  le  mettre  à  la  portée  de  toutes  les  bourses.  Ce  Traité 
est  l'ouvrage  le  plus  complet  qui  ail  paru  jusqu'à  ce  jour  sur  l'étude  de  l'Harmonie. 

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GAZEnE  MUSICALE 

BÉDtGÉE  Fin 

MM.  ANDERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  Henri  BLANCHARD, 

MiUniCE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DLESBERG,  FÉTIS  père,  Édoumd  FÉTIS,  Stfpben  HELLER,   J.  JANIN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  GeOBGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Paraissant  tons  Mes  JOitnattches. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVABNI. 
Le   1*'   et   lo    15  de  chaque   mois  on   recevra  nn  morceau  de   musique» 


SOMMAIRE.  La  musique  des  comédies  de  Molière  (suite  et  fin);  par 
ED.  FETIS.  —  Picci:erclies  et  considérations  sur  la  Polka  et  les 
Polkistes;  par  H.  BLANCHARD.  —  Concerts  ;  par  H.  BLAN- 
CHARD. —  Revue  critique  ;  Le  SoUége  des  doigts ,  de  Cramer; 
par  A.  MÉREAUX.  —  Nouvelles.  —  Annonces. 

le  Cornet  du  Paslcur  dans  les  Pyrénées,  nessin  de  Gavarni. 


MM.  les  Abonnés  reçoivent  avec  le  présent  numéro  : 
BAAB-FÛI.1£A,  par  j.-f.  fzxis. 


LA  MUSlOllE  DES  COMÉDIES  DE  MOLIERE. 

(Suite  et  fini.) 

I  eus  avons  vu  comment  LuIIy  s'associa  au  gé- 
nie bouffon  de  l'auteur  de  Poiirceaiignac. 
Dans  une  autre  circonstance,  il  prêta  en- 
core à  Molière  l'appui  de  son  double  talenl 
de  compositeur  et  d'acteur.  Ce  fut  à  l'occa- 
sion du  Bourgeois  gentilhomme.  Lullyjoua  dans  cette  pièce, 
à  Saint-Germain  ,  le  rôle  du  muphti.  Louis  XIV  loua  le  co- 
mique qu'il  y  déploya;  mais  malgré  le  succès  qu'il  obtint 
ce  soir-là  auprès  du  roi,  cette  démarche  faillit  l'empê- 
cher d'obtenir  une  charge  de  secrétaire  du  roi  qu'il  ambi- 
tionnait depuis  longtemps.  Ceux  qu'il  considérait  déjà  comme 
SCS  collègues  allèrent  trouver  M.  de  Louvois  ,  et  le  prièrent 
d'adresser  des  représentations  à  qui  de  droit ,  au  sujet  de 
cette  nomination  de  Lully,  dont  le  bruit  s'était  répandu. 
M.  de  Louvois  portait  aussi  le  titre  de  secrétaire  du  roi; 
l'idée  d'avoir  pour  confrère  un  homme  qui,  par  ses  bouffon- 

(■)  Voirie  numéro  20. 


neries,  venait  de  se  donner  en  spectacle  à  toute  la  cour,  blessa 
sa  vanité.  Il  dit  tout  haut  qu'il  espérait  bien  qu'on  respecterait 
assez  la  compagnie  dont  il  avait  l'honneur  d'être  membre  , 
pour  ne  pas  l'obliger  à  recevoir  Lully  dans  ses  rangs  ;  mais 
Louis  XIV,  qui  montait  lui-même  sur  la  scène,  et  qui  avait 
déclaré  qu'en  participant  aux  jeux  du  théâtre  un  gentilhomme 
ne  dérogeait  pas,  n'eut  aucun  égard  aux  réclamations  de  ses 
secrétaires ,  et  Lnlly  fut  nommé. 

Louis  XIV  voulait  que  ses  désirs  fussent  satisfaits  aussitôt 
qu'exprimés ,  et  ne  laissait  pas  toujours  à  Molière  le  temps 
de  composer  les  intermèdes  qu'il  lui  commandait  pour  les 
fêtes  de  la  cour.  C'est  ainsi  qu'ayant  conçu  le  projet  d'inter- 
caler deux  pastorales ,  l'une  héroïque,  l'autre  comique,  dans 
le  Ballet  des  muses,  de  Benseiade ,  il  accorda ,  pour  les  écrire, 
si  peu  de  temps  au  grand  poète  ,  que  celui-ci  put  à  peine  es- 
quisser deux  actes  de  la  première.  Ce  fragment  fut  exécuté  à 
Saint-Germain  sous  le  titre  de  Mélicerte.  Plus  tard,  Guérin, 
fils  du  comédien  de  ce  nom ,  qui  avait  épousé  la  veuve  de 
Molière,  termina  la  pastorale  héroïque,  à  laquelle  il  ajouta 
un  troisième  acte  de  sa  façon,  en  vers  libres.  C'était  déjà  une 
grande  impertinence  ;  mais  il  n'en  resta  pas  là  ;  il  mit  égale- 
ment les  deux  actes  de  Molière  en  vers  libres  et  se  permit 
d'y  introduire  des  changements  assez  notables.  La  pièce  ainsi 
bouleversée  fut  jouée  le  10  janvier  1699,  sous  le  titre  de  Mir- 
til  et  Melicerte  ,  avec  un  prologue  et  des  intermèdes  dont 
Lalancle  avait  composé  la  musique. 

Molière  écrivit  aussi  avec  |Une  grande  rapidité  la  pastorale 
comique,  qui  forme  la  troisième  entrée  de  ce  même  Ballet 
des  muses.  Il  est  probable  qu'il  fut  lui-même  peu  satisfait  de 
son  ouvrage,  car  il  ne  voulut  pas  le  livrer  à  l'impression.  On 
n'en  aurait  rien  conservé ,  si  les  vers  des  morceaux  de  chant 
n'avaient  été  imprimés  avec  la  musique  de  Lully,  que  publia 
Robert  Ballard  en  1666.  Toutes  les  scènes  parlées  ayant  été 
supprimées  par  Molière ,  il  est  assez  difficile  de  suivre ,  dans 
ces  seules  parties  de  chant ,  le  développement  du  sujet.  Ce- 


BURXAUX   D'ABONNEBIEKrT,    RVE    HICHEIiIEU,    97. 


182 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


pendant  on  croit  comprendre  qu'il  s'agit  de  la  rivalité  de  trois 
bergers,  dont  l'un,  moins  riche  que  les  autres,  est  cependant 
préféré  par  la  bergère  à  laquelle  il  adresse  ses  vœux. 

La  Fontaine  venait  de  publier  son  roman  de  Psyché,  qui 
faisait  les  délices  de  la  cour  et  de  la  ville.  Louis  XIV  pensa 
qu'une  pièce  composée  snr  le  même  sujet  donnerait  lieu  à  un 
vaste  déploiement  de  pompe  théâtrale ,  et  il  pria  Molière  de 
s'en  occuper  sans  délai.  Molière  obéit  aux  ordres  du  grand 
roi;  mais  il  ne  pouvait  consentir  à  être  l'imitateur  de  per- 
sonne ,  pas  même  de  La  Fontaine ,  et  il  s'écarta  de  la  roule 
qu'avait  suivie  ce  dernier.  Il  traça  un  plan  qui  répondait 
parfaitement  aux  vues  de  son  royal  maître;  puis,  le  temps  le 
pressant,  il  sollicita  et  obtint  la  collaboration  de  Corneille, 
qui  écrivit  les  vers  de  quatre  actes  entiers  dans  l'espace  de 
quinze  jours.  Quinaull  composa  les  intermèdes ,  à  l'exception 
de  celui  du  premier  acte,  qui  est  rempli  par  des  dialogues 
italiens,  dont  les  paroles  sont  attribuées  à  Lully,  auteur  en 
même  temps  de  toute  la  musique.  La  salle  des  machines  ,  aux 
Tuileries,  où  cette  tr»gédie-ballet  fut  exécutée,  avait  été  con- 
struite et  décorée  ,  par  ordre  du  roi ,  avec  une  magnificence 
qui  étoima  même  les  personnes  accoutumées  à  voir  se  réaliser 
comme  par  enchantement  les  somptueuses  fantaisies  du  mo- 
narque. 

D'après  l'avant-propos  qui  précède  la  comédie  des  Amanls 
magnifiques ,  dans  la  première  édition  ,  le  plan  de  cette  pièce 
fut  presque  dicté  par  Louis  XIV,  qui ,  «  voulant  donner  à  la 
cour  un  divertissement  composé  de  tous  ceux  que  l'art  théâ- 
tral peut  fournir,  conçut  l'idée  de  deux  princes  rivaux  qui , 
dans  la  vallée  de  Tempe ,  où  l'on  doit  célébrer  les  jeux  Py- 
thiens,  régalent  à  l'envi  une  jeune  princesse  et  sa  mère  de 
toutes  les  galanteries  dont  ils  peuvent  s'aviser.  »  On  sait  com- 
ment Molière  a  traité  cette  donnée.  Les  intermèdes  furent 
remplis  par  des  scènes  liées  à  l'action  principale,  où  l'on  vit 
paraître  des  divinités  célestes,  terrestres  et  marines  qui  chan- 
tèrent et  dansèrent  des  airs  et  des  pas  appropriés  à  leur  ca- 
ractère. On  exécuta  une  pastorale  en  musique  ayant  pour 
sujet  des  amours  champêtres  de  la  vallée  de  Tempe,  et  en- 
suite la  fête  des  jeux  Pythiens.  Le  roi ,  le  duc  de  Villeroy  et 
d'autres  seigneurs  de  la  cour  y  dansèrent  avec  les  danseurs  et 
les  danseuses  ordinaires  des  ballets. 

Lully  composa  la  musique  de  la  Princesse  d'Elide ,  pièce 
qui  avait  été  commandée  à  Molière  par  Louis  XIV,  pour 
servir  aux  fêtes  que  le  grand  roi  donna,  sous  le  titre  des 
Plaisirs  de  l' I si e  enchantée,  aux  deux  reines,  son  épouse  et 
sa  mère,  et  qui  remplirent  sept  journées.  On  lui  doit  égale- 
ment celle  des  intermèdes  de  Georges  [Dandin  ,  de  l' Amour 
médecin,  de  la  Comtesse  d' Escarbagnas  et  du  Malade  ima- 
ginaire. Une  partie  des  airs  à  chanter  et  à  danser  qu'il  écrivit 
pour  les  ouvrages  du  grand  poêle  a  été  imprimée  h  Paris  chez 
Ballard  ;  mais  une  autre  portion  n'a  jamais  été  publiée ,  et  se 
trouve  manuscrite  dans  la  collection  de  Philidor. 

Les  divertissements  des  comédies  de  Molière  avaient  été 
spécialement  et  uniquementcomposéspour  les  représentations 
des  théâtres  de  la  cour.  On  les  retranchait  à  la  ville ,  et  ce  qu'il 
y  a  de  bizarre,  c'est  que  Lully,  qui  en  avait  composé  la 
musique ,  s'opposait  énergiqucment ,  en  vertu  du  privilège 
qu'il  avait  pour  l'Opéra ,  aux  tentatives  que  firent  les  comé- 
diens français  pour  les  introduire  sur  leur  théâtre.  Plusieurs 
ordonnances  furent  rendues  à  ce  sujet,  et  la  dernière  est  si- 
gnalée de  cette  façon  dans  des  mémoires  du  temps  :  «  Les 
comédiens  français  s'estant  avancésdc  meslerdans  des  repré- 
sentations du  Malade  imaginaire  tl  de  la  Princesse  d'Elide 
des  danses,  des  voix,  et  d'avoir  dans  leur  orqucstre  un  plus 
grand  nombre  d'instruments  qu'il  ne  leur  est  permis  par  les 


ordonnances,  sur  les  plaintes  des  intéressés  au  privilège  de 
l'Opéra  ,  il  intervint  un  arrest  du  Conseil-d'Eiat  qui  obligea 
les  comédiens  h  se  conformer  auxdites  ordonnances ,  à  peine 
de  cinq  cents  livres  d'amende  par  chaque  contravention ,  dé- 
clarant l'amende  encourue  pour  les  représentations  du  Ma/ade 
imaginaire  et  de  la  Princesse  d'Elide.  »  Ces  ordonnances 
auxquelles  il  est  fait  allusion  sont  celles  qui  fixèrent. à  »  deux 
voix  et  à  six  violons  ou  joueurs  d'instruments ,  »  le  personnel 
musical  des  autres  théâtres  que  l'Opéra. 

«  Si  j'étais  roi  de  France  »  est  une  vieille  formule  à  l'usage 
de  ceux  qui  ont  quelque  souhait  important  à  former.  Si  nous 
étions  roi  de  France ,  ou  roi  des  Français ,  pour  parler  un 
langage  plus  constitutionnel,  nous  voudrions  nous  donner  le 
plaisir  de  faire  jouer  sur  le  théâtre  de  Versailles  une  comédie 
de  Molière  avec  les  intermèdes ,  la  musique  de  Lully  et  les 
costumes  du  temps.  Ou  nous  nous  trompons  fort ,  ou  celte 
restitution  complète  de  la  physionomie  de  la  scène  française 
à  l'époque  la  plus  glorieuse  de  son  histoire,  offrirait  le  plus 
piquant  intérêt.  N'étant  nullement  en  mesure  de  réaliser  cette 
pensée  pour  notre  propre  compte,  nous  ne  pouvons  que 
former  des  vœux  pour  qu'elle  soit  adoptée  et  mise  en  pra- 
tique par  qui  de  droit. 

Edouard  Fktis. 


RECHERCHES  ET  CONSIDERATIOIVS 

HISTORIQUES,  PHYSIOLOGIQUES  ET  CHORÉGRAPHIQUES 


IiA  FOI.KA  &  I.ES  FOIiKISTES. 

es  romantiques  pourraient  bien  avoir  raison 
lorsqu'ils  disent ,  dans  leur  poétique  en  forme 
de  préfaces,  que  le  bouffon  et  le  grotesque  sont 
inhérents  au  pathétique  et  au  tragique.  C'est 
surtout  en  France  qu'on  aime  cette  union,  ces 
rapprochements,  ces  contrastes  du  terrible  et  du  plaisant. 
Napoléon  le  sentait  bien  ,  lorsqu'il  proclamait  cet  axiome  so- 
cial que  nous  a  transmis  l'archevêque  de  Malines;  Du  sublime 
au  ridicule  il  n'y  a  qu'un  pas.  Il  semblait  deviner  qu'après 
l'incendie  de  la  seconde  capitale  de  la  Russie ,  le  Français  né 
malin  porterait  des  habits  cendres-de-Moscou.  Quelques  an- 
nées avant,  pour  se  procurer  le  plaisir  de  danser  au  bal  des 
victimes ,  il  fallait  avoir  eu  un  ami  on  un  parent  de  guilJoliné. 
De  même  que  don  Gucvara  nous  montre  le  malin  démon 
Asmodée  se  reformant  de  la  fumée  sortie  de  la  fiole  brùsée 
par  l'étudiant  Cléofas,  dans  le  Diable  boiteux ,  les  barricades 
de  juillet  nous  ont  fait  voir ,  sortant  des  fumées  de  la  guerre 
civile,  le  grotesque  Mayeux  armé  de  ses  bons  mots ,  de  ses 
plaisanteries  cyniques  qui  ont  enfanté  Robert  Macaire,  per- 
sonnification de  la  floueiie  effrontée,  du  vol  naïvement  gros- 
sier, et  que  la  censure  a  empêché  de  se  reproduire  sur  la 
scène ,  parce  que  cela  donnait  lieu  à  de  mauvaises  allusions. 
Allusions  à  qui,  à  quoi?...  ma  foi ,  cherchez. 

D'après  ces  précédents  et  ces  antécédents,  comme  on  dit 
en  langage  assez  peu  français  dans  notre  fabrique  législative, 
il  est  rationnel,  naturel,  qu'en  présence  des  questions  qui 
touchent  à  l'honneur  et  à  l'intégriic  du  pays,  à  sa  dignité 
et  à  ses  plus  chers  intérêts,  on  s'occupe  exclusivement  de 
la  polka  dans  toutes  les  cjasses  de  la  société.  C'est  le  mot  de 
M.  de  Salvandy  en  action  :  Nous  dansons  sur  un  volcan  ;  C'est 
Jeannol  ou  les  battus  paient  l'amende,  faisant  déserter  les 
chefs-d'œuvre  de  Voltaire;  c'est  le  singe  de  Nicolet  arrachant 


DE  PARIS. 


183 


ses  spectateurs  el  ses  admirateurs  au  célèbre  comédien  Mole, 
qui  avait  la  faiblesse  de  s'en  affliger  profondément.  Or,  puis- 
que la  vapeur  ne  suffit  pas  au  besoin  de  locomotion  qui  tra- 
vaille tant  de  gens,  publicisle  de  toutes  les  choses  musicales 
sérieuses  ou  légères,  nous  allons  faii'C  part  à  nos  lecteurs  de 
nos  investigations  sur  cette  maladie  qui  préoccupe  et  fait 
sauter  en  ce  moment  les  lionnes  et  les  lions,  même  ceux  du 
Jardin  des  Plantes,  qui  ont  gagné  h  cet  exercice  une  épi- 
zootie  ,  à  ce  que  disent  les  grands  journaux. 

D'où  vient  donc  cette  danse  qui  est  la  manie  du  jour?  Les 
petits  journaux,  qui  ont  fait  tantôt  de  si  spirituelles  plaisan- 
teries sur  la  polka,  seraient  fort  embarrassés  de  nous  le  dire. 
Voici  son  origine,  dont  nous  pouvons  garantir  l'authenticité. 
M.  Raab  ,  de  Vienne  ,  et  dansem-  dans  un  petit  théâtre  du 
faubourg  de  la  capitale  de  l'Autriche,  fut  appelé  à  Prague, 
il  y  a  quelques  années,  pour  diriger  les  ballets  du  théâtre  de 
cette  ville.  En  allant  se  promener  dans  les  délicieux  environs 
de  cette  métropole  de  la  Bohême ,  l'artiste  observateur  vit  des 
hulans  ou  lanciers  polonais,  cantonnés  dans  un  village,  qui 
invitaient  déjeunes  Bohémiennes  h  danser;  et  comme  celles-ci 
ne  savaient  que  la  danse  de  leur  pays,  et  que  les  Polonais 
voulaient  s'en  tenir  à  la  leur,  des  deux  parts  on  convint  que 
chacun  danserait  comme  il  l'entendrait,  comme,  dans  le 
Déserteur,  le  grand  cousin  entame  sa  complainte  pendant 
que  Montauciel  dit  joyeusement  sa  chanson  militaire  :  de  là , 
deux  danses  nationales  en  présence,  se  modifiant,  se  faisant 
quelques  concessions,  se  fondant  l'une  dans  l'autre,  et  dont  il 
est  résulté  la  polka  prise  sur  nature  par  M.  Raab.  Cette  danse 
lui  parut  pittoresque;  il  la  mit  sur  le  théâtre  de  Prague,  oii 
elle  produisit  beaucoup  d'effet  avec  le  costume  polonais  et 
bohémien  combiné  ;  puis  il  lui  prit  la  fantaisie  de  nous  la  faire 
connaître.  Il  vint  donc  à  Paris;  mais  le  temps  de  la  polka  n'é- 
tait pas  encore  venu  ,  car  personne  ne  se  souvient  de  l'avoir 
vu  danser  dans  notre  belle  capitale  de  France  et  de  toutes  les 
danses.  Les  affiches  du  théâtre  de  l' Ambigu-Comique  de  I8/1O 
peuvent  cependant  le  certifier.  Mais  voilà  qu'après  quatre  ans 
on  prend  à  M.  Raab  sa  chose,  sa  polka,  sa  propriété  chorégra- 
phique ,  qu'on  dénature,  qu'on  arrange  ou  qu'on  dérange, 
dont  on  fait  un  mélange  adultère  de  passes  allemandes ,  de 
I  galop  hongrois ,  de  pas  styrien.  Indigné  de  ce  sacrilège  clio- 
I  régraphique,  M.  Raab  quitte  de  nouveau  les  bords  de  la 
I  Moldau  ,  accourt  encore  dans  Paris,  oîi  il  trouve  les  Coralli , 
1  les  Laborde,  les  Celarius  enseignant  une  polka,  ou  plutôt  des 
i  polkas  plus  ou  moins  de  convention,  plus  ou  moins  théâtrales, 
j  plus  ou  moins  styriennes,  cracoviennes,  cacliuchiennes;  et 
I  il  vient,  dit-il,  pour  rendre  à  cette  jolie  danse  son  caractère 
complexe  et  primitif,  et  la  décence  dont  elle  s'est  un  peu 
j  trop  écartée.  On  voit  que  la  mission  que  s'est  donnée  M.  Raab 
j  est  digne  des  Bathyle  et  autres  célèbres  mimes  de  l'anti- 
quité. Que  notre  terre  lui  soit  hospitalière  autant  qu'il  est 
léger  lui-même  sur  cette  terre  des  polkas  et  des  beaux-arts! 

Sous  le  rapport  musical,  la  polka  est  bien  aussi  d'une  ori- 
gine équivoque,  bâtarde.  La  polka  que  l'on  danse  tous  les  jours, 
en  un  mot,  n'est  pas  la  polka  vraie,  authentique  ;  ce  sont  de 
ces  polkas  fabriquées  à  Paris  comme  le  rhum  de  la  Jamaïque, 
comme  l'esprit  national  français  qui  nous  vient  tout  fait  de 
Londres,  etc.,  etc.,  etc.,  et  encore  une  foule  d'etc.  De  même 
que  les  libraires  du  temps  de  Montesquieu  disaient  à  tous  les 
auteurs  :  Faites-nous  des  Lettres  persanes  ,  les  éditeurs  de- 
mandent des  polkas  à  tous  les  compositeurs;  et  ceux-ci  cèdent 
facilement ,  avec  grâce,  avec  plaisir  même  à  celte  invitation. 
■Wollîen  a  fait  de  charmantes,  Kontski  de  délicieuses,  Thal- 
berg  de  voluptueuses,  Pixis  de  radieuses.  Danser  ou  compo- 
ser la  polka  va  devenir  une  obligation,  un  devoir,  comme  celui 


de  payer  son  terme,  ses  contributions,  de  monter  sa  garde,  et... 
encore  une  infinité  d'etc.  Celui  qui  trace  ces  lignes,  comme 
disent  les  critiques  préientieux,  vient  d'interrompre  cet  ar- 
ticle instructifpour  écrire,  cédant  à  une  inspiration  soudaine, 
une  polka  qu'il  publiera  peut  être,  et  que,  dans  tous  les  cas, 
il  dédie  à  la  postérité.  Qu'on  se  le  dise  ! 

On  sait  que  la  polka  est  toujours  en  mesure  à  deux-quatre; 
mais  ce  que  tout  le  monde  ne  sait  pas,  même  bon  nombre  de 
musiciens  qui  en  composent,  c'est  que  celle  mélodie  ne  doit 
avoir  nullement  le  caractère  du  galop.  Et  d'abord  elle  n'en  a 
pas  la  vivacité  :  le  mouvement  se  prend  beaucoup  plus  large- 
ment afin  de  laisser  développer  aux  danseurs  une  sorte  de 
majesté  chorégraphique;  et  puis  les  deux  doubles  croches, 
au  lieu  d'être  sur  la  fin  du  premier  ou  du  dernier  temps  de 
la  mesure,  comme  dans  les  galops  ordinaires,  doivent  se 
trouver  au  commencement  du  second  temps  ;  ainsi  que  l'a 
dit  un  de  nos  plus  grands  poètes  modernes,  Victor  Hugo  ou 
Lamartine  : 

A  ce  deuxième  temps  on  doit,  dans  tous  les  cas, 
Keconnaiire  le  rtijthme  el  le  chic  des  Polkas. 

La  Cerilo  et  la  Duchesse  de  Lanner  sont  bien  dans  ce  ca- 
ractère; r Amélie,  composée  par  le  duc  Maximiliende  Bavière 
et  dédiée  à  M"'"  la  duchesse  de  Berghcs,  si  elle  n'est  pas  une 
polka  pur  sang,  n'en  est  pas  moins  fort  jolie.  Stiaka  en  a  com- 
posé plusieurs,  parmi  lesquelles  il  faut  distinguer /e  Bouquet 
d'immortelles,  qui  pourrait  bien  lui  donner  l'immortalité  tout 
le  temps  que  les  polkas  jouiront  de  la  vogue;  et  pour  sa 
polka  intitulée  :  les  Camélias,  qui  procède  hardiment  par  tran- 
sitions enharmoniques,  on  devrait  donner  à  Beyerun  camé- 
lia rouge,  qui,  placé  à  sa  boutonnière,  ferait  absolument  l'effet 
de  la  croix  d'honneur,  moins  l'ennui  du  serment  à  prêter,  ce 
qui  n'engage  à  rien,  il  est  vrai.  On  peut  signaler  encore  la 
Course  de  Joachym,  les  Anémo7if  s  deLahilaki,  elles  Rayons 
du  soleil  de  Kliegel  un  peu  pâle  de  mélodie,  mais  qui  ne 
laisse  pas  que  d'avoir  la  couleur  et  l'entrain  de  la  vraie 
polka. 

Vainement  nos  chorégraphes  de  théâtre  et  de  salons,  vaine- 
ment les  bohémiens  de  Paris  ont  dénaturé  la  polka  bohé- 
mienne, M.  Raab  est  revenu  à  temps  pour  la  rendre  à  sa  di- 
gnité première,  pour  rassurer  les  mères  et  les  maris  inquiets 
devoir  tournoyer  les  objets  qui  leur  sont  chers  dans  les  bras 
du  premier  polkcur  venu.  La  polka  restaurée  de  M.  Raab  a 
déjà  reçu  la  sanction  de  l'Académie  des  sciences  morales,  et 
mérité  un  rapport  hygiénique  des  plus  favorables  de  la  Faculté 
de  médecine  de  Paris. 

Henri  Biarxhard. 


C0NCE51TS. 

M"'°  Anna  Zerr,  qui  avait  chanté  au  concert  de  M.  Berlioz 
et  à  celui  donné  au  bénéfice  de  l'association  des  musiciens,  a 
donné,  pour  son  compte,  une  soirée  musicale  le  18  mai  dans 
la  salle  Herz.  M""  Zerr  est  Allemande,  et  ce  n'est  pas  préci- 
sément par  une  manière  rationnelle  et  brillante  de  chanter 
qu'on  se  distingue  dans  son  pays;  maison  voit  que  cette 
cantatrice  s'est  fait  initier  à  tous  les  mystères  de  la  méthode 
italienne.  Après  la  famille  Dislin,  qui  a  dit  avec  sa  perfection 
accoutumée  un  morceau  de  Rohert-le- Diable  sur  les  nou- 
veaux instruments  de  M.  Adolphe  Sax,  M"'  Zerr  a  chanté  un 
grand  air  de  la  Liicia  di  Lammermoor  a\cc  une  passion  ,  une 
expression  qu'on  ne  s'attendait  pas  à  lui  voir  déployer  ,  car 
dans  ses  précédentes  apparitions  elle  s'était  montrée  canta- 


184 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


trice  correcte ,  mais  froide.  Dans  ce  concert ,  elle  a  montré 
tout  d'abord  des  facultés  éminemment  dramatiques,  et  nous 
ne  serions  pas  étonné  qu'elle  revînt  quelque  jour  d'Italie 
prima  donna  au  théâtre  Venladour.  M.  Giilmann,  pianiste 
distingué  comme  il  en  abonde,  a  joué  sa  grande  fantaisie, 
trop  grande  peut-être,  sur  les  motifs  du  Frexjschiilz,  qui  a 
semblé  aussi  longue  que  bien  faite.  Balfe,  suppléant  }d""  Sa- 
batier,  qu'une  indisposition  subite  a  empêchée  de  participera 
ce  concert  où  elle  avait  promis  de  se  faire  entendre ,  Balfe, 
l'homme  toujours  prêt  à  chanter  comme  h  composer,  est  venu 
dire  avec  son  entrain  ordinaire  plusieurs  morceaux  qui  ont 
offert  au  public  l'occasion  d'applaudir  son  obligeance  et  son  ta- 
lent. Cossmann, le  violoncelliste  à  la  manière  large,  pure,  au 
son  puissante!  qui  impressionne  ses  auditeurs,  a  dit  un  solo 
d'un  excellent  style  et  qui  a  fait  le  plus  vif  plaisir;  et  puis,  la 
famille  Distin  a  reparu  ;  et  puis  M.  Gattermann  a  exécuté  un 
solo  de  flûte  qui  n'a  pas  trop  rapjjelé  le  mot  de  Cherubini  sur 
cet  instrument;  et  puis  M.  Gutniann  est  revenu  nous  jouer 
du  piano;  et  puis  lajbénéficiaire,  qui  est  aussi  revenue  nous 
dire  plusieurs  jolies  choses  vocales ,  entre  autres  morceaux 
une  charmante  tyrolienne  et  l'air  de  Bériot  :  Prcndi  Vanello, 
dans  lequel  elle  a  produit  des  effets  brillants,  a  été  aussi 
vivement  que  justement  applaudie,  et  elle  a  dû  être  satisfaite 
de  l'hospitalité  artistique  comme  on  l'entend  en  France. 

—  Autrefois  la  musique  était  un  accessoire  des  séances  lit- 
téraires, accessoire  qui  faisait  souvent  supporter  le  principal; 
maintenant  dans  les  comptes-rendus  des  travaux  de  la  société 
de  n'importe  quoi,  les  lectures,  les  vers  impressionnent  peu 
l'auditoire  impatient  de  voir  passer  à  d'autres  exercices  : 
aussi  le  concert  lient  autant  de  place ,  si  ce  n'est  plus ,  sur 
tout  programme  des  solennités  académiques.  lien  a  été  ainsi 
de  celui  de  la  Société  philotechnique  qui  a  célébré ,  diman- 
che dernier,  la  quarante-neuvième  année  de  sa  fondation  dans 
la  salle  Saint-Jean,  local  qui  ne  figure  pas  mal  un  corps-de- 
garde  du  moyen-âge,  et  qui  est  aussi  triste  que  peu  sonore. 
Les  jetons  de  présence  que  se  distribuent  les  hommes  de 
mérite  composant  ces  réunions  littéraires  et  musicales  sont  des 
iichcs  de  consolation  pour  la  plupart  de  ceux  qui  n'espèrent 
pas  arriver  h  l'Inslltut.  Le  concert,  qui  se  composait  de  huit 
numéros,  a  été  précédé  de  huit  lectures,  parmi  lesquelles  figu- 
rait la  Lyre  et  le  piano,  apologue  de  M.  le  Baron  Roger,  qui, 
par  l'harmonie  des  vers,  pouvait  passer  pour  un  morceau  du 
concert.  Il  y  a  aussi  de  la  musique  dans  la  poésie  chantée  par 
M.  Constant  Berryer.  M.  Achille  Comte  a  dit  d'abondance 
d'esprit  et  de  cœur  quelques  mots  sur  les  nids  d'oiseaux , 
observations  minutieusement  investigatrices  et  curieuses  sur 
les  touchants  mystères  de  l'ornithologie.  Après  cela  et  quel- 
ques autres  pièces  en  vers  de  MM.  Dessains,  Lavallette  et 
Berville ,  M"°  Lavoye  de  l'Opéra-Coraique  a  chanté  une  jolie 
polonaise  de  M.  Concone,  puis  un  air  de  Nitocri  de  Mer- 
cadante;  M""  Iweins-d'Hennin  a  fort  bien  chanté  aussi  de 
jolies  choses  ;  et  puis  M""  Bonnias,  la  pianiste  chaleureuse , 
nette  et  brillante,  a  dit,  avec  cette  élégance,  ce  fini  qui  distin- 
gue sa  manière  déjouer  du  piano,  la  belle  fantaisie  de  Thal- 
berg  sur  la  Norma,  qui  lui  a  valu  les  applaudissements  com- 
plexes des  littérateurs,  des  artistes  et  des  amateurs. 

—  C'était  quelque  chose  de  curieux  que  la  soirée  musicale 
donnée  hier  soir  au  Théâtre-Italien,  par  MM.  Ojeda  cl  Cavnl- 
lini.  Premier  ténor  des  théâtres  de  Madrid,  M.  Ojeda  possède 
une  voix  un  peu  faible,  mais  pleine  d'expression;  il  a  dit 
avec  une  méthode  d'excellent  musicien  de  la  musique 
ibérienne,  d'un  caractère  original  et  piquant.  C'était  une 
Halle  de  contrebandiers  chantant,  trinquant  et  buvant  à  la 
santé  de  leur  chef  et  de  leurs  exploits  futurs  ;  puis  un  duo 


espagnol  et  italien  dans  lequel  se  trouvent  réunis  par  une 
sorte  de  contrepoint  libre  lacavatine  Costa  diva  de  la  Norma, 
et  plusieurs  airs  populaires  de  l'Espagne.  Ce  travail  est  cu- 
rieux et  intéressant ,  surtout  sur  le  beau  canlabile  du  mor- 
ceau de  Bellini.  Il  a  dit  encore  avec  M.  Cacéres ,  M°"  Lozano 
et  M"'  Masson  une  grande  scène  espagnole  (la  Sérénade  et  la 
Contrebande)  avec  chœurs  qui  a  produit  beaucoup  d'effet. 
M.  Cavallini,  premier  clarinettiste  du  théâtre  impérial  et  royal 
de  la  Scala ,  à  Milan ,  et  que  nous  avons  déjà  entendu  à  Paris, 
a  fait  de  notables  progrès  comme  exécutant  et  surtout  connue 
compositeur.  Si  l'on  peut  trouver  quelque  chose  à  redire  sur 
la  prodigieuse  quantité  de  notes  qu'il  fait  entrer  mathémati- 
quement dans  une  mesure  quelconque,  et  qui  nuisent  peut- 
être  un  peu  à  ce  qu'on  appelle  le  style ,  cette  chose  qui  ne 
peut  pas  trop  s'analyser  en  musique,  c'est-à-dire  cette  me- 
sure, cette  sobriété,  cette  élégance  mélodique  qui  fait  qu'on 
s'abstient  parfois,  souvent  même,   de  toutes  les  difficultés 
dont  on  est  sûr  de  triompher  sur  un  instrument  qu'on  a  sou- 
mis à  son  pouvoir,  il  n'en  est  pas  moins  certain  que  M.  Ca- 
vallini est  le  Paganini ,  le  roi  de  tous  les  clarinettistes ,  non 
seulement  de  France  et  de  Navarre ,  mais  encore  de  l'Europe 
et  de  raille  autres  lieux.  Sa  fantaisie  sur  divers  motifs  de  la 
Somnambule  et  ses  autres  morceaux  offrent  une  mine  iné- 
puisable de  mélodies  charmantes ,  d'harmonies  ingénieuses  et 
piquantes  qui  le  placent  au  premier  rang  des  solistes-compo- 
siteurs de  l'époque.  M°"  Brambilla ,  Lozano  et  Masson  se  sont 
fait  justement  applaudir  dans  ce  concert  :  la  dernière  surtout 
a  dit  d'une  excellente  méthode  et  d'une  voix  qui  impressionne, 
la  suave  cavatine  :  Costa  diva.  On  pense  bien  que  tout  ce 
que  Paris  contient  de  réfugiés  Espagnols  en  ce  moment  s'é- 
taient réfugiés  hier  dans  la  salle  du  Théâtre-Italienj-  Décidé- 
mentParis  est  le  centre  du  concert  européen....  musicale- 
mentparlant. 

Henri  Blanchard. 


Beime  critique. 

LE  SOLFÈGE  DES  DOIGTS, 

parJ.-B.  CRAMER. 

c  cœur  ne  vieillit  pas,  dit-on,  et  le  bon  La  Fon- 
taine a  dit  :  C'est  le  cœur  qui  fait  tout.  Le  vrai 
talent  ne  vieillit  pas  plus  que  le  cœur,  car  le 
vrai  talent  vient  du  cœur.  Si  cette  vérité  est 
applicable  à  un  artiste,  c'est  bien  à  notre  cé- 
lèbre Cramer,  ce  dernier  représentant  de  la  grande  école  de 
démenti.  Pour  ceux  qui  ont  eu  le  bonheur  de  l'entendre 
dans  ces  derniers  temps,  rien  n'est  plus  remarquable,  sans 
contredit ,  que  la  jeunesse ,  la  fraîcheur,  la  verve  spirituelle 
du  jeu  de  ce  grand  pianiste.  L'égalité  de  ses  doigts,  la  pureté 
de  son  exécution  ,  la  délicatesse  de  son  toucher  sont  autant  de 
modèles  précieux  que  lui  seul  peut  offrir  à  la  fois  et  au  plus 
haut  degré  de  perfection  à  toute  cette  jeunesse  ardente  et 
laborieuse  qui  consacre  tant  d'efforts  à  l'étude  du  piano. 
Heureux  les  élèves  qui ,  guidés  par  leur  bonne  organisation 
ou  par  les  sages  conseils  qu'ils  veulent  bien  écouter  et  suivre, 
sont  portés  à  l'imitation  de  ce  style  élevé ,  de  ce  mécanisme 
parfait.  C'est  avec  les  éléments  fournis  par  cette  école  toute 
logique,  toute  musicale,  qu'un  pianiste  peut  acquérir  ce  fond 
de  jeu  qui  décide  de  tout  son  avenir  d'exécutant.  Quand  on 
possède  ce  fond  solide  ,  qui  est  la  source  et  la  base  de  tout 
bon  talent,  on  peut  emprunter  à  l'école  moderne  ses  res- 
sources neuves,  piquantes  et  fécondes;  on  peut  s'approprier 


DE  PARIS. 


185 


les  riches  développemenls  qui,  de  nos  jours,  ont  agrandi  le 
domaine  de  l'exécution  ;  mais,  grâce  à  une  première  éduca- 
tion classique,  on  ne  risquera  pas  de  s'égarer  dans  les  excur- 
sions d'un  éclectisme  qui  sera  toujours  guidé  par  le  tact  et  le 
jugement  sûrs  qu'on  aura  puisés  aux  principes  de  la  raison 
et  du  sentiment. 

Sous  ce  point  de  vue  sérieux  de  l'étude  du  piano'.  Cramer 
est  l'artiste,  après  Clementi  toutefois,  qui  a  le  plus  travaillé 
dans  l'intérêt  des  jeunes  artistes.  Ses  immortelles  études  sont 
depuis  quarante  ans  le  rudiment  de  tous  les  pianistes  ;  mais  il 
faut  qu'un  élève  soit  déjà  arrivé  à  un  certain  degré  d'habi- 
leté pour  les  aborder  et  les  travailler  utilement.  On  a  toujours 
reconnu  le  besoin  d'un  ouvrage  élémentaire  et  pratique  qui 
pût  servir  d'introduction  h  ces  excellentes  études.  Il  apparte- 
nait à  Cramer  de  remplir  cette  lacune  importante  dans  la  pre- 
mière éducation  du  pianiste,  et  c'est  ce  qu'il  vient  de  faire, 
de  la  manière  la  plus  complète ,  en  publiant  le  Solfège  des 
doigts. 

Ce  titre ,  exprimant  si  bien  une  tendance  vraiment  utile , 
est  pleinement  justifié  par  la  composition  consciencieuse  de 
l'œuvre  qui  atteste  la  longue  et  fertile  expérience  du  grand 
maître.  En  effet ,  les  cent  exercices  que  renferme  ce  recueil 
intéressant  ont  pour  but  d'assouplir  les  doigts  à  toutes  les 
formes  techniques  du  mécanisme,  et  de  les  rendre  habiles  à 
exécuter  sans  peine  toutes  les  difficultés  musicales  des  com- 
binaisons les  plus  varices  du  rhythme.  C'est  en  même  temps 
dresser  les  doigts  et  former  la  tête;  c'est  assurer  aux  élèves  le 
talent  si  précieux  de  la  lecture  en  donnant  aux  doigts  la  fa- 
culté d'agir  librement  sous  les  ordres  d'une  intelligence  bien 
dirigée.  C'est  donc,  dans  toute  l'acception  du  mot,  l'étude 
du  Solfège  appliquée  aux  doigts. 

Ces  petites  études  de  peu  d'étendue  et  destinées  "a  être  ré- 
pétées deux,  trois  ou  quatre  fois,  ainsi  que  l'indique  l'auteur, 
d'après  le  degré  d'importance  qu'il  leur  a  donné ,  sont  clas- 
sées dans  un  ordre  parfaitement  entendu  de  difficulté  pro- 
gressive. Le  style  sévère,  le  style  gracieux,  le  style  f/t  bramira, 
le  style  expressif,  tous  les  styles  différents  y  sont  reproduits 
avec  leurs  nuances  propres,  leur  cachet  particulier,  leurs 
formules  caractéristiques.  Les  gammes,  les  arpèges,  les  trails 
à  l'unisson,  le  mouvement  semblable,  le  mouvement  con- 
traire, les  notes  syncopées,  les  notes  tenues,  les  doubles  notes, 
les  passages  à  plusieurs  parties  rcclies,  les  trilles  siniples, 
doubles  ou  accompagnés  d'un  chant,  les  octaves,  les  écarts 
de  doigts,  les  notes  répétées,  le  Icgato,  le  staccato,  enfin 
tous  les  éléments  essentiels  de  l'exécution  ,  distribués  alter- 
nativement entre  les  deux  mains ,  y  sont  développés  avec  le 
plus  grand  art  et  toujours  présentés  musicalement  sous  la 
forme  la  plus  attrayante.  Le  succès  le  plus  général  nous 
paraît  assuré  à  cet  ouvrage  remarquable ,  dans  lequel  l'il- 
lustre auteur  a  su,  comme  dans  toutes  ses  élégantes  com- 
positions, unir  au  charme  de  l'étude  la  solidité  de  l'instruc- 
tion. 

Amédée  MÉREADX. 


gommage    à  iileuï>els50l)n, 

APRÈS  LA  KEPBÉSESTATION  d'aNTIGONE. 

Aux  lieux  supérieurs,  vers  le  ciel  des  poètes, 
Oj  sont  (les  grands  pensers  les  sacrés  interprètes, 
Mercure  messager,  ouvrant  ses  ailes  d'or, 
Frères,  prendra  bientôt  un  lumineux  essor. 
Sopiiocle,  dira-l-il ,  reçois  celte  couronne  , 
Car  Paris  a  pour  toi  tout  l'amour  d'Antigone. 


Soptiocle  tout  entier,  Sophocle  tout  vivant, 
Vient  d'apparaître  enfin  dans  ce  monde  mouvant; 
11  n'est  plus,  il  n'est  plus  dans  le  royaume  sombre. 
Jusque  là  les  Français  n'aviiient  vu  que  son  ombre. 
Et  vous  ,  qui  nous  rendez  la  Grèce  et  ses  douleurç. 
De  sa  palme,  pour  vous,  détachez  quelques  fleurs; 
Et  loi,  chantre  divin  de  cette  belle  fête, 
Mendelssohn  ,  qu'une  fleur  couronne  aussi  la  lête. 
Oui ,  la  plus  belle  fleur,  car  de  l'antiquité 
Ta  lyre  nous  transmet  la  sévère  beauté. 

Antoni  Deschaiips. 


LE  CORSET  m  PASÎEIR  DANS  LES  PYRENEES. 

Zïessin  de  Gavarnx. 

Ceci  n'est  plus  de  la  caricature;  c'est  de  la  vérité  pure  et 
simple  :  c'est  la  nature  prise  sur  le  fait,  et  rendue  avec  une 
scrupuleuse  exactitude.  Si  le  cornet  du  pasteur  pyrénéen 
n'est  pas  le  plus  mélodieux  des  instruments,  c'en  est  peut- 
être  le  plus  utile.  Il  envoie  à  travers  les  airs  des  sons  qui 
n'ont  pas  pour  unique  but  de  flatter  l'oreille  :  il  donne  des 
avis ,  des  signaux ,  il  rapproche  les  distances,  et  ramène  les 
égarés  dans  le  bon  chemin.  S'il  n'a  pour  lui  tout  le  charme 
de  la  société ,  il  a ,  par  compensation,  toutes  les  vertus  de  la 
solitude. 


BiC  Siragc  4e  la  ï^otcrîc  au  bénéfice  de  l'association 
des  as-tistes-nîMsEcJcns  aura  lieu  le  dimanche  2  JIJIIS, 
:i  tO  heures  du  matin,  dans  la  salle  de  l'École  lyrique, 
rue  de  la  'ffour-d'Auvergne.  —  Nous  rappelons  qu'il  y 
aura  IffiSi  l.O'ÏS  gagnants,  savoir  s  Un  magnifique 
Pîasio  à  qucnc,  mouvean,  d'Ërard,  et  1030  Morceaux 
de  iunsi<iiue  et  Fartitions.  —  l.es  billets  non  vendus 
sont  déposés,  et  se  trouvent  au  Magasin  de  musique 
de  TIS.  Maurice  gehicsinger ,  99 ,  rue  Richelieu.  — 
Prix  du  billet  :  DM  FKANC, 


ITOTJTiULiIiSS. 

•.'  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  à  l'Opéra,  Z)ont 
Séb.islien  de  Portugal.  — Demain  lundi,  le  Comte  Ortj  et  Giselle. 

V  Les  recettes  continuent  de  se  maintenir  à  leur  maximum.  Le 
Lazzarone,  donné  deux  fois  cette  semaine  et  suivi  d'un  ballet,  n'a 
pas  produit  moins  qu'un  opéra  en  cinq  actes. 

","  Indépendamment  des  trois  ouvrages  que  monte  en  ce  moment 
la  troupe  lyrique,  on  prépare  Calypso ,  ballet  mythologique,  dans 
lequel  M""  Adèle  Dumilàlre  remplira  le  rôle  d'Eucharis  :  la  musique 
en  est  confiée  à  M.  Deldevez. 

•,"  Les  représentations  de  M"=  Taglioni  auront  lieu  pour  une  moi- 
tié les  jours  ordinaires  de  l'Opéra,  c'est-à-dire  les  lundi,  mercredi, 
vendredi  ;  et  pour  l'autre  les  jeudi ,  samedi  et  dimanche.  Elles  com- 
menceront samedi  prochain. 

",'  Le  tribunal  de  première  instance  a  rendu  son  jugement  dans 
la  conteslalion  survenue  entre  le  directeur  de  l'Opéra  et  M.  Robin  , 
locataire  d'une  loge  à  l'année.  Il  s'agissait  de  fixer  les  droits  respec- 
tifs du  directeur  et  du  locatiiire;  c'est  le  directeur  qui  a  gagné  sa 
cause. 

*,*  M"'  Drouart  vient  de  réussir  complètement  à  Brest  dans  la 
Favorite. 

*,'  Aujourd'hui  au  Conservatoire,  à  une  heure,  exercice  des  élèves. 
On 'jouera  le  quatrième  acte  de  Mahomet  de  Voltaire,  l'Hôtesse  de 
Lyon,  opéra-comique  eo  un  acte  (première  représentation),  musique 
de  G.  Bousquet,  et  le  premier  acle  du  Comte  Onj. 

*,"  Il  y  a  eu  ce'.te  semaine  à  l'Odéon  une  véritable  solennité  lit- 
téraire et  musiralo.  VAntigouc,  de  Sophocle,  i!o:is  a  été  donnée  avec 
les  chœurs  de  Mendelssohn,  et  le  public  d'élite  qui  assistait  à  ce 
curieux  spectacle  a  témoigné  par  sa  religieuse  attention,  par  ses 


186 


REVUE  ET  GAZETTE    MUSICALE 


bravos  inlelligcnis,  el  quelquefois  aussi  par  son  enlhousiasmc,  qu'il 
en  comprenait  lout  l'inlérêl,  toute  lu  grandeur.  L'espace  nous  man- 
que aujourd'liui  pour  parler  dignement  de  cette  tentative  rélros- 
peclive  ainsi  que  du  mérite  d'une  traduction  qui  fait  honneur  à 
MM.  Merrio  et  Vacqucrie.  Nous  en  rendrons  compte  dans  le  numéro 
prochain. 

*,*  la  chambre  des  députés  vient  de  prendre  en  considération  la 
proposition  de  MM.  Vivien  et  Berville  tendant  à  ce  que  le  droit  de 
propriété  garanti  par  le  décret  «le  tSiO  à  l'auteur  d'écrits  imprimes 
et  à  sa  veuve  pendant  leur  vie,  à  leurs  enfants  pendant  vingt  ans,  soit 
étendu  à  la  veuve  et  auï  enfants  des  auteurs  d'ouvrages  représentés 
»ur  le  théâtre. 

","  Aujourd'hui,  à  dix  heures  précises ,  dans  l'église  de  Saint- 
Germain-l'Auxerrois ,  on  eiéculera,  pour  la  première  fois,  la  troi- 
sième messe  solennelle  de  M.  Julien  Martin  ,  maître  de  chapelle  de 
cette  paroisse. 

","  Le  bruit  court  que  Tamburini  perd  550,000  fr.  dans  la  faillite 
de  M.  Caccia,  le  banquier  italien. 

","  On  annonce  la  mort  de  M""  Caroline  Benda,  pelitc-fille  du 
célèbre  composileur  de  ce  nom  ;  c'était  en  son  temps  une  actrice  dis- 
tinguée qui  a  brillé  sur  la  scène  allemande  à  côté  de  IfQand  et  Ess- 
laer. 

*."  Samedi  dernier,  après  le  conrert  de  M.  H.  Berlioz,  les  artistes 
anglais,  engagés  pourjoucr  des  iiistrunienls  de  M.  A.  Sax,  aux  eaux 
de  Baden,  ont  donné  une  brill.mtc  sérénade  à  MM.  Berlioz  et  Liszt. 
On  dii  que  le  direetcur  des  eaux  de  Raden,  M.  Benazet,  qui  se  plait 
àeniouragcr  partout  les  arts,  ay.mt  reconnu  le  mérite  supérieur  des 
instruments  de  M.  Sax,  est  sur  le  point  de  devenir  l'un  des  princi- 
paux intéressés  de  ce  jeune  et  habile  artistCT 

',"  Son  Altesse  Royale  le  prince  Miiximilien  de  Bavière ,  avant  de 
quitter  Paris,  a  fait  remetire  à  M.  Schad ,  le  pianiste  bavarois,  un 
précieux  souvenir  accompagné  d'une  lettre  aulographe. 

",*  Le  double  début  de  M.  Thierry,  jeune  basse,  chanteur  de 
grande  espérance ,  aux  cuncerts'Vivienne,  pendant  cette  semaine, 
doit  contribuer  à  entretenir  la  vogue  mfrilée  qui  s'attache  à  ces  con- 
certs. Cet  établissement  bien  dirigé  peut,  en  effet,  être  un  utile  auxi- 
liaire pour  les  jeunes  artistes  composileurs  et  exécutants  qui  ont, 
aujourd'hui ,  tant  de  peine  à  se  produire. 

"„*  Louis  Lacombe,  le  jeune  et  célèbre  pianiste,  vient  d'obtenir 
successivement  à  Mulhouse,  Besançon  et  Dijon,  tous  les  succès  qu'il 
avait  droit  d'attendre.  On  lit  à  celte  occasion  dans  le  Journal  de  la 
Côte-d'or  :  «  Nous  avons  entendu  Liszt,  Thalberg,  Doehier,  et  nous 
>i  n'hésitons  point  à  placer  M.  Lacombe  à  côté  de  ces  artistes  si  aimés 
»  du  public.  S'il  nous  était  permis  de  comparer  entre  eux  ces  pia- 
»  nistes,  nous  dirions  que,  comme  Talberg,  M.  Lacombe  est  puissant 
»  sans  exagération,  grand  sans  emphase,  inspiré  sans  charlatanisme  ; 
»  comme  Liszt,  il  domine  la  monotonie  de  l'instrument  p^r  la  va- 
»  riété  des  sensations  et  des  sentiments  qu'il  éveille;  cnmme  Dœhler, 
»  il  cache  les  difficuliés  sous  le  charme  de  l'exécution.  —  Il  chante, 
»  il  pleure,  il  frémit,  il  bondit,  il  marche,  il  court;  il  nous  rappelle 
0  nos  plus  doux  souvenirs  en  musique,  et  Wcber,  HummeP,  comme 
»  Piossini,  noiis  apparaissent  sous  ses  doigts  avec  leurs  sentiments 
»  comme  avec  leur  génie.  »  Parmi  les  artistes  distingués  qui  ont  se- 
condé M.  Lacombe  dans  les  concerts  qu'il  a  donnés  à  Dijon,  il  faut 
citer  d'abord  M.Waldteufel ,  qui  s  est  placé  au  premier  rang  comme 
violoncelliste.  Dans  un  duo  à  deux  pianos,  exécuté  avec  .M.  Lacombe, 
M.  Hustache  n'a  pas  mérité  moins  de  suffrages  qiic  M""  Hustache 
par  sa  manière  agréable  de  chanter. 

*,*  On  prépare  des  fêtes  brillantes  à  Postdam  en  l'honneur  de  l'im- 
pératrice lie  Bnssie,  qui  y  est  prochainement  attendue.  Le  Fauat  de 
Goethe,  mis  en  musique  par  le  prince  de  Radziwill,  sera  représenté 
devant  l'impératrice.  1,'ouvrage  a  été  mis  en  répétition. 

*,*  Le  paquebot  «le  l'Etat,  VEurolas,  qui  vient  de  quitter  Mar- 
seille, emmène  à  Constantinople  une  cargaison  complète  de  dan- 
seurs et  un  corps  de  ballet  tout  organisé,  avec  vingt  figurants  et 
autant  de  Ijguranles.  A  ce  personnel  se  joindront  quatre  premiers 
sujets  russes.  On  fera  une  halte  à  Constantinople,  où  l'on  donnera 
un  échantillon  de  la  danse  française;  les  bayadères d'Occident  pour- 
ront y  faire  assaut  avec  celles  d'Oriem.  La  troupe  se  rendra  ensuite 
au  théâtre  d'Odessa,  pour  lequel  elle  est  engagée. 

".•  Dans  la  biographie  de  M.  Liszt,  que  G.  Schilling  vient  de  faire 
paraître  à  Slullgard,  on  trouve  l'énuméralion  suivante  des  titres  du 
célèbre  pianiste:  a  Conseiller  aulique  du  prince  Iloenzell-Hechingen, 
maître  de  chapelle  du  grand-duc  de  Saxe-Weimar,  docteur  en  phi- 
Ioso)ihie  ,  beaux-arts  el  sciences  ,  décoré  de  l'ordre  royal  de  Prusse 
pour  le  mérite ,  chevalier  de  l'ordre  du  Lien  de  Belgique,  du  Faucon 


du  grand  duc  de  Weimar,  de  l'ordre  du  duc  Ernest  de  Saxe  et  de 
celui  de  la  chapelle  du  prince  de  Hoenzooll,  de  la  royale  Médaille 
d'Or  pour  le  mérite  dans  les  arts  et  sciences  de  Wurtemberg,  et  aussi 
de  celle  impériale  de  Prusse,  etc.  ;  citoyen  d'honneur  de  Pesth  et 
d'autres  cités  hongroises,  membre  de  l'Académie  royale  de  Prusse 
pour  les  aris  et  les  sciences,  et  membre,  soit  réel ,  soit  honoraire,  soit 
correspondant,  de  diverses  autres  Sociétés  savantes  et  artistiques.  » 

*,"  Vieuxtemps  ne  se  félicite  guère  de  son  voyage  à  Mexico;  il  n'y 
obtient  qu'un  succès  médiocre,  et  fait  peu  d'argent.  A  son  concert 
d'adieu  ,  les  musiciens  d'orchestre  lui  ont  joué  le  mauvais  tour  de  ne 
pas  venir,  et  il  a  été  condamné  par  la  police  à  payer  une  amende 
de  ,W  dollars  pour  n'avoir  pas  rempli  la  promesse  de  son  programme. 
Ce  qu'il  y  avait  de  pis  dans  ce  malheur,  c'est  que  M.  Vieuxiemps  ne 
pouvait  se  plaindre,  car  il  avait  donné  lui-même,  en  d'autres  temps 
et  en  d'autres  lieux,  l'exemple  d'une  défection  pareille,  el  le  chef 
d'orchestre  n'a  pas  manqué  de  le  lui  rappeler. 

","  Le  maire  de  Bordeaux  vient  de  prendre  un  arrêté  qui  mérite 
de  figurer  parmi  les  documents  les  plus  curieux  de  l'histoire  du 
théâtre;  en  voici  la  teneur:  «Tout  signe  d'approbation  ou  d'impro- 
bation  qui  serait  de  nature  à  troubler  la  représentation  pendant  les 
débuts  ou  lors  de  la  rentrée  d'un  artiste ,  est  formellement  interdit. 
Aucune  manifestation  contraire  ou  favorable  a  l'artiste  débutant  ou 
rentrant  ne  pourra  lui  être  adressée  que  pendant  les  dernières  scènes 
de  son  rôle,  lors  de  chaque  début  ou  rentrée.  Il  est  fait  délense  ex- 
presse de  se  servir,  pour  manifester  son  improbation  ,  de  sifflets  â 
plusieurs  trous,  ou  de  tout  autre  instrument  de  nature  à  fatiguer  les 
speclaleurs.  »  Au  moment  même  où  celte  décision  était  prise  par 
l'autorité  municipale,  une  déplorable  catastrophe  en  attestait  l'op- 
portunité. Un  jeune  artiste  venait  d'être  impitoyablement  sifflé 
aprJs  son  début  sur  la  seconde  scène  de  Bordeaux  ;  désespéré  de  cet 
accueil,  il  s'enfuit  du  théâtre,  cuurl  à  son  hôtel,  écrit  quelques 
lellres,  cl  s'empoisonne  avec  trois  grands  verres  d'eau-de-vie.  Ce 
jeune  homme,  qu'on  n'a  pas  l'espoir  do  sauver,  ne  manque  pas  de 
talent;  par  malheur,  il  se  montrait  pour  la  première  fois  dans  un 
rôle  que  son  prédécesseur  jouait  avec  une  supériorité  réelle. 

%*  MM.  Kriegelslein  et  Charles  Plantade,  facteurs  de  pianos  du 
roi ,  dont  les  instruments  jouissent  aujourd'hui  d'ui'C  réputation  si 
justement  méritée,  vont,  dit  on  ,  produire  au  concours  de  l'I'^xposi- 
lion  plusieurs  pianos  consiruits  d'après  des  procédés  nouveaux.  On 
citeentr'aulres  deux  pianos  à  queue,  l'un  à  sept  octaves  et  à  double 
échappement,  l'autre  à  système  de  frapper  en  dessus,  qui  paraissent 
destinés  à  oblenirun  grand  succès  dans  le  mon'de  musical.  Nous  par- 
lerons plus  longuement  de  ces  instruments  dans  notre  compte-rendu 
de  l'Exposition. 

Chronique   dépaftenientale. 

*,*  Bemnron.  —  Les  deux  ouvrages  en  possession  d'altirer  le  pu- 
blic, blasé  comme  partout  ailleurs  sur  les  concerts  et  les  speclacles, 
ce  sont  les  JJngnenoti  et  la  Juive.  L'exécution  musicale  laisse  beau- 
coup à  désirer  sans  doute  ,  surlout  dans  le  premier  de  ces  deux  ou- 
vrages; dans  le  second,  le  chœur  des  buveurs,  la  scène  de  laPâque, 
le  trio  de  l'anathème,  le  grand  air  d'Éléazar  produisent  un  admi- 
rable effet.  La  mise  en  scène  étonne  par  sa  richesse;  au  finale 
du  premier  acte,  plus  de  cent  vingt  personnes  paraissent  sur  le 
théâtre. 

ClH'oniqiie  étrangère. 

',*  Bruxelles,  17  moi.  — le  premier  début  de  M.  Laurent,  baryton 
et  basse  chantante,  a  eu  lieu  sous  les  auspices  les  plus  favorables. 
C'est  dans  la  rôle  d'Alphonse  de  tu  Favorite  que  cet  artiste  a  fait  sa 
première  apparitiiin.  Le  public  n'a  pas  été  longtemps  indécis  sur 
l'attitude  qu'il  devait  garder  vis-à-vis  de  lui.  Après  Vandanle  de  l'air 
qu'il  chante  à  son  entrée  en  scène,  les  sympathies  des  spectateurs 
lui  étaient  acquises;  à  la  fin  de  Vatlegro  du  même  morceau  ,  il  avait 
gagné  son  procès.  M.  Laurent  est  un  jeune  homme  bien  bâti  et  d'une 
figure  agréable.  Il  possède  une  belle  voix,  chante  en  artiste  intelli- 
gent, comtirend  et  rend  fort  bien  la  portée  scénique  de  ses  rôles. 
Pour  son  second  début,  il  a  chanté  le  rôle  d'Arthur  de  Lucie  de  Lam- 
mermoor  avcc  un  égal  succès. 

*,*  Londres.— Vn  malentendu  au  sujet  d'un  costume  léger  comme 
l'air,  mince  et  diaphane  comme  pourrait  le  lisser  l'araignée  ellS^ 
même  ,  a  privé  les  amateurs  britanniquas  de  voir  dernièrement 
M"'  Cerito  dans  le  Pas  de  l'ombre.  La  salle  a  élé  en  émoi  comme  les 
coulisses;  il  a  fallu  que  Perrol  vînt  haranguer.  Où  étaient  les  sténo- 
graphes .i'  une  harangue  de  danseur  !— Fornasari,  supérieur  dans  le 
rôle  de  Zampa,  n'a  pas  su  atteindre  aussi  bien  à  la  hauteur  du  sé- 
ducteur par  excellence.  On  le  Irouve  inférieur,  dans  le  Don  Giovanni, 


DE  PARIS. 


187 


aux  souvenirs  brillants  laisses  par  Ambrogelll.  L'ensemble  étail 
du  reste  admirable;  M"'  Fav.inti,  la  lionne  musicale  de  [.oiidres, 
jlnits  persiani  ei  Grisi,  les  deux  Lablachc,  Mario,  disliibulion  digne 
du  chef-d'œuvre  de  Mozart. 

—  Ernst  condnue  à  obtenir  les  plus  brillanis  succès;  sous  peu  de 
jours  il  doit  donner  un  grand  concert  avec  Mo<chelés.  On  y  entendra 
ce  soir-là  le  fameux  concerto  deEach,  pour  trois  pianos,  eicculé  par 
MM.  Moschelès ,  Mendclssohn  et  Thallierg.  La  fantaisie  sur  le  Pimle 
et  te  Carnavul  de  f^eiiise,  de  M.  Ernst ,  font  toujours  fureur  ;  ce  sont 
des  morceaux  obligés  de  chaque  concert.  On  ne  parle  pas  de  Sivori  ; 
beaucoup  jle  personnes  le  croient  même  parti  de  Londres,  quoique 
la  saison  ne  soit  que  commencée. 

— "Wilson  continue  ses  concerts  à  Store-street,  M.  C.Horn  ses  lec- 
tures musicales  dans  Polclechnic-Institution. 

— Le  TI]éàtre-Français(King-Theater)a  élémis  en  vente  hier  parle 
commissaire-priseur  Firebrolher.  Les  hausses  ont  fini  à  9, ono /ii"cs 
slerliiig ,  prix  auquel  il  a  été  adjugé  aux  propriétaires,  qui  en  de- 
mandaient 25,000  livres. 

—  On  lit  dans  le  i)yoraiH5(-/*oi(  du  16  mai:  Nous  sommes  heureux 
de  confirmer  l'opinion  favorable  que  nous  avons  donnée  hier  de 
M.  Jacques  Offenbach.  Ce  jeune  artiste  n'est  pas  seulement  un  vio- 
loncelliste d'un  mérile  extraordinaire,  mais  aussi  un  compositeur 
très  distingué.  Les  morceaux  qu'il  a  joués,  prière  et  boléro,  sont, 
comme  Its  titres  le  font  supposer,  d'un  genre  bien  différent.  Le  pre- 
mier est  remarquable  par  la  largeur  et  la  pureté  du  style,  et  le  se- 
cond par  l'originalilé  et  te  charme  de  ses  mélodies.  Son  jeu  est 
aussi  pur  que  vrai,  et  les  diflicultés,  on  pourrait  diie  les  tours  de 
force  qu'il  exécute,  sont  d'une  admirable  netteté. Plusieurs  passages 
en  sons  harmoniques  ont  été  applaudis  avec  un  véritable  enthou- 
siasme. 

— A  la  soirée  de  M""'  la  comtesse  de  Saint-Aulaire  on  remarquait 
parmi  les  arti.stes  distingués,  Meccati,  et  le  jeune  et  déjà  célèbre  vio- 
loncelliste Offenbach. 

—  Le  théàlre  de  Saint- James  vient  déjouer  le  Mariage  de  Figaro. 
Cette  débauche  d'cspiit,  qui  dure  quatre  heures,  a  paru  aux  fleg- 
matiques Ariglaisintîuiment  trop  prolongée.  On  reproche  à  IM""  Plessy 
de  n'être  pas  assez  soubrelle  dans  Suzanne.  Voinys  a  manqué  de  cha- 
leur et  de  verve  dans  le  comte.  Carligny  n'a  que  le  défaut  d'avoir 
depuis  vingt  ans  loules  les  qualités  de  son  talent.  La  transfuge 
du  Palais-rioyal,  M"'  Pernon ,  jouait  la  comtesse;  M"''  Fargeot, 
du  Gymnase,  le  l'henibiiio  di  ntnore!  Peut-on  s'étonner  que  le  chef- 
d'œuvre  de  Bcaumarcliais  ait  paru  trop  long.'  au  bon  temps  de  la 
Comédie-Française,  il  paraissait  court. 

—  On  a  reçu  du  comte  de  Westmoreland  des  lettres  où  11  annonce 
qu'il  ne  peut  se  rendre  en  Angleterre.  Le  prince  Albert  a  obligeam- 
ment consenti  à  diriger  le  concert  de  sa  seigneurie,  fixé  au  29  de  ce 
mois.  Voilà  les  hauts  et  puissants  seigneurs  briguant  la  gloire  d'aller 
de  pair  avec  les  artistes. 

*,"  Coloyne.  — La  grande  félc  musicale  annuelle  du  Bas-Pihin  aura 
lieu  celle  année  dans  notre  ville  ,  le  premier  et  le  second  jour  de  la 
Pen  ecôtc.  Il  y  aura  plus  de  deux  mille  exécutants.  La  direction  de 
ce/ejià'u/  a  été  confiée  à  iM.  Henri  Dorn ,  premier  maître  de  cha- 
pelle de  la  cathédrale.  I.e  premier  jour,  on  exé.  ulera  Jepliié,  orato- 
rio de  Ha;ndel  ,  d'après  la  partition  oiiginalc,  c'est-à-dire  avec  ac- 
compagnement d'instruments  à  cordes  et  d'orgue,  et  le  second  jour: 
Jo  messe  solennelle  en  ré  majeur  de  Beethoven  ;  2°  ouverture  des 
/•'ruiics-Juijes  de  Ji.  Beilioz;  3»  deux  hymnes  de  Cherubini  ;  4°  sym- 
phonie en  M(  majeur,  avec  fugue,  de  Mozart. 

*,*  Berlin. —  On  a  fêté  la  quarantaine  de  la  Flûte  enchantée  le 
12  mai  dernier.  La  soirée  a  élé  une  des  plus  brillâmes  de  la  saison  ; 
tous  les  premiers  sujets  y  éiaient  occupés.  Un  épisode  touchant  vint 
ajouter  à  l'intérêt  de  cette  solennité  théâtrale:  M.  de  Kiistner,  l'in- 


tendant général  des  théâtres  royaux,  avait  eu  la  galanterie  d'inviter 
M'""  Hellmuth,  Mulleret  Baranius,  qui  avaientchantcà  la  première 
représcnlation  de  l'opéra  de  Mozart  il  y  a  cinquante  ans;  ces  dames 
furent  accueillies  avec  de  bruyants  applaudissements  quand  elles 
parurent  dans  la  loge  de  M.  de  Kustner.— La  mise  en  srène  du  Chat 
botté,  de  M.Tieck,  a  coûté  20,000  francs;  l'actrice  qui  a  joué  le  rôle 
du  chat  a  reçu  une  gratification  de  cent  francs  !! !  I  e  célèbre  poëte 
dramatique  Gi  illparzer,  à  Vienne,  a  écrit  un  poëme  lyrique  sur  l'an- 
ticomaniedes  Berlinois,  sous  le  titre  de:  Euripideii  llerlin.  Le  poëme 
n'a  pas  été  livré  à  l'impression  ,  les  censures  de  Berlin  et  de  Vienne 
s'y  sont  opposées;  les  journaux  en  donnent  des  extraits. 

".*  /^'eimar.  —  On  a  représenté  un  opéra  nouveau  de  M.  Chelard 
intitulé  les  Enseignes  de  marine  ;  le  texte  est  de  M.  Sondershausen. 
On  vanle  l'originalité  de  la  musique,  dans  laquellcon  trouve,  dit-on, 
bon  nombre  de  motifs  faciles  et  mélodieux,  ce  qui  prouverait  que 
M.  Chelard  a  singulièrement  modifié  sa  première  manière. 

'.*  Brunswick.  —  Deux  opéras  nouveaux!,  qui  ne  sont  ni  des  Ira» 
ductions  ni  des  imitations ,  texte  et  musique,  viennent  d'être 
représentés.  Le  premier  p.orle  le  titre  de  Pino  di  Porto,  librelto 
passablement  ennuyeux,  bonne  musique,  succès  éclatant  pour  le 
compositeur,  M.  G.  Aluller,  qui  a  été  rappelé  sur  la  scène.  Le  second, 
le  Jiempluçant ,  musique  de  M.  Wernthal ,  sujet  fort  divertissant, 
mélodies  gracieuses  et  succès  complet. 

•.*  Fienne. —  I>e  mariage  de  M.  Dingelstadt  avec  M""  Jenny  Lut- 
zer  a  donné  lieu  à  une  scène  scandaleuse  et  révoltante.  M.  Dingels- 
tadt est  ]irotestant:  c'était  un  mariage  mixte.  La  cérémonie  achevée, 
le  prêlre  se  tourne  vers  la  jeune  mariée,  et  d'une  voix  courroncée  lui 
adresse  les  reproches  hs  plus  virulents  sur  l'alliance  impie  qu'elle 
vient  de  contracter;  il  ajoute  que  son  mari  est  hérétique,  qu'elle- 
même  va  mettre  au  jour  des  enfants  hérétiques  voués  à  la  répro- 
bation éternelle.  La  pauvre  jeune  femme  se  mit  à  sangloter  et  fondit 
en  larmes.  Cet  exemple  de  stupide  fanatisme  est  d'autant  plus  in- 
explicable et  d'autant  plus  révoltant,  que  ce  ministre  furibond  d'un 
Dieu  de  paix  venait  de  prononcer  les  mots  sacramentels  qui  ren- 
daient l'union  indissoluble,  et  que ,  dans  son  sens,  le  mal  était  irré- 
parable. Malgré  les  énergiques  observations  de  M.  Dingelstadt,  le 
prêtre  refusa  la  bénédiction  nuptiale  à  la  mariée. 

",*  Lisbonne.  —  M""  Rossi-Caccia  est  réengagée  à  Lisbonne  pour 
une  année.  Les  succès  qu'elle  y  obtient  sont  immenses;  couronnes  , 
sonnets,  sérénades,  rien  ne  lui  manque.  .4.ussi  son  nouvel  eagage- 
ment  s'élève-t-il  au  prix  énorme  de  2O,(i0Op;a.v(iCï(l00,0flO  fr»)  pour 
l'année  théâtrale,  qui  ne  se  compose  à  I/isbonne  que  de  huit  mois. 

*,'■  New-York.  —  La  troupe  italienne  a  terminé  son  engagement 
devant  cent  cinquante  personnes;  la  part  du  diiecteur  a  été  de  2  dol- 
lars. Tous  les  élémcnls,  le  froid,  le  vent,  la  pluie,  la  neige,  s'étaient 
conjurés  contre  cette  soirée  d'adieux.  Les  artistes  n'en  ont  pas  moins 
chanté  avec  une  verve  qui  n'a  élé  interrompue  que  par  deux  ou  trois 
accidents  d'intonation.  Aiirés  les  Italiens,  nous  aurons  la  troupe 
française  de  la  Nouvelle-Orléans,  dont  le  répertoire  se  compo-e  du 
Domino  noir,  des  Diamanls  de  la  Couronne,  de  la  /'ille  du  /légimenl, 
du  Dieu  et  la  Uatj  idère.  Les  artistes  seront  ici  au  commencement 
de  juin,  et  il  faut  espérer  qu'ils  feront  de  meilleures  affaires  qu'à  la 
Nouvelle-Orléans.  D'après  les  journaux  de  cette  ville,  leurs  repré- 
senlationsy  éiaient  si  peu  suivies,  que  la  com|iagnie  a  émigré.  Le 
Théâtre-Italien  vient  de  recevoir  un  grand  renfort  dans  la  personne 
de  sijiuor  San  Quirico,  basso  bul'l'o  qui  a  chanté  dernièrement  avec 
succès  à  côté  de  M""  Damorcau. — Le  concert  doné  au  7'abernacle  au 
bénéfice  des  veuves  et  orphelins  pauvres  de  la  ville  a  eu  un  résultat 
satisfaisant.  M"'  Borghèse  a  admirablement  chanté;  elle  a  été  par- 
faite de  goût,  et  le  public  enthousiasmé  l'a  écrasée  d'applaudisse- 
ments. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


wn 


OF GYMMSE  BfisDOBiTS  A  liUSAGE  2>£'5  PIANISTES 


Le  C/nroj/ymnasie  est  un  asàemblutreileneiirappa- 
reilsgvrnnastiqiics  destinés  à  donner  de  Yexlcnsion  à 
lamaitictderécari  aux  doigts  à  augmenter Pt  à  éga/(- 
ser  leur  Torce  el  à  rendre  le  nualriéme  et  le  cinquième 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnaste 
3été  aussi  approuvé  et  adopié  parMM.Adam,  Bertini, 
ae  lieriot.  Cramer,  Uerz,  Kalkbrenner,  Lislz,Moschetès 
fruiicTi?,  Siron, Thallierg,  Tulou,  Z/mmcrmann,  etc. 

\"baque  Chirogymnaste  est  revêtu  de  la  signature 
de  î'i.nvenïeur  el  se  vend  place  de  la  Bourse,  n"  13, 
à  huit  appareils,  50  fr.,  à  neuf  app. GO  fr.,méihode,Zfr, 


Inventé  par   C.  MARTINI 

Facteur  dv  Pîano.v, 
nutEVETC  DU  ROI 

Fta<.-c  de  la  UoiirNo,  ÀG. 

et  ailontâ  dans  Icn  clasM^n 
drKCOKSrR%'ATOI  RES 

du  Pari.«  £t  do  Londreu. 


Les  expéditions  sont  faites  contre  remboursement. 


PLlIiES  IIÉTALLIOIES  POm  ÉCRIRE  Li\  M( SIQLE. 

N°  13.  Pour  écrire  la  musique.  Cette  plume  convient  aussi  aux 
personnes  qui  n'écrivent  pas  l'anglaise.  —  N"  13  bis.  Pour  copier  la 
gr'  sse  musique,  telle  que  parties  séparées,  et  écrire  en  gros  et  en 
ronde.  —  N"  Hi  médiiiin.  Plus  fine  que  le  N»  13.  très  bonne  pour 
l'écriture  expéd'ée.  —  Prix  :  la  douzaine,  50  c.  ;  la  grosse,  4  francs. 
Chez  E.Aa3ï-ESHAl[JI.B,  Papciier,  rue  Feydtau  ,  23  ,  à  ÎPari.-. 

Spéciulné  pour  la  reliure  de  musique  ,■  papier  réglé  pour  musique 
de  tous  les  formats,  soit  ordinaire  ou  de  fantaisie,  ainsi  que  des 
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A.  IB&WtSt,  rue  «Bu  Sesïticf ,   11. 

SPÉCIALITÉ  POUR  LES  PlAf^OS  A  QUEUE. 

Piéductionde  prix.  Garantie  de  2  années.  On  peut,  avant  de  conclure 
un  marché,  comparercesinslrumenls  a\ec  ctuxde  toulaulrc  faeteiir. 


188 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


PubUcations  de  MAURICE  SGHLESIXGER,  99,  rue  Kicbelien. 

LA  14'  ET  «EMiÈRE  LIYRAÏSOIV 

DES 

SONATES,   DUOS   et  TRIOS 

DE 

BEETHOVEN 

paraîtra  le  î*^'^  3uin* 

Pour  satisfaire  à  la  demande  générale,  nous  publierons  de  suite  tout  ce  que  Beetboven 
a  écrit  encore  pour  le  Piano  (ntoins  les  Concertos  qui  paraîtront  plus  tard)  en  IVEUV  IjÎ' 
vraisons.  — IJes  Souscripteurs  jusqu'au  1"  Juillet  ne  paieront  cliaque  livraison  que 
Vfois  francs,  net.  Passé  cette  époque,  le  prix,  de  souscription  de  cliaque  livraisoit  sera 
de  CISTQ  FRVIVCS ,  net.  Il  sera  publié  3  liivraisons  par  ntois  à  dater  du  15  Juin. 

SOUSCRIPTION  JUSQU'AU   !"  AOUT  I8M 


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1 1 .  Variations  sur  un  air  de  ballet. 

12.  Variations  sur  JYel  cor  più. 

13.  Variations  sur  God  save  the  King. 

1 4.  Variations  sur  une  Fièvre  brûlante. 


4"  Ijîiralson.' 

N»  15.  Variations. 

IG.  Trenle-lrois  variations. 


5°  ^livraison. 
Op.  33.  Bagatelles. 
77.  Fantaisie. 
112.  Nouvelles  bagatelles. 
35.  Andanle. 

Rondo  posthume. 


6°  liîvraîson. 

Op.  16.  Quatuor  pour  piano,  violon,  alto  et 
violoncelle,  et  les  instruments  à 
vent  à  part  pour  former  Quintette, 
tel  qu'il  a  été  composé. 


9°  EiiTraison. 

Op.    4').  Quatorze  Variations    pour    piano, 
violon  et  violoncelle. 
121.  Adagio,  Variations  et  Rondo  pour 
piano,  violon  et  violoncelle. 


8°  liivi-aîsoD. 

Rondo  en  sol  pour  piano  et  violon. 
Variations  pour  piano  et  violon  sur 

l'air  :  Se  vuol  ballare. 
Variations  pour  piano  et  violoncelle 

sur  l'air  :  Je  vais  revoir  l'amant  que 

j'aime. 
Variations  pour  piano,  violoncelle  ou 

violon  sur  l'air  :  La  vie  estunvoyage. 
Variations  pour  piano,  violoncelle  ou 

violon  sur  un  thème  de  Haendel. 


9'  Efifraison. 

Op.      C.  Sonate  à  4  mains. 

45.  Trois  Marches  à  4  mains. 

87.  Variations  à  4  mains  sur  iiK  (Aème  de 

fVallenstein. 
137.  Fugue  en  j-d  à  4  mains. 

Variations  sur    Ich  denke  dein   A 
4  mains. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue 


Pour  Paris  :  un  aa ,  30  Tr.  ;  six  mois,  15  fr.     —    Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres    —     Départements  :  un  an ,  34  fr.  Étranger,  38  fir. 


GAZEHE  MUSICALE 

BiDIGÉE  PiB 

MM.  ANDERS  ,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  Henbi  BLANCHARD, 

MAOniCE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DCESBERG,  FÉTIS  père,  Édodabd  FÉTIS,  Stephen  HELLER,  J.  JANIN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED ,  GEOBGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

M'araisgant  tous  tes  BitnancHea» 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 
l>e   l*'   et   le    15  de  chaque   mois  on   receiva  an  morceau  de  mnsiqae» 


SOMMAIRE.  Euphonia  ou  la  Ville  musicale  (suite);  par  H. 
BERtIOZ.  —  Théâtre  de  l'Odéon  :  Amigone  ,  de  Sophocle  ,  avec 
choeurs  de  Mendelssohn.  —  Conservatoire  :  Exercice  dramatique 
et  lyrique.  —  Troisième  messe  solennelle  de  M.  Julien  Martin  ; 
par  H.  BLANCHARD.  —  Messe  de  Palestrina  ;  par  F.  DANJOU. 
—  Correspondance  particulière:  Marseille,  Bruxelles. — Nou- 
velles. —  Annonces. 

LA  MUSETTE.  Dessin  de  Gavarni. 


5Ë^â>Sî©Sïa^, 


LA  VILLE  MUSICALE. 

(Suite  du  manuscrit  de  Rotceh  contenant  la  description  des  usages 
et  des  mœurs  musicales  des  Euphoniens  *) 

es  chaires  de  philosophie  musicale  occupées 
par  les  plus  savants  homtnes  de  l'époque 
servent  à  répandre  parmi  les  Euphoniens  de 
saines  idées  sur  l'importance  et  la  destina- 
tion de  l'art,  la  connaissance  des  lois  sur  les- 
quelles est  basée  son  existence ,  et  des  notions  historiques 
exactes  sur  les  révolutions  qu'il  a  subies.  C'est  à  l'un  de  ces 
professeurs  qu'est  due  l'institution  singulière  des  concerts  de 
mauvaise  musique  où  les  Euphoniens  vont ,  à  certaines  épo- 
ques de  l'année ,  entendre  les  monstruosités  admirées  pen- 
dant des  siècles  dans  toute  l'Europe,  dont  la  production  même 
était  enseignée  dans  les  Conservatoires  d'Allemagne,  de  France 
et  d'Italie ,  et  qu'ils  viennent  étudier ,  eux  ,  pour  se  rendre 
compte  des  défauts  qu'on  doit  le  plus  soigneusement  éviter. 
Telles  sont  la  plupartdes  cavatines  et  finales  de  l'école  italienne 
du  commencement  du  xix"  siècle,  et  les  fugues  vocalisées  des 

(1)  La  reproduction  de  cette  nouvelle  est  interdite. — Voiries 
numéros  7,8,9,  11,  12  et  17. 


compositions  plus  ou  moins  religieuses  des  époques  anté- 
rieures au  xx°.  Les  premières  expériences  faites  par  ce  moyen 
sur  cette  population  dont  le  sens  musical  est  aujourd'hui 
d'une  rectitude  et  d'une  finesse  extrêmes,  amenèrent  d'assez 
singuliers  résultats.  Quelques  uns  des  chefs-d'œuvre  de 
mauvaise  musique,  faux  d'expression  et  d'un  style  ridicule, 
mais  d'un  effet  cependant,  sinon  agréable  au  moins  suppor- 
table pour  l'oreille ,  leur  firent  pitié  ;  il  leur  sembla  entendre 
des  productions  d'enfants  balbutiant  une  langue  qu'ils  ne 
comprennent" pas.  Certains  morceaux  les  firent  rire  aux  éclats, 
et  il  fut  impossible  d'en  continuer  l'exécution  ;  mais  quand 
on  en  vint  à  chanter  la  fugue  sur  Kyrie  eleison  de  l'ouvrage 
le  plus  célèbre  d'un  des  grands  maîtres  de  notre  école  alle- 
mande, et  qu'on  leur  eut  assuré  que  ce  morceau  n'avait  point 
été  écrit  par  un  fou  mais  par  un  très  grand  musicien  qui  ne 
fit  en  cela  qu'imiter  d'autres  maîtres  et  qui  fut  à  son  tour  fort 
longtemps  imité,  leur  consternation  ne  put  se  dépeindre.  Ils 
s'affligèrent  sérieusement  de  cette  humiliante  maladie  dont 
ils  reconnaissaient  que  l'esprit  humain  pouvait  subir  les  at- 
teintes ;  et  le  sentiment  religieux  s'indignant  chez  eux  en 
même  temps  que  le  sentiment  musical  de  ces  ignobles  et  in- 
croyables blasphèmes ,  ils  entonnèrent  d'un  commun  accord 
la  célèbre  prière  Parce  Deus ,  dont  l'expression  est  sublime , 
comme  pour  faire  amende  honorable  à  Dieu  au  nom  de  la 
musique  et  des  musiciens. 

Comme  tout  individu  possède  toujours  une  voix  quelcon- 
que, chacun  des  Euphoniens  est  tenu  d'exercer  la  sienne  et 
de  posséder  les  notions  de  l'art  du  chant.  Il  en  résulte  que 
les  joueurs  d'instruments  à  cordes  de  l'orchestre  ,  qui  peu- 
vent chanter  et  jouer  en  même  temps  ,  forment  un  second 
chœur  de  réserve  que  le  compositeur  emploie  dans  cer- 
taines occasions  et  dont  l'entrée  inattendue  produit  quel- 
quefois les  plus  étonnants  effets.  Les  chanteurs  à  leur  tour 
sont  tenus  de  posséder  le  mécanisme  de  certains  instruments 
h  cordes  et  à  percussion,  et  d'en  jouer  au  besoin,  tout  en  chan- 


BVREAUX   D'ABONNEMENT,    RUE    HICHEI.IEU,    97. 


190 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tant.  Ils  sont  ainsi  tous  harpistes,  pianistes ,  guitaristes.  Un 
grand  nombre  d'entre  eux  savent  jouer  du  violon  ,  de  l'alto , 
de  la  viole  d'amour ,  du  violoncelle.  Les  enfants  jouent  tous 
du  sistre  moderne  et  des  cymbales  harmoniques ,  instrument 
nouveau  ,  dont  chaque  coup  frappe  un  accord. 

Les  rôles  des  pièces  de  théâtre ,  les  solos  de  chant  et  d'ins- 
truments sont  toujours  donnés  à  ceux  des  Euphoniens  dont 
l'organisation  et  le  talent  spécial  les  rendent  les  plus  propres 
à  les  bien  exécuter.  C'est  un  concours  fait  publiquement  et 
patiemment  devant  le  peuple  entier  qui  détcrniine  ce  choix. 
On  y  donne  tout  le  temps  nécessaire.  Lorsqu'il  s'est  agi  de 
célébrer  l'anniversaire  décennal  de  la  fête  de  Gluck ,  on  a 
cherché  pendant  huit  mois ,  parmi  les  cantatrices ,  la  plus 
capable  de  chanter  et  de  jouer  Alceste  ;  près  de  mille 
femmes  ont  été  entendues  successivement  dans  ce  but. 
Il  n'y  a  point  à  Euphonia  de  privilèges  accordés  à  certains 
artistes  au  détriment  de  l'art.  On  n'y  connaît  pas  de  premier 
sujet,  de  droit  en  possession  de  tous  les  premiers  rôles,  lors 
même  que  ces  rôles  ne  conviennent  en  aucune  façon  à  leur 
genre  de  talent  ou  à  leur  physique.  Les  auteurs,  les  ministres 
et  les  préfets ,  précisent  les  qualités  essentielles  qu'il  faut 
réunir  pour  remplir  convenablement  tel  ou  tel  rôle  ,  repré- 
senter tel  ou  tel  personnage;  on  cherche  alors  l'individu  qui 
en  est  le  mieux  pourvu  ,  et  fût-il  le  plus  obscur  d'Euphonia, 
dès  qu'on  l'a  découvert  il  est  élu  ;  quelquefois  notre  gouver- 
nement musical  en  est  pour  ses  recherches  et  sa  peine.  C'est 
ainsi  qu'en  2320  ,  après  avoir  pendant  quinze  mois  cherché 
une  Eurydice,  on  fut  obligé  de  renoncer  à  monter  l'Orphée 
de  Gluck  ,  faute  d'une  jeune  femme  assez  belle  pour  repré- 
senter cette  poétique  figure  et  assez  intelligente  pour  en 
comprendre  le  caractère. 

L'éducation  littéraire  des  Euphoniens  est  soignée  ;  ils  peu- 
vent tous  plus  ou  moins  apprécier  les  beautés  des  grands 
poètes  anciens  et  modernes.  Et  ceux  d'entre  eux  dont  l'igno- 
rance et  l'inculture  à  cet  égard  seraient  complètes  ne  pour- 
raient jamais  prétendre  à  des  fonctions  musicales  un  peu 
élevées. 

C'est  ainsi  que,  grâce  à  l'intelligente  volonté  de  notre  Em- 
pereur et  à  son  infatigable  sollicitude  pour  le  plus  puissant  des 
arts ,  Euphonia  est  devenue  le  merveilleux  conservatoire  de 
la  musique  monumentale. 

Les  académiciens  de  Palerme  croyaient  rêver  en  écoutant 
la  lecture  de  ces  notes  rédigées  à  la  hâte  par  l'ami  de  Xilef , 
et  se  demandaient  si  le  jeune  préfet  euphonien  n'aurait  point 
eu  l'intention  de  se  jouer  de  leur  crédulité.  En  conséquence 
il  futdécidé,  séance  tenante,  qu'une  députationde  l'Académie 
irait  visiter  la  ville  musicale  ,  afin  déjuger  par  elle-même  de 
la  vérité  des  faits  inouïs  qui  venaient  d'être  exposés. 

H.  Berlioz. 
(  La  suite  à  un  prochain  numéro.  ) 


THÉÂTRE  DE  L'ODÉOIV. 

ANTÎGOÎ^E, 

tragédie  de  Sophocle  , 

traduite  par  MM.  Meurice  et  Vacquerie, 

avec  des  chœurs  mis  en  musique  par  Mendelssohn. 

Il  est  déjà  bien  tard  pour  parler  de  cette  résurrection  d'un 
chef-d'œuvre  dont  la  fortune  remonte  à  plusieurs  siècles  ;  et 
dans  cette  résurrection  nous  n'avons  fait  que  suivre  l'exemple 
donné  par  la  Prusse.  La  fantaisie  d'un  monarque  ami  de  la 


littérature  et  des  arts  nous  a  valu  cette  belle  et  curieuse  ex- 
périence, consistant  à  relever,  autant  que  faire  se  pouvait,  le 
théâtre  grec,  à  en  reconstruire  la  simplicité,  la  majesté,  la 
grandeur.  A  l'heure  qu'il  est,  tout  Paris,  toute  la  France,  et, 
peu  s'en  faut,  toute  l'Europe,  savent  que  l'Odéon  s'est  chargé 
de  cette  tâche,  où  il  n'y  avait  pas  moins  de  gloire  que  de 
danger.  Le  danger  s'est  évanoui ,  la  gloire  lui  reste,  et,  avec 
la  gloire,  l'argent  lui  arrive  abondamment.  Messieurs  les 
jeunes  auteurs,  faites-nous  du  Sophocle,  faites-nous  de  l'Es- 
chyle, allez  même  jusqu'au  Thespis,  si  la  prime  offerte  au 
génie  rétrospectif  vous  encourage  ! 

C'est  un  travail  remarquable  à  tous  égards  que  la  traduc- 
tion d'Antigone,  accomplie  en  société  par  MM.  Meurice  et 
Vacquerie,  remarquable  surtout  par  l'intelligence  et  le  senti- 
ment dramatique.  Écoutez  ces  vers,  où  plus  d'une  tache  se 
rencontre  assurément,  vous  leur  trouverez  toujours  une  al- 
lure franche  et  naturelle,  une  vérité  d'accent  qui  laisse 
croire  à  la  liberté,  à  la  spontanéité  des  deux  poètes.  Dans 
les  parties  du  dialogue,  où  les  répliques  se  croisent,  s'entre- 
lacent et  se  serrent  corps  à  corps,  il  y  a  beaucoup  de  vers  que 
nos  meilleurs  poètes  ne  désavoueraient  pas.  Sophocle  a  d'ail- 
leurs trouvé  dans  Bocage  et  quelques  autres  acteurs,  dont  les 
noms  nous  échappent,  dans  M"""'  Bourbier  et  Volet  des  inter- 
prètes dignes  de  lui  :  M"\Bourbier,  quand  on  l'entraîne  à  la 
mort,  et  qu'eJle  se  débat  sur  les  marches  de  l'autel;  Bocage, 
lorsqu'il  rapporte  dans  ses  bras  le  corps  de  son  fils  inanimé, 
sont  tous  deux  admirables  de  pantomime  tragique  et  pathé- 
tique. 

Ce  qu'il  y  avait  de  plus  neuf  dans  ce  retour  au  théâtre 
ancien  ,  c'était  l'intervention  du  chœur  ,  dont  Racine  lui- 
même  n'a  usé  qu'avec  tant  de  réserve  et  de  timidité  dans 
Eslher  et  Athalie.  A  Mendelssohn  est  échu  l'honneur  bien 
mérité  ,  bien  légitime  d'écrire  la  musique  des  chœurs  A'An- 
tigone.  La  première  fois  qu'on  entend  cette  musique  ,  on  n'y 
trouve  rien  de  très  saisissant ,  de  très  original  ;  mais  à  une 
seconde  audition  la  pensée  du  compositeur  se  révèle,  et  l'on 
finit  par  lui  savoir  gré  de  n'avoir  pas  cherché  davantage  à 
briller  aux  dépens  du  poète  et  de  l'œuvre;  plusieurs  de  ces 
morceaux  ont  d'ailleurs  autant  de  vigueur  et  d'éclat  que  le 
comportaient  le  genre  et  le  texte.  V Invocation  à  Bacchus  est 
toujours  applaudie  et  redemandée  avec  transport.  Disons  que 
pour  arriver  à  ce  résultat  il  a  fallu  improviser  un  orchestre 
et  des  chanteurs  :  M.  Auguste  Morel ,  qui  a  rempli  cette 
mission  ,  a  donc  bien  mérité  de  l'Odéon  ,  comme  l'Odéon  a 
bien  mérité  de  l'art  grec  ,  allemand  et  français  ,  également 
intéressés  au  succès  d'Antigone. 

Z. 


€omexx>aïoiïe  îïe  iîtusique  et  î)e  Bédamation. 

EXERCICE  DRAMATIQUE  ET  LYRIQUE. 

ne  innovation  a  été  tentée  dimanche  dernier 
au  Conservatoire  ;  un  opéra  nouveau  ,  com- 
posé par  un  lauréat  de  l'Institut ,  a  été  exé- 
cuté par  les  élèves.  Si  ce  n'est  là  qu'une  chose 
faite  en  passant  et  qui  ne  doive  pas  tirer  à 
conséquence,  si  M.  Auber  n'a  voulu  que  procurer  à  un  jeune 
compositeur  ,  qui  n'a  pas  encore  profité  du  droit  que  lui  as- 
surent les  règlements  de  se  faire  jouer  à  l'Opéra-Comique , 
l'utile  plaisir  de  s'entendre  exécutera  grand  orchestre  et  de  se 
juger  lui-même,  nous  n'avons  rien  à  dire  et  nous  ne  récla- 
mons pas  contre  la  faveur  accordée  à  M.  Bousquet;  mais  s 


DE  PARIS. 


191 


c'est  un  principe  qu'on  veut  poser,  un  usage  qu'on  veut  in- 
troduire, nous  demandons  à  le  discuter. 

Presque  tous  les  ans  l'Institut  couronne  une  cantate  dont 
l'auteur  s'en  va  parcourir  l'Italie,  l'Allemagne,  et  revient  à 
Paris  avec  son  brevet  de  compositeur  en  poche.  Faudra-t-il 
désormais  que  ce  brevet  soit  remis  en  question  et  subisse  un 
second  contrôle  ?  nous  le  voulons  bien  ,  mais  que  les  lauréats 
y  prennent  garde.  En  ce  moment  la  cantate  couronnée  est 
pour  eux  un  titre  suffisant  ;  quand  ils  ont  accompli  leur  pè- 
lerinage, ils  peuvent  se  présenter  chez  M.  Crosnier  et  récla- 
mer de  lui  un  poëme  en  un  acte.  S'il  leur  faut  en  outre  un 
opéra  joué  an  Conservatoire,  ce  sera  une  épreuve  ajoutée  à 
une  autre  épreuve,  et  voyons  un  peu  dans  quelles  conditions. 
A  moins  de  prendre  quelque  ancien  libretlo ,  jamais  le  musi- 
cien n'aura  pour  s'exercer  une  pièce  supportable,  parce  que 
les  auieurs  qui  savent  faire  de  bonnes  pièces  sont  infiniment 
rares  et  ne  s'amusent  pas  à  en  faire  pour  rien.  Il  sera  joué  par 
des  élèves  qui  n'ont  aucune  habitude  de  la  scène,  et  il  ne  sera 
joué  qu'une  fois.  Or,  nous  savons  tons  combien  la  qualité  des 
pièces  indue  sur  le  sort  de  la  musique,  combien  le  jeu  des 
acteurs  influe  sur  celui  dps  pièces,  et  combien  il  y  a  d'exem- 
ples qu'une  jolie  musique  ait  été  trouvée  mauvaise  le  premier 
jour  ! 

Toutes  ces  réflexions  et  bien  d'autres  encore  nous  venaient 
à  l'esprit,  en  écoutant  l'ouvrage  de  M.  Bousquet.  M.  Auber 
avait-il  lu  la  pièce,  entendu  la  musique,  avant  de  les  mettre 
à  l'étude  ?  Dans  ce  cas ,  et  à  sa  place ,  voici  ce  que  nous 
aurions  dit  au  lauréat  :  «  Vous  avez  du  talent ,  et  votre  mu- 
»  sique  même  le  prouve  ,  mais  elle  ne  prouve  pas  plus  que 
»  votre  cantate  :  il  est  donc  prudent  de  vous  y  tenir.  D'ail- 
»  leurs  le  canevas  sur  lequel  vous  avez  travaillé  est  trop  in- 
»  forme.  Je  ne  puis  donner  au  Conservatoire  une  pièce 
»  qu'on  refuserait  chez  M.  Comte  :  cela  ne  serait  convenable 
»  ni  pour  moi  ni  pour  mes  élèves  ,  et  il  n'y  aurait  aucun 
»  avantage  pour  vous.  Ne  perdez  donc  pas  votre  temps  ici , 
»  en  nous  le  faisant  perdre  à  nous-mêmes,  et  allez  à  l'Opéra- 
«  Comique  :  je  vous  recommanderai  à  M.  Crosnier  ,  qui 
»  vous  donnera  ce  qui  vous  manque ,  une  pièce  et  des  ac- 
»  teurs.  »  Voilà  notre  avis  en  peu  de  mots  :  croyez-vous  que 
M.  Bousquet  n'eiit  pas  fait  sagement  de  le  suivre  ? 

Le  sujet  de  la  petite  pièce  qui  lui  a  servi  de  texte  était 
emprunté  à  l'histoire  de  ce  Carie  Dujardin  ,  peintre  hollan- 
dais ,  qui ,  faute  de  pouvoir  payer  son  écot  dans  une  au- 
berge de  Lyon  ,  se  vit  forcé  d'épouser  une  hôtesse  vieille  et 
laide.  Dans  la  pièce  ,  l'hôtesse  est  jeune  et  jolie  ,  cela  va 
sans  dire;  mais  l'intrigue  est  menée  avec  tant  d'inexpérience, 
l'artiste  passe  si  brusquement  et  si  gauchement  de  l'amour 
d'une  cantatrice  à  l'hymen  d'une  maîtresse  d'auberge  ,  que 
son  caractère  n'en  paraît  pas  moins  vil  et  moins  triste  au 
dénoûment.  L'ouvrage  n'est  donc  pas  plus  intéressant  que 
musical.  Le  meilleur  morceau  ,  c'est  celui  dans  lequel  le 
musicien  devait  tirer  de  lui  même  toutes  ses  inspirations,  c'est 
l'ouverture ,  qui  se  recommande  par  un  heureux  enchaîne- 
ment de  mélodies  faciles  et  légères.  Les  couplets  que  chante 
l'hôtesse  sont  aussi  très  agréables  ,  mais  elle  n'aurait  dû 
en  chanter  que  deux.  Dans  les  autres  morceaux ,  il  y  a  peu 
de  choses  saillantes  ,  et  les  réminiscences  abondent  :  l'entrée 
del'huissier,  par  exemple,  rappelle  trop  celle  du  comte  Alma- 
viva ,  au  second  acte  du  Barbier  :  Pace  e  gioja  per  mille 
anni.  Les  réminiscences  et  les  imitations  sont  une  espèce 
d'hommage  que  tous  les  débutants  rendent  à  leurs  devanciers. 
Ce  procédé  n'a  rien  de  mal  en  soi,  pourvu  qu'il  ne  dégénère 
pas  en  habitude. 

Un  ancien  élève  du  Conservatoire ,  que  nous  avons  vu  à 


l'Opéra-Comique  ,  Laget  s'était  chargé  du  rôle  de  Carie 
Dujardin  ;  Chaix  et  Montauriol,  M""'  Mondutaigny  et  Leclerc 
jouaient  les  rôles  du  financier ,  de  l'huissier ,  de  la  canta- 
trice et  de  l'hôtesse,  Chaix  a  montré  surtout  les  allures  et  le 
ton  qui  convenaient  à  son  personnage;  il  a  de  la  voix,  de  la 
physionomie ,  du  geste  :  c'est  un  élève  tout  prêt  à  monter 
sur  la  scène  et  qui  peut  réussir  également  dans  le  comique 
et  dans  le  sérieux. 

Le  premier  acte  du  Comte  Ory  venait  après  la  pièce  nou- 
velle :  l'exécution  de  ce  chef-d'œuvre  a  été  complètement 
satisfaisante ,  souvent  même  supérieure  à  ce  que  nous  en- 
tendons partout  ailleurs.  Les  chœurs  se  sont  distingués  par 
une  vigueur  ,  une  verve  et  une  chaleur  entraînante  :  le  fa- 
meux morceau  d'ensemble  à  quatorze  voix  a  été  dit  parfaite- 
ment. Dans  le  rôle  du  Comte  Ory ,  Mathieu  a  prouvé  que  sa 
voix  grande  et  belle  pouvait  s'assouplir  à  force  de  travail; 
Obin  a  très  bien  chanté  l'air  du  gouverneur.  M""  Vaillant , 
qui  jouait  celui  de  la  Comtesse  ,  avait  de  la  peine  à  dominer 
son  émotion  ;  cependant  elle  a  enlevé  des  bravos  légitimes. 
M"=  Rouillé  ,  dans  le  rôle  du  page ,  a  fait  preuve  d'un  ta- 
lent décidé  de  comédienne  :  sa  voix,  qui  est  d'une  qualité 
charmante ,  a  le  défaut  de  monter  un  peu  ;  l'émotion  ,  la 
peur  y  sont  pour  quelque  chose.  On  ne  reconnaissait  guère 
la  jeune  et  jolie  M""  Morize  sous  le  costume  de  la  vieille 
Ragonde  mais;  heureusement  sa  voix  n'était  pas  déguisée  et 
on  la  retrouvait  toujours  avec  plaisir. 

La  séance  avait  commencé  par  le  quatrième  acte  du  Ma- 
homet, de  Voltaire,  dans  lequel  jouaient  MM.  Chotel,  Quélus, 
Ponchard ,  Arnault ,  Gubian  et  M"=  Potel. 

Maintenant  trêve  d'exercices  :  c'est  d'examens  et  de  con- 
cours que  le  Conservatoire  va  s'occuper. 

P.  S. 


TROISIÈME  MESSE  SOLEMVELLE 

de  M.  JUXiIEN  MARTIN. 

exéculée  en  l'église  de  Sainl-Germain-l'Auxerrois ,  le  jour  de  la  Pentecôte. 

ous  ne  savons  trop  si  l'art  musical,  si  le  style  sa- 
cré a  quelque  chose  à  gagner  dans  le  mouvement 
tout  mondain  que  se  donne  le  clergé  pour  res- 
saisir toutes  ses  anciennes  prérogatives  :  quoi 
qu'il  en  soit,  on  écrit  beaucoup  de  musique  d'é- 
glise, mais  est-ce  bien  de  la  musique  religieuse?  Cette  ques- 
tion demanderait,  pour  être  traitée  avec  frhit,  de  trop  longs 
développements  pour  l'espace  dont  nous  pouvons  disposer  ici. 
Il  est  au  moins  singulier  que  les  prêtres  et  les  membres  des 
fabriques  de  nos  églises,  qui  ont  des  doctrines  rétrospectives, 
ouvrent  un  champ  si  vaste  aux  idées  nouvelles  en  musique, 
à  l'harmonie  retentissante  et  aux  petites  mélodies  sensuelles. 
Comme  les  autorités  dont  ils  dépendent  et  dont  ils  prétendent 
cependant  ne  pas  ressortir,  ils  n'ont  qu'un  but,  le  pouvoir, 
et  ils  se  sojucient  fort  peu  des  intérêts  de  l'art. 

La  plupart  de  nos  compositeurs  qui  font  exécuter  de  la 
musique  sacrée  dans  nos  temples  le  font  presque  toujours  à 
leurs  frais ,  attendu  que  les  fabriques,  qui  font  argent  de  tout 
et  qui  en  gagnent  beaucoup,  arguent  toujours  de  l'insuffisance 
de  leurs  moyens  pour  remettre  en  honneur  les  manifesta- 
tions de  la  vraie  musique  religieuse. 

Nos  compositeurs  en  style  sévère  ne  sont  pas  nombreux  ; 
mais  les  organistes  jouant  du  Rossini ,  du  Bellini ,  du  Doni- 
zetti  abondent,  ainsi  que  les  faiseurs  d'embarras,  les  hommes 
doublés  de  cuivre  et  de  mépris  pour  la  musique  qui  se  fait 


192 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


écouter  paisiblement,  pour  cette  musique  qiy  ne  vous  ébranle 
pas  le  système  nerveux  et  vous  berce  au  contraire  de  conso- 
lations et  d'oubli  des  tristes  choses  de  la  terre. 

Entre  le  scolastique  sec ,  monotone ,  et  le  compositeur  à 
idées  indigestes  qui  n'en  a  pas  une  bonne  dont  il  sache  tirer 
parti  par  un  heureux  mélange  d'imagination  et  de  savoir,  il  y 
a  l'écrivain  qui  recherche  surtout  la  mélodie  régulière  et  gra- 
cieuse. M.  Julien  ,  ainsi  que  Paisiello,  qui  a  fait  des  messes 
charmantes  et  .pas  d'un  style  trop  rigoureux,  est  dans  celte 
catégorie.  Sa  troisième  messe  solennelle,  qu'il  a  fait  exé- 
cuter dimanche  dernier  à  Saint-Germain-l'Auxerrois,  est  une 
œuvre  agréable  et  d'un  bon  style.  Le  Kyrie  est  d'un  beau  ca- 
ractère. Le  Gloria ,  à  grand  chœur  avec  solo  de  soprano , 
ténor  et  basse,  est  un  morceau  entraînant  et  d'un  effet  drama- 
tique, ainsi  que  le  Sanctus,' dans  lequel  toutes  les  parties,  ex- 
cepté la  basse,  procèdent  en  harmonie  plaquée  en  crescendo 
sur  laquelle  les  basses  et  les  contrebasses  se  dessinent  par  une 
marche  rapide  qui  produit  le  plus  bel  effet.  VO  salutaris, 
qui  a  été  dit  solo  par  une  fort  belle  voix  de  baryton ,  est  de 
la  plus  suave  mélodie.  Enfin  YÂgnus,  pastorale  religieuse  dans 
laquelle  trois  voix  de  différents  caractères  viennent  tour  à 
tour,  comme  pour  implorer  l'agneau  de  Dieu,  et  auxquelles 
le  chœur  répond  par  un  formidable  unisson  qui  s'enchaîne 
au  dernier  motif  du  Kyrie ,  est  un  morceau  des  plus  remar- 
quables et  qui  complète  dignement  l'unité  de  la  pensée  de 
l'œuvre.  On  annonce  du  même  auteur,  comme  devant  être 
exécuté  bientôt  et  dans  la  même  église,  un  Requiem  qui  serait 
dit  à  grand  orchestre  et  chanté  par  les  artistes  de  l'Académie 
royale  de  musique. 

Henri  Blanchard. 


MESSE  DE  PALESTRINA 

exécutée  aux   funérailles  de  M.  3.  liaflitte. 

La  messe  de  Palestrina,  exécutée  aux  obsèques  de  M.  La- 
fitte,  a  produit  beaucoup  d'impression  sur  l'auditoire  d'élite 
qui  assistait  à  cette  triste  cérémonie.  Cette  musique,  si  douce, 
si  vague,  d'un  style  si  pur,  d'une  harmonie  si  distinguée, 
d'un  caractère  si  touchant,  est  vraiment  celle  qui  convient  le 
mieux  à  la  gravité  du  culte  et  à  l'expression  de  la  prière.  11 
serait  bien  à  désirer  qu'au  lieu  d'être  reléguées  dans  les  sa- 
lons de  M.  le  prince  de  la  Moskowa,  ces  compositions  fussent 
fréquemment  exécutées  dans  nos  églises,  et  surtout  dans  celles 
qui  peuvent  réunir  un  grand  nombre  de  voix. 

M.  Dietsch,  l'excellent  maître  de  chapelle,  dignement  se- 
condé par  MM.  Trevaux  et  Masson ,  a  parfaitement  dirigé 
l'exécution  de  cette  messe,  confiée  à  cent  voix  choisies. 
M.  Lefébure  Wely  a  touché  sur  l'orgue  quelques  préludes  et 
introductions  d'un  effet  religieux  et  solennel.  Nous  voyons 
avec  plaisir  ce  jeune  et  habile  artiste  s'adonner  au  vrai  style 
de  l'orgue,  et  y  déployer  un  réel  talent. 

Nous  n'avons  pas  les  mêmes  éloges  à  donner  à  l'exécHtion 
du  plain-chant,  qui  remplissait  nécessairement  une  partie  de 
cet  office  funèbre.  M.  Alexis  Dupont  a  dit  avec  beaucoup 
d'art  et  d'effet  les  solos  de  la  prose  Dies  irœ;  mais  le  Depro- 
fundis  et  les  chœurs  de  la  prose  ne  nous  paraissent  pas  avoir 
été  dits  avec  le  sentiment  convenable.  C'est,  à  notre  avis, 
faire  un  contre-sens,  que  de  chanter  pianissimo  les  versets 
de  la  prose,  Quantus  timor  est  futurus ,  lacrymosa  dies 
illa,  etc.  C'est  un  cri  d'effroi  et  de  terreur,  des  accents  la- 
mentables, que  j'aurais  voulu  entendre  à  ce  moment,  et  non 
pas  les  chants  calmes  et  doux  qui  ont  accompagné  ce  récit 


terrible  d'un  événement  si  redoutable.  L'arrangement  du 
faux  bourdon  de  la  prose  laisse  aussi  beaucoup  à  désirer. 
Dans  le  Pie  Jesu^  les  soprani  font  succéder  un  ut  naturel  à  un 
ut  dièse,  ce  qui  produit  un  effet  détestable. 

L'Introït,  Requiem,  a  été  chanté  par  les  basses  à  l'unisson, 
ainsi  que  certains  versets  de  la  prose.  Ce  plain-chant  a  été 
exécuté  d'une  manière  lourde,  pesante,  martelée,  suivant 
l'ancienne  méthode  parisienne,  qu'il  serait  temps  de  bannir  de 
nos  églises.  Le  chant  de  la  prose,  Dies  irœ,  est  noté  dans  la 
liturgie  romaine  d'une  manière  infiniment  plus  correcte, 
parce  que  les  brèves  y  sont  indiquées,  ce  qui  répand  dans  le 
chant  la  variété,  le  mouvement  et  la  vie;  tandis  que  le 
chant,  tel  qu'on  le  comprend  dans  la  plupart  des  paroisses, 
transforme  le  chœur  de  nos  églises  en  un  atelier  de  forgerons, 
où  l'on  entend  tomber  tour  à  tour  sur  l'enclume  de  lourds 
marteaux.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'exécution  de  cet  office  funèbre 
a  été  majestueuse,  solennelle,  lugubre  et  bien  conforme  à 
son  objet.  Nous  espérons  que  désormais,  en  pareille  circon- 
stance, on  reviendra  à  cette  musique  suave  et  sublime  que 
Palestrina  semble  avoir  écrite  sous  la  dictée  des  anges. 

F.  Danjou. 


Correspondance   particnlière» 

Marseille ,  24  mcti  1844. 

Voilà  bien  longtemps  que  vous  n'avez  reçu  de  moi  des  nouvelles 
de  notre  Ihéâlre.  Au  moment  où  je  me  disposais  à  vous  annoncer  le 
beau  succès  de  la  Reine  de  Chypre,  vous  reçûtes  de  M  Bénédit  une 
lettre  qui  vous  donnait  sur  celle  première  représentation  des  détails 
fort  intéressanls  ;  et  comme  ce  que  j'aurais  pu  vous  dire  touchant  le 
même  fait  n'aurait  rien  ajouté  aux  éloges  du  critique  marseillais,  je 
crus  devoir  renvoyer  à  une  procbaine  occasion  de  vous  entretenir  de 
îa  Heine  de  Clujpre. 

Cet  ouvrage  qui,  grâce  à  son  mérite  d'abord,  et  à  la  manière  dont 
il  a  été  représenté,  esi  venu  si  puissamment  en  aide  aux  artistes  so- 
ciétaires, a  vu  son  succès  interrompu  par  suite  d'une  indisposition 
assez  grave  du  baryton  Parly.  11  est  vrai  que  Junca,  toujours  prêt  à 
se  dévouer  à  l'inlérèt  commun ,  s'était  chargé  du  rôle  de  Lusignan  ; 
mais  cet  artiste  dont  le  zèle  est  au-dessus  de  tous  éloges  avait  ac- 
cepté depuis  plusieurs  mois  un  service  si  pénible,  qu'il  n'a  pu  sou- 
tenir longtemps  la  fatigue  d'un  rôle  écrit  dans  un  diapason  trop 
élevé  pour  sa  voix.  Junca  est  tombé  malade  à  son  tour  :  dès  lors 
l'administration  s'est  vue  forcée  d'ajourner  les  représentations  de /a 
Reine  de  Chypre.  Mais  la  reprise  de  cet  ouvrage  aura  lieu  prochai- 
nement avec  les  artistes  de  la  nouvelle  troupe,  et  tout  porte  à  croire 
que  le  public  ne  perdra  rien  à  ce  changement.  Déjà  les  choeurs 
viennent  d'être  augmentés  d'un  grand  nombre  de  voix,  et  le  person- 
nel de  ces  masses  chantantes  se  compose  aujourd'hui  de  35  hommes 
et  26  femmes,  en  tout  fiO  choristes. 

Les  débuts  de  l'opéra  sont  à  peu  près  terminés.  En  première  ligne 
des  sujets  connus  jusqu'à  ce  jour,  la  justice  nous  fait  un  devoir  de 
placer  M""»  Morel-Scott,  première  chanteuse  qui  tenait  l'emploi  à 
Lyon  l'année  dernière,  et  dont  vous  avez  naguère  encouragé  les 
premiers  essais  à  l'Académie  royale  de  musique.  M""'  Morel-Scott  a 
déjà  paru  dans  Rachel  de  la  Juive  ,  Alice  de  Robert  et  I-éonor  lie  la 
Favorite.  Comme  vous  voyez,  c'était  aborder  franchement  la  ques- 
tion. Or,  dans  ces  trois  rôles  si  Importants  et  si  difliciles.  M'"»  Scott  a 
complètement  réussi.  La  voix  de  celte  chanteuse,  malgré  de  cho- 
quantes inégalités,  rend  avec  beaucoup  de  succès  les  situations  les 
plus  fortes  et  les  plus  pathétiques  des  grandes  créations  de  Meyer- 
beer,  d'Halévy  et  de  Donizetti.  De  plus,  M"'  Scott  a  une  intelligence 
remarquable  de  la  scène.  Ses  gestes,  ses  poses,  sa  physionomie  sont 
toujours  d'accord  avec  l'intention  dramatique  de  ses  rôles.  En  un 
mol,  M">"  Scott  est  une  précieuse  acquisition  pour  le  théâtre  de  Mar- 
seille; le  jour  de  son  troisième  début,  elle  a  dit  son  duo  du  qua- 
trième acle  de  la, Favorite  avec  un  entraînement  si  chaleureux, 
qu'elle  a  été  couverte  de  fleurs  et  rappelée  après  la  chute  du  rideau. 
Et  pourtant,  malgré  celte  ovation  ,  M""'  Scott  doit  comprendre  que 
l'art  du  chant  ne  lui  a  pas  encore  révélé  tous  ses  secrets,  et  qu'il  lui 
reste  bien  des  choses  à  acquérir  pour  rendre  son  talent  irréprocha- 
ble. Nous  nous  arrêterons  aujourd'hui  à  cette  simple  observation  ; 
plus  tard  nous  expliquerons  toute  notre  pensée. 


DE  PARIS. 


193 


M.  Scott  époux  de  notre  première  chanteuse  s'est  fait  accepter  dans 
les  deuxièmes  ténors  en  jouant  Léopold,  Raimbault,  Daniel  du 
Chalet  et  Horace  du  Domino  noir.  . 

Mais  hélas  !  les  débuts  se  suivent  et  ne  se  ressemblent  pas:  té- 
moin ceux  de  M.  Cornelis  (emploi  des  ténors  légers).  Le  public  s'est 
plu  à  reconnaître  dans  ce  jeune  homme  de  la  tenue ,  de  la  distinc- 
tion ,  et  une  habitude  de  la  scène  que  l'on  ne  rencontre  pas  toujours 
chez  les  artistes  de  province.  Mais  en  revanche ,  il  a  été  médiocre- 
ment satisfait  de  la  voix  et  de  la  méthode  de  M.  Cornelis,  dont  l'im- 
portante préoccupation  est  de  reproduire  avec  une  exactitude  dé- 
plorable les  défauts  les  plus  saillants  du  style  de  ChoUet,  sans  avoir 
de  ce  chanteur  la  science,  l'adresse  et  l'intelligence  musicale.  M.  Cor- 
nelis a  donc  rencontré  une  opposition  assez  vive  le  jour  de  son 
second  début  dans  la  Part  du  Diable.  Visiblement  contrarié  de  ne 
pas  trouver  dans  le  public  marseillais  les  sympathies  sur  lesquelles 
il  avait  fondé  ses  espérances ,  M.  Cornelis  commençait  à  se  décou- 
rager. Au  sang-froid  qu'il  avait  montré  d'abord  ,  l'on  a  vu  succéder 
bientôt  une  irritation  nerveuse  qui  a  failli  lui  devenir  funeste;  car 
arrivé  à  la  scène  du  troisième  acte  où  Raphaël  cherche  partout  le 
démon  invisible  qui  est  censé  poursuivre  Casilda,  M.  Cornelis  trou- 
blé par  quelques  marques  d'improbalion,  au  moment  où  il  fouillait 
le  dessous  de  la  table  à  coup  d'épée,  au  lieu  de  frapper  dans  le  vide, 
s'est  traversé  la  jambe  gauche  avec  l'arme  qu'il  tenait  à  la  main.  La 
douleur  occasionnée  par  cette  blessure  a  été  telle  que  M.  Cornelis  est 
tombé  sur  le  théâtre  en  poussant  un  grand  cri  ;  aussitôt  le  spectacle 
a  été  interrompu  ;  on  a  baissé  le  rideau ,  le  régisseur  a  été  mandé , 
le  public  s'est  précipité  sur  la  scène  par  toutes  les  issues  et  ne  s'est 
retiré  qu'après  avoir  acquis  la  certitude  que  l'état  de  M.  Cornelis 
n'inspirait  aucun  danger,  et  que  cet  artiste  pourrait  bientôt  repren  - 
dre  son  service. 

Le  parterre  n'est  pas  un  tribunal  de  sages , 

Et  la  beauté  souvent  a  ses  premiers  hommages. 

Ces  vers  de  l'auteur  de  Bnœys  et  Palaprat  viennent  de  trouver 
leur  juste  application  dans  le  début  de  M"'  Vetipa,  chanteuse  légère, 
qui  s'est  produite  pour  la  première  fois  sous  les  traits  d'Isabelle  de 
Roberl-le-Diable  ,  et  a  mis  en  émoi  notre  public,  beaucoup  plus  im- 
pressionnable que  connaisseur;  ce  n'est  pas  que  la  débutante  ne  jus- 
tifie sous  plusieurs  rapports  le  succès  qu'elle  a  obtenu  :  sa  voix  est 
fraîche,  agréable,  étendue,  d'une  bonne  émission  ,  et  d'une  agilité 
suffisante.  11  est  dommage  que  cette  voix ,  dont  les  notes  élevées  sont 
toujours  posées  d'une  manière  irréprochable ,  n'ait  pas  la  même  fer- 
meté dans  le  médium,  qui  est  faible  et  chevrotant.  A  la  vérité, 
M"»  Petipa  mérite  des  éloges  pour  sa  vocalisation,  qui  décèle  de 
bonnes  études  ;  mais  à  travers  une  foule  de  qualités  et  de  dispositions 
brillantes,  on  sent  toute  l'inexpérience  d'une  élève  à  peine  sortie 
des  mains  du  professeur,  ce  qui  n'empêche  nullement  M"'  Petipa 
de  changer  et  de  remanier  un  air,  et  de  remplacer  le  dessin  musical 
du  compositeur  par  des  variantes,  qui  loin  d'ajouter  à  l'éclat  du 
morceau,  nuisent  essentiellement  à  son  effet.  C'est  ainsi  que  le  bel 
air  d'Isabelle,  si  admirablement  tissu  et  brodé  par  Meyerbeer,  a  subi 
certains  changements,  qui ,  à  notre  avis,  sont  autant  de  prorana- 
tions.M"'  Petipa,  trouvant  apparemment  que  le  morceau  d'Isabelle 
n'était  pas  assez  difficile  pour  son  talent,  en  a  compliqué  les  traits 
de  manière  à  faire  de  cet  air  si  léger,  si  fin,  et  de  si  bon  goût,  la 
chose  la  plus  lourde  et  la  plus  prétentieuse  du  monde.  Forcée  de  ra- 
lentir constamment  la  mesure  pour  introduire  quelques  notes  addi- 
tionnelles au  milieu  de  gammes  et  d'arpèges,  déjà  fort  difficiles  à 
exécuter  dans  le  mouvement  rigoureux  du  compositeur,  M""  Petipa 
a  détruit  en  plusieurs  endroits  le  caractère  et  la  physionomie  de  cette 
belle  cavaline  de  Meyerbeer  ;  mais  le  public  a  applaudi  avec  enthou- 
siasme... Et  puis  ce  même  public  qui  absout  de  telles  licences  se 
plaint  de  voir  diminuer  chaque  jour  le  nombre  des  artistes  de  mé- 
rite !  Que  le  public  ne  s'en  prenne  donc  qu'à  lui-même  du  mauvais 
goût  de  notre  époque;  il  recueille  ce  qu'il  a  semé. 

Une  basse-taille  et  une  chanteuse  légère  du  théâtre  de  Toulon 
sont  venus  à  Marseille  la  semaine  dernière  pour  s'y  faire  entendre, 
et  faciliter  en  même  temps  la  marche  du  répertoire,  en  attendant  le 
rétablissement  de  Junca  et  l'arrivée  de  M""  Petipa.  M.  Brouard ,  tel 
est  le  nom  de  la  basse-taille,  a  chanté  avec  succès  le  rôle  de  Baltha- 
zar  de  la  Favorite ,  et  celui  du  roi  Ferdinand  dans  la  Pan  du  Diable. 
La  voix  de  M.  Brouard  ne  manque  ni  d'ampleur,  ni  d'étendue;  seu- 
lement elle  ne  nous  a  pas  paru  fort  exercée.  M.  Brouard  est  dans  la 
catégorie  de  ces  chanteurs  qui  n'ont  jamais  pris  l'art  au  sérieux, 
font  leur  affaire  tant  bien  que  mal,  et  se  tiennent  prudemment  entre 
le  blâme  et  l'éloge.  M""  Billiard ,  la  chanteuse  légère,  n'est  pas  pré- 
cisément dans  ce  cas,  bien  qu'elle  ait  encore  beaucoup  de  choses  à 
apprendre  et  plus  encore  à  oublier;  mais  elle  a  de  si  bonnes  inten- 
tions, sa  voix  est  si  agréable,  elle  joue  avec  tant  d'intelligence, 


qu'on  aime  parfois  à  oublier  ses  imperfections  pour  ne  lui  tenir 
compte  que  de  ses  qualités. 

Voilà  pour  les  débuts.  Quant  aux  concerts ,  nous  en  avons  eu  cette 
année  un  nombre  considérable.  Les  plus  remarquables  ont  été  ceux 
de  M.  Bénédit,  de  M.  Millont,  de  M"'  Maglione  et  de  M°«  fabre, 
notre  ex-première  chanicuse. 

Cette  année ,  à  l'occasion  du  1"  mai ,  la  messe  impériale  de  Haydn 
a  été  faiblement  exécutée  à  la  cathédrale.  Le  Conservatoire  avait  pré- 
paré, pour  la  même  circonstance,  la  messe  de  Ilummel  en  rni  bé- 
mol ;  mais,  par  suite  d'un  malentendu  entre  l'autorité  ecclésiastique 
et  l'autorité  municipale,  cette  exécution  n'a  pu  avoir  lieu. 


Bruxelles ,  29  mai  1844. 

Le  renouvellement  de  l'année  théâtrale  amène  toujours  des  chan- 
gements dans  la  composition  des  troupes  qui  exploitent  les  théâtres 
placés,  comme  les  nôtres,  sur  le  même  pied  que  ceux  des  villes  de 
province  en  France  Les  débuts  de  la  troupe  lyrique  ont  eu  lieu  jus- 
qu'ici sans  accidents  pour  les  artistes  et  pourl'adminislration.  Quel- 
ques uns  des  chefs  d'emplois  de  l'année  dernière  sont  restés;  ce  sont  : 
M.  Laborde,  premier  ténor;  M.  Zelger,  première  basse;  M"'"  Julien 
et  Laborde,  première /or/e  chanteuse  et  chanteuse  à  roulades  (vous 
savez  que  ces  dénominations  barbares  sont  usitées  en  province).  Ali- 
zard  se  retirait,  il  fallut  lui  trouver  un  successeur,  et  l'on  crut  que 
cela  ne  serait  pas  facile ,  parce  que  ce  transfuge  de  l'Opéra  jouissait 
à  un  haut  degré  de  la  faveur  du  public  de  Bruxelles.  L'administra- 
tion eut  le  bonheur  de  mettre  la  main  sur  un  baryton  doué  d'une 
jolie  voix  et  d'un  talent  fort  distingué.  Vous  avez ,  du  reste  ,  annoncé 
dans  le  dernier  numéro  de  la  Gazette  les  heureux  débuts  de  M.  Lau- 
rent dans  la  Favorite  et  dans  Lucie  de  Lammermoor  ;  cet  artiste  a  de- 
puis lors  joué  Guillaume  Tell  et  Figaro  du  Barbier  de  Séville  avec  le 
même  succès.  Voyez  la  fragilité  des  choses  humaines  :  Alizard  qu'on 
tremblait  hier  de  ne  pas  pouvoir  remplacer  est  aujourd'hui  si  par- 
faitement oublié,  qu'on  dirait  qu'il  n'a  jamais  existé.  Il  est  vrai  que 
M.  Laurent  a  une  véritable  voix  de  baryton,  tandis  que  son  prédé- 
cesseur, avec  sa  basse-taille  bien  caractérisée ,  était  obligé  de  faire , 
dans  les  régions  supérieures,  des  efforts  tels,  qu'on  s'attendait  à 
chaque  instant  à  le  voir  frappé  d'une  attaque  d'apoplexie  ;  il  est  en- 
core vrai  que  M.  Laurent  daigne  chanter,  tandis  qu'Alizard  criait 
comme  on  le  faisait  jadis  à  l'Opéra ,  où  la  basse-taille  en  litre  n'était 
reçue  dans  son  emploi  que  si  elle  pouvait,  par  la  vibration  de  sa 
voix,  briser  les  vitres  d'un  appartement. 

Nous  avons  aussi  une  nouvelle  deuxième  chanteuse,  première  Du- 
gazon.  M"=  P.ouvroy,  élève  du  Conservatoire  de  Paris  et  de  lU"'^  Da- 
moreau,  qui  fut  pendant  quelque  temps,  je  crois,  à  l'Opéra-Comique, 
où  elle  joua  peu ,  et  qui  passa  ensuite  un  an  au  théâtre  de  Toulouse, 
vient  remplir  cet  emploi,  dont  la  dénomination  bizarre  a  lieu  de 
surprendre  ceux  qui  ne  sont  pas  initiés  à  l'argot  de  nos  affiches  de 
spectacle.  M"'  Rouvroy  était  l'idole  du  public  de  Toulouse  ;  à  la  der- 
nière représentation ,  elle  fut  inondée  d'une  pluie  de  fleurs ,  cl  ses 
admirateurs  lui  firent  hommage  d'une  couronne  d'or  sur  chacune 
des  feuilles  de  laquelle  est  inscrit  le  titre  d'une  des  pièces  de  son  ré- 
pertoire. De  tels  succès,  obtenus  dans  un  pays  qui  n'est  point  bar- 
bare, garantissaient  en  quelque  sorte  le  mérite  de  la  cantatrice,  et 
disposèrent  admirablement  nos  dilettantes  en  sa  faveur;  mais  ainsi 
qu'il  arrive  trop  souvent,  les  éloges  exagérés  qu'on  avait  prodigués 
d'avance  à  la  jeune  artiste  lui  furent  plus  nuisibles  qu'utiles. 
M"'  Rouvroy  est  une  fort  jolie  personne  ,  un  peu  maniérée  ,  mais 
gracieuse  et  très  séduisante  au  demeurant,  qui  possède  une  voix 
agréable  et  de  la  facilité.  Elle  paraît  avoir  malheureusement  en  elle 
une  confiance  excessive;  elle  hasarde  beaucoup  de  traits  extrême- 
meul  hardis,  en  réussit  quelques  uns,  et  manque  les  autres,  non 
sans  préjudice  pour  la  justesse  et  la  mesure.  Elle  a  reçu  le  premier 
joir,  dans  l'ambassadrice,  des  applaudissements  qui  étaient  plus  à 
l'adresse  de  ses  beaux  yeux  que  de  son  talent  de  cantatrice;  dans  les 
Diamants  de  la  couronne ,  le  public ,  en  garde  contre  la  séduction  du 
joli  visage  de  la  débutante ,  l'a  accueillie  plus  froidement.  M"=  Rou- 
vroy a  choisi  le  Domino  noir  pour  son  troisième  début;  elle  fera  sans 
doute  en  sorte  de  réparer  dans  cet  opéra  l'espèce  d'échec  qu'elle  a 
subi  lors  de  sa  seconde  apparition. 

Bruxelles  va  être  en  possession  d'un  nouveau  théâtre,  construit  par 
un  amateur  dans  le  but  d'y  faire  l'essai  d'une  quantité  de  machines 
de  son  invention,  et  qui  certes,  si  ce  qu'on  en  dit  est  exact,  ferait  en 
peu  de  temps  à  Paris  la  fortune  d'un  imprésario.  Première  innova- 
tion ,  il  n'y  a  pas  de  lustre  dans  le  théâtre  dont  je  vous  parle  ;  la  lu- 
mière est  projetée  dans  toute  la  salle  par  le  moyen  de  réflecteurs, 
au  travers  d'un  plafond  transparent.  Deuxième  innovation,  les  toiles 
de  fond  sont  supprimées ,  grâce  à  un  mécanisme  très  ingénieux  qui 


194 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


a  du  rapport  avec  celui  d'après  lequel  sont  combinés  les  eJfets  du 
Diorama;  des  lableiiux  mouvants  viennent  se  peindre  sur  le  mur  en 
hém'cyele  qui  termine  le  théâtre.  On  verra  les  arbres  s'agiter,  les 
nuages  changer  de  place ,  et  les  différents  jeux  de  lumière,  du  jour 
et  de  la  nuit,  se  succéder  avec  une  vérité  d'imilation  parfaite.  11  n'est 
p.is  jusqu'iux  garçons  machinistes  employés  au  placement  et  au 
déplacement  des  décnrations,  que  l'auleur  de  toutes  ces  innovations 
n'ait  en  l'idée  de  supprimer. 

Les  décoralions,  préparées  dans  le  plancher  du  théâtre,  monteront 
et  se  placeront  d'elles-mêmes,  par  l'effet  d'une  petite  machine  à  va- 
peur. Tout  ceci  n'est  pas  un  rêve,  croyez-le  bien;  ce  spectacle  singu- 
lier, auquel  on  a  donné  le  lilre  de  Théâtre  des  Nouveautés,  titre 
qu'il  justifie  incontestablement,  ouvrira  dans  quinze  jours  ,  et  cha- 
cun sera  appelé  à  venir  contrôler  l'exailitude  des  merveilleux  récUs 
qu'on  en  fait.  On  y  jouera  la  comédie,  le  mélodrame,  le  ballet, 
voire  le  petit  opéra,  mais  si  petit,  si  petit ,  que  ce  n'est  pour  ainsi 
dire  pas  la  peined'en  parler.  L'entrepreneur  annonce,  et  ce  n'est  pas 
une  des  moindres  nouveautés  de  son  théâtre,  qu'il  accordera  des 
droits  a'iuiteurs  aux  écrivains  et  aux  musiciens  belges,  dont  les  ou- 
vrages ,  soumis  à  l'examen  d'un  comité  de  lecture,  auront  été  jugés 
dignes  de  la  représentiition  ,  et  joués  en  effet. 

La  direction  des  théâtres  royaux  s'émut  à  l'idée  d'une  concur- 
rence ;  elle  ré.solut  de  se  préparer  vigoureusement  à  la  lutte.  Vous 
croirez  ppiit-êire  qu'elle  songea  à  attirer  le  public  par  de  beaux  et 
bons  opéras  dont  son  répertoire,  passablement  épuisé,  a  d'ailleurs 
besoin  de  se  remonter.  Point  du  tout;  sachant  que  le  nouveau 
théâtre  avait  l'inlention  de  donner  les  Pilules  du  Diable  pour  son 
jnaugurition ,  elle  acheta  les  décorations  et  les  machines  qui  ont 
servi  aux  cinq  cents  représentations  de  ce  mélodrame  au  Cirque- 
Olymiiique ,  les  lit  rafraîchir  tant  bien  que  mal ,  et  se  mit  en  devoir 
de  gagner  de  vitesse  son  concurrent.  La  première  représentation 
aura  lieu  samedi  ;  on  ne  sait  pas  encore  comment  le  public  prendra 
cette  espèce  de  profanation  d'un  théâtre  royal ,  d'un  théâtre  où  se 
produisent  habituellement  des  œuvres  respectables  ,  et  s'il  avalera 
sans  grimace  les  susdites  pilules. 

On  a  d(mné  ici ,  il  y  a  environ  un  mois ,  un  opéra-comique  en  un 
acte  qui  n'avait  été  joué  sur  aucun  théâtre.  Cet  opéra  était  intitulé 
le  Moine;  un  écrivain  national  était  l'auleur  du  poëme;  M.  Willent- 
Bordogni,  le  professeur  de  basson  du  Conservatoire  de  Bruxelles,  en 
avait  composé  la  musique.  N'était  le  respect  qu'on  doit  aux  morts 
(le  Moine  est  tombé  à  la  seconde  représentation  ) ,  je  dirais  que  ja- 
mais public  n'eut  à  subir  une  pareille  monstruosité  littéraire.  Pour 
ma  part  je  ne  connais  rien  d'aussi  profondément  absurde  que  cette 
pièce,  rien  d'aussi  complètement  étranger  aux  règles  non  seulement 
de  l'art ,  mais  de  la  grammaire.  Ce  beau  chef-d'œuvre  est  dû  41a 
plume  d'un  jeune  homme  qui  s'obstine  à  suivre  la  carrière  des  let- 
tres, bien  que  Pégase  lui  soit  furieusement  rétif.  Notez  qu'un  des 
journaux  de  Paris,  le  Corsaire,  pour  nommer  le  coiipable,  désignait 
dans  un  de  ses  derniers  numéros  ce  même  jeune  homme  comme  l'es- 
poir de  la  littérature  belge.  'Voilà  cependant  comme  vous  écrivez 
l'histoire,  messieurs  les  critiques  parisiens.  Le  poëme  du  Moine  a. 
entraîné  la  partition  dans  sa  chute,  et  r'est  dommage,  car  la  musique 
de  M.  Willent  contenait  de  fort  jolies  choses  ;  les  idées  n'y  faisaient 
pas  défaut  et  les  formes  de  l'instrumentation  indiquaient  un  compo- 
siteur instruit. 


LA    MUSETTE, 

Dessin  de  Gavarni, 

Nous  sommes  encore  en  pleine  nature!  La  musette,  non 
plus  que  la  trompe ,  n'a  rien  à  démêler  avec  les  instruments 
|)erfeclionnés  ,  qui  figurent  dans  une  exposition  des  produits 
de  l'industrie  ,  mais  elle  est  la  joie  et  la  consolation  de  popu- 
lations entières,  pour  qui  le  violon  n'existe  pas,  pour  qui  le 
piano-forte  n'est  pas  inventé  encore.  Dès  que  son  chevrote- 
ment nasillard  se  fait  entendre  ,  toute  l'Auvergne  se  met  à 
danser,  et  elle  ne  s'arrête  que  quand  la  musette  se  tait.  L'or- 
chestre de  Musard  et  de  Strauss  ne  produirait  pas  des  effets 
plus  extraordinaires.  Par  exemple,  en  écoutant  les  sons  d'une 
musette,  accompagnés  du  retentissement  des  coups  de  pied 
de  vingt  danseurs  vigoureux  ,  l'idée  ne  m'est  jamais  venue 
de  chanter  la  fameuse  romance  : 

O  ma  tendre  musette, 
Musette ,  mes  amours  ! 


K<e  comité  de  l'association  des  artistes-masiciena 
annonce  ik  toutes  les  pet'sonncs  qui  ont  pris  des  billets 
pour  la  EiOtcrie ,  que  le  tirage  est  forcément  remis  an 
dimanche  9  JUEN ,  parce  que  la  salle  de  l'École  lyrique, 
où  il  devait  avoir  lien  le  3  da  même  mois ,  sera  consa- 
crée ce  jour-là  au  Concert  de  charité  donné  au  bénéfice 
des  incendiés  de  la  rue  Coqucnard.  —  IVous  rappelons 
qu'il  f  aura  S031  LOTS  gagnants,  savoir  :  Un  n>agni- 
fiqne  Piano  ùl  qnene,  nouveau,  d'Erard,  et  1030  Mor- 
ceaux de  musique  et  Partitions.  Les  billets  non  vendus 
sont  déposés,  et  se  trouvent  au  Magasin  de  musique 
de  M.  Maurice  Schlesinger,  99,  rue  Bichclien. — 
Prix  du  biUet  :   inV  FRA1VC. 


ITOTTTELIaBS. 

V  Demain  lundi,  à  l'Opéra  ,  les  Huguenots. 

*,"  Les  recettes  de  l'Opéra ,  pendant  le  mois  de  mai ,  ont  dépassé 
tous  les  chiffres  connus  jusqu'à  présent  et  se  sont  élevés  à  la  somme 
énorme  de  150,000  francs. 

*,*  Bl"«  Taglioni  a  reparu  hier  soir  avec  tout  le  succès  qu'on  pou- 
vait lui  présager,  dans  lu  Sijlphide.  Voici  comment  se  composeront 
les  représentations  qu'elle  doit  donner  encore  :  2.  le  Dieu  et  la  Baya- 
d'ere;  3.  le  second  acte  de  la  Fille  du  Danube;  i.  la  Sylphide;  5.  une 
scène  nouvelle,  suivie  d'un  pas  espagnol  ;  6  le  premier  acte  du  Dieu 
et  la  Bayadhre  ,  suivi  du  pas  espagnol.  Il  y  aura  de  plus  une  repré- 
sentation au  bénéQce  delà  célèbre  danseuse,  mais  on  ne  dit  pas  en- 
core quels  eu  seront  les  éléments. 

%*  M.  Menghis  est  engagé  pour  deux  ans,  en  qualité  de  troisième 
ténor. 

V  M"*"  Dorus-Gras  excite  en  Angleterre  le  même  enthousiasme 
qu'à  ses  voyages  précédents.  Elle  est  allée  à  Dublin  où  elledoitchan- 
ter  six  fois.  Elle  en  reviendra  le  10  de  ce  mois  pour  prendre  part  aux 
derniers  grands  concerts,  et  elle  terminera  sa  tournée  par  Te  grand 
festival  d'Oxford. 

*,*  C'est  une  erreur  de  croire  que  M.  Léon  Pillel  ait  sollicité  la  per- 
mission de  donner  des  représentations  extraordinaires  à  cause  de 
M"«  Taglioni.  D'après  son  cahier  des  charges,  il  a  le  droit  d'en  don- 
ner six  par  année. 

",*  Voici  deux  considérants  du  jugement  rendu  dans  l'affaire  de 
M.  Léon  Pillet  el  de  M.  Robin  ;  nous  les  transcrivons  ici  parce  qu'ils 
sont  d'un  intérêt  général  :  «  Attendu  que  le  directeur  d'un  théâtre  a 
le  droit  de  disposer  des  loges  qui  en  dépendent  de  la  manière  qu'il 
croit  la  plus  avantageuse  pour  son  exploitation ,  pourvu  qu'il  ne  dé- 
passe pas  les  difTérents  tarifs  qui  sont  fixés  suivant  la  durée  et  le 
genre  de  la  location  ;  qu'ainsi  on  ne  peut  le  contraindre  à  renouveler 
un  bail  qui  lui  parait  contraire  à  ses  intérêts;  Attendu  que  s'il  est 
énoncé  dans  les  baux  que,  faute  d'avoir  payé  d'avance,  en  cas  de 
renouvellement,  l'administration  pourra  disposer  de  la  loge,  il  n'en 
résulte  pas  que  le  bail  sera  nécessairement  renouvelé  si  l'on  offre  de 
payer  d'avance  le  loyer,  cette  éuonciation  ne  contenant  point  une 
obligation  de  louer,  mais  un  simple  avertissement  de  la  formalité  à 
remplir  pour  renouveler  la  location  ;  autrement  le  bail  ne  serait  pas 
fait  pour  une  seule  année,  comme  le  prescrivent  les  règlements,  qui 
ne  permettent  pas  de  dépasser  la  durée  de  la  location  annuelle;  il 
pourrait  se  prolonger  à  l'infini  au  moyen  d'offres  successives  de  payer 
d'avance,  etc.,  etc. 

\*  M.  Saint-Denis  de  l'Académie  royale  de  musique  est  engagé  au 
théâtre  de  Bordeaux.  Le  premier  rôle  qu'il  jouera  est  celui  du  roi 
dans  l'opéra  de  Charles  yi.  Cet  ouvrage  a  été  représenté  à  Bordeaux 
quinze  fois  en  trente  jours;  aucun  opéra  n'avait  obtenu  un  pareil 
succès  jusqu'à  présent. 

*,"  La  Heine  de  Chypre  d'Halévy  est  en  répétition  en  ce  moment 
aux  théâtres  royaux  de  Berlin  et  de  Bruxelles. 

*,*  Gulistan  sera  bientôt  rejoué,  à  l'Opéra-Comique,  avec  un  air 
emprunté  à  la  partition  d'Azémia ,  qui  est  aussi  de  Dalayrac. 

*,"  Un  élève  du  Conservatoire,  qui  avait  récemment  obtenu  une 
audition  à  l'Opéra ,  M.  Jourdain,  vient  de  contracter  un  engagement 
avec  le  théâtre  de  Versailles,  où  il  chantera  tout  le  répertoire  de 
Barroilhet.  Le  succès  qui  l'y  attend  n'est  pas  douteux,  si  l'on  en  juge 
par  l'effet  qu'il  a  produit  cet  hiver  dans  différentes  soirées,  et  no- 
tamment chez  M.  le  vicomte  Decazes,  à  Villeneuve-l'Ëtang,  enchan- 
tant le  beau  duo  de  la  Heine  de  Chypre. 


DE  PARIS. 


195 


V  M.  Edouard  Wolff,  le  pianiste  el  compositeur  à  qui  nous  devons 
de  si  belles  études,  vient  de  se  marier  avec  une  jeune  et  jolie  per- 
sonne ,  M''"  Mélanie  Maas ,  qui  elle-même  a  un  très  beau  talent  sur 
le  piano. 

"."  Notre  collaborateur  Georges  Kastner,  dont  les  nombreux  ou- 
vrages ont  rendu  de  si  émineiits  services  à  l'art  musical  et  obtenu 
parmi  nous  des  succès  si  marqués,  vient  de  partir  pour  l'Allemagne 
où  ses  productions  sont  l'objet  d'une  faveur  non  moins  grande  et  où 
sa  présence  a  été  fêlée  de  mille  manières,  lors  de  son  dernier  voyage. 
M.  Kastner  se  propose  d'y  faire  exécuter  un  grand  oratorio  drama- 
tique allemand  qu'il  a  composé  à  cette  intention  et  dont  il  doit  sur- 
veiller lui-même  les  répétitions. 

",*  M.  Deslandes,  acteur  de  l'Opéra-Comique  et  auteur  de  plu- 
sieurs pièces,  entre  autres  du  IVociambule ,  ayant,  en  compagnie  de 
M.  Thirion.  son  bailleur  de  fonds,  accepté  les  conditions  de  la  muni- 
cipalité de  Rouen  ,  et  de  plus  versé  le  cautionnement  de  30,000  fr., 
M.  Deslandes  a  élé  nommé  directeur  du  théâtre  de  cette  ville. 
M.  VizentinI,  ex-régisseiir  au  Vaudeville,  est  admis  en  cette  même 
qualité  au  théâtre  des  Arts;  M.  Duvinage  ,  second  chef  d'orchestre 
de  l'Opéra-Comique,  est  nommé  chef  d'orchestre  du  Grand-Théâtre 
de  cette  même  ville. 

*,'  Lundi  dernier ,  le  roi ,  la  reine ,  le  duc  de  Nemours  el  le  prince 
de  Joinvilleont  visité  l'Exposition.  LL.  HM., conduites  par  M.  le  mi- 
nistre du  commerce,  ont  manifesté  le  vif  désir  d'entendre  les  nou- 
veaux instruments  de  M.  Sax,  qui ,  parles  perfectionnements  nom- 
breux dont  ils  ont  été  ^l^bjl't,  sont  appelés  à  faire  une  révolution  dans 
les  musiques  militaires  et  dans  les  orchestres.  L'ingénieux  inventeur, 
assisté  de  M.  Distin  ,  a  improvisé  un  concert  dont  LL.  MM.  ont  té- 
moigné la  plus  complète  satisfaction.  Le  roi  s'est  longtemps  entre- 
tenu en  anglais  avec  MM,  Distin ,  et  a  félicité  M.  Ad.  Sax  sur  ses  in- 
téressantes découvertes. 

V  Le  même  jour,  nous  avons  remarqué  que  LL.  MM.  se  sont  ar- 
rêtées aux  pianos  de  M.  Bernhardt;  M"=  Virginie  Bernhardt  a  exécuté 
sur  un  excellent  piano  droit  un  morceau  que  LL.  MM.  ont  écoulé 
avec  attention.  S.  M.  la  reine  a  même  daigné  féliciter  la  jeune  pianiste 
tant  sur  la  force  et  la  précision  de  son  jeu  que  sur  la  pureté  et  l'am- 
pleur des  instruments. 

*,"  M.  Hesselbein  est  du  petit  nombre  de  nos  habiles  facteurs  prés 
de  qui  le  roi  s'est  arrêté  dans  sa  visite  de  lundi  passé,  27,  à  l'exposi- 
tion des  produits  de  l'industrie;  et,  pendant  que  Sa  Majesté  s'entre- 
tenait avec  lui ,  la  reinea  paru  écouteravec  plaisir  la  Grande  janiai- 
sie  .sur  h  Heine  de  Chypre,  composée  par  M.  Rosenhain,  et  dite  d'une 
manière  aussi  brillante  qu'expressive  par  M"'  Emma  Collard  sur  le 
beau  piano  de  M.  Hesselbein.  En  se  retirant,  la  reine  a  bien  voulu 
adresser  des  paroles  flatteuses  à  la  jeune  artiste  qui  venait  d'inter- 
préter avec  un  talent  plein  d'avenir  l'œuvre  d'un  compositeur  di-tin- 
gué,  et  de  faire  apprécier  dans  tous  li-s  eflets  de  sa  puissante  sonorité 
l'instrument  du  consciencieux  indusitriel. 

*,•  Le  violoni.-te  Prume  vient  de  recevoir  du  duc  de  Cobourg  le 
titre  de  maître  des  concerts. 

*.*  Plusieurs  morceaux  de  musique  de  Le  Sueur  ont  été  exécutés  à 
Sainl-Roch  le  jour  de  la  Pentecôte.  Nous  citerons  principalement  le 
Kyrie,  le  Gloria,  le  Credo  et  l'O  salutaris ,  morceaux  magnifiques 
que  tous  les  assistants  ont  justement  admirés.  L'Offertoire  et  le  Do- 
mine salviim  étaient  d'un  autre  compositeur. 

*,*  M"'  Fanny  Goldberg,  une  des  meilleures  prime  donne  de  l'ita- 
)ie.  et  sœur  de  .M.  Goldberg,  baryton  de  beaucoup  de  talent  qui  ha- 
bite Paris,  vient  (lèse  marier  avec  il  signor  Charini,  et  se  retire  du 
théâtre.  Voilà  déjà  la  troisième  grande  cantatrice  italienne  ,  ei  toutes 
trois  allemandes ,  qui  ont  quitté  le  théâtre  après  un  riche  mariage: 
M»'  Sonlag  comtesse  Rossi,  M»=  Ungher  Sabatier,  et  M»'  Goldberg- 
Charini. 


*,*  M"'  Lutzer  est  partie  avec  son  mari  pour  Stuttgard  où  elle 
restera  quelques  mois  ;  elle  reviendra  ensuite  à  Vienne  ,  où  son  en- 
I   gageraent  avec  le  théâtre  de  la  Porte-de-Carinthie  dure  encore  deux 
I   ans. 

Chronique  étrangère. 

■       ",*  Londres. — Rien  de  très  nouveau  au  Queen's-Theatre.  La  reine 
et  le  prince  Albert  y  ont  paru  pour  la  première  fois  de  la  saison  à 
j    une  représentatiou  de  Zampa  ,  ce  chef-d'œuvre  d'Hérold  ,  qui  a  fini 
i    par  triompher  de  son  poëme.  On  a  repris  il  Mairimonio  seyreto  de 
I    Cimarosa  pour  le  bénéfice  de  Lablache,  qui  a,  selon  sa  coutume, 
I    soulevé  dans  don  Geronimole  rire  homérique  d'im  auditoire  anglais. 
!    — On  a  donné  au  théâtre  d'Haymarket  une  petite  pièce  sur  i'^A- 
I    sentéisme.  Elle  est  conçue  dans  un  esprit  tout  irlandais.  —  A  Saint- 
[    James,  la  jolie  figure  et  le  jeu  coquet  de  iU""  Plessy  sont  à  la  mode. 
I    —  Un  bas  bleu  britannique ,  M'"  Sey  ton  ,  a  lu  dans  la  salle  de  con- 
j    cert  du  Théâtre  de  la  Princesse  une  dissertation  sur  la  coméd'e.  Une 
autre  femme  a  mieux  fait  encore  ,  elle  a  remporté  le  prix  de  500  liv. 
proposé  par  M.  Webster  pour  la  meilleure  comédie  originale.  Son 
ouvrage  est  intitulé:  ta  Journée  des  dupei. —  Les  concerts  ne  se  ra- 
lentissent pas;  M'"«  Dorus-Gras  et  Staudigl  y  font  toujours  fureur.  On 
y  a  entendu  avec  admiration  un  virtuose  allemand  ,  M.  Mangold, 
nouvelle  étoile  qui  s'élève  sur  l'horizon  déjà  si  brillant  des  pia- 
nistes. 

—  La  comtesse  douairière  d'Essex,  ancienne  cantatrice  ,  qui  a  eu 
cette  singulière  destinée  de  figurer  au  couronnement  de  Georges  IV 
dans  l'exercice  professionnel  de  son  art,  comme  disent  les  Anglais, 
puis  d'assister  comme  une  des  premières  pairesses  d'Angleterre  au 
couronnement  de  Guillaume  IV,  le  prédécesseur  de  la  reine  ac- 
tuelle, a  le  bon  esprit,  sur  la  scène  aristocratique  où  elle  s'est  élevée, 
de  ne  pas  oublier  celte  gloire  d'un  autre  théâtre  qui  lui  a  servi  d'é- 
chelon. Elle  donne,  dans  sa  résidence  de  Belgrave-square,  une  série 
de  représentations  dramatiques  qui  ont  un  puissant  attrait  pour  la 
société  fashionable  convoquée  lour-à-tour  pour  les  rôles  si  diffé- 
rents d'acteurs  et  de  spectateurs.  Elle  vient  de  faire  jouer  .«ous  le 
litre  de  Catherine  de  Clèves  une  traduclion  anglaise  du  drame  de 
Henri  III,  el  elle  s'était  chargée  elle-même  du  personnage  de  Cathe- 
rine de  Médicis. 

*,**  fViesbaden.  —  La  saison  dfs  eaux  a  commencé.  Le  Cursaal  est 
ouvert;  c'est  peui-êlre  la  plus  magnifique  salle  de  bal  qui  existe.  Les 
représentations  du  théâtre  pendant  la  saison  d'été  ont  commencé 
avec  Fra-Diavolo;  puis  on  a  donné  le  Maçon,  le  Barbier  deSévUle , 
Jean  de  Paris,  et  enfin  Othello,  qui  a  éié  joué  le  27  mai.  A  partir 
du  mardi  de  la  Pentecôte,  il  y  a  tous  les  jours  musique  d'harmonie 
dans  les  bosquets  du  Cursaal.  Le  20  il  y  a  eu  soirée  musicale  dans 
la  grande  salle  de  l'hôtel  de  l'Aigle,  donnée  par  M.  Schmidt.  On  y  a 
entendu  entre  aulres  la  symphonie  concertante  de  Weber,  et  une 
Cunzonelta  religiosa  de  Cirnarosa. 

"/  Munich.  —  Dans  un  cours  de  musique,  il  a  été  chanté  derniè- 
rement une  romance  en  langue  sanscrite  sur  un  air  qui  a  deux  ou 
trois  mille  ans  de  date,  et  qui,  dans  sa  contextiire,  présente  beau- 
coup d'analogie  avec  les  procédés  mélodiques  en  usage  de  nos  jours. 
»,*  Bdle. — Le  théâtre  est  en  désarroi  :  le  directeur  Zoller  avait  fait 
banqueroute,  et  le  directeur  actuel,  M.  Schmits,n'a  pu  faire  face  à 
ses  engagements  ,  qu'en  prenant  dans  sa  propre  bourse.  Cette  cala- 
mité est  attribuée  surtoutaux  menées  des  piélistes,  qui  sont  en  grand 
nombre  dans  la  ville,  et  qui  ont  une  grande  influence  sur  toutes  les 
classes  de  la  société. 

*,*  Madrid. — Barrez  met  en  scène  au  théâtre  del  Girco  la  Hermosa 
Uijn  de  Gand.  Il  est  question  d'y  introduire  une  Polka  dansée  par 
l'aérienne  Guy  Slephan. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


Publications  de  E.  CHAIiIiIOT,  rue  Saint -Honoré,  336. 

KOIÏEIIE  ÉDITION  PAUFillTE  des  24  ÉILIDES  de 


Le  C/tirogymnasle  est  un  asseniblajfe  de  neaf appa- 
reils gymnastiques  destinés  à  donner  de  Vexlension  à 
la  mam  et  de  l'écart  aux  doigts  à  augraenlerelà  égalt^ 
ser  leur  force  el  à  rendre  le  quatrième  et  \ecinqnième 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnœste 
i>été  aussi  approuvé  el  adopté  par  MM.  Adam,  Dertini, 
ne  Bcriot,  Cramer,  Herz.  Kalkbreuner,  Listz,  Moschelès 
PrufXtnti^  Sivon.ThalbeTg,  T ulou,  Zimmermann,  elc, 

v"haque  Chirogymnasie  est  revêtu  de  la  signature 
de  L*invenleur  et  se  vend  place  de  la  Bourse,  w  13, 
àhuitapparsils,  50fr.,àneufapp,G0(r.,  méthode,^fr. 


Les  expéditions  sont  faites  contre  remboursement,  ^rir»  franca* 


Inventé  par   C.  MAnTÏN 

Fadeur  dv  Piano», 
-  BREVETE  DU  ROI 

Fl»ce  de  la  ItuiiB-.<«e.  iS. 

Approuvé  par  rin.slitct 
et  adopté   dans  leM  vh%HsfiB 
desCOWSERTATOIRES 

de  Pari»  et  de  Eondroii« 


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suivie  d'un  GRAND  EXERCICE  dans  tous  les  tons  majeurs  el  mineurs. 
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mes   ■? 

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Réduction  de  prix.  Garantie  de  2  années.  On  peut,  avant  de  conclure 
un  marché,  comparer  cesinstrumenls  avec  ceux  de  toutautre  facteur. 


196 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS, 


En  -rente,  an  BURE41J  CETVTRAL  DE  IHVSIQCIE,  29,  place  de  la  Bourse,  A  cAté  dn  théâtre  : 

LES  BELLES  DU  NORD,  -  SIX  POLKA 

COMPOSÉES  POUR  LE  PIANO,  PAR  MEMRI    IIERZ, 

ET  ORNÉES  CHACUNE  D'UN  MAGNIFIQUE  DESSIN. 


La  belle  Bohémienne 3  5013.  La  belle  Hongroise 3  5015.  La  belle  Suédoise 

La  belle  Polonaise 3  5ol4.  La  belle  Allemande 3  5o|g.  La  belle  Moscovite, 

Musique  nouvelle  pour  le  Piano. 


3  50 
3  50 


C.-V.  AI.KAN. 

La  Saltarelle .  7  50 

Nocturne 6    » 

Gigue  et  Air  de  ballet,  étude  dans  le  style  ancien   ....  8    » 

Alléluia 4    » 

ffl.  ROSELIiEN. 

Fantaisie  de  concert  sur  3>oni  Sébastien 9    » 

Fantaisie  sur  Mina 8     » 

Fantaisie  sur  Son  Fasquale 9    » 

Fantaisie  sur  le  Code  Noir 8    » 

n.  BERTIIVI. 

Fantaisie  sur  la  sérénade  de  Don  Pasquale 8    » 

Fantaisie  sur  Maria  diRohan     .     .     .     .     .     .     ....  7  50 

C  OSBORl«E. 

Grande  fantaisie  sur  Dom  Sébastien 9    » 

Ad.  lECARPEWTIER.  (Facile.) 

Bagatelle  sur  Mina 6    » 

Bagatelle  sur  Maria  di  Rohan    .     .    ' (3     » 

Bagatelle  sur  Dont  Sébastien 6» 

Bagatelle  sur  Don  Fasquale 6     » 

Cavaline  de  Don  Basquale ,  variée 6    » 

Fantaisie  sur  Dom  Sébastien 7  50 

Bagatelle  à  quatre  mains  sur  Dom  Sébastien 6    » 

Fantaisie  sur  Maria  di  Rohan 6     » 

Bagatelle  sur  le  Code  Noir 7  50 

Fantaisie  sur  le  Voile  Blanc 7  50 

C.  CZERIKV. 

Marche  funèbre  de  Dom  Sébastien 5    o 

La  même ,  à  quatre  mains 6    » 

Ci.  DOl^IIZETTI. 

Trois  cahiers  de  Mosaïque  sur  Maria  di  Rohan,  chaque.  .  8     » 


Valse  de  Dom  Sébastic 


Amb.    THOSIAS. 


Suite  de  valses  de  Mina 6 


E.    PREDE1KT. 


La  Sérénade,  souvenirs  de  Schubert 

Souvenirs  de  Beethoven 

L'Hirondelle ,  étude 

La  Ronde  de  Nuit,  étude 

Quatuor  de  Don  Fasquale,  varié 

Andante.  1  Op.  9 

H.  BERZ. 

Fantaisie  de  salon  sur  Don  Fasquale 

Trois  divarlissements  sur  Dom  Sébastien,  chaque 
La  Dansante ,  valse 


Ed.  WOEFF. 

Grand  caprice  sur  Dom  Sébastien 

Grand  duo  à  quatre  mains  sur  Dom  Sébastien. 

Boléro  sur  Maria  di  Rohan 

Boléro  sur  Mina 

Boléro  sur  Don  Fasquale 

B.  PAIVOFKA. 

Six  rêveries  poétiques  et  originales 

E.  BEJAZET. 
Petite  fantaisie  sur  Dom  Sébastien 


Ad.  ADAM. 

Deux  divertissements  sur  Cagliostro ,  chaque 
F.  BEReMLXEER. 

Valse  de  Cagliostro 

Valse  de  Maria  di  Rohan 


Parlitioli,  format  in-8°,  de  CAGLIOSTRO,  opéra-comique  en  3  actes, 

Musique  (Je  AD.    ADAM.  —  P"''  n^'  =  '^^  fr^"*^^- 


Partitions  Piano  et  Chant. 

BOM  SÉBASTIEN.   Opéra  en  5   actes,   musique  de  G. 

Donizetti.  Net 40     » 

B®^"  PASQEAEE.  Opéra-bouffe  en  3  actes ,  musique  de 

G.  Donizetti.  Net 30     » 

—  Opéra-bouffe  en  italien.  Net  .    ...    30    » 

BinVA.  Opéra-comique  en    3    actes ,    musique    d'Amb. 

Thomas.  Net 24     » 

MARSADI  ROBA1V.  Opéra-séria  en  3  actes,  musique  de 

G.  Donizetti.  Net 24     » 

—  Opéra-séria  en  italien.  Net    ...    24    » 

MISERERE  de  G.  Donizetti,  à  une  et   plusieurs  voix  et 

choeurs.  Net 15     » 

ASifflÉElQEE  ET  MÉïiOR.  Opéra-comique  en  1  acte , 

musique  d'Amb.  Thomas.  Net.     15     » 
Musique  iiouf  ITlùte  et  Piauo. 
E.  EEPEES.  4  petites  fantaisies  sur  Don  Fasquale.  Chaq.      4     » 

—  Fantaisie  sur  Don  Fasquale 7  50 

—  Mélodie  sur  la  barcarolle  de  Dom  Sébastien.      6    » 
E.  caKNIX.  2  fantaisies  sur  Mina,  chaque 8    » 


Musi(|ue  pour  Piauo  <S;  Tiolon. 

«I.  EOEIS,  Souvenirs  de  Dom  Sébastien.  2  cahiers,  chaq. 

—  2  Mosaïques  sur  Mina,  chaque  .     .     . 

—  Divertissement  sur  Don  Fasquale  .    . 

—  Divertissement  sur  Maria  di  Rohan  . 

—  Souvenirs  du  Code  Noir 

—  Xi' Amitié ,  Fantaisie  pour  deux  violons 
H.  PAKOFHA.  2  Nocturnes,  piano  et  violon,  sur  Mina. 

—  Fantaisie  brillante,  piano  et  violon.     . 

Ch.  DAMCEA.  lies  Bagueraises  ,  valses,  piano  et  violon. 

iriusique  pour  3  Cornets. 

CORN'ETTE.  Les  Airs  de  Mina ,  2  suites ,  chaque    .    . 

—  Les  Airs  de  Cagliostro,  2  suites ,  chaque. 

—  Les  Airs  de  Dom  Sébastien,  4  suites,  chaq 

—  Les  Airs  de  Maria  di  Rohan.  2  suites  ,  ch, 

FESSY.  Les  Airs  de  Don  Fasquale 

J.  FORESTIER.  Fantaisie  pour  cornet  et  piano  sur  Don 

Fasquale 


7  50 

8  » 

9  » 

7  50 


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LE  BUREAU  CENTRAL  DE  MUSIQUE  A  ACQUIS  LA  PROPRIÉTÉ 
DEUX  PARTITIONS  ITALIENNES  DE  VERDI  :  I  LOIUBARDI  ET  HËMAM. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


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REVUE 


AZEHE  MUSICALE 


BÉDIGEE  PIB 


JIM.  ANDERS,  G.  BENEDIT,  BERLIOZ,  Henbi  BLANCHARD, 

MiDBlCE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DUESBERG,  FÉTIS  père,  EDOUARD  FÉTIS,  STEPBEN  HELLER,    J.  JANIN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  GEOBGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Paraissant  tous  Mes  nhnanches» 

IL  SEBA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GATABNI. 
lie   t"  et   le    15  de  chaque  mois  on   recevra  on  morceaa  de  mnsiqne» 


SOMMAIRE.  Exposition  des  produits  de  l'Industrie  {  premier  ar- 
ticle) ;  parG.-E.  ANDERS.  —  Les  luttes  du  compositeur  (tioi- 
sième  article)  ;  par  J.  MEIFRÈD.— Audi  tion  de  l'orgue  Daublaine- 
Callinet  et  matinée musicalede  M"» Nordet;parH.  BLANCHARD. 
—  Conseils  à  mes  élèves,  de  J.-B.  Cramer;  par  FÉTIS  père. — 
Nouvelles.  —Annonces. 

LA  TROMPETTE  DE  PAILLASSE.  Dessin  deGavarni. 


HïM.  les  Aboonés  rcçoîvcBit  avec  le  prissent  nuiu^'i'o  : 
La  Cloolie  des  Agonisants ,  de  F.  Scbubert ,  transcB-itc 
pour  le  piano  par  Steplien  HeUer. 

€ïpo5xti0n  ics  IproÎJuits  "in  Tînîiustne. 

PREMIER   ARTICLE. 

oici  la  dixième  fois 
que  les  produits  de 
l'industrie  françai- 
se ,  réunis  dans  un 
seul  et  vaste  local , 
se    trouvent  étalés 
aux  yeux  d'un  public  immense  accouru 
de  toutes  parts  pour  contempler  ce  spec- 
tacle vraiment  unique.  Cette  fois  encore, 
comme  aux  expositions  précédentes,  le  nom- 
bre des  exposants  s'est  considérablement  ac- 
|cru.  En  1839  ,  il  s'élevait  à  3,348;  aujour- 
d'hui il  a  atteint  à  peu  près  4,000,  ou,  si 
l'on  aime  mieux  le  chiffre  exact,  il  est  de 
3,963. 

Nous  laissons  à  d'autres  le  soin  de  faire  des  rap- 
prochements statistiques  et  des  réflexions  sur  la 
prospérité  toujours  croissante  des  manufactures  et 
de  l'industrie  en  général.  Ce  que  nous  avons  à  constater  ici , 


'  c'est  la  part  que  la  fabrication  des  instruments  de  musique  et 
'  de  tout  ce  qui  concerne  l'art  musical  a  prise  à  ce  grand  mou- 
;  vcment  de  progrès  industriel.  Cette  part  est  assez  considé- 
I  rable  ;  elle  se  fait  surtout  remarquer  depuis  vingt  ans. 
I      En  effet ,  les  quatre  premières  expositions  furent  presque 
j  nullespour  les  objets  relatifs  à  la  musique  (1).  Ce  ne  fut  qu'à  la 
!  cinquième  (en  1819)  que  les  facteurs  d'instruments  parurent 
en  nombre,  et  encore  ce  nombre  était-il  très  restreint ,  ne  se 
'  montant  en  tout  qu'à  13.  La  sixième  (1823)  réunit  37  expo- 
:  sauts  pour  la  musique,  entre  lesquels  on  distribua  quinze  mé- 
!  dailles.   L'impulsion  était  donnée ,  l'émulation  excitée ,  et 
!  l'industrie  musicale  prit  des  développements  aussi  brillants 
j  que  rapides.  A  la  septième  exposition  (1827)  parurent  57  fac- 
I  leurs  et  luthiers;  à  la  huitième  (1834)  ils  étaient  94;  en  y 
i  ajoutant  les  fabricants  de  cordes  et  d'autres  objets  relatifs  à  la 
I  musique ,  le  nombre  des  exposants  se  montait  à  105.  A  la 
neuvième  (1839)  ce  chiffre,  déjà  considérable,  s'élevait  à  157. 
Aujourd'hui  nous  comptons  sur  le  catalogue  officiel  167  fac- 
teurs d'instruments  qui ,  réunis  aux  fabricants  de  divers  ob- 
jets relatifs  à  notre  spécialiaté ,  forment  un  nombre  total  de 
181  exposants.  Quelle  progression  !  que  sera-ce  à  l'exposi- 
tion prochaine?  Alors  peut-être  les  facteurs  de  pianos,  qui 
se  multiplient  prodigieusement ,  formeront  à  eux  seuls  ce 
chiffre  forraidab'c ,  à  moins  que  le  jury  d'admission  ne  se 
montre  plus  sévère  qu'il  ne  semble  l'avoir  été  cette  fois. 
On  conçoit  que  tout  le  monde  brigue  et  sollicite  l'honneur  de 
figurer  dans  ce  vaste  bazar  national  ;  mais  l'exposition  étant 
principalement  destinée  à  marquer  les  progrès  des  diverses 
branches  de  l'industrie,  on  en  devrait  exclure  tout  ce  qui  ne 
présente  rien  de  neuf  ou  de  remarquable,  et  sous  ce  rapport 
les  pianos  surtout  mériteraient  un  examen  particulier  avant 
d'être  admis.  A  quoi  bon  entasser  là  une  multitude  de  ces 
instruments  qui ,  sans  être  précisément  mauvais ,  sont  au 


(1)  Voy.  la  Gazelle  musicale  de  1839,  n»  19,  où  nous  avons  donné 
un  aperçu  historique  sur  les  diverses  expositions. 


BUILEA1TX    D'ABOHNEMENT,    RUE  RICHEX.IEU,    97. 


198 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


moins  très  ordinaires,  et  dont  l'admission  n'a  d'autre  résultat 
que  de  priver  de  la  place  sufiTisante  des  facteurs  de  mérite 
qui  ont  tenté  des  innovations  heureuses  et  réellement  fait 
progresser  leur  art? 

Du  reste  ,  si  les  industriels  montrent  beaucoup  d'empres- 
sement à  se  faire  inscrire  sur  les  rôles  d'admission  ,  ils  ap- 
portent une  lenteur  impardonnable  à  la  confection  et  à  l'en- 
voi des  objets  destinés  h  participer  au  grand  concours.  Cette 
fois  plus  que  jamais  tout  le  monde  a  été  en  retard.  A  l'ouver- 
ture rien  n'était  prêt ,  le  désordre  régnait  partout ,  et  c'est  à 
peine  si  à  l'heure  qu'il  est  l'exposition  (nous  ne  parlons  que 
de  l'exposition  musicale)  se  trouve  complète  en  apparence. 
Nous  disons,  en  apparence,  car  elle  ne  l'est  pas  encore 
réellement.  Beaucoup  de  pianos  ne  remplissent  toujours 
que  provisoirement  la  place  qu'on  avait  hâte  d'occuper, 
crainte  de  la  perdre.  Peu  à  peu  ils  la  céderont  aux  véritables 
instruments  de  concours,  qui,  commencés  trop  tard,  s'achè- 
vent en  ce  moment  dans  les  ateliers.  Nous  connaissons  des 
facteurs  qui  arriveront  juste  avant  la  clôture  ,  si  toutefois  ils 
arrivent,  ce  qui  n'est  pas  encore  certain. 

Espérons  qu'un  pareil  état  de  choses  ne  se  renouvellera 
pas  la  prochaine  fois ,  et  qu'à  l'avenir  on  saura  prendre  des 
mesures  pour  que  l'exposition  soit  complète  dès  le  commen- 
cement,  dût- on  en  exclure  des  objets  remarquables,  mais 
apportés  trop  tard. 

En  général ,  la  faculté  accordée  aux  exposants  de  changer 
continuellement  leurs  objets  et  d'en  apporter  de  nouveaux 
jusqu'à  la  fin  de  l'exposition  présente  des  inconvénients, 
d'abord  pour  le  visiteur,  qui  se  trouve  désappointé  en  vou- 
lant examiner  un  objet  qu'il  a  remarqué  la  veille  et  qu'il  ne 
retrouve  plus  le  lendemain;  puis,  ce  qui  est  plus  grave,  elle 
nuit  aux  exposants  mêmes  :  nous  voulons  parler  de  ceux  qui , 
exacts  à  l'appel ,  se  sont  efforcés  d'être  prêts  dès  l'ouverture. 
Ceux-ci,    loin   d'être  récompensés  de  leur  exactitude  par 
quelque  avantage,   n'en  éprouvent,   au  contraire,   qu'un 
préjudice  plus  ou  moins  réel.  En  effet ,  un  facteur  <vt-il  fait 
quelque  découverte  importante ,  introduit  dans  un  instru- 
ment une  amélioration  utile,  la  jalousie  s'en  émeut,  la  riva- 
lité s'en  empare.   D'autres  facteurs  se  hâtent  de  mettre  à 
profit  cette  idée  ou  de  la  reproduire  ;  et  comme  ils  ont  devant 
eux  deux    mois  pour   construire   un   instrument,    ils   ar- 
rivent  aisément   au  concours  décisif  avec  une  invention  à 
laquelle  ils  n'auraient  pas  pensé.  Le  brevet,  dites-vous,  est 
là  pour  empêcher  la  contrefaçon  ;  mais  le  brevet  ne  garantit 
que  les  procédés  employés  pour  obtenir  un  résultat.   Si  ce 
résultat  peut  s'obtenir  avec  d'autres  moyens  ,  tout  le  monde 
est  libre  de  le  faire.  Ainsi  le  facteur  qui  eût  été  le  seul  à  faire 
valoir  devant  le  jury  telle  ou  telle  découverte  se  trouvera  en 
face  d'un  concurrent  sur  lequel  il  ne  comptait  pas,  et  auquel 
il  a  fourni  lui-même  les  armes.  Si  celte  émulation  tourne  au 
profit  des  arts,  elle  est  préjudiciable  à  l'industriel  qui  par- 
ticipe à    grands  frais  au    concours,    et  ne  manquera  pas 
d'exercer  une  influence  fâcheuse  "sur  l'exposition  suivante, 
si  l'on  n'adopte  des  mesures  telles  que  nous  les  réclamions 
plus  haut  ;  car  tous  ceux  qui  auront  quelque  chose  de  neuf 
à  montrer  le  cacheront  soigneusement,  et  attendront  la  fin 
de  l'exposition;  en  sorte  que  cette  exposition  n'existera  pas 
pour  le  public,  mais  uniquement  pour  le  jury,  qui,  seul, 
aura  devant  lui  l'ensemble  des  objets.   Déjà  en  ce  moment 
cette  influence  se  fait  sentir.  Nous  pourrions  citer  un  facteur 
dont  l'instrument  vient  d'être  terminé,  mais  qui  refuse  de 
le  faire  voir,  craignant  les  indiscrétions  et  les  imitateur.s. 

Nous  n'avions  donc  pas  trop  à  nous  presser  pour  commen- 
cer notre  compte-rendu  ;  nous  commencerions  même  aujour- 


d'hui encore  trop  tôt ,  si  nous  persistions  à  vouloir  suivre 
dans  notre  examen  une  marche  régulière,  méthodique  et 
c'était  là  notre  intention.  On  avait  annoncé  des  découvertes  im- 
portantes ;  on  parlait  de  procédés  analogues ,  d'innovations 
semblables  appliquées  au  même  instrument.  Nous  aurions  dé- 
siré avoir  sous  les  yeux  simultanément  ces  diverses  tentatives, 
pour  les  rapprocher,  les  comparer  entre  elles.  Mais  nous  n'at- 
tendrons pas  plus  longtemps  les  retardataires;  et  puisque 
nous  ne  pouvons  faire  autrement,  nous  irons  au  hasard ,  en 
prenant  isolément  ce  que  nous  aur  ions  voulu  réunir. 

Nous  ne  dirons  rien  sur  l'arrangement  des  salles  ni  sur  la 
distribution  des  cases  ;  nos  observations  ne  changeraient 
rien  à  l'état  actuel  des  choses  ;  mais  nous  exprimons  pour 
l'avenir  un  vœu,  qui  sera  partagé  par  tous  les  visiteurs,  c'est 
qu'on  adopte  pour  le  casement  un  mode  plus  convenable  et 
propre  à  faciliter  la  recherche  d'un  objet  que  l'on  désire 
voir  de  préférence.  Sous  ce  rapport  rien  ne  vous  guide  dans 
ces  vastes  galeries  ,  où  il  est  souvent  impossible  de  découvrir 
le  numéro  que  vous  indique  le  catalogue.  Vainement  vous 
vous  adressez  aux  gardiens ,  qui  ne  peuvent  connaître  l'em- 
placement de  chaque  objet.  C'est  le  catalogue  seul  qui  de- 
vrait fournir  l'indication  que  vous  désirez  ;  et  rien  ne  serait 
plus  facile  que  d'obtenir  ce  résultat.  Voici  comment  : 

Les  numéros  d'ordre  donnés  aux  exposants  lors  de  leur 
admission  ou  inscription  devraient  n'être  que  provisoires. 
Après  l'organisation  de  la  salle  et  la  distribution  des  cases ,  ils 
seraient  changés  contre  des  numéros  définitifs  que  l'on  ferait 
suivre  à  la  file,  et  d'après  lesquels  on  rédigerait  le  catalogue; 
de  cette  façon  il  serait  aisé  de  s'orienter  dans  chacune  des 
galeries  comme  dans  une  rue,  et  de  se  diriger  vers  l'em- 
placement que  l'on  cherche. 

Puisque  nous  parlons  du  catalogue  ,  nous  y  signalerons 
une  lacune  qui  nous  semble  importante.  Pour  atteindre  entiè- 
rement son  but  d'utilité  ,  il  devrait  contenir  une  table  mé- 
thodique ,  présentant  les  objets  classés  par  catégories ,  "en 
sorte  que  l'on  pût  embrasser  d'un  coup  d'œil  ce  qui  appar- 
tient à  chaque  branche  de  l'industrie.  Nous  avons  entrepris 
ce  travail  relativement  à  notre  spécialité  ,  et  le  résultat  que 
nous  allons  en  présenter  ne  sera  pas  sans  intérêt  pour  nos 
lecteurs. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  la  partie  musicale  se  compo- 
sait de  181  exposants.  En  voici  le  relevé  d'après  les  diverses 
catégories  : 


Pianos 

Orgues  d'église 

Orgues   expressives 

Instruments  à  vent 

Luthiers 

Instruments  et  appareils  nouveaux. 
Cloches ,  timbres ,  carillons.     . 

Cordes 

Objets  d'acoustique 

Impression  de  musique.     .     .     . 


89 

7 

10 

29 

18 

6 

5 

5 

U 

U 

177 
En  y  ajoutant  l'auteur  d'un  tableau  pour  la  facture  cle 
l'orgue,  et  (pour  ne  pas  oublier  des  choses  de  moindre  im- 
portance, mais  qui  s'adressent  toujours  aux  musiciens)  deux 
exposants  de  pupitres,  ainsi  que  l'inventeur  des  chaises  rec- 
tofjrades,  adoptées  par  le  Conservatoire  de  musique,  on  aura 
le  chiffre  que  nous  avons  indiquét. 

On  s'étonnera  peut-être  de  trouver  ici  des  chaises  classées 
parmi  les  objets  de  musique;  mais  ces  chaises ,  adoptées  par 
le  Conservatoire,  ont  trouvé,  il  y  a  quelques  mois,  place 


DE  PARIS. 


199 


dans  la  Gazette  musicale  où  une  longue  annonce  faisait  va- 
loir leur  haute  utilité  ,  leur  usage  indispensable  pour  les  pia- 
nistes et  les  harpistes.  Pouvions-nous  les  passer  sous  silence 
et  encourir  ainsi  le  reproche  d'une  grave  omission?  D'ail- 
leurs la  chaise  va  de  plus  en  plus  se  rattacher  à  l'industrie 
musicale  ou  à  certains  instruments;  car  dès  que  le  piano  sera 
parvenu  à  neuf  octaves ,  on  ne  pourra  se  passer  de  chaises 
horizonlalogvades  dont  plusieurs  mécaniciens,  dit-on,  s'oc- 
cupent déjà  sérieusement. 

Dans  les  cinq  années  qui  se  sont  écoulées  depuis  la  dernière 
exposition,  la  fabrication  des  instruments  a  fait  de  grands 
progrès.  Les  pianos  ont  reçu  d'importantes  améliorations  ,  les 
orgues  se  sont  enrichies  de  précieuses  découvertes ,  et  plu- 
sieurs instruments  à  vent,  tant  en  bois  qu'en  cuivre,  ont 
subi  une  réforme  presque  complète. 

Quant  à  l'invention  de  noms  nouveaux  el  bizarres  dont  les 
facteurs  ne  sont  que  trop  prodigues  pour  désigner  des  modi- 
fications, souvent  peu  importantes,  apportées  aux  instru- 
ments ,  il  nous  semble  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  progrès.  On  peut 
même  dire  que;  sous  ce  rapport,  le  présent  pâlit  devant  le 
passé.  En  ISSa  nous  avions  un  piano  apythménolamprolé- 
rique ;  aujourd'hui  nous  ne  trouvons  qu'un  piano  harmono- 
mctre,  et  un  piano  trémolophone.  Toutefois,  l'accordéon,  ce 
véritable  Protée ,  qui  se  transforme  de  mille  manières ,  se 
présente  déguisé  de  nouveau  sous  un  nom  qui  nous  a  frappé, 
moins  cependant  par  sa  longueur  que  par  son  harmonieuse 
combinaison.  On  jouera  à  l'avenir  (supposé  qu'on  adopte 
l'instrument  )  du  Mélo-Courtier  ou  bien  de  VEolie-Cmtr- 
tier,  comme  on  voudra ,  car  on  a  le  choix  entre  les  deux 
noms  :  l'un  se  trouve  inscrit  au  catalogue ,  l'autre  est  indi- 
qué sur  l'écriteau  placé  devant  la  case  de  l'exposant.  Mais 
laissons-là  les  mots  pour  nous  occuper  des  choses. 

A  chaque  exposition  on  voit  paraître  quelque  instrument 
nouveau ,  quelque  découverte  étrange ,  productions  éphé- 
mères dont  les  auteurs  se  promettent  monts  et  merveilles , 
mais  qui ,  en  dépit  de  nombreuses  et  ronflantes  réclames,  ne 
tardent  pas  à  tomber  dans- un  oubli  profond.  Toutes  les  ten- 
tatives de  perfectionnement  qu'on  nous  présente  aujourd'hui 
ont-elles  été  heureuses  ?  toutes  les  innovations  sont-elles  réel- 
lement neuves?  voilà  ce  cju'il  s'agit  d'examiner.  Ici  notre 
tâche  commence  ;  nous  chercherons  à  la  remplir  avec  l'im- 
partialité dont  nous  croyons  avoir  fait  preuve  dans  nos  tra- 
vaux précédents. 

G-.E.  Ajvders. 


LES  LUTTES  DU  OOSHPOSITEUR. 

(Troisième  article*.) 

II. 
£<'..'&  asditioii. 

I  eus  avons  défini  Y  audition  «.  une  répétition 
»  d'essai  faite  par  des  exécutants  qui ,  faute 
»  de  préparation  suffisante ,  n'entendent  pas 
»  ce  qu'ils  sont  chargés  d'exprimer,  et  où  les 
»  auditeurs  qui  doivent  décider  en  dernier 
ressort  du  mérite  de  l'œuvre  et  du  sort  du  compositeur  , 
se  donnent  rarement  la  peine  d'écouter  ce  qui  est  offert  à 
leur  appréciation.  » 

(")  Voiries  numéros  12  et  19. 


Un  récit  abrégé  mais  fidèle  des  circonstances  tragi- comi- 
ques qui  se  présentent  régulièrement  à  chacune  de  ces  céré- 
monies singulières  ,  dont  le  mot  audition  donne  une  idée  si 
peu  claire  ,  va  justifier  d'une  éclatante  façon  l'exaclitudc  ri- 
goureuse de  cette  définition ,  en  apparence  fantasque  et  para- 
doxale, en  réalité  positive  comme  l'algèbre. 

A  force  de  peines,  de  soins,  de  ruses,  de  recommandations  et 
d'obsessions,  l'être  infortuné  dont  nous  avons  tâché  d'esquis- 
ser les  luttes  obtient  d'un  directeur  quelconque  la  permis- 
sion de  faire  exécuter  quelques  morceaux  de  sa  composition, 
par  les  artistes  du  théâtre  soumis  à  l'autorité  de  ce  directeur , 
à  condition,  toutefois,  que  les  artistes  daigneront'concourir, 
de  leur  plein  gré,  à  cette  œuvre  de  bienfaisance  :  le  directeur 
ne  voudrait,  pour  rien  au  monde,  que  l'audition  fût  considé- 
rée comme  une  affaire  officielle,  et  que  ceux  qui  s'y  em- 
ploient pussent  alléguer  la  fatigue  qu'elle  leur  a  occasionné, 
pour  se  dispenser  de  jouer  ou  de  chanter.  Il  s'agit  simple- 
ment de  re?i(/re  vn  service;  mais  non,  comme  on  dit  en  termes 
de  théâtre,  de  faire  son  service.  Je  prie  ceux  qui  veulent  bien 
me  lire  de  pardonner  à  cet  exécrable  jeu  de  mots,  dont  je 
ne  pourrais  me  passer  pour  .signaler  l'abîme  énorme  qui  sé- 
pare l'audition ,  d'où  doit  dépendre  l'avenir  de  toute  une 
existence  ,  de  la  plus  mince  répétition  du  plus  chélif  ouvrage 
reçu  d'une  manière  quelconque  par  le  directeur. 

Au  fait,  pour  qui  se  gênerait-on?  pour  un  compositeur  qui 
commence  sa  carrière  !  cela  n'en  vaudrait  véritablement  pas 
la  peine.  On  l'entendra  comme  on  pourra,  comme  on  voudra; 
peiit-êlre  ne  l'entendra-t-on  pas;  après  tout,  où  est  le  mal? 
pour  un  compositeur  de  plus  ou  de  moins,  le  privilège  ne 
finira  pas  un  jour  plus  tôt,  lesclaqueursne  produiront  pas  un 
succès  de  plus.  Oh  !  s'il  s'agissait  de  juger  un  parricide  pris  en 
flagrant  délit,  un  voleur  saisi  la  main  dans  le  sac  ,  ou  même 
quelque  honnête  escroc  déçu  dans  ses  spéculations  par  l'in- 
différence du  siècle  ,  les  choses  se  passeraient  de  tout  autre 
façon.  On  assemblerait  des  juges,  on  convoquerait  des  jurés, 
on  armerait  la  garde  municipale ,  on  distribuerait  aux  per- 
sonnes du  beau  sexe  avides  d'émotions  des  billets  de  parquet, 
des  loges  de  galerie  ,  des  stalles  de  prétoire;  le  procureur  du 
roi  répandrait  à  pleines  mains  les  fleurs  de  rhétorique  sur  le 
réquisitoire  accusateur ,  et  la  société ,  dans  sa  sollicitude, 
nommerait  un  défenseur  d'office  au  coupable...  Mais,  entou- 
rer un  jugement  d'où  doit  dépendre  le  sort  d'un  honnête 
jeune  homme  ,  plein  de  talent  peut-être,  de  quelques  garan- 
ties, quand  ce  jeune  homme  n'a  ni  volé,  ni  assassiné,  ni  même 
escroqué  !  quand  tout  son  crime  se  réduit  à  avoir  travaillé 
comme  un  galérien  pour  apprendre  une  science  inabordable 
et  à  tâcher  de  tirer  quelque  fruit  de  ces  études  si  longues  et 
si  pénibles!  en  vérité  cela  serait  puéril,  niais,  ridicule,  et  ne 
vaut  pas  la  peine  qu'on  y  pense  ! 

Aussi  n'y  pense-t-on  pas. 

Mais  le  jeune  compositeur,  tout  fier  d'avoir  arraché  cette 
faveur  inespérée ,  cette  promesse  d'audition  qu'il  sollicitait 
depuis  long-temps,  y  pense  pour  tout  le  monde ,  lui  ;  et  con- 
naissant la  vaste  étendue  des  devoirs  qui  lui  sont  imposés, 
n'ignorant  pas  que  son  activité,  son  infatigable  ardeur,  peu- 
vent en  cette  solennelle  occasion  lui  donner  de  précieux  avan- 
tages, il  va,  vient ,  sourit,  supplie,  sollicite,  et  reçoit,  pour 
prix  de  tant  d'efforts ,  la  promesse  que  lui  font  quelques 
chanteurs  et  tous  les  instrumentistes  de  l'orchestre,  de  se 
rendre  au  théâtre  et  d'y  exécuter  son  œuvre  au  jour  fixé.  En 
ceci,  comme  en  beaucoup  d'autres  choses,  le  zèle  des  artistes, 
leur  bonne  volonté,  un  vif  sentiment  des  liens  qui  les  unissent 
en  une  grande  et  noble  famille,  suppléent  autant  que  possible 
à  la  défectueuse  organisation  des  affaires  musicales. 


200 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Dans  les  heures  d'angoisses  que  le  jeune  compositeur  passe 
.  de  la  promesse  d'audiiion  à  l'accomplissement  de  cette  pro- 
messe, pas  une  minute  ne  s'écoule  sans  qu'il  soit  plongé  dans 
les  plus  vives  inquiétudes.  Tout  le  monde  viendra-l-il?  les 
chanteurs  seront-ils  prêts?  aurai-je  le  temps  d'orchestrer 
mes  morceaux?  la  copie  sera-t-elle  terminée?  et  enfin  réussi- 
rai-je  à  obtenir  un  poëme  ?  Questions  puériles,  niaises  ou  ri- 
dicules pour  des  indifférents,  mais  qui  reçoivent  des  circon- 
stances un  caractère  d'anxiété ,  de  terreur ,  qui  les  élève  à  la 
hauteur  d'un  problème  terrible,  d'où  va  dépendre  ou  la 
gloire  ou  la  honte,  le  renom  ou  l'oubli ,  ce  linceul  de  l'ar- 
tiste, plus  redouté  par  lui  que  le  pâle  suaire  du  tombeau. 

Il  arrive  enfin  ce  jour  trois  fois  terrible  qui  porte  dans  ses 
flancs  la  redoutable  énigme,  leto  be  or  not  to  6e,  du  pâle  com- 
positeur, qui,  rassemblant  ses  forces,  ranimant  son  audace,  se 
présente  dans  l'arène  avec  la  puissance  intérieure,  l'air  sou- 
riant et  calme  du  gladiateur  romain  ;  mais  il  n'a  pu,  comme 
le  prudent  alhlète,  se  préparer  de  longue  main  au  dangereux 
exercice  du  cirque.  Pris  à  l'improvistc ,  averti  trop  tard  et  ne 
voulant  pas  laisser  échapper  une  occasion  précieuse ,  il  ne 
vient  pas  au  combat  avec  toutes  ses  armes;  quelques  mor- 
ceaux composés  sans  but  déterminé,  orchestrés  à  la  hâte, 
écrits  dans  le  diapason  naturel  des  voix,  mal  écrits  peut-être 
pour  la  circonstance;  de  la  musique  faite  sur  des  paroles  in- 
signifiantes, dues  à  la  verve  de  quelque  poète  incompris ,  ou 
à  celle  —  horrendum  !  —  des  amateurs  qui  le  protègent, 
telles  sont  les  pièces  de  conviction  du  grand  procès  qui  va  se 
juger. 

A  l'heure  indiquée  ,  tous  les  exécutants  sont  à  leur  poste, 
où  ils  se  sont  rendus  avec  cette  ponctualité  que  la  discipline 
des  théâtres  fait  passer  à  l'état  d'habitude. 

La  rampe  s'allume,  les  chanteurs  paraissent  sur  la  scène 
avec  leur  cahier  à  la  main  ,  et  le  juge  suprême,  le  directeur, 
fait  son  apparition  dans  quelque  coin  de  la  salle,  au  milieu 
d'un  groupe  d'amis  qui  sont  censés  former  un  comité,  mais 
qui ,  en  dernière  analyse ,  se  garderaient  bien  d'émettre  une 
opinion  ou  de  porter  un  jugement  contraire  à  l'opinion  ou  au 
jugement  de  l'aulorilé  dramatique.  Enfin  le  chef  d'orchestre 
donne  le  signal,  et  Vandilion  commence. 

C'est  surtout  dans  ces  occasions  rares  et  curieuses  qu'on 
peut  apprécier  les  beaux  résultats  de  l'éducation  musicale 
donnée  aux  artistes  parisiens  par  le  Conservatoire.  Sauf  les 
chanteurs  qui  ont  eu  lu  temps  de  jeter  un  rapide  coup  d'oeil 
sur  la  partie  qui  leur  est  confiée,  tout  le  monde  lit  à  première 
vue,  et  c'est  merveille  d'entendre  cette  exécution  pourain.si 
dire  improvisée,  rendre  avec  la  dernière  exactitude  les  formes 
matérielles  do  la  pensée  des  compositeurs,  et  souvent  les  in- 
tentions plus  secrètes,  les  nuances,  les  accents,  les  tours  du 
style,  les  finesses  de  l'expression. 

A  la  fin  de  chaque  morceau  les  amis  du  compositeur  frap- 
pent sur  leurs  instruments  ou  sur  leur  pupitre,  pour  l'applau- 
dir et  l'encourager,  et  ses  ennemis,  s'il  en  a,  viennent  lui 
montrer  les  fautes  de  copie  qui  peuvent  se  trouver  dans  les 
cahiers,  ou  même,  —  ceci  est  le  irait  le  plus  noir  qu'ils  puis- 
sent inventer, — lui  signaler,  cemme  fautes  de  copie,  quelques 
hardiesses  harmoniques  sur  lesquelles  l'infortuné  récipien- 
daire comptait  pour  manifester  sa  haute  science,  son  génie 
des  combinaisons  musicales,  et  son  horreur  pour  les  formes 
banales  et  épuisées  par  un  usage  trop  fréquent. 

A  ce  bruit  d'applaudissements,  à  ces  mouvements  divers, 
le  groupe  directorial  interrompt  la  conversation  à  laquelle  il 
se  livrait  avec  une  attention  religieuse,  et  tâche  de  se  rendre 
compte  du  véritable  effet  produit  sur  les  exécutants  par  la 
musique  qu'ils  viennent  de  jouer;  et  lorsqu'un  nouveau  mor-  ! 


ceau  commence,  la  conversation ,  si  malheureusement  inter- 
rompue ,  suit  son  cours  naturel  jusqu'à  une  nouvelle  inter- 
ruption ,  occasionnée  par  les  mêmes  motifs. 

Le  programme  s'épuise  enfin  ,  et  l'audition  est  achevée. 
Les  amis  du  compositeur  le  félicitent,  les  indifférents  lui  font 
quelque  léger  signe  d'approbation  ,  les  ennemis  s'enfuient , 
emportant  leurs  instruments,  et  le  directeur,  suivi  de  sa  cour, 
à  la  faveur  de  tous  ces  incidents  s'éclipse  par  quelque  issue 
.secrète  que,  par  une  attention  délicate,  le  régisseur  a^ait  eu 
soin  de  lui  ménager. 

Et  le  jeune  compositeur,  venu  là  pour  se  faire  juger,  at- 
tend son  arrêt;  fatal  ou  favorable,  il  veut  à  toute  force  que 
son  jugement  soit  prononcé.  Mais  les  juges  ont  disparu  ,  et 
dans  la  salle  déserte,  il  ne  voit  plus  que  le  pompier  protec- 
teur, éteignant  soigneusement  les  quinquets  ;  il  n'entend  plus 
que  le  garçon  de  théâtre  lui  offrant  le  fil  d'Ariane  qui  doit 
le  guider  pour  sortir  de  ce  labyrinthe  de  trappes,  de  corridors, 
d'escaliers  démantelés,  de  détours  inextricables  dont  se  com- 
pose tout  théâtre  un  peu  complet;  et  tout  absorbé  par  sa  rê- 
verie, il  se  laisse  conduire  machinalement  jusqu'à  la  porte 
extérieure,  où  la  vive  lumière  du  soleil,  en  le  frappant  avec 
violence ,  le  fait  sortir  de  sa  torpeur. 

Et  voilà  précisément ,  de  point  en  point,  sans  omission, 
surcharge  ni  altération  d'aucune  espèce ,  ce  qu'en  termes  de 
théâtre  on  appelle  une  audition. 

.1.    MlîIFRED. 


AUDITION  DE  mm  immmmum 

A  l'EXPOSri'IOÎt  DES  PRODUITS  DE  L'INDUSTRIE. 


Matinée  musicale  de  MUe  3^orclet  chez  PS.  ?ape. 

ne  nombreuse  société  d'artistes,  dejourna»- 
listes  et  d'amateurs  s'était  rendue  un  jour  et 
une  heure  réservés  de  cette  semaine,  sur  l'in- 
vitation de  la  maison  Daublaine-Callinet.dans 
une  des  galeries  do  l'Exposition  des  produits 
de  l'industrie ,  à  l'effet  d'entendre  un  orgue  touché  par 
M.  He.sse ,  habile  organiste  de  Breslau.  Cette  audition  offrait 
le  double  attrait  de  vous  faire  coimaître  un  des  plus  parfaits 
instruments  de  la  fabrication  française  et  de  vous  faire  re- 
trouver le  vrai  style  de  l'orgue,  qui  se  perd  tous  les  jours  de 
plus  en  plus  dans  ce  pays-ci,  où  l'on  se  vante  d'aimer  la  bonne 
musique.  M.  Hesse  nous  a  d'abord  fait  entendre  une  fantaisie 
en  style  fugué,  puis  le  God  save  ihe  king  varié  par  Spohr, 
et  enfin  une  admirable  fugue  en  sol  mineur  de  Sébastien  Bach 
qui  a  permis  d'entendre  ce  magnifique  instrument  dans  toute 
la  richesse  de  ses  jeux,  dans  toute  sa  puissante  sonorité,  dans 
toute  la  perfection  enfin  dont  il  a  été  doté  par  les  fadeurs  de 
talent  qui  l'ont  confectionné.  C'est  à  celte  audition  qu'on  a  pu 
apprécier  l'égalité  du  son  provenant  du  nouveau  mode  de 
soufflerie  empruntée  aux  facteurs  anglais  ,  auquel  on  a  ajouté 
comme  perfectionnement  un  appareil  qui  neutralise  les  se- 
cousses du  vent  et  donne  la  facilité  de  soumettre  ce  vent  à 
différenles  pressions  dans  le  même  réservoir,  et  permet  d'ob- 
tenir par  ce  moyen  plus  de  variété  et  d'expression.  C'est  à 
fi!.  Barker  que  l'on  doit  celte  amélioralion  ou  ,  pour  mieux 
dire ,  celte  inléressante  découverte  pour  laquelle  il  a  pris 
brevet.  Le  mécanisme  invenlé  par  M.  Barker  a  pour  résul- 
tat, indépendamment  d'une  foule  d'autres  avantages,  d'avoir 
adouci  singulièrement  le  toucher  de  l'orgue  à  ce  point  qu'un 
pianiste  peut  maintenant  jouer  de  ce  bel  instrument  sur  le- 


DE  PARIS, 


201. 


quel,  avant  cette  précieuse  découverte,  le  plus  habile  pianiste 
était  fort  gêné,  paralysé  même  par  la  résistance  que  lui  op- 
posait chaque  touche  du  clavier  de  l'orgue.  Nous  ne  décri- 
rons point  ici  les  moyens  mécaniques  employés  pour  arriver 
à  ce  beau  résultat,  ne  voulant  pas  effaroucher  les  lecteurs  de 
la  Gazelle  musicale  et  surtout  ses  lectrices  par  des  termes 
trop  techniques;  nous  ne  leur  parlerons  pas  plus  longue- 
ment des  accouplements  d'octaves,  richesse  et  puissance 
d'unissons  qui  résultent  de  la  découverte  de  M.  Barker; 
nous  ne  nous  étendrons  pas  davantage  sur  les  jeux  expres- 
sifs par  la  pression  de  l'air  sur  des  jeux  à  anches 
libres  ,  invention  due  à  un  Français ,  M.  Grenié,  et  perfec- 
tionnée par  MM.  Cosyn  et  MuUer,  pensant  qu'il  vaut  mieux 
laisser  jouir  le  public  des  beaux  résultats  obtenus  par  des 
hommes  patients,  chercheurs,  consciencieux,  que  de  lui  don- 
ner mathématiquement  les  raisons  du  plaisir  qu'il  éprouve 
en  écoutant  ce  puissant  et  solennel  instrument. 

Après  la  pensée  classique  et  logique  de  M.  Hesse,  après 
son  style  pur  et  toujours  puisé  dans  la  fugue,  ce  qu'il  faut 
admirer  le  plus  dans  son  exécution ,  ce  sont  les  évolutions  de 
ses  pieds,  qui,  au  dire  des  organistes,  manœuvrent  d'une  mer- 
veilleuse manière.  Talma  trouvait  que  dire  ,  jouer,  réciter, 
déclamer  un  rôle  étaient  des  expressions  insuffisantes  pour 
bien  exprimer  une  création  dans  son  art;  et  il  prétend, 
dans  ses  mémoires,  que  le  verbe  anglais  to  act  (agir)  est  plus 
énergique,  plus  significatif,  plus  logique,  plus  expressif  qu'au- 
cun de  nos  mots  français.  D'après  cela  l'on  peut  dire,  en  voyant 
agir  le  savant  artiste  allemand ,  que  si  l'orgue  de  la  maison 
Daublaine-Callinet  est  parfait  de  la  base  au  faîte,  M.  Hesse 
est  un  organiste  complet  de  la  tête  jusqu'aux  pieds. 

—  M"'  Clara  Nordet  est  une  jeune  cantatrice  qui  vient  d'en- 
trer pour  la  première  fois  dans  la  carrière  des  concerts  au 
moment  oîi  la  saison  des  concerts  finit  :  elle  a  donné  diman- 
che passé,  dans  les  salons  de  M.  Pape,  une  matinée  musicale 
qui  avaitencyre  attiré  un  assez  nombreux  auditoire.  M"''  Clara 
Nordet  possède  une  bonne  et  belle  voix  de  soprano  dont  elle 
se  sert  avec  art.  Dans  le  duo  de  la  Liicia,  qu'elle  a  dit  avec 
M.  Corradi ,  dans  un  autre  morceau  de  Donizetti  et  l'air 
à.'OEdii>e  :  Dieux  ,  ce  n' esl  pas  pour  moi  que  ma  voix  vous 
implore ,  la  jeune  bénéficiaire  a  montré  que  les  deux  mé- 
thodes italienne  et  française  lui  sont  familières  ;  et  quand  elle 
aura  su  se  faire,  par  l'habitude  de  chanter  en  public,  une  in- 
dividualité, qu'elle  pourra  payer  sans  crainte  un  tribut  à  l'ex- 
pression ,  à  l'inspiration  ,  M"'  Nordet  prendra  place ,  et  ce 
moment  n'est  pas  loin ,  parmi  nos  plus  remarquables  canta- 
trices. Elle  a  été  fort  bien  secondée  dans  cette  tardive  exhi- 
bition musicale  par  le  jeune  Bernardin,  qui  n'est  plus  le  petit 
Bernardin,  qui  monte  toujours  sa  chanterelle  un  peu  trop 
haut ,  et  qui  accorde  un  peu  trop  souvent  son  violon  sur  les  i 
ritournelles  de  son  accompagnateur,  ce  qui  est  peu  agréable 
pour  les  oreilles  de  ses  auditeurs.  M.  Vautier  a  exécuté  une  ; 
fantaisie  sur  le  mélophone,  sorte  de  viole  d'amour  qui  a  de  la  j 
peine  à  se  faire  adopter  par  la  grande  famille  inslruracnlale,  ', 
et  qui  cependant  prête  à  des  effets  expressifs  et  nouveaux.         i 

IM"«  Blanche  Maricot  est  une  jeune  pianiste  dont  nous  ' 
avons  déjà  parlé  dans  la  Gazette  musicale  :  elle  est  en  pro-  ' 
grès.  En  payant  quelques  petits  tributs  à  l'art  de  phraser  ,  à 
l'expression,  aux  nuances,  au  fini,  sa  netteté ,  sa  fermeté  | 
d'exécution  ,  sa  vigueur,  et  tout  ce  qu'il  y  a  de  brillant  dans  i 
son  jeu  n'en  ressorliront  que  mieux ,  et  M"=  Blanche  Maricot  ! 
sera  une  fleur  de  plus  à  joindre  au  bouf|uet  de  jolies  et  bonnes  \ 
pianistes  que  Paris  admire  tous  les  ans.  La  manière  dont  j 
elle  a  dit  le  peu  facile  Andante  final  de  la  Lncia  de  Liszt,  et  i 
l'Ave  Maria  ainsi  que  la  Sérénade  de  Schubert,  a  prouvé   1 


que  si  elle  sait  faire  la  difficulté ,  elle  sait  aussi  comprendre 
la  poésie  de  l'art  ;  aussi  l'a-t-on  fort  applaudie  ainsi  que 
M"°  Nordet,  qui  n'a  qu'à  se  féhciter  de  son  premier  concert. 
Henri  Blanchard. 


CONSEILS  A  MES  ÉLÈVES. 

NOUVELLE   MÉTHODE   COMPLÈTE  DE   PIANO, 
par  J.-B.  CRAMER- 

2"  édilioi). 

orsque  j'entrepris  la  Méthode  des  méthodes  de 
piano  (1),  un  seul  motif  me  guida  dans  ce  des- 
sein; ce  fut  de  dissiper  les  apparentes  contra- 
dictions qu'on  rencontre  dans  la  multitude 
d'ouvrages  élémentaires  composés  pour  l'ensei- 
gnement de  cet  instrument ,  particulièrement  en  ce  qui  con- 
cerne le  doigter ,  et  de  poser ,  pour  celte  partie  difficile  de 
l'art,  des  règles  logiques  inattaquables  reposant  sur  une  ana- 
lyse exacte  de  toutes  les  combinaisons  qui  peuvent  se  ren- 
contrer dans  la  musique  de  piano.  Et  d'abord  je  crus  devoir, 
exposer,  d'une  manière  succincte  et  lucide  ,  les  principes  des 
auteurs  de  méthodes  les  plus  célèbres;  puis  les  comparant, 
les  discutant,  je  fis  voir  que  les  contradictions  apparentes  ré- 
sultent de  ce  que  ces  auteurs  ont  manqué  de  clarté  dans  l'ex- 
position de  leurs  préceptes  ou  de  ce  qu'ils  ont  eu  en  vue  des 
résultats  différents. 

C'est  après  avoir  rempli  cette  tâche  que  j'ai  posé  à  priori 
des  règles  positives  par  la  méthode  philosophique,  c'est-à-dire 
par  le  raisonnement  et  par  l'analyse.  Par  cette  méthode,  je 
crois  avoir  porté  la  lumière  sur  ce  qui  était  auparavant  incer- 
tain ou  obscur,  et  j'ai  la  certitude  d'avoir  fait  un  ouvrage  qui 
sera  utile  aux  professeurs  et  aux  élèves  studieux  aussi  long- 
temps que  l'art  de  jouer  du  piano  sera  cultivé.  Cet  ouvrage , 
composé  originairement  pour  l'enseignement  au  Conserva- 
toire que  je  dirige ,  y  a  opéré  depuis  quelques  années  un 
progrès  extrêmement  remarquable  dans  l'école  du  piano,  qui 
n'était  pas  auparavant  à  la  hauteur  de  celle  des  autres  instru- 
ments. Depuis  la  publication  de  la  Méthode  des  méthodes  de 
piano,  quelques  jeunes  artistesd'une  haute  espérance  se  sont 
formés  au  Conservatoire  de  Bruxelles;  ils  tirent  de  l'instru- 
ment des  sons  plus  puissants  et  plus  moelleux  que  leurs  de- 
vanciers ;  ils  ont  plus  d'indépendance  dans  les  deux  mains , 
plus  de  slireté  et  de  hardiesse  dans  le  doigter.  La  théorie  a 
donc  été  justifiée  par  la  pratique. 

Toutefois,  je  dois  l'avouer,  le  succès  de  l'ouvrage  n'a  pas 
répondu  à  mon  attente  ,  en  tant  que  le  succès  se  constate  par 
le  débit.  Il  est  bien  vrai  qu'il  a  été  traduit  en  allemand ,  en 
anglais ,  et  qu'il  en  a  été  fait  deux  traductions  italiennes  dont 
une  publiée  par  Riccordi,  à  Milan,  et  l'autre  à  Florence,  par 
Cipriani.  J'ignore  si  ces  traductions  se  sont  vendues ,  mais  il 
est  certain  que  mon  éditeur  français  n'a  pas  vu  se  réaliser  mes 
espérances  ni  l'opinion  de  quelques  artistes  célèbres  qui 
avaient  été  consultés  avant  la  publication.  Étonné  de  l'in- 
différence du  public  au  sujet  de  ma  Méthode,  j'en  ai  parlé  à 
de  grands  pianistes,  particulièrement  à  Liszt,  ïhalberg  et 
Dœhler  ;  leur  réponse  a  été  à  peu  près  identique.  «  Votre  ou- 
»  vragc  est  très  bon,  m'ont-ils  dit,  trop  bon  même,  trop  sé- 
»  vère  dans  sa  forme ,  trop  consciencieux.  Dans  un  espace 
»  resserré  vous  l'avez  rendu  plus  substantiel ,  plus  fondamen- 
»  tal  nue  de  très  volumineuses  méthodes  telles  que  celles  de 
1)  M"'"  de  Montgcroult  et  de  Hummel.  La  Méthode  des  mé- 

(1)  Paris,  Maurice  Schlesinger,  97,  rue  Richelieu. 


102 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


»  thodes  serait  donc  dans  les  mains  de  tous  les  professeurs  de 
»  piano ,  surtout  dans  les  provinces ,  s'ils  lisaient ,  s'ils  étu- 
»  diaientsérieusement;  mais qiiicst-ce qui  lit?  qui  est-ce  qui 
»  étudie?  D'ailleurs  votre  méthode  est  trop  sérieuse  pour  les 
»  élèves  commençants  :  ceux-ci  sont  en  général  incapables  de 
»  réflexion  et  d'analyse;  il  leur  faut  un  guide  court,  simple, 
»  uniquement  empirique  et  pratique.  Enfin ,  vous  n'avez  pas 
»  un  nom  de  pianiste.  La  plupart  des  pianistes  qui  en  ont  un 
»  ont  fait  leur  méthode  bonne  ou  mauvaise ,  et  chaque  édi- 
»  teur  a  la  sienne  qu'il  prône  et  qu'il  vend.  Le  temps  des 
1)  succès  universels  de  solfèges  et  de  méthodes  est  passé ,  et 
»  l'on  ne  verra  plus  se  renouveler  la  vogue  qu'ont  obtenue 
»  Adam  et  Rodolphe.  » 

Ce  langage  de  mes  illustres  amis  me  paraît  très  raisonna- 
ble. Je  me  consolerais  facilement  d'avoir  fait  un  bon  ouvrage 
qui  ne  s'achète  ni  ne  se  lit,  si  les  intérêts  de  la  bourse  de  mon 
éditeur  n'étaient  pas  compromis  en  même  temps  que  ceux 
de  mon  amour-propre.  Heureusement  M.  J.-B.  Cramer  est 
venu  lui  offrir  une  compensation  de  sa  mésaventure  avec  moi 
en  lui  cédant  la  propriété  d'une  autre  méthode  dont  le  suc- 
cès n'est  pas  douteux ,  car  en  peu  de  temps  la  première  édi- 
tion a  été  épuisée ,  et  voici  venir  la  deuxième.  Ici  rien  ne 
manque  aux  conditions  de  ce  succès  :  un  nom  dès  longtemps 
célèbre  entre  ceux  des  princes  du  piano,  et  les  formes  brèves, 
simples ,  empiriques  et  pratiques  d'un  ouvrage  destiné  à  l'in- 
struction des  commençants. 

Il  y  eut  autrefois  en  France  un  détestable  rogaton  de  mé- 
thode de  piano  intitulé  Y  Art  de  toucher  le  piano-forte ,  ou 
méthode  facile  pour  cet  instrument  ;  divisé  en  quatre  suites , 
par  B.  Viguerie.  Ce  titre  était  un  mensonge  ,  car  jamais  l'art 
de  toucher  le  piano  n'eut  rien  de  commun  avec  la  rapsodie  de 
B.  Viguerie.  Toutefois,  depuis  la  première  édition,  qui  pa- 
rut en  1798  ,  on  a  vendu  un  si  grand  nombre  d'exemplaires 
de  celte  prétendue  méthode,  qu'on  en  pourrait  faire  des  mon- 
tagnes ;  peut-être  en  vend-on  encore,  car  le  mérite  de  beau- 
coup de  maîtres,  surtout  dans  les  petites  villes,  esta  la  hau- 
teur de  l'ouvrage. 

Sauf  la  différence  du  talent  d'un  grand  artiste  et  de  celui 
d'un  pauvre  croque-note  ;  sauf  la  distance  qui  sépare  un  ou- 
vrage bien  pensé  et'  bien  fait  d'une  misérable  guenille  ,  la 
nouvelle  méthode  de  M.  J.  B.  Cramer  me  paraît  destinée  à 
remplacer  ,  dans  l'éducation  élémentaire  des  pianistes  fran- 
çais ,  l'ouvrage  de  Viguerie.  Simplicité ,  brièveté  d'exposi- 
tion des  principes  ;  exercices  bien  gradués  ,  petits  morceaux 
d'une  mélodie  facile  et  d'une  bonne  harmonie  ,  destinés  à  la 
fois  à  exercer  les  élèves  à  l'exécution  des  choses  différentes 
par  les  deux  mains ,  à  former  leur  oreille ,  et  à  les  récréer  ; 
leçons  progressives  à  quatre  mains  pour  leur  donner  l'habi- 
tude de  l'ensemble  et  de  l'aplomb  en  exécutant  avec  le 
maître  ;  enfin  remarques  également  progressives  ,  placées  en 
notes  au  bas  des  pages  ,  pour  donner  aux  commençants  l'ex- 
plication d'une  multitude  de  signes  et  d'effets  employés  dans 
l'exécution.  Cette  première  partie  de  la  méthode,  ou  plutôt 
la  méthode  proprement  dite  ,  est  terminée  par  un  appendice 
oii  l'auteur  explique  la  transposition,  la  manière  d'exécuter 
les  accords  ,  l'accent  musical ,  et  l'usage  de  la  pédale.  L'ou- 
vrage est  terminé  par  vingt-quatre  études  progressives  pour 
des  difficultés  spéciales. 

Dans  ce,  plan ,  comme  dans  les  détails  ,  on  reconnaît  la 
grande  expérience  d'un  maître  qui  ne  s'est  pas  seulement 
rendu  célèbre  par  le  talent  le  plus  pur  et  le  plus  suave  d'exé- 
cution, et  par  une  multitude  le  compositions  entre  lesquelles 
ses  deux  premières  suites  d'études  se  sont  distinguées  par  un 
succès  universel  ;  mais  qui  a  formé  aussi  une  quantité  innom- 


brable d'excellents  élèves  et  de  pianistes  d'un  grand  mérite. 
S'il  était  permis  de  tirer  des  horoscopes  en  ce  qui  concerne 
la  vogue,  cette  déesse  inconstante  et  capricieuse  comme  la 
fortune ,  je  la  prédirais  à  l'œuvre  de  M.  Cramer  ;  car  tout  ce 
qui  peut  inspirer  de  la  confiance  au  public  ,  et  la  justifier , 
s'y  trouve  réuni. 

Fi'.TiS  père. 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 


LA  TROMPETTE  DE  PAILLASSE. 

Dessin  de  Gavarni. 

La  trompette  de  paillasse  n'a  rien  de  commun  avec  celle 
du  jugement  dernier.  Cependant  nous  ne  dirons  pas  que  ceux 
qu'attirent  ses  fanfares  sont,  en  général,  dépourvus  de  tout 
jugement;  car  nous  avons  été  souvent  des  preiniers  à  nous 
rendre  à  son  appel  ;  mais  nous  affirmerons  qu'un  paillasse 
sans  trompette  n'est  pas  plus  de  ce  monde  qu'un  escamoteur 
sans  gobelets ,  un  aveugle  sans  bâton ,  un  jambon  sans  laurier, 
une  représentation  à  bénéfice  sans  fleurs,  un  chanteur  sans 
orgueil ,  un  chef-d'œuvre  moderne  sans  réclames ,  un  journal 
sans  malice ,  à  moins  qu'il  ne  soit  sans  abonnés. 


*,*  Aujourd'hui  dimanche,  à  l'Opéra,  par  extraordinaire,  et  pour 
la  troisième  représentation  de  M""  Taglioni ,  le  second  acte  de  la 
Fille  du  Danube  ,  précédée  du  Comte  Onj.  —  Demain  lundi  Guil- 
lawne-Tetl. 

V  Hier  au  soir  il  y  a  eu  spectacle  au  château  de  Versailles,  sur  le 
théâtre  de  la  cour,  à  l'occasion  de  l'exposition  des  produits  de  l'in- 
dustrie française.  I-es  artistes  de  l'Académie  royale  de  musique  y 
ont  joué  le  second  et  le  troisième  acte  d' OEdipe  à  Colone,  le  second 
et  le  troisième  acte  de  la  âiueiie  de  Poriici ,  et  le  quatrième  acte  de 
la  Favorite. 

VM""  Taglioni  a  reparu  samedi  ,  1"  juin  ,  dans  la  Sylphide  et 
mercredi ,  6  ,  dans  le  Dieu  et  la  Uayadère.  Pour  ces  deux  représen- 
tations ,  la  recette  s'est  élevée  au  chiffre  le  plus  haut  que  les  11- 
miles  de  la  salle  lui  permettaient  d'atteindre,  et  pour  les  représen- 
tations annoncées,  il  y  a  déjà  plus  de  demandes  que  de  places.  La 
célèbre  danseuse  nous  a  toujours  paru  la  même  ;  c'est  ce  que  nous 
avons  vu  de  plus  gracieux,  de  plus  moelleux  et  de  plus  chaste.  Quel- 
ques personnes  lui  trouvent  quelque  chose  d'un  peu  moins  aérien 
qu'autrefois  :  cela  est  possible;  mais  cela  n'ôte  rien  ni  au  mérite  ni 
au  succès. 

*,*  On  annonce  la  réception  d'un  grand  ouvrage  en  deux  actes , 
dont  M.  Niedermeyer  doit  écrire  la  musique. 

•,*  Poultier  esta  Paris  :  il  se  propose,  dit-on,  d'étudier  pendant 
trois  mois  la  langue  italienne,  pour  aller  continuer  ses  succès  par- 
delà  les  monis. 

V  Les  dimensions  de  la  salle  du  château  de  Versailles  n'ont  pas 
permis  d'inviter  tous  les  exposants  au  spectacle  royal.  On  assure  que 
l'un  d'eux,  lîdèle  à  ses  habitudes  de  province,  disait  :  «  Je  ne  suis 
»  pas  invité,  mais  ça  m'est  égal ,  j'achèterai  unecontremlirque.  » 

*,*  Il  est  question  d'un  nouveau  voyage  de  Rossini  à  Paris;  peut- 
être  veut-il  savoir  où  en  est  sa  statue,  et  se  demande-t-il  pourquoi 
on  l'a  fait  poser. 

V  Le  tirage  de  la  loterie  au  profit  de  la  caisse  de  l'association 
des  artistes-musiciens  aura  lieu  aujourd'hui  dimanche  à  dix  heures 
du  matin,  dans  la  salle  de  l'Ecole  lyrique,  rue  de  la  Tour-  d'Auvergne. 

*,*  Un  grand  concert,  destiné  à  réunir  toutes  les  sympathies  des 
artistes  et  du  public,  aura  lieu  dimanche  prochain,  16  juin,  dans 
la  salle  du  Conservatoire,  au  profit  de  M""  Berton  ,  la  veuve  de  l'il- 
lustre composieur,  que  la  mort  vient  de  nous  enlever,  et  qui  n'a 
laissé  d'autre  fortune  que  son  nom  et  ses  œuvres.  M.  Habeneck  di- 
rigera cette  solennité ,  dans  laquelle  on  entendra  une  des  belles  sym- 
phonies de  Beethoven  ,  que  le  premier  11  nous  a  fait  connaître.  Ce 
sera  un  événement  musical  dans  cette  saison  ,  et  à  une  époque  où 
Paris  renferme  tant  d'étrangers  qui  n'ont  jamais  pu  assister  aux 


DE  PARIS. 


203 


célèbres  séances  de  la  société  des  concerts.  Autour  de  ce  digne  chef, 
se  groupera  le  bataillon  des  auxiliaires  qu'il  a  formés.  Plusieurs  ar- 
tistes éminents,  M.  Ponchard  ,  H"«  Nau  ,  de  l'Académie  royale  de 
musique,  M.  Antoine  de  Kontski ,  le  célèbre  pianiste  ,  M.  Alard  ,  le 
violoniste  pur  et  hardi,  ont  généreusement  offert  leur  concours. 
Tous  les  morceaux  de  chant  seront  tirés  des  Opéras  du  maître,  et 
M.  de  Kontski  a  composé  expressément  pour  ce  concert  une  fantai- 
sie sur  des  motifs  de  son  chef-d'oeuvre.  EnOn  la  Dernière  pensée  de 
Berton  ,  mélodie  charmante,  qui  fut  le  chant  du  cygne,  sera  dite 
par  sa  petile-Iille,  M"»  Adolphe  Berton,  jeune  et  belle  personne, 
qui  depuis  peu  de  temps  s'est  consacrée  au  théâtre,  et  qui  par  une 
circonstance  heureuse  se  trouve  en  ce  moment  à  Paris. Voici  au  sur- 
plus le  programme  de  ce  concert  auquel  la  foule  ne  manquera  pas 
d'accourir:  1.  Ouverture  àe.  AJoninno ei Stéphanie ,  de  Bertun;  2.  Solo 
de  violon ,  composé  et  exécuté  par  M.  Alard  ;  3.  Air  des  Maris-Gar- 
çons, de  Berton,  chanté  par  M.  Ponchard  ;  4.  Grande  fantaisie  sur 
Robeno  Devereux,  composée  et  exécutée  par  M.  Antoine  de  Kontski  ; 
5.  Duo  de  Montana  et  Stéphanie ,  de  Berton  ,  chanté  par  M.  Ponchard 
et  M"«  Nau  ;  6.  Dernière  pensée  de  Henri  Berton ,  chantée  par 
M'"'  Adolphe  Berton;  7.  Fantaisie  sur  des  motifs  de  Montana  et 
Stéphanie,  par  M.  de  Kontski;  8.  Air  de  Maniano  et  Stéphanie, 
chanté  par  M"«  Nau  ;  9.  Symphonie  de  Beethoven.  Le  bureau  de 
location  est  ouvert  tous  les  jours  chez  M.  Réty  ,  au  Conservatoire, 
rue  du  Faubourg  Poissonnière,  II.  Le  prix  des  places  sera  le  même 
que  pour  les  concerts  ùu  Conservatoire. 

•„*  M.  F.  Kalkbrenner,  dont  la  santé  est  si  altérée  depuis  plus 
d'un  an,  vient  de  partir  pourCavlsbad.  Nous  espérons  que  les  eaux 
contribueront  au  rétablissement  du  célèbre  professeur,  et  qu'il  sera 
bientôt  rendu  à  ses  élèves  ainsi  qu'à  ses  nombreux  amis. 

*«*  Un  jeune  chanteur  français,  dont  nous  avons  toujours  apprécié 
le  mérite,  Revial ,  joue  en  ce  moment  un  rôle  très  distingué  dans 
les  concerts  de  Londres.  La  presse  anglaise  le  traite  avec  une  dis- 
tinction que  justifient  pleinement  le  charme  de  sa  voix  et  la  pureté 
de  sa  méihode. 

',*  M.  Jourdain,  le  baryton,  dont  nous  annoncions  dans  notre 
numéro  dernier  l'engagement  au  théâtre  de  Versailles ,  vient  d'y  dé- 
buter avec  beaucoup  de  succès  dans  Lucie  de  Lammermoar.  11  y 
paraîtra  bientôt  dans  la  Favorite.  Le  30  du  mois  précédent,  il  pre- 
nait part  à  un  brillant  concert  qui  se  donnait  au  Havre,  et  y  chan- 
tait plusieurs  morceaux  de  genres  divers  ,  entre  autres  les  couplets 
nationaux  de  Charles  VI  avec  chœurs,  qui  ont  produit  un  admi- 
rable effet. 

*,*  Le  roi  et  la  reine  ont  donné  à  M.  Pleyel  une  marque  de  l'inté- 
rêt que  leurs  Majestés  portent  aux  établissements  qui,  comme  le 
sien,  assurent  en  France  et  à  l'étranger  la  prééminence  des  produits 
français,  en  s'arrêlant  longtemps  sur  l'estrade  où  sont  placés  les 
pianos  de  cet  habile  fabricant.  M.  Pleyel  a  joué  avec  à-propos  un 
morceau  favori  du  roi  et  un  andante  d'I.  Pleyel  son  père,  sur  un 
nouveau  piano  à  queue  à  double  percussion;  cet  instrument,  d'une 
grande  puissance  de  sonorité,  a  valu  à  M. Pleyel  les  témoignages  réi- 
térés de  la  satisfaction  de  leurs  Majestés. 

*,*  M"'  Cinti-Damoreau  et  Artôt  se  trouvaient  encore  dernière- 
ment à  la  Nouvelle-Orléans,  obtenant  sur  le  théâtre  américain  d<s 
triomphes  aussi  complets  que  ceux  qu'ils  avaient  obtenus  sur  le 
Théâtre  français;  à  la  suite  d'un  concert  pour  les  pauvres  et  les  or- 
phelins, dont  le  produit  net  a  été  de  1 ,426  dollars,  deux  médailles 
en  or  ont  été  affectées  à  M™'  Damoreau  et  à  M.  Artôt. 

',*  Un  mariage  a  été  célébré  mardi  ,  à  l'église  de  la  Madeleine, 
entre  M"'  de  Ségur  et  M.  le  duc  de  Lesparre.  Plusieurs  morceaux 
religieux  de  la  composition  de  M.  Bessems  ont  été  chantés  et  parfai- 
tement interprétés  par  M.  Emile  Fleury.  Un  hymne  accompagné 
sur  la  viole  par  M.  Bessems  a  produit  un  grand  effet. 


Clu'onkjue  <lé|iai*tesBieiataIe. 

","  Lijon. — Nos  théâtres  sont  dans  une  singulière  voie;  l'inhabi- 
lelé  de  notre  directeur  devient  déplus  en  plus  compromettante  pour 
nos  plaisirs,  et  nous  serons  bien  heureux  encore  si  d'ici  à  quelques 
jours  nous  ne  sommes  pas  lout-à-fait  privés  de  spectacle.  Encore 
mieux  vaudrait  peut-être  une  fermeture  dès  à  présent,  que  le  régime 
brutal  auquel  nous  sommes  soumis.  Les  repré-entalions  se  terminent 
presque  toutes  avec  l'intervention  de  M.  le  commissaire  de  police, 
dont  les  nombreux  agents  encombrent  les  couloirs.  C'est  qu'il  faut 
vous  le  dire,  la  direction  a  eu  l'heureuse  idée  de  faire  passer  ses  ar- 
tistes à  l'aide  de  cinq  ou  six  cents  claqueurs,  et  surtout  en  faisant 
faire  les  débuts  les  plus  importants  les  dimanches  ou  jours  de  fête. 
Le  véritablepublic,  qui  ne  peut  accepter  une  telle  dérogation  à  toutes 
les  habitudes  du  théâtre,  proteste  maintenant;  mais,  sous  le  pré- 
texte que  les  débuts  sont  terminés,  les  premières,  qui  sont  le  centre 
de  l'opposition,  ont  été  mises  en  état  de  siège;  et  en  vous  parlant  d'ar- 
restations et  de  brutalités  inouïes,  je  ne  ferai  que  vous  indiquer  le 
motif  de  l'irritation  de  tous  les  esprits.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  certain  , 
c'est  que  nous  avons  une  troupe  excessivement  médiocre  ;  que  nous 
avons  des  relâches  deux  et  trois  fois  la  semaine,  et  que  les  choses  ve- 
nant à  reprendre  leur  cours  ordinaire,  la  monotonie  du  théâtre  en 
chassera  tout  le  monde.  M"'-  Bouvard  n'a  été  reçue  que  sur  deux  ou 
trois  notes  assez  belles ,  et  mieux  encore  sur  la  recommandation  de 
sa  jeunesse  et  de  sa  beauté.  M.  Poitevin  commence  à  chanter  faux; 
ainsi  jugez  ce  que  doivent  être  nos  représentations  d'opéras.  M.  et 
M^'Cuillemin  ont  résilié;  M""  Humbert,  deuxième  chanteuse,  est 
toinbée,  ainsi  que  M™'  Vérillet,  première  Dugazon,  et  MM.  Cefolelli 
et  Tournade,  seconds  ténors.  Comparez  ces  résultats  avec  les  éloges 
gagés  de  quelques  journaux,  et  vous  saurez  comment  on  écrit  l'his- 
toîre  à  présent.  En  somme,  l'état  de  nos  théâtres  est  pitoyable,  et 
on  ne  parle  de  rien  moins  que  d'une  prochaine  fermeture.  Grâces 
en  soient  rendues  à  la  capacité  deM.  Duplan. 

Clisi'ouitjtse  «ti°ai!ii;èi'e. 

*,•  Londres.  —  On  a  donné  au  théâlrs  de  la  Pveine  deux  représen- 
tations de  suite  du  chef-d'œuvre  de  Cimarosa,  le  Mariage  seeret  : 
la  reine  et  le  prince  Albert  ont  assisté  à  la  seconde.  La  Jledowa  a 
détrôné  la  Polka,  qui  n'en  est,  dit-on,  qu'une  imitation  dégénérée. 

—  Thalberg  a  donné,  dans  les  salons  d'Hanover-Square,  un  bril- 
lant concert,  ou  l'on  a  entendu  un  fds  de  Lablache  qui  promet  de 
marcher  sur  les  traces  paternelles. 

—  Une  indisposition  de  Standigl  a  fait  abréger  un  concert  où  ce 
grand  artiste  avait  promis  de  se  faire  entendre. 

—  Un  compositeur  et  pianiste  allemand  du  plus  grand  mérite  , 
M.  Muhlenfeldt,  a  donné  une  charmante  soirée  musicale  dans  la 
salle  de  concerts  du  théâtre  de  la  Princesse.  En  un  mot,  l'activité 
des  grands  artistes  que  Londres  possède  en  ce  moment  semble  par- 
venue à  son  apogée,  au  moment  où  déjà  à  l>aris,  en  dehors  de  ses 
deux  scènes  lyriques,  les  chants  ont  cessé. 

*,*  Colayne,  29  mai.  —  Les  trois  journées  de  notre  grand  festival 
ont  répondu  à  l'attente  générale.  L'oratorio  Jep/îï^  ,  le  Messie,  de 
Beethoven  ,  ont  surtout  été  admirablement  exécutés.  Toutefois  l'af- 
fluence ,  aux  deux  grands  concerts  ,  n'a  pas  été  aussi  grande  que  les 
années  précédentes.  La  troisième  journée  s'est  terminée  par  une  fête 
brillante  dans  une  île  du  Rhin  nommé  Rheinau,  avec  Illumination 
et  feu  d'artifice. 


Le  Solfège  basse-taille  et  baryton  de  FANSERON  vient  de 
paraître  en  petit  format.  Prix  net  :  5  fr. —  Chez  Maurice  Schlesinger, 
97,  rue  Richelieu;  et  chez  l'Auteur,  même  rue,  95. 

r.e  Direeleitr,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


Inventé  par   C.  nARTIN 


OU  GYMiVASE  BÎ5  DOIOTS  ilCUSAiiE  DÉS  PIANISTES 


Le  C/iiro!7j/mna5fe  est  unassemblag'eileTtearappa- 
reilsgymnasliques  destinèsà  donnerde  X^extension  k 
iamainetderécarf  aux  doigts  à  augmenteretàégaif- 
scT  leur  force  et  à  rendre  le  quaineme  et  lecmg«iéme 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnaste 
3éléaDssi  approuvé  et  adopté  par ^f M.  Adam, Berlini, 
ne  Heriot,  Cramer,  Herz,  Kalhbrenner,  Listz,  Moschelès 
Pruaent  Sivon,  Thalberg,  Tulou,  Zimmermann,  etc. 

^'.haque  Chirogymnaste  est  revêtu  de  la  signature 
de  C'iflventeur  et  se  vend  place  de  la  Bourse,  n»  15, 
à  huit  appareils,  5Qfr.,àneufapp.B0fr.,  mélhode,^fr. 


Faci 


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204 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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LA  14'  ET  DEUMÈRE  LIVBAISOM 


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paraîtra  le  Î0  3uim 

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vraisons.  —  lies  Souscripteurs  Jusqu'au  1"  Août  ne  paieront  cltaque  livraison  que 
Vt'ois  francs,  net.  Passé  cette  époque,  le  prix  de  souscription  de  cltaque  livraison  sera 
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BEETHOVEN 


LE  vikm. 

Comprenant  le  Quatuor  (Quintette),  les  Fantaisies,  Bagatelles,  Rondos ,  les  Variations  pour  piano  seul,  à  quatre  mains, 

et  avec  violoncelle  ou  violon. 

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Variations  sur  Quanl'epiù  belto. 
Variations  sur  liule  BrUannia. 
Variations  sur  le  Sacrifice  interrompu. 
Variations  sur   un    thème  de   l'opéra 

Falslaff. 
Variations  sur  un  thème  original. 


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N"  10.  Variations  sur  une  danie  russe. 
1 1 .  Variations  sur  un  air  de  ballet. 
15.  Variations  sur  .A''cl  cor  piii. 
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1 4.  Variations  sur  une  Fièvre  brûlante. 


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Op.  33.  Bagatelles. 
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112.  Nouvelles  bagatelles. 
35.  Andante. 

Rondo  postbame. 


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Op.  16.  Quatuor  pour  piano,  violon,  alto  et 
violoi'cclie,  et  les  instruments  à 
vent  à  part  pour  former  Quintette, 
tfl  qu'il  a  été  composé. 


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Op.    i'i.  Quatorze  Variations    pour    piano, 
violon  et  violoncelle. 
121.  Adagio,  Variations  et  Rondo  pour 
piano,  violon  et  violoncelle. 


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Rondo  en  sol  pour  piano  et  violon. 
Variations  pour  piano  et  violon  sur 

l'air  :  Se  vuol  ballare. 
Variations  pour  piano  et  violoncelle 

sur  l'air  :  Je  vais  revoir  l'amant  que 

j'aime. 
Variations  pour  piano,  violoneelle  ou 

violon  sur  l'air  :  La  vie  est  un  voyage. 
Variations  pour  piano,  violoncelle  ou 

violon  sur  un  thème  de  Haendel.'ijÊ 


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Op.      G.  Sonate  à  't  mains. 

45.  Trois  Marches  à  4  mains. 
87.  Variations  à  4  mains  sur  hk  (/lème  de 
JV^allcnstein, 
137.  Vugue  en  ré  à  4  mains. 

Variations  sur    Ich   deiike   dein    à 
4  mains. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jtcob. 


-X9^_    _____ 


REVUE 


GAZETTE  MUSICALE 

UEDIGÉE  FIB 

MM.  ANDERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  HEMII  BLANCHARn, 

MAUIUCE  BODRGES,  F.  DANJOU,  UUESBEBG,  FÉTIS  père,  Édouaud  FÉTIS,  Stfphen  HELLER,   J.  JASIN, 

G.  KASTNER  ,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  GcOKGE  SAND,  L.  BELLSTAB,  PAUl  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Pat'aissttnt  iowa  Mes  IHtnaneftes. 

IL  SERA  JOIINT  A  CDAQUE  NUMÉRO  tIV  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 
Le    1"   et    lo    IS  de  chaque   raioîs  on   recevra   nn  morceau   de   mnsiciae. 


SOMMAIRE.  Histoire  de  la  musique  (  premier  article)  ;  par  FÉTIS 
père. — Concert  des  jeunes  aveugles;  par  H.  BLAIMCHARD. — 
Etienne  Soubre  ;  par  A.  GATHY.  —  Nouvelles.  —  Annonces. 

LE  TSING.  Dessin  de  Gavarni. 


TXSS..  les  Abonnés  recevront  avec  le  prochain  numéro  :  B.ITA 
X'A7J2ÎAIi01TSE ,  musique  de  M.  R.  Slûlder,  illustrée  par 
B3.  Gavarni. 


HISTOIRE  DE  LA  MUSIQUE. 

snK  I.A  uroTATSON  rausicAiii: 

doiil  sVs!  soni  sainl  Grégoire-lc-Grand  pouf  le  chani  de  son  .ïiiliiilioiiiiiro. 
(Premier  article.) 

i  l'on  jette  les  yeux 
sur   la   notation  de 
la  musique  grecque 
dont  Aljpius,  Aris- 
tide (Quintilien  )  , 
Gaudence  le  philo- 
sophe ,  Bacchius  et  Boèce  ont  donné  des 
tables  avec  les  explications  nécessaires , 
on  remarque  que  les  signes  de  cette  nota- 
tion sont  isolés ,  et  que  chacun  d'eux  ne 
représente  qu'un  son.  De  plus,  on  voit  que 
ces  signes  de  sons  ne  tirent  pas  leur  signifi- 
cation tonale  d'une  position  plus  ou  moins 
élevée  sur  une  échelle  ou   portée ,  comme 
ceux  de  la  musique  moderne,  mais  qu'ils  en  ont 
une  absolue  résultant  de  leur  forme. 

S'il  est  vrai ,  comme  l'affirme  Aristide  (  Quin- 
tilien ) ,   que  cette  notation   est    due  à   Pytha- 


gore  (1),  elle  a  dti  pénétrer  en  Italie  lorsque  l'illustre  philo- 
sophe y  institua  son  école.  Toutefois,  l'obscurité  qui  envi- 
ronne l'histoire  de  la  situation  de  la  musique  dans  cette 
co;  irée,  avant  que  les  Romains  eussent  fait  passer  la  Grèce 
sous  leur  domination ,  nous  laisse  dans  l'incertitude  sur 
l'existence  d'une  notation  musicale  chez  les  T.atins  dans  ces 
temps  reculés.  Les  persécutions  auxquelles  Pythagore  et  ses 
disciples  furent  en  butte,  la  mort  violente  de  plusieurs 
d'entre  eux ,  et  la  haine  qu'on  portait  à  tout  ce  qui  apparte- 
nait à  une  secte  considérée  comme  impie,  nous  autorisent  à 
croire  qu'on  n'attacha  pas  grand  prix  à  une  notation  musi- 
cale née  dans  son  sein.  Longtemps  après,  lorsque  Rome  opu- 
lente se  fut  peuplée  d'artistes  grecs,  particulièrement  de 
musiciens,  nul  doute  que  la  notation  grecque  ne  s'y  soit  éta- 
blie ,  n'y  soit  devenue  d'un  usage  habituel  parmi  les  artistes, 
et  ne  s'y  soit  conservée  même  après  le  démembrement  de 
l'empire  d'Occident  :  nous  en  avons  une  preuve  irrécusable 
dans  le  Traité  de  musique  du  sénateur  Boèce  ,  infortuné  mi- 
nistre de  Théodoric. 

Slais  une  question  se  présente  :  les  Romains  n'avaient-ils 
pas  de  notation  latine  proprement  dite  ?  Et  chez  eux ,  la  mu- 
sique ne  se  transmettait-elle  que  par  tradition  ,  avant  que  les 
musiciens  grecs  leur  eussent  fait  connaître  les  signes  de  Py- 
thagore? Pour  résoudre  cette  difficulté ,  souvenons-nous  que 
les  titres  des  comédies  de  Térence  nous  apprennent  que  Flac- 
cus ,  fils  de  Claudius ,  avait  réglé  le  ton  des  flûtes  pour  la  dé- 
clamation de  ces  pièces  (2)  ;  or,  il  paraît  qu'on  ne  peut  en- 
tendre ce  règlement  du  ton  des  flûtes  pour  la  déclamation 
qu'en  supposant  que  Flaccus,  musicien  qui  vivait  au  temps 
de  Térence  et  de  Paul  Emile,  notait  les  intonations  par  des 
signes  en  usage  h  Rome,  avant  que  les  arts  de  la  Grèce  y 

[\)  De  Mnskâ  ,  lib.  I ,  p.  28,  ex  cdit.  Meibomici. 

fj)  Vi)yez ,  sur  ce  sujet ,  les  notes  de  M"'«  Dacier,  dans  sa  traduc- 
tiori  des  coii'\édies  de  TOrence  ;  et  mes  deux  premiers  articles  mr  tes 
diverses  espèces  de  pûtes  ,  dans  le  VI'  volume  de  la  Hevue  musicale. 


BUREAUX   D'ABOIVNEMENT,    B.XTE   RICHEI.IEU,    97. 


206 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


fussent  introduits  ;  d'où  il  faudrait  conclure  qu'il  y  avait  une 
notation  latine  de  la  musique. 

Nous  avons  la  preuve  de  l'existence  de  cette  notation  en 
des  temps  postérieurs  dans  l'inscription  et  dans  le  contenu 
du  troisième  chapitre  du  quatrième  livre  du  traité  de  musique 
composé  par  Boèce.  Le  titre  de  ce  cliapitre  est  :  Musicarum 
per  grœcas  ac  lalinas  litteras  notarttm  descripUo.  Meibo- 
mius  à  considéré  les  mots  ac  latinas  comme  ayant  été  ajoutés 
à  tort  par  les  copistes,  et  les  a  condamnés  (1).  Forkel,  sans 
plus  d'examen ,  s'est  rangé  à  l'avis  de  Meibomius  (2)  ;  mais 
il  est  facile  de  démontrer  que  leur  opinion  n'a  pas  de  fonde- 
ment solide.  Le  manuscrit  imparfait  dont  s'est  servi  Glaréan, 
pour  son  édition  du  traité  de  musique  de  Boèce,  est  la  seule 
cause  de  leur  erreur.  Tous  les  bons  manuscrits ,  notamment 
ceux  de  la  Bibliothèque  Royale  de  Paris  (n°^  7199  ,  7200, 
7201,  in-folio),  tous  du  \V  siècle,  le  beau  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  Ambroisienne  de  Milan  ,  qui  paraît  être  du  ix", 
et  celui  de  la  Bibliothèque  Royale  de  Bruxelles  (n°10116),  du 
xir  siècle),  ont  non  seulement  l'inscription  du  chapitre  avec 
les  mots  ae  latinas ,  mais  les  lettres  latines  correspondantes 
aux  notes  grecques  dans  le  tableau. 

Voici  le  tableau  de  ces  quinze  lettres ,  avec  leur  traduction 
en  lettres  modernes. 

abcdefghI,         KLMNOP 


m 


Une  notation  latine  par  les  quinze  premières  lettres  de  l'al- 
phabet, pour  la  désignation  de  quinze  sons  diatoniques  for- 
mant deux  octaves,  existait  donc  avant  Boèce;  car  cet  écrivain 
n'en  donne  pas  d'explication,  la  supposant  suffisamment  con- 
nue de  ses  lecteurs  ,  et  s'en  servant ,  au  contraire,  pour  ex- 
pliquer la  signification  des  signes  de  la  notation  grecque. 
C'est  un  fait  qu'il  est  important  de  constater ,  comme  on  le 
verra  plus  loin.  On  verra  aussi  que  celte  même  notation  s'é- 
tait conservée  en  diverses  localités  plusieurs  siècles  après 
Boèce. 

Les  deux  notations  dont  il  vient  d'être  parlé  ayant  été  con- 
temporaines, il  est  vraisemblable  qu'on  employait  l'une  et 
l'autre  à  Rome  et  dans  les  diverses  provinces  de  l'Italie.  Que 
saint  Arabroise  et  saint  Augustin  aient  écrit  des  hymnes  et 
des  antiennes  en  notation  grecque,  comme  le  disent  quelques 
auteurs,  cela  est  exactement  possible ,  quoiqu'on  n'en  ait  pas 
la  preuve;  mais  l'erreur  de  Meibomius  est  manifeste  lorsqu'il 
ajoute  que  Boèce ,  venu  un  siècle  après  saint  Augustin ,  ne 
parle  que  de  cette  notation.  {Quif'pe  Boelhius,  qui  intégra 
seculo  Aiigustino  fuit  posierior ,  solas  has  notas  recen- 
set  (3)  ). 

Le  3  septembre  590 ,  c'est-à-dire  quatre-vingts  ans  après 
la  mort  de  Boèce  ,  saint  Grégoire-le-Grand  monta  sur  le  siège 
apostolique  :  bientôt  après  il  s'occupa  de  la  réforme  du  chant 
de  l'église,  pour  en  rendre  l'usage  uniforme.  Avant  lui,  la  li- 
turgie chorale  n'était  point  fixée  d'une  manière  invariable  : 
chaque  église  avait  ses  usages,  et  de  certaines  pièces  de  chant 
qui  n'étaient  point  adoptées  dans  d'autres  lieux.  Il  n'est  pas 
de  mon  sujet  d'examiner  si  saint  Grégoire  a  composé  une 
partie  des  mélodies  du  graduel  et  de  l'antiphonaire  connues 
aujourd'hui  sous  le  nom  de  chant  grégorir.n,  ainsi  que  l'af- 

(1)  Dans  les  notes  sur  le  3°  chapitre  du  4«  livre  de  Boèce ,  en  tête 
de  l'inlroduction  à  la  musique  d'Alypius,  p.  7, 

(2)  JUgem.   Geschichte  der  Musik,  t.  H,  p.  178,  §  84. 

(.3)  Averlissemcnt  au  lecteur  du  Traité  de  musique  d'Aristoxène 

(p.  uhim  ). 


firme  Bernon  (1) ,  ou  (ce  qui  est  plus  vraisemblable)  s'il  a 
composé  son  antiphonaire  d'un  choix  de  chants  déjà  connus 
dans  diverses  églises ,  ainsi  que  l'indique  le  titre  de  cento- 
nien  (composé  de  fragments  )  donné  à  cet  antiphonaire ,  sui- 
vant le  témoignage  de  Jean  Diacre,  prêtre  napolitain  qui  a 
écrit  la  vie  de  ce  pape  (2).  La  question  que  j'ai  à  examiner 
est  relative  à  la  notation  de  l'œuvre  de  saint  Grégoire  ,  et  à  la 
part  qu'il  eut  dans  le  système  de  cette  notation. 

On  a  vu  précédemment  que  les  quinze  premières  lettres  de 
l'alphabet  latin  servaient  chez  les  Romains  à  noter  les  sons 
diatoniques  de  deux  octaves ,  depuis  le  la  grave  de  la  voix 
d'homme  jusqu'au  la  du  médium  de  la  voix  de  soprano.  Ce 
système  de  notation  avait  l'inconvénient  de  ne  pas  faire  aper- 
cevoir la  corrélation  des  sons  à  l'octave  par  la  similitude  des 
signes.  Plusieurs  auteurs,  parmi  lesquels  on  distingue  Gafori 
et  Kircher,  attribuent  à  saint  Grégoire  la  réforme  qui  con- 
sista à  rendre  sensible  cette  corrélation,  en  n'empruntant  à 
l'ancienne  notation  latine  que  les  sept  premières  lettres  capi- 
tales, pour  représenter  les  sept  sons  de  la  gamme;  puis  répétant 
ces  lettres  en  caractères  minuscules  pour  la  seconde  octave,  et 
redoublant  celles-ci  pour  l'octave  aiguë,  à  l'usage  des  enfants 
de  chœur.  Le  tableau  général  des  signes  se  trouva  ainsi  porté 
jusqu'au  nombre  de  vingt  et  un.  Le  voici  avec  sa  traduction 
en  notes  mordernes. 

h  c 


A  r>  C   D  E  F  G    a 


^-(5>-        d    e    f  s  aa  l)b  ce  dd 


■±z:xrltl 


^^œ: 


-17-& 


^^EE 


Il  est  vrai  qu'aucun  témoignage  contemporain  ne  prouve 
d'une  manière  évidente  que  saint  Grégoire  soit  l'auteur  de 
cette  réforme,  et  que  nous  n'avons  à  ce  sujet  qu'une  Iradilion 
d'autant  plus  incertaine  que  ceux  qui  nous  l'ont  transmise 
n'ont  pas  fait  connaître  leurs  autoriiés.  Si  l'on  retrouve  quel- 
que jour  le  petit  traité  de  musique  composé  par  le  saint  pon- 
tife pour  l'instruction  des  chantres  romains,  ce  problème  in- 
téressant pourra  être  résolu.  Jean  Diacre  et  d'autres  écrivains 
nous  ont  laissé  des  renseignements  sur  cet  ouvrage,  dont 
Guido  d'Arezzo  a  cité  un  passage,  dans  son  traité  concernant 
la  correction  de  beaucoup  d'erreurs  qui  s'étaient  introduites 
dans  le  chant  grégorien  (3). 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  part  que  saint  Grégoire  peut  avoir 
eue  dans  la  réforme  dont  il  s'agit ,  il  est  hors  de  doute  que  la 
notation  qu'on  vient  de  voir  remonte  aux  temps  anciens  du 
chant  ecclésiastique,  et  vraisemblablement  au  temps  où  vécut 
le  saint  personnage;  car  non  seulement  on  trouve  l'emploi  de 
ces  lettres  expliqué  par  Hucbald  et  par  Odon  de  Cluni ,  écri- 
vains des  IX'  et  X''  siècles,  mais  Guido,  parlant  (dans  le 
deuxième  chapitre  de  son  Micrologue)  de  l'addition  du  gamma 
au-dessous  de  la  première  lettre  de  cette  notation  pour  ex- 
primer le  sol  grave , 


dit  que  cette  addition  a  été  faite  par  les  modernes  (c'est-à- 


(1)  Sicut  sapienlissimus  papa  Gregorius  llbrum  sacramentorum 
diligentissime  ad  verilalis  lineam  correxil,  ila  music»  quoquc  mo- 
dulationis  harmoniam  salis  uliliter  composuit  ac  ordinavit.  [De 
quibusdam  rebits  ad  JlJiss,  périment ,  c.  1 .) 

(2)  Gregorius  in  domo  Domini,  more  sapientissimi  Salomonis, 
propter  musicse  compuiiclionem  dulcedinis,  Antiphoncirium  canlo- 
nem  cantorum  studiosissinius  nimis  ulilllcr  compilavit,  etc.  {f^ila 
suncù  Gregorii,  lib.  II,  cap.  6.) 

(3)  Pluresetenim  Iropos  vel  modos  vocant  tonos,  quos  Gregorius 
in  suo  libelle  musicie  redarguil  dicens  :  Abusivum  esse  iropos  lonos 
vocare,  etc. 


DE  PARIS. 


îll 


—  8  juin.  —  Jeudi ,  au  retour  des  courses  d'Ascolt ,  la  reine  a 
ofTerl  un  grand  banquet  à  ses  hôtes  couronnés;  un  concerta  terminé 
la  soirée.  En  têle  des  artistes  qui  ont  captivé  les  suffrages,  il  faut 
encore  citer  Jacques  Ofl'enbach,  le  célèbre  violoniste  de  Paris  dont 
le  talent  a  fait  là  ,  comme  partout,  prouesses  et  merveilles.  Jacques 
Offenbach  a  aussi  été  invilé  au  dîner  annuel  donné,  sous  la  prési- 
dence du  duc  de  Cambridge ,  par  la  Société  des  mélodistes  qui  a  ac- 
cueilli avec  enthousiasme  et  fait  répéter  deux  fois  une  des  plus  gra- 
cieuses compositions  de  ce  jeune  artiste,  intitulée:  Muselle. 

—  Une  indisposition  de  Mario  a  fait  substituer  i'emiramide  à  la 
tucia,  Rossini  à  Donizetli;  c'était  pour  le  public  jouer  à  qui  perd 
gagne.  Fornasari  a  été  très  beau  dans  Assur.  M""  Favanti,  dont  la 
vogue  continue  ,  n'a  encouru  qu'un  reproche,  celui  de  s'être  dans  le 
rôle  d'Arsace  coiffée  d'un  casque  qui  rappelait,  non  l'armet  deMan- 
brin,  comme  celui  de  Don  Quichotte,  mais  la  tour  de  Babel. 

—  M.  Wilson.  qui  charme  à  Londres  les  antiquaires  en  fait  de  mu- 
sique par  le  charme  des  vieilles  mélodies  écossaises ,  \ient  de  sus- 
citer un  Sosie  qui  a  usurpé  son  nom  pour  se  faire  applaudir  à  Glo- 
cester. 

—  Le  théâtre  d'Haymarket  vient  de  jouer  un  nouveau  drame  inti- 
tulé ilie  Sempslress  {la  Lingere),  qui  n'a  eu  qu'un  médiocre  succès. 
L'auteur,  M.  Mac  Lemon,  partage  avec  Jerrold  le  sceptre  de  la  petite 
comédie  anglaise- 

—  Une  petite  actrice  assez  obscure  à  Paris,  M"»  Prosper,  qui  n'a 
guère  acquis  de  célébrité  qu'en  le  quittant,  par  le  scandale  de  sa 
fuite,  est  devenue,  en  passant  la  Manche,  un  talent  d'importance,  et 
on  vient  de  faire  tout  exprès  pour  elle  au  théâtre  de  la  Princesse  un 
nouveau  drame  inlitulé  lilanche  de  f^olmy.  Cet  ouvrage  qui,  dit-on, 
est  l'oeuvre  originale  d'un  M.  Bernard,  a  été  accueilli  avec  faveur. 
Nous  en  dirons  autant  de  ihe  Initrumenl  o.f  lorUtre,  or  tltc  Needle  and 
ils  yiclrme  {l'Inslntment  de  torture ,  ou  l'Aiguille  ohm  fic/ime  ),  autre 
drune  joué  au  théâtre  de  Surrey. 

—  I.e  théâtre  d'Astlcy  vient  d'ajouter  un  succès  d'éclat  à  son  ré- 
pertoire :  llie  JVari)!  Cliina  {la  Guerre  en  Chine  ).  Si  le  sujet  est  em- 
prunté à  la  guerre  que  viennent  d'y  faire  les  Anglais  ,  l'auteur  a  eu 
besoin  d'imagination  pour  y  trouver  des  traits  d'honneur  et  de  cou- 
rage propres  à  flatter  son  public. 

—  Au  théâtre  Adelphi  on  a  formé  un  petit  concert ,  en  engageant 
une  M"«  Rossini,  jeune  personne  très  remarquable  sur  le  violon  , 
M.  Collini,  violoncelliste  et  flûtiste;  et  deux  dames  du  même  nom 
à  titre  de  cantatrices. 

—  Deux  lêies  valent  mieux  qu'une,  tel  est  le  titre  d'une  nouveauté 
jouée  au  Lyctum  ,  et  dont  le  sujet  est  l'anecdote  si  connue  des  deux 
amants  qui  s'étaient  cachés  dans  la  tète  de  la  statue  colossale  de 
Mars,  ouvrage  de  lienvenuto  Cellini.  Rien  de  plus  pauvre  que  le 
dialogue. 

*,•  Berlin.  —  11  parait  que  le  Ckal-Houé  a  trouvé  une  opposition 
très  vive  à  la  cour;  la  princesse  de  Prusse  ne  l'a  nullement  trouvé 
de  son  goût  II  est  question  de  mettre  le  Faust  de  Goethe  à  la  scène, 
avec  la  musique  de  Radzivvil.  On  dit  aussi  que  Spohr  a  composé  un 
opéra  nouveau  dont  le  libretto  serait  tiré  des  Croisés  delioizebue. 

— M.  Tierk  n'ayant  pu,  par  suite  d'une  indisposition  ,  assister  à  la 
représentation  du  Cttat-Boiié,  le  roi  a  eu  l'attention  de  faire  jouer  la 
pièce  une  seconde  fois  après  le  rétablissement  du  poète  ;  ce  qui  don- 
nait un  grand  intérêt  à  celle  solennité  théâtrale  ,  c'est  que  l'illustre 
vieillard  y  assistait  en  société  du  célèbre  poëte  OEhlenschlaeger,  l'au- 
teur ài'Aladin  ou  la  Lampe  merveilleuse. 

*,*  Leipsiek. — A  la  salle  du  Gewandhaus,  M.  Brendel  fait  un  cours 

de  musique  très  suivi  ;  c'est  une  suite  d'observations  plus  ou  moins 

vraies,  plus  ou  moins  ingénieuses  sur  l'opéra  moderne,  sur  Beetho- 

en.  Ce  que  ces  cours  offrent  de  plus  remarquable,  c'est  qu'on  y  en- 


'  tend  de  temps  à  autre  des  morceaux  d'anciens  maitres  exécutés  par 
des  artistes  de  talent.  Un  cours  complet  d'histoire  musicale  fait  dans 
ce  sens  aurait  certainement  du  succès. 

*,*  Vienne.  —  A  l'occasion  du  mariage  de  l'archiduc  Albert  d'Au- 
triche avec  la  princesse  Hîldegarde  de  Bavière,  il  y  a  eu  de  brillantes 
fêtes  dans  celte  ville.  Quand  le  nouveau  couple  parut  pour  la  pre- 
mière fois  dans  la  salle  du  Burgthealer,  accompagné  de  l'archiduc 
Charles  ,  père  du  jeune  marié ,  ces  augustes  personnages  furent  ac- 
cueillis avec  des  démonstrations  de  joie  et  d'enthousiasme.  Il  y  a  eu 
un  concert  à  la  cour  dans  lequel  on  a  entendu  plusieurs  notabilités 
du  Théâtre-Italien  dont  les  représentations  commencent  à  perdre  de 
leur  vogue.  A  propos  de  ce  mariage,  je  vous  citerai  un  calembourg 
que  vous  trouverez  un  peu  auiriclucn  ,  mais  on  en  fait  tous  les  jours 
sur  nos  théâtres  de  Paris  qui  ne  le  valent  pas  ;  au  surplus  le  voici  : 
«La  plus  belle  garde  que  nous  ayons  en  Autriche,  c'est  Hilde- 
garde. » 

—  Un  témoin  oculaire  rapporte  ce  qui  suit  sur  une  des  dernières 
représentations  de  Fanny  Elssler  à  Vienne.  l,a  célèbre  danseuse  avait 
été  rappelée  sur  la  scène  plus  de  trente  fois  pendant  le  ballet;  à  la 
fin  du  spectacle,  elle  fut  encore  rappelée  vingt  fois  au  moins  sans 
exagération.  Le  théâtre  ressemblait  à  un  jardin  où  les  fleurs  gisaient 
éparses  par  monceaux,  entremêlées  de  pièces  de  vers  écrites  sur  des 
rubaos  ou  sur  des  bandes  de  papier  de  couleur;  et  des  vivats  et  des 
bravos  sans  fin,  et  des  transports  qui  tenaient  de  la  frénésie.  Tout 
cela  vous  parait  outré,  incroyable,  et  pourtant  mes  paroles  sont  en- 
core au-dessous  de  la  réalité;  Csurez-vous  plus  de  quatre  mille  per- 
sonnes dans  le  paroxisme  d'un  enthousiasme  voisin  de  la  démence.  A 
la  sortie  du  spectacle,  ce  fut  cent  fois  pis,  la  foule  s'était  amassée  aux 
portes  du  théâtre;  elle  était  là  compacte,  immobile,  impénéirable , 
attendant  la  Diva  au  passage:  la  Diva  ne  paraissait  pas,  elle  espérait 
fatiguer  la  curiosité  de  ses  admirateurs.  Onze  heures  étaient  son- 
nées ,  M"'  Elsslerne  venait  pas  encore.  Enfin  on  appelle  letocber  de 
M"«  Elssler,  on  ouvre  la  portière  et  on  la  referme  brusquement;  la 
voiture  se  met  en  mouvement,  on  arrête  les  chevaux,  on  ouvre,  elle 
était  vide.  Cris,  rires,  applaudissements,  vociférations  bruyantes. 
Deux  commissaires  de  police  s'élaient  postés  à  la  porte;  je  me  trou- 
vais à  l'extérieur.  Enfin  la  danseuse  paraît  environnée  de  la  plus 
haute  noblesse  de  Hongrie;  un  magnat  lui  donnait  le  bras.  Elle 
franchit  le  marche-pied  aux  acclamations  delà  foule  tellement  com- 
pacte que  les  chevaux  ne  pouvaient  aller  qu'au  pas;  les  plus  enra- 
gés escaladèrent  la  voiture,  se  suspendirent  aux  portières,  et  c'est 
ainsi  que  Fanny  Elssler  rentra  chez  elle  aux  cris  mille  fois  répétés: 
Vive  Fanny!  vive  la  divine,  vive  la  céleste  Fanny! 

*^'  New-York,'i^avril. — C'est  demain  ou  après-demain  qu'a  lieu 
la  réouverture  du  Théâtre-Italien  dont  les  premiers  succès  ont  été 
trop  légitimes  pour  qu'il  y  ait  lieu  de  douter  que  les  douze  repré- 
sentations auxquelles  est  limitée  la  nouvelle  campagne  ne  soient 
douze  rendez-vous  pour  le  public  fashionable  de  notre  ville,  douze 
triomphes  pour  les  artistes;  les  chances  de  réussite  sont  même  cette 
fois  beaucoup  plus  grandes.  L'opéra-buffa,  qui  va  remplacer  l'opéra- 
sério  étant  beaucoup  mieux  adapté  que  ce  dernierà  l'éducation  mu- 
sicale et  au  goût  des  dileltanli  américains.  Ce  seront  les  mêmes  ar- 
tistes, à  l'exception  de  Valtelîna  ,  dont  nous  regrettons  que  la  mau- 
vaise tête  nous  ait  fait  perdre  le  magnifique  talent;  en  revanche  nous 
aurons  Sanquirico  et  Sanlini. 

*,*  Valladolid.  —  On  vient  de  donner  au  théâtre  du  Lycée  un  ou- 
vrage qui  doit  être  piquant  s'il  l'est  autant  que  son  titre:  «  Derrière 
la  croix,  le  diable.  »  Que  dirait  chez  nous  d'un  titre  pareil  la  cen- 
sure si  chicanière  et  si  méticuleuse?  et  on  accuse  l'Espagne  d'être  ar- 
riérée ! 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESIINGER.   j 


wn 


ryf  GYMMSE  BJ'.S  DOIGTS  iL'USl(iEW5.  PIANISTES 


FraBce     1     Le  C/uTOfji/mnasIe  est  UD  asscnibla^'e  Jeneorappa- 
eicm.         reîl&çymnastiques  destinésâ  donner d&rexlfinsion  à 

i^ la  main  et  de  l'écart  aux  doigts  à  augmenter  et  à  égali- 

Invenii  pur  c.  KianTraïUe'"  leur  force  et  à  rendre  le  ^ualriéme  et  te  cinijiH'éme 

Fadeur  de  Pianos,        indépendants  de    tous  les  autres.  Le  C/iirojymnasle 

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212 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Publications  de  MAURICE  SCHLESINGER,  99,  vue  Riclielieu. 

|30ur  parottrc  le  î''  3uUlet  procijatm 

MORCEAUX  DE  CMOT  DE  L'OPÉRA 

IiES  LAZZARONES  b'maléty. 


Paroles  de  M.  de  Saint-Georges. 


Ouverture. 
N.  1.  Cavaline  chantée  par  M"»'  Stollz. 

2.  Air  de  l'improvisateur,  chanté  par  M.  Barroilhet. 

3.  Duo  chanté  par  M«"  Stollz  et  M.  Barroilhet. 

4.  Chanson  delà  Bouquetière,  chantée  par  M""  Dorus-Gras. 

5.  Duo  chanté  par  M»"^'  Dorus-Gras  et  Stoltz. 

e.  Trio,  par  MM.  Barroilhet,  Levasseur  et  M»«  Dorus-Gras. 
7.  Couplets  du  baptême  de  la  cloche,  chantées  par  M'""  Dorus- 
Gras. 


N.    8.  Duo  chanté  par  M.  Barroilhet  et  M"'»  Dorus-Gras. 
9.  Chansonnette  chantée  par  M™»  Stollz. 

10.  Duo  chanté  par  M"'"  Stollz  et  Dorus-Gras. 

1 1.  Duo  chanté  par  M.  lîarroilhet  et  M""  Stollz. 

11  bis.  Cavatine  extraite,  chantée  par  M.  Barroilhet. 
11  1er.  Romance  extraite,  chaulée  par  M"'  Stollz. 
IJ.  Trio  chanté  par  MM.  Levasseur,  Barroilhet  et  M""  Dorus- 
Gras. 
13.  Couplets  chantés  par  M""  Sloltz. 


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MM.  ANDERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  HENBI  BLANCHARD, 
MiBBICE  BOnRGES,  F.  DANJOD,  DUESBERG,  FÉTIS  père,  Édodabd  FÉTIS,  Stepben  HELLER,   J.  JANIN, 
;     G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  GEORGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A,  SPECHT,  etc. 

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SOMMAIRE.  Histoire  de  la  musique  (  second  article)  ;  par  FETIS 
père.  —  EiBosition  des  produits  de  l'industrie  (second  article)  ; 
par  G.-E.  AIMDERS.  —  Un  revenant;  par  H.  BLANCHARD.  — 

Inauguration  de  l'orgue  de  Saint-Euslache. —  Nouvelles.  —  An- 
nonces. 


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Ii'A9IDAIiOUSi: ,  musique  de  M.  H.  Miilder,  illustrée  par 
M.  Gavarni.  —  Ils  recevront  le  7  juillet  la  feuille  des  Composi- 
teurs dramatiques  modernes,  contenant  les  portraits  de 
TXBI,  Auber,  Berlioz,  Berton,  Bonizetti,  Ealévy,  Mendelssofan, 
Meyerbeer,  Onslow,  ILossini,  Spontinî.    . 


HISTOIRE  DE  LA  MISIOIIE. 

SUB.  I.A  NOTATION  MUSICAI.!: 

dont  s'est  servi  saint  Grégoire-le-Grand  pour  le  chani  de  son  Aniiphouaire. 
(Second  article  '.) 

ai.  le  conseiller  Kiesewetter,  qui  avait  publié,  en  1828, 
dans  la  Gazette  musicale  de  Leipsich ,  un  travail  sur  un  ma- 
nuscrit dont  il  sera  parlé  tout-à-l'heure,  et  qu'on  prétend 
renfermer  l'antiphonaire  de  saint  Grégoire,  a  faitinsércr  dans 
le  même  journal ,  en  18^3  ,  une  assez  longue  diatribe  contre 
moi ,  à  l'occasion  d'une  lettre  sur  mon  voyage  en  Italie ,  pu- 
bliée dans  la  Gazette  musicale  de  Paris,  où  j'ai  parlé  d'un 
graduel  du  vjir  siècle  noté  en  notation  lombarde,  que  j'avais 
vu  dans  le  trésor  de  l'église  de  Monza,  et  dans  laquelle  j'ai 
parlé  succinctement  de  certains  travaux  que  je  me  propose 
de  mettre  au  jour,  concernant  des  sujets  analogues.  Suivant 
M.  Kiesewetter,  j'ai  rêvé  les  notations  lombarde  et  saxonne. 
Les  Lombards,  dit-il,  étaient  païens  lorsqu'ils  envahirent  l'I- 

(")  Voirie  numéro  2i. 


talie ,  et  après  leur  conversion  à  la  religion  chrétienne ,  plu- 
sieurs de  leurs  rois  furent  ariens  ;  enfin ,  ils  se  livrèrent  sou- 
vent à  des  violences ,  à  des  pillages  sur  les  biens  de  l'église. 
Par  ces  motifs,  M.  Kiesewetter  ne  peut  croire  qu'ils  aient  eu 
une  notation  de  la  musique ,  et  qu'on  s'en  soit  servi  pour  les 
chants  de  l'église.  J'avoue  que  je  n'aperçois  pas  bien  la  liai- 
son logique  de  ce  raisonnement;  d'ailleurs  ,  remarquez  que 
ce  n'est  pas  moi  qui  veux  qu'on  se  soit  servi  de  cette  nota- 
tion pour  les  premiers  antiphonaires  et  graduels ,  puisque  je 
soutiens  précisément  le  contraire. 

M.  Kiesewetter  ajoute  :  «  On  peut  bien  trouver  des  neu- 
»  mes  Longobards  (Lombards)  ;  il  y  avait  bien  une  écriture 
1)  longobarde;  mais  les  Longobards  n'avaient  certainement 
»  pas  inventé  pour  cela  l'écriture  latine.  »  En  vérité,  je  n'ai 
jamais  commis  l'énormité  de  dire  que  les  Lombards  eussent 
inventé  l'écriture  latine.  Continuons  nos  citations  du  pam- 
phlet de  Kiesewetter  contre  ce  qu'il  appelle  mon  idée  fixe  et 
mes  illusions.  «  La  notation  lombarde,  dit-il,  n'est  en  déû- 
I)  nitive  rien  autre  chose  que  l'écriture  liturgique  des  Neumes 
»  en  usage  chez  plusieurs  autres  peuples ,  quoiqu'elle  se  pré- 
»  sente  avec  de  nombreuses  variétés.  Elle  est  seulement  plus 
n  forte  et  ressemble  à  une  écriture  dont  les  caractères  ont  quel- 
»  que  ornement  à  la  fin.  »  Que  m'oppose  là  M.  Kiesewetter, 
si  ce  ne  sont  mes  propres  paroles  ?  N'est-ce  pas  moi  qui  ai 
dit  le  premier  :  «  L'analogie  de  plusieurs  formes  de  la  nota- 
»  tion  lombarde  avec  celles  de  la  notation  saxonne  est  sensible; 
»  la  différence  de  leur  aspect  tient  principalement  à  ce  que 
»  les  formes  anguleuses  de  l'écriture  des  Lombards  dominent 
»  dans  la  notation  de  ceux-ci.  Ces  formes  sont  aussi  plus  dé- 
»  terminées,  moins  vagues  que  les  formes  saxonnes.  Delà 
»  vient  qu'elles  ont  exercé  plus  d'influence  que  celles-ci  sur  la 
»  formation  de  la  notation  latine  du  plain-chant,  etc.  (1)? 

»  Du  reste  (dit  encore  M.  Kiesewetter),  la  plupart  des  notes 

(1)  llésumé pliilosophique  de  l'histoire  delà  musique,  p.  CLXIV. 


BUREAUX   D'ABOHTNEMEM'T,    K.U3:   K.ICHEIjIEU,    97. 


214 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


»  que  l'on  trouve  encore  dans  ce  genre  appartiennent  à  une 
»  époque  qui  ne  vit  plus  l'empire  lombard,  et  ce  qu'on  ap- 
11  pelle  Longobard  veut  dire  quelque  chose  qfli  appartient  à 
i>  l'Italie  du  nord,  »  En  vérilé,  nioacher  crUique,  je  ne  sais 
h  quoi  vous  pensez,  ojr  c'est  encore  moi  qui  ai  dit  :  «  La  do- 
1)  miuation  des  Lombards  eu  Italie  fut  détruite  en  IIU  par 
»  Charlemaguo;  mais  ni  récriture  de  ce  pruplc,  ni  sa  nota- 
»  tion  musicale  ne  disparurent  après  eux  des  pays  qui  avaient 
»  composé  leur  royaume;  les  bibliothèques  de  l'Italie  sont 
»  remplies  de  monuments  de  cette  écriture  et  de  cette  nola- 
»  tion ,  qui  portent  des  indications  certaines  desix",  K',  xi*, 
»  et  xii°  siècles  (1).  » 

Pour  ne  laisser  à  l'écart  aucune  des  singulières  difficultés 
qui  me  sont  opposées  par  M.  le  conseiller  Kiesewetter,  je  con- 
tinue mes  citations  :  «  Les  bibliolbécaiies  parlent  augsi  d'une 
»  écriture  anglo-saxonne,  plus  communément  encore  appelée 
»  écossaise.  On  la  trouve  dans  les  écrits  des  moines  bénédic- 
»  tins  qui  furent  envoyés  en  grand  nombre  sur  le  continent 
•)  par  l'Angleterre  et  l'Ecosse,  etc.;  »  et  plus  loin,  il  ajoute  : 
«  il  est  inutile  de  rappeler  à  quiconque  ne  se  plaît  pas  dans 
»  les  chimères,  que  la  dénomination  d'écriture  écossaise  ou 
»  anglo-saxonne  dont  se  servent  les  bibliothécaires ,  se  rap- 
»  porte  aussi  peu  à  une  notation  que  les  bénédictins  auraient 
1)  inventée  qu'à  un  alphabet  imaginé  par  eux.  »  Je  demande 
en  conscience  à  M.  le  conseiller  Kiesewetter  oii  il  a  vu  dans 
ce  que  j'ai  écrit  un  seul  mot  à  quoi  répondent  les  passages. 
Qui  parle  de  bénédictins  et  d'écriture  écossaise?  Il  s'agit  bien 
de  cela!  l'origine  des  notations  lombarde  et  saxonne  se  trouve 
dans  les  contrées  de  l'Allemagne  que  j'ai  indiquées.  La  variété 
connue  en  Espagne  sous  le  nom  de  gothique,  a  été  portée 
dans  ce  pays  au  iv"  siècle  par  les  Suèves  (2);  une  des  variétés 
saxonnes  a  été  introduite  en  Angleterre  par  les  conquérants 
de  la  Bretagne  au  y  siècle.  La  langue  de  ce  peuple  dérivait 
du  mœsogothique,  suivant  le  témoignage  du  savantHickes  (3); 
mais  arrivé  en  Angleterre ,  il  y  modifia  son  alphabet  par  le 
latin  qui  y  avait  été  importé  par  les  Romains ,  en  conservant 
toutefois  les  formes  anguleuses  de  quelques  uns  des  carac- 
tères primitifs  de  son  écriture,  dont  on  voit  les  types  dans  le 
Nouveau  traité  de  diplomatique  des  bénédictins  (4).  L'écri- 
ture des  Saxons  ainsi  modifiée  est  celle  du  Psautier  saxon  noté 
du  viii"  siècle,  qui  se  trouve  au  Musée  britannique;  elle  est 
semblable  à  celle  du  diplôme  d'Édouard-le-Confesseur  qui 
est  aux  Archives  du  royaume  de  France  (K.  19,  o/im  36).  De 
même  que  les  Saxons ,  les  Lombards  ,  qui  firent  la  conquête 
d'une  grande  partie  de  l'Italie  au  viP  siècle  ,  adoptèrent  l'al- 
phabet latin ,  mais  en  lui  donnant  les  formes  brisées ,  angu- 
leuses de  leur  écriture  primitive;  c'est  à  ces  caractères  qu'on 
reconnaît  l'écriture  désignée  sous  le  nom  de  lombarde ,  et  ce 
sont  ces  mêmes  caractères  qui  conservent  à  la  notation  du 
même  peuple  sa  physionomie  originelle  jusqu'aux  derniers 
temps  de  son  usage  ,  ainsi  que  le  prouve  le  fragment  noté 
d'un  recueil  lombard  d'Homélies  et  d'Hymnes  publié  par 
M.  Silvestre ,  dans  son  admirable  recueil  paléographique , 
d'après  un  manuscrit  de  la  fin  du  xii"  siècle ,  qui  existe  au 
monastère  de  la  Gava ,  près  de  Naples. 

Suivant  M.  Kiesewetter  les  signes  des  notations  dont  je 


(1)  lOid.,  p.  cLxni. 

(•2)  CciiHus  EiKjcniani  seu  vielodici  explanalio  facla  à  D.  Hieron- 
Romero  S.  ecclesiœ  Tolelnnœ  Hispaniarum  primatis  porlionario ,  el 
camus  melodici  magistro ,  in  Breviarium  goiliiciitn  secundum  regulam 
beadssimi  Isidori,  etc.,  ad  usum  sacelli  mazaruùum.  (Malrili,  1775, 
in-fol.,  p.  .\xvi-xxx. 

(3)  Imiilutionca  rjrammalicœ  aiirjlo-saxomcœ  et  mœsogothicœ,  etc. 
Oxonii,  1689,  in-'i. 

(4)  Tom.  I,  p.  712,  pi.  XIV. 


parle  seraient  ceux  de  la  notation  romaine,  et  de  là  les  accu- 
sations d'idée  fixe,  d'illusion  et  de  chimère  qu'il  me  jette  ca- 
valièrement à  la  £ace ,  quand  je  parle  de  notations  lombarde 
et  saxonne,  filais  quoi?  à  toutes  choses  j'ai  l'habitude  de 
chercher  une  cause.  Or ,  je  voudrais  bien  que  M.  Kiesewetter 
m'expliquât  ce  qui  aurait  pu  donner  naissance ,  chez  les  La- 
tins, à  ces  notations  bizarres ,  qui  sont  pour  moi  si  évidem- 
ment originaires  du  Nord,  et  dans  lesquelles  je  trouve  les 
signes  des  anciens  alphabets  des  peuples  septentrionaux, 
commG  je  le  prouverai  ailleurs.  La  musique  des  anciens  Ro- 
mans fut  évidemment  semblable  à  celle  des  Grecs.  La  no- 
tatioB  de  ceux-ci  avait  pénétré  en  Italie  après  ia  conquête  de 
la  Grèce  par  ces  dominateurs  du  monde.  Qu'ils  eussent  donc 
une  notation  latine  ou  grecque,  analogue  à  deux  langues  dont 
r une  était  t>ariée  par  toute  la  population,  et  dont  l'autre  était 
connue  de  tous  les  hommes  distingués ,  cela  se  conçoit;  cela 
paraît  même  une  nécessité  logique  ;  mais  par  quelles  circon- 
stances veut-on  que  les  Romains  aient  été  conduits  à  l'inven- 
tion de  signes  qui  auraient  été  complètement  arbitraires  pour 
eux?  En  vérité ,  c'est  vouloir  mettre  à  toute  force  l'absurde  à 
la  place  de  la  raison  ! 

Je  conçois  toutefois  qu'après  avoir  affirmé,  comme  l'ont 
fait  M.  Kiesewetter  (en  1828)  et  ses  copistes  ,  que  l'usage  des 
lettres ,  pour  la  notation  de  la  musique ,  n'exista  que  posté- 
rieurement au  dixième  siècle,  d'une  manière  exceptionnelle 
et  assez  rare  ,  il  est  désagréable  d'être  obligé  d'abandonner 
un  fait  établi  en  termes  si  formels  :  aussi  M.  Kiesewetter  re- 
pousse-t-il ,  dans  sa  verte  critique  de  mes  assertions,  ce  que 
j'ai  dit  dans  ma  lettre  du  3  février  î8/i3 ,  concernant  la  nota- 
tion par  les  quinze  letti-es  latines  de  Boèce.  «  Boetius  (dit-il) 
»  n'enseigne  pas  une  telle  notation  {avec  des  caractères  ro- 
»  mains]  ;  il  ne  fait  dans  son  livre  qu'expliquer  le  système  et 
»  la  notation  particulière  de  la  musique  grecque  ;  ilnepensait 
»  à  rien  moins  qu'à  une  notation  pour  la  liturgie  grecque.  » 
J'ai  prouvé  dans  mon  précédent  article  que  l'opinion  de  Mei- 
bomius  et  de  Forkel  à  cet  égard  est  erronée.  M.  Kiesewetter, 
qui  n'a  peut-être  pas  eu  sous  les  yeux  de  bons  manuscrits  du 
traité  de  musique  de  Boèce,  est  excusablede  l'avoir  partagée: 
mais  j'avoue  que  je  ne  le  comprends  pas  lorsqu'il  dit  que  Boèce 
nepensait  à  rien  moins  qu'à  une  notation  pour  la  liliirgie  la- 
tine! Qu'est-ce  à  dire  ?  Faut-il  donc  une  notation  particulière 
pour  chaque  genre  de  chant?  S'il  y  avait,  longtemps  avant 
Boèce,  des  signes  pris  dans  l'alphabet  latin  pour  représenter 
des  sons,  ces  signes  ne  pouvaient-ilspas  aussi  bien  s'appliquer 
à  des  chants  chrétiens  qu'à  des  cantilènes  païennes? 

Mais  voici  qui  est  plus  positif:  les  quinze  lettres  latines  pla- 
cées par  Boèce  en  regard  des  signes  de  la  notation  grecque 
pour  les  expliquer  existaient  encore  au  x«  siècle,  et  servaient 
à  noter  le  plain-chant.  Ici  il  ne  s'agit  plus  de  manuscrits  in- 
connus, mais  de  livres  imprimés  qui  sont  entre  les  mains  de 
tout  le  monde.  Hucbald  en  donne  la  disposition  en  deux 
octaves  dans  sa  Musica  encbiriadis  (1).  Un  manuscrit  du 
Yiir  siècle,  qui  contient  tout  l'office  propre  de  saint  Thu- 
riave  ou  Thuriaf ,  évêque  de  Dol,  en  Bretagne,  est  noté  tout 
entier  avec  ces  quinze  lettres.  Le  P.  Juraillac,  auteur  du  livre 
intitulé  La  science  et  la  pratique  du  plain-chant ,  en  a  extrait 
l'antienne  Aspirante  Deo  avec  le  chant  ainsi  noté  (2) ,  d'a- 
près le  manuscrit  qui  était  de  son  temps  à  l'abbaye  Saint- 
Germain,  et  qui  est  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  royale  de 
Paris.  Or,  ce  saint  Thuriave ,  mort  en  7/i9,  fut  canonisé 
en  751  par  le  pape  Zacharie ,  et  son  office,  composé  en  7/i3, 

(1)  ^pud  script,  ecclesinst.  de  musicd,  éd.  Gerbcrlo,  t.  I,  p.  209. 

(2)  Pag.  318. 


DE  PARIS. 


215 


fut  chanté  pour  la  première  fois  le  13  juillet  de  la  même  an- 
née. Vers  850,  lorsque  les  Normands  ravagèrent  la  Bretagne, 
les  reliques  du  saint  furent  transportées  avec  le  manuscrit 
original  de  son  office  à  l'abbaye  Sainl-Germain-des-Pris ,  où 
ce  livre  est  resté  jusqu'à  l'époque  de  la  révolution.  Le  même 
auteur  rapporte  aussi  un  Exsultct  noté  avec  les  quinze  lettres 
d'après  un  manuscrit  de  l'abbaye  de  Jumièges  en  i\orman- 
die  (1),  dont  l'âge  remonte  jusque  vers  l'an  1000.  Ainsi  cette 
notation  romaine  véritable ,  dont  Boèce  se  servait  près  de 
cinq  cents  ans  auparavant  pour  expliquer  la  notation  grecque, 
n'avait  pas  cessé  d'être  en  usage  concurremment  avec  d'au- 
tres. Voilà  ce  que  j'ai  à  répondre  à  M.  le  conseiller  Kiese- 
wetter  qui  nie  cette  notation,  et  qui  me  porte  le  défl  de  pro- 
duire des  livres  de  chant  notés  en  lettres  appartenant  à  l'époque 
du  manuscrit  de  saint  Gall ,  dont  je  parlerai  tout-à-l'heure. 
Poursuivons  l'examen  des  assertions  de  mes  adversaires  et 
particulièrement  de  M.  Kiesewetter. 

Saint  Grégoire ,  à  qui  l'on  attribue  à  tort ,  dit-il ,  l'usage  des 
lettres,  n'employa  que  les  neiimes  pour  la  notation  de  son  an- 
tiphonaire,  déposé  par  lui  sur  l'autel  de  Saint-Pierre,  et  dont 
le  fac  simile  est  à  la  bibliothèque  de  Saint-Gall ,  en  Suisse. 
Or,  je  crois  avoir  démontré  dans  ce  qui  précède  que  non 
seulement  la  notation  par  les  lettres  n'est  pas  postérieure  aux 
notations  improprement  appelées  netunes  par  M.  Kiesewet- 
ter (2) ,  mais  que  son  origine  remonte  jusqu'aux  anciens 
temps  de  la  république  romaine.  J'ai  fait  voir  aussi,  je  crois, 
que  saint  Grégoire  n'a  dû  se  servir  que  de  cette  notation  des 
lettres  pour  son  antiphonaire.  Quant  à  l'assertion  que  cette 
notation  n'a  été  employée  que  d'une  manière  exceptionnelle, 
il  suffit,  pour  la  réfuter  victorieusement ,  de  faire  remarquer 
que  Hucbald,  Odon  de  Cluni,  Guido  d'Arezzo-,  Bernon 
d'Ange,  Hermann,  surnommé  Contract;  Guillaume,  abbé 
d'Hirschan,  ïhéotgerde  Meiz,  Aribon,  Jean  Cotton  et  beau- 
coup d'autres  auteurs  du  moyen-âge  n'ont  expliqué  le  sys- 
tème de  l'art  qu'à  l'aide  des  lettres ,  quoique  les  copistes  de 
leurs  ouvrages  aient  écrit,  suivant  les  temps  et  les  lieux,  les 
exemples  de  chant  au  moyen  de  notations  plus  ou  moins  ré- 
pandues par  l'usage,  plus  ou  moins  particulières,  plus  ou  moins 
modernes.  Enfin,  pour  démontrer  que  l'usage  des  lettres  était 
généralement  répandu  ,  il  suffit  de  rappeler  qu'on  aplanissait 
les  difficultés  des  notations  lombarde  et  saxonne  en  mettant 
ces  lettres  au  commencement  des  pièces  de  chant  pour  déter- 
miner la  valeur  des  signes  de  ces  notations  et  leur  position, 
ce  qui  rend  évident  qu'on  apprenait  la  musique  par  les  lettres; 
que  cette  notation  fut  contemporaine  des  autres  après  les 
avoir  précédées  et  que  l'usage  des  notaiions  lombarde  et 
saxonne  ne  fut  plus  général  dans  les  livres  de  chant  d'é- 
glise, que  parce  qu'elles  offraient  les  moyens  de  représen- 
ter plusieurs  sons  par  un  seul  signe  ;  avantage  que  les  lettres 
n'avaient  pas,  mais  qu'elles  rachetaient  par  le  mérite  de  la 
clarté. 

Il  y  a  d'ailleurs  une  autorité  qui  serait  décisive  à  ce  sujet, 

(1)  Jbifl. 

(2)  Neuma,  quLvient  du  grec  TtvEÙpa  (  soulBe,  respiralion)  s'est 
dit  originairement  des  récapitulations  des  Ions  du  plain-chant  qu'on 
plaçait  sur  les  mots  barbares  noioenne,  enonae  ,  etc.  Plus  tard  on  a 
étendu  la  signification  du  nom  de  neume  aus  signes  représentatifs 
de  plusieurs  sons  liés  ,  c'est-à-dire  à  plusieurs  sons  qui  peuvent  se 
faire  par  une  seule  respiration.  C'est  ce  que  dit  positivement  Gafori 
dans  le  huiiième  chapitre  du  premier  livre  de  sa  Practicu  miisica. 
Voici  ses  paroles  :  Ncuma  enim  est  vocum  seu  notalarum  iinica  respi- 
ralione  cotigrue  pronunciandurum  aggre'jndo.  Les  notes  ou  signes  de 
sons  isolés  n'étaient  donc  pas  des  neur,tes  ;  on  les  désignait  par  le 
nom  générique  de  noiœ.  C'est  donc  à  tort  que  du  Cange  a  dit  : 
Neuniœ prœlerea  in musicâ dicunlnr noice  quas  musicales dicimiis.  (Gloss. 
med,  et  infim.  latinat.  Voc.  Pneiima.) 


lors  même  qu'on  n'aurait  pas  celle  des  faits  qui  viennent 
d'être  rapportés;  elle  se  trouve  dans  un  passage  d'un  traité 
de  la  division  du  monocorde  d'après  les  principes  de  Boèce, 
attribué  à  Guido  d'Arezzo,  et  dont  le  manuscrit  est  à  la  bi- 
bholhèque  Laurenlicnne  de  Florence.  Il  n'est  pas  certain  que 
cet  opuscule  appariienne  en  effet  à  Guido  ,  mais  on  peut  af- 
firmer qu'il  a  été  écrit  de  son  temps;  or,  le  passage  prouve 
que  les  lettres  étaient  alors  d'un  usage  général.  L'auteur, 
parlant  des  lettres  employées  par  Odon,  abbé  de  Cluny,  au 
connnencement  du  x'  siècle ,  s'exprime  en  ces  termes  :  His 
utimur  litteris  vel  notis  seciindtim  Hcnchiridion  ,  Lilteras 
(Litteris)  autem  secundum  commimem  «Sî/m.' L'usage  des 
lettres  pour  la  notation  de  la  musique  était  donc  commun  , 
vulgaire  déjà  au  temps  où  vivait  Odon  ! 

A  l'égard  de  l'anecdote  du  dépôt  de  l'antiphonaire  de  saint 
Grégoire  sur  l'autel  de  Saint-Pierre ,  et  du  fac  simile  de  cet 
antiphonaire  trouvé  à  Saint-Gall,  il  est  facile  de  prouver  que 
ce  sont  des  faits  dénués  de  fondement.  Examinons  ce  qu'on  en 
rapporte. 

L'abbé  Gerbert  a  signalé,  dans  la  relation  de  son  voyage 
et  dans  son  trailé  De  cantis  et  miisica  sacra,  l'existence  d'un 
manuscrit  de  l'ancienne  abbaye  de  Saint-Gall  qui  passe  pour 
être  une  copie  de  l'anliphonairc  de  saint  Grégoire ,  supposée 
faite  dans  le  Yiir  siècle.  M.  Kiesewetter  a  publié  un  extrait 
de  ce  manuscrit  dans  le  travail  cité  précédemment,  et  cet  ex- 
trait a  été  copié  par  MM.  Bottée  de  Toulmon  et  Coussema- 
ker.  Ce  dernier  a  voulu  étayer  l'authenticité  de  ce  morceau 
et  de  l'historiette  du  dépôt  de  l'antiphonaire  sur  l'autel  de 
Saint-Pierre  de  Rome ,  en  y  ajoutant  diverses  circonstances; 
par  exemple,  celle  de  la  demande  d'un  antiphonaire  authen- 
tique adressée  au  pape  par  le  roi  de  France  Louis-le-Débon- 
naire,  et  de  l'impossibilité  qu'il  y  eut  de  le  satisfaire,  aucun 
livre  de  ce  genre  n'existant  plus  à  Rome ,  parce  que  le  der- 
nier avait  été  remis  à  "Walla  ,  ministre  de  Charlemagne  (1) .  A 
tout  cela  voici  ma  réponse  : 

Le  fragment  copié  par  M.  Kiesewetter  n'appartient  point 
à  l'antiphonaire ,  car  c'est  le  dernier  verset  du  graduel  du 
premier  dimanche  de  l'Avent.  Osiende  nobis  ,  Domine,  mi- 
sericordiam  tuam^  et  salularc  tuum  da  nobis.  Le  manuscrit 
de  saint  Gall  n'est  donc  pas  un  antiphonaire,  mais  un  gra- 
duel. On  objectera  peut-être  que  les  anciens  livres  de  chant 
qui  remontent  au  dixième  siècle ,  au  onzième  siècle,  renfer- 
ment souvent  tous  les  chants  de  l'office  du  matin  et  du  soir , 
et  cela  est  vrai  ;  mais  n'oublions  pas  qu'il  s'agit  d'une  préten- 
due copie  de  l'antiphonaiie  de  saint  Grégoire,  déposé  sur 
l'autel  de  Saint-Pierre  ,  à  Rome  :  Or,  nous  avons  l'antipho- 
naire de  saint  Grégoire,  publié  dans  la  collection  de  ses  œu- 
vres (t.  3  ,  p.  737-878)  par  les  bénédictins  Denis  de  Sainte- 
Marthe  et  Guillaume  Bessin  ,  d'après  un  manuscrit  du  neu- 
vième siècle,  qui  avait  appartenu  à  l'église  de  Comi)iègiie. 
On  trouvait  ces  mots  en  tête  du  manuscrit  qui  a  servi  pour 
celte  édition  :  In  nomine  Damini  Jesu-C/m'sti  incipivnt 
responsaria  sive  Antiphonœ  par  anni  circiihim.  Ce  livre  est 
un  véritable  Antiphonaire,  qui  ne  contient  que  les  antiennes 
et  les  répons  de  l'office  divin  et  des  matines.  On  n'y  trouve 
pas  un  introït,  pas  un  graduel ,  pas  une  offertoire  ,  pas  ui'.c 
seule  pièce  qui  appartienne  à  la  messe.  Voici  les  premiers 
mots  de  tout  ce  qu'on  y  lit  pour  la  première  semaine  de 
l'Avent  : 

DE  VIGIUA  DOMINICyE  I  DE   ADVENTU  DOMINI. 

AD    VESPKRAS. 

y/iil.  Ecce  nomen  Domini. 
(I)  Mémoire  sur  Hucbald  et  sur  ses  Traites  de  musique. 


216 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


AD    INVITATOBIUM. 

Ani.  Ecce  véniel  rex. 
Ani.  Regem  venturum  Dominutn. 
Ant.  Angélus  Domini  nunciavit  Marise. 
Am.  Jérusalem,  respice  ad  Orientem. 

FEBIA    TERTIA. 

Ani.  Antéquam  convenirent. 

TEnlA   QUARTA. 

Ain.  De  Sion  exivit  lex. 

FEEIA   QUINTA. 

Ani.  Benedicta  in  mulieribus. 
Ani.  Expeclabo  Dominum. 

FERIA  SEXTA. 

Ani.  Ecce  veniet  Deus. 

SABBATO. 

Ani.  Sion,  noli  timere. 
On  voit  qu'il  n'y  a  pas  là  un  mot  de  ïOstende  nohù.  Je 
répète  donc  avec  certitude  que  le  manuscrit  de  saint  Gall 
n'est  pas  un  antiphonaire ,  et  surtout  que  ce  n'est  pas  celui  de 
saint  Grégoire  ;  je  répèle,  enfin  ,  qu'on  ne  peut  s'appuyer  sur 
ce  manuscrit  connue  d'une  preuve  que  ce  pape  s'est  servi  des 
notations  du  Nord  pour  son  recueil  de  chants  de  l'Église  ca- 
tholique ,  et  pour  établir  un  fait  de  cette  importance ,  con- 
trairement à  ce  que  nous  enseigne  l'histoire.  On  voit  enfin  ce 
que  devient  le  superbe  démenti  qui  m'est  donné  par  M.  Kie- 
sewetter  dans  ces  paroles  :  «  Le  manuscrit  de  saint  Gall  est 
»  (qu'on  écoute  !  )  un  antiphonaire  véritable  ,  et  même  l'an- 
»  tiphonaire  de  saint  Grégoire,  celui  même  dont  le  texte  est 
"[contenu  sous  ce  titre  dans  la  collection  que  M.  Fétis  nous 
«  présente.  »  On  croit  rêver  en  lisant  cela  !  Au  surplus  je  ne 
suis  pas  au  bout  des  preuvesque  j'ai  à  apporter  à  M.  le  con- 
seiller Kiesewetter. 

FÉTIS  père, 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 
(La  suite  mi  prochain  numéro.)  (l) 


€ïp0sitiou  ÎIC9  IJJroîiwits  î)c  l'3nî>Hstne. 

SECOND   ARTICLE. 

Pianos.  —  M.  Pape. 

n  commençant  la  revue  des  pianos ,  donnons 
le  pas  au  géant  de  l'espèce  ,  au  piano-monslrc, 
comme  on  l'a  appelé ,  au  piano  à  huit  octaves 
enfin. 
Le  piano  à  huit  octaves ,  que  l'on  aurait  cru 
une  chimère  il  y  a  quelques  années,  est  aujourd'hui  une  réa- 
lité, un  fait  accompli.  Cette  innovation,  comme  tant  d'autres, 
rencontra  de  prime  abord  des  critiques,  souleva  des  adver- 
saires et  des  détracteurs  tout  prêts  à  formuler  leur  opinion 
sans  même  avoir  vu  l'instrument.  M.  Pape  n'en  continua  pas 
moins  son  œuvre ,  et  après  avoir  construit  plusieurs  de  ces 
pianos,  il  les  fit  entendre  dans  quelques  soirées  qu'il  donna 
dans  ses  salons  vers  la  fin  de  l'hiver  dernier.  Les  personnes 

(1)  ERRATA  du  premier  arlicle— Pag.  205,  2«  col.,  noie  1,  au 
lieu  de  :  ea;  cdi(.  yi/eiionu'ci;  lisez:  Meibomil.  —  Pag.  207,  l"col., 
lig.  16,  au  lieu  de  :  vi'^  siècle  ;  lisez  :  x''  siècle.  —  Même  page,  2=  col., 
noie  2,  au  lieu  de  :  Anliplionarium  cwuoiiem  ;  lisez  :  Aiuiplionarium 
centonem.  —  Pag.  207,  1"  colonne,  note,  au  lieu  de  :  grœsum  ;  lisez  : 
graecum.  —  Même  page  ,  2=  col.,  lig.  7  en  remontant ,  au  (lieu  de  : 
Ludolp,  lisez  :  Ludolf.  —  Même  page ,  2«  col.,  noie  2,  au  lieu  de  : 
Sijnclarjmaia  musicum ,  lisez  ;  A'ijmagma  musicum.  —  Même  page, 
2'  col.,  noie  i,  au  lieu  de  :  Hanburgische  Kirchen  Geschiehte,  lisez  : 
Hamburrjische  Kirchen-Geschichle.  —  Même  page,  noie  8,  au  lieu  de  : 
Uuebald,  lisez  :  Hucbald.  —  Même  page,  Dol.  10,  au  lieu  de  :  Allge- 
melm  ,  lisez  :  AUgemeinc. 


qui  assistèrent  à  ces  soirées  n'ont  sans  doute  pas  oublié  l'effet 
imposant  que  produisit  un  grand  morceau  à  huit  mains,  com- 
posé par  un  musicien  célèbre  et  exécuté  sur  deux  des  nou- 
veaux pianos  par  quatre  artistes  distingués.  On  admira  la 
puissante  sonorité  des  instruments,  on  apprécia  les  ressources 
que  présente  l'étendue  de  ce  vaste  clavier,  et  dès  ce  moment 
le  piano  à  huit  octaves  compta  des  partisans.  Aujourd'hui  il 
obtient  mieux  encore  ;  grâce  à  l'Exposition,  qui  semble,  cette 
année  surtout,  singulièrement  exciter  l'émulation  des  fac- 
teurs de  pianos,  il  vient  d'avoir  un  rival.  Voilà  donc  son 
succès  complet ,  son  avenir  assuré ,  car  d'autres  facteurs  ue 
voudront  pas  rester  en  arrière,  et,  tout  en  maudissant  cet  ac- 
croissement du  clavier,  ils  chercheront  à  l'établir  dans  leurs 
instruments.  Constatons  que  c'est  M.  Pape  qui,  en  cette 
circonstance  comme  en  beaucoup  d'autres,  a  pris  l'initia- 
tive. 

Depuis  cinquante  ans,  le  piano  a  successivement  vu  s'aug- 
menter son  clavier;  maiscen'est  que  petit  àpetitqu'onenà  re- 
culé les  limites.  On  ajouta  timidement  une  ou  deux  touches, 
tantôt  dans  le  haut,  tantôt  dans  le  bas,  et  c'est  ainsi  que  le 
clavier  fut  porlé  à  sept  octaves ,  où  il  s'arrêta.  Tous  les  pianos 
n'arrivèrent  même  pas  jusque  là.  Ajouter  à  ce  clavier  déjà 
énorme,  d'un  seul  coup,  une  octave  entière,  c'était  une 
tentative  aussi  hardie  qu'inattendue  :  aussi  ne  sommes  nous 
pas  étonné  que  ce  soit  M.  Pape  qui  en  ait  conçu  l'idée.  Per- 
sonne plus  que  lui  n'était  à  même  de  la  réaliser  ;  d'ailleurs  son 
système  de  construction  lui  venait]en  aide  pour  surmonter  les 
difficultés. 

On  sait  que  le  système  de  ce  facteur  est  l'inverse  du  sy.s- 
tème  ordinaire ,  c'ost-à-dire  qu'au  lieu  de  placer  le  méca- 
nisme au-dessous  des  cordes ,  il  le  place  au-dessus.  Cette 
disposition ,  qui  lui  permet  de  faire  passer  les  cordes  en 
dessus  des  touches  et  de  fixer  les  chevilles  sur  le  devant  du 
clavier,  lui  fait  gagner  pour  les  cordes  de  la  basse  25  centi- 
mètres de  longeur;  en  outre  la  table  d'harmonie  n'étant  pas, 
comme  dans  les  pianos  ordinaires,  coupée  pour  laisser  pas- 
sage aux  marteaux ,  conserve  toute  la  longueur  de  l'instru- 
ment et  sert  à  en  augmenter  la  sonorité.  Si  ces  avantages  ne 
levaient  pas  tous  les  obstacles  qui  s'oppo.saient  à  l'innovation 
dont  il  s'agit ,  ils  en  facilitaient  au  moins  l'exécution.  Elle  ne 
pouvait  manquer  de  réussir  entre,  les  mains  de  l'habile  et 
persévérant  facteur. 

En  1839  M.  Pape  exposa  sept  pianos;  aujourd'hui  sa  case 
plus  étroite  n'en  contient  que  trois.  Toutes  ses  réclamations , 
toutes  ses  insiances,  pour  obtenir  un  emplacement  plus  spa- 
cieux, plus  convenable,  ont  été  inutiles.  Ajoutons  que  sa  place 
est  encore  désavantageuse  sous  le  rapport  de  l'acoustique.  Vou- 
lant compléter  celte  exposition  plus  qu'insuffisante  pour  faire 
apprécier  la  variété  et  le  mérite  de  sa  fabrication ,  M.  Pape 
a  eu  recours  à  un  moyen  bien  simple:  il  a  exposé  avec  les 
trois  instruments  un  tableau  contenant  les  dessins  de  douze 
pianos  divers  ;  au  bas  de  ce  tableau  se  lit  un  avertissement 
qui  invite  les  personnes  désireuses  de  voir  les  instruments 
mêmes,  à  se  rendre  chez  lui  tous  les  jours  de  quatre  à  cinq 
heures.  C'est  donc  dans  un  de  ses  salons  que  se  trouve  sa 
véritable  exposition  ;  c'est  là  que  nous  avons  examiné  les  pia- 
nos qui  suivent  : 

Piano  à  queue ,  à  huit  octaves.  \ 

Piano  à  queue ,  petit  format. 
Piano  ovale  nouveau. 
Piano-table,  80  notes  [A'vt  à  sol). 
Piano  hexagone ,  à  six  octaves  et  demie. 
Piano-console ,  à  sept  octaves. 


DE  PARIS, 


217 


Piano-console ,  94  notes. 
Piano  vertical ,  nouveau  modèle. 
Piano  vertical  organisé. 
Piano  sans  cordes. 
Piano  sténographe. 
Harmonica  à  clavier. 

L'espace  nous  manquerait  si  nous  voulions  faire  une  des- 
cription ou  une  analyse  détaillée  de  tous  ces  instruments  ; 
nous  nous  bornerons  aux  indications  que  nous  jugerons  né- 
cessaires en  engageant  les  amateurs  à  visiter  eux-mêmes 
cette  riche  collection. 

Le  PiaBio  h  Iiuit  octaves  est  un  instrument  magni- 
fique dont  le  mérite  ne  se  borne  pas  à  l'énorme  étendue  de 
son  clavier,  mais  qui  se  distingue  par  des  qualités  bien  plus  re- 
marquables. C'est  dans  ce  piano  que  M.  Pape  a  introduit  sa 
nouvelle  mécanique  établie  cette  année ,  et  qui  semble  être 
son  dernier  mot  dans  cette  partie  de  la  facture ,  car  elle  est 
arrivée  à  une  simplicité  qu'il  paraît  impossible  de  pousser 
plus  loin.  C'était  là  le  problème  dont  l'infatigable  facteur 
cherchait  la  solution  depuis  de  si  longues  années.  Tout  se 
réduit  à  quelques  pièces  dont  l'ingénieuse  combinaison  doit 
frapper  les  connaisseurs.  Nous  pouvons  nqus  dispenser  d'en- 
trer dans  de  plus  longs  détails  à  ce  sujet,  la  Gazette  musicale 
ayant  consacré  h  ces  nouveaux  pianos  un  article  spécial  sorti 
de  la  plume  savante  d'un  célèbre  écrivain  qui  a  analysé  et 
démontré  les  qualitésde  ces  superbes  instruments  (1).  Parlons 
seulement  d'une  [modificalion  que  le  facteur  a  apportée  de- 
puis à  son  clavier  en  retranchant  quelques  notes  du  haut  pour 
en  ajouter  dans  le  bas. 

On  sait  qu'on  avait  reproché  aux  dernières  notes  du  des- 
sus une  certaine  sécheresse  ou  absence  de  vibration  ;  les 
basses,  au  contraire,  avaient  été  trouvées  magnifiques.  Le  cla- 
vier, tel  que  iM.  Pape  l'a  établi  dans  le  dernier  piano  que 
nous  avons  examiné,  nous  semble  devoir  réunir  tous  les  suf- 
frages. Au  lieu  de  partir  du  fa ,  il  part  de  Vvt  au-dessous  et 
va  jusqu'à  Vut  suraigu  ,  et  comprend  ainsi  huit  octaves  bien 
complètes  et  bien  sonores.  C'est  là,  ce  nous  semble  ,  que  l'on 
devrait  s'arrêter.  Mais  qui  sait?  Peut-être  M.  Pape  reprendra- 
t-il  un  jour  ses  notes  du  dessus ,  lorsqu'il  sera  parvenu  à  leur 
donner  une  sonorité  suffisante  au  moyen  des  lames  métal- 
liques dont  il  médite  depuis  longtemps  l'application.  Du 
moins  oserait-on  affirmer  que  huit  octaves  sont  la  dernière 
limite  possible  du  clavier? 

Le  Péauo  à  agiieue ,  i>etl4  format,  tel  qu'on  nous 
le  présente  aujourd'hui,  est  une  création  de  18l\U.  Réduit  à 
sa  plus  petite  dimension,  il  n'a  qu'un  mètre  ^iS  centimètres 
de  longueur,  et  cependant  le  son  est  d'une  force  et  d'une 
ampleur  telles,  qu'on  croirait  entendre  un  instrument  de 
grand  format.  Quant  au  mécanisme,  il  participe  aux  per- 
fectionnements dont  nous  venons  de  parler;  c'est  le  même 
que  celui  du  piano  précédent. 

Le  Piano  ovale  nouveau  créé  par  M.  Pape,  et  ex- 
posé pour  la  première  fois  en  1834 ,  réunit  à  l'élégance  de  la 
forme  l'avantage  précieux  d'un  emplacement  facile  dans  cer- 
tains appartements  trop  exigus  pour  contenir  un  piano  carré 
ordinaire,  dont  il  possède,  du  reste,  les  qualités.  Le  clavier  à 
tiroir  reste  dans  la  caisse,  ce  qui  diminue  la  largeur  de  l'ins- 
trument. Nous  ferons  observer  en  passant  que  ce  clavier  mo- 
bile a  la  qualité  particulière  de  rendre  le  toucher  plus  ou 
moins  dur,  suivant  la  position  qu'on  lui  donne. 

Les  premiers  pianos  ovales  n'avaient  que  six  octaves ,  et  le 
clavier  rentrait  sous  les  cordes;  aujourd'hui  toute  la  méca- 


(I)  V.  la  Gazette  musicale  du  24  mars  dernier. 


nique  passe  en  dessus  des  cordes,  et  l'étendue  du  clavier  est 
de  80  notes,  qu'on  est  étonné  de  trouver  dans  un  instrument 
de  si  petite  dimension.  Ce  qui  étonne  peut-être  plus  encore, 
c'est  sa  belle  sonorité.  Quant  au  mécanisme,  établi  sur  celui 
des  pianos  à  queue,  il  a  été  également  simplifié. 

Le  PiaBiffl-tatoîe  se  présente  sous  deux  formes  :  il  est  ou 
carré  à  coins  arrondis,  ou  hexagone. 

Voilà  un  meuble  vraiment  curieux  :  à  le  voir ,  on  ne  se  dou- 
terait pas  que  c'est  un  instrument.  Vous  croyez  avoir  devant 
vous  une  table  de  salon.  Ouvrez-la ,  tirez  le  clavier  en  dehors , 
et  vous  toucherez  un  piano  dont  la  sonorité  vous  surprendra  ; 
car  elle  rivalise  avec  celle  des  pianos  à  queue  de  petit  for- 
mat. Ce  n'est  pas  tout.  Vous  voulez  jouer  avec  accompagne- 
ment ,  faire  un  quatuor.  Eh  bien  !  la  fausse  table  (  placée, 
comme  on  sait ,  en-dessus  des  cordes)  se  divise  en  plusieurs 
parties  qui  se  relèvent ,  et  forment  autant  de  pupitres  devant 
lesquels  les  musiciens  se  rangent  autour  de  ce  meuble  en- 
chanteur. 

L'invention  de  ces  pianos  date  de  cinq  à  six  ans.  Dans  l'o- 
rigine ,  M.  Pape  leur  donna  la  forme  d'une  table  ronde ,  et 
comme  il  était  difficile  de  faire  sonner  les  cordes  de  la  basse, 
en  raison  de  leur  peu  de  longueur ,  il  les  remplaça  par  des 
ressorts  sonores  ;  mais  étant  parvenu ,  après  de  nombreux  • 
essais,  à  faire  sonner  ces  cordes  d'une  manière  satisfaisante, 
il  abandonna  ces  ressorts  et  adopta  la  forme  hexagone  comme 
plus  avantageuse  pour  le  plan  de  l'instrument.  Plus  tard ,  il 
construisit  des  tables  carrées  à  coins  arrondis.  Ces  deux 
formes  sont  celles  qu'il  expose  aujourd'hui. 

Quant  à  la  construction  ,  il  y  a  une  différence  pour  les  deux 
formes.  Dans  le  piano  hexagone,  les  cordes  sont  sur  un  plan 
uniforme  comme  dans  les  pianos  à  queue ,  tandis  que  dans 
l'autre  les  cordes  se  croisent,  c'est-à-dire  que  les  cordes  de 
la  basse  sont  placées  diagonalement  par  dessus  les  autres  ; 
disposition  ingénieuse  déjà  employée  antérieurement  par 
M.  Pape  pour  ses  pianos  verticaux  ,  et  qui  servait  puissam- 
ment à  renforcer  les  sons  graves  par  le  placement  des  cordes 
basses  sur  une  partie  de  la  table  d'harmonie  autrefois  inoc- 
cupée. 

Le  mécanisme  des  pianos-tables  a  participé  au  perfection- 
nement de  celui  des  pianos  à  queue  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut. 

Ces  instruments  vraiment  remarquables  ont  obtenu,  en 
Angleterre,  un  grand  succès;  ils  ne  tarderont  pas  à  se  ré- 
pandre en  France,  et  nous  semblent  destinés  à  un  usage  gé- 
néral à  cause  de  leur  double  utilité  comme  meuble  et  comme 
instrument. 

Le  Piano-eoMSoIe,  ainsi  nommé  à  cause  de  sa  forme, 
et  qui  ne  présente  pas  plus  de  volume  qu'une  console  ordi- 
naire, fut  créé  en  1838  et  figura  à  l'exposition  de  l'année 
suivante,  où  il  attira  les  regards  des  visiteurs.  Tout  le  monde 
fut  frappé  de  la  brillante  sonorité  qui  sortait  de  ce  petit  ins- 
trument. C'est  un  joli  meuble  qui  se  place  aisément  partout: 
aussi  eut-il  une  vogue  rapide ,  un  succès  décidé. 

Le  mécanisme  du  piano-console,  qui  a  subi  quelques  mo- 
difications, est  aussi  simple  qu'on  peut  le  désirer;]  comparé 
à  celui  du  pianino,  on  n'y  trouve  que  la  moitié  des  pièces.  Les 
cordes  sont  disposées  en  éventail ,  méthode  nouvelle  d'un 
avantage  notable  pour  cette  espèce  de  piano,  en  ce  qu'elle 
permet  d'espacer  les  cordes  dans  le  dessus  comme  aux  pia- 
nos à  queue,  et  de  les  incliner  dans  les  bas.ses  de  manière  à 
fournir  la  plus  grande  longueur  possible.  Quant  à  la  solidité, 
elle  est  parfaite.  Un  châssis  de  fonte  en  arc-boutant  forme  la 
partie  résistante  de  la  caisse;  la  table  d'harmonie  est  placée 
derrière  ces  barrages ,  de  telle  sorte  que  le  tirage  des  cordes 


318 


KEYUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


au  lieu  de  la  refouler  ou  de  lui  être  défavorable ,  la  consolide 
au  contraire  et  sert  à  améliorer  sa  qualité  sonore. 

Deux  de  ces  pianos  sont  exposés  cette  année  :  l'un  à  sept 
octaves ,  étendue  déjà  étonnante  pour  un  instrument  de  pa- 
reille dimension  ;  l'autre  à  94  notes  (du  fa  au  ré)  ce  qui  fait 
huit  octaves  moins  trois  notes  ! 

Le  Piasïo  vei'tical,  nouveau  modèle  créé  en  1842, 
se  rapproche  par  sa  forme  des  pianos  droits  ;  il  est  cependant 
plus  bas ,  car  il  n'a  pas  même  un  mètre  de  hauteur.  L'admi- 
nistration des  postes  ayant  chargé  M.  Pape  de  faire  des  pianos 
pour  les  paquebots  de  la  Méditerranée ,  cet  habile  fabricant 
établit  ce  format  si  commode. 

Piaito  -seï'tîsaï  à  oi'giie  (ou  organisé).  Il  y  a  en- 
viron une  douzaine  d'années  que  M.  Pape  commença  à  con- 
struire ces  instruments ,  auxquels  il  appliqua  son  système  des 
cordes  croisées.  Ce  système,  qui  a  des  avantages  incontesta- 
bles pour  la  sonorité  des  cordes  basses ,  lui  procure  en  même 
temps  des  avantages  pour  l'application  du  physharmonica.  Le 
soufflet  occupant  le  devant  de  la  caisse,  les  cordes  basses  se 
trouvent  ajustées  par  derrière ,  ce  qui  donne  en  outre  la  faci- 
lité de  les  remplacer  lorsqu'elles  viennent  à  se  rompre.  Les 
autres  cordes  occupent  toute  la  table  de  devant.  Les  lames 
vibrantes  ou  anches  libres  dont  se  sert  ce  facteur  sont  en 
acier  écroui ,  et  tiennent  l'accord  d'une  manière  remarqua- 
ble. 

FiaiBO  sans  cordes.  Dans  cet  instrument ,  qui  a  le 
mécanisme  du  piano ,  les  cordes  sont  remplacées  par  des 
lames  métalliques  ,  dont  la  vibration  s'obtient,  non  par  le  vent 
(comme  dans  les  physharmonicas) ,  mais  par  les  coups  de 
petits  marteaux.  Il  a  une  étendue  de  six  octaves;  le  son ,  qui 
tient  à  la  fois  du  piano  et  de  la  harpe ,  est  agréable  et  harmo- 
nieux; les  notes  élevées  sont  plus  pleines  et  plus  pures  que 
celles  du  piano  ;  mais  les  sons  graves  laissent  à  désirer  sous 
le  rapport  de  la  rondeur  et  de  la  puissance.  C'est  là  que  se 
trouve  la  difiSculté  de  perfectionner  cet  instrument.  Cepen- 
dant M.  Pape ,  qui  ne  cesse  de  faire  des  expériences  à  ce  sujet, 
ne  désespère  pas  d'arriver  à  un  résultat  satisfaisant.  Une  autre 
idée  l'occupe  :  c'est  de  réunir  l'action  du  vent  au  coup  de  mar- 
teau ,  pour  produire  des  sons  soutenus.  On  sait  qu'un  procédé 
analogue  a  été  essayé  sur  les  cordes  du  piano  ;  mais  le  piano 
ainsi  construit  est  loin  de  produire  un  bon  effet ,  les  cordes 
frappées  et  soufflées  rendant  un  son  disparate  et  désagréable. 
L'instrument  tel  que  l'a  conçu  M.  Pape  nous  semble  plus 
rationnel ,  et  doit  présenter  des  conditions  de  réussite  qui 
manquent  au  piano  ordi  naire. 

Piano  sto?EBOjss"êa|BBïe.  Il  y  a  longtemps  qu'on  s'est  mis 
à  la  recherche  de  moyens  mécaniques  pour  conserver  les 
iraprovisalions  des  pianistes,  en  les  faisant  noter  par  une  ma- 
chine appliquée  à  l'instrument.  M.  Pape  aussi  s'est  livré  à  la 
solution  de  ce  problème  difficile  ;  il  est  même  allé  plus  loin  , 
car  son  piano  sténographe  doit  non  seulement  noter  la  mu- 
sique, mais  ensuite  la  répéter  tout  seul.  Nous  ne  pouvons  rien 
dire  du  système  sur  lequel  cet  instrument  est  conçu ,  son 
auteur  n'ayant  pas  encore  jugé  à  propos  d'en  révéler  le  se- 
cret. 

Il  nous  reste  à  parler  d'un  joli  petit  instrument  que  M.  Pape 
appelle  BïaB'iM©iiâca  à  œlavùer.  Il  consiste  en  une  série 
de  timbres  frappés  par  des  marteaux  au  moyen  d'un  clavier; 
le  son  en  est  très  doux,  et  les  notes  se  détachent  nettement 
sans  se  confondre ,  grâce  aux  étoufloirs  dont  les  timbres 
sont  munis.  C'est  un  petit  meuble  élégant  qu'au  premier 
abord  on  ne  prendrait  guère  pour  un  instrument  de  mu- 
sique. 

Voilà  l'exposition  de  M.  Pape  ,  telle  qu'il  l'a  organisée  chez 


lui.  Nous  Jie  saurions  trop  engager  les  amateurs  à  s'y  rendre  ; 
car  c'est  là  qu'ils  pourront  à  leur  aise  examiner  ces  beaux 
instruments. 

En  terminant  cet  article ,  n'oublions  pas  de  mentionner 
une  brochure  que  M.  Pape  vient  de  publier  sur  ses  inven- 
tions et  perfectionnements.  Dans  cet  écrit  simple  et  modeste 
on  trouve  une  foule  de  détails  que  nous  n'avons  pu  donner 
ici.  En  le  lisant,  on  est  vraiment  frappé  de  cette  activité  in- 
fatigable ,  de  cette  persévérance  peu  commune  qui  ne  fléchis- 
sant devant  aucune  difficulté ,  ne  reculant  devant  aucun  ob- 
stacle ,  marchent  toujours  en  avant.  On  ne  saurait  se  figurer 
ce  qu'il  a  fallu  de  patience  et  de  travaux  pour  arriver  au  point 
où  M.  Pape  a  amené  sa  fabrication.  Mais  si  la  lutte  a  été  pé- 
nible, la  victoire  est  d'autant  plus  douce  ,  et  le  célèbre  fac- 
teur doit  se  féliciter  d'avoir  persisté  dans  sa  voie,  car  il  aat- 
dirigés  tous  vers  lequel ,  pendant  de  longues  années ,  se  sont 
teint  le  but  ses  efforts. 

G-.E.  Anders. 


UN  REVENANT, 


lexandre  Boucher,  qu'on  proclama  dans  le 
temps  l'Alexandre  des  violonistes  et  qui  s'en 
disait  lui-même  le  Socrate,  en  ajoutant  qu'il 
en  était  le  Napoléon  par  le  physique  ;  Alexan- 
dre Boucher,  que  l'empereur  Alexandre  ai- 
mait beaucoup  par  cela  même  ,  et  pour  son  talent  aussi  ; 
Alexandre  Boucher,  le  violoniste  exceptionnel  qui  provoqua  si 
longtemps  l'étonnement,  l'admiration...  et  le  rire  de  toutes  les 
capitales  de  l'Europe  et  de  mille  autres  lieux  par  ses  excentri- 
cités musicales;  Alexandre  Boucher  qui  se  fit  autrefois  le 
courtisan  d'une  royauté  déchue  et  qui  continue  encore  cet 
emploi  désintéressé  ;  Alexandre  Boucher,  l'artiste  expansif,  qui 
vient  de  se  remarier  à  une  jeune  et  noble  demoiselle  bien 
accueillie  à  la  cour  de  Bourges  ;  Alexandre  Boucher ,  le  vieux 
lion  ,  vient  de  raiguiser  ses  griffes  et  de  secouer  sa  crinière , 
il  se  fait  le  lion  musical  du  moment.  Confiant  dans  sa  fougue, 
dans  ses  caprices  ,  dans  son  originalité,  disons  tout,  dans  ses 
folies ,  sa  bizarrerie  ,  son  inégaUté ,  ses  extravagances,  qui , 
comme  les  éclairs  précédant  toujours  la  foudre,  annoncent 
aussi  les  manifestations  du  génie  de  l'exécution  musicale, 
pressé  par  le  caprice  et  comme  obéissant  à  l'instantanéité  qui 
est  sa  muse  à  lui ,  ce  violoniste  qui  avait  pour  pairs  Rode , 
Kreutzer ,  Lafont ,  Baillot ,  qui  a  précédé  Paganini  et  lui  a 
donné  l'exemple  des  exercices  sur  la  corde,  ou  les  cordes,  avec 
l'archet  seul  pour  balancier  ;  Boucher  enfin  ,  le  créateur  du 
sautillé ,  du  staccalo  en  tirant,  en  poussant;  du  frémissement 
et  du  tremblement  chromatique  d'un  seul  doigt  glissant  sur 
la  corde  soit  en  montant  soit  en  descendant;  Boucher,  qu'on 
croyait  mort  ;  Boucher ,  non  rajeuni  mais  transfiguré  ,  nous 
est  réapparu  ,  quand  toutes  les  soirées  musicales  sont  termi- 
nées, dans  une  soirée  musicale  donnée  par  un  autre  artiste 
de  talent,  M.  Colson  ,  peintre  distingué  et  fervent  amateur  de 
musique.  Il  s'agissait  là,  non  de  fantaisies ,  d'airs  variés,  de 
romances;  mais  bien  de  quatuors,  de  quintettes,  de  ce  genre 
de  musique  le  plus  vrai,  le  plus  pur,  dans  lequel  ont  excellé 
les  grands  maîtres  de  l'art  instrumental ,  et  qu'on  négfigc 
beaucoup  trop  de  nos  jours. 

M.  Boucher,  connu  de  tout  le  monde  comme  habile  exécu- 
tant, ne  s'était  guère  manifesté,  que  nous  sachions,  comme 
compositeur  :  il  peut  réclamer  ce  litre  en  vertu  des  quatuors 
qu'il  nous  a  fait  entendre.  Cela  sent  son  parfum  des  grands 
maîtres  :  il  y  a  méthode,  unité  de  la  pensée,  logique,  carrure 


DE  PARIS. 


219 


mélodique  sans  monotonie.  Si  le  thème  du  premier  quatuor 
en  la  majeur  est  suranné  et  quelque  peu  dans  le  style  des 
concertos  de  violon  de  Jarnovick ,  l'adagio  dans  lequel  le 
compositeur  s'est  inspiré  de  VEndymion  de  Girodet,  ou  plu- 
tôt a  refait  ce  suave  tableau  plein  de  charme,  de  mystère  et 
de  fraîcheur,  cet  adagio  est  ravissant.  Le  violoncelle,  l'alto  et 
le  second  violon,  par  leur  plastique  harmonie,  nous  peignent 
les  rayons  paisibles  de  la  chaste  Phébé ,  tandis  que  le  premier 
violon  frémit  comme  l'haleine  et  les  ailes  de  Zéphire,  écar- 
tant le  feuillage  pour  donner  coraplaisamment  passage  aux 
regards  amoureux  de  la  déesse. 

Le  second  quatuor  de  M.  Boucher  en  mi  bémol  est  vrai- 
ment remarquable.  Le  thème  du  premier  morceau  est  simple 
autant  que  noble  j  il  est  travaillé  en  piquantes  imitations,  et 
revient  toujours  avec  une  estimable  obstination,  sans  fatigue 
pour  l'auditeur.  L'adagio  est  plein  de  mélodie  ,  et  le  violon- 
celle y  chante  et  fait  entendre  avec  le  premier  violon  un  dia- 
logue plein  d'un  charme  infini:  c'est  gracieux  et  distingué, 
d'un  style  suffisamment  sévère  et  mélodieux  tout  à  la  fois.  Le 
menuet  à  la  vieille  manière  française  est  tout  empreint  d'élé- 
gance et  d'esprit.  Il  appartient  à  M.  Boucher  mieux  qu'atout 
autre  compositeur  d'écrire  des  boléros,  lui  pour  qui  l'Espagne 
fut  une  seconde  patrie.  C'est  un  morceau  de  ce  genre  qui  sert 
de  finale  à  son  quatuor  en  mi  bémol.  Rien  de  plus  vrai ,  de 
plus  national,  de  lAus  guitarisé ,  castagnettisé  que  ce  rondo  : 
c'est  quelque  chose  de  charmant,  de  délicieux. 

M.  Alexandre  Boucher  est  de  ces  fortes  et  bonnes  natures 
d'homme  qui  luttent  victorieusement  contre  le  temps.  Comme 
Félix  Peretti ,  il  simule  les  infirmités,  se  courbe  ,  se  met  le 
bras  en  écharpe;  puis  comme  ce  maUn  cardinal  qui  est  de- 
venu Sixte-Quint,  il  jette  ses  béquilles  pour  ramasser  les  clefs  de 
saint  Pierre.  De  même  l'artiste  narquois  s'élance,  au  moment 
où  on  le  croit  mourant  ou  mort,  dans  le  paradis  de  l'art  ;  il  y 
plane,  il  y  chante  ;  ses  doigts  et  son  archet  évoluent  dans  le 
domaine  de  la  fantaisie ,  et  réunissent  dans  ses  audacieux  ca- 
prices la  belle  école  classique  au  genre  romantique  dont  il  fut 
le  promoteur. 

Tel  est  encore  Alexandre  Boucher,  qu'on  ne  croyait  plus  de 
ce  monde  artistique,  et  qui  vient  de  fondre  sur  les  principales 
villes  du  midi  de  la  France  ,  où  il  a  versé  des  torrents  d'har- 
monie sur  ses  obscurs  blasphémateurs,  comme  il  s'élançait 
autrefois  dans  les  cités  de  la  froide  Germanie,  qui  s'enthou- 
siasma souvent ,  et  applaudirait  encore  ce  talent  tout  excep- 
tionnel. 

Henri  Blanchard. 


INAIGIRAÎKIN  DE  L'ORGIE  DE  SAINT-EISTACUE. 

L'inauguration  de  l'orgue  de  Saint-Eustache  a  eu  lieu 
mardi  dernier.  Cette  solennité  avait  attiré  dans  cette  église 
une  aflluence  immense  d'artistes  et  d'amateurs.  Le  pro- 
gramme de  la  séauce  était  varié  et  piquant.  Les  organistes  les 
plus  habiles  dans  des  genres  différents  se  succédaient  au  cla- 
vier, et  dans  les  intervalles  on  exécutait  au  chœur,  sous  la 
direction  de  M.  Diescht,  quelques  motets  de  divers  auteurs 
et  entre  autres  quelques  excellents  morceaux  de  sa  compo- 
sition. 

Nous  consacrerons  à  cette  solennité  intéressante  un  article 
spécial  et  étendu  du  magnifique  orgue  qui  était  le  motif  de  la 
fête.  Nous  nous  bornerons  aujourd'hui  à  constater  le  succès 
obtenu  par  nos  organistes  français  ,  malgré  la  comparaison 
redoutable  de  M.  Hesse,  organiste  de  Breslau,  et  le  plus  grand 
virtuose  de  l'Allemagne  surl'orgue.  Cet  artiste  a  obtenu  dans 


cette  circonstance  un  grand  et  légitime  succès  ;  mais  à  côté 
de  lui ,  M.  Benoît ,  professeur  d'orgue  au  Conservatoire  de 
Paris,  a  vivement  impressionné  l'auditoire  par  deux  morceaux 
qui  réunissaient  à  la  fois  la  science  la  plus  profonde ,  le  goût 
le  plus  pur ,  les  motifs  les  plus  heureux.  Avec  M.  Benoît , 
MM.  Boely ,  Sejan ,  Lefébure-Wely  et  Fessy  ,  ont  su  tirer 
de  cet  instrument  des  effets  variés  ;  M.  Boely  par  une  belle 
fugue,  Lefébure  par  un  chœur  d'euphones  et  de  contrebasse, 
M.  Fessy  par  une  délicieuse  pastorale  ,  ont  tour  à  tour,  pas- 
sant du  grave  au  doux  ,  du  plaisant  au  sévère ,  enchanté  les 
nombreux  amateurs  et  artistes  que  cette  solennité  avait 
rassemblés. 

Le  prochain  numéro  de  la  Gazette  contiendra  une  analyse 
détaillée  de  l'orgue ,  qui  est  incontestablement  le  plus  beau 
qui  existe ,  et  une  appréciation  raisonnée  du  style  et  du  ta- 
lent des  divers  artistes  qui  se  sont  fait  entendre  dans  cette 
circonstance.  N. 


nOUTEIiLiES. 

V  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  pour  la  sixième  représentation  de 
Mlle  Taglioni ,  la  Sylphide ,  précédée  du  Philtre. 

*,"  C'est  samedi  prochain  que  doit  avoir  lieu  la  représentation  au 
bénéfice  de  M""  Taglioni,  après  quoi  la  célèbre  danseuse  nous  quit- 
tera, non  pour  se  retirer,  comme  on  l'avait  dit,  dans  une  villa  prés 
du  lac  de  Côrae ,  ni  dans  la  propriété  qu'elle  vient  d'acheter  à 
Naples,  mais  pour  aller  faire  ses  adieux  à  toutes  les  villes  qui  l'ont 
applaudie.  On  estime  que  ce  pèlerinage  pourra  bien  durer  deux 
ans. 

V  Barroilhet  doit  partir  en  congé  le  6  juillet,  et  revenir  à  Paris 
vers  le  16  août. 

•/L'engagement  de  Poultier  avec  l'Opéra  est  renouvelé  pour  une 
année,  pendant  laquelle  l'artiste  pourra  prendre  plusieurs  mois  de 
congé.  Il  en  profitera  pour  se  faire  entendre  dans  diverses  villes,  qui 
ne  le  connaissent  encore  que  de  nom  ,  et  pour  en  revoir  d'autres  où 
il  a  déjà  obtenu  des  succès. 

%*  Une  conleslalion  s'était  élevée  entre  le  directeur  de  l'Académie 
royale  de  musique  et  M.  le  marquis  de  Saint-Mars,  qui  a  fourni  le  cau- 
tionnement de  ce  théâtre,  relativement  au  droit  que  ce  dernier  s'est 
réservé  de  demaniler  un  certain  nombre  de  loges  par  année,  et  au 
désir  par  lui  manifesté  d'en  avoir  trois  pour  les  représentations 
données  par  M""  Taglioni.  Le  directeur  a  repoussé  cette  prétention 
par  le  motif  que  les  premières  représentations  étant  exceptées  du 
traité,  les  représentations  de  M"«  Taglioni  devaient  leur  être  assi- 
milées, attendu  leur  caractère  extraordinaire.  La.cause  ayant  été 
mise  en  délibéré,  M.  le  marquis  de  Saint-Mars  a  été  débouté  de  sa 
demande. 

*,*  Alizard  va  décidément  se  fixer  en  Italie;  il  se  rend  à  Milan  en 
passant  par  Lyon  .  Toulouse ,  Montpellier  et  Marseille,  où  il  donnera 
des  représentations.  Son  répertoire,  composé  des  rôles  de  baryton 
et  basse,  lui  permettra  de  montrer  son  talent  dans  toiite  sa  variété 
et  toute  son  étendue. 

%•  M"'  Drouarl  a  donné  à  Brest  de  brillantes  représentations, 
dont  la  clôture  s'est  faite  par  une  œuvre  de  bienfaisance. 

*,"  C'est  aujourd'hui  dimanche,  à  deux  heures  précises,  que  le 
concert  au  profit  de  M""^  veuve  Berton  sera  donné  au  Conservatoire. 
La  foule  y  sera  sans  doute,  puisqu'a  tous  les  attraits  qu'offrait  déjà 
cette  solennité,  il  faut  joindre  celui  d'entendre  Liszt  encore  une 
fois.  Le  grand  artiste  s'est  montré,  dans  cette  occasion  ,  ce  qu'il  est 
toujours  :  il  a  retardé  son  départ  pour  se  donner  encore  le  plaisir 
d'une  belle  action  et  venir  prendre  sa  part  dans  l'œuvre  si  noblement 
commencée  par  des  artistes  généreui-  Liszt  quiltera  Paris  le  soir 
même. 

V  La  vente  de  la  bibliothèque  et  des  manuscrits  de  feu  Berton  a 
eu  lieu  cette  semaine.  Le  manuscrit  de  Maniano  a  été  acheté  par 
M.  Panseron,  l'élève  et  l'ami  du  célèbre  compositeur. 

'.*  La  famille  Dislin  part  demain  pour  se  rendre  à  Bade.  Hier 
samedi, le  père  et  les  quatre  fils  se  sont  fait  entendre  chez  M.  Saxct 
sur  les  nouveaux  instruments  que  cet  habile  facteur  a  construits  ex- 
près pour  eux.  On  ne  saurait  imaginer  un  ensemble  plus  parfait, 
une  sonorité  plus  belle ,  plu»  délicate  et  plus  puissante.  C'est  un  or- 
chestre complet. 


218 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


*,*  M.  Strocken,  pianiste  de  la  reine ,  vient  de  partir  pour  Nantes, 
et  se  propose  de  visiter  une  partie  de  la  Bretagne  dont  les  habitants 
auront  du  plaisir  à  l'entendre. 

".'  M.  Louis  Laoombe  a  donné  dcui  concerts  à  Lyon ,  qui  ne  lui 
ont  pas  moins  rapporté  d'applaudissements  et  d'argent  que  tous  ceux 
qu'il  a  donnés  depuis  son  départ  de  Paris. 

*,*  Le  village  de  Montgeron ,  près  Paris,  vient  d'èlre  le  témoin 
d'une  série  de  solenniiés  musicales  à  l'occasion  de  la  Fête-Dieu. 
L'inauguration  des  orgues  avait  attiré  des  châteaux  d'alentour  une 
foule  élégante.  Deux  fois  la  messe  et  le  salut  ont  clé  chanlés  en  mu- 
sique par  des  amateurs  du  plus  grand  talent. 

V  La  polka  vient  d'être  importée  à  New-York;  elle  y  est  telle- 
ment en  vogue,  dit  le  Courrier  des  Étals-Unis,  que  ladies  et  gentle- 
men accourent  en  foule  chez  le  Hongrois  Korponay  pour  se  faire 
inoculer  la  polkamorbus. 

Clu'onîtiiie  «lépai'temeiitale. 

'.'  Lille,  IG  juin.  —  Nous  venons  d'assister  à  la  représentation  la 
plus  importante  et  la  plus  belle  que  nous  ayons  eue  depuis  longtemps, 
celle  de  Lucie  de  Lammermoor.  M"»  Julian  remplissait ,  pour  la  pre- 
mière fois  sur  notre  scène,  le  rôle  de  Lucie;  elle  l'a  chanic  et  joué 
avec  une  telle  supériorité  de  talent,  que  nous  renonçons  à  décrire 
tous  les  passages  qui  nous  ont  impressionné.  Elle  a  constamment 
chanté  avec  une  justesse  irréprochable,  elle  n'a  rien  hasardé;  toutes 
les  roulades ,  les  traits  difficiles ,  elle  les  a  exécutés  avec  une  pureté 
et  une  précision  sans  égales ,  et  sa  voix,  jusqu'à  la  fin ,  n'a  trahi  au- 
cune fatigue.  EnËn  elle  eût  été  admirable,  dans  toute  l'acception  du 
mot,  dans  la  scène  de  la  folie,  si  elle  avait  eu  le  regard  perdu,  le 
geste  plus  désespéré,  si  elle  se  fût  abandonnée  davantage.  Un  ton- 
nerre d'applaudissements  et  des  bouquets  jetés  sur  l'avant-scène  ont 
témoigné  du  plaisir  indicible  qu'éprouvait  tout  l'audiloire.  Après  cet 
acte,  les  cris  de  la  salle  entière  ont  redemandé  M"«  Julian. 

",*  Lyon.  —  M"'Élian,  cette  jeune  cantatrice  dont  le  gosier  est  ra- 
vissant, avait  à  effacer  parmi  nous  les  souvenirs  de  M""  Miro  et  de 
M""  Nau.  M""  Elian  a  triomphé  de  ce  double  obstacle.  Dans  Rosine, 
du  Barbier  de  Séville ,  dans  Guillaume  Tell,  notre  nouvelle  canta- 
trice a  fait  preuve  d'une  grande  habileté  de  vocalise  et  a  pu  dévelop- 
per à  son  aise  une  voix  pure,  bien  timbrée  et  d'une  grande  étendue. 

fiï  *»*  Bordeaux.  — Les  deux  théâtres  sont  fermés  depuis  deux  jours; 
on  assure  que  M.  Uevéria,  directeur,  a  quitté  la  ville,  L'autoriié  ne 
peut  s'empêcher  de  prendre  des  mesures  actives  pour  que  le  cours 
des  représentations  ait  la  plus  courte  interruption  possible.  Une  foule 
de  pauvres  familles  se  trouveraient  réduites  à  une  bien  triste  po- 
sition si  les  théâtres  n'étaient  pas  ouverts  dans  quelques  jours.  D'un 
autre  côté,  on  parle  du  départ  des  premiers  ariistes,  qui  resteraient 
peut-être  à  Bordeaux  si  l'administration  se  prononçait  dans  la  crise 
qui  s'est  déclarée. 

%*  Strasbourg.  —  Les  journaux  de  cette  ville  sont  d'accord  pour 
louer  la  bonne  gestion  de  M.  Boigemutée,  qui  a  faitia  réouverture 
du  théâtre  d'une  manière  fort  brillante;  la  Favorite  a  obtenu  un 
grand  succès  ,  grâce  aux  artistes  que  M.  Boigemutée  a  su  s'atlacher, 
JMM.  Portehaut,  baryton  du  plus  grand  mérite;  Giraud ,  ex-artiste 
de  rOpéra-Comique,  et  Dowgh ,  première  basse,  élève  de  M.  Fé.is; 
ces  trois  chanteurs  promettent  de  faire  passer  d'agréables  soirées  aux 
Strasbourgeois  et  de  bonnes  receltes  au  directeur. 

dirusii(g«iie  éti''aaBgèir'e. 

*,*  Londres.  —  Grand  bruit  dans  la  presse  anglaise  sur  la  repré- 
sentation du  Quecn's-Thealre,  où  assistaient  la  reine  et  ses  augustes 
visiteurs.  — On  a  donné  une  représentation  au  bénéfice  d'un  violon 
distingué,  M.  Saint-l.éon,  qui  a  joué  dans  l'entr'acte  un  concerto  de 


sa  composition  surles  motifs  de  Guillaume  Tell.  M"«  Déjazet  et  Le- 
vassor  tiennent  le  dé  au  théâtre  Saint-James,  et  se  partagent  les  ap- 
plaudissements. —  On  joue  au  Théâtre  de  la  Princesse  une  farce 
ultra-bouffonne  sous  ce  titre:  Taken  by  surprise  {Pnspar  surprise)  ; 
une  autre  au  Lycée,  les  Trois  Fra-Diavolos.  —  Dans  la  masse  des 
concerts  qui  se  succèdent  à  Londres ,  nous  distinguerons  celui  de 
M.  Benedict,  qui  a  été  des  plus  brilliinls,  grâce  au  concours  de 
jjme  Dorus-Gras ,  de  Staudigl ,  Salvi ,  Offenbach ,  etc. 

—  Un  pianiste  espagnol  d'une  grande  espérance,  Antonio  Alvares 
y  Bedesktain,  vient  de  mourir  à  l'âge  de  vingt-quatre  ans. 

*,*  Bruxelles.  —  C'est  à  peu  près  vers  la  fin  du  mois  de  juillet 
qu'aura  lieu  ici  la  première  représenlation  de  la  Jieine  de  Chypre. 

*,*  JMons.  —  Il  y  a  quelques  jours  toute  une  colonie  d'artistes  dé- 
barqua dans  cette  ville,  arrivant  de  Bruxelles  par  le  chemin  de  fer. 
U.  Adolphe  Fétis  venait  y  donner  un  concert,  secondé  par  M.  Blaes, 
M"»  Eonduel ,  M.  Cornelis ,  M.  Uiccio  et  plusieurs  autres  sympho- 
nistes de  l'orchestre  du  Conservatoire.  Une  brillante  société  assista 
à  cette  séance  musicale. 

**,*  Berlin.  —  Les  artistes  du  Théâtre-Ilalien  Itœnigstadt  ont 
donné  un  concert  lors  de  leur  passage  à  Leipzig.  L'auditoire  était 
peu  nombreux  ;  on  a  trouvé  que  la  troupe  est  de  beaucoup  inférieure 
à  celle  de  l'année  dernière. 

—  Dans  la  séance  annuelle  de  l'Académie  des  arts  de  Berlin,  on  a 
exécuté  comme  d'habitude  les  compositions  de  quelques  élèves. 
Dans  le  nombre  on  a  remarqué  un  finale  tiré  de  l'opéra  tes  Mineurs, 
par  M,  Herzberg,  texte  de  Koerner.  Une  traduction  allemande  de 
le  Caporal  et  la  Payse,  a  eu  un  succès  de  fou  rire  au  théâtre  Kœnig- 
stadt.  Au  même  théâtre,  les  ballets  d'enfants  sous  la  direction  de 
jime  Weiss,  maîtresse  de  ballet  au  théâtre  Josephstadt  à  Vienne , 
ont  été  très  bien  accueillis  par  un  auditoire  assez  nombreux. 

%*  Vienne.  —  Depuis  que  les  droits  d'auteur  ont  été  réglés  d'une 
manière  un  peu  plus  large,  six  cents  manuscrits  ont  été  présentés 
au  Burg-Theater;  sur  ce  nombre,  dix  tout  au  plus  pourront  être 
joués. 

*,*  Dresde.  —  Encore  une  nouvelle  salle  de  spectacle  sous  le  titre 
de  Théâtre  d'été.  Elle  a  été  inaugurée  le  27  du  mois  dernier.  Ce 
théâtre,  d'une  construction  simple  et  élégante ,  s'élève  dans  le  jar- 
din dit  Reisewitz  :  on  y  représente  des  pièces  de  circonstance ,  des 
vaudevilles,  des  comédies,  etc. 

—  1  juin.  — Il  s'est  formé  un  comité  pour  recueillir  et  inhumer 
les  cendres  de  Marie  de  Weber  ;  on  les  fera  venir  d'Angleterre  aux 
frais  du  clergé  catholique  de  Moorfield  Chapel ,  qui  a  demandé  à  la 
veuve  du  grand  compositeur  de  lui  accorder  cet  honneur.  Le  10  cou- 
rant, le  fils  aîné  de  Weber,  ingénieur  fort  habile,  au  service  de 
Prusse,  s'est  rendu  en  Angleterre  pour  se  faire  remettre  les  ossements 
de  son  père,  et  les  amener  ici.  Après  la  cérémonie  funèbre ,  le  co- 
mité tournera  son  activité  vers  l'érection  d'un  monument  qu'exécu- 
tera sans  doute  l'un  de  nos  sculpteurs  les  plus  distingués. 

*,*  Munich.  —  M.  Koll ,  artiste-musicien  de  la  cour,  a  écrit  la 
partition  d'un  opéra  intitulé  les  Corses,  qui  doit  être  représenté  in- 
cessamment au  Théâtre-Royal. 

*,*  Calcutta,  10  avril.  —  Lucie  de  Lammermoor  \ienl  d'être  repré- 
sentée chez  nous  avec  le  plus  grand  succès,  et  devant  14,000  francs 
de  recette.  Grâce  à  l'habile  directeur,  M.  Minard,  les  ouvrages  nou- 
veaux se  succèdent  chez  nous  comme  sur  les  théâtres  de  l'Europe. 
Au  premier  jour,  on  nous  promet  les  Diamants  de  la  Couronne  de 
M.  Auber.  Une  souscription  vient  d'être  ouverte  dans  le  pays  pour 
avoir  une  troupe  française  au  grand  complet,  à  l'époque  du  1"  no- 
vembre 1844. 

Le  Directeur,  Bédacleur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


mî 


r>p(;YMMSE  DBsmmvK  1  LUSAliE  MS  PIANISTES 


Le  Chirogymnasle  est  un  assemblage  de  nenf  appa- 
reils ^ymnastiques  destinés  â  donner  de  V extension  i 
lamainetderécarf  aux  doigts  à  augmenter  et  à  é(;al<- 
ser  leur  force  et  a  rendre  le  quatrième  et  le  cinquième 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnaste 
aété  aussi  approuvé  et  adopté  parMM.  Adam,  Bertinî, 
ne  Beriot,  Cramer,  Herz,  Kalkbrenner,  Listz,  Moschelès 
Ptuavnti  Sivon,  Thalberg,  Tulou,  Zimmermann^  elc» 

Chaque  Chirogymnasle  est  revêtu  de  la  signature 
de  ^inventeur  et  se  vend  place  de  la  Bourse,  n»  15, 
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MilimcE  BOURGES,  F.  DANJOU,  nuESBEUG,  FÉTIS  père,  ÉDOtlABD  FÉTIS,  Stepiien  HELLER,   J.  JAXIN, 

G.  KASTNER  ,  LISZT,  J.  MEIFRED ,  GEOBGE  SAND ,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

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Le-  t"  et   le    iS  de  chaqne  mois  on   recevra  on  morceaa  de  masiqae» 


SOMMAIRE.  Exposition  des  produits  de  l'Industrie  (troisième  ar- 
licle)  ;  p,irG.-E.  AKDERS.  —Histoire  delà  musique  (troisième 
cl  dernier  article  )  ;  par  FÉTIS  père.  — Cdnecrt  au  béntQce  de 
jlme  V»  Berton.  —  Nouvelles.  —  .Vnnonces. 

LA  FLUTE.  Dessin  de  Gavarni. 


€3Ep0siti0ii  îles  |j)roî)uit5  îic  rînîmstvie. 

TROISIÈME    ARTICLE. 


enefutqu'eiil83Zi, 
à  la  huiiième  cxpo- 
silion ,  que  les  fac- 
teurs  (le   province 
envoyèrent  pour  la 
première    fois   des 
pianos  au  grand  concours.  Jusqu'alors  la 
capitale   seule    y   avait  représenté  cette 
branche  de  l'iiiduslrie  musicale  ;  la  pro- 
vince s'était  contentée  d'y  apporter  dos  violons 
et  des  instrutnenls  à  vent,  provenant,  les  uns 
de  iUirecourt,  les  autres  de  La  Couture,  lieux 
depuis  longtemps  renommés  pour  la  fabrica- 
tion de  ces  produits. 

I.c  début  de  ces  pianos,  sans  être  brillant,  fixa 
4 '0>.*  l'allenlion  publique  ;  c'était  une  nouveauté,  un 
Oj  commencement  de  progrès  qui  donnait  des  espé- 
rances pour  l'avenir.  Ces  espérances  ont  été  réali- 
sées depuis;  des  facteurs,  bien  qu'en  petit  nombre,  se  sont 
établis  dans  plusieurs  villes  départementales ,  mais  c'est  sur- 
tout Marseille  qui  s'est  mis  à  la  tète  de  ce  mouvement  et  pos- 
sède aujourd'hui  une  inanufaclure  de  pianos  qui  se  place  di- 


gnement à  côté  des  fabriques  de  Paris.  On  devine  que  nous 
parlons  de  MM.  Boisselot. 

Nous  avons  eu  plus  d'une  fois  l'occasion  de  signaler  les  ef- 
forts que  CCS  actifs  et  intelligents  facteurs  ne  cessent  de  faire 
pour  le  perfectionnement  de  leur  art.  Encouragés  en  1834 
par  une  mention  honorable,  récompensés  en  1839  parla 
médaille  d'argent ,  ils  ont  redoublé  de  zèle  et  apportent  au- 
jourd'hui deux  inventions  remarquables  qui  nous  semblent 
destinées  à  un  grand  succès,  car  elles  augmentent  les  res- 
sources du  piano  en  fournissant  à  l'exécutant  des  moyens  que 
refusait  jusqu'ici  le  clavier  ordinaire. 

Les  pianistes  de  l'école  moderne  ont  complètement  changé 
le  jeu  de  l'instrument.  Ce  que  l'on  veut  aujourd'hui ,  c'est 
d'abord  la  plus  grande  force,  la  plus  grande  sonorité  pos- 
sible, carie  piano  doit  représenter  ou  résumer  tout  un  or- 
chestre ;  de  là  ces  accords  si  pleins  à  intervalles  doublés  et 
triplés  qui  exigent  des  écarts  de  doigts  accessibles  seulement 
aux  mains  gigantesques  de  nos  virtuoses  ;  de  là  ces  traits  en 
octaves  extciiiés  avec  la  rapidité  de  l'éclair  et  une  foule  de  dif- 
ficultés qui  ne  sont  pas  à  la  portée  de  l'amateur.  D'un  autre 
côté  on  s'efforce  à  faire  chanter  l'instrument  en  accompagnant 
des  cantilènes  soit  d'arpèges  détachés,  soit  d'une  fusée  de 
notes  qui  se  groupent  alentour.  Mais  les  traits  en  octaves 
exigent  une  main  vigoureuse ,  une  force  physique  que  ne 
possède  pas  tout  le  monde;  quant  aux  passages  chantants,  ils 
se  produisent ,  conmic  on  sait ,  au  moyen  de  la  pédale  qui 
laisse  aux  cordes  toute  la  durée  de  leur  vibration.  Mais  cette 
pédale,  en  levant  tous  les  élouffoirs  à  la  fois,  â  l'inconvénient 
de  laisser  vibrer  ensemble  toutes  les  notes  indistinctement, 
d'où  il  résulte  quelquefois  de  la  confusion  ou  une  harmonie 
peu  agréable ,  et  qui  d'ailleurs  gène  souvent  l'artiste  en  le 
forçant  d'abandonner  la  tenue  de  quelques  notes  pour  éviter 
celte  cacophonie. 

Frappés  de  ces  inconvénients ,  MM.  Boisselot  se  sont  pro- 
posé deux  problèmes,  celui  de  pouvoir  exécuter  les  octaves 


BUREAUX    D'ABOKTKrEMEMT,    RUE    RICHELIEU,    97. 


220 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


(ou  en  général  plusieurs  notes  ensemble)  en  ne  frappant 
qu'une  seule  touche ,  et  celui  de  pouvoir  soutenir  à  volonté 
chaque  note  indépendamment  des  autres,  c'est-à-dire  de  pou- 
voir produire  une  phrase  chantante,  entourée  soit  d'arpèges , 
soit  de  notes  détachées.  Ces  deux  problèmes,  ils  les  ont 
résolus  d'une  manière  très  satisfaisante  ,  l'un  dans  le  piano 
octavié,  l'autre  dans  le  piano  à  sons  soutenus  à  volonté. 

Le  piano  octaviése  construit  d'après  deux  systèmes  ,  dont 
l'un  consiste  dans  l'emploi  de  la  pluralité  des  cordes,  l'autre 
dans  la  combinaison  de  leviers  obliques.  C'est  d'après  le  pre- 
mier système  qu'est  construit  le  piano  à  queue  qui  se  trouve 
au  palais  de  l'industrie.  En  voici  le  mécanisme  ; 

Chaque  note,  au  lieu  d'avoir  irois  cordes  comme  dans  les 
pianos  ordinaires,  en  a  cinc],  dont  trois  sont  accordées  à  l'unis- 
son ,  et  les  deux  autres,  placées  à  gauche ,  sonnent  l'octave 
inférieure.  Lorsque  le  clavier  est  dans  sa  position  naturelle, 
le  marteau  ne  frap[»e  cjue  les  trois  cordes  de  l'unisson.  Pour 
obtenir  l'octave,  on  se  sert  d'une  pédale  ,  qui,  faisant  mar- 
cher latéralement  le  clavier  de  droite  à  gauche  ,  amène  le 
marteau  au  point  voulu  pour  frapper  les  cinq  cordes  à  la  fois. 
MJl.  Boisselot  ont  prévu  le  cas  où  l'on  ne  voudrait  produire 
l'octave  que  dans  une  partie  du  clavier,  soit  seulement  pour 
la  basse,  soit  pour  le  dessus.  A  cet  effet  la  barre  des  marteaux 
se  trouve  divisée  en  deux  parties,  dont  chacune  est  mue  par 
une  pédale  particulière.  Si  cette  disposition  a  des  avantages 
dans  certains  cas  ,  elle  a  aussi  dans  certains  autres  des  incon- 
vénients; car  il  peut  arriver  qu'un  passage  en  octaves  dépasse 
la  limite  de  la  division  dont  nous  parlons.  D'ailleurs  la  multi- 
plicité des  pédales  est  un  embarras  pour  l'exécutant. 

Le  second  système  consiste,  comme  nous  l'avons  dit,  dans 
l'emploi  de  leviers  obliques ,  et  ici  l'octave  s'obtient  avec  le 
nombre  ordinaire  des  cordes.  Vers  le  centre  de  chaque  touche 
se  trouve  placé  un  de  ces  leviers  qui  est  mis  en  mouvement 
par  l'impulsion  de  la  louche  même  au  moyen  d'un  petit  cro- 
chet fixé  sur  elle,  et  qui  correspond  par  son  extrémité  au 
marteau  d'une  autre  touche  à  l'octave.  Ainsi ,  en  frappant 
une  seule  touche,  deux  marteaux  frappent  simultanément 
les  deux  notes. 

Lequel  des  deux  systèmes  est  préférable  ?  Nous  n'hésitons 
pas  à  nous  prononcer  pour  le  second;  d'abord  parce  qu'il 
n'exige  pas  l'augmentation  des  cordes  ,  dont  le  tirage  exces- 
sif pourrait  être  nuisible  à  la  solidité  de  l'instrument,  puis 
pour  la  raison  que  voici: 

L'instrument  étant  plus  souvent  joué  dans  son  état  natu- 
rel, c'est-à-dire  sans  l'emploi  de  la  pédale  d'octaves,  le  mar- 
teau, qui  s'use  plus  vite  du  côté  où  il  ne  frappe  que  les  trois 
cordes  ,  perdra ,  après  un  certain  temps,  l'égalité  primitive 
pour  l'attaque  simultanée  des  cinq  cordes.  Il  est  vrai  que  cet 
inconvénient  ne  sera  sensible  que  lorsque  l'instrument  sera 
fatigué  ;  mais  c'est  toujours  un  inconvénient  qui  n'existe  pas 
dans  le  système  à  leviers.  Du  reste,  hâtons-nous  de  le  dire,  les 
deux  systèmes  sont  exécutés  avec  la  précision  qui  distingue 
tous  les  pianos  de  ftlM.  Boisselot. 

Il  n'a  été  question  ici  que  d'une  seule  octave  obtenue  par 
le  même  mouvement.  Le  système  à  leviers  va  plus  loin  :  il 
peut  en  faire  entendre  deux ,  c'est-à-dire,  le  levier  étant  dou- 
ble et  opérant  des  deux  côtés,  peut  faire  résonner  avec  la  note 
de  la  touche  môme  que  l'on  frappe  la  note  de  l'octave  infé- 
rieure et  de  l'octave  supérieure.  Ce  n'est  pas  tout  :  les  deux 
systèmes  peuvent  se  combiner  dans  le  même  instrument , 
en  .sorte  qu'avec  un  seul  doigt  attaquant  une  seule  touche  on 
fait  sonner  quinze  cordes  à  la  fois  !  Que  l'on  juge  des  masses 
sonores  qui  doivent  sortir  d'un  piano  ainsi  construit ,  lorsque 
l'exécutant  prodigue  à  pleines  mains  les  accords.  Car  un  ac- 


cord de  quatre  notes  fait  entendre  soixante  cordes  ;  si  vous 
le  doublez  de  l'autre  main,  vous  obtenezjles  sons  simultanés  de 
cent  vingt  cordes.  C'est  à  donner  le  vertige  à  l'auditeur. 

Un  piano  à  queue ,  réunissant  les  deux  systèmes  ,  était 
destiné  à  faire  partie  de  l'exposition  ;  il  n'a  pas  été  terminé 
à  temps  ;  mais  nous  avons  vu  le  modèle  établi  sur  cette  com- 
binaison, et  qui  fonctionne  parfaitement. 

Avant  de  quitter  cette  invention  ,  disons  quelques  mots  à 
ceux  qui  voudraient  la  contester  à  MM.  Boisselot.  Que  ces 
habiles  facteurs  aient  puisé  leur  idée  dans  les  anciens  clave- 
cins, où,  comme  on  sait,  on  obtenait  l'octave  avec  un  seul 
doigt  par  l'accouplement  des  touciies  de  deux  claviers ,  c'est 
possible;  il  se  peut  même  qu'ils  aient  eu  connaissance  de 
l'essai  d'un  célèbre  facteur  allemand  qui  ,  en  1824  ,  pro- 
duisit un  piano  sur  lc(]uel  on  faisait  entendre  l'octave  avec 
une  seule  touche;  mais  le  procédé  est-il  le  même?  là  est  la 
question. 

Il  nous  semble  que  le  procédé  de  MM.  Boisselot,  la  manière 
surtout  dont  ils  ont  combiné  les  divers  mécanismes,  leur  ap- 
partient. Du  reste,  si  néanmoins  on  voulait  les  priver  de  ce 
mérite,  ils  pourraient  facilement  se  consoler ,  car  l'autre  dé- 
couverte, dont  nous  allons  parler  maintenant,  ne  saurait  leur 
être  disputée;  et  celle-là  est,  suivant  nous,  bien  supérieure 
et  sera  préférée  par  tous  les  vrais  amis  de  l'art.  L'ne  inven- 
tion qui  donne  au  piano  des  qualités  chantantes,  du  charme, 
de  la  grâce,  vaut  mieux  que  des  procédés  qui,  en  augmentant 
la  force  sonore,  à  l'aide  du  redoublement  d'octaves,  prêtent 
facilement  aux  abus  et  peuvent  devenir,  sous  des  mains  trop 
fougueuses,  des  moyens  de  bruit  et  de  tapage  trop  fréquent 
déjà  dans  l'exécution  sur  les  pianos  ordinaires. 

Nous  arrivons  au  piano  à  sons  soutenus  à  volonté. 

Comme  on  l'a  vu  plus  haut,  il  ne  s'agit  pas  ici  de  moyens 
propres  à  prolonger  le  son  des  cordes  au-delà  de  leurs  vibra- 
tions naturelles  produites  par  le  coup  du  marteau,  tels  que 
l'emploi  du  vent  ou  d'une  espèce  d'archet,  que  l'on  a  plu- 
sieurs fois  appliqué  au  piano  ,  mais  qui  dénature  entière- 
ment son  caractère.  Il  s'agit  seulement  de  laisser  vibrer  , 
au  gré  du  pianiste,  chaque  note  en  levant  séparément  son 
étouffoir,  tandisque  dans  les  pianos  ordinaires,  tous  les  étouf- 
foirs  se  levant  ensemble,  les  cordes  que  l'on  frappe,  conti- 
nuent à  vibrer  indistinctement.  Ce  résultat,  MM.  Boisselot 
l'ont  obtenu  par  le  procédé  que  voici  : 

Une  pédale  particulière  fait  agir  un  levier  à  échappement, 
qui  lève  l'étouffoir  et  le  lient  en  celte  position  à  l'aide 
d'une  bascule.  L'étouffoir  reste  ainsi  levé  autant  que  l'on 
tient  le  pied  sur  la  pédale,  sans  qu'il  soit  besoin  de  laisser  le 
doigt  sur  la  touche.  Celle-ci  conserve  toute  son  indépendance 
et  peut  être  frappée  de  nouveau  pendant  que  la  pédale  re- 
tient l'étouffoir.  Il  est  à  remarquer  que  la  pédale  agit  sur  une 
ou  plusieurs  touches,  à  la  volonté  de  l'exécutant. 

A  voir  ce  mécanisme  si  simple  ,  on  est  étonné  que  l'idée 
n'en  soit  venue  à  personne  et  qu'un  semblable  instrument 
n'ait  pas  été  fait  plus  tôt.  Cette  invention  précieuse,  dès 
qu'elle  se  sera  répandue,  exercera  une  grande  influence  sur 
la  manière  d'écrire  pour  l'insirument  favori  de  nos  jours. 
On  conçoit  quelle  variété  d'effets  nouveaux  les  compositeurs, 
les  pianistes  improvisateurs  pourront  obtenir  désormais. 
Le  chant ,  au  lieu  de  se  confondre  ou  de  s'embrouiller  avec 
les  notes  qui  l'entourent ,  se  dessinera  nettement ,  distincte- 
ment ,  et  l'on  croira  souvent  entendre  un  morceau  joué  par 
deux  artistes  sur  deux  pianos  différents. 

Parlerons-nous  des  autres  pianos  ,  exposés  par  les  mêmes 
facteurs  ?  du  piano  en  ébène  ,  incrusté  de  nacre  et  de  co- 
rail ,  instrument  de  luxe  digne  de  fixer  les  regards  des  pas- 


DE  PARIS. 


221 


sauts  ?  d'im  piano  droit,  plus  petit ,  moins  riche ,  mais  d'une 
sonorité  non  moins  éclatante  ?  d'un  piano  à  queue  avec  le 
mécanisme  ordinaire  ,  et  des  pianos  carrés  ,  qui  ont  succes- 
sivement pris  leur  place  au  palais  de  l'industrie  ?  JNous  les 
passerons  sous  silence ,  car  quelles  que  soient  leurs  qualités  , 
ils  sont  éclipsés  par  les  deux  pianos  nouveaux  ,  dont  nous 
avons  entretenu  nos  lecteurs.  Ces  deux  instruments  forment, 
à  nos  yeux ,  la  véritable  exposition  de  MM.  Boisselot.  Ils  ont 
réuni  les  suffrages  d'artistes  tels  que  Tlialbei'g  ,  Liszt ,  et 
Doehler  ;  que  pourrions-nous  ajouter  à  des  éloges  aussi  flat- 
teurs que  compétents  ? 

G-.E.  Anders.  (1) 


HISTOIRE  DE  LA  MUSIODE. 

SUR  UL  NOTATIOBT  DÏUSICAI.Î: 

dont  s'est  servi  saint  Grcgoire-le-Grand  pour  le  chanl  de  son  Anli|)lioiiaire. 
(  Troisième  et  dernier  firlicle'  ). 

i  le  manuscrit  de  Saint-Gall  était  l'antiplionaire 
iLSf  de  saint  Grégoire,  nous  posséderions  une  partie 
^.  du  chant  de  l'office  divin  dans  sa  pureté  prirai- 
ir^â  ^'^®'  mais  le  fragment  même  publié  comme  e\- 
'/'  trait  de  cet  antiphonaire,  par  MM.  Kiesewetter, 
Botée  de  Toulmon  et  Coussemaker,  est  évidemment  entaché 
d'altérations  déjà  signalées  par  Guido  d'Arczzo,  au  commen- 
cement du  XI'  siècle,  dans  son  traité  des  fautes  introduites 
dans  le  chant  ecclésiastique  (2).  L'altération  indiquée  par  cet 
écrivain,  dans  l'Ostende  nobis  ,  est  sur  les  mots  misericor- 
diam  tiiam.  Il  fait  remarquer  avec  beaucoup  de  justesse  que 
ce  verset  est  du  deuxième  ton,  et  que  la  forme  défectueuse 
introduite  dans  le  chant  par  l'usage  sur  la  dernière  syllabe  de 
misericordiaip  n'est  pas  conforme  à  la  constitution  de  ce  ton, 
parce  que  la  médiante  ti  remonte  à  la  dominante  G ,  et  y  fait 
une  terminaison  incidente  qui  appartient  plus  au  septième  ton 
qu'au  second.  Or,  ce  défaut,  et  d'autres  encore,  sont  préci- 
sément ceux  qu'on  remarque  dans  le  fragment  du  manuscrit 
de  Saint-Gall.  Ce  manuscrit,  loin  de  nous  offrir  la  tradition 
pure  des  premiers  temps  do  chant  grégorien  ,  est  donc  enta- 
ché d'altération;  c'est  même  un  des  plus  défectueux  que  je 
connaisse  à  cause  du  désordre  de  sa  notation.  Je  m'engage  à 
donner  la  preuve  de  cette  assertion  dans  la  publication  de 
mon  travail  sur  la  prose  du  manuscrit  de  Montpellier  qui  sera 
faite  définitivement  dans  le  cours  de  la  présente  année.  J'y 
donnerai  les  fac  siniile  de  VOstende  nobis  du  manuscrit  de 
Saint-Gall,  mis  en  regard  du  même  morceau,  d'après  le  missel 
de  Saint-Hubert  en  notation  saxonne,  dont  je  suis  possesseur, 
et  d'un  autre  fac  simile  d'après  un  giaduel  du  xii°  siècle  ap- 
partenant à  la  bibliothèque  de  Bruxelles,  avec  la  traduction 
en  notation  du  plain-chant.  Déjà  ces  planches  sont  gravées.  Je 
reviens  à  mes  démonstrations  actuelles. 

Jean  Diacre,  biographe  de  saint  Grégoire,  ne  dit  pas  un 
mot  du  dépôt  de  l'antiphonaire  sur  l'autel  de  Saint-Pierre  à 
Rome  ;  il  nous  apprend  même  une  circonstance  qui  prouve 


(1)  ERRATA  du  second  article.  —  Pag.  216,  2"  col.,  lig.  33,  au 
lieu  de  :  en  dessus;  lisez  :  en  dessous.  —  Pag.  217,  1"  col.,  lig.  57, 
au  lieu  de  :  reste;  lisez  :  rentre. —  Quant  à  la  dernière  phrase  de 
l'article,  défigurée  par  une  transposition  de  mots,  les  lecteurs  au- 
ront pu  la  rétablir  ainsi  qu'il  suit  :  Il  a  atteint  le  but  vers  lequel , 
pendant  de  longues  années,  se  sont  dirigés  tousses  efforts. 

(")  Voir  les  numéros  24  et  25. 

(2)  y.Seriptores  eccles.  de  Musicà,  t.  II,  p.  52,  col.  2. 


que  ce  dépôt  n'a  point  été  fait ,  que  le  précieux  livre  n'a  pas 
été  attaché  à  l'autel  par  une  chaîne  de  fer,  et  que  ce  qu'en 
ont  dit  des  écrivains  postérieurs  n'est  point  exact.  Ce  prêtre , 
qui  écrivait  environ  256  ans  après  la  mort  de  saint  Grégoire, 
dit  que  de  son  temps,  c'est-à-dire  vers  870 ,  on  conservait 
encore  avec  grande  vénération  dans  l'école  de  chant,  près  de 
Saint-Jean-de-Latran ,  le  siège  sur  lequel  le  Saint-Père  s'as- 
seyait pour  donner  ses  leçons ,  la  verge  avec  laquelle  il  châ- 
tiait les  enfants ,  et  son  anlip/ionaire  authentique  (1).  Cet  an- 
tiphonaire n'était  donc  pas  perdu,  etRome  n'était  pas  réduite 
à  une  simple  tradition  verbale  du  chant  grégorien ,  comme 
il  fut  dit  à  Amalaire  Symphosius,  envoyé  de  Louis-le- Débon- 
naire à  Rome,  sans  doute  pour  se  débarrasser  d'une  demande 
importune;  car  il  ne  faut  pas  oublier  que  Jean  Diacre  écri- 
vait environ  trente  ans  après  la  mort  de  Louis-le-Débon- 
naire. 

Mais  une  question  se  présente  et  doit  donner  lieu  à  l'exa- 
men d'un  fait  important;  la  voici;  saint  Grégoire  n'a-t-il 
réglé  que  le  chant  de  l'antiphonaire,  et  n'a-t-il  pas  pris  le 
même  .soin  pour  le  graduel?  Au  premier  aspect,  la  solution 
paraît  facile  ;  car  Jean  Diacre,  le  moine  de  Saint-Gall,  celui 
d'Angoulênie,  enfin  tous  les  auteurs  anciens,  à  l'exception  de 
Walafrid  Strabon  ,  ne  parlent  que  de  l'antiphonaire.  D'ail- 
leurs le  manuscrit  de  Conqjiègne ,  celui  de  la  Bibliothèque 
royale  de  Paris  (n°  1087,  ancien  fond) ,  deux  manuscrits  de 
la  bibliothèque  Laurcntienne  de  Florence,  le  manuscrit  du 
X'  siècle  qui  est  à  la  bibliothèque  du  Vatican  ,  et  plusieurs 
autres  présentent  l'antiphonaire  avec  le  nom  de  saint  Gré- 
goire ,  tandis  que  toutes  les  copies  manuscrites  du  graduel 
connues  jusqu'à  ce  jour  ont  simplement  pour  tilre  Gradtiale 
romanum.  Walafrid  Strabon,  le  seul  des  anciens  écrivains  qui 
ait  fait  mention  du  soin  qu'aurait  pris  saint  Grégoire  de  ré- 
gler le  chant  de  la  messe  comme  celui  des  heures  canoniques, 
n'en  parle  que  comme  d'une  tradition  (2).  Cependant  il  pa- 
raît peu  vraisemblable  que  le  Saint-Pontife  ait  négligé  le  chant 
de  la  messe ,  ayant  donné  tant  de  soins  aux  autres  parties  de 
l'office  divin  ,  à  moins  que  le  chant  des  iniroils ,  graduels  , 
offertoires  et  communion  n'aitété  si  bien  réglé  avant  lui  qu'il 
n'y  ait  rien  trouvé  à  changer. 

A  ce  sujet ,  je  suis  obligé  de  rappeler  que  la  messe  et  son 
chant  ont  été  réglésoriginairementdans  l'église  d'Orient.  Saint 
Jacques,  saint  Basile  et  saint  Jean  Chrysostôme  en  sont  les 
premiers  auteurs.  De  toute  la  liturgie  attribuée  à  saint  Jac- 
cjues  le  mineur  par  Léon  Allatius  et  le  cardinal  Bona  ,  mais 
qui  lui  est  évidemment  postérieure,  il  ne  reste  aujourd'huif 
dans  la  messe  que  le  Symbole  des  apôtres ,  la  Préface ,  le 
Sanctits  et  la  Commémoration ,  quoique  cette  messe  soit 
beaucoup  plus  longue  que  celle  de  la  liturgie  actuelle.  Saint 
Basile  et  saint  Jean  Chrysostôme,  qui  furent  les  lumières  de 
l'église  d'Orient  dans  le  iv°  siècle ,  modifièrent  cette  litur- 
gie et  introduisirent  dans  la  messe  le  Kyrie  eleison,  mais  dis- 
posé autrement  que  dans  notre  messe  latine,  et  répété  souvent 
comme  une  exclamation  par  le  peuple;  le  Gloria  divisé  en 
plusieurs  versets  qui ,  plus  tard ,  ont  été  réunis  ;  enfin  ,  plu- 
sieurs prières  dont  on  a  fait ,  dans  la  liturgie  romaine  ,  des 
introits,  graduels,  offertoires,  etc. ,  et  dont  une  partie  est 


(1)  Ubi  (Laleran.  eccles.)  usque  hodie  lectus  ejus,  in  quo  recu- 
bans  modulabatur,  et  flagellum  ipsius,  quo  pueris  minabalur,  ve- 
neratione  congrua,  cum  auihentico  antiplionurio  reservatiir.  (Job. 
Diac,  in  vilâ  Grerjor.,  lib.  II,  cap.  vi.) 

(2)  Traditur  denique,  beatum  Gregorium,  sicut  ordinationem 
Missarum  et  consecrationum ,  lia  etiam  canlilina;  disciplinum 
maxima  ex  parte  in  eani,  quœ  haclenus  quasi  docenlissima  observa- 
lur,  dispositionem  pcrduxisse.  {De  OjJ'iciis  divinis,  cap.  22.) 


22A 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


î     ! 


en  entendant  Tulou,  Dorus  et  même  le  petit  Altès,  ont  pu 
s'imaginer  qu'ils  descendaient,  eux  aussi ,  de  race  britan- 
nique. 


SS^.  les  Abonnés  recevront  avec  le  prochain  numéro  la 
feuille  des  Compositeurs  dramatiques  modernes,  par  SI.  ïttaurin, 
sur  grand-aigle,  contenant  les  portraits  de  MM.  Auber,  XSerlioz, 
Berton ,  l>onizetti  ,  Halévy,  Mendelssobn  ,  Meyerbeer,  Onslow, 
Rossinï,  Spontini. 


ITOTTTELLBS. 

*,*  Demain  lundi ,  à  l'Opéra  ,  Don  Juan. 

*,'  M""=  Dorus-Gras  esl  de  retour  à  Paris. 

"."•Duprez  et  Barroilhet  vont  partir  en  congé  sous  peu  de  jours. 

",•  Outre  l'engagement  à  l'Opéra  du  ténor  Gardoni  et  du  baryton 
Latour,  on  annonce  celui  de  Slaudigl ,  la  fameuse  basse  allemande, 
pour  la  prochaine  année  théâtrale. 

","  Le  Baron  de  Bemonanoir ,  ou  les  Quatre  fils  Aijmon  ,  opéra- 
comique  en  trois  actes,  doit  être  représenté  prochainement.  On  an- 
nonce comme  devant  êlre  joué  ensuite  un  ouvrage  en  un  acte  in- 
titulé les  Deux  gentilshommes,  dont  la  musique  est  de  M.Justin 
Cadaux,  compositeur,  qui  s'est  déjà  fait  connaître  par  plusieurs  par- 
titions applaudies  à  Toulouse. 

*,*  Dans  sa  séance  de  samedi,  23  juin,  la  section  des  beaux-arts 
de  l'Institut  a  procédé  au  remplacement  de  M.  Berton,  l'Illustre  com- 
positeur. Les  candidats  étaient  MM.  Adolphe  Adam,  Batton  et  Tho- 
mas. Voici  le  résultat  du  dépouillement  du  scrutin.  Volants:  31, 
majorité  absolue  .•  16.  Dès  le  premier  tour,  M.  Adolphe  Adam  a  ob- 
tenu 17  voix  ;  M.  Batton,  9,  et  M.  Thomas  4  ;  il  y  a  eu  de  plus  1  billet 
blanc.  En  conséquence,  M.  Adolphe  Adam  a  été  proclamé  membre 
de  l'Institut. 

'*,*  M"«  Lia  Duport ,  la  jeune  cantatrice  que  le  public  a  si  sou- 
vent applaudie  dans  les  concerts,  vient  de  se  mai-ier  avec  M.  R.  Mul- 
der. 

*,*  Comme  on  pouvait  le  présumer,  l'annonce  du  grand  festival 
qui  se  prépaie  pour  le  mois  prochain  au  palais  de  l'Industrie,  sous 
la  direction  de  M.  Hector  Berlioz,  a  mis  en  émoi  tout  le  public  mu- 
sical,  non  seulement  de  Paris,  mais  des  villes  environnantes,  et 
même  à  une  assez  grande  distance.  Ainsi,  les  artistes  de  Lille  vien- 
nent d'écrire  à  M.  Berlioz  pour  lui  offrir  généreusement  leur  con- 
cours. Une  députalion  de  musiciens  lillois  se  rendra  à  Paris  pour 
prendre  part  aux  dernières  répétitions  et  à  l'exécution  du  festival. 
D'autres  villes  suivront  bientôt  cet  exemple.  La  plupart  des  premiers 
sujets  de  nos  théâtres  lyriques  et  les  premiers  professeurs  de  chant 
de  Paris  veulent  aussi  y  prendre  part.  Nous  pouvons  citer  comme 
s'étant  déjà  fait  inscrire  :  .M!M.  Duprez,  Poiichard,  Bordogni,  Bande- 
rali,  Poullier,  Octave,  Grard,  M""  Gras-Dorus,  etc. 

*,•  Vivier, Me  jeune  et  célèbre  virtuose  sur  le  cor,  (Jui  a  obtenu 
beaucoup  de  succès  en  Angleterre,  où  l'on  apprécie  non  seulement  la 
nouveauté  de  ses  effets,  mais  la  belle  expression  de  son  style,  est  de 
retour  à  Paris. 

*,*  Une  association  musicale  s'est  formée  à  Caensous  les  auspices 
de  la  Société  philharmonique;  elle  réunira  tous  les  amateurs  du 
Calvados,  de  l'Orne  et  de  la  Manche.  Son  premier  festival  aura  lieu 
à  la  fin  de  juillet  prochain.  M.  Barroilhet  doit,  dit-on  ,  s'y  faire  en- 
tendre. 

*,*La  nouvelle  salle  de  l'Opéra,  à  Berlin,  aura  quatre  rangs  déloges 
et  pourra  être  comptée  parmi  les  plus  grandes  et  les  plus  riches  qui 
existent.  La  loge  de  la  cour,  en  face  de  la  scène,  coupe  les  loges  du 
second  rang  et  monte  jusqu'au  troisième  ;  elle  repose  sur  huit  co- 
lonnes d'ordre  corinthien.  Dans  toutes  les  loges  il  y  aura  des  fau- 
teuils mobiles. 

*,*  OEhlenschlaeger,  le  célèbre  poëte  danois,  vient  de  recevoir  du 
roi  de  Prusse  l'Ordre  pour  le  mérite.  On  s<iH  que  l'on  doit  à  OEhlensch- 
laeger une  excellente  composition  dramatique  :  Aladin,  ou  la  Lampe 
merveilleuse. 

*/  M.  Alexis  LvolT,  général  et  aidc-de-camp  de  l'empereur  Nico- 
las ,  s'est  fait  entendre  à  Dresde  sur  le  violon  dans  des  réunions  pri- 
vées; il  a  fait  également  exécuter  divers  morceaux  de  sa  composition. 


Comme  compositeur  et  comme  virtuose,  le  général  russe  s'est  fait 
applaudir;  on  a  distingué  surtout  les  morceaux  tirés  de  l'opéra  S/aîica 
e  Gunlierio,  qui  doit  être  représenté  à  Saiiit-Pétcrsbourg. 

*,•  Le  concert  annuel  donné  à  Londres  par  Benedict  offrait  une 
composition  aussi  prodigieuse  qu'à  l'ordinaire.  Le  programme  ne 
comprenait  pas  moins  de  quarante  morceaux,  exécutés  par  les  chan- 
teurs et  les  instrumenlistes  les  plus  célèbres.  Nous  avons  peine  à 
concevoir  que  le  tempérament  admiratif  de  nos  voisins  puisse  résister 
à  une  épreuve  quatre  fois  plus  forte  que  toutes  celles  qu'on  a  jus- 
qu'ici tentées  sur  nous. 

*,*  Dans  le  concert  donné  à  Londres  par  la  Societa  armonica,  Ré- 
vial  a  chanté  un  air  composé  en  1680,  par  Stradella.  Son  succès  a  été 
complet,  tant  par  sa  voix  que  par  sa  nicthode. 

*.*  Le  directeur  d'un  théâtre  cher  à  l'enfance ,  M.  Séraphin  ,  est 
mort  dernièrement.  A  cette  occasion  ,  un  journal  a  publié  les  parti- 
cularités suivantes  qui  ne  sont  pas  sans  intérêt  pour,l'histoire  de 
nos  théâtres.  «  Les  ombres  chinoises  furent  inventées  par  Dominique- 
François  Séraphin.  Louis  XVI,  qui  les  vit  à  Versailles,  en  fut  si 
content  qu'il  lui  octroya,  sur  sa  demande,  le  privilège  exclusif  des 
ombres  chinoises,  et,  de  plus,  le  titre  de  Théâire  des  Enfants  de 
France;  la  salle  fut  ouverte,  dans  le  Palais-Royal  à  peine  achevé,  le 
8  septembre  178i.  Il  n'y  avait  alors  chez  Séraphin  que  des  ombres 
chinoises  et  des  feux  arabesques.  En  1788,  Dominique-François  Sé- 
raphin fit  venir  de  Metz  son  neveu  Joseph-François  Séraphin,  âgé 
de  vingt  ans.  Celui-ci  inventa  les  marionnettes,  et  en  1800  il  succéda 
à  son  oncle.  Une  patiente  sollicitude  pour  son  théâtre,  pendant  qua- 
rante-quatre ans  a  porté  haut  la  célébrité  de  cet  établissement ,  au- 
quel il  avait  joint  des  points  de  vue  mécaniques.  Frappé,  il  y  a  trois 
mois,  d'une  attaque  d'apoplexie  ,  il  esl  mort  dimanche,  IC  juin  ;  le 
chagrin  de  ne  pouvoir  aller  à  son  cher  théâtre  a  troublé  ses  derniers 
moments  et  hâté  sa  fin.  11  avait  76  ans.  » 

V  Gisors. — L'inauguration  du  nouvel  orgue ,  restauré  par  la 
maison  Daublaine-Callinet,  a  eu  lieu  mardi  dernier.  MM.  Dietsch  , 
Lefébure-Wély  et  Danjou  ont,  en  présence  d'un  nombreux  audi- 
toire, fait  ressortir  les  effets  de  ce  bel  instrument,  qui  compte  cin- 
quante-deux jeux  et  environ  trois  mille  tuyaux.  Comme  à  l'inaugu- 
ration de  l'orgue  de  Saint-Eustaclie,  on  avait  eu  l'heureuse  idée  de 
faire  exécuter  alternativement  avec  l'orgue  des  morceaux  de  chant. 
M.  Boulanger,  organiste  de  la  cathédrale  de  Beauvais,  avait  conduit 
à  Gisors,  pour  cette  solennité,  environ  soixante  élèves  des  cours 
gratuits  de  musique  que  cet  artiste  a  fondés  à  Beauvais.  Ces  jeunes 
gens  ont  exécuté  avec  un  ensemble  remarquable  et  un  goût  parfait 
des  morceaux  de  divers  auteurs,  et  entre  autres  des  cantiques  et  un 
chœur  de  M.  Neukomm. 

Cliretnique  étr£»iigèi*e. 

*,*  Londres.  —  Don  Carlos,  opéra  nouveau  de  Costa,  vient  d'ap- 
paraître enfin  sur  le  Queen's-Theatre.  On  le  dit  de  beauioup  supérieur 
à  Malek-yldhel,  autre  opéra  du  même  compositeur.  L'ouvrage  est 
chanté  par  Lablache,  Mario,  Fornasari  et  M''^  Grisi.  La  Reine  et  le 
prince  Albert  assistaient  à  la  première  représentation. 

*,*  Vienne,  1  juin.  —  On  vient  de  nous  donner  Lucia  di  Lammer- 
moor;  et  si  nous  n'avons  pas  retrouvé  Moriani  tout  entier  dans  le  nou- 
vel Edgardo,  nous  avons  eu  en  revanche  une  Lucia  telle  que  nous 
n'en  connaissions  point  encore.  M""  Pauline  Viardot  a  chanlé  ce  rôle 
par  complaisance  pour  le  directeur.  Puisse-t-elle  avoir  souvent  de 
pareilles  complaisances!  Elle  a  montré  cette  fois,  d'une  manière 
encore  plus  éclatante  que  dans  la  semi-sérieuse  Ninetta,  que  son  art 
et  sa  manière  de  concevoir  un  rôle  se  développent  avec  autant  de 
magnificence  dans  l'opéra  sérieux  que  dans  l'opéra  comique.  Du 
rôle  de  Lucia,  à  demi-languissant,  à  demi  énergique.  M'"'  Viardot 
a  fait  une  création  pleine  de  noblesse  et  de  poésie.  Dans  Vandante  dix 
finale,  l'expression  et  la  couleur  de  son  chant  sont  incomparables; 
elle  vérifie  les  paroles  du  chœur  :  Corne  rosa  inaridiia  ,  ella  sta  fra 
morte  e  viia.  Il  y  a  un  véritable  génie  dans  l'exécution  de  la  grande 
cantatrice.  Elle  a  également  conçu  la  scène  de  folie  d'une  manière 
originale,  tout  en  tressant  les  fleurs  musicales  de  son  air  de  bravoure 
avec  la  grâce  et  la  vigueur  que  nous  sommes  habitués  à  trouver  en 
elle.  Mais  ce  qui  distingue  encore  notre  artiste  si  richement  douée, 
c'est  le  doux  charme  de  modestie  répandu  sur  son  chant  magnifique. 
Elle  ne  demande  point,  comme  les  autres,  aux  endroits  à  effet  :  «  Eh 
bien  !  qu'en  dites-vous?  »  Elle  ne  commande  pas  à  certains  passages  : 
o  Applaudissements  !  Portez  armes  !  »  Il  semble  qu'en  chantant,  elle 
ne  pense  nullement  au  succès;  et  c'est  justement  ce  dédain  de  tout 
effet,  cette  continuelle  et  fixe  pensée  de  la  recherche  du  vrai  beau, 


DE  PARIS. 


225 


qui  peut  quelquefois  diminuer  son  mérile  aux  yeux  de  certaines  gens 
de  la  niasse;  mais  le  connaisseur  sait  bien  apprécier  sa  grandeur 
arlistii|ue,  et  il  sent  l'énorme  dillerence  entre  son  génie  inspiré  et  la 
méitwdc  à  éclat  des  autres.  M"'"  Viardol  a  reçu  pour  récompense 
riiommage  d'applaudissements  r.éiiélii|iies  et  de  nombreux  rappels. 
%"  Barcelone.  —  On  a  joué  l'opéra  A'Oiello,  où  le  premier  ténor 
Verger  s'est  permis  de  dénaturer  des  mélodies  consacrées  par  une 
Yogueeuropéennc.  Un  second  ténor,  Olivirri,  débulaitdans  le  même 
opéra  et  a  complètement  éclioué.  La  prima  donna,  M""  Colleone 
Conti,  quiétaitaussi  une  débutante,  a  été  plus  heureuse  et  s'est  fait 
applaudir  dans  le  beau  rôle  de  Desdemona.  —  On  a  donné  un  ballet 
mythologique,  .4 polo  y  Dafiie,  dont  la  musique  assez  agréable  est 
du  premier  violoniste  de  l'orchestre,  Don  Antonio  Pa.'ari'll.  —  Parmi 
les  nouveaulcs  dramatiques  qui  viennent  d'èlre  jouées,  nous  signa- 
lerons et  Eapc'jo  de  ti-f  venguiizas  {le  Miroir  des  veiiaeances)  et  /os 
Très  enetnirjos  de  l'aima  [les  Trois  ennemis  de  l'unie). 

%*  Barcelone.— On  vient  de  donner  avec  succès  au  théâtre  de  Sanla- 
Cruz  le  Nabucodonosor  de  Verdi. 

*."  Madrid. — Le  s-cond  opéra  ofi'ertau  public  parla  nouvelle  com- 
pagnie lyriqu"  du  théâtre  del  Principe  ou  de  la  Cruz,  a  été  la  Gemma 
di  Feriji,  de  Donizetli.  On  y  a,  pour  la  première  fois ,  entendu  une 
Jeune  cantatrice,  la  senora  Anna  Brizzi  ,  fort  timide,  mais  dont  la 
voix  est  d'Ufie  bonae  qualité.  Sinico  est  l'âme  de  celte  troupe,  qui  se 
trouve  jetée  en  grand  ilcsarroi  par  un.fail  heureusement  assez  rare 
dans  le  monde  dramatique,  où  la  probité  est  plus  commune  que  dans 
toute  autre  profcs-ion.  La  virlunse,  engagée  comme  prima  donna, 
la  senora  Rocca  ,  ne  s'esi  pas  rendue  a  son  poste  ;  on  ignore  si  ce  re- 
tard esi  accidentel  ou  définitif,  et  quelques  uns  prétendent  qu'elle  a 
cscumofé  son  enga:.;enieiit  ei  la  somme  qui,  selon  l'usage,  lui  avait 
été  avancée  pour  frais  de  voyage. 

—  Le  Lycée  prépare  de  grands  prix  pour  toutes  les  classes  d'ar- 
tistes. O.i  parle  de  l'engagement  d'un  chanteur  espagnol  de  première 


volée,  Salas,  qui  fera  sa  première  apparition  dans  l'opéra  de  Scara- 
tnuccia,  après  lequel  on  se  propose  d'exécuter  l'un  des  chefs-d'œuvre 
de  l'école  française,  le  plus  beau  legs  fait  par  Hérold  à  son  art, 
Zampa. 

—  Avant  de  partir  pour  la  Russie,  le  ténor  Unanue  doit  chantera 
Madrid  ta  Favoriie. 

—  L'ouverture  ia  JFreijschûiz^i  été  entendue  pour  la  première  fois 
dans  cette  capitale,  au  théâtre  del  Circo,  dont  le  brillant  orchestre 
l'a  exécutée  avec  beaucoup  de  verve  sous  la  direction  habile  de 
son  chef,  M.  Benoît.  Celle  belle  œuvre  a  obtenu  un  succès  d'enthou- 
siasme. 

—  La  Iberia  musical  parle  en  termes  magnifiques  d'une  messe  de 
yïequiem  nouvellement  composée  par  le  maestro  Uamon  Vilanova, 
et  qui,  suivant  ce  journal ,  ne  saurait  être  comparée  qu'au  Jlequiem 
de  Mozart.  » 

*,'  F'aleiice.  —  Un  poè'te  de  la  ville  vient  d'y  faire  représenter  un 
drame  original  en  cinq  actes:  et  Duque  de  Gol.  Celte  œuvre,  qui  a 
réussi  en  lîspagne,  tomberait  chez  nous  sous  le  discrédit  dont  nous 
frappons  maintenant  l'école  romantique,  dont  elle  renouvelle  les 
froides  atrocités.  Ce  duc  de  Gol  est  le  lils  bâtard  d'un  giaud  et  d'une 
courtisane  qui  lui  a  transmis  son  caractère  et  ses  vices  :  elle  a  assas- 
siné l'épouse  de  son  père;  il  veut,  lui,  assassiner  son  frère,  parce 
qu'il  lui  dérobe  la  tendresse  maternelle;  il  dirige  mal  son  coup,  et 
tue  sa  propre  mère.  Ce  qu'il  trouve  a  faire  de  mieux  au  déuoùment, 
c'est  do  mourir  de  rage  dans  les  bras  du  frère  doni  il  a  voulu  être  le 
meurtrier.  Si  nous  enregistrons  cette  rapide  analyse,  ce  n'est  que 
comme  ronseignement  curieux  sur  l'état  moral  de  la  littérature  ac- 
tuelle par-delà  les  Pyrénées. 

*,'  Saini-PéieYsboarrj.  —  Pour  la  prochaine  saison  d'hiver,  ma- 
dame Viardot-Garcia  touchera  environ  26,000  roubles ,  y  compris 
les  feux  et  cadeaux. 

Le  Direcieiir.  Rédacleur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


ente  au  BWIÎEAU  CEi^TUAL  DE  MUSIQUE,   29,  place  de  la  Bourse  ,  à  côté  du  théâtre  : 

Partition  française  ,  piano  et  chant. 


AMIE  m  MOHi 


MUSIQUE 

DE 


GRAND  OPERA 

en  3  actes.  _   _  _        _  _  

Prix  de  la  partition,  piano  et  chant ,  net  :  1k  lianes. 

AIRS,  DUOS,  TRIOS  ET  MORCE.iUX  DE  GHANT5DÉTACHÉS,    AVEC  ACCOMPAGNE  MENT  DE  PIANO. 

MOSICEAUX  COMPOSÉS  SLR  LES  .MOTIFS  DE  WIASSIMS  HE  M&WAIV. 


BirR.GMîrs,I,EE,.  Valse 6 

DOKTIZETTI.  Trois  cahiers  lie  mosaïque,  chaque    ...  8 

lE  CAK.PESfTlEK..  Bagatelle G 

—  l'antaisie  facile 6 

EB.  "WOSiFr.  Boléro (1 

—  Divertissement  à  quatre  mains 9 

H.  BERTINI.  Fantaisie 8 

CZERNIT.  Ouverture  à  deux  mains G 

Id.        à  quatre  mains 9 


Piano  et  VîoSobi. 

Bl.XOSriS.  Deux  divertissements ,  chaque. 


lleu:^  Cornets. 
COBJ9ETTI:.  Les  airs  en  deux  suites,  chaque  . 


Ouverture  de  KARIE  ISE  ROHAN ,  à  grand  orchestre.     20 


Quadrille  sur  DSARIE  BX  ROHAN,  par  MUSARD,  à 

doux  et  quatre  mains 


50 


M\EUi  COiES  ELEliEmiRE  i)E  jli  SIP 


roiR  1  ES  Classes  ^OJiEKF,l;sES  de  surriGts, 

ÉCOLES  DES  r.ÉGlMEVrs,    COMSUNrS,   l>E^S10l^iïATS  , 

1"  série:  SOLFEGES  très  iaciles  .  A  duux  voix,  in-S,  net:  3  fr. 
—  2'  série:  SOLFEGES  progressifs,  in  S.  net:  3  fr.  75  c.— 3=  série: 
DOUZK  CHOICURS  MILITA  IRF.S  ,  A  TiiOis  voix,  net:  2  fr.  50  c  — 
3'  série  bis  :  DOUZE  CHOEURS  a  trois  voix  ,  pour  les  pensionnats, 
net:  3  fr.  75  c. — TABLEAU  EXPLICATIF  des  prikcipes de  musique, 
in-foL,  net:  l  fr.  —A  Paris,  chez  l'auteur,  passage  Colberl,  e^ca- 
lier  A.  et  chez  hs  marchands  de  mi  siqiie. 


A  ■VERTBR.E.  —  Un  manuscrit  de  C.-M.-V.  Weber,  intitulé: 
Scena  ed  uria  d'Alalia ,  composta  per  uso  délia  signora  Beijermann  ,  da 
Carlo-Maria  de  ff'eber.  Grand  solo  pour  soprano  avec  accompa- 
gnement d'orchestre.  Le  propriétaire  de  ce  manuscrit  est  en  mesure 
de  prouver  authentiquement  que  Weber  a  achevé  cette  œuvre  au 
château  de  Jogensdorf,  près  de  Berbe ,  où  la  célèbre  cantatrice 
jjmc  Beyermann  s'était  retirée  après  avoir  quitté  le  théâtre  de  Saint- 
Pétersbourg. 

Pour  les  renseignements ,  s'adresser  à  M.  Duran ,  directeur  de  la 
musjque  du  pensionnat  de  Fribourg,  en  Suisse,  {.affranchir.) 


iDTcnté  pitr   C.  MARTHV 


Approuvé  par  l'iiuuîl 
•t  Mopté  dan»  les  cla    , 
draCoSlSEBVATOIBES 

de  Paria  et  de  Londrei 


Le  Chirogymnasie  est  un  assemblat'eilenenfapp»- 
reilsgyinnastiqu6s  destinés  à  donner  de  l'exïens^ion  à 
la  main  et  de  l'écar:  aux  doigts  à  augmenter  et  à  égalt- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quatrième  elle  cinquième 
indépendants  de  tous  les  aiitres.  Le  Chirogymnatu 
a  été  aussi  approuvé  et  adopté  parMM.  Adam.  Bertini, 
ne  Bcriol,  Cramer,  Herz,  Kalkbreuner,  Listz,  Moschelèt 
Pruamt,  Siron,  Thalberg,  Tulou,  Zimmermann,  etc. 

Chaque  Chirogymnasie  est  revêtu  de  la  signature 
de  l'inventeur  et  se  vend  place  de  la  Bourse,  n"  15, 
à  huit  appareils,  50  fr.,  à  neufapp.  60  [r.,  métkode.'ifr, 

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un  marché,  comparer  cesinstruments  avec  ceuxde  tout  autre  facteur. 


4«!'.!Ml'v 


226 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Piiblicatious  de  MAURICE  SCHLESI\GEIl,  99,  rue  RicUelieii. 


Ipour  parûttre  le  13  Milct  procljatn- 


MORCEAUX  DÉTACHÉS  DU 


LAZZARONE 


OPERA  DE  F.  HALEVY: 


Ouverture. 
N.  1.  Cavatine  chantée  par  M"'  Stoltz. 

2.  Air  de  l'improvisateur,  chanté  par  M.  Barroillict. 

3.  Duo  chant,é  par  M™»  Stollz  et  M.  Barroilhel. 

4.  Chanson  de  la  Bouquetière,  chantée  par  M""  Dorus-Gias. 

5.  Duo  chanté  par  M""*  Dorus-Gras  et  Sloltz. 

C.  Trio,  par  MM.  Barroilhet,  Levasseur  et  M"»»  Dorus-Gras. 
7.  Couplets  du  baptême  de  la  cloche,  chantées  par  M"".Dorus 


N.    8.  Duo  chante  par  M.  Barroilhet  et  M""  Dorus-Gras. 
9.  Chansonnetic  chantée  par  M'""  SloUz. 

10.  Duo  ehanlé  par  il"""  Stollz  et  Dorus-Gras. 

11.  Duo  chanté  par  .M.  Barroilhet  et  M"'«  Sloltz. 

11  tiis.  Cavatine  extraite,  chantoe  par  M.  Barroilhet. 

11  1er.  Romance  extraite,  chanlée  par  M""  Slollz. 

lî.  Trio  chanté  par  MM.  Levasseur,  Barroilhet  et  M"'«  Dorus. 

1-3.  Couplets  chantés  par  M""  Slollz. 


si»a(â©aa 


DU 


Prix  :  10  fr.,  net. 


Grande  lÉTBOIIE  complète 

PAR 

GUICHARD 

Ex-preniier  vâoioei:  cIeî  'lïiéàlE'«  royal  ttffilieu. 


Piiix  :  lOfr.,  net. 


LISZT. 

i        Marche  héroïque  dans  le  slyle  hongrois. 
1  Galop  russe 


■WOS.PF. 

lia  Bohémienne,  grande  Poll<a  de  salon 7  ^o 

Sia  Varsovienne,  grande  Mazurka 7  iQ 


£,a  Polka,  grand  morceau  de  salon 7  50 

Sa  tarentelle  napolitaine 7  50 

Se^xiiramide ,  grande  fantaisie 10     • 

Béatrice  di  Tenda,  grande  fantaisie.     ........  10     » 


j        .V  grand  orchestre.  .  îi 
i         Kl)  partition  ...  54 


Gr.ANDE  ODVF.nTURE  C\n4LCTÉni5TIQUE 

TAR 

H"  BERLIOZ. 


('!&^  <!^T-) 


rijuipiai.uà  i  mains,  IJ 
Pou!  (tf'i!\  pianos.    .  15 


Imprimerie  de  tOURGOGNE  et  M.\fiTI>'ET,  30,  rue  Juob. 


Pour  Paris  :  uo  an,  30  fr.  ;  six  mois,  15  Er.     —     Annonces  :  50  e.  la  ligne  de  28  lettres     —     JDcpartentents  :  un  an,  34  fr.  Étranger,  38  fr. 


GAZETTE  MUSICALE 

BÊDIGÉE  riB 

MM.  ANDERS  ,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  Henri  BLANCHARD, 

MAUnicE  BOURGES,  F.  DANJOO,  DL'ESBERG,  FÉTIS  père,  Edouard  FÉTIS,  Stepber  HEILER,   J.  JANDî, 

G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  Geobge  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Paraiggattt  loua  les  BitnaneheH» 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARM. 
Le   1*'  et   le   IS  de  chaqne  mois  on  reeevra  on  morceau  de  mosiqae» 


SOMMAIRE.  Joseph  Eaini     (premier  arliclcj;    par    J.-A.     DE 
.    iAFAGE.  —  Matinées  musicale!  j  par  H.  BLANCHARD.  —  Inaii- 
guration  de  l'orgue  de  St-Eustacliî  ;  par  STEPHEN  aiORELOT. 
—  Galerie  de  la  Gazelle  musicale  -.  Compositeurs  dramatiques  mo- 
dernes. —  Nouvelles.  —  Annonces. 

LA  SÉRÉNADE  MAURESQUE.  Dessin  de  Gavarni. 


jVous  publions  aujourd'hui  pour  'SiTH.  les  Abonnés  la 
3°  feuiUc  de  la  Galerie  de  la  Gazette  musicale  :  Compo- 
siteurs dramatiques  modernes ,  contenant  les  portraits 
de  fum.  Auber ,  Berlioz ,  Berton ,  Donizctti ,  Halévy, 
iUcndelssoIin ,  Meyerbeer,  Onsloiv,  Rossini,  Spontini. 
AGn  de  ne  pas  froisser  cette  belle  feuille  ,  due  au 
cra  J  on  de  in.  IHaurïn ,  et  tirée  sur  grand-aigle ,  Iflitl.  les 
Abonnés  ù  l'année ,  de  Paris ,  sont  priés  de  la  faire  re- 
tirer an  bureau  de  la  Gazette  contre  présentation  de 
leur  quittance  d'Abonnement  ;  jflll.  les  Abonnés  de  la 
province  la  recevront  par  la  diligence. 


JOSEPH   BAINI. 

(Premier  article.) 

1  est  une  cérémonie  pratiquée  dans  les  églises  ca- 
tholiques trois  fois  chaque  année  aux  Ténèbres  des 
jeudi,  vendredi  et  samedi-saints,  et  qui,  dans  mon 
enfance,  faisait  toujours  sur  moi  une  vive  impres- 
sion. Voici  en  quoi  elle  consiste  :  on  place  sur  un 
candélabre  unique  autant  de  ciergos  qu'il  y  a  de  psaumes  à 
chanter  dans  la  soirée,  et  l'on  en  éteint  un  à  la  fiu  de  chaque 
psaume  ;  enfin,  lorsqu'il  ne  reste  plus  que  celui  qui  était  placé 
au  sommet,  on  l'emporte  derrière  l'autel  et  l'on  chante  dans 
l'obscurité  le  Miserere  ou,  dans  d'autres  rites,  des  prières 
analogues  qui  terminent  l'office. 

Le  souvenir  de  cette  cérémonie  m'est  revenu  à  l'esprit  en 


apprenant  la  mort  du  savant  et  si  respectable  abbé  Baini,  di- 
recteur de  la  chapelle  Sixtine  à  Rome.  Il  était  le  dernier  re- 
présentant d'une  école  qui  n'eut  jamais  d'élèves  que  dans  la 
capitale  de  la  chrétienté ,  mais  qui  depuis  Pierluigi  de  Pales- 
trina,  son  immortel  fondateur,  avait  compté  un  nombre  infini 
de  maîtres  dont  la  renommée  ne  sortait  guère  du  pays  qu'ils 
habitaient,  dont  le  mérite  éminent  n'était  apprécié  que  d'un 
petit  nombre  de  connaisseurs ,  et  dont  les  productions,  dignes 
d'un  meilleur  sort ,  ensevelies ,  oubliées ,  étaient  finalement 
détruites  dans  les  archives  des  églises  et  des  couvents  aux- 
quels ces  modestes  et  laborieux  artistes  avaient  consacré  leurs 
veilles.  L'école  napolitaine  si  longtemps  parfaite  de  grâce  et 
d'aisance,  de  goût  et  d'expression,  abondante  en  charmes  de 
tout  genre,  semblait  avoir  vaincu  sa  mère  parce  qu'elle  lan- 
çait ses  heureux  et  brillants  élèves  dans  la  séduisante  carrière 
du  théâtre,  tandis  que  l'école  roriiaine,  grave  et  réfléchie, 
inébranlablement  attachée  à  ses  anciens  principes,  imposait 
tout  d'abord  h  ses  élèves  son  allure  noble  et  posée,  ses  formes 
sévères,  sa  majestueuse  simplicité,  les  cenfermant  dans  l'en- 
ceinte des  églises  et  leur  rappelant  qu'il  ne  devait  exister 
pour  eux  d'autre  musique  que  celle  qui  élève  l'âme  des  fi- 
dèles vers  le  Très-Haut ,  vers  le  grand  artiste  de  l'éter- 
nité. 
Mais 

On  ne  sut  pas  longtemps  à  Rome 
Celle  musique  entretenir  ; 

elle  dégénéra  singulièrement  pendant  le  xsilV  siècle:  cepen- 
dant quelques  musiciens  fidèles  au  culte  musical  de  leurs 
pères  conservèrent  le  feu  sacré  et  transmirent  les  secrets 
pour  Tenlretenir.  C'était  entre  les  mains  du  pieux  et  savant 
artiste  sur  lequel  je  vais  offrir  quelques  renseignements  que 
devait  s'éteindre  le  foyer  antique  et  sacré,  malgré  les  efforts 
qu'il  fit,  plus  que  personne,  pour  lui  rendre  l'éclat  dont  il 
avait  brillé  à  une  autre  époque. 

Joseph  Baini  naquit  à  Rome  le  21  octobre  1775;  sa  fa- 


BVREAUX   D'ABONNEMENT,    RUE   RICHELIEU,    97. 


22S 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


mille  était  originaire  de  Venise  où  son  oncle,  Laurent  Baini, 
s'était  fait  connaître  avantageusement  comme  compositeur. 
Joseph ,  ayant  perdu  sa  mère  de  bonne  heure ,  reçut  sa  pre- 
mière éducation  à  l'hospice  des  Orphelins  d'où,  se  destinant 
à  l'état  ecclésiastique,  il  sortit  pour  entrer  au  seminario  ro- 
mano.  Là  il  fit  ses  études  de  belles-lettres,  de  philosophie  et 
de  théologie ,  s'attirant  l'estime  générale  par  son  application , 
sa  piété  et  même  par  la  gravité  de  son  caractère ,  dès  lors 
habituellement  sérieux  et  réfléchi.  Il  étudiait  en  même  temps 
le  plain-chant  sous  don  Etienne  Silveyra ,  prêtre  portugais 
fort  habile  en  cette  matière.  Aux  jours  de  sortie,  l'unique 
pensée  du  jeune  Baini  était  de  courir  aux  églises  où  l'on  fai- 
sait de  la  musique  ;  il  aurait  bien  voulu  que  Silveyra  lui  ap- 
prît à  la  lire  ,  mais  la  règle  du  séminaire  le  défendait  expres- 
sément. Pour  contenter  ses  désirs ,  il  dut  donc  avoir  recours 
à  d'autres  moyens  et  ne  chercher  de  ressources  qu'en  lui- 
même.  S'étant  procuré  quelques  livres ,  il  se  mit  à  étudier 
conjointement  avec  un  de  ses  camarades  qui  parlageait  son 
goût  musical  et  se  sentait  arrêté  par  les  mêmes  obstacles.  A 
force  d'essais  et  de  tâtonnements,  ils  parvinrent  sans  autre 
guide  que  la  connaissance  du  plain-chant  à  se  rendre  compte 
des  figures  rhythmiques  et  à  lire  aisément  toute  espèce  de 
musique.  Parmi  les  livres  prêtés  à  Baini  se  trouvait  de  la  mu- 
sique de  Palestrina  ;  l'onction  de  ces  chants  tout  pleins  de  la 
divine  essence,  le  rapport  d'un  grand  nombre  de  motifs  avec 
les  mélodies  grégoriennes,  les  artifices  multipliés  qui  donnent 
à  ces  emprunts  la  valeur  de  compositions  originales  frap- 
pèrent vivement  l'imagination  du  jeune  séminariste;  bientôt 
il  voulut  savoir  quel  avait  été  le  musicien  dont  les  composi- 
tions produisaient  sur  son  âme  des  effets  si  puissants.  De  cette 
époque  datent  ses  recherches  sur  le  grand  homme  à  la  gloire 
duquel  celle  de  Baini  s'unira  désormais  comme  ces  élégantes 
incrustations  qui  s'assortissent  si  bien  avec  les  meubles  dont 
elles  sont  l'ornement,  que' elles  semblent  enfaire  partie. 

Arrivé  enfin  au  but  qu'il  se  proposait ,  capable  de  lire  la 
musique  sans  difficulté  et  doué ,  au  sortir  de  la  mue ,  d'une 
voix  magnifique,  Baini  éprouvait  un  vif  désir  d'aller  faire  sa 
partie  dans  quelqu'un  de  ces  morceaux  de  Palestrina  dont  son 
imagination  se  nourrissait  depuis  longtemps.  L'occasion  ne 
tarda  pas  à  se  présenter;  un  jour  que  la  chapelle  Sixtine  of- 
ficiait dans  une  des  églises  de  la  ville ,  ainsi  qu'il  arrive  assez 
souvent,  les  chapelains-chantres  devant  toujours  être  pré- 
sents quand  le  pape  assiste ,  le  jeune  séminariste ,  alors  âgé 
de  dix-huit  ans  ,  s'enhardit  jusqu'à  monter  à  la  tribune;  et  se 
plaçant  en  arrière,  il  se  joignit  hardiment  à  la  partie  de  basse, 
attaquant  les  entrées  avec  autant  de  franchise  qu'aurait  pu  le 
faire  un  lecteur  consommé ,  et  mariant  sa  belle  voix  à  celles 
des  chapelains  de  la  chapelle  pontificale  où  l'on  était  alors  de 
la  plus  grande  sévérité  sur  les  admissions ,  les  recrues  ne  se 
faisant  que  parmi  les  voix  les  plus  parfaites  et  souvent  aussi 
parmi  les  chanteurs  les  plus  habiles  de  l'Italie.  On  ne  man- 
qua pas  de  complimenter  Baini ,  de  le  questionner  et  de 
prendre  sur  lui  des  informations;  le  résultat  de  l'enquête  fut 
de  l'engager  à  se  présenter  lors  de  la  prochaine  vacance ,  et 
de  venir  en  attendant  se  joindre  au  collège  des  chantres  toutes 
les  fois  que  bon  lui  semblerait.  Une  place  s'étant  trouvée  dis- 
ponible en  1794,  il  fut  reçu  au  concours  en  qualité  de  ba- 
ryton ,  car  bien  que,  doué  d'une  puissante  voix  de  basse  qui 
donnait  aisément  le  mi  bémol  au-dessous  de  la  portée  de  clef 
de  fa,  il  montait  avec  une  semblable  facilité  au  sol  du  ténor 
sans  que  le  volume  vocal  cessât  d'être  proportionné. 

Baini  acheva  ses  études  de  philosophie  et  de  théologie  au 
séminaire  romain ,  et  fut  ordonné  prêtre  aussitôt  qu'il  eut  at- 
teint l'âge  fixé  par  les  canons.  Il  s'adonna  dès  lors  à  l'étude 


sérieuse  du  chant  sous  Xavier  Biauchini ,  chantre  pontifical, 
et  commença  en  1802  celle  de  la  composition  sous  Joseph 
lanacconi,  compositeur  des  plus  instruits  et  des  plus  labo- 
rieux ,  tout  imbu  des  principes  de  l'ancienne  école  romaine 
dont  il  avait  profondément  étudié  toutes  les  ressources.  On 
sent  quels  progrès  pouvait  faire  un  élève  tel  que  Baini  ;  aussi 
lanacconi  avait-il  coutume  de  dire  :  «  L'écolier  en  sait 
plus  que  le  maître.  »  Mais  Baini  n'acceptait  aucunement  un 
tel  éloge ,  et  parvenu  au  plus  haut  degré  parmi  les  composi- 
teurs du  style  antique,  il  n'hésitait  pas  à  dire  et  à  imprimer 
longtemps  après  la  mort  de  lanacconi  cette  phrase  aussi  glo- 
rieuse pour  l'un  que  pour  l'autre  :  «  Je  conserve  plusieurs  de 
ses  compositions,  et  plus  je  les  examine,  plus  elles  augmentent 
en  moi  le  sentiment  de  mon  insuffisance.  Je  ne  méritais  pas 
le  bonheur  de  l'avoir  pour  maître...  » 

En  1804,  Baini  s'était  déjà  fait  connaître  par  plusieurs 
compositions  dans  le  style  palestrinien ,  le  seul  qu'il  ait  ja- 
mais cultivé.  Ces  premiers  travaux  furent  si  bien  accueil- 
lis à  Rome  et  excitèrent  surtout  parmi  ses  confrères  les  cha- 
pelains-chantres une  si  vive  admiration,  qu'une  des  places  de 
directeur  de  la  chapelle  s'étant  trouvée  vacante,  il  y  fut  élu 
d'un  commun  avis.  Dès  lors  sa  situation  ne  changea  plus 
jusqu'à  sa  mort,  excepté  pendant  le  temps  où  les  papes  furent 
éloignés  de  Rome  par  le  gouvernement  français,  époques 
auxquelles  il  éprouva  quelques  embarras  que  la  simplicité 
de  ses  goûts  et  par  conséquent  la  modicité  de  ses  dépenses 
lui  firent  peu  sentir.  On  a  imprimé  «  que  Napoléon  l'avait, 
en  1810,  nommé  maître  de  la  chapelle  impériale,  puis  direc- 
teur-général de  la  musique  ecclésiastique  de  tout  l'empire 
français,  emplois  que  Baini  aurait  refusés;  que  l'empereur 
irrité  avait  dit  alors  en  partant  pour  la  Russie:  A  mon  re- 
tour de  Pélersbourg ,  je  veux  que  Baini  soit  à  Paris,  etc.  » 
Rien  de  moins  exact  que  toutes  ces  as.sertions.  Voici  simple- 
ment ce  qui  arriva  :  Napoléon  s'étant  brouillé  avec  le  pape , 
parce  que  celui-ci  paraissait  se  soucier  peu  de  céder  ses  États 
à  un  souverain  qu'il  se  rappelait  avoir  couronné,  il  fallut  s'oc- 
cuper de  la  formation  d'une  église  de  l'empire  français  à  la 
tête  de  laquelle  devaient  être  placés  les  cardinaux  Fesch  et 
Maury.  Le  ministre  des  cultes  ,  Bigot  de  Préameneu ,  fut 
chargé  du  travail  à  faire;  ce  qui  concernait  la  musique. devait 
être  préparé  par  Choix>n.  Ge  dernier  fit  à  cet  égard  diverses 
propositions  et  présenta  Baini  comme  l'homme  le  plus  propre 
à  mettre  à  la  tête  de  la  direction  en  quelque  sorte  matérielle 
du  chant  ecclésiastique.  Choron  écrivit  deux  fois  à  Baini ,  mais 
en  son  nom  personnel ,  l'engageant  simplement  à  se  rendre  à 
Paris  sous  la  promesse  que  le  ministre  l'indemniserait  et  lui 
procurerait  immédiatement  mie  position  convenable.  Baini  ré- 
pondit qu'il  ne  pouvait  accepter,  d'abord  parce  que  son  père, 
vivant  encore,ilneconvonaitpasqu'ils'éloignâtde  lui  ;  ensuite 
que  son  goût,  sa  santé  et  des  arrangements  particuliers  lui 
faisaient  préférer  le  séjour  de  Rome  ;  il  ajoutait  même  que  de- 
puis quelque  temps  il  ne  s'occupait  plus  de  musique,  c'est- 
à-dire  de  composition.  En  effet ,  ce  ne  fut  qu'après  les  événe- 
ments de  1814  et  le  retour  de  Pie  VII  que  Baini  se  remit  à 
écrire  pour  l'église.  On  perd  naturellement  le  goût  de  com- 
poser quand:  on  n'a  plus  l'occasion  de  faire  exécuter  ses  pro- 
ductions. A  combien  de  cojnpositeurs  cela  n'est-il  pas  ar- 
rivé ! 

Mais  si  Baini  avait  suspendu  ses  travaux  en  ce  genre,  il 
n'avait  pas  cessé  de  s'occuper  d'érudition  musicale ,  et  il  s'en 
occupa  constamment  jusqu'à  sa  mort,  autantdu  moins  que  sa 
santé  et  les  devoirs  de  sa  profession  le  lui  permirent. 

En  1806 ,  il  avait  publié  sa  Lettre  sur  le  motet  à  quatre 
chœurs  de  l'abbé  Marco  Santucci,  couronné  à  Lucques  par 


DE  PARIS.  6 


2'29 


l'Académie  napoléone  comme  travail  d'un  genre  nouveau. 
Il  n'est  que  trop  commua  de  voir  les  académies  accorder 
leurs  récompenses  de  la  manière  la  plus  maladroite  et  même 
la  plus  ridicule  ;  mais  il  était  vraiment  inouï  et  révoltant  de 
voir  celle  de  Lucques  signaler  comme  nouveaux  les  chœurs 
quadruples ,  tandis  que  dès  le  xv  siècle  l'on  trouve  de  la 
musique  à  8,  12,  16,  20,  2i,  36  et  jusqu'à  48  parties  divi- 
sées en  2,  3  ,  4,  5,  6  ,  9,  et  12  chœurs.  Tel  est  l'objet  de 
cette  lettre  instructive  qui  indique  un  grand  nombre  de  pro- 
ductions en  ce  genre,  et  prouve  même  que  Santucci  en  avait 
eu  connaissance. 

En  1820,  parut  l'Essai  de  Baini  sur  l'identité  des 
rhythmes  musical  et  poétique ,  ouvrage  publié  en  réponse  à 
seize  questions  adressées  sur  ce  sujet  par  Louis  Bonaparte. 
Quelques  personnes  peuvent  savoir  qu'une  idée  particulière  de 
l'ancien  roi  de  Hollande  fut  de  débarrasser  les  vers  français 
de  la  rime;  il  a  publié  lui-même  un  gros  volume  à  cet  effet 
ainsi  que  des  pièces  nombreuses  en  vers  blancs  de  différentes 
mesures;  il  proposait  de  substituer  à  la  rime  une  disposition 
qui ,  en  faisant  reparaître  constamment  les  syllabes  fortes  au 
même  rang,  devait  selon  lui  donner  à  la  versification  une 
certaine  cadence  négligée  dans  l'usage  ordinaire  et  compen- 
ser suffisamment  l'absence  de  la  rime.  Cette  idée ,  depuis 
longtemps  mise  en  avant  et  rejetée,  n'eut  pas  plus  de  succès 
alors,  mais  elle  a  du  moins  eu  l'avantage  de  faire  naître  trois 
bons  livres ,  savoir  :  Les  vrais  principes  de  la  versification  , 
par  Scoppa,  le  Rapport  sur  cet  ouvrage  par  Choron,  et 
l'Essai  de  Baini.  Malgré  l'érudition,  l'ordre  et  la  saine 
critique  qui  régnent  dans  ce  dernier,  plus  d'un  point  ne 
semble  pas  suffisamment  éclairci ,  et  l'auteur  est  depuis  con- 
venu avec  moi  que  pour  traiter  un  tel  sujet  comme  il  l'au- 
rait désiré,  il  lui  eiit  fallu  plus  de  pratique  de  la  langue  fran- 
çaise dont  il  pouvait  lire  assez  couramment  les  écrivains,  mais 
qu'il  ne  parlait  presque  pas. 

Ces  opuscules  et  quelques  aulres  fragments  furent  le  digne 
prélude  de  ses  Mémoires  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Pales- 
trina,  donnés  en  1829  (1).  Là  se  déploya  tout  son  mérite,  là 
il  montra  la  plus  vaste  érudition  ,  jetant  une  vive  lumière  sur 
les  questions  obscures ,  tirant  de  l'oubli  une  foule  de  musi- 
ciens distingués ,  expliquant  mille  difficultés  par  la  présence 
jusqu'alors  inconnue  de  particularités  théoriques  ou  prati- 
ques qui  n'avaient  été  aperçues  de  personne.  Ce  n'est  pas 
seulement  dans  les  livres  qu'il  a  puisé  ;  une  foule  d'archives 
publiques  ou  privées  ont  été  visitées  par  lui;  il  a  découvert 
des  richesses  que  personne  ne  connaissait,  et  qu'il  ne  soup- 
çonnait pas  lui-même.  Souvent  il  a  dû  faire  des  études  spé- 
ciales pour  arriver  à  résoudre  une  difficulté  secondaire  ;  rien 
ne  l'a  effrayé,  rien  ne  l'a  rebuté.  A  l'occasion  de  Palestrina , 
il  trace  l'histoire  de  la  musique  pendant  les  premiers  siècles 
de  l'Église  ;  il  pénètre  dans  les  ténèbres  du  moyen-âge  ;  enfin 
l'on  assiste  avec  lui  au  spectacle  enchanteur  de  la  renaissance, 
en  lisant  la  vie  de  l'illustre  chef  de  l'école  romaine  ,  de  ce 
grand  Palestrina  ,  auquel  Baini  avait  voué  un  véritable  culte, 
le  considérant  comme  le  musicien  par  excellence  qui  devait 
seul  être  étudié;  admiré  et  révéré.  En  élevant  un  monument 
à  la  gloire  de  ce  grand  génie,  il  s'en  est  élevé  un  à  lui-même, 
monument  qui  ne  périra  pas ,  car  les  bases  sur  lesquelles  il 
repose  sont  solides  comme  la  vérité. 

J. -Adrien  de  La  Fage. 
{La  suite  au  prochain  numéro.) 

(I)  Le  frontispice  porte  1828,  année  où  fut  achevée  l'impression 
du  premier  volume. 


iii,W'iPii®  mwûË'ëA-&WÉ-m 


Mme  3Parrenc.  ■ 


Xie  frère  Charles  et  le  Mont-Carmel.  — 
9f .  Saint-Saëns. 


ien  que  la  fièvre ,  qu'on  appelle  la  saison  des 
concerts,  soit  passée  depuis  longtemps,  on  peut 
appliquer  à  ces  exhibitions  musicales  cette  lo- 
cution populaire,  hyperbohque  et  peu  consé- 
quente :  quand  il  n'y  en  a  plus ,  il  y  en  a  tou- 
jours! Ces  séances  retardataires  ont  l'avantage  de  n'être  pas 
identiques  en  airs  variés  et  fantaisies  comme  toutes  celles  qui 
les  ont  précédées.  Ce  sont  des  essais  plus  artistiques ,  et  par 
conséquent  plus  intéressants,  plus  piquants  par  cela  même 
qu'ils  sont  exceptionnels.  Et  par  exemple,  la  matinée  musi- 
cale donnée,  il  y  a  quelques  jours,  chez  M.  Erard  par  M""'  Far- 
renc  ,  est  un  de  ces  concerts  inattendus  qui  surprennent  tou- 
jours agréablement  un  auditoire,  quelque  bienveillant  qu'il 
soit.  M™"  Farrenc ,  comme  on  sait ,  comme  nous  l'avons  dit 
souvent,  et  comme  elle  en  donne  fréquemment  de  nouvelles 
preuves,  est  un  docteur  en  bonne  et  sévère  musique  ,  ce  qui 
ne  l'empêche  pas  de  payer  tribut  aux  grâces,  comme  on  di- 
sait en  style  Pompadour,|et  d'unir  enfin  l'inspiration  mélodique 
aux  recherches  neuves  et  ingénieuses  de  la  science  harmoni- 
que. Non  contente  de  marcher  sur  les  traces  de  nos  grands 
maîtres  dans  la  composition  instrumentale  ,  elle  se  reproduit 
comme  excellente  pianiste  dans  la  personne  de  M"'  Victorine 
Farrenc,  sa  fille,  qui  a  dit  deux  études  charmantes  de  sa 
mère,  et  avec  elle  des  variations  militaires  pour  deux  pianos, 
de  M.  Pixis ,  qui  ont  fait  le  plus  grand  plaisir.  La  première 
fantaisie  de  Thalberg  sur  Do7i  Juan  (œuvre  14)  a  offert  à  la 
jeune  artiste  l'occasion  de  prouver  que  ,  quoique  nourrie  de 
la  musique  de  nos  pianistes  classiques  ,  elle  comprend  et  in- 
terprète fort  bien  la  musique  moderne.  Elle  avait  dit  précé- 
demment, et  avec  un  aplomb  de  bonne  musicienne  et  un  pro- 
fond sentiment  du  maître ,  l'allégro  de  la  sonate  en  fa  mineur 
de  Beethoven ,   œuvre  57. 

Après  un  fort  joli  solo  de  hautbois  sur  la  Part  du  Diable , 
délicieusement  exécuté  par  M.  Verroust ,  et  la  belle  fantaisie 
sur  la  Norma ,  dite  sur  le  violon  par  M.  Alard  avec  sa  supé- 
riorité accoutumée,  les  amateurs  de  bonne  musique  d'en- 
semble ont  applaudi  le  deuxième  quintette  de  M°"  Farrenc 
dit  de  verve  par  MM.  Alard ,  Croisilles ,  Chevillard ,  Gouffé  et 
l'auteur.  Un  beau  trio  inédit  pour  piano ,  violon  et  violon- 
celle en  mi  bémol ,  également  de  M""  Farrenc  ,  avait  ouvert 
la  séance ,  et  avait  disposé  au  mieux  la  société  nombreuse  et 
choisie  qui  était  venue  applaudir  au  beau  talent  de  M""  Far- 
renc et  de  sa  fille. 

—  Les  noms  illustres  et  historiques ,  les  mots  sacrés  de  la 
Palestine,  de  la  Ïcrre-Sainte  ,  du  Mont-Carniel ,  de  Jérusa- 
lem et  de  Chateaubriand ,  de  Lamartine  et  du  tombeau  sacré 
retentissaient  lundi  passé  dans  la  salle  de  l'Odéon.  Il  s'agissait 
d'une  tombola  dont  le  produit  doit  servir  à  la  réédification  du 
temple  du  Mont-Carmel ,  de  ce  couvent  où  Walter  Scott  nous 
fait  assister  à  une  procession  mystérieuse  de  charmantes  re- 
ligieuses, dans  son  beau  roman  de  Richard  en  Palestine. 
Qui  n'a  encore  dans  le  souvenir  ce  tableau  gracieux  qu'offre 
au  lecteur  Edith  voilée  de  blanc  comme  toutes  ses  compa- 
gnes, et  laissant  tomber  aux  pieds  du  chevalier  Kenneth  un 
bouton  de  rose  pour  s'en  faire  reconnaître  ?. . .  Donc,  pour  en 
revenir  au  tirage  de  la  loterie  du  Mont-Carmel,  ce  jeu  a 
servi  de  prétexte  à  un  concert  qui  avait  réuni  dans  la  salle 
de  l'Odéon  le  public  le  plus  aristocrate  qu'il   soit  possible 

de  désirer pour  ceux  qui  désirent  ce  genre  de  public. 

Ce  n'étaient  que  comtesses ,  ducliesses  et  princesses ,   que 


230 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


marquis  et  pairs  ;  on  marchait  sur  les  chevaliers  et  les  barons. 
Le  frère  Charles ,  agent  provocateur  de  cette  philanthropie 
religieuse,  a  produit  un  très  grand  effet  à  son  entrée  sur  la 
scène  en  costume  de  son  ordre  :  on  l'a  presque  applaudi.  Les 
dames  patronnesses  ont  ensuite  pris  place ,  et  le  concert  a 
commencé.  Les  choristes  de  l'Odéon  ont  chanté  en  faveur 
du  culte  catholique  le  beau  chœur  à  Bacchus  de  Mendelssohn. 
M.  Charles  Dumas  ,  le  frère  du  poêle,  a  dit  deux  morceaux 
de  Donizetti  avec  une  voix  fraîche  et  flexible;  M""  Recio  s'est 
fait  applaudir  à  trois  salves  dans  la  romance  du  Corsaire  ;  Mo- 
relli  et  Nicoli,  jeune  ténor  de  grande  espérance  ,  et  M.  An- 
toine de  Kontski ,  le  vigoureux  et  brillant  pianiste  qu'on  rencon- 
tre partout  où  il  y  a  une  bonne  action  à  faire,  ont  à  leur  tour 
charmé  l'auditoire,  que  les  trois  Espagnols  Ojeda,  Caceres  et 
1VI°"  Lozano  ont  électrisé  par  leur  trio  sur  l'air  de  la  cachucha, 
applaudi  déjà  au  théâtre  Italien.  Enfin  la  cantate  finale  sur 
le  Mont-Carmel,  dont  les  paroles  ont  été  écrites  par  M.  Emile 
Deschamps  sur  l'air  populaire  du  Masaniello  de  Carafa ,  a 
obtenu  les  honneurs  du  bis.  Cette  cantate  a  été  chantée  avec 
un  esprit  et  un  charme  infinis  par  M""  Recio.  Les  progrès  de 
cette  jeune  cantatrice  sont  sensibles,  et  font  regretter  qu'on 
l'entende  si  rarement.  Par  ce  concert,  sa  réputation  ira  jus- 
qu'en Terre-Sainte ,  ainsi  que  celle  de  tous  les  artistes  de  ta- 
lent qui  ont  joué,  chanté,  dessiné,  écrit,  sculpté  pour  le 
Mont-Carmel. 

—  M.  Saint-Saëns,  dont  le  nom  se  prononce  comme  celui 
d'un  billet  de  banque  représentant  la  moitié  de  mille  francs, 
est  un  artiste  de  huit  ans  qui  a  commencé  à  jouer  du  piano  à 
trente  mois  :  historique. 

Nous  avons,  avec  quelques  bons  esprits,  lancé  plus  d'une 
fois  les  foudres  de  la  critique  et  d'une  indignation  philan- 
thropique sur  les  personnes  qui  produisent  dans  le  monde 
musical  des  enfants  précoces,  prodiges,  et  voués  forcément  à 
toutes  les  éventualités  et  les  fatigues  d'une  célébrité  future  : 
il  est  cerlain  que  ces  Mozarts  en  herbe  excitent  une  sorte  d'ad- 
miration mêlée  de  commisération.  Ce  sont  de  jeunes  plantes 
étiolées  par  le  soleil  ardent  de  la  civilisation,  qui  n'ont  que  ]c 
parfum  d'une  science  fernientée  et  trop  hâtive  ,  et  qui  trop 
souvent  ne  sont  que  des  perroquets  ou  des  marionnettes  mu- 
sicales. Il  est  juste  de  reconnaître  cependant  que  le  jeune 
pianiste  dont  nous  venons  de  parler  fait  une  heureuse  excep- 
tion parmi  ces  enfants  déplorablement  merveilleux  qui  don- 
nent déjà  des  concerts  à  l'âge  de  trois  mois,  comme  Gavarni 
nous  l'a  si  spirituellement  fait  voir  il  y  en  a  bientôt  six  dans 
le  troisième  numéro  de  la  Gazette  musicale  de  cette  année.  Le 
jeune  Sainl-Saëns  est  évidemment  né  pour  jouer  du  piano. 
Nourri  des  œuvres  de  Sébastien  Bach,  de  Haendel,  de  Mozart, 
il  sait  par  cœur  la  musique  de  ces  illustres  maîtres  de  l'art. 
Dans  la  matinée  musicale  qu'il  a  donnée  ,  mercredi  dernier, 
sous  les  auspices  de  son  professeur ,  M.  Stamaty,  il  a  com- 
mencé par  se  délier  les  doigts  en  jouant  la  première  partie  du 
second  concerto  en  la  bémol  majeur  par  Field,  morceau 
d'un  style  élégant  et  d'un  caractère  gracieux  ;  puis  est  venue 
la  sonate  en  m  mineur  de  Mozart  pour  piano  seul  ;  puis  des 
préludes  et  des  fugues  de  Bach  et  de  Haendel;  et  enfin  un 
concerto  de  Mozart  avec  accompagnement  d'orchestre.  Tout 
cela  a  été  dit  par  le  jeune  artiste  en  artiste  expérimenté.  Si 
la  force  physique  lui  manque  pour  attaquer  et  faire  vibrer  les 
cordes  basses,  par  compensation  il  chante  avec  beaucoup  de 
grâce,  et  en  musicien  qui  sent  bien  ce  qu'il  dit.  Ses  légères  al- 
térations du  rhythme  et  de  la  mesure  sont  toujours  heureuses 
et  résultent  du  bon  sentiment  musical  qui  est  inné  en  lui.  Son 
jeu  est  net  et  suffisamment  ferme  ;  si  son  trille  est  un  peu 
mou,  il  le  perfectionnera  par  l'étude  de  cette  partie  de  l'art  de 


jouer  du  piano  qui  donne  tant  de  brio  à  l'exécution.  Ses  pe- 
tites mains  sont  bien  placées  sur  le  clavier ,  il  y  a  de  l'égalité 
dans  ses  sons  et  de  l'expression  sans  manière  dans  son  jeu. 

Et  maintenant,  mon  petit  ami,  avec  tous  ces  avantages  na- 
turels et  développés  par  l'habile  professeur  que  vous  avez  , 
n'allez  pas  vous  croire  un  Thalbeig.  Laissez-vous  choyer,  em- 
brasser ,  caresser  par  de  jolies  dames  ;  mais  ne  croyez  pas  le 
public,  quel  qu'il  soit ,  trop  heureux  de  vous  entendre  et  de 
vous  applaudir,  car  vous  vous  feriez  ranger  tout  d'abord,  ou 
plus  tard ,  dans  la  catégorie  des  petites  ou  des  grandes  ma- 
rionnettes artistiques  que  la  mode  brise  d'un  coup  de  sa  ma- 
rotte, et  qui  retombent  dans  la  nulhté  sociale  dont  elles 
auraient  mieux  fait  de  ne  jamais  sortir.  Tels  sont  les  conseils 
que  nous  croyons  devoir  donner  à  ce  jeune  et  intéressant 
artiste  dont,  au  reste  ,  et  d'après  ce  qu'elle  nous  a  dit,  le 
sens  droit  et  l'intelligence  éclairée  de  sa  mère  sauront  faire 
profit. 

Henri  Blanchard. 


êeavix-2.vt$. 

E  L'ORGUE  DE  SAINT-EUSTACHE, 

MARDI,    18  JUIN. 

^/^^  a  solennité  inaccoutumée  qui  rassemblait,  le 

m^ï^  18  juin  dernier,  dans  l'église  de  Saint-Eusta- 

Tf'^fA  '^^  1  ""  public  nombreux  et  empressé ,  est  un 

/,y..  j^.j.  ^^^.  jijj^j.gggg  ^j,Qp  ]'3j.{  musical  dans  une  de 

ses  branches  les  plus  élevées,  pour  ne  laisser 
aucune  trace  dans  un  recueil  qui  en  a  toujours  soutenu  les 
intérêts.  Chargé  d'entretenir  pendant  quelques  instants  les 
lecteurs  de  la  Gazette  musicale  de  nos  souvenirs  et  de  nos 
impressions,  nous  éprouvons  quelque  embarras  à  le  faire 
d'une  manière  qui  ne  soit  point  à  charge  à  un  public  généra- 
lement étranger  aux  spécialités  de  la  matière ,  en  même  temps 
qu'elle  satisfasse  aux  conditions  d'un  compte-rendu  exact  et 
consciencieux.  Que  cet  aveu  soit  notre  excuse,  si  la  séance 
de  Saint-Euslache  ne  paraît  pas  aussi  intéressante  d;fns  nos 
colonnes,  qu'elle  a  pu  l'être  en  réalité  pour  plusieurs  de  nos 
lecteurs. 

Nous  ne  croyons  pas  que  jamais  orgue  ait  été  inauguré 
d'une  manière  plus  solennelle  :  publicité  extraordinaire,  con- 
cours nombreux  d'artistes ,  présence  d'un  virtuose  renommé 
que  l'on  fait  venir  ad  hoc  du  fond  de  l'Allemagne ,  exécution 
de  musique  vocale  et  de  chants  analogues  à  la  circonstance , 
rien  n'a  manqué  pour  en  relever  l'éclat,  disons  mieux,  pour 
rendre  le  succès  difficile ,  si  la  confiance  des  facteurs  dans 
leur  œuvre  n'avait  pas  dû  être ,  en  définitive ,  pleinement  ra- 
tifiée par  l'opinion  publique.  Ceci  soit  dit  en  passant  pour 
l'édification  de  ceux  qui  voudraient  à  l'avenir  se  risquer  aux 
chances  d'une  épreuve  solennelle. 

Renfermée,  par  la  force  même  des  choses ,  dans  l'enceinte 
d'une  église,  la  solennité  n'en  avait  pas  moins  un  caractère 
purement  artistique.  Un  tact  prudent  commandait  cette  ré- 
serve ,  et  nous  ne  pouvons  qu'y  applaudir.  Nous  regrettons 
néanmoins  qu'une  bénédiction  spéciale  n'ait  pas  été  donnée 
à  l'orgue  nouveau ,  ainsi  que  le  pratiquent  plusieurs  églises 
du  midi,  fidèles  à  l'esprit  (Je  l'Église  universelle  qui  sépare 
ainsi  de  l'usage  commun  chacun  des  objets  employés  à  son 
culte. 

Nous  n'avons  d'ailleurs  que  des  éloges  à  donner  au  goût 
judicieux  et  éclairé  qui  a  présidé  à  l'organisation  de  cette 
séance.  L'idée  d'interrompre  la  longue  série  des  pièces  d'or- 


DE  PARIS. 


231 


gue  par  des  morceaux  de  musique  religieuse ,  généralement 
bien  choisis,  el  parfaitement  exécutés,  est  une  de  celles  qui 
frappent  par  leur  opportunité ,  et  dont  il  faut  rapporter  l'hon- 
neur à  M.  Danjou.  On  sait  d'ailleurs  la  part  qui  revient  à  cet 
artiste  dans  le  mérite  de  l'orgue  de  Saint- Eustache,  recon- 
struit sous  son  intelligente  direction. 

Mais  disons  tout  d'abord  un  mot  de  cet  orgue  qui ,  trans- 
féré de  l'abbaye  de  Saint-Germain-des-Prés ,  dont  il  porte 
encore  les  glorieux  insignes ,  dans  l'église  de  Saint-Eustache, 
dont  il  est  devenu  la  propriété,  vient  en  ce  moment  d'être 
refait  par  les  soins  de  la  maison  Daublaine-Calliuet ,  et  enrichi 
de  tous  les  perfectionnements  de  la  facture  moderne.  Ses 
jeux,  au  nombre  d'environ  quatre-vingts,  dont  plusieurs  n'ont 
encore  figuré  dans  aucun  orgue;  ses  six  claviers,  dont  deux 
de  Tpédales  ;  ses  accouplements  ,  qui  en  décuplent  facultati- 
vement la  puissance  ;  et  enfin  le  mécanisme  ingénieux  dû  h 
M.  Barker,  qui ,  malgré  tant  de  complication ,  en  rend  le  tact 
plus  léger  que  celui  d'un  piano  ,  en  font  un  instrument  de 
premier  ordre ,  qui  dépasse,  par  ses  proportions  inusitées, 
la  plupart  des  travaux  exécutés  jusqu'à  ce  jour,  et  qui,  s'il 
peut  encore  rencontrer  des  rivaux,  n'en  figurera  pas  moins 
avec  honneur  au  milieu  de  tout  ce  que  la  France  et  l'étran- 
ger ont  produit  de  considérable  en  ces  derniers  temps.  La 
riche  variété  de  cet  orgue,  la  pureté  de  ses  sons,  la  puissance 
de  ses  grandes  masses,  sont  choses  déjà  appréciées,  et  qui  le 
seront  encore  davantage  ;  aussi  nous  abstiendrons-nous  d'en 
parler  plus  ionguemenl.  Félicitons  pourtant  spécialement  les 
facteurs  du  beau  caractère  de  sonorité  qu'ils  ont  su  donner 
aux  jeiix  d'anches,  que  leur  orgue  renferme  en  si  grande 
abondance,  et  que  notre  ancienne  facture  française  avait  déjà 
portés  à  un  si  haut  point  de  perfection.  Félicitons-les  encore 
et  surtout  du  développement  considérable  qu'ils  ont  donné  à 
la  partie  des  jeux  de  fond,  trop  négligée  dans  notre  pays,  et 
pour  laquelle  ils  ont  dignement  rivalisé  avec  ce  que  l'Alle- 
magne peut  offrir  de  plus  riche  en  ce  genre.  Enfin  n'oublions 
pas  dans  nos  éloges  ce  qui  leur  appartient  en  propre  et  par 
voie  d'initiative  dans  ce  grand  nombre  de  jeux  de  détail , 
source  de  variété  piquante  et  inespérée. 

Les  artistes  convoqués  à  cette  solennité  ont  su  faire  ressor- 
tir avec  beaucoup  de  goût  et  de  talent  toutes  les  ressources 
de  l'instrument  qu'ils  avaient  sous  la  main.  Le  jeu  élégant  et 
facile  de  MM.  Lefébure-Wely  et  Fessy  a  rencontré  dans  l'au- 
ditoire ses  sympathies  accoutumées.  Depuis  longtemps  ce 
genre  de  mérite  est  devenu  propre  à  notre  école  française , 
surtout  depuis  qu'elle  a  cessé  d'être  visitée  par  des  hommes 
tels  que  les  Couperin  et  les  Rameau.  La  grâce  flatteuse  des 
détails ,  la  distinction  des  motifs ,  la  variété  des  effets  forment 
le  caractère  de  celte  école ,  qui  paraît  dédaigner  les  graves 
combinaisons  de  la  science.  Heureusement  pour  les  véritables 
traditions  du  style  de  l'orgue,  cette  tendance  a  toujours  ren- 
contré des  contradicteurs,  bien  que  ce  soit  un  rôle  difficile 
et  généralement  peu  applaudi  que  celui  des  hommes  qui  ré- 
sistent au  torrent  du  goût  dominant.  Nous  devons  donc 
rendre  un  hommage  particuUer  à  M.  Boély  pour  la  persévé- 
rance avec  laquelle,  délaissant  les  sentiers  de  la  foule,  il  a  su 
se  tenir,  sans  jamais  dévier,  sur  les  traces  de  l'école  repré- 
sentée en  France  par  Couperin  ,  et  en  Allemagne  par  J.-S. 
Bach.  La  fugue  d'Albrechtsberger  que  M.  Boély  nous  a  fait  en- 
tendre, appartient  à  ce  grand  style  dont  il  cultive  les  traditions 
dans  le  secret  de  sa  modestie  qui  se  trahit  trop  rarement  pour 
le  public. 

Une  autre  fugue,  conduite  avec  beaucoup  d'intérêt  et  de 
clarté ,  a  révélé  au  public  l'immense  talent  de  M.  Benoit , 
professeur  au  Conservatoire,  et  ancien  organiste  de  la  cha- 


pelle royale.  En  écoutant  les  deux  morceaux  que  cet  artiste  a 
exécutés,  et  qui  se  faisaient  remarquer  par  une  grande  pureté 
de  style  et  une  rare  distinction  de  formes ,  nous  avons  re- 
gretté vivement  qu'un  talent  si  bien  fait  pour  l'église  n'y  ait 
pris  jusqu'ici  aucune  place.  Les  organistes  de  la  force  de 
M.  Benoit  sont-ils  donc  si  communs  parmi  nous  qu'un  artiste 
de  ce  talent  puisse,  sans  préjudice  pour  l'art,  restreindre  une 
si  belle  spécialité  aux  limites  du  professoral  ?  Et  ce  professorat 
lui-même  ne  gagnerait-il  pas  à  se  produire  au  grand  jour  en 
se  mettant  en  rapport  avec  la  pratique  liturgique ,  au  lieu  de 
régner  confiné  dans  l'enceinte  sans  échos  d'une  école  offi- 
cielle? 

Si  ce  compte-rendu  ne  devait  pas  avoir  des  bornes  res- 
treintes, ce  serait  le  cas  de  faire  ressortir  ici  la  différence  de 
style  qui  apparaît  dans  les  deux  classes  d'artistes  dont  nous 
avons  parlé ,  c'est-à-dire  ceux  qui  cherchent  l'effet  dans  les 
diverses  combinaisons  de  l'instrument  et  ceux  qui  le  placent 
dans  l'intérêt  de  la  composition  elle-même.  Nous  dirons  bien- 
tôt quel  parti  M.  Hesse  a  su  prendre  entre  ces  deux  sys- 
tèmes; mais  auparavant,  si  le  temps  nous  l'eût  permis,  nous 
aurions  essayé  de  caractériser  la  théorie  des  effets  dans  l'orgue 
en  recherchant  jusqu'à  quel  point  il  est  permis  de  s'aban- 
donner à  cette  tendance  qui  envahit  aujourd'hui  l'art  musi- 
cal tout  entier,  la  tendance  à  user  de  contrastes  extraordi- 
naires que  les  développements  nouveaux  de  la  facture 
instrumentale  ont  mis  au  service  des  compositeurs  ;  nous  au- 
rions recherché  aussi  jusqu'à  quel  point  cette  tendance  est 
conciliable  avec  la  spécialité  liturgique,  considération  im- 
portante qui  doit ,  selon  nous ,  dominer  toute  cette  question. 

Il  est  pourtant  un  de  ces  effets  que  la  facture  moderne 
prodigue  depuis  quelque  temps  avec  trop  de  persévérance  et 
qui  frappe  trop  vivement  le  public  par  sa  nouveauté  pour  que 
nous  ne  devions  pas  le  toucher  plus  particulièrement  ;  nous 
voulons  parler  de  la  tentative  de  rendre  l'orgue  expressif  au 
moyen  d'une  ja/oH^îc  qui  s'ouvre  et  se  ferme  à  volonté.  Di- 
sons d'abord  quelles  ressources  réelles  ce  mécanisme  ingé- 
nieux a  apportées  dans  les  combinaisons  générales  de  l'orgue. 
Il  est  incontestable  que,  par  le  caractère  d'éloignement  qu'il 
donne  à  certains  jeux,  tout  en  leur  permettant  de  recouvrer 
tout  leur  éclat ,  il  accroît  notablement  la  somme  de  variété 
dont  l'orgue  est  susceptible.  Comme  il  nous  est  interdit  d'en- 
trer dans  l'exanien  détaillé  de  ces  effets ,  nous  en  appelons 
aux  souvenirs  de  la  séance  de  mardi.  lAlais  c'est  là  toute  l'im- 
portance que  nous  pouvons  attribuer  à  cette  innovation,  puis- 
qu'au  lieu  de  l'expression  qu'on  lui  attribue  elle  ne  produit 
d'autre  effet  que  celui  d'un  bâillement;  comme  si  l'expres- 
sion ,  qui  procède  du  sentiment,  pouvait  jamais  être  le  résul- 
tat d'un  mécanisme  plus  ou  moins  perfectionné,  toujours 
étranger  à  la  nature  intime  de  l'instrument  auquel  on  l'ap- 
plique. 

L'événement  de  la  séance  a  été  l'apparition  que  l'école  al- 
lemande y  a  faite  en  la  personne  de  M.  Hesse ,  organiste  de 
Breslau.  Cet  héritier  des  traditions  de  l'école  de  Bach ,  dont 
il  a  joué  avec  tant  de  verve  la  fameuse  toccate  en  fa  ,  brille, 
comme  exécutant,  par  l'habileté  avec  laquelle  il  traite  la  par- 
tie de  pédale  ,  que  l'on  a  regardée  si  longtemps  chez  nous 
comme  un  accessoire  sans  importance.  La  difficulté  vaincue 
n'est  pas  ce  qui  se  fait  remarquer  le  plus  dans  ce  talent  si 
rare  de  faire  des  pieds  comme  une  troisième  main  au  service 
de  l'organiste  ;  elle  se  cache  presque  entièrement  derrière  le 
goût  avec  lequel  M.  Hesse  en  sait  user.  Les  effets  que  l'on 
obtient,  par  le  mélange  de  sonorités  diverses,  paraissent  ne  le 
préoccuper  que  d'une  manière  secondaire ,  el  cependant  il 
est  loin  de  se  priver  de  ce  genre  de  ressources ,  ainsi  qu'il  l'a 


232 


EEVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


prouvé  dans  plusieurs  de  ses  morceaux ,  entr'autres  dans  ses 
Variations ,  genre  de  musique  dont  on  a  fort  abusé  et  qui 
apparaît  ici  avec  le  genre  d'intérêt  que  les  anciens  composi- 
teurs lui  avaient  donné.  En  général,  ce  qui  domine  dans  l'é- 
cole représentée  par  M.  Hesse,  c'est  l'intrigue  harmonique  se 
déroulant  dans  l'unité  de  la  pensée,  Et  poussée  même  jusqu'à 
l'abus  lorsqu'elle  n'est  pas  contenue  par  un  goût  aussi  pur 
que  celui  de  cet  artiste.  On  pourrait,  au  contraire,  repro- 
cher à  nos  organistes  l'intérêt  exclusif  qu'ils  donnent  à  une 
seule  partie  sans  y  faire  presque  jamais  participer  les  autres. 
Il  ne  faudrait  point  s'excuser  ici  par  le  besoin  dominant  de 
la  mélodie  et  de  la  clarté  de  l'harmonie ,  car  nous  ne  voyons 
pas  que  ces  deux  principes  si  essentiels  aient  reçu  aucune  at- 
teinte dans  les  compositions  des  grands  organistes  allemands. 
On  trouverait  difficilement  une  cantilène  plus  suave  et  en 
même  temps  plus  dépourvue  de  ces  formules  banales  dans 
lesquelles  le  goût  qui  règne  presque  exclusivement  cliez  nous 
pour  les  productions  du  théâtre  ,  semble  faire  consister  la 
plus  grande  beauté  du  chant.  S'il  faut  attribuer  une  part  de 
ce  mérite  à  la  nationalité  qui  imprime  son  cachet  sur  les 
œuvres  d'art ,  on  ne  doit  pas  moins  y  reconnaître  la  pensée 
d'une  séparation  intelligente  qui  assigne  à  chaque  genre  ses 
limites  au  lieu  de  les  laisser  se  confondre  dans  un  monstrueux 
amalgame.  Pour  l'orgue  en  particuher,  rien  ne  serait  plus 
désastreux  qu'un  tel  système  d'assimilation.  Là ,  en  effet ,  où 
l'accent  passionné  n'a  point  de  place,  toute  formule  de  chant 
qui  ne  reçoit  de  vie  que  par  le  souffle  de  la  passion  n'est  plus 
qu'un  lieu  commun  et ,  qui  pis  est,  une  inconvenauce. 

L'école  allemande,  si  peu  connue  parmi  nous,  et  qui  nous 
envoie  un  si  digne  interprète ,  paraît  avoir  atteint  à  une  per- 
fection qui  sera  difficilement  dépassée.  Est-ce  à  dire  que  rien 
ne  reste  plus  à  faire?  Nous  sommes  fort  éloigné  de  le  croire. 
S'il  ne  faut  plus  espérer  de  donner  aux  grandes  formes  scien- 
tifiques, exclusivement  cultivées  par  les  anciens  maîtres, 
l'éclat  merveilleux  qu'elles  ont  reçu  des  Bach ,  des  Haendel , 
le  style  plus  mélodique  dont  nous  trouvons  de  si  ravissants 
modèles  dans  un  autre  ordre  de  compositions  est  loin  d'avoir 
produit  tout  ce  qu'on  est  en  droit  de  désirer.  Nous  devons 
reconnaître  que  M.  Hesse  est ,  sous  ce  rapport,  dans  une  voie 
de  progrès ,  puisque  ,  sans  répudier  les  traditions  du  style 
fugué ,  il  a  su  créer,  dans  un  autre  genre,  des  compositions 
pleines  de  largeur  et  de  sentiment  mélodique ,  travaillées 
néanmoins  avec  l'ingénieuse  subtilité  d'un  talent  exercé  à  la 
forte  gymnastique  du  contrepoint.  Il  suffit  de  citer  pour 
preuve  le  trio  exécuté  par  M.  Hesse  dans  la  première  moitié 
de  la  séance. 

Un  autre  progrès  bien  plus  désirable ,  et  qui  se  fait  encore 
attendre  ,  est  celui  qui  rattacherait  plus  étroitement  l'orgue 
au  culte  dont  il  est  un  si  bel  ornement.  L'Allemagne  est  restée 
en  arrière  sous  ce  rapport ,  au  moins  en  ce  qui  concerne  le 
culte  catholique  ;  et  les  causes  en  sont  faciles  à  reconnaître  , 
si  l'on  cherche  dans  quel  bercail  ont  vécu  les  grands  artistes 
qui  élevèrent  si  haut ,  au  point  de  vue  de  l'art ,  la  spécialité 
de  l'orgue.  L'esprit  éminemment  pratique  de  notre  nation  ne 
fera  point  défaut  à  cette  tâche ,  aussitôt  qu'elle  lui  sera  mon- 
trée; nous  l'espérons  du  moins,  en  présence  des  symptômes 
si  consolants  de  renaissance  de  l'art  religieux  qui  se  mani- 
festent. Mais  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  les  éléments  de 
tout  progrès  doivent  être  puisés  dans  les  faits  déjà  accomplis. 
En  conséquence,  la  liturgie  doit  rompre  forcément  avec  tout 
un  ordre  d'inspiration  purement  capricieuse  et  mondaine, 
pour  se  rattacher  aux  habitua  s  sérieuses  et  aux  chastes  con- 
ceptions d'un  art  dont  les  mod  :es  n'ont  pas  manqué  jusqu'ici. 
A  ces  conditions  seulement ,  l'école  française  peut  ajouter  à 


ses  titres  de  gloire  une  couronne  qu'elle  ne  paraît  point  avoir 
encore  obtenue. 

Stephen  MOREtOT. 


GALERIE  DE  LA  GAZETTE  MUSICALE. 

N"  3, 
Compositeurs  dramaliques  moderaes. 

Les  voilà  tous  ces  grands  musiciens ,  ces  illustres  artistes 
que  le  monde  entier  connaît  par  leur  nom,  par  leurs  œuvres, 
par  leurs  succès!  Les  voilà  réunis  en  un  même  cadre  afin  que 
chacun  puisse  les  contempler  à  loisir,  les  comparer  entre  eux, 
et  rechercher  dans  l'expression  de  leur  visage  le  caractère  de 
leurs  inspirations. 

Les  voilà  tous ,  comme  en  un  congrès ,  comme  en  un  Pan- 
théon ,  et  avec  eux  voilà  la  musique  moderne  représentée 
sous  toutes  ses  faces  ;  l'opéra  sérieux ,  l'opéra-comique ,  la 
symphonie ,  le  quintetto ,  le  quatuor  ! 

Hélas  !  la  mort  a  été  plus  prompte  que  le  crayon  du  dessi- 
nateur !  Avant  que  la  planche  ne  fût  terminée,  l'une  de  ces 
dix  puissances  a  été  frappée,  suivant  la  loi  du  temps,  dans 
son  existence  passagère.  Berton  est  allé  s'asseoir  à  côté  de 
Cherubini,  deBoïeldieu,  dePaër,  de  Méhul  et  dotant  d'au- 
tres que  notre  siècle  a  vus  briller  et  s'éteindre. 

Mais  les  neuf  autres  sont  là,  et  suffiraient  à  la  gloire  comme 
au  plaisir  de  plusieurs  siècles  :Spontini,  Meyerbeer,  Rossini, 
Halévy,  Auber,  Onslow,  Berhoz ,  Donizetti,  Mendelssohn! 
quelle  pléiade  de  talents  !  quelle  variété  de  genres ,  et  chez 
ceux  même  qui  ont  le  plus  produit ,  quelles  richesses  encore 
non  exploitées  !  Chez  les  plus  jeunes ,  quel  avenir ,  quel  es- 
poir ! 

Notre  galerie  s'achève  et  se  complète  peu  à  peu.  Nous 
avons  déjà  donné  en  deux  tableaux  les  portraits  des  grands 
violonistes  et  des  grands  pianistes  de  notre  époque  ;  dans 
l'ordre  hiérarchique,  ceux  des  compositeurs  auraient  dû  ou- 
vrir la  marche ,  mais  ils  n'ont  rien  perdu  pour  attendre.  Le 
génie  créateur  reprend  sa  place  de  lui-même  :  dès  que  les 
qualités  sont  connues ,  .il  passe  partout  et  toujours  le  pre- 
mier. 


LA  SERENADE  MAURESQUE. 

S>essin  de  Gavarnî. 

Ceci  vous  représente  une  chose  dont  vous  avez  beaucoup 
entendu  parler,  et  que  peut-être  vous  n'avez  jamais  vue.  Pour 
mon  compte  j'avoue  qu'un  amoureux  chantant  sous  les  fe- 
nêtres de  sa  belle  me  paraît  un  être  aussi  chimérique,  aussi 
fabuleux  qu'un  berger  du  Lignon  en  habit  de  soie  ,  gardant 
ses  moutons  avec  une  houlette  ornée  de  ruhans  couleur  de 
rose.  Nous  sommes  galants ,  nous  autres  Français ,  mais  nous 
ne  sommes  amoureux  ni  comme  des  Espagnols  ni  comme 
des  Turcs.  Le  Turc ,  ou  plutôt  le  Maure ,  dont  Gavarni  a 
dessiné  les  traits,  soupire  et  chante  langoureusement  pour  une 
belle  Castillane,  et,  si  vous  le  permettez,  j'ajouterai  que  sa 
chanson  plaintive  a  été  notée  par  Kûcken ,  l'Amédée  Beau- 
plan  ,  Loisa  Puget  (  moins  le  sexe  )  de  l'Allemagne.  Ainsi 
donc  il  y  a  dans  la  sérénade  mauresque  de  quoi  satisfaire  à 
la  fois  vos  yeux ,  vos  oreilles  et  votre  cœur. 


DE  PARIS. 


232 


UOITTSIalaSS. 


*,*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  le  Comte  Onj,  suivi  de  Lady  Hen- 
riette. 

V  La  représentation  au  bénéfice  de  M"'  Taglioni  a  produit  une 
somme  de  21,000  fr.  Jamais  la  célèbre  danseuse  ne  s'était  montrée 
plus  charmante  et  plus  infatigable  que  dans  cette  soirée  d'adieu,  qui 
s'est  terminée  par  un  déluge  de  fleurs. 

*."  Une  indisposition  de  Barroilhet  a  empêché  la  reprise  de  Don 
7Ha)î,qui  devait  avoir  lieu  cette  semaine,  et  qui  maintenant  se 
trouve  ajournée  d'un  mois  environ  par  le  congé  de  l'artiste.  C'est  à 
Caen  que  Barroilhet  se  rend  d'abord. 

",*  Duprez  va  prendre  quinze  jours  de  congé ,  pendant  lesquels 
il  paraît  ne  devoir  songer  qu'au  repos. 

*,"  M""^  Dorus-Gras  prendra  le  mois  de  congé  qui  lui  reste  à  par- 
tir du  1"  septembre  prochain. 

",*  Poultier  doit  jouer  deux  fois,  d'ici  au  2.S  de  ce  mois,  le  rôle  de 
Robert-le-DIable  dans  lequel  il  s'est  essayé  à  Rouen  avec  succès. 

",*  Les  répétitions  d'O^AeHo  sont  suspendues.  La  première  nou- 
veauté qui  doit  apparaître,  c'est  le  ballet  de  Calypso,  dont  le  titre  se 
transformera  peut-être  en  celui  ù'Eitcharis. 

**  Les  répétitions  de  Richard  en  Palestine  ne  recommenceront 
que  le  mois  prochain. 

V  La  Cour  royale,  dans  son  audience  du  27  juin  dernier,  a  con- 
firmé le  jugement  de  première  instance  rendu  au  profit  de  M.  Dau- 
bigny,  l'un  des  auteurs  de  la  Pie  voleuse ,  contre  le  directeur  du 
Théâtre-Italien. 

*,"  Rien  de  nouveau  à  l'Opéra-Comique ,  si  ce  n'est  le  départ  de 
Roger,  qui  va  profiter  d'un  congé  de  deux  mois  ;  et  le  retour  de 
M""  Anna  Thillon,  qui  a  reparu  dans  Cmjliostro. 

V  On  annonce  que  la  santé  d'Henri  s'est  rapidement  améliorée. 
*,"  Voici  les  noms  des  jeunes  nmsiciens  admis  par  l'Académie  des 

beaux-arts  à  concourir  pour  les  grands  prix  de  composition  musicale: 
MM.  Massé ,  élève  d'Halévy  et  de  Zimmerman  ;  Duvernoy,  élève 
d'Halévy  ;  Gau thier ,  élève  du  même  maître  ;  Laurent ,  élève  de  Ca- 
rafa;  Renaud  de  WillbacU,  élève  d'Halévy;  Martins,  élève  de  Ca- 
rafa.  M.  Renaud  de  Willback  est  aveugle  de  naissance,  et  n'a  re- 
couvré que  jusqu'à  un  certain  point  l'organe  de  la  vue.  L'hiver  der- 
nier, on  a  exécuté  chez  Pleyel  des  fragments  d'un  opéra  de  sa 
composition. 

*,"  Les  deux  journées  du  grand  festival  des  Champs-Elysées  sont 
décidément  fixées  aux  jeudi,  l"août,  et  dimanche,  4.  Tous  les 
principaux  artistes  des  théâtres  lyriques  se  sont  empressés  de  se 
faire  inscrire  pour  chanter  dans  les  chœurs.  Ce  sera  bien  certaine- 
ment la  plus  magnifique  solennité  musicale  qui  ait  jamais  eu  lieu. 

*,*  Le  petit  pianiste  Angelo  Russo  a  donné  avec  succès  des  con- 
cerls  à  Postdam  et  à  Breslavv. 

%"  Le  célèbre  Louis  Spohr  est  à  Paris  depuis  quelques  jours. 

*,'  M.  Sudre  ,  inventeur  de  la  téléphonie,  est  parti,  par  ordre  du 
ministre  de  la  guerre,  pour  le  camp  de  la  Moselle,  où  il  va  former 
des  clairons,  et  instruire  des  officiers  d'état-niajor  à  la  pratique  de 
sa  méthode. 

%*  Un  de  nos  violoncellistes  distingués ,  M.  F.  Battanchon ,  à 
peine  de  retour  de  son  brillant  voyage  dans  l'Ouest,  s'éloigne  encore 
de  Paris  pour  quelques  mois.  Il  se  propose  de  donner  à  Dieppe,  aji 
Havre ,  à  Boulogne  et  dans  les  villes  voisines  plusieurs  concerts  où 
l'attend  sans  doute  un  succès  égal  à  celui  que  lui  ont  déjà  valu  à 
Cherbourg ,  à  Piennes ,  à  Lorient  son  talent  d'exécution  et  des  com- 
positions aussi  gracieuses  que  son  boléro ,  ses  ^irs  bretons  et  sa  fan- 
taisie sur  de  jolies  romances  de  Goullé. 

*."  Les  affaires  des  théàtr«s  de  Lyon  ne  sont  rien  moins  que  satis- 
faisantes. Le  public  n'ayant  aucune  sympathie  pour  la  direction,  ne 
se  rend  au  spectacle  que  pour  siffler,  et  s'en  acquitteavec  une  persé- 
vérance qui  fait  concevoir  de  graves  inquiétudes.  Ce  qui  est  très 
fâcheux  en  cette  circonstance ,  c'est  que  des  artistes  d'un  mérite  re- 
connu nesont  pas  plus  épargnés  que  les  autres.  Il  est  question  delà 
résiliation  de  plusieurs  des  premiers  sujets. 

V  L'invention  de  W.  Isoard  dont  M.  Herz  vient  de  faire  l'appli- 
cation à  SCS  pianos,  et- qui  cnnsisle  dans  la  prolongation  des  vibra- 
lions  par  l'action  du  vent,  n'est  pas,  comme  on  le  croit  généralement, 
une  découverte  entièrement  neuv«.  Jean-Jacques  Schell,  facteur  de 
clavecins,  établi  à  Paris  en  1777,  y  inventa  un  instrument  nommé 
j4n  émocorde,  dans  lequel  les  louches  ouvraient  des  soupapes  qui 


donnaient  passage  au  vent  d'une  soufflerie  pour  faire  résonner  les 
cordes.  La  cour  lui  accorda  des  récompenses  pour  celte  invention,  qui 
fit  assez  de  bruit  à  celle  époque.  U  se  peut  que  M.  Isoard  n'ait  pas 
eu  connaissance  de  V^némocorde,  et  que  pour  lui  ce  soit  réelle- 
ment une  invention  ;  mais  l'histoire  est  inflexible  et  doit  révéler  de 
tels  faits. 

*,*  On  vient  de  publier  l'exposé  des  principes  historiques  de  la 
musique  de  M.  Bergerel ,  ouvrage  adopté  par  la  Société  royale  pour 
l'instruction  élémentaire  pour  être  donné  en  prix  dans  les  écoles  de 
Paris. 

*«"  Moriani,  le  célèbre  chanteur,  vient  de  débuter  au  théâtre  royal 
de  Londres  dans  la  Liicia  di  Lammermoor  avec  un  immense  succès. 
Le  directeur  l'a  dit-on  engagé  tout  de  suite  pour  l'année  prochaine,  il 
doit  chanter  pendant  cette  saison  encore  dans  Belisario ,  Anna  Bo- 
lena  et  Norma. 

''  M"«  Sabine  Heinefetter  se  trouve  en  ce  moment  à  Wiesbade, 
où  elle  vient  de  débuter  avec  succès  au  théâtre  de  celte  ville  dans  le 
rôle  de  Lucrèce  Borgia. 

%"  Lors  de  la  dernière  représentation  del'Opéra-Ilalien,  à  Berlin, 
comme  allait  s'achever  le  troisième  acte  des  Montecchie  Capu- 
leii,  le  ténor,  placé  à  côté  du  cercueil  de  sa  chère  Juliette  ,  chanta 
sa  tirade  et  attenJitque  sa  bicn-aimée  se  relevât  pour  chanter  à  son 
tour  son  grand  air  de  mort.  Point  de  réponse.  Juliette  ne  remue  pas. 
Le  ténor  répète  sa  phrase  et  se  penche  doucement  à  l'oreille  de  Ju- 
liette en  lui  disant  :  «  Levez-vous,  M"'=  Kaiser.  «  Alors  le  ténor  fait 
signe  à  un  homme  de  la  coulisse,  on  appelle  le  directeur,  on  craint 
un  malheur,  et  le  public  est  sur  les  charbons.  Le  directeur  arrive  ; 
un  ronflement  sorti  des  profondeurs  du  cercueil  annonce  au  public 
que  M""  Kaiser  était  endormie  d'un  profond  sommeil.  Le  public 
partit  d'un  éclat  de  rire  inextinguible,  la  toile  tomba  et  tout  fut  dit. 

V  La  Société  allemande  sous  la  direction  de  MM.  Schmidt  et 
Ramberger  a  donné  des  représentations  à  Genève,  Chambéry  et 
Grenoble.  Dans  le  courant  de  juillet  et  d'août,  elle  viendra  à  Mar- 
seille pour  y  faire  entendre  les  principaux  chefs-d'œuvre  de  l'opéra 
allemand. 

*,■"  M"=  (le  Dietz,  pianiste  de  la  reine  de  Bavière  ,  a  été  appelée 
dernièrement  au  château  par  la  reine  d'Angleterre,  et  elle  a  joué 
avec  une  grande  supériorité  plusieurs  morceaux  qui  ont  été  unani- 
mement applaudis. 

*»"  Une  grande  soiréo  musicale  a  été  donnée  le  3  juillet  à  Buc- 
kingham-Palace.  S.  M.  la  reine  Victoria  et  S.  A.  R.  le  prince  Albert 
en  ont  eux-mêmes  composé  le  programme.  Salvi ,  le  célèbre  ténor, 
de  retour  à  Londres,  après  de  nombreux  triomphes  dans  les  provin- 
ces, y  a  figuré  en  première  ligne. 

*,*  Lyon. — M.  Lacombe  a  donné  avec  un  succès  complet  deux  con- 
certs très  brillants,  le  second  au  bénéfice  des  incendiés  des  Brotteaux. 
Le  prix  des  [jlaces  n'avait  pas  été  fixé,  dans  l'espoir  que  chacun,  mù 
par  un  sentiment  de  charité,  paierait  largement  sa  place.  Malheu- 
sement  il  n'en  fut  rien,  car  il  y  avait  plus  de  neuf  cents  personnes 
dans  la  salle,  et  la  recette  s'est  élevée  à  peine  à  sept  cents  francs.  En 
revanche  on  a  beaucoup  applaudi  le  beau  talent  de  M.  Lacombe  au- 
tant comme  exécutant  que  comme  compositeur. 

*,*  Bordeaux  ,  27  juin.  —  Sans  le  bon  vouloir  de  notre  adminis- 
tration municipale,  nous  eussions  été  longtemps  privés  de  tout  spec- 
tacle. La  ville  a  autorisé  les  artistes  à  se  réunir  et  à  donner  des 
reprrsrntations  au  ihéâlre  des  Variétés;  le  ballet,  la  comédie,  le 
vaudc-.  ille  et  le  drame  peuvent  se  montrer.  Une  subvention  jour- 
nalière de  la  ville  est  attribuée  à  ce  théâtre,  en  sorte  que  les  artistes 
travaillant  pour  eux-mêmes  ont  intérêt  à  bien  composer  et  bien 
jouer  les  spectacles.  Hier  a  eu  lieu  au  Grand-Théâtre  une  représen- 
tation promise  par  JL  le  maire  au  bénéfice  de  MM.  et  M""  des 
chœurs.  Cette  représentation  ,  dont  le  but  était  de  secourir  tous  les 
malheureux  artistes  que  la  faillite  du  directeur  a  jetés  dans  la  mi- 
sère, a  été  grande  et  solennelle.  Aucun  de  ceux  auxquels  les  béné- 
ficiaires se  sont  adressés  n'a  voulu  faire  défaut  à  une  si  noble  tâche. 
Nous  en  étions  sûrs  d'avance.  MM. Saint-Denis,  Duprat,  Châtcaufort, 
jlmes  Hébert  et  Widemann,  M"=  Martin,  jeune  et  habile  pianiste, 
élève  de  Zimmerman,  que  Bordeaux  possède  en  ce  moment,  Mézeray 
et;]  son  ancien  orchestre,  tous  ont  voulu  concourir  à  soulager  beau- 
coup d'infortunes,  et  nous  avons  appris  de  source  cfcrtaine  que  le 
public  avait  compris  l'appel  qui  lui  était  fait. 

**  Marseille,  2S  juin.  —  L'apparition  de  Dom  Sébastien,  de 
MM.  Scribe  et  Donizetti,  a  mis  fin  aux  sifflets  qui ,  depuis  quelque 
temps ,  ternissaient  nos  représentations  dramatiques.  Les  méeon- 


234 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


lents  ont  été  désarmés;  et,  il  faut  en  convenir,  le  grand  ouvrage , 
promis  depuis  l'an  dernier,  a  été  monté  avec  un  soin  digne  d'é- 
loges. Godinlio  et  M""  Morcl-Scolt  se  sont  particulièrement  distin- 
gués dans  les  deux  rôles  prinripaui.  L'orchestre  et  les  chœurs  ont 
fait  merveille. 

V  Toulouse.  — La  troupe  italienne  vient  de  quitter  celle  ville; 
c'est  décidément  par  la  Juive  que  l'opéra  français  commencera  ses 
représentations. 

","  Lille.  —  L'association  lilloise  a  donné  une  grande  séance  mu- 
sicale; on  a  exéLUté  le  scherzo  et  le  rondo  d'une  symphonie  de 
Watlier,  de  Lille.  L'orchestre  était  faible  ;  il  y  avait  plus  de  vigueur 
et  d'ensemble  dans  les  Souvenirs  de  Mazagran,  de  M.  Lavainne,  qui 
ont  obtenu  un  éclatant  succès.  Les  honneurs  du  concert  ont  été  pour 
un  jeune  violoniste,  M.  A.  Moeser,  qui  a  joué  en  maître  un  concerto 
inédit  de  Bcriot. 

Clai'Oiiiqvae  étriuigère. 

♦,"  Cologne.  —  Le  célèbre  pianiste  Dreyschock  vient  de  partir 
pour  Bonn  après  avoir  donné  ici  un  magnifique  concert,  qui  a 
produit  une  somme  considérable  destinée  à  l'achèvement  de  la  ca- 
thédrale de  cette  ville.  Dreyschock  s'est  fait  eniendre  deux  fois  à 
Bonn,  une  fois  à  son  bénéfice,  et  en  dernier  lieu  afin  de  venir  en  aide 
aux  malheureux  habitants  de  Medebach ,  village  incendié  récem- 
ment. Ces  deux  concerts  ont  excité  un  enthousiasme  difficile  à  dé- 
crire: le  second  a  produit  net  une  somme  de  1,500  francs.  Après  cette 
soirée ,  les  personnes  notables  de  la  ville  ont  offert  au  généreux  ar- 
tiste un  magnifique  banquet  pour  lui  témoigner  leur  reconnaissance. 
Dreyschock,  après  avoir  reçu  une  sérénade  vocale,  offerte  et  exécu- 
tée par  des  étudiants  au  nombre  de  quatre  cents  ,  est  retourné  à  Co- 
logne, d'où  il  est  reparti  pour  Prague,  après  avoir  donné  un  nouveau 
concert,  afin  de  se  reposer  auprès  de  sa  famille  de  toutes  les  fatigues 
qu'il  a  essuyées. 

•  *  Cologne.  —  Un  nouveau  journal  de  musique  sera  publié  ici 
incessamment.  Il  aura  pour  litre  :  Organe  musical  des  provinces 
rhénanes  et  de  la  Westphalie. 

*,*  Hambourg. — M.  Richard  Wagner,  maître  de  chapelle  à  Dresde, 
est  venu  ici  pour  diriger  l'exécution  de  son  opéra:  Carlo  Rienzi. 
L'orchestre  se  trouvant  trop  faible  pour  les  foriissimi ,  dût  élre  aug- 
menté ainsi  que  les  chœurs;  de  plus,  M.  Wagner  appela  la  mu^ique 
delà  garnison  àson  aide.  Carlo liienziesl  une  partiliou  d'une  grande 
dimension.  A  la  représcnlalion  elle  preiu'  une  heure  de  plus  que  les 
plus  longues  partitions  connues.  C'est  en  outre,  une  musique  as- 
sourdissante, écrasante,  foudroyante.  Au  sorlir  de  lliéàtre  ,  les 
oreilles  vous  linlcnl.  La  nouvelle  product't  n  de  M.  Wagner  annonce 
une  originalité  proiluctivc:  c'est  une  pièce  à  grand  spcclacle,  avec 
force  marches,  évolutions  et  parades  militaires:  c'est  une  partition 
qu'il  faut  entendre  plusieurs  fois  pour  la  juger. 

•,*  AUona.  —  Snnison,  oralorio  de  Haendel,  a  été  exécuté  dans 
l'église  luthérienne  sous  la  direction  de  M.  Pctersen.  La  partie  de 
Samson  a  été  distribuée  à  deux  chanteurs. 

*,•  Berlin,  iZ']uin.  —  M.  le  comte  de  Redern,  intendant  général  de 
la  musique  de  la  cour  et  directeur  en  chef  des  travaux  de  reconstruc- 
tion de  l'Opéra  de  cette  ville,  a  reçu  un  ordre  du  cabinet  d'après  le- 
quel l'ouverture  solennelle  du  nouveau  théâtre  n'aura  lieu  que  le 
7  décembre  prochain.  C'est  aussi  le  7  déccnihie  174i  qu'avait  eu 
lieu  l'inauguration  de  l'ancien  théâtre  devenu  la  proie  des  flammes, 
en  sorte  que  ce  jour  a  pour  la  scène  royale  une  signification  histo- 
rique. On  suppose  que  le  soir  de  l'ouvcrturc  Sa  Blajesté  le  roi  don- 
nera une  fêle  dans  celte  salle  aux  persoimes  qui  sont  admises  à  la 
cour.  L'opéra  que  M.  Meyerbeer  écrit  pour  celte  fêle  est  déjà  si  avancé 


que  le  compositeur  espère  le  finir  avant  de  se  rendre  aux  bains  de 

Schwalbach. 

—  25  juin.  —  Par  ordre  du  roi ,  la  tragédie  des  Euménides  d'Es- 
chyle sera  représentée  au  théâtre  de  la  résidence  royale  de  Posldam 
avec  une  mise  en  scène  imitée  du  théâtre  grec,  comme  l'ont  déjà  été 
VAniiijone  de  Sophocle  et  la  Médée  d'Curipide.  Les  Euménides  se- 
ront traduites  en  allemand  par  le  célèbre  helléniste  M.  Donner. 
C'est  l'illustre  Meyerbeer  qui  s'est  chargé  d'en  composer  la  mu- 
sique. 

*.*  yienne.  —  M.  G.  Preyer  vient  d'élre  nommé  directeur  du 
Conservatoire  :  son  opéra  JV'alladmor  sera  incessamment  représenté 
au  théâtre  de  la  Josephstadt. 

—  L'opéra  de  Verdi ,  iErHoni ,  n'obtient  qu'un  succès  contesté; 
nos  dandjs  et  lions  sont  inconsolables  du  départ  de  M"=Elssler;  ils 
se  promènent  lentement  sur  le  bord  du  Danube  les  yeux  fixés  sur 
les  ondes  trop  heureuses  qui  ont  pu  transporter  la  danseuse  à  Peslh. 
Ses  admirateurs  dans  cette  ville  ont  encore  renchéri  sur  les  excen- 
tricités des  Viennois;  on  ne  parle  que  de  marches  triomphales,  pluies 
de  fleurs,  de  chevaux  dételés;  et  à  son  arrivée,  le  directeur  M.  Forst 
lui  baisa  la  main,  prit  un  flambeau  et  accompagna  la  voiture  qui 
ramena  la  diva  chez  elle.  Devant  son  hôtel  on  briila  un  feu  qui  dura 
trois  quarts  d'heure  et  coûta  1,000  florins.  Une  chaise  sur  la- 
quelle elle  s'était  assise  fut  vendue  aux  enchères. 

—  Au  théâtre  Josephstadt,  M™'  Gunthera  eu  un  éclatant  succès 
dans  la  Fille  du  régiment. 

V  £eipi(3.  ^  Un  marchand  de  cuir,  dilettante  quand  même, 
M.  Schwedt,  a  donné  un  concert  dans  lequel  il  a  joué  plusieurs 
morceaux  sur  le  piano  et  sur  le  violon.  Par  dessus  le  marché, 
M.  Schwedt  possède  une  fort  belle  voix  de  ténor  ! 

",*  .S'tuttgnrd. —  On  se  propose  de  construire  un  nouveau  théâtre 
d'après  le  plan  de  celui  de  Dresde.  Le  roi  a  donné  comme  premier 
versement  une  somme  de  350,000  florins  (876,000  fr.). 

".*  Brunswick. — Deux  opéras  allemands  nouveaux  viennent  d'être 
représentés  :  Pino  di  Porto,  musique  de  Georges  Mûller,  et  le  Rem- 
f laçant,  musique  de  Wernthal  :  tous  les  deux  ont  été  beaucoup  ap- 
plaudis. 

%"  Prague. —  L'académie  de  Sainte-Sophie  a  donné  un  grand 
concert.  V Alléluia  du  Messie  de  Haendel ,  le  Gloria  de  la  messe  en 
ré  de  Beethoven,  cl  un  chœur  d'hommes  en  langue  bohème,  ont  été 
admirablement  chantes  et  reçus  avec  enthousiasme. 

*,*  Weimar.  —  Un  opéra  nouveau  de  Chelard,  l'Émancipation  des 
femmes,  a  élé  représenté  avec  succès. 

*,*  Madrid.  —  On  vient  de  représenter  au  théâtre  du  Cirque  un 
drame  politique  en  cinq  actes  deD.-J.-Maria  Liaz.  Cet  ouvrage,  inti- 
tulé Unu  rciiia  no  conspira  {Une  reine  ne  conspire  pas),  repose  sur  une 
intrigue  de  cour  dont  la  scène  est  en  Portugal.  Grâce  à  plusieurs  si- 
tualions  animées  et  saillantes ,  et  malgré  la  faiblesse  du  quatrième 
acte,  qui  n'a  pour  tout  ressort  qu'une  révolution  populaire,  le  succès 
a  été  éclatant  et  relève  nos  voisins  d'aU-dclà  les  Pyrénées  du  servi- 
lismc  littéraire  qui  les  condamnait  depuis  longtemps  à  de  simples 
traductions  de  nos  œuvres  dramatiques ,  si  amèrement  insultées  en 
lYance ,  mais  accueillies  par  une  telle  vogue  dans  toute  l'Europe. — 
Un  autre  auteur,  el  senor  Asquerido,  a  aussi  fait  applaudir  une 
comédie  originale  sous  le  titre  flatleur  pour  la  nation:  Espanoles 
sobre  todo  [Espagnols  pardessus  tout). — Le  ténor  espagnol  Unanue  vient 
de  signer  un  engagement  avantageux  pour  aller  faire  partie  de  la 
troupe  italienne  rassemblée  et  dirigée  par  Rubini  à  Saint-Péters- 
bourg. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


Inmité  par  C.  KIAKTIN 

Facteur  de  PîanoB, 

_BHEVETÉ  DU  ROI 

B  de  la  Bourse,  f  S. 


Approuvé  par  rinsiïtuC 

•I  adopté  dana  les  elaawt, 

4esCOItlSEBVATOIItES 


les  elaava 
ATOIBl 

de  Paris  ei  de  l.ondrei 


Le  Chirogymnasle  est  un  assemblage  de  nenfappa- 
reilspymnastiques  destinés  à  donner  de  l'exfension  i 
la  main  et  de  l'écart  aux  doigts  à  augmenter  et  à  é^alf- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quatrième  et  le  cinquièmt 
indépendants  de  tons  les  autres.  Le  Chirogymnasle 
a  été  aussi  approuvé  et  adopté  par  MM.  Adam,  Berlini, 
de  Bcriot,  Cramer,  Herz,  Katkhrenner,  Listz,  Moschelèi 
Prudent, Sivon, Thalberg,  Tulou,  Zimmermann,ele. 

Chaque  Chirogymnasle  est  revêtu  de  la  siguatur* 
de  l'inventeur  et  se  vend  place  de  la  Bourse,  vfi  IS» 
khuit appareils,  50fr„àneufapp.S0fr.,  méthode,ip; 


Lei  expéditions  aont  faitei  contre  remioureeœent.  écrire  iruwa. 


PLUMES  MÉTALLIOEES  POlJR  ÉCRIRE  LA  MCSiOUE. 

N°  13.  Pour  écrire  la  musique.  Cette  plume  convient  aussi  aux 
personnes  qui  n'écrivent  pas  l'anglaise. — N"  iZ  bis.  Pour  copier  la 
grosse  musique  telle  que  parties  séparées,  cl  écrire,  en  gros  et  en 
ronde.  —  N^IG  médium  Plus  fine  que  le  N°  13,  1res  bonue  pour 
l'écriture  expédiée.— Prix  :  la  douzaine,  50  c.  ;  la  grosse,  4  francs. 
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Four  Fariis  :  uo  an ,  30  fir.  ;  six  mois,  15  fr.     —    Annonces  :.  50  c.  la  ligne  de  28  lettres     —     Départements  :  iin  an ,  34  fr.  Étranger,  38  fir. 


GAZEHE  MUSICALE 

BÊDIGÈB  PIB 

MM.  ANDERS  ,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  Henbi  BLANCHARD, 

MiUmCE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DUESBERG,  FÉTIS  père,  Édodabd  FÉTIS,  Stepben  HELLER,   J.  JANIN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED ,  GEOBGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Paraissant  tous  tes  MKtnancIies. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 
Le   t*'  et   le   t5  de  chaque  mois  oo  receifa  nn  morcean  de  mnslqao» 


SOMMAIRE.  Joseph  Baini  (suite  et  fin)  ;  par  J.-A.  DE  LA  FAGE. 
— Esposition  des  produits  de  l'industrie  (quatrième  article  )  ;  par 
O.-E.  ANDERS.  —  Revue  critique;  par  H.  BLANCHARD.— 
Variétés  :  Les  Beautés  de  l'Opéra.  — Correspondance  particulière  : 
Londres.  —  Nouvelles.  —  Annonces. 
1/e  Piano  rue  IVotre-Dame-dc-Lorctte.  Dessin  de  Gavarni. 


L'abondance  des  matières  nous  oblige  à  remettre  au  pro- 
chain numéro  la  Première  Lettre  à  M.  Zimmermann ,  par  M.  F. 
Fétis,  père.  Nos  lecteurs  liront  cette  lettre  avec  un  grand  in- 
térêt; c'est  un  des  articles  les  plus  remarquables  sortis  de  la 
plume  de  notre  célèbre  collaborateur. 


JOSEPH   BÂINI. 

(  Suite  et  fin  *.  ) 

insi  que  je  l'ai  dit,  Baini  s'occupa  de  cet  ou- 
vrage (1)  dès  sa  première  jeunesse  ;  mais  après 
sa  sortie  du  séminaire,  il  s'y  consacra  tout 
entier,  et  y  travailla  sans  interruption  durant 
i  trente  années.  Il  avait  projeté  une  Histoire 
de  la  chapelle  jyontificale ,  pour  laquelle  de  nombreux  ma- 
tériaux étaient  réunis,  et  dont,  je  crois,  la  rédaction  avait  été 
commencée.  Il  serait  bien  à  désirer  que  l'on  imprimât  tout 
ce  qui ,  dans  les  papiers  de  Baini,  mérite  de  voir  le  jour  ;  on 
y  trouverait  une  foule  de  renseignements  précieux  et  absolu- 
ment inédits. 

Ses  travaux  d'érudition  musicale  ne  l'avaient  pas  empêché 
de  composer  un  grand  nombre  de  morceaux  de  musique  sa- 
crée ,  le  plus  souvent  pour  des  circonstances  particulières  , 
parce  qu'ils  lui  étaient  demandés  expressément ,  soit  par  le 
pape ,  soit  par  diverses  églises ,  soit  enfin  par  des  souverains 

(*)  Voir  le  numéro  27. 

(1)  Mémoires  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Paleslrina. 


OU  des  particuliers.  C'est  ainsi  qu'il  a  enrichi  le  répertoire  de 
la  chapelle  pontificale  de  psaumes  et  hymnes  à  4 ,  5  ,  6 ,  8  et 
12  parties;  etla plupart  de  ces  morceaux  s'entendent  au  milieu 
des  plus  belles  productions  de  Palestrina  sans  éprouver  la 
moindre  atteinte  d'un  si  dangereux  voisinage.  Celles  de  ses 
compositions,  en  ce  genre,  qui  ont  été  les  plus  remarquées 
sont  :  un  Te  Deum  à  8  ,  et  l'admirable  Miserere\  10  voix, 
qui  s'exécute  pendant  la  semaine  sainte  avec  ceux  d'Al- 
legni  et  de  Bai.  Je  n'hésite  pas  à  dire  que  je  trouve  l'ouvrage 
de  Baini  de  bien  loin  supérieur  à  ces  deux  compositions  si 
justement  renommées;  et  je  n'en  parle  pas  seulement  pour 
l'avoir  entendu,  mais  aussi  pour  en  avoir  examiné  la  partition, 
faveur  que  l'abbé  Baini  n'accordait  pas  aisément,  car,  disait- 
il  ,  les  morceaux  de  ce  genre  perdent  à  être  analysés.  Sur 
moi  l'effet  a  été  tout  contraire. 

Baini  a  composé  pour  la  chapelle  du  roi  d'Espagne,  Char- 
les IV,  un  service  musical  de  toutes  les  fêtes  de  l'année  ,  à  /i, 
6  et  8  voix.  A  la  suite  de  ce  grand  travail,  contenu  dans  plu- 
sieurs volumes ,  se  trouvent  deux  Acclamations  en  l'honneur 
de  Ferdinand  VII,  formant  canon  à  64  parties,  divisées  en  16 
chœurs  réels. 

Ce  dernier  morceau  fait  assez  comprendre  que  le  directeur 
de  la  chapelle  pontificale  n'avait  pas  seulement  imité  Pales- 
trina et  les  auteurs  de  son  école  dans  l'expression  douce  et 
calme  des  sentiments  religieux,  qui,  jointe  à  une  tonahté 
spéciale ,  caractérise  la  musique  de  ce  genre  ;  il  avait  aussi 
étudié  profondément  ce  style  sous  le  rapport  purement  scien- 
tifique et  artificieux.  Il  s'en  était  pénétré  à  tel  point,  que  les  ca- 
nons énigmatiques  les  plus  singuliers  n'étaient  qu'un  jeu  pour 
lui  ;  après  une  inspection  de  quelques  instants,  il  en  découvrait 
immédiatement  le  nœud  et  la  solution.  Chose  plus  étonnante 
encore,  je  me  rappelle  m'être  amusé  à  lui  présenter  un  canon 
énigmatique  dont,  par  le  dérangement  d'un  passage  pratiqué 
à  dessein,  j'avais  cru  rendre  la  solution  impossible;  l'ayant 
examiné  avec  attention  ,  il  me  demanda  si  j'étais  bien  sûr  de 


BUREAUX   D'ABONNEMENT,    RUE   RICHEI.IEU,    97. 


236 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ne  ni'ètre  pas  trompé,  et  si  le  canon  fermé  que  je  lui  présen-  | 
tais  ne  contenait  pas  de  faute.  Voulant  pousser  la  chose  jus-  j 
qu'au  bout,  je  lui  dis  que  je  ne  le  pensais  pas  ;  alors  il  me  | 
promit  de  l'examiner  à  tête  reposée.  Quel  fut  mon  étonne-  i 
ment,  lorsqu'en  rentrant  chez  lui,  le  surlendemain,  il  entama  : 
la  conversation  par  ces  mots  :  Era  fina ,  fratello ,  era  fina 
(elle  était  bonne,  frère,  elle  était  bonne);  et,  me  disant  cela,  : 
il  me  montre  une  solution  des  plus  élégantes,  et  toute  diffé-  | 
rente  de  celle  à  laquelle  j'avais  songé.  Je  lui  avouai  ma  super-  j 
chérie,  dont  il  plaisanta  longtemps  ,  me  disant  que  j'aimais  à 
connaître  mon  monde  et  que  je  ne  serais  pas  facile  à  tromper.  : 
Il  avait  acquis  celte  grande  habitude  en  mettant  en  partition 
de  l'ancienne  musique,  et  à  cet  égard  il  n'était  aucune  de  ces  , 
diflicultésde  notation,  si  communes  dans  les  vieux  auteurs,  qui  , 
l'arrêtât.  Aussi  venait  on  souvent  le  consulter  à  cet  égard  ,  et  j 
lui  écrivait-onde  fort  loin  pour  obtenir  des  renseignements  j 
qu'il  donnait  avec  autant  de  plaisir  que  d'empressement.  | 

Je  n'ai  jamais  connu  d'homme  dont  la  vie  ait  été  plus  ré-  j 
gléeet  plus  uniforme  que  celle  de  l'abbé  Baini.  A  sa  sortie  du 
séminaire,  il  adopta  un  régime  dont  il  ne  se  départit  plus  :  il 
se  levait  de  grand  matin,  et  disait  la  messe  à  cinq  heures  le 
plus  ordinairement  ;  il  vaquait  pendant  la  journée  à  ses  di- 
verses occupations,  n'acceptait  jamais  de  repas  hors  de  chez 
lui,  où  il  vivait  avec  la  plus  grande  sobriété  ;  il  était  toujours 
rentré  à  VAve  Maria  ,  c'est-à-dire  au  coucher  apparent  du 
soleil.  Cette   régularité  de  vie  lui   conserva  longtemps  une 
santé  robuste  et  l'aptitude  à  des  travaux  prolongés  que  sa 
forte  constitution  supportait  sans  la  moindre  fatigue.  Malheu- 
reusement il  en  ressentit  beaucoup  d'un  autre  genre  de  tra- 
vail qui ,  dès  sa  jeunesse ,  absorba  une  très  grande  partie  de 
son  temps.  Il  n'était  pas  moins  exact  à  remplir  ses  devoirs  de 
prêtre  qu'à  exercer  ses  fonctions  musicales,  et  sa  piété  tendre, 
la  pureté  inattaquable  de  ses  mœurs,  son  parfait  désintéresse- 
ment ,  l'avaient  fait  rechercher  comme  directeur  par  beau- 
coup de  personnes  de  toute  condition  ;  pendant  la  plus  grande 
partie  de  sa  vie,  l'abbé  Baini  passa  chaque  jour  plusieurs 
heures,  et  très  souvent  des  journées  entières  à  son  confes- 
sionnal, sans  que  rien  le  détournât  jamais  de  ce  devoir  sacré 
de  son  ministère.  Sa  persévérance  à  cet  égard  devint  funeste 
à  sa  santé,  qui,  vers  l'âge  de  cinquante  ans,   s'altéra  tout 
d'un  coup  et  de  la  manière  la  plus  sensible.  Sa  belle  voix  s'é- 
teignit en  peu  de  temps ,  et  les  médecins  lui  interdirent  de  se 
servir  de  ce  qui  lui  restait  de  son  admirable  organe ,  pres- 
cription qu'il  ne  suivit  pas  toujours,  se  laissant  entraîner, 
lorsqu'il  dirigeait,  à  chanter  avec  le  chœur.  Sa  parfaite  so- 
briété ne  conserva  pas  non  plus  son  estomac  ;  il  avait  de 
bonne  heure  pris  un  embonpoint  naturel  en  harmonie  avec 
sa  haute  taille;  son  ventre  s'affaissa ,  et  les  fonctions  digestives 
devinrent  pénibles  ;  il  arriva  pis  encore  :  il  perdit  le  som- 
meil si  indispensable  aux  travailleurs,  et  passa  toutes  les  nuits 
dans  un  état  convulsif  des  plus  fatigants,  auquel  se  joignit 
bientôt  une  affection  catarrhale  qui  achevait  de  lui  ôler  ses 
forces.  Il  supporta  tous  ces  maux  avec  la  plus  parfaite  rési- 
gnation, mais  ils  lui  firent   sentir   la   nécessité  de  mettre 
promptement  en  ordre  une  partie  de  ses  travaux  d'érudition 
musicale,  et  de  s'occuper  de  leur  publication.il  imprima 
donc  à  ses  frais  sa  belle  Monographie  de  Palestrina  ,  ne  cher- 
chant pour  ce  grand  ouvrage  de  protecteurs  que  dans  le  ciel, 
comme  le  prouve  la  dédicace  qu'il  en  fait  à  la  vierge  Ma- 
rie (l). 

Depuis  cette  publication ,  Baini ,  forcé  de  restreindre  ses 


(I)  (D«i  para")  virgini  Mari*,  sine  labe  coneeplaî,  JosephusBainius 
quidquid  id  estoperis  dicat  et  consecrat. 


heures  de  travail  auquel  il  substitua  des  pratiques  de  dévo- 
tion ,  ne  s'attacha  plus  à  un  travail  suivi  et,  selon  toute  appa- 
rence ,  renonça  définitivement  à  terminer  son  ouvrage  sur  la 
chapelle  pontificale.  Cependant  ses  souffrances  avaient  quel- 
ques intermittences  qui  n'ont  pas  dû  être  complètement  in- 
fructueuses; elles  lui  ont  du  moins  permis  de  ne  pas  inter- 
rompre ses  fonctions  de  directeur.  Cet  état  s'est  prolongé 
pendant  dix-huit  années  jusqu'au  21  mai  dernier;  dans  la  soi- 
rée de  ce  jour,  le  plus  savant  des  musiciens,  le  plus  respec- 
table des  ecclésiastiques  est  allé  dans  un  autre  monde ,  dans 
un  monde  meilleur,  rejoindre  l'artiste  immortel  dont  il  a 
célébré  et  surtout  imité  les  talents  et  les  vertus.  Le  21  mai , 
le  dernier  cierge  du  candélabre  de  la  semaine-sainte  a  dis- 
paru ;  on  l'a  éteint  derrière  l'autel. 

Ainsi  que  la  plupart  des  artistes  savants,  Baini  n'avait 
d'autre  richesse  et  d'autre  capital  que  sa  bibliothèque  ;  il  l'a , 
je  crois,  laissée  aux  Jésuites  de  Santa-Maria-sopra-Minerva 
ou  du  Collegio  romano.  Elle  se  compose  de  quantité  d'ou- 
vrages précieux  sur  la  théorie,  l'histoire  et  la  pratique  de  l'art 
musical  ;  elle  renferme  la  collection  unique  mais  que  cin- 
quante ans  de  recherches  n'ont  pu  rendre  complète ,  des  édi- 
tions de  Palestrina  imprimées  de  son  vivant  et  après  sa  mort  ; 
Baini  la  forma  en  réunissant  de  tous  côtés  les  parties  isolées 
qu'il  put  rencontrer  et  acquérir,  ou  qui  lui  furent  données 
par  les  établissements  qui  les  possédaient.  On  y  trouve  aussi 
une  quantité  considérable  d'auteurs  de  la  même  époque.  Tout 
ce  que  notre  auteur  a  pu  trouver  d'utile  sur  le  plain-chant  y 
est  rassemblé  ;  les  didacticiens  antérieurs  et  postérieurs  à  Pa- 
lestrina s'y  trouvent  aussi  en  très  grand  nombre.  Elle  n'est 
pas  moins  riche  en  pièces  manuscrites  de  compositeurs  dis- 
tingués dans  le  genre  d'église.  Mais  le  plus  grand  prix  de 
cette  partie  de  la  collection  consiste  dans  les  manuscrits  de 
Baini  lui-même ,  ce  qui  s'entend  non  seulement  de  ses  pro- 
pres ouvrages  mais  de  ceux  de  tous  les  auteurs  mis  en  parti- 
tion pat  lui ,  et  dont  la  collection  remonte  à  l'époque  des 
premières  compositions  importantes  en  contre-point.  Là  on 
retrouve ,  partitionnés  avec  le  plus  grand  soin ,  divers  ou- 
vrages de  Du  Fay,  d'Okeghem ,  de  Josquin,  de  Goudimel  et 
de  quantité  d'autres  ;  là  on  admire  la  collection  complète  de 
l'œuvre  de  Palestrina  en  partition,  formant  trente-six  recueils 
entièrement  de  la  main  de  Baini.  Son  intention  était  dç  pu- 
blier cette  collection ,  et  il  ne  serait  pas  impossible  qu'il  eût 
pris  à  cet  égard  quelques  dispositions.  Il  dépendra  dans  tous 
les  cas  de  ses  héritiers  de  remplir  pour  leur  propre  compte  la 
volonté  bien  connue  du  testateur. 

Il  me  reste  à  dire  un  mot  sur  la  manière  d'enseigner  de 
l'abbé  Baini ,  puisque  j'ai  eu  ,  moi  aussi ,  en  celte  occasion  un 
bonheur  que  je  ne  méritais  pas  et  dont  j'aurais  dû  mieux  pro- 
fiter. En  général  il  donnait  fort  peu  de  leçons  proprement 
dites;  c'étaient  bien  plutôt  des  conseils  sagement  motivés  et 
nés  de  l'examen  du  travail  de  l'élève.  Connue  on  ne  se  pré- 
sentait à  lui  qu'avec  une  connaissance  avancée  de  l'har- 
monie et  des  éléments  du  contre-point,  c'était  principa- 
lement sur  la  fugue  ou  pour  mieux  dire  sur  le  genre  fugué 
qu'il  exerçait  ses  élèves.  Il  donnait  un  motif  de  quelques  me- 
sures dont  il  fallait  tirer  le  meilleur  parti  possible  sans  toute- 
fois s'astreindre  à  la  forme  scolastique;  on  devait  écrire 
alla  Palestrina ,  c'est-à-dire  pour  vo'x  seules  et  en  se  rap- 
prochant autant  que  possible  de  la  manière  du  grand  maître 
dont  Baini  avait  si  profondément  étudié  le  style ,  pénétré  les 
secrets,  deviné  les  artifices.  Tout  en  faisant  cet  exercice,  le 
professeur  permettait  de  composer  des  morceaux  d'église  qu'il 
examinait  et  corrigeait.  En  général  il  ne  s'écartait  pas  de  l'an- 
cien système  d'enseignement  italien  qui ,  quoi  que  l'on  fasse , 


DE  PARIS. 


237 


sera  toujours  au  fond  le  meilleur  en  musique.  Peu  de  pré- 
ceptes, beaucoup  d'exemples,  telle  était  sa  maxime.  Au  reste, 
en  entrant  à  l'école  de  Baini ,  on  devait  se  déprendre  des 
formes  modernes  et  de  la  musique  instrumentale  ;  il  ne  con- 
naissait, disait-il,  rien  de  tout  cela  et  n'y  voulait  effectivement 
rien  connaître.  C'est  qu'il  avait  trouvé  de  quoi  nourrir  son 
âme  dans  l'étude  des  anciens  maîtres  et  des  anciennes  formes. 
Il  ne  concevait  pas  que  l'on  pût  leur  préférer  ou  même  leur 
comparer  quelque  chose.  Sans  doute  c'était  une  erreur  ;  mais 
dans  sa  position  de  directeur  de  la  chapelle  pontiQcale ,  celte 
erreur  lui  fut  salutaire  puisqu'elle  lui  fit  porter  toutes  ses 
forces  sur  le  genre  unique  qu'il  lui  importait  de  cultiver. 
Baini  a  offert  le  spectacle  singulier  d'un  coraposiieur  du 
xix"  siècle  écrivant  précisément  comme  on  le  faisait  au  xvi°. 
11  a  su  retrouver  les  plus  fortes  ,  les  plus  biillanles ,  les  plus 
aimables  couleurs  du  grand  style  créé  à  cette  époque ,  et  il 
s'est  fait  comprendre  en  parlant  une  langue  morte  pour  le 
plus  grand  nombre.  Une  semblable  circonstance,  fort  rare  en 
littérature,  ne  s'était  jamais  offerte  dans  la  musique;  elle  suf- 
firait pour  donner  à  l'abbé  Baini  une  place  très  honorable  et 
tout-à-fait  à  part  parmi  les  compositeurs  d'église.  Mais  ce  qui 
lui  vaudra  par-dessus  tout  la  reconnaissance  de  la  postérité,  ce 
qui  fera  toujours  citer  son  nom  avec  éloge ,  c'est  son  beau 
travail  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  l'illustre  compositeur 
qui  fut  son  unique  modèle ,  œuvre  de  la  plus  vaste  et  de  la 
plus  sincère  érudition  oii ,  plus  encore  qu'ailleurs ,  il  a  dé- 
posé ses  vrais  titres  à  l'immortalité. 

J.  -Adrien  de  La  Fage. 


€jpositi0n  î>es  proîîuits  î)e  r3nî)U9trie. 

QUATRIÈME    ARTICLE. 

Pianos.  —  M.  ff*leyel. 

a  maison  Pleyel 
jouit  d'une  répu- 
tation européenne 
justement  acquise 
par  l'excellence  de 
ses  instruments  qui 
'se  sont  répandus  dans  toutes  les  parties  du 
monde.  Cette  réputation ,  elle  la  doit 
moins  à  des  inventions  marquantes  qu'au 
soin  extrême  qu'elle  a  toujours  apporté  à  sa 
■/\  fabrication.  Loin  de  se  livrer  à  la  recherche 
d'un  nouveau  système,  elle  s'est  contentée  de 
perfectionner  ce  qui  existait,  et  c'est  ainsi 
qu'elle  s'est  élevée  au  rang  qu'elle  occupe. 
Adoptant,  en  1825,  le  mécanisme  anglais,  elle 
lui  fit  subir  de  notables  changement  qui  en  mo- 
difièrent la  nature ,  et  relevèrent  au  plus  haut 
degré  de  perfection. 
On  sait  que  le  mécanisme  anglais ,  renommé  pour  sa  soli- 
dité, pour  la  force  qu'il  imprimait  au  marteau,  avait  le  grave 
inconvénient  de  rendre  le  toucher  trop  lourd ,  et  de  se  re- 
fuser souvent  h  la  répétition  rapide  de  la  note ,  défauts  qui 
le  faisaient  repousser  des  artistes  français  et  allemands. 
M.  Pleyel  est  parvenu  à  lui  donner  une  facilité ,  une  préci- 
sion qui  ne  laisse  rien  à  désirer.  Tous  ses  claviers  obéissent  à 
la  moindre  pression  du  doigt ,  et  se  prêtent  également  à  la 
délicatesse  et  à  l'énergie  de  l'exécution.  Ajoutez  à  cela  que 


la  solidité  de  ses  instruments  est  parfaite,  qu'une  qualité  de 
son  chantante ,  sans  cependant  exclure  la  force ,  leur  donne 
un  charme  particulier,  et  vous  comprendrez  la  vogue  qui  s'y 
est  attachée ,  et  qui  semble  devoir  s'augmenter  tous  les  jours. 

L'exposition  de  M.  Pleyel  se  compose  de  huit  modèles, 
depuis  le  piano  à  queue  du  plus  grand  format  jusqu'au  piano 
droit  et  carré  de  la  plus  petite  dimension.  L'insuffisance  de 
la  place  n'ayant  pas  permis  de  les  ranger  tous  ensemble ,  ils 
ont  passé  successivement  sous  les  yeux  du  public.  C'est  en 
visitant  la  manufacture  même  que  nous  les  avons  vus  réunis , 
et  que  nous  avons  pu  mieux  les  apprécier  en  les  comparant 
entre  eux.  Cette  comparaison ,  loin  de  leur  être  défavorable , 
en  a  fait  au  contraire  ressortir  le  mérite. 

Deux  grands  pianos  à  queue  de  sept  octaves  (de  la  en  la) 
ont  tout  d'abord  fixé  notre  attention.  Rien  de  plus  beau  que 
ces  deux  instruments  destinés  aux  salles  de  concert.  Nous 
croyons  inutile  de  nous  arrêter  ici  à  l'un  des  deux  qui  ne 
présente  rien  de  nouveau  relativement  au  mécanisme  ou  à  la 
construction.  Occupons-nous  plutôt  de  l'autre  qui  se  dis- 
tingue par  une  innovation  remarquable  ayant  pour  but  de 
doubler  le  son. 

Depuis  plusieurs  années  le  piano  ,  en  général ,  a  beaucoup 
gagné  sous  le  rapport  de  la  sonorité.  Les  efforts  de  tous  les 
facteurs  se  sont  dirigés  sur  ce  point;  c'est  en  apportant  des 
modifications  soit  au  système  de  barrage,  soit  à  la  table  d'har- 
monie ,  c'est  en  allongeant  les  cordes ,  en  augmentant  leur 
grosseur  qu'ils  ont  obtenu  des  résultats  plus  ou  moins  heu- 
reux. M.  Pleyel  n'est  pas  resté  étranger  à  ces  tentatives;  ses 
instruments  le  prouvent  assez  pour  que  nous  n'ayons  pas  be- 
soin dinsister.  Mais  dans  le  piano  dont  nous  parlons,  il  ne 
s'agit  pas  de  semblables  changements  de  construction;  il 
s'agit  d'un  moyen  mécanique  mis  à  la  disposition  de  l'exécu- 
tant, et  à  l'aide  duquel  celui-ci  peut  doubler  le  son  de  chaque 
note  en  faisant  entendre  à  la  fois  l'octave.  Par  suite  d'iin  mé- 
canisme particulier ,  une  seule  et  même  touche  mettant  en 
mouvement  deux  marteaux,  celui  de  sa  note  et  celui  de  l'oc- 
tave inférieure,  l'instrument  a  reçu  le  nom  de  piano  à  double 


On  a  vu  dans  notre  dernier  article  une  invention  analogue 
appliquée  au  piano  par  MM.  Boisselot,  nommé  par  euxpiano 
octavié.  Mais  si  les  idées  de  deux  facteurs  se  sont  ren- 
contrées dans  la  recherche  du  même  résultat,  les  procédés 
pour  l'obtenir  diffèrent  essentiellement.  On  se  rappelle  que 
MM.  Boisselot  ont  établi  deux  systèmes,  et  qu'ils  obtiennent 
l'octave  dans  l'un  par  un  seul  marteau  en  multipliant  les 
cordes  ,  dans  l'autre  par  l'action  de  deux  marteaux  frappant 
simultanément  leurs  cordes  respectives ,  et  mis  en  mouve- 
ment par  des  leviers  obliques.  Le  système  de  M.  Pleyel  n'a 
rien  de  commun  avec  le  premier  ;  il  se  rapproche  du  second 
en  ce  qu'il  repose  également  sur  l'emploi  de  leviers  obliques , 
mais  la  combinaison  de  ces  leviers  avec  un  second  échappe- 
ment et  la  manière  d'effectuer  le  coup  de  marteau,  constituent 
une  différence  qui  en  fait  une  invention  nouvelle. 

Voici  la  description  de  ce  mécanisme  : 

Chaque  touche  porte  un  échappement  additionnel  que  la 
pédale  met  en  état  de  fonctionner,  ou  qu'elle  neutralise  en  le 
!  reculant.  Quand  il  fonctionne ,  cet  échappement  soulève  une 
extrémité  d'un  levier  oblique,  dont  l'autre  extrémité  en  s'a- 
baissant  entraîne  avec  elle ,  par  l'intermédiaire  d'une  tige  de 
laiton  ,  un  appendice  en  forme  de  queue  qui  est  ajouté  à  la 
noix  du  marteau  :  ce  mouvement  fait  basculer  le  marteau 
qui  va  frapper  la  corde.  L'idée  de  faire  basculer  le  marteau 
au  lieu  de  le  soulever  par  devant ,  est  peut-être  la  partie  la 
plus  ingénieuse  de  l'invention ,  en  ce  qu'elle  simplifie  consi- 


238 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


dérablement  la  transmission  du  mouvement.  Chaque  marteau 
est  susceptible  d'être  soulevé  de  deux  manières  :  devant  son 
centre ,  par  sa  propre  touche-;  derrière  son  centre ,  par  le 
levier  de  la  touche  de  l'octave.  Un  système  tout-à-fait  ana- 
logue fait  lever  les  étouffoirs. 

Du  reste ,  comme  dans  le  piano  de  MM.  Boisselot ,  la  pé- 
dale qui  met  en  mouvement  ce  mécanisme  se  divise  en  deux 
parties,  c'est-à-dire  que  l'on  peut,  à  volonté,  produire 
l'octave  dans  une  partie  du  clavier  soit  seulement  pour  le 
dessus ,  soit  pour  la  basse.  Nous  nous  sommes  exprimé  sur 
l'inconvénient  que  peut  avoir  cette  division  lorsque  l'ar- 
tiste en  dépasse  la  limite  sans  y  songer,  de  même  que  sur 
l'embarras  causé  par  la  multiplicité  des  pédales.  Cet  em- 
barras, M.  Pleyel  y  a  pourvu  par  une  idée  fort  simple 
mais  très  heureuse  en  arrangeant  ces  deux  pédales  de  ma- 
nière qu'elles  puissent  s'accrocher  par  un  mouvement  du 
pied,  comme  cela  se  fait  aux  pédales  de  la  harpe.  De  cette 
façon  les  pieds  deviennent  libres  pour  pouvoir  employer  en 
même  temps  les  deux  autres  pédales ,  celle  qui  fait  lever  les 
étouffoirs  et  celle  que  l'on  nomme  umcorde.  On  conçoit  la 
variété  des  effets  que  cette  disposition  permet  de  produire. 

Nous  avons  entendu  cet  instrument  sous  les  mains  habiles 
de  M.  Goria  qui ,  familiarisé  avec  toutes  les  ressources  qu'il 
présente  ,  en  a  su  tirer  un  grand  parti.  Nous  ne  doutons  pas 
qu'à  la  prochaine  saison ,  dès  que  ce  piano  sera  joué  dans  les 
concerts,  il  n'obtienne  un  grand  succès. 

On  connaît  les  pianos  à  queue  de  petit  format  (  appelés 
ordinairement  pianos  demi-queue  ) ,  dont  M.  Pleyel  a  com- 
mencé la  fabrication  en  1838 ,  et  qui  ont  été  accueillis  par 
le  public  avec  une  faveur  marquée.  Ils  ont  reçu  depuis  quel- 
ques perfectionnements  de  détail,  qui  contribueront  à  en 
augmenter  le  succès.  Celui  qui  fait  partie  de  l'exposition, 
nous  a  paru  réunir  toutes  les  qualités  désirables  de  ce  genre 
d'instrument. 

Nous  passons  aux  pianos  droits  et  verticaux. 

On  sait  qu'en  1830  M.  Pleyel  importa  d'Angleterre  une 
espèce  de  piano  vertical ,  appelé  dans  ce  pays  piano  piccolo  à 
cause  de  sa  petite  dimension ,  et  auquel  il  donna  le  nom  plus 
court  et  plus  harmonieux  depianino.  Ces  jolis  instruments , 
qui  n'avaient  que  la  largeur  du  clavier,  une  hauteur  et  une 
profondeur  proportionnée  ,  et  qui  se  distinguaient  en  outre 
par  une  qualité  de  son  pure  ,  moelleuse  et  chantante  ,  eurent 
bientôt  la  vogue,  et  se  répandirent  avec  rapidité.  Tout  en 
continuant  la  fabrication  de  ces  pianinos ,  M.  Pleyel  a  établi 
deux  nouveaux  modèles  de  pianos  verticaux  ,  de  dimensions 
un  peu  plus  grandes,  l'un  à  cordes  verticales,  l'autre  à  cordes 
demi-obliques.  Parmi  les  nombreuses  améliorations  appor- 
tées à  ces  instruments ,  il  faut  citer  l'allongement  des  cordes 
de  la  basse,  qui  ont  beaucoup  gagné  pour  la  sonorité.  Il  est 
encore  à  remarquer  qu'en  diminuant  l'obliquité  des  cordes  , 
M.  Pleyel  a  trouvé  moyen  d'introduire  la  pédale  imicorde  , 
qui  ne  se  trouve  pas  dans  les  pianos  à  cordes  entièrement 
obliques.  On  connaît  le  charme  particulier  produit  par  l'em- 
ploi de  cette  pédale ,  qui  donne  au  son  quelque  chose  de  cé- 
leste. 

Un  piano  droit  de  sept  octaves  nous  a  paru  mériter  une  at- 
tention particulière.  Indépendamment  de  sa  puissance  de  son 
qui  rivalise  avec  celle  d'un  piano  à  queue  de  petit  format,  il 
se  distingue  par  des  améliorations  apportées  au  mécanisme 
qui  donnent  au  clavier  une  égalité  et  une  docilité  remar- 
quables. Au  moyen  d'une  équerre  allongeant  l'échappement, 
l'impulsion  donnée  à  la  touche  se  communique  au  marleau 
avec  une  grande  précision.  Le  marteau,  réglé  de  manière 
que  la  moindre  impulsion  le  mette  en  mouvement,  reste 


très  près  de  la  corde ,  et  permet  de  répéter  rapidement  la 
note  par  la  plus  faible  pression  du  doigt  laissé  sur  la  touche. 
On  conçoit  les  avantages  que  présente  un  pareil  clavier  pour 
une  exécution  rapide  et  brillante. 

Il  nous  reste  à  parler  des  pianos  carrés. 

Depuis  quelques  années  le  piano  carré  s'est  ressenti  de  la 
terrible  concurrence  du  piano  droit  et  vertical.  Peut-être 
faut-il  s'en  prendre  aux  architectes  :  les  appartements  des 
nouvelles  constructions  devenant  de  jour  en  jour  plus  exigus, 
il  est  tout  naturel  qu'on  donne  la  préférence  aux  instruments 
qui  occupent  le  moins  de  place.  Aussi  quelques  facteurs  ont- 
ils  renoncé  à  la  fabrication  des  pianos  carrés ,  pour  s'en  tenir 
uniquement  à  un  genre  plus  commode  dont  le  débit  est  as- 
suré. Toutefois  le  piano  carré  ne  saurait  être  abandonné  en- 
tièrement ;  il  convient  mieux  pour  l'étude  :  les  professeurs 
sont  d'accord  sur  ce  point.  M.  Pleyel,  pianiste  distingué 
lui-même ,  ne  pouvait  manquer  de  faire  des  efforts  pour  sou- 
tenir le  piano  carré.  Il  fallait  pour  cela  diminuer  son  volume 
tout  en  lui  conservant  ses  qualités  ;  c'est  ce  que  le  célèbre 
facteur  a  fait  en  établissant  un  petit  format  fabriqué  avec  un 
soin  particulier.  Tout  récemment  il  y  a  apporté  des  amélio- 
rations ,  parmi  lesquelles  nous  citerons  une  nouvelle  combi- 
naison de  barrage ,  qui ,  en  assurant  la  solidité  de  l'instru- 
ment, a  permis  d'augmenter  la  grosseur  des  cordes.  Au 
nombre  des  pianos  qu'il  expose ,  nous  en  avons  remarqué  un 
à  deux  cordes ,  dont  le  son  se  distingue  non  seulement  par 
l'intensité ,  mais  encore  par  une  rondeur  égale  dans  toutes 
les  parties  du  clavier. 

Telle  est  l'exposition  de  la  maison  Pleyel. 

Nous  ne  terminerons  pas  la  revue  de  ces  instruments ,  sans 
ajouter  quelques  mots  sur  cette  grande  manufacture  qui 
compte  quarante  années  d'existence.  Fondée,  en  1805,  par 
le  célèbre  compositeur  Ignace  Pleyel ,  elle  marcha  d'abord 
sans  grand  éclat.  Réorganisée,  en  1825,  par  M.  Camille 
Pleyel ,  le  chef  actuel ,  elle  prit  un  développement  aussi  bril- 
lant que  rapide,  et  parut  pour  la  première  fois  à  l'exposition 
de  1827,  où  elle  obtint  la  médaille  d'or.  Depuis  cette  époque 
elle  n'a  cessé  d'être  en  progrès ,  et  aujourd'hui  elle  est  deve- 
nue un  des  établissements  les  plus  considérables  qui  honorent 
l'industrie  française  placée  en  première  ligne  pour  la  fabri- 
cation des  instruments. 

G-.E.  Anders. 


REVUE    CRITIQUE. 

KM.  Rosenhàin  ,  —  Seligmann ,  —  Heller,  —  Stamaty, 
-  K.alkbrenner,  Panofka  et  Tbalberg.  —  M""_  Clara  Ffeifier. 

ar  le  temps  de  pianisme  qui  court ,  ce  ne  serait 
peut-être  point  une  question  indigne  d'occuper 
les  Académiesde  musique,  les  Sociétés  philanthro- 
piques ou  philharmoniques  que  celle  de  savoir 
si  c'est  chose  possible  à  un  pianiste  d'être  tout 
à  la  fois  soliste,  professeur  et  compositeur.  Plusieurs  ont  la 
prétention  d'avoir  ce  triple  talent;  mais  justifient-ils  cette 
prétention?  Cette  seconde  question  n'est  pas  moins  délicate 
à  résoudre  que  la  première.  On  peut  répondre  à  cela  que 
c'est  une  question  complexe  de  temps ,  de  facilité  et  d'ac- 
tivité. En  attendant  la  résolution  de  ces  problèmes  qui  inté- 
ressent l'harmonie  de  l'Europe ,  nous  nous  occuperons  de 
ce  que  produisent  les  pianistes-compositeurs,  parmi  les- 
quels figure  d'une  manière  honorable  M.  Rosenhain.  Cet  ha- 


DE  PARIS. 


239 


bile  artiste ,  en  payant  tribut,  comme  tous  ses  confrères,  au 
goût  du  jour  et  au  besoin  commercial  des  éditeurs ,  en  écri- 
vant des  fantaisies  sur  les  opéras  à  la  mode,  compose,  comme 
pour  se  dédommager,  de  la  musique  plus  sérieuse. 

Il  a  déjà  fait  paraître  depuis  quelque  temps  un  trio  en  ré 
mineur  pour  piano ,  violon  et  violoncelle ,  œuvre  d'un  excel- 
lent caractère  et  tout-à-fait  dans  la  manière  de  Beethoven , 
quoique  empreint  cependant  de  l'individualité  de  l'auteur. 
L'andanle  et  les  cherzo  sont  deux  perles  musicales  qui  scin- 
tillent dans  cet  écrin  de  charmantes  mélodies  et  de  spirituelles 
harmonies.  Le  final  est  un  morceau  d'école  savamment  travaillé 
en  style  fugué  et  qui  témoigne  du  bon  et  vrai  savoir  de  M.  Ro- 
senhain.  Ses  deux  fantaisies  sur  iaflei'nerfêC/ji/pre,  l'une  à  deux 
mains  et  l'autre  à  quatre  mains,  sont  aussi  deux  œuvres  d'art 
autant  que  d'arrangement.  Rien  de  mieux  coupé  pour  l'effet, 
de  mieux  arrangé  que  ces  deux  œuvres  dont  le  premier  est 
intitulé  :  Morceau  de  concert,  ou  variations  brillantes  sur 
la  Reine  de  Chypre.  Après  une  introduction  pleine  d'entrain 
en  mi  bémol,  vient  un  thème  de  l'opéra,  suivi  de  deux  va- 
riations sur  ce  thème ,  puis  sur  celui  de  Triste  exilé ,  chanté 
dans  les  cordes  basses  de  l'instrument ,  ce  qui  conserve  bien 
la  teinte  de  mélancolie  qui  distingue  cet  air  ;  et  puis  quand 
l'auteur  s'est  promené  capricieusement  et  avec  une  pompeuse 
harmonie  dans  ce  thème ,  il  compose  chaleureusement  sa  pé- 
roraison de  deux  autres  motifs  de  l'opéra  en  mesures  à  deux- 
quatre  et  à  trois-huit  en  mouvement  de  valse,  terminant  ainsi 
cette  jolie  fantaisie  d'une  manière  brillante  et  pleine  d'éclat 
qui  est  fort  justement  intitulée  Morceau  de  concert.  Celui 
qui  porte  le  titre  de  Grande  fantaisie  dramatique  est  égale- 
ment fait  sur  des  motifs  de  la  Reine  de  Chypre;  c'est  un 
œuvre  plus  curieux.  Ce  morceau  pour  piano  à  quatre  mains 
est  plein  d'harmonies  ingénieuses  et  de  mélodies  accompa- 
gnées délicieusement.  C'est  un  dialogue  vif,  animé  et  des 
plus  dramatiques  entre  quatre  mains  sur  le  même  clavier,  qui 
plaît  autant  à  ceux  qui  se  livrent  à  cette  conversation  savante 
et  spirituelle  qu'à  ceux  qui  l'écoutent. 

— M.  Séligmann,  l'un  de  nos  bons  violonceUistes,  vient  de 
lancer  dans  la  circulation  musicale  Six  études  caractéris- 
tiques pour  le  violoncelle  avec  accompagnement  de  piano. 
Ce  recueil  est  tout  à  la  fois  scolastique  et  gracieux ,  c'est-à- 
dire  que  ce  sont  des  morceaux  pleins  de  mélodie  et  qui  tous 
résument,  par  un  excellent  travail ,  les  principales  difficultés 
de  l'art  si  difficile  déjouer  de  la  basse.  On  \oit  qu'une  pensée 
poétique  s'est  alliée  à  la  pensée  d'école  qui  a  présidé  à  la  com- 
position de  ces  études.  Il  semble  entendre  dans  la  seconde 
un  vent  frais ,  une  brise  matinale  caressant  les  flots  de  la  mer, 
le  feuillage  des  bois ,  ou  balançant  les  tiges  et  les  têtes  do- 
rées des  innombrables  épis  de  bled  qui  murmurent  en  se 
courbant  et  vous  bercent  des  suaves  harmonies  de  la  fécon- 
dité. La  troisième  élude  en  sol  majeur  exprime  en  double 
corde  et  par  le  staccato  sautillé  de  l'archet ,  les  palpitations 
d'un  cœur  agité;  et  la  quatrième  fait  succéder  à  cette  agita- 
tion le  calme  par  un  chant  large  et  lié  qui  se  promène  dans 
le  ton  doux  et  tendre  de  la  majeur  ;  car  le  choix  de  la  tona- 
lité est  plus  important  qu'on  ne  le  pense  généralement  pour 
la  peinture  des  impressions  de  l'âme  en  musique.  Le  n°  5  en 
fa  majeur  à  trois  temps  et  en  triolets  semprc  legali  est  bien 
modulé  et  peint,  comme  l'auteur  en  a  eu  l'intention,  une 
douce  rêverie  ;  et  puis  la  dernière  de  ces  jolies  études  est 
comme  une  pastorale  au  milieu  de  laquelle  intervient  un 
agitato  appassionato  tout  empreint  d'une  couleur  drama- 
tique se  terminant  d'une  manière  large  et  pompeuse  ,  qui 
complète  on  ne  peut  mieux  cette  demi-douzaine  de  char- 
mantes pensées  musicales  auxquelles  l'auteur  fera  bien  de 


donner  un  pareil  nombre  de  sœurs  au  nombre  de  six ,  certain 
qu'il  peut  être  qu'on  ne  dira  point  que  ce  sont  des  études  à 
la  douzaine. 

—  Malgré  les  justes  critiques  que  l'on  fait  des  arrange- 
ments en  musique,  critiques  auxquelles  nous  joignons  sou- 
vent les  nôtres,  cela  ne  nous  empêche  pas  de  reconnaître  qu'un 
motif  pris  dans  une  belle  partition  et  spirituellement  travaillé 
par  un  compositeur  qui  sait  bien  ,  ne  soit  une  chose  fort 
amusante.  Or,  en  fait  de  belles  partitions,  celle  de  la  Juive 
n'oifre  que  l'embarras  du  choix  pour  y  puiser  des  motifs. 
C'est  dans  ce  chef-d'œuvre  de  M.  Halévy  que  M.  Stephen 
Heller  a  pris  ceux  de  deux  fantaisies  qu'il  vient  d'écrire.  Cela 
est  mélodieux,  d'une  harmonie  recherchée,  élégante  et  d'une 
exécution  facile;  cela  convient  à  toutes  les  intelligences  mu- 
sicales ,  à  tous  les  doigts  et  qui  plus  est  à'toutes  les  bourses. 
Le  boléro  pris  dans  le  même  opéra ,  est  un  délicieux  caprice 
que  tous  les  amateurs  voudront  lire.  La  partition  de  Char- 
les VI  n'a  pas  moins  bien  inspiré  M.  Heller  qui  a  aussi  tiré 
de  cet  ouvrage  une  fantaisie  sur  le  motif  de  la  romance  :  En 
respect  mon  amour  se  change ,  et  un  caprice  sur  le  joli  thème  : 
Avec  la  douce  chansonneile ,  etc.  C'est  toujours  le  même 
faire  spirituel,  mélodique,  facile  et  provoquant  l'exécution 
comme  l'audition. 

—  Et  pour  en  revenir  à  la  Juive,  disons  que  M.  Stamaty, 
pianiste  élégant ,  de  l'école  de  M.  Kalkbrenuer,  qui  professe 
plus  qu'il  ne  compose ,  a  écrit  cependant  aussi  sur  la  Juive 
une  fantaisie  dramatique  d'un  style  un  peu  recherché, 
tourmenté,  mais  qui  n'en  est  pas  moins  un  morceau  bien 
conçu ,  bien  attaché  dans  toutes  ses  parties  et  qui  dénote  de 
l'avenir  dans  ce  jeune  compositeur. 

—  Son  maître ,  ainsi  que  nous  venons  de  le  dire,  M.  Kalk- 
brenuer puisant  aux  mêmes  sources  a  composé,  en  société  de 
àl.  Panofka,  un  duo  pour  piano  et  violon,  excellent  morceau  de 
musique  iniime  et  de  concert.  Si  ceux  qui  ont  bien  présent  au 
souvenir  l'œuvre  de  M.  Halévy  peuvent  trouver  étrange  que  les 
douleurs  paternelles  d'ÉIéazar  :  Dieu  m'éclaire,  fille  chère,etc. , 
soient  interprêtées  en  petites  notes  et  en  notes  de  passage  sur  le 
piano  dès  la  première  variation  ,  ils  reconnaîtront  avec  quel 
art  tout  ce  qui  est  mélodie  a  été  placé  au  violon  qui  chante 
délicieusement  dans  ce  duo ,  et  notamment  le  thème  en  me- 
sure à  douze-huit  :  Rachel  quand  du  Seigneur,  etc.  Le  final 
en  polonaise  de  ce  grand  duo  est  du  plus  brillant  effet  et  as- 
sure, ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit,  à  ce  morceau  un  succès 
de  chambre  et  de  concert.  Un  grand  duo ,  également  pour 
piano  et  violon ,  sur  la  Béatrice  di  tendu  de  BelUni ,  a  été 
composé  par  MM.  Thalberg  et  Panofka.  Ce  morceau  est,  de 
même  que  le  précédent,  parfaitement  écrit  dans  le  caractère 
des  deux  instruments  par  ces  deux  habiles  instrumentistes  et 
est  destiné  à  un  égal  succès.  C'est  bien  dialogué,  c'est  chau- 
dement mené  et  c'est  brillant  sans  être  trop  difficile,  car  tout 
cela  est  empreint  de  cette  belle  mélodie  italienne  dont  Bellini 
surtout  savait  faire  un  mélange  de  drame  et  de  chant. 

—  M""=  Clara  Pfeiffer  est  une  pianiste  dont  le  jeu  est  net , 
pur,  dont  le  phrasé  est  tout  empreint  d'élégance  et  de  sen- 
sibilité: elle  sent  profondément  la  musique,  et  comme  elle 
s'est  familiarisée  à  tous  les  styles  par  l'exécution ,  elle  a  voulu 
s'essayer  à  en  avoir  un  qui  lui  fût  propre;  elle  a  donc  écrit 
de  charmantes  études  et  vient  de  laisser  tomber  de  sa  plume 
facile  deux  jolis  nocturnes  tout  pleins  de  distinction  et  de 
grâce,  de  mélancolie  et  de  naïveté  :  cela  se  dit,  se  redit  et  se 
redit  encore ,  et  l'on  en  conserve  un  doux  souvenir;  et  l'on 
regrette  que  M°'  Pfeiffer  n'ait  écrit  que  ces  deux  nocturnes, 
et  l'on  voudrait  qu'elle  en  eût  jeté  vingt,  quarante,  cent  sur 
le  papier...  Pourquoi  M°'=  Pfeiffer  ne  se  ferait-elle  pas  un 


2A,0 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


nom  par  ses  mille  et  un  nocturnes ,  comme  l'abbé  Gallaud 
par  ses  Mille  et  une  Nuits? 

Henri  Beanchakd. 


'Variétés. 

1"  et  2'  livraisons. 

Les  Beautés  de  l'Opéra  !  !  !  quel  titre  et  quel  sujet  pour  le 
dessinateur,  pour  l'écrivain ,  pour  le  typographe  !  quel  char- 
mant ouvrage  ne  doit  pas  enfanter  cette  triple  émulation,  en- 
flammée par  le  juste  désir  de  ne  pas  rester  au-dessous  de 
l'attente  du  public  !  Eh  bien  !  cet  ouvrage  on  l'a  entrepris,  on 
le  publie ,  on  nous  en  a  déjà  donné  deux  livraisons ,  et  nous 
sommes  obligé  de  le  dire  sans  exagération ,  sans  flatterie , 
c'est  un  petit  chef-d'œuvre  de  luxe  et  de  bon  goût ,  de  co- 
quetterie et  d'élégance.  Le  crayon,  le  style  et  la  typographie 
s'y  escriment  à  l'envi.  Les  beautés  y  sont  aussi  belles ,  plus 
belles  peut-être  qu'elles  ne  nous  apparaissent  à  l'Opéra ,  pays 
des  illusions ,  et  leur  conquête  n'y  offre  pas  ces  grandes  diffi- 
cultés ,  leur  possession  ces  terribles  périls  qui  font  trembler 
les  plus  intrépides. 

Autant  de  livraisons,  autant  de  beautés.  La  première  de 
toutes ,  c'est  Giselle  ou  plutôt  Carlotta  Grisi ,  costumée  en 
reine  de  la  vendange  et  reproduite  avec  une  fidélité  si  par- 
faite qu'on  ne  saurait  dire  lequel  des  deux  doit  être  le  plus 
jaloux ,  le  portrait  de  l'original  ou  l'original  du  portrait?  Et 
puis  en  quelques  lignes ,  M.  Théophile  Gautier,  son  bio- 
graphe et  son  poëte  ,  nous  raconte  d'où  venait  Carlotta  lors- 
qu'il lui  plut  d'effleurer  notre  sol  de  la  pointe  de  son  joli 
pied.  Il  nous  apprend  qu'elle  est  née  en  l'an  de  grâce  1821 , 
à  Visinada ,  petit  village  de  la  haute  Istrie ,  dans  un  palais 
désert  où  l'empereur  François  II  avait  passé  quelques  nuits, 
et  qu'elle  vint  au  monde  dans  le  lit  même  honoré  du  sommeil 
impérial.  Elle  ne  marchait  pas  encore  ,  qu'elle  dansait  déjà , 
mieux  qu'une  simple  fille  de  la  terre,  et,  comme  elle  portait 
le  nom  de  Grisi ,  elle  chantait  aussi  de  toute  sa  voix ,  de  toute 
son  âme ,  si  bien  que  M""  Malibran  ,  qui  la  rencontra  en  An- 
gleterre ,  lui  conseilla  d'abandonner  la  danse  pour  le  chant. 
Si  M""=  Malibran  se  fût  appelée  Taglioni  ou  Ellsler,  le  conseil 
eût  été  suspect  ;  tout  sincère  qu'il  était,  Carlotta  ne  le  suivit 
pas.  Une  fois  seulement ,  au  théâtre  de  la  Renaissance ,  dans 
le  Zingaro ,  elle  chanta  et  dansa  le  même  soir,  mais  depuis 
ce  temps  elle  comprit  que  c'était  assez  d'une  Julie  Grisi  pour 
toute  une  famille,  et  elle  garda  la  danse  pour  son  lot;  ne  pen- 
sez-vous pas  qu'elle  fit  bien  ? 

La  seconde  beauté  ,  c'est  une  beauté  lyrique ,  c'est  la  Ro- 
sine du  Barbier  de  Sëville ,  sous  les  traits  de  M"'"  Persiani , 
qui  en  effet  s'embellit  dans  ce  délicieux  rôle  de  toute  la  grâce 
fine  et  mutine  dont  Beaumarchais  et  Rossini  ont  pétri  la  pu- 
pille du  docteur  Bartolo,  qui  s'y  pare  du  flot  de  diamants, 
du  réseau  de  perles ,  que  son  gosier  magique  laisse  échapper 
avec  chaque  note.  Ici  néanmoins  pas  de  doute  possible  : 
l'original  doit  être  jaloux  du  portrait. 

N'allez  pas  croire  que  le  travail  du  dessinateur  se  borne  à 
retracer  l'image  des  beautés  dansantes  et  chantantes.  Chaque 
livraison  renferme  un  texte  consacré  à  l'analyse  du  ballet  ou 
de  l'opéra  dont  la  beauté  est  l'héroïne.  L'analyse  de  Giselle 
et  celle  du  Barbier  sont  dr.es  à  la  plume  abondamment  spi- 
rituelle de  M.  Théophile  C  autier  ;  et  à  mesure  que  le  drame 
se  déroule ,  le  dessinateur  en  saisit  les  principales  scènes 


qu'il  se  hâte  d'esquisser  dans  des  vignettes  ravissantes.  La 
plume  et  le  crayon  marchent  donc  toujours  d'intefligence ,  et 
font  des  Beautés  de  l'Opéra  un  livre  sans  pareil  qui  trouvera 
naturellement  sa  place  partout  où  l'on  s'intéresse  à  l'Opéra 
et  à  la  beauté. 

P.  S. 


Correspondauee  particulière. 

Londres ,  6  juillet. 

Ernst ,  le  célèbre  et  grand  violoniste ,  que  l'Europe  admire  égale- 
ment pour  ses  éminentes  qualités  d'artiste  et  d'homme ,  vient  de 
donner  son  concert  d'adieu  dans  les  salons  d'Hanover-square,  en 
présence  du  duc  de  Cambridge  et  d'une  foule  d'amateurs  d'élite.  On 
se  souvenait  de  sa  généreuse  conduite  envers  la  Société  royale  des 
musiciens  et  de  la  délicatesse  de  ses  procédés  en  toute  circonstance. 
Ernst  ne  ressemble  nullement  à  cet  artiste  qui ,  venant  en  Angle- 
terre et  sollicité  de  prendre  part  à  une  œuvre  cbaritable,  répondit  : 
«  Je  viens  en  ce  pays  jouer  pour  les  riches  et  non  pour  les  pauvres,  o 
Au  contraire  il  s'est  Tait,  ainsi  que  Liszt,  une  réputation  de  libéra- 
lité à  toute  épreuve  ;  jamais  il  n'a  refusé  de  jouer  au  bénéfice  de 
personne.  Quant  à  ce  qui  le  dislingue  et  le  caractérise  particulière- 
ment comme  artiste,  c'est  la  poétique  élévation  de  son  style,  c'est 
le  profond  sentiment  musical  qui ,  chez  lui ,  s'allie  à  l'étendue  de 
l'intelligence.  Jamais  peut-être  il  n'en  a  donné  de  preuves  plus  ma- 
nifestes que  dans  son  dernier  concert  où,  se  trouvant  en  rapport 
avec  un  auditoire  plein  d'enthousiasme  et  de  sympathie ,  il  a  pu  dé- 
ployer tout  ce  qu'il  sentait  en  lui  de  puissance  avec  une  liberté,  une 
chaleur,  une  énergie  dont  les  effets  ont  été  prodigieux.  Le  concert 
commençait  par  le  quatuor  de  Mendeissohn  en  mi  mineur  pour  deux 
violons,  alto  et  basse,  délicieusement  interprété  par  Ernst,  Goffrie, 
Hill  et  Haussmann;  le  scherzo  eut  les  honneurs  du  bis  ainsi  que  l'an- 
dante  dont  le  canlabile  fut  rendu  par  Ernst  avec  un  charme  inex- 
primable. Ce  dernier  joua  ensuile  une  nouvelle  fantaisie  intitulée 
par  luiin7/aH(e  e(  dramatique  ,  et  il  l'exécuta  de  manière  à  prouver 
que  ces  épithètes  n'avaient  rien  de  trompeur.  Cette  fantaisie ,  avec 
accompagnement  d'orchestre,  a  pour  thème  principal  un  motif  de 
Ludovic,  opéra  d'Hérold.  Ernst  l'a  travaillé  avec  toute  la  grâce  et 
toute  l'élégance  possible.  Les  amateurs  n'auraient  pas  demandé 
mieux  que  de  faire  répéter  toutes  les  variations  l'une  après  l'autre  ; 
celle  qui  se  compose  de  traits  d'une  extrême  difficulté  mêlée  d'arpèges 
et  de  pizzicato  excita  de  tels  transports  qu'il  n'y  eut  pas  moyen  de 
ne  pas  la  redire.  Après  la  fantaisie,  Ernst  joua  la  fameuse  sonate  de 
Beethoven,  dédiée  à  Kreutzer,  en  la  mineur,  avec  Moscheles,  et  mal- 
gré sa  longueur,  ce  morceau  fut  salué  de  bravos  frénétiques.  C'était 
entre  les  deux  artistes  une  lutte  magnifique  de  grandeur,  d'origina- 
lité, de  maestria.  Le  chef-d'œuvre  de  Beethoven  ne  pouvait  être  rendu 
avec  une  plus  complète  intelligence  du  sentiment  qui  l'avait  inspiré. 
Ernst  revint  jouer  la  ballade  de  Schubert,  le  Hoi  des  Aulnes,  trans- 
crite pour  violon:  il  faut  renoncer  à  décrire  l'impression  qu'il 
produisit,  mais  il  est  bon  de  dire  qu'immédiatement  avant  que  la 
ballade  fût  jouée  par  Ernst,  miss  Dolby  l'avait  supérieurement 
chantée,  accompagnée  sur  le  piano  par  Mendelssohn  avec  une  per- 
fection admirable.  La  traduction  donnée  par  Einst,  toute  palpitante 
d'émotion,  de  passion  combinée  avec  l'habileté  matérielle,  offrait  le 
nec  plus  ultra  de  la  vigueur,  de  la  précision  ,  de  l'élégance.  Enfin  le 
grand  artiste  couronna  sa  longue  et  laborieuse  tâche  en  exécutant 
son  caprice  sur  les  thèmes  du  Pirate.  Ce  qu'il  y  eut  encore  de  vrai- 
ment remarquable  dans  cette  séance ,  c'est  le  triple  concerto  de 
Bach  pour  trois  pianos  arrangé  par  Moscheles  et  exéculé  parlai, 
Mendelssohn  et  Doehier,  c'est  la  Tarentelle  napolitaine  exécu- 
tée par  Doehier,  ce  sont  en  outre  les  morceaux  chantés  par  miss 
Dolby  et  Staudigl  pour  faire  diversion  à  la  partie  instrumentale 
si  griinde  et  si  imposante  qui  formait  la  base  de  ce  beau  con- 
cert. 


LE  PIANO  RUE  NOTRE-DAME  DE  LOKETTE. 

l^essin  de  Gravarni. 

Le  seul  commentaire  possible  de  cette  excellente  figure  de 
femme,  qui  réunit  toutes  les  conditions  du  genre,  vérité 


DE  PARIS. 


mi 


d'expression,  d'attitude,  de  costume,  ce  sont  les  deux  vers 
que  l'auteur  de  VIrato  a  mis  dans  la  bouche  de  sa  charmante 
Isabelle  : 

Et  quand  je  ne  fais  pas  l'amour, 
Je  fais  au  moins  de  la  musique. 


*,*  Demain  lundi ,  à  l'Opéra,  Roben-le- Diable  ,  chanté  parPoul- 
tier. 

*,"  Deux  débuis  ont  eu  lieu  cette  semaine  dans  la  danse,  celui  de 
M.  Toussaint,  qui  a  joué  le  rôle  de  Lionel  dans  Lady  Henriette ,  et 
celui  deM"«  Smirnof,  première  danseuse  du  Théâtre  impérial  de 
Russie.  M.  Toussaint ,  mime  et  danseur  de  bonne  école,  est  engagé 
pour  doubler  Petitpa  ;  M"»  Smirnof,  qui  est  venue  à  Paris  pour  tra- 
vailler son  art,  n'a  voulu  que  nous  montrer  un  échantillon  de  son 
talent. 

%*  M""  Bretin  a  aussi  fait  son  second  début  dans  un  pas  de  deux 
avec  Mabille  :  elle  a  été  fort  applaudie ,  et  méritait  de  l'être. 

*,"  Poultier  s'est  essayé  mercredi  dernier  dans  le  rôle  principal  de 
Jtoberi-te-Diable.  Hâtons-nous  de  dire  que  cette  épreuve,  sollicitée 
par  le  jeune  artiste,  et  qui  pouvait  d'abord  sembler  téméraire  ,  a 
été  couronnée  d'un  plein  succès.  Poultier  ne  s'est  trompé  ni  en 
comptant  sur  lui-même  ni  en  se  fiant  aux  sympathies  du  public. 
La  foule  est  venue  ;  la  recette  a  dépassé  7,000  fr.,  et  il  y  a  lieu  de 
croire  qu'à  la  seconde  épreuve  il  y  aura  encore  plus  de  monde.  La 
voix  de  Poultier,  sauf  la  force,  ne  manque  pas  d'analogie  avec  celle 
d'Adolphe  Nourrit  :  il  attaque  facilement  les  notes  de  tête  que  son 
célèbre  devancier  donnait  avec  tant  d'éclat.  Poultier  a  donc  rétabli 
le  rôle  du  prince  normand  lel  que  l'a  écrit  Meyerbeer  :  il  l'a  chanté 
tel  qu'on  le  lit  dans  la  partition.  Dès  le  premier  acte,  on  a  remarqué 
la  netteté,  la  légèreté  avec  laquelle  il  a  dit  la  sicilienne;  au  troi- 
sième ,  il  s'est  très  bien  tiré  du  trio  sans  accompagnement;  il  n'a 
bronché  que  dans  un  seul  passage  du  duo  :  Des  chevaliers  de  ma  pa- 
trie ,  celui  où  les  modulations  s'enchaînent  sur  les  paroles  :  Conquis 
par  ma  valeur,  ce  rameau  redouté,  etc.;  mais  bientôt  l'artiste  a  repris 
ses  avantages,  et  enlevé  les  bravos  les  plus  légitimes  tant  au  qua- 
trième qu'au  cinquième  acte.  Poultier  a  fait  un  pas  en  avant  comme 
chanteur  et  comme  acteur;  il  a  conquis  un  rôle  qui  sera  le  plus  beau 
de  son  répertoire.  M"»"  Dorus-Gras,  Levasseur  et  M"=  Dobré  con- 
couraient à  l'attrait  de  cette  intéressante  représentation. 

",*  Duprez  était  le  9  de  ce  mois  à  Bruxelles  ;  il  se  rendait,  di- 
sait-on ,  à  Spa ,  comme  simple  voyageur,  et  pour  se  reposer  de  ses 
fatigues. 

*,*  Barroilhet  n'a  pas  encore  quitté  Paris.  Le  mal  de  gorge  dont  il 
souffrait.a  eu  plus  de  durée  et  d'intensité  qu'on  ne  devait  le  croire. 
Le  voyage  du  célèbre  artiste  à  Bayonne ,  sa  ville  natale  ,  est  encore 
incertain. 

*,"  L'arrivée  du  ténor  Gardoni  a  suivi  de  près  celle  du  baryton 
Latour  ;  on  n'attend  plus  qu'une  basse  italienne  dont  le  nom  a  été 
confondu  avec  celui  du  célèbre  chanteur  allemand,  Staudigl.  Ce 
dernier  n'est  nullement  engagé  à  l'Opéra  :  il  en  avait  été  question 
l'année  dernière,  mais  à  raison  de  divers  obstacles  tous  les  projets 
sont  actuellement  rompus. 

V  Dérivis  est  à  Paris  en  ce  moment. 

V  Demain  lundi,  l'Opéra-Comique  doit  donner  la  première  re- 
présentation des  Quatre  ftls  Aymon ,  dont  la  musique  est  de 
M.  Balfe. 

V  Chaix,  qui  devait  débuter  à  ce  théâtre  dans  Actéon  ,  s'y  mon- 
trera d'abord  dans  l'Eau  merveilleuse. 

',"  Tous  les  théâtres  ont  été  fermés  hier,  samedi ,  à  l'occasion  de 
l'anniversaire  de  la  mort  de  S.  A.  R.  le  duc  d'Orléans. 

*,*  M»»  Viardot-Garcia  et  sa  belle-sœur.  M""»  Eugénie  Garcia , 
sont  arrivées  ici,  l'une  venant  d'Allemagne,  l'autre  d'Angleterre. 

".*  Le  texte  de  l'opéra  que  Meyerbeer  écrit  pour  l'ouverture  du 
théâtre  de  Berlin  est  de  MM.  Tieck  et  PiCllstab. 

',*  La  commission  nommée  pour  juger  les  instruments  de  mu- 
sique qui  avaient  été  admis  à  l'Exposition,  est  composée  de  MM.  Au- 
ber,  Habeneck,  Gallay,  Séguier,  membre  de  l'Académie  des  sciences, 
et  de  M.  Savait.  On  compte  deux  cents  pianos,  plus  de  cent  violons, 
basses  et  contrebasses,  cent  vingt  instruments  en  cuivre  de  toutes 
les  dimensions,  et  autant  de  flùles,  clarinettes,  hautbois  et  bassons. 


V  Comme  nous  l'avons  annoncé,  le  grand  festival  de  l'Industrie, 
qui  aura  lieu  au  palais  de  l'Exposition,  sera  partagé  en  deux  jour- 
nées. Le  programme  de  la  première  journée  se'compose  de  l'ouver- 
ture de  la  f^estate  (Spontini);  de  la  scène  du  troisième  acte  d'Armide 
(Gluck);  de  la  marche  au  supplice  (Berlioz);  de  la  prière  de  Moïse 
(Rossini)  ;  de  l'ouverture  du  Freysclmlz  (Weber)  ;  de  l'hymne  à  la 
France,  'exécuté  pour  la  première  fois  (Berlioz)  ;  de  la  prière  de  la 
Muette  (Auber);  de  Vadagio  Qnal  delà  symphonie  en  ut  mineur  (Bee- 
thoven); de  la  bénédiction  des  poignards  des  Huguenots  (Meyerbeer)  ; 
de  l'hymne  à  Bacchus  (Mendelssohn;;  de  la  symphonie  funèbre  (Ber- 
lioz). L'orchestre,  conduit  par  M.  Berlioz,  comptera  863  exécutants. 
Les  choristes  seront  au  nombre  de  400.  Le  second  jour  du  festival . 
M.  Strauss  dirigera  un  nombreux  orchestre  de  bal.  Jamais  fête  mu- 
sicale n'aura  réuni  d'aussi  nombreux,  d'aussi  puissants  éléments  de 
succès. 

*,*  VAntigone  de  Sophocle,  telle  que  l'a  représentée  l'Odéon , 
avec  la  mise  en  scène  antique  et  les  chœurs  de  Mendelssohn,  a  com- 
mencé ses  excursions  départementales ,  et  vient  d'obtenir  un  grand 
succès  à  Rouen. 

V  Les  cendres  d'Elleviou  ,  mort  à  Paris  il  y  a  deux  ans ,  ont  été 
rapportées  dans  sa  résidence  de  Rouziéres ,  près  de  Lyon  ,  par  sa 
veuve.  On  sait  que  cet  artiste  distingué  était  maire  de  sa  commune 
depuis  un  certain  nombre  d'années. 

",*  La  troupe  allemande  qui  a  obtenu  de  si  beaux  succès  à  Gand 
doit  quitter  cette  ville  du  1-3  au  15  de  ce  mois  pour  aller  donner  des 
représentations  à  Anvers. 

*,*  M.  Derre  vient  de  faire  un  buste  extrêmement  ressemblant 
de  M.  Prudent;  nous  ne  doutcns  pas  que  les  nombreux  amis  de 
l'habile  pianiste  ne  s'empressent  de  se  le  procurer  au  prix  modique 
de  cinq  francs. 

Clu'oniiiue   départementale. 

*/  Versailles.  —  Notre  théâtre  vient  de  fermer  jusqu'au  mois  de 
septembre  ,  et  pour  la  représentation  de  clôture  on  a  donné  la  Favo- 
rite,  dans  laquelle  M.  Jourdain  a  fait  son  second  début.  Aucune 
pièce  du  répertoire  n'a  été  montée  avec  plus  d'ensemble.  M.  Jour- 
dain nous  était  connu  comme  chanteur,  mais  comme  acteur  il  nous 
a  étonné.  Une  bonne  tenue,  une  belle  diction  et  une  charmante  voix 
senties  qualités  qu'il  a  su  puiser  au  Conservatoire,  dont  il  tait  encore 
partie.  Les  applaudissements  d'une  salle  comble  lui  ont  souvent  té- 
mQigné  la  sympathie  du  public. 

Clïi'oiaicjsae  «tï'angèi'e. 

V  Badcn.-Baden— On  pense  que  cette  année  le  nombre  des  étran- 
gers dépassera  trente  mille.  Les  soirées  musicales  alternent  avec  les 
bals.  De  grandes  fêtes  se  préparent.  Roger,  l'excellent  ténor  de 
l'Opéra-CoMiique,  en  représentation  à  Strasbourg,  se  fera  entendre 
à  Baden ,  ainsi  que  la  Tadolini  et  d'autres  artistes  célèbres  des 
grands  théâtres  lyriques.  Enfin,  on  prépare  un  festival-monstre  dont 
M.  Berlioz  doit  venir  diriger  l'exécution. 

*,*  Vienne,  21  juin.  —  Avant-hier  a  eu  lieu  la  représentation  à 
bénéfice  de  M""=  Pauline  Viardot.  On  donnait  la  Lucia  et  l'admi- 
rable troisième  acte  d'Otello.  S'il  nous  fallait  encore  des  preuves  que 
jlme  viardot  est  une  cantatrice  vraiment  grande,  une  artiste  comme 
il  s'en  est  peu  montré  sur  la  scène,  sa  Desdémona  viendrait  nous  les 
fournil-.  Nous  ne  devons  pas  juger  cette  merveilleuse  création  d'un 
talent  lichement  doué,  original  et  mûri  par  les  plus  solides  éludes, 
d'après  ii  mesure  ordinaire  avec  laquelle  nous  évaluons  la  taille 
des  premières  cantatrices.  Dans  son  profond  sentiment  de  l'art, 
jimc  Viardot  est  tellement  éloignée  des  banalités  acclimatées  sur  nos 
scènes  lyriques,  que  la  partie  du  public  â  qui  n'est  pas  donnée  une 
haute  sensibilité  pour  le  beau  ,  ne  peut  reconnaître  de  prime  abord 
la  différence  qui  sépare  le  faux  brillant  de  la  réelle  valeur.  Voilà 
seulement  comment  je  m'explique  pourquoi  le  talent  rare  et  pri- 
vilégié de  cette  artiste  n'est  pas  aussi  généralement  apprécié  que 
l'exigerait  l'honneur  du  goût  de  notre  public.  Elle  aspire  à  quelque 
chose  de  plus  haut,  de  plus  noble  que  d'être  seulement  cantatrice 
à  effet.  Rosine,  M  incita,  Lucia,  rôles  si  différents,  le  démontrent  as- 
sez. Celui  qui  a  vu  M">=  Viardot  seulement  en  Rosine,  en  jeune  fille 
vive,  espiègle,  pleine  de  grâce  et  de  naïveté,  la  reconnaîtrait  à  peine 
en  Desdémona  brûlant  du  feu  de  la  passion.  Il  y  avait  un  monde  de 
douleurs  dans  le  chant  de  la  romance.  Récitée  dans  un  style  solennel 
et  religieux,  la  prière  fut  un  admirable  passage  â  la  dernière  scène 
avec  Otello ,  jouée  et  chantée  par  M"»  Viardot  dans  le  style  le  plus 


22(2 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


grandiose,  avec  une  vérité  saisissante,  avec  toute  la  puissance  de 
l'art.  Quant  à  l'exécution  de  la  Lucia,  nous  pouvons  dire  qu'elle  est 
encore  plus  admirable  que  le  premier  jour. 

V  Francfort.  —  Fernatid  Cortex  vient  d'être  remis  à  la  scène  sur 
notre  théâtre.  L'orchestre  et  les  chœurs  n'ont  rien  laissé  à  désirer  ; 
quelques  rôles  ont  été  fort  bien  rendus  :  au  total  la  représentation  a 
fait  le  plus  grand  plaisir.  Le  public  de  Francfort  a  dignement  ac- 
cueilli cette  partition  où  le  grandiose  du  style  s'allie  ù  l'originalité 
des  motifs  d'une  mélodie  si  expressive. 

*,"  Mayence.  —  M™"  Stockel,  née  Hcinefetter,  a  donné  une  soirée 
musicale  ;  M"«  Sabine  et  Katinka  Heinefetter  ses  sœurs  y  assis- 
taient. La  troupe  de  l'Opéra  de  Mayence  était  dernièrement  à  Gand 
où  elle  a  joué  le  Ca7iip  de  Grenade,  de  Kreutzer,  sous  la  direction  du 
compositeur. 

V  Berlin  ,  19  juin.  —  Sur  la  proposition  de  M.  Sponlini,  inten- 
dant et  directeur  général  de  la  musique  du  roi ,  Sa  Majesté  le  roi  de 
Prusse ,  la  reine  et  S.  A.  R.  M"«  la  duchesse  royale  de  Prusse  vien- 
nent d'agréer  le  diplôme  d'agrégé  honoraire  à  l'Académie  pales- 
trienne  de  Sainte-Cécile  dePiome.  Sur  la  proposition  du  même  com- 
positeur. Sa  Majesté  le  roi  vient  de  commander  à  un  artiste  romain 
le  buste  de  Palestrina,  qui  doit  être  placé  dans  la  galerie  du  Capiiole 


où  l'on  a  réuni  tous  les  bustes  des  grands  hommes  qui  se  sont  illus- 
trés dans  les  sciences  et  les  arts ,  soit  dans  l'antiquité,  soit  dans  les 
temps  modernes,  et  qui  étaient  dispersés  dans  les  différents  monu- 
ments de  Rome  avant  que  l'on  eût  formé  ce  nouveau  muséum  dans 
l'aile  droite  du  Capitole. 

','  Hambourg. — La  célèbre  improvisatrice  allemande ,  M""  Leon- 
hard  Lyser,  donne  des  soirées  où  elle  fait  preuve  d'une  facilité  et 
d'une  présence  d'esprit  vraiment  extraordinaire.  Ces  séances  sont 
entremêlées  de  chant  et  de  musique-instrumentale,  et  paraissent 
intéresser  vivement  le  public  esthétique  de  notre  ville. 


ERRA  TA  du  3«  article  sur  la  Notation  dont  saint  Grégoire  s'est 
servi  pour  son  Aniiphonaire. 

Pag.  222,  col.  1,  lig.  3«,  au  lieu  de  :  ocioéckos{  les  huit  tours);  li- 
sez :  (les  huit  tons).  —  Même  colonne,  lig.  30,  au  lieu  de  :  Tbéodo- 
linde  ;  lisez  :  Théodelinde.  —  Même  colonne,  lig.  8  { en  remontant  ), 
au  lieu  de  :  le  plus  ancien  monumetit  jusqu'à  nos  jours;  lisez  :  le  plus 
ancien  monument  connu  jusqu'à  nos  jours. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


Publications  de  MAURICE  SCHLESINGER,  S9,  rue  Kichelieu. 

|j0ur  pûraftre  le  13  3uiUet  pr0r|)atn. 


MORCEAUX  DÉTACHÉS  DU 


LAIZARONE 


OPERA  DE  F.  HALEVY: 


Ouverture. 
N.  1.  Cavaline  chantée  parM"«  Slollz. 

2.  Air  de  l'improvisateur,  chanté  par  M.  Barri/ !    ■. 

3.  Duo  chanté  par  M""=  Stollz  et  M.  BarroilhCv 

4.  Chanson  de  la  Bouquetière,  chantée  par  M»:-      rus-Gras. 

5.  Duo  chanté  par  M""  Dorus-Gras  et  Stoltz. 

6.  Trio,  par  MM.  Barroilhet,  Levasseur  et  M""  uorus-Gras. 

7.  Couplets  du  baptême  de  la  cloche,  chantés  par  M""  Dorus. 


8.  Duo  chanté  par  M.  Barroilhet  et  M"»=  Dorus-Gras. 

9.  Chansonnette  chantée  par  M""«  Stoltz. 

10.  Duo  chanté  par  M'"^'  Stollz  et  Dorus-Gras. 

1 1 .  Duo  chanté  par  M.  Barroilhet  et  M">'  Stoltz. 

11  bis.  Cavaline  extraite,  chantée  par  M.  Barroilhet. 
U  ter.  Romance  extraite,  chantée  par  M"'  Stoltz. 

12.  Trio  chanté  par  MM.  Levasseur,  Barroilhet  et  M" 

13.  Couplets  chantés  par  M™'  Stoltz. 


Dorus. 


A  grand  orchestre. .  24  ■> 
En  partition  .     .     .  24  » 


iiAmvA¥A£  im  tn  AI 

en&IVDE  OUVEItTUBE  C1VF.ACTÉRISTIQUE 

rAft 

H"  BERLIOZ. 


Pour  piano  à  4  mains,  12 
Pour  deux  pianos.  .  15 


BRILLANT-POLKA 

par 

TH.  DÔHLER. 

Op.  45.  Prix:7fr.  50  c. 


LA  BOHÉMIENNE. 


Op.  102. 


Prix  :  7  fr.  50  c. 


KilîiMra 


T 


Le  Chirogtjvnnaste  Q^X  un  assemblage  denenfappa- 
reils  ^ymnastiqaes  destinés  à  donner  de  Vexiensxon  i 
la  main  et  de  Vécart  aux  doigts  à  augmenter  et  à  êgalu 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quatrième  et  lecingutèms 
indépendants  de  tons  les  autres.  Le  Chirogymnaste 
aété  aussi  approuvé  et  adopté  parMM.  Adam,  Berlini^ 
deBeriot,  Cramer,  Herz,Kalhhreuner,Listz,Moschelè9 
Pruâmt,  Sinon,  Tkalberg,  Tulou,  Zimmermann,  etc. 

Chaque  Chirogymnaste  est  revêtu  de  la  signature 

de  rinventeur  et  $e  vend  place  de  la  Bourse,  n»  13, 

àhuitappareilê,  b(ifr.,àneufapp,GOfr.,  méthode^Zfr. 

MAttlTO,  S  fih 

Lee  expéditions  sont  faites  contre  remboursement.  Ëciin  i 


EnTenté  par  C.  MABTIIV 

Facteur  de  Pianos, 
BREVETÉ  DU  BOI 

Place  de  la  Bonrae»  18. 

ApprouTé  par  l'Iiutitot 
el  adopté  dans  les  clasv.cs 
desCOni  SER  V  A  TOIBES 

de  Paris  et  de  Londres. 


PLUMES  MÉTALLIOUES  POUR  ÉCRIRE  LA  MUSIQUE. 

N»  13.  Pour  écrire  la  musique.  Cette  plume  convient  aussi  aux 
personnes  qui  n'écrivent  pas  l'anglaise.— N»  13  bis.  Pour  copier  la 
grosse  musique  lelle  que  parties  séparées,  et  écrire,  en  gros  et  en 
ronde.  — N»  16  médium  Plus  fine  que  le  N°  13,  très  bonue  pour 
l'écriture  expédiée.— Prix:  la  douza(ine,  60  c.  ;  la  grosse,  4  francs. 
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Spécialité  pour  la  reliure  de  musique  ;  papier  réglé  pour  musique 
de  tous  formats,  soit  ordinaire,  ou  de  fantaisie,  ainsi  que  des 
albums  pour  écrire  la  musique. 

A.  BORD,  nie  du  Seiitiei*,   11. 

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Réduction  de  prix.  Garantie  de  2  années.  On  peut,  avant  de  conclure 
un  marché,  comparer  ccsinslrumenls  avec  ceux  de  loutautrc  facteur. 


Imprimerie  de  FOURGOGNE  et  .M.VRTliNET,  30,  rue  Jacob. 


la  ligne  de  28  lettres 


1  an ,  34  fr.  Étranger,  38  Tr. 


REVUE 

ET 

GAZEHE  MUSICALE 

BiDIGÉE  PÀB 

MM.  ÂNDERS  ,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ ,  Henri  BLANCHARD , 

MiUniCE  BOURGES,  F.  DANJOC,  DLESBERG,  FÉTIS  père,  Édouabd  FÉTIS,  Stephen  HELLER,   J.  JANBS, 

G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED ,  Geobge  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  elc. 

Paraissant  tous  tes  Mtitnane/tes. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 
lie  t*'  et  le   15  de  chaque  mois  on  recevra  un  morccaa  de  maslqae* 


SOMMAIRK.  Première  lettre  à  M.  Zimmerman;  par  FÉTIS  père. — 
Théâtre  royal  de  l'Opéra-Comlque  :  les  Quatre  fih  ylymoii  (  pre- 
mière représentation)  ;  par  H.BLANCHARD.—  I.a  musique  et 
les  théâtres  à  Vienne.  —  Nouvelles.  —  Annonces. 

L'ORGUE  DE  BARBARIE.  Dessin  de  Gavarni. 


Rendons  grâces  au  ciel  ,  ami ,  qui  nous  a  fait  dignes  de 
connaître  la  véritable  amitié  :  peu  d'hommes  ont  joui  de  ce 
bienfait. 

Dans  celte  longue  suite  d'années  oii  notre  attachement  ne 
s'est  pas  démenti,  nous  avons  pu  nous  apprécier  tous  les  deux, 
et,  f^ii.-nnt  avec  prudence  la  part  des  faiblesses  de  l'humanité, 
nous  avons  acquis  la  conviction  réciproque  qu'il  existait  en 
nous  des  qualités  assez  belles  pour  les  faire  excuser.  Au  nom- 
bre de  celles-ci,  nous  avons  reconnu  dans  chacun  de  nous  un 
amour  pur  de  l'art  que  nous  cultivons,  un  dévouement  sincère 
à  la  recherche  de  la  vérité  dans  la  science  de  cet  art.  Nos 
opinions,  psrfois  opposées,  se  sont  toujours  manifestées  sans 
réserve  dans  nos  entretiens  ,  parce  que  nous  nous  estimions 
assez  pour  ne  pas  nous  faire  le  sacrifice  de  nos  penchants  d'ar- 
tistes ,  de  nos  docirincs  de  professeurs.  Tel  je  t'ai  toujours 


ous  étions  bien  jeunes  tous  deux  lorsf|ue  nos   |  connu  à  cet  égard,  tel  tu  m'es  apparu  dans  l'analyse  de  mon 


AI9I.  les  Abonnés  recevront  avec  le  présent  numéro  : 
u»  GALOP  RUSSE ,  par  F.  MSÏT. 


jprcmièrc  Cfltie  il  i\\.  3iinmcrman. 

Bruxelles,  2.5'juin  18i4 


mains  se  serrèrent  pour  la  première  fois  dans 
l'école  où  notre  bon  génie  nous  avait  fait  en- 
trer ;  où  tes  succès  commençaient  tandis  que 
j'étais  encore  obscur  ;  où  nous  avons  payé 
notre  dette  en  y  enseignant  ce  que  nous  avions  appris  ;  où  tu 


traité  complet  de  la  science  et  delà  pratique  de  l'harmonie  {\) 
que  tu  as  fait  insérer  dans  la  France  musicale  du  26  mai 
dernier.  Cette  fois  encore  tu  t'es  dit  ami  de  l'Iiomme ,  mais 
bien  plus  ami  de  la  vérité  ! 
Et  moi  aussi  ,  cher  Zinimerman ,  je  viens  à  toi  dans  cette 
brilles  encore  parmi  les  hommes  d'élite  dont  les  noms  hono-   |  polémique  tel  que  tu  m'as  vu  dans  tous  les  temps  ;  incapable 

de  rien  imaginer  qui  puisse  blesser  le  cœur  d'un  ami ,  mais 
ardent  à  défendre  des  théories  devenues  les  objets  de  ma  foi, 
ou  plutôt  de  mes  convictions.  Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui 
qu'elles  divisent  nos  opinions  :  peut-être  n'as-tu  pas  perdu 
le  souvenir  d'une  vive  discussion  qu'elles  firent  naître  entre 
nous,  il  y  a  environ  vingt-cinq  ans,  lorsque  je  t'exposai  les  prin- 
cipes qui  sont  les  bases  de  mon  nouveau  livre.  Les  mêmes 
arguments  que  tu  m'opposais  alors,  je  les  retrouve  dans  ton 
'  analyse.  ïu  m'as  donc  rencontré  dans  les  mêmes  voies ,  et 
pourtant,  qued  études,  que  de  recherches,  que  de  méditations 
depuis  ce  temps  ,  pour  arriver  à  la  certitude  de  la  réalité,  de 
I8i4,  chez  Schlesinger,  rue  Hichelieu,  97,  un  vol.  grand 


rent  la  France  !  Depuis  ces  premiers  jours  de  notre  amitié  , 
que  d'événements  ont  agité  le  monde  et  nous-mêmes  !  Après 
les  dernières  saturnales  du  directoire,  nous  avons  vu  la  régé- 
nération de  la  société  sous  les  austéritésdu  régime  consulaire; 
puis  les  gloires  de  l'empire  ;  puis  les  revers  succédant  aux 
concjuêies  ;  puis  le  repos  ,  puis  enQn  de  nouvelles  agitations 
auxquelles  nous  n'avons  pu  rester  indifférents,  et  qui  ont  mis 
parfois  dans  notre  esprit  des  nuances  d'opinions  diverses.  La 
fortune  nous  a  fait  connaîire  ses  caprices ,  et  le  sort  ne  nous 
a  pas  même  épargné  des  rivalités  !  Cependant,  après  quarante- 
cinq  années  d'épreuves  de  tout  genre  ,  nous  retrouvons  en 
nous  le  même  sentiment  ;  non  plus  pur ,  car  ceux  de  la  jeu- 
nesse sonttoujours  bons  ;  mais  éprouvé,  solide ,  indestructible. 


(IJ  l'a  ri 
in-8'. 


BUREAUX    D'ABONNEMENT,    RUE   RICHEI.IEU,    97. 


244 


EEVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


l'infaillibilité  de  mes  principes  !  Dans  mon  livre ,  dans  sa 
préface ,  dans  le  cours  que  j'ai  fait  naguère  à  Paris  pour  en 
faire  connaîtrela  théorie,  et  que  tu  as  suivi  avec  une  assiduité 
qui  m'honore,  j'ai  cru  prévenir  ces  objections,  ou  y  répondre 
d'une  manière  satisfaisante  :  ton  analyse  me  prouve  que  je 
n'ai  point  fait  entrer  la  conviction  dans  ton  esprit.  Serai-je 
plus  heureux  dans  cette  lettre?  Je  l'ignore  ,  mais  mon  devoir 
est  de  l'écrire,  car  ton  nom  donne  de  la  valeur  à  ta  critique. 
II  ne  s'agitici  ni  de  l'esprit  de  système,  ni  de  la  vanilôd'auteur, 
mais  (permets  ce  langage  à  mes  croyances  intimes)  de  la 
création  d'une  science  véritable  et  complète  de  la  musique  , 
que  je  dois  protéger  autant  qu'il  est  en  mon  pouvoir ,  après 
avoir  fait  tant  d'efforts  pour  lui  donner  l'existence. 

En  commençant  ta  critique  ,   tu  dis  :  «  II  ne  fallait  rien 
»  moins  que  le  nom  de  M.  Fétis  pour  exciter  l'attention  des 
»  artistes  par  la  publication  d'un  traité  d'harmonie  :   «  Je 
pense  ,  moi  ,  que  l'intérêt  reporté  sur  l'homme  par  ta  bien- 
veillance, appartient  tout  entier  à  la  chose.  N'en  doute  pas  , 
ami,    si  je  ne  fusse  venu  exposer  et  développer  avec  plus  ou 
moins  de  lucidité  l'une  ou  l'autre  des  anciennes  théories  ,  ou 
quelque  hypothèse  simplement  ingénieuse,  je  n'aurais  pas 
triomphé  de  la  fatigue  et  du  découragement  où  les  artistes 
avaient  étéjetés  précédemment  par  tant  de  doctrines  contra- 
dictoires.  Ce  qui  a  saisi  l'auditoire  de  mon  cours,    dès  la 
première  séance,  et  depuis  lors  le  public,  averti  par  la  discus- 
sion des  journaux,  c'est  un  caractère  d'évidence  qui  ne  peut 
être  que  le  résultat  d'une  science  bien  faite  ,   philosophique 
dans  son  principe,  logique  dans  ses  déductions.  Pour  la  pre- 
mière fois ,  les  artistes  ont  vu  sortir  la  science  de  l'harmonie 
des  classificaiions  arbitraires  d'accords,  des  voies  stériles  du 
calcul ,   et  des  expériences  d'acoustique  sans  portée  ,  pour 
chercher  une  base  plus  solide  dans  le  sentiment  et  dans  la 
conception  de  l'homme.  Pour  la  première  fois  ,  la  mélodie  , 
l'harmonie,  l'art  tout  entier  s'est  offert  aux  artistes  comme 
un  tout  homogène  dont  les  diverses  parties  étaient  unies  entre 
elles  par  la  force  invinciblede  la  tonalité,  au  lieu  de  présenter 
à  l'intelligence  peu  satisfaite  des  phénomènes  divers  et  isolés. 
Tu  dis ,  mon  cher  Zimmerman  :  «  M.  Fétis  ,   qui  a  fondé 
1)  sa  théorie  sur  l'attraction  du  quatrième  degré  de  la  gamme 
»  avec  le  septième  ,  aurait  dû  apporter  sa  sagacité  ordinaire 
»  dans  l'appréciation  de  celte  attraction  ,   dont  la  découverte 
»  a  valu  à  Monteverde  le  surnom  de  Newton  de  la  musique.  » 
J'ignorais,  je  l'avoue,  C{u'on  eût  appelé  Monteverde  le  Newton 
rfc /aimusîÇMe,  et  je  suis  d'autant  plus  étonné  qu'on  lui  ait  donné 
cette  épilhète ,  que  ce  pauvre  Newton  musical  ne  s'est  pas 
douté  de  ce  qu'il  faisait.  Guidé  par  son  instinct  d'artiste  ,  il 
s'est  mis  un  jour  à  écrire  un  accord  de  septième  mineur  avec 
tierce  majeure  sans  préparation,  uniquement  parce  que  cette 
harmonie  plaisait  à  son  oreille,  mais  sans  imaginer  qu'il  venait 
de  changer  la  tonalité,  et  créer  celle  de  notre  temps.  Attaqué 
par  les  harmonistes  contemporains  pour  avoir  osé  faire  de 
l'harmonie  dissonnante  sans  préparation,  il  se  défendit  assez 
mal  dans  les  préfaces  de  ses  ouvrages,  où  l'on  voit  qu'il  ne 
comprenait  pas  mieux  que  ses  adversaires  ce  qu'il  avait  fait. 
Mais  il  y  a  quelque  chose  de  plus  remarquable  :  c'est  que 
personne  n'avait  dit  un  mot  de  la  détermination  delà  tonalité 
moderne  par  le  rapport  attractif  du  quatrième  degré  et  du 
septième  réunis  à  la  dominante  avant  que  j'eusse  signalé  ce 
fait  dans  l'introduction  du  deuxième  livre  de  mon  traité  du 
contrepoint  et  delafvgue,  publié  en  1824. 

Ouvreet  compulse  toutes  leshistoires  de  lamusique,  tous  les 
traités  des  principes  de  cet  art ,  tous  les  livres  didactiques 
concernant  la  mélodie  et  l'harmonie  ,  tous  les  journaux  et 
recueils  de  critique  musicale  antérieurs  à  cette  publication  , 


tu  n'y  trouveras  pas  un  mot  relatif  au  fait  dont  il  s'agit ,  et 
tu  acquerras  la  conviction  que  personne  ne  savait  exactement 
en  quoi  consiste  la  différence  de  l'ancienne  tonalité  et  de  la 
moderne.  Personne  n'avait  compris  que  l'harmonie  conson- 
nante ,  avec  l'usage  de  quelques  dissonnances  artificielles  de 
prolongation,  inhérente  à  la  première  de  ces  tonalités  ,  la  reud 
nécessairement  unitonique ,  et  en  bannit  la  modulation  ,  ou 
plutôt  la  rend  impossible,  tandis  que  l'harmonie  dissonnante 
naturelle  ,  qui  constitue  la  tonalité  moderne  par  sa  double 
attraction,  a  donné  naissance  immédiatement  à  la  transition 
des  tons.  La  première  de  ces  harmonies  a  le  caractère  du 
repos,  l'autre,  celui  du  mouvement.  Avec  l'une,  on  ne  pou- 
vait avoir  que  de  la  musique  religieuse  et  calme  ;  avec  l'autre 
sont  venus  l'accent  expressif,  passionné,  et  le  drame  sous  tou- 
tes ses  formes. 

Tout  se  tient ,  comme  tu  vois  ,  dans  cette  distinction  des 
tonalités,  et  de  ce  qui  les  constitue  ;  cependant  je  ne  fus  pas 
compris  quand  je  posai  ces  faits  pour  la  première  fois  ,  et  ce 
ne  fut  qu'après,  les  avoir  reproduits  cent  fois  et  de  vingt  ma- 
nières différentes  dans  les  diverses  éditions  de  ma  Méthode 
élémentaire,  d'harmonie  et  d' accompagnement  ,  dans  mes 
cours ,  dans  mes  livres  historiques  ou  critiques  et  dans  les 
journaux,  que  j'ai  fait  enfin  pénétrer  ces  idées  dans  la  tête  de 
quelques  musiciens.  ïu  vois  donc,  mon  ami,  queni  Monteverde, 
ni  personne  jusqu'à  nos  jours,  ne  s'était  douté  de  l'immense 
transformation  de  l'art  produite  parla  fantaisie  spontanée  de 
.  ce  grand  homme.  Si  j'insiste  sur  cela,  c'est  pour  bien  établir 
ce  qui  distingue  mon  traité  d'harmonie  de  tous  les  livres  du 
même  genre  ,  et  pour  faire  voir  que  son  but  est  la  démons- 
tration scientifique  de  toutesles  conséquences  de  cesprincipes. 
Si  on  voulait  le  considérer  uniquement  comme  une  exposi- 
tion didactique  de  ce  qui  était  auparavant  connu,  sauf  quelques 
modifications  partielles ,  nées  d'une  manière  particulière  de 
coordonner  les  faits,  on  serait  exposé  à  le  juger  mal  ,  car  ce 
livre  ne  va  pas  à  moins  qu'à  une  réforme  complète  de  toute 
la  théorie  de  la  science  et  de  l'art.  Je  crois,  d'ailleurs  ,  avoir 
démontré  suffisamment  ce  but  dans  la  critique  analytique  que 
j'y  ai  faite  des  autres  systèmes  précédemment  publiés  ;  ce 
serait  perdre  son  temps  que  de  m'opposer  ce  que  j'ai  déjà 
réfuté.  C'est  en  lui-même  ,  c'est  dans  ses  principes  fonda- 
mentaux qu'ilfaut  attaquer  mon  ouvrage  ,  non  dans  des  faits 
particuliers,  à  moins  qu'on  ne  fasse  voir  qu'ils  sont  en  contra- 
diction avec  ces  principes  auxquels  j'ai  voulu  les  rattacher 
tous  par  les  déductions  rigoureuses  d'une  logique  inexorable. 
Je  reviens  maintenant  àla  phrase  de  ta  critique  que  j'ai  citée 
tout-à-l'heure. 

c<  M.  Fétis,  qui  a  fondé  sa  théorie  sur  l'attraction  du 
»  quatrième  degré  de  la  gamme  avec  le  septième ,  aurait  dû 
»  apporter  sa  sagacité  ordinaire  dans  l'appréciation  de  cette 
))  attraction.  »  Si  je  n'ai  pas  fait  cela  ,  cher  Zimmerman ,  dans 
un  livre  qui  n'avait  pas  d'autre  objet ,  non  seulement  tu  es 
en  droit  de  dire  que  j'ai  manqué  de  sagacité,  mais  tu  dois 
même  ajouter  que  je  suis  le  théoricien  le  plus  maladroit  qui 
se  soit  jamais  donné  la  mission  de  formuler  un  système.  Mais 
j'avoue  que  je  ne  comprends  pas  comment  j'aurais  pu  fonder 
une  théorie  sur  une  chose  que  je  n'aurais  pas  appréciée  con- 
venablement; car,  ou  mes  déductions  sont  conformes  au 
principe,  et  dans  ce  cas  j'ai  dû  apprécier  celui-ci  pour  les 
en  tirer;  ou  elles  n'en  découlent  pas ,  et  dès  lors  je  serais  en 
contradiction  avec  moi-même ,  ce  que  tu  ne  m'as  point  re- 
proché; ou,  enfin,  le  principe  est  faux,  et  les  conséquences, 
rigoureusement  déduites,  sont  fausses  aussi  :  or,  dans  cette 
supposition ,  j'aurais  encore  apprécié  avec  justesse  la  portée 
du  principe  ;  seulement  j'aurais  erré  h  l'égard  de  la  réalité  de 


DE  PARIS. 


2&5 


celui-ci.  Voyons  quelle  est  ton  opinion  concernant  l'attraction 
des  quatrième  et  septième  degrés  : 

«  Au  lieu  d'attribuer  h  je  ne  sais  quel  contact  du  quatrième 
»  degré  et  du  cinquième  la  propriété  de  faire  admettre  sans 
«préparation  la  septième  dominante,  M.  Fétis  aurait  dû 
»  reconnaître  que  cette  septième ,  qui  contient  la  quinte  dimi- 
»  nuée,  lui  est  redevable  du  privilège  de  se  faire  entendre 
>)  sans  être  préparée.  C'est  le  principe  vivifiant  de  l'atiraclion 
»  qui  manifeste  ici  sa  puissance.  » 

Ainsi  tu  glorifies  l'attraction  des  deux  noies  de  la  gamme, 
qui ,  seules ,  peuvent  la  faire  naître  ;  dès  lors  tu  es  d'accord 
avec  moi  sur  ce  qui  constitue  la  tonalité  moderne.  Je  prends 
acte  de  cette  déclaration  de  ton  opinion  à  ce  sujet ,  car  elle 
simplifie  beaucoup  la  discussion  concernant  la  valeur  de  ma 
théorie.  Ce  que  tu  me  reproches ,  c'est  d'avoir  admis  une 
dualité  de  principes  pour  l'harmonie  dissonante  naturelle  de 
l'accord  de  septième  dominante,  c'est-à-dire,  non  seulement 
l'attraction  du  quatrième  degré  et  du  septième  ,  mais  aussi 
je  ne  sais  quel  contact  du  quatrième  et  du  cinquième.  Tu 
ajoutes,  pour  expliquer  toute  ta  pensée  :  «  Comment  M.  Fétis 
»  n'a-t-il  pas  constaté  avec  bonheur  que  ce  principe  fécond 
»  (l'attraction  des  quatrième  et  septième  degrés)  étend  et 
»  transporte  sa  prérogative  aux  septièmes  mixte  et  diminuée 
»  qui  contiennent  aussi  cette  quinte  diminuée?  La  substitution 
»  n'a  que  faire  là.  Cet  élément  nouveau  et  iiiutile  ne  ferait 
»  qu'embrouiller  et  remettre  en  question  un  fait  désormais 
»  acquis  à  la  science.  » 

<i  Depuis  deux  siècles,  la  quinte  diminuée  nous  révèle  son 
»  importance  ;  ne  soyons  pas  ingrats ,  ne  la  dépouillons  pas 
Il  de  son  privilège ,  et  reconnaissons  ce  que  notre  art  lui  doit.  » 

Je  te  demande  beaucoup  d'indulgence,  ami ,  pour  les  longs 
développements  où  je  dois  entrer  pour  répondre  à  ces  lignes. 
La  critique  a  bientôt  fait  quand  elle  attaque  un  principe  :  il 
lui  suffit  de  quelques  mots  pour  le  nier  ;  mais  il  faut  de 
longues  analyses  pour  lui  rendre  ses  droits.  Et  d'abord  je  te 
ferai  remarquer  que  dans  tes  habitudes  de  dévouement  entier 
à  la  théorie  de  Catel,  résultat  inévitable  de  ton  éducation 
harmonique  par  cette  théorie  ,  tu  n'as  pas  cru  nécessaire  de 
discuter  la  partie  de  mon  livre  où  j'ai  établi  la  réalité  du  genre 
de  modification  de  l'harmonie  naturelle  que  j'appelle  substi- 
tution ,  et  tu  m'opposes  simplement  les  erreurs  de  cette  même 
théorie  que  je  crois  avoir  à  jamais  anéanties  par  une  analyse 
scientifique  où  rien  n'a  été  oublié.  C'était  particulièrement 
aux  disciples  dévoués  de  Catel  que  je  m'adressais  lorsque  j'ai 
écrit  dans  l'introduction  du  chapitre  où  j'ai  traité  ce  .sujet  (1)  : 
«  Nous  touchons  à  l'une  des  questions  les  plus  délicates  de  la 
»  théorie  de  l'harmonie,  à  l'un  des  faits  les  plus  singuliers  de 
»  l'art  dont  la  science  ait  à  rendre  raison.  Je  dois  ici  redou- 
o)  bler  de  soins  pour  exposer  avec  clarté  les  conséquences  de 
»  la  loi  de  tonalité  dans  le  phénomène  dont  il  s'agit;  mais  je 
»  ne  puis  espérer  d'atteindre  le  but  que  je  me  propose,  qu'au- 
»  tant  que  le  lecteur,  m'accordant  une  attention  soutenue , 
»  se  dépouillera  des  préoccupations  de  théories  basées  sur 
»  d'autres  considérations  que  sur  celles  de  la  tonalité.  »  Or,  il 
me  paraît  que  tu  ne  t'es  pas  dépouillé  de  ces  préoccupations, 
et  que  tu  ne  m'as  pas  accordé  toute  l'attention  que  je  deman- 
dais; car  tu  m'opposes  simplement  ce  que  j'ai  réfuté  comme 
si  je  ne  l'avais  pas  compris ,  ou  comme  si  je  l'avais  négligé. 

Qu'avais-je  établi  avant  d'aborder  le  sujet  de  la  substitution 
et  des  autres  modifications  des  accords  naturels?  J'avais  dé- 
montré qu'avec  l'accord  parfait ,  celui  de  septième  de  domi- 

(I)  Traité  complet  de  la  théorie  et  de  la  pratique  de  l'harmonie, 
livre  11%  chap.  5,  pag.  46  et  suivantes. 


nante  et  leurs  dérivés,  toute  la  tonalité  moderne  est  constituée  ; 
qu'eux  seuls  sont  nécessaires  ;  qu'ils  suffisent  à  tous  les  cas  de 
successions  mélodiques ,  et  que  les  autres  combinaisons  har- 
moniques ne  sont  que  des  combinaisons  de  celle-là  ;  modifi- 
cations nées  de  la  fantaisie  et  du  besoin  de  variété  que  nous 
éprouvons  dans  nos  sensations.  Voilà ,  cher  Zimmerman ,  ce 
qu'il  faut  commencer  par  mettre  au  néant  avant  d'attaquer 
ce  que  j'appelle  ta  substitution.  Mais  le  moyen ,  après  m'avoir 
accordé  que  Montevrede  a  constitué  la  tonalité  moderne  en 
pratiquant  sans  préparation  l'accord  de  septième  mineure  avec 
tierce  majeure ,  c'est-à-dire  le  double  contact  attractif  du  qua- 
trième degré  de  la  gamme,  du  cinquième  et  du  septième? 
Le  moyen,  d'ailleurs,  de  se  refuser  à  l'évidence  que  toute 
musique  peut  être  ramenée  à  l'harmonie  des  accords  naturels 
dont  j'ai  parlé ,  en  la  dépouillant  des  divers  genres  de  modi- 
fications dont  les  accords  sont  susceptibles;  tandis  que,  si 
l'on  supprimait  un  seul  de  ces  accords,  elle  serait  anéantie  à 
l'instant  même  ?  C'est  une  vérité  dont  chacun  peut  acquérir 
immédiatement  la  preuve  par  l'expérience.  Je  crois  te  l'avoir 
déjà  dit;  je  suis  un  logicien  obstiné  :  après  qu'on  m'a  concédé 
un  principe ,  il  faut  qu'on  en  accepte  les  conséquences.  Or, 
si  la  tonalité  moderne  est  complète  avec  l'accord  parfait,  celui 
de  septième  de  dominante  et  leurs  dérivés ,  toutes  les  autres 
harmonies  ne  sont  que  des  modifications  de  celles-là  :  il  ne 
S'agit  plus  que  de  découvrir  de  quels  genres  sont  les  modifi- 
cations. Pour  me  servir  de  la  langue  philosophique ,  je  dirai 
que  les  premiers  accords  sont  le  général  et  le  nécessaire  de  la 
musique,  et  que  les  autres  n'en  sont  que  le  contingent. 

Suivant  toi ,  ou  plutôt  suivant  Catel,  dont  tu  adoptes  les 
opinions ,  les  accords  que  tu  appelles  avec  lui  septième  mixte 
ou  septième  diminuée,  c'est-à  dire  si,  ré,  fa,  la,  et  si,  ré 
fa,  la  bémol ,  sont  des  accords  aussi  naturels  que  celui  de 
septième  de  dominante  sol,  si,  ré,  fa,  puisqu'ils  s'attaquent 
comme  lui  sans  préparation  ;  et  tu  penses  qu'ils  sont  rede- 
vables de  cette  prérogative  à  la  relation  attractive  du  quatrième 
et  du  septième  degré  qui  existe  dans  cet  accord  de  septième 
que  tu  appelles  mixte ,  et  dans  celui  de  septième  diminuée. 
La  substitution,  ajoutes-tu,  n'a  que  faire  là.  Examinons 
ces  propositions. 

D'abord ,  n'inférons  pas  de  ce  qu'un  accord  peut  être  en- 
tendu immédiatement  et  sans  préparation  qu'il  est  primitif  et 
nécessaire  ;  car  les  accords  altérés  sont  dans  le  même  cas 
quoiqu'on  ne  puisse  certainement  dire  qu'ils  sont  ni  néces- 
saires ni  primitifs  ;  ils  anéantiraient  même  le  sentiment  de  la 
tonalité  si  l'intelligence  musicale  neportait  un  jugement  rapide 
sur  la  nature  de  la  modificalion,  et  ne  rétablissait  par  la  pensée 
la  note  ou  les  notes  altérées  dans  leur  état  normal. 

Ensuite,  tu  attribues  trop  exclusivement  le  caractère  at- 
tractif à  la  relation  du  quatrième  degré  et  du  septième  :  ce 
caractère  d'attraction  n'est  complet,  impérieux,  que  lorsque 
ces  deux  notes  sont  réunies  au  cinquième  degré.  Rappelle-toi 
ces  successions  que  tu  as  cent  fois  employées  toi-même  : 


si,     —     ut, 
fa,    —    sol,    ou 
ré,    —     mi. 


C  fa,  —  sol, 
\  ré,  ut,  si, 
\   si,     ta,    sol. 


Tu  dis,  en  parlant  du  rapport  du  quatrième  degré  et  du 
cinquième,  que  j'ai  considéré  comme  nécessaire  pour  dé- 
terminer l'attraction  tonale  :  Je  ne  sais  quel  contact ,  etc. 
Qu'entends-tu  par  cela?  Que  tu  ignores  quelle  loi  de  la  nature 
a  établi  ce  contact?  Eh  !  mon  digne  ami,  je  n'en  sais  pas  plus 
que  toi  à  cet  égard;  notre  ignorance  à  tous  est  égale;  car 
nous  ne  connaissons  les  phénomènes  qui  affectent  nos  sens 
que  par  leurs  effets;  les  substances  et  les  causes  premières 
seront  un  éternel  mystère  pour  nous.  Mais  si  ces  mots  :  Je  ne 


246 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sais  quel  contact  du  quatrième  degré  et  du  cinquième,  ont  un 
sens  négatif,  je  me  trouverai  vis-à-vis  de  toi  dans  la  situation 
de  ce  philosophe  à  qui  l'on  niait  le  mouvement  et  qui  mar- 
chait; je  te  renverrai  au  phénomène  lui-même,  à  l'accord 
de  septième  de  la  dominante ,  et  ma  réponse  sera  victorieuse; 
car  il  s'agit  d'un  fait  dont  je  prouverai  l'existence  par  le  fait. 
Maintenant,  qu'est-ce  que  lasubstitution,  et  quelle  garantie 
avons-nous  de  sa  réalité?  La  substitution,  tu  l'as  vu  dans 
mon  livre,  est  la  faculté  de  faire  entendre  dans  l'accord  de 
septième  de  dominante  et  dans  ses  dérivés  le  sixième  degré  au 
lieu  du  cinquième ,  en  vertu  d'une  loi  qui  ne  nous  est  pas 
plus  connue  que  celle  des  autres  phénomènes  harmoniques, 
mais  dont  notre  organisation  accepte  les  effets ,  et  dont  notre 
intelligence  saisit  le  mécanisme.  Lorsque  l'accord  de  septième 
dominante  est  accompagné  de  l'octave  du  son  principal  (sol, 
si,  ré,  fa,  sol,  ou  sol,  si,  fa,  sol],  si  on  substitue  le  sep- 
tième degré  du  mode  majeur  au  cinquième ,  on  a  un  accord 
de  neuvième  majeure  de  la  dominante  [sol,  si,  ré,  fa,  la, 
ou  sol ,  si,  fa,  la).  La  même  substitution  dans  le  premier 
dérivé  de  l'accord  de  septième  {si,  ré,  fa,  sol  )  donne  un 
accord  de  septième  {si,  ré,  fa,  la,)  que  j'appelle  septième 
de  sensible  à  cause  de  la  note  qui  lui  sert  de  base.  La  même 
substitution  dans  le  second  dérivé  {ré,  si,  fa,  sol)  produit 
un  accord  de  quinte  et  de  sixte  sensible  (ré,  si,  fa,  la); 
enfin  la  même  substitution  dans  le  troisième  dérivé  (fa,  si, 
ré,  sol)  engendre  un  accord  de  triton  avec  tierce  majeure 
(fa,  si,  ré,  la).  Chacun  de  ces  accords  ainsi  modifiés  a  la 
même  destination  tonale ,  et  remplit  les  mêmes  fonctions  que 
les  accords  primitifs,  car  ces  successions  : 


i  «,    - 
y  a,    — 


la,    —  50/,          {la,    —  .toi. 

,to, 

—  sol. 

.ta,    —  >in,         \ja,    —  mi, 
xi,     —  ut,    ""    »  ré,    —  mi. 

ou 

]si. 

—  mi. 

sol,  —  ul,            •si,     —  ni. 

Kré, 

—   1)1! 

résentent  celles-ci  : 

sol,  —  sot,          'soi,  —  sol. 

,'SOt, 

—  .wl, 

fa,    —  m!,           \  fa,    —  mi. 

\la. 

—  VI  i, 

si,     —  ul,            i  ré,    —  mi, 
sol,  —  ul,           \si,    —  ul. 

(Si, 

\ré. 

—  ul, 

—    IHi, 

sol. 



.loi 

ré, 

— 

mi. 

SI, 

— 

!«, 

\fa. 


Une  différence  pourtant  existe  entre  les  accords  affectés  de 
substitution  et  les  accords  primitifs;  car  les  intervalles  de 
ceux-ci  sont  agréables  à  l'audition  dans  toutes  leurs  positions 
respectives,  et  l'on  peut  entendre  avec  autant  de  plaisir  le 
même  accord  sous  ces  formes  ré ,  fa,  sol,  si,  ou  ré ,  sol ,  bi, 
fa,  ou»-e,  si,  fa,  sol,  tandis  que  les  deux  notes  dissonantes 
si,  la  des  accords  affectés  de  substitution  blessent  l'oreille, 
si  elles  ne  sont  tenues  à  la  dislance  d'une  septième ,  ce  qui 
ne  permet  qu'une  forme  pour  ciiaque  accord ,  et  limite  con- 
séquemnient  l'emploi  de  ces  accords  modifiés  à  un  petit  nom- 
bre de  cas.  Par  le  môme  motif,  la  substitution  ne  peut  être 
employée  au  son  grave  de  l'accord  descplièmo  de  dominante 
pour  remplacer  sol,  si,  ré,  fa  par  la,  si,  ré,  fa;  car  les 
deux  notes  dissonantes  y  seraient  à  l'intervalle  de  seconde. 

C'est  ici  que  se  fait  voir  avec  évidence  la  vérité ,  la  rectitude 
d'une  théorie  d'harmonie  basée  sur  la  loi  de  tonalité,  et  l'in- 
suffisance ,  la  source  d'erreurs  multipliées  qu'on  trouve  dans 
les  systèmes  établis  sur  des  considérations  d'accords  isolés. 
Catel,  n'ayant  pas  vu  que  les  circonstances  qui  donnent  nais- 
sance à  l'accord  de  neuvième  majeure  de  la  dominante  et  à 
celui  de  septième  de  sensible  sont  les  mêmes,  et  qu'elles 
dérivent  du  même  principe ,  en  a  fait  deux  accords  fonda- 
mentaux ayant  chacun  leurs  dérivés.  Or,  le  second  de  ces 
dérivés  (si,  ré,  fa,  la)  a,  dit-il,  pour  dérivés,  ré,  fa,  fa, 
si  ,  fa  ,  la  ,  si,  ré ,  et  !a  ,  si ,  ré  ,  fa  ;  mais  trop  bon  musicien 
dans  la  pratique  pour  ne  pas  savoir  que  ces  accords  ont  sous 


ces  formes  une  harmonie  dure  et  désagréable  qui  ne  permet 
pas  d'en  faire  usage ,  il  établit  tout  d'abord  une  première  ex- 
ception dans  ces  mots  :  «  Pour  employer  le  premier  et  le 
»  deuxième  dérivé  de  cet  accord  d'une  manière  plus  agréa- 
1)  blc ,  il  faut  que  l'intervalle  de  seconde  qui  s'y  trouve  soit 
»  présenté  sous  le  renversement  de  septième.  »  Son  embarras 
est  plus  grand  à  l'égard  du  dernier  dérivé,  qui,  suivant  la 
doctrine  de  la  loi  tonale ,  résulterait  de  cette  substitution  du 
sixième  degré  à  la  note  grave  de  l'accord  de  septième  domi- 
nante. Ce  dernier  dérivé  (la  ,  si ,  ré,  fa  )  n'est  (dit-il)  pas 
d'usage  sans  la  préparation  {dehnote  inférieure)  (1).  Ainsi 
voilà  un  prétendu  accord  fondamental  dont  deux  dérivés  ne 
peuvent  trouver  d'emploi  qu'en  renversant  leur  forme ,  et 
dont  le  troisième  ne  participe  pas  de  la  nature  du  fonda- 
mental ,  puisqu'il  doit  être  préparé ,  et  que  le  fondamental 
est  rangé  par  Catel  dans  la  classe  des  accords  naturels ,  c'est- 
à-dire  qui  n'ont  pas  besoin  de  préparation  !  Vit-on  jamais  un 
oubli  plus  complet  de  toute  logique  ? 

Mais  nous  ne  sommes  pas  au  bout  de  la  confusion  d'idées 
qui  se  fait  remarquer  dans  cette  partie  de  la  théorie  de  Catel, 
car  tu  te  rappelles,  ami,  ce  passage  de  son  Traité  d'harmonie 
(page  15)  :  «  L'accord  de  septième  de  sensible  n'appaftient 
«  pas  exclusivement  au  mode  majeur  :  il  est  des  cas  où  on 
«  l'emploie  sans  ■préparatioii  sur  la  seconde  note  du  mode 
«  mineur  relatif.  Alors  il  se  nomme  accord  de  seconde  note 
«  du  mode  mineur.  Il  fait  sa  résolution  sur  la  dominante. 

«  C'est  ce  double  emploi  qui  a  fait  donner  à  cet  accord  le 
n  nom  de  septième  mixte. 

«  Comme  (  attendu  que)  dans  le  mode  mineur  cet  accord 
«  s'emploie  beaucoup  plus  .souvent  en  préparant  la  septième 
«  que  sans  préparation,  ce  n'est  plus  qu'un  accord  de  qxiinte 
«  diminuée  {  quinte  mineure  )  qui  reçoit  une  prolongation 
«  du  septième.  Aiiîsi,  il  entre  dans  lasériedes  accords  simples 
«  qui  reçoivent  la  prolongation  d'une  note  étrangère.  » 

Qu'est-ce  à  dire?  Si  cet  accord  est  le  produit  d'une  pro- 
longation, son  emploi  sans  préparation  n'est  donc  admissible 
dans  aucun  cas  ;  et  s'il  n'a  pas  la  même  origine  que  l'accord 
artificiel  de  septième  de  sensible,  il  n'est  donc  pas  le  même  ; 
et  l'idée  d'un  accord  mixte  ,  appartenant  à  deux  tons  et  à 
deux  modes  différents  ,  ayant  deux  origines  et  deux  emplois 
contradictoires,  est  donc  absolument  fausse  !  ïu  vois  donc  , 
mon  cher  Zimmerman  ,  que  les  objections  contre  la  lucide 
théorie  que  j'ai  présentée  de  l'origine  de  deux  accords  que 
Catel  a  mal  à  propos  confondus  en  un  .seul,  étant  puisées  dans 
celle  conception  dépourvue  de  toute  logique  ,  tombent  avec 
cette  malheureuse  conception  dont  j'ai  rendu  les  contradic- 
tions palpabicsdaiisles  chapitres  5°  et  6°  du  deuxième  livre  de 
mon  Traité  complet  de  la  théorie  et  de  la  pratique.  Une  seule 
chose  m'étonne,  c'est  que  tu  aies  passé  sons  silence  ,  dans  ta 
critique  de  mon  principe  de  la  substitution  ,  cette  analyse 
d'un  fait  important  par  laquelle  je  répondais  d'avance  à  tes 
objections,  et  de  manière,  ce  me  semble ,  à  ne  pas  laisser  de 
réplique  raisonnable  possible. 

Mais  ce  principede  la  substitution,  qui  te  semble  un  élément 
nouveau  et  inutile  ,  quoique  j'aie  démontré  qu'il  dérive  né- 
cessairement de  la  loi  de  lonalilé,  et  que  sans  lui  la  construc- 
tion d'un  système  rationnel  et  complet  d'harmonie,  conforme 
aux  faits  delà  pratique,  est  impossible,  ce  principe  ,  dis-je  , 
a  été  présenté  et  reconnu  par  Catel  lui-même,  quoiqu'il  n'en 
ait  vu  ni  le  mécanisme. ni  la  portée,  car  il  a  dit  en  parlant  des 
accords  de  septième  de  la  dominante  et  de  neuvième  :  «  La 
«  similitude  (jui  existe  entre  ces  deux  accords  prouve  leur 


Traité d'hurmonie  ,  page  14. 


DE  PARIS. 


247 


'<  ideniité,  et  dénionlreclairemenlqu'ils  ont  la  même  origine.» 
Or,  si  la  similitude  d'emploi  de  ces  accords  démontre  l'iden- 
litédeleiirorigine,  quoique  leur  forme  ne  soit  pas  exactement 
semblable ,  il  ne  s'agit  plus  que  de  découvrir  la  circonstance 
qui  opère  la  modification,  et  l'on  n'en  saurait  trouver  d'autre 
que  la  substitution  du  sixième  degré  à  la  dominante  dans  la 
note  supérieure  de  l'accord.  Continuant  l'examen  ,  on  voit 
que  lit  même  circonstance  se  reproduit  dans  tous  les  dérivés 
de  l'accord  de  septième,  et  l'on  trouve  ainsi  l'origine  de  l'ac- 
cord de  septième  de  sensible  et  de  tous  les  autres  du  même 
genre.  Enfin,  l'accord  de  septième  dominante  ayant  dans  le 
mode  mineur  la  même  constitution  que  dans  le  mode  majeur, 
on  voit  que  c'est  encore  la  même  circonstance  ,  c'est-à-dire 
la  substitution  du  sixièmedegrédumode  mineurau  cinquième, 
qui  donne  naissance  aux  accords  de  neuvième  mineure  de  la 
dominante  ,  de  septième  diminuée  sur  la  note  sensible  ,  etc. 
De  plus,  on  acquiert  la  conviction  que  cette  substitution  est 
mélodique  ,  ce  qui  indique  suffisamment  le  motif  de  la  néces- 
sité de  tenir  la  note  substituée  à  la  distance  de  septième  de  la 
note  sensible ,  et  nous  fait  éviter  l'anomalie  oîi  tombe  Catel 
d'une  substitution  dans  la  note  grave  de  l'accord  et  de  contra- 
diction monstrueuse  d'un  accord  dérivé  qui  n'a  pas  la  même 
nature  que  le  fondamental.  Dans  ma  théorie,  qui  est  celle  de 
la  nature  et  de  l'art,  tout  est  général  et  régulier;  dans  celle 
de  Calel,  dont  tu  as  entrepris  la  défense  ,  tout  est  rempli  de 
contradiclions.  d'exceptions  et  de  pétitions  de  principes. 

Dans  une  lettre  prochaine ,  je  continuerai  l'examen  de  ta 
critique  CM  ce  qui  concerne  les  conséquencesdelasubstitulion. 
Ton  tout  dévoué, 

Fiiïis  père, 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 


THSvlTRK  ROYAL  DE  L'OPÉRA-COMIQUE. 

LES  QUATRE  FILS  AYMON, 

Libretto  en  3  actes  de  MW.  de  Leuven  et  Brunswick; 
partition  de  M.  Balfe. 

(Première  représentation.) 

unique  nous  allions 
par  notre  spécialité 
à     rencontre     des 
feuilletonistes  qui  se 
plaisent  à  dévelop- 
per leurs  poétiques, 
?  leurs  doctrines  littéraires  ou  dramatiques 
■à  propos  d'un  libretto  d'opéra-comique, 
si  faut-il  bien  encore ,  pour  nous  servir 
al'unc  de  ces  vieilles  locutions  épandues  dans 
le  nouvel  opéra  afin  de  lui  donner  une  cou- 
cur  du  temps  de  la  chevalerie,  faire  connaître 
sommairement  l'action,  les  scènes  et  situations 
plus  ou  moins  musicales  que  les  auteurs  ont 
imaginées  dans  rintérêi  du  compositeur. 

Et  d'abord,  d'après  une  vieille  et  bonne  plaisan- 
teiie,  nous  pourrions  demander  aux  auteurs  quel 
était  le  père  des  quatre  fils  Aymon  ;  et  ils  en  se- 
raient peut-être  réduits  à  nous  dire,  pour  tous  renseignements 
biographiques,  qu'il  s'appelait  comme  ses  fils ,  et  que  ses  fils 
se  nommaient  comme  lui.  Quoi  qu'il  en  soit  de  l'origine  de 
ces  preux  chevaliers  chevauchant  tous  les  quatre  sur  le  même 
destrier,  ce  qui  doit  autant  et  plus  illustrer  ce  noble  animal 


que  ses  cavaliers,  toujours  est-il  que  rien  ne  s'opposait  à 
ce  qu'ils  devinssent  les  héros  d'un  opéra-comique ,  malgré 
l'obscurité  de  leurs  faits  et  gestes,  et  MJl.  Brunswick  et  de 
Leuven  l'ont  victorieusement  prouvé. 

Le  ducAymon,  seigneur  de  n'imporlequoi  et  de  pasgrand'- 
chose,  est  mort  en  lais.saiit,  pour  tout  héritage  à  ses  quatre  fils, 
un  testament  philosophique  faisant  pressentir  la  fable  de  La 
Fontaine  qui  devait  venir  plus  tard,  et  dont  la  morale  est  : 

Travaillez  ,  prenez  de  la  peine, 
C'est  le  fonds  qui  manque  le  moins. 

Une  clause  de  ce  testament  envoie  promener  chacun  de 
son  côté,  et  pendant  un  an,  les  quatre  jeunes  gens,  qui  partent 
et  laissent  Yvon  ,  vieil  intendant  du  défunt  duc  ,  habiter  le 
manoir  paternel,  dans  lequel  il  vit  comme  il  peut  en  atten- 
dant le  retour  de  ses  jeunes  maîtres.  Ce  bon  vieux  ser- 
viteur ,  gardien  de  l'orgueil  de  la  famille  ,  est  un  person- 
nage calqué  sur  le  Caleb  de  Walter  Scott  déjà  mis  à  la  scène 
et  fort  bien  joué  par  Bouffé. 

Lès  quatre  frères  revieiment  aus.si  pauvres  que  devant,  afin 
d'assister  à  l'ouverture  d'un  coffre  que  leur  a  laissé  leur 
père,  et  dans  lequel  ils  trouvent ,  non  de  l'or,  comme  ils 
l'espéraient,  mais,  comme  danslo  trésor  supposé,  d'Hoffman 
et  de  Méhul,  un  écrit  qui  leur  dit  à  peu  près ,  ainsi  que  dans 
ce  petit  et  joyeux  opéra-comique  :  le  plus  beau  trésor  est.... 
de  savoir  s'en  passer.  Désappointement  général  que  le  vieil 
Yvon  dissimule  plus  ou  moins  adroitement  devant  les  étran- 
gers ;  et,  par  un  effort  de  son  Imaginative  ,  lé  voilà  disant  à 
qui  veut  l'entendre  et  le  croire  que  le  coffre  du  duc  défunt 
renfermait  beaucoup  d'or,  ajoutant  que  l'aîné  des  fils  Aymon 
hériteseul,  attendu  que  sestroisautres  frères  sontmorts.  Celte 
histoire,  il  la  fait  surtout  pour  le  baron  de  Beaumanoir  ,  sei- 
gneur voisin,  possesseur  de  grands  fiefs  et  d'une  jolie  fille, 
qui  est  venu  au  château  d'Aymon  un  peu  par  curiosité,  puis 
pour  demander  à  déjeuner ,  mais  surtout  pour  lâcher  d'y 
marier  sa  fille  Hermine  de  Beaumanoir  avec  le  jeune  duc 
Aymon.  Les  renseignements  fournis  par  le  vieil  intendant  ne 
font  qu'affermir  le  baron  dans  sa  résolution.  Un  seul  obstacle 
s'oppose  à  ce  projet,  etcetobstacle  c'est  sa  fille  qui  a  fait  vœu 
de  ne  se  marier  que  lorsque  ses  trois  cousines  seront  mariées 
elles-mêmes.  Or,  le  baron  de  Beaumanoir ,  leur  oncle ,  tient 
beaucoup  à  ce  que  ses  trois  nièces  se  fassent  religieuses  pour 
s'approprier  leur  fortune  ;  mais  comme  Hermine  sa  fille  a  déjà 
vu  l'un  des  quatre  fils  Aymon  et  qu'elle  l'aime  ,  elle  vient  à 
bout  de  marier  ses  trois  cousines  aux  trois  frères  du  jeune 
duc,  à  qui  elle  s'unit  de  son  côté.  Cette  quadruple  intrigue 
fait  le  nœud  de  la  pièce,  qui  se  termine  par  ces  quatre  ma- 
riages. Toutcela,  consciencieusement  travaillé,  manque  un  peu 
de  naturel  et  de  saillie  dans  le  dialogue,  de  ces  mots  cherchés, 
maniérés,  faux  même,  mais  piquants,  dont  M.  Scribe  sait  si 
bien  assaisonner  son  dialogue  ,  et  qui  font  oublier  tant  d'in- 
vraisemblances au  spectateur.  Si  les  situations  n'ont  pas  de 
développements  fortement  dramatiques,  ou  même  comiques, 
elles  sont  musicales  et  servent  bien  le  compositeur.  Celui-ci 
en  a-t-iltiré  bon  parti?  That  's  Ihc  question. 

M.  Balfe  est  un  excellent  accompagnateur  ,  un  bon  chan- 
teur, un  agréable  compositeur,  toujours  prêt  à  remplir  l'un 
de  ces  trois  rôles  au  théâtre,  dans  le  salon,  ou  dans  le  cabinet. 
M.  Balfe  est  un  charmant  artiste,  bon  enfant,  obligeant  ,  tra- 
vailleur ;  mais  M.  Balfe  est  ce  qu'on  appelle  un  faiseur,  un 
de  ces  compositeurs  qui  n'hésitent  jamais  à  jeter  ce  qu'ils 
appellent  leurs  idées  sur  le  papier  ;  qui  vous  mettrait  en  mu- 
sique, pour  peu  que  cela  pût  vous  faire  plaisir,  la  Gazelle  de 
Leyde  ou  à'AïKjsbourg.  Ces  homraes-là  sont  toujours  con- 


m 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tents  de  ce  qu'ils  trouvent,  ou  de  ce  qu'on  a  trouvé  avant  eux; 
ils  ne  connaissent  pas  les  chagrins  que  donnent  les  momenls 
d'impuissance,  car  ils  sont  toujours  puissants,  ou  puisant 
dans  le  domaine  des  idées  générales,  émises  et  en  circulation. 
La  musique  de  M.  Balfe  a  pourtant  du  mouvement,  de  la  vie, 
de  l'entrain  ;  elle  n'est  précisément  pas  commune  ;  sou  in- 
strumentation est  animée ,  brillante  et  bruyante  ;  cela  sent  le 
luxe  italien,  mais  un  luxe  sans  véritable  richesse  :  c'est  bien 
de  la  mélodie  peu  inspirée  ;  elle  est  sans  originalité,  comme 
son  harmonie.  On  l'a  déjà  dit  :  M.  Balfe  a  trouvé  moyen  de 
créer  une  musique  juste-milieu  entre  celle  de  MM.  Adam  et 
Donizetti. 

L'ouverture  manque  d'abord  de  distinction  et  de  couleur 
du  temps.  La  polonaise  qui  intervient  au  milieu  de  cette  ou- 
verture est  surannée  et  trop  développée.  L'air  :  Sentinelle  ! 
prenez  garde  à  votts  !  qui  ouvre  la  scène  est  plus"  en  har- 
monie avec  l'époque  où  se  passe  l'action  ,  et  la  couleur  en  est 
assez  gothique.  ■  Le  quintette  dit  par  les  quatre  frères  et  M. 
Yvon  n'est  pas  sans  charme  ;  mais  cela  semble  écrit  pour 
cinq  premiers  ténors;  et  une  modulation  qui  semble  pro- 
mettre quelque  chose  d'inattendu,  tourne  court,  et  rentre 
dans  le  lieu  commun  harmonique  pour  les  voix  et  l'orchestre. 
Après  cela  le  jeune  Aymon  chante  une  jolie  romance  qui  doit 
revenir  plus  tard.  Ici  se  trouve  encore  un  quintette  assez 
médiocre,  et  puis  un  quatuor  entre  le  baron  de  Beaumanoir, 
sa  fille  ,  un  des  fils  Aymon  et  le  vieil  intendant.  Ce  morceau 
a  des  parties  charmantes,  entre  autres  un  délicieux  dessin  des 
premiers  violons  ;  mais  cela  aboutit  au  finale  du  l"  acte,  sur 
un  rhythme  à  trois  temps  d'un  style  commun. 

L'air  con  cori  du  baron  de  Beaumanoir  :  Que  le  faste  et  que 
l'opulence,  qui  commence  le  second  acte,  est  bien  déclamé.  Il 
y  a  encore  là,  sur  la  mélodie  principale,  un  dessin  des  violons 
qui  est  assez  mal  accompagné  par  les  cors  qui  in  terviennent  lour- 
dement. Encore  un  quintette  insignifiant  entre  Hermine ,  ses 
trois  cousines  et  Yvon,  qui  chantent  beaucoup  et  longtemps 
sur  un  rhythme  en  six-liuit  sans  distinction.  Ici  se  trouve  , 
entre  Beaumanoir  et  Yvon,  un  duo  comique,  d'un  genre  qui 
produit  toujours  de  l'effet.  C'est  le  vieil  intendant  corrobo- 
rant son  premier  mensonge  par  l'énumération  de  vastes  do- 
maines que  possède  son  jeune  maître  en  Lombardie.  Ce  duo 
est  delà  famille  des  duos  bouffes  et  syllabiques  de  la  Fausse 
magie,  d'il  Matrimonio  Segretto ,  delta  Ccnerentola,  voire 
même  de  celui  de  Maison  à  «enrfre  dans  lequel  les  deux  amis 
s'extasient  sur  les  bois  ,  les  champs  et  les  prés  qu'ils  vont 
posséder.  Ce  morceau,  d'un  bon  caractère  du  reste  ,  ne  fera 
pas  oublier  ses  devanciers. 

Après  un  joli  canlahile  dit  par  le  baron  ,  vient  un  air  du 
jeune  duc  Aymon  qui  n'a  rien  de  saillant ,  puis  un  duo  avec 
la  fille  du  baron  dans  lequel,  sur  ces  mots  :  Je  la  voyais ,  le 
cor  fait  entendre  une  sorte  de  petit  canon  ou  imitation  d'un 
fort  joli  effet.  La  phrase  sur  ces  paroles  :  Ltii  dit  tout  bas 
ne  partez  pas,  se  termine  par  un  joli  point  d'orgue  ;  puis  la 
romance  entendue  au  premier  acte  est  rappelée  ici  heureu- 
sement; et  puis  encore  une  coda  à  trois  temps  d'un  genre 
commun.  Le  quatuor  nocturne  :  De  ce  bosquet  ne  sortez  pas 
est  aussi  brodé  de  jolies  imitations  de  cor,  embellies  d'une 
phrase  des  premiers  violons  d'un  style  élégant ,  distingué  ;  et 
ces  deux  vers  comiques  par  la  situation  : 

Afin  d'être  à  vous, 
Je  viens  de  prendre  trois  époux  , 

s'enchaînent  à  un  sextuor  .'l'un  effet  doux  ,  mystérieux  et 
fait  avec  presque  rien,  ce  q;  i  est  un  mérite  par  le  système  de 
formidable  instrumentation  qui  court.  Là  finit  le  second  acte. 


Le  troisième  commence  par  une  romance  du  vieil  intendant 
qui  dit  qu'ayant  assuréle  bonheur  de  sesjeunes  maîtres,  il  peut 
mourir.  Le  chant  en  est  expressif  et  vrai.  Le  duo  entre 
Hermine  et  le  jeune  duc  sur  lequel  on  entend  les  trois  cloches 
des  trois  ermites  annonçant  qu'ils  viennent  de  marier  les  trois 
frères  aux  trois  cousines  estd'un  effet  pittoresque  connu,  mais 
toujours  piquant  ,  surtout  par  l'accord  parfait  que  font  en- 
tendre les  trois  clochettes.  Dans  le  sextuor  qui  vient  ensuite, 
car  il  y  a  force  morceaux  d'ensemble  dans  l'ouvrage,  peut-être 
même  un  peu  trop ,  Hermine,  comme  la  Késie  du  Calife  de 
Bagdad,  dit  à  ses  cousines,  dans  un  air  d'un  style  varié,  tout 
ce  qu'elles  ont  à  faire  pour  plaire  à  leurs  époux.  Ce  morceau 
fort  joli  est  fait  évidemment  pour  donner  à  la  cantatrice-actrice 
l'occasion  de  briller.  Enfin  vient  un  trio  charmant,  morceau 
d'une  naïveté  enchanteresse ,   et  le  meilleur  de  la  partition. 

Tout  cela  a  été  fort  bien  dit  et  fort  bien  chanté.  M""  Darcier 
a  le  rôle  le  plus  brillant  de  l'ouvrage,  et  elle  s'en  acquitte  à 
merveille  ;  elle  y  met  de  la  grâce  et  moins  de  manière  que 
par  le  passé.  Elle  a  dit  plusieurs  mots  avec  esprit  et  de  ma- 
nière à  se  faire  applaudir,  entre  autres  cette  phrase  :  Il  faudrait 
trois  maris  pressés.  Chollet  joue  le  rôle  du  baron  de  Beau- 
manoir en  comédien  aussi  vrai  que  cela  lui  est  possible,  et 
toujours  en  chanteur  excellent.  On  peut  en  dire  autant  de 
Mocker.  Hermann-Léon  débutait  à  l'Opéra-Comique  par  le 
rôle  d'Yvon.  Cet  acteiu-  a  l'habitude  de  la  scène,  et  ne  la  laisse 
jamais  languir.  Il  a  su  mêler  avec  talent  le  comique  et  la  sen- 
sibihté  dont  est  nuancé  son  rôle.  Sa  voix  de  baryton  ,  peu 
étendue,  est  juste  et  bien  posée;  il  a  dit  spirituellement  le 
duo  bouffe  du  second  acte,  et  chanté  avec  expression  la  ro- 
mance du  troisième.  M""  Potier,  Mélolteet  Ste-Foy  ont  été 
jolies  comme  à  leur  ordinaire  dans  des  rôles  presque  muets, 
et  les  trois  frères  du  jeune  duc  Aymon  ont  été  suffisamment 
plaisants.  Il  n'est  pas  jusqu'à  Duvernoy  qui  a  joué  un  rôle  de 
Tartufe  air  petit  pied  avec  tout  le  soin,  la  conscience  et  la 
vérité  qu'il  apporte  dans  le  trop  petit  emploi  qu'il  remplit  à 
l'Opéra-Comique.  La  pièce  est  bien  décorée  et  non  moins 
bien  costumée,  ce  qui  n'a  fait  qu'eu  corroborer  le  succès. 
Henri  Blanchard. 


La  Musique  el  les  îliéâtres 

A  VIENNE  {•). 

ans  une  capitale  comme  Vienne  on  doit  trou- 
ver un  grand  nombre  d'artistes  en  toutgenre, 
cela  se  conçoit  ;  il  y  a  de  bons  compositeurs , 
descritiques  fort  capables;  il  y  a  tout  ce  qu'il 
faut  enfin  pour  élever  l'art  musical  au  plus 
haut  degré  de  splendeur,  et  cependant  l'art  musical  y  est  aux 
abois. 

On  regrette  que  la  grande  ville  impériale  tolère  un  pareil 
état  de  choses  et  qu'elle  se  prête  au  charlatanisme  qui  l'ex- 
ploite. Rien  de  plus  afOigeant  pour  l'artiste  consciencieux  que 
de  voir  gaspiller  ainsi  le  talent  ;  nulle  part  on  ne  remarque 
quelque  noble  tendance,  quelque  aspiration  vers  un  but 
élevé  ;  on  ne  vise  qu'à  flatter  les  sens ,  qu'à  chatouiller  les 
oreilles,  et  encore  n'y  parvient-on  pas  toujours  avec  des  ta- 
lents très  ordinaires  qui  touchent  de  10  à  15,000  florins 

(*)  Cet  article  est  tiré  de  la  feuille  de  Conversation  liuéraire  de 
Francfort;  l'auteur  allemand  est  M.  Guhr,  maître  de  chapelle  à 
Francfort.  Les  détails  en  sont  d'autant  plus  curieux  que  les  jour- 
naux de  Vienne  sont  soumis  à  une  censure  très  sévère ,  et  que,  par 
conséquent ,  on  apprend  rarement  la  vérité. 


DE  PARIS. 


249 


pour  chanter  pendant  trois  mois  dans  cinq  ou  six  méchants 
opéras. 

Le  théâtre  de  la  Porte  de  Carinthie  est  administré  par  un 
Italien  auquel  on  accorde  une  subvention  annuelle  de 
72,000  florins  sans  compter  les  10,000  florins  pour  l'abon- 
nement de  la  loge  impériale,  à  partir  du  l" avril  jusqu'à  la 
fin  de  juin.  Le  directeur  de  la  Porte  de  Carinthie  s'appelle  Ba- 
lochino  ;  d'abor  J  costumier  de  théâtre ,  il  a  rempli  pendant 
quelque  temps  les  fonctions  d'imprésario  en  Italie  ;  il  ne  sait 
pas  un  mot  d'allemand,  et  dans  la  plupart  des  transactions  il 
est  obligé  de  se  servir  d'interprètes.  On  dit  que  Balochino  se 
relire  prochainement  des  affaires. 

C'est  aux  mains  de  cet  homme  qu'est  confiée  la  prospérité 
d'un  établissement  d'une  telle  importance,  qui  a  un  excellent 
orchestre ,  des  chœurs  excellents  et  d'excellents  maîtres  de 
chapelle  parmi  lesquels  nous  citerons  Nicolaï.  Les  artistes  at- 
tachés à  l'orchestre  sont  mal  payés  et  accablés  de  besogne  : 
«  Encore ,  me  disait  un  de  ces  messieurs ,  nous  ferions  nos 
corvées  de  bon  cœur  s'il  ne  fallait  pas  jouer  toute  l'année 
cette  crème  fouettée  qui  nous  vient  d'Italie.  C'est  à  peine 
si  une  ou  deux  fois  par  an  il  nous  est  donné  de  raviver  par 
les  accords  de  nos  instruments  quelques  chefs-d'œuvre  de 
Mozart  ou  d'un  autre  maître  allemand.  La  saison  du  théâtre 
est-elle  terminée ,  au  Théâtre  -  Allemand  on  reprend  la 
Norma ,  etc.,  et  nous  terminons  à  la  fin  de  l'année  par  les 
Puritains,  les  Montecchi,  etc.  »  Des  compositeurs  de  renom 
me  prièrent  de  faire  exécuter  leurs  symphonies  à  Francfort, 
ce  genre  de  musique  n'étant  pas  exécuté  à  Vienne  ! 

Le  25  mai  j'ai  été  à  la  Porte  de  Carinthie  ;  je  pris  un  bil- 
let pour  mes  6  francs,  c'est  le  prix  d'une  place  au  parterre, 
une  loge  à  l'année  coûte  1,120  florins.  J'assistai  à  un  soi- 
disant  grand  opéra ,  Maria  di  liohan;  j'eus  de  la  peine  à  en 
croire  mes  oreilles  ;  je  ne  sais  s'il  faut  admirer  la  bonté  pa- 
tiente des  Viennois,  ou  s'indigner  de  leur  faiblesse.  Ne  croyez 
pas  que  j'exagère  :  ce  que  je  vous  dis  là ,  c'est  la  vérité  pure. 
Pour  votre  divertissement  je  vais  vous  décrire  la  soirée  avec 
quelques  détails  ,  pour  que  vous  sachiez  ce  que  c'est  qu'un 
grand  opéra  italien  à  la  Porte  de  Carinthie. 

A  mon  entrée  dans  la  salle ,  je  lus  sur  un  chiffon  de  papier 
une  réclame  en  faveur  de  M"°  Tadolini  :  la  signora  était 
indisposée ,  mais  elle  ferait  son  possible  ;  ou  priait  le  pu- 
bhc  d'user  d'indulgence.  La  représentation  était  annoncée 
pour  sept  heures  :  j'entendis  sonner  le  quart ,  la  demie  ,  puis 
huit  heures,  la  toile  ne  bougeait  pas. 

Enfin  voici  l'ouverture.  C'est  toujours  chose  peu  amusante 
qu'une  ouverture  de  Donizetti  ;  mais  quand  par  dessus  le 
marché  elle  est  aussi  démesurément  longue  que  celle  de  Marie 
deRohan,  c'est  tout-à-fait  intolérable.  Figurez-vous  quel  dut 
être  le  martyre  d'un  maître  de  chapelle  allemand  cloué  à  sa 
place ,  et  obligé  d'assister  à  l'audition  de  ce  morceau  !  Iva- 
noff  entra  le  premier  en  scène  :  c'est  un  bon  ténor ,  il  chanta 
fort  bien  sa  cavatine.  Ce  fut  pour  moi  d'un  bon  augure ,  je 
m'attendais  à  une  série  de  jouissances ,  vous  allez  voir  que 
j'étais  loin  de  compte. 

La  signora  Tadolini  paraît  :  applaudissements  étourdissants 
qui  interrompent  la  représentation.  La  signora  salue  d'abord 
de  la  lète,  ou  bat  des  mains;  puis  avec  une  inclination  du 
buste,  cris  forcenés;  puis  elle  incfine  tout  le  corps  ,  rugisse- 
ments. 

Cependant  la  tempête  se  calme,  les  masses  soulevées  s'a- 
paiscni;  seulement  elles  viennent  clapoter  çà  et  là  contre  les 
bords  de  la  galerie  :  puis  s'établit  un  silence  complet,  on  veut 
voir  respirer  la  diva ,  on  veut  voir  son  sein  se  soulever  : 
«  Voyez,  me  dit  un  voisin,  voyez  cette  divine  ouverture  de 


bouche  ,  voyez  ces  dents  blanches  comme  les  perles.  » 
J'étais  tout  yeux  et  tout  oreille.  La  bouche  était  ouverte , 
mais  il  ne  sortait  pas  de  voix  :  le  chant  ne  vint  pas.  «  Elfe 
est  souffrante ,  pauvre  enfant  !  »  disait-on  à  côté  de  moi.  La 
pauvre  enfant  compte  au  moins  trente-six  printemps. 

A  dater  de  ce  moment  mon  parti  était  pris  :  j'étais  venu 
pour  m'amuser ,  je  voulus  m'amuser,  et  je  ré.solus  d'ap- 
plaudir à  tort  et  à  travers  et  à  outrance  ,  je  battais  des  mains 
à  chaque  intonation  fausse  ,  à  chaque  son  manqué,  à  chaque 
roulade  avortée.  La  Tadolini  ne  chanta  aucun  de  ses  airs; 
imaginez  ce  que  devait  être  Maria  di  Rohan,  sans  les  scènes 
capitales  de  la  prima  donna  assoluta  ! 

Voici  venir  Ronconi,  le  duc  :  c'est  un  duc  fort  méchant , 
mais  d'une  figure  débonnaire  ;  applaudissements  absolument 
comme  à  l'entrée  de  la  Tadolini ,  répétition  de  la  même  co- 
médie. Si  Ronconi  avait  un  chant  plus  pur,  il  n'y  aurait  rien 
à  dire  ;  surtout  vers  la  fin  de  son  air  ,  il  s'anime  et  cela  va 
très  bien  ;  je  conçois  que  pour  un  amateur  cela  vaille  les 
11,000  florins  que  touche  Ronconi ,  sans  la  représentation  à 
bénéfice.  Le  duc  n'a  pas  de  sortie  dans  la  pièce  :  mais  de 
temps  à  autre  il  allait  dans  les  coulisses  ,  pour  donner  un 
prétexte  de  l'appeler,  et  le  stratagème  réu.ssit  complètement  ; 
ce  furent  des  cris  ,  des  hurlements  ,  des  trépignements  fu- 
rieux ,  puis  la  diva  prima  donna  sans  voix  revient  ,  et  le 
célèbre  duo  commence  par  une  voix  ;  la  signora  ne  chante 
que  du  bout  des  lèvres  ;  la  pauvre  enfant! 

La  toile  tombe  :  tous  les  deux,  Ronconi  et  la  Tadolini,  sont 
rappelés  trois  fois  ;  mais  on  ne  lève  plus  la  toile ,  ce  serait 
trop  long;  les  artistes  paraissent  sur  le  proscenium;  ils  entrent 
tantôt  par  la  droite,  tantôt  parla  gauche.  Cesontlà  les  heures 
les  plus  ennuyeuses  de  ma  vie  artistique  ,  ou  bien  aussi  les 
plus  amusantes  à  cet  égard.  Ce  qu'il  y  a  de  sûr  ,  c'est  qu'on 
ne  me  reverra  pas  au  théâtre  de  la  Porte  de  Carinthie  ,  tant 
que  ces  italiens  y  chanteront. 

La  signora  Tadolini  est  d'ailleurs  une  artiste  distinguée , 
qui  jouit  d'une  haute  estime;  c'est  même,  je  crois,  une  ar- 
tiste de  premier  ordre  ;  mais  elle  a  ses  caprices.  La  salle  était 
horriblement  déserte,  et  il  n'était  pas  nécessaire  de  se  mettre 
en  frais  devant  des  banquettes  vides.  Il  y  a  une  autre  prima 
donna  assoluta  à  la  Porte  de  Carinthie ,  c'est  Jl"'=  Viardot- 
Garcia  ,  excellente  cantatrice ,  qui  est  sans  égale  dans  le 
Barbier  et  la  Gazza  ladra. 

Ce  n'est  guère  qu'au  Burg-Theater  que  l'art  est  encore  en 
honneur  ;  dans  le  personnel  de  la  troupe  on  trouve  des  ar- 
tistes de  premier  rang  ;  on  y  joue  surtout  la  comédie  en  per- 
fection ,  et  ce  que  l'on  appelle  en  Allemagne  pièce  de  con- 
versation. Dans  ce  moment  M.  Emile  Devrient  y  donne  ses 
représentations  qui  sont  pour  lui  une  suite  de  triomphes. 

Les  théâtres  des  faubourgs  ont  donné  en  plein  dans  le  dé- 
vergondage obscène  :  plus  un  mot  est  graveleux,  mieux  il  est 
reçu  ;  et  les  applaudissements  les  plus  bruyants  accueillent 
les  plaisanteries  les  plus  grossières. 

Voilà  où  en  est  l'art  à  Vienne  :  rien  qui  satisfasse  ,  qui 
console ,  rien  qui  promette  un  meilleur  avenir.  On  détourne 
ses  regards  avec  douleur  d'une  ville  qui  a  tant  de  ressources  , 
et  qui  en  fait  un  si  triste  usage.  A  ce  qu'on  m'a  dit ,  il  en  est 
de  même  de  l'opéra  allemand ,  qui  a  des  chanteurs  distingués, 
mais  qui  n'en  sait  pas  tirer  parti,  et  qui  laisse  périr  les 
bonnes  traditions. 


250 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


L'ORGUE  DE  BARBARIE. 

Dessin  de  Gavarni. 

Connaissez-vous  un  instrument  dont  on  dise  plus  de  mal , 
que  l'on  charge  de  plus  d'anathèmes ,  et  qui.  pourtant  jouisse 
d'une  plus  couslante  popularité?  Ne  soyons  pas  ingrats  : 
l'orgue  de  Barbarie  est  le  premier  degré  de  l'initiation  mu- 
sicale; c'est  le  Grand-Opéra  du  pauvre ,  qui ,  sans  lui ,  ne 
connaîtrait  ni  l'ouverture  de  la  Caravane ,  ni  l'ouverture 
à'Ifhigénie ,  ni  l'ouverture  du  Jeune  Henri.  Et  croyez-vous 
que  les  compositeurs  soient  de  bonne  foi ,  quand  ils  se  plai- 
gnent de  ce  que  l'orgue  de  Barbarie  s'installe  sous  leurs  fe- 
nêtres, et  les  empêche  de  travailler?  Ils  se  plaindraient  bien 
moins  si  l'orgue  ne  jouait  jamais  que  leur  musique  !  Mais 
n'est  pas  joué  qui  veut  par  l'orgue  de  Barbarie  ;  et  si  c'est  un 
honneur  difficile  que  celui  d'être  exécuté  par  la  Société  des 
concerts  ,  que  celui  d'être  admis  dans  les  salons,  c'en  est  un 
aussi,  quoi  qu'en  disent  ceux  qui  ne  l'obtiennent  pas,  que  de 
courir  les  rues. 


UOTTTSIiZaSS. 

',*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  la  Juive. 

','  Poullier  a  ctianté,  pour  la  seconde  fois,  le  rôle  de  Robert, 
lundi  dernier,  avec  un  progrés  remarquable  dans  la  partie  mu- 
sicale et  dramatique.  Demian  ,  il  doit  jouer  le  rôle  d'Kléazar,  de 
la  Juive,  ia.ns  leq.icl  il  s'est  rnoiilré  avec  succès  à  l'époque  de  ses 
débuis. 

•,"  Une  audition  particulière  de  Gardoni ,  le  nouveau  ténor,  a  eu 
lieu  chez  le  directeur  de  l'Académie  royale  de  musique,  en  pré- 
sence de  quelques  juges  compétonts.  Nous  devons  dire  que  l'é- 
preuve a  élé  complètement  favorable  à  l'artiste,  qui  ne  compte  guère 
plus  de  vingl-deux  «ns,  et  possède  une  jolie  figure,  une  taille  élevée. 
Sa  voix  est  d'une  qualité  charmante  et  uc  manque  nullement  de 
force  ;ii  e  est  accentuée,  sympathique,  et  c'est  beaucoup  plus  qu'une 
voii  de  ténor  léger.  En  outre  le  jeune  chanteur  parait  doué  de  beau- 
coup d'intelligence  et  d'une  excellente  organisation  musicale. 

*,"  Les  concours  à  huis-clos  commenceront  demain  au  Conserva- 
toire et  auroi-.t  lieu  dans  l'ordre  suivant:  mardi,  2o juillet,  harmonie 
seule,  harmonie  et  accompagnement  pratique;  mardi  30,  solfège, 
mercredi  31,  orgue,  contrebasse,  contrepoint  et  fugue,  l.cs  con- 
cours publics  cominenceronl  le  1"  aoiU. 

*,«  l>our  rendre  un  juste  hommage  au  célèbre  compositeur  de 
l'Alicmagne,  f.ouisSpohr,  la  société  de»  concerts  a  exécuté  dimanche 
dernier  en  sa  présence  et  sous  si  direction  ,  la  symphonie  qu'elle 
avait  déjà  essayée  dans  une  de  ses  séances ,  sous  le  titre  de  lu  nais- 
sance des  ^ons.  Mais  ce  titre  n'était  pns  exact  et  ne  répondait  nulle- 
ment à  l'idée  de  l'auteur,  qui  a  voulu  reproduire  musicalement  toute 
une  existence  d'homme  depuis  sa  naissance  jusqu'à  sa  mortel  même 
l'apollièose,  en  passant  par  les  combats,  la  victoire,  le  Tedeum,  etc. 
M.  Spohr,  qui  siégeait  à  côté  d'Habeneck  ,  lui  a  communiqué  lui- 
même  toutes  ses  intentions.  Après  la  symphonie  ,  rendue  avec  un 
soin  religieux  et  dont  toutes  les  beautés  ont  été  vivement  senties,  M. 
Spohr  est  allé  prendre  place  dans  la  salle  avec  sa  famille,  etHabeneck 
a  fait  exécuter  la  symphonie  pastorale  de  Leelhoven  avec  autant  de 
perfection  que  devant  le  public  ordinaire.  Le  célèbre  compositeur  a 
quitté  Paris  lundi  soir,  se  rendant  à  Berlin,  où  l'appellent  les  répé- 


titions d'un  grand  ouvrage  qu'il  vient  de  terminer.  Une  députation 
de  la  société  des  concerts  est  venue  lui  offrir,  au  moment  de  monter 
en  voiture,  la  médaille  d'argent ,  qui  consacre  l'époque  à  laquelle 
cette  institution  a  été  fondée,  et  le  grand  artiste  a  paru  fort  touché  de 
ce  témoignage  d'admiration  et  d'estime. 

',*  Voici  le  programme  exact  du  grand  festival  qui  aura  lieu  au 
palais  de  l'Iîxposition,  sous  la  direction  de  M.  Berlioz:  1.  Ouver- 
ture de  la  /-^esfo/e  (Spontini);  2.  scène  du  troisième  acte  d'Armide 
(Gluck),  chœurs  et  airs  de  danse;  3.  marche  au  supplice,  fragment  de 
la  Symphonie  fantastique  (Berlioz  )  ;  4.  prière  de  Moïse  (  Rossini  )  ; 
5.  ouverture  du  Freiischiuz  (Weber)  ;  6.  hymne  à  la  France,  choeur, 
(Berlioz),  paroles  d'Auguste  Barbier,  composé  pour  cette  solennité, 
et  exécuté  pour  la  première  fois;  7.  prière  de  la  Muette  (Auber); 
S.  chœur  national  de  Ctiarles  P"l  (Halévy);  9.  chant  des  travailleurs 
français,  chœur  (A.  Méreaux),  paroles  de  M.  Adolphe  Dumas,  com- 
posé pour  cette  solenni  té  ,  et  exécu  té  pour  la  première  fois  ;  1 0.  ada- 
gio et  finale  delà  symphonie  en  ui  mineur  (Beethoven);  II.  chœur  de 
la  bénédiction  des  poignards  du  4'  acte  des  Huguenots  (Meyerbeer)  ; 
12.  hymne  à  Bacchus  à'Amigone  (Mendelssohn);  13.  oraison  funèbre 
et  apothéose,  finale  avec  chœurs  et  deux  orchestres ,  de  la  Sympho- 
nie funèbre  et  triomphale  (Berlioz).  Le  nombre  des  exécutants  sera 
porté  à  950  :  tous  les  artistes  des  théâtres  de  l'Opéra  et  de  l'Opéra- 
Comique  en  feront  partie. 

V  Après  avoir  obtenu  a  Lyon  les  succès  d'enthousiasme  qui  l'at- 
tendent partout,  Liszt  a  dû  se  rendre  à  Marseille. 

',*  On  annonce  queWartel  vient  de  contracter  avec  l'Italie  un 
brillant  engagement. 

'."  On  annonce  comme  prochain  le  mariage  de  Dérivis,  l'ex-basse- 
laille  de  l'Opéra,  avec  M"' Janssens ,  cantatrice  qui  s'est  fait  con- 
nailre  dans  ces  derniers  temps  en  Italie  sous  le  nom  de  Maria  Corini. 

','  A  travers  les  orages  qui  ont  signalé  les  débuts  de  la  troupe  ly- 
rique à  Toulouse,  M"'  Masson ,  dont  nous  avons  pu  apprécier  le 
talent  à  l'Opéra-Comique  de  Paris,  est  parvenue  à  se  distinguer  par 
la  beauté  de  sa  voix  et  de  sa  méthode ,  dans  la  Favorite  et  la  Dame 
blanche. 

*,*  L'Espagne  suit  l'exemple  de  la  France.  On  achève  d'arrêter  à 
Madrid  les  bases  d'une  Société  de  secours  mutuels  entre  tous  les  ar- 
tistes-musiciens du  royaume.  La  Société  aura  principalement  pour 
but  d'assurer  l'existence  des  veuves  et  des  orphelins. 

".*  Jacques-Franco  Mendès,  le  célèbre  violoncelliste,  vient  d'être 
nommé  membre  associé  étranger  de  l'Académie  de  Sainte-Cécile  à 
Rome. 

",*  On  parle  en  Allemagne  d'une  nouvelle  cantatrice  du  premier 
rang  qui  surgit  à  l'horizon  dramatique;  c!est  une  demoiselle  Emilie 
Waltcr,  Autrichienne  de  naissance.  L'hiver  dernier  elle  vint  à  Stult- 
gard,  elle  était  à  peu  près  inconnue.  .\près  d'heureux  débuts,  elle 
fut  engagée  au  Théâtre  Royal ,  et  depuis,  chacune  de  ses  représen- 
tations a  été  pour  elle  un  nouveau  triomphe.  M"»  Emilie  'Waltera 
joué  dans  Norma ,  les  Huguenots,  luctece  Borgia ,  Roméo,  Don 
Jium,  Bélisnii-e ,  la  T-^estale  ,  etc.  Quelques  journaux  allemands  en 
font  un  éloge  emphatique  et  qui  nous  paraît  tant  soit  peu  exagéré. 

•."  La  haute  librairie  et  la  littérature  ont  fait  récemment  une 
perte  douloureuse  en  la  personne  de  M.  Charles-Louis-Fleury  Panc- 
koucke ,  officier  de  la  légion  d'honneur,  décédé  en  sa  maison  de 
campagne  de  Fleury-sous-Meudon.  M.  Panckoucke  ,  fils  du  fonda- 
teur et  l'un  des  propriétaires  actuels  du  Moniteur,  éditeur  des  f'ic- 
loires  et  conquêtes,  du  Dictionnaire  des  sciences  médicales,  de  la  Biblio- 
ih'eque  latine-française  ,  traducteur  de  Tacite ,  était  né  le  26  décem- 
bre 1780. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHI.ESINGER. 


Le  Chlrogymnasle  est  un  assemblage  Jenenfappi- 
rcilsgymnastiques  destinés  à  donner  de  l'exlension  à 
la  main  et  de  l'écart  aux  doigts  à  augmenter  et  à  égali- 
ser leur  force  et  à  rendre  le  quatrième  et  le  cinquième 
indépendants  de  tons  les  autres,  he  Chirogymntute 
aélé  aussi  approuvé  et  adopté  par  MM.  Adam,  Bertini, 
ne  Beriot,  Cramer,  Herz,  KalUbretmer,  Listz,  Moschelét 
Pruamt.  Sinon,  Thalberg,  Tulou,  Zimmermann.elc. 

Chaque  CJiirogsmnosle  est  revêtu  de  la  signature 
de  l'inventeur  et  se  vend  place  de  la  Bourse,  n°  15, 
à/i«iIoppareil»,  50fr.,àncufapp.60/'r.,  mélhoie.Zfr, 

CVMIVASTIQIIE  APPLIOIJÉE  A  L'ÉTUDE  DU  PIANO,  y .r  MAR'nN,  S  fah 
!,•  CVnNASTIQUE  DES  DOIGTS,  par  B.  BEBTINl.  Pn«  net,  3  Ir.  7E  a. 

Le>  expèditiODS  sont  faites  contre  remboursement.  Ecrtr»  ir»^». 


InTenté  par  G.  MARTm 
Factear  de  Pianen. 

BREVETÉ  DU  ROI 

Place  de  la  Bourae,  IS. 

Approuvé  par  l'Inaitîttst 
et  adopté  dann  les  clasMies 
deiiCOlVSEBVATOlBES 

de  Paria  et  de  Ijonilrea, 


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personnes  qui  n'écrivent  pas  l'anglaise.  — N>  13  Ws.  Pour  copier  la 
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MM.  ANDERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  Henbi  BLANCHARD, 

MiUBiCE  BOURGES,  F.  DANJOO,  DUESBEUG ,  FÉTIS  père,  Édocabd  FÉTIS,  Stepben  HELLER,   J.  JANIN, 

G.  KASTNER  ,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  GEOECE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Fafaissnnt  tous  ien  JDitnancIteg. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GATARNI. 
Le    I"   et   le    15  de  cliaqnc  mois  on   recevra   an  morcean   do  musique* 


SOMMAIRE.  Exposition  des  produits  de  l'industrie  {cinquième  ar- 
Xicle);  par  G.-E.  ANDERS.  —  Euplionia  ,  ou  la  Ville  musicale 
(suite  el  fin  )  ;  par  II.  BERLIOZ.  —  Nouvelles.  —  Annonces. 

JEUNE  FILLE  AUX  ÏEUX  NOIRS.  Dessin  de  Gavarni. 


€ïj,ui5ittDn  îïes  IJJrnÎJuite  ïic  rinïmstric. 

CINQUIÈME    ARTICLE. 


^*Ç  toujours  eu  un 
charme  partictilier 
pour  les  ariistes  de 
génie; c'est  là  qu'ils 
peuvent  se  livrer  à 
_-  ''^  toute  la  fougue  de  l'inspiration  ,  sans  être 
^^^^^  gênés  ou  arrêtés  par  le  travail  souvent  fas- 
^^  '  '  lidieux  qu'exige  l'écriture  d'un  morceau. 
Mais  les  notes  fugitives  s'envolent;  l'improvi- 
sation finie ,  il  n'en  reste  qu'un  vague  souve- 
nir, et  c'est  souvent  en  vain  que  l'on  voudrait 
reproduire  une  idée  heureuse,  un  motif  ra- 
vissant que  le  bonheur  du  moment  a  fait  éclore, 
et  que  l'artiste  a  perdu  sans  retour.  Ce  serait  donc 
une  chose  très  précieuse  qu'un  moyen  mécanique 
propre  à  fixer  sur  le  papier  toute  musique  au  mo- 
ment même  où  on  l'exéciHe.  Aussi  y  a-l-il  long- 
temps qu'on  s'est  occupé  de  cette  idée  ;  mais  le  problème 
était  difficile  à  résoudre,  el  les  tentatives  faites  jusqu'ici 
n'ont  obtenu  qu'un  résultat  peu  satisfaisant.  IM.  Guérin, 
qui  présente  un  nouvel  essai  de  ce  genre ,  a-t-il  été  plus  heu- 


reux que  ses  devanciers ,  l'appareil  qu'il  a  montré  à  l'ex- 
position atteint-il  entièrement  son  but?  C'est  ce  que  l'on  va 
voir  par  l'analyse  que  nous  allons  en  faire. 

Disons  d'abord  quelques  mots  sur  les  essais  qui  ont  pré- 
cédé le  sien. 

Ce  fut  un  ecclésiastique  anglais  nommé  Creed  qui ,  le  pre- 
mier, imagina  une  pareille  machine  sans  cependant  l'exécu- 
ter. Il  se  contenta  d'en  démontrer  la  possibilité  par  un  écrit 
qui  fut  inséré  dans  les  Transactions  philosophiques  de  l'an- 
née 1747. 

A  la  même  époqiie ,  un  savant  allemand ,  Jean-Frédéric 
Ungor,  s'occupa  de  la  solution  du  même  problème;  mais 
n'ayant  pu  ,  faute  d'un  facteur  habile,  faire  construire  son 
instrument  tel  qu'il  l'avait  conçu  ,  il  en  adressa ,  en  17/i9,  à 
l'Académie  de  Beriin  la  description  accompagnée  de  dessins 
et  d'une  lettre  oii  il  exprimait  le  désir  de  le  voir  exécuté  par 
quelque  artiste  de  la  capitale.  Sulzer,  le  célèbre  auteur  du 
Dictionnaire  dcs-Beaux-Arls,  venait  de  faire  la  connaissance 
d'un  mécanicien  fort  distingué  nommé  Hohlfeld ,  homme  de 
génie,  né  pour  les  arts  mécaniques,  qui  lui  doivent  plusieurs 
inventions  remarquables.  Il  lui  parla  de  l'instrument  en  ques- 
tion et  l'engagea  à  le  construire.  Hohlfeld  ,  sans  avoir  vu  les 
dessins  envoyés  à  l'Académie,  inventa  lui-même  et  exécuta  en 
peu  de  temps  un  appareil  applicable  au  clavecin,  et  au  moyen 
duquel  toute  musique  jouée  sur  celui  ci  se  trouvait  marquée 
par  des  signes  que  l'on  traduisait  ensuite  en  notation  ordi- 
naire. Ce  fut  là  la  première  machine  de  ce  genre.  Dans  sa 
nouveauté,  elle  lit  une  grande  sensation  ;  les  savants  et  les 
artistes  l'accueillirent  avec  éloges;  mais  le  succès  ne  fut  pas 
durable,  et  l'inventeur  n'en  tira  aucun  bénéfice,  si  ce  n'est 
une  somme  de  25  thalers  (environ  cent  francs!)  que  l'Aca- 
démie lui  accorda  à  titre  d'encouragement. 

Ou'cst-elle  devenue,  cette  machine?  Les  auteurs  qui  en 
ont  parlé  ne  sont  pas  d'accord  sur  ce  point.  Suivant  les  uns 
elle  fut  détruite  dans  un  incendie;  suivant  les  autres,  Hohl- 


BVRXAUX   B'ABONKrEMEBTT,    RUE  RICHEIIEU,   97. 


252 


tREVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


feld  lui-même ,  qui  vécut  pauvre  et  mourut  dans  la  misère , 
l'aurait  brisée  dans  un  accès  de  désespoir.  Les  deux  asser- 
tions sont  également  fausses.  L'inventeur  conserva  sa  ma- 
chine, qui  fut  vendue  après  sa  mort,  arrivée  en  1771  ;  alors 
l'Académie  de  Berlin  en  fit  l'acquisition  et  la  plaça  dans  son 
cabinet  des  niacliines.  Nous  ignorons  si  elle  y  a  été  conservée 
jusqu'à  présent;  elle  y  était  encore  en  1806. 

Quant  à  celle  qui  avait  été  imaginée  par  Unger,  et  qui  dif- 
fère de  celle  de  Hohlfeld,  elle  ne  fut  pas  exécutée  ;  mais  il  en 
existe  une  description  faite  par  son  auteur  et  publiée  en  1774. 
Nous  avons  appuyé  sur  ces  détails  pour  rétablir  des  faits  rap- 
portés diiïéremment.  L'histoire  des  inventions  est  entachée 
de  beaucoup  d'erreurs  qu'il  est  bon  de  rectifier  lorsque  l'oc- 
casion s'en  préseule. 

La  machine  de  Hohlfeld,  d'une  construction  fort  simple, 
était  destinée  au  clavecin  ,  alors  (en  17Zi9)  plus  répandu  en- 
core que  le  piano,  qui  ne  parvint  que  plus  tard  à  détrôner 
son  rival.  Elle  se  plaçait  au-dessus  de  l'instrument  et  pouvait 
s'y  adapter  ou  en  être  ôtée  à  volonté;  elle  avait  deux  cylindres 
sur  l'un  desquels  était  roulé  le  papier,  qui  se  déroulait  sur 
l'autre.  Lorsqu'elle  était  fixée  à  sa  place,  de  petits  paralléli- 
pipèdes  de  bois  se  trouvaient  au-dessus  des  sautereaux  de  ma- 
nière que  chaque  sautereau ,  en  s'élevant  par  l'abaissement 
de  la  touche  ,  faisait  lever  un  de  ces  parallélipipèdes  qui ,  au 
moyen  d'un  fil  d'archal  très  fort,  poussait  un  levier  de  bois 
à  l'extrémité  duquel  était  attaché  un  crayon  ou  pointe  de 
plomb.  On  verra  plus  bas  quelle  était  la  notation  que  cette 
pointe  imprimait  au  papier. 

Ce  mécanisnre  ,  comme  on  voit,  laissait  à  désirer  pour  la 
solidité  et  la  précision  ;  car,  pour  ne  parler  que  des  pointes , 
elles  devaient  être  sujettes  à  se  casser  ou  à  s'émousser,  in- 
convénient grave  qui  ne  pouvait  manquer  d'empêcher  le 
succès  de  cette  machine. 

En  1770,  un  mécanicien  de  Londres,  nommé  Merlin, 
construisit  un  appareil  analogue,  qui  fut  vendu  au  prince 
Galitzin,  et  envoyé  h  Pétersbourg.  On  manque  de  renseigne- 
ments sur  sa  construction;  mais  la  machine  ne  répondit  pas 
à  l'attente  de  l'acquéreur,  et  la  difficulté  qu'on  rencontrait  à 
traduire  les  signes  de  notation  y  fit  bientôt  renoncer.  On 
ignore  ce  qu'elle  est  devenue. 

En  France,  le  père  Engramel,  connu  par  un  ouvrage  sur 
la  Tunotechnie  ou  VArt  de  noter  les  cylindres,  publié  en 
1775,  fut  le  premier  qui  appliqua  au  clavecin  un  appareil 
pour  noter  la  musique.  Son  invention  présentait  une  combi- 
naison différente;  car  il  n'employait  qu'un  seul  cylindre,  et 
au  lieu  de  faire  marquer  les  signes  de  notation  sur  du  papier 
qui  se  déroulait,  il  les  faisait  tracer  sur  le  cylindre  même, 
couvert  de  deux  papiers,  l'un  blanc,  l'autre  noirci.  Le  cylin- 
dre, mis  en  mouvement  par  une  manivelle,  était  disposé  de 
manière  qu'à  chaque  tour  il  dérivait  de  côté.  La  révolution 
totale  était  de  quinze  tours,  et  durait  trois  quarts  d'heure. 
Quant  au  mécanisme  qui  servait  à  faire  les  signes  de  notation  ; 
on  n'en  connaît  pas  les  détails.  On  sait  seulement  qu'il  y 
avait  un  clavier  de  rapport  dont  les  touches  répondaient  à 
celles  du  clavecin. 

Au  moyen  de  son  procédé,  le  père  Engramel  obtenait  non 
seulement  la  notation  des  pièces  jouées  sur  l'instrument,  mais 
il  pouvait  les  faire  exécuter  ensuite  avec  la  plus  grande  exac- 
titude parla  même  mécanique,  en  pointant  le  cylindre,  c'est- 
à-dire,  en  remplaçant  les  marques  imprimées  au  cylindre  par 
des  pointes,  comme  on  fait  pour  les  cylindres  des  serinettes, 
ou  orgues  à  manivelle.  S'il  en  faut  croire  une  anecdote  rap- 
portée par  Laborde ,  le  moine  ingénieux  se  servit  un  jour  de 
ce  moyen,  à  la  grande  surprise  d'un  virtuose  étrauger,  qui 


après  avoir  joué  plusieurs  morceaux  dont  il  refusait  la  com- 
munication, les  entendit  quelques  jours  après  reproduits  avec 
la  plus  grande  précision. 

Comme  il  le  dit  lui-même,  dans  sa  l'onotechnie,  le  père 
Engramel  s'occupait  d'un  ouvrage  sur  la  facture  des  instru- 
ments, dans  lequel  il  se  proposait  de  traiter  de  l'application 
des  cylindres  à  toutes  sortes  d'instruments,  et  de  plusieurs 
inventions  curieuses.  Il  est  à  regretter  que  cet  ouvrage,  s'il  a 
été  fait,  n'ait  pas  vu  le  jour;  car  nous  aurions  eu  des  détails 
plus  complets  sur  l'invention  dont  nous  venons  de  parler. 

En  1783,  un  nommé  Gattey  annonça,  dans  le  Journal  de 
Paris,  une  machine  propre  à  écrire  les  improvisations  exé- 
cutées sur  un  instrument  à  clavier  ;  mais  il  ne  donna  pas  suite 
à  son  projet. 

Vers  le  même  temps,  Riedler,  facteur  de  pianos  ,  établi  à 
Bonn ,  construisit  une  machine  semblable  ;  on  ignore  quel 
était  son  procédé. 

En  1801,  un  facteur  d'orgues  à  Stuttgard,  nommé  Pfeiffer, 
annonça  un  nouveau  piano  mélographe  de  son  invention.  Au 
dire  des  journaux ,  cet  instrument  devait  différer  de  tout  ce 
qu'on  avait  fait  jusqu'alors  dans  ce  genre.  Nous  ignorons  quel 
en  a  été  le  résultat. 

Nous  passons  sous  silence  les  tentatives  faites  à  Londres 
par  Stanhope ,  Vinnicorabe  et  autres ,  sur  lesquelles  on  n'a 
également  que  des  renseignements  vagues  et  incomplets. 

En  1827,  M.  Careyre  présenta  à  l'Académie  des  beaux- 
arts  de  l'Institut  un  piano  mélographe ,  et  fit  des  expériences 
devant  une  commission  nommée  pour  faire  un  rapport  sur 
son  instrument.  Il  paraît  que  la  commission  ne  fut  pas  satis- 
faite, car  le  rapport  ne  parut  point.  L'instrument  consistait 
en  un  mouvement  d'horloge  qui  faisait  dérouler  d'un  cylindre 
sur  un  autre  une  lame  mince  de  plomb,  où  s'imprimaient, 
par  l'action  des  touches  du  piano ,  les  signes  dont  on  opérait 
ensuite  la  traduction  en  notes  ordinaires. 

Un  autre  piano  mélographe  a  été  imaginé  par  M.  Baudouin, 
qui  en  présenta  à  l'Académie  les  dessins ,  dont  il  donna  l'ex- 
plication par  la  lecture  d'un  mémoire.  L'Académie  s'est 
abstenue  de  se  prononcer  sur  le  mérite  de  cette  invention,  et 
nous  ignorons  ce  qu'il  peut  y  avoir  eu  de  particulier. 

En  1838,  M.  Wetzels,  facteur  de  pianos  à  Paris,  s'occupa 
d'un  instrument  semblable  qu'il  destinait  à  l'exposition  de 
l'année  suivante.  IMais  cet  instrument  n'y  a  point  paru  : 
achevé  à  moitié ,  il  fut  abandonné  par  le  facteur  qui  rencontra 
dans  la  construction  des  obstacles  dont  il  ne  put  triompher  à 
son  entière  satisfaction. 

Dans  un  de  nos  précédents  articles,  où  nous  rendions 
compte  de  l'exposition  de  M.  Pape,  nous  avons  mentionné 
un  piano  sténographe,  qui  semble  être  construit  sur  un  prin- 
cipe nouveau.  Nous  espérons  pouvoir  en  parler  plus  tard  avec 
détail ,  lorsque  le  célèbre  facteur  aura  levé  le  secret ,  qu'il  a 
gardé  jusqu'ici  sur  la  construction  de  cet  instrument. 

Ces  nombreuses  tentatives,  dont  aucune  n'a  complètement 
réussi,  prouvent  l'immense  difficulté  que  rencontre  la  solu- 
tion d'un  pareil  problème.  Aussi,  comme  l'a  dit  un  auteur 
dont  le  nom  nous  échappe  ,  le  piano  mélographe  a-î-il  été  le 
rêve  des  artistes  et  le  désespoir  des  mécaniciens.  Voyons 
maintenant  quel  résultat  M.  Guérin  a  obtenu  ,  et  s'il  a  atteint 
le  but  qu'il  se  proposait  dans  la  construction  de  son  piano- 
graphe.  C'est  ainsi  qu'il  a  nommé  son  instrument  ;  ne  nous 
arrêtons  pas  à  la  critique  du  mot ,  pour  passer  tout  de  suite 
à  la  chose. 

L'appareil,  contenu  dans  une  caisse  rectangulaire  qui  se 
place  sous  le  piano  auquel  ou  l'attache  par  deux  vis ,  se  com- 
pose de  trois  parties  principales  : 


DE  PARIS. 


2S3 


1"  D'un  mécanisme  destiné  à  mettre  en  action  la  pointe 
qui  trace  les  signes  de  notation; 

2°  D'un  système  de  cylindres  au  moyeu  desquels  se  dé- 
roule le  papier  qui  doit  recevoir  ces  signes  ; 

3°  D'un  mouvement  d'horlogerie  servant  à  régler  la  rota- 
tion de  ces  cylindres. 

Quant  aux  détails  de  chacune  de  ces  parties,  il  n'est  pas 
aisé  de  les  faire  comprendre  sans  le  secours  d'un  dessin  ; 
nous  essayerons  toutefois  d'en  donner  sommairement  une 
explication. 

Lorsque  l'appareil  est  bien  fixé,  une  rangée  de  pilotes  se 
trouve  placée  au-dessous  du  clavier,  de  manière  que  chaque 
touche  correspondu  un  de  ces  pilotes  auquel  elle  communique 
son  mouvement.  Celui-ci  exerce  à  son  extrémité  inférieure 
une  pression  sur  le  bout  d'une  des  branches  d'une  équerre 
pivotant  verticalement  sur  son  angle.  A  l'extrémité  de  l'autre 
branche  de  l'équerre  se  trouve  attaché  un  fil ,  qui ,  après  avoir 
tourné  sur  une  poulie ,  se  dirige  vers  le  système  des  cylindres 
placé  sur  le  côté  droit  de  l'appareil.  Là  le  fd  aboutit  à  la  par- 
tie supérieure  du  noteur,  espèce  de  règle  en  cuivre.  Cette 
règle,  placée  dans  une  situation  verticale,  a  son  point  d'appui 
vers  le  milieu;  un  peu  au-dessous,  et  vers  le  bord  qui  fait 
face  à  un  des  cylindres ,  elle  est  munie  d'une  pointe  qui  sert 
à  tracer  les  signes  de  notation. 

On  conçoit  maintenant  que  la  pression  du  doigt  sur  la 
touche  fait  pivoter  l'équerre  au  moyen  du  pilote ,  et  le  fil  at- 
taché à  celle-ci,  en  tirant  la  règle,  lui  imprime  un  mouve- 
ment qui  fait  agir  la  pointe  sur  le  papier.  Dès  que  le  doigt 
abandonne  la  touche,  et  qu'elle  se  relève ,  le  noteur,  poussé 
par  un  ressort,  revient  dans  sa  position  naturelle. 

Les  cylindres,  places  horizontalement,  sont  au  nombre  de 
quatre.  Le  papier  roulé  sur  le  premier  se  déroule  sur  celui 
qui  fait  face  au  noteur,  et  après  en  avoir  reçu  la  notation 
(qui  se  marque  au  moyen  de  noir  de  fumée  dont  ce  cylindre 
est  enduit)  passe  entre  les  deux  autres  cylindres  qui  font 
oEQce  de  laminoir. 

Le  déroulement  du  papier  devant  s'effectuer  avec  une  vi- 
tesse uniforme ,  exige  la  plus  grande  régularité  dans  la  rota- 
tion des  cylindres,  et  celte  régularité  s'obtient  par  le  mouve- 
ment d'horlogerie  que  nous  avons  indiqué  plus  haut,  et  dont 
il  serait  inutile  de  donner  les  détails. 

Ce  mécanisme,  habilement  combiné,  est  exécuté  avec  une 
grande  précision  et  fonctionne  parfaitement.  Au  moment  où 
l'on  frappe  la  touche,  sa  note  est  marquée  sur  le  papier. 
Mais  quelle  est  cette  notation  ?  On  présume  bien  qu'elle  doit 
consister  en  des  signes  fort  simples,  tels  que  les  permet  la 
nature  de  l'appareil. 

Comme  on  vient  de  le  voir,  la  pointe  du  noteur  reste  ap- 
puyée sur  le  papier  tant  que  l'on  lient  le  doigt  sur  la  touche, 
et  elle  le  quitte  dès  que  la  touche  se  relève.  Or,  le  papier  se 
déroulant  avec  une  vitesse  toujours  égale ,  il  s'ensuit  que 
toutes  les  notes  se  marquent  par  des  traits  plus  ou  moins 
longs ,  et  dont  la  longueur  est  proportionnelle  à  la  durée  ou 
valeur  de  la  note;  en  sorte  que  le  trait  qui  représente  une 
ronde  sera  le  double  de  celui  qui  désigne  une  blanche ,  et 
ainsi  de  suite. 

Tous  les  inventeurs  d'appareils  mélographes  ont  adopté  ce 
système  de  notation,  c'est-à-dire  qu'ils  ont  représenté  la 
valeur  des  notes  par  des  traits  de  diverses  longueurs.  Mais  il 
reste  à  désigner  l'intonation ,  ou  la  position  que  la  note  occupe 
dans  l'échelle  musicale;  et  là,  les  systèmes  ont  varié.  Les 
uns  ont  adoplé  la  portée  ordinaire  de  cinq  lignes,  d'autres  se 
sont  servis  de  portées  particulières  avec  plus  ou  moins  de  lignes 
groupées  arbitrairement.  Ainsi,  par  exemple,  Creed  proposa 


des  portées  disposées  alternativement  par  deux  et  par  trois 
lignes,  et  il  s'arrangeait  de  manière  que  les  notes  naturelles 
se  trouvassent  partout  sur  les  lignes,  les  notes  altérées  dans 
les  interlignes.  D'autres  enfin  se  passaient  entièrement  de 
portées  ;  c'était  le  système  de  Hohifeld.  Lorsque  dans  sa  ma- 
chine on  déroulait  le  papier  pour  traduire  la  notation,  on  ne 
voyait  que  des  traits,  dont  les  distances  se  mesuraient  difficile- 
ment  à  l'œil.  Pour  trouver  la  position  des  notes,  on  se  servait 
d'une  règle  parallèle  que  l'on  passait  sur  le  papier.  Ce  déchif- 
frement était  long  et  fastidieux. 

Dans  le  pianographe  de  M.  Guérin ,  la  bande  de  papier  est 
réglée  à  deux  portées  ordinaires  de  cinq  lignes,  largement  es- 
pacées, et  les  traits  viennent  se  placer  exactement  sur  et 
entre  ces  lignes  comme  les  têtes  des  notes  usitées.  Ceci  est 
très  bien.  Mais  les  deux  portées  n'embrassant  que  trois  oc- 
taves, et  l'appareil  étant  établi  pour  six  octaves ,  il  a  fallu  un 
nombre  considérable  de  lignes  postiches  marquées ,  il  est 
vrai,  par  de  petits  points,  mais  qui  deviennent  un  embarras 
pour  la  lecture.  Déjà ,  comme  on  sait ,  dans  la  notation 
ordinaire  les  lignes  postiches,  lorsqu'elles  sont  trop  nom- 
breuses, embarrassent  l'œil  de  l'exécutant;  mais  ici  on  a  un 
expédient  fort  simple,  c'est  d'écrire  les  notes  une  octave  plus 
bas  et  de  les  distinguer  par  les  mots  aW  8".  Le  pianographe 
ne  permet  pas  cet  expédient ,  car  il  faut  que  la  mécanique 
mette  le  signe  de  chaque  note  à  sa  véritable  place.  Com- 
ment voulez-vous  que  l'œil  du  lecteur,  déjà  sulfisamment 
occupé  par  le  travail  difficile  de  mesurer  les  diverses  lon- 
gueurs des  traits,  ne  s'égare  pas  dans  ces  lignes  postiches? 
L'exécution  à  vue  sera  impossible,  et  la  traduction  demandera 
de  la  patience  et  du  temps. 

Dans  un  mémoire  descriptif  sur  le  pianographe,  M.  Gué- 
rin a  donné  un  exemple  de  musique  notée  en  signes  sténo- 
graphiques  et  traduite  en  notation  ordinaire.  Ce  sont  huit 
mesures  d'un  morceau  fort  simple;  nous  aurions  désiré  un 
exemple  plus  compliqué.  Tant  que  l'improvisateur  se  tiendra 
dans  le  miheu  du  clavier  et  n'exécutera  que  des  choses  fa- 
ciles, la  lecture  ou  la  traduction  ne  souffrira  aucune  diffi- 
culté. Mais  que  Liszt  ou  Thalberg  viennent  jouer  un  de  leurs 
morceaux ,  qu'un  improvisateur  tel  que  Cavallo,  se  livrant  à 
toute  la  fougue  de  son  imagination,  fasse  voler  ses  doigts 
sur  toute  l'étendue  du  clavier,  et  l'on  verra  quel  travail  il 
faudra  pour  traduire  cette  notation  sténographique ,  si  toute- 
fois on  parvient  à  la  débrouiller  entièrement. 

Telle  est  sur  le  pianographe  notre  opinion,  que  nous  avons 
cru  devoir  émettre  franchement.  Toutefois  on  se  tromperait 
si  l'on  croyait  que  cet  instrument  nous  paraît  inutile.  Il 
pourra  rendre  des  services,  mais  restreints;  car  s'il  est  in- 
suffisant pour  recueillir  les  grandes  improvisations  des  vir- 
tuoses, il  ne  sera  pas  sans  utilité  pour  les  compo.siteurs.  En 
eiïet,  on  sait  que  les  compositeurs  se  plaisent  souvent  à  pré- 
luder pour  s'inspirer  ou  pour  aller  à  la  recherche  d'idées 
nouvelles.  Dans  des  moments  heureux  dos  motifs  se  présen- 
tent sous  leurs  doigts,  on  ne  sait  comment;  ils  s'enchaînent, 
la  verve  s'échauffe;  mais  pour  les  noter,  il  faudrait  s'inter- 
rompre, et  l'iaiagination  se  refroidirait.  En  écrivant  une  pen- 
sée, on  en  perd  plusieurs  autres.  Grâce  au  pianographe,  le 
compositeur  n'aura  pas  besoin  de  s'interrompre  ;  ce  qu'il 
joue  est  à  l'instant  fixé  sur  le  papier,  il  pourra  plus  tard  le 
revoir  et  choi.sir  entre  ces  idées  qui  lui  sont  venues  et  qui  se 
trouvent  conservées  pour  toujours.  De  même  que  le  peintre 
a  ses  livres  de  croquis,  sur  lesquels  il  jette  toutes  les  heu- 
reuses rencontres  du  hasard,  esquisses  qui  plus  lard  trou- 
veront place  dans  ses  tableaux,  de  même  le  compositeur 
aura  les  bandes  de  papier  qu'il  retirera  de  son  pianographe , 


254 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


et  qui  formeront  son  album  d'idées  musicales.  Ce  mérite  de 
l'instrument,  tout  borné  qu'il  est,  n'est  pas  à  dédaigner ,  et 
nous  souhaitons  à  M.  Guérin  que  tous  les  compositeurs 
soient  de  notre  avis. 

G-.E.  Anders. 


ou 
LA  VILLE  MUSICALE. 

(  Suite  el  fin  *.  ) 

ous  avons  laissé  Xilef  ne  respirant  que  la 
vengeance ,  et  prêt  à  monter  eu  ballon  pour 
aller  h  la  poursuite  de  sou  audacieuse  maî- 
tresse, en  Amérique,  oii  il  croyait  naïvement 
qu'elle  s'était  rendue.  Il  partit  en  effet ,  silen- 
cieux et  sombre  comme  ces  nuages  porteurs  de  la  foudre  qui 
se  meuvent  i-apidement  au  ciel  à  l'instant  précurseur  des 
horribles  tempêtes.  Il  dévorait  l'espace;  jamais  la  locomotive 
n'avait  fonctionné  avec  -une  si  furieuse  ardeur.  Le  navire 
rencontrait-il  un  courant  d'air  contraire,  il  le  fendait  intré- 
pidement de  sa  proue,  ou  ,  s'élevant  à  une  zone  supérieure, 
allait  chercher  soit  un  courant  moins  défavorable,  soit  même 
cette  région  du  calme  éternel  où  nul  être  humain  avant  Xilef 
n'était  sans  doute  encore  parvenu.  Dans  ces  solitudes  presque 
inaccessibles,  limites  de  la  vie,  le  froid  et  la  sécheresse  sont 
tels,  que  tous  les  objets  en  bois  contenus  dans  le  navire  se 
tordaient  et  craquaient.   Quant  au  pilote  sinistre ,  quant  h 
Xilef,  il  demeurait  impassible,  à  demi  mort  par  la  raré- 
faction de  l'atmosphère ,  regardant  tranquillement  le  sang 
lui  sortir  par  le  nez  et  la  bouche ,  jusqu'à  ce  que  l'impossi- 
bilité de  résister  plus  longtemps  à  une  douleur  pareille  le 
forçât  de  descendre  chercher  l'air  respirablc  et  voir  si  la 
direction  des  vents  lui  permettait  de  ne  le  plus  quitter.  L'im- 
pétuosité de  sa  course  fut  telle ,  que,  soixante  heures  après 
son  départ  de  Paleruie,  il  débarquait  à  Ne\v-\ork.  Impossible 
de  dire  toutes  les  recherches  auxquelles  i!  se  livra ,  toutes 
les  fouilles  qu'il  fit  faire  non  seulement  dans  les  villes ,  mais 
dans  les  villages,  dans  les  hameaux  même  dos  États-Unis, 
du  Canada,  du  Labrador,   puis  dans  toute  l'Amérique  du 
Sud  ,  jusqu'au  détroit  de  Magellan ,  et  dans  les  îles  de  l'Atlan- 
tique et  de  l'Océan  Pacifique.  Ce  ne  fut  qu'après  un  an  de  ce 
labeur  insensé  qu'il  en  reconnut  l'inutilité  et  que  l'idée  lui 
vint  enfin  d'aller  chercher  les  deux  scélérates  en  Europe,  où 
elles  étaient  i)cut-èlre  restées  pour  le  dépister  plus  aisément. 
Il  avait  d'ailleurs  besoin  de  revoir  son  ami  llotceh  pour  lui 
demander  les  ressources   qui  bientôt  allaient  lui  manquer. 
On  se  doute  bien  en  effet  que  dans  cette  furibonde  exploration 
du  ciel ,  de  la  terre  et  des  eaux ,  l'argent  n'avait  pas  été  mé- 
nagé. Il  se  décida,  en  conséquence,  à  retourner  à  Euphonia,  où 
il  arriva  après  trois  jours  de  navigation,  précisément  un  soir 
où  Nadira  et  Uotceh  donnaient  une  fête  dans  leur  villa.  Les 
jardins  et  les  salons  étaient  somptueusement  illuminés.  Xilef, 
ne  voulant  se  montrer  qu'à  son  ami ,  attendit,  caché  dans  un 
bosquet ,  l'occasion  de  le  rencontrer  seul ,  et  de  là ,  écoutant 
les  bruits  de  la  fête ,  tressaillit  aux  accents  d'une  voix  qui  lui 
rappelait  celle  d'Ellimac.  «  Imagination  ,  délire  !  «  se  dit-il. 
Rotceh  sortit  enfin  ,  et  en  apercevant  l'exilé  qui  s'offrait 
brusquement  à  ses  yeux  :  «  Dieu  !  c'est  toi  !  quel  bonheur  ! 


(1)  La  leproduction  de  cette   nouvelle  est  interdite. — Voiries 
numéros  7,8,  9,  H,  ] 2,  17  et  22.  I 


Ah  !  rien  ne  manquera  donc  à  notre  fête  ,  puisque  le  voilà. 
— Silence,  je  t'en  prie,  Rotceh  ;  je  ne  puis  me  montrer.  Je  ne 
suis  plus  Euphonien  ;  j'ai  perdu  mon  emploi  ;  je  viens  seule- 
ment t'entretenir  d'une  grave  affaire.  —  A  demain  les  affaires 
sérieuses  ,  répliqua  Rotceh  ;  ton  emploi  te  sera  rendu  ,  j'en 
réponds;  tu  es  toujours  des  nôtres.  Suis-moi,  suis-moi;  il 
faut  que  je  te  présente  à  Nadira,  qui  sera  ravie  de  te  con- 
naître enfin.  »  Et  avec  celte  cruelle  légèreté  des  gens  heureux, 
incapables  de  comprendre  chez  autrui  la  souffrance ,  il  en- 
traîna bon  gré  mal  gré  Xilef  vers  le  lieu  de  la  réunion.  Le 
hasard  voulut  qu'au  moment  où  les  deux  amis  entraient  dans 
la  salle  où  se  trouvait  Nadira  ,  celle-ci ,  occupée  sans  doute 
de  quelque  coquetterie ,  ne  les  aperçût  point.  Elle  n'eut  pas 
le  temps  d'être  préparée  à  la  foudroyante  apparition  de  Xilef. 
Quant  à  lui ,  il  avait  en  entrant  reconnu  sa  perfide  maîtresse ,' 
mais  la  haine  et  la  souffrance  avaient ,  depuis  un  an  ,  donné 
à  son  caractère  une  telle  fermeté ,  il  était  devenu  tellement 
maître  de  ses  impressions,  qu'il  sut  à  l'instant  même  dominer 
son  trouble  et  le  cacher  entièrement.  Xilef  et  Nadira  furent 
donc  mis  en  présence  brusquement  et  de  la  façon  la  plus 
propre  à  déconcerter  deux  êtres  moins  extraordinaires.  La 
belle  cantatrice,  en  rencontrant  l'amant  qu'elle  avait  si  indigne- 
ment abandonné  et  trompé,  et  voyant  au  premier  coup  d'oeil 
qu'il  ne  voulait  pas  la  recoimaîlre,  pensa  qu'il  n'y  avait  rien 
de  mieux  à  faire  que  de  l'imiter,  et  le  salua  d'une  façon  polie , 
mais  froide,  sans  le  plus  léger  symptôme  de  surprise  ni  de 
crainte  :  telle  était  la  prodigieuse  habitude  de  dissimulation 
de  cette  femme.  Rotceh  n'eut  donc  aucun  soupçon  de  la  vé- 
rité ,  et  s'il  remarqua  une  certaine  froideur  dans  la  manière 
dont  Xilef  et  Nadira  s'abordèrent ,  il  l'attribua  d'un  côté  it 
une  sorte  de  jalousie  instinctive  capable  de  faire  voir  de  mau- 
vais oeil  à  Nadira  quiconque  pouvait  lui  enlever  la  moindre 
part  des  affections  de  son  amant,  et  de  l'autre  au  douloureux 
retour  que  Xilef  n'avait  pu  manquer  de  faire  sur  son  malheur, 
en  contemplant  à  l'improvisle  l'ivresse  et  le  bonheur  d'autrui. 
î.a  fête  continua  sans  que  le  moindre  nuage  vînt  en  ternir 
l'éclat.  Mais  longtemps  avant  sa  fin  l'œil  pénétrant  de  Xilef 
avait  reconnu  à  certains  signes  imperceptibles  pour  tout  autre 
observateur,  à  certains  gestes,  à  l'accentuation  de  certains 
mots ,  la  vérité  irrécusable  de  ce  fait  :  Nadira  trompait  déjà 
Rotceh.  Dès  ce  moment  l'idée  d'une  résignation  stoïque  à 
laquelle  Xilef  s'était  d'abord  arrêté  pour  ne  pas  détruire  le 
bonheur  de  son  ami  et  le  laisser  dans  l'ignorance  des  anté- 
cédents de  Nadira  ,  cette  idée  généreuse ,  dis-je ,  fit  place  à 
des  pensées  sinistres  qui  illuminèrent  tout  d'un  coup  les  plus 
sombres  profondeurs  de  son  âme,  et  lui  dévoilèrent  des  ho- 
rizons d'horreur  encore  inconnus.  Son  parti  fut  bientôt  pris. 
Déclarant  le  lendetuain  à  Rotceh  qu'il  renonçait  à  continuer 
son  voyage,  qu'il  était  inutile  en  conséquence  de  l'entrelenii' 
de  l'affaire  dont  il  avait  d'abord  voulu  lui  parler  ,  il  lui  an- 
nonça qu'il  se  décidait  à  rester  à  Euphonia,   mais  caché, 
mais  obscur,  mais  inactif.  Il  le  pria  de  ne  tenter  aucune  dé- 
marche pour  lui  faire  rendre  sa  préfecture ,  le  calme  et  le 
repos  étant  les  seuls  biens  nécessaires  à  sa  vie  maintenant. 

Nadira  ,  malgré  sa  pénétration  ,  se  laissa  prendre  à  ce  faux 
semblant  de  douleur  résignée,  et  n'eut  pas  de  peine  à  faire  sa 
leçon  à  sa  mère,  en  lui  enjoignant  d'imiter  sa  réserve  à  l'égard 
de  Xilef,  qui  paraissait  vouloir  oublier  un  secret  qu'elle  et  lui 
connaissaient  seuls  à  Euphonia. 

Pour  rendre  celte  situation  moins  dangereuse,  Xilef,  sor- 
tant rarement  en  apparence  de  la  retraite  qu'il  avait  choisie  , 
ne  voulut  voir  son  ami  qu'à  certains  intervalles  peu  rappro- 
chés, s'accusant  lui-même  d'une  sauvagerie  que  d'incura- 
bles chagrins  pouvaient  faire  excuser.  Mais  caché  sous  divers 


DE  PARIS. 


255 


déguisements,  et  avec  la  prudence  cauteleuse  du  chat  dans 
ses  expéditions  nocturnes  ,  il  épiait  les  démarches  de  Nadira  , 
la  suivait  dans  ses  plus  secrets  rendez- vous,  et  il  parvint  ainsi, 
au  bout  de  quelques  mois,  à  tenir  le  fil  de  toutes  ses  intrigues 
et  h  mesurer  l'étendue  de  son  infamie.  Dès  lors  le  dénoûment 
du  drame  fut  arrêté  dans  son  esprit.  Rotceh  devait  être  arra- 
ché à  tout  prix  à  une  existence  ainsi  souillée  et  déshonorée; 
sa  mort  même  dût-elle  être  la  suite  de  son  désillusionnement, 
il  fallait  que  le  grand  amour,  l'amour  noble  et  enthousiaste  , 
le  plus  sublime  sentiment  du  cœur  humain,  qui  avait  embrasé 
deux  artistes  éminents  pour  une  si  indigne  créature,  fût  vengé, 
et  vengé  d'une  manière  terrible,  effroyable,  à  nulle  autre  pa- 
reille. Et  voici  comment  Xilef  sut  remplir  ce  redoutable 
ministère. 

Il  y  avait  alors  à  Euphonia  un  célèbre  mécanicien  dont  les 
travaux  faisaient  l'étonnement  général.  Il  venait  de  terminer 
un  piano  gigantesque,  qu'un  seul  individu  pouvait  jouer  néan- 
moins, et  dont  les  sons  variés  étaient  si  puissants  qu'il  lut- 
tait sans  désavantage  avec  un  orchestre  de  deux  cents  musi- 
ciens. De  là  le  nom  de  piano -orchestre  qu'on  lui  avait  donné. 
Le  jour  de  la  fête  de  Nadira  approchait  ;  Xilef  persuada  sans 
peine  à  son  ami  qu'un  présent  magnifique  à  faire  à  sa  belle 
aimée  serait  le  nouvel  instrument  dont  chacun  s'entretenait 
avec  admiration,  n  Mais  si  tu  veux  compléter  sa  joie,  ajouta-t-il, 
joins-y  le  délicieux  pavillon  d'acier  que  le  même  artiste  vient  de 
construire  et  dont  l'élégance  originale  ne  saurait  se  comparer 
à  lien  de  ce  que  nous  connaissons  eu  ce  genre.  Ce  sera  un 
ravissant  boudoir  d'été,  aéré,  frais,  sans  prix  dans  notre 
saison  brûlante  ;  tu  pourras  même  l'inaugurer  en  y  donnant 
un  bal  d'amis  intimes  que  Nadira  radieuse  présidera.  »  Ilotceh, 
plein  de  joie,  approuva  fort  l'idée  de  son  ami,  et  le  chargea 
même  de  faire  l'acquisition  de  ces  deux  chefs-d'œuvre.  Celui- 
ci  n'eut  garde  de  retarder  sa  visite  au  célèbre  mécanicien. 
Après  lui  en  avoir  faitconnaître  l'objet,  il  lui  demanda  s'il  se- 
rait possible  d'ajouter  au  pavillon  un  mécanisme  énergique  et 
spécial  dont  il  lui  indiqua  la  nature  et  l'effet,  et  dont  l'exis- 
tence ne  devait  être  connue  que  d'eux  seuls.  Le  mécanicien, 
étonné  d'une  telle  proposition  ,  mais  séduit  par  sa  nouveauté 
et  par  la  somme  considérable  que  Xilef  offrait  pour  son  accom- 
plissement, réfléchit  un  instant,  et,  avec  l'assurance  du  génie, 
répondit  :  Dans  cinq  jours  cela  sera.  — Il  suffit,  répondit  Xilef. 
Et  le  marché  fut  conclu. 

Cinq  jours  après,  en  effet,  l'heureux  Rotceh  put  offrir  à  sa 
maîtresse  le  double  présent  qu'il  lui  destinait. 

Nadira  le  reçut  avec  des  transports  de  joie  ;  le  pavillon  sur- 
tout la  ravissait  ;  elle  ne  pouvait  se  lasser  d'admirer  sa  struc- 
ture à  la  fois  élégante  et  solide  ,  les  ornements  curieux  ,  les 
arabesques  dont  il  était  couvert ,  et  son  ameublement  exquis 
et  sa  fraîcheur  qui  le  rendait  si  précieux  pour  les  ardentes 
nuitscaniculaires.  «C'est uneidéecharmantedeXilef,s'écria-t- 
elle,  de  l'inaugurer  par  un  bal  d'amis  intimes,  bal  dont  mon 
cher  Rotceh  sera  l'âme  en  improvisant  de  brillants  airs  de 
danse  sur  le  nouveau  piano-géant.  Mais  ce  magique  instru- 
ment est  d'une  trop  grande  sonorité  pour  rester  ainsi  rappro- 
ché de  l'auditoire  ,  Xilef  aura  donc  la  bonté  de  le  faire  enle- 
ver du  pavillon  et  porter  à  l'extrémité  du  jardin  dans  le  grand 
salon  de  la  villa  d'où  nous  l'entendrons  encore  à  merveille.  Je 
vais  faire  mes  invitations.  »  Cet  arrangement ,  qui  paraissait 
naturel  et  entrait  d'ailleurs  parfaitement  dans  le  plan  de  Xilef, 
fut  bientôt  terminé.  Le  soir  même,  Nadira  parée  comme  une 
fée,  et  .«on  énorme  mère  couverte  de  grotesques  oripeaux,  re- 
cevaient dans  le  pavillon  les  jeunes  femmes,  bien  dignes  sous 
tous  les  rapports  de  l'intimité  dont  Nadira  les  honorait,  et  les 
jeunes  hommes  qu'elle  avait  distmgttes.  Le  piège  était  tendu; 


Xilef  voyait  avec  un  sang-froid  terrible  ses  victimes  venir 
s'y  prendre  successivement.  Rotceh ,  toujours  sans  méfiance, 
leur  fit  le  plus  cordial  accueil  ,  mais  il  se  sentait  dominé  par 
un  sentiment  de  tristesse  singulier  en  pareille  circonstance  ; 
et  s'approchant  de  Nadira  :  «  Que  tu  esbelle,  chère,  lui  dit-il 
avec  extase.  Pourquoi  ce  soir  suis-je  donc  triste?  je  devrais 
être  si  heureux  !  Il  me  semble  que  je  touche  à  quelque  grand 
malheur,  à  quelque  affreux  événement C'est  toi,  mé- 
chante péri,  dont  la  beauté  me  trouble  et  m'agite  ainsi  jus- 
qu'au vertige.  —  Allons ,  vous  êtes  fou  ,  trêve  de  visions  ! 
Vous  feriez  mieux  d'aller  vous  mettre  au  piano ,  le  bal  an 
moins  pourrait  commencer. — Oui  sans  doute  ,  ajouta  Xilef, 
la  belle  Nadira  a  raison  comme  toujours ,  au  piano  !  chacun 
brûle  ici  d'en  venir  aux  mains.  »  Bientôt  les  accents  d'une 
valse  entraînante  retentissent  dans  le  jardin ,  les  groupes  de 
danseurs  se  forment  et  tourbillonnent.  Xilef,  debout,  la  main 
sur  un  bouton  d'acier  placé  dans  la  paroi  extérieure  du  pa- 
villon ,  les  suit  de  l'œil.  Quelque  chose  d'étrange  semble  se 
passer  en  lui  ;  il  paraît  hésiter  ;  ses  lèvres  sont  pâles,  ses  yeux 
se  voilent;  il  porte  de  temps  en  temps  une  main  sur  son  cœur, 
commepouren contenir  les  rudes  battements.  Il  hésite  encore. 
Mais  il  entend  Nadira,  passant  près  de  lui  au  bras  de  son  val- 
seur, jeter  à  celui-ci  ces  mois  rapides  :  «  Non  ,  ce  soir,  im- 
possible, mais  attends-moi  demain.  »  La  rage  de  Xilef  à  cette 
nouvelle  preuve  de  l'impudeur  de  Nadira  ne  se  peut  contenir, 
il  appuie  de  tout  son  poids  sur  le  bouton  d'acier  en  disant  :  «  De- 
main !  misérables,  il  n'y  a  plus  de  demain  pour  vous  !  »  et  court 
à  Rotceh ,  qui ,  tout  entier  à  ses  inspirations,  inondait  la  villa  et  le 
jardin  d'harmonies  tantôt  douces  et  tendres^  tantôt  d'un  carac- 
tère farouche  et  désespéré:»  Allons  donc  Rotceh!  lui  crie-t-il,tu 
t'endors,  on  se  plaint  de  la  lenteur  de  ton  mouvement.  Plus 
vite!  plus  vite  !  les  valseurs  sont  très  animés!  à  la  bonne 
heure!  Oh!  la  belle  phrase,  l'étonnante  harmonie!  comme  cette 
pédale  menaçante  semble  broyer  ces  accords  diminués!  comme 
il  grince  et  gémit  ce  thème  dans  le  mode  mineur  !  on  di- 
rait d'un  chant  de  furies!  tu  es  poëtc  ,  tn  es  sublime  ,  lu  es 
devin.  Entends  leurs  cris  de  joie;  oh!  ta  Nadira  est  bien  heu- 
reuse !  »  Des  cris  affreux  parlaient  en  effet  du  pavillon  ;  mais 
Rolceh,  toujours  plus  exalté,  tirait  du  piano-orchestre  un 
orage  de  sons  qui  couvrait  les  clameurs  et  pouvait  seul  lui  en 
dérober  le  caractère. 

Au  moment  où  Xilef  avait  pressé  le  ressort  destiné  à  faire 
mouvoir  le  mécanisme  secret  du  pavillon,  les  parois  d'acier 
de  ce  petit  édifice  de  forme  ronde  avaient  commencé  à  se 
rouler  sur  elles-mêmes  lentement  et  sans  bruit;  de  sorte  que 
les  danseurs  voyant  l'espace  où  ilss'agitaientmoinsgrand  qu'au- 
paravant, crurent  d'abord  que  leur  nombre  s'était  accru.  Na- 
dira étonnée  s'écria  :  Mais  quels  sont  donc  les  nouveaux  ve- 
nus? évidemment  nous  sommes  plus  nombreux,  on  n'y  tient 
plus  ,  on  va  étouffer  ,  il  semble  même  que  les  fenêtres  plus 
étroites  donnent  maintenant  moins  d'air  !  —  Et  madame  El- 
iimac,  rouge  et  pâle  successivement  :  mon  Dieu,  messieurs  , 
qu'est-ce  que  cela  ,  emportez-moi  hors  d'ici  !  ouvrez  ,  ou- 
vrez !  »  Mais  au  lieu  de  s'ouvrir  ,  le  pavillon  se  roulant  sur 
lui-même  par  un  mouvement  qui  s'accélère  tout-a-coup,  les 
portes  et  fenêtres  sont  à  l'instant  masquées  par  une  muraille 
de  fer.  L'espace  intérieur  se  rétrécit  rapidement ,  les  cris  re- 
doublent ;  ceux  de  Nadira  surtout  dominent;  et  la  belle  can- 
tatrice, la  poétique  fée  se  sentant  pressée  de  toutes  parts  re- 
pousse ceux  qui  l'entourent  avec  des  gestes  et  des  paroles 
d'une  horrible  brutalité ,  la  bassesse  de  sa  nature  dévoilée 
par  la  peur  de  la  mort  se  montrant  alors  dans  toute  sa  laideur. 
Et  Xilef  qui  a  quitté  Rotceh  pour  voir  de  près  cet  infernal 
spectacle,  Xilef  pantelant  comme  un  tigre  qui  lèche  sa  proie 


256 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


abattue,  tourne  autour  du  pavillon  en  criant  de  toute  sa  for- 
ce :  Eh  bien  Elliniac,  qu'as-tu  donc,  chère  belle,  à  t'empor- 
ter  de  la  sorte  ?  ton  corsel  d'acier  te  serrerait-il  trop?  prie  un 
de  ces  messieurs  de  le  délacer  ;  ils  en  ont  l'habitude  !  Et  Ion 
hippopotame  de  mère  comment  selrouve-t-e!le?je  n'entends 
plus  sa  douce  voix  !  »  En  effet  aux  cris  d'horreur  et  d'an- 
goisse sous  l'étreinte  •toujours  plus  %'ive  des  cloisons  d'acier, 
vient  desuccéderun  bruit  hideux  de  chairs  froissées,  un  cra- 
quement d'os  qui  se  brisent,  de  crânes  qui  éclatent;  les  yeux 
jaillissent  hors  des  orbites,  des  jels  d'un  sang  écumant  se  font 
jour  au-dessous  du  toitdu  pavillon,  jusqu'àce  quel'atroce  ma- 
chine s'arrête  épuisée  sur  cette  boue  sanglante  qui  ne  résiste 
plus.  Rolceh  cependant  joue  toujours  ,  oubliant  la  fête  et  les 
danses,  tout  entier  à  l'ardente  inspiration  ,  quand  Xilef  l'œil 
hagard  l'arrache  du  clavier,  et,  l'entraînant  vers  le  pavillon  qui 
vient  de  se  rouvrir  en  laissant  retomber  sur  les  dalles  ce  char- 
nier fumant  où  ne  se  distinguent  plus  de  formes  humaines  : 
Viens  maintenant,  viens  malheureux,  viens  voir  ce  qui  reste 
de  ton  infâme  Nadira  qui  fut  mon  infânaeEllimac,  ce  qui  reste 
de  son  exécrable  mère,  ce  qui  reste  de  ses  dix-huit  amants. 
Dis,  si  justice  est  bien  faite — Regarde!  »  A  ce  coup  d'œil  d'une 
horreur  infinie,  à  cet  aspect queles  vengeances  divines  épar- 
gnèrent aux  damnés  du  septième  cercle,  Rotceh  s'affaisse  sur 
lui-même.  En  se  relevant,  il  rit,  court  éperdu  au  travers  du 
jardin ,  chantant,  appelant  Nadira ,  cueillant  des  fleurs  pour 
elle,  gambadant,  il  est  fou. 

Xilef  s'était  calmé  au  contraire  ,  il  avait  repris  tout  d'un 
coup  son  sang-froid.  «  Pauvre  Rotceh!  il  est  heureux,  dit-il. 
Ah  ça,  mais  il  me  semble  que  je  n'ai  plus  rien  à  faire,  et  qu'il 
m'est  permis  maintenant  de  me  reposer.  »  Et  respirant  un 
flacon  de  cyanogène  qui  ne  le  quittait  jamais,  il  tomba  foudroyé. 

Six  mois  après  cette  catastrophe,  Euphonia  encore  en  deuil 
était  vouée  au  silence.  L'orgue  de  la  tour  élevait  seul  au  ciel 
d'heure  en  heure  une  lente  harmonie  dissonante  ,  comme  un 
cri  de  douleur  épouvantée. 

Rotceh  était  mort  vingt-quatre  heures  après  Xilef,  sans 
avoir  heureusement  retrouvé  un  seul  instant  lucide  ;  et  aux 
funérailles  des  deux  amis  dont  la  terrible  histoire  demeura 
inconnue  de  la  ville  entière  ,  la  consternation  publique  était 
telle,  que  non  seulement  les  chants  ,  mais  même  les  bruits 
funèbres  furent  interdits. 

H.  Berlioz. 

FIN. 


crédit?  Non  sans  doute,  et  pourtant  ils  commettent  absolu- 
ment le  même  délit  envers  des  personnes  qui  n'ont  eu  d'au- 
tre tort  que  celui  de  se  dévouer  à  leurs  plaisirs.  Le  talent 
d'un  artiste  est  son  seul  bien  ,  sa  seule  fortune  :  le  condamner 
sans  l'entendre,  c'est  un  attentat,  c'est  un  crime,  bien  que 
les  lois  ne  les  punissent  pas;  c'est  un  acte  de  barbarie  indigne 
de  toute  nation  civihsée.  Ht  quelles  terribles  conséquences 
ne  dérivent-elles  pas  de  cet  acte  révoltant!  Que  d'existences 
menacées  par  la  clôture  d'un  théâtre ,  que  des  étourdis  trai- 
tent comme  une  plaisanterie,  dont  ils  se  font  un  jeu  cruel! 
Que  di3  misères  on  jette  sur  toute  une  classe,  dont  le  théâtre 
est  la  seule  ressource!  que  de  larmes  amères  on  lui  fait  ré- 
pandre! 11  est  temps  que  la  raison  mette  un  terme  à  ces  exé- 
cutions, dont  le  vandalisme  répugne  5  nos  mœurs,  à  nçtre 
probité ,  à  notre  politesse  :  l'honneur  national  y  est  intéressé. 


E:s.écïatîons  «li'aBiiatlques   et   lyriques.  —  Il 

se  passe  en  ce  moment  sur  les  principaux  théâtres  de  nos 
départements  des  scènes  d'un  genre  beaucoup  trop  violent 
pour  n'être  pas  odieux.  A  Toulouse,  à  Lyon,  à  fliontpellier, 
à  Nantes,  une  certaine  partie  du  public  semble  avoir  juré  la 
ruine  des  directions  théâtrales,  et,  pour  arriver  à  ses  lins, 
elle  accable  sans  pitié  de  ses  persécutions,  de  ses  sifflets,  tous 
'les  chanteurs,  toutes  les  cantatrices  et  autres  artistes,  qui  se 
présentent.  L'autorité  n'a  jusqu'ici  trouvé  aucun  moyen  de 
protéger  des  intérêts,  qui  méritent  toutes  ses  sympathies,  et 
nous  convenons  que  la  chose  n'est  pas  facile ,  car  il  s'agit 
moins  d'opposer  la  force  à  la  force  que  d'éclairer  et  de  con- 
tenir. Ces  mêmes  jeunes  gens,  qui  ne  se  font  nul  scrupule  de 
siffler  un  artiste ,  non  parce  qu'il  est  mauvais ,  mais  parce 
qu'ils  en  veulent  un  autre,  ou  seulement  parce  qu'ils  croient 
avoir  des  griefs  contre  :  a  directeur,  oseraient-ils  porter 
atteinte  à  la  propriété  de  l  ir  ennemi  le  plus  mortel,  mettre 
le  feu  à  sa  maison,  le  bleaser  dans  sa  réputation,  dans  son 


JEUNE  FULLE  AUX  YEUX  NOIRS. 
IDessin  de  G-avarni. 

Vous  remarquez  sans  doute  que  noire  galerie  pittoresque 
de  chanteurs  de  salon,  de  chanteurs  des  rues,  s'enrichit  peu 
à  peu  de  toutes  les  antithèses  plus  ou  moins  bouffonnes,  plus 
ou  moins  tristes,  dont  les  modèles  frappent  continuellement 
nos  yeux.  Voici  aujourd'hui  celle  de  la  décrépitude  et  de  la 
laideur  chantant  la  jeunesse  et  la  beauté,  celle  de  la  misère 
sans  pain  professant  le  mépris  des  richesses,  et  les  ijnmolant  à 
l'amour.  Cela  rappelle  ce  Pauvre  diable  si  énergiquement 
esquissé  par  Voltaire  : 

Que  faisais-tu  sur  le  Parnasse  ?  —  Hélas  ! 
Dans  mon  grenier,  entre  deux  sales  draps. 
Je  célébrais  les  faveurs  de  Glycère, 
De  qui  jamais  n'approcha  ma  misère  ; 
Ma  Iriste  voix  chantait  d'un  gosier  sec 
Le  vin  mousseux,  le  Fronlignan,  le  Grec, 
Buvant  de  l'eau  dans  un  vieux  pot  à  bière; 
Faute  de  bas  ,  passant  le  jour  au  lit , 
Sans  couverture,  ainsi  que  sans  habit. 
Je  fredonnais  des  vers  sur  la  paresse; 
D'après  Chaulieu  je  vantais  la  mollesse. 


ITOITTELiLiSS. 

*/  Demain  lundi ,  à  l'Opéra  ,  le  Diable  amoureux  et /a  Polka. 

*,*  Avant  de  quitter  l'Opéra  pour  un  temps  plus  ou  moins  long, 
Poullier  a  chanté,  lundi  dernier,  le  rôle  d'Éléazar  dans  la  Juive,  l'un 
des  ouvrages  qu'il  avait  joués  lors  de  ses  débuts,  et  il  y  a  obtenu  un 
succès  vraiment  remarquable,  un  des  plus  beaux  sucrés  que  puisse 
envier  un  artiste,  car  il  n'y  avait  là  rien  de  factice,  rien  de  com- 
mandé. Apres  l'air  du  quatrième  acte  ,  toute  la  salle  l'a  couvert  de 
bravos,  l'a  rappelé  pour  l'applaudir  encore.  Evidemment,  depuis 
quelques  semaines,  Poullier  a  fait  preuve  d'immenses  progrès  :  sa 
voix  a  beaucoup  gagné  en  puissance,  sans  rien  perdre  de  son  charme 
et  de  sa  pureté  sympathique.  Nous  l'avons  toujours  pensé,  toujours 
dit  :  il  y  a  dans  cet  artiste  ,  quelque  imparfait  qu'il  ait  pu  souvent 
paraître,  quelque  chose  de  rare  et  d'cminent  qui  le  distingue  de  la 
foule  des  chanteurs  vulgaires;  c'est  une  organisation  d'élite  dont 
l'intelligence  et  les  soins  peuvent  tirer  un  excellent  parti.  Poullier  a 
débuté  le2  octobre  1841,  seulement  après  dix-huit  mois  d'études. 
Le  travail  excessif  devait  avoir  fatigué  sa  voix  naturellement  déli- 
cate ;  aujourd'hui  qu'elle  s'est  fortiOée  par  le  repos,  par  la  confiance, 
par  l'habitude  et  le  métier,  elle  a  sulli  au  rôle  elTrayant  de  Robcrt- 
le-Diable.  Elle  s'est  développée  encore  mieux  dans  celui  d'Éléazar , 
quejaraiiisnous  n'avions  entendu  chanter  avec  plusd'âme,  plus  d'onc- 
tion paternelle.  Celle  soirée  d'adieu  laissera  donc  un  souvenir  dans 
l'histoire  du  chanteur,  et  le  théâtre  ne  l'oubliera  pas  non  plus. 

*,*  Barroilhet  est  parti  pour  le  festival  deCaen;  il  en  reviendra 
à  la  fin  du  mois  ,  et ,  par  suite  d'un  arrangement  qui  repore  à  l'an- 
née prochaine  les  quinze  jours  de  congé  auxquels  il  avait  droit,  il 
sera  à  la  disposiliua  du  directeur  de  l'Opéra. 


DE  PARIS. 


25^ 


V  Duprez  a  fait  sa  rentrée  vendredi  dans  Guillaume  Tell  avec 
son  succès  arcoulunié. 

".*  Ze  Maçon,  opéra  de  MM.  Scribe  et  Auber,  devait  cire  repris 
jeudi  dernier  sur  le  théâtre  (lu  cbàleau  de  Saint-Cloud  ,  devant  le 
roi  et  la  faniille  royale;  mais  celle  n'iircsentation  a  été  ajournée 
jusqu'après  la  délivrance  deM"'"  la  princesse  de  Joinville,  dont  l'état 
de  grossesse  est  lort  avanc  c. 

%*  f.ts  répétiiions  de  GuU^lan  sont  reprises  :  Masset  et  M"'«  Casi- 
mir en  remplissent  les  principaux  rôles. 

%*  Voici  le  résultat  des  concours  qui  ont  eu  lieu  cette  semaine  au 
Conservatoire.  Harmonie  seule  ;  ce  comours  a  été  encore  jjIus  bril- 
Jant  celle  année  que  l'année  dernière  ;  il  y  avait  quinze  concurrents; 
dix  appartenaient  à  la  classe  de  M.  Hippolyle  Colet ,  et  cinq  à  celle 
deM.  AiMoine  Ehvart.  Le  jury,  composé  de  AIM.  Aubér,  Halévy, 
Carafa,  Zimmerman  ,  Panseron ,  Thomas,  Adam,  liarbereau, 
Fessy  et  Lcborne,  a  donné  un  premier  prix  à  l'unanimité,  deux  se- 
conds prix  à  l'unanimité,  et  trois  accessils,  A^oici  les  noms  des  lau- 
réats: 1'' prix,  M.  Lcbouc,  élève  de  M.  Colet  ;  2"  i  rix,  iMM.  Man- 
geant et  Crèvecœur,  élèves  de  M.  Colet;  I"  accessit,  M.  Cohen; 
2'^  accessit,  M.  Pasta,  également  élèves  de  M.  Colet.  M.  Douin,  élève 
de  M.  Colet,  ayant  obienu  un  accessit  l'année  dernière,  n'a  pu  con- 
server celui  qu'on  lui  a  décerné  celte  année. —  Uarmonie  et  accom- 
pagnement pratique.  Classe  des  hommes  :  point  de  l^'  prix;  2»  prix, 
M.  Testard,  élève  de  M.  I.ecouppey  ;  uccesiit,  M.  Coniard,  élève  du 
même  professeur.  Classe  des  femmes  :  I"  prix  ,  M""  Deisuc,  élève 
deM.  Dienaimé;  2"  prix,  M"=  Rifaut,  élève  du  même  professeur; 
l"'  accessit,  M"=  Martainvillc ,  élève  du  même;  2'=  accessit, 
M"'  Louetle ,  élève  du  même.  —  Les  élèves  de  AlM.  Halévy  et  Ca- 
rafa, pour  la  fugue,  seront  jugés  mercredi  prochain. 

*,*  Dans  une  de  ses  dernières  séances  la  Chambre  des  députés  a 
voté  la  loi  qui  proroge  à  vingt  ans  après  leur  moi't ,  au  lieu  de  dix  , 
les  droits  des  auteurs  el  composileurs  dramatiques  au  profit  de  leurs 
veuves  et  enfatils.  L'argument  qui  a  paru  faire  le  plus  d'impression 
sur  la  Chambre  ,  c'est  que  ,  si  la  loi  n'élait  pas  votée,  dans  quelques 
semaines,  au  mois  d'octobre  prochain  ,  tout  le  répertoire  de  Boïel- 
dieu  tomberait  dans  le  domaine  public ,  et  que  les  fruits  de  cet  ai- 
mable génie  seraient  perdus  pour  sa  veuve  et  son  lils.  C'est  donc  un 
bienfait  de  plus  que  l'art  musical  va  devoir  à  l'auteur  du  Calife  et 
de  lu  Dame  blunclic. 

','  Le  dimanche  4  août,  à  10  heures  très  précises,  on  exécutera 
dans  l'église  lie  Saint-Germain-l'Auxerrois ,  à  l'occasion  de  la  fête 
patronale,  une  nouvelle  messe  solennelle  de  la  composition  de 
M.  Julien  Martin. 

*,*  On  lit  dans  les  journaux  anglais  du  19  juillet  :  On  a  enlevé  les 
restes  de  Weber  de  la  chapelle  de  Moorfields  à  Londres  :  ces  restes 
seront  confiés  au  fils  aine  de  Weber  qui  se  truuve  en  ce  moment  en 
Angleterre  ;  il  les  portera  à  Hambourg,  et  île  la,  par  l'Elbe,  à  Dresde. 
Une  souscription  est  ouverte  à  Londres  pour  venir  en  aide  à  la 
souscription  d'Allemagne  destinée  à  lui  ériger  un  monument. 

*,*  Lyon.  —  Avant  le  départ  de  Liszl  pour  Marseille ,  ses  admira- 
teurs, et  le  nombre  eu  est  grand  ici  comme  ailleurs  ,  ont  voulu  lui 
offrir  un  banquet  splendide.  Un  buste  fort  ressemblant  du  célèbre 
artiste  modelé  pour  la  circonslanee,  par  un  professeur  de  l'école  de 
la  Martinière,  s'élevait  au  centre  de  la  salle  du  fcslin,  où  la  table 
avait  été  dressée  en  fer-à-cheval.  Chaque  convive  a  pu,  du  reste,  em- 
porter une  image  de  l'arlisle  fè  c;  son  profil  en  plaire  était  placé 
sous  toutes  les  serviettes.  A  un  signal  donné,  un  rideau  qui  couvrait 
le  trumeau  de  la  cheminée  est  tombé  et  a  laissé  voir  un  portrait- 
bronze  de  Liszt,  peint  par  Bonnclbn  ,  et  entouré  d'un  feuillage 
de  lauriers,  exécuté  par  M.  Thierriat.  Cette  œuvre,  offerte  au  hé- 


ros de  la  fête  comme  un  souvenir  de  son  passage  à  Lyon  ,  est,  dit- 
on,  fort  remarquable  et  fait  honneur  aux  deux  artistes  qui  y  »nt 
coopéré. 

Clu-onique  étrangèi'e. 

",*  Bade.  —  La  série  de  concerts  de  MM.  Panofka  et  P,osenhain  a 
I    commencé  le  20  juillet.  Cette  première  réunion  était  des  plus  brillan- 
tes, autant  sous  le  rapport  du  nombre  d'audileurs  que  du  choix  des 
morceaux  el  du  lalent  des  exécutants.  Le  délicieux  talent  de  M.  Pa- 
noflia  nous  a  déjà  souvent  rempli   d'admiration ,  et  aujourd'hui , 
comme  toujours,  il  aeiitrainé  son  auditoire  par  uneexpression  noble, 
grandiose  et  passionnée.  Le  jeu  de  cet  habile  violoniste  est  large,  son 
chantemprunlé  d'une  douce  mélancolie,  et  les  difficultés  qu'il  exé- 
I    eu  te  avec  une  légèreté  et  une  grâce  extraordinaires, sont  toujours  dans 
I    la  nature  du  bel  instrument  dont  il  est  maître,  ce  dont  nous  lui  sa- 
I    vons  gié.  JI.  Panofka  a  vivement  impressionné  son  auditoire  par  sa 
i   fantaisie  fijrnlienne,  ses  nocturnes  sur  l'opéra  Mina,  de  Thomas,  et 
une  valse  de  bravoure  pétillanle  d'esprit  et  de  grâce.  Il  nous  reste  à 
parler  du  beau  talent  de  M.  Rosenhain.  Voilà  un  pianiste  sérieux  et 
gracieux  à  la  fois,  qui  dédaigne  les  tours  de  force,  tout  ce  tapage  in- 
fernal, qui  nous  chaule  de  la  charmante  musique  sur  son  piano.  Son 
jeu  produit  surtout  un  délicieux  efi'et,  lorsqu'il  emploie  les  pédales 
dans  le  pianissimo  de  la  Danse  îles  sylphes ,  et  il  nous  fait  regretter 
la  courte  durée  de  cette  composition  originale.  Ces  deux  grands  ar- 
tistes ont  été  chaudement  applaudis,  et  cet  accueil,  rare  à  Bade, 
doit  les  engager  à  donner  bientôt  un  second  concert. 

*,■*  Madrid,  \h  juillel.  —  La  Jolie  fille  de  Gand  vient  de  faire  son 
apparition  sur  le  théâtre  del  Circo.  C'est  le  premier  ballet  monté  par 
les  soins  de  Barrez,  l'excellent  mime  fiançais  que  l'Espagne  nous  a 
enlevé  pour  une  année,  et  qui  a  donné  une  preuve  éclatante  de  son 
habileté  chorégraphique.  L'administration  l'a  parfaitement  servi  en 
déployant  un  luxe  de  décorations  et  de  costumes  inconnu  jusqu'ici. 
M""  Guy-Stéphan  joue  le  rôle  de  Béatrix,  entourée  de  plusieurs  ar- 
tistes dont  les  noms  sont  connus  à  Paris,  tels  que  M.  Marius  Petitpa, 
M"»  Galby  el  quelques  autres.  Le' succès  a  dépassé  les  espérances: 
malgré  des  chaleurs  écrasantes,  la  salle  s'est  trouvée  trop  petite  pen- 
dant les  trois  premières  représentations. 

'„*  Londres  IS  juillet. — On  se  rappelle  peut-être  encore  la  singu- 
lière manoeuvre  pratiquée  au  commencement  de  la  saison  pour  obli- 
ger le  directeur  du  Théâtre-Italien  à  engager  le  ténor  Salvi.  Des 
arrestations  s'ensuivirent ,  et  le  grand  jury  déclara  qu'il  y  avait  lieu 
à  jugement.  Néanmoins  l'affaire  vientdese  lermiper,  sans  coup  férir, 
mais  non  sans  bourse  délier  ,  au  moyen  d'une  lettre  écrite  par  les 
prévenus  au  directeur,  et  dans  laquelle,  en  reconnaissant  leurs  torts, 
dont  ils  déclarent  n'avoir  pas  prévu  les  sérieuses  conséquences  ,  ils 
le  remercient  d'avoir  consenti  à. se  désister  sous  condition  d'une 
somme  de  cinquante  livres  sterling  ,  qui  sera  versée  dans  la  caisse 
de  dix  hôpitaux. 

—  Les  succès  de  Moriani  ont  dii  nécessairement  exciter  l'émula- 
tion de  Mario,  et  l'on  a  pu  en  juger  à  la  manière  dont  ce  dernier  a 
chanté  récemment  le  lôle  à'Oiello.  Des  témoins  qui  s'y  connaissent 
affirment  que  dans  cette  circonstance  le  jeune  chanteur  a  péché  par 
excès  d'ambition,  qu'il  a  voulu  trop  montrer  d'énergie,  et  que  ce  serait 
le  cas  de  lui  rappeler  la  maxime  que  souvent  le  mieux  est  l'ennemi 
du  bien. 

V  Hambourg.— \,sl  saison  est  des  plus  brillantes  aux  eaux  de  noire 
ville.  Le  dimanche  il  y  a  des  tables  d'hôle  de  deux  cents  personnes; 
dans  le  jardin  du  Kursaal ,  il  y  a  musique  d'harmonie  sous  la  direc- 
tion de  M.  Garvé.  M.  Baldenecker,  pianiste ,  devait  donner  un  con- 
cert incessamment. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  clief,  Maurice  SCHLESINGER. 


ïïilMyTOîï 


ry^rCYMNASE  J9J?.'ï  DOItVTS  i  LUSA<iE  ms  PIANISTES 


lû   en   France  Le  ChiTOQymnasle  QsX  una5seniblat>eileiiearappa- 

1  Angleterre.  reîls ^ymnastiques  deslinésà  donnerde  Vexlension  à 

la  main  et  de  Vécart  aux  doigts  à  augmenter  et  à  êgali- 

Inventé  par  C.  MARTIN  scT  leuF  force  et  à  rendre  le  quatrième  el  le  cinquième 

Fadeur  fie  pianoM,        indépendants  Ub    tons  les  autres.  Le  Chirogymnaste 

RREVCTE  DU  ROI      a  été  aussi  approuvé  et  adopté  par  MM .  Adam,  Dertini, 

Place  de  la  KoiirNe,  iS.     ^c  UcHot,  Cramer.  lIcrz.Kalkbrenner,  listz,Moschelèt 

•t  aT'pié  dan"''irN  ciftNw^s  iVuuCTir  Sû'on,  Tballerg.  Tuhu,  Zimmermann.elc. 

deMCOKSERVATOiRES      Cfaaque  Chirogymnaste  est  revêtu  de  la  signature 

de  PaHs  el  de  Londres,     de  «'inventcuT  et  SB  vend  place  de  la  Dourse,  n®  13, 

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Les  expéditions  sont  faites  contre  remboursement.  Ée«*»«"«  'raneo. 


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N°  13.  Pour  écrire  la  musique.  Cette  plume  convient  aussi  aux 
personnes  qui  n'écrivent  pas  l'anglaise. — Nj  13  bis.  Pour  copier  la 
grosse  musique  telle  que  parties  séparées,  et  écrire,  en  gros  et  en 
ronde.  —  N»  16  médium  Plus  fine  que  leIV°13,  très  bonue  pour 
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un  marché,  comparer  cesinstrumenls  avec  ceux  de  toutautrefac  teur. 


258 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


PuMicalions  de  MAURICE  SCHLESINGER,   99,  rue  KicUelieii. 

SEULE  COLLECTION  CODIPLÈTE 
DES   OEUVRES  DE 


POUR  LE  PIANO. 

Première  série  formant  les  1",  2%  5*  et  4"  volumes. 


Op.  1. 

1'°  Iiivraisoii. 

Trois  grands  trios  pour  piano,  violon 
et  violoncelle  ,  en  )»;  bémol,   sol,  ut 
mineur. 

Op 

12. 
2.3 

G"  B/iia-aigoii. 
Trois  sonates,  dédiées  à  Salieri,  en  ré, 

la,  mi  bémol. 
Sonale ,  piano  et  violon ,  la  mineur, 

dédiée  au  comte  de  Pries. 

Op 

13. 
14. 
22. 
26. 

27. 

fil'  liivE-aisOH. 

Sonate  pathétique,  ut  mineur. 
Deux  sonates,  mi,  sol. 
Sonate  en  si  bémol. 
Sonate,  la  M  arche  funèbre. 
Deux  sonates  fantaisies,  vu  bémol,  ui 
dièze  mineur. 

S'   Iiivraison. 

Trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle 

ou  clarinette,  en  si  bémol, 
io  posthume  en  mi, 
stbume. 

Op 

24. 
30. 

'S^  liîwaisou. 

Sonate  en  Al, dédiée  au  comtede  Fries. 
Trois  sonates  ,  la ,  ui  mineur,  sol,  dé- 
diées à  l'empereur  Alexandre. 

Op.  11. 

Petit  tr 
Trio  po 

Op 

28. 
31. 
33. 
49. 

1!S°  liivraison. 

Sonate  pastorale  en  ré. 
Deux  sonates,  .soi,  ré  mineur. 

Op 

69. 

8°  Iji«i-aisoii. 

Grande  sonale,  à  Kreutzer,  la. 
Grande  sonale ,  piano  et  violon  ou 
violoncelle,  en  la. 

Sonate  en  mi  bémol. 

Deux  sonates,  sol,  sol  mineur 

3°  liivi'aison. 

Deux  trios  pour  piano,  violon  et  vio- 
loncelle, en  ré,  mi  bémol. 

Op.  70 

Op 

53. 
54. 
57. 
78. 
79. 
81. 

£3°  liivraison. 

Sonale  en  «(. 

Op 

96. 
102. 

9°  Siivraison. 

Sonate  en  sot,  piano  et  violon. 
Deux  sonates,  piano  et  violon  ou  vio- 
loncelle, ut,  ré. 

—     en  fa. 

Op.  97 
38 

4°  Ijivvaison. 

Grand  trio  pour  piano,  violon  et  vio- 
loncelle, en  si  bémol. 
Grand  trio. 

—  en  fa  mineur. 

—  en /a  dièze  majeur. 
Sonatine  en  sol. 

Les  Adieux,  sonate  en  la. 

SOÎVATES  POUR  PIANO  SEUL. 
nr  liivi-aisoit. 

Op.   2.  Trois  sonates, -dédiées  à   Hajdn,  fi 
mineur,  la,  ni. 
7.  Sonate  en  mi  bémnl. 
10.  Trois  sonates  en  ut  mineur,  fa,  ré. 

Op 

90 
101 
106 
109 
110 
111 

Op.    6. 

17 

5*  Eiivraîson. 

Deux  sonates  pour  piano  ,  violon  ou 
violoncelle,  fa,  sol  mineur. 

Sonate,  piano  cl  violon  ou  violon- 
celle, ou  alto,  ou  cor,  en  fa. 

Sonale  en  mi  mineur. 
.  Grande  sonate  en  si  bémol. 
.  Grande  sonale  en  si  bémol. 
.  Sonate  en  mi. 

—  en  la  bémol. 

—  en  mi  bémol. 

Deuxième  série  formaiu  les  5'  et  6'  volumes. 


1"  K.iTraisoii. 

N*  1.  Variations  sur  Quaiil'e  più  bello. 

2.  Variations  sur  Ilulc  Sriianiiia. 

3.  Variations  sur  le  Sacrifice  interrompu. 
■i.  Variations  sur    un   thème  de  Falsiaff. 
h.  Variations  stir  un  lli'cme  orirjinal. 


N»  7.  Variations  sur  un  air  allemand. 
S.  Variations. 
9.  Variations. 


3'  Bjïvraison. 

10.  Variations  sur  nna  danse  russe. 

11.  Variations  sur  un  air  de  ballet. 

12.  Variations  sur  IVcl  cor  più. 

13.  Variations  sur  God  save  tlie  King. 

14.  Variations  sur  une  Fièvre  hrûlanic. 


■S'  ILsvraÊsoH. 
N°  15.  Variations. 

16.  Trente-trois  variations. 


.">«   B..îvpaî.son. 

Op.  33.  Bagatelles. 
77.  Fantaisie. 
112.  Nouvelles  bagatelles. 
35.  .4ndanle. 

Rondo  posthume. 


(>°  E^ivraison. 

Op.  16.  Quatuor  pour  piano,  violon,  alto  el 
violoncelle,  et  les  instruments  à 
voiil  a  part  pour  former  Quintette, 
til  qu'il  a  élé  composé. 


Op. 


'S''  ILivraîsoH. 

Quatorze  Variations    pour    piano, 

violon  et  violoncelle. 
Adagio,  Variations  et  Rondo  pour 

piano,  violon  et  violoncelle. 


S'^  K/ivraison. 

Rondo  en  sol  pour  piano  et  violon. 
Variations  pour  piano  el  violon  sur 

l'air  :  Se  vnol  bullare. 
Variations  pour  piano  el  violoncelle 

sur  l'air  :  Je  vais  revoir  l'amant. 
Variations  pour  piano,  violoncelle  ou 

violon  sur  l'air  :  La  vie  est  un  voyage. 
Variations  pour  piano,  violoncelle  ou 

violon  sur  un  thème  de  flaendel. 


Op 


Les  \.h  livraisons  de  la  première  série  sont  pul)liécs.  Prix  :  5  fr.  chaque  livraison. 
deuxième  série  avant  le  20  août  ne  paieront  cliaquc  livraison  que  3  Tr.  Passé  celle 
porté  à  5  fr. 


9'  K.ii'raSson. 

G.  Sonate  à  4  mains. 
45.  Trois  Marches  a  4  mains. 
87.  Variations  à  4  mains  sur  un  ihhme  de 

Tf^allcnstein. 
137.  Fugue  en  ré  à  4  mains. 
Variations  à  4  mains. 

—  Les  personnes  qui  souscriront  à  la 
époque,  le  prix  de  souscription  sera 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


Pour  ?aris  :  ua  an ,  30  fr.  ;  six  mois,  15  fr.     —     Annonces  :  50  c.  la  ligao  de  28  lettres     —     Départements  :  un  an  ,  34  fr.  Étranger,  38  fr. 


TE  MUSICAL 


BEDIGP.E  PIB 

MM.  ANDERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  HENIll  BLANCHARD, 

MiïiiiCE  BOrRGES.  F.  DAN'JOC,  DLESBERG ,  FÉTIS  père,  Edouard  FÉTIS,  Stephen  HELLER,   J.  JANIN 

C.  KASTXER  ,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  GEORGE  SAND,   L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Paraissant  tous  tes  Mtitnanclies. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GATARNI. 
Lo   1"  et   le    15  de  cliaqnc  mois  on   recevra  nn  morceau  de  masi(|ae« 


SOMMAIRE.  Les  lullcs  du  compositeur  (quatrième  article);  par 
J.  MEIFRED. —  Exposition  des  produits  de  l'induslrie  (sixième 
article);  par  G.-E.  ANDERS.  —  Grand  festival  de  l'industrie 
aux  Champs-Elysées,  première  journée  ;  par  H.  BLANCHARD. 
—  Conservatoire  de  musique  et  de  déclamation.  — Nouvelles.  — 
Annonces. 
LE  TAMTAM  DE  L'ILE  MAURICE.  Dessin  de  Gavarni. 


■S  LUTTES  00  CQiPOSITEUB. 

(Quatrième  article'.) 

III. 

lie   Poëiiie. 

ar  sa  singulière  perspective ,  par  son  étonnant 
mirage,  lelliéâlre  change  la  forme  et  l'esprit 
de  tout  ce  qu'il  présente  aux  regards  surpris. 
Les  jolies  femmes  y  paraissent  ravissantes  ; 
les  laides,  passables;  les  passables ,  laides;  les 
intentions  les  plus  spirituelles  des  auteurs  y  passent  inaper- 
çues ,  et  quelquefois  de  grosses  bêtises,  qu'on  n'oserait  dire 
sans  rougir  partout  ailleurs ,  y  obtiennent  un  succès  d'en- 
thousiasme. L'habitude  de  voir  ainsi  tout  changer  au  théâtre 
s'imprime  si  fortement  dans  l'esprit  de  ceux  qui  fréquentent 
ce  lieu  d'illusions,  que  les  choses  les  plus  stables,  les  plus 
solidement  établies  sur  leur  base,  perdent,  pour  les  acteurs 
et  même  pour  les  auteurs,  leur  signification  naturelle  et  pri- 
mitive. J'ai  pris  ce  détour,  trop  long  sans  doute,  pour  arri- 
ver à  la  définition  de  ce  qu'on  décore,  en  termes  de  coulisses, 
du  nom  pompeux  de  Poëmc.  Si ,  comme  je  l'ai  dit ,  tout 
change  au  théâtre,  les  mots  les  mieux  définis  peuvent  bien 
y  changer  d'acception  ;  et  le  mot  poëme  en  est  un  éclatant 
exemple. 

(')  Voiries  numéros  13,  10  et  23. 


Qu'est-ce  en  effet  qu'un  poëme ,  dans  le  sens  naturel  du 
mot?  sans  doute  un  ouvrage  de  poésie  d'une  certaine  éten- 
due !  Et  qu'est-ce  encore  que  la  poésie?  sans  contredit  une 
façon  harmonieuse  d'arranger  les  mots  et  les  idées  dans  une 
forme  cadencée,  à  condition  pourtant  que  ces  mots  soient  de 
nature  à  donner  aux  idées  qu'ils  représentent  le  plus  de  relief 
possible,  et  que  les  idées  représentées  par  eux  méritent  par 
leur  beauté,  par  leur  énergie,  par  leur  grâce,  par  leur 
finesse  ,  d'être  mises  dans  cette  forme ,  belle  entre  toutes  les 
formes,  qu'on  appelle  la  j'oésie.  Mais  le  théâtre  qui  travestit 
tout ,  s'empare  du  mot  foeme,  et  s'en  sert  pour  désigner,  ■ — 
je  frémis  de  le  dire  !  —  cet  assemblage  singulier  de  bouts  ri- 
mes et  de  prose ,  ce  canevas  scénique ,  ce  prétexte  à  musique, 
dont  le  plus  grand  mérite  consiste  à  présenter  dans  son  plan 
de  gros  effets,  des  situations  outrées;  et  dans  son  style  ,  s'il 
est  permis  d'appeler  cela  un  style,  à  choisir  les  mots  sonores, 
en  petit  nombre  dans  notre  langue,  qui  contiennent  beaucoup 
d'A  ,  d'E ,  d'O  ,  et  d'I ,  et  à  éviter  tous  les  autres  comme  s'ils 
étaient  atteints  du  choléra ,  fussent-ils  cent  fois  plus  propres 
que  les  premiers  ii  rendre  la  pensée  de  l'auteur,  car  il  arrive 
quelquefois  que  l'auteur  a  une  pensée  ! 
!  Les  Italiens  ont  moins  d'esprit  que  les  Français ,  ils  appel- 
I  lent  cela  un  libve.Uo  ;  les  Français  ont  plus  d'esprit  que  les 
!  Italiens,  ils  décorent  cela  du  nom  àe poëme!  Yanitas  vani- 
!  talumJ 

I  Vous  croyez  4)eut-ê(i'c ,  cher  lecteur,  que  la  profanation 
!  du  mot  prëme  se  borne  à  [son  application  à  des  canevas  où 
l'on  rencontre  à  peine  une  trace  légère  et  fugitive  de  ce  qui 
est  bien  réellement  la  vraie  poésie!  Eh  bien  !  détrompez- 
vous  !  Les  acteurs,  enchérissant  sur  les  librettistes,  appellent 
poëme  cette  partie  des  opéras-comiques  traitée  en  simple 
prose  ;  et  bien  dire  le  poëme  est  pour  eux  l'équivalent  de  bien 
réciter  le  monologue  ou  le  dialogue  écrit  dans  la  forme  la 
moins  poétique  dont  l'univers  ait  connaissance. 

iN' y  a-t-il  pas  de  quoi  se  casser  la  tête  ,  de  désespoir,  contre 


BUREAVX  D'ABONNEMENT,   RVE  RICHEUEU,   97. 


260 


IREVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


un  portant  de  coulisse,  quand  on  voit  les  plus  beaux  mots  de 
la  langue  française,  devenir,  dans  quelque  affreux  argot, 
l'expression  de  choses  ,  qui ,  à  coup  sûr,  n'ont  rien  de  beau 
par  elles-mêmes  ? 

J'avais  besoin  ,  je  l'avoue  ,  de  manifester  la  vive  indigna- 
lion  dont  mon  cœur  est  rempli  à  l'endroit  du  mot  poème  ap- 
pliqué si  mal  à  propos.  Sans  doute  ,  cette  dissertation  philo- 
logique sort  de  mon  sujet  ;  sans  doute  ,  elle  est  longue  ,  peut- 
être  est-elle  peu  amusante  ,  mais  en  la  faisant  je  me  suis  dit  : 
«  Ceux  qui  la  trouveront  ennuyeuse ,  diffuse  ,  inutile,  use- 
ront de  la  précieuse  faculté  qui  leur  appartient,  du  droit  de 
ne  pas  la  relire;  et  ceux  qui  la  jugeront ,  comme  je  l'espère, 
utile ,  bonne ,  agréable  et  bien  faite ,  auront  pour  toujours 
des  titres  à  mon  inaltérable  sympathie.  » 

Mais  revenons  à  nos  moutons ,  ou ,  pour  mieux  parler,  à 
notre  mouton  ,  à  ce  jeune  et  infortuné  compositeur  dont  nous 
avons  entrepris  de  raconter  les  luîtes.  Pauvre  mouton ,  en 
effet,  qui,  lorsqu'il  parvient  d'aventure  à  n'être  pas  dévoré 
tout  vif  par  les  ours  de  messieurs  les  faiseurs  de  poèmes ,  se 
voit  tondu,  dépecé,  partagé  par  les  directeurs,  les  chanteurs, 
les  claqueurs ,  les  éditeurs,  les  épilogueurs,  les  rieurs  et  les 
bâilleurs  ! 

Le  lecteur  suit  avec  une  attention  trop  assidue  cette  belle 
et  mirifique  narration ,  pour  ne  pas  se  souvenir  cjue  nous 
avons  laissé  notre  malheureux  héros  à  la  porte  du  théâtre , 
où  il  avait  obtenu  une  audition  non  écoutée  ,  de  laquelle  il 
espérait  voir  ressortir  un  prompt  et  glorieux  jugement  sur  son 
rare  mérite,  jugement  qui  n'a  pas  eu  lieu  ,  les  juges  ayant 
eu  l'attention  délicate  de  fuir  par  des  issues  secrètes  sans  lui 
dire  un  traître  mot.  Ahuri,  stupéfait,  asphyxié  d'étonne- 
ment  après  cette  singulière  cérémonie ,  notre  pauvre  compo- 
siteur rentre  chez  lui,  plutôt  dirigé  par  l'instinct  de  l'habi- 
tude, que  par  une  vision  bien  nette  du  chemin  qu'il  doit 
suivre.  Il  monte  l'escalier,  sans  savoir  ce  qu'il  fait;  et  sa 
mère,  dont  le  cœur  bat  d'anxiété,  vient  lui  ouvrir  la  porte  , 
lui  épargnant  ainsi  le  désagrément  de  grimper  jusqu'au  gre- 
nier, et  peut-être  jusque  sur  les  toits,  tant  sa  profonde 
préoccupaiion  lui  ôte  la  conscience  de  toutes  choses. 

Je  vous  laisse  à  deviner,  ô  lecteur  perspicace,  les  questions 
précipitées  dont  cette  tendre  mère  s'empresse  de  l'accabler  : 
—  As-tu  obtenu  du  succès?  —  Je  n'en  sais  rien!  —  As-tu 
éprouvé  une  chute?  —  Je  n'en  sais  rien!  —  Auras-tu  un 
poème?  —  Je  n'en  sais  rien  !  — ■  Le  directeur  est-il  content 
de  toi  ?  —  Je  n'en  sais  rien  !  • —  Ah  çà  !  serais-tu  devenu  im- 
bécile? —  Je  n'en  sais  rien  !  —  Mais  qu'est-ce  donc  qu'une 
audition?  — Je  n'en  sais  rien!  —  On  m'avait  dit  pourtant 
que  c'était  une  belle  et  secourable  institution  !  —  Très  belle 
et  très  secourable!  Donne-moi  six  verres  d'eau  sucice  !  j'en 
ai  la  fièvre  chaude  de  ton  institution  secourable!.... 

A  l'abattement  des  premiers  jours  succède  enfin  une  légère 
lueur  d'espérance  :  les  amis  du  jeune  compositeur  ii|i  disent 
tous  que  son  audition  a  été  taillée  sur  l'invariable  patron  de 
toutes  les  auditions  ,  et  qu'il  a  tort  de  s'affecter;  puis  arrive 
un  autre  ami  plus  gai  que  les  premiers  ,  lequel  lui  explique  à 
peu  près  en  ces  termes  sa  situation  vis-à-vis  de  la  direction 
du  théâtre  :  —  Tu  n'as  jamais  été  reçu  franc-maçon  ?  Eh 
bien!  si  tu  avais  eu  l'honneur  de  te  présenter  à  cette  sainte 
confrérie ,  après  t'avoir  bandé  les  yeux ,  ou  t'aurait  fait  gravir 
les  degrés  d'une  échelle  de  corde  placée  sur  des  poulies;  à 
chacun  de  tes  pas,  ta  pesanteur  aurait  fait  descendre  l'échelle, 
et  lorsque  tu  te  serais  cru  à  cent  mètres  de  hauteur,  on  t'au- 
rait précipité  sur  le  plancher  très  rapproché  de  tes  pieds; 
enfin  apiès  cette  épreuve  dont  ton  courage  eût  triomphé,  tes 
yeux  étant  rendus  h  la  lumière,  tu  te  serais  trouvé  membre 


de  la  corporation.  Or,  je  tire  de  ceci  une  haute  morahté  ; 
l'audition ,  c'est  l'échelle  ;  on  croit  monter,  mais  on  ne  s'é- 
lève pas;  on  a  peur  quand  on  en  tombe  ,  mais  on  tombe  de 
très  bas  ;  puis  le  bandeau  s'enlève ,  on  y  voit  clair,  et  la  con- 
frérie vous  adopte. 

Ces  belles  explications  et  le  réveil  naturel  de  l'amour- 
propre  rendent  toutes  ses  forces  au  jeune  compositeur  ;  il 
va,  vient,  court,  sue,  s'essouffle,  persécute  le  directeur, 
talonne  ses  protecteurs ,  aiguillonne  se  srecommandeurs , 
gourmande  les  jaloux,  monte  la  tête  à  ses  partisans,  et  finit 
par  arracher  de  l'autorité  lyrique  la  promesse  formelle  d'un 
poëme .' 

POÈME,  puisqu'il  faut  l'appeler  par  son  nom! 

Mais  entre  la  promesse  de  ce  poëme ,  objet  de  ses  plus  ar- 
dents désirs,  et  le  poëme  lui-même ,  il  y  a  un  abîme  :  je  vais 
décrire  l'abîme. 

Un  directeur  ne  fait  pas  les  poëmes ,  lors  même  qu'il  est 
censé  les  faire  ;  et  lorsqu'il  est  censé  les  faire  ,  il  ne  les  donne 
pas  aux  débutants  compositeurs  :  1°  parce  qu'il  désire  un 
succès  à  peu  près  siir  ;  2°  parce  qu'il  éprouve  le  besoin  bien 
nature!  de  toucher  des  droits  d'auteur  un  peu  considérables. 
11  se  borne  donc ,  dans  sa  sollicitude  pour  le  jeune  composi- 
teur, à  le  recommander  à  quelque  auteur  plus  ou  moins  re- 
nommé ,  lequel  tient  au  néophyte  à  peu  près  ce  langage  : 
«  — Jeune  homme,  je  vous  estime  beaucoup,  et  j'ai  une 
confiance  illimitée  en  votre  talent;  je  dois  cependant  vous 
dire  que  je  suis  depuis  longtemps  en  collaboration  avec  des 
compositeurs  en  renom ,  dont  la  musique  a  toujours  un  suc- 
cès plus  ou  moins  grand ,  et  qui  sont  en  relation  avec  des 
éditeurs  auxquels  la  partition  est,  pour  ainsi  dire,  vendue 
avant  que  d'être  faite.  J'aurais,  vous  n'en  doutez  pas,  le 
plus  grand  plaisir  à  vous  confier  un  poëme ,  mais  si  vous 
n'êtes  pas  assuré  de  vendre  votre  partition  ,  je  risque ,  en  cas 
de  chute  ,  de  perdre  une  grosse  somme.  Vous  avez  le  cœur 
trop  bien  placé  ,  vous  êtes  un  jeune  homme  trop  généreux  , 
trop  noble ,  tiop  bien  élevé ,  pour  vouloir  me  faire  courir 
cette  chance  :  assurez-moi  la  vente  de  la  partition  ,  arrangez 
cela  pour  qu'il  me  revienne  un  billet  de  mille  francs ,  et  je 
suis  prêt  à  vous  livrer  un  petit  acte  vraiment  délicieux.  » 

Je  vois  d'ici  le  lecteur  donner  les  marques  les  plus  évi- 
dentes d'incrédulité,  et  pourtant  je  ne  fais ,  historien  trop 
fidèlfe,  que  raconter  les  choses  dans  leur  horrible  réalité!  Il 
n'y  a  pas  six  mois  de  cela ,  un  infortuné  compositeur,  dont  je 
dois  taire  le  nom  ,  a  payé  sept  cents  francs  ,  et  même  plus , 
je  crois,  le  droit  de  mettre  en  musique  le  plus  abominable 
l)etit  ours  de  poëme  qu'on  puisse  imaginer,  lequel ,  sous 
forme  de  vaudeville ,  avait  été ,  sans  doute ,  refusé  au  Théâtre 
du  Luxembourg! 

Notre  héros  malheureux  fera  comme  les  autres,  il  passera 
sous  les  fourches  caudincs  de  messieurs  les  librettistes.  A 
force  de  sollicitations  et  d'emprunts,  il  parviendra  à  réunir 
la  somme  exigée ,  et  la  jettera  courageusement  à  son  avide 
collaborateur  ;  en  échange ,  il  recevra  de  lui  quelque  mé- 
chante anecdote  dialognée,  ornée  de  couplets  ,  de  duos,  de 
trios;  point  de  morceaux  d'ensemble  ,  de  finale  encore  moins, 
le  directeur  n'eu  voudrait  pas ,  ses  choristes  ont  besoin  de 
repos. 

C'est  avec  ce  beau  canevas  que  notre  héroïque  jeune 
homme  va  se  présenter  dans  la  lice,  privé  de  l'élément  inspi- 
rateur, et  désarmé  de  ses  meilleurs  moyens  de  succès  ,  de 
tout  ce  qui  pouvait  enfin  mettre  en  évidence  son  savoir  mu- 
sical... Que  Dieu  lui  prête  assistance  ! 

J.    MlîIFRED. 

(  La  suite  à  un  prochain  mimera.  ) 


DE  PARIS. 


261 


(iïpoeition  ies  Jproîiuits  t>e  rînbustrie. 

SIXIÈME   AKTICLE. 
DistribiKion  des  récouipenses. —  Observations. 

a  dislribulion  des  récompenses  décernées  aux 
PÎST  exposants  a  eu  lieu  lundi  dernier.  Lenombredes 
LaBili  médailles,  y  compris  les  rappels,  est  de  1,703, 

^  dont  66  pour  la  partie  musicale.  Il  y  a  eu  ,  en 
outre,  31  croix  de  la  Légion-d'Honneur,dont 
une  est  accordée  à  un  célèbre  facteur  de  pianos.  Le  chiffre  to- 
tal des  récompenses  s'élève  donc  à  l,73/i,  dont  66  pour  la 
musique.  Voici  en  quelle  proportion  elles  se  trouvent  réparties  : 

ctoul:  pourlamuM<lue  : 

Croix  d'honneur 31  .  .  1 

Rappels  de  médailles  d'or.     .     .  142  .  .  4 

Médailles  d'or 126  .  .  9 

Rappels  de  médailles  d'argent.     .  177  .  .  1 

Médailles  d'argent 428  .  .  15 

Rappels  de  médailles  de  bronze  .  îilO  .  .  6 

Médailles  de  bronze 690  .  .  31 

Quant  aux  mentions  honorables,  elles  ne  sont  pas  encore 
connues. 

Nous  donnons  ici  la  liste  complète  des  lauréats  qui  appar- 
tiennent à  notre  spécialité,  et  que  nous  rangeons  par  ordre 
alphabétique  pour  la  commodité  de  nos  lecteurs  : 

Cfoix.  aie  I(a  Eiégioii-d'Honiieiir. 

M.  Roller  (pianos). 

KRi»g>eIs  (le  niétlailles  d'or. 

MM.  Érard  (pianos). 
Pape  (*V/.  ). 
Pleyel  {ici.). 

méiiailles  tl'oi*. 

MM.  Boisselot  (pianos). 
Cavaillé-Coll  (orgues). 
Duverger  (typographie musicale). 
Girard  (le  chevalier) ,  (piano  trémolophone), 
Herz  (Henri)  (pianos). 
Kriegelstein  et  Plantade  îid.). 
Raoux  (instruments  à  vent  en  cuivre). 
Vuillaume  (instruments  à  archet). 
Wolfel  et  Laurent  (pianos). 

Raj^Eieis  de  ittédaiBIes  d'ar§:eiit. 

M.  Chanot  (instruments  à  archet). 

MéalaiSles  d'argent. 

MM.  Bernardel  (instruments  à  archet). 
Domény  (harpes). 
Gaidon  jeune  (pianos). 
Giesler  (claviers  pour  pianos). 
Girard  et  C'"  (maison  Daublaine)  (orgues). 
Guichard  aîné  (instruments  à  vent  en  cuivre). 
Hatzenbuhler  (pianos). 
Mercier  {id.). 

Rambaux  (instruments  h  archet). 
Rohden  (mécaniques  pour  pianos). 
Schœn  (pianos). 
Sax  et  G'"  (instruments  à  vent). 
Soufleto  (pianos). 

Tantenstein  etCordel  (typographie  musicale). 
Tulou  (instruments  à  vent  en  bois). 


XSssgt|teEs  de  iné<lailles  de  bronze. 

MM.  Busson  (pianos). 

Hildebrand  (cloches). 
Koska  (pianos). 
Lacote  (guitares). 
Roger  (cordes  métalliques) . 
Weizels  (pianos). 

lUédailles  de  bronze. 

MM.  Adler  (instruments  à  vent  en  bois). 
Alexandre  (orgues  expressives) . 
Bernhardt  (pianos). 
Bollée  (cloches). 
Bord  (pianos). 

Breton  (instruments  à  vent  en  bois). 
Buffet-Crampon  (irf.). 
Buffet  jeune  {id.). 
Debain  (orgues  expressives). 
Dussaux  (pianos). 
Eslanger  {id.). 
Faure  et  Roger  {id.). 
Fourneaux  (orgues  expressives). 
Godefroy  aîné  (instruments  à  vent  en  bois). 
Hesselbein  (pianos). 
Lacoux  (harpes). 

Leroux  aîné  (instruments  à  vent  en  bois). 
Martin,  à  Provins  (orgues  expressives). 
Mermel  (pianos). 
Montai  {id.). 

Millier  (orgues  expressives). 
Mullier  (pianos). 
Niederreitlier  {id.). 
Pancera-Duchavany  (cordes). 
Peccate  (archets). 
Poirot  (orgues). 

Sangtiinède  (cordes  d'acier  trempé). 
Savaresse  fds  (cordes  de  boyaux). 
Suret  (orgues). 

Sylvestre  frères,  à  Lyon  (instruments  à  archet). 
Thibout  et  C"  (pianos). 

A  la  vue  de  cette  liste,  nous  sommes  étonné  d'y  trouver 
deux  fabricants  qui  n'ont  pas  pris  part  à  l'Exposition,  et 
dont  on  chercherait  en  vain  les  noms  sur  le  catalogue  officiel. 
Comment  se  fait-il  que  ces  deux  industriels,  n'ayant  pas 
exposé,  aient  été  compris  dans  la  distribution  des  récom- 
penses? Nous  serions  curieux  d'avoir  des  explications  à  cet 
égard.  Il  nous  semble  qu'en  faisant  une  pareille  exception , 
le  jury  a  établi  un  précédent  qui  pourra  avoir  des  consé- 
quences fâcheuses  pour  l'Exposition  prochaine.  En  effet,  cette 
solennité  occasionne  aux  fabricants  des  frais  et  des  pertes  de 
temps  considérables;  sacrifices  qu'ils  s'imposent  volontiers 
dans  l'espoir  d'en  être  récompensés.  Mais  si  l'on  peut  obtenir 
ces  récompenses  sans  se  déranger,  n'y  aura-t-il  pas  beaucoup 
d'industriels  qui  préféreront  rester  tranquillement  chez  eux, 
attendant  que  la  victoire  leur  arrive  sans  combat  ? 

Nous  n'en  voulons  nullement  à  MM.  Giesler  et  Rohden, 
dont  les  produits  ont  été  l'objet  de  cette  exception.  La  mé- 
daille d'argent  qui  leur  a  été  accordée  à  chacun  ,  ils  la  méri- 
tent par  le  soin  extrême  qu'ils  apportent  dans  leurs  fabrica- 
tions. Mais  nous  nous  élevons  contre  la  détermination  qui  a 
prévalu  en  leur  faveur,  et  qui  nous  paraît  contraire  au  but 
de  l'exposition. 


262 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


II  ne  nous  appartient  pas  de  contrôler  les  décisions  du  jury 
qui ,  nous  n'en  doutons  nullement ,  a  rempli  sa  mission  avec 
conscience;  mais  le  principe  sur  lequel  s'appuient  ces  déci- 
sions est-il  bien  posé  ?  est-il  suffisant  pour  établir  un  juge- 
ment complet  sur  les  instruments  et  pour  apprécier  le  mérite 
de  chaque  facteur?  nous  ne  le  pensons  pas,  et  c'est  sur  cette 
question  importante  que  nous  nous  permettons  de  faire  quel- 
ques réflexions. 

De  tous  les  objets  admis  à  l'exposition,  ce  qu'il  y  a  de 
plus  difficile  à  juger  ,  ce  sont  les  instruments  de  musique, 
et  parmi  ceux-ci  l'examen  des  pianos  présente  des  diflicul- 
tcs  particulières,  à  cause  delà  grande  différence  qui  existe 
dans  les  systèmes  de  leur  coui-truclion.  Une  oreille  fine  et 
exercée  suffira  pour  apprécier  la  sonorité  ;  des  mains  habiles 
pourront  essayer  le  clavier  ;  ici  le  pianiste  est  le  juge  le  plus 
compétent.  Mais  pour  les  nombreux  détails  relatifs  à  la  cons- 
truction et  au  mécanisme,  ainsi  que  pour  la  solidité,  soit  en 
général,  soit  des  diverses  parties,  on  ne  saurait  porter  un 
jugement  motivé  sans  être  au  fait  de  la  facture,  ou,  en 
d'autres  mots,  sans  être  du  métier.  Il  n'y  a  que  le  facteur 
qui  puisse  faire  les  investigations  nécessaires  à  cet  égard.  La 
commission  qui,  pour  s'éclairer,  s'est  adjoint  quelques  il- 
lustrations musicales  et  des  artistes  chargés  de  faire  enten- 
dre divers  inslrunients,  aurait  dû  admettre  dans  son  sein 
quelques  facteurs  capables  de  la  guider  dans  sa  tâche  diHicile. 
On  ne  l'a  pas  fait.  Qu'en  est-il  résulté?  C'est  que  le  jin-y, 
sentant  son  insuffisance,  a  éludé  la  difficulté,  en  s'abslenant 
de  l'examen  c'es  détails  de  construction,  et  en  se  bornant  à 
juger  les  effets  de  sonorité.  C'est  sous  ce  rapport  que  les  di- 
verses espèces  de  pianos  ont  été  comparées  entre  elles  et  que 
leur  mérite  a  été  classé. 

Nous  ne  saurions  approuver  cette  manière  de  juger.  Nous 
dirons  plus:  pour  que  ce  jugement  partiel  fût  complet,  il 
aurait  fallu  recourir  à  quelques  pianisies  de  talent.  Car,  pour 
essayer  un  piano,  il  ne  suflit  pas  de  plaquer  quelques  accords 
ou  d'exécuter  quelques  traits,  il  faut  savoir  faire  valoir  toute  ; 
les  ressources  de  l'instrument;  et  tel  piano  qui  paraît  infé- 
rieur sous  des  doigts  faibles  ou  peu  exercés,  remporterait 
une  victoire  éclatante  s'il  était  attaqué  d'une  manière  conve- 
nable. 

Cette  fois,  comme  eu  1839,  le  jiu-y  a  cru  donner  une 
preuve  éclatante  d'impartialité  en  faisant  soigneusement  ca- 
cher les  noms  des  facteurs  dont  il  allait  examiner  les  instru- 
ments. Nous  avons  ,  dans  le  temps ,  fait  voir  tout  ce  qu'il  y  a 
de  ridicule  dans  un  pareil  procédé.  En  elTeî ,  sans  parler  des 
pianos  d'Erard  ou  de  Pape,  que  tout  le  monde  reconnaîtra  au 
premier-  coup  d'œil ,  nous  croyons  qu'il  sera  facile  de  distin- 
guer ceux  d,'s  autres  facteurs,  à  (juelques  exceptions  près , 
i^i  on  les  a  déjà  vus  à  la  salle  de  l'Exposition.  Si  le  jury  tient 
à  juger  les  pianos  sans  en  connaîlrc  les  auteurs,  il  fau- 
drait employer  un  moyen  de  dérober  à  sa  vue  les  instru- 
ments mêmes,  soit  en  les  cachant  entièrement,  soit  en  les 
essayant  dans  l'obscurité.  Mais  nous  demanderons  pourquoi 
les  examinateurs  des  instruments  de  musique  se  croiraient- 
ils  seuls  obligés  de  s'imposer  une  précaution  qui  n'existe  pas 
pour  les  autres  branches  d'industrie?  Tous  les  autres  objets 
admis  à  l'Exposition  sont  examinés  dans  la  salle  même  par  le 
jury  qui  doit  les  juger  et  qui  a  sous  les  yeux ,  inscrit  sur  les 
cases,  le  nom  de  chaque  fabricant  avec  lequel  il  s'entretient 
même  pour  en  obtenir  des  renseignements  utiles  ou  néces- 
saires. Ce  juiy  en  sera-l-i!  moins  impartial?  Que  l'on  cesse 
donc,  à  l'avenir,  d'user,  à  l'égard  des  instruments,  d'une  j)ré- 
caution  tout-à-fait  inutile. 
Le  principe  de  classer  les  pianos  uniquement  d'après  le 


mérite  de  sonorité,  a  encore  un  autre  inconvénient  que 
nous  croyons  devoir  signaler. 

Il  est  prouvé  qu'en  sacrifiant  la  solidité  de  l'instrument , 
on  peut  obtenir  une  intensité  de  son  bien  plus  forte.  Si  l'on 
considère  maintenant  qu'il  est  permis  aux  facteurs  de  chan- 
ger continuellement  pendant  toute  la  durée  de  l'Exposition 
leurs  instrumeuts,  et  d'en  envoyer  même  au  concours  défi- 
nitif qui  n'ont  pas  été  au  palais  de  l'industrie,  mais  qui  ar- 
rivent tout  frais  de  l'atelier  devant  le  jury  ,  on  comprendra 
qu'il  sera  facile  au  fadeur  peu  consciencieux  de  remporter 
la  victoire ,  pourvu  qu'il  fasse  le  sacrifice  d'un  ou  de  plu- 
sieurs instruments  construits  pour  la  circonstance.  Sachant 
qu'il  ne  s'adresse  qu'aux  oreilles  de  ses  juges,  et  qu'il  n'a 
pas  à  redouter  un  examen  sévère  relativement  à  la  construc- 
tion ,  il  donnera  à  ces  pianos  beaucoupde  son  aux  dépens  de  la 
solidité.  Jugés  supérieurs  pour  le  moment ,  ils  seront  au  bout 
de  quelque  temps  mauvais,  et  ne  pourront  guère  servir;  mais 
qu'importe  au  facteur  ?  ils  ont  rempli  leur  destination  qui  n'é- 
tait autre  que  de  lui  valoir  une  récompense. 

Terminons  en  peu  de  mots. 

Pour  que  la  lutte  des  facteurs  fût  égale,  il  faudrait  que 
leurs  pianos  fussent  envoyés  à  l'Exposition  dès  le  commence- 
ment, qu'ils  y  restassent  pendant  toute  la  durée  de  cette  Ex- 
position ,  et  que  le  jugement  du  jury  ne  portât  que  sur  ces 
mêmes  instruments.  11  faudrait,  en  outre,  que  l'examen  se  fît 
non  seulement  d'après  les  qualités  sonores ,  mais  aussi  sur 
l'ensemble  et  les  détails  de  construction  ;  c'est  alors  qu'on 
serait  sûr  d'apprécier  le  mérite  à  sa  juste  valeur  et  de  le  ré- 
compenser selon  son  droit. 

G-.E.    AiNDERS. 


GRAUD  FESTIVAL  DE  L'INDUSTRIE 

l'RI:;MIÈr.E  JOCRNÉF.. 

eci  est  une  puissante  manifestation  dans  l'art 
et  rappelle  les  temps  héroïques  de  la  répu- 
blique française ,  alors  que  les  MéhuI ,  les 
Berton  ,  les  Lesueur,  les  Catel  et  les  Cheru- 
bini,  brillantd'un  vif  éclat,  mettaient  leurgénie  au 
service  de  la  patrie  et  créaient  notre  école  musi- 
^^^Fcale.  La  Marseillaise  démontrait  tous  les  jours  que 
'l  dans  la  musique  réside  une  grande  puissance  poli- 
tique, et  qu'un  hymne  vraiment  national  vaut  autant 
et  sou\cnt  |)Ius  qu'une  demi-douzaine  de  généraux.  Il  nous 
souvient  d'avoir  entendu  dire  au  dernier  des  grands  compo- 
siteurs que  nous  venons  de  citer,  comme  quoi ,  malgré  sa 
qualité  d'étranger,  il  se  mit  à  enseigner  aux  dames  de  la 
halle,  violon  en  main  et  dans  le  lieu  même  de  leur  commerce 
journalier,  ce  fameux  chant  national  qui  poussait  nos  soldats 
à  la  victoire,  ou  les  faisait  mourir  gaiement  pour  la  gloire  du 
pays.  In  étranger  ou  même  un  régnicole  qui  se  livreiail ,  à 
l'époque  de  civilisation  oij  nous  sommes  parvenus ,  à  un  pa- 
reil enseignement,  passerait  pour  avoir  bien  mauvais  ton ,  et 
courrait  même  les  risques  d'être  logé  par  la  police.  Au  reste, 
on  conçoit  que  le  Chant  du  départ,  de  notre  grand  MéhuI, 
Veillons  an  salut  de  l'empire ,  et  cette  mélodie  de  Rouget  de 
LisIe  (pii ,  par  son  formidable  unisson,  remue  tant  de  choses 
en  nous,  déplaisent  au  pouvoir,  ;i  l'autorité,  à  la  police,  à 
lotit  ce  qui  a  sous  la  main  enfin  un  municipal  ou  un  sergent 
de  ville  pour  mettre  à  la  raison  les  amateurs  de  ces  belles  et 


DE  PARIS. 


263 


patriotiques  inspirations  musicales,  lorsqu'il  nous  a  été  dé- 
fendu à  nous  qui.  Dieu  merci ,  avons  jeté  dans  la  circulation 
plus  de  cent  mélodies,  dont  la  plupart  sont  encore  populaires, 
lorsqu'il  nous  a  été  interdit,  disons-nous,  de  faire  entendre 
un  chant  assez  inspiré  dont  les  paroles  disaient  : 

Noble  amour  du  pays  où  l'on  reçut  la  vie, 
Viens  remplir  tous  les  cœurs  et  charmer  les  esprits  : 
Fais  à  rinJifférenl  redouter  le  mépris; 
Porte  une  sainte  foi  dans  son  âme  ravie. 

11  est  vrai  que  ces  paroles  avaient  pour  refrain  : 

Ardent  foyer  de  toutes  gloires. 
Pays  d'éclatantes  vicioires, 
O  France!  lu  peux  dire  en  t:i  juste  ficr'é  : 

Mon  sol  est  la  pairie 

Desarls,  del'iniluslrie, 

El  de  la  liberté! 

Et  qu'on  ne  croie  point  que  ceci  soit  une  plaisanterie;  nous 
avons  voulu  avoir  un  titre  qui  pût  constater  que  refus  nous 
avait  été  fait  de  proclamer  par  le  chant  des  choses  aussi  sé- 
ditieuses, et  nous  avons  reçu  ,  par  l'intermédiaire  de  M.  le 
directeur  des  beaux-arts,  une  lettre  du  ministre  de  l'inté- 
rieur en  1840,  qui  est  venue  paralyser  cette  manifestaiion 
provoquant  à  l'anarchie  et ,  probablement  dans  la  pensée  de 
ces  messieurs,  contraire  ii  l'ordre  public.  Ce  document,  que 
nous  conservons  curieusement,  pourra  servira  l'histoire  de 
la  censure  depuis  1830  que  nous  pourrons  bien  nous  mettre 
h  écrire  un  de  ces  jours. 

M.  Berhoz  aurait  bien  pu,  lui-même,  avoir  maille  à  partir 
avec  celte  illustre  dame ,  si  elle  avait  prévu  l'effet  électrique 
produit  par  le  chant  national  de  M.  Halévy  : 

Guerre  aux  tyrans  !  Jam.iis  en  France, 
Jamais  l'Anglais  ne  régnera. 

Après  avoir  constaté  le  tri])le  effet,  mélodique,  harmoni- 
que et  patriotique,  de  cette  belle  inspiration  musicale,  nous 
allons  procéder  par  ordre  dans  la  classification  du  programme 
de  ce  vaste  concert. 

L'ouverture  de  la  Vestale,  par  laquelle  a  commencé  cette 
solennité,  fut,  est,  et  sera  toujours  une  élégie  instrumen- 
tale passionnée  et  dramatique,  pleine  de  beaux  effets  d'or- 
chestre qui  n'ont  pas  vieilli.  La  scène  mêlée  de  chœurs  et 
d'airs  de  danse  de  VArmide  de  Gluck  a  quelque  chose  de 
frais  et  d'enchanteur;  cela  est  on  ne  peut  mieux  dessiné  pour 
les  voix  de  femmes,  qui  ont  fort  bien  nuancé  tout  ce  qu'il  y  a 
de  suave  et  de  délicat  dans  ce  joli  tableau  de  genre  du  père  de 
notre  tragédie  lyrique.  Le  fragment  de  la  symphonie  fantas- 
tique de  M.  Berlioz,  la  Marche  au  supjjlice,  est  venue  en- 
suite ,  et  l'orchestre  a  dit  avec  un  profond  sentiment  toutes 
les  affres,  tous  les  épouvantements  de  la  mort  si  bien  exprimés 
par  le  compositeur  dans  ce  dernier  jour  d'un  condamné  ;  et 
puis  la  Prière  du  Moïse  s'est  déroulée  large ,  puissante , 
grandiose  :  c'est  tout  le  peuple  hébreu  plus  grand,  plus  élo- 
quent qu'il  n'a  jamais  été,  parce  qu'il  implore  la  miséricorde 
éternelle  par  la  voix  de  Rossini,  qui  n'a  jamais  été  mieux  in- 
terprété lui-même:  aussi  le  public  a-t-il  crié  bis  d'une  voix 
unanime  ;  et  cette  voix  immense  digne  d'être  entendue  de 
Dieu ,  s'est  élevée  de  nouveau  vers  le  ciel.  L'ouverture  du 
Freyschùlz  de  Weber  a  produit  son  effet  ordinaire,  effet 
d'enthousiasme,  pour  cette  sombre  et  terrible  préface  d'un 
drame  salanique. 

L'Hymne  à  la  France  en  chœur,  avec  un  refrain  qui  de- 
viendra sans  doute  proverbe  national,  fait  le  plus  grand  hon- 
neur à  M.  Berlioz.  Ce  morceau  capital  est  d'un  beau  calcul 
scénique.  Les  strophes  que  donnait  le  programme  sont  de 
M.  Auguste  Barbier.  La  poésie  en  est  élevée  et  musicale.  Les 


entrées  successives  en  solides  tenori,  des  soprani,Aesbnssi 
avec  les  chœurs,  et  V unisson  de  toutes  ces  voix  sur  la  strophe  : 
Etioigrand  Dieu  I  toi  qui ,  du  liant  descieux,  etc., 'est  d'un 
effet  immense,  et  on  ne  peut  mieux  couronné  par  le  beau 
refrain  :  Dieu  protège  la  France!  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut;  cela  résume  bien  d'ailleurs  l'esprit  artistique  de  l'épo- 
que ,  car  ce  sont  les  mots  sacramentels  qui  figurent  autour 
des  pièces  de  vingt  francs  et  de  cent  sous.  Celte  belle  compo- 
sition, exécutée  pour  la  première  fois,  a  été  trouvée  digne  du 
pays  et  du  nombreux  et  brillant  auditoire  qui  était  là.  La 
prière  de  la  Muette  a  été  écoulée  assez  tranquillement;  puis 
est  venu  léchant  national  de  Charles  VI  par  iM.  Halévy,  dont 
nous  avons  dit  l'effet  magique  sur  l'assemblée  ;  puis  le  Chant 
des  travailleurs,  paroles  de  SL  Adolphe  Dumas,  musique  de 
M.  AmédécMéreaux.  Cette  cantate,  composée  aussi  pourcctie 
solennité  musicale,  est  d'une  mélodie  franche,  et  d'un  slyle 
harmonique,  large  et  pur.  11  appartenait  à  M.  Jléreaux,  qui 
habile  Rouen,  la  cité  industrielle  par  excellence ,  et  qui  nous 
a  donné  Corneille,  Poussin  et  Boieldieu ,  de  chanter  l'in- 
dustrie et  les  arts.  Voilà  déjà  ,  en  peu  de  temps  ,  deux  fois 
qu'il  s'associe  honorablement  à  deux  manifestations  artisti- 
ques. Le  public  l'en  a  récompensé  par  de  nombreux  applau- 
dissements. 

Le  finale  de  la  .symphonie  en  itt  mineur,  de  Beethoven,  a 
produit  moins  d'effet  que  dans  la  salle  du  Conservatoire. 
Aprèsie  cliœurde  la  bénédiction  des  poignards  du  quatrième 
acte  des  Huguenots ,  qui  a  été  bien  dit  et  bien  apprécié, 
quoique  ces  formidables  liuilements  du  fanatisme  perdent 
de  leur  horrible  beauté  ,  dépouillés  ainsi  de  leur  costume  dra- 
matique; après  l'Hymne  à  liacchus,  de  VAntigone  de  Men- 
delssohn,  qui  n'a  pas  fortement  ému  l'auditoire ,  déjà  un  peu 
fatigué  de  tant  de  richesses  de  musique  d'ensemble ,  est 
arrivée  VOraison  funèbre  et  apothéose  des  victimes  de  juil- 
let. Celle  grande  élégie  nationale  dont  l'exorde  est  si  bien 
déclamé  par  le  trombone  de  M.  Dieppo  ;  cette'marche  si  bien 
rliylhmée,  qui  s'est  enrichie  depuis  qu'elle  a  été  composée 
d'un  chœur  général  clamant  le  triomphi;  des  héros  popu- 
laires, tout  cela  forme  un  drame  national  du  plus  saisissant 
et  du  plus  pompeux  effet. 

L'n  ordre  parfait  a  régné  pendant  cette  fête  musicale  sans 
précédent  dans  Paris.  Les  sommités  vocales  et  inslrumen- 
talesqiii  ont  concouru  à  ce  magnifique  concert;  les  choristes 
dames  toutes  vêtues  de  blanc  ;  le  public  généralemenl  bien 
composé  qui  a  écouté  religieusement  celte  musique  si  riche, 
si  pompeuse ,  de  styles  si  variés,  tout  cela,  et  mille  autres 
choses  qu'il  serait  trop  long  de  détailler  ici,  ont  donné  à 
celte  cérémonie  quelque  chose  d'étrange ,  de  curieux ,  d'é- 
mouvant qui  restera  longtemps  dans  le  souvenir  de  ceux  qui 
ont  pu  y  assister.  L'Allem<ignc ,  la  Belgique  et  même  quel- 
ques uns  de  nos  départements  avaient  pris  l'iniliative  de  ces 
belles  fêtes  musicales.  Paris  s'est  dignement  associé  à  ces 
mouvements  intellectuels  qui  ont  pour  résultats  de  favoriser 
le  commerce,  les  arts,  et  de  fusionner  parfois  ou  d'adoucir 
les  aspérités  qui  naissent  de  la  différence  des  opinions. 
Henri  BLANCHAiîn. 


Consevumoiic  ï>c  illusiquc  et  îic  ïllcclamiition. 

Voici  le  résultat  des  concours  de  cette  semaine,  sur  les- 
quels nous  reviendrons  avec  détails  dans  le  numéro  pro- 
chain. 

Solfège. — Classes  d'hommes.  Premier  prix  partagé  entre 


26& 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


MM.  Sautiquet  et  Garcin  ,  élèves  de  M.  Paslou.  Deuxième 
prix  partagé  entre  MJl.  Blanc,  élève  de  M.  Pastou  ;  Barton- 
neuf,  élève  de  M.  Groharé;  AUès2',  élève  de  M.  Tariot. 
Accessit  :  MM.  Chéri ,  élève  de  M.  Pasdeloiip  ;  Gaix  de  Man- 
sour,  élève  de  M.  Tariot;  Mariscotti  et  Dollingen,  élèves  de 
M.  Marmontel.  —  dusses  de  femmes.  Premier  prix  partagé 
entre  M""  Delalanne ,  élève  de  M.  Pastou;  Migueret,  élève 
de  M""  Lorotte;  Mercier,  élève  de  M.  Gobliu  ;  Devisme,  élève 
de  M"'  Ruestenhollz.  Deuxième  prix  partagé  entre  M"*"  Het- 
zel,  élève  de  M"«  Klotz;  Testard,  élève  de  M°"=  Mercié-Porte  ; 
Charron,  élève  de  M"''  Raillard;  Biard,  élève  de  M"'^  Rail- 
lard.  Accessit:  M"='  Morel ,  élève  de  M"'"  Mercier-Porte; 
Vallet ,  élève  de  M.  Pastou  ;  Couder ,  élève  de  M°"  Robin  ; 
Gonnaud,  élève  de  M"°  Klotz. 

Contrepoint  et  Fugue.  —  Pas  de  premier  prix.  Second 
prix  :  iM.  Guerreau ,  élève  de  M.  Halevy.  Premier  accessit  : 
M.  Le  Bouc,  élève  du  même.  Second  accessit  :  M.  H uot, 
élève  de  M.  Le  Borne. 

Contrebasse.  —  Premier  prix  :  M.  Bouché ,  élève  de 
M.  Chaft.  Second  prix  :  M.  Cogniard,  élève  du  même.  Pre- 
mier accessit  :  M.  Sicot,  élève  du  même.  Second  accessit  : 
M.  Verrinst ,  élève  du  même. 

Orgue.  —  Premier  prix  :  M.  Renaud  de  Wilback.  Second 
prix  :  M.  Hocmelle  ,  élève  de  M.  Benoist. 

Piano. —  Classes  des  hommes.  Premier  prix  :  M.Philippot. 
élève  de  M.  Zimraerman.  Second  prix  :  M.  Mariscotti ,  élève 
du  même.  Premier  accessit  :  M.  Scola,  élève  du  même.  Se- 
cond accessit:  M.  Gunsselmann,  élève  de  M.  Laurent. — 
Classes  des  femmes.  Premier  prix  partagé  entre  M'""  Diette, 
élève  de  M.  Herz,  etFarrenc,  élève  de  M""  Farrenc.  Second 
prix:  M"=  Marchand,  élève  de  M.  Herz.  Accessit  partagé, 
entre  M"°'  Aulagnier  ,  Ausseur  et  Moulin. 

Chaînt.  —  Classes  des  hommes.  Pas  de  premier  prix.  Se- 
cond prix:  M.  Gassier.  Accessit  partagé  entre  MM.  Jour- 
dan,  Sarniguet  et  Bussine.  — Classes  des  femmes.  Premier 
prix  partagé  entre  M"''  Mondutaigny  et  Tabon.  Second  prix 
partagé  entre  M""  Morange  et  Morize.  Premier  accessit: 
M""  Courtot.  Deuxième  accessit  partagé  entre  M""^'  Sisung, 
RouUié  et  Grime. 

Hier  samedi  ont  eu  lieu  les  concours  d'instruments  à  vent  ; 
demain  lundi  se  feront  ceux  de  violoncelle  et  violon  ;  mardi , 
celui  d'opéra-comique;  mercredi ,  celui  de  déclamation  spé- 
ciale; jeudi ,  celui  de  grand  opéra. 


I.E  TAMTAM  »E  IÎI.E  mAURICE. 
llessin  de  Gavarnî. 

Ce  qui  distingue  esssentiellement  ce  musicien  à  peau  noire 
jouant  avec  ses  mains  d'une  espèce  de  tambour  appelé  tam- 
tam,  de  tous  nos  musiciens  à  peau  blanche,  c'est  qu'il  en 
joue  la  pipe  à  la  bouche,  usage  qui  ne  s'est  pas  encore  établi , 
même  dans  nos  orchestres  villageois,  malgré  la  popularité 
toujours  croissante  du  cigarre,  de  la  pipe  et  du  brûle-gueule. 


Nos  Abonnés  reçoivent  avec  le  présent  numéro  :  E.A 

SËRÉIVAnE     MAURESQUE,     paroles    de     IH.    Maurice 
Bourges,  musique  de  M.  Hucken. 


irOITTSIiIiES. 

*,"  Demain  lundi,  à  l'Opéra  ,  Dom  Sébaslien. 
*»*  Vendredi  dernier  la  reprise  de  Otaries  VI  avait  attiré  beau- 
coup de  monde.  M""  Stoltz  et  Barroilhet  faisaient  leur  rentrée  dans 
les  rrtles  d'Odelle  et  du  roi.  Le  chant  national ,  Guerre  aux  lyraiis  , 
mainlenant  placé  au  Iroisième  acte,  a  été  redemandé  et  applaudi 
avec  enthousiasme. 

*,'  Le  nouveau  ballet,  Eucharis,  est  annonré  pour  mercredi  pro- 
chain. 

*,*  Le  jeune  ténor,  Gardoni ,  ne  débutera  que  dans  le  grand  opéra 
nouveau  qu'on  prépare  pour  cet  hiver,  et  dont  M.  Niedermeyer 
compose  la  musique. 

*,•  M"'  Nau  va  profiter  d'un  congé  de  quinze  jours  pour  aller 
chanter  à  Reims  et  à  Sedan. 

V  Aujourd'hui,  à  une  heure,  aura  lieu  au  palais  de  l'Exposition, 
la  deuxième  journée  du  grand  festival  de  l'Industrie.  En  voici  le 
programme.  Première  partie  :  l.  La  Gazza ladra,  ouverture  (Rossini). 
2.  Le  Diamani,  valse  (Strauss).  Z.  La  Sirène,  quadrille  (Musard). 
4.  Amélie,  valse  orchestrée  (Strauss),  à. Sémiramis ,  ouverture  (Ros- 
sini). G.  Po/to(Labitzki).  — Deuxième  partie  :  l.La  Chasse  du  jeun» 
Henri  (MéhuI).  8.  Souvenirs  de  Gênes,  valse  (Strauss).  9.  La  Polka, 
quadrille  (Musard).  10.  La  Médaille  d'or,  valse  (Strauss).  11.  Le 
Déserteur,  quadrille  (Musard).  12.  AsaieWe,  polka  (Strauss).  Lesexé- 
ciilants,  au  nombre  de  400.  seront  dirigés  par  M.  Strauss.  Prix  d'en- 
trée, 2  fr.  Oa  trouve  des  billets  chez  les  principaux  marchands  de 
musique;  à  l'administration,  rue  Montmartre,  154,  et  aux  bureaux 
du  palais  de  l'Exposition. 

',*  Avant  son  départ  du  château  de  Saint-Point,  où  il  est  allé  vi- 
siter M.  de  Lamartine,  Liszt  a  fait  verser  une  somme  rie  6,000  fr. 
pour  les  pauvres  de  Lyon.  Sur  celte  somme,  500  fr.  ont  été  remis  à 
la  commission  de  l'incendie  des  Brotteaux.  Celte  somme  de  5,000  fr. 
est  le  produit  du  dernier  concert  donné  au  Granii-fhéàtre  par  le 
célèbre  pianiste. 

•,*  M.  SlrocUen,  l'habile  pianiste,  vient  de  faire  à  Nantes  el  dans 
quelques  parties  de  la  Bretagne  un  voyage,  qui  lui  a  valu  de  brillants 
succès.  Il  se  dispose  à  partir  pour  l'Allemagne. 

*,"  Une  cantatrice  française,  qui  jouit  d'une  grande  réputation 
dans  les  salons  de  Paris,  M"""  Hennelle,  n'a  pas  trouvé  un  accueil 
moins  flatteur  dans  ceux  de  Londres.  Durant  toute  la  saison  der- 
nière, elle  a  obtenu  beaucoup  de  succès  dans  celte  ville,  notamment 
au  concert  donné  par  Brizzi,  et  à  celui  qu'elle  a  donné  elle-même 
avec  Mccatli.  On  sait  que  M™«  Hennelle  professe  avec  tout  le  talent 
possible.  Formée  par  les  meilleurs  maîtres,  elle  a  résumé  les  prin- 
cipes de  son  art  dans  un  pelit  traité,  ayant  pour  titre  :  liudimeni  des 
chanteurs  ou  Théorie  du  mécanisme  du  chaut.  C'est  un  guide  excel- 
lent pour  les  élèves,  qui  ne  peuvent  manquer  de  profiter  en  le  sui- 
vant. 

',*  MM.  Cavaillé-Coll,  père  et  fils,  les  habiles  facteurs  de  l'orgue 
de  Saint-Denis,  qui  ont  obtenu  la  médaille  d'or  à  l'exposition  de 
cette  année,  viennent  d'être  chargés  par  le  roi  de  construire  un 
orgue  pour  la  chapelle  royale  de  Dreux. 

*,*  Parmi  les  prisonniers  faits  par  nos  troupes  sur  les  Marocains 
se  trouve ,  dit-on,  un  ancien  souffleur  du  théâtre  Feydeau,  qui, 
ayant  perdu  son  emploi ,  était  allé  s'établir  à  Tanger,  et  s'était  laissé 
prendre  un  beau  jour  par  les  Maures  nomades.  Le  pauvre  homme 
n'avait  eu  rien  de  plus  pressé  que  de  parler  à  ses  maîtres  de  Martin, 
d'Elleviou,  de  Gavaudan  ,  les  dieux  du  chant  de  son  époque,  et 
d'essayer  de  leur  en  donner  une  idée.  Par  malheur  il  avail  la  voix 
fausse;  il  est  vrai  qu'en  revanche  les  Marocains  ont  l'oreille  dure. 
Dominique  ,  c'est  son  nom  ,  ne  veut  pas  revenir  en  France  ;  à  quatre- 
vingts  ans ,  il  a  été  fort  surpris  et  fort  affligé  d'apprendre  que  le 
théâtre  FeyJeau  n'existait  plus,  et  que  Martin  ,  Elleviou  ,  Gavau- 
dan avaient  disparu  ,  comme  le  théâtre. 

*,*  M.  Guilbert.de  Pixérécourt,  le  célèbre  auteur  de  mélodrames, 
qui  fut  pend.mt  quelques  années  directeur  de  l'Opéra-Comique , 
vient  de  mourir  à  JVancy,  âgé  de  71  ans. 

".*  L'Allemagne  vient  de  perdre  un  de  ses  plus  féconds  poètes  dra- 
matiques ,  M.  Charles  Blum  ,  mort  à  Berlin,  à  l'âge  de  soixante  ans. 
Ses  œuvres  s'élèvent  au  nombre  incroyable  de  cinq  cent  quatre-vingt- 
neuf,  dans  lequel  figurent  â  la  vérité  un  grand  nombre  de  tra- 
ductions, surtout  de  vaudevilles  français;  car  c'est  lui  qui  a  popula- 
risé ce  genre  de  pièces  en  Allemagne.  Plusieurs  de  ses  ouvrages 
originaux,  quoique  ayant  plus  de  vingt  ans  de  date,  se  maintiennent 
encore  au  répertoire  de  toutes  les  scènes  allemandes.  M.  Blum  s'est 


DE  PARIS. 


265 


aussi  distingué  comme  compositeur  :  on  a  de  lui  cent  soiiante-deux 
ouvrages  de  musique  vocale  et  instrumentale,  dont  plusieurs  opé- 
ras-comiques. Il  a  aussi  exécuté  beaucoup  de  décors  pour  les  théâtres 
de  Berlin.  Il  avait  fait  ses  études  à  l'Université  de  Creslau;  il  apprit 
la  composition  musicale  sous  Hiller  elSalicri:  de  1820  à  1831,  il  fut 
engagé  au  théâtre  national  de  Berlin,  comme  premier  comique,  et 
depuis  1839  il  était  régisseur  en  chef  de  cette  scène. 

Cliroiaiqite   déftai-teBisentale. 

*.*  Caen,  ï'd  juillet.  —  Le  festival  que  la  presse  parisienne  et  la 
presse  locale  annonçaient  depuis  quelques  mois,  vient  d'avoir  lieu 
dans  notre  ville.  Cette  fêle  à  laquelle  avaient  été  conviées  nos  som- 
mités artistiques  a  été  des  plus  brillantes.  Le  louable  empressement 
avec  lequel  les  sociétés  philharmoniques  voisines  ont  répondu  à  l'ap- 
pel qui  leur  avait  été  fait,  a  permis  d'exi^cuter  différentes  œuvres  de 
nos  grands  maîtres  avec  une  perfection  que  l'on  ne  connaissait  pas 
encore  a  Caen  ;  l'orchestre,  en  effet,  habilement  dirigé  par  M.  Ger- 
vais,  l'un  de  nos  jeunes  professeurs  de  musique,  a  exécuté  avec  tout 
l'ensemble  et  toute  la  précision  désirables  les  ouverlures  à'Oberon, 
du  Freijschaiz,  de  Guillaume  Tell  et  la  symphonie  en  ui  mineur  de 
Beethoven.  Plusieurs  chœurs  de  Rossini,  d'Haendel  et  d'Halévy  ont 
aussi  été  très  bien  chantés  par  les  amateurs  de  notre  société  philar- 
monique.  Toutefois,  si  l'orchestre  a  droit  à  des  éloges,  on  en  doit 
encore  de  plus  grands  à  MM.  Barroilhet,  Alexis  Dupond,  Bernardin 
et  à  M"=  Nau ,  qui  s'étaient  réunis  pour  donner  à  notre  festival  tout 
l'éclat  qu'il  pouvait  désirer.  De  longs  et  unanimes  bravos  ont,  en  effet, 
accueilli  les  duos  de  Bélisaiie  et  de  la  Reine  de  Chypre,  chantés  par 
Alexis  Dupond  et  Barroilhet,  l'air  de  la  Favorite  et  le  Bluletier  de 
Caslille,  si  bien  dits  par  ce  dernier,  l'air  du  Serment,  et  la  cavaline 
de  la  Muette,  chantée  par  M"=  Nau.  L'enthousiasme  a  été  tel  qu'au 
second  concert,  on  a  redemandé  à  la  cantatrice  Va\r  Au  Serment , 
ainsi  qu'à  Barroilhet  la  Venta  d'Halévy,  qu'il  dit  avec  une  verve 
exIraorJinaire.  Le  jeune  violoniste  Bernardin  a  dignement  rempli 
la  tâche  qu'il  s'était  imposée,  et  le  public  lui  a  manifesté  toute  sa 
sympathie  pour  la  pureté  de  ses  sons,  la  gracieuseté  de  ses  chants  et 
la  légèreté  de  son  archet.  En  un  mot,  cette  fête,  à  laquelle  chacun 
s'était  empressé  de  se  rendre,  a  été  très  billlante,et  elle  sera  pendant 
longtemps  pour  les  amateurs  de  musique  un  de  leurs  plus  agréables 
souvenirs. 

*,*  Marseille,  15  juillet.  —  Le  20  juin  a  été  pour  les  artistes  du 
Grand-Théâtre  le  signal  d'une  désertion  générale.  Semblables  à  ces 
oiseaux  voyageurs  qui,  à  certaines  époques  de  l'année,  prennent 
leur  vol  pour  des  climats  lointains ,  les  sociétaires  de  M.  Laverrière 
sont  dispersés  à  cette  heure  dans  plusieurs  villes  pour  y  uliliser  les 
deux  mois  de  vacances  que  leur  accorde  leur  engagement.  Notre  pre- 
mier ténor  Godinho  doit  partir  demain  pour  la  capitale.  M'"«  Scolt 
et  son  époux  vont  donner  des  concéris  à  Nice.  Une  partie  du  bal- 
let joue  depuis  une  semaine  en  représentation  à  Toulon.  Le  Vau- 
deville à  peu  près  tout  entier,  réuni  à  quelques  danseurs,  exploite 
à  cette  heure  Ajaccio,  la  patrie  de  Napoléon.  Enfin  les  emplois  les 
plus  modestes  vont  faire  aussi  leur  petite  excursion  en  se  rendant 
bientôt  aux  vœux  empressés  de  Cavaillon  et  de  Pézenas,  où  ils  comp- 
tent jouer  pour  pièces  de  début,  les  Premières  amoiirx  et  la  Tour  de 
NeUe.  On  ne  dit  pas  si  l'opéra  sera  joué  à  Pézenas,  ville  célèbre  qui 
a  eu  l'honneur  de  voir  représenter  sur  son  théâtre  Hohert-le-Diable. 
Il  est  vrai  que  le  jour  de  la  première  représentation  du  chef-d'œuvre 
de  Meyerbeer  l'affiche,  dont  les  dimensions  extraordinaires  cou- 
vraient une  partie  des  murs  de  la  ville,  contenait  celte  simple  ob- 
servation :  Vu  l'arrêté  de  iM.  le  maire  sur  les  théâtres,  et  pour  se 
conformer  aux  règlements  de  police  qui  prescrivent  à  la  direction  de 
finir  le  spectacle  avant  dix  heures,  la  musique  de  Robert-le-Diable 
sera  supprimée  pour  cause  de  longueur.  N'importe,  le  titre  de 
ROBERT-LE-DIABLE  avait  paru  sur  les  affiches  de  Pézenas.  Quel- 
ques jours  auparavant,  l'ouverture  de  Robin-des-Bois,  arrangée  pour 
flûte  et  guitare,  venait  d'être  enhvéc  parles  trois  meilleurs  musi- 
ciens de  l'orchestre,  et  le  public  flatté  de  cette  attention  délicate  s'é- 
tait montre  satisfait  des  efforts  que  l'administration  avait  dû  faire 
pour  monter  ers  deux  ouvrages.  Bref,  nos  orcheslres  courent  en  ce 
moment  la  province;  ce  n'est  pas  que  la  plupart  d'entre  eux  soient 
enchantés  de  ces  pérégrinations  dont  le  résultat  parait  extrêmement 
chanceux  ,  mais  les  deux  mois  qui  viennent  de  s'écouler  ont  été  si 
peu  lucratifs  pour  la  troupe  qu'elle  cherche  à  se  dédommager  par 
tous  les  moyens  possibles  des  pertes  qu'elle  a  été  forcée  de  subir  de- 
puis le  i"  mai.  —  Nous  avons  en  ce  moment  une  troupe  allemande 
qui  exploite  notre  Grand-Théâtre.  Les  artistes  de  MAI.  Schmidt  et 
Banberger,  directeurs,  ont  débuté  par  Videlio  avec  peu  de  succès, 
mais  ils  se  sont  relevés  plus  tard  dans  le  Freyschïiiz.  M""  Marquard- 
Segatta  ,  première  cantatrice  de  cette  troupe,  est  une  actrice  distin- 
guée qui  chante  et  joue  le  drame  lyrique  avec  beaucoup  de  talent. 


A  c6lé  d'elle  nous  avons  remarqué  de  belles  voix  de  basse-taille.  Quant 
à  M.  Sorvade,  premier  ténor,  il  se  relèvera  difficilement  de  son  échec 
de  Fidetio;  heureusement  Liszt  arrive  sous  peu  de  jours,  et  sa  pré- 
sence, nous  l'espérons  encore,  ramènera  au  théâtre  le  public  qui 
s'en  éloigne  depuis  deux  mois  pour  les  plaisirs  champêtres.— M.  Léo- 
pold  Amat,  chanteur  de  romances,  a  donné  un  concert  au  théâtre 
Chave,  et  a  fait,  presque  à  lui  seul,  les  frais  de  la  soirée.  Les  romances 
qui  ont  réuuf  le  plus  de  sympathie  sont:  Sur  le  lac,  d'Auguste  Mo- 
rel  ;  Mon  lit,  de  Clapisson  ,  et  f.a  feuille  et  le  serment ,  de  M.  Amat. 
M.  Darboïille  a  joué  dans  la  première  partie,  avec  beaucoup  de  suc- 
cès, une  fantaisie  deThalberg.  La  société  Trolebas  figurait  aussi  sur 
le  programme.  Il  nous  est  pénible  de  dire  que  le  chœur  de  Fidelio, 
exécuté  par  ces  jeunes  gens  d'une  façon  déplorable,  n'a  plus  été  re- 
connu, même  par  ceux  qui  savent  celte  musique  par  cœur;  il  est  vrai 
que  les  élèves  de  M.  Trotehas  ont  dit  avec  plus  d'ensemble  le  chœur 
de  Charles  FI  et  la  Fiancée  du  briijand. 

Cîï»i*OB»î«jiBe  éta'asBgère. 

','*  Bruxelles,  Zd  juillet.  —  La  troupe  allemande,  qui  est  en  ce 
moment  dans  cette  ville,  vient  d'y  donner  une  nuit  à  Grenade,  opéra 
de  Conradin  Kreutzer:  c'est  l'auleur  lui-même  qui  dirigeait  l'or- 
chestre. Quoique  la  saison  des  concerts  soit  passée,  plusieurs  artistes 
célèbres,  le  clarinettiste  Cavallini,  Piatti,  le  violoncelliste,  Doehier 
et  Géraldy,  qui  se  trouvaient  ici,  se  sont  fait  entendre  avec  un  grand 
succès  dans  une  soirée  improvisée. 

—  A  l'occasion  de  la  kermesse  on  fêle  de  Bruxelles  ,  la  société 
d'harmonie,  l'Union,  a  donné  sous  la  direction  de  M.  Snel  un  grand 
festival.  La  Belgique  est  le  pays  du  monde  où J'on  cultive  avecleplus 
de  goût  et  de  succès  les  instruments  à  vent:  aussi  les  sociétés  d'har- 
monie y  sont-elles  nombreuses,  et  la  rivalité  qui  existe  entre  elles 
entretient  le  progrès. — M.  Snel ,  violoniste  renommé,  compositeur  et 
pendant  longtemps  chef  d'orchestre  du  théâtre  de  Bruxelles  ,  s'est 
adonné  spécialement  à  laformation,  au  développementet  au  progrés 
de  ces  sociétés  d'harmojiie. — Après  avoir,  pendant  plusieursannées, 
dirigé  la  Grunda  fiarmonie  de  Bruxelles,  il  a  fondé  une  nouvelle  asso- 
ciation qui  s'est  proiluite  en  public  pour  la  première  fois  dans  le  fes- 
tival de  dimanche  dernier— Il  est  juste  de  dire  que  le  succès  a  été 
complet  et  que  nous  n'avons  rien  en  France  qui  puisse  soutenir  la 
comparaison  avec  ces  réunions  d'instrumentistes  exercés,  habiles,  et 
surtout  passionnés  pour  ce  genre  d'étude. 

',*  i?er//H.  —  M.  Otto  Nicolaï  est  ici;  son  opérait  Templario  sera 
joué  l'hiver  prochain  par  les  Italiens.  Un  opéra  allemand  :  le  Retour 
du  proscrit  a  été  accepté  par  l'Opéra-royal  :  S.  M.  le  roi  a  décoré  le 
jeune  compositeur  de  l'ordre  de  l'Aigle  rouge. 

—  M.  Théodore  Hullah,  l'excellent  pianiste,  et  professeur  des  prin- 
cesses royales,  va  se  rendre  à  Copenhague  pour  y  donner  des  con- 
certs :  son  Carnaval  de  Venise  est  une  des  plus  gracieuses  et  origi- 
nales compositions  des  temps  modernes.  M.  Ernst  doit  prendre  garde 
pour  qu'il  ne  soil  pas  éclipsé. 

*,'  Bonn.  —  L'espoir  de  voir  le  monument  de  Beethoven  mis  en 
place  cette  année  ne  sera  pas  réalisé;  ce  retard  tient  à  diverses  cir- 
constances qu'il  serait  trop  long  d'cnuméier  ici.  L'inauguration 
a  été  fixée  au  printemps  prochain  ;  ce  sera  une  véritable  fête  pour  le 
pays  :  il  y  aura  un  grand  festival  qui  durera  trois  jours.  Le  lieu 
choisi  pour  l'emplacement  de  la  statue  du  grand  compositeur  est  la 
place  Munster,  entourée  d'une  double  allée  de  tilleuls  et  située  dans 
un  des  quartiers  les  plus  fréquentés  de  la  ville. 

".'  Lubeck.  -  La  fête  de  chant  de  l'Allemagne  du  Nord  a  été 
célébrée  ici  avec  un  grand  éclat.  Le  concert  a  eu  lieu  à  l'église 
de  SaiiUe-Calherine;  le  nombre  des  exécutants  s'élevait  à  quatre 
cents. 

*,*  Cologne.  —  La  réunion  de  chant  de  cette  ville  a  remporté  le 
prix  au  concours  ouvert  à  la  grande  fêle  de  chant  à  Gand.  Cette  lutte 
musicale  a  été  sans  doute  la  plus  remarquable  parmi  toutes  celles 
qui  ont  eu  lieu  en  Belgique  jusqu'à  ce  jour.  Plus  de  deux  mille  per- 
sonnes y  assistaient:  vingt-trois  réunions  de  chant,  parmi  lesquelles 
six  appartenaient  à  des  communes  rurales ,  se  disputaient  le  prix. 
Elles  chantèrent  chacune  à  son  tour  ;  celle  de  Cologne  complaît  qua- 
rante-huit membres.  La  tâche  était  d'autant  plus  difficile  que  les 
réunions  Roland  de  Tattre  ,  de  Bruxelles,  et  les  chœurs  de  Bruges 
avaient  eu  de  grands  succès.  Un  profond  silence  s'établit  lorsque  la 
réunion  de  Cologne  entonna  L'approche  du  printemps  ,  de  Conradin 
Kreulzer,  qui  fut  salué  par  une  explosion  d'applaudissements.  Envi- 
ron six  cents  chanteurs  prirent  part  au  concours.  Le  prix  consistait 
en  une  médaille  d'or  avec  200  francs  comptant;  cette  somme  fut  de 
suite  transmise  aux  pauvres  de  la  ville,  au  bénéfice  desquels  les 
chanteurs  de  Cologne  ont  donné  un  concerL 


266 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Bàle.  —  Nos  concerts  sont  en  bonne  voie  ,  et  attirent  beaucoup  de 
monde;  il  n'en  faut  pas  conclure  que  le  goût  des  jouissances  musi- 
cales soit  liés  répandu  chez  nous  :  la  Salle  de  concert  est  le  seul  en- 
droit public  où  nos  daines  puissent  étaler  le  luxe  de  leurs  toilettes 
qui  sont  d'une  richesse  élilouissantc.  Des  connaisseurs  assurent  que 
l'orchestre  de  Bàle  est  le  meilleur  de  la  Suisse:  le  directeur  et  la 
plupart  des  membres  sont  Allemands. 

*.*  Fiui'cfort.  —  !,es  opéras  qu'on  a  représentés  dans  ces  derniers 
temps  à  Francfort  sont:  Fernaiiil-Cvrlcs,  les  Deux  journées,  liéli- 
suire  et  Fiitelio.  Dans  llélisaire,  M.  Giiiidy,  qui  remplace  Pischek,  a 
débuté  avec  succès. 

%*  Hamelii. — Sur  la  place  du  marché,  on  a  dressé  sous  une  lente 
une  table  de  700  couverls  pour  les  nombreux  convives  qu'on  at- 
tend. Parmi  les  morceaux  qui  seront  exécutés,  on  remarque  quatre 
morceaux  d'une  messe  par  .M.  Klein  et  le  lied  de  Luther:  Honneur 
à  madame  la  musique  [Uallei  Frau  Musica  iii  Eliren). 


".*  Breslau.  —  M"'  Tuczek  a  de  brillants  succès  I  ns  U  Fille  i  ' 
réijimeni  et  dans  le  rôle  d'Antoinette,  de  V Ambassadrice  ;  mais  les 
honneurs  de  la  soirée  sont  pour  la  Société  équestre  Cuzem-Lejars. 
Leur  cirque  est  comble  tout  le  jour;  les  membres  de  la  Société  hip- 
pique ;mglo-silésienne  cl  nième  les  olTicicrs  de  cavalerie  de  la  gar- 
nison prennent  des  leçons  d'équitation  chez  M""  Pauline  Cuzent,  et 
M""  Lejars  a  été  nommée  proiectrice  de  l'Association  pour  les  courses 
de  chevaux  de  Silésie. 

".*  fflcbjde.  —  Au  Cursaal  de  cette  ville  a  eu  lieu  le  premier 
concert  de  la  saison,  arrangé  par  M.  et  M""  Uccelli,  de  Florence  ;  cci 
artii'cs  se  sont  fait  uvantageuscnicnt  connaître  dans  une  soirée  mu- 
sicale donnée  nu  théâtre  de  l'Odéon  à  Munich.  On  a  représenté  au 
théâtre  de  Wicsbaden  la  Fille  du  régiment  et  Lucrèce  Borgia.  Les 
13,  14  et  15  juillet  doit  avoir  eu  lieu  le  grand  festival  de  chant 
[Liederfcst). 

r.e  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maubice  SCHLESlNGliPi. 


PHb!i€»tions  de  itIAIJRICE  SCHLESIKGEil,  »9,  s-scv  ÎSicItelie». 

Edition  populaire 
DU  CHAMT  MATIOIVAL 


CHAIiL 


,     D'HALÉYY. 


JAMAIS  EN  FRANGE, 

JAMAIS  L'AM^ÎcAIg  ME  BÈ&KEîlA. 

Prix  ïiet  :  25  ceiilinies. 


MMÂH  DÉT⌠ i)U 


LAZZARONE, 


OPERA  DE  l  HALEVYi 


Ouverture. 
N.  1.  Cav:itine  chantée  par  M""  Sloltz. 

2.  Air  de  l'improvisateur,  chanté  pir  M.  D;  rroilhct. 

3.  Duo  chanté  par  M'"=  Stuliz  et  M.  Barroilhet. 

-:.    4.  Chanson  delà  Bouquetière,  chantée  par  M""  Dorus-Gras. 

5.  Duo  chanté  par  JI'"<^'Dorus-Gras  et  Slo:ti. 

6.  Trio,  par  MM.  Barroilhet,  Lcvasseur  et  Mm-^  Dorus-Gras. 

7.  Couplets  du  baptême  de  la  c'ocie,  chantés  par  M""  Doics. 


8.  Duo  chanté  par  M.  Barroilliet  et  M""  Dorus-Gras. 

9.  Chai'.sonncllc  chantée  par  M'"'  Stoltz. 

10.  Duo  chanté  |!arM"'«  Stollz  et  Dorus-Gras. 

1 1 .  Duo  chanté  par  M.  Barroilhet  et  M°'=  Stoltz. 

1 1  bis.  Cavatinc  extraite,  chantée  par  M.  Barroilhet. 
II  ter.  Uoinance  extraite,  chantée  par  M'"'  Stoltz. 
r?.  Trio  chanté  |iar  MM.  Levasseur,  Barroilhet  et  M™ 
13.  Couplels  chaules  par  M""  Stoltz. 


GRAXDE   OUVEr.TUnE   CAnACTÊIlISTIQl'E 


A  grand  orchestre.  .21» 
En  partition  .     .     .  i4  » 


BERLIOZ. 


Pour  piano  à4  mains,  12 
Pour  deux  pianos.    .  15 


Le  CUirogymnasie  est  un  assemblage  do  nenfappa- 
reils^ymnastiques  destinés  à  donner  de  Vexlension  i 
iamainctdel'écarr  aux  doigts  à  augmenter  et  à  C(7al<- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quatrième  et  lecfn^Hièmc 
indépendants  de  tons  les  autres.  Le  Chirogymnaste 
a  été  aussi  approuvé  et  adopté  par  MM .  Adam,  Bertini, 
ne  Beiiot,  Cramer,  Herz,  Kalkbreuner,  Listz,  Moschelèt 
Pruàmt,  Sicon,  ThaWerg,  Tulou,  Zimmermann,  etc. 

Chaque  Chiroji/mnasle  est  revêtu  de  la  signatur« 
de  l'inventeur  et  se  vend  place  de  ta  Bourse,  n"  13, 
0  huit  appareil»,  50  fr„  !i  neufapp.  60  fr.,  méthode,Zfr, 

«VMNASTIQVE  APPLIQUÉE  A  I.'feT(JDE  DU  PIAKO.  par  MARTIIV,  3  Cr. 
La  U VMNASTIQIJE  DES  DOIGTS,  p>r  II.  BEUTINI.  Prix  ncl.  3  fr.  1S  •, 

Les  expéditions  sont  faites  contre  remboursement.  Écrire  franco. 


InrcntA  pur  C.  MAnTIIV 

Fadeur  du  Pianos, 
BIIEVETÉ  DU  UOI 

PUcr  de  la  Iluurse,  IS. 

.Ippruiiv  par  l'InHlitot 
e*  adopté  dan»  les  elasNm 
dcsCOtVSEKVATOIRES 

Ho  PariK  et  de  l.ondrcii. 


PLUIES  MÉTALLlQliES  POUR  ÈIM  LA  MUSip. 

N"  13.  Pour  écrire  la  musique.  Celte  plume  convient  aussi  aux 
persiinnes  qui  n'écrivent  pas  l'anglaise.  — N"  13i/s.  Pour  copier  la 
f;ios£c  niiisique  Iclle  que  parties  séparées,  et  écrire,  en  gros  et  en 
ronde.  —  N«  IB  inédimn  Plus  line  que  leN°13,  très  bouuc  pour 
l'é  riluic  expédiée. —  Prix  :  la  douzaine,  50  c.  ;  la  grosse,  4  francs. 
Chez  E.AKB-ESM'AUIiT ,  Papetier ,  rue  Feydeau  ,  23 ,  à  Far» . 

Spcd(diié  pour  la  reliure  de  musique  ;  papier  réglé  pour  musique 
de  tous  foriiiatï  ,  soit  ordinaire,  ou  de  fantaisie,  ainsi  que  des 
albums  pour  écrire  la  musique. 

A.   3EWSB1Î,  vwn  cBss   Seiatier ,    If. 
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Uéduciionde  prix.  Garantie  de  2  années.  On  peut,  avant  de  conclure 
un  marché,  comparer  ccsinsirumenis  avec  ceux  de  loutaulrefiicleur. 


Imprimerie  de  t^OUKGUGMi;  et  MARTIKET,  30,  rue  Jacob. 


Pour  Paris  :  ua  an,  30  fr.  ;  six  mois,  15  fr.     —     Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres     —     Départements  :  un  an  ,  34  fr.  Étranger,  38  fr. 


lr32  m 


REVUE 


GAZEHE  MUSICALE 


BEOIGEE  PiB 

MM.  ANDERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  HENni  BLANCHARD, 

MiOniCE  BOCRGES,  F.  DANJOU,  DUESBERG,  FÉTIS  père,  EDOUARD  FÉTIS,  Stepben  HELIEU,   J.  JANIN, 

G.  KASTNER  ,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  GEOBGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Paraissant  taua  les  MUtnatucHes. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUIVIÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GATARM. 
Le   1*'   et    le    15  de  cliaque   uiois  on   recevra  un  morceau  de  musique» 


SOMMAIRE.  Deuxième  lellrc  à  M.  Zimmerman  ;  par  FÉTIS  père. 
— Académie  royale  de  musique  :  Eucharis ,  ballet  en  2  actes  (  pre- 
mière représentation). —  Conservatoire  de  musique  et  de  décla- 
mation. —  Grand  festival  de  l'industrie  aux  Champs-Elysées, 
deuxième  journée  ;  par  H.  BLANCHARD.  —  Nouvelles.  — 
Annonces. 

.%UX  ARMES!  CITOYENS!  Dessin  de  Gavarni. 


IDfUïième  Cettre  à  iïl.  Simmennan. 


Bruxelles,  IG  juillet  1844. 


Cher  Zimmerman, 


e  t'ai  démontré  dans  ma  première  lettre  la  con- 
fusion d'idées  et  de  langage  où  Catel  s'est  laissé 
entraîner  à  l'égard  de  l'accord  de  septième  de 
sensible  du  mode  majeur,  et  de  celui  du  se- 
cond degré  du  mode  mineur  :  pour  arriver  à 
l'évidence  de  cette  confusion  ,  je  n'ai  eu  besoin  que  de  rap- 
peler ses  propres  paroles.  Une  seule  chose  m'a  étonné,  je 
l'avoue  :  c'est  d'avoir  été  dans  la  nécessité  de  faire  de  nou- 
veau celle  démonstration ,  pour  défendre  contre  ta  critique 
ma  théorie  de  la  substitution  ,  si  simple ,  si  régulière ,  si  con- 
forme à  la  nature  des  choses ,  après  avoir  traité  ces  questions 
avec  la  même  clarté,  la  même  logique,  et  avec  bien  plus  de 
développement,  dans  mon  Traité  complet  de  l'harmonie. 
Préoccupé  de  tes  habitudes  de  la  doclrine  de  Calel ,  tu  as  ou- 
blié ,  en  me  posant  les  objections ,  que  je  les  avais  déjà  réso- 
lues et  mises  au  néant,  dans  la  critique  que  j'avais  faite  de 
celte  doctrine 

Tu  vois  donc  bien  ,  ami ,  pourquoi  j'admets  sans  prépara- 
tion l'accord  de  seplième  si,  ré,  fa,  la,  sur  le  septième  de- 
gré du  mode  majeur,  tandis  que  je  ne  puis  l'accepter  sur  le 
second  degré  du  mode  mineur  qu'avec  la  prcparaiiou  de  la 
dissonance!  Tu  vois  donc  bien  aussi  qu'il  ne  faut  pas,  comme 


tu  le  prétends ,  considérer  dans  ce  dernier  accord ,  suivant 
ma  théorie,  la  septième  la  comme  la  substitution  de  la  note 
sensible  sol  dièse  ,  mais  comme  «ne  prolongation ,  et  que  la 
véritable  substitution  y  est,  comme  toujours  et  sans  excep- 
tion ,  le  sixième  degré  mis  à  la  place  de  la  dominante,  c'est- 
à-dire  ,  fa  au  lieu  de  mi. 

Tu  ajoutes,  il  est  vrai ,  à  ce  que  tu  dis  sur  ce  sujet,  une 
observation  bien  singulière  :  «  On  prépare  la  dissonance  de  cet 
»  accord  quelquefois,  il  est  vrai,  aussi  bien  en  majeur  qu'en 
»  mineur,  pour  rendre  son  effet  plus  agréable;  mais,  parfois 
))  aussi,  la  quinte  de  l'accord  parfait  se  trouve  préparée:  il 
1)  ne  s'ensuit  pourtant  pas  que  celte  quinte  ait  besoin  de  pré- 
»  paralion.  »  Il  se  peut  que  quelque  compositeur  ait  préparé 
la  dissonnance  de  l'accord  de  septième  de  sensible  du  mode 
majeur;  mais  il  n'y  était  cerlainement  pas  obligé ,  car  les  ten- 
dances tonales  le  dispensaient  de  ce  soin.  Sois  assuré  que,  loin 
de  le  rendre  plus  agréable  par  cette  préparation ,  il  en  a  affai- 
bli l'effet.  Quant  à  la  dissonance  de  l'accord  de  septième  si, 
ré ,  fa,  la,  du  deuxième  degré  du  mode  mineur ,  ce  n'est  pas 
quelquefois  ,  ni  pour  le  rendre  phis  agréable  ,  qu'on  prépare 
la  dissonance,  mais  toujours,  et  par  cela  même  que  sans  celte 
préparation  l'accord  n'existerait  pas.  Rappelle-toi  les  paroles 
de  Catel  lui-même  à  ce  sujet.  Ne  faisons  pas  d'équivoque  : 
L'accord  si ,  ré  ,fa,la,  sur  le  second  degré  du  mode  mineur, 
n'existe  que  par  les  mêmes  circonstances  qui  donnent  nais- 
sance à  l'accord /-c,  fa,  la,  ut,  sur  le  second  degré  du  mode 
majeur.  Si  la  quinte  de  l'accord  si,  ré,  fa,  la,  est  mineure, 
ou ,  comme  tu  dis ,  diminuée ,  cela  lient  uniquement  h  ce  que 
le  sixième  degré  du  mode  mineur  est  un  demi-ton  plus  bas 
que  dans  le  mode  majeur. 

Ne  disons  pas  non  plus,  ami,  qu'on  prépare  la  quinte  d'un 
accord  parfait;  ces  fausses  locutions  sont  irès  nuisibles  à  la 
science,  parce  qu'elles  la  rendent  obscure  et  semblent  la 
mettre  en  contradiction  avec  elle-même.  Une  note  entendue 
dans  un  premier  accord  peut  devenir  la  quinte  de  l'accord 


BUREAUX  D'ABONNEMENT,    KtJE   RICHEUEP,    97. 


268 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


suivant  ;  mais  ce  u'est  pas  une  préparation ,  car  toute  prépa- 
ration suppose  la  nécessité  d'une  résolution  sur  une  note  re- 
tardée: or  la  quinte  d'un  accord  parfait  ne  retarde  aucune 
autre  note.  Il  n'en  est  pas  de  même  de  la  septième  dont  tu 
parles,  car  cet  intervalle  est  le  produit  d'une  prolongatfon  qui 
retarde  la  sixte  ;  d'où  il  suit  évidemment  qu'elle  est  préparée. 
Prolongation  et  préparation  sont  synonymes,  en  ce  sens  que 
toute  dissonance  préparée  suppose  la  prolongation  d'une  note 
précédemment  entendue  en  l'état  de  consonnance.  Tu  vois 
donc,  cher  Zimmerman,que  ta  comparaison  manque  d'exac- 
titude, car  il  s'agit  de  choses  absolument  différentes.  Conti- 
nuons toutefois  l'examen  de  tes  objections. 

»  Obscurité  pour  obscurité  (dis-tu  ) ,  s'il  fallait  absolument 
»  subir  le  mode  de  substitution,  je  me  résignerais  aussi  bien 
»  au  luxe  de  deux  substitutions  qu'à  la  complication  du  re- 
)>  tard  et  de  la  substitution.  »  Plus  loin ,  tu  ajoutes  :  «  M.  Fétis 
"  n'a  fait  qu'effleurer  le  mode  de  substitution  qu'il  propose. 
>>  Nous  venons  de  faire  remarquer  que ,  dans  le  mode  mineur, 
»  on  peut  arriver  à  faire  concevoir  deux  substitutions  simul- 
»  tanées;  puisque  la  route  était  frayée,  cramponné  à  sa 
»  substitution ,  M.  Fétis  aurait  dû  aller  encore  plus  loin  et 
>)  tirer  toutes  les  conséquences  de  cette  nouvelle  doctrine; 
»  au  moins,  il  aurait  eu  un  système  complet  en  obtenant  la 
»  formation  des  divers  genres  de  septième  qui  se  présentent 
I)  sur  les  degrés  de  la  gamme  ;  exemple  : 

»  MODE  MAJEUR  : 

»  l"subslitulion.    2« substitution.     3«  substitution,  i'substilution. 

»  la,  —  sol.            ttl,  —  si.            mi,  —  ré.  sol,  —  fa. 

o  Ja.  —     »                la,  —  iol.           iil,    —  si.  mi,  —  ré. 

11  ré.  —    »               fu.  —     11              l„,    —  sol.  m,    —  si. 

11  si.   —     i>               ré.   —     11              fa.    —     »  la,  —  sol.  » 

Cher  Zimmerman ,  les  curieux  passages  que  je  viens  de 
rapporter  me  jettent ,  je  l'avoue,  dans  un  profond  étonnement. 
Tu  es  trop  grand  musicien  pour  qu'il  me  soit  permis  de  pen- 
ser que  tu  n'as  pas  compris  ce  que  j'ai  établi  avec  beaucoup 
de  clarté.  D'autre  part,  tu  as  l'esprit  trop  sérieux  pour  avoir 
fait  seulement  une  plaisanterie.  Enfin  ,  il  n'est  pas  possible  de 
croire  que  tu  m'aies  voulu  combattre  par  une  forme  d'ironie  ! 
Qu'est-ce  donc,  et  que  prétends-tu  par  cette  phrase  i¥.  Fétis 
cramponné  à  sa  substitution?  Ai-je  une  substitution,  moi? 
Ai-je  (comme  tu  le  dis)  proposé ce\.\.e  substitution?  Eh  !  mon 
ami ,  il  n'y  a  personne  au  monde  qui ,  sans  mettre  en  révolte 
notre  sentiment  et  notre  intelligence ,  puisse  proposer  de 
mettre  dans  l'harmonie  ce  qui  n'y  est  pas  contenu  depuis  la 
création.  Nous  ne  faisons  que  découvrir  les  phénomènes 
des  relations  des  sons ,  et  constater  leur  identité  avec  les  opé- 
rations de  notre  faculté  de  concevoir.  Cette  substitution  ,  ce 
n'est  pas  moi  qui  la  veux  ;  c'est  Catel ,  c'est  toi ,  c'est  tout  le 
monde  :  j'en  ai  seulement  découvert  et  analysé  le  mécanisme. 

Mais  si  j'avais  voulu  faire  naître  les  accords  que  tu  donnes 
pour  exemples  de  la  réunion  de  plusieurs  substitutions,  dans 
ta  manière  de  comprendre  ce  genre  de  modification  des  ac- 
cords naturels  ,  j'aurais  tenté  l'impossible,  car  j'aurais  voulu 
mettre  un  système  arbitraire  à  la  place  de  la  vérité ,  et  le  sen- 
timent universel  aurait  repoussé  ma  folle  prétention.  Tu  fais 
certainement  usage  de  l'accord  si ,  ré,  fa,  la,  sans  prépara- 
tion sur  le  septième  degré  du  mode  majeur,  conmie  tu  fais  si, 
ré ,  fa ,  sot  ;  mais  tu  n'as  jamais  employé  de  la  même  manière 
les  accords  ré,  fa,  la,  ut;  fa,  la.,  ut,  mi;  la,  ut,  mi,  sol  : 
dans  tous  ceux-ci ,  tu  as  préparé  la  dissonance.  Cette  circon- 
stance est  décisive  et  suffit  pour  démontrer  que  ces  accords 
ne  naissent  pas  du  mécanisme  de  la  substitution ,  mais  de 
certaines  autres  circonstances  harmoniques  dont  je  vais  parler. 

J'ai  dit  que  le  second  genre  de  modification  de  l'accord 
dissonant  naturel  est  le  retard  d'une  de  ses  notes  par  la  pro- 


longation d'une  note  précédente  :  or ,  la  note  retardée  est 
toujours  la  note  sensible  par  la  prolongation  de  la  tonique. 
Au  lieu  de  ces  successions  naturelles  : 


/ 

T=^ 

n 

— (9— - 

-n~ 

// 

n 

( 

^ 

-^■ 

-=m 

—TT^- 

\^ 

~¥^- 

f) 

on  a  donc  celles- 

fj — -=r4 L 

./L   f/     CL /d. 

T-^ 

-  fi 

^^f=4 

--. — jcr 

j 

~e^T^ 

fe 

^no- 

-~^rtz 

ir 

:32r 

V 

V 

— €> 

J^' 

Tu  ne  nies  vraisemblablement  pas  ces  harmonies  qui  se 
trouvent  dans  toute  musique  !  il  n'y  a  pas  moyen ,  car  c'est 
la  nécessité  des  tendances  tonales.  Or  (et  remarque  que  nous 
voici  parvenus  au  grand  point  de  discussion  soulevé  de  tout 
temps  entre  nous),  j'ai  constaté  avec  certitude,  autant  par  la 
puissance  du  raisonnement  que  par  une  analyse  persévérante 
des  faits  de  pratique  ,  que  les  divers  genres  de  modifications 
introduits  dans  les  accords  naturels  sont  indépendants  les  uns 
des  autres ,  et  qu'ils  accomplissent  chacun  l'objet  de  leur 
destination,  sans  préjudice  des  phénomènes  des  autres  modi- 
fications :  d'oii  résulte  la  faculté  de  les  réunir  sans  qu'ils  se 
nuisent.  Cela  se  voit  fréquemment  dans  les  altérations  qui  ac- 
compagnent les  piolongations,  ou  dans  les  altérations  doubles 
dont  les  unes  sont  ascendantes,  et  les  autres  descendantes. 
Pourquoi  donc ,  dis-moi ,  la  réunion  de  la  substitution  et  de 
la  prolongation  te  ré))ugne-t-elle  davantage?  N'y  a-l-il  pas 
évidence,  au  contraire,  que  toutes  les  successions  suivantes 
ne  sont  qu'un  seul  et  même  fait  tonal  ? 

12  3 


S 


S 


f  Y. 


=r 


ï 


^^ 


r     f 


-f     f 


L'accord  de  septième  mineure  avec  tierce  mineure  sur  le 

deuxième  degré ,  qui  est  le  produit  de  la  réunion  de  la  sub- 
stitution à  la  prolongation ,  est  présenté  par  Catel  comme  le 
résultat  d'une  prolongation  de  septième  sur  un  accord  parfait 
déjà  complet.  Tu  appuies  cette  théorie  par  l'observation  sui- 
vante :  «Ces  prolongations,  ainsi  que  toutes  celles  de  la  même 
1)  nature,  trouvent  leur  résolution  dansl'accord  suivant.  Cette 
»  dernière  circonstapce  apporte  une  grande  différence  entre 
11  la  prolongation  ajoutée  à  un  accord  déjà  complet ,  et  le  re- 
»  tard ,  dont  le  nom  seul  indique  la  mission  de  retarder  une 
»  des  notes  de  l'accord  qui  en  est  affecté.  Ce  procédé  de 
11  la  prolongation  produit  toutes  les  septièmes  avec  quinte 
«  juste.  Cette  théorie  si  lumineuse  doit  son  adiiission  à  son 
11  admirable  simplicité.  Cela  est  moins  neuf;  mais  cela  est  vrai.» 
Chose  singulière,  ami,  que  la  puissance  des  principes  sur 


DE  PARIS. 


la  direciioii  de  notre  esprit  !  Ce  qui  te  paraît  être  doué  de  vé- 
rité irréfragable  et  d'une  admirable  simplicité ,  dans  la  théorie 
de  Calel ,  est  précisément  ce  qui  m'en  a  révélé  les  défauts , 
et  ce  qui  me  semble  l'écneil  oii  elle  périt.  Examinons  donc 
attentivement  cette  difficulté. 

La  différence  essentielle  qui  se  trouve  sur  ce  point  entre 
la  théorie  de  Catel  et  la  mienne  est  qu'il  fait  venir  l'accord  de 
septième  mineur  avec  tierce  mineure,  sur  le  second  degré  de 
la  gamme,  d'une  modification  de  l'harmonie  consonnante, 
et  que  je  tire  son  origine  de  deux  modifications  de  l'harmonie 
dissonante  naturelle;  d'où  il  résulte,  suivant  le  principe  de 
tonalité  que  tu  as  adopté  conformément  à  ma  théorie,  que 
cet  accord ,  ainsi  que  tous  ceux  de  septième  avec  quinte  juste 
(autres  que  celui  de  septième  de  dominante)  ont  dû  précé- 
der l'introduction  de  celui-ci  dans  la  musique;  car  tu  te  rap- 
pelles ce  que  j'ai  établi  et  ce  que  tu  as  admis,  à  savoir,  que 
l'harmonie  consonnante  avec  ses  modifications  compose  toute 
la  musique  de  l'ancienne  tonalité ,  et  que  la  tonalité  moderne 
est  le  fruit  de  l'harmonie  dissonante  naiurelle.  Gela  étant, 
nous  devrions  voir  apparaître  dans  la  musique  ancienne  (qui 
a  précédé  l'accord  de  septième  de  la  dominante)  l'accord  de 
septième  mineur  du  second  degré  ainsi  que  les  autres  accords 
de  septième  avec  quinte  juste ,  et  conséquemraent  l'accord  de 
quinte  et  sixte ,  celui  de  tierce ,  rjuarteet  sixte,  et  enfin  celui 
de  seconde  avec  quarte  et  sixte  :  or,  n'est-ce  pas  un  fait  plus 
que  singulier  que  ces  accords ,  nés,  selon  Catel  et  toi,  de 
l'harmonie  consonnante,  ne  se  rencontrent  pas  dans  la  mul- 
titude de  messes ,  de  motets  et  de  madrigaux  écrits  pendant 
plus  de  deux  siècles  avant  l'introduction  de  l'accord  de  sep- 
tième dominante  dans  la  musique,  tandis  qu'on  les  voit  ap- 
paraître après  que  cet  accord  a  changé  la  tonalité  ?  Et  ne  va  pas 
croire  que  ceci  soit  l'effet  du  hasard  :  il  n'y  a  point  de  hasard 
contre  les  principes  des  choses  ;  ceux-ci  doivent  épuiser  toute 
leur  virtualité  avant  que  d'autres  principes  se  produisent. 

D'ailleurs ,  toi ,  élève  de  Cherubini  dans  l'art  d'écrire , 
rappelle-toi  ses  leçons,  et  souviens-toi  de  ses  préceptes  con- 
cernant l'exclusion  de  la  septième  avec  la  quinte,  de  la  quinte 
et  sixte,  et  des  autres  harmonies  de  cette  espèce  dans  le 
contre-point.  Ces  règles,  présentées  d'une  manière  empirique 
par  Cherubini ,  n'étaient  en  lui  que  des  traditions  d'école 
dont  on  ne  lui  avait  point  expliqué  l'origine  dans  sa  jeunesse, 
parce  que  sou  maître,  parce  que  tous  les  maîtres  de  l'Italie 
n'eu  savaient  pas  plus  que  lui  à  cet  égard  ;  mais  lorsque,  guidé 
parla  loi  de  tonalité  ,  j'eus,  démontré,  dans  mon  traité  du 
contre-point,  que  ces  harmoniesen  sont  bannies  parce  qu'elles 
ne  résultent  point  de  modifications  de  l'harmonie  consonnante, 
Cherubini ,  bien  qu'il  n'aimât  pas  les  idées  nouvelles  en  matière 
de  doctrine,  fut  saisi  de  l'évidence  de  cette  déduction ,  et  me 
loua  précisenjent  là-dessus  dans  son  rapport  à  l'Institut  sur  mon 
ouvrage.  Encore  une  fois,  mon  cher  Zimmerraan,  le  principe 
de  tonalité  étant  posé  et  admis^  il  en  faut  accepter  toutes 
les  conséquences.  Il  n'y  a ,  il  ne  peut  y  avoir  dans  toute  mu- 
sique basée  surl'harmonie  consonnante  et  sur  ses  modifications 
que  des  septièmes  retardant  des  sixtes ,  accompagnées  de  la 
tierce  et  sans  quinte;  il  n'y  a  de  prolongation  possible  sur 
un  accord  parfait  déjà  complet  que  celle  qui  produit  neuvième 
par  le  retard  de  l'octave;  enfin  une  prolongation  qui  n'est 
point  un  retard  est  absolument  incompréhensible  ,  et  n'a  ja- 
mais eu  d'existence  que  dans  la  tête  de  Catel.  Comraentfait- 
il ,  d'ailleurs ,  la  résolution  de  cette  prétendue  prolongation 
sur  un  accord  parfait  complet?  N'est-ce  pas  sur  l'harmonie 
de  la  septième  de  la  dominante  {Traité  d'harmonie,  p.  23)? 
Et  ce  fait  ne  démontre-t-ii  pas  invinciblement  que  c'est  cette 
harmonie  qui  est  retardéeparla  prolongation?  Voilà  pourtant, 


ami,  la  théorie  dont  tù  loues  l'admirable  simplicité!  Il  y  en 
a  une  bien  plus  simple  que  j'ai  analysée  dans  mon  livre  ;  elle 
consiste  à  placer  sur  tous  les  degrés  des  gammes  majeure  et 
mineure  l'accord  de  tierce  et  quinte ,  l'accord  de  septième  et 
l'accord  de  neuvième  comme  existant  par  eux-mêmes ,  et 
différant  seulement  par  la  nature  de  leurs  intervalles.  Rien  de 
plus  simple  que  cela ,  rien  de  plus  clair  !  seulement  cela  est 
faux,  car  le  plus  grand  nombre  de  ces  accords  n'a  pas  d'exis- 
tence à  priori.  J'ai  donné  de  justes  éloges  à  Catel  pour  le 
service  qu'il  a  rendu  en  France ,  en  faisant  disparaître  la  con- 
sidération des  accords  isolés,  la  remplaçant  par  un  grand 
nombre  d'accords  par  les  faits  de  succession ,  et  faisant  inter- 
venir particulièrement  dans  la  formation  des  groupes  harmo- 
nieux les  retards  et  les  altérations.  Ce  fut  un  grand  pas  de 
fait  vers  une  théorie  rationnelle  et  complète  de  l'harmonie; 
malheureusement  les  forces  intellectuelles  de  ce  musicien 
distingué  ont  failli  devant  certaines  difficultés,  et  ne  lui  ont 
permis  d'atteindre  qu'une  partie  du  but  qu'il  s'était  proposé. 
Pour  achever  d'éclaircir  le  fait  important  sur  lequel  nous 
sommes  divisés ,  il  ne  me  reste  plus  qu'à  répondre  à  l'objec- 
tion que  tu  as  élevée  contre  la  réunion  de  la  substitution  et 
de  la  prolongation  qui  donne  naissance  à  l'accord  de  quinte  et 
sixte.  ïu  dis  :  «  Il  faudrait  se  résoudre  à  admettre  que  l'accord 
n  de  quinte  et  sixte  a  pour  origine  cet  accord  de  triton  : 


M 


^^^ 


B  C'est  au  moins  embarrassant.  » 

Mon  ami ,  il  n'y  a  pas  le  moindre  embarras  à  cela ,  et  je 
m'étonne  qu'il  te  soit  resté  des  doutes  à  ce  sujet,  après  avoir  lu 
les  paragraphes  15^1  et  155  de  mon  livre,  où  j'ai  expliqué, 
ce  me  semble,  de  la  manière  la  plus  claire  comment  la  substi- 
tution réunie  à  la  prolongation  fait  disparaître  la  cause  de 
l'obligation  de  résoudre  en  descendant  le  quatrième  degré  dans 
l'accord  de  septième  du  second  degré  et  dans  l'accord  de 
quinte  et  sixte.  A'oici  ce  que  je  dis  à  cet  égard  : 

«  La  disparition  de  la  double  dissonance  de  seconde  entre 
Il  le  quatrième  degré  et  la  dominante ,  et  entre  le  sixième 
»  degré  et  la  note  sensible  ,  qui  est  le  résultat  de  la  réunion 
1)  de  la  substitution  avec  la  prolongation,  est  cause  aussi  que 
»  la  basse  ,  devenue  libre  dans  les  accords  du  second  degré  et 
»  du  quatrième,  peut  faire  des  mouvements  qui  placent  la 
»  résolution  des  accords  modifiés  sur  d'autres  notes  que  celles 
»  qui  devraient  se  faire  dans  l'état  naturel ,  ou  avec  la  simple 
))  substitution.  » 

Les  deux  genres  de  résolutions  suivantes  sont  donc  égale- 
ment admissibles  : 

2 


270 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Les  exemples  1  et  3  offrenl  les  résolutions  des  modifica- 
tions sur  les  accords  primitifs;  les  deux  autres  continuent  les 
résolutions  évitées  par  les  mouvements  de  la  basse,  devenue 
libre  dans  son  mouvement. 

Ami ,  je  crois  devoir  in'arrêter  ici ,  car  je  ne  pourrais  que 
me  répéter ,  ayant  je  crois  réfuté  solidement  toutes  les  objec- 
tions possibles  contre  le  double  phénomène  des  modifications 
des  accords  dissonants  naturels ,  et  ayant  démontré  que  là 
seulement  est  la  vérité  de  la  théorie  de  l'harmonie.  J'arrive 
maintenant  à  tes  dernières  observations  sur  mon  livre. 

«  Pour  en  finir  (dis-tu)  avec  mes  critiques,  je  reprocherai 
»  à  M.  Fétis  de  ne  pas  justifier  entièrement  le  titre  de  son 
»  ouvrage  ;  pour  que  son  livre  fût  tout-à-fait  complet ,  je 
»  voudrais  y  trouver  les  progressions  harmoniques  nommées 
"  marches.  »  Cher  Zimmerman ,  je  soupçonne  que  pendant 
que  tu  lisais  cet  ouvrage  ,  il  se  faisait  près  de  toi  quelque  in- 
téressante conversation  qui  te  préoccupait  et  t'apportait  des 
distractions.  S'il  en  était  autrement,  tu  aurais  vu  que  non 
seulement  je  n'ai  pas  négligé  les  progressions  harmoniques , 
mais  que  je  suis  le  premier  théoricien  qui  en  ait  expliqué  la 
nature  ,  les  autres  ne  les  ayant  présentées  que  d'une  manière 
empirique.  Permets-moi  de  te  citer  le  paragraphe  oii  j'ai 
établi  la  théorie  rationnelle  de  ces  séries  non  modulantes 
(p.  26). 

«  J'ai  tâché  de  démontrer,  dans  ce  qui  précède  ,  que  la 
»  position  déterminée  de  l'accord  parfait  sur  certaines  notes 
»  de  la  gamme  est  la  conséquence  nécessaire  des  lois  de  la 
»  tonalité;  mais  un  phénomène  se  présente  dans  certaines 
»  formides  harmoniques  appelées  dans  l'école  marches  de 
»  basse ,  et  plus  exactement  progressions ,  car  les  mouve- 
»  ments  de  la  basse  ne  sont  qu'une  partie  du  phénomène. 
»  Dans  ces  progressions^  deux  accords  se  succèdent  sous  la 
»  forme  d'un  mouvement  ascendant  ou  descendant.  Celte 
»  succession  et  ce  mouvement  fixent  l'attention  de  l'esprit , 
i>  qui  en  saisit  d'autant  mieux  la  forme  qu'aucune  anomalie 
»  de  tonalité  ne  s'y  fait  remarquer.  Or,  la  succession  étant 
»  accomplie ,  si  le  mouvement  recommence  entre  deux  notes 
»  situées  à  des  degrés  plus  hauts  ou  plus  bas,  et  continue  une 
»  série  semblable,  par  une  progression  ascendante  ou  des- 
»  cendanle  sur  tous  les  degrés  de  l'échelle ,  l'esprit ,  absorbé 
»  dans  la  contemplation  de  la  série  progressive,  perd  inomen- 
»  tanément  le  sentiment  de  la  tonalité ,  et  ne  le  retrouve  qu'à 
»  la  cadence  finale ,  où  se  rétablit  l'ordre  normal. 

»  Il  suit  de  ceci  que  dans  les  progressions  il  n'y  a  point  de 
»  degrés  déterminés,  et  que  les  intervalles  et  les  accords  qui, 
»  par  leur  nature,  appartiennent  k  telle  ou  telle  note  de  la 
»  gamme,  perdent  leur  caractère  spécial;  qu'il  n'y  a  plus  de 
»  gamme  proprement  dite ,  et  que  les  mêmes  accords  peuvent 
»  se  placer  sur  toutes  les  notes  de  la  série  progressive.  »  Après 
cet  exposé  de  l'origine  des  progressions ,  tu  trouveras  quatre 
pages,  -  7  ,  28,  29  et  3o,  remplies  de  l'analyse  et  des  exemples 
des  progressions  d'accords  parfaits.  Les  pages  34  et  35  ren- 
ferment les  progressions  de  sixtes  ;  les  progressions  de  sep- 
tièmes et  d'autres  accords  produits  par  les  modifications  des 
harmonies  dissonantes  naturelles  sont  aux  pages  81  et  82  • 
enfin  les  progressions  sur  la  gamme  sont  aux  pages  88  et  89  ; 
car  j'ai  traité  de  chaque  chose  à  sa  place  et  dans  un  ordre 
logique. 

Tu  dis  encore  :  «On  y  chercherait  en  vain  un  chapitre  qui 
»  traitât  des  cadences.  »  II  est  certain ,  mon  cher  Zimmer- 
man ,  que  je  n'ai  pas  suivi  les  formes  habituelles  des  traités 
d'harmonie,  parce  que  j'ai  une  autre  méthode  d'exposition 
que  leurs  auteurs.  Ainsi  que  je  l'ai  dit  tout-à-l'heure ,  je 
mets  chaque  chose  à  sa  place,  et  je  n'aime  pas  ces  divisions 


qui  font  rejeter  à  la  fin  de  l'ouvrage,  comme  des  appendices, 
des  choses  qui  se  lient  logiquement  aux  autres  faits  de  la 
science.  Dans  le  quatrième  chapitre  du  premier  livre  de  mon 
ouvrage,  concernant  la  succession  des  intervalles  considérée 
dans  leurs  a/finilés  et  dans  la  détermination  de  la  tonalité  , 
chapitre  important  et  neuf,  j'ai  dit  (pages  18  et  19)  ce  qui 
caractérise  les  cadences  parfaites  et  rompues,  et  je  les  ai  con- 
sidérées dans  les  résbiutions  de  l'accord  de  septième  (pag.  38 
et  39) ,  ainsi  que  la  suspension  de  cadence  :  or ,  c'est  là  tout 
ce  qu'il  y  a  de  réel  dans  cette  matière.  La  cadence  interrom- 
pue de  Rameau  est  une  faute  d'harmonie ,  et  les  cadences 
évitées  sont  des  actes  de  modulation  ,  comme  je  l'ai  fait  voir 
en  traitant  de  cette  partie  de  l'art. 

Enfin  ,  tu  termines  ta  critique  par  ces  mots  :  «J'ajouterai 
»  aussi  qu'un  traité  pratique  devrait  contenir  des  basses  et 
•>  des  chants  chiffrés  et  non  chiffrés ,  etc.  »  Loin  de  partager 
ton  avis,  j'ai  la  complète  conviction  que  ces  basses  et  ces 
chants  sont  parfaitement  inutiles ,  car  un  élève  ne  peut  cor- 
riger lui-même  les  fautes  qui  lui  échappent  en  écrivant  de 
l'harmonie  sur  des  basses  données.  C'est  au  maître  qu'il  ap- 
partient d'écrire  ces  exercices ,  et  d'en  régler  l'étendue  et  les 
difficultés ,  en  raison  de  l'intelligence  de  ses  élèves.  Les  basses 
chiffrées  ne  sont  bonnes  que  pour  les  exercices  d'accompa- 
gnement sur  le  clavier ,  parce  qu'elles  doivent  être  jouées 
souvent  pour  donner  aux  doigts  l'habitude  du  mécanisme 
d'harmonie.  J'ai  mis  à  cet  égard  tout  ce  qui  est  nécessaire  à 
la  suite  de  ma  Méthode  élémentaire  d'harmonie  et  d'accom- 
pagnement. 

Non  seulement ,  mon  cher  Zimmerman ,  mon  livre  est  com- 
plct  dans  le  sens  que  tu  attaches  à  ce  mot ,  mais  il  embrasse 
dans  son  ensemble  des  parties  de  la  science  et  de  l'art  absolu- 
ment neuves  et  qui  n'avaient  pas  même  été  aperçues  par  les 
autres  théoriciens.  Tu  chercherais  en  vain  dans  un  autre 
traité  d'harmonie  quelque  chose  qui  répondît  au  9"  chapitre 
du  second  livre,  concernant  h  prolongation  des  notes  alté- 
rées. Les  trois  chapitres  suivants,  sur  les  notes  étrangères  à 
l'harmonie  naturelle  oti  modifiée  sur  la  pédale ,  et  stir  les 
signes  des  accords  et  la  basse  chiffrée  renferment  des  aper- 
çus nouveaux  et  des  développements  très  étendus.  Le  troisième 
livre  ,  qui  traite  de  la  tonalité  et  de  la  modulation  dans  l'har- 
monie ,  est  basé  sur  les  considérations  les  plus  élevées- oii  la 
science  soit  parvenue  jusqu'à  ce  jour ,  et  pénètre  dans  l'ave- 
nir de  l'art.  Enfin,  après  avoir  appris  par  ma  théorie,  dans  les 
trois  premiers  livres,  les  vrais  principes  de  la  science,  con- 
formes à  la  pratique  de  l'art, le  lecteur  trouve  dansie  quatrième 
une  analyse  complète  de  tous  les  autres  systèmes  mis'  en  lu- 
mière depuis  la  création  de  la  science,  et  en  saisit  le  principe, 
de  manière  à  pouvoir  porter  avec  certitude  un  jugement  vrai 
sur  tout  système  qui  serait  proposé  dans  l'avenir. 

Après  cela ,  je  crois  sincèrement  qu'il  ne  me  restait  plus 
rien  à  faire  ;  et  c'est  cette  conviction  qui  m'a  fait  dire  dans 
le  dernier  paragraphe  de  mon  livre  :  »  Parvenue  à  ce  point , 
«  la  théorie  de  l'harmonie  est  au  dernier  terme  de  l'art  et  de 
»  la  science  :  elle  est  complète ,  et  rien  n'y  peut  être  ajouté. 
1)  C'est  cette  théorie  que  j'ai  développée  dans  cet  ouvrage. 
>■■  Rameau  ,  Sorge ,  Schrœter ,  Kirnberger  et  Catel  en  ont 
«  trouvé  successivement  les  premiers  éléments,  et  je  l'ai  com- 
»  plétée  en  la  posant  sur  la  base  inébranlable  de  la  tonalité.  » 
Ton  tout  dévoué , 

FiJTis  père. 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 


DE  PARIS. 


271 


ACADEMIE  ROYALE  DE  MUSIQUE. 

BALLKT-PANTOMIME   EN    2    ACTES  PAR    M.   CORAILI  ; 
MUSIQUE    DE    M.    DeLDKVEZ. 

(Première  représen talion.) 

n  a  repris  Sophocle ,  pourquoi  ne  reprcndrait- 
'  on  pas  Fénélon ,  dont  le  poétique  roman  a  joui 
depuis  longtemps  du  privilège  d'inspirer  la 
chorégraphie?  Toutefois,  je  voudrais  bien  savoir 
de  quel  œil  le  cygne  de  Cambrai  eût  jamais  pu 
voir  sa  prose  traduite  en  pirouettes.  C'est  un  désagrément 
que  l'aigle  de  Meaux  s'est  épargné  en  écrivant  le  Discours 
sur  rkistoire  universelle;  mettez  cela  en  ballets,  si  vous 
pouvez  ! 

L'Académie  royale  de  musique  s'est  donc  laissée  aller  au 
plaisir  d'endosser  encore  un  peu  le  costume  antique ,  d'en 
revenir  aux  traditions  de  la  mythologie,  d'emprunter  quelque 
chose  à  Fénélon,  à  Homère ,  et  même  à  Virgile.  Au  milieu 
de  Calypso  et  de  ses  nymphes,  elle  a  placé  l'Amour,  qui,  sous 
les  traits  d'un  petit  matelot,  jouele  rôle  du  faux  Ascagne  dans 
l'Enéide.  Minerve  a  beau  faire  et  beau  dire,  sous  la  figure 
austère  de  Mentor,  le  petit  matelot  se  moque  de  son  élo- 
quence ,  et  détourne  Télémaque  de  la  bonne  voie ,  au  point 
de  lui  faire  danser  un  certain  nombre  de  pas  de  deux  avec 
Eucharis,  au  nez  de  Calypso  et  à  la  barbe  de  Mentor,  jusqu'à 
ce  qu'enûn  la  Sagesse  l'emporte,  en  se  jetant  à  la  mer  la  tète 
la  première,  exemple  que  le  vertueux  Télémaque  s'empresse 
noblement  d'imiter. 

L'imagination  de  M.  Coralli  s'est  moins  appliquée,  dans 
cette  entreprise  rétrospective,  à  combiner  une  action  sérieuse, 
qu'à  broder  de  danses  séduisantes  la  fable  telle  quelle  que  le 
sujet  lui  fournissait.  Il  en  est  résulté  une  série  de  pas  de 
deux,  de  pas  de  trois ,  de  pas  de  cinq ,  et  autres  pas  de  tout 
chiffre  et  de  tout  genre ,  qui  s'enchaînent  d'un  bout  à  l'autre 
du  ballet.  M""  Adèle  Dumilàlreen  est  l'héroïne,  et  M.  Petitpa 
le  héros  ;  M""  Maria  joue  l'Amour  déguisé  en  petit  matelot; 
M"'  Pauline  Leroux  et  M.  Élie  ,  chargés  des  rôles  de  Calypso 
et  de  Mentor,  ne  servent  guère  qu'à  leur  donner  la  réplique. 
Mais  tout  cela  n'est  pas  de  notre  compétence  :  dansez,  val- 
sez, trémoussez-vous  :  peu  nous  importe  comment  ni  pour- 
quoi. Ce  que  nous  avons  à  juger,  c'est  la  musique ,  et  celle 
de  M.  Deldevez  nous  a  paru  généralement  bien  écrite  et  bien 
faite  :  il  y  a  même ,  de  temps  en  temps,  quelques  inspirations 
d'un  style  distingué,  soutenues  d'une  instrumentation  ingé- 
nieuse et  habile,  comme,  par  exemple ,  la  phrase  qui  accom- 
pagne l'entrée  de  Calypso  dans  la  grotte  au  second  acte  ,  et 
que  le  compositeur  a  fait  entendre  dans  l'introduction  qui 
précède  le  lever  du  rideau.  M.  Deldevez  avait  débuté  par  le 
troisième  acte  du  ballet  de  Lady  Henriette  :  il  avait  droit  à 
écrire  seul  la  musique  d'un  ballet  en  deux  actes;  maintenant 
il  a  droit  à  un  opéra  quelconque  ;  le  nombre  d'actes  n'y  fait 
rien. 

C. 


Consevuatoire  îie  iHusique  et  î)c  acclamation. 

I  ous  avons  enregistré  dans  notre  dernier  nu- 
méro le  résultat  des  concours  de  l'autre  se- 
maine ,  à  l'exception  de  celui  des  instruments 
à  vent ,  qui  avait  lieu  samedi  même.  Avant 
d'entrer  dans  les  détails ,  nous  devons  dire , 
sans  aucune  flatterie  pour  personne ,  que  si  la  partie  instru- 


mentale de  l'enseignement  s'est  maintenue  à  son  niveau  or- 
dinaire, la  partie  vocale  et  dramatique  s'est  considérable- 
ment améliorée ,  ce  qui  tient  à  plusieurs  causes,  au  soin  tout 
spécial  que  le  directeur  du  Conservatoire  apporte  à  ce  genre 
d'études,  à  la  création  de  nouvelles  classes,  à  l'admission 
d'un  plus  grand  nombre  d'élèves,  et  par  conséquent  au  re- 
doublement d'émulation  paimi  ceux  qui  donnent  et  ceux  qui 
reçoivent  les  leçons. 

Le  concours  de  piano  s'est  signalé ,  comme  toujours ,  par 
l'embarras  des  richesses.  Les  hommes  avaient  à  exécuter  un 
concerto  de  Mayer ,  les  femmes  un  concerto  de  M.  Henri 
Herz ,  l'un  des  professeurs  de  l'école.  Un  élève  de  M.  Laurent, 
le  jeune  Ferdinand  Croze ,  avait  été  forcé  par  une  indisposi- 
tion de  se  retirer  de  la  lice.  Un  autre  élève  du  même  maître, 
M.  Gunsselmann,  a  mérité  un  accessit  par  son  exécution 
précise,  énergique  :  toutes  les  autres  distinctions,  premier  et 
second  prix ,  premier  accessit,  sont  échues  aux  élèves  de 
M.  Ziinmerinan,  MM.  Philippot,  Mariscotti  et  Scola.  Le 
jeune  Lazare,  qui  aux  examens  paraissait  avoir  de  grands  avan- 
tages, s'est  éclipsé  au  concours,  et  n'a  rien  obtenu  :  c'est  une 
revanche  à  prendre.  Pour  les  classes  de  femmes ,  le  combat 
s'est  livré  entre  les  élèves  de  M"'°  Farrenc,  de  M'""  Coche  et 
de  M.  Henri  Herz.  Chose  remarquable ,  les  élèves  de  la  pre- 
mière ont  en  généra!  mieux  joué  le  concerto  de  M.  Herz  que 
les  élèves  de  l'auteur ,  dont  plusieurs  péchaient  par  une  sorte 
d'afféterie  et  de  manière;  nous  ne  parlons  ici  ni  de  M""  Diette, 
qui  a  partagé  le  premier  prix  avec  M""  Farrenc,  ni  de 
M"^ Marchand,  qui  a  victorieusement  enlevé  le  second  prix, 
ni  de  M""  Moulin ,  si  étonnante  pour  son  âge.  M""  Farrenc  a 
particulièrement  glorifié  l'école  de  sa  mère  :  de  l'accessit  qui 
lui  avait  été  décerné  l'année  dernière,  elle  a  tout-à-coup 
passé  au  premier  prix  :  M""  Aulagnier  et  Ausseur,  qui  ont 
l'une  et  l'autre  obtenu  des  accessits ,  marchent  dignement 
sur  ses  traces  et  parviendront  sans  doute  au  même  but. 

La  classe  de  M.  Norblin  pour  le  violoncelle  a  produit  un 
premier  prix  très  brillant,  M.  Jacquard,  qui  ne  compte 
encore  que  dix-sept  ans  :  M.  Baumann  ,  qui  a  mérité  le  se- 
cond prix,  en  compte  vingt-trois;  c'est  un  élève  du  même 
professeur  :  M.  Millet ,  l'accessit ,  est  élève  de  M.  Vasiin. 

La  classe  de  M.  Habeneck ,  riche  encore  des  débris  de 
celle  de  Baillot,  et  qui  par  conséquent  envoie  au  concours 
un  nombre  d'élèves  double  de  celui  qu'envoient  les  autres 
classes,  a  remporté  deux  premiers  prix,  l'un  décerné  à 
M.  Briard  (second  prix  de  18i3) ,  l'autre  à  M.  Boulard,  (ac- 
cessit de  1842).  Le  second  prix  a  été  donné  à  M.  Berou  (ac- 
cessit de  184 3),, et  l'accessit  à  M.  Dumas,  élève  de  M.  Alard. 
Parmi  les  concurrents  demeurés  sans  récompense ,  il  faut 
distinguer  MM.  Montaubry  et  Boverie,  qui  l'année  dernière 
avaient  tous  deux  partagé  l'accessit  avec  M.  Berou,  et  qui 
sont  élèves  de  M.  Habeneck;  MM.  Champenois  et  Amyon, 
élèves  de  M.  Massart.  Le  dernier,  qui  se  distingue  surtout 
par  une  qualité  de  son  belle  et  puissante,  après  avoir  obtenu 
une  voix  pour  le  second  prix  ,  n'a  plus  rien  obtenu  pour  l'ac- 
cessit :  c'est  une  bizarrerie  à  relever  entre  quelques  autres. 

Le  concours  de  harpe  a  brillé  d'un  certain  éclat.  Sur  sept 
concurrents,  M"°  Vernay  (second  prix  de  1863)  a  mérité  le 
premier  prix  de  cette  année;  M"'  Nollet  le  second.  M""  Locré 
et  Rançon  l'accessit. 

Plusieurs  instruments ,  tels  que  le  basson,  la  clarinette,  le 
trombone ,  la  trompette,  continuent  d'être  en  progrès.  Nous 
allons  donner  les  résullats  du  concours  de  tous  les  instruments 
de  cette  famille  dans  l'ordre  où  le  concours  a  eu  lieu. 

Trombone.  —  Premier  prix  :  M.  Venon.  Second  prix  : 
M.  Guimbal,  tous  deux  élèves  de  M.  Dieppo. 


272 


IREYUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Basson. — Preaiier  prix  :  M.  Masurel.  Accessit  :  M.  Linof, 
tous  deux  élèves  de  M.  Barizel.  Il  n'y .  a  pas  eu  de  second 
prix. 

Co)-  ordinaire,  —  Premier  prix  :  M.  Boulcourt.  Second 
prix  :  M.  Bardey.  Accessit  :  M.  Guérin ,  tous  trois  élèves  de 
M.  Gallay. 

Trompette.  —  Premier  prix  :  M.  Dubois.  Second  prix  :   | 
M.  Arban.  Accessit  :  M.  Cerclier,  tous  trois  élèves  de  RI.  Dau- 
verné.  i 

Cor  à  fiston.  — Premier  prix  :  W.  Gillette.  Second  prix  :   \ 
M.  Halary,  tous  deux  élèves  de  M.  Meifred. 

Hautbois.  —  Premier  prix  :  M.   Gras.    Second  prix   :    ; 
M.  Castagnier.  Accessit  :  MM.  Degouy  et  Hubant,  tous  quatre 
élèves  de  M.  Vogt.    •  î 

Flûte.  — Premier  prix:  M.  Lemou,  jeune  élève  à  peine  \ 
âgé  de  seize  ans,  et  à  qui  l'on  en  donnerait  tout  au  plus  douze,   \ 
qui  a  commencé  par  être  mousse,  et  n'est  que  depuis  deux 
ans  au  Conservatoire.  Second  prix  :  M.  Alrit,  tous  deuxélè-  ! 
vesdeM.  Tulou.  î 

Clarinette.  —  Premier  prix:  M.  Soualle.  Second  prix: 
M.  Sourilas.  Accessit:  M.  Lecerf,  tous  trois  élèves  de  M.  Klosé. 
Il  est  juste  d'ajouter  que  les  morceaux  composés  chaque  an- 
née, suivant  l'usage,  par  M.  Klosé  pour  le  concours  de  ses 
élèves,  se  font  remarquer  par  l'élégance  de  la  mélodie,  par 
leur  coupe  heureuse  et  par  la  distinction  des  accompagne- 
ments. 

Nous  arrivons  à  la  voix  humaine,  tantôt  livrée  à  elle-même, 
tantôt  mêlée  à  l'action  dramatique ,  et  c'est  ici  que  se  mani- 
feste positivement  la  supériorité  actuelle  du  Conservatoire. 
Nous  nous  rappelons  des  concours  d'une  date  peu  ancienne, 
où  il  se  trouvait  à  peine  deux  ou  trois  voix,  deux  ou  trois  es- 
pérances. Aujourd'hui  les  voix  abondent ,  les  espérances  se 
multiplient.  Dans  le  concours  du  chant,  il  n'y  avait  pas  moins 
de  quinze  hommes  et  de  vingt  et  une  femmes.  Admettons 
qu'on  eût  pu ,  sans  trop  de  rigueur,  retrancher  dix  concurrents 
sur  le  chiffre  total  de  trente-six ,  et  nous  aurons  encore  vingt- 
six  chanteurs  et  cantatrices,  pouvant  tous  aspirer  à  une  men- 
tion quelconque.  Le  jury  n'a  pas  cru  devoir  accorder  de 
premier  prix  aux  classes  d'hommes,  et  il  a  bien  fait ,  parce 
que  le  premier  prix  doit  être  réservé  aux  élèves  qui  possè- 
dent, non  seulement  une  belle  voix,  mais  encore  une  éduca- 
tion assez  avancée ,  un  talent  assez  complet  pour  se  passer 
désormais  d'études  sévères  et  soutenues.  Le  second  prix  s'est 
balancé  d'abord  avec  chances  presque  égales  entre  MM.  Jour- 
dan  et  Bussine,  élèves  de  M.  Garcia,  Sarniguet, élève  de  Du- 
prez,  Gassier,  élève  de  Banderali ,  et  qui ,  l'année  dernière , 
avait  obtenu  l'accessit.  La  majorité  s'est  fixée ,  après  deux 
tours  de  scrutin,  sur  ce  dernier,  à  qui  d'autres  concours  pré- 
paraient d'autres  palmes  :  l'accessit  s'est  partagé  entre  les 
trois  autres.  MM.  Obin  et  Lucien  avaient  en  outre  obtenu 
quelques  voix  perdues. 

Dans  les  classes  de  femmes,  la  prééminence  s'est  fixée  avec 
plus  de  promptitude.  M"'  Morange,  et  M"'  Tabon,  qui  toutes 
deux  concouraient  pour  la  première  fois ,  ont  d'abord  frappé 
l'attention  du  jury  et  de  l'auditoire,  l'une  en  chantant  la  ca- 
vatine  à'Elisabetta ,  de  Rossini ,  d'une  voix  puissante  et  sym- 
pathique ,  l'autre  en  disant  l'air  du  Serment ,  le  triomphe  de 
M"'°  Damoreau ,  en  digne  élève  de  cette  cantatrice  célèbre  , 
momentanément  remplacée  par  M"°  Duflot.  M"'  Courtot, 
élève  de  Duprez,  a  suivi  l'exemple  de  M'""  de  Sparre ,  en  di- 
sant dans  un  style  large  et  ;  .thétique  l'air  de  Guido  écrit  pour 
voix  de  ténor.  M^''  Morize  .,  vocalisé  très  purement  la  cavatine 
de  la  Muette.  Les  suffrages  se  partageaient  entre  ces  dames, 
lorsque  M"°  Mondutaigny,  élève  de  Bordogni,  est  venue  dire 


l'air  de  la  Reine  de  Chypre ,  avec  une  voix  moins  belle  que 
ses  rivales,  mais  avec  plus  d'art  et  de  savoir.  Le  premier  prix 
lui  était  donc  légitimement  acquis;  mais  le  jury  a  cru  devoir 
le  partager  entre  elle  et  M'^"  Tabon.  Le  second  prix  a  été 
accordé  à  M""  Morange  et  Morize.  Un  premier  accessit  a  été 
décerné  à  M""  Courtot,  et  un  second  accessit  partagé  entre 
M""  Sisung,  élève  de  Banderali;  Grime,  élève  de  Panseron; 
et  Rouillé  ,  élève  de  Pouchard,  M"«'  Dameron,  Chevallier, 
Moisson  et  Brocard  avaient  aussi  réuni  quelques  voix  :  d'autres, 
qui  avaient  montré  du  talent,  étaient  restées  forcément  à  l'é- 
cart ,  entre  autres  M""  Delannoy  ,  Lehoucq ,  Vaillant ,  Beaus- 
sire ,  car  il  est  impossible  que  le  jury  accorde  des  mentions 
à  tout  le  monde  :  force  lui  est  de  choisir  parmi  les  concur- 
rentes ,  qui  produisent  le  plus  d'effet  et  lui  laissent  l'im- 
pression la  plus  vive. 

Dix-huit  concurrents  et  concurrentes  se  mesuraient  dans 
l'opéra-comique.  Disons  en  passant  que  des  scènes  telles  que 
celle  de  la  prison  dans  la  Pie  voleuse  et  celle  d'Anne  de  Bou- 
len  ne  devraient  pas  figurer  sur  un  programme  de  ce  genre. 
Nous  savons  bien  que  le  drame  lyrique  entrait  dans  le  réper- 
toire de  Feydeau  ,  comme  il  entre  encore  dans  celui  de  Ven- 
ladour;  mais  puisqu'au  Conservatoire  il  y  a  deux  concours 
bien  distincts ,  l'un  pour  la  comédie ,  l'autre  pour  la  tragédie 
chantée ,  l'im  pour  le  sourire ,  l'autre  pour  les  larmes ,  nous 
ne  voyons  ni  raison  ni  avantage  à  confondre  ce  qu'il  est  si 
facile  de  distinguer.   Quoi  qu'il  en  soit ,  dans  ce  concours , 
;  Gassier  a  obtenu  le  premier  prix ,  en  jouant  une  scène  du 
Valet  de  chambre ,  M"'  Morize  le  second  prix ,  en  jouant  une 
!  scène  de  la  Sirène  ;  M""  Leclerc ,   Morange  et  RouUié  ont 
I  partagé  le  premier  accessit.  M"'  Chevalier  a  obtenu  seule  le 
j  second. 

j      Le  grand  opéra  comptait  douze  concurrents  et  concurrentes. 
I  M.  Gassier  a  cette  fois  encore  remporté  le  premier  prix  î 
M"'s  Moisson  et  Mondutaigny  ont  partagé  le  second;  MM.  Beaus- 
!  sire ,  Filathieu ,  Guignot  et  Garcin-Brunet ,   l'accessit.  Plu- 
i  sieurs  personnes  ont  pensé  que  M™'  Beaussire  méritait  quel- 
I  que  chose  de  plus  brillant ,  et  en  effet  cette  élève  est  douée 
!  d'une  figure  charmante,    d'une  voix  magnifique  :  en  outre 
elle  a  l'avantage  d'être  élève  de  Duprez.  Il  ne  lui  manque  plus 
pour  atteindre  aux  grands  succès  de  la  scène  que  de  régler 
les  éclats  de  sa  voix ,  l'élan  de  son  jeu  :  en  faisant  un  peu 
moins,  elle  obtiendrait  bien  davantage,  et  l'avenir,  qui  l'at- 
tend ,  se  réaliserait  tout,  de  suite.  Nous  l'engageons  de  tout 
notre  pouvoir  à  ne  pas  perdre  courage,  et  à  ne  pas  s'éloigner 
de  son  maître  ni  de  son  pays.  C'est  la  mode  maintenant  par- 
mi les  élèves  du  Conservatoire  ,  qui  se  croient  mal  jugés ,  ou 
qui  trouvent  que  les  directeurs  de  Paris  ne  leur  ouvrent  pas 
assez  promptement  leur  porte,  que  de  dire  :  «Je  vais  en  Ita- 
lie. »  Hélas!  ...  pourquoi  donc  ceux  qui  ont  pris  ce  chemin 
desirent-ils  si  ardemment  reprendre  au  plus  tôt  celui  de  la 
France  ?  Pourquoi  les  ténors  italiens  se  laissent-ils  enlever 
par  l'Opéra  de  Paris?  C'est  que  l'Italie  théâtrale  est  beaucoup 
plus  belle  de  loin  que  de  près ,  et  qu'au  lieu  d'y  exercer  un 
art  honorable,  les  artistes  y  sont  condamnés  au  plus  pénible 
des  métiers. 

La  déclamation  spéciale  est  aussi  en  progrès  :  les  concours 
de  tragédie  et  de  comédie  l'ont  prouvé.  Dans  le  premier, 
M.  Chotel  a  obtenu  le  second  prix  (on  n'en  a  pas  décerné  de 
premier  )  ;  M"-^^  Rimblot,  M.  Gubian ,  M""  Loyaux  et  Jamini 
ont  obtenu  les  premier,  second ,  troisième  et  quatrième  ac- 
cessits. Dans  le  second  concours,  M.  Roger,  qui  avait  fort  bien 
joué  une  scène  de  l'Avare,  a  obtenu  le  premier  prix  à  l'una- 
nimité; M""  Loyaux  et  Potel  ont  partagé  le  second  prix; 
MM.  Truflier  et  Chotel ,  l'accessit. 


DE  PARIS. 


273 


Une  innovation  qui  peut  s'attribuer  aux  causes  par  nous  si- 
gnalées en  commençant ,  savoir  :  l'accroissement  du  nombre 
des  concurrents  et  l'élévatiou  des  études ,  a  marqué  les  con- 
cours de  cette  année.  Malgré  l'interdiction  prononcée  par  le 
règlement  nouveau  du  Conservatoire,  le  partage  des  prix  s'est 
reproduit  en  diverses  circonstances.  Le  nouveau  règlement 
réformait  un  abus ,  mais  peut-être  risquait-il  de  tomber  dans 
un  autre.  Il  est  des  cas  oîi  deux  élèves  se  présentent"  avec 
une  dose  tellement  égale  de  qualités  naturelles  ou  acquises, 
qu'il  y  a  impossibilité  absolue  à  ne  pas  les  traiter  de  piême 
et  à  distinguer  entre  eux.  Cela  est  vraisemblable  et  possible. 
Mais  il  y  a  aussi  d'autres  cas,  et  ceux-là  ne  sont  pas  les  plus 
rares,  où  le  partage  des  prix  pourrait  ne  servir  qu'à  dissimu- 
ler une  transaction  entre  la  conscience  et  la  faveur,  qu'à  sa- 
tisfaire des  amours-propres  aux  dépens  de  la  justice  ,  et  voilà 
pourquoi  il  faut  bien  prendre  garde  à  ce  que  ce  partage 
n'ait  jamais  lieu  sans  une  nécessité  tellement  palpable,  qu'elle 
justifie  d'elle-même  le  directeur  et  le  jury  d'avoir  forfait  au 
règlement  qu'ils  sont  chargés  de  maintenir. 

P.  S. 


GRAND  FESTIVAL  DE  L'INDUSTRIE 

AUX  CÏB&MIPS-ÉI.ÏSÉE^'. 
DEUXIÈME   JOURNÉE. 

a  petite  pièce  après  la  grande;  après  le  drame 
vocal  et  instrumental  à  larges  proportions,  ayant 
pour  éléments  constitutifs  des  chants  natio- 
naux, des  prières  pompeuses,  des  fragments 
de  symphonies ,  est  venue  la  comédie  instru- 
mentale composée  d'ouvertures ,  de  quadrilles ,  de  valses ,  de 
polkas,  etc.,  tout  ce  qui  pouvait  satisfaire  enfin  notre  goût 
prononcé  pour  le  rhythme  bien  marqué,  puissamment  accen- 
tué par  le  tambour  et  le  canon  même  au  besoin ,  signe  évident 
que  si  le  Français  né  malin  forma  le  vaudeville,  il  n'est  pas 
moins  né  pour  la  guerre,  la  gloire  et  la  musique  bruyante. 
La  seconde  fête  festivalienue  a  donc  eu  lieu,  ainsi  qu'elle  était 
annoncée  ,  dimanche  dernier  ,  U  août.  Il  est  juste  de  recon- 
naître cependant  que  cette  seconde  séance  n'avait  pas  attiré  au- 
tant de  monde  que  la  première.  Oui,  malgré  notre  prédilection 
pour  la  musique  physiologique  et  de  locomotion  ,  c'est-à-dire 
pour  cette  musique  transformant  en  quelque  sorte  les  chapeaux 
de  nos  dames  en  balanciers  de  pendules  qui  marquent  chaque 
temps  fort  de  la  mesure  d'une  contredanse,  pour  cette  musique 
qui  pousse  la  plupart  des  auditeurs  à  se  promener  autour  de 
l'orchestre  afin  de  se  montrer  en  public,  voir  les  jolis  éléments 
dont  il  se  compose ,  et  appuyer  d'un  mouvement  de  tête ,  ou 
d'un  coup  de  talon  de  botte  le  rhythme  du  morceau  qu'on 
exécute ,  la  musique  psychologique ,  celle  qui  frappe  l'âme , 
commence  à  avoir  plus  de  partisans  que  l'autre,  ce  qui  nous 
semble  indiquer  une  amélioration  du  goût  artistique  de  la  so- 
ciété. Néanmoins,  il  faut  convenir  que  l'ouverture  de  la  Gazsa 
ladra ,  celle  de  la  Semiramide ,  et  surtout  la  chasse  dujeune 
Henri,  qui  a  ouvert  la  seconde  partie  du  concert,  ont  été 
dites  par  les  quatre  cents  musiciens  promis  et  présents  avec 
un  ensemble  ,  une  verve  et. un  accord  d'instruments  dignes 
des  plus  grands  éloges. 

Ce  n'était  point,  comme  la  plupart  des  auditeurs  l'ont  cru, 
le  Strauss  de  Vienne ,  l'auteur,  le  créateur  des  valses  aux 
rhylhmes  capricieux  ,  brisés  ,  bizarres  même,  mais  gracieux 
et  pleins  d'originalité,  qui  conduisait  ce  formidable  orchestre, 
mais  bien  son  homonyme,  un  musicien  du  Théâtre  Italien  de 


Paris ,  compositeur  de  valses  aussi ,  et -de  valses  fort  jolies. 
On  a  remarqué  celles  portant  le  titre  de  la  Médaille  d'or , 
Amélie,  le  Diamant  ;  puis  de  charmantes  polkas  plus  ou  moins 
bohémiennes ,  polonaises  ,  fiançaises ,  espagnoles  :  mais  ce 
qu'il  fallait  voir,  entendre,  admirer  dans  ces  polkas,  ces 
valses,  ces  quadrilles  brillants,  bruyants,  retentissants,  c'est 
le  brillant ,  le  bruyant ,  le  retentissant ,  l'étourdissant  Saint- 
Jean  !  Auditeurs  locomotionnés  par  le  rhythme  puissant  dont 
nous  venons  de  parler,  vous  ne  vous  doutez  pas  que  c'est  à  M. 
Saint-Jean ,  à  Saint-Jean  tout  court  même ,  comme  on  dit  en 
nommant  les  gens  célèbres  qui  s'avancent  au  pas  redoublé  vers 
la  postérité ,  vous  ne  vous  doutez  pas  que  c'est  à  ce  même 
Saint-Jean  que  vous  devez  vos  émotions  les  plus  vives;  car 
Saint-Jean  est  le  premier  tambour  de  France  et  de  Navarre, 
et  de  toute  la  garde  nationale  de  Paris ,  un  tambour  —  on  de- 
vrait peut-être  dire  un  tambouriste,  mais  nous  reculons  de- 
vant la  hardiesse  de  ce  néologisme  —  un  tambour  devant  qui 
tous  les  autres  ne  sont ,  comme  on  dit ,  que  de  la  Saint- Jean. 
C'est  que  Saint-Jean ,  voyez-vous ,  est  artiste  ;  c'est  qu'il  a 
le  sentiment  de  sa  puissance ,  de  sa  force  irrésistible  ;  il  sait 
qu'il  peut  mettre  au  pas  tout  retardataire  dans  une  armée  de 
quatre  ou  cinq  cents  concertants  et  plus,  et  il  vous  fait  aller 
musiciens,  chef  d'orchestre  et  public ,  comme  il  lui  plaît. 
Quand  il  est  lancé  dans  un  roulement  crescendo ,  il  semble 
chanter  victorieurément  ce  rondeau  de  Zampa  ■■ 

11  faut  cédera  mes  lois. 
Et  comment  s'en  défendre  ? 

Saint-Jean  est  le  despotisme  du  son  incarné  ;  il  aime ,  il 
adore  son  art  ;  et  comme  il  en  est  dominé,  il  domine  tout  ce  qui 
l'entoure.  Nous  l'avons  vu  sur  les  derrières  de  l'armée  com- 
mandée par  M.  Strauss ,  à  la  tête  de  sa  division  de  tambours 
à  l'arrière  garde. ..  qu'est-ce  à  dire,  de  l'arrière-garde!  il 
était  à  lui  seul  l'avant-garde,  l'arrière-garde,  l'aile  droite, 
l'aile  gauche,  le  centre,  centre  de  toute  harmonie  et  de  toute 
mélodie;  nous  l'avons  vu  plein  du  feu  sacré  se  Hvrant  avec 
délire  et  délice  au  bonheur  de  préparer,  de  filer,  de  fermer 
avec  toutes  les  nuances  et  la  précision  voulues  ses  rrrrras 
et  ses  fias.  On  a  bien  pu  voir  quelques  jeunes  violonistes  ses 
voisins  s'enfoncer  avec  force  le  doigt  dans  l'oreille  comme 
pour  se  soustraire  au  voisinage  de  cette  terrible  audition  ; 
mais  qu'est-ce  que  cela  prouve?  que  ces  jeunes  musiciens  ne 
sont  pas  dans  la  voie  du  progrès,  car  le  tambour  dit  toujours  : 
En  avant  !  marche  !  Cet  instrument  interprète  ,  résume  par- 
faitement l'esprit  de  l'empire  et  de  ses  hommes-soldats  qui , 
lorsqu'ils  croyaient  raisonner,  ne  faisaient  que  résonner;  et 
l'on  ne  peut  disconvenir  que  les  mots  de  gloire  et  de  dignité 
nationale  .résonnaient  aussi  dans  le  cœur  de  tous.  Honneur 
donc  à  Saint-Jean  et  à  M.  Strauss,  qui  possèdent  la  puissance 
de  réveiller  quelques  nobles  souvenirs  ! 

Henri  BLANCHARD. 


Al'X-  ARMES  !,  CIlOïE^iS  ! 
Sessin.  de  G-ËL-vacni; 

Rien  qu'en  voyant  cet  homme,  on  l'entendl:.  le  cri  qui 
s'échappe  de  sa  poitrine  est  dessiné  d'après  nature.  C'est  l'an- 
cien cri  français,  si  poétiquement  noté  par  Rouget  de  Lisle  : 
ce  sont  les  mots  fameux  qui  ont  conduit  tant  de  bataillons  à  la 
victoire  et  tant  de  braves  à  la  mort.  Aujourd'hui  nous  avons 
une  autre  Marseillaise,  une  autre  inspiration  nationale  ;  on 
ne  dit  plus  :  Aux  armes ,  citoyens  !  mais  on  chante  :  Guerre 
aux  tyrans;  jamais  en  France,  jamaisV Anglais  ne  régnera. 


274 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


^I^n  coup  de  canon  venait  à  être  tiré,  ce  serait  le  belliqueux 
j^frain  d'flalévy  qui  volerait  de  bouche  en  bouche.  Autre 
^Jemps,  autre  musique. 

ITO-CTTELIaBS. 

",'  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  Stradella,  suivi  i'Euckaris,  ballet 
en  deux  actes. 

*.'  Les  répétitions  d' Othello  sont  reprises  depuis  plusieurs  jours  : 
on  annonce  l'ouvrage  pour  la  Qn  du  mois.  Ce  sont  toujours  Duprez, 
Barroilliet,  Levasscur,  M"' Stollz  et  M"'  Méquillet  qui  doivent 
en  remplir  les  principaui  rôles. 

","  M"'  Taglioni  assistait  mercredi  à  la  première  représentation 
A'Euchuris  :  la  célèbre  sylphide  se  propose  ,  dit-on  ,  de  remonter  à 
Bordeaux,  où  elle  doit  se  rendre,  l'ancien  ballet  de  7'élémaque. 

V  Wartel  quitte  Paris  pour  se  rendre  à  Milan,  où  il  est  engagé 
pour  l'hiver  prochain.  En  attendant,  il  va  travailler  avec  les  célèbres 
maitres  d'Italie. 

*,*M'"'  Miro-Camoin  doit  rentrer  la  semaine  prochaineà  l'Opéra- 
Comique  dans  C Ambassadrice  et  la  Part  du  Diable. 

*»*  Thalberg  donnera  un  grand  concert  à  Boulogne  le  14  de  ce 
mois. 

*/  M.  et  M"'  Iweins-d'Hennin  sont  partis  pour  le  Nord  :  ils  doi- 
vent se  faire  entendre  dans  les  fêtes  de  Courlray ,  Boubaix  et 
Tournay. 

*,'  Dimanche  dernier  ,  «ne  nouvelle  messe  de  M.  Julien  Martin  , 
exécutée  à  Saint-Germain-l'Auxerrois,  a  produit  un  effet  remar- 
quable à  tous  égards,  par  la  composition  et  par  la  manière  dont 
elle  a  été  rendue.  Les  divers  morceaux  qu'elle  renferme  mériteraient 
une  analyse  plus  élendue  que  celle  qu'il  nous  est  possible  de  leur 
consacrer.  Le  A' ./ne  porte  le  caractère  d'une  prière  onctueuse,  hum- 
ble d'abord  ,  adressée  au  ciel  par  une  seule  partie  ,  pui«  répétée  par 
les  autres,  et  dont  l'élan  s'augmente  peu  à  peu  jusqu'à  une  explo- 
sion de  voix  ,  qui  demandent  avec  confiance  la  pitié  de  l'Éternel.  Le 
Gloria  commence  par  un  choeur  triomphal  ,  qui  revient  plusieurs 
fois  et  toujours  avec  un  surcroît  d'énergie.  VAdoramus  qui  fait 
partie  du  Gloria  ,  ainsi  que  le  Graiias  et  le  Qui  tullis  ,  était  dit  par 
un  ténor  dont  la  voix  est  magnifique  ,  M.  Soler ,  et  accompagné 


par  les  violoncelles  et  l'orgue.  Le  Qui  lollis,  solo  de  baryton  ,  avait 
aussi  un  interprète  habile ,  M.  de  Ch"",  qui  a  chanté  également  bien 
les  solos  du  Credo  et  \'0  salutaris.  Tous  ces  morceaux,  en  y  joi- 
gnant le  Crucifixus,  Y  Et  resurrexit,  et  l'iil  rapec(o,  ont  vivement 
impressionné  l'auditoire  ,  dans  lequel  les  artistes  se  mêlaient  aux 
amateurs.  Les  premiers  donnaient  la  préférence  au  Sancius  et  à 
X'Agnus  Dei,  les  seconds  au  Gloria  et  à  V  O  Salutaris.  Toas  étaient 
d'accord  pour  assigner  un  rang  élevé  à  cette  manifestation  reli- 
gieuse et  pour  féliciter  celui  qui  l'avait  tentée  avec  un  incontestable 
succès. 

*,*  Les  deux  premiers  concerts  donnés  par  Liszt  à  Marseille  ont 
produit  dix  mille  francs. 

V  Jacques  Franco-Mendès,  le  célèbre  violoncelliste ,  vient  d'of- 
frir la  dédicace  de  son  troisième  quatuor  pour  deux  violons  ,  viola 
et  violoncelle,  à  S.  A.  B.  le  prince  Albert,  qui  a  daigné  l'accepter 
de  la  manière  la  plus  flatteuse. 

*,*  On  parle  d'une  sédition  qui  aurait  éclaté  au  théâtre  de  Lis- 
bonne pendant  l'absence  de  M.  Porto ,  le  directeur.  On  ajoute  que 
AI""^  Bossi-Caccia  se  trouve  compromise  dans  cet  événement,  qui 
d'ailleurs  n'offre  rien  de  politique. 

*,'  La  troupe  allemande  continue  ses  représentations  à  Bruxelles  : 
la  Flûte  eiicltantée  ,  le  Freiscliùtz,  Don  Juan  et  Eidelio  ont  été 
donnés  successivement.  Il  parait  que  la  musique  de  Beethoven  a 
produit  un  grand  effet  sur  le  public  bruxellois,  dont  l'attitude  révé- 
lait une  sensation  de  plaisir  mêlée  de  surprise.  On  s'attendait  à  de 
la  science  et  on  trouvait  du  génie  :  de  là  l'émotion  et  l'enthou- 
siastne. 

dti*ontïf|»e  dé|iarteHtentaIe • 

*,"  l'rouville-siir-mer.  —  La  soirée  musicale  ,  donnée  le  4  août , 
par  MM.  Battanchon  et  De  Liste  dans  les  brillants  salons  de  l'hôtel 
Belle-Vue ,  récemment  ouverts  ,  avait  attiré  l'élite  de  la  société  pari- 
sienne réunie  aux  bains  de  mer,  qui  ont  maintenant  le  plus  de 
vogue.  Celte  solennité,  était  unesorie  d'inauguration  artistique  d'un 
splendide  local,  éminemment  propre  à  favoriser  les  pérégrinations 
des  virtuoses.  Le  succès  des  bénéficiaires  a  été  complet.  VEneni- 
cos,  charmante  fantaisie  pour  le  violoncelle,  a  valu  à  M.  Battanchon, 
son  auteur,  des  applaudissements  aussi  vifs  que  ceux  qu'il  a  obtenus 
dans  les  concerts  donnés  au  Havre  et  à  Cherbourg. 


Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


PiiMications  de  MAURICE  SCHLEStlVGER,  9'?,  rue  Kiclielieu. 

^n  îiente. 
Edition  populaire 

DU  CHAMT  I¥ATIO]^AL 


CHARL 


,     DHALEYY. 

.  .  .  i  .  JAMAIS  EN  FRANGE, 
JAMAIS  L'ANGLAIS  NE  REGNERA. 

Prk  lîel  :  25  ceiilinies. 


Le  Chirogymnaste  est  un  assemblage  de  nenrappa- 
reils  ^ymnastiqnes  destinés  à  donner  de  l'exlension  i 
lamametde  Vêcart  aux  doigts  â  augmenteretà  éj;al<- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quatrième  et  le  cinquième 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnasle 
aété  aussi  approucé  et  adopté  parilit.  Adam,  Berlini, 
lie  Beriot,  Cramer,  Ueri,  KaVibrenner,  Listi,  Moschelii 
PrudKM,  Sinon,  Thalherg,  Tulou,  Zimmermann,  etc. 

Chaque  Chiroqymnaste  est'  revèlu  de  la  signatura 
de  l'inventeur  et  te  vend  place  de  la  Bourse,  n°  15, 
ahuit appareil»,  50 fr.,àneiifttpp, 60 fr.,  mélliode,?/)'. 

î'*5î!A5'"iy^  APPUOUKE  A  L-ÉnrUDE  DU  PIANO.  •»  MARTIN,  S  bt 
I.>  e-VnniASTlQUE  DeI^  DOICSTS,  par  H.  BEBTIIMI.  P^  ■■•>.  3  Cf.  76  m. 


laventé  par  C.  MABTUV 

Facteur  de  PîanoB. 

BBEVETÉ  DU  BOI 

Place  delà  Bonrae,  I  S. 

Approuvé  par  l'IiutitaC 

et  adoplé  dans  les  classes 

deaCONSEBVATOIBES 

de  Paris  et  de  Londres. 


Les  expëdhions  sont  faites  contre  remboorsemeat.  Écrira  franao* 


PLliilES  IIÉTALLIQIJES  POL'R  ÉCRIRE  LA  MlJSip. 

N'  13.  Pour  écrire  la  musique.  Celte  plume  convient  aussi  aux 
personnes  qui  n'écrivent  pas  l'anglaise. — N"  i3  bis.  Pour  copier  la 
grosse  musique  telle  que  parties  séparées,  et  écrire,  en  gros  et  en 
ronde.  —  N»  IG  médium  Plus  fine  que  le  N"  13,  très  bonne  pour 
l'éirilnrc  expédiée. —  Prix:  la  douzaine,  50  c.  ;  la  grosse,  4  francs. 
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Spécialité  pour  la  reliure  de  musique  ;  papier  réglé  pour  musique 
de  tous  formatv ,  soit  ordinaire,  ou  de  fantaisie,  ainsi  que  des 
albums  pour  écrire  la  musique. 


A.  BOUD,  rue  du  ^teiiticr ,  tl. 

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Piéduciionde  prix.  Garantie  de  2  années.  On  peut,  avant  de  conclure 
un  marché,  comparcrcesinsirumenis  avec  ceux  de  loutautre  facteur. 


Imprimerie  de  POUBGGGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Iftcob. 


Four  iParis  :  ua  an,  30  fr.  ;  six  mois,  15  fr. 


Annonces  :  50  c.  laligcie  de  2S  lettres     —     Xïépartements  :  un  an,  34  fr.  Étranger,  38  fr. 


_XCK _     _ 


REVUE 

ET 

GAZEHE  MUSICALE 


MM.  ANDERS  ,  G.  BENEDIT,  BERLIOZ,  Henbi  BLANCHARD, 

MAUlllCE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DLESBERG ,  FÉTIS  père,  EDOUARD  FÉTIS,  STEPDEN  HELLER,   J.  JANIN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  GEOBGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUt  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Pafnigaant  lows  Mes  MUmandtea, 

IL  SERJV  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVABNI. 
Le   1*'  et   le    t5  de  chaque  mois  on  recevra  un  morceau  de  musique* 


SOMMAIRE.  Le  vaudeville  et  l'orgue  de  Barbarie  ;  par  A.  SPECHT. 
—  Théàlre  royal  de  l'Opéra-Comlque  :  Reprise  de  GuUsian;  par 
H.  BLA\CIIAIU).  —  Conservatoire  de  Bruxelles.  —  Lellic  à 
M.  le  directeur  de  la  Gazelle  musicale  :  La  musique  religieuse  en 
Belgique;  par  F.  DANJOU. —  Correspondance  particulière;  par 
G.  KASTIVEB.  —  Nouvelles.  — Annonces. 

LA  CHANTEUSE  CHINOISE.  Dessin  de  Gavarni. 


LE  VAUDEVILLE  ET  L'ORGliE  DE  R\RB\IUE. 

is-moi  ce  que  tu  en- 
tends, je  lu  dirai  ce 
que  lu  chantes! 

Ceci  vous  pi'ouvc 
en  passant  que  Ba- 
sile a  bien  fait  de 
nous  apprendre  à  inetlre  en  variaiioiis  les 
sproverbes,  et  qu'il  faut  emprunter  partout 
les  bonnes  méthodes ,  même  à  certaines 
gens,   sauf  à  Iciu-   rendre  la  justice  qu'ils 
mt'ritent. 

Depuis  longtemps  je  veux  rendre  au  vau- 
deville et  il  l'orgue  de  Barbarie  la  justice  qui 
leur  appartient,  et  je  commence  en  conseil- 
lant aux  musiciens  de  ne  jamais  rien   leur  em- 
prunter. 

Malheureusement  cette  dernière  prescription 
n'est  pas  facile  à  suivre ,  car  il  s'agit  surtout  ici 
d'emprunts  involontaires  en  fait  de  musique ,  et  c'est  le  mal 
que  je  déplore,  la  maladie  nationale  dont  le  remède  est  en- 
core h  trouver.  J'ignore  si  l'on  y  a  fait  attention  avant  moi , 
et  si  je  mérite  l'honneur  d'avoir  signalé  et  classé  le  pre- 
mier une  infirmité  contagieuse.  Cet  honneur,  j'y  tiendrais 
fort  peu ,  mais  je  tiendrais  beaucoup  à  être  délivré  de  la  soi- 


disant  musique  que  nous  font  l'orgue  de  Barbarie  el  le  vau- 
deville ,  et  de  l'influence  délétère  qu'ils  exercent  sur  l'art 
musical. 

S'il  est  une  vérité  physique  et  morale  bien  prouvée ,  c'est 
que  les  choses  retiennent  toujours  quelques  unes  des  qualités 
bonnes  et  surtout  mauvaises  du  milieu  dans  lequel  elles  sont 
plongées,  et  que  les  individus  tendent  trop  souvent  à  s'assi- 
miler les  défauts  de  ceux  avec  lesquels  ils  vivent ,  quand  ces 
défauts  ont  un  côté  qui  flatte  leurs  sympathies.  C'est  ce  qui 
donne  naissance  aux  écoles  dans  les  arts  et  les  lettres,  et  l'es- 
prit d'école  n'est  autre  que  l'esprit  d'imitation.  On  u'a  pas 
besoin  de  parti  pris  pour  suivre  cette  pente  imitatrice.  Le 
plus  souvent ,  la  tendance  de  l'époque  vous  y  pousse.  Sou- 
vent encore ,  c'est  l'influence  de  l'esprit  de  coterie  ;  mais  ceci 
n'est  qu'une  exception  dans  la  grande  niasse.  Le  mobile  le 
plus  puissant  et  le  moins  aperçu,  c'est  la  fréquence  des  im- 
pressions produites  sur  les  jeunes  artistes  par  les  productions 
qu'ils  voient  ou  entendent.  C'est  donc  souvent  une  question 
de  persistance  insensible  et  de  sensation  ressentie  involontai- 
rement, au  milieu  des  distractions  qui  sembleraient  devoir 
être  les  plus  fortes.  En  un  mot,  c'est  l'éducation  qui  résulte 
des  habitudes  et  non  d'une  étude  spéciale.  Et  ce  ne  sont  pas 
seulement  les  écoles  artistiques  qui  se  forment  ainsi,  car  ces 
écoles  ne  sont  que  des  coteries  relativement  h  la  masse  des 
artistes,  ou,  si  l'on  veut  parler  plus  poétiquement,  que  les 
branches  d'un  même  arbre.  Ce  sont  les  arts  nationaux  qui 
résultent  surtout  du  caractère  et  des  habitudes  des  nations 
qu'ils  représentent. 

J'aime  h  croire  que  le  vaudeville  et  son  enfant  mal  élevé, 
l'orgue  de  Barbarie ,  représentent  fort  peu  l'école  musicale  de 
la  France.  Mais  je  répète ,  parce  que  j'en  suis  convaincu  , 
qu'ils  exercent  une  influence  déplorable  sur  la  production  de 
cette  école,  c'est-à-dire  sur  le  caractère  général  de  l'art,  sauf 
de  rares  exceptions  en  faveur  du  génie. 

Tour  voir  de  quelle  nature  peut  être  cette  influence,  il  est 


BUHEAUX  D'ABONNEMENT,   KUE  BICHEMEP,   97. 


276 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


nécessaire  de  savoir  quels  sont  ces  agents  si  puissants  et  si 
hostiles  à  la  bonne  musique. 
Boileau  a  dit  : 

Le  Français  né  malin  créa  le  vaudeville. 

Et  ce  vers  a  servi  longtemps  de  charte ,  de  parchemin ,  de 
lettre- patente  au'seul  théâtre  qui  exploitât  le  genre  de  spec- 
tacle où  s'intercalait  le  chant  des  vaudevilles.  Je  ne  dis  pas 
que  Boileau  ait  tort,  et  je  suis  loin  de  nier  le  mérite  litté- 
raire de  la  chanson  appelée  vaudeville.  Ces  malices  rimées  : 
conviennent  à  tout  le  monde  en  certaines  circonstances  don-  } 
nées,  et  constituent  on  délassement  dont  prennent  leur  part  j 
les  gens  même  qui  dcdaignoraienl  de  faire  des  vaudevilles.  Ce 
plaisir  facile  est  même  si  attrayant,  que  les  gens  superficiels 
et  vulgaires ,  c'est-à-dire  la  très  grande  majorité ,  en  viennent 
à  le  préférer  à  tout  autre  amusement  intellectuel.  Et  cela  se 
conçoit  parfaitement.  La  malice  n'est  trop  souvent  que  la 
vengeance  exercée  à  l'égard  des  supériorités ,  quelles  qu'elles 
soient.  Elle  constitue  alors  les  représailles  et  la  fête  de  la  mé- 
diocrité. Les  chansons  par  lesquelles  les  goujats  de  l'armée 
romaine  insultaient  au  triomphateur  dont  le  génie  leur  avait 
donné  la  gloire,  n'étaient  que  des  vaudevilles.  C'est  par  ce 
caractère  médisant  et  envieux  que  le  vaudeville  s'est  nationa- 
lisé en  France,  quand  notre  pays  était  la  célèbre  monarchie 
tempérée  par  des  chansons.  Le  vaudeville  se  prenait  alors, 
souvent  avec  raison  ,  aux  puissants  et  aux  heureux  du  siècle. 
C'était  le  retour  offensif  du  faible  contre  le  fort,  du  pauvre 
diable  contre  le  favori  du  destin.  Riais  aussi  cette  vengeance 
n'était  pas  toujours  généreuse  ni  juste,  parce  que,  malgré 
toute  sa  grâce,  son  esprit  et  son  apparente  bonne  humeur, 
elle  prenait  sa  source  dans  les  deux  plus  méprisables  passions 
de  l'humanité ,  l'envie  et  la  haine.  Combien  de  fois  le  vaude- 
ville s'est-il  attaqué  h  l'intégrité  disgraciée,  aux  infortunes 
irréparables ,  aux  tentatives  nobles  et  généreuses  !  On  sait 
que  l'enthousiasme  n'a  pas  d'ennemi  plus  redoutable  que  ce 
ricanement  positif  et  prosaïque.  C'est  pourquoi  Benjamin 
Constant  a  dit,  dans  sa  notice  sur  Aristophane,  que  le  rire 
était  mauvais.  L'arrêt  était  bien  absolu;  mais  le  rire,  consi- 
déré de  ce  point  de  vue,  devait  exciter  l'indignation  d'un  es- 
prit aussi  élevé. 

Malheureusement  les  esprits  élevés  sont  l'exception  dans 
l'humanilé,  et  il  est  certain  que  le  vaudeville,  avec  ses  allures 
bourgeoises,  ses  méchancetés  de  commère,  ses  perfides  insi- 
nuations dignes  d'un  portier  nar(|uois,  réunit  toutes  les  con- 
ditions voulues  pour  plaire  à  l'immense  majorité.  Il  compte- 
rait encore  bien  plus  de  partisans,  s'il  n'avait  choisi  pour 
auxiliaire  obligé  une  musique  comprise  ou  exécutée  de  ma- 
nière à  lui  donner  pour  ennemis  tous  les  vrais  amis  de  l'art 
musical,  assez  nombreux  de  nos  jours. 

On  sait  quelle  musique  crée  le  vaudeville  et  ce  qu'il  fait 
de  la  musique  qu'il  emprunte.  Il  lui  faut,  pour  répondre  à 
sa  vocation  populaire ,  le  rhythme  trivial  el  facile ,  le  tour 
commun  et  vulgaire,  et  la  bonne  grâce  d'une  femme  de 
chambre  qui  contrefait  sa  maîtresse.  Il  n'est  jamais  plus  dé- 
testable que  lorsqu'il  veut  farder  ses  banalités  mélodiques  à 
l'aide  du  style  de  l'école  ou  quand  il  vise  à  l'original  et  h 
l'étrange.  Par  exepjple,  l'inspiration  du  musicien  de  génie  ou 
de  talent  brise  le  rhythme  pour  lui  donner  plus  de  saillie,  de 
piquant  ou  d'éclat ,  pour  le  tailler  â  facettes;  la  trivialité  du 
vaudeville  le  tord  pour  l'aplatir  et  l'annuler,  pour  n'avoir  pas 
la  peine  d'eu  suivre  les  contours.  Le  peuple  en  France  n'ayant 
pas  besoin  de  chanter ,  comme  les  oiseaux  mélodieux  des 
cKmals  méridionaux  ,  et  n'étant  pas  encore  façonné  musica- 
lement comme  la  rêveuse  Allemagne,  aime  à  chanter  avec  le 


moins  de  frais  possible.  Il  veut  bien  ne  pas  épargner  ses  pou- 
mons ,  mais  il  lui  en  coûte  de  dépenser  en  recherches  déli- 
cates et  en  innovations  qui  réclament  quelques  soins.  Don- 
nez-lui à  répéter  une  mélodie  d'une  grande  finesse ,  et  vous 
verrez  comme  il  l'allongera  d'une  part  et  la  rognera  de  l'autre 
pour  la  ramener  à  quelque  type  habituel ,  et  toujours  plus  ou 
moins  trivial.  Demandez-lui  de  chanter  dans  le  style  de  la 
contredanse,  il  vous  comprendra  dès  la  première  mesure. 
Le  vaudeville,  essentiellement  marchand,  sert  ses  pratiques 
suivant  leur  gotlt ,  et  va  même  au-devant  de  leurs  désirs. 
Comme  on  se  flatte  dans  ce  monde-là  de  suivre  exactement 
la  mode  musicale,  on  y  débite  la  desserte  des  théâtres  lyriques 
plus  ou  moins  réchauffée,  mais  à  coup  sûr  frelatée  et  sophisti- 
quée au  dernier  degré.  Ces  ramassis  de  niusique  ne  peuvent 
se  comparer  qu'à  Y  arlequin  des  Mystères  de  Paris.  Dans 
quel  théâtre  de  vaudeville  n'entend-on  pas  encore  chaque  soir 
la  valse  du  Freyschiitz  formant  piteusement  l'accompagne- 
ment d'un  chœur  buslesque  trop  connu  ?  el  cette  profanation 
se  fait  pour  la  plus  grande  gloire  de  pensées  aussi  ingénieuses 
que  celles-  ci  : 

Allons  goùlcr  ce  plaisir  délectable 
Que  le  bon  vin  réserve  aux  vrais  amis. 
Près  d'un  bon  feu,  le  verre  en  main  ,  à  table, 
Qu'ils  sont  heureux  de  se  voir  réunis  ! 

Sans  doute  on  ne  saurait  faire  trop  de  sacrifices  à  une  pa- 
reille hauteur  d'esprit  et  de  poésie.  Aussi  leur  sacrifie-t-on 
Meyerbeer ,  Rossini ,  Auber  ,  Halévy  et  tous  les  musiciens 
qui  obtiennent  un  renom  quelconque.  On  écourte  ,  on  mu- 
tile ,  on  dénature  sans  pitié.  Le  .public  et  les  chanteurs  le 
veulent.  Les  chanteurs  de  vaudeville  sont  encore  une  curieuse 
espèce  d'instruments  vocaux  ;  nous  ne  dirons  pas  de  tubes 
sonores  ,  car  la  sonorité  est  ce  qu'on  trouve  le  moins  chez 
eux.  Ils  méritent  une  bonne  part  del'anathème  que  Ks  amis 
de  la  musique  doivent  lancer  sur  le  vaudeville.  De  leur  sys- 
tème de  chant  que  chacun  connaît ,  nous  ne  signalerons  cjue 
le  principe  du  chant  parlé  ,  précieuse  découverte  tant  pri- 
sée par  les  auteurs,  et  qui  consiste  h  lancer,  au  moyen  d'une 
sorte  d'aboiement  cadencé ,  les  soi-disant  traits  d'esprifqu'on 
veut  faire  remarquer  au  public.  Sous  prétexte  d'esprit  et  de 
finesse ,  chacun  parle  selon  son  caprice.  Enfin,  ce  simple 
contre-sens:  chant  parlé,  en  dit  plus  que  tous  les  commen- 
taires du  monde. 

A.  Specht. 
{La  suite  au  prochain  numéro.) 


THEATRE  KOYAL  OE  L'OPKU.'i-COMIQUE. 

'  Reprise  é 

n  se  préoccu])e  fort ,  on  parle  beaucoup  de  res- 
tauration :  ce  mot  est  h  la  mode  dans'  un  certain 
monde.  La  restauration  des  vieux  tableaux  rap- 
porte assez  d'argent  à  ceux  qui  s'en  occupent,  et 
celle  des  anciens  opéras  est  assez  productive  aussi. 
La  partition  du  GuHstan  de  d'Aleyrac  vient  donc  d''être  restau- 
rée comme  celles  de  Grétry  et  de  Monsigny,  ainsi  que  le  seront 
bientôt  celles  de  Méhul,deBertonetdeBoieldieusansdoute,et 
peut-être  celles  de  Rossini  et  de  Weber  qui,  du  reste,  l'ont 
été  déjà.  Le  premier  des  restaurateurs  de  ce  genre  a  fait  sa 
fortune  dans  ce  métier;  ses  continuateurs  y  glanent  encore 
assez  agréablement  après  la  moisson  du  grand  arrangeur.  Le 
compositeur  qui  se  livre  à  ce  travail  touche  trois  pour  cent  sur 
la  recette  à  l'Opéra-Comique.  En  supposant  que  l'ouvrage  ne 


DE  PARIS. 


277 


soit  joiiéqu'uiie  fois  par  seaiaiiic,  les  dimanches,  par  exemple ,  -. 
c'est  lui  donner  cinquante  représentations  par  an,  dont  la  , 
moyenne  peut  être  évaluée  à  trois  mille  francs.  C'est  donc,  au  j 
moins ,  une  somme  de  ZioOO  francs  que  touchera  l'arrangeur  j 
au  bout  de  l'année  ,  pour  avoir  passé  deux  ou  trois  matinées 
à  cuivrer  l'orchestre  de  ce  pauvre  d'AIeyrac,  qui  n'usa  que 
fort  médiocrement  des  instruments  dans  la  confection  de  ses 
partitions,  lui  qui  recherchait  surtout  et  rencontra  souvent 
dans  tous  ses  ouvrages  la  simplicité  mélodique  et  harmoni- 
que. Supposons  maintenant  que  la  pièce  obtienne ,  comme 
Richard  Cœur-de-Lion,   un  succès  de   rcslauralion ,  ce 
mot  pris  dans  un  autre  sens  que  celui  d'un  arrangement  ou 
dérangement  musical,  les  droits  d'auteur  vont  à  près  de 
20,000  fr.  pour  les  deux  cents  représentations  au  moins  qu'a 
obtenues  le  chef-d'œuvre  de  Grétry.  Beaucoup  de  gens  com- 
prennent alors  qu'un  compositeur  se  fasse  arrangeur  dans 
l'intérêt  bien    entendu   de  l'instrumentation    moderne^  et 
peut-être  un  peu  en  vue  aussi  de  cette  misérable  somme  de 
20,000  francs. 

Après  avoir  envisagé  la  question  dans  sa  partie  linancière , 
qui,  dans  le  temps  où  nous  sommes  ,  prime  toutes  les  affaires 
de  la  vie  ,  même  les  questions  artistiques  ,  ce  qui  fait  que 
l'art  est  devenu  matérialiste  ,  prosaïque ,  marchand  ,  il  faut 
reconnaître  que  M.  Adam  a  fait  sa  spéculation  avec  adresse, 
avec  une  sorte  de  respect  du  texte  ,  avec  une  retenue  classi- 
que que  lui  a  sans  doute  imposée  son  nouveau  titre  de  membre 
de  l'académie  des  beaux-arts. 

D'AIeyrac  a  ia  mélodie  aimable,  douce,  facile  et  vraie  ,  la 
modulation  claire  et  peu  ambitieuse  :  son  instrumentation  a 
de  l'éclat  sans  recherche  inutile  de  difficultés  ;  il  est  toujours 
scénique.  La  tranquille  satisfaction  qu'on  éprouve  à  l'audition 
de  ses  ouvrages  ressemble  au  plaisir  que  vous  donne  le  style 
coulant  de  Lesage  dans  son  délicieux  roman  de  Gilblas. 
M.  Adam  n'a  pas  trop  entravé  tout  cela  ;  il  a  même  emprunté 
à  d'autres  ouvrages  du  même  auteur  deux  morceaux  qu'il  a 
placés  dans  le  rôle  de  Madame  Casimir,  entre  autres  la  douce 
mélodie  :  Rien,  tendre  amour ,  de  l'opéra  intitulé  :  Gulnare 
ou  l'Esclave  jJersane;  puis,  pour  la  même,  un  grand  air  dit  de 
bravoure  ,  dans  le  genre  de  ceux  de  VAma^ït  statue,  de 
Y  Amant  jaloux,  de  la  Fausse  magie,  de  la  Relie  Arsène,  etc. , 
espèce  de  casse-cou  vocal,  sorte  de  tribut  qu'il  fallait  que  tout 
compositeur  payât  à  la  prima  donna  du  temps,  et  que  Grétry 
avait  déjà  eu  le  bon  goiit  d'improuver  dans  son  livre  intitulé  : 
Essai  sur  la  musique.  La  romance  :  Ecoutez  la  ■prière  du 
pauvre  voyageur,  et  celle  :  le  Point  du  jour  à  nos  bosquets, 
sont  devenues  des  proverbes  mélodiques  qui  rappellent  de 
■vieux  et  charmants  souvenirs,  et  qui  paraissent  encore  pleins 
de  fraîcheur  à  la  génération  présente.  Le  chœur  du  premier 
acte  :  Que  fais-tu  là?  sors,  misérable!  est  plein  d'effets 
contrastés  de  forte  et  depiano  que  lès  choristes  de  l'Opéra- 
Comique  devraient  bien  faire  un  peu  mieux  sentir,  et  mimer 
avec  plus  de  vérité.  Le  finale  du  premier  et  du  second  acte 
sont  des  morceaux  de  scène  on  ne  peut  mieux  conçus,  et  le 
duo  mystérieux  d'amour  du  troisième  acte ,  dit  par  Gulistan 
et  Dilara,  est  ravissant  d'expression  scénique  et  de  mouvement 
passionné  dans  l'orchestre. 

Le  libretto  de  LachabeaussièreetdeM.  Etienne,  et  auquel, 
a-t-on  dit  dans  le  temps,  le  duc  de  Bassano avait  mis  la  main, 
est  aussi  gai  qu'amusant ,  à  cela  près  de  quelques  traits  d'un 
comique  un  peu  vieilli  ;  il  a  fait  généralement  plaisir.  On  ne 
peut  donc  que  féliciter  le  théâtre  Favart  de  la  reprise  de  Gu- 
listan, ouvrage  bien  digne  de  figurer  dans  l'intéressante  revue 
rétrospective  que  la  Revue  musicale  a  toujours  conseillée  à 
l'administration  de  l'Opéra-Comique,  à  commencer  par  celle 


Ac  Richard  Cœur-de-Lion,  dont  elle  avait  repris  ella-même 
plusieurs  morceaux  dans  ses  concerts  annuels. 

La  pièce  est  montée  en  costumes  etendécorsavecun  véri- 
table luxe  asiatique  :  c'est  comme  une  féerie  orientale.  Mad. 
Casimir  attaque  la  partie  vocale  comme  à  son  ordinaire,  d'une 
façon  hardie  et  brillante  dans  le  rôle  de  Dilara.  W.  Adam,  qui 
s'est  fait  poète  pour  elle  dans  le  grand  air  à  roulade  qu'elle 
chante  si  bien,  aurait  dû  changer  un  vers  dans  le  duo  du  se- 
cond acte  lorsque  Gulistan  dit  qu'il  entrevoit  dans  l'obscurité 
une  raille  élégante,  ce  qui  a  provoqué  quelques  rires  d'incré- 
dulité d'un  public  peu  galant,  mais  concevables  en  voyant  la 
bonne  santé  de  M'""=  Dilara.  Moreau-Sainti  dit  fort  bien  le 
rôle  du  sultan  inconnu  :  nous  l'engageons ,  si  elle  n'est  pas 
involontaire ,  à  ne  pas  abuser  d'une  sorte  de  vibration  qui 
revient  un  peu  trop  souvent  dans  son  chant,  comme  nous  con- 
seillons aussi  à  Grard  de  veiller  et  de  faire  la  guerre  à  sa  triple 
vigueur  de  diction  ,  de  voix  et  de  démarche  dans  le  person- 
nage du  vieux  Taher ,  dont  il  est  chargé.  Masset  joue  très 
convenablement  le  rôle  principal  de  Gulistan  ,  et  en  dit  la 
partie  lyrique  en  excellent  musicien  qui  devient  non  moins 
excellent  chanteur  de  jour  en  jour.  Pour  être  homme  complet 
en  ce  genre,  il  ne  lui  manque  plus  que  d'avoir  pleine  confiance 
en  son  savoir  ,  ce  qui  donne  à  l'artiste  l'inspiration  ou  du 
moins  l'apparence  de  l'inspiration  qui  vaut  mieux  que  la  réelle. 
Qu'iUiseàce  sujet  le  paradoxe  du  cojnedu'n  par  Diderot;  il  y 
trouvera  le  moyen  de  dominer  son  émotion  en  faisant  naître 
celle  de  l'auditeur  ,  et  de  faire  jouer  tous  les  ressorts  de  la 
physiologie  avec  autant  de  sûreté  que  d'art.  Gulistan  sera 
alors  uu  des  bons  rôles  de  Masset,  qu'on  désirerait  voir  plus 
souvent  dans  des  ouvrages  nouveaux  ou  même  anciens. 
Henri  Blanchard. 


C©ar§E<:îSVAT®MBlBS  S9E  BISÎJXIEM-ES. 

es  concours  du  Conservatoire  de  Bruxelles  ont 
été  plus  brillants  cette  année  que  dans  les  pré- 
cédentes. Dans  toutes  les  branches  de  l'ensei- 
gnement, le  public  cl  les  connaisseurs  ont  con- 
staté de  nouveaux  progrès  obtenus  par  cette 
école  devenue  célèbre. 

Pour  commencer  par  ce  qu'il  y  a  de  plus  élémentaire,  nous 
dirons  que  le  concours  du  solfège  a  offert  ce  fait  singulier , 
qu'une  leçon  composée  expressémentpour  être  lueàpremière 
vue,  et  remplie  de  difficultés  de  tout  genre  et  de  changements 
de  clefs  fréquents,  a  été  exécutée  sans  une  seule  faute,  sans 
un  moment  d'hésitation,  par  sept  élèves  à  qui  il  a  fallu  parta- 
ger le  premier  prix.  Ceux  qui  n'ont  obtenu  que  des  seconds 
prix ,  des  accessits  même ,  sont  aussi  de  grands  lecteurs , 
quoique  la  plupart  soient  des  enfants  de  1 .  à  1 3  ans. 

Parmi  les  instruments  à  vent ,  deux  premiers  prix  de  cla- 
rinette ont  été  décernés  à  MM.  Saeghers ,  de  Ruremonde  ,  et 
Goll,  de  Bruges,  tous  deux  élèves deM.  Blaes.  Deux  premiers 
prix  de  flûte  ont  été  aussi  obtenus  par  MM.  llotiier  et  Depon- 
tières ,  tous  deux  élèves  de  M.  Demeur,  jeune  professeur  de 
beaucoup  de  mérite.  Dans  le  concours  de  basson,  deux  enfants, 
trop  pauvres  pour  se  procurer  de  bons  instruments,  ont  joué 
sur  de  misérables  morceaux  de  bois  mal  façonnés  avec  un 
beau  son,  une  justesse,  une  netteté  d'articulation  ,  qu'on  au- 
rait pu  croire  impossible,  si  leur  professeur  n'était  M.  Wil- 
lent.  Lin  de  ces  élèves,  le  jeune  Nuemans ,  sera  certainement 
un  artiste  très  distingué. 

Le  cor  ,  longtemps  dans  une  situation  peu  florissante  au 
Conservatoire  de  Bruxelles,  s'est  élevé  à  la  hauteur  des  autres 


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REVtJE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


instrumentsdepuisqueM.  Artôt  enaéténommé  le  professeur. 
Quoiqu'il  n'ait  point  été  décerné  de  premier  prix  à  ses  élèves, 
on  a  remarqué  le  beau  son,  la  sûreté  d'attaque  et  la  belle  ma- 
nière de  chanter  de  la  plupart  d'entre  eux.  M.  Artôt  mérite 
aussi  des  éloges  pour  avoir  fait  abandonner  dans  sa  classe  le 
faux  système  du  cor  mixte,  pour  adopter  franchement  la  divi- 
sion naturelle  du  cor-alto  et  du  cor-basse. 

La  trompette  ,  dont  l'enseignement  est  confié  depuis  dix- 
huit  mois  seulement  à  M.  Zeiss  ,  l'un  des  premiers  artistes 
de  l'Europe ,  en  son  genre ,  a  présenté  aussi  de  belles  espé- 
rances pour  l'année  prochaine.  Le  jeune  Van  Ackère ,  qui  a 
obtenu  le  second  prix  ,  tire  de  l'instrument  un  son  pur  ,  et  a 
beaucoup  de  netteté  dans  l'articulation  des  traits. 

L'état  prospère  et  progressif  des  classes  de  violoncelle  et 
do  violon  se  soutient  toujours  au  conservatoire  de  Bruxelles. 
Le  professeur  du  premier  de  ces  instruments  ,  M.  Dé- 
munie, qui  se  place  avec  Servais  au  premier  rang  des  violon- 
cellistes, a  présenté  cette  année  de  beaux  résultats  de  son  en- 
seignement. Le  jeune  Possoz,  qui  a  obtenu  le  premier  prix  , 
-est  un  peu  froid  dans  son  style  ;  mais  il  a  un  beau  son ,  une 
justesse  irréprochable,  l'archet  parfaitement  bien  placé  à  la 
corde  ,  et  a  une  sûreté  remarquable  dans  les  traits  les  plus 
difficiles.  M.  Dubois,  fort  jeune  aussi,  et  frère  du  violoniste 
de  ce  nom,  a  obtenu  le  second  prix.  Bien  que  son  mécanisme 
soit  moins  fini  que  celui  de  M.  Possoz,  il  y  a  en  lui  un  senti- 
ment d'expression,  une  chaleureuse  exécution,  qui  décèlent 
pour  l'avenir  un  de  ces  artistes  d'élite  dont  la  Belgique  a  été 
prodigue  depuis  un  certain  nombre  d'années.  On  a  entendu 
avec  intérêt  le  jeune  Deswert,  âgé  de  14  ans ,  exécuter  avec 
une  remarquable  habileté  pour  son  âge ,  le  concerto  très  dif- 
ficile de  Stiasny  qui  avait  été  choisi  pour  le  concours. 

Les  élèves  de  M.  Murts  pour  le  violon  se  sont  fait  remar- 
quer par  un  beau  mécanisme  et  par  la  largeur  du  style,  dans 
le  premier  concerto  de  Rode  (  en  ré  mineur  ).  Beau  son  , 
justesse  et  sûreté ,  archet  souple  et  varié  ,  telles  sont  les  qua- 
lités par  lesquelles  s'est  distingué  M.  Lehrmann,  à  qui  le  pre- 
mier prix  a  été  décerné.  MM.  Schreurs,  Thevis,  Vogels  et 
Aerts  ont  aussi  donné  par  leur  exécution  de  belles  espérances 
pour  l'avenir. 

M.  de  Bériot,  à  qui,  malgré  l'avis  de  M.  Fétis,  des  amis 
imprudents  ont  fait  faire  par  le  gouvernement  une  position 
exceptionnelle  et  fausse,  en  le  faisant  nommer  professeur  de 
perfectionncwent,  en  a  éprouvé  les  inconvénients  h  ce  pre- 
mier concours  où  se  sont  présentés  ses  élèves.  Il  ne  pouvait 
être  décerné  dans  ces  concours  qu'un  prix  d'honneur,  et  par 
cela  mênie,  le  jury  avait  compris  que  ce  n'était  pas  seulement 
un  élève  distingue ,  mais  un  maître  à  qui  ce  prix  pouvait 
être  accordé.  Or,  bien  qu'on  ail  rendu  justice  aux  qualités 
des  concurrents ,  le  jury  n'a  pas  cru  qu"il  y  eût  lieu  de  décer- 
ner de  prix. 

Depuis  trois  ou  quatre  ans  ,  le  piano,  longtemps  stalion- 
naire  au  conservatoire  de  Bruxelles ,  a  pris  un  élan  remar- 
quable ;  il  est  permis  de  croire  qu'on  citera  quelque  jour 
l'école  des  pianistes  belges  comme  on  cite  celle  des  violonistes 
et  des  violoncellistes.  M"'=  Failly ,  élève  de  M""^  Lambert,  est 
douée  de  la  plus  heureuse  organisation  ;  son  jeu  est  à  la  fois 
brillant,  ferme,  expressif  Le  premier  prix  lui  a  été  décerné. 
M"'  Derathy,  qui  a  obtenu  le  second  prix  ,  a  montré  dans 
son  exécution  de  l'élégance  et  de  la  correction.  Le  jeune 
Lassen  ,  âgé  seulement  de  13  ans,  a  obtenu  le  premier  prix, 
et  le  second  a  été  partagé  entre  MM.  Vauden  Heuvel  et  Wesen. 
Tous  sont  élèves  de  M.  iMiclielot ,  et  font  honneur  à  ce  pro- 
fesseur par  leur  exécution  à  la  fois  correcte ,  brillante  et 
chaleureuse.  Le  public  et  le  jury  ont  aussi  remarqué  leur 


linbileté  comme  lecteurs ,  par  la  manière  dont  ils  ont  joué  à 
première  vue  le  morceau  écrit  pour  le  concours. 

Les  résultats  progressifs  de  l'excellente  école  de  chant 
fondée  au  conservatoire  de  Bruxelles  par  M.  Géraldy  se  sont 
fait  encore  remarquer  cette  année.  Les  premiers  succès  de 
ce  grand  professeur  commencèrent  il  y  a  trois  ans  par  M  Cor- 
nelis,  aujourd'hui  professeur  de  vocalisation  au  conservatoire, 
qui  conlinue  dans  cette  école  les  traditions  de  son  maître  ,  et 
par  M"'"  Van  Praeg  Hillen  ,  qui  brille  depuis  deux  ans  au 
théâtre  de  Gand  comme  première  chanteuse,  et  qui  est  des- 
tinée il  se  faire  applaudir  partout.  L'année  dernière,  M.  Gé- 
raldy a  présenté  un  produit  non  moins  remarquable  de  son 
enseignement  dans  le  talent  de  M""  Bonduel,  dont  la  vocali- 
sation approche  de  la  perfection  de  M""  Damoreau.  Deux 
autres  de  ses  élèves,  MM.  Mathieu  et  d'Hooghe,  occupent 
avec  succès  l'emploi  de  première  basse  aux  théâtres  de  Lille 
et  de  Strasbourg.  Cette  année,  M.  Géraldy,  secondé  par 
M.  Cornelis,  a  présenté  au  concours  dix  élèves,  savoir,  quatre 
hommes  et  six  femmes.  Il  n'a  point  été  décerné  de  premier 
prix  aux  hommes,  mais  deux  seconds  prix  ont  été  accordés  à 
MM.  Goosens  et  Ornelli.  Le  concours  des  femmesa  été  beau- 
coup plus  brillant,  car  un  premier  prix  a  été  décerné  à 
M""  Delteure,  qui  possède  une  belle  voix  et  un  beau  sentiment 
dramatique,  et  M""  Kevers,  jeune  et  jolie  personne,  qui  a 
de  l'intelligence  et  un  sentiment  fin  et  délicat ,  a  obtenu  le 
second  prix.  On  a  remarqué  aussi  M"°  Verweine ,  dont  la 
voix  étendue,  pleine,  sonore,  et  l'accent  expressif ,  promet- 
tent une  cantatrice  distinguée. 

Un  premier  prix  et  deux  seconds  prix  d'harmonie,  enfin  un 
second  prix  de  composition  ,  complètent  la  série  des  distinc- 
tions décernées  dans  ces  brillants  concours. 


LeKre  à  M.  le  Directeur  de  la  Gazette  musicale. 

I.A  MUSIQUE  REIiIGIEUSi:  Elff  BEI.GIQUE. 

Mon  cher  monsieub  , 

Je  suis  depuis  quelques  jours  dans  la  patrie  de  Roland  de 
Lassus ,  d'Ockegem ,  d'Arcadelt,  de  Goudimel ,  d'Hobrecht , 
et  de  tant  de  maîtres  qui ,  à  la  fin  du  xv  siècle  et  au  com- 
mencement du  xvi" ,  régnaient  sans  rivaux  dans  l'empire 
musical  Ces  artistes,  dont  le  vulgaire  ne  connaît  plus  les 
noms,  ont  joui  de  leur  vivant  d'une  immense  célébrité;  leurs 
ouvrages  sont  le  point  de  départ  de  la  musique  moderne  ; 
c'est  à  leur  école  que  se  sont  formés  les  grands  compositeurs 
de  l'école  italienne,  en  un  mot,  ils  ont  été  les  précurseurs  de 
la  révolution  accomplie  dans  l'art  musical,  révolution  qui 
commence  à  Monteverde  et  s'arrête  à  Berlioz. 

Ainsi,  le  génie  de  la  musique  moderne  est  né  dans  le  Nord, 
tandis  que  le  génie  de  l'éloquence,  de  la  poésie,  de  la  sculpture 
moderne  nous  est  venue  de  l'Orient;  l'un  a  vu  le  jour  dans 
les  cathédrales  gothiques  ;  l'autre  a  été  sauvé  du  pillage  de 
Constanlinople,  et  apporté  en  Italie  par  quelques  Grecs  fugi- 
tifs. —  La  musique  s'inspira  alors  du  catholicisme;  les  autres 
arts  prirent  pour  règles  l'étude  et  l'imitation  des  œuvres  du 
paganisme. 

Enfin,  il  semble  que  les  arts,  au  commencement  du 
xvr  siècle,  soient  sortis  de  deux  sources  différentes,  et  aient 
formé  comme  deux  grands  fleuves;  l'un  descendant  du  Nord 
au  Midi,  l'autre  de  l'Orient  à  l'Occident,  pour  venir  aboutir 
à  la  ville  éternelle,  à  la  ville  de  Michel -Ange  et  de  Pales- 
trina. 

Mais  ces  sources  ont  bien  vite  tari  dans  les  contrées  qu'elles 


DE  PARIS. 


279 


fécondaient.  La  Grèce  est  devenue  la  proie  des  Barbares;  et 
les  révolutions,  les  guerres  civiles,  ont  éteint  en  France  et 
en  Belgique  l'enthousiasme  qui  y  brillait.  Il  n'est  rien  resté 
de  celte  antique  gloire  musicale  de  la  Belgique ,  et  aujour- 
d'hui c'est  le  dernier  pays  du  monde  sous  le  rapport  du  chant 
religieux.  Je  vais  essayer  de  tracer  le  tableau  exact  de  l'état 
de  la  musique  sacrée  dans  ce  pays.  D'abord ,  bien  que  le 
plain-chant  romain  ait  été  conservé ,  il  n'est  pour  ainsi  dire 
d'aucun  usage.  La  musique  a  tout  envahi  ;  on  chante  en  mu- 
sique toutes  les  parties  de  la  messe,  et  voici  comment  cela  a 
lieu.  Vous  voyez  arriver  dans  la  tribune  où  est  placé  l'orgue 
une  demi-douzaine  d'enfants ,  quelques  chanteurs,  un  ophi- 
cléide,  deux  violons,  deux  violoncelles,  une  contrebasse, 
quelques  instruments  à  vent.  L'office  commence  par  un  pré- 
lude de  l'organiste,  prélude  fait  sans  attention  ,  sans  mélodie, 
sans  plan;  c'est  une  suite  d'accords  sans  ordre  ,  sans  motif, 
sans  distinction  :  le  style  des  organistes  belges  ne  sort  pas  de 
ce  genre.  Une  idée  suivie,  un  morceau  développé,  ce  sont 
là  choses  complètement  inouïes  sur  l'orgue  en  Belgique. 
Après  le  prélude  de  l'organiste,  commence  le  Kyrie.  La 
musique  adoptée  est  généralement  empruntée  aux  auteurs 
allemands  du  siècle  dernier  et  à  ceux  qui  se  distinguent  par 
le  style  le  plus  rococo ,  le  goût  le  plus  détestable.  Bulher  , 
Dreyer,  Ohrevald,  Dédier,  Rousseau  et  autres  auteurs  de 
dernier  ordre  sont  les  seuls  dont  la  musique  sacrée  soit  con- 
nue en  Belgique.  Si,  par  hasard  à  quelques  occasions,  on  sort 
de  cette  routine  pour  aborder  quelques  compositions  des 
grands  maîtres ,  c'est  une  exception  trop  rare  pour  en  tenir 
compte. 

Cet  état  de  choses  dure  depuis  un  demi-siècle  au  moins , 
et  personne  ne  s'en  étonne  ou  ne  s'en  plaint.  Le  cardinal  ar- 
chevêque de  Malines  a,  il  est  vrai,  publié  un  mandement 
où  il  recommande  l'emploi  du  plain-chant,  et  trace  les  règles 
de  son  exécution;  mais  ce  mandement  n'est  mis  nulle  part 
en  pratique,  et  à  la  cathédrale  de  Malines  précisément,  j'ai 
entendu  l'abomination  de  la  désolation  en  fait  de  chant  et  de 
liturgie.  Il  y  a  surtout  un  usage  incroyable ,  et  qui  devrait 
rendre  impossible  l'assistance  aux  offices  pour  toute  personne 
douée  du  moindre  sentiment  musical.  Je  veux  parler  de  l'ac- 
compagnement du  plain-chant  par  l'orgue.  Quand  on  exécute 
quelques  pièces  du  chant  grégorien ,  l'organiste  en  prend 
occasion  pour  se  livrer  à  un  dévergondage  de  gammes  chro- 
matiques, de  traits  de  piano,  d'arpèges;  enfin  de  passages 
mélodiques  ou  harmoniques,  qui  n'ont  aucun  rapport  avec 
le  chant  qui  s'exécute.  Il  n'est  pas  jusqu'à  la  mélopée  grave 
et  sublime  de  la  préface  qui  ne  soit  ainsi  défigurée  par  l'ac- 
compagnement de  l'orgue. 

Qu'on  imagine  un  tableau  de  Rubens  et  de  Raphaël  sur 
lequel  celui  qui  serait  chargé  de  le  montrer  aux  curieux, 
s'appliquerait  chaque  jour  à  jeter  de  la  boue  ou  des  immon- 
dices ,  et  on  se  formera  une  idée  exacte  de  l'effet  que  produi- 
sent ces  belles  pièces  de  chant  déguisées,  coiffées,  masquées 
de  toutes  les  fantaisies  de  MM.  les  organistes  belges. 

Pour  être  juste ,  je  dois  dire  que  je  n'ai  pas  entendu  com- 
mettre ces  énorniités  par  M.  Ladous,  organiste  de  Sainle- 
Gudule,  ni  M.  Sirebelle,  organiste  de  Tournay. 

A  Sainte-Gudule,  à  Bruxelles,  il  y  a  un  maître  de  chapelle 
de  beaucoup  de  mérite,  M.  Snel ,  qui  gémit  amèrement  sur 
le  goût  dépravé  qui  règne  autour  de  lui ,  et  qui  s'efforce  de 
le  combattre.  Ainsi,  sous  son  habile  direction,  on  a  déjà  fait 
quelques  tentatives  heureuses  de  restauration  du  plain-chant; 
mais  aucune  mesure  décisive,  aucune  résolution  formelle, 
n'a  été  prise  pour  changer  le  système  détestable  qui  préside  à 
l'exécution  du  chant  religieux  dans  les  églises  belges. 


M.  Fétis  s'est  occupé  depuis  longtemps  de  préparer  une 
édition  correcte  del'antiphonaire  et  du  graduel  romain.  Un  tel 
travail,  entrepris  par  un  homme  d'un  goût  aussi  pur,  d'une 
érudition  aussi  vaste,  aurait  dû  exciter  l'attention  du  clergé 
belge.  Cependant,  je  crois  pouvoir  avancer  que  M.  Fétis  n'a 
reçu  à  cet  égard  aucun  encouragement.  En  revanche ,  j'ai  vu 
la  partition  d'un  Te  Deitmùe  M.  Jasparou  Gaspard  de  Liège. 
Cette  composition ,  qui  a  été  officiellement  recommandée  aux 
évoques  par  le  ministère  belge ,  est  l'œuvre  d'un  écolier , 
œuvre  mal  écrite  pour  les  voix,  et  d'ailleurs  dépourvue  d'idée 
et  de  talent.  Quand  un  gouvernement  entend  de  cette  façon  ' 
la  protection  qu'il  doit  aux  arts,  il  faut  s'attendre  à  la  déca- 
dence et  la  ruine  du  bon  goût. 

Je  ne  connais  dans  la  Belgique  que  l'abbé  Jenseus ,  à  Lou- 
vain,  MM.  Snel  et  Henry  à  Bruxelles,  l'abbé  Rénier  à  Tour- 
nay, qui  essaient  de  réorganiser  l'exécution  du  chant  reli- 
gieux sur  des  bases  meilleures.  J'espère  que  leurs  efforts 
seront  couronnés  de  succès,  et  qu'ils  arracheront  le  clergé 
belge  à  l'indifférence  dans  laquelle  il  est  plongé  sous  ce  rap- 
port. 

En  France ,  le  clergé  s'éveille  depuis  quelques  années ,  et 
bien  que  beaucoup  de  ses  membres  sommeillent  encore ,  ce- 
pendant il  y  a  des  améliorations  incontestables  apportées  dans 
l'exécution  du  plain-chant,  et  les  offices  de  Notre-Dame  de 
Paris,  de  Saint-Eustache ,  ou  de  la  métropole  de  Lyon,  tout 
imparfaits  qu'ils  sont,  attestent  cependant  un  progrès  réel. 
La  Belgique  n'a  pas  fait  un  pas  à  la  suite  de  la  France  dans 
cette  question  ;  elle  en  est  restée  au  charivari  que  je  viens 
d'entendre  et  que  je  n'ai  dépeint  que  très  incomplètement. 

Je  ne  puis  rien  vous  dire  de  la  musique  profane,  il  m'a 
paru  qu'elle  était  cultivée  avec  plus  de  succès,  et  que  l'étude 
des  instruments  à  vent  y  était  surtout  répandue  Les  sociétés 
d'harmonie  y  sont'  nombreuses,  et  leur  rivalité  entre  elles 
assure  le  progrès.  Qu'on  reporte  un  peu  de  ce  goût  pour 
la  musique  instrumentale  vers  le  chant  religieux ,  et  bientôt 
la  Belgique  aura  regagné  une  partie  de  son  ancienne  gloire, 
bientôt  on  n'apprendra  plus  avec  tant  de  surprise  qu'à  une 
époque  plus  reculée  la  Belgique  avait  tenu  le  sceptre  de  la 
musique  en  Europe. 
Agréez. 

F.  Danjou. 


Correspondance   itarticiiliève. 

Robert-le-Diable,  la  Tavorite ,  la  Juive  et  B.oger  à  Strasbourg. 

Bertjzaberii,  ce  3  aofil  1844. 
Mon  cher  Maurice  , 
Le  mois  dernier,  me  trouvant  à  Strasbourg,  j'eus  l'occasion  d'as- 
sister à  quelques  représentations  de  la  troupe  française ,  fort  habile- 
ment dirigée  par  M.  Mutée.  L'intérêt  qu'elles  me  parurent  offrir,  me 
fit  supposer  que  les  lecteurs  de  la  Gazette  musicale  seraient  bien  aises 
d'en  avoir  sous  les  yeux  le  compte-rendu.  Si  vous  partagez  cette  opi- 
nion, mon  clier  Maurice,  il  ne  tiendra  qu'à  vous  île  publier  mon  ar- 
ticle dans  l'un  des  plus  prochains  numéros  de  voire  journal.— C'est 
toujours  avec  un  sentiment  de  curiosité  mêlé  d'inquiétude  que  je 
vois  aborder  sur  une  scène  de  province  les  opéras  de  Meyerbeer  :  il 
faut  tant  de  qualités  réunies  pour  exécuter  convenablement  des 
œuvres  si  complètes,  que  de  pareilles  tcnlatives  seiublent  devoir 
être  rarement  heureuses.  Aussi  en  est-il  beaucoup  déjà  qui  ont 
échoué;  la  nullité  et  la  médiocrité  présomptueuses  nous  ména- 
geaient'en  ce  genre  bien  des  spectacles  grotesques,  bien  des  essais 
ridicules.  Mais  les  plus  belles  choses  ne  sauraient  être  à  l'abri  de  ces 
profanations;  ellesy  sont  même  plus  exposées  que  d'autres.  Il  ne 
peut  donc  y  avoir  aucun  déshonneur  pour  la  musique  du  grand 
maître  à  devenir  ainsi  la  proie  d'inlerprétes  inhabiles,  puisque  c'est 
encore  là  une  conséquence  naturelle  de  la  célébrité  dont  elle  jouit. 
Fort  heureusement,  nul  mécompte^de  celle  nature  ne  nous  attendait 


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{REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


au  théâtre  de  Strasbourg.  Il  est  vrai  que  Strasbourg  est  une  ville  de 
province  du  premier  ordre,  qui  aime  les  bonnes  productions  musi- 
cales, qui  juge  sainement  les  artistes  et  qui  ne  se  contenterait  pas 
de  peu.  M.  Mutée  savait  probablement  cela,  car  il  s'est  consciencieu- 
sement appliqué  à  réunir  les  éléments  d'une  bonne  troupe  lyrique. 
Touchés  de  ce  louable  zèle,  la  foule  des  dillellanti  lui  en  témoigne 
sa  gratilude  par  son  assiduité,  et  les  représentations  se  succèdent 
aussi  agréables  pour  le  public  que  lucratives  poifr  le  directeur.  — 
Celle  de  Roberl-le-Biabte,  à  laquelle  j'assistai,  avait  attiré  beaucoup 
de  monde.  M.  Giraud,  premier  ténor,  dans  le  rôle  de  Robert,  a  trouvé 
moyen  de  faire  apprécier  en  lui  des  qualilés  réelles,  bien  qu'il  eût 
un  peu  de  peine  à  se  tirer  jusqu'au  bout  avec  honneur  de  ce  rôle 
difficile,  que  les  chanteurs  les  plus  expérimentés  méditent  longue- 
ment et  n'abordent  pas  sans  crainte.  Jl.  Dowghe  a  bien  saisi  les 
principaux  traits  du  caractère  de  Bertram.  Cet  artiste  a  de  l'aplomb, 
une  voix  juste,  assez  flexible  même.  Pourquoi  ne  met-Il  pas  à  profit 
ce  dernier  avantage,  en  observant  avec  plus  de  soins  les  nuances, 
de  manière  à  éviter  ia  froideur  et  la  monotonie."  M"'  Begrez  (Alice) 
possède  un  soprano  remarquable  par  le  volume,  l'étendue,  la  fraî- 
cheur et  la  pureté.  Du  reste,  cette  jeune  personne  a  besoin  d'acqué- 
rir l'habitude,  de  former  son  goût,  et  d'étudier  ses  rôles ,  non  seule- 
ment sous  le  rapport  de  la  difficulté  vocale,  mais  aussi  sous  le  rapport 
des  exigences  scéniques.  Sa  panlomime  demande  à  c(re  réglée;  ses 
gestes  sont  peu  naturels  et  parfois  disgracieux;  enfin,  dans  son  jeu 
comme  dans  son  chant,  elle  croit  souvent  mettre  de  l'àme  quand  elle 
ne  met  que  de  l'exagération,  mais  ces  défauts  sont  faciles  à  corriger, 
surtout  quand  ou  a  du  zèle  et  de  la  persévérance.  Que  M"=  Begrez 
travaille  assidûment,  qu'elle  se  dirige  d'un  pas  courageux  vers  la 
bonne  voie,  qu'elle  prèle  une  oreille  attentive  à  la  critique  impar- 
tiale et  n'écoute  qu'avec  défiance  les  propos  de  la  flatterie,  et  elle 
parviendra,  sans  nul  doute,  au  rang  des  cantatrices  les  plus  distin- 
guées. Si  M"'  Begrez  est  encore  un  peu  novice,  M"'"  Saint-Ange  nous 
offre  le  type  de  l'actrice  faite,  habituée  à  se  présenter  au  public  avec 
une  assurance  digne,  et  une  grâce  décente.  Outre  que  M""  Saint- 
Ange  est  une  belle  personne,  son  excellente  tenue  et  ses  bonnes  ma- 
nières préviennent  tout  de  suite  en  sa  faveur;  elle  a  une  méthode 
élégante,  une  voix  double  et  flexible,  mais  serait-il  juste  d'ajouter 
qu'elle  ne  chante  jamais  faux?  —  Hélas  !  pour  être  véridique,  on  est 
contraint  d'ajouter  ce  fâcheux  correctif  aux  précédents  éloges,  et 
d'avouer  que  M""  Saint-Ange  a  laissé  surgir  dans  sa  brillante  voca- 
lisation quelques  notes  douteuses,  ce  qu'on  observai  lie  mieux  quand 
un  instrumenta  vent,  soit  une  flûte  ou  une  clarinette,  doublait  la 
partie  vocale  à  l'unisson  ou  à  l'octave.  A  part  celte  imperfection, 
M""'  Sainl-Ange  s'est  acquittée  du  rôle  d'Isabelle  en  artiste  de  ta- 
lent. Inutile,  je  pense,  de  liécrire  l'erfet  que  la  musique  de  Mcyer- 
beer  a  produit  sur  les  auditeurs.  Les  mots  admiration,  enthou- 
siasme, etc.,  reviendraient  maintes  fois  sous  ma  plume  qu'ils  n'ap- 
prendraient rien  qn'on  n'eût  déjà  prévu,  touchant  l'accueil  qui  est 
et  sera  de  tout  temps  réservé  à  cette  immortelle  conception  du  génie. 

Content  de  ma  soirée,  je  m'étais  promis  de  revenirau  théâtre  pour 
la  Favorite,  d'autant  plus  que  je  n'avais  pas  encore  entendu  deux 
artistes  dont  on  s'entretenait  beaucoup  dans  toute  la  ville  et  qui  de- 
vaient paraître  dans  cet  ouvrage.  Je  savais  que  l'un  d'eux  M.  Joan- 
nès  Portéhaut  avait  été  engagé  comme  baryton  dans  la  troupe  de 
M.  Mutée,  et  que  l'autre  n'était  rien  moins  que  Roger,  Roger  en 
personne,  notre  Pioger  de  l'Opéra-Comique  1!!  —  J'étais  curieux,  je 
l'avoue,  de  voir  ce  charmant  ténor  quitter  sa  sphère  habituelle  pour 
les  vastes  régions  du  grand  opéra.  L'entreprise  avait  quelque  chose 
d'aventureux,  de  chevaleresque,  c'est  dire  qu'elle  n'était  pas  sans 
péril.  Plus  on  aime  un  artiste,  plus  on  craint  qu'il  ne  compromette 
d'un  seul  coup,  sa  gloire  acquise  et  celle  que  lui  promet  un  avenir 
sur  pour  courir  étourdiment  les  chances  d'une  carrière  nouvelle. 
Mais  Pioger  a  bien  vite  dissipé  toute  fâcheuse  appréhension.  Sorti 
victorieux  de  l'épreuve,  il  a  été  couvert  de  lauriers,  d'applaudisse- 
ments et  de  pompeux  dithyrambes.  C'est  parle  rôle  de  Fernand  qu'il 
s'est  placé  sur  le  terrain  du  grand  opéra  et  qu'il  a  donné  l'essor  à 
toute  la  puissance  de  ses  moyens,  retenus  trop  souvent  captifs  dans 
le  cercle  étroit  qui  leur  avait  été  assigné  jusqu'alors.  Il  est  impos- 
sible de  rendre  avec  plus  d'art  qu'il  n'en  a  montré,  ni  d'une  voix 
plus  suave,  plus  expressive,  la  romance  du  premier  acte  ;  comme 
aussi  dans  le  quatrième  acte  le  morceau  ^iige  si  pur.  Les  auditeurs 
étaient  ravis;  et  le  duo  final,  où  Roger  s'est  vraiment  surpassé,  est 
venu  mettre  le  comble  à  son  triomphe.  Pourtant,  ceci  n'était  rien  en 
comparaison  des  succès  qui  l'allendaient  dans  la  Juive;  là,  on  a  pu 
voir  que  Roger,  à  l'exemple  de  Nourrit,  n'étudie  pas  seulement  ses 
rôles  comme  chanteur,  mais  q  il  s'en  pénètre  aussi  comme  tragé- 
dien. L'anathème  du  deuxième  cte  a  provoqué  les  applaudissements 
de  la  salle  entière,  et  cependani  Roger  n'a  pas  eu  recours  aux  grands 
éclats  qui  manquent  si  souvent  leur  effet;  il  lui  suffisait  que  son 


chant,  profondement  senti,  fût  tout  à  la  fois  énergique  et  harmo- 
nieux. Dans  le  morceau  Dieu  m'éclaire,  il  n'a  pas  fait  moins  d'im- 
pression sur  l'auditoire,  car  il  a  exprimé  d'une  manière  admirable 
par  son  jeu  plein  d'âme  et  de  chaleur,  et  ses  accents  empreints  de 
tendresse,  de  pitié  cl  de  .desespoir,  le  combat  qui  se  livre  dans  le 
cœur  du  pauvre  Israélite  à  la  pensée  de  perdre  Rachel,  et  de  se  ven- 
ger du  cardinal.  Toutes  les  autres  scènes  de  la  pièce,  il  les  a  com- 
prises et  rendues  avec  le  même  bonheur;  soutenu  par  une  forcesur- 
humaine,  qui  ne  peut  être  que  le  génie  de  l'art,  il  n'a  pas  faibli  un 
seul  instant,  et  maints  auditeurs  résumant  leurs  éloges,  sur  son 
compte,  d'une  manière  aussi  flatteuse  que  laconique,  se  sont  écriés 
dans  le  transport  de  leur  enthousiasme,  qu'il  était  vraimentsublimc. 
Roger  a  donc  prouvé  que  la  nature  de  son  talent  lui  permet  de  figu- 
rer avec  honneur  dans  le  grand  opéra  aussi  bien  que  dans  l'opéra^ 
comique.  A  coup  sûr,  un  pareil  événement  est  d'une  grande  portée 
pour  l'avenir  de  ce  chanteur.  Cela  dit  beaucoup  et  n'a  pas  besoin 
de  commentaire. 

M.  Joannès  Portéhaut  a  dignement  secondé  Roger.  Je  n'étais  pas  à 
Strasbourg  lorsqu'il  y  débuta,  mais  j'ai  su  depuis  que,  dés  le  pre- 
mier jour,  il  y  fit  sensation  et  fut  considéré  tomme  un  artiste  d'ave- 
nir. Il  possède  non  seulement  une  belle  voix  de  baryton  pleine, 
sonore,  étendue,  mais  il  est  encore  bon  musicien,  et  il  a  fait  d'excel- 
lentes études  sous  la  direction  d'un  maître  savant  et  éclairé.  Main- 
tenant la  province  par  ses  encouragements,  ses  conseils  et  l'expé- 
rience qu'elle  permet  d'acquérir,  hâtera  le  développement  de  ces 
heureuses  facultés,  et  quand  la  fleur  de  ce  talent  sera  épanouie, 
quand  elle  exhalera  tout  son  parfum  et  jettera  son  éclat  le  plus  vif, 
Paris  alors,  la  ville  jalouse,  la  ville  privilégiée,  s'en  emparera  et  en 
conservera  pour  elle  seule  la  jouissance. 

L'exécution  instrumentale  des  trois  opéras  qui  viennent  d'être 
cités  a  été  en  général  satisfaisante.  L'orchestre,  qui  se  compose  en 
grande  partie  d'artistes  nourris  à  la  bonne  école  et  parfaitement  ini- 
tiés au  style  dramatique,  n'a  manqué  ni  d'ensemble  ni  de  vigueur. 
Malheureusement  une  juste  proportion  n'y  est  point  gardée  entre 
les  instruments  à  vent  et  les  instruments  à  cordes  ;  ces  derniers  sont 
trop  peu  nombreux  relativement  aux  premiers.  Un  autre  inconvé- 
nient, non  moins  grave,  s'y  lait  remarquer  par  rapport  au  diapa- 
son ;  l'orchestre  de  Strasbourg  est  à  peu  prés  un  quart  de  ton  plus 
haut  que  celui  de  l'Académie  royale  de  musique.  Rien  ne  saurait 
causer  plus  d'embarras  et  de  fatigue  à  un  chanteur  qui  n'a  pas  eu 
le  temps  de  se  familiariser  avec  une  pareille  anomalie.  Qu'est-ce  en- 
core, lorsque  indépendamment  de  cet  obstacle,  il  faut  triompher  des 
inexactitudes  du  chef  d'orchestre?  Ah!  malheureux  compositeurs, 
on  ne  vous  plaint  pas  assez;  que  celui-ci  par  négligence  ou  par  in- 
capacité méconnaisse  vos  intentions,  qu'il  imprime  à  un  morceau 
trop  de  lenteur  ou  trop  de  vitesse,  qu'il  substitue  un  adagio  à  un 
andante,  ou,  pour  comble  de  malheur,  un  3/4  à  la  Strauss  à  un  3)4 
cantabile;  la  critique  montant  sur  ses  grands  chevaux  et  invoquant 
les  lois  de  l'esthétique  musicale,  vous  reprochera  indubitablement 
d'avoir  mal  compris  les  exigences  de  la  situation,  le  caractère  du 
personnage  et  le  sens  des  paroles.  Dans  lu  Favorite  et  dans  la  Juive 
tous  les  mouvements  n'ont  pas  été  observés  avec  une  précision  rigou- 
reuse, ce  qui  nous  a  fait  penser  que  le  chef  d'orchestre  du  théâtre 
de  Strasbourg  n'avait  pas  eu  recours  au  métronome,  ou  qu'il  n'a  ja- 
mais été  assez  heureux  pour  entendre  exécuter  ces  mêmes  ouvrages 
au  Grand-Opéra,  alors  que  noire  illustre  Habeneck  avec  cet  tact, 
cette  énergie,  et  cette  haute  intelligence  qui  le  caractérisent,  dirige 
son  imposant  et  formidable  orchestre. 
Tout  à  vous,  etc. 

Georges  Kastneb. 


LA  CHANTEUSE  CHIiVOISE. 

Vous  voyez  que  cette  chanteuse  est  jolie  ,  bien  qu'elle  ait 
vu  le  jour  au  pays  des  Magots.  Sans  mentir ,  si  son  plumage 
ressemble  à  son  ramage,  les  Chinois,  qui  l'entendent  ne 
sont  pas  malheureux.  Du  reste  ,  pour  vous  édifier  com- 
plètement sur  cette  matière,  nous  vous  renvoyons  à  uu 
livre  curieux,  qui  doit  paraître  demain  ,  et  dont  l'auteur  est 
notre  collaborateur  M.  Adrien  de  La  Fage  (voir  les  Nouvelles). 
Vous  y  trouverez  sur  la  musique  chinoise,  ainsi  que  sur  celle 
des  autres  peuples  de  la  terre,  tous  les  renseignements  et  dé- 
tails que  vous  pourrez  désirer. 


DE  PARIS. 


281 


",*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  le  Comte  Onj,  suivi  d'Eucliaris, 
ballet  en  2  actes. 

',*  Lapremièreicprésenlation  d'Oihcllo  cstannoncéepourlelundi, 
26  août.  Celle  de  Richard  en  Pa'e.uiiie  doit  avoir  lieu  le  mois  pro- 
chain. 

*,*  La  basse  toille,  que  l'on  attendait  et  qui  est  arrivée ,  a  nom 
Milrowilch  :  c'est  un  jeune  Polonais,  qui  a  chanté  pendant  une  an- 
née ou  deux  en  Italie. 

".*  Gassier,  l'élève,  qui  cette  année  a  remporté  deux  premiers  pris 
et  un  second  au  Conservatoire,  est  engagé  pour  trois  ans  à  l'Opéra- 
Comlque.  On  voit  que  M.  Crosnicr,  qui  avait  déjà  engagé  Chaix, 
autre  élève  dislingué,  n'est  pas  homme  à  laisser  échapper  les  jeunes 
sujets  qui  donnent  des  espérances. 

;;;-/,*  L'Académie  des  beaux  arts  a  jugo  hier,  samedi,  le  concours  do 
composition  musicale.  Premier  grand  prix:  M.  Massé,  élève  de 
M.  Halévy  et  de  M.  Zimmeimann.  Second,  premier  grand  prix: 
M.  Renaud  de  Wilbaih,  qui  concourait  pour  la  première  fois,  et  qui, 
cette  année,  a  remporté  le  premier  prix  d'orgue  au  Conservatoire. 
Second  prix  :  M.  Mertens,  élève  de  M.  Carafa.  L'Académie  a  pu  don- 
ner deux  premiers  grand  prix  cette  année,  parce  qu'il  n'y  en  avait 
pas  eu  l'année  dernière,  et  qu'il  restait  une  place  vacante  à  Rome. 

V  On  écrit  de  Versailles  (13  août);  «Le  choix  que  M"'' iHerlin 
a  fait  d'une  maison  de  campagne  dans  notre  localité  nous  a  valu 
aujourd'hui,  dans  l'église  de  Monlreuil,  une  messe  en  musique  très 
remarquable,  et  qui  laissera  de  longs  souvenirs  dans  notre  ville. 
M.  le  prince  de  la  Moskovva  en  a  conduit  une  partie;  MAI.  Alary  et 
Halévy  se  sont  partagé  le  reste  des  morceaux  qui  avaient  été  écrits 
par  eux.  MM.  Habeneck,  Ad.  Adam  ,  Dietsch  et  une  partie  de  l'or- 
chestre de  l'Opéra  concouraient  à  celte  exécution.  Des  amateurs  de 
la  société  du  prince,  des  élèves  du  Conservatoire  et  des  choristes  de 
l'Opéra  formaient  la  partie  chantante  qui  emplissait  le  chœur  de 
l'église.  M""  Merlin  et  M""  dé  Bergue  se  sont  parfaitement  acquit- 
tées de  leurs  solos. — Pour  terminer  cette  solennité,  organisée  parles 
soins  de  M'"'  Merlin  pour  secourir  l'infortune  ,  cette  dame  est  allée 
se  placer  à  la  porte  de  l'église  pour  recevoir  l'offrande  des  nombreux 
fidèles  qui  avaient  à  répondre  à  son  invitation. 

"/  le  troisième  et  le  quatrièmeconcerl  donnés  par  LisztàMarseille 
n'ontéténi  moins  brillants  ni  moins  productifs  que  les  deux  premiers. 
Le  produit  du  quatrième  était  consacré  aux  pauvres  de  la  ville.  On  y 
a  vivement  applaudi  la  société  des  chœurs,  si  habilement  dirigée 
par  M.  Trottebas.  Au  nombre  des  chœurs  qu'elle  a  chantés,  il  s'en 
trouvait  un  de  la  composition  de  Liszt,  qui  a  produit  le  plus  grand 
eftet.  La  ville  de  Toulon  ne  se  trouvait  pas  sut  l'itinéraire  que  le 
grand  artiste  s'était  tracé.  Mais  les  habitants  de  cette  ville  n'ont  pas 
voulu  qu'elle  fût  déshéritée  de  la  présence  du  roi  des  pianistes,  qui 
a  bien  voulu,  en  homme  généreux,  se  rendre  à  d'aussi  pressantes 
instances,  et  qui  s'est  mis  en  route  pour  Toulon ,  où  il  a  donné 
concerne  lendemain  même,  afin  de  ne  pas  retarder  trop  longlemps 
son  arrivée  dans  les  villes  de  Kîmes,  Montpellier,  Toulouse  et  Ror- 
deaux,  où  il  est  impatiemment  attendu  et  où  de  nouveaux  triomphes 
lui  sont  réservés. 

*,'  Thalberg  ,  après  avoir  fait  les  délices  des  habitants  de  Londres 
pendant  la  dernière  saison  ,  se  repose  en  ce  moment  à  Boulogne-sur- 
Mer,  et,  pour  se  délasser,  il  a  donné  le  14  août  un  concert  monstre, 
dans  lequel  il  a  joué  plusieurs  de  ses  nouvelles  compositions.  On 
parle  surtout  de  l'immense  succès  obtenu  par  ses  fantaisies  sur 
Charles  VI ,  la  Muette  et  Sémiramis.  A  la  fin  de  septembre,  ce  grand 
artiste  sera  de  retour  à  Paris,  où  il  se  propose  de  passer  l'hiver;  il 
veut  surveiller  lui-même  la  publication  de  sa  grande  sonale  réputée 
son  chef-d'œuvre. 

V  Dœhler,  le  pianiste  favori  des  dames ,  vient  de  donner  deux 
concerts  brillants  à  Hombourg,  ce  bain  fashionable,  qui  attire  la 
société  la  plus  élégante  par  la  variété  des  plaisirs  qu'il  offic.  Il  est  en 
ce  moment  a  Ems ,  où  déjà  il  a  donné  un  concert  dans  lequel  sa 
Turenialle  et  sa  Polka  de  salon  ont  été  bissés.  Son  second  concert  aura 
lieu  sous  peu  di'  jours,  et  M.  Dœhler  doit  se  rendre  de  là  à  Cologne, 
à  Aix-la-Chapelle  et  à  Bade. 

•,"  MM.  Antoine  et  Charles  de  KontsUi  ont  été  donner  un  concert 
à  Dieppe  dimanche  dernier.  Leur  succès  a  été  des  plus  brillants  : 
l'élégant  etvigoureux  violoniste  Charles  a  vaincu  comme  Charles  XII, 
et  en  écoutant  le  foudroyant  pianiste  Antoine,  chacun  a  désiré  lui 
voir  éprouver  une  nouvelle  tentation  de  revenir  à  Dieppe. 

'.■•  Le  célèbre  violoncelliste,  Max  Bohrer,  est  de  retour  du  voyage. 
qu'il  vient  de  faire  en  Amérique.  Les  succès  qu'il  a  obtenus  partout, 
maisnolamment  à  la  Havaneetà  Mexico,  tiennent  du  prodige.  Dans 


celte  dernière  ville,  il  n'a  pas  donné  moins  de  six  concerts.  A  la  fin 
du  dernier,  il  a  reçu  nn  hommage  tout-à-fait  dans  le  goût  du  pays, 
dont  la  terre  produit  le  plus  riche  des  métaux.  Une  douzaine  de 
jeunes  personnes  magnifiquement  vêtues  sont  venues  placer  sur  sa 
tête  une  couronne  d'or  massif,  tellement  lourde  que  le  poids  en  a 
gêné  l'exécution  du  virtuose,  à  qui  la  salle  entière  avait  redemandé 
l'un  de  ses  morceaux  favoris. 

",'  Artôt  et  Jl^i'^Damoreau  sont  arrivés  le  9  de  ce  mois  au  Havre, 
et  depuis  trois  jours  ils  sont  à  Paris, 

',*  M.  Pioger,  le  ténor  favori  du  public  de  l'Opéra-Coniique ,  et 
qui  par  son  talent  s'est  placé  avec  avantage  sur  notre  première  scène 
lyrique,  vient  de  donner  six  représentations  au  théâtre  de  Stras- 
bourg, où  il  a  obtenu  le  plu.s  brillant  succès  auquel  son  talent  lui 
donnait  droit  de  prétendre.  Il  s'est  rendu  de  là  à  Bade,  où  il  a  donné 
un  concert  avec  MM.  Rosenhain  et  Panofka ,  il  y  a  excité  comme 
partout  l'enthousiasme  par  sa  belle  voix  si  sonore,  et  l'excellence  et 
la  pureté  de  sa  méthode. 

*,*  Nous  croyons  faire  plaisir  à  tous  les  chefs  de  musique  de  la 
garde  nationale  et  de  l'armée  ,  en  leur  annonçant  que  le  grand  pas 
redoublé  de  M.  V.  Roxas,  sur  le  chant  national  de  Charles  VI, 
vient  d'être  publié.  M.  Roxas  est  le  chef  de  l'excellente  musique  du 
47'  régiment  de  ligne,  dont  le  réperloire  est  le  plus  riche  et  le  plus 
varié  de  France. 

*/  Le  Roi  vient  de  faire  l'acquisition,  pour  le  palais  des  Tuileries, 
du  beau  piano  à  queue  à  frappement  en  dessus  que  MM.  Kriegelstein 
et  Charles  Planlade  avaient  mis  à  l'Exposition,  et  que  S.  M.  avait 
entendu  avec  intérêt.  Le  piano  droit  de  ces  facteurs,  qui  a  été  classé 
le  premier  au  concours,  et  leur  a  niéiilé  la  médaille  d'or,  a  été 
acheté  par  M.  le  baron  Séguier,  membre  du  Jury  Central. 

*,"  S.  A.  R.  M.  le  duc  de  Montpensier,  après  avoir  assisté  au  festi- 
val de  l'industrie,  donné  par  M.  Hector  Berlioz,  vient  d'envoyer  à  cet 
artiste  distingué,  en  témoignage  de  sa  haute  satisfaction,  un  magni- 
fique vase  de  porcelaine. 

*,"  Un  nouvel  opéra  de  M.  Netzer,  ISIara,  vient  d'obtenir  un  grand 
succès  à  Berlin.  Un  autre  opéra  du  même  compositeur,  la  Cmiqnêle 
de  Grenade,  paroles  de  Robert  Griepenkerl ,  y  sera  mis  en  scène  au 
mois  de  janvier  1845;  on  l'attend  avec  la  plus  vive  impatience. 

*."  Dragonetti,  le  célèbre  contrebassiste,  qui  ne  compte  pas 
moins  de  79  ans,  n'a  pas  encore  perdu  son  talent  extraordi- 
naire. Tout  récemment  dans  un  concert  donné  par  le  duc  de  Wel- 
lington, il  a  produit  une  sensalion  égale  de  plaisir  et  de  surprise. 

*/  M"'  Masson  a  obtenu  beaucoup  de  succès  à  Toulouse  dans  le 
rôle  de  Valenline  des /i«<;«e)iO(i-.  L'ouverture  de  Charles  /</ exécutée 
au  théâtre  de  celle  ville  a  été  l'objet  d'un  enthousiasme  très  vif. 

","  Le  Comité  de  l'association  des  artistes  dramatiques  vient  de 
recevoir  de  nouvelles  preuves  de  la  sympathie  dont  il  est  l'objet.  Les 
progrès  de  l'association  sont  remarquables,  et  l'on  peut  déjà  consi- 
dérer celte  institution  comme  une  des  plus  utiles  garanties  de  l'ave- 
nir de  tous  les  comédiens.  M"'  Crécy,  du  théâtre  impérial  français  de 
Moscou,  a  fait  un  don  volontaire  de  100  francs. —  Une  somme  de 
400  francs  a  été  remise  par  M"=  Déjazet,  qui,  selon  sa  louable  habi- 
tude, continue  à  donner  chaque  année  de  nouvelles  preuves  de  son 
dévoutment.  —  Enfin,  le  Comité  a  reçu  100  francs  de  M.  Bunn,  di- 
recteur du  théâtre  de  Drury-Lane,  à  Londres;  M.  Bunn  a  voulu 
prouver  qu'il  sait  reconnaître  les  bons  rapports  qu'il  a  eus  constam- 
ment avec  les  artistes  français  paraissant  sur  son  théâtre. 

%"  Plusieurs  artistes  de  Paris,  réunis  en  société,  viennent  de  faire 
l'acquisition  des  instruments  de  M.  Ad.  Sax  ,  et  ils  se  proposent  de 
les  faire  entendre  prochainement  au  public.  C'est  en  présence  de  cet 
ingcnif  ;x  fadeur  que  les  répétitions  ont  déjà  commencé  et  qu'elles 
se  continueront  encore  pendant  quelque  temps. 

*,*  On  vient  de  mettre  en  vente  chez  Jules  Labitte,  un  curieux 
ouvrage  de  notre  collaborateur,  Hector  Berlioz,  sous  le  litre  de 
Voyage  musical  en  Allemarjne  et  en  Italie, 

*,"  Demain,  lundi,  paraîtront  au  comptoir  des  imprimeurs-unis 
quai  Malaquais,  15,  les  deux  premiers  V(jlumes  d'un  ouvrage  depuis 
longtemps  désiré,  et  dont  l'apparition  ne  peut  manquer  d'exciter  un 
vif  intérêt  dans  le  monde  musical.  L'Histoire  générale  de  la  musique 
et  de  ta  danse  a  trouvé  un  digne  interprète  dans  la  personne  de 
M.  Adrien  de  Lafage,  artiste  distingué,  que  sescoimaissances  littérai- 
res, ses  voyages  et  ses  travaux  antérieurs  rendaient  éminemment 
propre  à  l'exécution  d'un  semblable  Iravail,  dont  nous  rendrons  par 
la  suite  un  compte  détaillé. 

",*  M.  Boieldieu,  père  de  l'illustre  com|iositeur ,  vient  de  mourir 
à  Paris,  à  l'âge  de  quatre-vingt-neuf  ans. 


Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maukice  SCHLESINGER. 


282 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


En  vente  chez  MAURICE  SCHLESIl^GER ,  97,  rue  Richelieu. 

PAR  F.  CHOPIN. 


^^©33  ^^^^^^^@ 


dédiées  à  Mlle  C.  Maberly. 


Op.  56. 


DEUX  NOCTURNES 

dédiés  à  Mlle  J  -W.  Stiriing. 
Op.  55.     ,  '  7  fr.  50  c. 


PAR  F.  LISZT. 


NONNENWERTH. 

Romance  sans  paroles. 
6fr. 


DANS  LE  GENRE  HONGROIS. 
7  fr.  50  c. 


CHANSON     DES    ETUDIANTS. 

Ciandeamus  îgitur. 

efr. 


DEUXIÈME  MARCHE  HOIVGBOISE. 


GRAND  MORCEAU  DE  CONCERT. 
7  fr.  50  c. 


SUR  DES  THÈMES  DE 
X.A     FAVORITE, 

de  Donizetti, 
Op.  5J.  7fr.S0c. 


BRILLANTE  POLKA 


DE  SAIiOW. 


Op.  50. 


PAR  H.  ROSEILE^. 


FAIVÎAISIE  ET  VARIATIONS 

SUE 
IL    TKnPLARIO. 

Op.  es.  7  fr.  50  C. 


FANTAISIE 


SUR  SES  MOTIFS  OE 

d'Haléyy. 


Op.  iC. 


7  fr.  50  c. 


Imprimerie  de  [lOUItGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


^our  Paris  :  un  an,  30  fr.  ;  six  mois,  15  fr.     —     Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres     —     Sépartcmcnts  :  un  an,  34  fr.  Etranger,  33  fr. 


OiP 


GAZETTE  MUSICAL 

BtDIGÉE  PIB 

MM.  ANDERS  ,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ ,  Henhi  BLANCHARD , 

MitlBICK'BOURGES,  F.  DAN.IOD,  DLESBERG,  FÉTFS  père,  Édouabd  FÉTLS,  Stfpiien  HELLER,   J.  JASIN 

G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED ,  GEORGE  SAND,  L.  UELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  e(c. 

Faraiaaawt  iott»  les  JDitnancheg, 

n.  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 
Ii«  1™  et  le   IB  de  chaqne  mois  on  recevra  on  morceau  de  mnsiqae* 


SOMMAIRE.  Eïposilion  des  produits  de  l'industrie  (septième  ar- 
ticle) ;  par  G.-E.  AADERS.— le  vaudeville  et  l'orgue  de  Bar- 
barie (suite  et  On);  par  A.  SPECHT.  —  Théâtre  royal  de  l'Opéra- 
Comique  :  Les  deux  Ceiuilshommes  (première  reprèsenlalion); 
par  H.  BLANCHARD.  —Les  chanteurs  pyrém'ens  à  Nolre-Uame; 
par  H.  TBLANCHARD.—  Nouvelles.—  Annonces. 

niPROVISATiONS  MÉLANCOLIQUES.  Dessin  deGavarni. 


Exposition  Î1C6  produits  îic  ^3u^llstl•ic. 

Sl'PTIÈME    ARTICLE. 

Piaiiesi.  —  ]Vf .  Sïeiiri  Hei'z. 

arini  les  pianos  que  W.  Henri  Herz  a  exposés 
successivement,  deux  surtout  ont  attiré  l'at- 
tention du  public  :  nous  voulons  parler  du 
petit  piano  à  queue ,  dont  l'extérieur  a  quelque 
chose  d'étrange,  puisqu'il  est  l'inverse  de  la 
forme  usitée  jusqu'ici  pour  ce  genre  d'instruments  ,  et  du 
piano  droit,  dont  les  sons  se  prolongent  au  moyen  du  veni. 
C'est  ce  dernier  qui  nous  a  intéressé  plus  particulièrement,  et 
par  lequel  nous  allons  commencer. 

L'idée  d'appliquer  le  vent  au  piano  pour  en  faire  vibrer 
les  cordes  n'est  pas  si  nouvelle  qu'on  pense  ou  qu'on  vou- 
drait le  faire  croire ,  car  elle  date  de  plus  de  cinquante  ans. 
Ce  fut  un  facteur  .illeraand,  nommé  Schneil ,  qui  la  conçut 
le  premier  et  la  réalisa  à  Paris ,  oti  il  était  venu  s'établir , 
en  1777.  Comme  tant  d'autres  découvertes,  celle-ci  était  due 
au  has:ird. 

Le  facteur  avait  suspendu  une  harpe  à  laquelle  il  ne  son- 
geait plus,  lorsqu'un  jour  il  entendit  des  sons  étrangement 
modulés,  qui  partaient  de  cet  instrument.  Un  cornant  d'air 
s'éiant  établi  dans  la  chambre ,  le  vent  avait  fait  résonner  les 
cordes.  On  sait  qu'un  seiiiblable  hasard  a  donné  la  première 


idée  de  la  harpe  éolienne.  Frappé  du  phénomène  dont  il  ve- 
nait d'être  témoin  ,  Schneil  .se  mit  à  chercher  si  les  sons 
enfantés  par  le  caprice  de  la  nature  ne  |  ourraient  pas  être 
produits  par  un  mécanisme  qu'un  exécutant  mettrait  en  jeu. 
Il  résolut  de  construire  un  piano  dans  lequel  un  courant  d'air 
artificiel  remplacerait  le  coup  du  marteau.  L'idée  était  simple, 
mais  elle  rencontra  de  grandes  difficultés  d^ns  l'exécution ,  et 
ce  ne  fut  qu'au  bout  de  quatre  ans,  après  des  essais  et  des 
expériences  innombrables,  que  l'inventeur  parvint  à  terminer 
son  insti  ument.  Il  le  nqmma  anémocorde. 

Ce  fut  en  1789  quejfeliiiell  soumit  son  invention  au  pu- 
blic. Une  nouveauté  d^^P^ire  ne  pouvait  manquer  d'exci- 
ter la  curio.sité  ;  elle  lui  amena  la  foule  des  amateurs,  des  ar- 
tistes et  des  savants.  Tout  Paris  s'entretenait  du  nouvel  instru- 
ment. 11  attira  l'atiention  de  la  reine,  qui  voulut  l'acheter  au 
prix  de  150,000  francs.  iMais  l'achat  fut  différé  ,  et  toutes  les 
espérances  que  le  facteur  avait  fondées  sur  le  succès  de  sa  dé- 
couverte furent  ruinées  par  suite  de  la  révolution  qui  éclata 
quelques  jours  après.  Schneil  lui-même  vit  ses  jours  en  dan- 
ger; incarcéré  sous  l'accusation  de  royalisme,  parce  qu'il 
portait  le  titre  de  facteur  royal  de  la  cour  ,  il  ne  dut  sa  liberié 
qu'au  dévouement  de  sa  femme,  et  quitta  la  France,  pour 
retourner  dans  sa  patrie,  heureux  de  pouvoir  emporter  son 
instrument. 

Aprèsdes  essais  infructueux  pour  rétablir  sa  fortune,  Schneil 
arriva  en  1799  à  Vienne  en  Autriche.  Il  y  fit  entendre  l'aué- 
mocorde,  qui  trouva  beaucoup  d'amateurs.  On  ignore  s'il  se 
fixa  dans  cette  capitale.  Ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'est  qu'en 
1811 ,  son  anémocorde  s'y  itiontra  de  nouveau  dans  un  grand 
concert,  où  le  célèbre  Humniel  le  loucha  et  ravit  tout  l'au- 
ditoire par  une  délicieuse  improvisation  appropriée  au  ca- 
racièie  de  l'instrument. 

Depuis  cette  époque,  plus  de  nouvelles  ni  de  l'anémocorde   <^ 
ni  de  son  inventeur.  -^x 

Telle  est,  en  peu  de  mots,  l'histoire  de  cette  précieuse  dé-   J^ 


BUREAUX   D'ABONNEMENT,    K.UE  RICHEIIEP,   97. 


284 


JREVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


couverte  (1).  Elle  semblait  menacée  d'im  entier  oubli,  lorsque 
tout  récemment  nous  l'avons  vue  se  reproduire  sous  la  main 
d'un  mécanicien  dont  nous  nous  plaisons  à  reconnaître  la 
grande  habileté;  car  ce  n'est  pas  dans  l'intention  d'amoindrir 
le  mérite  de  M.  Isoard ,  ou  de  l'accuser  de  plagiat ,  que  nous 
avons  insisté  sur  les  faits  qu'on  vient  de  lire:  seulement  il 
nous  a  semblé  équitable  de  revendiquer  la  priorité  pour  qui 
de  droit.  Le  mérite  de  M.  Isoard  sera  assez  grand  ;  car  tout 
en  appliquant  le  principe  de  l'instrument  de  Schnell  ,  il  a 
apporté  dans  la  construction  de  son  mécanisme  des  modifi- 
cations qui  lui  appartiennent.  On  verra  la  différence  des  deux 
instruments  par  les  détails  que  nous  allons  donner. 

L'anémocorde  avait  un  clavier  de  cinq  octaves  ;  il  y  avait 
trois  cordes  pour  chaque  touche.  Le  vent,  fourni  par  deux 
soufflets,  se  distribuait  dans  des  tubes  métalliques  dont  l'es- 
trémité  aboutissait  aux  cordes.  Des  soupapes  d'une  construc- 
tion particulière  s'ouvraient  lorsqu'on  pressait  les  louches; 
et  alors  le  vent,  poussé  vers  les  cordes ,  les  mettait  en  vibra- 
tion. Il  y  avait  en  outre  quatre  registres  placés  au-dessous 
du  clavier ,  pour  modilier  la  force  du  vent  et  pour  pro- 
duire le'crescendo  et  decrescendo,  que  l'on  dit  avoir  été  d'un 
effet  surprenant.  Quant  à  la  construction  de  tout  ce  méca- 
nisme ,  les  détails  en  sont  restés  inconnus. 

A  l'extérieur,  l'anémocorde  présentait  un  carré  long,  de  la 
profondeur  de  sept  pieds  sur  une  largeur  de  trois,  et|une  hau- 
teur de  quatre  et  demi.  L'instrument  était  d'un  poids  consi- 
dérable ,  à  cause  du  métal  qui  entraildans  sa  construction.  Se- 
lon le  dire  de  Schnell,  il  contenait  plus  de  300  livres  de  laiton 
employé  à  la  confection  des  tubes  dont  nous  venons  de  parler. 
Les  personnes  qui  ont  entendu  l'instrument  de  Schnell 
s'accordent  à  lui  reconnaître  une  rare  suavité.  Le  pianissimo 
surtout  était  ravissant  ;  c'étaient  réellement  des  sons  aériens 
arrivant  à  l'oreille  comme  de  loin ,  on  ne  savait  d'où  ,  et  qui 
n'avaient  rien  d'analogue  avec  ceux  des  instruments  connus. 
Dans  le  crescendo,  le  son  montait  à  un  degré  de  force  surpre- 
nant :  seulement  les  touches  ne  parlaient  pas  avec  rapidité  , 
et  il  fallait,  dans  tout  ce  qu'on  exécutait,  se  borner  à  des 
mouvements  très  modérés. 

Le  piano  que  M.  Isoard  a  construit  pour  l'exposition  de 
M.  Herz  n'est  pas  son  premier  essai.  Il  y  a  sept  ou  huit  ans 
que  cet  habile  mécanicien  s'est  livré  à  de  continuelles  re- 
cherches pour  trouver  le  moyen  d'appliquer  le  vent  aux  ins- 
truments à  cordes. 

Déjà,  en  1836,  il  offrit  un  premier  résultat  de  ses  travaux 
en  demandant  à  l'Académie  un  rapport  sur  un  molon  éolique, 
ou  violon  dans  lequel  un  courant  d'air  était  substitué  au  frot- 
tement de  l'archet.  Tous  les  journaux  parlèrent  alors  de  cette 
découverte  ,  et  la  Gazelle  musicale  lui  consacra  un  article 
auquel  nous  renvoyons  nos  lecteurs  (2).  Cet  instrument,  du 
reste,  n'était  encore  qu'à  l'état  d'ébauche,  et  nous  ne  pensons 
même  pas  ^qu'il  ait  été  achevé.  Mais  si  le  violon  se  faisait  at- 
tendre ,  M.  Isoard  ne  continua  pas  moins  de  chercher  des 
applications  du  nouveau  principe  sonore.  Ainsi  l'on  vit  pa- 
raître Yéolicorde ,  petit  instrument  à  clavier,  destiné  à  imi- 
ter le  cornet  à  pistons.  Il  se  composait  d'une  seule  corde , 
laquelle  donnait  diverses  intonations  en  se  raccourcissant , 
comme  dans  la  vielle  ,  par  suite  de  la  pression  des  touches. 
Bien  qu'on  ait  publié  une  méthode  spéciale  pour  cet  instru- 
ment ,  aûn  de  le  populariser ,  il  a  trouvé  peu  de  partisans. 
Aujourd'hui  il  est  déjà  oublié.  Toutefois  ces  essais  ne  furent 
pas  infructueux  ;  car  ils  conduisirent  M.  Isoard  à  un  instru- 

(l'i  Voir,  pour  plus  amples  détails,  la  Gazeiic  musicale  de  I83C, 
n.  •!.'>. 

(2)  Voir  la  Cir.elic  mtMcule  de  1830,  n.  10. 


ment  établi  sur  une  plus  grande  échelle:  nous  voulons  parler 
du  piano  à  sons  soutenus  par  le  vent. 

En  1841 ,  M.  Isoard  soumit  son  premier  piano  de  ce 
genre  à  l'Académie  ,  qui  en  fit  un  rapport  très  favorable;  ce- 
pendant l'instrument  présentait  des  imperfections ,  dont  voici 
les  principales  : 

L'inventeur  ,  voulant  conserver  le  caractère  du  piano  or- 
dinaire à  côté  des  sons  nouveaux,  avait  combiné  le  coup  des 
marteaux  avec  l'action  du  vent  ;  mais  cette  combinaison  était 
mal  disposée.  La  corde  était  d'abord  attaquée  par  le  marteau  ; 
puis  le  courant  d'air  venait  continuer  les  vibrations  de  cette 
corde,  ce  qui  produisait  une  association  fort  désagréable  en 
faisant  l'effet  de  deux  instruments ,  dont  l'un  répétait  chaque 
note  produite  par  l'autre.  C'était  comme  deux  hommes  par- 
lant ensemble  ,  et  dont  l'un  répéterait  d'une  voix  différente 
chaque  mot  prononcé  par  son  interlocuteur. 

Le  second  défaut  consistait  dans  la  nécessité  où  se  trouvait 
l'exécutant  d'employer  une  autre  personne  pour  faire  mou- 
voir une  roue  adaptée  au  bout  du  piano,  et  destinée  à  mettre 
en  jeu  le  soufflet.  Par  ce  procédé  ,  l'expression  devenait  im- 
possible pour  les  sons  prolongés. 

Ces  inconvénients  étaient  trop  sensibles  pour  que  M.  Isoard 
ne  songeât  pas  à  y  remédier.  Il  résolut  de  construire  un  nou- 
vel instrument  notablement  modifié  ;  mais  il  avait  épuisé  ses 
ressources  en  sacrifiant  tout  pour  des  essais  dispendieux. 
Ce  fut  alors  qu'il  s'adressa  à  plusieurs  facteurs  pour  leur 
offrir  son  invention ,  et  après  avoir  essuyé  plusieurs  refus , 
il  trouva  chez  M.  Herz  un  accueil  empressé  et  les  moyens 
d'exécuter  son  projet.  M.  Herz  entrevit  le  parti  qu'il  pour- 
rait tirer  d'un  pareil  instrument  ;  il  se  mit  lui-même  à  la  re- 
cherche des  améliorations,  et  c'est  ainsi  que  l'habile  mécani- 
cien, guidé  par  les  conseils  du  célèbre  artiste,  est  parvenu  à 
construire  le  nouveau  piano  que  l'on  a  vu  à  l'exposition. 

Les  défauts  que  nous  avons  signalés  plus  haut  ont  ici  dis- 
paru. Le  choc  du  marteau  et  l'action  du  vent  s'opèrent 
simultanément.  L'artiste  lui-même  fait  mouvoir  la  soufflerie 
par  la  pression  des  pieds,  ce  qui  lui  permet  de  nuancer  son 
jeu  à  volonté. 

Le  premier  piano  de  M.  Isoard  était  un  piano  à  queue  ; 
celui  qui  nous  occupe  est  un  piano  vertical  de  dimension  or- 
dinaire ;  il  est  à  trois  cordes,  et  le  vent  n'agit  que  sur  celle 
du  milieu,  qui  se  trouve  placée  devant  une  rainure  destinée  à 
donner  passage  au  souffle.  Le  mécanisme  est  combiné  de  ma- 
nière à  pouvoir  attaquer  les  cordes  seulement  par  le  marteau, 
ou  seulement  par  le  vent ,  ou  enfin  par  les  deux  ensemble. 
On  conçoit  la  variété  qui  en  résulte  pour  l'exécution. 

Il  est  à  remarquer  que  l'air  n'est  pas  poussé  contre  les 
cordes  comme  il  l'est  contre  les  anches  libres  dans  les  orgues 
expressives,  mais  qu'il  les  attaque  par  aspiration;  voici 
comment  : 

Derrière  les  cordes  se  trouve  placée  une  caisse  mobile , 
divisée  en  autant  de  compartiments  qu'il  y  a  de  touches. 
Chaque  compartiment  communique  avec  le  porte-vent  au 
moyen  d'une  soupape.  L'action  du  soufflet  est  réglée  de  ma- 
nière à  produire  le  vide  dans  la  caisse.  La  pression  des  tou- 
ches fait  ouvrir  les  soupapes,  et  alors  l'air  atmosphérique, 
se  précipitant  dans  ce  vide  ,  vient  frapper  les  cordes  qui  se 
trouvent  sur  son  passage.  Par  suite  de  cette  ingénieuse  com- 
binaison ,  les  cordes  sont  attaquées  dans  la  même  direction 
par  le  marteau  et  par  le  vent. 

Ce  piano  est  à  six  octaves  et  demie  ;  mais  les  sons  prolongés 
ne  s'obtiennent  pas  sur  toute  l'étendue  du  clavier  ,  le  vent 
n'agissant  que  sur  quatre  octaves  et  demie,  à  partir  du  second 
[a  de  la  basse  jusqu'au  dernier  itl  du  dessus.  Le  génie  de 


DE  PARIS. 


285 


M.  Isoard  triomphera  ,  nous  n'en  doutons  pas ,  des  obstacles 
qui  empêchent  de  faire  vibrer  les  cordes  graves  ;  en  perfec- 
tionnant son  système  de  soufflerie,  il  donnera  aussi  à  l'exécu- 
tant les  moyens  de  soutenir  à  pleines  mains  des  accords  ,  que 
l'insuffisance  du  vent  ne  permet  pas  encore  de  pratiquer. 

Quant  aux  qualités  sonores  de  cet  instrument ,  nous  con- 
venons volontiers  qu'elles  ont,  dans  certaines  combinaisons, 
un  charme  pariiculier,  et  qu'on  obtient  des  effets  aussi  lieu- 
reux  que  nouveaux.  Mais  nous  ne  saurions  partager  une  opi- 
nion insoutenable  qui  a  été  émise  dans  plusieurs  comptes- 
rendus,  et  par  M.  Herz  lui-même  dans  une  notice  qu'il 
vient  de  publier.  On  a  prétendu  que  la  prolongation  des  sons 
•  étant  due  aux  vibrations  continuées  de  la  corde  même  mise 
en  mouvement  par  le  coup  du  marteau  ,  c'est  le  vrai  son  du 
piano  qui  se  prolonge  et  se  nuance  h  volonté.  Nous  ne  com- 
prenons pas  que  l'on  puisse  avancer  une  chose  pareille. 
.L'erreur  est  manifeste;  il  suffit  d'entendre  deux  notes  de 
l'instrument,  pour  s'en  convaincre  ;  et  même  sans  avoir  en- 
tendu l'instrument  on  peut  établir  en  théorie  la  fausseté  de 
cette  assertion.  Une  corde  attaquée  par  un  coup  de  marteau 
rend  nécessairement  un  son  d'un  timbre  différent  de  celui 
qui  s'obtient  par  l'action  du  vent.  Dès  que  le  vent  touche  la 
corde ,  le  son  du  piano  disparaît ,  et  l'on  entend  celui  de 
l'orgue  ou  quelque  chose  qui  en  approche. 

De  tout  temps  on  s'est  plaint  de  la  sécheresse  du  piano , 
et  l'on  a  cherché  les  moyens  d'en  prolonger  les  sons  ;  mais 
on  n'y  est  parvenu  qu'en  dénaturant  le  caractère  de  l'instru- 
ment. L'emploi  de  bandes  enduites  de  colophane,  ou  une 
espèce  d'archet ,  produisait  des  sons  qui  présentaient  un 
amalgame  de  violoncelle ,  de  violon  et  de  vielle  ;  l'application 
du  vent  produit  une  imitation  de  l'orgue  expressif.  Le  se- 
cret de  prolonger  les  sons  du  piano  sans  en  altérer  la  nature 
est  toujours  à  chercher.  Le  trouvera-t-on  ?  c'est  ce  que  nous 
n'oserions  affirmer. 

Aux  efforts  que  font  les  facteurs  pour  améliorer  le  piano 
sous  le  rapport  de  la  sonorité  ,  se  joignent  les  tentatives  plus 
ou  moins  heureuses  d'en  varier  l'extérieur.  Où  s'arrêteront 
ces  transformations?  Dieu  le  sait.  Voici  un  petit  piano  à 
queue  qui  est  l'inverse  des  pianos  de  ce  genre  ;  car  le  côté 
gauche  est  devenu  le  côté  droit.  Cela  pourra  convenir  aux 
personnes  dont  l'appartement  se  trouve  mal  disposé  pour 
recevoir  un  piano  à  queue  ordinaire  ,  et  que  l'on  serait  obligé 
de  placer  contre  le  jour.  Il  faut  des  instruments  pour  tous 
les  goilts  et  pour  toutes  les  circonstances  ;  sous  ce  rapport 
cette  innovation  n'est  peut-être  pas  à  rejeter.  Mais  une  autre 
question  se  présente  ,  celle  de  la  solidité  ;  et  nous  craignons 
fort  qu'elle  ne  puisse  être  résolue  affirmativement  ;  du  moins, 
le  tirage  des  cordes,  placées  obliquement,  ne  s'opère  pas  dans 
le  sens  favorable  à  une  construction  solide.  Le  temps  montrera 
si  les  craintes  que  nous  exprimons  à  ce  sujet  sont  fondées. 

M.  Herz  a  construit,  dans  des  proportions  un  peu  plus 
grandes  ,  un  autre  piano  à  queue ,  dont  l'extérieur  présente 
également  un  aspect  nouveau.  Tandis  que  les  pianos  à  queue 
ordinaires  ont  un  seul  côté  cintré,  on  voitici  le  cintre  symé- 
triquement répété  des  deux  côtés,  ce  qui  donne  à  l'instru- 
ment une  forme  régulière  et  gracieuse.  Malheureusement 
elle  exige  aussi  la  position  oblique  des  cordes,  que  nous  ne 
saurions  approuver.  Ajoutons  toutefois  qu'ici  cette  obliquité 
est  moins  prononcée  que  dans  le  piano  précédent. 

En  rendant  compte  des  pianos  exposés  par  M.  Herz ,  nous 
nous  sommes  borné  à  ceux  qui  nous  ont  paru  remarquables 
par  leurs  innovations.  Nous  pouvons -nous  dispenser  de  par- 
ler des  autres ,  ils  sont  suffisamment  connus. 

G-.E.  Anders. 


i  VAUDEVILLE  ET  L'ORGUE  DE  MEMl 

(Suite  et  fin*.) 

i  le  vaudeville  est  à 
it'érature  et  à 
l'art  musical  ce  que 
sont  à    l'humanité 
les  cancans  railleurs 
d'une        portière, 
vous  savez  ce  qu'est  au  vaudeville  l'orgue 
de  Barbarie.  Les  soi-disant  mélodies  po- 
pulaires que  le  vaudeville  lui  livre  boi- 
teuses et  contrefaites  ,  l'orgue  de  Barbarie  les 
rend  écrasées  et  défigurées,  et  de  plus  attifées 
au  goût  do  la  rue ,  avec  d'ignobles  lambeaux 
de  ritournelle.  C'est  le  dernier  degré  du  van- 
dalisme. 
On  objectera ,  il  est  vrai ,  que  de  grands  mu- 
siciens n'ont  cru  avoir  conquis  la  véritable  célé- 
brité que  lorsqu'ils  ont  entendu  leurs  chants  re- 
cueillis par  l'orgue   de   Barbarie  ;   c'est  là   tout 
simplement  l'erreur  d'une  vanité  insatiable.  Ces  musiciens-là 
ressemblent  à  la  duchesse  qui  goûtait  volontiers  les  grossières 
louanges  adressées  à  sa  beauté  par  des  portefaix  obscènes. 

Le  vaudeville  et  l'orgue  de  Barbarie  se  mêlent  aussi  de 
composer  pour  leui-  propre  compte,  et  l'on  ne  sait  que  trop 
quelles  sont  ces  compositions  originales.  Si  l'originalité  con- 
sistait, il  est  vrai,  à  s'éloigner  de  toute  espèce  de  goût, 
de  régularité  et  de  finesse ,  nous  ne  connaîtrions  pas  de  com- 
positions plus  originales  que  celles-là.  En  voilà  assez  sur 
cette  prétendue  musique  où  les  exceptions,  dues  à  la  verve  de 
quelques  spirituels  musiciens  déclassés ,  n'infirment  en  rien 
cette  déplorable  règle. 

Et  tout  cela  se  passe  dans  un  pays  où  l'État  dépense  des 
sommes  considérables  pour  former  les  musiciens  et  même 
pour  enseigner  le  chant  aux  classes  ouvrières!  On  s'occupe 
beaucoup  aujourd'hui  dedéterminer  les  limites  et  les  condi- 
tions de  la  liberté  d'enseignement  ;  mais  on  n'a  pas  fait  atten- 
tion que  les  seize  théâtres  de  Paris  où  l'on  chante  le  vaude- 
ville ,  que  leurs  succursales  de  la  banlieue  et  de  toutes  les 
villes  de  France,  que  les  milliers  d'orgues  de  Barbarie  qui 
couvrent  le  sol  français,  donnent  sans  patente,  ni  diplôme,  ni 
visite,  ni  examen  préalable,  l'enseignement  musical  le  plus 
répandu,  le  plus  inévitable,  le  plus  exclusif,  le  seul  enfin  que 
connaissent  les  quatre-vingt-dix-neuf  centièmes  des  Fran- 
çais. 

Bien  plus,  les  musiciens  que  l'État  forme  à  grands  frais, 
les  jeunes  compositeurs  qu'il  envoie  respirer  pendant  quatre 
ans  l'air  moins  corrompu  des  pays  où  l'on  faisait  jadis  la 
bonne  musique,  peuvent-ils  se  soustraire  à  la  tyrannique  in- 
fluence qu'exerce  forcément  sur  eux  l'infâme  musique  de  la 
rue,  cette  musique  alroce  qui,  par  un  bizarre  privilège,  jouit 
seule  de  la  publicité  illimitée?  Croit-on  que  les  organes  audi- 
tifs ,  que  le  sentiment  des  plus  délicats  puissent  être  impuné- 
ment sollicités  depuis  l'enfance  par  ces  sensations  de  tous  les 
jours,  de  tous  les  instants?  cela  est  impossible.  Et  le  carac- 
tère général  de  la  musique  française  répond  suffisamment  à 
ces  questions.  Le  reproche  que  les  ennemis  de  notre  école 
lui  ont  fait  depuis  qu'on  a  pu  la  comparer  avec  celle  des 
autres  peuples,  est  de  manquer  de  distinction  et  de  relief, 
d'abonder  en  mélodies  effacées  et  plates,  d'affecter  les  tour- 

(")  Voirie  numéro  33. 


286 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


mires  sautillantes  et  triviales.  Le  reproche  est  fondé  au  moins 
à  l'égard  de  la  majorité  qui  représente  tous  les  compositeurs 
mauvais  ou  médiocres.  Il  est  moins  mérité  depuis  que  l'éta- 
blissement du  Conservatoi:  e  et  la  fréquente  audition  des 
cliefs-d'œuvre  ont  opéré  une  s.ilutaire  révolution  ;  mais  l'in- 
filtration lente  de  la  musique  de  la  rue  et  des  petits  théâtres 
lutte  toujours  dans  l'organisation  du  plus  grand  nombre 
contre  les  leçons  et  les  exemples  de  l'art  grand  et  noble.  L'é- 
cole française  n'a  pas  encore  l'instinct  naturel  des  rhythmes 
et  des  cantilènes  franchement  saillants  et  vraiment  origi- 
naux; et,  quand  elle  les  cherche,  c'est  pour  arriver  le  plus 
souvent  à  l'insignifiant  et  au  baroque.  Si  les  écoles  étran- 
gères ne  produisent  guère  aujourd'hui  que  de  la  musique 
sans  valeur,  ces  redites  ennuyeuses ,  ces  pâles  contre-épreuves 
des  anciens  maîtres  ont  au  moins  le  mérite  de  la  distinction. 
C'est  un  mérite  négatif  sans  doute;  mais  celui-là  même  man- 
que à  nos  nmsiciens  médiocres,  intarissables  fabricants  de 
chants  vulgaires,  et  surtout  aux  mauvais,  qui  débordent  en 
cantilènes  canailles.  Si  notre  pays  jouit  seul  de  ce  triste  pri- 
vilège ,  il  le  doit  sans  aucun  doute  aux  lointaines  traditions 
des  chants  goguenards  qu'on  appela  plus  lard  vaudevilles. 

iUainlenant  quel  est  le  remède?  faut-il  supprimer  les 
théâtres  de  vaudeville,  interdire  les  orgues  de  Barbarie? 
Malheureusement  la  chose  est  impossible.  Les  chants  déli- 
cats et  ignobles,  les  sons  justes  et  faux  sont  égaux  devant  la 
Charte.  L'autorité,  qui  fait  tant  de  sacrifices  pour  l'art  mu- 
sical ,  aurait  dû  se  montrer  conséquente  en  refosanl  aux  pe- 
tits théâtres  l'autorisation  de  chanter  le  vaudeville  ;  mais  on 
ne  peut  retirer  anjoiird'hui  les  privilèges  accordés;  tout  au 
plus  pourrait-on  en  refuser  de  nouveaux  désormais.  L'exis- 
tence des  orgues  de  Barbarie  est  pour  une  foule  de  pauvres 
diables  ignorants  une  question  de  travail  et  de  liberté;  d'ail- 
leurs c'est,  dit-on,  un  excellent  moyen  de  police. 

Pourtant  il  importerait  de  trouver  un  remède  au  mal ,  si 
toutefois  ce  remède  existe.  Nous  croyons  qu'il  existe  et  même 
qu'on  l'applique,  mais  d'une  manière  incomplète;  d'ailleurs 
nous  ne  devons  pas  dissimuler  qu'en  supposant  tout  le  zèle 
et  les  lumières  désirables  chez  l'autorité  et  chez  les  citoyens 
qui  la  secondeuL,  il  faudra  bien  dû.  temps  pour  en  ressentir 
les  effets.  On  ne  peut  agir  qu'en  faisant  infiltrer  la  bonne,  la 
véritable  musique  dans  les  canaux  envahis  par  la  mauvaise; 
c'est  de  l'édut.ition  musicale  du  peuple  qu'il  faut  seulement 
attendre  une  amélioration.  On  ne  saurait  donc  trop  multi- 
plier les  cours  de  chant  gratuit,  et  nous  reconnaissons  avec 
plaisir  qu'on  a  fait  beaucoup  sous  ce  rapport  dans  les  régi- 
ments et  dans  les  écoles  civiles  ;  mais  les  résultats  en  sont  à 
peine  sensibles,  tant  les  maladies  générales  sont  lentes  à  gué- 
rir. Le  peuple  des  rues,  des  ateliers  et  même  des  boutiques 
crie  toujours  avec  cette  manière  inhumaine  que  vOus  con- 
naissez; c'est  à  peine  si  de  loin  en  loin  on  eiiicnd  quelque 
tentative  mallieurense  pour  placer  des  tierces,  des  quintes  et 
des  sixtes  dans  de  soi-disant  chœurs  maladroitement  hurlés. 
Cette  lenteur  dans  l'amendement,  après  vingt  années  d'ensei- 
gnement gratuit  à  Paris,  donne  la  mesure  des  progrès  à 
faire  et  du  temps  ei  du  travail  qui  restent  à  employer  à  cet- 
égard. 

Mais  quand  on  sera  parvenu  à  faire  chanter  la  nation  d'une 
manière  supportable,  il  restera  encore  h  lui  faire  prendre  en 
dégoût  la  détestable  musique  que  lui  ingurgitent  le  vaude- 
ville et  l'orgue  de  Barbarie.  Ici  cncoie,  il  faut  procéder  par 
la  quantité,  mais  surtout  par  la  qualité  du  contre-poison.  J'i- 
gnore quelle  est  la  musique  donnée  en  pâture  aux  élèves  des 
écoles  à  la  "Wilheni  ;  ce  que  nous  en  avons  entendu  n'est  pas 
merveilleux.  A  l'exception  des  chœurs  d'opéras  et  des  ou- 


vertures vocalisées  par  six  cents  voix,  qui  conviennent  à  la 
multitude  tout  au  plus  comme  moyen  de  travail ,  il  faut  re- 
connaître que  les  chœurs  de  feu  Boquillon  "Wilhem  ne  sont 
rien  de  plus  qu'agréables.  Cet  excellent  homme  avait  bien 
mérité  des  classes  populaires,  et  même  de  l'État;  mais  ce  n'était 
pas  une  raison  pour  que  sa  musique  eût  de  la  distinction.  Chez 
les  Allemands,  si  riches  en  ce  genre,  on  compte  par  milliers 
les  chœurs  pour  quatre  voix  ,  avec  ou  sans  accompagnement , 
qui  ont  été  écrits  tout  exprès  pour  le  peuple.  Nous  ne  pou- 
vons chez  nous  rien  espérer  de  bon  tant  que  nous  serons  dé- 
pourvus de  moyens  semblables,  et  l'autorité  devrait  se  préoc- 
cuper sérieusement  de  cet  objet. 

On  doime  des  prix  pour  beaucoup  de  choses  qui  nous  pa- 
raissent bien  moins  importantes  que  celle-ci.  Nous  pen- 
sons donc  qu'il  serait  bien  et  nécessaire  de  consacrer  sur  les 
fonds  alloués  pour  l'encouragement  des  arts  et  des  lettres 
une  certaine  somme  aimuelle  à  distribuer  en  récompense 
aux  auteurs  des  meilleurs  chants  populaires.  L'État  devrait 
en  outre  faire  l'acquisition  de  cette  musique  et  la  distribuer 
à  prix  coûtant,  sinon  gratuitement,  dans  les  écoles  de  chant; 
au  bout  de  quelques  années,  le  nombre  de  ces  chants  com- 
mencerait à  former  une  masse  respectable,  et  si  celui  des 
chanteurs  s'augmentait  dans  la  même  proportion,  le  sort 
de  la  musique  triviale  serait  certainement  bien  compromis. 
Du  moment  où  le  peuple  aura  autant  de  facilités  pour  chan- 
ter de  bonnes  choses  qu'il  en  a  aujourd'hui  pour  en  en- 
tendre d'ignobles,  il  faudra  que  le  vaudeville  et  l'orgue  de 
Barbarie  se  taisent  ou  qu'ils  se  fassent  eux-mêmes  instru- 
ments de  la  réforme  musicale;  et  ils  ne  pourront  être  adop- 
tés comme  réformateurs  qu'en  faisant  encore  mieux  que  la 
réforme. 

A.  Specht. 


THEATRE  llOYAL  DE  L'OPERA-COMIQUE. 

LES   DEUX  GEWTILSHOiViïVlES. 

Librettode  M.  Planaiîd;  partition  de  M.  CApADX. 

(Première  représentation.) 

ous  savons  bon  nombre  de  vaudevillistes  fai- 
sant du  drame  intime  et  féroce,  et  par  suite 
des  poèmes  d'opéra-comique,  qui  s'indignent 
de  voir  nommer  ,  caractériser  de  libretto 
leur  poème  d'opéra,  disant,  d'abord,  que  ce 
mot  n'est  pas  français,  comme  s'ils  écrivaient  irréprochable- 
ment eux-mêmes  celte  langue  ,  et  ajoutant  enfin  que  ce  mot 
n'est  employé  que  par  la  critique  envieuse ,  —  car  la  critique  est 
toujours  envieuse  au  dire  des  auteurs  critiqués,  —  que  comme 
expression  de  dénigrement  pour  leurs  élucubrations  drama- 
tiques. Nous  sommes  certain  d'avance  que  M.  Planard,  qui  a 
fait  taiU  de  charmants  opéras,  n'est  pas  animé  de  cette  suscep- 
tibilité à  l'égard  du  petit  proverbe  ,  du  léger  canevas  ,  du 
libretto  enfin  qu'il  a  donné  à  M.  Justin  Gadaux  pourjjroduire 
sur  la  scène  de  l'Opéra-Comique  sa  muse  provinciale. 

Deux  vieux  gentilshommes  ruinés  par  la  révolution  ,  dont 
l'un,  par  susceptibilité,  a  donné  un  coup  d'épée  à  l'autre,  se 
lelrouvent  au  bout  de  trente  ans,  et  sont  près  d'avoir  une 
nouvelle  affaire  d'honneur  pour  le  même  sujet ,  c'est-à-dire 
pour  une  place  usurpée,  place  sur  un  banc  de  gazon.  On  s'en- 
tend cependant  :  le  ci-devant  blessé  restitue  à  son  heureux 
a  l\ersaiie  une  forte  somme  dont  une  erreur  l'avait  fait  dépo- 
sitaire ;  les  deux  vieux  gentilshommes,  qui  n'étaient  pas  plus 


DE  PARIS. 


287 


riches  que  fortunés,  deviennent  l'un  et  l'autre  en  partageant 
'en  frères  la  somme  conservée ,  le  tout  en  mariant  et  dotant 
deux  jeunes  amoureux  du  village,  fille  et  neveu  d'une  laitière, 
paysanne  avenante  et  quelque  peu  colère  qui  vocalise  d'une 
manière  brillante  une  tyrolienne  et  quelques  autres  morceaux 
de  musique  dans  le  courant  de  l'action. 

Sur  tout  cela,  51.  Cadaux,  qui  s'était  déjà  essayé  comme 
compositeur  sur  le  théâtre  de  Toulouse,  a  écrit  une  partition 
qui  se  distingue  par  une  sorte  de  franchise  mélodique  et  une 
instrumentation  assez  animée,  assez  colorée ,  bien  que  cette 
musique  manque  d'originalité.  Un  morceau  brillant,  chanté 
par  la  laitière,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit;  un  petit  duo 
entre  les  deux  jeunes  amoureux ,  morceau  assez  bien  dé- 
clamé, et  qui  finit  en  trio  avec  l'un  des  deux  gentilshommes  ; 
et  enfin  un  autre  duo  chanté  par  les  deux  vieillards,  voilà  ce 
qu'il  y  a  de  plus  brillant  dans  cette  petite  partition.  Ce  duo, 
qui  est  le  morceau  capital  de  l'ouvrage ,  est  déclamé  par  le 
compositeur  d'une  manière  vraie  et  comique,  et  même  avec 
un  style  rétrospectif  assez  bien  approprié  aux  deux  person- 
nages; il  est  terminé  cependant  par  une  coda  des  plus  vul- 
gaires sous  le  rapport  mélodique  et  harmonique.  En  traitant 
cette  situation,  le  compositeur  aurait  dû  s'inspirer  du  fameux 
duo  des  deux  vieillards  de  la  Fausse  Mngie,  ce  morceau  si 
plein  de  verve  et  d'un  comique  parfait  d'un  bout  à  l'autre. 
Quoi  qu'il  en  soit,  la  partition  de  Jl.  Cadaux  annonce  de  la 
facilité  dans  le  faire  et  une  entente  assez  vraie  du  genre  de 
l'opéra-comique.  L'ouvrage,  qui  n'est  pas  mal  joué,  a  obtenu 
un  joli  petit  succès  qui  peut  se  corroborer  de  celui  de  GuHs- 
tan,  que  les  vieux  et  les  jeunes  habitués  de  l'Opéra-Comique 
vont  entendre  avec  un  égal  plaisir. 

Henri  Blanchard. 


à  SiTotre-Ilaxne. 

1  nnepeutnierl'impulsionmusicalequi  se  manifeste 
jd'unboutdela  France  à  l'autre.  Le  conservatoire 
montagnard  de  Bagnèrc  de  Bigorre ,  qui  nous  est 
I  apparu  au  nombre  de  quarante  chanteurs  aux  con- 
certsdesChamps-Élysées,  il  y  a  quelques  années, 
vient  de  nous  revenir  après  avoir  accompli  son  pèlerinage  mu- 
sical dansla  ville  éternelle.  Ce  corps  musical,  tout  exceptionnel, 
vient  de  faire  bénir  sa  bannière  par  le  saint-père  et  retourne  dans 
ses  montagnes.  Cette  bannière  porte  pour  devise  :  halte-la  ! 
et  cependant  ce  conservatoire  ambulant  est  toujours  par  voie 
et  par  chemin ,  ce  qui  n'est  pas  le  moyen  de  se  livrer  à  des 
études  bien  sérieuses  dans  l'art  du  chant.  Quoi  qu'il  en  soit , 
ce  gros  de  chanteurs  a  donné  une  séance  de  musique  reli- 
gieuse dimanche  dernier ,  dans  l'église  métropolitaine  de 
Paris,  pendant  la  grand'messe,  et  y  a  produit  un  certain 
effet.  En  notre  qualité  d'observateur  du  progrès  des  choses 
musicales,  nous  répéterons  à  ces  jeunes  troubadours  pyré- 
néens ,  que  leur  pérégrination  artistique  nous  semble  un  peu 
prématurée ,  et  que ,  rentrés  dans  leurs  foyers  ,  ils  doivent  se 
hvrer  à  des  études  sévères  et  suivies.  Nous  engageons  leur 
professeur  à  se  montrer  un  peu  difficile  à  l'égard  de  l'intona- 
tion, qui  n'est  pas  toujours  juste  ,  et  qui  est  sujette  à  monter 
dans  les  soprani  et  les  ténors.  Ces  voix  ont  besoin  aussi 
d'acquérir  de  la  distinction  dans  l'émission  ;  cela  se  cul- 
tive et  s'acquiert  comme  la  justesse  de  l'intonation  ,  la  lar- 
geur ,  la  rondeur,  la  plénitude  du  son,  sa  dégradation  et 
toutes  les  nuances  de  l'expression.  Sous  ce  dernier  rapport , 


nos  jeunes  chanteurs  méritent  des  éloges;  ils  nuancent  assez 
bien;  mais  le  son  est  généralement  nasal  et  commun ,  et, 
I  nous  ne  saurions  trop  le  répéter,  l'intonation  est  fréquera- 
I  ment  équivoque.  C'est  surtout  ce  qu'on  a  été  à  même  de  re- 
:  marquer  dans  le  Kyrie  et  dans  d'autres  versets  de  la  messe; 
I  à  cela  près ,  il  y  a  de  l'ensemble  et  de  la  chaleur  dans  l'exé- 
I  culion  de  ces  artistes  chanteurs,  et  YAg?iiis  Dii,  ainsi  que 
I  l'élévation,  a  été  rendu  délicieusement.  Ils  ont,  au  reste, 
les  qualités  des  voix  du  midi  de  la  France ,  comme  ils  ont  les 
défauts  de  ses  habitants,  c'est-à-dire  l'absence  de  constance 
et  de  tenue  dans  l'étude  même  des  beaux-arts ,  et  surtout 
de  l'art  vocal ,  pour  lequel  cependant  ils  ont  les  plus  heu- 
reuses dispositions.  La  ville  de  Toulouse,  par  exemple,  offre 
une  foule  d'ouvriers  doués  d'une  excellente  organisation  mu- 
sicale et  d'une  belle  voix  ,  mais  qui  ne  peuvent ,  ou  plutôt  qui 
ne  veulent  pas  développer  par  l'étude  ces  qualitées  innées, 
et  qui  voguent  à  pleine  voile  sur  cette  mer  sans  rivage  que 
l'on  nomme  la  routine.  La  ville  possède  un  conservatoire  sans 
direction.  Le  ministre  de  l'intérieur  fait  assaut  d'indifférence 
et  de  lésinerie  avec  le  conseil  municipal ,  à  qui  ne  paiera  pas 
un  directeur  pour  cet  élablissement.  L'intelligence  ,  le  véri- 
table amour  de  l'art  et  l'activité  d'un  simple  particulier,  font 
plus  et  mieux  que  cette  machine  entravante ,  rétive  à  tout 
progrès ,  (]u'on  appelle  l'administration.  Le  conservatoire  de 
Bagnère  de  Bigorre,  fondé  par  un  amateur-professeur,  en 
est  la  preuve  vivante  et  chantante  ;  c'est  la  décentralisation 
mu.sicale  se  manifestant  à  deux  cents  lieues  de  la  capitale    et 
venant  y  prendre  ses  titres  de  bourgeoisie  et  ses  lettres  de  na- 
turalisation. Au  reste,  les  quarante  chanteurs  montagnards 
auraient  dû  fraterniser ,  se  faire  affilier,  ou  assister  du  moins 
à  la 

SÉ<«NCE  DE  IHtSIQïJE  CHORALE 
à  la  HaIle-aux-X>raps , 

ET 

D!ST1UBUT10>  DES  PRIX  OBTENUS  PAR  LES  ÉLÈVES  ADllîES 

SCIVAMT   LA    MÉTHODE    WII.IIF.SI. 

Cette  solennlié  musicale  avait  un  aspect  aussi  singulier  qu'in- 
téressant. Présidée  par  MM.  le  maire  du  W  arrondissement, 
ses  adjoints  et  M.  Duguerry,  le  nouveau  curé  de  Sainl-Eusta- 
che,  la  séance  a  commencé  par  un  chœur  de  Spcier  :  Êtrein- 
finiet  Dieu  seulest  grand,  de  Naageli  ;  puis  les  Montagnards, 
de  M.  Panseron,  un  Cantique  de  pèlerins  par  M.  Thys,  Cris- 
tophc-Colomb  par  M.  Hubert,  la  Garde  passe,  de  Grétry,  et 
enfin  un  chœur  de  soldats  de  l'opéra  de  Sarah,  par  M.  Gri- 
far,  ont  été  exécutés  ensuite.  Ce  dernier  morceau,  et  surtout 
celui  de  M.  Hubert,  ont  été  le  mieux  dits,  du  moins  avec 
plus  de  justesse  ,  chose  qu'on  ne  saurait  trop  louer  dans  un 
ensemble  de  voix ,  car  c'est  la  pierre  de  touche  de  toute  mu- 
sique chorale  sans  accompagnement. 

Ce  concert  a  été  précédé  d'une  allocution  paternelle  et  fra- 
ternelle ,  prononcée  par  M.  le  maire,  dans  laquelle  il  a  féli- 
cité les  ouvriers  sur  leur  zèle,  leur  assiduité  ,  leur  exactitude 
à  suivre  le  cours  de  chaut  de  la  méthode  M'iihem,  qui  a  tout 
simplement  créé  l'instiintiou  musicale  la  plus  uiile  qu'ait  eue 
la  France  jusqu'à  ce  jour,  et  que  Al.  Hubert  ,  son  élève ,  et 
de  dévoués  répétiteurs  ,  étendent,  propagent  tous  les  jours 
avec  un  noble  dévouement,  et  dans  l'intérêt  de  la  civilisation 
de  la  classe  ouvrière  de  Paris.  La  capitale  ne  compte  pas 
moins  de  sept  mille  élèves  des  deux  sexes  qui  suivent  les 
cours  de  cet  enseignement  musical ,  que  l'Université ,  comme 
on  sait,  a  eu  le  bon  esprit  d'adopter  comme  devant  faire  par- 
tie de  l'enseignement  primaire. 

Le  cours  de  la  Halle-aux-braps  est  destiné  seulement  aux 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


adultes  hommes  ;  ils  suivent  aussi  des  cours  de  grammaire  et 
d'arithmétique.  Les  ouvrages  qui  leur  ont  été  donnés  en  prix 
pour  ces  diverses  branches  d'enseignement ,  ainsi  que  pour 
celui  de  la  musique  ,  ont  été  fournis  par  le  roi,  la  reine  ,  le 
prince  royal ,  les  ministres.  Ces  prix  de  la  capacité,  du  zèle, 
sont  accordés  à  la  pluralité  des  voix  par  les  élèves  eux-mêmes 
qui  désigiient ainsi,  par  l'élection,  les  plus  capables  :  c'est  le 
vote  libre  ;  c'est  la  république  dans  la  musique,  et  par  consé- 
quent l'harmonie  sociale  sans  qu'aucunes  dissonances  de  mau- 
vaises passions  viennent  en  entraver  la  marche.  Cette  justice 
distributive  parmi  des  égaux  est  saluée  ,  corroborée  par  des 
hourras ,  des  applaudissements  distribués  largement,  ou  avec 
une  spirituelle  parcimonie,  à  ceux  qui  en  ont  plus  ou  moins 
mérité  les  marques,  el  ils  reçoivent  aussi  ces  récompenses  avec 
un  juste  orgueil  ;  et  ce  sont  des  cordonniers  ,  des  ciseleurs, 
des  graveurs  ,  des  commis,  des  coiffeurs,  des  logeurs,  des 
employés,  des  hommes  enfin  exerçant  des  professions  infimes 
ou  inconnues  qui  se  moralisent  et  se  civilisent  par  l'étude  et 
l'exercice  de  l'art  musical.  "Voilà  l'institution  que  Bocquillon 
Wilhem ,  l'ami  de  Béranger,  a  fondée  et  maintenue  au  milieu 
de  nos  troubles  politiques,  de  nos  guerres  civiles,  et  de  nos 
essais  d'émancipation  sociale.  Cette  fondation  artistique  et 
vraiment  philanthropique  a  déjà  donné  à  Wilhem  des  titres 
à  la  reconnaissance  publique ,  titres  qui  valent  bien  ceux 
d'un  ministre  qui  fait  rendre  à  l'impôt ,  par  des  subterfuges 
législatifs  et  par  la  violence,  tout  ce  qu'il  peut  produire,  ou 
ceux  d'un  général  qui  crée  une  tactique  pour  les  éventualités 
de  batailles  à  livrer  dans  les  rues  contre  ses  concitoyens.  Si 
Wilhem  ne  peut  prétendre  à  figurer  dans  l'histoire  à  côté  des 
Montrevel,  des  Laubardemont,  des  Terrai,  son  nom  figurera 
parmi  ceux  de  l'abbé  de  l'Épée,  de  Sicard ,  de  Valentin 
Haiiy  et  de  Pestalozzi. 

Henri  Blanchard. 


liflPROTISATIOnJS  JflELAA'COLIQVES. 

lïessîn  de  Gavarni. 

Ah!  oui,  bien  mélancoliques  ,  s'il  faut  en  juger  sur  la 
figure  de  l'improvisateur.  Cet  homme  est  réellement  noyé 
dans  son  chagi-in  ,  perdu  dans  sa  douleur,  et  j'oserais  affir- 
mer qu'il  s'ennuie  lui-même  !  !  !  Que  voulez-vous?  il  a  son 
excuse  toute  prête  :  il  est  mélancolique  !  Vous  rappelez-vous 
un  vaudeville  de  Scribe  et  compagnie,  intitulé  Y  Ennui?  Dans 
le  couplet  d'annonce ,  car  on  en  faisait  alors  ,  les  auteurs  pré- 
venaient le  public  qu'il  ne  serait  pas  en  droit  de  se  plaindre, 
si  la  pièce  tenait  ce  que  promettait  l'affiche.  La  pièce  fit  rire 
et  le  public  se  plaignit  encore  moins.  Je  souhaiterais  pareille 
réussite  à  l'improvisateur  mélancolique. 


nOTJTEIalaBS. 

?  *,*  Aujourd'liui  dimanche,  par  extraordinaire,  à  l'Opéra,  le 
Freysckûlz  tlla  Péri.  —  Demain  lundi ,  la  Favorite. 

'^'  M"»  Carloita  Grisi  a  fait,  vendredi,  sa  renlrée  par  le  rôle  si 
eharmrnt  et  si  gracieux  de  Giselte.  La  danseuse  a  été  reçue  comme 
elle  devait  l'être,  après  quelques  mois  d'absence  que  ses  amis  et  le 
public  ont  trouvés  bien  longs. 

•,*  La  première  représentation  d'Othello  n'aura  pas  lieu  cette 
semaine. 

E  *.*  La  Cour  royale  a  confirmi  le  jugement  rendu  en  première  in- 
stance dans  l'affaire  de  M.  Léon  Pillet,  directeur  de  l'Académie  royale 
de  musique,  contre  M.  Robin,  locataire  d'une  loge  à  ce  théâtre.  Il  est 
donc  bien  entendu  qu'un  directeur  a  le  droit  de  louer  ses  loges  soit 


à  l'année,  soit  au  jour,  selon  que  son  intérêt  le  demande,  et  que  la 
possession  d'un  locataire  ne  lui  constitne  pas  un  titre,  dont  il  ne 
puisse  être  dépouillé  que  lorsqu'il  y  renonce  lui-même. 

*,"  Le  directeur  de  l'Opéra-Comique,  M.  Crosnier,  vient  d'offrir 
les  entrées  à  son  théâtre  à  trois  jeunes  élèves  du  Conservatoire ,  qui 
ont  obtenu  des  nominations  dans  le  dernier  concours  :  M""  Morize, 
Morange  et  Lcelerc. 

".'  On  lit  dans  Y  Indépendance  belge  du  23  :  La  première  repré- 
sentation de  la  Heine  de  Chypre,  de  M.  Halévy,  a  eu  lieu  avant-hier 
avec  un  grand  succès. 

*,*  Le  Théâtre-Italien  rouvrira  le  mardi  1"  octobre.  La  troupe  ne 
compte  que  deux  artistes  nouveaux,  M""  Manara,  qui  remplace 
Sf^Nissen,  etM.Tagliafico.  Les  petites  loges  sur  le  théâtre  qui  ne  ser- 
vaient qu'au  directeur  et  aux  artistes  ont  été  converties  en  loges,  qui 
se  loueront  comme  les  autres.  Le  directeur  ne  s'en  réserve  que  deux, 
l'une  pour  lui  et  l'autre,  qui  sera,  dit-on  ,  partagée  entre  M""^  Grisi 
et  l'ersiani.  Le  premier  ouvrage  qu'on  annonce  est  Oiello  :  jusqu'ici 
aucune  nouveauté  ne  figure  sur  le  programme. 

%*  Saivi  ne  fera  pas  partie  de  la  troupe  italienne  de  Paris  pendant 
la  prochaine  saison.  Après  avoir  accompli  la  tournée  qu'il  doit  faire 
avec  M""^  Persiani  dans  les  divers  comtés  de  l'Angleterre,  il  se  rendra 
en  Russie,  oVi  l'appelle  un  engagement  pour  le  Théâtre-Impérial  de 
Moscou,  et  il  y  débutera  le  12  octobre.  Il  est  en  outre  engagé  pour 
l'été  prochain  à  Vienne,  ainsi  que  M""  Persiani,  qui  par  conséquent 
renonce  pour  celle  saison  au  théâtre  de  Londres. 

*,"  Campagnoli,  qui  a  chanté  pendant  plusieurs  saisons  auThéâtre- 
Ilalien  de  Paris,  vient  de  mouriren  Italie,  à  l'âge  de  cinquante  ans. 

*,'  M""  Miro-Camoin  ,  la  charmante  actrice  el  cantatrice,  que 
Paris  regrette  toujours  et  qui  a  si  bien  créé  le  rôle  d'Henriette  dans 
Y  Eclair,  vient  de  se  montrer  deux  fois  dans  Y  ambassadrice,  c'est- 
à-dire  d'y  obtenir  un  double  succès.  Depuis  qu'elle  nous  a  quittés, 
5Ime  Miro-Camoin  a  fait  des  progrès  immenses  :  sa  voix  d'une  sou- 
plesse et  d'une  agilité  merveilleuse  est  toujours  éminemment  sym- 
pathique :  elle  a  le  don  de  toucher  et  d'éblouir  à  la  fois.  Son  passage 
à  Paris  laissera  un  brillant  souvenir,  car  la  célèbre  artiste  nous 
quitte  encore  pour  se  rendre  à  Toulouse,  où  elle  est  impatiemment 
attendue. 

•/  JM.  Garcin-lîrunet,  élève  du  Conservatoire,  qui  s'est  toujours 
distingué  par  S'.n  intelligence ,  et  qui ,  cette  année,  a  obtenu  un  ac- 
cessit, est  engagé  à  l'Opéra-Comique,  ainsi  que  ses  camarades,  Chaix 
et  Gassier.  Il  débutera  dans  le  rôle  de  Rica,  du  Jl/açon  ,  dont  les  ré- 
pétitions sont  reprises. 

*,*  Le  Jeune  Renaud  de  Wilback,  à  qui  l'Institut  vient  de  décer- 
ner le  second  premier  grand  prix  de  composition  musicale,  est,  ainsi 
que  M.  Massé,  qui  a  obtenu  le  premier,  élève  de  M.  Halévy. 

*,*  Si  l'on  pouvait  douter  de  la  quantité  de  bons  musiciens  ,  de 
virtuoses  remarquables  que  le  Conservatoire  produit  tous  les  ans,  et 
dont  il  peuple  tous  les  orchestres  ,  il  suflirail  de  rappeler  que  le 
petit  orchestre  des  Folies-Dramatiques  possède  à  lui  seul  quatre  in- 
strumentistes, qui  ont  obtenu  des  prix  au  dernier  concours  :  JI .  Gras, 
premier  prix  de  hautbois;  M.Boiilcourl,  premier  prix  de  cor;  M.  Bou- 
ché, premier  prix  de  contrebafse;  et  M.  Sourilas,  second  prix  de  cla- 
rinette. 

*,*  On  exécutera  dimanche  ,  1"  septembre,  dans  l'église  St-Méry, 
une  grande  messe  solennelle  en  musique,  de  M.  Stiegler.  L'orchestre, 
composé  des  premiers  artistes  de  Paris,  sera  dirigé  par  M.  Viret, 
maître  de  chapelle  de  celte  paroisse. 

*/  L'immense  succès  que  Liszt  a  obtenu  à  Marseille  s'est  renou- 
velé dans  toutes  les  villes  qu'il  a  parcourues.  A  Toulon,  à  Nimes,  à 
Montpellier,  partout  où  l'illustre  pianiste  s'est  fait  entendre,  le  plus 
vif  enthousiasme  a  salué  son  admirable  talent.  Les  pianos  dont  Liszt 
s'est  servi  dans  toutes  les  villes  du  midi  ,  sortaient  des  ateliers  de 
MM.  Boisselot  et  fils,  de  Marseille;  ils  ont  parfaitement  secondé  le 
talent  merveilleux  du  musicien.  Ainsi,  tandis  que  le  jury  de  l'expo- 
sition décernait  à  MM.  Boisselot  une  médaille  d'or  pour  la  supério- 
rité de  leurs  pianos  à  queue,  cette  décision  était  pleinement  justifiée 
par  l'approbation  que  ces  instruments  obtenaient  du  premier  pia- 
niste de  l'époque. 

",*  Dimanche  dernier,  une  messe  nouvelle  de  M.  Dietsch,  à  qui 
la  musique  religieuse  doifdéjà  tant  de  services,  a  été  exécutée  à 
St-Roch.  Le  talent  du  compositeur  s'y  est  manifesté  surtout  dans  le 
Credo  el  (iiosY  O  salutaris,  morceaux  d'une  facture  tout  à  fait  remar- 
quable. La  belle  voix  d'Alexis  Dupont  a  dignement  interprété  YAg- 
>nis  Dei,  dont  la  suavité  mélodieuse  s'accordait  à  merveille  avec  les 
qualités  du  chanteur. 


DE  PARIS. 


289 


".*  Le  Corrado  d'^llamura,  de  Ricci,  vient  d'êlre  donné  à  Londres 
avec  un  certain  succès  ,  et  cependant  la  première  représentation  de 
l'ouvrage  en  a  été  la  dernière.  Le  jour  où  l'on  devait  le  donner 
pour  la  seconde  fois,  un  ordre  venu  de  haut  lieu  fît  changer  l'affiche, 
et  l'on  donna  Don  Pasquale  pour  être  agréable  au  prince  Guillaume 
de  Prusse ,  que  l'on  attendait  et  qui  n'est  p;is  venu.  La  clôture  de  ia 
saison  s'est  faite  deux  jours  après  avec  d'anciens  ouvrages. 

*,*  Alexandre  Boucher,  le  célèbre  violoniste,  vient  de  donner  à 
Baden-Baden  un  grand  concert  auquel  assistait  une  nombreuse 
assemblée.  M"=  Zerr,  Cossmann,  le  pianiste  hessois,  M.  W.Schulter, 
et  les  Dislin,  composaient,  avec  M.  Boucher,  les  éléments  d'une 
soirée  qui  a  eu  tout  le  succès  imaginable. 

*."  Alizard,  l'ex-basse-taille  de  l'Académie  royale  de  Musique,  est 
engagé  à  Milan  ,  ainsi  que  son  camarade,  le  ténor  Wartel. 

*.*  Un  des  arlisles  belges  les  plus  distingués ,  Jacques  Bender, 
chef  d'orchestre  de  la  Société  royale  d'Harmonie  d'Anvers,  est  mort 
le  8  de  ce  mois.  Bender  laisse  après  lui  un  nombre  assez  considé- 
rable d'ouvrages,  entre  autres  une  messe  solennelle  que  la  mort  ne 
lui  a  point  permis  d'achever. 

V  Un  capitaine  de  la  marine  anglaise  vient  d'inventer  un  instrn- 
ment  à  vent  d'une  grande  puissance,  et  dont  l'usage  pourra  être 
d'une  égale  utilité  dans  la  navigation  à  vapeur  et  sur  les  chemins 
de  fer.  Cet  instrument,  que  son  inventeur  appelle  téléphone,  se  com- 
pose d'un  assemblage  de  plusieurs  trompettes  que  l'on  enfle  à  l'aide 
de  l'air  comprimé.  Ces  sons  peuvent  être  entendus  à  six  milles  (en- 
viron dix  Itilomèlres)  de  distance.  Il  y  a  un  modèle  portatif  qu'on 
entend  à  quatre  milles.  Cet  utile  instrument  peut  être  employé  pour 
transmettre  des  signaux  ou  des  ordres  dans  un  temps  de  brouillard, 
pour  prévenir  sur  merle  choc  des  bateaux  à  vapeur,  et  pour  em- 
pêcher la  rencontre  des  convois  sur  les  chemins  de  fer. 

V  M-  Glinka,  le  plus  célèbre  compositeur  russe,  qui  a  écrit  plu- 
sieurs opéras  représentés  avec  un  très  brillant  succès  à  St-Péters- 
bourg,  vient  d'arriver  à  Paris  où  il  doit  passer  l'hiver.  Nous  espé- 
rons qu'il  écrira  un  ouvrage  pour  l'Opéra-Comique. 

*,*  On  annonce  qu'une  chapelle  vient  d'être  élevée  à  Elleviou  dans 
le  magnifique  domaine  où  il  s'était  retiré  pour  se  reposer  du  théâtre 
et  du  monde.  On  ajoute  que  le  peintre  a  eu  l'idée  assez  étrange  de 
retracer  sur  les  vitraux  de  cette  chapelle  et  sous  le  costume  de  saint 
Pierre  Elleviou  lui-même,  qui  ne  s'attendait  pas  sans  doute  d'être 
ainsi  canonisé  en  peinture. 

V  Un  homme  de  lettres,  qui  a  donné  beaucoup  de  pièces  au  Vau- 
deville, à  l'Opéra-Comique  et  à  d'autres  théâtres,  M.  Alissan  de 
Cliazet,  vient  de  terminer  sa  carrière.  Sous  la  restauration,  il  avait 
été  pourvu  d'une  recette  en  province  et  nommé  bibliothécaire  de 
Charles  X.  Depuis  longtemps  il  avait  cessé  d'écrire.  Indépendam- 
ment du  talent  d'auteur  et  d'écrivain,  il  possédait  a  un  rare  degré 
celui  de  lecteur,  et  sa  réputation  était  si  bien  établie  à  cet  égard  , 
que  les  comités  de  lecture  avaient  fini  par  le  frapper  d'une  espèce 
d'interdit ,  en  lui  défendant  de  lire  les  pièces  composées  par 
d'autres. 

Cltroniciiie   déiiai'teiitentale. 

*,•  Rouen,  13  ao«(.— Dans  le  concert  donné  au  profit  de  M""  veuve 
Denel  par  les  artistes  et  amateurs  de  la  ville,  M.  Poullier  ,  dont  on 
n'invoque  jamais  en  vain  le  concours  dès  qu'il  s'agit  de  contribuer  à 
une  bonne  action  ,  s'est  montré  admirable  chanteur.  Parfaitement 
secondé  par  M.  Mailliot,  autrefois  son  camarade,  aujourd'hui  profes- 
seur de  chant  en  cette  ville,  il  a  recueilli  autant  de  bénédictions  que 
d'applaudissements.  M"' Lovie ,  qui  remplit  si  bien  l'emploi  des 
dugazon,  M'i'Déjazel,  comme  cantatrice,  MM.  Enghelmann,  frères. 
Chemin  et  M"'  Corret,  comme  instrumentistes,  ont  également  payé 
leur  tribut  de  talent  et  de  bienfaisance. 

—  Nous  possédons  depuis  cinq  mois  un  conservatoire  de  chant  , 
et  M.  le  maire,  pour  prouver  qu'il  avait  sagement  fait  de  protéger 
cette  utile  institution,  a  invitéàune  première  séance  d'exercices  tous 
ses  amis  et  les  amis  des  amis  des  élèves.  Nous  qui  ne  parlons  des 
hommes  et  des  choses  que  sous  le  point  de  vue  artistique,  sans  nous 
occuper  si  l'on  a  bien  ou  mal  fait  de  nommer  sans  concours  M.  Léon 
Marie  directeur  de  cette  école  municipale,  disons  avec  le  public  que 
le  programme  de  dimanche  a  été  très-convenablement  exécuté,  et 
qu'il  faut,  dans  l'intérêt  général,  persister  dans  une  voie  de  progrès, 
sauf  à  prendre  pour  l'avenir  telle  mesure  que  l'expérience  pourra 
suggérpr. 

fi  *,*  Bordeaux,  5  août.  —  La  Société  formée  par  des  artistes  pour 
l'exploitation  de  notre  petit  théâtre  a  cessé  ses  représentations  depuis 
le  premier  de  ce  mois.  C'est  à  ce  moment  que  M.  Toussaint,  le  nou- 


veau directeur,  a  pris  les  rênes  de  l'administration  théâtrale.  Dans 
son  traité  avec  la  ville,  M.  Toussaint  s'est  réser\é  trois  relâches  par 
semaine  pour  notre  grande  scène;  il  pense  tirer  des  avantages  de 
cette  faculté,  puisqu'elle  a  été  l'objet  d'une  stipulation  particulière. 
Jusqu'à  ce  moment,  les  troupes  de  notre  nouvelle  direction  ne  sont 
pas  encore  formées.  On  nous  fait  l'annonce  d'un  effectif  complet  au 
1°'  septembre  prochain  ;  nous  n'avons  pas  longtemps  â  attendre,  et  le 
public  attendra  patiemment  la  réalisation  de  ces  promesses. 

Lyon ,  15  aoûi.  —  M.  Duplan  a  déposé  le  sceptre  de  la  direction 
qu'il  ne  pouvait  plus  tenir  :  il  est  remplacé  par  M.  Fleury,  ex-direc- 
teur des  théâtres  de  Bordeaux  et  de  Piouen.  A  l'exemple  de  AI.  Duf- 
feyte,  M"=  Elian  a  résilié  son  engagement. 

*,"  Pau. —  Les  artistes  du  théâtre  de  Bordeaux,  en  représentation 
ici,  M"""^  Widman,  Duprat,  Arnoux  et  Saint-Denis,  viennent  de  ter- 
miner leurs  représentations.  La  clôture  a  eu  lieu  paria  Blneue  de 
Poriici,  le  duo  de  r.ucie  et  le  grand  air  de  Charles  Kl,  chanté  avec 
talent  par  M""  Widman.  Le  duo  de  Lucie  a  obtenu  le  plus  grand 
succès,  et  les  deux  exécutants,  Duprat  et  Saint-Denis,  ont  été  cou- 
verts d'applaudissements. 

'J"  Bruxelles,  12  aoill.— Des  artistes  et  des  amateurs  de  musique 
se  sont  réunis  samedi  ,  au  nombre  de  soixante  environ,  à  Vhôteldu 
Bélier,  où  ils  ont  offert  un  banque  tau  célèbre  compositeur  allemand, 
M.  Conradin  Kreutzer.  Les  premiers  sujets  de  la  troupe  allemande 
avaient  également  été  invités. 

*„•  Bade.  —  Le  temps  eslsuperbe,  la  ville  se  remplit  de  monde  à 
vue  d'oeil.  Les  réunions  au  Cursaal  sont  très  nombreuses;  il  y  a 
cohue.  On  fait  des  excursions  au  vieux  château,  au  Fremersberg,  à 
la  maison  de  chasse  ,  etc.  On  assure  que  le  premier  concert  de 
MM.  Rosenhain  et  Panofka  a  rapporté  2,000  francs  :  le  prix  du  billet 
était  de  10  francs.  On  joue  quatre  fois  par  semaine  dans  la  petite 
salle  de  spectacle .-  on  ne  donne  que  des  comédies  et  de  petits  opéras. 
Les  bals  et  les  concerts  ne  manquent  pas.  Près  de  Bade  il  y  a  un 
couvent  pour  dames  nobles,  qui  forment  entre  elles  un  orchestre 
complet  :  dans  le  nombre  se  trouvent  des  virtuoses  sur  la  trompette 
et  sur  d'autres  instruments  à  vent.  Panofka  s'est  fait  entendre  à  une 
soirée  chez  la  princesse  Stéphanie.  Distin  et  sa  famille  ont  beau- 
coup de  succès. 

Fienne.  —  La  clôture  du  Théâtre-Italien  vient  d'avoir  lieu  :  la  sai- 
son a  été  des  plus  malheureuses.  Les  chanteurs  nouvellement  enga- 
gés ont  aussi  peu  réussi  que  les  opéras  nouveaux  qu'ils  avaient 
choisis  pour  leurs  débuts.  L'Opéra-Allemand  vient  de  rouvrir  sous 
de  tristes  auspices.  Il  parait  que  M'""  Lutzen  Dingelstedt  nous  a 
quittés  pour  toujours;  le  retour  de  M.  Staudigl  est  également  pro- 
blématique. Nous  attendons  avec  anxiété  M»'  Hasselt.  M.  Proch 
vient  de  terminer  iin  nouvel  opéra  dans  lequel  M"»=  Stoeckl  Hei- 
nefetter  aura  le  rôle  principal. 

*,*  Dresde.  —  On  a  donné  un  grand  concert  au  bénéfice  des  pau- 
vres, sous  la  direction  de  Fiichard  Wagner,  maître  de  chapelle.  Outre 
la  symphonie  pastorale  de  Beethoven,  et  la  Première  IS'uii  de  IVal- 
purgis  ,  de  Mendeissohn  ,  on  y  a  exécuté  une  ouverture  de  M.  Wag- 
ner pour  la  première  partie  de  Faust. 

—  M.  Alexis  Lvoff,  aide-de-camp  de  l'empereur  de  Russie,  le 
compositeur  d'ouvrages  très  remarquables  pour  le  violon,  et  de 
l'hymne  national  devenu  si  populaire  en  Russie  et  en  Allemagne, 
a  donné  dans  la  belle  salle  de  son  hôtel  un  grand  concert  sous  la  di- 
i-ection  de  M.  Reissiger,  auquel  il  avait  convié  le  monde  fashionable. 
On  y  a  exécuté  les  morceaux  d'ensemble  de  son  opéra  Bianca  et 
Gualiiiro,  qui  a  obtenu  un  succès  tel,  que  la  direction  du  Théâtre- 
Royal  l'a  prié  de  lui  en  remettre  la  partition  pour  faiie  représenter 
cet  ouvrage  l'hiver  prochain.  Dans  la  seconde  partie.  M.  Lvoff  a  exé- 
cuté lui-même  un  adagio  deSpohr,  et  avec  M.  Kummer,  son  duo 
caractéristique  avec  violoncelle  :  le  Duel.  A  la  fin  du  concert  on  a 
chanté  l'Hymne  russe,  qui  a  été  redemandé.  C'e|(  un  grand  succès 
que  celui  qu'a  obtenu  M.  Lvoff  dans  une  des  villes  les  plus  musicales 
de  l'Allemagne. 

'/  Berlin.  —  M"=  Sophie  Loewe  a  refusé  l'engagement  qu'on  lui 
avait  ofifert  pour  la  saisun  d'hiver  prochain  ;  au  mois  de  février,  elle 
donnera  ici  quelques  représentations. 

*.*  Hambourg.  — he  célèbre  chanteur,  Tichatscheck,  a  obtenu  un 
succès  d'enthousiasme,  en  chantant  le  rôle  de  Georges  Brown  dans 
la  Dame  blanche,  et  celui  d'Éléazar,  dans  la  Juive. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maubick  SCHLESINGER. 


290 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


En  vente  chez  MAURICE  SCHLESINGER ,  97,  rue  Richelieu. 

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MAUniCE  BOURGES,  F.  DANJOD,  DUESBERG,  FÉTIS  père,  Édouabd  FÉTIS,  Stephen  HEILER ,   J.  JANIN 

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l>e   l*'   et   le    IS  de  chaque  mois  on   recevra  an  morceau   de  mnsiqne* 


SOMMAIRE.  Troisième  lettre  à  M.  Zimmcrman  ;  par  FÉTIS  père. 
—  Revue  critique;  par  H.  BLAIMCBARD.  —  Nouvelles.  — 
Annonces. 

UNE  DAME  DE  CHCœUR.  Dessin  deGavarni. 


troisième  Cf ttre  d  ill.  Simmcrmon. 

Bruxelles,  12  août  1844. 
Ami, 

u  m'as  accordé  le  principe  de  la  tonalité  tel 
que  je  l'ai  établi;  il  m'a  suffi  de  le  prendre 
pour  appui  dans  l'examen  des  questions  qui 
divisent  nos  opinions.  Mais  une  autre  criti- 
que, qui,  comme  loi,  a  choisi  la  France 
mtisicale  pour  organe,  me  dénie  ce  principe  au  point  de  vue 
où  je  me  suis  placé  :  tu  comprends  qu'avec  lui  la  discussion 
doit  être  plus  laborieuse.  Ce  critique  a  publié  trois  articles 
intitulés  :  Sur  le  principe  philosophique  du  système  d'har- 
monie de  M.  Fétis ,  et  les  a  signés  du  nom  d'Azevedo.  Ce 
nom  m'était  auparavant  inconnu  ;  les  renseignements  que  j'ai 
demandés  depuis  lors  ont  été  sans  résultat.  Aucune  des  per- 
sonnes à  qui  je  me  suis  adressé  ne  connaissait  M.  Azevedo. 
J'ai  fini  par  me  persuader  que  mon  critique  était  un  pseudo- 
nyme. Au  surplus  ,  cela  est  de  peu  d'importance  ,  car  il  ne 
s'agit  pas  delà  personne,  mais  de  ses  opinions. 

Tu  te  souviens  sans  doute  que  dans  une  lettre  qui  me  fut 
écrite  par  M.  Barbereau,  à  l'occasion  du  cours  que  j'ai  fait  à 
Paris  au  mois  de  février  dernier ,  pour  exposer  ma  nouvelle 
théorie  de  l'harmonie ,  ce  professeur  me  faisait  l'objection 
suivante,  entre  plusieurs  autres:  "  On  aurait  désiré,  monsieur, 
1)  de  votre  esprit  investigateur,  quelques  recherches  analyti- 
1)  ques  sur  la  place  occupée  par  les  demi-Ions  dans  la  gamme, 
»  plutôt  que  de  vous  entendre  accepter  celle-ci  comme  un  fait 
»  indémontrable.  «  Tu  te  souviens  aussi  qu'au  résumé  ma  ré- 


ponse fut  que,  s'il  ne  s'agissait  que  de  démontrer  la  nécessité 
de  la  position  de  ces  demi-tons  pour  la  constitution  de  la  to- 
nalité, sous  les  rapports  harmoniques  et  mélodiques,  rien  ne 
serait  plus  facile  ;  mais  qu'il  ne  nous  est  pas  donné  de  con- 
naître le  principe  absolu  qui  a  fait  la  gamme  dans  cette  forme. 
CeL>e  gamme  ,  disais-je,  nous  en  saisissons  les  rapports  pra- 
tiques par  une  conséquence  de  notre  conformation  ;  nous  en 
avons  conscience  ;  elle  est  en  nous  l'idée  complète  de  la  to- 
nalité comme  est  celle  d'un  triangle  en  générai  pour  un  corps 
qui  a  trois  côtés ,  quelle  qu'en  soit  la  forme  ;  mais  nous  ne 
pouvons  aller  au-delà. 

J'examinerai  quel  sens  M.  Azevedo  a  donné  à  mes  paroles 
et  les  conséquences  (ju'il  en  a  tirées;  mais  obligé  d'aborder 
pour  ce  sujet  des  questions  qui  ne  sont  pas  familières  aux  mu- 
siciens, je  vais  essayer  ,  cher  Ziramerman  ,  d'exposer  aussi 
brièvement  que  je  pourrai,  et  de  la  manière  la  plus  simple 
possible,  les  systèmes  principaux  qui  concernent  la  connais- 
sance que  nous  avons  de  nous-mêmes  ,  des  actes  de  notre 
entendement ,  et  des  impressions  produites  sur  nous  par  les . 
objets  extérieurs. 

Deux  de  ces  systèmes  remontent  à  une  haute  antiquité.  Le 
premier,  dont  les  écrits  de  Platon  nous  offrent  le  développe- 
ment le  plus  complet,  suppose  que  Dieu  a  doué  l'homme,  en 
naissant,  d'un  certain  nombre  d'idées  primitives  qui  sont  le 
principe  de  la  connaissance,  etquionten  elles  toute  la  réalité 
des  choses  créées.  L'autre  système ,  dont  la  Métaphysique 
d'Aristoie  est  la  plus  ancienne  exposition  analytique  ,  a  pour 
principe  fondamental  que  l'origine  des  connaissances  humai- 
nes réside  dans  les  perceptions  des  sens  ,  et  qu'il  n'y  a  rien 
dans  l'intelligence  qui  n'y  soit  venu  par  ces  perceptions  {Nihil 
est  in  inteclletu  quod  non  prius  fuerit  in  sensu). 

La  première  de  ces  doctrines ,  renouvelée  et  modifiée  en 
Orient,  dans  les  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne,  s'y  main- 
tint longtemps;  l'autre,  devenue  dans  le  moyen-âge  la  philo- 
sophie des  écoles  de  l'Europe ,  y  subit  des  interprétations  et 


BUREAUX   D'ABONNEniEKrT,    B.UE   RICHEIIEU,   97. 


292 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


des  altérations  diverses  dont  je  n'ai  point  à  l'entretenir  pour 
l'objet  qui  nous  occupe. 

Je  me  hâte  d'arriver  à  Bacon  ,  chancelier  d'Angleterre , 
qui,  dans  les  premières  années  du  dix-septième  siècle,  établit 
que  nos  connaissances  ne  peuvent  trouver  de  base  certaine 
que  dans  l'observation  de  la  nature.  Or  ,  l'ouïe  ,  la  vue,  le 
toucher,  etc. ,  étant  les  seuls  moyens  qui  nous  soient  donnés 
pour  observer  la  nature  ,  cette  doctrine  met  dans  le  témoi- 
gnage des  sens  le  principe  de  la  certitude  en  toutes  choses ,  et 
par  là  établit  un  dogmatisme  plus  absolu  que  celui  d'Arislole. 
On  donne  au  système  de  philosophie  qui  attribue  aux  sens  un. 
si  grand  rôle  dans  nos  connaissances  le  nom  de  sensualisme. 
Plusieurs  hommes  de  grand  mérite  ont  développé  cette 
théorie  ;  mais  celui  qui  lui  a  donné  le  plus  de  partisans  a  été 
Locke,  qui,  vers  la  fin  du  dix-septième  siècle,  a  écrit  un  livre 
sur  la  nature  de  l'esprit ,  dans  lequel  il  a  prétendu  prouver 
qu'il  y  a  deux  sources  du  savoir  humain,  à  savoir,  la  sensation 
et  la  réflexion.  Celle-ci  conduit  à  comparer,  raisonner  ,  abs- 
traire, composer,  associer  ou  combiner  les  éléments  qui  déri- 
vent de  la  sensation  ;  mais,  dit-il,  ces  facultés  n'ajoutent  rien 
à  la  connaissance  acquise  par  elle. 

Le  sensualisme  atteignit  ses  dernières  conséquences  entre 
les  mains  de  l'abbé  de  Condillac  ;  car  la  mémoire,  la  compa- 
raison ,  les  idées  mêmes  et  l'imaginalion  ,  ne  sont  dans  ses 
écrits  que  la  sensation  transformée.  «  L'oreille,  dit-il,  est  or- 
»  ganisée  pour  saisir  un  rapport  déterminé  entre  un  son  et  un 
»  ton.  Ses  fibres  semblent  se  partager  les  vibrations  des  corps 
»  sonores.  Elle  peut  entendre  plusieurs  sons  à  la  fois  et  eu 
»  sentir  exactement  les  relations  (1).  »  Suivant  Condillac  , 
les  rapports  harmonieux  des  sons  font  naître  le  plaisir  de  l'o- 
reille; les  rapports  discordants  sont  pour  elle  une  cause  de 
douleur.  Les  expériences  réitérées  de  cessensations  lui  don- 
nent la  mémoire,  et  de  celle-ci  procèdent  le  désir  d'entendre 
des  sons  en  rapport  harmonieux ,  et  la  crainte  du  retour  des 
sonsdiscortîants.  De  plus,  en  comparantces  sensaiions,  l'oreille 
ne  les  perçoit  pas  seulement  d'une  manière  passive ,  elle  en 
porte  un  jugement.  Tu  vois,  ami,  que  voilà  toutes  les  opéra- 
tions de  l'intelligence  transportées  dans  l'organe  de  l'ouïe. 
Des  phénomènes  analogues  se  manifestent  dans  les  organes  de 
l'odorat,  de  la  vue,  etc.  Telle  a  été  la  doctrine  philosophique 
admise  généralement  en  France  dans  toute  la  seconde  moitié 
du  dix-huitième  siècle  et  jusqu'à  la  fin  de  l'empire. 

D'autre  part,  Descaries  avait  établi,  vers  le  milieu  du  dix- 
septième  siècle,  que  toutes  nos  connaissances  ne  viennent  pas 
exclusivement  des  sens  ,  et  que  la  certitude  de  ces  connais- 
sances ne  peut  se  trouver  que  dans  la  pensée  ,  car  la  pensée 
peut  tout  mettre  en  question  et  douter,  de  la  réalité  de  toute 
chose,  excepté  d'elle-même,  puisque  douter  c'est  penser.  Or, 
la  pensée  nous  est  donnée  par  la  conscience  :  la  philosophie 
de  Descartes  consiste  donc  en  une  méthode  pour  la  recher- 
che de  la  vérité  et  de  la  certitude  denos  connaissances  en  vertu 
des  actes  de  la  conscience  ,  certitude  dont  il  formule  ainsi 
l'axiome  fondamental  :  je  pense ,  donc  je  suis.  La  doctrine  de 
Descartes  est  l'origine  du  rationalisme  moderne,  et  l'opposé 
absolu  du  sensualisme. 

Leibnitz,  homme  d'une  vaste  intelligence  et  savant  univer- 
sel ,  qui  en  critiqua  avec  force  certaines  parties  qui  n'ont 
point  de  rapport  avec  le  sujet  qui  nous  occupe ,  en  adopta 
cependant  les  principes  fondamentaux  en  ce  qui  concerne  la 
pensée,  et  donnant  à  l'intelligeuce  une  activité  indépendante, 
poussa  le  rationalisme  jusqu'à  l'idéalisme  ;  car  le  réformateur 
de  la  philosophie  moderne,  Kant,  lui  a  même  reproché  d'avoir 


il)ÏV, 


i.saiions,  preiiiii're  partie,  chapitre  XIII. 


intellectualisé  la  sensation.  A  l'axiome  fondamental  du  sensua- 
lisme :  il  n'y  a  rien  dans  l'intelligence  qui  n'ait  été  d'abord 
dans  les  sens,  il  répondait  :  excepté  l'intelligence  et  ses  actes. 
De  là  vient  qu'au  lieu  de  borner  la  musique  à  de  simples  sen- 
sations, il  dit  positivement  :  la  musique  est  un  calntl  secret  que 
r  âme  fait  à  son  insu;  transportant  ainsi  le  plaisir  que  procure 
cet  art  dans  l'appréciation  intellectuelle  des  rapports  des  sons. 
Wolf,  professeur  allemand  venu  après  Leibnitz,  développa  sa 
doctrine  dans  de  volumineux  écrits  ,  et  l'idéalisme  devint  la 
philosophie  de  toute  l'Allemagne,  comme  te  sensualisme  était 
celle  de  la  France. 

Ainsi  que  tu  le  vois,  cher  Zimmerman,  ces  deux  doctrines 
opposées  se  sont  maintenues  en  présence  l'une  de  l'autre  depuis 
l'antiquité  jusqu'à  la  fin  du  dix-huitième  siècle. 

Tel  était  l'état  des  choses  lorsqu'un  professeur  de  philoso- 
phie de  Kœnigsberg  ouvrit  tout-à-coup  (en  1781)  une  carrière 
nouvelle  à  la  philosophie ,  par  l'examen  le  plus  approfondi 
qui  eût  jamais  été  fait  des  forces  et  de  la  portée  de  l'organe 
intellectuel.  Dans  son  livreintitulé  Critique  de  la  raisonpiere, 
Kant  distingue  l'objet  de  la  connaissance  (l'être  extérieur)  du 
sujet  qui  connaît  (l'homme)  ;  il  désigne  celui-ci  sousienomde 
moi,  et  l'objet  de  la  connaissance  sous  celui  de  non-moi;  ap- 
pelant aussi  objectif,  ou  matière  de  la  connaissance,  les  élé- 
ments particuliers  fournis  par  les  objets  du  monde  extérieur , 
et  subjectif,  ou  formes  de  la  connaissance ,  les  lois  générales 
où  la  raison  s'élève  à  l'occasion  de  ces  éléments.  Or,  on  ne 
saurait  abstraire  du  non-moi ,  c'est-à-dire  des  éléments  par- 
ticuliers fournis  par  les  choses  extérieures ,  les  lois  générales 
qui  n'y  sont  point  contenues  :  celles-ci  n'existent  que  dans  le 
moi.  Dans  cette  proposition  :  il  faut  une  cause  à  l'univers, 
il  est  évident  que  l'univers  ne  nous  fournit  pas  la  notion  de 
cause,  mais  seulement  celle  deVêlrc  :  l'idée  de  cause  ne  vient 
donc  que  du  moi,  c'est-à-dire  de  l'intelligence.  L'être  n'est 
donc  que  l'occasion  qui  détermine  notre  esprit  à  remonter  à 
la  nécessité  d'une  cause.  Telles  sont  en  général  les  fonctions 
des  sensations,  d'une  part,  et  delà  raison,  de  l'autre. 

Mais,  dit  Kant,  nous  ne  savons  ce  que  sont  les  choses  en 
elles-mêmes;  nous  ne  les  connaissons  que  par  leurs  phéno- 
mènes, par  leurs  apparences  ;  et ,  bien  que  les  opérations  de 
notre  esprit  à  leur  occasion  aient  une  réalité  incontestable  par 
rapport  à  nous ,  elles  ne  nous  donnent  aucune  certitude  à 
l'égard  des  objets  extérieurs.  Nous  n'avons,  nous  ne  pouvons 
avoir  la  preuve  de  l'existence  réelle  de  ceux-ci. 

Ici  est  le  vice  radical  de  la  métaphysique  de  Kant.  Ne  tenant 
aucun  compte  de  la  conscience,  et  nous  représentant  comme 
incessamment  soumis  aux  illusions  des  sens,  et  hors  d'état 
d'acquérir  la  certitude,  si  ce  n'est  à  l'égard  de  nos  facultés 
intellectuelles,  ce  philosophe  tombe,  en  ce  qui  concerne  le 
monde  physique,  dans  le  scepticisme  qu'il  reprochait  à  Hume 
sous  le  rapport  de  la  morale  II  ne  sauve  même  celle-ci  du 
naufrage  de  toute  réalité  qu'en  supposant,  par  une  inconsé- 
quence évidente,  l'existence  absolue,  incontestable  ,  de  la  loi 
I  du  devoir  envers  un  monde,  qui,  selon  la  rigueur  de  ses  prin- 
cipes, ne  serait  qu'une  chimère. 

L'inconséquence  des  principes  qui  a  été  reprochée  à  Kant 
par  les  critiques  et  par  les  historiens  de  la  philosophie  se 
manifeste  en  plusieurs  points  do  sa  doctrine.  Par  exemple, 
en  parlant  de  la  musique  ,  il  annonce  cette  singulière  propo- 
sition (Ij  :  A  l'égard  du  sens  vital  de  l'ouïe,  il  est  non  seule- 
»  ment  en  mouvement  avec  une  vivacité  et  une  variété  inex- 
»  primables  ,  mais  encore  fortifié  par  la  musique ,  qui  est  un 
»  jeu  régulier  des  affections  de  l'âme,  et  un  langage  dépures 

(1)  Anthropologie,  3'  édition  de  Kœnigsberg. 


DE  PARIS. 


293 


«sensations,  sans  aucune  idée  inteUectuelle.  »  Une  telle 
proposition  est  un  relour  complet  au  sensualisme.  Kant ,  bien 
qu'étranger  à  la  musique ,  par  sou  organisation  et  par  ses 
habitudes,  aurait  dû  savoir  cependant  que  les  sens  ont  né- 
cessairement entre  eux  de  certains  rapports ,  que  ces  i-ap- 
ports  ne  peuvent  être  appréciés  que  par  l'intelligence  ,  que 
l'ouïe  ne  transmet  h  celle-ci  que  les  éléraeiils  ou  la  matière 
du  jugement  à  porter  sur  ces  rapports;  enfin,  que  si  ce  ju- 
gement n'émanait  de  l'intelligence ,  il  n'y  aurait  ni  harmonie, 
ni  discordance ,  ni  bonne  ni  mauvaise  musique  ,  ni  même  de 
musique  quelconque  possible.  Non  seulement  Herder,  Ja- 
cobi ,  Eberhardt,  Bouterweck  et  les  autres  antagonistes  de 
Kant,  s'élevèrent  avec  force  contre  son  erreur  à  ce  sujet; 
mais  ses  partisans  mêmes ,  tels  que  Wichaclis ,  Heydenreich , 
Heusinger  et  Pœlilz  l'abandonnèrent  sur  ce  point ,  et  firent, 
des  principes  fondamenlaux  de  sa  doctrine ,  une  application 
directe  à  la  musique  qu'on  était  en  droit  d'attendre  de  lui- 
même  (1). 

Ami ,  jusqu'ici  je  t'ai  entretenu  de  systèmes  qui  n'ont  pour 
objet  que  de  déterminer  les  rapports  du  moi  avec  le  non-moi, 
c'est-à-dire  de  l'homme  avec  ce  qui  est  en  dehors  de  lui , 
ou,  comme  disent  les  philosophes  de  l'école  allemande,  du 
subjectif  et  de  l'objectif.  A  part  quelques  difficultés  résul- 
tant d'une  certaine  obscurité  du  langage  philosophique ,  le 
simple  bon  sens  suffit  pour  pénétrer  le  sens  de  ces  systèmes  , 
et  pour  en  suivre  la  progression.  Kant,  lui-même,  malgré  le 
pédantisme  de  sa  terminologie  et  les  formes  embarrassées  de 
son  style,  n'exige  qu'un  peu  plus  d'attention  pour  être  bien 
compris.  Mais  après  lui  commença  en  Allemagne  une  philo- 
sophie plus  élevée,  et  en  même  temps  plus  obscure,  qui  se 
proposa  de  prendre  pour  objet  de  ses  investigations ,  non 
l'homme  dans  les  rapports  qui  limitent  sa  liberté  et  son  acti- 
vité, mais  l'homme  en  lui-même  dans  la  portée  illimitée  de 
sou  intelligence.  Cette  philosophie ,  oià  le  moi  se  prend  pour 
objet,  est  toute  hérissée  de  problèmes  qui  renferment  des  con- 
li'adictions  appelées  antinomies.  Elle  est  désignée  comme 
idéale  et  transcendante,  c'est-à-dire  comme  explorant  des 
régions  de  l'intelligence  supérieures  à  celles  du  sens  com- 
mun. Son  but  est  la  détermination  d'un  certain  nombre  de 
notions  primitives,  absolues,  inconditionnelles.  Dans  cet 
exercice  ,  l'esprit  ne  peut  mesurer  lui-même  ses  forces  et  sa 
portée  que  par  de  laborieux  efforts,  dont  les  hommes  habi- 
tués aux  études  philosophiques  sont  seuls  capables.  Je  serai 
aussi  bref  que  possible  sur  ce  qui  a  été  tenté  à  cet  égard  par 
les  successeurs  de  Kant. 

Le  plus  célèbre  des  successeurs  immédiats  de  cet  illustre 
philosophe  est  J.-G.  Fichte,  professeur  de  philosophie  à  léna, 
puis  à  Berlin  ,  mort  en  1814.  Persuadé  que  Kant  avait  pris 
l'intelligence  humaine  à  un  degré  inférieur  à  sa  portée ,  bien 
qu'il  lui  attribuât  des  idées  générales  et  nécessaires  d  priori, 
il  se  proposa  de  recommencer  l'examen  des  facultés  de  la 
raison,  en  lui  supposant ,  antérieurement  aux  faits  d'expé- 
rience ,  de  certaines  idées  primitives  qui  ne  relèvent  d'au- 
cune science.  Cet  examen  fut  l'objet  de  son  livre  intitulé  : 
Doctrine  de  la  science;  doctrine  qui  est,  dit-il,  la  plus 
élevée  de  toutes  les  sciences  ,  et  dont  le  principe  est  indé- 
pendant. 

La  prétention  de  Ficbte  est  d'établir  la  réalité  des  actes 
primitifs  de  l'esprit ,  qui  se  pose  lui-même,  et  s'examine. 
Ainsi,  au  lieu  de  chercher  cothme  Kant,  dans  des  causes 
extérieures,  les  notions  de  l'espace  et  du  temps,  il  veut  dé- 


(1)  Voir  mes  recherches  sur  Venu  actuel  de  l'Esihéiique  musicale, 
dans  la  Gazeiie  musicale  de  Paris,  année  1 S38,  pages  45  et  suiv. 


montrer  que  ces  notions  se  trouvent  dans  le  moi ,  indépen- 
damment d"  toute  perception  ;  et  l'on  voit  qu'il  ne  doute  pas 
d'être  parvenu  à  cette  démonstration ,  car  il  termine  ainsi 
son  livre  :  «  Kant ,  dans  la  Critique  de  la  raison  pure,  part 
»  du  terrain  de  la  réflexion  sur  lequel  le  temps,  l'espace  et 
»  une  multitude  de  choses  données  à  l'intuition  sont  déjà 
»  dans  le  moi  et  pour  le  moi.  Nous  avons  déduit  ces  choses  à 
«jjriori;  elles  existent  actuellement  dans  le  moi.  Ainsi  est 
»  signalé  le  caractère  de  la  science  de  la  connaissance  ,  à  l'é- 
1)  gard  de  la  théorie  ,  et  nous  avons  amené  notre  lecteur  pré- 
<c  cisément  où  Kant  le  prend.  » 

Malgré  l'admirable  force  de  tète  qui  a  présidé  à  la  concep- 
tion d'iuie  telle  doctrine ,  malgré  la  puissance  de  logique  dé- 
veloppée dans  ses  déductions ,  Fichte,  loin  d'atteindre  le  but 
qu'il  s'était  proposé  ,  vit  s'élever  autour  de  lui  beaucoup  de 
contradicteurs,  et  des  hommes  d'une  haute  portée  s'atta- 
quèrent à  ses  résultats  pour  en  démontrer  le  vide.  On  lui  re- 
procha ,  en  définitive,  de  n'avoir  produit  que  des  formes  lo- 
giques sans  réalité  ,  et  de  n'avoir  fait  que  substituer  à  des 
mystères  de  plus  grands  mystères  encore,  en  prétendant 
éclaircir  les  uns  par  les  autres. 

A  Fichte  succédèrent  les  deux  plus  célèbres  philosophes 
allemands  de  l'époque  actuelle ,  à  savoir,  M.  de  Schelling  et 
Hegel.  Tous  deux  étaient  nés  dans  le  petit  royaume  de  Wur- 
temberg; tous  deux  étudièrent  à  Tubinge  et  à  léna,  se 
lièrent  d'amitié  et  devinrent  les  disciples  de  Fichte  ,  dont  ils 
défendirent  d'abord  la  doctrine ,  et  dont  ils  se  séparèrent  en- 
suite pour  marcher  dans  d'autres  voies.  Eux-mêmes  prirent 
bientôt  des  directions  absolument  différentes ,  et  produisirent 
deux  doctrines  rivales  qui  partagent  encore  l'Allemagne  phi- 
losophique en  deux  canaps. 

M.  de  Schelling  n'était  âgé  quede  vingt-trois  ans,  lorsqu'il 
imagina  le  plan  le  plus  vaste  de  la  science  qui  ait  jamais  été 
conçu.  Les  bases  de  sa  doctrine  sont  celles-ci  :  1"  la  connais- 
sance a  deux  éléments,  savoir,  celui  des  faits  du  monde  exté- 
rieur qui  agissent  sur  l'homme  par  ses  sens,  et  qui  composent 
robjectif,  ou  ce  qui  est  connu  ,  et  celui  de  l'intelligence  qui 
connaît,  et  qui  transporte  aux  objets  extérieurs  ses  concep- 
tions générales  pour  leur  imposer  des  lois  de  classification  ; 
2°  ces  deux  éléments  sont  si  bien  unis  dans  la  connaissance , 
qu'on  a  peine  à  distinguer  comment  ils  agissent  l'un  sur 
l'autre.  Pour  faire  celte  distinction ,  il  faut  les  séparer  systé- 
matiquement et  en  faire  les  objets  de  deux  sciences  philoso- 
phiques, dont  une  est  la  philosophie  de  la  nature,  et  l'autre 
l'idéalisme  transcendenlal.  La  philosophie  de  la  nature  fait 
voir  comment,  des  représentations  particulières  des  objets 
dans  notre  esprit  par  nos  sens ,  on  remonte  jusqu'aux  lois  gé- 
nérales qui  les  régissent.  Cette  philosophie  est  celle  qui  sert 
de  guide  dans  les  science  s  physiques ,  chimiques  et  natu- 
relles ,  qui ,  en  se  perfectionnant ,  négligent  de  plus  en  plus 
les  faits  particuliers  pour  s'attacher  aux  lois  qui  les  unissent. 
L'idéalisme  transcendenlal  est  la  philosophie  qui  enseigne 
comment  l'intelligence  part  de  ses  lois  générales,  ou  des  idées, 
pour  descendre  aux  faits  d'expérience  et  les  coordonner.  La 
conscience  est  le  point  où  se  confondent  les  deux  éléments 
dansleur  progression  inverse,  et  là  s'établit  l'identité  absolue 
de  leurs  résultats.  M.  de  Schelling  publia  en  1798  la  pre- 
mière partie  de  cette  philosophie  ,  sous  le  titre  de  Philoso- 
phie de  la  nature;  la  seconde  partie,  intitulée  Système  de  l'i- 
déalisme transcendenlal,  parut  en  1800.  Jamais  l'esprit 
philosophique  ne  s'était  élevé  à  d'aussi  hautes  considérations, 
et  n'avait  montré  dans  ses  déductions  une  méthodes!  rigou- 
reuse. 

Le  système  de  la  connaissance,  disait  M.  de  Schelhng, 


294 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


resterait  imparfait  si  la  dualité  des  éléments  n'était  dominée 
par  un  principe  supérieur  qui  les  réunît ,  et  qui  démontrât 
leur  identité  absolue;  ici  est  donc  la  nécessité  d'une  troi- 
sième philosophie,  plus  élevée  que  les  deux  autres,  dans  la- 
quelle l'esprit  ou  le  moi  se  prend  lui-même  pour  objet ,  et 
recherche  la  loi  fondamentale  qui  réunit  en  lui  les  éléments 
de  la  connaissance  dans  l'unité.  Cette  loi,  c'est  l'absolu ,  qui 
n'existe  qu'en  Dieu.  L'absolu  ne  nous  est  connu  que  par  des 
illuminations  soudaines  qui  descendent  de  Dieu  dans  la  con- 
science de  l'homme. 

M.  de  ScheUing  n'avait  fait  qu'indiquer  celte  philosophie 
finale  en  publiant  les  deux  autres ,  et  avait  annoncé  que  celles 
ci  n'étaient  qu'une  partie  de  son  système.  Elles  excitèrent  un 
vif  enthousiasme  parmi  quelques  uns  des  hommes  les  plus 
remarquables  de  l'Allemagne  ;  mais  d'autre  part ,  d'ardents 
antagonistes  s'élevèrent  contre  cette  théorie ,  et  reprochèrent 
à  leur  auteur  d'avoir  emprunté  l'identité  des  deux  principes 
de  la  connaissance  à  l'harmonie  préétablie  de  Leibnilz ,  et  les 
idées  primordiales  descendues  de  Dieu  dans  l'homme  à  la 
philosophie  de  Platon.  Enfin,  on  l'accusa  d'impuissance  en 
lui  voyant  retarder  la  publication  de  cette  philosophie  finale 
qu'il  avait  promise.  Mais  le  reproche  qui  lui  fut  le  plus  sensi- 
ble, fut  celui  d'ébranler  la  foi  religieuse  par  sa  doctrine  ;  c'est 
le  seul  auquel  il  répondit,  après  quoi  cet  homme  de  génie 
prit  le  parti,  sans  exemple  ,  de  garder  le  silence  pendant  qua- 
rante ans,  de  supporter,  sans  daigner  y  répondre,  toutes 
les  attaques  auxquelles  il  fut  en  butte,  et  de  laisser  régner 
en  souveraine  une  philosophie  rivale  dont  il  avait  sondé  le 
vide.  Ce  ne  fut  que  près  de  dix  ans  après  la  mort  de  Hegel , 
et  lorsqu'il  vit  le  découragement  oîi  celui-ci  avait  laissé  l'Al- 
lemagne à  l'égard  de  l'avenir  de  la  philosophie,  qu'il  a  été 
appelé  à  l'université  de  Berlin  pour  le  remplacer,  et  qu'il  a 
accepté  cette  tâche,  eu  annonçant  qu'il  allait  faire  connaître 
enûn  la  philosophie  définitive.  Malgré  l'autorité  d'un  nom  si 
glorieux  et  d'un  si  grand  caractère,  il  est  présumable  que  cette 
assertion  a  rencontré  des  incrédules.  Toutefois,  on  a  compris 
qu'il  faut  attendre,  et  que  nier  la  possibilité  d'une  telle  phi- 
losophie ,  à  raison  des  difficultés  du  sujet ,  n'était  pas  permis 
avec  un  homme  de  la  portée  de  M.  de  Schelling. 

Je  l'avoue  ,  cher  Zimmerman,  il  y  a  pour  moi  un  attrait 
irrésistible  dans  la  philosophie  de  cet  homme  supérieur, 
parce  que  j'y  trouve  précisément  des  principes  analogues  à 
ceux  que  j'ai  pris  pour  bases  de  la  philosophie  de  la  musique. 
J'ai  exposé  sommairement  ces  principes  dans  le  cours  que  j'ai 
fait  h  Paris  en  1832,  puis  dans  un  article  sur  le  sens  musical, 
ses  j)erceptions  ei  les  jugements  que  nous  en  portons  ,  inséré 
dans  la  Revue  musintle  du  7  juin  1835  ,  et  postérieurement 
encore  dans  le  plan  de  ma  philosophie  de  la  musique.  Per- 
mets-moi de  les  résumer  ici  d'une  manière  générale  et  aussi 
simple  que  possible  ,  pour  éviter  tout  maenlendu. 

La  diversité  des  résonnances  qui  affectent  noli  e  sensibilité 
ne  nous  fournit  que  des  faits  isolés  d'expérience,  sans  liaison 
nécessaire,  jusqu'à  ce  qu'il  s'établisse  entre  eux,  dans  la  con- 
science, une  idée  de  rapports  qui  a  son  origine  dans  notre  fa- 
culté de  concevoir.  Là  est  le  point  d'identité  entre  les  phéno- 
mènes de  l'objectif  et  les  lois  du  subjectif. 

Les  bases  de  la  musique  existent  donc  à  la  fois  dans  les 
manifestations  de  certains  phénomènes,  et  dans  les  rapports 
qui  s'établissent  dans  la  conscience,  à  l'occasion  de  ces 
phénomènes.  Le  calcul  fournit  une  démonstration  de  la 
réalité  de  quelques  uns  de  ces  rapports.  Sans  doute  cette 
réalité  n'est  relative  qu'à  nos  facultés  de  percevoir  et  de  juger; 
car  nous  ne  savons  rien  des  choses  en  elles-mêmes  ;  mais  si 
nous  sommes  destinés  à  ignorer  toujours  pourquoi  la  création 


n'a  pas  établi  la  série  de  sons  que  nous  appelons  la  gamme  K 
des  intervalles  égaux  ,  de  manière  à  satisfaire  à  la  fois  notre 
'■  sensibilité  et  notre  entendement,  nous  avons  du  moins  la  cer- 
titude par  la  conscience  que,  telle  qu'elle  est,  celte  série  en- 
i  gendre  des  ordres  de  faits  analogues  aux  conditions  de  nos  fa- 
!  cultes  sensibles  et  intellectuelles ,  soit  dans  la  succession  mé- 
I  lodique  ,  soit  dans  l'agrégation  harmonique. 
i  Dès  que  la  diversité  des  intonations  des  sons  se  manifeste 
!  dans  la  conscience  comme  l'origine  d'intervalles  entre  ces 
I  sons ,  l'intelligence  fournit  les  moyens  de  détourner  les  pro-. 
j  portions  de  ces  intervalles,  et  par  l'identité  de  ces  deux  faits, 
I  la  simple  perception  prend  le  caractère  d'une  vérité  dé- 
;  montrée. 

j  Cependant  ce  serait  une  erreur  de  croire  que  les  propor- 
1  lions  représentées  par  des  nombres  peuvent  conduire  à  la 
j  construction  de  la  gamme  à  priori ,  car  cette  gamme  ren- 
1  ferme  des  éléments  sensibles  d'attraction  et  de  repos,  suivant 
i  de  certaines  conditions  qui  ne  sont  pas  des  déductions  de 
proportions  numériques ,  puisque  celles-ci  sont  autant  de  faits 
!  isolés  qui  ne  se  présentent  pas  dans  un  ordre  nécessairement 
j  déterminé. 

i  D'autre  part ,  il  ne  peut  y  avoir  d'attraction  entre  un  son  et 
i  un  aulrelorsqu'ils  sont  entendus  séparément.  L'attraction  ré- 
sulte donc  de  l'accord  simultané  des  sons,  c'est-à-dire  de 
l'harmonie.  A  la  manifestation  du  phénomène  de  l'accord,  le 
moi  fournit  aussitôt  la  loi  de  cohésion  harmonique,  qui  déve- 
loppe dans  la  conscience  la  double  relation  de  consonnance 
et  de  dissonnance.  De  la  relation  de  consonnance  naît  la  loi  de 
repos  ,  et  de  la  relation  de  dissonnance ,  la  loi  de  résolution 
et  de  mouvement. 

Or  de  ceci  résultent  les  conséquences  les  plus  importantes; 
car  si  la  consonnance  est  à  la  fois  la  cause  occasionnelle  et  le 
produit  de  la  loi  de  repos  dans  la  conscience ,  il  suit  de  là 
qu'une  musique  qui  n'a  que  des  relations  de  consonnances 
n'a  pas  d'attraction  ,  partant,  pas  de  degré  déterminé  ;  con- 
séquemmcnt,  que  les  sons  de  la  gamme  étant  donnés,  cette 
gamme  peut  commencer  par  l'un  ou  l'autre  de  ces  sons.  Tel 
est  en  effet  le  système  de  tonalité  de  la  musique  des  Grecs 
et  de  celle  du  chant  de  l'église  catholique,  dont  tous  les 
modes  n'offrent  qu'une  seule  et  même  gamme  commencée 
par  ses  différents  degrés.  Au  contraire,  une  musique  basée 
sur  des  relations  de  dissonnances,  soumises  à  la  loi  de  résolu- 
tion et  de  mouvement,  détermine  nécessairement  un  ordre 
dans  les  degrés,  et  l'intelligence  en  déduit  une  formule  uni- 
que de  tonalité  où  les  demi-tons  occupent  toujours  la  même 
place.  Ainsi  donc,  les  résolutions  tonales  nécessaires  de  l'har- 
monie sol,  si,  ré,  fa,  étant  «o/ ,  ut,  mi,  ou  la,  ut,  mi, 
tous  les  éléments  de  la  gamme  sont  donnés ,  et  leur  position 
est  déterminée  ;  car  d'une  part,  tous  les  sons  de  cette  gamme 
sont  contenus  dansl'accord dissonnant  et  dans  ses  résolutions; 
et  de  l'autre  ,  les  nécessités  d'une  tierce  majeure  (  sol,  si ,  ) 
d'une  quinte  mineure  {si,  fa),  et  d'une  dissonnance  {fa,  sol), 
dans  cet  accord ,  entraînant  la  conséquence  des  demi-tons 
mi  au-dessous  de  fa  ,  et  ut  au-dessus  de  si ,  pour  la  résolu- 
tion ,  ces  dispositions  ne  peuvent  se  trouver  que  dans  une 
gamme  formée  sur  le  modèle  de  celle  d'vt.  Toute  gamme 
commençant  par  une  autre  note  doit  donc  avoir  comme  celle- 
là  les  demi-tons  entre  le  troisième  et  le  quatrième  degré ,  et 
entre  le  septiètne  et  le  huitième.  Telle  est  la  constitution  de 
la  tonalité  moderne  ,  déduite  par  l'intelligence  du  seul  fait  de 
la  relation  de  dissonnance  ,  et  par  suite  de  la  nécessité  de 
résolution. 

Une  autre  conséquence  importante  de  la  loi  de  tonalité 
ainsi  déduite  est  celle-ci  :  J'ai  dit  que  les  proportions  nunié- 


DE  PARIS. 


295 


riques  des  intervalles  sont  impuissantes  à  donner  la  formation 
d'une  gamme  toujours  semblable  à  elle-même,  parce  qu'elles 
ne  sont  pas  dans  un  ordre  nécessairement  déterminé  :  d'où 
il  suit  que  ces  proportions  sont  applicables  dans  une  tonalité 
basée  sur  une  gamme  variable  dans  l'ordre  de  ses  intervalles  , 
pour  ses  divers  modes  ,  comme  la  tonalité  ancienne  ,  car  le 
caractère  de  cette  tonalité  est  le  repos  ,  et  s'accorde  consé- 
quemmcnt  avec  des  proportions  invariables  (1).  A  l'égard  de 
la  tonalité  attractive,  basée,  dans  la  gamme  moderne,  par 
l'harmonie  dissonante  naturelle,  elle  engendre,  par  l'atirac- 
tion  même,  des  proportions  d'autant  plus  variables  que  les 
attractions  sont  multipliées  par  les  altérations.  Ces  vérités , 
inaperçues  jusqu'à  ce  jour  ,  démontrent  la  nécessité  d'une 
réforme  dans  la  théorie  malhématique  de  la  musique. 

De  tout  ce  qui  précède  ,  on  doit  conclure  que  notre  sen- 
sibilité estallectée  de  certaines  relations  successives  et  simul- 
tanées dessous,  et  que  l'entendement,  s'emparant  de  ces 
données  objectives,  s'élève  par  degrés  à  la  conception  géné- 
rale des  lois  de  la  mélodie  et  de^'harmonie  ,  puis  à  la  loi  plus 
générale  de  la  tonalité  ,  dont  ces  deux  parties  de  l'art  ne  sont 
que  des  émanations  ;  enfin ,  que  l'identité  des  faits  d'expé- 
rience et  des  lois  de  l'intelligence  s'établit  dans  la  conscience, 
et  nous  donne  la  certitude  de  leur  réalité. 

De  même,  la  sensibilité  est  affectée  de  la  diversité ,  de  la 
durée  des  sons ,  et  l'intelligence  ,  s'élevant  d'abord  à  la  con- 
ception de  la  mesure  du  temps  dans  la  succession  des  sons, 
parvient  en  définitive  à  la  loi  du  rhythme,  qui  est  celle  du 
mouvement  en  musique. 

Concevant  enfin  la  réunion  et  l'action  réciproque  des  lois 
de  la  tonalité  et  du  rhythme  en  un  tout  homogène ,  la  raison 
parvient  à  la  création  complète  de  l'idée  de  musique.  Telle 
est  la  théorie  de  la  science. 

A  l'égard  de  la  philosophie  de  l'art ,  ou  de  ïesthétiqite ,  il 
est  évident  que  l'opinion  qui  veut  réduire  le  sentiment  du 
beau  musical  à  desimpies  perceptions  sensibles  est  une  erreur 
fondamentale;  car  il  n'y  a  que  les  facultés  les  plus  élevées  du 
moi  qui  puissent  généraliser  dans  l'idée  du  beau  la  multitude 
de  jugements  qui  se  résument  dans  cette  idée,  où  viennent 
s'identifier  dans  l'unité  toutes  les  conditions  de  la  sensibilité 
et  de  l'intelligence.  Kant,  qui  s'est  laissé  entraînera  cette 
erreur  dans  son  Anthropologie ,  s'est  mis  lui-même  en  con- 
tradiction avec  ce  principe  si  vrai  de  sa  Critique  de  la  raison 
pure  :  «  Le  beau  est  la  plus  élevée  de  toutes  les  formes  possi- 
»  blés  du  jugement  esthétique  ;  elle  préexiste  en  nous  indé- 
»  pendamment  de  toute  expérience.  C'est  une  forme  qui  nous 
»  est  inhérente  ,  qui  tient  à  notre  propre  manière  d'être.  Il 
»  ne  dépend  pas  plus  de  nous  de  ne  pas  juger  les  objets  par 
B  rapport  au  beau  ,  qu'il  ne  dépend  de  nous ,  dans  la  sphère 
»  de  la  raison  pratique  ,  de  ne  pas  la  juger  par  rapport  au  bon 
»  et  au  juste.  » 

Or ,  la  musique  est  de  tous  les  aris  celui  dans  lequel  la  con- 
ception du  beau  est  la  plus  complètement  idéale ,  n'ayant 
pour  objet  de  représentations  d'aucune  espèce,  lorsqu'elle 
n'est  pas  l'auxiliaire  de  la  parole,  et  ne  puisant  qu'en  elle- 
même  les  éléments  des  impressions  qu'elle  produit  et  des  idées 

(l)  Je  ne  veux  pas  parler  ici  des  proportions  généralement  admi- 
ses; car  celles-ci  ont  été  faussées  dans  le  xvi'  siècle  par  un  rnalenj- 
tendu,  en  ce  qu'on  a  considéré  comme  majeurs  les  demi-tons  mi,  fa, 
et*!,  «I;  tandis  qu'ils  ïonl  mineurs,  el  dans  les  proportions  de  243: 
25G,  comme  l'avaient  bien  vu  les  pythagoriciens  ,  au  lieu  de  15  :  16, 
suivant  la  doctrine  des  modernes.  De  celte  erreur  singulière  est  ré- 
sultée la  distinction  erronée  de  deux  sortes  de  tons,  dans  les  propor- 
tions de  8  :  9,  et  de  9: 10,  tandis  que  tous  les  tons  sont  égaux  comme 
8:9.  On  trouvera  la  démonstration  de  ces  choses  dans  ma  Pliilow- 
phie  de  la  musiciiie. 


qu'elle  développe  ;  différente  en  cela  des  arts  du  dessin  et  de 
la  poésie ,  qui  prennent  leurs  objets  dans  le  monde  extérieur 
et  dans  les  sentiments  définis. 

Cela  posé ,  il  est  démontré  que  les  théories  empiriques  du 
beau,  basées  sur  l'imitation  de  la  nature,  ne  sont  point  appli- 
cables à  la  musique,  et  que ,  lorsqu'on  réduit  cet  art  à  des 
imitations  de  cette  espèce  ,  on  lui  fait  subir  une  dégradation. 

Le  principe  esthétique  de  la  musique  n'existe  donc  qu'en 
elle-même  ,  c'est-à-dire  dans  le  moi  qui  en  résume  tous  les 
éléments.  Dans  l'objet  indéterminé ,  c'est-à-dire  dans  la 
musique  insirumentale  pure  ,  ce  principe  est  la  création 
complète  de  l'idée.  —  Dans  l'objet  déterminé  ,  c'est-à-dire 
dans  l'application  de  la  musique  à  la  parole  ,  à  l'aciion  dra- 
matique ,  à  la  pantomime ,  à  la  danse  ,  le  principe  du  beau 
réside  dans  la  propriété  d'accent  et  de  rhythme  ,  relative- 
ment au  sujet. 

Lorsque  la  création  de  l'idée  est  limitée  par  le  développe- 
ment des  conséquences  déjà  connues  des  lois  de  tonalité  et  de 
rhylhme  ,  elle  donne  pour  résultat  le  beait  régulier.  —  Lors- 
que cette  création  arrive  jsuqu'à  des  conséquences  inconnues 
de  ces  lois  ,  elle  est  complète  ,  et  transforme  l'art  en  lui  ou- 
vrant une  source  d'impressions  nouvelles  :  alors  elle  prend  le 
caractère  du  sublime ,  car  le  sublime  n'existe  que  dans  la 
création  complète. 

La  création  de  l'idée  est  la  conception  du  beau  à  priori; 
le  jugement  esthétique  est  la  même  conception  à  posteriori. 

Lorsque  le  jugement  esthétique  s'exerce  sur  l'idée  dans 
les  limites  connues  des  lois  de  tonalité  et  de  rhylhme  ,  il 
s'appuie  sur  une  base  qui  l'empêche  de  s'égarer  ;  —  mais  si 
le  jugement  a  pour  objet  la  création  complète  de  l'idée ,  avec 
transformation  ,  il  devient  purement  idéal ,  comme  son  objet. 
—  Dans  ce  cas,  il  peut  flotter  incertain  jusqu'à  ce  qu'il  ait 
rencontré  le  principe  de  l'idée  ;  de  là  la  source  de  ses  erreurs, 
quand  il  se  formule  avec  précipitation  ;  de  là  la  diversité  des 
jugements  esthétiques. 

Telestj  mon  cher  Zimmerman  ,  le  thème  que  j'ai  déve- 
loppé dans  ma  philosophie  de  la  musique.  Les  applications 
particulières  quej'ai  faites  de  ses  principes  féconds,  dans  mes 
traités  de  l'harmonie  et  du  contre- point,  ainsi  que  dans  mes 
ouvrages  encore  inédits  sur  la  mélodie  et  le  rhythme  et  sur 
l'histoire  de  la  musique,  m'ont  conduit  aux  résultats  les  plus 
heureux  et  les  plus  inattendus.  Ces  principes,  inconnus  au- 
paravant, ont  fondé  pour  la  musique  une  théorie  complète  et 
rationnelle  qui  ne  pouvait  exister  sans  eux. 

Le  contenu  de  cette  lettre  m'a  paru  indispensable  pour  la 
clarté  que  je  dois  porter  dans  la  réfutation  des  singulières 
objections  de  M.  Azevedo  ,  contre  le  principe  philosophique 
de  ma  théorie  de  l'harmonie.  Cette  réfutation  sera  l'objet  de 
ma  prochaine  lettre. 
Ton  tout  dévoué. 

FÉTis  père, 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 


ERRATA  de  la  deuxième  Leilre  à  M.  Zimmerman  par  M.  F.-J. 
FtHis.  —  p.  269,  l"col.,  lig.  S,  au  lien  de  :  septi'emc  mineur,  lisez  : 
septième  mineure.  —  Même  page,  2=  col.,  lig.  1 1 ,  au  lieu  de  :  la  rem- 
plaçanipar  un  grand  nombre,  etc.,  lisez  :  la  remplaçant  pour  un  gra7id 
nombre,  etc.  —  Même  page,  même  colonne,  lig.  4  en  remontant,  au 
lieu  de  :  qui  devraient  se  faire  dans  l'état  naturel,  lisez  :  qui  devraient 
se  faire  entendre  dans  V  état  tiaturel.  — Même  page,  exemples  de  mu- 
sique ,  lisez  :  ta ,  au  lieu  de  :  mi ,  à  la  dernière  noie  de  la  basse.  — 
Même  page,  exemple  4,  lisez  :  ré,  au  lieu  de  -.fa,  à  la  deuxième  me- 
sure de  la  portée  supérieure. 


39^ 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


REVUE    CRITIQUE. 

MM.  Iiabat.  —  Verhulst.  —  Ii'abbé  David  Faure.  — 
Giovanni  Sazzoni.  —  Benoist. 

ans  le  mouvement ,  ou  pourrait  dire  le  ma- 
laise qui  travaille  l'art  musical  en  France , 
il  serait  assez  curieux  de  rechercher  pour- 
quoi le  style  sévère  est  plus  en  honneur  en 
province  qu'à  Paris.  Serait-ce  parce  qu'en 
province  on  a  le  sens  plus  droit,  le  goût  du  simple  et  du  vrai 
beau?  On  serait  tenlé  de  le  croire.  La  manie  de  la  civilisation, 
du  progrès  qui  nous  préoccupe  incessamment  dans  ce  que 
l'on  appelle  la  capitale  des  beaux-arts  ,  nous  pousse  vers  la 
recherche,  la  manière,  l'impossible  qui  enfantent  la  musique 
idéale  ,  fantasque  ,  le  mépris  d'unité  dans  la  pensée,  l'oubli 
de  la  méthode  que  quelques  uns  nomment  tout  simplement 
du  génie,  et  que  les  demi-savanls  en  musique  et  les  littéra- 
teurs sont  toujours  prêts  à  soutenir,  encourager,  exalter  au 
détriment  des  artistes  d'un  vrai  savoir.  Ces  choses  sont  des 
vérités  déjà  émises  et  que  nous  avons  dites  bien  des  fois  nous- 
même;  mais  on  ne  saurait  trop  les  répéter,  les  proclamer; 
et  cela  prouve  en  tout  cas  la  réalité  de  la  décentralisation 
musicale,  quoique  le  clergé  de  nos  départements  soit  encore 
plus  inintelligent  que  celui  de  la  capitale  en  fait  de  musi- 
que,  et  certes  ce  n'est  pas  peu  dire.  Voici  venir  M.  Labat, 
organiste^  de  la  cathédrale  de  Moutauban  ,  qui  publie  deux 
cantiques  pour  le  salut ,  à  trois  voix  égales  avec  orgue  ou 
piano  obligé ,  et  composés  pour  les  élèves  des  dames  noires. 
Ces  deux  morceaux  sont  purement  écrits  et  montrent  un 
bon  sentiment  de  la  musique  réellement  religieuse.  Bien 
qu'on  puisse  demander  compte  à  l'auteur  de  sa  carrure  mé- 
lodique qui  s'annonce  dès  le  début  par  phrases  de  trois 
mesures  suivies  d'un  dessin  procédant  de  quatre  en  qua- 
tre; bien  que  sa  prosodie  sur  des  paroles  françaises  ne  soit 
pas  très  rationnelle,  on  reconnaît  dans  la  musique  de  M.  La- 
bat le  principe  d'une  bonne  éducation  musicale.  Après  l'in- 
troduction à  voix  seule  du  premier  de  ces  cantiques ,  un 
chœur  à  trois  voix  entre  pompeusement  en  matière  sur  ces 
paroles  de  communion:  O  pain  de  force  et  de  vie!  Ce  vers 
est  repris  après  une  vingtaine  de  mesures  en  imitations  qui 
sont  d'un  pittoresque  et  bel  effet  ;  puis  vient  un  solo  de  con- 
tralto d'un  caractère  noble  et  touchant.  Cet  andante  en 
mesure  à  six-huit  en  sol  mineur  se  repose  sur  la  dominante, 
et ,  sans  résolution ,  exception  qu'il  ne  serait  pas  bon  de 
propager,  reprend  le  chœur  en  si  bémol  majeur. 

Le  second  cantique,  qui  procède  sans  solo  brillant,  est 
presque  tout  en  chœur  par  masses  harmoniques  ;  il  a  quelque 
chose  de  mystérieux  dans  l'annonce  de  quatre  mesures  à 
voix  seule  qui  fait  valoir  on  ne  peut  mieux  les  masses  vocales 
qui  suivent;  puis  la  phrase:  Plus  mon  œil  tremblant  te 
contemple,  sur  un  trémolo  en  la  bémol  majeur,  est  d'un 
effet  grandiose  quoiqu'un  peu  dramatique  ;  on  sent  là  l'en- 
vahissement des  idées  romantiques.  Malgré  cela,  et  peut- 
être  par  cela  même ,  car  cette  lueur  du  genre  moderne  fait 
parfois  un  heureux  contraste  avec  la  sage  retenue  du  style 
sacré  qui  prédomine  dans  la  musique  de  M.  Labat,  ce 
«norceau  a  quelque  chose  de  saisissant  qui  séduit  et  entraîne 
l'anditenr.  Enfia  l'œuvre  de  M.  Labat  est  d'une  bonne  école 
et  peut  faire  traduire  le  vers  de  Voltaire  en  celte  vile  prose  : 
C'est  de  la  province  aujourd'hui  que  nous  vient  la  lumière. 
—  Nous  signalerons  encore  M.  Verhulst  comme  marchant 
dans  la  voie  sacrée  de  la  musique  purement  religieuse  dans 
toute  l'acception  classique.  Ce  compositeur  a  fait  publier  par 
les  éditeurs  associés  de  Mayence ,  d'Anvers  et  de  Bruxelles 


une  hymne  :  Clemens  est  Dominus  à  deux  chœurs ,  œuvre 
remarquable  par  la  pureté  du  style,  qui  rappelle  celui  de 
Cherubini  et  des  grands  maîtres  dans  le  genre  sévère.  Cette 
belle  hymne  est  traitée  avec  une  grande  connaissance  des 
voix  et  une  parfaite  expérience  de  l'orchestre;  c'est  une 
œuvre  de  conscience  et  de  savoir  qui  fait  honneur  à  celui  qui 
l'a  écrite. 

—  Le  sentiment  musical  se  développe  tellement  en  France 
que  voici  ftL  l'abbé  David  Faure  qui  a  fait  imprimer  dans  la 
ville  natale  de  M.  de  Pourceaugnac  une  Nouvelle  méthode  de 
plain-chant  et  de  musique  à  l'usage  des  séminaires,  collèges, 
écoles  normales  et  primaires  de  France.  Quoique  lançant  de 
Limoges  son  manifeste  en  faveur  du  plain-chant ,'  M.  l'abbé 
Faure  reconnaît  que  Paris  est  pour  quelque  chose  dans  le 
mouvement  musical  qui  emporte  toutes  les  classes  de  la 
société  ;  et  il  cite  les  cours  gratuits  de  chant  fondés  dans  la 
capitale  par  les  Chauron  et  les  ViUem.  Nous  aurions  autant 
aimé  qu'il  nommât  ces  deux  théoriciens  estimables  et  assez 
connus  Choron  et  Wilhenv^  mais  en  supprimant  une  lettre 
de  trop  dans  le  premier  de  ces  noms  et  en  en  ajoutant  une 
au  second,  il  y  aura  à  peu  près  compensation  ,  et  cela  pourra 
s'arranger  avec  quelques  autres  petites  modifications.  Nous 
espérons  donc  voir  dans  la  seconde  édition  que  nous  souhai- 
tons à  l'auteur  de  l'ouvrage  ,  figurer  cet  erratum  au  nombre 
des  errata  qui  sont  à  la  dernière  page  de  ce  livre,  livre  con- 
sciencieusement fait,  au  reste,  dans  plusieurs  parties  ,  et  qui 
sera  utile  aux  partisans  ,  aux  amateurs  du  chant  grégorien , 
et  par  suite  à  ce  pauvre  clergé  de  France,  si  persécuté  et  si 
malheureux,  et  qui  supporte  l'oppression  avec  une  silencieuse 
humilité,  une  patience,  une  admirable  résignation  rappelant 
si  bien  celle  de  Jésus-Christ. 

—  Pour  ne  pas  quitter  la  province ,  au-delà  de  Limoges  et 
de  Monlauban,  dont  nous  venons  de  vous  parler,  sous  le  beau 
ciel  de  l'Occitanie  qui  rappelle  celui  de  la  belle  Ausonie,  dans 
l'antique  cité  des  Tectosages  qui  vit  jadis  fleurir  les  trouba- 
dours, Clémence  Isaure  et  récemment  le  recensement,  nous 
vous  citerons  M.  Giovanni Bazzoni,  habile  professeur  de  chant 
et  compositeur  distingué.  Pour  prouver  ses  facultés  en  cette 
dernière  qualité ,  il  a  mis  en  musique  les  beaux  vers  de 
M.  de  Lamartine  intitulés  :  le  Crucifix,  et  en  a  fait  une  scène 
lyrique  dans  laquelle  brillent  des  beautés  vi-aiment  drama- 
tiques, ainsi  que  dans  les  Funérailles,  mélodie  élégiaque, 
profondément  sentie,  et  comme  inspirée  par  la  muse  d' Young, 
pour  voix  de  contralto  ou  de  baryton.  Ces  deux  morceaux 
sont  pour  leur  auteur  comme  un  garant  de  l'avenir  qui  lui 
est  ouvert,  et  qu'il  vient  tenter  de  réaliser  dans  Paris. 

—  Et  puisque  nous  en  sommes  à  la  bonne  musique,  à  la  mu- 
sique classique,  aux  hommes  cjui  savent  et  qui  savent  bien,  le 
nom  de  M.  Benoist  vient  se  placer  tout  naturellement  sous  no- 
tre plume.  Pour  se  délasser  des  travaux  du  professorat  au  Con- 
servatoire, M.  Benoist,  lesavant  organiste  que  vous  savez,  s'est 
misa  écrire  douze  études  pour  le  piano,  études,  caprices, 
charmantes  fantaisies,  gracieuses  et  scolastiques  tout  à  la  fois, 
qu'on  se  prend  à  jouer,  à  répéter ,  comme  on  redit  souvent 
les  mélodies  de  Schubert ,  parce  que  dans  chacune  de  ces 
études  il  y  a  un  but ,  un  travail  utile  pour  les  doigts,  caché 
sous  une  délicieuse  pensée  mélodique.  Ce  recueil,  d'un  style 
aussi  pur  qu'élégant,  ne  renferme  que  des  morceaux  acces- 
sibles aux  pianistes  de  toutes  forces,  et  par  cela  même  il  est 
une  exception  à  tant  d'études  inexécutables  qui  surgissent  de 
tous  côtés:  aussi  le  succès  de  ce  recueil  est-il  assuré.  Chacune 
de  ces  études  a  un  but  d'utilité  classique.  La  première  sert  à 
donner  de  l'agiUté  aux  doigts  dans  le  style  lié  ;  la  seconde ,  en 
fa  majeur,  en  mesure  à  deux-quatre,  se  compose  entière- 


DE  PARIS, 


297 


ment  d'un  cantahile  accompagné  par  huit  doubles  croches , 
pendant  que  la  main  gauche  fait  entendre  une  riche  harmo- 
nie procédant  par  deux  noires.  Ce  travail  est  excellent  pour 
habituer  l'élève  à  prononcer,  à  bien  soutenir  la  mélodie  de 
la  main  droite,  pendant  que  les  doigts  de  cette  même  main 
qui  chante  font  entendre  l'accompagnement  des  huit  doubles 
croches  dont  nous  venons  de  parler.  L'obstination  du  même 
dessin  mélodique  decelte  étude,  qui  est  une  des  plus  longues, 
l'entache  peut-être  d'un  peu  de  monotonie.  La  troisième, 
qui  est  aussi  longue ,  le  paraît  moins  par  le  mouvement  de 
scherzo  que  lui  a  donné  l'auteur;  elle  est  d'un  genre  léger  et 
brillant ,  et  renferme  quelques  passages  de  basse  en  styk  lié 
d'un  joli  effet.  C'est  aussi  en  ce  style  lié,  qui  est  fort  à  la 
mode  sur  le  piano  ,  qu'est  écrit  le  n"  4-  Ici  encore  une  mé- 
lodie bien  distincte,  accompagnée  par  la  main  droite  en 
triolets,  sous  lesquels  intervient  un  dessin  bien  contrasté  à  la 
basse,  qui  contient  cependant  quelques  hardiesses  harmoni- 
ques un  peu  dures,  notamment  de  la  31»  mesure  à  la  32',  où 
la  basse  fait  entendre  une  quarte  assez  crue  contre  le  chant. 
Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  légères  inadvertances ,  ce  morceau 
est  plein  d'élégance  et  de  charme,  et  toujours  logique,  sui- 
vant la  bonne  habitude  et  le  faire  excellent  de  l'auteur. 

Nous  n'analyserons  pas  minutieusement  chacune  de  ces 
charmantes  études ,  n'ayant  point  assez  d'espace  pour  nous 
livrer  à  ce  travail  ;  mais  nous  signalerons  aux  amateurs  la 
grâce  de  la  6%  et  le  genre  misterioso ,  religioso ,  espressivo  et 
qu'on  peut  caractériser  de  delizioso  delà  8".  La 9%  qui  doit 
se  jouer  scherzando,  est  un  deux-quatre  en  ré  bémol  majeur 
plein  d'entrain  et  de  vivacité ,  et  qui  n'est  pas  d'une  exécu- 
tion très  facile;  de  plus  elle  est  assez  longue  et  capricieuse- 
ment modulée.  Le  n°  10,  dans  le  même  rhythme  que  le  pré- 
cédent, offre  un  utile  et  bon  travail  pour  donner  de  l'agilité  à 
la  main  gauche. 

Autant  la  dernière  de  ces  excellentes  études  est  d'un  genre 
reposé,  louré,  autant  la  11'  qui  la  précède  est  d'un  style  sau- 
tillé pour  les  deux  mains  :  elle  est  parfaitement  conçue  pour 
exercer  l'œil,  l'oreille  et  les  doigts,  pour  saisir  avec  précision 
les  intonations,  les  intervalles  disparates  qui  la  composent  d'un 
bout  à  l'autre.  Nous  le  répétons  avec  plaisir,  le  recueil  des 
douze  études  de  M.  Benoist  est  un  véritable  cadeau  à  faire 
à  tout  pianiste  amateur  ou  même  artiste  ;  on  y  trouve  tout  à 
la  fois  le  bon  style  des  écoles  dupasse,  la  richesse  harmo- 
nique du  présent  sans  la  manière  maladive  et  tourmentée  de 
la  mélodie  actuelle  ,  et  la  tendance  d'un  meilleur  enseigne- 
ment à  venir. 

Henri  Blanchard. 


UNE  DAME  DE  CHOEUR. 

Dessin  de  Gavarni. 

On  a  tout  dit  sur  la  Dame  de  chœtir  :  on  l'a  mise  en  feuil- 
~  letons ,  on  l'a  mise  en  pièces;  nous-même  ,  nous  en  avons 
décrit  soigneusement,  et  con  amore  .  les  différentes  variétés 
en  traitant  dans  ce  journal  le  chapitre  des  Fdles  d'Opéra 
(V.  Gazette  musicale,  iSiO).  Le  crayon  de  Gavarni  l'a  saisie 
dans  l'exercice  de  ses  fonctions  :  il  n'a  choisi  ni  la  plus  belle 
ni  la  plus  laide;  il  l'a  prise  consciencieusement  dans  la  région 
moyenne  ,  qui  est  aussi  la  plus  peuplée.  Le  portrait  est  fidèle 
à  tel  point ,  que  j'ai  peur  que  la  dame  par  lui  esquissée  n'ait 
posé  devant  lui  sans  le  vouloir  et  sans  s'en  douter. 


MM.  les  Abonnés  recevront   avec   le   nnroéro   de   ce 
jour  :  Une  Étude  pour  le  piano  par  S.  Thalbcrg. 


UOtTTliliLBS. 

*.*  Demain  lundi  ,  à  l'Opéra,  première  représentation  i'Uihello, 
musique  de  Rossini. 

*.*  On  annonce  que  le  congé  de  M°"  Dorus-Gras,  qui  devait 
nous  quitter  encore  pendant  le  mois  de  septembre,  est  rachelé. 

",*  Fouiller  est  attendu  à  Lyon,  où  il  va  succéder  à  Roger ,  le  bril- 
lant ténor,  dans  la  faveur  publique. 

*,*  Sainl-Denis,  l'ex-chanteur  de  l'Opéra,  vient  de  débuter  heu- 
reusement à  Toulouse  dans  TMcie  de  Lammermoor. 

","  Aucun  engagement  n'a  été  conclu  jusqu'ici  entre  iMoriani,  le 
célèbre  ténor,  et  le  directeur  du  Théâtre-Italien  de  Paris. 

",*  M.  et  M'"»  Ronconi,  après  avoir  donné  avec  beaucoup  de  suc- 
cès des  concerts  à  Pesth  ,  viennent  de  partir  pour  Corne,  où  ils  se 
reposeront  pendant  quelques  mois  avant  leur  retour  à  Paris. 

*,"I>'un  des  élèves  du  Conservatoire,  engagé  récemment  à  l'Opéra- 
Comique,  Chaix,  a  débuté  dans  V Eau  merveilleuse  par  le  rôle  de  Tar- 
tagtia,  qui  était  nouveau  pour  lui.  Il  faudrait  bien  se  garder  de  le 
juger  sur  cette  épreuve,  dont  les  conditions  n'étaient  pas  toutes  à 
son  avantage.  Chaix  a  une  bonne  et  belle  voix,  une  excellente  phy- 
sionomie :  le  temps  et  l'expérience  lui  donneront  le  reste. 

",■*  La  troupe  de  l'Odéon  a  terminé  ses  représentations  au  Havre 
Xiar  AiiHyoïie,  qui  a  été  donnée  quatre  fois  de  suite.  La  musique  de 
Mendelssohn  a  été  très  appréciée.  Les  choristes  du  Théâtre-Italien 
ont ,  en  outre ,  exécuté  dans  un  intermède  musical  plusieurs  choeurs 
qui  ont  produit  beaucoup  d'effet,  surtout  celui  de  Charles  VI,  qui 
a  été  bissé  et  redemandé  par  acclamation  dans  trois  soirées  consé- 
cutives. M.  Bréiiiont,  frère  de  la  basse-taille  de  l'Opéra,  s'est  fait 
applaudir  en  chantant  le  fils  du  Corse  et  les  Adienx  dans  la  nuit, 
d'Auguste  Morel. 

*,"  Qui  croirait  qu'on  n'a  permis  à  M.  Alary  de  donner  concert  au 
Ranelagh  que  sous  lacondition  expresse  qu'il  n'y  serait  chaulé  au- 
cun morceau  de  l'opéra  de  Charles  VI  ?  On  a  craint  que  le  duo  des 
caries  ne  fit  demander  le  chœur  national. 

",*  Les  frères  Raltî  ont  donné  dans  les  bains  des  Pyrénées,  en 
moins  d'un  mois,  11  coricerts,  dont  les  recettes  ont  dépassé  12,000  fr. 
Que  dire  de  plus  pour  constater  un  immense  succès  ? 

*,*  Liszt  sera  de  retour  à  Paris  vers  le  15  septembre,  pour  se  repo- 
ser des  succès  briUanis  qu'il  oblient  dans  tout  le  midi  de  la  France. 

%*  Le  célèbre  pianiste,  Louis  Lacombe,  vient  de  donner  à  Cham- 
béry,  Vichy  et  Aix-les-Bains  des  concerts  dans  le  genre  de  ceux  que 
Liszt  a  mis  à  la  mode.  Il  n'y  exérulait  pas  moins  de  huil  morceaux , 
et  loin  de  trouver  qu'il  y  avait  excès,  l'auditoire  a  témoigné  le  plus 
vif  empressement  d'entendre  encore  l'artiste,  dont  l'exécution  bril- 
lante et  passionnée  s'identifie  si  intimement  avec  le  génie  des  maî- 
tres qu'il  se  charge  d'interpréter.  On  a  aussi  vivement  applaudi  les 
Nocturnes  et  la  Fantaisie  dramatique  de  sa  composition. 

*,"  Nous  avons  aujourd'hui  à  constater  un  succès  de  plus,  de 
M.  Jacques  OCfenbach,  le  jeune  et  déjà  célèbre  violoncelliste.  11  vient 
de  se  marier  avec  une  jeune,  jolie  et  riche  héritière. 

",*  Doehler  et  Piatti  sont  à  Bade,  où  ils  donnent  des  concerts 
très  suivis.  Thalberg  sera  de  retour  à  Paris  vers  le  15  septembre, 
pour  ne  |)lus  nous  quitter  pendant  tout  l'hiver. 

*.*  M"'  Laura  Allessandri,  que  nous  avons  vu  naguère  au  Tbéà- 
tre-Italien,  est  enj;agée  comme  prima  donna  au  Théâtre  de  Saint- 
Vélersbourg.  On  l'ail  au  même  théâtre  les  offres  les  plus  brillantes  à 
Lablache. 

V  Le  festival  de  Cambrai  a  été  une  occasion  de  succès  légitimes 
pour  IVL  Poullier,  H"' Lavoye,  et  surtout  H.  Edouard  Butiste.  Ce 
jeune  professeur,  après  avoir  fait  exécuter,  te  15  août,  dans  l'église 
cathédrale,  une  messe  à  grand  orchestre  de  sa  composition,  n'a  pas, 
le  lendemain  obtenu  moins  de  succès  au  concert.  Ou  a  vivement 
applaudi  ses  deux  ouvertures  de  Loysa  de  Monifon  et  de  Bianca 
Capelto. 

*,"  Une  jeune  artiste  dont  le  public  aime  à  entendre  prononcer 
le  nom,  M"=  de  la  Morlière  est  île  retour  à  Paris,  après  avoir  donné 
plusieurs  concerts  à  Yichy,  IVéris,  et  au  Mont-Dore.  L'élite  de 
la  société  cosmopolite  qui  peuple  ces  lieux  de  rendez-vous  fashio- 
nable  n'a  manqué  à  aucun  des  appels  que  lui  a  faits  la  jeune  canta- 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


trice,  et  les  plus  brillants  succès,  les  hommages  les  plus  empressés 
ont  prouvé  à  M"'  de  la  Morlière,  que  le  public  des  eaux  était  digne 
de  l'apprécier  et  de  l'applaudir. 

*.*  La  Juive  d'Halévy  a  été  représentée  à  Pestli  au  théâtre  d'été 
par  les  élèves  du  Coiiscrviitoire ,  el  elle  a  obtenu  d'unanimes  ap- 
plaudissements. 

%*  Jeniiiie  I",  reine  de  JYaples  ,  musique  du  maestro  Taddei ,  a 
oblenu  un  succès  complet  à  Gênes  ;  M"=  I.oewe  qiii  chantait  le  rôle 
principal,  a  été  rappelée  25  fois  et  couverte  de  fleurs. 

',"  On  répète  en  ce  moment  à  Florence  Mignons  Fanfan,  opéra- 
butra  ,  musique  de  Graffina. 

*,*  Hoven,  compositeur  à  Vienne,  qui  a  obtenu  déjà  les  plus  bril- 
lants succès  ,  s'occupe  en  ce  moment  d'un  grand  opéra:  le  Château 
de  Tliaga  ,  qui  doit  être  représenté  sur  le  théâtre  impérial  l'hiver 
prochain. 

",*  I.a  musique  se  répand  de  plus  en  plus;  en  ce  moment  on  con- 
struit un  théâtre  à  Pera,  avec  autorisation  du  sultan,  qui  paiera  la 
plus  grande  partie  des  frais,  pour  avoir  un  Opéra  permanent  près  de 
son  palais. 

'/  La  fille  du  célèbre  Spohr,  mariée  au  professeur  Wolff  de  Cas- 
sel,  est  en  ce  moment  à  Paris. 

%*  Lord  Westmorland  n'est  pas  encore  de  retour  de  son  voyage  à 
Londres;  les  réunions  musicales  et  les  artistes  se  ressentent  de  l'ab- 
sence de  ce  Mécène. 

*.*  On  a  représenté  dernièrement  dans  un  salon  d'un  riche  parti- 
culier de  Berlin  :  les  Prisonniers  de  Piaule,  et  dans  les  enlracles  on 
a  chanté  des  odes  d'Horace,  mises  en  musique  par  Taubert.  On  dit 
que  cette  composition  est  très  remarquable  et  qu'elle  sera  bientôt 
publiée. 

*,*  On  lit  dans  la  Gazeile  musicale  de  yienne  :  «  Un  journal  de 
«  musique  qui  se  publie  à  Paris  sous  le  litre  pompeux  :  la  France 
»  musicale ,  se  donne  toutes  les  peines  possibles  pour  faire  de  Verdi 
»  un  grand  compositeur ,  et  il  assure  que  son  dernier  opéra  Emani 
»  qui,  suivant  cette  feuille,  est  un  chef-d'œuvre,  a  été  représenté  à 
»  Vienne  avec  un  immense  succès,  et  que  le  maësiro  Verdi,  présent 
»  à  cette  représentation  ,  aurait /aùse  couler  des  larmes  de  bonheur. 
»  Kous  ne  doutons  pas  qu'il  n'eut  pleuré  ,  mais  certes  ce  n'est  pas  le 
»  bonheur  qui  aurait  fait  couler  ces  larmes ,  car  Emani  est  un  des 
»  ouvrages  les  plus  médiocres  de  l'école  nouvelle  d'Jtalie.  La  France 
»  musicale  dit  encore  que  M.  Standigl ,  la  célèbre  basse-taille  ,  est 
»  engagé  à  l' Opéra  de  Paris.  Nous  pouvons  assurer  que  cet  artiste  a 
»  encore  un  engagement  de  plusieurs  années  avec  le  théâtre  impé- 
»  rial  de  Vienne.  » 

Clu'oiûfiiie  étraiigère. 

*,"  Bruxelles,  24  août.  —  Nous  avons  déjà  constaté  le  brillant  suc- 
cès que  vient  d'obtenir  ici  la  Reine  de  Cliijprc.  Voici  comment  les 
principaux  rôles  sont  distribués  :  Gérard,  M.  Laborde  ;  Lusignan, 
M.  Laurent;  Mocenigo,  M.  Couderc  ;  Calarina  ,  M"=  Julien.  Après 
avoir  donné  une  analyse  détaillée  du  poëme  ,  apprécié  les  différents 
morceaux  de  la  partition  et  le  talent  des  divers  artistes,  V Indépen- 
dance belge  conclut  en  ces  termes  :  «Soutenue  parl'intérétdu  poëme 
»  el  par  le  mériie  de  la  musique,  par  une  belle  mise  en  scène  el  par 
»  une  exécution  qui  ne  fera  sans  doute  que  s'améliorer  (ceci  soit 
»  dit  surtout  pour  les  chœurs  et  pour  l'orchestre),  la  Heine  de  Cliij- 
»  pie  est  destinée  à  fournir  une  carrière  longue  et  productive.  Il  y 
»  avait  longtemps  que  le  théâtre  de  notre  capitale  n'avait  offert  un 
»  spectacle  aussi  attrayant  à  ses  habitués.  »  La  semaine  dernière  le 
chef-d'œuvre  d'Halévy  a  été  représenté  trois  fois  les  26,  28  et  30 
août  ;  toujours  il  y  avait  foule,  et  l'on  a  refusé  des  billets  au  public 
qui  assiégeait  les  bureaux.  On  nous  promet  pour  bientôt  C/iar/es ^7. 

*,"  Aix-la-Chapelle.  — Le  directeur  du  théâtre  de  cette  ville  avait 
préparé  à  ses  abonnés  une  grande  fête  musicale,  en  invitant  le  cé- 
lèbre violoniste  Ernsl  à  donner  quelques  concerts.  L'enthousiasme 
a  surtout  accueilli  les  fantaisies  sut  Ludovic  et  le  Carnaval  de  Venise. 
Avant  son  départ,  M.  Ernst  a  encore  donné  un  concert  au  profit 
d'une  institution  de  bienfaisance  ,  et  la  sympathie  générale  lui  a 
répondu. 

",*  La  Haye,  Il  août.  — Décidément  le  triomphe  de  la  Heine  de 
Chypre  commence  à  nous  fatiguer  ;  nous  nous  lassons  d'être  le  com- 
plaisant historiographe  de  ses  succès,  et  d'avoir  toujours  à  signaler 
même  affluence  de  spectateurs,  mêmes  bravos,  mêmes  applaudisse- 
ments, et  toujours  même  éclatant  spectacle,  car  il  y  a  là  plaisir  pour 
les  yeux,  plaisir  pour  les  oreilles,  et  vif  intérêt  pour  l'esprit  dans 
ce  cinquième  acte  dont  la  situation  est  si  attachante. 


*,*  Berlin. — M.  Meyerheer  est  parti  pour  Dresde;  son  opéra  en 
trois  actes,  composé  pour  l'inauguration  de  la  nouvelle  salle  d'Opéra, 
est  déjà  mis  en  répétition  ;  on  espère  que  ce  sera  un  antécédent  ca- 
pable d'encourager  le  grand  maître  à  confier  son  Prophète  à  nos 
artistes. 

*,*  Leipzig.  —  Le  Conservatoire  de  musique  vient  d'introduire 
dans  son  cours  de  piano  les  Étwies  de  Stcphen  Heller. 

V  Leipsicl:.\ — La  salle  de  spectacle,  restaurée  el  décorée  avec  un 
luxe  de  bon  goût,  a  été  livrée  au  public.  La  décoration  est  fond  blanc 
el  or  ;  l'intérieur  des  loges  est  rouge  ainsi  que  la  toile  :  l'ameuble- 
ment de  la  scène  est  d'une  richesse  extrême.  La  réouverture  a  élé 
faite  avec  Don  Carlos  ;  la  représentation  a  commencé  par  l'ouverture 
àeJubel  de  Weber.  Le  12  août,  Don  Juan,  succès  complet.  Les 
chœurs,  les  morceaux  d'ensemble,  l'orchestre,  tout  a  élé  à  merveille. 
L'enthousiasme  était  tel,  qu'on  n'attendait  pas  les  cntr'actes  pour 
rappeler  les  acteurs.  M">«  Meyer  de  Vienne  (dona  Anna  )  est  une 
cantatrice  de  premier  ordre.  Le  public  de  Leipsick  prend  un  si  vif  in- 
lérèl  aux  jouissances  scéniques,  que  presque  toutes  les  stalles  sont 
louées. 

—  Un  petit  marchand  de  musique,  C.  Bote  et  Bock,  vient  d'être 
condamné  à  six  cents  francs  d'amende  ou  quatre  semaines  de  prison, 
el  aux  dommages-intérêts,  etc.,  pour  avoir  contrefait  les  solfèges  de 
Bordogni  cl  de  Nava,  sous  un  autre  nom.  Voilà  une  preuve  irrécu- 
sable que  les  tribunaux  de  la  Prusse  protègent  également  les  droits 
des  étrangers  comme  ceux  des  indigènes. 

*,*  Saxe.  —  La  fête  musicale,  dirigée  par  M.  Schneider,  a  très  bien 
réussi  àMcissen;  loiites  les  petites  villes  des  environs  y  ont  parti- 
cipé en  envoyant  comme  contingent  leur  l.iedenafei  (  société  de 
chant  d'hommes;.  Or,  six  cents  voix  étaient  réunies;  c'étaient  les  com- 
positions de  Schneider,  Kûcken  {actuellement  à  Paris),  Ticissigcr 
qui  ont  eu  la  palme. 

*«'  Ems.  —  Les  trois  concerts  que  M.  Théodore  Doehler  a  donnés 
ici  étaient  des  plus  brillants;  toute  la  société  lâshionable  y  a  assisté; 
or  le  prince  Frédéric  de  Prusse,  la  princesse  de  Cobourg,  les  princes 
deSaxe,etc  ,  n'y  manquaient  pas;  des  applaudissements  frénétiques 
accompagnaient  la  Tarentelle,  la  Polka,  les  fantaisies  sur  des  motifs 
de  Lucia  et  la  Favorite,  du  célèbre  virtuose  ;  en  exécutant  la  Chasse 
deStephen  Heller,  il  a  déployé  tant  de  verveet  de  bravoure  qu'on  l'a 
redemandée  unanimement.  M.  Doehler  est  parti  pour  Bade. 

V  Madrid. — La  Favorite  de  Donizetti  vient  d'être  représentée 
avec  un  grand  succès  sur  le  théâtre  del  Circo. 

—  Le  20  du  mois  dernier,  la  Société  philharmonique  de  Malagaa 
tenu  sa  première  séance. 

*,"  Brunsivick. — On  annonce  la  représentation  très  prochaine  d'un 
opéra  nouveau,  intitulé  :  Maria  Dotores  ou  le  Parjure;  le  texte  est 
de. M.  Schmelzer  et  la  musique  de  M.  Roehier. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


En  vente  chez  Maurice  SCHLESlNGFPi,  97,  rue  Richelieu;  et  chez 
ROVER  ,  libraire,  40,  place  du  Pulais-Royal. 

BiOGMFiiiiî  mmmui  des  iilsicie^s, 


BIBLIOGRAPHIE    GENERALE  DE  LA  MUSIQUE, 

par 

F.-J.  FÉTIS, 

lU^iUre  de  cliapellc  du  roi  des  Belges,  direcleur  du  Conscnalgirc  de  musique  de  Bruiellci. 

ïome  VHP,  2"  pttrtie,  terminant  l'ouvrage,  avec 
la  planche  d  du  1"  volume. 

La  publication  de  la  deuxième  partie  du  dernier  volume  de  la 
Biographie  universelle  des  musiciens  complète  cet  ouvrage,  et  con- 
duit à  sa  fin  la  plus  vaste  entreprise  formée  par  un  seul  homme  pour 
les  progrès  de  la  science  de  la  musique.  La  planche  d  ,  publiée  avec 
cette  dernière  livraison,  était  impatiemment  attendue;  elle  contient 
le  l'ac-simile,  d'après  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  Paris,  d'un 
chant  en  latin  barbare  sur  la  bataille  de  Fonlanet,  en  Bourgogne, 
livrée  le  25  juin  844,  avec  la  traduction  de  la  musique  en  notation 
moderne.  Ce  chant,  composé  par  Angelbert,  soldat  Frank  qui  avait 
combattu  à  Fontanet,  est  noté  en  notation  saxonne  dans  le  manu- 
scrit. Nous  atiendions  l'entier  achèvement  de  la  Biographie  univer- 
selle des  musiciens  pour  en  donner  une  analyse  détaillée  ;  nous  ne 
tarderons  pas  à  la  publier. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


Voar  Paris  :  ua  an ,  30  fr.  ;  six  mois,  15  fr.     —     Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres    —     Départements  :  un  an ,  34  fr.  Etranger,  38  fr. 


REVUE 


GAZETTE  MUSICALE 

BÉDIGÉE  PIB 

MM.  ANDERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  Henri  BLANCHARD, 

MaUiuce" BOURGES,  F.  DANJOU,  DUESBEUG,  FÉTIS  père,  Êdouabd  FÉTIS,  Stepben  HELLER,   J.  JANIN, 

G.  KASTNER  ,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  GEORGE  SAND ,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  elc. 

Favaiaaant  tous  Mes  MUntuncIies. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  IMUIUÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 
Le   1*'   et   le    15  de  chaque  mois  oa  recevra  un  morceau  de  musique* 


SOM.MAIRE.  De  quelques  insliluls  de  musique  en  Hussie  (  premiei- 
arlicle).  —  Exposilion  des  produils  de  l'induslrie  (huitième  ar- 
licle);  par  G.-E.  AKDEUS.  —  Académie  royale  de  musique: 
OïlitUo  ,  de  Rossini  (première  représentation).  —  Messe  solennelle 
à  Saint-Méry,  matinée  musicale  chez  M.  Bodin  ;  par  II. 
BLAIVCIIAIiD.  —  Kouvelles.  — Annonces. 

LE  TAMBOUB  DE  VILLAGE.  Dessin  de  Gavarni. 


DE  OUEfcOUES  INSTITCÎS  DE  MUSIfiUË 

i,  pour  .ibréger  ce 
titre,  je  l'eusse  fait 
plus  général ,  il  au- 
rait abusé  le  lec- 
teur. Mon  intention 
ne  va  pas ,  en  effet , 
jusqu'à  traiter  de  la  musique  en  Russie, 
de  la  culture  et  de  l'état  de  cet  art  dans 
toutes  ses  branches.  Ainsi,  je  ne  veux 
parler  ni  de  l'Opéra-Allemand,  qui  a  depuis 
longtemps  droit  de  cité  à  Saint-Pétersbourg  et 
là  Moscou;  ni  de  l'Opéra-Italien,  qui  vient  ré- 
cemment de  s'y  acclimater  par  de  brillants  suc- 
cès ;  ils  sont  l'un  et  l'autre  étrangers  sur  la  terre 
des  czars,  et  tellement  répandus  dans  l'Europe  en. 
tière  que  chacun  peut  les  connaître  à  peu  près  sans 
sortir  de  chez  soi.  Je  ne  veux  même  point  parler  de 
l'Opôra-Russe,  qui  a  aussi  son  temple,  ses  desser- 
vants et  ses  fidèles,  ni  généralement  de  la  musique  compo- 
sée par  des  Russes,  car  elle  échappe  à  la  critique,  et  pour 
une  raison  toute  particulière  au  pays  :  il  n'y  a  pas,  en  Russie, 
de  compositeurs-artistes,  faisant  de  leur  talent  une  profession. 
Cette  société  sans  intermédiaire,  sans  transition  et  sans  lien. 


k 


qui  présente  une  caste  de  nobles  au  milieu  d'un  peuple  de 
serfs ,  l'excès  de  la  richesse  et  du  loisir  parmi  l'excès  du  tra- 
vail et  de  la  pauvreté ,  la  science  de  quelques  uns  au  sein  de 
l'ignoranre  commune,  la  civilisation  entourée  de  la  barbarie, 
l'Europe  dans  l'Asie  et  le  xix»  siècle  dans  le  xiii";  cette  so- 
ciété ,  qui  n'a  pas  encore  de  classe  moyenne ,  n'offre  point 
de  place  pour  ce  que  nous  nommons  un  compositeur,  pour 
un  artiste  de  profession ,  écrivant  de  la  musique ,  comme  un 
auteur  des  livres,  à  l'usage  du  public,  et  relevant  de  ses  arrèis 
souverains.  ■ —  Les  Russes  qui  cultivent  la  composition  (le 
nombre  n'en  est  pas  très  grand)  ,  appartenant  tous  à  la  classe 
qui  a  le  privilège  de  l'éducation  comme  delà  fortune,  ne 
cherchent  dans  ce  travail  qu'un  délassement ,  un  plaisir ,  une 
occupation  distinguée,  qui  satisfasse  leur  goût  dominant ,  et, 
sans  les  astreindre  à  un  labeur  obligé,  remplisse  des  loisirs 
souvent  bien  à  charge  par  leur  continuité.  En  un  mot,  ce 
sont  des  compositeurs-amateurs.  M.  Michel  de  Glinka,  auteur 
très  estimé  dequeUjues  opéras  russes,  entre  autres  de  Riiss- 
ZflM  et  L«dmt7a  (sujet  fantastique  tiré  d'un  poème  de  Pousch- 
kine),  où  il  s'est  montré  sans  hyperbole  le  digne  émule  de 
Weber  pour  la  science  et  l'originalité;  le  général  Alexis 
Lvoff,  auteur  du  célèbre  Hymne  naiionaZ,  qui  rappelle, 
dans  sa  belle  et  forte  simplicité ,  le  God  sme  the  king  ;  les 
comtes  Michel  et  Mathieu  "Wielhorski ,  musiciens  de  premier 
ordre;  enfin,  loin  de  ceux-là,  tout  ce  qui  noircit  du  papier 
à  cinq  raies ,  tout  ce  qui  cherche  une  idée,  les  doigts  sur  le 
piano ,  tout  ce  qui  écrit  une  romance,  une  valse,  moins  en- 
core, une  variation;  tous,  grands  et  petits,  forts  et  faibles, 
tous  sont  des  amateurs. 

Il  ne  s'agit  donc  ici  que  de  certaines  parties  de  l'art  musi- 
cal cultivées  spécialement  en  Russie,  et  tellement  particulières 
à  ce  pays  qu'on  ne  trouverait  rien  de  semblable  dans  le  reste 
du  monde.  Tel  est,  en  premier  lieu,  l'institutdes  Chantres  de 
la  cour. 

Ce  que  sont ,  ou  plutôt  ce  que  furent  les  musici  de  la 


BUREAUX   S' ABONNEMENT,    BUE   BICHEI.XEU, 


300 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


chapelle  sixtine  pour  la  papauté  catholique  ,  les  chantres  de 
la  cour  le  sont  aujourd'hui  pour  la  chapelle  de  l'empereur, 
qui  est  h  peu  près  le  pape  du  grand  schisme  grec.  Mais  vieil- 
lissante, énervée,  décrépite,  l'une  de  ces  institutionsn'est  plus 
que  l'ombre  d'elle-même  et  u'a  que  le  souvenir  de  sa  célé- 
brité passée ,  tandis  que  l'autre  ,  jeune  encore  ,  et  marchant 
toujours  dans  la  voie  du  progrès ,  a  devant  elle  un  long  et 
brillant  avenir.  Je  puis  parler  des  chantres  de  la  cour,  non 
par  ouï-dire  ,  mais  de  visu  et  surtout  de  nuditu,  car  j'ai  eu 
le  plaisir,  rare  et  précieux  pour  un  étranger,  de  les  entendre 
à  la  chapelle  impériale  du  palais  d'hiver  ,  notamment  dans 
une  des  messes  solennelles  du  grand  carême  appelée  d'avant 
la  consécration  des  pains ,  et  j'ai  même  eu  le  plaisir,  plus 
rare  encore  et  plus  précieux,  d'être  admis  dans  leur  hôtel,  où 
ils  vivent  ensemble  comme  les  moines  d'un  couvent,  et  de  les 
entendre  exécuter  devant  un  petit  auditoire  choisi  les  plus 
beaux  morceaux  de  leur  répertoire,  si,  pour  éviter  une  péri- 
phrase ,  on  peut  appliquer  ce  mot  tout  profane  à  des  chants 
religieux. 

Le  corps  des  chantres  se  compose  d'une  centaine  de  per- 
sonnes, tous  hommes,  et  hommes  complets,  ce  qui  forme  une 
différence  radicale  entre  eux  et  les  musiciens  efféminés  de  la 
chapelle  sixtine.  Il  n'eût  pas  été  difficile  assurément  de  trouver 
en  Russie ,  et  sans  chercher  parmi  les  femmes ,  des  voix  de 
soprano.  En  effet,  de  toutes  les  sectes  mystiques  et  extati- 
ques ,  si  nombreuses  dans  l'empire  ,  qui  prennent  à  la  lettre 
certains  textes  des  Écritures  pour  les  mettre  à  exécution  en 
aveugles  et  ea  furieux ,  la  plus  répandue  peut-être ,  et  la  plus 
dangereuse  ,  car  elle  fait  des  prosélytes  par  la  prédication  , 
l'argent  et  même  la  force ,  est  celle  des  eunuques  volontaires. 
Ils  s'appuient  sur  ce  passage  de  saint  Mathieu  (ch.  XIX,  vers. 
12)  :  «  Il  y  a  des  eunuques  qui  sont  nés  tels,  dès  le  ventre  de 
leur  mère;  il  y  en  a  qui  ont  été  faits  eunuques  par  les  hom- 
mes; et  il  y  en  a  qui  se  sont  faits  eunuques  eux-mêmes  pour 
le  royaume  des  cieux.  »  Et  pour  gagner  sûrement  le  royaume 
des  cieux ,  ils  ajoutent  au  vœu  de  chasteté ,  toujours  un  peu 
téméraire ,  l'impossibilité  absolue  des  chutes  et  des  tenta- 
tions (1). 

On  rencontre  beaucoup  de  ces  Abeilards  par  suicide ,  à 
Saint-Pétersbourg  même  ,  notamment  dans  les  boutiques  du 
grand  bazar  appelé  Gastinoï-Dvor.  Mais  aucun  d'eux  n'est 
admis  dans  le  corps  des  cliantres.  Les  parties  de  haute-contre 
de  ténors,  de  barytons  et  de  basses  sont  remplies  par  des 
hommes,  celles  de  soprani  et  à'alti  par  des  enfants.  Les 
premiers  réunissent  jusqu'en  leurs  extrêmes  toutes  les  voix 
données  au  gosier  de  l'homme.  Je  n'ose  pas  affirmer  pour- 
tant que  des  ténors  montent  réellement  à  \'vt  de  Duprez, 
avec  la  voix  de  poitrine ,  ou  bien ,  avec  le  fausset ,  au  sol 
suraigu  de  Rubkii  ;  mais  il  y  a  des  basses  qui  descendent,  au- 
delà  du  soi  profond  de  Lablache,  une  gamme  tout  entière, 
qui  vont  au  contre-sol.  Ces  voix  prodigieuses,  et  d'un  admi- 
rable effet  dans  les  morceaux  d'ensemble  ,  dans  les  notes  te- 
nues, dans  les  basses  en  pédales,  senties  bassons,  les  trom- 

ri)  Si  l'on  s'éloniiait,  si  l'on  doutait  qu'un  lel  fanatisme  fût  pos- 
sible de  nos  jours  ,  je  pourrais  donner  des  preuves  encore  plus  sur- 
prenantes de  la  fureur  aveugle  qui  anime  certaines  sectes  religieuses 
en  Russie.  Dans  l'une  d'elles  ,  par  exemple,  les  affilies  croient  ga- 
gner la  récompense  du  martyre  en  s'entre-luant.  A  Moscou  ,  il  y  a 
peu  d'années,  trente-six  personnes,  hommes  et  femmes,  se  sont 
ainsi  mutuellement  assassinées.  Le  trente-septième,  seul  survivant, 
car  sa  croyance  lui  défendait  de  se  tuer  lui-même,  s'est  livré  aux 
magistrat»  pour  être  condamné  comme  homicide.  Le  prince  V.,  lit- 
térateur tris  distingué,  m'a  dit  avoir  visité  dans  sa  prison  ce  meur- 
trier fanatique.  11  était  tranquille,  résigné  ,  glorieux,  et  ne  doutait 
pas  qu'il  n'eût  gagné  le  ciel  par  un  acte  d'iicroique  dévouement. 


bones,  les  ophicléides  de  l'orchestre  humain.  Quant  aux 
enfants,  que  l'on  recrute  d'habitude  dans  les  gouvernements 
de  la  Petite-Russie,  el  en  général  parmi  les  fils  de  marchands 
ou  de  popes(prêtres  grecs),  on  les  reçoit  à  l'Institut  des  chan- 
tres vers  l'âge  de  huit  ou  neuf  ans.  Comme  il  faut  prévoir 
qu'à  l'époque  de  la  puberté,  de  la  mue,  les  mieux  doués 
peuvent  perdre  entièrement  la  voix ,  on  a  soin  d'ajouter  à 
leur  éducation  musicale  de  chanteur  la  culture  de  quelques 
instruments ,  et  même  l'instruction  universitaire,  pour  qu'ils 
puissent,  au  besoin,  selon  leur  goût,  suivre  la  carrière  des 
emplois  publics.  L'Institut  des  chantres  est  donc  encore, 
pour  les  jeunes  recrues,  un  petit  conservatoire  et  un  petit 
collège. 

La  musique  exécutée  dans  la  chapelle  impériale  à  toutes 
les  solennités  de  l'église  d'Orient  est  de  deux  espèces  fort 
différentes,  comme  celle  qui  s'entend  dans  nos  églises  catho- 
liques. L'une,  qu'on  peut  nommer  aussi  le  plain-chant,  et 
dont  l'origine  traditionnelle  remonte  aux  premiers  siècles  du 
christianisme,  est  le  chant  du  rituel  grec.  Il  se  récite  ,  comme 
les  offices,  sur  des  paroles  en  langue  slave,  espèce  de  langue 
sacrée ,  qui  remplit,  parmi  les  races  slaves,  le  rôle  du  sanscrit 
parmi  les  races  indoues  ;  car  ,  origine  commune  de  tous 
les  dialectes  qui  se  parlent  dans  l'est  de  l'Europe,  de  la  Mer- 
Blanche  au  pays  des  Monténégrins,  elle  n'est  cependant  par- 
lée nulle  part,  et  ne  sert  plus  que  pour  le  formulaire  du  culte. 
Le  rituel  grec  rappelle  entièrement  le  chant  grégorien,  celui 
que  le  pape  saint  Grégoire  établit  pour  l'Eglise  universelle,  à 
la  fm  du  VI'  siècle,  trois  cents  ans  avant  le  grand  schisme  de 
Byzance.  Cette  ressemblance  évidente  prouve  une  fois  de 
plus  que  les  deux  rituels ,  celui  des  Latins  comme  celui  des 
Grecs,  viennent  également  du  Bas-Empire ,  où  l'on  connais- 
sait dès  longtemps,  et  même  avant  saint  Grégoire,  le  Canti- 
que de  snint  André.  Et  si  l'on  pouvait  remonter  du  plain- 
chant  à  ce  canlique,  et  de  ce  cantique  à  la  musique  des  anciens, 
on  découvrirait  sans  doute  que  l'art  de  la  musique,  comme 
celui  de  la  peinture,  a  une  filiation  tradilionnelle  et  ininter- 
rompue, depuis  les  anciens  Grecs  jusqu'à  nous;  on  reconnaî- 
trait que  le  plain-chant  fixé  par  saint  Grégoire  a  fait,  en  quel- 
que sorte,  partie  du  dogme  chrétien  ,  comme  la  peinture  des 
Byzantins,  qu'ils  sont  tous  deux  restés  immuables  pendant 
l'époque  entière  du  moyen-âge  ,  et  que  c'est  seulement  à 
l'époque  d'émancipation  générale  appelée  la  Renaissance , 
grâce  à  Palestrina  imitant  Giotto ,  que  la  musique  a  rompu 
les  Uens  du  dogme,  comme  la  peinture,  pour  entrer  dans  la 
pleine  liberté  de  l'art. 

L'autre  musique  exécutée  dans  la  chapelle  impériale , 
comme  à  la  chapelle  sixtine  et  dans  toute  la  chrélienlé,  est 
précisément  cette  seconde  musique,  libre,  émancipée,  entrée 
dans  l'art  au  sortir  du  dogme.  Mais  il  s'en  faut  beaucoup,  il 
s'enfaut  au  moins  trois  cents  ans,  qu'elle  remonte  en  Russie 
jusqu'à  l'époque  lointaine  qui  vit,  en  Italie,  les  Palestrina, 
les  Allegri,  les  Vittoria,  les  Monteverde;  en  Espagne,  les  Sa- 
hnas,  les  Perez  et  les  Gomès.  Ce  fut  seulement  vers  la  fin 
du  siècle  dernier,  sous  la  grande  Catherine ,  que  ,  par  l'intro- 
duction de  cet  élément  nouveau ,  la  chapelle  impériale  reçut 
son  complet  développement,  et  que,  malgré  leur  ancien  nom 
toujours  conservé,  les  chantres  de  la  cour  devinrent  des  chan- 
teurs. On  doit  celle  heureuse  transformalion  à  l'Italien  Joseph 
Sarti.  Né  à  Faenza  dans  la  Romagne,  en  i730,  mort  à  Saint- 
Pétersbourg  en  1802,  nationalisé  Russe  et  anobli,  il  passa 
dans  cette  dernière  ville  toiUe  la  seconde  moitié  de  sa  vie. 
D'abord  compositeur  pour  le  théâtre,  auteur  distingué  d'une 
Armida  ,  d'un  Giulio  Sabino,  et  d'autres  opéras  qui  pré- 
cédèrent, en  Italie,  ceux  de  Cimarosa  et  de  Paesiello,  il  se 


DE  PARIS. 


301 


fit ,  clans  sa  nouvelle  patrje,  et  avec  plus  d'éclat  encore,  com- 
positeur de  musique  sacrée  pour  la  chapelle  impériale,  dont  il 
était  directeur.  Dans  cette  histoire  de  Sarti,  avancez  les  dates 
de  quarante  ans,  mettez  Florence  pour  Faenza ,  Napoléon 
pour  Catherine,  Paris  pour  Saint-Pétersbourg,  le  Conserva- 
toire pour  la  chapelle ,  et  vous  aurez  l'iiistoire  de  Cherubiui. 
Mais  ce  n'est  pas  seulement  une  foule  de  belles  compositions 
religieuses  que  Sarti  laissa  en  nsourant  à  son  cher  corps  des 
chantres,  qu'il  avait,  en  grand  général,  formé,  discipliné, 
aguerri,  conduit  aux  triomphes.  Il  laissait  un  digne  succes- 
seur, son  élève  Bortnianski.  Moins  célèbre,  peut-être  inconnu 
dans  le  reste  de  l'Europe ,  mais  justement  honoré  dans  son 
pays ,  le  Russe  Bortnianski  a  fait  plus  encore  que  l'Italien 
Sarti  lui-même.  A  force  de  patience ,  de  fermeté ,  de  soins 
intelligents,  il  a  conduit  les  chœurs  de  la  chapelle  impériale 
à  la  dernière  perfection  d'exécution  qui  se  puisse  atteindre  ; 
et  ses  compositions  religieuses ,  du  style  le  plus  noble ,  du 
goût  le  plus  pur,  de  l'effet  le  plus  entraînant,  mériteraient 
aussi  bien  d'être  recueillies,  publiées,  communiquées  au  monde 
musical,  que  ces  compositions  du  xvii"  siècle,  inconnues 
aussi,  quoique  excellentes,  qui  demeurent  enfouies,  à  l'autre 
bout  de  l'Europe  ,  dans  les  cathédrales  de  l'Espagne.  Depuis 
la  mort  presque  récente  de  Bortnianski ,  l'Inslitut  des  chan- 
tres de  la  cour  est  heureusement  passé  sous  la  direction  du 
général  Alexis  Lvoff,  qui  saura  le  maintenir  à  sa  haute  et 
florissante  situation.  Digne  et  complet  héritier  de  ses  prédé- 
cesseurs, le  général  Lvoff  compose  avec  le  même  talent,  la 
même  supériorité  ;  et,  pour  ne  citer  qu'un  exemple  dans  ses 
œuvres,  il  a  écrit  un  psaume  {Diliejam  te.  Domine)  qui 
peut  rivaliser  avec  les  plus  belles  créations  de  la  grande  mu- 
sique d'église. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 


€ïposition  îics  Iproîiuits  î)c  rinïiustrie. 

HUITIÈiME    ARTICLE. 

Piaiâog.  —   51M.  "l'S^eeîfel  et  BjaEaa-eaat. 


'est    la     deuxième 
fois  que  MM.  Wœl- 
fel    et    Laurent  se 
présentent  au  grand 
concours.  Ils  y  dé- 
butèrent  en    1839 
d'une  manière  brillante;  leur  établisse- 
ment ne  comptait  alors  que  deux  ans 
d'existence  ,  mais  déjà  il  jouissait  d'une 
belle  réputation  :  les  instruments  qui  en  sor- 
taient étaient  très  estimés,  et  méritaient  de 
l'être,  tant  pour  leur  construction  soignée  dans 
tous  les  détails  que  pour  la  belle  qualité  de 
son  qui  résultait  principalement  d'un  nouveau 
système  de  table  d'harmonie. 

Pendant  les  cinq  années  qui  se  sont  écoulées 
depuis ,  cette  maison  a  constamment  été  en  pro- 
grès. M.  Wœlfel,  auquel  tout  le  monde  s'accorde 
à  reconnaître  une  grande  habileté  et  une  rare  intelligence  de 
son  art,  n'a  cessé  de  se  livrer  à  des  recherches  qui  ont  amené 
d'heureux  résultats.  Il  a  pris  des  brevets  pour  plusieurs  per- 
fectionnements dont  l'utilité  est  incontestable;  une  seule  de 
ses  innovations,  peut-être,  rencontrera  des  objections,  ou  du 


nîoins  demandera  du  temps  pour  être  adoptée  par  les  artistes 
et  les  amateurs.  On  verra  plus  bas  de  quoi  nous  voulons 
parler. 

M.  Wœlfel  destinait  à  l'Exposition  six  pianos  d'espèces  dif- 
férentes, savoir  :  deux  pianos  droits  à  cordes  obliques  ,  deux 
pianos  verticaux  et  deux  grands  pianos  à  ([ueue.  Cinq  de  ces 
instruments  ont  successivement  paru  dans  la  salle  des  Champs- 
Elysées  ;  le  sixième  ,  le  plus  remarquable  de  tous,  n'a  pas  été 
vu  du  public.  Achevé  trop  lard,  la  veille  de  la  clôture,  il  a 
été  envoyé  directement  au  Palais  Bourbon.  C'est  en  visitant 
la  manufacture  même  que  nous  avons  pu  l'examiner. 

Tous  ces  instruments  se  distinguent  par  un  fini  de  travail 
qu'il  serait  difficile  de  surpasser.  Ils  ont  en  outre  reçu  divers 
perfectionnements,  dont  l'inventeur  s'est  assuré  la  propriété. 
Nous  y  avons  remarqué  un  nouveau  mécanisme  et  un  nou- 
veau système  de  chevilles,  qui  nous  a  paru  ingénieux,  et  dont 
les  accordeurs  surtout  sauront  apprécier  le  mérite. 

Depuis  assez  longtemps,  plusieurs  facteurs  reconnaissant  la 
défectuosité  deschevilles  ordinairement  employées  pour  tendre 
les  cordes,  ont  cherché  d'autres  moyens  plus  propres  à  faci- 
liter l'opération  de  l'accord.  On  sait  que  l'emploi  des  chevilles 
est  fréquemment  sujet  à  des  secousses  qui  ne  permettent  pas 
toujours  de  saisir  la  note  avec  une  grande  précision.  Pour 
remédier  a  cet  inconvénient ,  quelques  uns  ont  essayé  de 
substituer  aux  chevilles  un  système  d'engrenages  semblable  à 
celui  qui  a  été  appliqué  aux  contrebasses.  On  se  rappelle 
peut-être  avoir  vu,  à  l'Exposition  de  1839,  un  piano  droit  de 
M.  Erard,  construit  sur  un  pareil  système,  imaginé,  dit-on, 
par  un  facteur  allemand  de  Mayence,  qui  avait  cédé  la  pro- 
priété de  cette  invention  à  son  célèbre  confrère  de  Paris. 
Celte  nouveauté  n'eut  point  de  succès  ;  du  moins  nous  ne 
sachions  pas  que  M.  Erard  ait  continué  de  l'appliquer  à  ses 
instruments.  D'autres,  tout  en  conservant  les  chevilles  ordi- 
naires, ne  les  faisaient  servir  que  pour  opérer  l'accord  en 
gros,  et  ils  le  réglaient  ensuite  au  moyen  de  vis  à  pression 
placées  entre  les  chevilles  et  le  sillet.  Nous  passons  sous  si- 
lence des  essais  moins  heureux,  tels  que,  par  exemple,  l'idée 
de  remplacer  la  pointe  d'attache  par  un  levier  auquel  la 
corde  était  fixée,  et  que  l'on  faisait  aussi  marcher  par  une 
vis  de  pression  (1). 

M.  Wœlfel  a  pensé  qu'on  pourrait  perfectionner  la  cheville 
de  manière  à  remplir  toutes  les  conditions  voulues,  et  il  a 
inventé  une.  chevillemécaniquc  (comme  il  l'appelle) qui,  d'une 
construction  simple  et  solide ,  se  manie  avec  la  plus  grande 
facilité.  Voici  en  quoi  elle  diffère  de  la  cheville  ordinaire  : 
la  partie  supérieure  (celle  qui  domine  le  sommier)  se  compose 
d'un  tube  ouvert  dans  toute  sa  longueur,  et  dans  lequel  joue 
une  vis  que  l'on  peut  élever  ou  abaisser  à  volonté,  et  qui, 
dans  ses  divers  mouvements  ,  tend  ou  détend  la  corde  fixée 
h  un  talon  .saillant  de  cette  vis,  et  passant  sur  une  poulie  qui 
se  trouve  au  bas  du  tube. 

Cette  description,  toute  incomplète  qu'elle  e.st ,  suffira  ce- 
pendant, nous  le  croyons,  pour  donner  une  idée  de  l'objet. 
Dans  ce  système ,  comme  on  voit ,  c'est  la  vis  qui  tourne , 
et  non  pas  la  cheville.  Cette  dernière,  une  fois  fixée,  l'est  in- 
variablement. On  conçoit  l'avantage  qui  en  résulte  pour  l'ac- 
cord; car  la  vis  se  tourne  insen.siblement  et  n'exige  aucun 
effort,  tandis  que  la  cheville  ordinaire  demande  une  certaine 
force  physique  et  en  outre  une  grande  habitude.  Le  procédé 
au  moyen  de  la  vis  est  toujours  sûr  lorsqu'il  s'agit  de  tendre 
la  corde  à  des  degrés  presque  imperceptibles;  il  ne  l'est  pas 
avec  la  cheville  ordinaire,  qui  dépasse  souvent  la  nuance  que 


(1)  Voir  la  Gazelle  muncale  de  1839,  n»  41,  p.  324. 


302 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


l'on  veut  obtenir,  à  cause  des  secousses  que  la  clef  lui  im- 
prime. Ajoutons  que  M.  "VVœlfel  emploie  depuis  trois  ans  ses 
chevilles  mécaniques  dans  les  pianos  de  divers  genres  :  leur 
solidité  est  ainsi  suffisamment  démontrée. 

Nous  passons  au  grand  piano  à  queue  qui  n'a  pas  figuré 
dans  la  salle  d'exposition,  et  qui  mérite  un  examen  particu- 
lier. Tout  est  nouveau  dans  cet  instrument ,  qui  se  fait  sur- 
tout remarquer  par  la  forme  inusitée  de  son  clavier. 

On  a  plusieurs  fois  tenté  de  réformer  le  clavier,  soit  en 
supprimant  les  touches  noires  pour  le  rendre  tout  uni ,  soit 
en  faisant  régulièrement  alterner  les  touches  blanches  et  noires 
(au  lieu  de  ranger  ces  dernières  par  groupes  de  deux  et  de 
trois),  soit  en  donnant  aux  touches  mêmes  une  forme  toute 
nouvelle,  comme  par  exemple  dans  lepimio  harmonometre, 
que  l'on  a  vu  à  l'Exposition,  et  dans  lequel  les  louches 
ressemblaient  à  de  larges  pions  d'un  damier  placés  verticale- 
ment. 

Rien  de  tout  cela  dans  le  nouveau  clavier  de  M.  "Wcelfel  ; 
les  touches  y  ont  conservé  leur  forme  ;  elles  se  suivent  de  la 
manière  habituelle  :  seulement,  au  lieu  de  les  placer  parallè- 
lement et  en  ligne  droite,  ce  facteur  les  a  disposées  en  éven- 
tail ,  de  sorte  que  le  devant  de  son  clavier  figure  un  arc  de 
cercle. 

Un  semblable  essai  a  été  fait  à  Vienne,  en  1825,  par  un 
facteur  nommé  StaulTer,  connu  aussi  comme  inventeur  d'une 
nouvelle  espèce  de  guitare,  à  laquelle  il  donna  le  nom  de 
guitare  d'amour.  L'innovation  du  clavier ,  n'ayant  pas  été 
approuvée  par  les  pianistes,  fut  abandonnée.  Sera-t-elle  plus 
heureuse  entre  les  mains  de  M.  Wœlfel?  Cet  intelligent  fac- 
teur parviendra-t-il  h  faire  adopter  celte  nouvelle  construc- 
tion? Nous  ne  voulons  rien  préjugera  cet  égard.  C'est  aux 
grands  pianistes  qu'il  appartient  de  décider  s'ils  y  trouvent 
réellement  les  avantages  que  l'inventeur  s'en  est  promis  ;  car 
ce  n'est  pas  le  désir  d'attirer  l'atlenlion  publique  par  quelque 
nouveauté  bizarre  qui  lui  a  suggéré  cette  idée  ;  il  s'est  pro- 
posé un  but  d'utilité.  Ecoutons  les  explications  qu'il  nous 
donne  : 

La  position,  dit-il,  la  plus  convenable  du  bras  par  rapport 
au  clavier  pendant  le  jeu,  est  sans  contredit  celle  où  l'avant- 
bras  se  trouve  toujours  en  ligne  droite  avec  les  touches,  pour 
ne  gêner  en  aucune  façon  l'articulation  des  doigts  et  de  la 
main.  Le  clavier  ordinaire  ne  permet  pas  de  conserver  cette 
position  lorsqu'il  faut  attaquer  les  touches  des  notes  élevées 
oii  basses;  car  il  faut  alors  que  le  coude  s'éloigne  du  corps, 
que  le  corps  même  suive  le  coude  en  se  penchant  du  côté  où 
la  main  doit  agir.  Plus  les  notes  à  frapper  approcheront  d'une 
des  extrémités  du  clavier,  plus  cette  inclinaison  sera  sensible, 
et  de  la  position  continuellement  dérangée  du  corps  il  résul- 
tera incertitude  et  diBiculté  dans  l'exécution. 

Dans  le  clavier  nouveau,  ces  inconvénients  disparaissent. 
Ce  clavier  décrit  par  devant,  au  lieu  d'une  ligne  droite,  un 
arc  de  cercle,  où  le  corps  de  l'exécutant  représente  en  quelque 
sorte  le  centre,  ce  qui  fait  que  les  coudes  peuvent  rester  dans 
la  position  une  fois  prise  et  servir  de  pivots  à  l'avanl-bras.  Le 
corps  n'ayant  plus  besoin  de  se  pencher,  il  y  aura  plus  de 
sûreté  dans  l'exécution,  surtout  pour  les  passages  où  la  main 
est  obligée  de  sauter. 

Voilà  ce  que  dit  M.  Wœlfel,  et  il  faut  avouer  que  son  rai- 
sonnement est  fondé  jusqu'à  un  certain  point.  Mais  on  lui 
opposera  peut-être  qu'il  s'est  exagéré  les  inconvénients  du 
clavier  ordinaire;  que  la  nécessité  de  pencher  le  corps  pour 
atteindre  les  touches  des  deux  extrémités  n'est  pas  un  mal 
si  grand  ,  puisque  cela  peut  se  faire  avec  aisance  et  sans  con- 
torsion. Voyez  Thalberg!  dira-t-on  ;  comme  sa  pose  est  tou- 


jours calme  au  milieu  même  des  passages  les  plus  difficiles  et 
qui  embrassent  toute  l'étendue  du  clavier  ! 

Les  opinions  seront  donc  partagées  au  sujet  de  celle  inno- 
vation ;  mais  si  l'on  peut  douter  qu'elle  soit  utile  pour  l'exé- 
cutant, on  ne  saurait  nier  qu'elle  ne  soit  avantageuse  pour  la 
sonorité  de  l'instrument.  La  disposition  des  touches  en  éven- 
tail a  permis  d'espacer  les  cordes  plus  que  d'ordinaire,  et 
d'élargir  la  table  d'harmonie,  qui,  présentant  ainsi  aux  vibra- 
lions  une  plus  grande  surface,  doit  nécessairement  augmenter 
l'intensité  du  son;  aussi  le  piano  qui  nous  occupe  se  distin- 
gue-t-il  par  une  puissance  remarquable.  Toutefois  M.  Wœl- 
fel, qui  n'est  jamais  satisfait  de  ses  œuvres,  espère  obtenir 
un  résultat  plus  décisif  dans  un  second  piano  qu'il  se  propose 
de  construire  sur  le  même  plan.  Ce  plan,  nous  l'avons  dit,  est 
entièrement  neuf;  il  présentait  de  grandes  difficultés;  la  per- 
sévérance et  l'habileté  du  facteur  les  ont  vaincues  heureuse- 
ment. 

Quant  au  mécanisme,  il  est  à  frappement  par  dessus  et  à 
double  échappement  ;  il  permet  de  répéter  la  note  sans  lever 
le  doigt  entièrement  de  la  touche,  avantage  que  M.  Wœlfel 
avait  déjà  obtenu  par  un  autre  mécanisme  dans  un  piano  ex- 
posé en  1839,  et  dont  nous  avons  parlé  à  cette  époque.  Si 
nous  ne  donnons  pas  ici  la  description  du  mécanisme  nou- 
veau ,  c'est  qu'il  serait  impossible  d'en  faire  comprendre  les 
détails  sans  le  secours  d'un  dessin. 

Il  est  encore  à  remarquer  que  l'accord  de  ce  piano  se  fait 
par  dessous,  c'est-à-dire  que  la  cheville  se  trouve  placée  en 
sens  inverse.  Par  suite  de  cette  disposition,  elle  a  dû  être  mo- 
difiée ;  et  au  lieu  d'être  fixée  par  sa  partie  inférieure ,  c'est 
par  le  tube  même  qu'elle  tient  au  sommier,  en  sorte  que  la 
clef  vient  saisir  d'en  bas  l'écrou  qui  sert  à  faire  tourner  la  vis. 

Puisque  nous  en  sommes  sur  l'accord,  disons  un  mot  d'un 
appareil  que  M.  Wœlfel  a  construit,  pour  obtenir  avec  la  plus 
grande  précision  ce  qu'on  appelle  la  partition  en  terme  d'ac- 
cordeur. Il  consiste  en  une  série  de  diapasons  formant  la 
gamme  chromatique  d'une  octave. 

L'idée  en  elle-même  d'un  semblable  appareil  n'est  pas  nou- 
velle ;  on  se  rappelle,  sans  doute,  le  diapasorama  de  Matrot. 
Ce  qui  constitue  le  mérite  de  celui  de  .M.  Wœlfel,  c'est  le 
procédé  qu'il  a  suivi  pour  accorder  ses  diapasons  en  adoptant 
le  système  de  Scheibler,  supérieur  à  toutes  les  méthodes  que 
l'on  avait  employées  antérieurement.  Ce  système,  peu  connu 
en  France ,  repose  sur  les  battements  de  deux  sons  dont  les 
vibrations  se  heurtent,  et  qui  sont  pris  pour  mesurer  le  nom- 
bre de  ces  vibrations.  C'est  par  ce  moyen  que  Scheibler,  après 
de  nombreuses  expériences,  a  fixé  la  valeur  numérique  de 
toules  les  intonations  de  l'octave ,  représentées  par  une  suite 
de  diapasons  en  acier,  appareil  auquel  il  donna  le  nom  de  to- 
nomètre.  Scheibler  publia  plusieurs  écrits  sur  sa  décou- 
verte ;  ce  sont  ces  écrits  qui  ont  guidé  M.  Wœlfel  dans  son 
travail.  Voici  comment  ce  facteur  a  procédé  pour  faire  ses 
calculs  : 

Partant  du  la  d'orchestre ,  qui  donne  huit  cent  quatre- 
vingt-six  vibrations  par  seconde,  il  prit  un  second  diapason 
qu'il  accorda  à  huit  vibrations  de  moins  que  le  premier; 
puis  un  troisième  qu'il  accorda  à  huit  vibrations  de  moins  que 
le  second,  et  ainsi  de  suite  ,  jusqu'à  ce  qu'il  fût  arrivé  au 
cinquante-septième  diapason  qui  donnait  quatre  cent  qua- 
rante-trois vibrations,  ou  la  moitié  de  celles  du  premier,  et 
formait  ainsi  l'octave  inférieure  de  celui-ci  ;  car  il  est  à  re- 
marquer que  M.  Wœlfel  établit  son  appareil  dans  une  gra- 
dation descendante.  Ayant  de  celle  manière  trouvé  l'oclave, 
il  reprit  son  calcul  pour  répartir  entre  douze  autres  diapasons 
le  nombre  de  ces  vibrations,  et  pour  former  entre  les  deux  la 


DE  PARIS. 


303 


une  gamme  chromatique  d'une  justesse  et  d'une  pureté  im- 
possible à  obtenir  par  des  expériences  sur  le  monocorde  ou 
par  tout  autre  procédé.  Le  travail  était  pénible  et  long,  mais 
il  fut  récompensé  par  le  succès. 

M.  Wœlfel  n'a  pas  exposé  cet  appareil  ;  mais  il  le  montre 
chez  lui  à  qui  désire  le  voir.  Il  l'a  construit  pour  son  propre 
usage;  mais  il  serait  à  souhaiter  qu'il  en  fabriquât  pour  le 
commerce.  Ce  serait  un  service  rendu ,  non  seulement  aux 
accordeurs  de  profession,  mais  surtout  aux  amateurs  qui 
voudraient  accorder  eux-mêmes  leurs  instruments. 

Au  point  de  perfection  où  le  piano  est  arrivé  de  nos  jours, 
on  dirait  qu'il  n'a  plus  de  progrès  à  faire.  Jamais  cependant 
les  facteurs  ne  montrèrent  une  plus  ardente  activité  à  cher- 
cher do  nouveaux  perfectionnements.  M.  Wœlfel ,  de  son 
côté  ,  ne  reste  pas  en  arrière  dans  celte  lutte  d'émulation  gé- 
nérale :  en  ce  moment  même,  nous  savons  qu'il  s'occupe 
d'une  amélioration  importante  dont  nous  n'avons  pas  le  droit 
de  divulguer  le  secret ,  mais  que  nous  nous  empresserons  de 
faire  connaître  dès  qu'il  jugera  à  propos  de  la  soumettre  au 
public. 

G-.E.  Anders. 


ACADEMIE  ROYALE  DE  MUSIQUE. 

mwmmmm©^ 

OPÉRA    EN    3  ACTES. 

Musique  de  Rossmi  ;  traduit  en  français 
par  MM.   Alphonse  Royer  et  Gustave  Vaez. 

(Première  représentation.) 

our  traiter  complètement  toutes  les  questions 
que  soulève  la  nouvelle  transformation  de  ce 
chef-d'œuvre  musical ,  il  faudrait  ouvrir  une 
espèce  de  compte  h  deux  colonnes,  oij  le  Doit 
et  Y  Avoir  seraient  remplacés  par  ces  mots  : 
Pourquoi  ?  et  Pourqtwi  pas  ?  En  effet ,  il  y  avait  presque  au- 
tant de  raisons  contre  que  pour  la  tentative  qui  vient  de 
s'accomplir  à  l'Académie  royale  de  musique.  La  partition  de 
Rossini  est  admirable ,  on  ne  saurait  le  nier,  et  il  est  toujours 
bon  d'offrir  à  son  public  des  ouvrages  d'une  excellence  re- 
connue ;  il  ne  l'est  pas  moins  d'accoutumer  les  artistes  à 
sentir  et  à  rendre  les  beautés  de  ces  rares  productions.  Mais 
à  côté  des  avantages  se  trouve  le  péril  :  Othello  date,  pour  les 
Italiens,  de  l'année  1816;  et,  pour  nous,  de  l'année  1821. 
Dans  l'espace  de  ces  vingt-trois  ans  il  a  été  si  souvent  donné , 
que  nous  en  savons  par  cœur  toutes  les  notes  :  il  a  joui , 
dans  ce  même  espace,  du  bonheur  que  les  chefs-d'œuvre 
classiques  de  notre  théâtre  n'ont  obtenu  qu'en  deux  siècles  , 
celui  de  rencontrer  pour  chacun  de  ses  rôles  principaux  trois 
ou  quatre  artistes  supérieurs,  qui  les  ont  marqués  h  leur 
empreinte.  Donc  il  valait  mieux  peut-être  songer  à  autre 
chose  qu'à  transporter  Othello  sur  la  scène  française  ;  mais 
une  fois  le  parti  pris ,  il  fallait  s'en  tirer  avec  honneur,  et 
c'est  ce  que  l'Opéra  vient  de  faire  ;  trois  représentations  suc- 
cessives ne  permettent  pas  d'en  douter. 

Duprez,  M"'°  Stoltz,  Barroilhet,  Levasseur,  Octave,  et 
M""  Méquillet,  ne  pouvaient  manquer  d'apporter  dans  l'exé- 
cution de  la  lâche  commune  beaucoup  de  talent ,  de  zèle  , 
d'expérience.  Trois  de  ces  artistes  Levasseur,  Duprez  et  Bar- 
roilhet, ont  achevé  leur  éducation  en  Italie  :  ils  ont  grandi 
aux  reflets  du  soleil  Rossinien.  M"'°  Stoltz  a  fait  preuve  d'une 
grande  volonté  ,  d'une  extrême  persévérance  :  elle  s'est  livrée 


au  travail  le  plus  opiniâtre  pour  assouplir  une  voix  naguère 
encore  rebelle,  et  elle  y  est  parvenue  au  point  de  pouvoir 
chanter  d'un  bout  à  l'autre,  sans  le  modifier,  un  rôle  qui  a 
passé  par  le  gossier  des  cantatrices  les  plus  renommées  pour 
leur  habileté  vocale.  Elle  a  de  plus  intercalé  dans  son  rôle  uiie 
cavatine  de  Yltaliana  in  Algieri,  Per^sa  alla  palria ,  dont 
les  difficultés  ne  l'arrêtent  nullement.  Mais  ce  dont  il  est  juste 
de  la  féliciter,  surtout,  c'est  de  la  modériition,  du  bon  goût 
qu'elle  a  mis  dans  son  jeu.  C'est  bien  là  une  jeune  femme 
tendre  et  timide  :  point  d'emportements,  point  d'éclat,  excepté 
lor.squ'Othello  l'accuse  face  à  face  et  lève  sur  elle  le  poignard  : 
alors  Desdemone  s'indigne,  et  sa  faiblesse  native  ne  reparaît 
plus  que  dans  l'effroi  que  lui  inspire  la  mort. 

Barroilhet  chante  au  commencement  du  second  acte  une 
cavatine  de  la  Donna  del  Lago,  fort  peu  en  harmonie  avec,  le 
caractère  de  son  rôle  sombre  et  dissimulé.  Il  n'a  cherché 
qu'un  succès  de  chanteur,  et  en  général  il  joue  tout  son  rôle 
beaucoup  trop  en  dehors.  Le  morceau  qui  produit  le  plus 
d'effet,  c'est  le  duo  de  la  lettre  qu'il  chante  avec  Duprez,  et 
qui  commence  en  italien  par  ces  paroles  :  Vira  d'averso 
fato.  Duprez  met  une  expression  sublime  d'énergie  et  de 
douleur  dans  le  récitatif  qui  précède  ce  duo,  de  même  que 
dans  la  scène  qui  termine  le  premier  acte  et  dans  tout  le  troi- 
sième. Comme  M"'°  Stoltz  et  Barroilhet,  s'il  est  inférieur  en 
quelques  parties  à  ses  illustres  devanciers,  il  leur  est  supé- 
rieur en  quelques  autres.  On  peut  en  dire  autant  d'Octave, 
ce  jeune  artiste  dont  la  voix  a  tant  de  charme,  et  dont  la 
méthode  s'améliore  constamment  ;  de  Levasseur,  qui  n'avait 
à  craindre  que  le  parallèle  avec  Lablache;  quant  à  M""  Mé- 
quillet, elle  n'en  avait  aucun  à  redouter. 

L'orchestre,  conduit  par  Habeneck,  a  mérité  les  éloges  que 
dès  le  lendemain  le  directeur  a  cru  devoir  consigner  dans  une 
lettre,  reproduite  par  plusieurs  journaux. 

Un  divertissement  composé  de  deux  pas  fort  bien  dansés 
par  Mabille  et  M""  Bretin,  Hoguet-Vestris  et  M""  Sophie 
Dumilâlre,  et  terminé  par  un  gracieux  ensemble,  a  trouvé 
place  au  premier  acte.  Ces  pas  et  cet  ensemble  s'exécutent 
sur  des  airs  de  Mathilde  de  Shabran  et  i'Armida,  arran- 
gés par  M.  Benoist. 

La  traduction  nouvelle  due  à  l'association  souvent  heureuse 
de  MM.  Alphonse  Royer  et  Gustave  Vaez,  se  distingue  par 
l'élégance  et  la  pureté  du  style.  Elle  n'échoue  dans  l'exacte 
reproduction  du  texte  original  que  lorsqu'il  y  a  impossibilité 
absolue  de  le  rendre,  comme  par  exemple,  dans  le  passage 
du  fameux  duo,  //  cor  mi  si  divitte,  dont  la  traduction  est 
loin  de  donner  l'équivalent. 

Maintenant  un  seul  mot  sur  la  question  du  droit  de  jouer 
des  traductions.  Ce  droit,  que  l'Académie  royale  de  musique 
a  toujours  exploité,  dans  tous  les  temps  et  sous  tous  les  ré- 
gimes, lui  est  confirmé  par  un  article  de  son  cahier  dos  char- 
ges. Cet  article  dit  aussi  que  les  traductions  ne  comptent,  au 
profit  du  directeur,  que  comme  remplacement  d'un  opéra  en 
un  acte.  Que  les  personnes  qui  croient  que  M.  Léon  Pillet 
n'a  donné  Othello  que  pour  se  dispenser  d'un  grand  ouvrage 
nouveau ,  que  celles  qui  s'imaginent  que  la  commission  des 
théâtres  royaux  lui  a  permis  celte  infraction  aux  règles  éta- 
blies, veuillent  donc  bien  se  rassurer.  Othello  ne  figurera  au 
budget  que  comme  ouvrage  en  un  acte.  Voilà  aussi  pourquoi 
il  eût  été  injuste  de  demander  que  le  directeur  fît  pour  un  tel 
ouvrage  autant  de  dépenses  que  pour  un  Itobert-le- Diable, 
une  Favorite  ou  une  Reine  de  Chypre.  Ce  n'est  pas  tout  de 
lire  les  cahiers  de  charges  et  de  les  citer,  il  faut  tâcher  de  les 
comprendre. 

R. 


30a 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


MESSE  SOLENNELLE  A  SAINT-MERY. 
MATINÉE  MUSICALE  CHEZ  M.  BODIN. 

^Syrf*7%.  1  y  aura  toujours  deux  sujets  de  critique  incessante 
W4H#'W'^''"^  l'art  musical  :  le  premier  de  ces  sujets, 
.;!^^  a  ^-y  c'est  le  compositeur  qui  a  parcouru  toute  l'é- 
'îfr  Ji^P  chellede  la  science  musicale,  qui  s'est  livré  con- 
sciencieusement à  l'étude  sévère  des  contre- 
points et  de  la  fugue  :  mais  qui,  né  sans  idées,  se  met  à  écrire 
ce  que  mille  autres  ont  écrit  avant  lui.  Le  second,  c'est  le 
compositeur  qui  n'a  pas  voulu  rester  assez  longtemps  assis , 
selon  l'expression  pittoresque  de  Gluck ,  qui  ne  sait  pas  suf- 
fisamment, qui  ne  connaît  pas  toutes  les  ressources  de  l'art 
d'écrire,  et  qui  argue  aussi  sottement  qu'orgueilleusement 
de  la  fantaisie,  de  l'abondance  stérile  des  idées  au  mépris  de 
l'unité  de  la  pensée ,  croyant  que  le  génie  c'est  le  caprice ,  les 
divagations,  quand  ce  don  du  ciel  n'est  dans  les  arts,  et  chez 
les  nations  civilisées ,  que  la  pensée  simple,  naturelle  et  vraie 
réglée  par  la  méthode.  Ces  vérités  ne  sauraient  trop  se  répé- 
ter à  l'époque  où  nous  sommes ,  dans  ce  temps  qui  voit  l'art 
musical  imiter  les  travers  de  la  littérature  dtî  1829  à  1835; 
car  si  une  école  musicale  jette  tous  les  ans  deux  ou  trois  com- 
positeurs classiques  dont  la  plus  haute  expression  et  tout  l'ave- 
nir se  borne  à  un  contrepoint  à  la  12"'°  et  à  une  canlale  qui  les 
exilent  à  Rome  oit  ils  ne  font  rien,  les  jeunes  musiciens  qui 
méprisent  l'étude,  les  compositeurs  romantiques  ne  manquent 
pas  non  plus  chez  nous.  Ce  n'est  point  parmi  ceux-ci  qu'il 
faut  rauger  M.  Stiegler,  qui  a  fait  exécuter  une  messe  solen- 
nelle, dimanche  passé,  dans  l'église  de  Saint-Méry  ;  ce  serait 
plutôt  dans  la  catégorie  des  compositeurs  qui  savent  bien, 
mais  en  qui  l'on  désirerait  plus  d'originalité,  qu'il  doit  être 
placé.  Voilà  le  second  ouvrage  de  ce  genre  qu'il  fait  exécuter 
à  Saint-Mcry ,  et  tout  estimable  que  soit  cette  composition, 
nous  aurions  désiré  y  trouver  un  peu  plus  d'inspiration,  de 
chaleur,  et  surtout  de  choses  un  peu  plus  neuves.  Nous  en 
sommes  réduits  à  dire,  comme  tous  ces  organes  d'une  publi- 
cité aussi  banale  qu'inutile  qui  se  produisent  dans  une  foule 
de  petites  feuilles  soi-disant  musicales,  que  le  Kyrie  est 
pompeux,  que  VAgnus  Dei  est  d'une  suavité  ravissante,  que 
Y  élévation  vous  fait  rêver  religieusement,  etc. ,  etc.  Quoi  qu'il 
en  .soit,  il  faut  féliciter  ce  jeune  artiste  qui  persévère  dans 
cette  carrière  si  difficile  de  composer  et  surtout  de  faire  exé- 
cuter de  la  musique  sacrée  dans  Paris.  Les  églises  de  cette 
capitale  autrefois  si  protectrice  de  l'art  musical  sont,  à  quel- 
ques exceptions  près,  tout-à-fait  tombées  dans  la  barbarie  du 
cantique  à  l'unisson  sur  des  ponts-neufs,  ou  des  romances 
surannées  qui  rappellent  des  souvenirs  de  iieux-communs 
d'amour.  M.  le  curé  de  Saint-Méry,  qui  a  le  sentiment  et  le 
goiit  de  la  bonne  musique  se  distingue,  en  cela  de  la  plupart 
de  ses  confrères;  il  a  déjà,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  facilité, 
autant  qu'il  l'a  pu,  l'entrée  de  l'art  sérieux  dans  son  église 
en  reconnaissant  dans  M.  Stiegler  un  vrai  dévouement  à  cet 
art  ;  et  paroissiens,  fidèles,  compositeur,  auditeurs  et  quêteurs 
n'ont  eu  qu'à  s'en  féliciter. 

—  M.  Emile  Bodin  et  51°"=  Pierson-Bodin  sa  fille,  attendent 
que  le  coup  de  feu  des  matinées  musicales  soit  passé  pour 
faire  entendre,  dans  quelques  séances  musicales,  leurs  élèves 
sur  le  piano,  charmantes  petites  demoiselles  que  viennent 
seconder  de  jeunes  artistes  qui  ont  déjà  surmonté  les  émo- 
tions que  donne  la  publicité  en  remportant  des  prix  au  Conser- 
vatoire. Dimanche  dernier,  après  que  M""  ***,  suivant  la  for- 
mule du  programme  énigmatique,  se  sont  fait  applaudir  dans 
des  variations  plus  ou  moins  variées  de  style,  de  goût  et  d'in- 
vention, M.  Boulard,  premier  prix  de  violon  de  cette  année, 


a  joué  le  premier  morceau  d'un  concerto  de  Viotti  avec  faci- 
lité, justesse,  élégance,  mais  avec  un  son  quelque  peu  mes- 
quin et  d'une  petite  manière;  puis  M.  Cras,  également  pre- 
mier prix  de  hautbois,  élève  de  M.  Vogt,  a  dit  d'un  beau  son, 
d'un  excellent  style,  une  fantaisie  charmante  de  son  maître, 
illustre  doyen  de  hautboïstes  des  France,  de  Navarre ,  d'Eu- 
rope et  de  mille  autres  lieux.  Après  cela  M""  Yavasseur  a 
chanté  avec  une  expression  dramatique  et  profondément 
sentie  une  scène  et  un  air  intitulé  :  Athalie,  de  M.  Cohen; 
M.  Alexis  Dupond  a  dit  une  romance  de  M.  Masiui,  inti- 
tulée :  Silvio  Pellico ,  dont  les  paroles  pleines  de  mélancolie 
et  de  couleur  musicale  sont  dues  à  M.  Emile  Baraleau.  Enfin 
M""  Pierson-Bodin  nous  a  fait  entendre  plusieurs  jolies  étu- 
des, une  entre  autres  de  M°"=  Farrenc  ;  puis  une  sonate  à 
quatre  mains  avec  M"'  Armantine  Aubert,  qui  a  joué  ensuite 
d'une  manière  brillante  et  presque  professorale  la  Fantaisie 
sur  la  Nornia  de  Thalberg.  Tout  cela,  loin  du  cataclysme  des 
concerts  passés  et  à  venir,  a  fait  beaucoup  de  plaisir  à  l'audi- 
toire maternel,  bienveillant  et  distingué  qui  s'était  rendu  à 
l'invitation  de  M.  Bodin. 

Henri  Blanchard. 


LE  TAMBOUR  DE  VILLAGE. 

Dessin  de  Gavarni. 

Le  tambour  de  village  est  musicien  à  peu  près  comme  la 
cloche  du  village  est  musicienne.  Sa  tenue ,  vous  le  voyez  , 
n'est  pas  toujours  très  sévère,  mais  qu'importe,  s'il  remplit 
exactement  ses  fonctions,  et  s'il  n'en  inspire  pas  moins  le 
respect  dû  à  tout  individu  qui  exerce  sa  part  d'autorité  pu- 
blique ? 


HOTJTSIalaSS. 

*,*  Demain  lundi,  à  l'I^péra,  la  4=  représentation  d'OiIiello. 

",*  M""  Nau  est  engagée  à  Londres,  pour  les  mois  d'octobre  et  de 
novemlire  prochain.  Elle  doit  chanter  en  anglais  dans  Lucie  de  Lam- 
mermoor,  et  la  Sirhie  au  Princes's  Théâtre. 

*,*  En  quittant  Lyon,  M"'  Taglioni  va  se  rendre  à  Bruxelles,  où 
elle  sera  ensuite  remplacée  par  M""  Fanny  Ellsler. 

V  Tamburini  part  cette  semaine  pour  St-Pélersbourg  avec  toute 
sa  famille. 

*,*  Hermann-Léon  a  continué  ses  débuts  dans  le  rôle  de  Babylas 
du  Diable  à  l'école  ;  il  y  a  obtenu  comme  chanteur  un  succès  tout- 
à-faît  décisif.  M""^  Henri  Potier  a  mis  beaucoup  de  grâce  et  de 
charme  dans  le  rôle  de  Fiamma,  et  Giraud  ne  s'est  pas  mal  acquitté 
de  celui  de  Stenio.  Comme  on  le  voit,  l'ouvrage  est  entièrement  re- 
monté à  neuf. 

•»*  Le  premier  ouvrage  en  trois  actes  que  l'on  doit  donner  à  l'O- 
péra-Comique  est  intitulé  Carie  Fanloo;  M.  Montforl  en  a  écrit  la 
musique. 

*,"  M'""  Rossi-Caccia  est  engagée  au  Théâtre-Italien  de  St-Péters- 
hourg,  ainsi  que  M""  Pauline  Yiardot,  Castellan  et  Nissen. 

*„"  M"'"  Pauline  Garcia-Viardot  se  repose  à  la  campagne,  près 
Paris  ;  elle  retourne  à  St-Pétersbourg  vers  la  fin  de  septembre,  pour 
gagner  encore  cette  année,  pendant  les  six  mois  de  l'hiver,  ses  mo- 
diques appointements  de  100,000  fr. 

*,"  C'est  à  M.  Fromenthal  Halévy  qu'est  échu  l'héritage  de  M.  Ber- 
lon,  en  ce  qui  touche  le  travail  du  Dictionnaire  de  la  langue  des 
beaux-arts,  commencé  depuis  longues  années  par  l'Institut,  et  au- 
quel ont  successivement  travaillé  MéhuI,  Lesueur  et,  en  dernierlieu, 
M.  Berton. 

*.*  On  écrit  de  Toulouse  :  «  Liszt,  le  célèbre  pianiste,  l'artiste  in- 
spiré, dont  tant  de  fois  déjà  nous  avons  enregistré  les  triomphes,  est 
en  ce  moment  à  Toulouse,  où  il  continue  les  prodiges  d'enthousiasme 


DE  PARIS. 


305 


qui  ont  salué  son  passage  à  travers  toutes  les  villes  du  Midi.  Jeudi, 
dans  la  soirée,  les  magniflques  choeurs  d'ouvriers  toulousains  ont 
donné  une  sérénade  à  Liszt.  Le  grand  artiste,  étant  allé  remercier 
les  chanteurs,  quelques  uns  d'entre  eux  esprimèrent  leurs  regrets  de 
ne  l'avoir  pas  entendu.  Liszt  offrit  spontanément  de  donner  un  con- 
cert à  leur  intention,  et  il  leur  dislriliua  gratuitement  six  cents  bil- 
lets. Le  concert  a  eu  lieu  samedi.  Liszt  s'y  est  montré  véritablement 
inspiré.  Le  piano  s'est  transformé  sous  ses  doigts  en  un  instrument 
divin;  jamais  artiste  ne  produisit  sur  son  auditoire  un  effet  compa- 
rable àcelui-là.  Ajoutons  aussi  quejamais  peut-être  artiste  ne  trouva 
d'interprètes  plus  dociles  que  les  magnifiques  pianos  à  queue  de 
M.  Boisselot ,  de  Marseille  ,  que  le  grand  pianiste  louche  dans  tous 
ses  concerts.  »  Il  paraît  décidé  qu'au  lieu  de  revenir  à  Paris,  comme 
il  devait  le  faire,  Liszt  va  partir  pour  l'Espagne  et  se  rendre  direc- 
ment  à  Madrid. 

V  Thalberg  est  arrivé  à  Paris. 

*,*  Les  vacances  sont  le  temps  des  locomotions  artistiques;  elles 
servent  à  la  décentralisation  musicale.  M.  Antoine  de  Kontski  ,  le 
pianiste  brillant  que  tout  Paris  applaudit  à  l'époque  de  la  saison  des 
concerts  ,  est  en  ce  moment  à  Metz,  avec  son  frère  l'iiabile  violo- 
niste ,  et  y  donne  des  séances  musicales  qui  sont  très  suivies  par  les 
amateurs  de  cette  ville,  où  l'on  aime  beaucoup  la  bonne  musique. 
Dans  une  soirée  chez  M.  le  général  Prou,  toute  la  société  et  S.  A.  R. 
M.  le  duc  de  Montpensier~  qui  se  trouvait  à  cette  réunion,  ont  été 
émerveillés  du  talent  des  deux  artistes  voyageurs;  etla  jeune  Altesse 
royale  a  trouvé  que  M.  Antoine  de  Kontski  avait  dit  sa  fantaisie  sur 
Robert-te-Diable  comme  un  ange.  Tous  ceux  qui  ont  entendu  ce 
foudroyant  pianiste  exécuter  sa  valse  infernale  ,  et  jouer  des  diffi- 
cultés les  plus  diaboliques,  seront  volontiers  solidaires  du  jeu  de 
mots  ,  du  calemboug  princier  que  nous  venons  de  citer. 

*„*  Nous  avons  entendu  ,  dans  une  réunion  d'amateurs  ,  un  trom- 
boniste allemand  ,  M.Nabich,dont  le  talentvraiment  dislinguéa  été 
vivement  applaudi.  Cet  artiste  se  propose  de  faire  une  tournée  en 
province  et  en  Belgique;  il  y  donnera  dans  plusieurs  villes  des  con- 
certs ,  et  reviendra  ensuite  à  Paris,  où  nous  croyons  pouvoir  lui  pré- 
dire un  brillant  succès. 

*.*  Le  fils  de  J,  Strauss  vient  de  faire  exécuter  dans  une  église 
de  Vienne  une  messe  qui ,  suivant  le  jugement  de  tous  les  connais- 
seurs ,  est  une  composition  très  remarquable. 

*,*  La  statue  colossale  de  Goethe,  coulée  en  bronze  dans  la  fonde- 
rie royale  de  Munich,  d'après  le  modèle  de  Schwanthaler,  est  achevée 
et  exposée  aux  regards  des  connaisseurs.  Cette  statue,  comme  on 
sait,  est  destinée  à  orner  une  des  places  de  Francfort-sur-Mein,  ville 
natale  du  poète.  Goethe  est  représenté  vêtu  d'un  manteau  ,  mais 
ayant  les  bras  libres.  Il  porte  le  costume  simple  de  l'époque  actuelle; 
son  bras  droit  est  appuyé  sur  un  tronc  de  chêne;  de  la  main  gauche, 
qui  est  baissée,  il  tient  une  couronne  de  laurier.  Ses  regards  sont 
tournés  vers  le  ciel.  Les  sujets  des  bas-reliefs  du  piédestal  sont  em- 
pruntés aux  ouvrages  de  Goethe.  Sur  le  devant,  trois  figures  de 
femmes  représentent  les  sciences  naturelles  et  les  poésies  dramatique 
et  lyrique;  sur  le  côté  opposé,  l'on  voit,  à  droite,  Gœtz  deBerlichin- 
gen,  Egmont,  le  Tasse  et  un  Faune;  la  fiancée  deCorinthe,  Promé- 
thée  et  le  roi  des  Aulnes;  l'une  des  surfaces  latérales  représente 
Iphigénie,  Oreste,  Thoas,  Faust  et  Méphistophélès;  et  l'autre,  Mi- 
gnon, Wilhelm  Meister,  le  Harpiste,  Hermann  et  Dorothée. 

",*  A  propos  de  l'annonce  du  nouvel  instrument  inventé  par  un 
capitaine  de  génie  anglais,  et  fonctionnant  au  moyen  de  l'air  com- 
primé, la  priorité  est  réclamée  en  faveur  deM.  Sax,  qui  en  avait 
présenté  un  il  y  a  trois  ans,  du  même  genre,  mais  qui  l'emporte, 
dit-on,  de  beaucoup  sur  son  concurrent  pour  la  simplicité  de  sa 
construction.  On  se  rappellera  les  plaisanteries  de  plusieurs  journaux 
a  l'occasion  de  cet  instrument  à  vapeur  qui  devait  avoir  une  assez 
grande  puissance  pour  se  faire  entendre  de  toute  une  ville  ,  et  faire 
danser  les  jours  de  fête  à  une  population  tout  entière  la  polka  ,  la 
cachucha,  la  mazourka,  la  plus  à  la  mode,  ce  qui  eût  été  on  ne  peut 
plus  agréable.  La  vérité  est  que  cet  appareil  estsimplemenl  unesorte 
de  trompette  ou  porte-voix  à  ancAe /ii^e  qui,  posé  à  la  place  du  sifflet 
qui  se  trouve  aux  locomotives  ou  chemins  de  fer  et  auxmachioes  des 
bateaux  à  vapeur,  servira  à  transmettre  des  signaux  ou  des  ordres 
à  une  très  grande  distance  au  moyen  d'un  pavillon  mobile  qui  diri- 
gerait la  voix  de  l'instrument  vers  le  point  où  il  serait  utile  de  la 
faire  entendre.  On  comprend  de  quelle  ressource  serait  un  instru- 
ment pareil  pour  réclamer,  en  cas  de  besoin  ,  de  prompts  secours 
lorsqu'un  accident  grave  arriverait  à  une  certaine  distance  d'un  en- 
droit habité,  et  nous  pensons  qu'Userait  bon  d'en  faire  sérieusement 
l'essai. 

*,*  Un  grand  concert  doit  avoir  lieu  ces  jours-ci  a  Francfort,  au 


Mainlust,  si  le  temps  le  permet.  On  y  entendra  ie  Liederkranz,  VOr- 
pliée,  la  réunion  de  chant  de  Saclisenliausen ,  YArion,  etc.,  etc.  On 
exécutera  des  compositions  de  Cherubini  ,  Mozart,  Mendelssohn  , 
Creutzer,  etc.  On  a  représenté  récemment  au  théâtre  de  la  ville  : 
Fernand  Cartes  et  le  Sacrifice  mierrompu.  Pour  la  foire  d'automne 
on  annonce  lu  Flûte  enchantée  ,  et  la  Sirène  de  M.  Auber. 

%*  L'église  de  St-Veit  à  Prague  possède  deux  violons  très  remar- 
quables ;  l'un  de  l'année  1709,  de  Stradivarius,  de  Crémone  ;  l'autre, 
de  l'année  1C37,  de  Santini  Souzza,  de  Milan.  Le  premier  a  été 
offert  à  l'église,  en  1757,  par  l'archevêque  Wokane  ;  le  second  a  été 
donné  par  le  comte  Spork,  en  1759. 

V  Une  fête  de  chant  a  eu  lieu  près  de  Darmstadt ,  dans  un  en- 
droit de  la  forêt  nommé  Kranichstein.  Les  sociélés  de  chant  s'y 
étaient  réunies  vers  une  heure.  Après  cette  solennité  musicale,  on 
s'est  rendu  au  théâtre  pour  assistera  la  représentation  de  i''"eraand 
Corlcs. 

CIiE-onii^aie   oSëiiai'tenKeBttale. 

*,*  Rouen,  4  septembre.  —  La  troupe  lyrique  a  débuté  dans  Robert 
le  Dinble;  Baguenot,  qui  remplissait  le  principal  lôle;  M"'=  Valton, 
qui,  bien  qu'indisposée,  chantait  celui  d'Alice;  M.  Groguet,  ténor 
léger,  qui  chantait  celui  de  Rairabaud,  ont  pleinement  réussi.  Au 
contraire  le  Bcrtram  doit  immédiatement  quitter  la  place. 

*,"  Bordeaux.  —  L'ouverture  du  Ihéâtre  s'est  faite  par  la  Juive  et 
par  Lucie.  M.  Arnaud,  premier  ténor,  a  parfaitement  réussi.  La  ren- 
trée de  M'"'  Lamy  a  été  brillante.  M.  Martin  a  débuté  avec  succès 
dans  le  rôle  d'Ashton  de  Lucie:  M.""  Hébert  a  fait  aussi  sa  rentrée 
dans  ce  dernier  opéra. 

*»"  Strasbourg.  —  Une  cantatrice  allemande,  M"=  Pveuss,  a  chanté 
ici  le  même  soir,  et  dans  sa  langue  nationale,  les  rôles  d'Alice  et 
d'Isabelle  de  Robert  le  Diable.  Il  paraît  que  le  tour  de  force  a  réussi. 

*,*  Toulouse. — L'agitation  continue  de  régner  sur  les  scènes  dé- 
départementales. Ici,  dans  un  court  espace  de  temps,  Espinasse  a 
subi  des  chances  bien  diverses  :  accueilli  par  l'enthousiasme  dans 
Lucie,  il  s'est  Irouvé,  quatre  jours  après,  hors  d'état  de  chanter  le 
troisième  acte  de  Guillaume  Tell,  et  un  tumulte  épouvantable  a 
failli  bouleverser  la  salle  du  Capitule.  Peu  s'en  est  fallu  qu'il  n'y 
eût  une  émeute  dans  la  ville  :  quatre  ou  cinq  cents  individus  s'é- 
taient dirigés  vers  l'allée  Lafayette  ,  et  il  a  été  nécessaire  de  les  pré- 
venir, en  envoyant  un  assez  bon  nombre  de  soldats  pour  protéger 
la  demeure  de  notre  premier  ténor. 

dii'onîfiue  étrangère. 

*,"  Aix-la-Chapelle.  —  Nous  possédons  en  ce  moment  le  célèbre 
violoniste  Ernst;  les  deux  concerts  qu'il  a  déjà  donnés  ont  attiré  la 
foule  élégante  réunie  aux  eaux.  Il  est  dilTicile  de  se  faire  une  idée  de 
l'enthousiasme  que  cet  artisie  éminent  a  excité  dans  le  public  :  sa 
fantaisie  sur  le  Pirate  et  le  Carnaval  de  Vetiise  ont  été  redemandés, 
et  déjà  il  annonce  un  troisième  concert  avant  son  départ  pour  Mu- 
nich et  Vienne. 

*,*  Bade. —  La  société  d'élite,  qui  cette  année  encore  s'est  donné 
rendez-vous  à  Bade,  était  réunie  samedi  dernier  dans  la  belle  et 
vaste  salle  de  la  maison  de  conversation  pour  assister  à  un  grand 
concert,  qui  à  juste  titre  a  été  annoncé  comme  une  solennité  musi- 
cale. L'orchestre  sous  la  direction  de  M.  Panofka  a  fait  des  merveilles. 
S'il  nous  fallait  encore  des  preuves  que  M.  Panofka  est  un  chef  d'or- 
chestre vraiment  remarquable,  et  que  c'est  là  sa  véritable  vocation, 
l'exéculiim  de  la  symphonie  en  sol  mineur  de  Mozart  et  de  l'ouver- 
ture à.' Oreron  nous  les  fournirait.  Le  public  décade,  du  reste,  n'a 
pas  oublié  la  manière  large  et  brillante  que  M.  Panofka  a  su  impri- 
mer au  Stabat  mater  de  Rossini,  qu'il  a  fait  exécuter  il  y  a  deux  ans 
dans  la  même  salle  ,  et  les  bravos  unanimes  ont  dû  lui  prouver  que 
le  public  sait  apprécier  ses  rares  qualités. 

La  partie  vocale  du  concert  a  eu  ses  dignes  interprètes  en  M.  Ober- 
hoffer  et  M""  Marx  et  Eockholtz;  mais  contre  l'habitude,  les  hon- 
neurs de  la  soirée  ont  été  réservés  à  la  partie  instrumentale  :  au  jeu 
inspiré  de  M.  Bosenhain,  le  pianiste  consciencieux  par  excellence, 
au  cor  magique  de  Vivier,  et  aux  accents  suaves  de  la  basse  de 
M.  Cossmann,  qui  a  produit  le  plus  grand  effet  par  sa  belle  fantaisie 
sur  des  motifs  du  FreyscliUtz.  Le  concert  s'est  terminé  par  l'ouver- 
ture de /a  Sirine,  qui,  sous  la  direction  de  M.  Panofka,  a  été  exécutée 
avec  entrain  et  précision. 

—  M.  Doehler,  depuis  quelques  jours  seulement  à  Bade,  se  pro- 
pose de  donner  une  soirée  musicale. 

*,*  Carlsbad  (Bohème)  4  uoiU.  —  Le  second  fils  de  Mozart,  M.  Wolf- 


306 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


gang-Amédée  Mozart,  pianiste  et  compositeur  distingué,  vient  de 
mourir  dans  cette  ville,  âgé  de  cinquante-deux  ans.  Ses  obsèques 
ont  eu  lieu  à  l'église  paroissiale  de  Sl-Étienne,  où,  à  cette  occasion, 
le  célèbre  Jiequiem  de  son  père  a  été  exécuté  par  cinq  cents  profes- 
seurs et  amateurs. 

",*  Dresde,  28  août.  —  M.  Richard  Wagner,  auteur  du  grand  opéra 
en  cinq  actes,  intitulé  Cola  Riemi,  qui  a  obtenu  un  grand  succès 
non  seulement  ici,  mais  sur  tous  les  grands  théâtres  d'Allemagne, 
notamment  à  Berlin  et  à  Vienne,  vient  d'être  nommé  par  le  roi  di- 
recteur de  sa  musique  et  maître  de  chapelle  de  la  cour.  Ce  dernier 
poste  était  resté  inoccupé  depuis  la  mort  de  l'illustre  Charles-Marie 
de  Weber. 

*.*  tienne.  —  Pendant  le  séjour  du  roi  de  Prusse  dans  notre  ca- 
pitale, on  a  joué  en  présence  de  S.  Majesté  et  de  la  cour  d'Aulriche, 
au  château  de  Schoenbrunn,  une  bluelte  de  circonstance  en  un 
acte. —  Une  représentation  à  laquelle  devaient  contribuer  les  mem- 
bres du  théâtre  an  der  Wien,  et  qui  devait  avoir  lieu  dans  les  salons 
de  M.  de  Metternich,  a  été  contremandée  par  suite  d'une  indisposi- 
tion du  prince.  —  Au  théâtre  de  l'Opéra  de  la  cour,  M'"''^  ïuczek  et 
Grosser  ont  beaucoup  de  succès.  M°>=  Grosser  est  la  prima  donna  du 
Théâtre  de  Prague.  On  attend  toujours  le  retour  de  M""^  Luizer.  — 
Un  grand  scandale  a  eu  lieu  dernièrement  au  Théâtre  Josephstadt. 
M.  Schindier,  correspondant  du  Morgenblail,  a  été  maltraité  au  par- 
terre par  le  secrétaire  de  l'Administration,  pour  avoir  dit  sa  façon 
de  penser  sur  une  mauvaise  pièce,  représentée  récemment  à  ce  théâ- 
tre. On  dit  que  l'affaire  a  été  déférée  aux  tribunaux. 

—  Un  autographe  très  intéressant  de  Liszt  vient  d'ê're  public  en 
fac-iimile  ;  c'est  sa  seconde  marche  hongroise,  qui  avait  donné  lieu 
à  un  procès  curieux,  qui  s'est  terminé  tout-à-fait  à  l'avantage  du 
cétèbre  pianiste. 

•,"  Bruxelles.— -U.  A.  Moeser,  élève  de  M.  de  Bériot  et  deson  père,  qui 
jouit  d'une  grande  réputation  en  Allemagne,  se  propose  de  se  rendre 
l'hiver  prochain  à  Paris.  M.  de  Eériot  juge  son  élève  digne  de  se 
faire  entendre  au  Conservatoire  royal,  et  ne  doute  pas  d'un  succès 
plein  et  entier;  en  témoignage  de  son  estime,  il  lui  a  dédie  un  con- 
certo. Les  concerts  de  M.  Moeser  à  Eruxelles,  Liège,  Lille,  etc.,  où  il 
a  exécuté  les  compositions  de  Beethoven,  Cériot,  Ernsl,  Prume,  etc., 
ne  laissent  aucun  doute  sur  le  talent  supérieur  de  ce  jeune  violo- 
niste, qui,  ne  connaissant  plus  de  dillicultés  sur  son  instrument, 
rend  tellement  les  inspirations  des  grands  maîtres,  qu'il  enlève 
également  les  suffrages  des  artistes  et  des  dilettanti. 

","  Leipzig. —  Notre  théâtre  est  en  voie  de  prospérité  :  c'est  sur- 
tout à  l'opéra  que  la  direction  doit  ses  succès.  Don  Juan  a  élé  par- 
faitement exécuté.  On  parle  de  ténors  remarquahlos  qui  doivent 
débuter  incessamment.  Les  premieis  opéras  nouveaux  qu'on  repré- 
sentera sont  :  YEchevin  de  Paris ,  par  Dorn,  et  Mara ,  par  Netzer. 

*,*  Gotha.  —  Le  festival  de  chant  pour  hommes  (Jlaenner-Saen- 
gerfest)  a  été  célébré  en  plein  air  sur  la  terrasse  derrière  le  château 
ducal  :  le  nombre  des  membres  des  /Jederlnfel  vt  des  réunions  de 
chant  qui  assistaient  à  cette  solennité  était  d'environ  six  cenis. 

*.'  Prague.  —  Pour  l'anniversaire  séculaire  de  la  fondation  de  l'U- 


niversité de  cette  ville,  on  exécutera  un  ^e  X>e«m  de  Nicolai;  un 
chant  de  fêle  par  M.  Saemann,  directeur  de  musique  ;  et  VEchevin 
de  Paris ,  opéra  de  AI.  Dorn  ;  les  trois  compositeurs  sont  nés  à  Kœ- 
nigsberg. 

—  Le  célèbre  baryton  Pischek  se  propose  de  donner  une  suile  de 
représentations  au  théâtre  de  celte  ville;  il  a  chanté  pour  ses  débuts: 
Une  nuit  à  Grenade  ;  son  succès  a  été  complet. 

",*  Jliga.  — M'"=  Hoffmann  a  fait  ses  adieux  au  public  dans  le 
Domino  noir.  A  son  entrée  sur  la  scène  elle  fut  accueillie  par  les  fan- 
fares de  l'orchestre,  sur  la  demande  expresse  du  public.  A  la  fin  de 
la  représentation,  M""  Hoffmann  harangua  les  spectateurs;  après 
quoi  on  lui  présenta  un  écrin  de  diamants,  dont  ses  admirateurs 
avaient  fait  l'acquisition  à  frais  communs;  et  la  cantatrice  fut  parée 
sur  la  scène  même,  aux  acclamations  du  public  et  au  bruit  des  trom- 
pettes et  des  cymbales. 

%*  Pestlt.  M.  Ronconi  et  sa  femme  ont  donné  des  représentations 
qui  ont  été  peu  suivies  :  on  rend  justice  toutefois  au  talent  du  pre- 
mier baryton  de  notre  époque. 

*.*  Copenhague  ,  i^  août.  —  Le  Théâtre  national  et  royal,  qui  est 
toujours  fermé  pendant  les  mois  de  juin,  de  juillet  et  d'août,  sera 
rouvert  le  lundi  2  septembre  prochain  ,  par  la  première  représenta- 
tion de  la  tragédie  de  Lucrèce ,  de  M.  Ponsard,  traduite  en  vers  da- 
nois par  M.  Andersen,  auteur  de  divers  ouvrages  dramatiques  ori- 
ginaux qui  ont  obtenu  un  grand  succès  en  Danemarck.  Le  même 
théâtre  donnera  le  18  septembre,  à  l'occasion  de  l'anniversaire  du 
roi ,  la  première  représentation  du  célèbre  opéra  de  M.  Spontini,  la 
f^estale  ,  qui,  bien  que  déjà  ancien,  n'a  jamais  élé  représenté  sur 
aucun  théâtre  en  Danemarck ,  et  dont  notre  grand  public  ne  con- 
naît que  divers  fragments  qui  ontété  exécutés  dans  des  concerts. 

—  L'imprésario  du  Théâtre-Italien  a  renoncé  à  son  privilège,  et 
il  ne  s'est  présenté  personne  pour  le  remplacer. 

*,*  Rome. —  Les  bals  et  soirées  dansantes  de  l'hiver  dernier  ont 
offert  en  général  peu  d'agrément.  Les  réunions  les  plus  suivies  sont 
celles  du  banquier  Torlonia.  Quiconque  a  une  lettre  de  recomman- 
dation pour  le  Principe  et  échange  chez  lui  du  papier  contre  de  l'or 
y  est  invité.  On  se  trouve  au  milieu  de  personnes  qui  n'ont  rien  de 
commun  entre  elles,  sinon  leurs  rapports  financiers  avec  le  maître 
delà  maison,  qui  ne  connaît  que  le  plus  petit  nombre  des  invités. 
On  walse,  on  danse  des  quadrilles,  des  cotillons  :  la  mazurka  n'a  pas 
grand  succès,  on  la  danse  mal  ;  l'orchestre  est  médiocre.  Des  couples 
anglais  walsant  sont  des  caricatures  stéréotypes  dans  ces  réunions. 

V  Triesie.  — Le  maître  de  chapelle,  M.  Slucken  Schmidt,  a 
reçu  la  médaille  décernée  aux  beaux-  arts  et  aux  lettres,  de  la 
part  du  duc  Maximilien  de  Bavière  pour  diverses  compositions  mu- 
sicales. 

*,*  Madrid,  H  août.  —  Un  opéra  d'un  compositeur  espagnol  déjà 
connu  au  théâtre,  don  Hilarion  Eslaba  ,  a  été  donné  sous  le  titre  de 
las  7'reguas  de  Tûlemaida.  Le  succès  a  répondu  au  mérite,  suivant  ce 
qu'en  rapportent  les  journaux  du  pays. 


r.e  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESIKGER. 


En  wnle  clicz  HÎÂUIUCE  SCISLESIi^GEH ,  97,  rue  Richelieu. 
Seconde  édition  populaire 

DU  CHAI^T  IVATIOWAL 


CHARLES  VI 


D'HALÉVY. 


JAMAIS  EN  FRANGE, 

JAMAIS  L'ANliLAIS  NE  REGNERA. 

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Imprimerie  de  DOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


Vour  Paris  :  un  an ,  30  fr.  ;  six  mois,  15  fr.     —     Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres    —     Départements  :  un  an ,  34  fr.  Étranger,  38  fr. 


GAIEHE  MUSICALE 

BEDIGËE  PÀB 

MM.  ANDERS  ,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ ,  Henbi  BLANCHARD , 

MiUniCE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DIESBERG ,  FÉTIS  père,  Édouabd  FÉT[S,  Stfphen  HELLER,   J.  JANEV, 

G.  KASTNER  ,  LISZT,  J.  MEIFRED  ,  GeobGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  Paul  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Paraissant  totta  Mes  MUtnancFtea, 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GATARNI. 
lie   1*'   et   le    15  de  cbaqae  mois  on   recevra  un  morcean  de  moslqaea 


SOMMAIRE.  Quatrième  lettre  à  M.  Zimmerman  ;  par  FÉTIS  père. 
De  quelques  instituts  de  musique  en  Kussic  (suile  et  fin). — 
Nouvelles.  —  Annonces. 

LE  CHANTEUR  DE  CHANSONNETTES.  Dessin  de  Gavarni. 


iXuotricme  Cftt«  à  M.  3intmerman. 

Bruxelles,  2  septembre  1844. 
Mon  chkr  Zimmebmam  , 

M.  Azevedo,  ou  Asvédo  (1),  auteur  de  trois  articles  sur  le 
principe  philosophique  de  mon  système  d'harmonie,  avait 
écrit  les  deux  premiers,  lorsque  j'annonçai,  par  un  mot 
placé  à  la  fin  du  comple-rondu  de  mon  cours  {Gazelle  musi- 
cale de  Paris,  28  awillShh),  mon  intention  d'examiner  ses 
opinions.  Depuis  lors,  le  troisième  article  de  mon  critique, 
publié  à  l'occasion  de  cette  note  ,  est  venu  modifier  singuliè- 
rement le  Ion  doucereux  et  pacifique  du  début  du  premier , 
et  inculper  ma  loyauté,  sur  ce  que  j'aurais  attendu,  pour 
faire  ma  réponse ,  que  le  souvenir  des  paroles  prononcées  par 
moi ,  dans  la  deuxième  séance  de  ce  cours ,  fût  affaibli  chez 
les  personnes  qui  y  ont  assisté. 

A  cette  audacieuse  accusation ,  je  reconnais  le  mauvais 
esprit ,  hargneux ,  rancunier ,  oublieux  de  toute  convenance 
qui,  de  notre  temps,  vient  souvent  se  glisser  dans  les  dis- 
cussions !  Si  je  n'ai  pas  répondu  plus  tôt  à  M.  Azevedo,  c'est 
que  j'ai  peu  de  temps  à  perdre.  C'est  qu'il  m'en  faut  beau- 
coup pour  les  devoirs  de  ma  position  ,  beaucoup  pour  mes 
études.  Plus  d'un  an  s'est  écoulé  avant  que  j'aie  pris  la  peine 
de  réfuter  les  erreurs  par  lesquelles  M.  Kiesewetter  avait  pré- 

(I)  Je  ne  me  souviens  pas  exactement  de  l'orthographe  du  nom 
de  mon  critique ,  ne  connaissant  ses  ariicles  que  par  la  llelgique  mu- 
sicale ,  où  le  nom  de  l'auteur  a  été  omis.  Je  n'ai  vu  qu'une  fois  par 
hasard  un  numéro  de  la  France  mmicale  où  se  trouvait  un  de  ces 
ariicles. 


tendu  nie  combattre  :  je  ne  me  sens  pas  plus  pressé  à  l'égard 
de  M.  Azevedo;  vraisemblablement  même  ne  songerais-je 
plus  aujourd'hui  à  tirer  sa  critique  de  l'oubli ,  si  je  n'avais 
pris  assez  à  la  légère  un  engagement  dans  la  note  dont  je  viens 
de  parler. 

Quant  à  moi,  si,  dans  cette  réponse,  je  pose  en  fait  que 
mon  critl(|ue  a  dénaturé  mes  paroles ,  et  en  a  conséquem- 
ment  tiré  de  fausses  déductions,  je  ne  lui  ferai  pas  l'injure  de 
mettre  en  doute  sa  bonne  foi ,  et  je  resterai  persuadé  qu'il  ne 
m'a  pas  compris  ;  mésaventure  qui  lui  est,  du  reste,  habi- 
tuelle avec  la  plupart  des  auteurs  cités  dans  son  travail,  comme 
je  le  prouverai  tout-à-l'henre. 

IM.  Azevedo  commence  sa  critique  du  principe  philoso- 
phique de  mon  système  d'harmonie  par  l'observation  que  ce 
système  est  obscur  pour  les  philosophes  parce  qu'il  est  musi- 
cal, cl  qu'il  l'est  aussi  pour  les  musiciens,  parce  qu'il  est 
philosophique.  Pour  moi,  je  crois  qu'il  n'a  d'obscurité  que 
pour  ceux  qui  n'ont  pas  une  instruction  plus  solide  en  musi- 
que qu"en  philosophie.  Au  surplus,  la  troisième  lettre  que  je 
l'ai  adres.sée ,  mon  digne  ami ,  a  eu  pour  objet  de  donner  des 
notions  sufiisantes  des  divers  systèmes  de  cette  dernière 
science ,  en  tant  qu'elle  se  rattache  aux  principes  fondamen- 
taux de  la  musique. 

«  Depuis  longtemps  (dit  mon  critique)  M.  Félis avait  avancé 
»  dans  divers  livres  que  la  constitution  des  gammes  ou 
»  échelles  musicales  était  un  fuit  métapliysiqiie,  et  que  les 
»  diverses  explications  de  ces  échelles  puisées  dans  la  consi- 
«  délation  des  rapports  des  nombres  ou  dans  les  phénomènes 
»  de  la  résonnaiice  des  cordes  sonores  (corps  sonores)  étaient 
»  dénuées  de  valeur  et  de  probabilité.  «  Je  n'ai ,  je  crois ,  ja- 
mais employé  en  ce  sens  le  mot  àe  probabilité,  qm  ne  rendrait 
certainement  pas  ma  pensée;  car  je  ne  suis  pas  dans  le  doute 
à  l'égard  de  l'impuissance  des  proportions  harmoniques  pour 
fonder  une  gamme  dans  un  ordre  déterminé.  Tu  sais,  mon 
cher  Zimmerman ,  que  je  me  suis  prononcé  d'une  manière 


BUREAUX   D'ABONNEMENT,    RUE   RICHEIIEU,   97. 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


calégoiique  à  ce  sujet,  dans  mon  cours  de  philosophie  de  la 
musique,  en  1832,  dans  la  plupart  de  mes  ouvrages  et  parti- 
culièrement dans  mon  Escjttisse  de  l'histoire  de  l'Harmonie, 
publiée  en  18i0  (1).  Dans  la  troisième  lettre  que  je  t'ai  adres- 
sée, mon  digne  ami ,  j'ai  dit  pourquoi  ces  proportions,  si  elles 
étaient  exactes,  pourraient  s'appliquer  à  l'ancienne  tonalité, 
qui,  dans  ses  divers  modes,  ne  présente  qu'une  gamme  uni- 
que commencée  par  ces  différents  degrés ,  avec  un  déplace- 
ment des  demi-tons  dans  chacun  de  ces  modes,  mais  que  la 
tonalité  moderne ,  invariable  dans  l'ordre  de  ses  tous  et  demi- 
tons,  échappe  à  celte  théorie,  parce  que  les  proportions  nu- 
mériques des  intervalles  sont  des  faits  isolés  dont  ne  saurait 
sortir  la  notion  de  succession  nécessaire,  sans  laquelle  la 
gamme  n'a  pas  d'existence  possible.  Ne  perdons  pas  de  vue 
cette  proposition  ,  qui  a  toute  la  précision  possible,  et  qui  est 
Ja  base  de  toute  ma  philosophie  de  la  musi(iue. 

Après  quelques  observations  de  peu  d'importance  sur  ce 
qui  lui  paraissait  y  avoir  de  vague  dans  l'énoncé  du  fait  mé- 
taphysique d'où  je  prétends  tirer  la  théorie  de  la  tonalité, 
M.  Azevedo  rapporte  en  ces  mots  la  répon;e  que  j'ai  faite  à 
M.  Baibereau  ,  dans  la  dernière  séance  de  mon  cours  d'har- 
monie :  Cl  Je  n'explique  pas  la  constitution  de  la  gamme, 
»  parce  que  cette  constitution  est  un  [ait  métaphysique,  et 
»  par  conséquent  inexplicable.  En  philosophie,  on  sait  que 
»  les  faits  de  conscience,  les  faits  de  métaphysique ,  ne  peu- 
»  vent  "être  expliqués,  parce  qu'ils  sont  des  faits  primitifs. 
i>  L'idée-gamme  est  une  idée  innée  ,  gravée  dans  notre  âme  ; 
»  nous  l'apportons  avec  nous  en  venant  au  monde,  et  lorsque 
»  nous  la  trouvons  réalisée  par  des  sons,  nous  la  reconnais- 
>i  sons  sans  difficulté.  Ce  consentement  universel,  dont  la 
11  gamme  est  l'objet,  établit  son  excellence  et  son  origine; 
«mais  on  ne  peut  pas  plus  rendre  compte  de  cette  idée- 
»  gamme  que  de  l'idée  générale  du  triangle  ,  que  nous  pos- 
»  sédons  tous  sans  savoir  d'où  elle  vient.  » 

M.  Azevedo  en  appelle  aux  souvenirs  des  nombreux  té- 
moins de  cetle  explication  pour  garantir,  au  besoin,  la  fidé- 
lité de  la  citation.  D'où  lui  venait  donc  en  l'écrivant  la  crainte 
qu'elle  fût  démentie  par  moi ,  si  j'ai  prononcé  les  paroles  qu'il 
rapporte?  Et  quel  intérêt  peut-il  supposer  au  désaveu  d'une 
proposition  si  formelle?  Le  critique  n'a-t-il  pas  reconnu  lui- 
même  que  cette  proposition  ne  peut  être  considérée  comme 
une  imprudente  excursion  en  dehors  de  ma  théorie,  lorsqu'il 
a  éciit  quelques  lignes  plus  bas  :  «  Ces  paroles  graves,  pro- 
»  uoncées  avec  toute  l'autorité  qui  s'attache  au  noa»  de 
»  M.  Fétis.  ne  peuvent  en  aucun  cas  être  considérées  conmie 
11  provenant  sans  réflexion  de  la  chaleur  de  l'improvisation  et 
11  de  la  polémique.  On  n'invente  pas  sur-le-champ,  et  pour 
11  les  besoins  de  la  discussion,  un  système  aussi  abstrait ,  aussi 
1)  élevé.  Si  on  ajoute  à  cela  que  M.  Fétis  travaille  à  une  phi- 
11  losophie  complète  de  la  musique,  on  verra  que  tout  est  ré- 
11  fléchi,  pesé,  dans  les  assertions  qui  viennent  d'être  citées  , 
»  et  qu'on  doit  les  envisager  comme  les  principes  mêmes  de 
»  tous  les  travaux  de  M.  Fétis,  puisqu'elles  contiennent  le 
11  point  de  départ,  le  critérium  de  sa  manière  d'expliquer  la 
11  musique.  » 

Tu  comprends.  Cher  Zimmerman,  que ,  plus  il  y  a  de  motifs 
pour  considérer  ma  réponse  comme  l'exposé  de  mes  principes, 
moins  il  y  avait  à  craindre  un  désaveu  ,  si  les  paroles  rap- 
portées par  M.  Azevedo  sont  exactement  les  miennes.  Il  y  a 
donc  lieu  de  croire  que,  tout  en  affirmant  la  fidélité  de  la  cita- 
tion, il  restait  dans  l'esprit  du  critique  quelque  doute  con- 
cernant l'exactitude  de  certaines  expressions ,  ou  du  moins 

(1)  Voir  la  Gazelle  mmiciile,  ann.  1840. 


sur  l'interprétation  qu'il  leur  donne.  Or ,  on  sait  de  quelle 
importance  sont  les  mots  dans  les  matières  philosophiques. 
Par  exemple,  si  l'on  allait  séparer,  comme  l'a  fait  la  critique, 
l'idée  de  gamme  du  fait  de  conscience,  dont  j'ai  parlé,  et  sup- 
poser que  j'ai  voulu  dire  qu'antérieurement  à  toute  audition 
de  succession  de  sons  cette  idée  devient  active ,  ce  serait  cer- 
tainement dénaturer  ma  pensée,  et  prêter  à  mes  paroles  un 
sens  qu'elles  n'ont  pas.  Tous  les  témoignages  possibles  ne 
pourraient  faire  que  j'eusse  émis,  dans  la  dernière  séance  de 
mon  cours ,  une  doctrine  absolument  opposée  à  ce  que  j'ai 
établi  dans  mon  Résumé  historique  de  l'histoire  de  la  mu- 
sique, dans  mon  cours  de  la  philosophie  de  la  nmsique, 
en  1832 ,  dans  un  article  sur  le  sens  musical,  ses  perceptions 
et  les  jugements  que  nous  en  portons ,  dans  mes  Recherches 
sur  l'esthétique,  et  en  dernier  lieu,  dans  mon  Traité  complet 
de  la  Ihéorie  et  de  la  pratique  de  l'harmonie  ,  dont  le  cours 
que  j'ai  fait  à  Paris  ,  au  mois  de  février  dernier,  n'a  été  que 
l'exposé  succinct.  Et  remarque,  ami,  que,  pour  ne  laisser  aucun 
doute  sur  le  sens  que  j'attachais  au  mot  idée-gamme,  je  l'ai 
assimilée  h  l'idée  générale  triangle.  Or ,  c'est  précisénwat  à 
l'examen  de  cetle  assimilation  que  commence  la  série  d'er- 
reurs de  M.  Azevedo.  Suivons-le  dans  son  analyse. 

«  Et  d'abord  (dit  mon  critique)  il  y  aurait  injustice,  esprit 
»  de  chicane  à  prendre  au  pied  de  la  lettre  la  comparaison 
11  faite  entre  Vidée  innée  de  la  gamme,  et  l'ii/ée  évidemment 
11  acquise  du  triangle.  Il  n'y  a  pas  de  rapport  entre  ces  deux 
11  choses.  lÀ idée-gamme ,  selon  M.  Fétis,  est  gravée  dans 
11  notre  esprit  par  le  créateur ,  tandis  tjue  Vidée-triangle  est 
11  acquise  par  nous ,  à  la  vue  d'une  figure  qui  a  trois  côtés. 
11  En  outre ,  on  sait  fort  bien  d'où  vient  Vidée  générale  trian- 
11  gle ,  et  ce  qu'elle  est,  tandis  que  Vidée-gamme,  toujours 
1)  selon  M.  Fétis,  est  indémontrable.  Or,  Vidée  générale  trian- 
11  gle,  qui  s'applique  à  toutes  les  figures  qui  ont  trois  côtés, 
11  provient  de  cette  faculté  de  notre  esprit,  qui  nous  permet 
1)  d'abstraire  et  de  généraliser  certaines  qualités  des  corps, 
»  telles  que  la  figure,  la  couleur ,  etc.  Il  n'y  a  rien  là  d'inex- 
11  plicablequela  faculté  d'abstraire  et  de  généraliser.  Maison 
»  assiste  parfaitement  à  la  naissance  de  Vidcc-iriangle ,  ainsi 
11  qu'à  toutes  ses  applications.  Passons  donc  avec  rapidité  sur 
11  cette  comparaison  fausse,  invoquée  seulement  comme 
11  moyen  d'explication  d'une  doctrine  abstraite  et  confuse, 
»  et  touchons,  s'il  se  peut,  le  point  culminant  de  la  question.  » 

Pour  répondre  à  ce  paragraphe  et  faire  voir  que  la  confu- 
sion dont  parle  le  critique  n'est  que  dans  son  esprit,  il  est 
nécessaire  que  je  fasse  remarquer  que  l'autorité  qu'il  m'op- 
pose eu  plusieurs  endroits  est  celle  de  Kant,  qui  probable- 
ment (dit-il)  savait  la  métaphysique  ;  d'où  je  dois  conclure 
que  la  doctrine  de  ce  grand  homme  lui  est  familière ,  et  c(u'il 
en  adopte  les  principes.  Or,  le  point  de  déj)ait  de  la  méta- 
physique de  Kant  est  précisément  l'opposé  absolu  de  l'expli- 
cation donnée  par  mon  critique  de  ce  qu'il  appelle  Vii/ée- 
triangle.  En  eifet,  après  avoir  établi,  dans  la  première  sec- 
tion de  l'introduction  de  la  Critique  de  la  raison  pure,  qu'il 
y  a  des  connaissances  que  nous  n'acquérons  que  par  l'expé- 
rience (à  posteriori),  il  pose  eu  principe,  dans  la  seconde 
section ,  qu'il  en  est  d'autres  que  nous  possédons  à /u'iori,  et 
qui  ne  dérivent  pas  de  l'expérience ,  bien  qu'elles  ne  se  mani- 
festent qu'à  l'occasion  des  faits  empiriques.  Kant  ajoute  que 
les  caractères  essentiels  auxquels  on  reconnaît  cette  espèce  de 
connaissances ,  et  les  jugements  qui  en  émanent ,  sont  la 
nécessitent  l'universalité.  Où  ces  caractères  manquent  (dit-il), 
il  est  aisé  de  reconnaître  des  connaissances  à  posteriori. 
Toute  connaissance  fondée  logiquement  sur  l'expérience  est 
contingente  ;  elle  peut  avoir  une  généralité  de  comparaison 


DE  PARIS. 


309 


et  d'induction,  mais  jamais  une  universalité  absolue.  En  an- 
nonçant une  loi  empirique,  vous  vous  bornez  à  affirmer  que 
jusqu'ici  on  n'y  a  pas  remarqué  d'exception  ;  mais  vous  ne 
pouvez  pas  décider  qu'elle  n'a  jamais  souffert  et  ne  souffrira 
jamais  d'exception. 

Kant  ajoute  :  Maintenant,  il  est  très  facile  de  prouver 
qu'il  y  a  réellement  dans  les  connaissances  humaines  de  ces 
jugements  nécessaires,  iinioersels ,  dans  l! acception  stricte 
des  mots,,  et  par  conséquent  des  jugements  purs  à  priori. 
En  veut-on  un  exemple  pris  des  sciences  ?  Il  n'y  a  qu'à 
jeter  un  coup  d'oeil  sur  les  propositions  mathématiques. 
Ainsi ,  cette  proposition  :  «  Toute  figure  quelconque  qui  a 
»  trois  côtés  est  tiécexsairement  un  triangle,  »  est  un  juge- 
ment pmà  priori ,  c'est-à-dire,  qui  n'est  point  déduit  par 
abstraction  :  Kant  expliijue  celte  doctrine  dans  un  autre  en- 
droit de  son  livre ,  en  faisant  remarquer  qu'on  ne  peut  abs- 
traire des  faits  d'expérience  que  ce  qui  y  est  contenu,  c'est- 
à-dire,  des  notions  particulières,  et  que  les  lois  qui  les  coor- 
donnent en  systèmes  sous  les  conditions  de  nécessité  et  de 
généralité  ,  sont  les  productions  du  moi,  c'est-à-dire  de  l'es- 
prit. Ce  sont  des  idées. 

On  voit  donc  que,  si  j'ai  assimilé  la  notion  de  gamme  à 
celle  de  triangle,  je  n'ai  point  fait  une  comparaison  fausse. 
On  voit,  de  plus,  que  rien  n'est  plus  opposé  à  la  doctrine  de 
mon  critique  que  celle  de  Kant,  et  qu'en  invoquant  l'auto- 
rité de  ce  philosophe ,  M.  Azevedo  a  prouvé  qu'il  n'a  point 
lu  ses  livres,  ou  qu'il  ne  les  a  pas  compris.  Ne  se  serait-il  pas 
trompé  de  nom,  par  hasard,  et  n'aurait-il  pas  écrit  Kant  pour 
Condillac  7  C'est  un  doute  que  je  transformerai  tout-à-l'heure 
en  certitude,  en  prouvant  que  toute  sa  déclamation  contre  le 
princ'pe  de  ma  théorie  de  l'harmonie  appartient  à  la  philoso- 
phie sensualiste. 

De  même  qu'on  ne  parviendrait  jamais  à  la  conception  né- 
cessaire et  générale  de  l'existence  de  trois  angles  dans  toute 
surface  qui  a  trois  côtés ,  par  la  seule  apcrception  de  plu- 
sieurs triangles ,  si  cette  conception  n'était  dans  l'esprit 
à  priori,  des  successions  quelconques  de  sons  ne  peuvent 
nous  donner  l'idée  de  gamme  ,  c'est-à-dire  ,  de  l'ordre  néces- 
saire dans  la  disposition  de  ces  sons  et  de  leurs  intervalles ,  et 
par  suite  de  tous  leurs  rapports  harmoniques  et  mélodiques, 
si  tout  cela  n'est  antérieurement  dans  l'esprit.  Les  manifesta- 
tions des  phénomènes  acoustiques  ne  sont ,  à  l'égard  du  moi, 
que  la  cause  occasionnelle  qui  met  en  jeu  son  activité,  en  la 
limitant,  et  bientôt  s'établit  dans  la  conscience  la  conviction 
d'identité  entre  les  conceptions  de  l'esprit  et  la  nature  des 
phénomènes,  entre  l'être  et  la  connaissance,  entre  l'objectif 
et  le  subjectif.  Ce  principe  est  énoncé  par  M.  de  Schelling 
d'une  manière  bien  plus  générale  et  plus  positive  que  par 
Kant,  dans  le  troisième  paragraphe  de  la  deuxième  partie  du 
Système  de  l'idéalisme  transcendantal ;  voici  ses  paroles  : 
«  Toute  connaissance  doit  être  déduite  du  moi;  il  n'y  a  pas 
»  d'autre  fondement  à  la  réalité  de  la  connaissance  ;  mais  le 
»  mécanisme  des  déductions  idéales  n'entre  en  activité  qu'à 
»  l'occasion  des  déterminations  du  monde  objectif,  dont  elles 
»  sont  contemporaines  :  telle  est  la  signification  véritable  de 
»  l'harmonie  préétablie  de  Leibnitz.  » 

Voilà  donc  ce  principe  philosophique  de  ma  théorie  de 
l'harmonie  d'accord  avec  les  théories  les  plus  élevées  de  la  phi- 
losophie moderne!  Tu  peux  juger  par  là,  cher  Zimmerman, 
de  la  valeur  des  mépris  de  M.  Azevedo  pour  ce  principe, 
qu'il  déclare  un  x,  un  zéro  ;  confondant  ainsi,  par  une  plai- 
sante méprise ,  l'inconnu  et  le  néant. 

Je  voudrais  aller  rapidement  ;  mais  je  ne  puis  négliger 
quelques  uns  des  arguments  de  mon  critique  ,  car  il  se  per- 


suaderait peut-être  que  je  l'ai  fait  à  dessein,  ne  pouvant  y  ré- 
pondre. Le  principal  de  ces  arguments  consiste  à  considérer 
l'idée-gamme ,  c'est-à-dire  l'idée  de  tonalité  avec  toutes  ses 
déductions,  prise  par  moi  pour  principe  de  toute  la  science 
de  la  musique ,  comme  un  nouvel  organe  de  la  philosophie, 
indépendant  de  ceux  qui  ont  été  admis  jusqu'à  ce  jour,  si  ce 
principe  était  réel.  Vidée-gamme  lui  paraît  devoir  prendre 
place  à  côté  des  idées  de  l'infini,  de  l'absolu,  du  juste,  du 
beau,  etc.  Remarquons  d'abord  que  ces  catégories  de  la 
pensée  n'ont  rien  de  déterminé;  qu'on  les  a  tour  à  tour  aug- 
mentées et  diminuées;  qu'Aristote  montre  de  l'indécision , 
à  leur  égard,  dans  plusieurs  parties  de  sa  Métaphysique,  et 
qu'on  a  reproché  à  Kant  d'avoir  considéré  comme  primitives 
des  notions  qui  ne  sont  que  dérivées,  et  d"en  avoir  négligé 
d'autres  qui  sont  évidemment  primitives.  Ces  éléments  de  la 
science  de  la  connaissance  n'ont  pas  été  les  munies  dans  l'an- 
tiquité et  dans  les  temps  modernes  :  la  notion  de  l'absolu,  par 
exemple ,  introduite  dans  la  philosophie,  pour  lui  donner  une 
plus  haute  portée,  ne  date  que  d'hier. 

Ensuite ,  M.  Azevedo  semble  se  persuader  que  l'admission 
de  Vidée-gamme  obligerait  à  diviser  le  cerveau  en  une  mul- 
titude de  cases  où  les  idées,  principes  de  chacune  des  bran- 
ches de  la  connaissance,  seraient  classées  et  étiquetées;  en 
sorte  que  les  notions  générales  et  nécessaires  de  triangle, 
équation,  chaleur,  expansion,  etc.,  seraient  toutes  indépen- 
dantes. Mais  qui  ne  voit  que  c'est  là  une  erreur  capitale?  Les 
idées  concrètes,  de  la  nature  de  Vidée-gamme,  procèdent  de 
certaines  idées  plus  générales,  telles  que  celles  d'espace  et  de 
temps ,  dont  elles  spécialisent  l'application.  C'est  ce  que  Hegel 
a  très  bien  vu  lorsqu'il  a  dit,  dans  ses  leçons  sur  l'histoire  de 
la  philosophie  (1)  :  «  Le  contenu  de  la  philosophie  est  abstrait, 
»  mais  seulement  dans  sa  forme,  dans  son  élément;  à  l'égîfrd 
»  ds  Vidée,  elle  est  essentiellement  concrète  ;  c'est  l'unité  di- 
»  versement  déterminée.  Il  appartient  à  la  philosophie  de 
I)  montrer  que  le  vrai ,  Vidée,  ne  consiste  pas  dans  de  vaines 
))  généralités ,  mais  dans  un  général  qui  est  en  soi  le  particu- 
»  lier  et  le  déterminé.  » 

La  seconde  objection  de  mon  critique  est  que,  si  l'on  ad- 
mettait que  la  musique  a  pour  principe  d'existence  un  fait 
métaphysique,  c'est-à-dire  Vidée,  la  conception  que  nous 
en  avons,  ses  produits  seraient  aussi  des  idées:  or,  c'est  ici 
qu'il  triomphe  en  se  rangeant.de  l'opinion  de  Kant  que  j'ai 
rapportée  dans  ma  précédente  lettre ,  considérant  cet  art 
comme  un  jeu  de  pures  sensations.  Je  t'ai  dit,  ami,  comment 
celte  contradiction  de  Kant  avec  ses  principes  a  été  traitée 
par  ses  plus  illustres  adversaires,  et  comment  ses  partisans 
mêmes  l'ont  abandonné  sur  ce  point  :  je  n'ai  donc  rien  à 
ajouter  pour  ma  réponse ,  si  ce  n'est  que  là  encore  mon  ad- 
versaire fait  voir  évidemment  qu'il  ne  connaît  de  la  philoso- 
phie que  le  sensualisme. 

Mais  voici  quelque  chose  de  plus  curieux  de  la  part  d'un 
homme  qui  se  montre  partisan  des  sciences  physiques  et  ma- 
thématiques :  «  Si  Dieu  (dit-il)  s'est  donné  la  peine  de  régu- 
)>  lariser,  par  une  gamme-type,  les  sensations  de  l'ouïe,  il 
»  aura  ,  sans  doute ,  gratifié  nos  autres  sens  d'un  moyen  ana- 
»  logue  de  régularisation  ;  et  pourtant,  personne  ne  s'est  en- 
»  core  avisé  de  chercher  une  gamme  des  couleurs,  des  odeurs, 
»  des  saveurs,  des  formes,  etc.  »  Sans  vouloir  l'arrêter  sur  la 
confusion  d'idées  et  de  langage  où  se  laisse  entraîner  mon 
critique,  je  te  ferai  pourtant  remarquer,  mon  cher  Zimmer- 
man ,  qu'il  ne  conteste  pas  seidement  dans  ces  paroles  Vidée 
que  nous  avons  des  rapports  harmoniques  et  mélodiques  des 

(1)  Vorlemngeniiber  die  Gescliichle  der  Pitilosopliie,  t.  I",  p.  3C. 


310 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sons,  mais  qu'il  nie  même  l'existence  de  la  gamme  comme 
fait  d'expérience,  par  cela  seul  qu'il  n'y  aurait  pas  de  gammes 
des  couleurs,  des  odeurs,  etc.;  ce  qui  conclut  certainement 
contre  sa  pensée,  puisque  nous  lui  verrons  faire  tout-à-l'heure 
des  efforts  pour  donner  à  cette  gamme  une  existence  réelle, 
indépendante  de  notre  manière  de  la  concevoir.  Mais  c'est 
moins  de  cette  pétition  de  principes  que  je  veux  m'occuper 
ici  que  de  cette  singulière  assertion  :  personne  ne  s'est 
encore  avisé  de  ch:rclicr  une  gamme  des  couleurs,  des 
odeurs,  etc.  Eh  quoi  !  M.  Azevedo  ignorc-t-il  donc  que 
Newton  a  établi,  dans  le  deuxième  livre  de  son  Optique,  l'ana- 
logie de  l'ordre  des  couleurs,  en  raison  des  différents  degrés 
de  réfraction  des  rayons  lumineux  dans  le  prisme,  avec  les 
sons  de  la  gamme?  Ignore-t-il  que  Mairan  a  traité  ensuite 
ce  sujet  dans  un  mémoire  inséré  parmi  ceux  de  l'Académie 
des  sciences  de  Paris;  que  M.  Georges  Field  a  fait  de  nos 
jours  un  fort  beau  travail  sur  le  même  sujet?  Il  faut  l'avouer, 
cette  inadvertance  est  un  peu  forte,  car  il  n'y  a  pas  de  traité 
de  physique  où  il  ne  soit  parlé  de  l'analogie  de  la  gamme  des 
couleurs  avec  celle  des  sons. 

J'ai  dit,  en  réponse  à  l'objection  de  M.  Barbereau  ,  que 
la  forme  de  la  gamme  est  indémontrable  dans  son  essence, 
mais  que  nous  l'acceptons  par  une  conséquence  de  notre 
conformation  inlelkctuelle  et  sensible.  Or,  M.  Azevedo  ,  qui 
a  dénaturé  le  sens  de  mes  paroles ,  en  supposant  que  j'admets 
l'idée  innée,  c'est-à-dire  la  connaissance  de  la  gamme,  ab- 
straction faite  de  la  perception  sensible  des  sons ,  M.  Azevedo, 
dis-je ,  le  dénature  encore  ici ,  en  présentant  ma  réponse 
comme  la  négation  de  la  possibilité  de  déterminer  la  néces- 
,  site  des  demi-tons  à  la  place  qu'ils  occupent.  II  est  certain 
que  nous  ne  pouvons  pénétrer  la  cause  absolue  qui  a  fait  que 
les  degrés  de  la  gamme  sont  placés  à  des  intervalles  iné- 
gaux (1)  ;  mais ,  comme  je  te  l'ai  dit  dans  ma  troisième 
lettre,  dès  que  l'harmonie  de  septième  mineure  de  la  domi- 
Dante  a  frappé  notre  oreille ,  l'activité  du  moi  se  développe 
spontanément,  et  déduit  toutes  les  conséquences  attractives 
et  résolutoires  de  cette  harmonie,  la  gamme,  toujours  uni- 
forme avec  le  placement  nécessaire  de  ses  demi-tons  ,  en 
un  mot  la  tonalité  avec  ses  déierminaisons  mélodiques  et 
harmoniques.  Quiconque  n'est  pas  étranger  à  la  philosophie 
rationnelle,  comprendra  cela  sur  le  simple  exposé  ,  et  n'aura 
pas  besoin  d'autre  preuve;  mais  il  en  est  pour  les  autres  une 
preuve  historique  à  laquelle  ils  ne  peuvent  résister;  la 
voici  : 

Chez  les  Grecs,  chez  les  Romains,  chez  tous  les  peuples 
de  l'Europe  au  moyen-âge  et  jusqu'à  la  fin  du  seizième  siècle, 
une  seule  tonalité  a  été  connue  :  elle  consistait  en  séries  de 
huit  sons  placés  à  des  distances  inégales,  et  formant  cinq  in- 
tervalles d'un  ton  et  deux  intervalles  d'un  demi-Ion.  Il  y  avait 
autant  de  séries  ou  de  gammes  qu'il  y  avait  de  sons  différents 
pour  les  conmiencer  ;  il  en  résultait  que  les  demi-tons  se 
trouvaient  à  des  places  différentes  dans  chaqe  série.  Ce  n'est 
donc  pas  à  cette  tonalité  que  se  rapporte  la  question  de 
M.  Barlfereau,  concernant  la  place  des  demi-tons  dans  la 
gamme.  Cette  tonalité,  ne  pouvant  donner  lieu  à  des  attrac- 
tractions  déterminées ,  à  cause  de  la  mutabilité  des  demi- 
tons,  n'avait  pu  admettre  dans  sa  constitution  qu'une  har- 
monie sans  tendances  attractives,  c'est-à-dire  une  harmonie 
consonnanle.  Tu  remarqueras ,  mon  cher  Zimmerman ,  que 
cette  constitution  de  la  tonalité  est  évidemment  une  concep- 

(1)  Faut-il  donc  rappeler  sans  cesse  ce  principe  essentiel  de  la  phi- 
losophie, que  nous  ne  connaissons  le  monde  objectif  que  dans  la 
détermination  de  ses  rapports  avec  le  moi? 


tion  particulière  de  l'esprit,  car,  avec  les  mêmes  sons  donnés, 
nous  allons  voir  surgir  la  constitution  d'une  tonalité  toute 
différente.  Or,  lorsqu'un  compositeur,  riche  d'instinct  et 
de  génie,  eut  fait  entendre  pour  la  première  fois  l'accord 
attractif  de  la  septième  mineure  avec  la  tierce  majeure ,  ce 
fait  devint  l'occasion  qui  mit  en  activité  les  facultés  de  con- 
ception des  musiciens  ,  leur  fit  déduire  à  priori  les  résolu- 
tions nécessaires  de  cette  harmonie,  et  par  suite  la  nécessité 
de  placement  des  demi-tons  d'une  manière  uniforme  dans  la 
gamme,  quel  qu'en  fût  le  premier  degré ,  et  enfin  toutes  les 
déterminations  harmoniques  et  mélodiques  qui  sont  inhé- 
rentes à  cette  tonalité.  Tu  remarqueras  encore  que  les  deux 
modes  majeur  et  mineur  de  la  gamme  sont  évidemment 
des  conceptions  o  priori  de  l'homme ,  et  que  le  mystère  du 
mode  mineur,  contre  lequel  ont  échoué  tous  les  théoriciens, 
n'en  est  un  pour  eux  que  parce  qu'ils  en  ont  cherché  l'o- 
rigine dans  des  faits  empiriques  ,  impuissants  à  le  produire. 
Tout  cela  est  créé  par  l'idée  et  ne  peut  procéder  d'ailleurs, 

M.  Azevedo  croit  trouver  un  argument  contre  ma  théorie 
idéale  du  principe  de  l'harmonie  et  de  toute  la  musique,  en 
ce  que  personne  auparavant  n'avait  imaginé  de  chercher  ce 
principe  dans  le  moi.  Ma  réponse  est  facile  sur  ce  point 
comme  sur  tous  les  autres.  D'abord  je  dJrai  que  l'originalité 
d'une  théorie  ne  peut,  dans  aucun  cas,  être  un  motif  légi- 
time de  suspicion  contre  elle.  Ensuite ,  si  mon  système  est 
nouveau,  il  ne  l'est  que  dans  l'application,  car  il  n'est 
qu'une  déduction  particulière  de  la  philosophie  générale 
dont  l'idéalisme  est  la  base.  Toute  la  critique  de  M.  Azevedo 
prouve  seulement  que  cette  philosophie  n'est  point  connue 
de  lui ,  et  qu'il  ne  s'est  pas  élevé  au-dessus  des  principes  de 
cette  philosophie  sensualiste  du  dix-huitième  siècle,  dont  les 
conséquences  inévitables  sont  de  priver  l'homme  de  sa  virtua- 
lité ,  de  sa  dignité  et  de  sa  liberté. 

J'ai  dit  plusieurs  fois  que  M.  Azevedo  est  sensualiste: 
lui-même  l'avoue,  car  il  ne  reconnaît  de  base  à  la  gamme 
que  dans  les  faits  d'expérience,  dans  les  proportions  que  le 
calcul  en  déduit,  et  dans  la  conformation  de  l'organe  vocal.  Il 
est  obligé  d'avouer  toutefois  que  de  tout  cela  ne  sort  pas  la 
ganmie;  mais  on  en  tire,  dit-il,  les  intervalles  qui  y  sont  con- 
tenus, et  cela  suffit  pour  la  construire.  Or,  j'ai  assez  dé- 
montré dans  ma  précédente  lettre  et  dans  celle-ci  combien 
cette  doctrine  est  erronée ,  pour  n'avoir  plus  besoin  de  re- 
venir sur  ce  sujet.  Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  des  ma- 
thématiciens et  des  physiologistes  ont  essayé  de  fonder  une 
théorie  de  la  musique  sur  ces  bases  sensualistes  ;  car  Pierre 
Mengoli  (1',  Morel  (2)  et  le  professeur  Bœkr  (3),  ont  cru  en 
trouver  le  principe  dans  la  conformation  de  l'organe  auditif, 
et  le  docteur  Rush  (4)  a  voulu  le  placer ,  comme  M.  Azevedo, 
dans  la  voix  humaine  ;  mais  ces  théories  prétendues  ne  sou- 
tiennent pas  le  plus  léger  examen  ,  car  il  est  évident  qu'elles 
attribuent  à  des  organes  passifs  ce  qui  ne  peut  être  que  le 
fruit  de  l'activité  intellectuelle.  La  gamme  est  la  loi  de  la 
tonalité:  or,  toute  loi  est  dans  l'esprit;  toute  loi  est  une 
idée. 

Je  crois  en  avoir  dit  assez ,  mou  cher  Zimmerman  ,  pour 
ne  te  laisser  aucun  doute  sur  la  multitude  d'erreurs  accu- 
mulées dans  la  critique  publiée  par  M.  Azevedo ,  contre  le 


(1)  Speculazioni  di  Miisica,  Bologne,  1C70.  in-4. 

(2)  Principe  acoustique  novveau  et  universel  de  la  théorie  musicale, 
ou  ta  musique  expliquée  ,  Paris,  1816,  in-8. 

Ci)  F orUsungenûber  Anthropologie  ,  Koenigsberg,  1824,  in-8. 
(4)   The  Philosophy  oj'ihe  IJuman  f^oice,  Philadelphie,  1S27,  I  vol. 
gr.  in-8. 


DE  PARIS. 


311 


principe  philosophique  de  ma  théorie  de  l'harmonie,  et  pour 
faire  voir  le  vide  de  ses  objections. 
Tou  tout  dévoué , 

FÉTIS  père, 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 


A  M.  le  Directeur  de  la  GAZETTE  MUSICALE. 

Bruxelles,  12septembie  1844. 
Monsieur  , 

S'il  eu  est  encore  temps,  veuillez  faire  imprimer  ce  billet 
comme  post-scriptum  à  ma  qualrifeme  Lettre  à  M.  Zimmer- 
man ,  contenant  la  réfutation  de  plusieurs  articles  qu'un  cer- 
tain M.  Azevedo  a  publiés  dans  la  France  musicale  sur  le 
principe  philosophique  de  ma  théorie  de  l'harmonie. 

A  propos  de  ma  troisième  Lettre  destinée  à  servir  d'intro- 
duction à  ma  réfutation,  ce  monsieur  vient  d'en  publier  une 
dans  le  3G'  numéro  du  même  journal.  Mon  intention  n'est 
pas  d'examiner  ce  qu'il  y  dit  concernant  la  théorie  ,  car  cela 
n'a  aucune  espèce  de  valeur.  Mais  je  dois  déclarer  que,  si 
J'avais  su  à  quel  homme  j'avais  affaire ,  je  n'aurais  pas  pris  la 
peine  de  faire  de  ses  bévues  une  réfutation  scientifique  qu'il 
n'est  pas  même  en  état  de  comprendre.  Celui  qui  s'exprime 
comme  il  le  fait  dans  cette  lettre  ne  méritait  pas  que  je  lui 
fisse  cet  honneur. 

Agréez ,  Monsieur,  mes  salutations , 

FÉTIS  père. 


DE  OUELOUES  INSTITUTS  DE  MUSIflUE 

ËK  RUSSIE. 
(Suite  et  fin'.) 

^fe^^^^  our  en  finir  avec  les  chantres  de  la  cour,  il 
"rn^SOlStl  me  reste  à  parler  de  leur  exécution.  Je  vou- 
drais la  louer  comme  je  l'admire;  mais  on 
abuse  tellement  aujourd'hui ,  et  à  tout  propos, 
des  formes  laudatives ,  que ,  si  l'on  a ,  par  ha- 
sard ,  le  bonheur  d'éprouver  une  admiration  sincère  et  vive,  il 
devient  fort  difficile  de  l'exprimer.  Je  tâcherai,  tout  au  rebours, 
de  dire  les  choses  dans  leurs  termes  les  plus  simples.  Rituel 
ancien  ou  musique  moderne,  tout  se  chante,  à  la  chapelle  im- 
périale, sans  aucune  espèce  d'accompagnement.  II  n'y  a  pas 
même,  comme  aux  lutrins  de  nos  églises,  un  serpent  ou  une 
contre-basse.  A  peine,  lorsqu'en  passant  d'un  morceau  à  un 
autre ,  la  tonalité  se  trouve  différer  essentiellement,  à  peine 
le  directeur  fait-il  entendre,  en  pinçant  mezza-vocc  une  seule 
note  de  violon  ,  le  ton  du  second  morceau.  Cependant,  d'un 
bout  à  l'autre,  la  justesse  se  maintient  parfaite,  irréprocha- 
ble ;  jamais  le  chœur  entier  n'élève  ou  n'abaisse  insensible- 
ment l'intonation ,  jamais  aucune  discordance  partielle,  indi- 
viduelle, ne  jette  une  légère  tache  sur  l'ensemble;  et  quant 
à  la  mesure,  elle  reste  si  posée,  si  nette,  si  sûre,  si  imper- 
turbable ,  qu'un  métronome  ne  la  conserverait  pas  avec  plus 
de  régularité.  Mais,  peut-on  dire,  cette  sûreté  de  mesure, 
cette  justesse  d'intonation,  sont  moins  des  qualités  véritables 
que  l'absence  des  défauts  opposés.  J'en  conviens,  quoiqu'il 
y  ait  beaucoup  à  répondre ,  et  toute  une  thèse  contraire  à 
soutenir;  mais  une  quaUté  à  laquelle  il  faudra  bien  laisser  ce 
nom,  c'est  celle  de  colorer  le  chant,  de  l'accentuer,  d'en 

C)  Voir  le  numéro  30. 


pousser  les  nuances  jusqu'aux  plus  infinies  délicatesses.  Cette 
qualités!  précieuse,  si  rare,  même  dans  un  chanteur  isolé, 
le  chœur  des  chantres  la  possède  pleinement,  et  la  porte  à 
ses  dernières  limites.  Ils  savent  faire  dans  le  pianissimo  des 
piano ,  et  dans  le  fortissimo  des  forte  ;  ils  savent  enfin  donner 
au  chant  tout  son  clair-obscvr,  qui  est ,  dans  la  musique 
comme  dans  la  peinture,  l'art  de  la  couleur.  C'est  le  triomphe 
et  le  chef-d'œuvre  de  la  discipline.  Si  quelque  chose  manque 
à  celte  merveilleuse  exécution,  pour  qu'elle  réalise  la  per- 
fection idéale ,  c'est  uniquement  ce  que  nul  ensemble,  or- 
chestre ou  chœur,  ne  peut  jamais  produire,  le  sentiment 
intime,  la  passion  personnelle,  les  accents  de  l'âme:  expres- 
sions réservées  au  moi  humain ,  et  par  conséquent  aux  solos 
d'instruments  ou  de  voix.  Mais  tout  le  sentiment,  toute  la 
passion,  toute  l'âme,  que  comporte  un  ensemble,  une  masse 
bien  unie,  se  trouvent  dans  l'exécution  des  chantres  de  la 
cour.  Que  l'on  se  figure  un  orgue  humain,  un  orgue  dont 
chaque  tuyau  soit  une  voix  humaine,  mais  joué  par  un 
seul  homme  auquel  il  obéit  en  esclave ,  par  un  seul  homme 
qui  impose  électriquement  h  toutes  les  touches  du  clavier  sa 
A'olonté,  son  sentiment,  sa  pensée;  voilà  le  chœur  de  la  cha- 
pelle impériale.  En  écoutant,  dans  un  recueillement  muet, 
avec  une  émotion  portée  jusqu'aux  larmes,  cette  exécution 
prodigieuse,  je  me  rappelais  un  souhait  formé  par  Rossini. 
«  Oh!  sijavais,  me  disait-il  un  jour,  en  expliquant  les  mo- 
tifs de  son  déplorable  silence,  si  j'avais  deux  cents  voix  qui 
pussent  chanter  sans  nul  accompagnement,  je  me  déciderais 
à  écrire  encore ,  et  je  crois  que  je  trouverais  du  nouveau.  » 
Quoiqu'il  n'y  ait  que  la  moitié  de  ce  nombre  de  voix  à  la  cha- 
pelle impériale,  le  vœu  de  Rossini  me  semble  accompli; 
qu'il  écrive  en  toute  sûreté  pour  les  Chantres  de  la  cour. 

D'ailleurs,  ne  faut-il  que  doubler  leur  nombre  pour  déci- 
der l'auteur  de  Guillaume  Tell  à  imiter  l'auteur  de  Phèdre, 
qui,  après  quatorze  ans  de  retraite  et  de  silence,  jeta  le 
chant  du  cygne  dans  Athalie?  On  peut  le  satisfaire,  même 
sans  quitter  Saint-Pétersbourg.  L'empereur  n'a  pas  seul  le 
privilège  d'une  chapelle  musicale.  On  cite  un  simple  parti- 
culier ,  le  comte  Schéréméteff ,  qui  a  fondé  dans  son  hôtel  un 
autre  corps  de  chantres  rivalisant  avec  celui  de  la  cour.  A  la 
vérité,  le  comte  Schéréméteff  passe  pour  le  plus  riche  pro- 
priétaire de  la  Russie ,  après  la  couronne.  Il  a ,  dit-on  ,  cent 
cinquante  mille  serfs,  ce  qui  suppose,  en  ajoutant  aux 
hommes  valides  les  femmes  et  les  enfants,  une  masse  d'envi- 
ron trois  cent  cinquante  mille  âmes.  C'est  la  population  d'un 
département  français,  sur  un  territoire  au  moins  quatre  fois 
plus  étendu.  Avec  une  telle  fortune ,  il  est  permis  de  se  passer 
un  caprice  de  prince. 

D'autres  institutions  analogues  pourraient  encore  fournir 
à  l'armée  chantante  rêvée  par  Rossini  de  très  utiles  contin- 
gents. Tel  est,  par  exem\ii\e  ,  le  bataillon  des  cantonnistes. 
C'est  le  nom  que  l'on  donne  à  une  école  militaire  fondée 
pour  les  enfants  de  troupe ,  d'où  ils  sortent  sous-officicrs , 
et  pourvus  d'une  éducation  libérale  qui  comprend  jusqu'à  la 
musique.  Forts  par  le  nombre  et  par  la  discipline ,  ces  jeunes 
militaires  exécutent  des  chœurs  religieux  ou  guerriers  avec 
une  perfection  presque  égale  à  celle  des  chantres  de  la  cour. 
Il  y  a  chaque  aimée  ,  au  retour  du  printemps,  une  solennité 
qui  réunit  toutes  les  forces  musicales  de  la  capitale  de  l'em- 
pire ;  c'est  le  concert  monstre  (  le  mot  est  accepté  )  donné 
au  profit  des  invalides.  Toutes  les  musiques  des  régiments  de 
la  garde  et  de  la  garnison  se  forment  en  un  seul  orchestre 
sous  la  direction  supérieure  de  M.  Hase,  et,  près  de  ces 
masses  instrumentales  ,  se  groupent  des  masses  de  voix  non 
moins  formidables.  Il  y  a  là  jusqu'à  deux  mille  exécutants. 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


C'est  quatre  fois  plus  que  n'en  réunit,  dans  l'immense  en- 
ceinte d' Exeter-HaU ,  pour  ses  huit  ou  dix  concerts  de 
chaque  année  ,  la  société  anglaise  des  Oratorivsde  Hœndel. 
Habituellement,  daus  ces  curieuses  solennités,  on  exécute  un 
morceau  qui  est  sans  doute  le  plus  curieux  de  tout  le  pro- 
gramme. Il  fut  composé  par  le  général  Lvoff ,  lors  de  la  réu- 
nion des  troupes  russes  et  prussiennes  à  Kalisch ,  en  1835, 
pour  une  grande  fête  militaire  qui  eut  lieu  le  6  septembre. 
De  quelques  airs  nationaux  ,  entre  autres  d'une  vieille 
chanson  dont  les  paroles  et  la  musique  ,  si  l'on  en  croit  la 
tradition  ,  furent  composées  par  Pierre-le-Grand ,  lorsqu'il 
construisait  dans  la  Newa  les  premiers  bâtiments  de  sa  flotte, 
le  général  Lvoff  arrangea ,  sur  des  paroles  faites  pour  la 
circonstance ,  une  .=orte  de  cantate  guerrière.  Des  milliers 
de  voix  ,  prises  dans  toute  l'armée ,  entonnaient  les  chœurs  , 
qu'accompagnaient  toutes  les  musiques  militaires.  Mais,  pour 
cet  immense  concert  en  plein  vent,  1  auteur  avait  ajouté  à 
s  on  nombreux  et  formidable  orchestre  un  instrument  tout 
nouveau,  le  canon.  Quand  venait  la  dernière  reprise  du 
chœur  général,  un  coup  de  canon  partait  à  chaque  entrée 
de  phrase ,  puis  bientôt  à  chaque  entrée  de  mesure ,  puis  un 
second  répondait  en  écho,  puis  tous  deux  éclataient  ensemble, 
puis  enfin  ,  sur  l'accord  final ,  tonnait  la  décharge  d'une  bat- 
terie de  vingt-quatre  pièces.  Je  recommande  cette  invention 
aux  ordonnateurs  des  concerts  de  nos  fêtes  nationales  ,  qui 
n'en  sont  encore  qu'aux  douze  trompettes  de  Jéricho  (1). 

Il  ne  faut  pas  oublier ,  parmi  les  curiosités  musicales  de 
Saint-Pétersbourg,  les  chants  des  bohémiens.  Chaque  année, 
quand  vient  le  grand  carême ,  et  que  la  clôture  de  tous  les 
théâtres  laisse  le  champ  libre  aux  concerts,  il  arrive  de  Mos- 
cou une  troupe  de  bohémiens ,  de  cette  race  nomade,  qui, 
venue  de  l'Orient  vers  lexiV^  siècle  ,  les  uns  disent  de  l'Inde, 
les  autres  de  l'Egypte,  s'est  répandue  dans  toute  l'Europe, 
s'appelant  Zingari  en  Italie ,  Gilanos  en  Espagne ,  Gypsies 
en  Angleterre,  Zigeuncr  en  Allemagne,  Tsiyanien  Russie, 
et  se  nommant  eux  mêmes  Pharaons.  Plus  modestes  que 
les  virtuoses  voyageurs ,  qui  disent  :  le  monde  est  ma  patrie, 
les  chanteurs  bohémiens  ne  donnent  pas  de  concerts  publics, 
bien  que  ,  dans  leur  nombre  et  la  variété  de  leurs  chants ,  ils 
trouvent  «issurément  le  droit  de  composer  à  eux  seuls  tout  le 
programme  d'une  soirée.  Mais  ils  sont  appelés  dans  les  réu- 
nions particulières  ,  où  l'on  invite  pour  les  bohémiens  , 
comme  pour  le  thé  ,  le  bal  ou  la  lanterne  magique.  C'est  ainsi 
que  je  les  ai  entendus  chez  le  comte  R. ,  au  milieu  d'une 
petite  société  de  choix ,  qui  cherchait  à  satisfaire ,  en  les 
écoutant ,  plus  qu'une  simple  et  passagère  curiosité.  Douze 
femmes  de  différents  âges  vinrent  s'asseoir  en  demi-cercle 
dans  le  salon  ;  six  hommes  se  tenaient  debout  derrière  elles, 
et  au  milieu  du  rond,  faisant  face  aux  exécutants,  était  le 
chef,  une  guitare  à  la  main  ,  pour  donner  le  ton  et  le  mou- 
vement des  morceaux.  Parmi  les  hommes,  il  y  avait  des 
ténors ,  des  basses ,  et  même  des  contre-basses  comme  celles 
des  chantres  de  la  cour,  qui  faisaient  aussi  vibrer  des  pédales 
d'prgue.  Les  femmes  étaient ,  cela  va  sans  dire ,  alti  et  so- 
prani.  Ils  chantèrent  une  foule  de  morceaux  ,  très  courts 
d'habitude  ,  mais  très  variés  de  forme  et  d'expression,  à  une, 
deux  ,  trois ,  quatre  voix ,  ou  en  chœur.  Souvent ,  comme  à 
l'église,  comme  au  théâtre,  le  chant  réplique  aux  voix  isolées, 
et  termine  par  un  tuiti  le  motif  commencé  par  un   solo. 


(1)  Si  l'on  demande  comment  le  bruit  du  canon  pouvait  s'ajuster 
comme  bruit  musical  dans  l'orchestre  ,  je  réponds  que  c'était  d'une 
manière  bien  simple.  Le  chœur  étant  à  6/4,  le  commandement  de 
fea!  se  donnait  sur  le  cinquième  temps  de  la  mesure  antérieure,  et 
le  coup  partait  juste  au  premier  temps  de  la  mesure  suivante. 


Chose  singulière  !  sans  être  aucunement  musiciens  par  la 
science ,  sans  connaître  seulement  le  nom  des  notes ,  les 
bohémiens  arrangent  eux-mêmes  leur  musique  ;  ils  se  dis- 
tribuent les  parties,  composent  des  traits  et  des  fiorilures  à 
leur  manière ,  et  plaquent  sous  le  chant  des  accompagne- 
ments de  guitare.  Ces  harmonies  sont  fort  souvent  défec- 
tueuses, comme  on  peut  croire  ,  et  froissent  ouvertement  les 
règles  du  contre- point  ;  mais  elles  sont  originales,  pleines 
d'effets  inattendus,  et  je  ne  sais  si  la  science  ne  pourrait  pas 
profiter  quelquefois  de  ces  inventions  de  l'instinct.  Une  par- 
tie de  leur  répertoire  se  compose  de  chan.sons  populaires 
russes  ;  l'autre,  et  la  plus  curieuse  ,  de  chants  traditionnels 
propres  à  leur  race ,  et  sur  des  paroles  en  jargon  bohémien. 
La  mesure  la  plus  commune  est  celle  à  trois  temps  ,  comme 
dans  tous  les  chants  qui  servent  à  la  danse;  mais  ils  em- 
ploient aussi  des  mouvements  irrcguliers  à  cinq  ou  à  sept 
temps ,  suivant  le  nombre  des  syllabes  et  le  sens  des  mots.  Ce 
qui  frappe  le  plus  daus  leurs  chants  purement  nationaux  (si 
le  nom  de  nation  peut  se  donner  à  une  race  dispersée  et  vaga- 
bonde),  c'est  le  singulier  rapport ,  la  ressemblance  frap- 
pante qu'on  y  trouve  avec  ceux  des  bohémiens  d'Espagne. 
Il  y  a  surtout  des  morceaux  lents  et  tendres  qui  semblent  des 
tiranas  et  àes polos  de  l'Andalousie.  D'autres  sont  animés  , 
vifs  et  sémillants  comme  les  segitidillas  de  la  iManche  ou  la 
jofa  d'Aragon.  Sur  ces  mouvements  rapides,  quelques  unes 
des  femmes  se  levaient,  jeunes  ou  vieilles  ,  et  se  mettaient  à 
danser,  c'est-à-dire  glissaient  sur  le  parquet,  en  donnant 
à  leurs  bras,  à  leurs  épaules,  à  leurs  hanches  ,  à  tout  leur 
corps,  des  frémissements  bizarres  ,  des  mouvements  désor- 
donnés qui  les  jettent  peu  à  peu  dans  une  sorte  de  transport 
et  d'ivresse.  Ce  sont  encore  les  bayadères  de  l'Orient. 

Le  concert  fini,  et  lorsqu'ils  avaient  pris  le  thé  au  rhum, 
les  bohémiens  demandèrent,  pour  dernière  récompense ,  que 
M'"' Pauline  Viardot,  qui  se  montrait  le  plus  attentif  de  leurs 
auditeurs ,  se  mît  au  piano  pour  chanter  à  son  tour.  Elle  se 
rendit  très  volontiers  à  leur  désir.  Cette  espèce  de  musique 
et  cette  espèce  de  chant,  qu'ils  entendaient  pour  la  première 
fois,  jeta  les  bohémiens  dans  une  surprise  extrême.  Groupés 
pêle-mêle  autour  du  piano,  la  tête  penchée,  l'œil  fixe,  la 
bouche  ouverte,  il  n'interrompaient  leur  silence  recueilli  que 
par  de  brèves  exclamations,  dont  un  interprète  nous  tradui- 
sait le  sens.  «  Ce  n'est  pas  un  homme  (un  êti-e  humain)  qui 
chante,  disait  l'un  ,  c'est  autre  chose.  »  «  Encore,  ajoutait 
un  gros  vieillard ,  si  elle  avait  de  l'embonpoint  !  Mais  d'où 
sort  cette  voix  ?  »  Lorsqu'après  quelques  fragments  italiens 
et  quelques  romances  françaises.  M"'"  Viardot  chanta  des  airs 
espagnols,  les  bohémiens  se  retrouvèrent  comme  dans  leur 
pays.  Ils  les  comprirent  parfaitement ,  et  s'en  firent  répéter 
deux  ou  trois  :  voulant,  disaient-ils,  ne  les  plus  oublier  et  les 
arranger  à  leur  usage.  Je  saurai  peut-être  l'an  prochain  s'ils 
ont  tenu  parole. 

Pour  achever  l'histoire  des  bohémiens  de  Russie ,  il  me 
reste  à  dire  qu'ils  ont  conservé  aussi  purement  qu'ailleurs 
tous  les  caractères  de  leur  race,  et  qu'ils  sont,  malgré  l'ex- 
trême différence  des  climats,  tout  semblables  aux  bohémiens 
que  j'ai  vus  en  Hongrie,  en  Angleterre  et  eu  Espagne.  DanjS 
les  femmes  surtout,  ces  caractères  sont  visibles  et  prononcés. 
Elles  ont  les  cheveux  et  les  yeux  noirs  ,  la  peau  brune ,  les 
dents  blanches,  l'oreille  maigre,  la  gorge  petite,  les  doigts 
effilés,  la  taille  cambrée,  le  corps  souple.  Elles  s'habillent  d'o- 
ripeaux, de  clinquant,  d'étoffes  bariolées.  Chacune  s'attife 
à  sa  guise.  Mais,  rouge  ou  vert,  de  soie  ou  de  coton  ,  toutes 
portent  le  véritable  pephihi  attaché  sur  l'épaule.  D'où  leur 
vient ,  et  comment  conservent-elles  encore  cette  mode  de  la 


DE  PARIS. 


ZU 


Grèce  antique  ?  D'ailleurs,  les  femmes  et  les  filles  se  distin- 
guent, comme  chez  les  Russes,  par  la  coiffure,  qui  est  pleine 
-au  sommet  de  la  tête  pour  les  unes ,  et  ouverte  pour  les 
autres.  Riais  ce  n'est  point  seulement  par  l'aspect  physique , 
c'est  aussi  par  les  mœurs  que  les  bohémiens  d'e  Russie  res- 
semblent h  ceux  du  reste  de  l'Europe.  Là  aussi,  les  hommes 
ont  pour  principale  profession  le  maquignonnage,  le  commerce 
et  la  médecine  des  chevaux  ou  du  bétail;  et  de  plus,  ils  sont 
les  musiciens  du  peuple;  là  aussi  les  femmes  chantent,  dan- 
sent ,  disent  la  bonne  aventure  ;  là  aus.si,  ils  vivent  en  tribus, 
sous  l'autorité  d'un  chef  électif.  Tout  ce  qu'ils  gagnent  est 
mis  en  commun  ;  les  gens  valides  nourrissent  les  enfants,  les 
vieillards,  les  malades;  et  nos  chanteurs  envoyés  chaque 
carême  à  Saint-Pétersbourg  rapportent  fidèlement  à  la  masse 
le  produit  de  leur  expédition  musicale.  C'est  le  communisme 
en  exercice.  Si  les  mœurs  des  bohémiens  à  l'égard  des  autres 
races  ne  sont  pas  irréprochables  sous  le  rapport  de  la  probité, 
s'ils  ont  ce  que  les  phréndlogues  appellent  poliment  la 
bosse  de  l'appropriation,  c'est-à-dire  l'instinct  naïf  du  vol 
comme  les  sauvages  de  la  mer  Pacifique ,  en  revanche, 
dans  les  rapports  des  sexes,  leurs  mœurs  sont  d'une  extrême 
sévérité.  Ni  par  les  hommes ,  ni  par  les  femmes ,  la  race 
bohémienne  ne  se  mêle  à  nulle  autre.  Une  femme  mariée  est 
incorruptible  ;  elle  paierait  une  faute  de  sa  vie,  comme  l'adul- 
tère de  l'Evangile,  et  tous  les  gens  de  sa  tribu  auraient  le  droit 
delui  jeter  la  première  pierre.  Quant  aux  filles,  quelquefois, 
avec  la  permission  des  chefs  et  des  anciens, "elles  se  marient  à 
des  Russes  ;  mais  ce  n'est  qu'après  de  longues  épreuves  d'af- 
fection et  de  fidélité  mutuelles.  Quelquefois  aussi  (ce  cas  est 
fort  rare)  elles  sont  vendues  au  profit  de  la  communauté,  qui 
les  recueille  lorsqu'elles  sont  abandonnées  de  leurs  riches 
amants.  Au  reste,  si  l'on  veut  connaître  dans  tous  leurs  détails 
les  mœurs  des  bohémiens  russes,  on  n'a  qu'à  lire  celle  des 
Nouvelles  de  Cervantes  qui  est  intitulée  :  la  Gitanilla  de 
Madrid.  Bien  qu'écrite  il  y  a  deux  cent  cinquante  ans,  l'his- 
toire est  encore  de  notre  époque ,  et,  bien  que  tracé  en  Es- 
pagne, le  portrait  n'est  pas  moins  ressemblant  en  Russie.  Ne 
faut-il  pas  admirer  quelle  est,  dans  certaines  races  émigrées, 
la  puissance  des  traditions  originelles  ,  puisque,  au  physique  et 
au  moral ,  sans  correspondre  et  sans  se  connaître ,  leurs  tri  - 
bus  sont  absolument  les  mêmes  au  pied  de  l'Alhanibra  de 
Grenade  et  du  Kremlin  de  Moscou? 


LE  CHANTEUR  DE  CHA\S01V]VETTES. 

Dessin  de  Gavarni. 

On  peut  chanter  partout,  faire  les  délices  des  salons  parti- 
culiers, des  concerts  publics,  et  pourtant  n'être  pas  plus 
musicien  que  chanteur.  Le  chanteur  de  chansonneiles  jpuit 
d'une  existence  tout-à-fait  exceptionnelle.  Comédien  et 
bouffon  par  nature  ,  il  arrive  à  la  fin  des  séances  de  musique 
sérieuse  ,  dont  il  est  pour  ainsi  dire  le  bouquet,  le  vaudeville 
final.  Sa  mission  consiste  à  réveiller  ceux  qui  dorment ,  à  dé- 
rider les  physionomies  asphyxiées  par  l'admiration  ou  l'ennui. 
Gavarni  s'est  plu  à  le  représenter  dans  son  idéal  le  plus  gra- 
cieux ,  le  plus  fashionable.  A  son  attitude ,  à  son  geste ,  on 
jurerait  qu'il  ouvre  la  bouche  pour  nous  dire  VOuvreuse  de 
loges  ùu  A  bas  les  médecins,  dePIantade,  les  Enfants  ter- 
ribles ou  Y  Annonce  et  la  Rédame  de  Blanchard.  Oui,  je 
crois  l'entendre  débiter  ce  refrain  mémorable ,  tiré  du  der- 
nier de  ces  chefs-d'œuvre  : 

C'est  merveilleux  ! 

C'est  prodigieux! 


Vive  l'annonce  et  la  réclame  ! 

Il  n'est  rien  qu'ça  d'  bon,  je  1'  proclame, 

Dans  les  journaux 

"Vieux  et  nouveaux. 

Le  chanteur  de  chansonnettes  remplace  avec  avantage  la 
chanson  de  table  que  nos  pères  entonnaient  au  dessert,  en 
détonant  le  mieux  du  monde ,  avec  accompagnement  de 
verres  qui  se  choquaient ,  de  couteaux  qui  sautillaient  sur 
les  assiettes.  Le  chanteur  de  chansonnettes  ne  chante  pas  sans 
piano,  et  ne  se  nourrit  que  de  sirops,  de  punch  et  de  glaces; 
il  absorbe  une  effroyable  quantité  de  sandwichs,  jusqu'à 
l'heure  du  souper  intime ,  qui  est  pour  lui  l'heure  du  ber- 
ger. Rarement  il  s'en  va  sans  payer  encore  son  écot,  en 
chantant  à  demi-voix,  inter  pociila  et  scyphos,  des  chan- 
sonnettes d'un  autre  genre,  qui  ne  se  gravent  nulle  part,  si 
ce  n'est  dans  la  mémoire  des  gens  qui  en  ont,  et  qui  les  ré- 
pètent tant  bien  que  mal,  dans  les  dîners  joyeux,  en  l'ab- 
sence des  demoiselles  et  des  mères  de  famille.  Mais  connaissez- 
vous  rien  de  plus  assommant  qu'une  chanteur  de  chanson- 
nettes qui  n'est  pas  drôle?  et  il  y  en  a  ! 


MM.  les  Aboonés  reccïTomU   avec   le   nnméri 

jour  :  I-'iic  Étude  de  'H'Iialbcrg. 


nOUTELLiBS. 

","  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  la  7'  représentation  à'Othello. 

*/  On  annonce  la  première  représentation  de  Richard  en  Pales- 
tine pour  les  premiers  jours  du  mois  prochain. 

*,"  M.  Saint-Hilaire  s'est  démis  de  l'emploi  de  régisseur  de  la 
scène  qu'il  occupait  à  l'Opéra-Comique.  C'est  Henri ,  l'excellent  ac- 
teur, qui  s'est  chargé  de  l'intérim. 

*,*  On  s'occupe  avec  activité,  dans  la  grande  salle  du  Conser- 
vatoire, des  répétitions  de  Raoul  de  Créqiiij.  C'est  le  25  de  ce  mois 
que  celte  pièce  doit  être  représentée  devant  le  roi  et  sa  famille, 
sur  le  théâtre  du  château  de  Saint-Cloud.  Voici  la  distribution 
des  rôles:  Raoul,  M.  Mathieu;  Lugder,  Chaix;  Gérard,  Obin; 
Landry,  (juignol;  Craon,  .^i"=  Mondutaigny  ;  Elui ,  M"'  Morize  ;  Ba- 
thilde  ,  JU"p  Gautier;  Adèle,  IVI'"  Morange.  Les  répétilions  sont  di- 
rigées, avec  le  soin  le  plus  scrupuleux,  par  M.  Habeneck,  et  suivies 
tiès  assidûment  par  M.  Auber,  à  la  fois  directeur  du  Conservatoire 
et  de  la  musique  du  roi. 

",*  On  lit  dans  un  journal  de  Toulouse  du  6  courant  :  «  M.  Liszt 
est  parti  pour  Bordeaux  ,  hier  au  soir,  après  la  Juive.  La  cour  de 
l'hôiel  de  l'Europe,  au  moment  où  il  montait  en  chaise  de  poste, 
était  encombrée  d'une  foule  nombreuse.  Les  admirateurs  que  lui  ont 
valu  parmi  nous  son  talent  sans  égal  et  .'on  caractère,  voulaient 
saluer  l'artiste  à  son  départ;  c'est  au  milieu  de  regrets  bruyamment 
répétés  que  la  voilure  s'esl  mise  en  route. 

*,*  iM.  PanofUa  est  de  retour  à  Paris. 

*,•  l'ii.  Antoine  tîohrer  doit  être  de  retour  à  Paris  vers  la  tin  d'oc- 
tobre, il  îious  ramènera  sa  fille,  la  jeune  Sophie,  que  nous  avons 
entendue  il  y  a  quelques  années  en  1338;  elle  débutait  alors,  et, 
pour  n'être  encore  qu'une  enfant ,  elle  n'en  élait  pas  moins  un  pro- 
dige ;  elle  n'en  obtenait  pas  moins  des  succès  exiraordinaires  que  ce 
journal  a  pris  soin  d'enregistrer.  Tout  le  monde  s'accorde  à  dire 
qu'elle  a  fait  d'immenses  progrès,  et  nous  ne  doutons  pas  que  son 
arrivée  ne  produise  une  vive  sensation  dans  le  monde  artiste.  Ceux 
qui  se  la  rappellent,  et  le  nombre  en  est  grand  ,  voudront  la  com- 
parer à  elle-même  ;  les  autres  ne  seront  pas  moins  empressés  de 
faire  connaissance  avec  un  talent  de  premier  ordre. 

*,*  Le  premier  poêle  tragitiue  du  Danemark,  OEhlenschaeger , 
vient  d'arriver  à  Paris  avec  son  second  fil«,  après  avoir  visité  l'Alle- 
magne, où  il  a  ■été  accueilli  avec  de  grands  honneurs. 

V  La  reine  vient  d'accepter  la  dédicace  de  la  messe  pour  quatre 
voix  d'homme,  composée  par  M.  J.  Géraldy. 

*,"  Nous  apprenons  avec  satisfaction  que  les  constants  efforts  de 
M.  Sax  obtiennent  les  plus  honorables  suft'rages.  MM.  Rotschild  et 


314 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


GudJD.  viennent  de  s'intéresser  dans  sa  fabrique  d'instruments  à 
vent,  et  les  plus  habiles  artistes  le  prennent  aussi  sous  son  patro- 
nage. Tout  le  monde  connaît  les  beaux  succès  obtenus  par  ses  instru- 
ments, que  la  famille  unglaise  Distin  vient  défaire  entendre  en 
Allemagne,  et  qu'ils  vont  encore  poursuivre  à  Bruxelles  et  à  Lon- 
dres ;  aussi  attend-on  avec  le  plus  vif  intérêt  les  instruments  nou- 
veaux que  M.  Sax  fabrique  encore  en  ce  moment  pour  une  société 
d'artistes  qui  s'est  formée  à  l^aris ,  tout  exprès  pour  les  faire  con- 
naître, et  préparer  ainsi  toute  une  révolution  dans  la  musique 
d'barmonie. 

',*  Le  concours  de  musique  d'Anzin,  commencé  sous  les  plus  heu- 
reux auspices  et  par  un  temps  superbe ,  devant  une  réunion  de  plus 
de  15,000  personnes,  n'a  pu  s'achever  dans  la  soirée  de  dimanche 
dernier,  sans  Irouble  et  sans  encombre  ,  par  suite  de  l'ouragan  qui 
s'est  élevé  tout-à-coup  et  qui  est  venu  souflltr  sur  la  place  du  con- 
cours et  provoquer  la  chute  de  ces  estrades  éphémères  que  la  spé- 
culation élève  à  très  petits  frais,  et  que  les  architectes  négligent 
beaucoup  trop.  Vers  dix  heures,  un  vent  impétueux  éteignit  une 
partie  des  lumières,  une  pluie  diluvienne  vint  augmenter  le  trou- 
ble ;  dès  lors  un  désordre  épouvantable  se  mit  parmi  cette  masse 
réunie  sur  un  point.  Musiciens  et  spectateurs  se  précipitèrcnl  les  uns 
sur  les  autres,  et  une  mêlée  effroyable  s'ensuivit.  Un  jeune  homme 
de  17  ans  a  élé  blessé  grièvement  à  la  tète  par  l'écroulement  de 
l'estrade;  M.  Casimir  Paqué,  officier  de  pompiers  à  Anzin ,  à  reçu  de 
légères  contusions  ,  et  on  a  trouvé  sous  les  planches  une  personne 
évanouie  ,  mais  qui  n'avait  reçu  heureusement  aucune  blessure.  Le 
coniours,  interrompu  si  brusquement,  a  été  repris  lundi  matin- 
Le  I«r  prix  de  la  première  classe  a  été  décerné  à  la  musique  de  Va- 
lenciennes  ;  celle  du  Quesnoy  a  remporté  la  médaille  de  la  deuxième 
classe.  Nous  ne  connaissons  pas  les  autres. 

","  La  maison  de  plaisance  élevée  pour  M"=  Taglioni  sur  les  bords 
du  lac  de  Côme  est,  à  ce  qu'on  assure,  une  merveille  de  richesse 
et  de  goùl.  Celle  qu'habite  M""  Pasta  est  située  dans  le  voisinage. 

V  La  ville  de  ICiel  en  Danemark  possède  une  nombreuse  troupe 
chantante  qui,  pendant  la  saison  d'été  ,  donne  des  représentations  à 
Flensbourg  et  à  Schleswig  ,  et  qui  est  à  demeure  à  Kiel  depuis  le 
I"  mars.  Son  répertoire  se  compose  en  grande  partie  de  nouveautés 
parisiennes.  Parmi  les  pièces  nouvellement  représentées,  nous  avons 
remarqué  to /l/ysfèrei  lie  Paris  ,  arrangés  par  M.  Cari  Blum,  an- 
cien régisseur  du  théâtre  de  Berlin,  dont  la  mort  a  été  annoncée  der- 
nièrement. C'était  un  homme  singulier,  ayant  des  talents  très  variés-: 
c'est  ainsi  qu'il  écrivit  une  pièce  pour  laquelle  il  fit  lui-même  les 
décorset  la  musique,  et  de  plus  il  y  joua  le  principal  rôle. 

*,"  La  saison  à  Ems  n'a  pas  été  aussi  brillante  qu'on  l'avait  espéré. 
Un  grand  nombre  d'hôtels  sont  restés  à  moitié  vides.  Plusieurs  con- 
certs ont  eu  lieu  au  Kursaal,  parmi  lesquels  ceux  de  MM.  Doehler  et 
Piatti  onl  eu  le  plus  de  succès.  Une  pianiste  ,  M"»  Barraud,  qui  avait 
eu  soin  de  faire  exposer  son  portrait  dans  les  salons,  n'en  échoua 
pas  moins  dans  la  soirée  musicale  où  elle  produisit  son  talent. 

*,*  Le  Diorama  vient  de  rouvrir  en  exposant  un  nouveau  chef- 
d'œuvre  en  quatre  époques  ,  le  Déluge.  On  croirait  que  M.  Bouton  y 
assistait,  si  la  chronologie  n'élait  là  pour  démonlrer  le  contraire. 
Jamais  ce  grand  artiste  na  mieux  deviné,  ni  mieux  rendu.  Son  Dé- 
iuge  prendra  place  au  rang  des  pages  les  plus  sulilimcs  de  l'Iiistoiie 
du  genre  humain. 

CBsa'OEîi3|«e  eSéjssEii'teESBeBiaïsBe. 
',*  Rouen,  iO  septembre.  —  Les  débuts  de  notre  troupe  d'opéra  se 
succèdent  avec  rapidité  et  s'accomplissent ,  nous  devcms  le  dire  ,  de 
la  manière  la  plus  heureuse.  Ln  Juive,  ce  rlier-d'(L'uue  de  noire 
nouvelle  école  française,  avait  attiré  hier  une  nombreuse  chanibrce 
au  Théâtre  des  Arts.  La  soirée  a  été  briilanle,  et  certaines  parties 
du  bel  opéra  de  M.  Halévy  ont  élé  rendues  par  nos  nouveaux  arlislos 
mieux  peut-être  qu'elles  ne  l'avaient  jamais  été  sur  notre  scène. 
Nous  citerons  particulièrement  le  rôle  entier  de  Léopold  ,  que 
M.  Grognet  nous  a  vraiment  fait  connaître,  et  la  dernière  partie  du 
deuxième  acte,  qui  a  été  chantée  avec  un  ensemble  parfait  et  un 
entraînement  dramatiqrje  lout-à-fait  à  la  hauteur  de  celle  sublime 
inspiraiion  musicale.  H.  P.aguenot,  dans  le  rôle  ù'Eléazar,  s'est  de 
nouveru  montré  tel  que  nous  l'avions  jugé  dans  celui  de  Robert,  bon 
chanteur  et  bon  comédien.  Dans  la  cantilène  du  premier  acte ,  dans 
l'admirable  trio  du  deuxième  acte  et  dans  lu  grande  scène  du  qua- 
trième, il  a  excité  de  nombreux  applaudissements.  Il  a  chanté  tous 
ces  morceaux  avec  une  énergie  et  une  sûreté  remarquables.  On  voit 
que  c'est  à  bonne  écolequ'il  a  formé  son  talent,  qui  le  place  au  rang 
de  nos  meilleurs  ténors  français.  M""  Vallon  a  prouvé,  dans  le  rôle 
de  Rachel,  qu'elle  possédait  aussi  les  véritables  Iradilions.  Elle  a  joué 
parfailement  et  chanté  avec  beaucoup  d'âme  ce  beau  rôle  qui  lui  a 
valu  un  succès  complet.  Picmise  de  l'indisposition  à  laquelle  elle 


était  en  proie  lors  de  son  premier  début ,  elle  a  pu  développer  tout 
l'éclat  (le  sa  voix,  qui  est  belle  et  puissante.  Dans  les  couplcis  du 
deuxième  acte  :  u  Jl  va  venir»  ,  dans  le  duo  qui  vient  après,  dans  la 
romance  :  «  Pour  lui,  pour  moi ,  pour  mon  père  ;  »  el  dans  le  trio  final, 
sou  jeu  a  été  constamment  simple  et  touchant,  sa  diction  vraie  et  son 
chant  plein  de  chaleur  et  d'expression. 

","  Arrns,  31  aiût.  —  Le  concert  donné  pour  la  tète  de  noire  ville 
réunissait  des  artistes  d'un  mérite  vraiment  rare:  DérivisBls,  qui, 
après  avoir  commencé  sa  carrière  à  l'Académie  royale  de  musique , 
a  été  le  continuer  si  brillamment  en  Italie  ;  M'U  Consiance  Janssens 
(Maria  Corini)  ,  M.  Révial  <  t  M.  Blaës  ,  le  célèbre  clarineltisle.  I.'at- 
tenle  des  auditeurs  n'a  pas  été  trompée  :  on  était  avide  d'entendre 
et  d'applaudir;  on  a  pu  légitimement  applaudir  tout  ce  qu'on  a  en- 
tendu. 

*,*  Jteims.  —  Le  téior  Grosset,  engagé  pour  plusieurs  représen- 
tations, vient  de  se  faire  entendre  dans  la  Lucie  ,  où  il  s'est  de  suite 
posé  au  rang  des  bons  artistes  de  la  province. 

*,"  Toulouse ,  8  septembre.  —  M""'  Wideman  a  fait  son  début  dans 
la  Favorite.  Ou  l'a  beaucoup  applaudie,  quoiqu'elle  ait  chanté 
presque  toujours  un  quart  de  ton  trop  haut.  C'était  un  effet  de 
l'émotion  fans  doute.  Uatis  le  Juive,  on  a  vu  Liszt  applaudir 
M""  Masson  ;  ce  suffrage  en  vaut  bien  d'autres  pour  la  jeune  can- 
tatrice. 

—  M.  I.afeuillade  est  définitivement  associé  à  la  direction  de 
M.  Boulard  ;  nous  ne  pouvons  que  nous  en  applaudir.  L'habileté  de 
M.  Lafeuillade  contribuera,  sans  duute,  à  relever  notre  théâtre,  à  le 
tirer  de  cet  état  de.  décadence  où  il  est  tombé.  Nous  avons  en  lui 
beaucoup  de  confiance,  et  nous  pensons  qu'il  ne  trompera  pas  noire 
espoir. 

Clis'Oiitâciuc  étrangère. 

•,*  Gand.  — Les  abonnés  du  théâtre  de  Gand  convoqués  lundi  au 
foyer  pour  prononcer  sur  les  artistes  qui  avaient  terminé  leurs  dé- 
buts ou  fait  leur  rentrée,  les  ont  acceptés  tous.  MM.  Albert,  Mar- 
chand, Ménéhand.  M"'«  Ililien  ,  MarnelTe ,  Bondois  (Blanche) ,  Bau- 
doin et  Prévost ,  ont  été  admis  par  acclamation  ;  au  scrutin ,  M.  Di- 
guet,  le  baryton,  a  réuni  tous  les  votes;  M"'  Ménéhand  a  eu  18 
boules  noires  et  M.  Philippe  -18.  M.  et  M"'=  Fiilodeau ,  premiers 
danseur  et  danseuse,  n'ont  obtenu  en  leur  faveur  qu'une  faible 
majorité. 

—  M.H.-G.Moke,  professeur  à  l'Université  de  Gand,  et  M.  Edouard 
Fétis  travaillent  depuis  plusieurs  mois  à  un  ouvrage  qui  est  de  na- 
ture à  intéresser  au  plus  haut  degré  chacune  de  nos  grandes  villes  , 
dont  il  décrira  les  curieuses  merveilles,  en  même  temps  qu'il  s'atta- 
chera à  rappeler  leurs  pins  beaux  titres  de  gloire.  I,a  1"  livraison 
de  ce  livre,  qui  sera,  nous  dit-on  .  publié  avec  une  rare  magnificence 
par  l'un  des  plus  actifs  éiliteurs  de  cette  ville,  doit  paraître  à  l'époque 
des  fêtes  de  septembre.  Nous  nous  empresserons  d'en  rendre  compte 
à  nos  lecteurs. 

*,*  Hambourg. — On  a  repris  le  Templier  el  la  Juive,  par  Marschner. 
Cette  partition  ,  dit  un  journal  allemand ,  date  d'une  époque  où  les 
opéras  français  n'étaient  point  nos  modèles  indispensables  dans  la 
partie  dramatique  et  technique  de  l'art.  De  nos  jours,  le  composi- 
teur aurait  disposé  bien  différemment  certaines  parties  de  son 
œuvre,  surtout  les  morceaux  d'ensemble,  le  récitatif  et  l'accompa- 
gnement. 

V  Wie-tbade.  —  Au  théâtre  de  celte  ville  on  a  donné  récemment 
les  Huijuenois,  Tancrede  (  reprise  )  et  la  Jl/ueiie  de  Portici.  A  la  salle 
de  Scliutzenhof  il  y  a  eu  un  concert ,  où  l'on  a  surtout  applaudi  un 
lied  delvreulzer. 

Le  Directeur,  Réducteur  en  clief,  Maurice  SCHLESINGER. 


c.  nAItTllV 


■UTCI 

de  Pii 
BREVETE  DU  ROI 


I  de  l.ondreit. 


Le  Chirogymnasle  esl  unassemblatfeiteiieurappa- 
reils^ymnastiques  destinés  a  donner  de  Vextenston  à 
lamauietderécarl  aux  doigts  à  augmenter  et  à  égatf- 
ser  leur  force  et  à  -rendre  le  quatrième  et  le  cinquième 
indépendants  de  tons  les  autres.  Le  Chirogymnaste 
fêté  aussi  approuvé  et  adopiè  par  MM.  Adam,  Bertini, 
ne  Heiiot,  Cramer,  llerz,  KaUibreuner,  Listz,  Moschelèt 
It-uamt,  Sinon,  Thalberg,  Tulou,  Zimmermann,  etc. 

Chaque  Chirogymnaste  est  revêtu  de  ta  signature 
de  ^inventeur  et  se  vend  place  de  la  Bourse,  n"*  13, 
àhuit appareils,  ZOfr.,àneufapp.GOfr.,  mél/iode,3/r. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


Paris  :  uaan,  SOFr.  ;  six  mois,  15  fr.     —     Annonces  :  50  c.  la  lig .13  de  28  lettres     —     départements  :  un  an ,  34  fr.  Étranger,  38  Tr. 


GAZEHE  MUSICALE 

BtolGÉB  PÀB 

MM.  ANDERS  ,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ ,  Henri  BLANCHARD , 

MiBBiCE"BOURGES,  F.  DANJOD,  DUESBERG ,  FÉTIS  père,  Édouabd  FÉTIS,  Stfpber  HELLER,   J.  JAMN, 

G.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED ,  GEOBCE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PACL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

JParaiggant  totMg  Me»  JOitnnnehea. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  6AVARNI. 
1^   '*'  et   le    15  de  chaque  mois  on   recevra  un  morceau  de  musique* 


SOMMAIRE.  De  la  musique  sédilieuse;  par  n.  BLANCHARD. — 
Théâtre  royal  de  l'Opéra-Comique  :  Sainie-Cécile  ,  opéra-comique 
en  3  actes  (première  représentation)  ;  par  H.  BLANCIIARD.  — 
Littérature  musicale  :  Voyage  musical  en  Allemagne  et  en  Italie, 
d'Hector  Berlioz  ;  par  PAUL  SMITH.  —  Revue  critique  :  Méthode 
complète  pour  la  harpe,  de  Théodore  Laharre;  par  G.  KASTNER. 
—  Correspondance  particulière:  Lyon.  —  Nouvelles.  —  Annonces. 
MOYEN  AGE.  Dessin  de  Gavarni. 


DE  LA  MISIQIE  SÉDITIEISE. 

La  victoire  en  chantant  nous  ouvre  la  barrière. 
CnÉNiER  et  MÉiiUL. 
Peuple  français  ,  peuple  de  frères... 

SouRfouiÈRES  et  Gaveaux. 
Veillons  au  salut  de  l'empire  , 
Veillons  au  maintien  de  nos  droits. 
Deiried  et  D'Aleyrac. 
Vive  Henri  quatre, 
Vive  ce  roi  vaillant! 

Anomyme. 
Noble  amour  du  pays  où  l'on  reçut  la  vie  , 
Viens  remplir  tous  les  cœurs  et  charmer  les  esprits  ! 
Henri  Blaîschard. 
Jamais  en  France , 
Jamais  l'Anglais  ne  régnera  ! 

Casimir  Dklavigne  et  Halévv. 

e  titre  et  ces  épigraphes ,  avec  beaucoup  d'autres 
,  qu'on  pourrait  y  ajouter,  sont  comme  un  appendice 
à  un  article  que  nous  avons  donné  dans  le  nu- 
'  méro  24  de  la  Gazette  musicale  du  1 3  juin  1 839, 
intitulé  :  de  ia  musique  dangereuse.  Dans  cet 
article  nous  n'avons  traité  que  de  la  musique  qui  impres- 
sionne profondément ,  qui  excite  au  plus  haut  point  l'admi- 
ration et  l'exaltation ,  de  cette  musique  qui  ouvre  toutes  les 
voies  du  cœur,  y  soulève  toutes  les  émotions  et  toute  la  pas- 


sion, le  remplit  des  ineffables  douceurs  de  l'amour,  ou  le  tor- 
ture de  toutes  les  affres  de  la  jalousie  :  c'est  la  musique  sen- 
sualiste,  celle  qui,  en  bonne  morale  et  dans  un  gouver- 
nement bien  ordonné  par  la  religion  ,  devrait  être  proscrite , 
comme  l'était  l'art  efféminé  dans  l'antiquité  ;  nous  y  viendrons 
peut-être,  par  le  temps  de  perfectibilité  gouvernementale 
qui  court  ;  mais ,  quant  à  présent ,  il  ne  s'agit  que  de  la  mu- 
sique sédilieuse ,  de  la  musique  politique ,  anarchique , 
démagogique ,  et  capable  de  produire  mille  autres  effets  dia- 
boliques. 

Sous  la  restauration  ,  le  mot  de  liberté  était  le  cajmt  mor- 
<«w?i  des  agents  du  pouvoir;  ils  le  proscrivaient  partout  où 
il  se  montrait ,  même  rétrospectivement.  Ainsi ,  dans  le  Don 
Giovanni  de  Mozart,  au  Théâtre-Italien,  qui  devait  se  croire 
exempt  des  susceptiblités  de  la  censure  ,  cette  dame  prude  et 
méticuleuse  exigea  que  Don  Juan  ,  invitant  ses  convives  au 
plaisir,  dans  la  fête  qu'il  leur  donne  chez  lui ,  leur  dît  viva 
Vilarità!  au  lieu  de  viva  la  libertà!  que  Da  Ponte  avait  mis 
dans  son  librello  ,  vers  qui  est  répété  en  choeur  général  par 
tous  les  convives  du  joyeux  Don  Juan.  Messieurs  les  censeurs 
virent  là  sans  doute  un  souvenir  révolutionnaire,  un  appel 
aux  mauvaises  passions ,  comme  on  dit  aujourd'hui,  une  pro- 
vocation à  la  révolte ,  et  l'hilarité  remplaça  la  liberté  sur  la 
partition  de  Mozart.  Il  était  évident  qu'une  autorité  qui  avait 
peur  d'un  petit  vers  de  libretto  d'opéra  italien  portait  en  soi 
le  germe  d'une  inévitable  chute.  La  plaisanterie  de  Figaro 
était  devenue  ce  que,  plus  tard,  devait  être  la  chatte,  une 
vérité;  et  pourvu  qu'on  ne  parlât,  comme  le  dit  le  joyeux 
barbier ,  ni  de  l'autorité ,  ni  du  culte ,  ni  de  la  politique ,  ni 
de  la  morale ,  ni  des  gens  en  place  ,  ni  des  corps  en  crédit , 
ni  de  personnes  tenant  à  quelque  chose,  on  pouvait  tout 
imprimer  librement,  sous  l'inspeciion  de  deux  ou  trois  cen- 
seurs. Il  y  a  des  gens  qui  ne  désespèrent  point  d'en  venir  là. 
Allez  donc  leur  jeter  l'axiome  de  ïurgot  :  Laissez  faire,  laissez 
passer  ;  ajoutez-y  celui  de  Mazarin  :  Laissez-les  chanter,  ils 


BUREAUX   D'ABONNEMENT,    RUE   RICHEIiIEU,    97. 


316 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


paieront;  citez-leur  le  gouvernement  anglais,  qui  après  le 
God  save  Ihe  kitig  ou  queen ,  hymne  gothique  et  courlisa- 
nesque,  laisse  hurler  à  John  Bull  le  Rule  Britania,  comme  il 
laissa  célébrer  sur  le  Chant  du  départ  de  notre  Méhul  la 
victoire  de  Nelson  à  Trafalgar  ,  ces  gens-là  ne  vous  écoute- 
ront pas  ;  ils  ne  voient  dans  la  liberté  de  la  musique  et  de  la 
chanson  que  le  retour  de  1793.  Laissez  chanter  :  Ah  çà  ira  ! 
mais  vous  voulez  donc  qu'on  nous  mette  à  la  lanterne?  Le 
Chant  du  (Répart  !  mais  c'est  exiger  que  nous  prophétisions 
nous-mêmes  notre  sort.  Dansons  la  Carmagnole.'  mais  c'est 

I  le  cancan  ,  la  polka  des  septembriseurs.  Allons  donc,  jamais! 
Nous  voulons  bien  tolérer  la  Marseillaise  quelquefois ,  quand 

:  on  ne  peut  pas  faire  autrement,  et  la  Parisienne  toujours; 
mais  par  exemple  le  chant  de  Charles  VI ,  nous  ne  pouvons 
permettre  cette  déclamation  de  mauvais  goût  contre  une  puis- 
sance amie. 

On  a  dit  plaisamment  que  la  France  ,  sous  Louis  XV,  était 
une  monarchie  absolue  tempérée  par  des  chansons.  On  pour- 
rait dire  maintenant  que  nous  vivons  sous  un  régime  consti- 
tutionnel consolidé  par  la  proscription  des  chants  nationaux. 
Nous  avons  dit  dernièrement  dans  la  Gazelle  musicale  com- 
ment une  censure,  dont  il  est  difficile  de  comprendre  l'es- 
prit, nous  avait  entravé  ,  découragé  dans  la  publication  d'un 
chant  national ,  qui  célèbre  toutes  les  gloires  de  la  France; 
que  maintenant  il  nous  prenne  la  fantaisie  assez  naturelle  de 
faire  jouer  un  drame  que  nous  avons  en  portefeuille,  inti- 
tulé :  le  Combat  des  Trente  ,  nous  sommes  convaincu  d'a- 
vance qu'on  n'autoriserait  ni  le  sujet ,  ni  la  pièce  ,  ni  la  se- 
conde strophe  dite  par  un  ménestrel  à  la  réception  d'un  che- 
valier, et  dont  le  dernier  vers  est  emprunté  au  chant  guerrier 
de  Bertrand  Duguesclin  : 

Pour  délivrer  notre  Bretagne  antique, 

Réunissons  tous  nos  efforls  : 
Le  Léopard  ,  des  etiamps  de  l'Armorique , 

Eu  vain  ensanglante  les  bords. 
L'Anglais,  déçu  de  sa  fière  espérance. 
Fuira  devant  les  bannières  de  France; 
Du  Léopard  doit  triompher  encor 
L'écu  d'azur  à  trois  fleurs  de  lis  d'or. 

Comme  le  craintif  Prusias  de  Nicomède  qui  s'écrie  : 
Ah  !  ne  me  brouillez  pas  avec  la  république  ! 

le  ministère  dit  d'une  façon  prosaïque  et  tout  aussi  crain- 
tive :  Ah  !  ne  me  brouillez  pas  avec  l'Angleterre  !  Donc , 
l'opéra  de  Charles  VI  est  proscrit  parce  qu'il  renferme  une 
belle  et  noble  pensée  musicale.  Ordre  est  donné  de  ne  laisser 
rien  chanter  de  cette  partition  dans  aucune  salle  Je  spectacle; 
le  duo  des  Cartes  même  est  défendu  dans  les  concerts.  Il  y 
a  plus  :  on  sait  que  les  vaudevillistes  prennent  souvent  une 
mélodie  à  la  mode  pour  en  faire  ,  suivant  l'argot  dih  métier, 
un  air  de  soi'tie  ou  un  chœur  final  de  leur  œuvre  légère  et 
facile.  L'un  d'eux  ,  qui  avait  mis  sous  le  chant  national  : 

Guerre  aux  tyrans  !  Jamais,  jamais  en  France, 
Jamais  l'Anglais  ne  régnera  ! 

des  paroles  aussi  inoffensives  que  celles-ci  : 

Ah  !  quel  beau  jour!  Bientôt  par  l'hyménée 
Ces  deux  amants  seront  unis  , 

a  été  forcé  de  renoncer  à  son  emprunt  purement  mélodique , 
et  de  remplacer  ce  chant  horriblement  séditieux  par  quelque 
pont- neuf  classique  et  pacifique. 

Encore  une  fois,  la  censure  de  la  restauration,  si  ridicule  en 
ce  genre ,  permettait  cependant  de  chanter  les  louanges  de  la 
Vierge,  de  Jésus-Christ  et  des  saints  sur  la  Marseillaise,  le 
Chant  du  départ  et  autres  mélodies  séditieuses. 


Qu'arrive-t-il  de  ces  proscriptions  si  peu  artistiques?  qu'on 
obtient  un  résultat  tout  différent  de  celui  qu'on  se  promet. 
De  même  qu'en  faisant  brûler  Y  Emile  de  J.-J.  Rousseau, 
on  ne  fit  que  donner  plus  d'éclat  à  ce  bel  ouvrage ,  de  même 
en  mettant  à  l'index  le  beau  chant  national  de  Charles  YI , 
on  redouble  la  vogue  qu'avait  obtenue ,  dès  son  apparition 
sur  notre  première  scène  lyrique ,  cette  belle  et  patriotique 
inspiration. 

Henri  Blanchard. 


THEATRE  ROYAL  DE  L'OPERA-^COMIQUE. 
SAIP^TE  CÉCILE, 

OPÉRA-COMIQUE   EN  3   ACTES, 

Libretto  de  MM.  Angelot  et  Decomberodsse  ; 

Partition  de  M.  Montfort. 

(Première  représentation.) 

e  libretto  de  ce  nouvel  opéra  a  été  longtemps 
annoncé  sous  le  titre  de  Carie  Vanloo ;  puis, 
par  une  sorte  d'antiphrase,  de  titre  à  côté,  que 
M.  Scribe  a  mis  à  la  mode ,  il  a  pris  celui  de 
Sainte  Cécile  :  il  aurait  tout  aussi  bien  pu 
s'intituler  :  Le  duc  de  Fronsac,  ou  le  Roué,  ou  même  la 
Coquette  ndive.  Il  s'agit  dans  ces  trois  actes ,  de  forme  quel- 
que peu  exiguë  ,  d'une  rouerie  de  grand  seigneur  ,  et  c'est 
le  duc  de  Fronsac  qui  en  est  le  héros.  Imitateur  de  M.  son 
père ,  le  maréchal  de  Richelieu  de  galante  mémoire ,  le  jeune 
duc  de  Fronsac  voulut  continuer  les  mœurs  de  la  régence 
et  du  règne  suivant  sous  celui  de  Louis  XVI  ;  il  mettait  du 
rouge  et  des  mouches ,  et  se  moquant  de  son  père  ,  qui ,  pour 
entretenir  la  fraîcheur  de  son  teint  dans  un  âge  avancé,  se 
mettait  des  tranches  de  veau  sur  le  visage,  il  disait  que  son 
père  était  un  vieux  bouquin  relié  en  veau.  C'est  lui  que  Gil- 
bert a  peint  dans  ces  vers  : 

Tous  les  jours  dans  Paris  ,  en  habit  du  matin , 
Monsieur  promène  à  pied  son  ennui  libertin. 

C'est  ce  même  duc  de  Fronsac  qui  fit  mettre  le  feu  dans  un 
quartier  de  la  capitale  oii  ré.sidait  une  jeune  fille  qui  lui  ré- 
sistait ,  et  qu'il  fit  enlever  à  la  faveur  du  tumulte.  Le  même 
poëie  dit  encore  à  ce  sujet  : 

Obscur,  on  l'eût  flétri  d'une  mort  légitime  ; 
Il  est  puissant,  les  lois  ont  ignoré  son  crime. 

Le  marquis  de  Gèvres,  que  les  auteurs  ont  mis  en  regard 
de  ce  noble  duc ,  est  encore  un  de  ces  grands  seigneurs  éhon- 
tés  qui ,  voyant  un  jeune  et  beau  chasseur  derrière  un  bril- 
lant équipage ,  s'écria  :  Voilà  pourtant  comme  nous  les  fai- 
sons, et  voilà  comme  ils  nous  font,  ajouta-t-il  en  montrant 
la  bosse  qui  surmontait  ses  deux  épaules.  C'est  cette  plaisan- 
terie d'un  cynisme  effronté  que  M.  Victor  Hugo  a  renouvelée 
un  peu  crûment  et  sons  une  autre  forme  dans  sa  pièce  du 
Roi  s'amuse,  lorsque  Triboulet,  le  Fou,  dit  aux  courtisans 
de  François  I"  : 

Au  milieu  des  huées  , 
Vos  mères  aux  laquais  se  sont  prostituées. 

Avec  de  pareilles  plaisanteries  sur  leur  mère  ou  leur 
femme ,  avec  la  banqueroute  dont  se  faisaient  un  jeu  les 
Rohan  ,  les  Guéménée  et  tant  d'autres  nobles  maisons,  l'aris- 
tocratie devait  bientôt  en  finir  avec  son  avenir  dans  l'ordre  , 
ou  plutôt  le  désordre  social  qu'elle  avait  préparé  de  longue 


DE  PARIS. 


317 


main.  Le  spectacle  de  ces  mœurs  rétrospectives  d'une  corrup- 
tion polie,  en  habit  de  velours  et  en  paillettes,  ne  nous  va  plus 
guère  :  quoi  qu'il  en  soit ,  on  s'est  assez  amusé  de  toutes  les 
peines  que  se  donne  le  duc  de  Fronsac  pour  que  son  ami , 
le  marquis  de  Gèvres ,  ne  soit  pas ,  comme  le  Sganarelle  de 
Molière,  un  mari...  imaginaire.  La  jeune  marquise  de  Gèvres 
a  pour  protecteur,  pour  sauveur  de  sa  vertu,  Carie  Vanloo, 
jeune  peintre  qui  l'aime,  et  qui  ne  lui  est  pas  indifférent.  Il  l'a 
représentée  en  sainte  Cécile,  dans  un  tableau  qu'il  a  fait  pour 
un  couvent  où  elle  a  été  élevée  :  de  là  le  titre  de  la  pièce.  Le 
duc  de  Fronsac  a  donc  parié  avec  deux  nobles  dames  de  la 
cour  de  Versailles  qu'il  posséderait  les  bonnes  grâces  de  la 
jeune  marquise  de  Gèvres  en  vingt-quatre  heures ,  et  ce  sont 
les  stratagèmes ,  les  roueries ,  les  escalades  nocturnes  qu'il 
emploie  pour  arriver  à  ses  fins,  qui  foiment  l'intrigue  de  la 
pièce.  Bref,  comme  il  faut  en  bonne  morale  dramatique  que 
la  vertu  triomphe  ,  le  duc  mauvais  sujet  échoue ,  en  prenant 
toutefois  son  parti  gaiement.  Il  y  a  même  d'assez  bonnes 
scènes  de  comédie  d'intrigue  dans  le  troisième  acte ,  qui  est 
dû ,  dit-on  ,  à  M.  Saiut-Hilaire ,  l'ex-régisseur  général  du 
I  théâtre  de  rOpéra-(;omique.  Quelques  situations  ont  paru 
I  bien*  trouvées ,  entre  autres  celle  du  dénoûment ,  lorsque 
Vanloo  sort  de  la  chambre  de  la  marquise  après  le  duc  de 
Fronsac,  et  qu'il  la  justifie  ainsi  d'un  scabreux  tête-à-tête 
que  le  séducteur  émérite  veut  faire  croire  qu'il  a  obtenu  ; 
et ,  dans  le  premier  acte ,  lorsque  celui-ci  demande  à  la  jeune 
et  naïve  marquise  de  Gèvres,  en  présence  du  marquis,  si 
elle  voudra  bien  lui  servir  d'avocat  dans  ses  projets  de  sé- 
duction, la  réponse  de  la  marquise  :«  J'en  causerai  avec  mon 
mari ,  »  est  aussi  malicieuse  que  spirituelle,  jiàdame  Anna 
Thillon ,  »|qui  dit  et  chante  fort  bien  ce  rôle ,  a  lancé  ce  mot 
d'une  façon  charmante  ;  elle  a  contribué  par  là  et  par  d'autres 
qualités  au  succès  du  nouvel  opéra. 

La  musique  ne  témoigne  pas  d'un  grand  progrès  dans  l'au- 
teur, depuis  sa  partition  de  Polichinelle;  c'est  le  faire  à  la 
mode,  identique ,  toujours  le  même  de  notre  jeune  école  : 
de  l'habileté  mesquine  dans  l'orchestre,  de  la  valse,  du  galop, 
et  par  conséquent  pas  de  largeur  dans  le  style.  C'est  une  per- 
pétuelle imitation  dans  nos  jeunes  compositeurs  de  la  manière 
de  M.  Auber,  moins  l'élégance;  sa  mélodie  exiguë,  mais 
spirituelle  et  piquante  ;  ses  morceaux  d'ensemble  sans  haute 
inspiration ,  mais  d'une  étendue  et  d'un  développement  scé- 
nique  convenable.  Ce  qui  a  fait  prendre  tout  d'abord  à  Bellini 
une  place  dans  l'estime  des  connaisseurs  ,  et  lui  a  valu  les 
suffrages  du  public;  ce  qui  l'a  gr«ndi ,  c'est  que ,  sous  l'é- 
clat de  la  haute  renommée  de  Rossini ,  le  jeune  compositeur 
eut  la  hardiesse  de  procéder  autrement  que  l'illustre  maestro, 
comme  avaient  fait  Weber  et  Meyerbeer  ,  après  toutefois  que 
ce  dernier  ,  ainsi  qu'Hérold ,  eut  payé  tribut  au  style  rossi- 
nien  en  Italie.  En  attendant  qu'il  se  trouve  dans  notre  jeune 
école  un  homme  qui  sente ,  comme  Othello  ,  le  besoin  de 
marcher  dans  sa  force  et  dans  sa  liberté ,  de  se  produire 
enfin  avec  une  individualité  quelconque  ,  nous  dirons  à 
M.  Montfort  que  sa  partition  manque  de  cette  individualité  , 
de  cette  originalité ,  de  cette  capricieuse  création ,  sans  les- 
quelles l'art  n'est  plus  qu'un  métier  plus  ou  moins  décoloré , 
inutile  ,  et  quelquefois  fatigant  pour  l'auditeur. 

L'ouverture  est  jolie  ;  elle  contient  une  valse  qui  offre  une 
réminiscence  d'un  morceau  du  Pré-aux-Clercs ,  sur  ces 
paroles  :  Dans  la  prairie  fraîche  et  jolie,  bien  que  ce  ne  soit 
point  dans  le  même  rhythme.  La  péroraison  de  l'ouverture  est 
dans  la  manière  italienne ,  avec  le  crescendo  qui  rappelle  le 
pas  de  deux  ou  de  trois  d'un  ballet.  Le  duo  qui  suit  l'ouver- 
ture ,  et  chanté  par  le  duc  de  Fronsac  et  la  marquise  de 


Gèvres,  est  assez  joli  ;  il  est  bien  en  scène  'et  présente  une 
introduction  agréable  ,  n'était  un  quatrain  commençant  par 
ce  vers  :  Ce  n'est  pas  mon  ajfaire,  dont  le  compositeur  aurait 
dû  dissimuler  la  naïveté  quelque  peu  niaise  en  le  posant 
moins  prétentieusement,  en  le  faisant  passer  à  la  faveur  d'une 
déclamation  plus  vive,  ou  mieux,  d'une  mélodie  plus  origi- 
nale. 

Le  morceau  que  nous  nommerons  le  quatuor  de  la  Courte- 
Paille  est  assez  joli  ;  mais  la  coda  en  est  d'un  style  |commun  ; 
l'air  chanté  par  Vanloo  :  Je  demandais  à  la  belle  Italie,  est 
prétentieux  ,  sans  offrir  rien  de  neuf  en  mélodie  ou  en  har- 
monie. Le  sextuor  qui  sert  de  final  au  premier  acte  com- 
mence bien  :  le  thème  en  est  joli  à  l'orchestre;  les  voix  sont 
bien  distribuées;  mais  bientôt  les  choses  de  scène  nuisent  à 
la  mélodie  de  ce  morceau  ;  la  valse  empruntée  à  l'ouverture 
et  au  Pré-mix-Clercs\e  termine  assez  bien. 

Un  duo  au  commencement  du  second  acte  :  Fille  du  ciel , 
vierge  divine,  est  terminé  par  un  large  unisson  entre  les  deux 
récitants ,  qui  est  plus  prétentieux  que  vrai ,  plus  bruyant 
que  passionné  ;  puis  vient  un  duo-nocturne  assez  insignifiant 
entre  Fronsac  et  Vanloo.  Le  grand  air  qui  ouvre  le  troisième 
acte,  dans  lequel  la  jeune  marquise  dit  :  Et  moi,  fai  peur 
d'aimer  ,  est  d'un  joli  caractère  ;  mais  on  ne  sait  trop  pour- 
quoi les  trompettes  et  les  timballes  interviennent,  lorsque  la 
naïve  marquise  parle  de  ses  souvenirs  d'enfance.  Viennent 
ensuite  un  duo  entre  la  marquise  et  Vanloo  ,  puis  un  autre 
duo  entre  Fronsac  et  le  peintre,  qui  évoque  assez  intempes- 
tivement  ses  souvenirs  d'Italie  ;  et  puis  tout  est  dit.  Pour 
nous,  nous  répéterons  que  c'est  de  la  musique  bien  faite; 
mais  voilà  tout.  Libretto  et  partition  ont  pourtant  obtenu  du 
succès,  que  les  représentations  suivantes  ,  dit-on  ,  ne  feront 
que  consolider.  Les  acteurs  ont  cette  fois  mieux  joué  que 
chanté;  ils  veulent  peut-être  faire  revivre  la  gloire  de  l'an- 
cienne comédie  italienne  :  les  vieux  amateurs  de  l'Opéra-Co- 
mique  ne  s'en  plaindraient  pas. 

Henri  Blanchard. 


Kiittérature  niiisîeale. 

Voyage  micsical  en  Allemagne  et  en  Italie;  Eludes    sur 
Beethoven,  Gluck  et  Weber,  etc. ,  par  Hector  Berlioz. 

g.  'ai  quelque  droit  de  parler  de  ces  deux  volumes 
P  et  de  déclarer  que  je  les  trouve  bons ,  chose 
passablement  triviale ,  béotienne  même  si  l'on 
veut ,  quand  il  s'agit  de  l'œuvre  d'un  collabo- 
rateur, écrivant  dans  le  journal  où  vous  insérez 
son  éloge.  En  pareil  cas  ,  je  le  sais ,  l'approbation  est  toujours 
suspecte ,  par  la  raison  qu'on  la  regarde  comme  obligée  : 
aussi  je  demande  la  permission  de  dire  pourquoi  la  mienne 
doit  être  considérée  comme  de  bon  aloi.  A  une  époque  déjà 
lointaine,  où  Berlioz  s'agitait  encore  sur  le  seuil  de  sa  double 
carrière ,  où  il  jouissait  avec  excès  de  son  privilège  de  jeune 
homme ,  de  débutant ,  c'est-à-dire  où  on  lui  contestait  tout 
ce  qu'il  était  possible  de  lui  contester,  moi  aussi,  pourquoi 
le  nier?  je  m'avisai  de  le  chicaner  sur  certaines  productions 
de  sa  verve  musicale  ;  je  prétendis  qu'il  fallait  refuser  le  droit 
de  cité  à  plusieurs  de  ses  inspirations  fantastiques  ou  autres , 
et  dans  celte  prétention  telle  quelle,  on  m'accordera  du  moins 
la  justice  de  reconnaître  que  j'étais  complètement  désinté- 
ressé. N'ayant  sur  la  conscience  ni  le  moindre  opéra  ni  la 
moindre  symphonie  ,  si  je  critiquais  ,  c'était  par  pur  senti- 


318 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ment,  pur  instinct,  et  nullement  dans  la  crainte  de  voir  le 
terrain  si  étroit  de  la  gloire  et  de  la  fortune  envahi  par  un 
nouveau  rival.  Au  contraire ,  dès  que  Berlioz  eut  lancé  quel- 
ques pages  de  sa  prose  originale ,  abondante  ,  colorée  ,  poé- 
tique en  un  mot,  moi ,  qui  depuis  longtemps  déjà  m'exerçais 
à  ce  métier  où  si  quehjue  chose  manque,  ce  n'est  pas  la  con- 
currence ,  je  mo  hâtai  de  dire  avant  tous  et  à  qui  voulut 
l'entendre  :  Voilà  un  écrivain  !  Donc,  si  je  répète  aujourd'hui 
ce  que  je  proclamais  il  y  a  environ  dix  bonnes  années,  j'es- 
père que  l'on  voudra  bien  mettre  la  camaraderie  hors  de 
cause ,  et  m'honorer  d'autant  de  confiance  que  si  je  n'eusse 
rencontré  Berlioz  de  ma  vie,  et  que  ,  pour  juger  son  livre , 
j'arrivasse  tout  exprès  des  îles  Marquises  ou  de  Pékin. 

Berlioz  a  fait  l'an  dernier  en  Allemagne  une  tournée  mu- 
sicale dont  nous  avons  souvent  enregistré  les  brillants  résul- 
tats. Mais ,  hélas  !  du  point  oii  nous  l'observions ,  nous  ne 
pouvions  apercevoir  que  les  roses ,  et  les  épines ,  bon  Dieu  ! 
c'était  à  lui  de  nous  les  faire  toucher  une  à  une.  Si  vous  vous 
doutiez  de  ce  que  c'est  que  de  donner  quinze  concerts  et  de 
faire  cinquante  répétitions  dans  l'espacede  quelques  semaines! 
Que  de  fatigues!  que  de  douleurs  !  que  de  désappointements! 
Heureux  le  virtuose  qui  porte  tout  avec  lui ,  qui ,  avec  sa 
voix  ou  ses  deux  mains,  peut  se  passer  d'orchestre,  de  chœur, 
et  de  cette  foule  d'accessoires  sans  lesquels  il  n'y  a  point  de 
principal  !  Le  tableau  que  Berlioz  a  tracé  des  misères  du 
compositeur  nomade  serait  de  nature  h  épouvanter  les  plus 
intrépides ,  s'il  n'eût  aussi  esquissé  celui  de  ses  ineffables 
jouissances,  lorsqu'il  est  enfin  parvenu  au  terme  de  ses  efforts 
désespérés!  Lisez,  lisez  cette  page  empreinte  d'émotions 
presque  sublimes  à  force  d'être  vraies  :  «  Le  public  arrive , 
»  l'heure  sonne;  exténué,  abîmé defatiguesde  corps  et  d'es- 
»  prit,  le  compositeur  se  présente  au  pupitre-chef,  se  soute- 
»  nantà  peine,  incertain,  éteint,  dégoûté,  jusqu'au  momentoù 
»  les  applaudissements  de  l'auditoire,  la  verve  des  exécutants, 
»  l'amour  qu'il  a  pour  son  œuvre,  le  transforment  tout-à-coup 
»  en  machine  électrique,  d'où  s'élancent  invisibles,  mais 
«réelles,  de  foudroyantes  irradiations.  Et  la  compensa;  iuu 
»  commence.  Ah!  c'est  alors,  j'en  conviens,  que  l'auteur, 
«dirigeant  l'exécution  de  son  œuvre,  vit  d'une  vie  aux 
»  virtuoses  inconnue  !  Avec  quelle  joie  furieuse  il  s'aban- 
»  donne  au  bonheur  de  jouer  de  l'orchestre!  Comme  il 
»  presse,  comme  il  embrasse,  comme  il  étreint  cet  immense 
»  et  fougueux  instrument!  L'attention  multiple  lui  revient; 
«il  a  l'œil  partout;  il  indique  d'un  regard  les  entrées  vo- 
»  cales  et  instrumentales,  en  haut ,  en  bas ,  à  droite ,  à  gau- 
»  che  ;  il  jette  avec  son  bras  droit  de  terribles  accords  qui 
»  semblent  éclater  au  loin  comme  d'harmonieux  projectiles; 
»  puis  il  arrête,  dans  les  points  d'orgue  ,  tout  ce  mouvement 
»  qu'il  a  communiqué;  il  enchaîne  toutes  les  attentions  ;  il 
»  suspend  tous  les  bras ,  tous  les  souffles,  écoule  un  instant 

»  le  silence .et  redonne  plus  ardente  carrière  au  tourbillon 

»  qu'il  a  dompté.  » 

Les  deux  volumes  de  Berlioz  sont  remplis  de  passages  tels 
que  celui-là  ;  tout  ce  qu'il  écrit  est  marqué  au  cachet  de  l'é- 
motion personnelle  :  nu!  autre  que  lui  ne  pouvait  l'écrire. 
Son  Allemagne  est  bien  à  lui ,  rien  qu'à  lui.  Pas  de  digres- 
sions ni  de  descriptions  oiseuses  :  il  a  passé  le  Rhin  pour  faire 
exécuter  sa  musique  dans  toutes  les  villes  qu'il  visite,  et  il  ne 
fait  pas  autre  chose,  si  ce  n'est  de  dessiner  sur  son  chemin 
toutes  les  physionomies  de  chefs  d'orchestre  et  d'artistes  cé- 
lèbres avec  lesquels  il  entre  en  rapport  :  par  exemple,  à 
Francfort ,  celle  du  brave  et  loyal  Guhr ,  qui  parle  français 
sans  s'en  apercevoir ,  et  qui  ne  prononce  pas  deux  mots  sans 
jurer;  à  Stuttgardt,  celle  de  Lindpaintner ;  à  Leipsig,  celle 


de  Mendelssohn  ;  à  Dresde ,  celle  de  Lipinski ,  celle  de 
Richard  Wagner,  celle,  de  Parish-Alvars,  qu'il  surnomme 
le  Liszt  de  la  harpe.  Partout  où  il  s'arrête ,  au  lieu  d'imiter 
les  autres  voyageurs,  qui  seperdent  dans  l'infinie  énumération 
des  mets  qu'ils  ont  mangés,  qui  vous  signalent  les  auberges 
où  le  vin  n'est  pas  trop  mauvais ,  où  les  lits  ne  sont  pas  trop 
durs ,  Berhoz  s'occupe  exclusivement  à  dresser  la  statistique 
des  orchestres,  de  sorte  que  nous  lui  devons  l'exacte  connais- 
sance des  forces  musicales  de  l'Allemagne ,  ce  qui  vaut  bien 
le  minutieux  détail,  dont  nous  ont  régalés  tant  d'autres ,  des 
habitudes  de  ses  aubergistes  et  des  mœurs  de  ses  postillons. 

De  sévères  études  sur  la  musique  en  général ,  une  pro- 
fonde et  intéressante  analyse  des  neuf  symphonies  de  Beetho- 
ven ,  du  Freyschutz  de  "Weber ,  quelques  fantaisies  bouf- 
fonnes,  terminent  le  premier  de  ces  deux  volumes,  dont  le 
second  est  d'abord  consacré  aux  souvenirs  d'un  lauréat  de 
l'Institut  en  Italie  ;  car  il  ne  faut  pas  l'oublier  ,  quoique  lui- 
même  en  parle  souvent  comme  s'il  n'avait  pu  y  atteindre , 
Berlioz  a  remporté  le  second  et  le  premier  grand  prix  de  com- 
position musicale  :  il  achevait  sa  dernière  cantate  au  bruit  de 
la  canonnade  et  de  la  fusillade  du  28  juillet  1830  :  n'y  ayait- 
ilpas  dans  ce  bruit  quelque  chose  qui  ressemblait  à  l'horos- 
cope d'un  musicien  révolutionnaire en  doubles  croches  ? 

Revenu  de  son  voyage  par-delà  les  Alpes ,  Berhoz  nous  a 
donné  son  Italie ,  qui  est  tout  aussi  bien  à  lui ,  à  lui  seul, 
que  son  Allemagne.  Et  quelle  vie  étrange  il  y  a  menée,  toii- 
jours  errant,  toujours  rêvant,  beaucoup  plus  chasseur  que 
musicien  ,  et  encore  moins  chasseur  qu'aventurier  !  Ne  nous 
en  plaignons  pas  :  si  Berlioz  eût  été  taillé  sur  les  patrons  de 
ses  camarades,  devanciers  ou  successeurs  à  la  villa  Médici, 
son  voyage  d'Italie  ne  vaudrait  pas  la  peine  d'être  lu ,  et  le 
pèlerinage  des  lauréats  de  l'Institut  serait  resté  à  tout  jamais 
enfoui  dans  le  domaine  du  lieu  commun  ,  le  plus  stérile  et  le 
plus  fastidieux  de  tous  les  domaines. 

Les  Voyages  d'Allemagne  et  d'Italie  sont  comme  deux 
grandes  planètes  autour  desquelles  gravitent  des  satellites 
de  proportions  diverses  :  tels  sont  dans  le  second  volume  la 
nouvelle  par  lettres  intitulée  :  Le  premier  opéra;  des 
Études  sur  Gluck  et  son  système  de  musique  dramatique , 
le  Suicide  par  enthousiasme  ,  et  enfin  sous  ce  titre  :  Astro- 
nomie musicale ,  les  quatre  périodes  de  l'apparition  d'un  de 
ces  météores  mélodieux  qui  font  la  pluie  et  le  beau  temps 
sur  nos  théâtres  lyriques.  Après  quoi ,  tout  est  dit  ;  et  vous 
vous  apercevez  que  vous  avez  lu  d'une  haleine  les  deux  tomes 
assez  gros  d'un  ouvrage,  que  j'appellerais  le  plus  musical  des 
ouvrages  littéraires,  s'il  n'était  le  plus  littéraire  des  ouvrages 
musicaux. 

Paul  Smith. 


Revue  critique. 
MÉTHODE  COMPLÈTE  POUR  LA  HARPE, 

par  M.  THÉODORE  XiABARRE. 

ans  remonter  h  la  Bible,  qui  fait  mention  de  la 
harpe  dans  maint  et  maint  endroit ,  ce  qui  éta- 
blit d'une  manière  irréfragable  l'ancienneté  de 
cet  instrument  ;  sans  passer  en  revue  les  peuples 

_^ f  du  Nord ,  chez  qui  la  harpe  se  retrouve  sous 

millefôrmes  différentes,  et  paraît  avoir  existé  de  temps  im- 
mémorial ,  il  est  permis  de  citer  la  constante  sympathie  qu'a 
toujours  excitée  cet  instrument  parmi  les  nations  de  l'Europe 


DE  PARIS. 


319 


moderne ,  comme  une  preuve  concluante  de  la  puissance  et 
du  charme  qui  résident  en  lui. 

Après  avoir  longtemps  fait  les  délices  des  blanches  ladies 
de  l'Angleterre ,  la  harpe  passe  le  détroit  et  s'intronise  en 
France  sous  la  royale  protection  de  Marie-Antoinette  elle- 
même;  dès  lors ,  le  sort  de  l'instrument  est  fixé  ;  il  aura  ses 
jours  de  crise  et  de  défaveur,  il  sera  délaissé  de  temps  à 
autre  ,  mais  toujours  pour  reparaître  avec  plus  d'éclat.  Dans 
une  méthode  écrite  par  M™'  de  Genlis,  et  dédiée  à  l'une  de 
ses  élèves ,  cette  femme  célèbre  énumère  complaisamment 
les  plus  célèbres  harpistes  de  son  époque  :  Petrini ,  Krump- 
koltz,  M"'  Amélie  Boufflers ,  au  talent  si  fin  ,  au  jeu  si  plein 
de  grâce  et  d'expression ,  M"°  d'Orléans ,  M"'  Navoigile , 
Marin ,  au    style  hardi ,   et   Naderman  et  Dalvimare ,  que 

sais-je  encore! C'était   le  bon  temps  de  la  harpe,  et 

pourtant ,  de  quel  maussade  ,  de  quel  défectueux  instrument 
on  était  alors  obligé  de  se  servir  ,  si  nous  le  comparons  aux 
harpes  actuelles  !  Avant  les  frères  Gaiffres,  on  ne  connaissait 
que  la  petite  harpe  sans  pédales  :  ce  dernier  mécanisme  fut 
imaginé  par  ces  artistes  habiles  ;  Salomon  ,  Naderman  ,  Lou- 
vent  et  Cousineau  ne  firent  guère  que  marcher  sur  leurs 
traces.  Tous  les  perfectionnements  successifs  introduits  par 
ces  divers  facteurs  se  bornèrent  h  un  système  de  sept  pé- 
dales adapté  à  une  harpe  dont  l'accord  était  en  mib  ,  et  au 
moyen  duquel  on  pouvait  jouer  dans  les  différents  tons. 
Actuellement,  nous  avons  la  harpe  à  double  movvement, 
inventée  par  Sébastien  Erard.  Elle  n'a  que  sept  pédales 
comme  l'ancien  modèle,  mais  chacune  de  ces  pédales  produit 
un  double  effet ,  parce  qu'elle  possède  deux  crans  d'arrêt ,  de 
telle  sorte  que  la  même  corde  peut  représenter  trois  sons  : 
la  note  naturelle,  la  note  diésée,  et  la  note  bémolisée  (1); 
cette  disposition  avait  une  supériorité  trop  marquée  pour  ne 
pas  prévaloir  sur  la  précédente  :  aussi  l'usage  des  harpes  à 
double  mouvement  s'est-il  rapidement  répandu ,  et  est-il  au- 
jourd'hui presque  universel.  Il  en  est  résulté  deux  choses  : 
d'une  part ,  les  travaux  des  Naderman ,  des  Polet ,  des  Dé- 
sargus .  ne  se  sont  plus  trouvés  à  la  hauteur  de  l'instrument 
perfectionné;  de  l'autre,  cette  perfection  même  agrandit  la 
sphère  de  la  harpe  et  augmente  considérablement  ses  res- 
sources. Les  méthodes  publiées  par  Bochsa  et  quelques  maî- 
tres-allemands répondaient  en  partie  à  ces  nouveaux  besoins  ; 
mais  la  marche  de  l'art  est  plus  rapide  que  les  conceptions 
de  l'homme  :  aussi ,  depuis  longtemps  déjà  ,  tout  le  monde 
est-il  d'accordqu'aucune  méthode  ne  satisfait  pleinement  aux 
progrès  réalisés ,  et  que  le  professorat  oral  est  forcé  de  sup- 
pléer à  ce  que  les  livres  écrits  ont  d'incomplet  ;  en  cet  état,  la 
rédaction  d'une  bonne  méthode  de  harpedevenait  une  néces- 
sité urgente  ,  et  personne  assurément  n'était  plus  à  même  que 
M.  Labarre  d'entreprendre  un  pareil  ouvrage  et  de  le  mener 
à  bonne  fin.  —  M.  Labarre  n'est  pas  seulement  le  premier 
harpiste  que  nous  ayons,  c'est  encore  un  musicien  consommé 
et  un  homme  plein  d'esprit  et  de  goût.  Il  est  presque  inutile, 
après  cela ,  de  vous  dire  que  sa  méthode  est  aussi  bien  exé- 
cutée que  bien  conçue  :  l'auteur  n'y  a  rien  omis,  il  prévoit 
toutes  les  objections  et  y  répond  d'avance  ;  ses  démonstra- 
tions sont  claires ,  son  style  correct  et  ses  exemples  d'une 
application  rigoureusement  juste.   Si  vous  voulez  avoir  une 

(I)  Quelque  complète  que  soit  la  harpe  à  double  mouvement,  elle 
offre  encore  une  petite  lacune;  en  effet,  les  trois  synonymes  ré  dièse, 
so/ dièse  et  la  dièse  ne  s'y  rencontrent  point;  il  suffirait,  pour  les 
obtenir,  d'adapter  aux  trois  noies  ut  bémol,  /«  bémol  et  sol  bémol  un 
mécanisme  de  pédales  à  tri])le  mouvemem  qui  permît  de  hausser  ces 
noies  de  trois  demi-ions.  —  M- Erard  ne  voudra-l-il  pas  être  le  pre- 
mier à  elTecluer  celte  amélioralioii ,  après  laquelle  l'instrumenl  ne 
laissera  plus  rien  à  désirer? 


idée  des  principales  matières  contenues  dans  cet  intéressant 
volume ,  jetez  un  coup  d'oeil  en  tête  de  chaque  chapitre  et 
vous  y  trouverez  tour  à  tour  :  la  nomenclature  des  diverses 
pièces  dont  se  compose  l'instrument ,  les  cordes  ,  les  pédales  , 
l'accord  ,  la  position  de  l'exécutant ,  la  qualité  de  son,  le 
doigter;  puis  les  diverses  sortes  d'arpèges,  les  octaves,  les 
tierces,  les  sixtes  et  les  dixièmes  détachées  ou  liées,  les 
trilles ,  les  doubles  trilles ,  les  croisés,  les  doigters  exception- 
nels ,  les  sons  harmoniques ,  etc. ,  etc. ,  etc.  Ce  dernier  pa- 
ragraphe, entre  autres,  est  aussi  circonstancié  que  précis. 
L'ouvrage  se  termine  par  vingt  exercices  progressifs ,  dont 
l'auteur  indique  l'emploi,  dans  la  succession  des  études;  il 
prend  également  soin  de  désigner  les  morceaux ,  à  divers 
degrés  de  force,  auxquels  l'élève  pourra  avoir  recours,  au  fur 
et  à  mesure  de  ses  progrès,  et  c'est  là  un  conseil  qu'il  ne 
sera  pas  indifférent  de  suivre,  car,  bien  que  toute  la  mu- 
sique de  piano  puisse  s'exécuter  sur  la  harpe ,  il  n'est  pas 
rare  qu'on  se  trompe  dans  l'appréciation  du  degré  de  difiîculté 
d'un  morceau  transporté  du  premier  instrument  au  second  ; 
en  tout  cas ,  il  vaut  beaucoup  mieux  jouer  sur  la  harpe  la 
musique  spécialement  composée  pour  la  harpe  ;  la  collection 
en  est  d'ailleurs  assez  brillante ,  assez  riche  et  assez  variée. 

A  notre  sens ,  M.  Labarre  n'a  point  mal  fait  de  supprimer 
dans  son  ouvrage  toutes  les  questions  relatives  à  la  connais- 
sance des  principes  élémentaires  de  la  musique  ;  de  cette 
manière,  il  reste  une  plus  large  part  à  l'étude  de  l'in- 
strument. 

Q'est-il  besoin  d'insister  encore  sur  l'excellence  et  l'oppor- 
tunité de  la  méthode  que  nous  annonçons?  Pour  le  premier 
point ,  les  antécédents  de  M.  Labarre  comme  artiste ,  pro- 
fesseur et  compositeur ,  répondent  suffisamment  ;  pour  le  se- 
cond ,  aux  arguments  déjà  fournis  nous  pourrons  ajouter 
que  la  harpe  n'est  plus  seulement  de  nos  jours  un  instrument 
de  concert,  mais  que  son  rôle  dans  l'orchestre  tend  chaque 
jour  à  se  développer  et  à  prendre  une  plus  grande  importance. 
L'école  moderne  offre  une  foule  de  cas  dans  lesquels  son 
intervention  produit  un  effet  aussi  pittoresque  que  ravissant. 

Si  jamais ,  ce  qu'à  Dieu  ne  plaise ,  M.  Labarre  venait  à 
réaliser  la  menace  qu'il  nous  fait  depuis  quelque  temps ,  s'il 
abandonnait, — l'ingrat, — ce  talent  qui  fut  l'un  des  pre- 
miers échelons  de  sa  gloire ,  il  aurait  du  moins  élevé  un  mo- 
nument impérissable  qui  témoignerait  de  l'habileté  du  maître 
et  servirait  à  perpétuer  la  renommée  du  virtuose. 

Georges  Kastner. 


Correspondais  ce  particulière. 

Lyon,  iS  septembre  1844. 

Vous  savez  que  Poultier  a  succédé  à  Roger  et  à  M""  Ta- 
glioni.  Il  a  chanté  jusqu'à  présent  dans  Gm7?aM)ne  Tell,  dans 
la  Muette,  dans  la  Favorite  et  dans  la  Juive.  Lors  de  sa 
première  représentation ,  Poultier  n'était  malheureusement 
pas  en  voix ,  et  malgré  tout  son  talent  il  ne  réussit  pas  com- 
plètement. Cependant  il  fut  admirable  dans  :  Asile  hérédi- 
taire et  le  fameux  Suivez-moi!  Le  rôle  de  Mazaniello  ne 
convient  pas  non  plus  parfaitement  à  l'organe  doux ,  agréa- 
ble ,  mais  un  peu  faible  de  Poultier,  et  dans  la  cavatine  du 
Sommeil  il  n'a  produit  que  peu  d'effet.  Enfin  il  a  pris  une 
revanche  éclatante  dans  la  Favorite;  chaque  morceau  fut 
couvert  d'applaudissements,  el  la  délicieuse  romance  :  «  Ange 
si  pur  »  transporta  la  salle  entière.  Dans  la  Juive  il  fut  éga- 
lement très  apprécié ,  quoiqu'un  manque  de  mémoire ,  dans 


320 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


l'admirable  air  du  quatrième  acte  :  «  Rachel  quand  du  Sei-   \ 
gneiir  »  ,  ait  failli  compromettre  son  succès. 

Les   quatre   opéras  ci-dessus  nommés ,   puis  Robcrl-le- 
Diable  et  les  Huguenots,  forment  toujours  le  répertoire  de   , 
tous  les  théâtres.  Quand  un  directeur  veut  remplir  sa  salle, 
quand  un  artiste  veut  débuter  avantageusement,  c'est  l'un  de 
ces  six  ouvrages  qu'ils  choisissent. 

PouUier  se  fit  entendre  lundi  dernier  aux  Céleslins,  dans 
un  concert  donné  au  bénéfice  de  la  veuve  du  chef  d'orchestre 
de  ce  théâtre.  Il  produisit  un  effet  immense ,  en  partageant 
les  honneurs  de  la  soirée  avec  M.  Georges  Hainl ,  qui  comme 
d'habitude  fut  très  apprécié. 

Avec  les  représentations  de  PouUier,  nous  avons  eu  la 
rentrée  de  M™"  Miro-Camoiu.  Cette  cantatrice  a  été  accueillie 
au  milieu  des  applaudissements  et  des  sifflets  inséparables 
d'un  début.  Cependant  la  cabale  a  eu  le  dessous;  et  c'était 
justice,  car  on  pourrait  difficilement  avoir  mieux  à  Lyon. 

J'ai  assisté  avec  beaucoup  d'intérêt  à  la  reprise  de  Robin- 
des-Bois,  qui  a  eu  lieu  dimanche  dernier.  Deux  morceaux 
du  chef-d'œuvre  de  Weber  (l'ouverture  et  le  chœur  des 
chasseurs)  furent  dits  avec  une  rare  perfection.  Le  reste  a 
laissé  beaucoup  à  désirer.  M°'°  Miro  a  eu  de  bons  moments 
dans  l'air  du  second  acte ,  mais  elle  en  a  défiguré  le  commen- 
cement par  des  agréments  de  l'école  italienne.  M.  Bonlo , 
ténor  léger,  rempli  d'esprit  et  de  talent ,  n'est  pas  à  sa  place 
dans  le  rôle  de  Max,  rôle  qui  exige  avant  tout  une  voix  puis- 
sante et  une  haute  expression  dramatique.  M.  Barriel  a  trop 
de  prétention  ,  mais  n'a  pas  assez  de  talent  pour  représenter 
dignement  Richard.  Celte  formidable  création  de  l'immortel 
Weber  est  du  reste  tellement  défigurée  par  l'arrangement  de 
Castil  Blaze ,  qu'il  est  inconcevable  que  les  théâtres  de  pro- 
vince ne  donnent  pas  ce  bel  ouvrage  tel  qu'il  se  joue  à  l'O- 
péra :  alors  ce  serait  la  musique  de  Weber,  non  castilblazée. 
On  n'a  nullement  respecté ,  dans  les  morceaux  d'ensemble, 
les  mouvements  indiqués  par  Weber;  elle  trio,  par  exemple, 
qui,  dans  la  partition  française,  termine  le  premier  acte, 
a  été  exécuté  beaucoup  trop  vite.  On  a  semblé  ne  pas  avoir 
compris  que  l'énergie  de  la  musique  de  Weber  consiste 
dans  la  force  de  la  pensée ,  et  non  pas  dans  un  accelerando 
continuel. 


MOYEN  AGE. 

Dessin  de  Gavarni. 

Le  moyen  âge  était  riche  en  pages  et  en  varlets  sonnant 
du  cor  ou  de  la  trompe.  Alors  que  les  suisses  n'étaient  pas 
inventés,  encore  moins  les  concierges,  ainsi  que  les  portes 
cochères  à  marteau  et  à  sonnettes ,  le  cor  ou  la  trompe  ser- 
vait à  l'introduction  des  étrangers  dans  les  nobles  castels. 
II  faut  convenir  que  cela  était  plus  relevé  que  la  manière 
d'annoncer  qui  se  pratique  dans  nos  mœurs  modernes.  Un 
beau  son  de  trompe  devait  avoir  son  charme  et  produire  une 
impression  plus  noble  que  :  le  cordon  s'il  vous  plaît  ! 


*.'  Aujourd'hui  dimanche ,  à  l'Opéra,  Guillaume  Tell.  —  Demain 
lundi  le  Freyschûtz  et  Eucharit, 
*,*  Le  ballet  nouveau  que  l'on  prépare  à  l'Opéra  porte  pour  titre  : 

la  Fille  dii'.feu, 

*/  M"'  Taglioni  est  awivée  à  Bruxelles,  où  ses  représentations  ont 
dû  commencer  jeudi  dernier. 


*,*  Ce  n'est  pas  par  Oiello,  mais  par  Liiiila  di  Chamounix  que  le 
Théâlre-Ilalicn  doit  faire  sa  réouverlure,  M.  Tagliafico  débutera 
dans  le  rôle  créé  par  Lablache  fils,  et  Lablache  père  sera  remplacé 
par  Morelli. 

V  II  est  plus  que  jamais  question  d'un  troisième  théâtre  lyrique, 
dont  la  direction  serait  ,  dit-on  ,  confiée  à  M.  Morin ,  qui  tient  la 
classe  d'opéia-comique  au  Conservatoire. 

"/  Une  solennité,  dont  l'immense  intérêt  musical  sera  senti  par 
tout  le  monde ,  vient  d'élre  résolue  et  se  prépare  en  ce  moment.  Le 
1='  novembre,  jour  de  la  Toussaint ,  l'association  des  artistes-musi- 
ciens donnera  le  soir,  dans  la  salle  de  l'Opéra,  un  concert  dans  lequel 
le  fameux  oratorio  d'Haydn,  la  Création ,  que  l'on  n'a  pas  entendu 
en  France  depuis  la  mémorable  journée  dw  nivôse  (1800),  sera  exé- 
cuté par  cinq  cents  musiciens  et  les  premiers  artistes  de  nos  théâtres, 
sous  la  direction  de  M.  Habenerk.  Ainsi  l'illustre  chef  qui  dirige 
depuis  si  longtemps  le  premier  orchestre  du  monde,  qui  a  fondé  la 
Société  des  concerts,  aura  encore  la  gloire  de  fonder,  de  diriger  les 
congrès  périodiques  d'une  association  dont  l'Influence  sera  puis- 
sante surl'avenir.  On  ne  saurait  trop  rendre  grâces  à  son  zèle  infa- 
tigable et  à  la  haute  expérience  dont  il  va  donner  une  nouvelle 
preuve ,  non  plus  qu'à  la  gpnéreuse  bienveillance  que  M.  Léon 
Pillet  a  témoignée  pour  l'art  et  les  artistes  dans  cette  importante 
occasion.' 

","  Nous  apprenons  avec  un  vif  plaisir  que  notre  célèbre  Thalberg 
vient  de  se  fixer  à  Paris  dans  l'hôlél  illustré  par  Horace  Vernet. 
C'est  une  excellente  nouvelle  dont  nous  nous  empressons  de  faire 
part  à  nos  lecteurs,  et  dont  ils  se  féliciteront  certainement:  car  il  y 
a  lieu  d'espérer  que  le  grand  artiste  voudra  bien  consacrer  un  peu 
de  son  temps  à  des  leçons  qui  seront  d'un  si  heureux  effet  pour  pro- 
pager son  admirable  école. 

*.*  M.  Georges  Kastner,  notre  savant  collaborateur,  vient  d'arri- 
ver à  Paris  pour  diriger  les  répétitions  d'un  grand  ouvrage  vocal  et 
instrumental  d'une  haute  portée.  L'exécution  en  sera  confiée  à  l'é- 
lite des  artistes.  On  dit  que  cette  solennité  musicale  aura  lieu  au 
commencement  de  l'hiver.  Le  caractère  du  sujet,  la  forme  origi- 
nale du  cadre  ,  le  style  brillant  et  coloré  de  la  partition  ,  la  richesse 
d'une  exécution  très  soignée,  tout  dans  cette  tentative  sera  de  na- 
ture à  impressionner  vivement  le  public. 

*.*  Un  jeune  violoncelliste  des  plus  estimés,  M.  Battanchon ,  est 
enfin  de  retour  à  Paris,  où  il  se  propose  de  passer  l'hiver.  Ses  der- 
niers conceris  à  Granville  et  à  Jersey  ont  dignement  couronné  son 
voyage  artistique,  tes  charmants  morceaux  qui  ont  vain  à  M.  liat- 
lanchon  tant  d'applaudissements  dans  sa  tournée  en  province,  se- 
ront bientôt  livrés  à  la  publicité. 

".*  M"""  Joséphine  Martin  ,  qui  a  obtenu  de  si  grands  et  si  légi- 
times succès  en  province ,  est  aussi  de  retour  dans  la  capitale. 

*.*  M""  Sabatier,  la  cantatrice  à  la  mode  des  salons  de  Paris,  aussi 
remarquable  par  son  talent  que  par  sa  beauté,  est  arrivée  hier  à 
Bruxelles;  elle  se  propose  de  donner  plusieurs  concerts  avec  le  cé- 
lèbre violon,  M.  Hauman,  qui  est  arrivé  aussi  dans  celte  ville. 

'.•  M""=  Alberlazzi  se  propose  de  donner  un  concert  jeudi  pro- 
chain à  Liège;  on  y  entendra  aussi  M"'  Sara,  jeune  et  jolie  canta- 
trice, qui  rivalise,  dit-on  ,  avec  sa  soeur  de  grâce,  de  goût  et  de 
talent. 

*."  OEhlenschlaeger,  le  plus  célèbre  poëte  du  Danemark,  et  qui 
tient  aussi  parmi  les  poètes  allemands  une  place  distinguée,  puis- 
qu'il a  écrit  à  peu  près  la  moitié  de  ses  poésies  et  drames  dans  l'i- 
diome de  Schiller  et  de  Goethe,  plissera  tout  l'hiver  à  Paris.  Des 
musiciens  danois  qui  jouissent  dans  leur  pays  d'une  grande  re- 
nommée, telsque  MM.  Weyse,  Kuklau,  Boye,  Hartmann,  oni  écrit 
la  musique  des  libretti  que  leur  avait  confiés  OEhlenschlaeger;  en 
voici  les  titres  :  Faruk,  opéra-comique  en  trois  actes:  Der  Schlaf- 
irimk  (le  soporifique)  opéra-comique:  Ludlamskolde  (la  caverne  de 
Ludlam),  opéra-comique  en  quatre  actes  :  le  Casiel  des  Brigands,  et 
les  Trois  Jumeaux  de  Damosque.  Tous  ces  ouvrages  sont  restés  au 
répertoire  des  théâtres  danois. 

Cltroniqtie   déiiarteineiitale. 

*,*  Lyon.  —  La  charmante  pianiste,  M""'  Thérèse  Wartel,  a  donné 
ici  un  concert  devant  le  public  très  fashionable  et  très  distingué  qui 
s'était  réuni  an  cercle.  Le  succès  de  l'arlisle  a  été  complet,  et  l'en- 
thousiasme se  manifestait  à  chaque  moment  par  les  bravos  qu'exci- 
tait son  jeu  plein  de  goût,  d'expression  ,  de  sentiment.  Dans  ce 
concert  on  a  entendu  des  caprices  de  M""  Wartel ,  un  concerto  de 
I  Mendelssobn,  des  airs  et  duos  de  Charles  f^l.  L'hiver  prochain  ra- 


DE  PARIS. 


321 


mènera  SI"»  Warlel  à  Paris,  et  nous  lui  prédisons  le  plus  brillant 
avenir. 

*,"  Trouville-.mr-Mer.  —  La  nouvelle  chapelle  a  été  inaugurée 
dimanche  dernier  par  une  fête  musicale  que  l'on  doit  à  M.  Urhan  : 
Cet  artiste  a  touché  l'orgue  de  manière  à  émouvoir  profondément  le 
nombreux  auditoire  composé  en  grande  pariie  de  l'élite  de  la  société 
parisienne,  qui  passe  l'été  dans  ce  délicieux  pays. 

Clironique  étrangère. 

*,*  Genève.  —  Il  serait  fort  dilEcile  de  rendre  un  compte  ration- 
nel du  premier  début  de  la  nouvelle  troupe.  Les  siffleurs  y  jouaient 
le  principal  rôle,  et  nous  ont  tellement  assourdis,  qu'au  milieu  de 
ce  tapage  il  ne  nous  a  pas  été  possible  de  juger  avec  conscience  les 
sujeis  qui  commençaient  leurs  épreuves.  D'abord  on  a  sifflé  la  pre- 
mière basse  chantante,  puis  la  jeune  mère  Dugazon,  puis  le  pre- 
mier ténor  léger.  Les  crises,  renouvelées  à  chaque  apparition  , 
troublaient  non  seulement  ceux  qui  en  étaient  l'objet,  mais  leurs  in- 
terlocuteurs. Cependant  on  n'a  pas  toujours  sifflé;  de  nombreux  ap- 
plaudissemenls  ont  salué  la  rentrée  de  M.  et  M'"»  Bordier.  l.a  voix 
argentine,  fraîche  et  pure  de  M^'Mignot  a  pleinement  satisfait  les 
amateurs.  Il  est  à  désirer  que  les  second  et  troisième  débuts  soient 
assez  paisibles  pour  nous  permettre  d'énoncer  une  opinion  fondée 
sur  le  mérite  des  artistes. 

*,*  Hambourg.  —  Anikjnness  eu  un  succès  inatlendu  au  théâtre  de 
la  ville  :  on  annonce  la  hiiilième  représenlalion.  Tichatschek  fait 
fureur  dans  Cola  Rienzi  de  M.  R.  Wagner  qnel'on  vient  de  donner 
pour  la  sepiième  fois,  l.a  société  française  de  M.  Delcourt  donne  des 
représentations  au  théâtre  de  la  ville. 

Bade. —  Le  nombre  lotal  des  personnes  qui  ont  visité  notre  ville 
durant  cet  été,  s'élève  à  24,365.  Parmi  les  nouveaux  venus  on  cite  la 
princesse  de  Lichlenstein  et  la  comtesse  Esterhazy.  Le  29aoù',jour 
anniversaire  de  la  naissance  du  grand-duc.  .M.  Bénazet  a  donné, 
comme  tous  les  ans,  au  proQt  des  pauvres ,  un  bal  dont  la  recelle 
s'est  élevée  à  1,253  florins. 

—  A  deux  lieues  et  demie  de  Bade ,  dans  la  petite  ville  de  Stein- 
bacli,  patrie  de  maître  Erwin,  a  eu  lieu  dernièiement  une  solennité 
que  nous  ne  pouvons  pas>er  sous  silence.  On  sait  que  c'est  â  maître 
Erwin  que  Strasbourg  doit  le  plan  de  sa  magnifique  cathédrale. Sur 
une  hauteur  près  de  Stcinbach,on  vient  d'ériger  une  statue  représen- 
tant le  grand  archilecle,  œuvre  remarquable  qnel'on  doit  au  ciseau 
d'un  artiste  de  Slrasbourg,  M.  André  Friederich.  L'inauguration  a 
eu  lieu  au  miiieu  d'un  grand  concours  de  monde,  après  l'oflice  divin, 
au  bruit  des  couleuvrines;  des  lieders,  chantés  en  chœur,  ont  ter- 
miné la  cérémonie.  Après  le  banquet,  la  ville  de  Steinbacli  a  fait 
présenler  une  coupe  en  argent  à  l'artiste  français,  et  lui  a  conféré  le 
diplôme  de  citoyen  honoraire. 

—  On  lit  dans  le  petit  Courrier  de  Bade  ce  document  auquel  nous 
n'avons  rien  à  ajouter  :  «  Le  15  aoiit  ,  concert  extraordinaire  du  cé- 
lèbre violoniste  Alexandre  Bouiher,  type  artislique  de  Paganini , 
maître  de  Lafont  et  autres  célébrités,  qui  joint  à  un  degré  snpérieur 
l'énergie,  l'expression  à  l'originalité.  Celte  soirée  musicale  i  st  fixée 
au  jour  de  l'Assomption.  CeN(Stor  des  violons,  estimé  de  Beetho- 
ven, Weber,  Spohr,  Mendelssohn ,  Viotti,  Rode,  n'est  pas  moins 
compositeur  distingué,  que  grand  exécutant.  Oti  n'a  pas  oublié  que 
Spohr  et  lui  échangèrent  leurs  manuscrits  à  Bruxelles,  pour  s'hono- 
rer mutuellement.  M.  Boucher  aie  bon  esprit  de  jouer  la  musique 
des  autres  autant  que  la  sienne.  On  l'entendra  dans  tous  les  genres 
à  ce  concerl,  où  il  rappellera  les  différents  styles  des  grands  violons. 
Les  talents  de  M.  Boucher  ne  sont  pas  ses  seules  qualités;  il  les  em- 
ploya durant  sa  longue  carrière  au  soulagement  de  tant  d'infortunes! 
maintenant  encore,  il  s'est  dévoué  par  pure  reconnaissance  au  fils 
du  roi  Charles  IV,  bienfaiteur  de  sa  jeunesse  ,  sans  rien  accepter  de 
ce  prince  malheureux  que  l'honneur  de  sa  bienveillance.  » 

*,*  Carlsrulie  ,  2  septembre.  —  Le  chef-d'œuvre  de  ftleyerbeer  , 
Roben-le- Diable ,  joué  pour  la  première  fois  ,  le  21  août  dernier, 
sur  notre  scène,  a  eu  pour  interprètes  desartisles  de  vérita'.le  talent. 
M"»«  Zerr  (  Isabelle)  a, rempli  ce  rôle  avec  une  perfectiun  désespé- 
rante :  c'est  le  mot.  Ses  vocalises,  hardies  et  toujours  heureuses, 
son  jeu  dramatique,  que  rehaussait  l'éclat  de  sa  physionomie  noble 
et  douce  ,  ont  excité  les  transports  de  la  salle  entière  ,  qui  l'a  rede- 
mandée à  grands  cris.  M»»  Steimmiillcr,  au  profit  de  laquelle  avait 
lieu  cette  représentation  ,  a  rempli  le  rôle  si  difficile  d'Alice  avec  un 
succès  non  moins  flatteur.  Sa  voix  douce  et  vibrante,  mais  moins 
étendue  dans  les  notes  sur-aiguës  que  celle  de  M«"'  Zerr,  est  ad- 
mirable de  fraîcheur  dans  le  médium.  Rappelée  avec  enthousiasme  à 
la  fin  du  siiectacle  ,  M""  Steimmiillcr  a  recueilli  les  applaudisse- 


ments et  les  couronnes  de  son  auditoire  avec  une  modestie  qui  ajou- 
tait à  son  triomphe. 

—  La  première  fête  de  chant  a  eu  lieu  au  Ihéàtre  :  les  rues  étaient 
pavoisées  et  ornées  de  festons  de  verdure.  La  salle  était  comble; 
le  grand-duc  Léopold  assistait  à  cette  solennité  musicale  ;  le  nombre 
des  exécutants  s'élevait  à  prés  de  six  cents,  qui  étaient  venus  de 
Rastadt,  Heîdelberg,  Mannheim,  Ettlingen. 

—  A  la  fête  de  chant,  le  programme  indiquait ,  outre  des  com- 
1  ositions  de  Mozart ,  Mendelssohn  et  Marschner  ,  deux  morceaux  de 
M.  Kùcken  :  Cbant  patriotique  et  aux  Etoiles.  Voilà  un  fait  qui  con- 
state d'unemanière  irréfragable  combien  les  compositions  de  M.  Kiic- 
ken  sont  en  faveur  auprès  du  public  allemand.  Ce  dernier  mor- 
ceau :  aux  Etoiles,  dont  les  paroles  sont  du  célèbre  poète  Ruckert, 
a  été  couvert  d'applaudissements. 

",*  Leipsig.  —  Une  nouveauté  musicale,  VEçhevin  de  Paris,  a  été 
Teprésentée  ici.  La  musique  est  de  iU.  Uorn  :  elle  n'a  pas  eu  de  suc- 
cès. C'est  tout  ce  que  nous  croyons  devoir  en  dire.  Les  critiques 
allemands  s'en  prennent  à  la  musique  italienne  et  française,  qui, 
au  dire  de  ces  messieurs,  aurait  perverti  le  goût  en  Allemagne. 

—  Le  baryton  Eicke  est  engagé  à  notre  théâtre.  Le  public  sera 
heureux  de  l'entendre  ,  non  seulement  à  l'Opéra  ,  mais  dans  les  sa- 
lons ,  car  peu  d'artistes  savent  dire  comme  lui  les  lieders  de  Riicken, 
Lœwe  ,  Adhémar  et  Reissiger. 

*»*  tienne  8  septembre.  —  Dans  notre  capitale  aussi ,  on  a  voulu 
rendre  des  honneurs  funèbres  au  second  fils  de  Mozart,  qui,  comme 
on  le  sait,  est  mort  dernièrement  à  Carlsbad.  Jeudi  dernier,  tous  les 
artistes  de  la  chapelle-musique  de  l'empereur,  ceux  de  nos  théâ- 
tres lyriques,  et  les  plus  distingués  d'entre  nos  dileliunti ,  en  tout 
huit  cents  personnes  ,  ont  fait  célébrer  dans  l'église  de  Saint-Augus- 
tin, paroisse  delà  maison  impériale  ,  un  service  pour  le  repos  de 
l'âme  du  défunt,  à  l'occasion  duquel  ils  ont  exécuté  le  Requiem 
de  son  illustre  père.  L'église  avait  été  décorée  pour  cette  solennité 
avec  la  plus  grande  pompe,  et  M.  l'archevêque  de  Vienne  officia  en 
personne,  assisté  de  son  chapitre  et  du  clergé  de  Saint-Augustin.  De 
très  bonne  heure  déjà  l'église  était  remplie  d'une  société  d'élite , 
dans  laquelle  on  remarquait  notamment  toutes  les  autorités  muni- 
cipales de  Vienne,  les  sommités  de  la  noblesse  et  celles  des  sciences  , 
des  lettres  et  des  arts,  qui,  par  leur  présence  à  cette  cérémonie  , 
semblaient,  en  quelque  sorte,  prolester  contre  l'indifférence  avec 
laquelle,  il  y  a  cinquante  ans,  on  laissa  enterrer  sans  pompe,  et 
de  nuit,  riUuslre  auteur  du  Requiem  et  de  Don  Giovunni ,  sans 
même  placer  une  simple  pierre  ou  une  croix  qui  indiquât  l'endroit 
où  étaient  déposés  les  restes  mortels  du  plus  beau  génie  musical  qui 
ait  encore  existé. 

V  Neu'-York.  — LorsqueHorponay  arrivait  dans  notre  ville,  oùil 
venait  importer  la  danse  à  la  mode,  nous  avions  bien  prédit  que 
le  nouveau  monde  suivrait  l'exemple  de  son  aîné.  Les  belles  de  Sa- 
ratoga  ont  fait  le  premier  pas,  et  voilà  la  polka  lancée.  Le  gracieux 
danseur  hongrois  n'a  eu  qu'à  déployer  ses  talents  pour  être  entouré 
de  nombreux  élèves.  Toutes  les  jolies  demoiselles  qui  peuplaient 
Longreso-Hall,  l'hôtel  des  Etals-Unis,  et  Lafayette-House,  tous  les 
gentlemen  qui  papillonnaient  sur  leurs  traces  ne  rêvaient  plus  que 
polka  ,  ne  parlaient  plus  que  polka.  Tous  en  avaient  perdu  le  boire 
et  le  manger,  un  peu  même  la  tète.  Cent  couples  polkaient  du  ma- 
tin jusqu'au  soir,  et  Horponay  et  Bley,  le  violoniste,  faisaient  polker 
de  neuf  heures  jusqu'à  minuit  Le  culte  de  la  danse  de  Bohême  était 
si  fanatique,  que  M.  Horponay  a  improvisé  deux  bals  où  tout  le  beau 
monde  s'élait  donné  rendez-vous.  C'est  â  Newport  que  la  polka  a 
dirigé  maintenant  ses  pas:  elle  va  y  cueillir  de  nouveaux  lauriers. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  clief,  Maurice  SCHLESINGER. 


KiW'<î'ik7:Vii 


^^£A  GYMNASE  M,SDOICTS  4  LUSKJE  «£'5  PIANISTES 


Le  Chirogymnaste  est  un  assemblable  de  neuf  appa- 
reils gymnastiques  destinés  à  donner  de  Vexlension  k 
la  main  et  de  Vécart  aux  doigts  à  augmenter  et  à  égaff- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quairième  et  le  cinquième 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnaste 
3été  aussi  approuvé  et  adopté  par  MM.  Adam,  Berlini, 
ne  Beiiot,  Cramer,  llerz,  Kalkbrejiner,  Listz,  Moschelè$ 
Pruaent,  Sivon,Thalberg,  Tulou,  Z/mmermann,  etc. 

Chaque  Chirogymnaste  est  revêtu  de  la  signature 
de  "inventeur  et  se  vend  place  de  la  Bourse,  n«  13, 
ù  huit  appareils,  bOfr.,àneufapp.GOfr.,  mélhode^^fir, 

CTIHIVASTIQinE:  APPLIQUEE  A  L'ÉTUDE  DU  PIAKO,  par  [HAllTIIV.  3  Ih 
l.«  Ci YMAI ASTIQUE  DES  DOIGTS,  par  H.  BERTINI.  Prix  net,  3  fr.  ÏS  «. 

Les  ezpédHions  sont  faites  contre  remboursement.  Écrire  fraoco. 


n  Angle  Ici 


Inventé  par   C.  MARTRV 

Facteur  de  Pianos, 

BREVETE  DU  ROI 

Place  de  la  Bour.sc,  iS. 

Approuvé  par  l'InMtîtnt 

et  adupté  dans  les  closiïues 

desCONSERVATOlRES 

de  Paris  et  de  Londres. 


322 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


MUSIQUE  DE  DANSE  publiée  par  MAURICE  SCHLESINGER . 

97,  rue  Richelieu. 

Valses  pour  le  Piano.  Prix  de  chaque  recueil ,  net 

:  2  fr. 

FAHRBACH. 

69.      Les  Viennois  ,  Laendler. 

50.     Valses  sentimentales.  2  tuiles. 

83.^  Les  ailes     de    Mercure    et    (;alop      d«           | 

La  Course  en  Irnineau. 

52.      La  belle  Sophie  .  .aises. 

67.    Uommage  aux  belles  Viennoises. 

•                   voyage. 

JULLIER. 

6^.     Les  bagues  de  Bade  ,  valses. 

77,      Val,es  nobles. 

84.     A  tousies  cœurs  bien  ne»  que 

la  patrie 

Fniipcesca  ,  Taise  espagnole. 

65.     Me»  dernières  inspirations,  Laendler. 

91.     Valses  styriennes. 

est  chère. 

67.    L'Olympe,  valses. 

127.  Dernières  valses  inédites,  2  suites. 

S7,     Souvenir    d'Allemagne     et    le 

Soupir , 

LaBITZ&I. 

Aiirora. 

6S.     Quadrille  français,  valses. 
69.     Guslo  .  Laendler. 

STRAUSS. 

gr,ind  galop. 
88.     Les  Somnambules. 

Pauline. 

70.     LesEludlanls  en  droit ,  Ire  iHite. 

3,     Le  carnaval  de  Vienne. 

19.     Valses  de»  chemin»  <1.  fer. 

Soufenirs  d'AImacks. 

73.     Les  fleurs  du  plaisir.  Taises. 
7&.     L'.i  belle  Isabelle  ,  valses. 

4.     Les  ponts  de  chaînes,  1er  recueil. 

90.     Le  feu  de  la  jeunesse. 

Woronzoïr. 

10.     Tempête  et  Galopade, 

91.     Grande  valse  du  couronnement 

S7.     Brandhufen. 

80.     Lock  w.ilzer. 

11,     Valses  à  1<  Paganini. 

92.     Colillonsurles  Huguenots. 

51.      Sophie. 

81.     Les  Irrésistibles,  valses. 

«,     Krapted-WaldenWaUer. 

93.      Galophur  les  Huguenots. 

53.     Souvenir  de  Saiot-Pélerebourg. 

S4.     Les  Etudiants  en  droit  ,  2e  suite. 

13.    Les  Trompettes. 

95.     Le  Bal  d'artistes. 

55.      Les  Fasbionables. 

85.     La  belle  Hélène,  valses. 

15.     Le»  souvenirs. 

95.     Les  dentelles  de  Bruielle» 

60.     SouTenira  de  PawtoDiki. 

86.     Cotillon  des  roses. 

16.     En  avant,  dépêchez-vous. 

96.     Les  fusée»  volantes. 

61.     Le  Lis. 

87.     VaUes  de  la  Comète. 

18,     Le»  plaisirs  du  camp. 

97.     Le  Pèlerin  au  bord  du  Rbin. 

64.     Gcorgine. 

91.     Les  Aventuriers  ,  valse.s. 

19,    Les  ponts  de  cliaînes.  2e  recueil. 
22.     Il  n'y  a  qu'un  Vienne. 

98.     Le  Ban.)uel. 

66.     Les  Véniiieones. 

82,     Les  Humoristes,  valses. 

99.     Le  Carnaval  de  Pari»,  grand  galop  . 

69.     NouTelte  Aurora. 

93      Souvenirs  de  Pestb  ,  valses. 

23      Valse  de  la  Joseplisladt. 

•100.  Paris. 

■70.     Souvenir  d'Albioa. 

9â.      Valses  à  la  vapeur. 

25.     La  réunion  d.  Ilielxing. 

101.  Le  Télégraphe,  mosaïque. 

73.     Albert. 

96.  Bouquet  de  valses. 

97.  L'£cho  de  l'Italie  .cotillons. 

26.     Le  bonbeurdanslesmontagDel. 

102.  Hommage  à  la  reine  d'Angleterre. 

74*     Le  Jasmin. 

31.     Charmant  walzer. 

105.    Ma  Pairie. 

• 

75.     Lucian. 

99.     Les  Nageurs,  valses. 

32.      Galop  vénitien  et  ForluDala, 

109.   Planle»  exotiques 

76.     Sullierland. 

100.   Valses  du  Jubilé, 

33,     Béi.élicc  walzer. 

113,    Le»  Gnomes. 

81.      Licbteasiein. 

fOl,  Maria  Carolina  ,  valses. 

3S.     Vite  la  valse! 

115.  Les  Feuille»  de  roses. 

S2.     Le  prince  de  Galles. 

103,  Les  Enroleurs, 

38.     Souvenirs  de  Baden. 

116.   Noutelles  valses  de  Vienne. 

85.      LesElépaoïes. 

iOU.   Les  Résurrectiunnlstes,  valses. 

39.     Tivoli  de  Vienne,  1er  recueil. 

lis.  Le  Myrlc. 

86.     L^s  Sirènes. 

105.  Les  Amoureux,  valse.s. 

40.     Valses  favorites  des    dames  de  Vie 

nne. 

119.  Recette  pour  la  valse. 

87.      Dublin. 

107.   Les  Napolitains,  val.ses, 
109     Le  Labjrinibe,  valses. 

43,      L'Enlèvement  des  Sabine». 

120.    SainteCécile. 

88.     Edimbourg. 

45.     Tivoli  de  Vienne,  2e  recueil. 

122.  Les  branches  de  Palmier. 

89.      La  Grande-Bretagne. 

110.  Le  roi  des  Deui-Siciles,  valses. 

47.      Vive  la  danse  ! 

123.  Lesimours, 

90.     La  Saison  de  Loudrcs. 

111.  Maria  Ludovica  ,  vaLses. 

48.     ToU)oiirs  gai  et  content. 

125    Etincelles  électriques. 

92.     Charles  VI. 

112.  Les  UaimbacLer  .  valses. 

49,     La  >iee,t  une  danse. 

127.  Les  chants  du  Danube. 

94.     Odelle. 

113,  Esculape,  valses. 

115.   La  fête  du  mariage ,  valses. 

50.    Cotlll.in  de  la  Straniera. 

128.   Apollon. 

95.     IjeiParisicDDea. 

51.      plaisirs  de  Vieime. 

129.  Adélaïde. 

96.     Cbarlolle. 

12S.  Les  Ramiers. 

56.     Valses  d'Alexandra. 

131.  La  Course. 

98.     La  Réunion. 

131.  Le  Règne  de  la  folie. 

58.     Mon  plus  beau  iour  àBaden, 

132,  La  Débutante. 

102.   Monlros.e.                                         \ 

lâO.  L'Escadre. 

39.     Les  quatre  tempéraments. 

134.  Egérie 

104.   Nathalie. 

ISS.  Marie. 

60.     Les  folie."  du  carnaval. 

135.  Le  Uaitre  de  danse. 

LANNER. 

146.  Les  orientales 

61.     Tausend  sappcrmeut-walzer. 

139.   Le»  Fanlasiiques, 

32.     Schwechat,  Laendler. 

172.  Les  battements  du  cour. 

65,     La  Goîlé. 

140,  Réunion»  musicales. 

55.      L'ArriTée,  «aises. 

173.   Valses  militaires. 

65,     Valses  de  Koberlle-Diable. 

141.   Les  Ménestrels. 

36.     Laendierde  la  Leopoldalat. 

175.  Tableaux  de  genre. 

65,     L'in.-omnie. 

143.  I.atone. 

ÛO.     Lacndlt^r  d'Altenbourg. 

180.  Les  Etoiles  du  soir. 

66,      Souvenir»  de  Pestb, 

145.  Minos. 

&I.     VaiïPs  de  Catherine. 

185,   Les  Adieui, 

67,     Jlosaîque  de  valses. 

149.  Le»  Démon». 

Û2.      Le  Ciirnaval,  vaUes. 

192.  Les  Idéales. 

6S,     La  belle  Gabrielle. 

150.  Les  Altistes. 

Û3.     Gai  et  vif,  Laendier. 

197,  Les  Troubadours. 

70,      Le»  vingt  sou». 

15'2.  Les  Caprice». 

45.     La  réunion  musicale  ,  valsei. 

193.  Les  Naïades. 

71.     A  la  plus  belle. 

154,  Valsât  du  Rhin, 

46.     Le  plaisir  du  momeni  .  valaes. 

20S.  La  Danse  des  Sorcières. 

72.     Le  bon  goût. 

155.  Le»  ieune»  Folles. 

47.     Le  fin  voilier  ,  Laendler. 

200.    Valses  de  Scbœnbi  uni,. 

75.     L'Iris, 

156.   La  belle  Astre.. 

48.      Libelle  Anne,   valses. 

203.   Le  Mal  du  pays. 

76.     Les  rose». 

159.  Valser  c'est  vivre. 

49.      D'Wuarla  Laendler. 

204.  Lee  Uoseusteiner. 

77.     Seconde  mosaïque  de  valse». 

160.    La  Nymphe  des  bois. 

50.      La  belle  Caroline,  valses. 

78,     Souvenirs  de  Berlin. 

WAGNER.  (P.). 

51.     Les  Devises,  cotillons. 

SCHUBERT. 

79.     Bonsoir, 

Le  bal  d'anfants  aux  Tuileries  : 

52.      Que  journée  au  Jardin   du  Paridis. 

9.     Les  Originaui,  2  suites. 

80.     Le»  Hommage», 

1,  Mille  fleurs. 

53.     Les  Amours,  valses. 

18.     Valses  viennoises,  2  suites. 

81.     Les  Grâces, 

2.  Boulons  de  roses. 

55.     Les  ti'enle  et  un  ,  vaUei. 

33.     Valses  allemandes. 

.82.      Philomèle. 

3.  Fleurs  d'oranger. 

Quadrilles  pour  le  Piano.  Prix  de  chaque  recueil ,  net  :  2  fr. 

JULT.IEN.  Gipsy  (la).  Premier  Quadrille. 

—     Adelia.                          — 

— 

Gnido  et  Ginevra.  N.  i,  î,  3. 

—     Guido  et  Ginevra. 

—     Une  nuit  à  Grenade.  — 



Guitarrero.  N.  i,  2. 

—     Huguenots. 

—     Charles  VL                  — 



Illusion. 

—     Treize  (les).  N's  i,  2. 

—     La  Danse  des  Fantômes. 



Ile  des  Pirates.  N.  I,  2. 

—     Napoléon. 

—     Le  Diable  Rouge. 

— 

Juive.  N.  1,2,  3. 

L/VniTZRl.  Camp  (le).  N°=  I,  2. 

—     La  Grotte  des  Fées. 



Huguenots.      — 

51US4UD.  Anglais. 

—     Le  Lac  Bleu. 



Langue  Musicale.  N.  1,2. 

—     Aspirant  de  marine. 

—     La  Noce  de  Lénore. 



Ludovic,                     — 

—     Chao-Kang.  N°s  I,  2. 

—     Le  Retour  du  Croise'. 



Manon  Lescaut.       — 

—     Don  Juan.  N.  i,  2. 

TOLBECQUE.Kao-Kang.  N.  1,2. 

— 

Nathalie.  N,   i,  2,3. 

—     Guido  et  Ginevra.  N.  S. 

—     Bonhomme  (lo). 



Norma. 

—     Huguenots.  N.  5. 

—     CharlesVLN.  I,  2,  3. 



Pâtre  Sicilien. 

—      Juive.  N.  I,  2,  3. 

—      Co.simo.          —                   — 



Postillon  de  Loiijumeau.  N.  I 

3. 

—     Postillon  de  Lonjumeau. 

—      Diahles  en  vacances. 

— 

Prosctit.  N.   I,  2. 

—      Re'gine. 

—     Dilettante  d'Avignon. 



Qui  vive  ! 

SCHUNKE.  Boutons  (les).  Quadrille  dia- 

—    Dtapeau  Tricolore. 

— 

Reine  de  Chypre.  N.  i,  2,3. 

logué,  avec  violon. 

—     Eclair    N.  1,  2. 

— 

Salons  de  Paris. 

—     —           Juive  (la).  N.  1,  2,3. 

—     Enfants  Terribles. 



Shérif  (le).  N.  1,2 

WAGNER  (F.). 

—     Favorite.  N.  i,  2. 



Straniera, 

—     La  Favorite.  Quadrille  facile. 

—      Garde  à  vous. 



Tentation.  N.  1,  2. 

—     Le  Guitarrero.              — 

—     Gipsy.  N.  2,3. 

— 

Tyrolien. 

—      La  Reine  de  Chypre.  — 

—     Gondolier  de  la  Vistule. 

— 

Un  Souvenir  du  3o  mai. 

* 

Polkas  itoui-  le  Piano,  avec  remise  de  60  p.  100. 

**«              Cinq  Polkas  nationales.         6     » 

7.  Le   Faubourg  Saint-Honoré , 

17 

La  Maréchale,  par  Wolff. 

2       » 

LAUITZRI. Trois  nouvelles  Tolkas.           5      « 

par  Wolff.                                         2      .. 

18 

La  Favorite,  par  Wolff. 

2        1) 

PIXIS.    Grandu  l'nlUn.                                4  5o 

8.  l.cs  Camélias.                                   2      • 

'9 

L'Amazone,  par  Wolff. 

2       » 

VVOI.I-F.        (^.lairc  Polkas  ;  l"Liv.           5      » 

9.  ï.c^  Eaux  d'Etns.                              2      " 

20 

La  Bohémienne,  parWolff. 

2        II 

iN°*    I.   La  Carlolta.,  par  Strauss,  Op. 

m.  Le.-i  Hayons  du  Soleil.                    2      » 

21 

La  Couronne  de  Lys. 

2       » 

l33.                                                     2      » 

1  1.   Cutoliuf.                                            2      ■> 

22 

Le  Bouquet  d'Immortelle. 
La  Branche  d'.\cacia. 

2       0 

2.  La  Ctriiolo,  pnr  Lanner.  Op. 

189.                                                     2      .. 

3.  La  Duchesse,  par  Lanner,Op. 

t:>..  Le    Bal     de    la    Reine,   par 

23 

2       >» 

Strauss,  Op.  137.  2  " 
i3.  Les  Aticiiioiies,  par  Labilzki, 

Op.  83.  2  .. 
14,  Les  Tubéreuses,  par  Labitzki, 

Op,  83.                                            2      » 

24 

Polka  Favorite  de  Paris. 

2       » 

194.                                                  2      « 

4.  l'ulka   Favorite    des  Princes, 

par  \Voll-'f.                                      2      « 

5.  i'olka   Favoriie  de    la    Cour, 

25 

26 
27 

La  Course. 

Valérie. 

Augusta. 

2       11 
2       1) 
2       » 

|iar  WolfT.                                         2      » 

l5.   Les    Roses    du   Bengale,  par 

28 

La  Taquine. 

2        » 

6.   L':  Fanhourg  Saint-Germain, 

Labilzki,  Op.  S3.                          2     » 

29 

La  Mexiiaine. 

2       • 

parWolff.                                         2      . 

16.  Amélie.                                         2     » 

3o 

.  Esmeralfla. 

2       u 



Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rae  Jacob. 


,  34  fr.  Etranger,  38  fr. 


GAZETTE  MUSICALE 

BÉDIGÉE  FIB 

MM.  ANrERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  HEMll  BLA^•CHARD, 

MAUniCE'BOURGES,  F.  DANJOIT,  DUESBERG ,  FÉTIS  père,  Édouabd  FÉTIS,  Stepoen  HELLER,   J.  JANIN, 

G.  KASTNER  ,  LISZT,  J.  MEIFRED ,  GEOBGE  SAND,   L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

Paraissant  tous  tes  JBitnatteftes, 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 
lie   1"   et   le    15  de  chaque  mois  on   recevra  nn  morceau   do   musique» 


SOMJIAIRE.  Les  luttes  du  compositeur  (cinquième  article);  par 
J.  MEIFRED. — Exposition  des  produits  de  l'industrie  (  neuvième 
article)  ;  par  G.-E.  ANDERS.  —  Cinquième  e't  dernière  lettre  à 
M.  Zimmerman  ;  par  FÉTIS  père.  —  Revue  critique  ;  par  H. 
BLANCHARD.  —Nouvelles.  —  Annonces. 

SI  J'ÉTAIS  LA  BRISE  DU  SOIR.  Dessin  de  Gavarni. 


.ES  LUTTES 


(Cinquième  article*.) 

ecteur  conslant  et 
courageux,  qui  me 
suivez  avec  tant  de 
patience ,  dans  les 
méandres         em- 
brouillés de  ce  sen- 
■  lier  montant,  sablonneux,  malaisé,  offert 
au  jeune  compositeur  par  le  caprice  des 
institutions  musicales ,  vous  est-il  parfois 
arrivé  de  gravir ,  sur  la  parole  d'un  grand 
§^3  PO'^'s  '  l'escalier  qui  conduit  au  sommet  des 
M^'   ^°'^'"*  de  Notre-Dame  ?  Oui,  sans  doute,  et 
l'héroïsme  que  vous  mettez  à  me  lire ,  m'en 
est  un  sûr  garant! 
Eh  bien  !  dites  si  après   vous  être  exténué , 
dans  cet  escalier  rapide,  délabré,  branlant,  in- 
complet ;  si  après  avoir  été  privé ,  pendant  ua 
long  temps,  de  la  vive  lumière  du  jour ,  vous  n'a- 
vez pas  éprouvé  d'ineffables  jouissances ,  en  arrivant  à  la  pre- 
mière plate-forme  des  tours,  d'oii  l'œil  enchanté  découvre, 
dans  un  vaste  cadre  d'azur ,  le  tableau  varié  des  sommets  de 
la  ville ,  ceints  eux-mêmes  par  les  sommets  des  montagnes  ! 

(*)  Voiries  numéros  12,  19,  23  et  31. 


J-V' 


Oh  !  oui ,  vous  avez  été  ravi  !  le  sourire  que  je  vois  sur  vos 
lèvres  confirme  cette  assertion. ...  et  pourtant ,  vous  n'aviez 
pas  encore  atteint  le  but  suprême  de  votre  voyage.  Il  vous 
restait  h  franchir  un  autre  escalier  plus  rude,  plus  branlant, 
plus  délabré  que  le  premier ,  pour  arriver  au  sommet  des 
tours,  d'oii  votre  vue  devait  embrasser  un  horizon  sans 
bornes. 

Ce  voyage  outre-toits  avec  ses  fatigues ,  ses  joies  et  ses 
péripéties ,  est  la  vive  et  fidèle  image  de  l'ascension  de  notre 
jeune  compositeur  vers  ce  sommet  désiré  qu'on  nomme  la 
réputation. 

Au  point  oii  nous  sommes  arrivés  du  récit  de  ses  luttes , 
il  a  gravi  les  degrés  si  roides  de  l'entrée  dans  le  monde,  de 
V audition,  degrés  embellis  de  toutes  les  circonstances  que^ 
j'ai  décrites  et  d'autres  encore,  dont  j'ai  fait  grâce  au  lec- 
teur. Mais  à  grand  renfort  de  peines  et  de  labeurs,  il  a  atteint 
la  plate-forme  :  il  lient  son  Poëme,  et  l'espérance,  de  sa 
main  bénie,  lui  montre  l'horizon  que  son  génie  doit  em- 
brasser. 

Enfin ,  il  a  lui  pour  le  pauvre  artiste ,  le  jour  trois  fois 
heureux  où  l'argent  de  ses  amis  lui  permet  de  retirer  des 
mains  du  librettiste  avare  le  canevas  dramatique  qui  va  ser- 
vir de  charpente  ou  de  prétexte  à  ses  chants ,  à  ses  accords , 
à  ses  combinaisons  instrumentales  !  le  rêve  est  réalisé ,  les 
craintes  disparaissent ,  l'espérance ,  —  que  dis-je ,  l'espé- 
rance !  —  la  certitude  renaît  ! 

Alerte  et  joyeux ,  le  jeune  compositeur  vient  d'échanger, 
sans  froncer  le  sourcil ,  un  beau  billet  de  banque  contre  le 
cahier  raturé  ,  taché  ,  souillé ,  que  les  soins  de  son  librettiste 
lui  ont  préparé.  Il  s'en  empare,  le  presse,  le  serre,  et  fier 
comme  Artaban,  il  va  promener  son  trésor  par  la  ville,  ou, 
pour  mieux  dire,  sur  le  boulevard  des  Italiens,  qui,  aux  yeux 
des  artistes,  résume  la  ville  entière. 

Mais  notre  héros  est  trop  fin ,  trop  rusé ,  trop  diplomate , 
pour  montrer  sa  joie  aux  curieux;  d'ailleurs,  le  bonheur  qui 


BUREAUX   B'ABONNEBIEMT,    RUE   RICHELIEU,    97. 


324 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


l'alteiiit  est-il  celui  dont  son  mérite  le  rend  digne?  Non,  sans 
doute  !  exprimer  du  contentement  pour  si  peu  serait  renoncer  ; 
à  l'ambition.  Aussi  prend-il  un  air  calme  ,  une  physionomie  j 
composée,  pendant  la  promenade  qu'il  fait ,  son  rouleau  de  i 
papier  sous  le  bras  gauche  ,  et  le  pouce  de  sa  main  droite  né-  : 
gligemmeat  placé  dans  l'emmanchure  de  son  gilei.  j 

—  Boujour!  porte-toi  bien!  lui  disent  en  passant  ses  amis  j 
pressés.  i 

—  Ils  ne  s'arrêteront  pas  !  se  dit-il  en  lui-même  avec  une  , 

nuance  de  dépit —  As-tu  vu  l'opéra  nouveau?  s'écrient 

d'autres  amis  non  moins  pressés  que  les  premiers.   —  Non! 
répond-il  brusquement ,  furieux  de  les  voir  continuer  leur  ' 
route.  Enfin  le  ciel  prend  pitié  de  sa  peine  :  il  aperçoit  à  la  i 
hauteur  de  la  rue  Grange-Batelière  un  pauvre  petit  corniste, 
bien  chéiif,  bien  souffreteux,  portant,  ou   plutôt  traînant 
avec  peine  une  grande  boîte  noire  contenant  un  coi-  avec  | 
dix  tons  de  rechange.—  A  coup  sûr,  peuse-t-il,  celui-ci  s'ar- 
rètera  !  — ^  En  effet,  il  s'arrêta,  le  malheureux  corniste;  il  ne  | 
demandait  pour  cela  qu'un  prétexte,  que  notre  compositeur,   ; 
dans  sa  sollicitude,  lui  fournit  amplement. 

On  n'a  pas  d'idée  de  la  câlinerie  que  notre  héros  déploya 
dans  cette  circonstance  :  questions  sur  la  famille  du  corniste,   ; 
sur  l'augmentation  probable  de  ses  appointements ,  sur  sa  î 
santé ,  sur  ses  progrès;  doléances  sur  le  sort  des  instruraen-  • 
listes,  sur  l'injustice  et  l'humeur  capricieuse  des  chefs  d'or-  , 
chestre ,  sur  la  parcimonie  des  directeurs  ;  rien  ne  fut  épar-   | 
gné  pour  faire  naître  la  question  tant  désirée.  —  Et  toi ,  es-  ' 
tu  content?  demanda  le  corniste.  —Pas  tout-à-fait,  mais  je 
ne  suis  pas  mécontent,  répliqua  le  compositeur,  contenant  sa 
joie  à  grand  renfort  de  dissimulation.  —  Cependant  on  m'a   [ 
dit  que  tes  affaires  étaient  en  bon  chemin.  —  Oui  !  oui  !  en   ; 
assez  bon  chemin  ;  mais  en  pareille  matière ,  il  faut  attendre  \ 
bien  longtemps.  —  Ce  que  disant ,  le  compositeur  battait  la   : 
mesure  avec  son  rouleau  de  papier.  —  Peut-on  le  demander 
ce  que  contient  ce  rouleau  ?  une  nouvelle  symphonie  sans 
^oute!  —Une  symphonie?  Dieu  m'en  préserve!  les  éditeurs 
n'en  achètent  pas,  le  public  n'aime  que  celles  de  Beethoven, 
et  la  Société  des  concerts  est  inabordable,  il  ne  faut  plus  faire 
de  symphonies,  mon  très  cher! — Alors,  c'est  quelque  scène, 
quelque  mélodie ,  quelque  recueil  de  romances ,  une  polka 
peut-être?- Fi  donc!  —J'y  suis...,  un  poëme!  !  !  —  Oui, 
t'y  voilà,  mon  cher  ami  ;  c'est  un  petit  poëme  en  un  acte  que 
l'auteur  portait  chez  moi ,  lorsque  je  l'ai  rencontré  sur  le 
boulevard,  et  ma  foi!  je  n'ai  pas  voulu  me  donner  la  peine 
de  rentrer  pour  le  déposer.  On  m'a  beaucoup  supplié  pour 
que  je  le  misse  en  musique,  et  je  m'y  suis  décidé,  par  cette 
seule  raison  qu'on  m'en  promet  un  en  trois  actes.  Sans  cette 
promesse,  j'aurais  refusé,  tu  peux  en  être  sûr  ! 

Et  le  corniste  s'éloigna,  en  pensant,  à  part  lui,  que  le  com- 
positeur mentait  quelque  peu. 

Après  avoir  ainsi  donné  carrière,  sous  une  forme  adroite  at 
fière,  aux  accès  de  son  amour-propre  satisfait,  notre  jeune  ar- 
tiste songe  à  la  tâche  qui  lui  est  confiée,  et  son  courage  nefaiblit 
pas  à  la  pensée  des  grandes  difficultés  dont  elle  est  hérissée. 
11  saura,  ceci  ne  fait  pas  l'ombre  d'un  doute,  pour  lui  du 
moins ,  concilier  dans  son  œuvre  les  exigences  de  sou  profes- 
seur, qui  tient  aux  développements,  avec  celles  du  directeur, 
qui  préfère  les  morceaux  courts;  satisfaire  du  même  couples 
musiciens  qui  aiment  l'hai-monie,  les  journalistes  qui  adorent 
la  mélodie ,  le  public  qui  chérit  le  rhylhme,  les  diletlanti  qui 
vénèrent  l'expression  vraie,  et  les  chanteurs  qui  s'aiment, 
s'adorent,  se  chérissent  et  se  vénèrent  eux-mêmes  plus  que 
les  termes  du  langage  ne  permettent  de  le  dire. 

C'est    dans  cette  bienheureuse  disposition  d'esprit  que 


notre  héros  se  met  à  la  besogne  :  il  commence  par  lire  son 
poëme ,  afin  de  former  une  plan  général  ;  puis  il  cherche  le 
caractère  de  musique  convenable  à  chaque  personnage ,  à 
chaque  situation,  et  lorsqu'il  croit  avoir  bien  compris  ce  qui 
lui  reste  à  faire,  lorsque  toutes  les  idées  de  plan,  de  caractères, 
d'oppositions  ,  d'effets  ,  de  mélodie  ,  d'harmonie,  d'orches- 
tration et  de  rhythmes,  ont  produit,  en  bouillonnant  dans  sa 
tête ,  cette  fièvre  qui  se  transforme  eu  inspiration  chez  les 
hommes  de  génie,  et  qui  n'est  chez  les  autres  qu'une  ma- 
ladie dans  le  genre  de  la  migraine,  il  prend  sa  plume  ,  son 
papier  ,  sa  règle. . . . ,  et  se  met  à  poser  des  clefs  en  tête  des 
portées ,  à  tracer  des  barres  de  mesure  ! 

«  Triste  conclusion,  peu  digne  de  l'cœorde  !  »  mais  il  ne 
peut  faire  autrement,  et  tous  les  chefs-d'œuvre  dont  s'honore 
l'art  musical  ont  été  précisément  commencés  par  leurs  im- 
mortels auteurs  ,  avec  des  clefs,  des  bémols,  des  dièses,  des 
signes  et  des  barres  de  mesure  :  le  génie  triomphe  de  toat , 
même  des  conditions  mécaniques  qui  lui  sont  imposées  ! 

Et  notre  homme  travaille  comme  un  forcené,  dans  l'at- 
titude d'un  faiseur  d'équilibres  ,  la  main  gauche  sur  le  da- 
vier de  son  épinette —  il  n'a  pas  encore  de  piano  —  ;  la  droite, 
armée  d'un  crayon  qui  lui  sert  à  tracer  ,  en  caractères  in- 
déchiffrables ,  des  dessins  mélodiques,  des  marches  de  basse, 
des  rentrées  d'instruments,  des  groupes  de  voix.  Il  faut  voir 
ce  grimoire,  champollion  y  perdrait  son  égyptien ,  et  mon 
ami  BOTTÉE  DE  TOULMON  ,  le  plus  intrépide  et  le  plus  heu- 
reux lecteur  de  grimoires  que  je  connaisse,  n'en  pourrait 
déchiffrer  une  note.  L'auteur  lui-même  a  toutes  les  peines  du 
monde  à  s'y  reU'ouver-;  mais  sa  mémoire  aidant ,  il  rétablit  à 
peu  près  la  valeur  de  ces  signes  cabalistiques  lorsqu'il  met 
son  œuvre  en  partition.  Ici  je  vois  M.  Joseph  pkdd'homme  , 
élève  de  iîrard  et  de  saint-OMER  ,  expert  assermenté  près 
des  cours  et  tribunaux  ,  faire  une  horrible  grimace  et  fou- 
droyer de  ses  dédains  le  système  de  calligraphie' employé 
par  les  compositeurs  ;  mais  le  digne  expert  ne  voit  pas ,  lui , 
que  l'inspiration  ne  visite  jamais  ,  que  l'écriture  ordinaire  et 
même  la  parole  suffisent  à  peine  à  la  rapidité  de  la  pensée, 
et  que  l'inspiration  musicale,  soumise,  dans  sa  manifestation, 
à  l'emj^loi  simultané  d'un  grand  nombre  d'instruments  et  de 
voix,  ne  peut  s'écrire,  au  moment  de  sa  naissance,  que  par  le 
secours  d'une  sténographie  et  d'une  convention  que  le  com- 
positeur fait  avec  lui-même. 

Je  n'aurai  pas  la  barbarie  de  faire  passer  le  lecteur  par 
toutes  les  phases  de  la  composition  de  l'œuvre.  Il  saura  de- 
viner les  émotions  alternatives  d'espérance  et  d'abattement  , 
de  donte  et  de  confiance  ,  -qui  agitent  l'auteur,  et  je  passe 
sans  transition  au  moment  où  la  partition  est  achevée. 

Les  amis ,  sollicités  par  le  compositeur ,  viennent  tour  à 
I  tour  lui  donner  das  conseils  :  ceci  est  bon  ,  ceci  est  faible; 
j  cette  phrase  est  trop  longue  ,  celle-ci  trop  courte  ;  cette  ri- 
î  tournelle  n'est  pas  bien  adaptée  au  jeu  de  l'acteur,  etc. ,  etc. , 
et  cent  mille  etc.  ;  tels  sont  les  résultats  contradictoires  de 
cette  première  épreuve.  Dans  son  désespoir  notre  héros  ap- 
pelle l'auteur  du  poëme  et  lui  soumet  son  travail. 

Or,  écoutez,  lecteur  !  ceci  est  de  l'histoire  ,  et  de  l'his- 

!  toire  la  plus  vraie!  l'auteur  écoute  la  partition  dans  l'attitude 

de  la  plus  profonde  attention  ;  seulement ,  de  temps  à  autre, 

il  se  retourne  en  portant  la  main  à  la  poche  gauche  de  son 

gilet ,  et  jette  un  coup  d'œil  furtif  sur  quelque  chose  qu'il  en 

'  tire;  au  reste-,  il  ne  prononce  pas  un  mot  d'éloge  ou  de 

I  blâme. 

t      Et  lorsque  le  compositeur  lui  demande,  avec  la  rougeur  au 

!  visagi;  et  le  désir  de  l'éloge  dans  le  regard ,  si  la  musique  est 

bien  adaptée  aux  paroles ,  si  elle  exprime  bien  les  situations  ; 


DE  PARIS. 


325 


si  le  succès  la  prendra  sur  ses  ailes,  et  tout  ce  cju'enfm  peut 
demander  un  compositeur  en  pareil  cas ,  l'auteur  lui  répond  : 
-—'Mon  cher  ,  ce  sont  là  des  choses  qu'on  sait  après  la  repré- 
sentation seulement;  mais  je  puis  vous  dire  ,  dès  à  présent, 
que  le  duo  dure  cinq  minutes  de  trop  ,  le  trio  sept ,  le  fonde 
onze ,  et  que  l'air  du  ténor  n'est  pas  assez  long.  Je  compte 
beaucoup  sur  le  ténor  pour  notre  succès ,  arrangez  tout  cela, 
et  voyez  le  directeur. 

Le  double  traître,  le  bourreau  d'auteur,  n'a  pas  entendu 
une  mesure  de  la  partition  ,  et  sa  montre ,  qu'il  interrogeait 
fui'tivement,  lui  a  dicté  ses  jugements!  \ 

Si  j'avais  le  malheur  de  composer  des  opéras ,  je  fouillerais 
les  librettistes,  comine  un  douanier  japonais ,  et  je  confisque- 
rais leurs  montres  avant  de  leur  faire  entendre  une  note  de 
mes  compositions. 

J.  Meifred. 


Cïposiîton  "bts  |;)nîtruits  bc  rîîibustrtc. 

NEUVIÈME    ARTICLE. 

PissMOS.   —   M.  «Se  SlôB'aî'eS. 

^réiEioloplione  et  Piano  octaxrié. 

M.  le  chevalier  de  Girard ,  dont  le  nom  figure  en  quatre 
endroits  différents  du  catalogue  de  l'Exposition ,  a  offert  cette 
année  à  la  curiosité  pubhque  un  grand  nombre  d'objets  ap- 
j     partenant  à  diverses  branches  de  l'industrie,  et  qui  se  dis- 
I     tinguent  par  des  inventions  remarquables ,  dignes  de  l'auteur 
!     de  la  célèbre  machine  à  filer  le  lin.   C'est  cette  machine, 
comme  on  sait,  qui  fonda  la  réputation  de  l'habile  mécani- 
cien. Elle  eût  fait  sa  fortune  sans  les  événements  politiques 
i     qui  vinrent  anéantir  ses  justes  espérances.  On  se  rappelle 
!     que  Napoléon  avait  proposé  le  prix  magnifique  d'un  milhon 
pour  celui  qui  inventerait  la  meilleure  machine  à  filer  le  lin , 
:      et  que  M.  de  Girard  résolut  peu  de  temps  après  le  problème. 
i      Mais  la  chute  de  l'empire  priva  l'inventeur  de  la  récompense 
qu'il  avait  si  bien  méritée.  11  se  retira  en  pays  étranger ,  et  y 
I      continua  ses  études  favorites  de  mécanique.  Toujours  à  la 
'      recherche  de  quelque  nouveau  problème,  il  se  signala  par 
I      de  nombreuses  et  importantes  découvertes ,  qui  pourraient 
suffire  à  la  réputation  de  plus  d'un  inventeur  ,  de  plus  d'un 
f      artiste.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'entrer  dans  le  détail  h  ce 
j      sujet  et  d'énumérer  tous  les  travaux  de  cet  esprit  ingénieux 
:      et  fécond.  Nous  nous  bornerons  aux  inventions  qui  se  ratta- 
!      chent  à  notre  spécialité. 

i  Au  nombre  des  objets  exposés  par  M.  de  Girard ,  on  a  re- 

marqué un  piano  qu'il  appelle  ircmolophone.  Sans  nous 
arrêter  à  la  composition  hybride  de  ce  nom ,  disons  d'abord 
qu'il  ne  donne  qu'une  idée  insuffisante  de  l'instrument.  Per- 
sonne n'ignore  ce  que  c'est  que  le  trémolo  ,  et  l'on  pourrait 
croire  que  ce  piano  n'est  destiné  qu'à  produire  cet  effet. 
Mais  on  se  tromperait  ;  car  l'iustrumentdonue  plusque  le  nom 
ne  promet. 

L'idée  première  de  l'inventeur  a  été ,  il  est  vrai ,  d'effec- 
tuer le  trémolo  par  un  moyen  mécanique ,  en  substituant 
au  mouvement  rapide  et  fatigant  des  doigts  l'action  d'un  mé- 
canisme qui  permît  aux  doigts  de  rester  tranquillement 
appuyés  sur  les  touches  pour  produire  l'effet  en  question. 
M.  de  Girard  imagina  donc  un  mécanisme  à  l'aide  duquel  la 
percussion  des  marteaux  pût  se  répéter  rapidement  tant  que 
le  doigt  tiendrait  la  touche  abaissée.  Il  réussit  parfaitement; 
son  invention  dépassa  même  la  limite  qu'il  s'était  posée;  car 


il  obtint  une  rapidité  telle  que  toute  interruption  entre  les 
divers  chocs  des  marteaux  semble  disparaître,  et  que  les 
notes  ainsi  produites  rendent  uu  son  continu,  semblable  à 
celui  que  produit  le  frottement  d'un  archet  ou  l'action  du 
vent.  Ajoutons  que  chaque  notepeutêtrerendée  et  diminuée 
à  volonté  par  la  pression  plus  ou  moins  forte  de  la  touche, 
comme  nous  l'expliquerons  plus  ba?. 

Le  nom  de  ce  piano  devrait  donc  être  :  piano  expressif  à 
son  soutenu  au  moijen  de  hiperciission  rapidemenl  réitérée. 
Mais  où  trouver,  comment  former  un  mot  capable  d'embrasser 
cette  longue  description?  L'auteur  s'est  donc  tenu  au  mot 
plus  simple  de  trémolophone ,  et  nous  lui  abandonnons  sa 
composition  semi-italienne  et  semi-grecque.  Ne  nous  occu- 
pons que  de  l'instrument. 

Le  piano  trémolophone  est  un  piano  à  queue,  de  six  oc- 
taves et  demie,  et  à  deux  claviers,  dont  l'un  (le  supérieur) 
pour  le  piano  ordinaire,  l'autre,  pour  les  effets  du  mécanisme 
nouveau.  Voici  de  quelle  manière  ce  mécanisme  est  composé  : 
Les  marteaux  sont  placés  au-dessus  des  cordes ,  et  chacun 
est  porté  sur  un  levier  qui  s'élève  et  s'abaisse  au  moyen  des 
touches  du  clavier.  Le  manche  du  marteau  porte,  vers  le 
milieu  de  sa  longueur,  un  axe  d'acier  qui  est  reçu  dans  un 
petit  support  en  cuivre,  fixé  lui-même  sur  le  levier  dont  nous 
venons  de  parler. 

La  position  du  marteau,  dans  l'état  de  repos,  est  détermi- 
née par  un  ressort  en  fil  d'acier  qui,  dans  cet  état,  maintient 
la  tête  aus-i  près  que  possible  des  cordes  sans  les  toucher  ; 
d'où  il  résulte  que  si ,  par  un  moyen  quelconque,  on  soulève 
le  marteau  et  qu'on  l'abandonne  ensuite  à  lui-même,  il  re- 
tombe par' son  propre  poids  et  par  l'action  du  ressort,  et 
vient  frapper  la  corde  avec  plus  ou  moins  de  force ,  selon  la 
hauteur  à  laquelle  il  a  été  soulevé. 

Pour  produire  le  mouvement  des  marteaux,  J'auteur  a  placé 
au-dessus  de  leurs  queues  un  cylindre  armé  de  rames  ou  ai- 
lettes courbes,  lequel  tourne  avec  une  vitesse  de  six  à  dix 
tours  par  seconde ,  et  qui  se  trouve  placé  de  manière  que  les 
ailettes,  en  tournant,  passent  très  près  de  la  queue  des  mar- 
teaux sans  les  loucher.  Mais  si  l'on  presse  une  des  touches  du 
clavier,  un  pilote,  qu'elle  soutient,  soulève  au  même  instant 
le  levier  qui  porte  le  marteau  appartenant  à  cette  note.  Alors 
le  talon  du  marteau  se  trouvant  élevé ,  les  ailettes  du  cyhndre 
ne  peuvent  plus  passer  sans  choquer  ce  talon ,  d'où  il  résulte 
que  chaque  dent  qui  passe  élève  la  tête  du  marteau  et  la  laisse 
retomber,  et  de  là  une  série  de  chocs  infinis  d'autant  plus 
rapides  que  le  cyhndre  tourne  plus  rapidement,  et  d'autant 
pins  forts  que  la  touche  est  plus  abaissée. 

Tout  est  bien  combiné  dans  ce  mécanisme,  à  l'exception 
d'une  seule  partie  ,  qui  nous  semble  réclamer  une  aniého- 
ration  importante.  Le  cylindre  est  rais  en  mouvement  par 
une  roue  qui ,  pour  être  tournée ,  exige  le  concours  d'une 
seconde  personne.  C'est  là  un  grave  inconvénient ,  puisque 
l'artiste,  lorsqu'il  est  seul,  ne  peut  se  servir  du  clavier  tré- 
molophone. 

M.  de  Girard ,  qui  a  fait  preuve  d'habileté  dans  la  solution 
de  problèmes  bien  autrement  compliqués,  trouvera  sans  doute 
un  moyen  pour  corriger  cette  imperfection.  On  a  proposé  de 
faire  marcher  le  cylindre  par  un  mouvement  d'horlogerie , 
comme  cela  a  lieu  pour  le  pianographe ,  dont  nous  avons 
parlé  dans  uu  précédent  article  ;  mais  il  nous  semble  qu'il 
serait  préférable  d'employer  à  cet  effet  une  pédale  mise  en 
jeu  par  l'artiste  lui-même;  car  il  est  très  important  que 
celui-ci  puisse  régler  à  son  gré  la  vitesse  du  cylindre  pour 
obtenir  tantôt  le  trémolo ,  par  un  m  .uvement  modéré,  tantôt 
le  son  soutenu  ,  par  la  plus  grande  vitesse  possible.  La  tran- 


326 


EEVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sition  graduée  de  l'un  à  l'autre  ajoutera  même  à  la  variété 
des  effets. 

Quant  au  son  produit  par  le  nouveau  mécanisme,  il  a  j 
nne  nature  particulière  qui  cçsse  de  ressembler  au  piano  dès 
qu'il  devient  continu ,  et  se  rapproche  alors  de  l'orgue  ou  de 
certains  instruments  à  vent.   On  croit  entendre  le  cor ,  le 
basson,  ou  un  mélange  des  deux.  Dans  les  dessus  il  y  a  j 
quelque  chose  qui  tient  de  la  flûle  :  seulement,  dans  la  der-  i 
nière  octave ,  où  les  cordes  ont  moins  de  vibration  ,  il  est  ; 
impossible  d'obtenir,  même  par  la  plus  grande  vitesse  du   ; 
cylindre ,  des  sons  continus  ;  on  y  reconnaît  toujours  un  cer-  | 
tain  tremblement.  En  général  c'est  dans  le  milieu  et  dans  j 
la  basse  que  l'instrument  fait  le  plus  d'effet.  [ 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  les  sons  peuvent  se  renfler 
et  diminuer  à  volonté,  même  pour  chaque  note  séparément, 
avantage  qui  manque  aux  physharmonicas ,  melodiums , 
/iarmoMiMnis  et  généralement  à  cette  grande  famille  d'orgues 
expressives,  où,  comme  on  sait,  l'expression  s'étend  sur  tout 
le  clavier  à  la  fois  ou  sur  l'ensemble  des  notes  que  l'on  touche. 
L'instrument  ayantdeux  claviers,  l'un  pour  le  piano  ordinaire, 
l'autre  pour  le  irémolophone ,  on  conçoii  quelle  variété  l'ar- 
tiste peut  obtenir,  soit  en  jouant  alternativement  sur  l'un  des 
claviers ,  soit  en  les  combinant  ensemble.  Ce  n'est  pas  tout  : 
on  peut  doubler  la  puissance  de  l'instrument  au  moyen  d'une 
pédale  destinée  à  faire  entendre  simultanément  l'octave  in- 
férieure de  chaque  note.  Nous  reviendrons  plus  bas  sur  ce 
procédé ,  à  l'occasion  d'un  autre  piano  que  M.  de  Girard  a 
présenté  au  concours. 

Le  piano  trémolophone  a  été  construit  par  un  Allemand 
nommé  Buchholz,  établi  à  Varsovie  et  réputé  pour  être  un|des 
meilleure  facteurs  de  celte  capitale.  Mais,  nous  devons  le  dire, 
cet  instrument  est  loin  d'égaler  les  beaux  pianos  qui  sortent 
des  principales  manufactures  de  Paris.  Le  son  (nous  parlons 
du  son  obtenu  par  le  mécanisme  ordinaire)  manque  d'am- 
pleur et  de  force;  il  est  sec  et  aigre,  et  ce  défaut  se  fait 
doublement  sentir  dans  l'eilet  simultané  des  deux  claviers. 

Nous  voudrions  entendre,  le  trémolophone  appliqué  à  un  des 
inagnifiques  pianos  à  queue  récemment  établis  par  M'.  Papi^. 
Si  nous  nommons  ici  de  préférence  ce  célèbre  facteur,  c'est 
qu'en  construisant  un  pareil  instrument  il  n'aurait  point 
d'emprunt  h  faire  au  piano  qui  nous  occupe  ;  il  n'aurait  qu'à 
reprendre  une  de  ces  nombreuses  inventions  qu'il  a  aban- 
donnée ,  nous  ne  savons  trop  pourquoi.  Nous  avons  vu  chez 
lui  le  modèle  d'un  mécanisme  semblable,  destiné  à  effectuer 
la  percussion  rapidement  réitérée  du  marteau.  M,  Pape  nous 
a  dit  qu'il  avait  construit  sur  ce  modèle,  en  1836,  un  grand 
piano  qui  se  trouve  actuellement  à  Londres.  Voilà  comment 
les  idées  se  rencontrent;  car  dans  cette  circonstance  il  est  à 
présumer  que  les  deux  inventeurs  n'ont  pas  connu  leur  ten- 
tative mutuelle. 

En  général ,  aujourd'hui  que  tout  le  monde  se  met  à  la 
recherche  d'innovations,  que  les  découvertes  surgissent  de 
tous  côtés,  il  ne  faut  ))as  s'étonner  de  voir  des  essais  sembla- 
bles entrepris  en  même  temps  ,  ou  se  suivant  à  fort  peu  de 
distance.  Nous  en  avons  un  nouvel  exemple  dans  un  autre 
mécanisme  récemment  inventé  pour  obtenir  des  octaves 
avec  un  seul  doigt ,  ou  en  ne  frappant  qu'une  touche. 

On  a  vu  à  l'Exposition  le  -piano  oclavié  de  MM.  Boisselot  : 
on  se  rappelle  les  détails  que  nous  avons  donnés  sur  les  deux 
systèmes  établis  par  ces  habiles  facteurs,  et  qui  consistent, 
j'un  dans  la  multiplicité  des  cordes  ,  l'autre  dans  l'emploi  de 
Jeviers  obliques.  On  sait  que  ce  dernier  système  a  été  appliqué 
au  piano  en  même  temps  par  M.  Pleyel ,  avec  des  modifica- 
tions que  nous  avons  fait  connaître.  Lorsque  nous  rendions 


compte  de  ces  instruments,  nous  ne  savions  pas  qu'un  troi- 
sième concurrent  se  présentât  pour  cette  invention.  Eh 
bien  !  voici  M.  de  Girard  qui  a  imaginé  un  système  ana- 
logue, appliqué  d'abord  à  son  trémolophone ,  et  ensuite  à 
son  piano  vertical ,  dont  il  nous  reste  à  parler.  Ce  dernier  n'a 
pas  figuré  dans  la  salle  de  l'Exposition  ;  mais  il  a  été  présenté 
au  jury  du  concours.  C'est  en  nous  rendant  chez  M.  de  Gi- 
rard ,  pour  examiner  le  trémolophone ,  que  nous  en  avons 
appris  l'existence.  Ceux  de  nos  lecteurs  qui  voudraient  le 
voir  n'auront  qu'à  s'adresser  à  l'inventeur. 

Le  piano  vertical ,  du  reste ,  n'a  rien  de  remarquable  ,  ni 
pour  la  construction  ,  ni  pour  les  qualités  sonores.  M.  de 
Girard,  ne  s'occupant  point  delà  fabrication  des  instruments, 
l'a  acheté  tout  fait,  afin  d'y  appliquer  son  système  de  leviers 
pour  les  octaves. 

Ce  système,  dont  le  principe  est  très  simple,  peut  se  prê- 
tera de  nombreuses  modifications;  il  en  exige  même  quel- 
ques unes  suivant  le  genre  de  piano  auquel  on  veut  l'adapter. 
Ainf-i,  dans  le  trémolophone,  |e  levier  soulève  à  son  extrémité 
la  touclie  même  de  l'octave,  tandis  que,  dans  le  piano  vertical 
dont  nous  parlons,  il  agit  sur  un  second  échappement  qui 
fait  mouvoir  le  marteau  de  celte  touche.  M." de  Girard,  en 
nous  montrant  ses  deux  mécanismes,  nous  a  fait  voir  en  môme 
temps  les  dessins  de  plusieurs  variantes,  applicables  à  des 
instruments  de  diverses  formes  ,  et  qu'il  se  propose  d'essayer 
plus  tard. 

En  terminant  cet  article ,  disons  que  M.  de  Girard  est 
complètement  étranger  à  la  musique,  mais  qu'il  aime  cet  art 
avec  passion  et  qu'il  s'est  beaucoup  occupé  de  l'amélioration 
des  instruments  :  aussi  les  deux  inventions  dont  nous  venons 
d'enlretenir  nos  lecteurs  ne  sont-elles  pas  les  seules  qu'il 
ait  conçues  dans  sa  longue  carrière,  si  ulile  aux  arts  mécani- 
ques et  à  l'industrie  en  général.  Il  y  a  plus  de  quarante  ans, 
à  l'époque  où  Grenié  parvint  à  établir  l'orgue  expressif  au 
moyen  des  anches  libres,  M.  de  Girard  inventa  un  procédé 
ayant  pour  but  de  donner  l'expression  à  tous  les  jeux  de 
l'orgue  indistinctement.  Entraîné  par  d'autres  occupations, 
il  ne  réalisa  pas  une  idée,  sur  laquelle  nous  aurons  occa- 
sion de  revenir  ,  et  qu'il  ferait  bien  de  reprendre  aujourd'hui 
que  l'orgue  semble  de  plus  eu  plus  obtenir  la  faveur  du  pu- 
blic musical. 

G-.E.  Anders. 


Bruxelles  ,  16  septembre  1S44. 
Mon  cher  Zimmekmas  , 
Tu  commences  ta  seconde  lettre  ,  insérée  dans  le  n°  34  de 
la  France  mvsicale,  par  exprimer  un  regret  de  la  position 
de  critique  à  l'égard  d'un  ancien  ami  :  rassure-toi  sur  cela , 
car  tes  observations  n'ont  rien  qui  me  blesse.  Dans  une 
discussion  entre  deux  hommes  qui  ne  se  connaissent  point 
ou  seconnaissent  mal,  l'araour-proprepeut  quelquefois  faire 
naître  de  mauvaises  inspirations  ;  mais  il  ne  peut  être  ques- 
tion de  cela  entre  nous. 

Quelque  regret  que  tu  en  éprouvasses,  tu  as  senti  la  néces- 
sité de  dire  ton  dernier  mot,  en  déclarant  ta  résolution  de 
n'aller  pas  plus  loin.  Cette  lettre  sera  aussi  la  dernière  que  je 
t'écrirai  concernant  nos  différends  en  matière  de  théorie. 
Toute  discussion  doit  avoir  une  fin  ,  et  je  pense  que  l'un  et 
l'autre  nous  aurons  dit  tout  ce  que  nous  avions  à  dire  pour  la 
défense  de  nos  doctrines.  Plus  on  s'éloigne  des  principes  po- 


DE  PARIS. 


327 


ses  dans  l'origine  des  polémiques  de  cette  nature  ,  plus  on 
perd  de  vue  l'objet  principal  dans  la  multitude  des  faits  par- 
ticuliers où  l'on  se  laisse  entraîner.  Trop  heureux  encore 
lorsque  les  deux  champions  de  la  lutte  sont  également  ins- 
truits de  l'objet  qu'ils  traitent ,  et  ne  diffèrent  que  pour  le 
point  de  vue  où  ils  se  placent  !  car  on  a  du  moins  la  certi- 
tude qu'aucun  d'eux  ne  tombera  dans  des  non-sens  pareils  à 
ceux  qu'on  voit  accumulés  dans  la  lettre  qu'un  Monsieur 
t'a  adressée  dans  le  n"  36  de  la  France  musicale ,  à  propos 
des  deux  résolutions  tonales  de  l'accord  de  septième  domi- 
nante. 

Je  vois  deux  objets  principaux  dans  ta  seconde  lettre  :  le 
premier  consiste  à  nier  l'autorité  des  faits  que  j'ai  invoqués 
à  l'appui  de  ma  proposition ,  que  l'harmonie  consonnante 
étant  la  seule  cousé(iuence  possible  de  l'ancienne  tonalité, 
les  musiciens  qui,  pendant  plusieurs  siècles  ,  se  sont  exercés 
dans  le  domaine  de  cette  tonalité  et  de  cette  harmonie,  ont 
épuisé  toutes  les  modificatioos  dont  elles  sont  susceptibles, 
et  que  ces  modifications  ne  sont  autres  que  les  retards  sim- 
ples des  intervalles  de  tierce  par  la  seconde  à  la  basse ,  de 
tierce  par  la  quarte  aux  voix  supérieures ,  de  sixte  par  la 
septième,  et  d'octave  par  la  neuvième  ;  qu'ils  n'en  ont  point 
employé  d'autre  dans  leurs  ouvrages,  et  qu'on  ne  trouve  les 
septièmes  avec  quinte ,  les  quinte  et  sixte ,  etc.  ,  qu'après 
que  l'introduction  de  l'harmonie  dissonante  naturelle  dans 
la  musique  eut  changé  la  tonalité;  d'où  l'on  pourrait  con- 
clure, lors  même  qu'on  ne  le  démontrerait  pas  théorique- 
ment, que  ces  harmonies  de  septième  prolongées  avec 
quinte ,  quinte  et  sixte ,  etc.  ,  ne  sont  pas  le  produit  de 
l'harmonie  consonnante,  mais  de  l'harmonie  dissonante 
naturelle. 

Le  second  objet  de  la  lettre  est  d'ajouter  de  nouvelles 
objections  à  celles  que  tu  as  déjà  présentées  contre  la  théorie 
de  la  substitution  et  de  la  combinaison  avec  le  retard.  Exa- 
minons d'abord  le  premier  point. 

Tu  dis  :  «  Des  considérations  sur  ce  que  les  anciens  maîtres 
»  ont  fait  ou  n'ont  pas  fait  n'amèneraient  qu'une  phraséologie 
»  plus  ou  moins  sonore  ,  mais  tout-à-fait  impuissante.  »  Tu 
ajoutes  plus  loin  :  «  Des  éléments  nouveaux  se  sont  introduits 
»  successivement  dans  l'art  musical;  est-ce  à  dire  que  ces 
»  éléments  ne  puissent  se  rattacher  les  uns  aux  autres  que 
»  dans  un  ordre  chronologique?  Les  altérations ,  les  appogia- 
»  tares,  etc. ,  se  groupent  avec  les  accords  parfaits,  comme 
»  avec  la  septième  dominante.  » 

Je  pense  ,  contrairement  à  toi ,  qu'il  y  a  autre  chose  que 
de  la  phraséologie  dans  l'examen  de  ce  qu'on  a  tiré  d'un 
principe,  quand  ce  principe  était  en  vigueur;  et  mon  opinion 
à  cet  égard  est  conforme  à  celle  de  plusieurs  savants  juste- 
ment célèbres.  Le  grand  métaphysicien  Maine  de  Biran  a 
très  bien  démontré  ,  dans  son  livre  De  l'influence  de  l'habi- 
tude sur  la  faculté  dépenser,  que  les  conséquences  d'un 
principe  sont  d'autant  mieux  aperçues  et  mises  en  pratique 
par  ceux  qui  sont  dirigés  par  lui,  que  ce  principe  est  plus 
simple  et  qu'il  peut  être  plus  facilement  épuisé.  Or,  c'est 
précisément  ce  qui  a  lieu  à  l'égard  de  l'harmonie  conson- 
nante, que  les  anciens  maîtres  ont  seule  connue.  Resserré  par 
elle  dans  des  limites  très  étroites ,  leur  génie  se  met ,  dès  la 
fin  du  quatorzième  siècle,  à  la  recherche  des  moyens  qui 
pourront  introduire  de  la  variété  dans  des  combinaisons  trop 
bornées,  et  découvre  l'existence  des  dissonances  artificielles 
par  le  retard  des  consonnanccs.  Dès  le  milieu  du  quinzième 
siècle,  toutes  les  ci)'consiances  de  ces  prolongations  sim- 
ples sont  découvertes;  mais  le  besoin  de  variété  dans  les 
jouissances ,  qui  tourmente  toutes  les  générations ,  n'est  pas 


encore  satisfait.  Ne  trouvant  plus  autre  chose  dans  l'har- 
monie, les  artistes  portent  leurs  regards  sur  les  formes ,  et 
c'est  alors  qu'ils  inventent  et  perfectionnent  progressivement 
toutes  les  espèces  d'imitations  et  de  canons.  Ils  arrivent  même 
à  l'excès  du  pédantisme  dans  l'usage  de  ces  formes,  à  cause 
de  l'impossibilité  de  trouver  autre  chose  dans  les  limites 
étroites  de  leur  harmonie.  Et  l'on  voudrait  qu'une  multi- 
tude de  nmsiciens  de  premier  ordre,  desGondimel,  des 
Clément  Jannequin,  des  Palestrina,  des  Rolland  deLassus 
et  cent  autres,  se  fussent  agités  pendant  un  siècle  entier 
pour  trouver  de  nouvelles  combinaisons  harmoniques,  et 
qu'ils  n'eussent  point  découvert  les  .septièmes  avec  quinte  , 
les  quintes  et  sixtes,  les  tierces  et  quartes,  les  secondes 
avec  quartes  et  sixtes ,  si  ces  accords  pouvaient  être  déduits 
de  l'harmonie  consonnante?  Non ,  non  ,  cela  ne  se  peut,  car 
un  tel  fait  serait  en  contradiction  manifeste  avec  le  dévelop- 
pement naturel  et  progressif  de  l'esprit  humain!  Il  n'y  a 
point  là  de  phraséologie  impuissante  ,  mais  un  raisonnement 
basé  sur  la  nature  des  choses ,  et  victorieux  ,  s'il  en  fut  ja- 
mais, aux  yeux  de  quiconque  s'est  accoutumé  à  la  méthode 
philosophique. 

Venons  maintenant  à  la  seconde  phrase  sur  le  même  sujet  : 
«  Des  éléments  nouveaux  se  sont  introduits  successivement 
»  dans  l'art  musical  :  est-ce  à  dire  que  ces  éléments  ne  puis- 
»  sent  se  rattacher  les  uns  aux  autres  que  dans  un  ordre 
«chronologique?  Les  altérations,  les  appogiatures ,  etc., 
»  se  groupent  avec  les  accords  parfaits,  comme  avec  la  sep- 
»  tième  dominante.  » 

Mon  ami ,  je  commencerai  encore  ici  par  citer  des  auto- 
rités avant  d'entrer  dans  mes  raisons  propres  ,  et  je  te  dirai 
de  parcourir  les  sept  volumes  des  cours  faits  par  M.  Cousin 
depuis  1815  ,  jusqu'à  la  fin  de  son  professorat.  Là  tu  verras 
ce  savant,  d'un  esprit  si  distingué,  soutenir  en  cent  endroits 
que  les  faits,  les  idées,  les  hommes  mêmes  qui  exercent  la 
plus  grande  influence  sur  leurs  contemporains,  senties  pro- 
duits nécessaires  de  leur  temps ,  c'est-à-dire  des  principes 
alors  en  vigueur.  Séparés  de  l'ordre  chronologique  auquel  ils 
sont  attachés ,  ces  faits ,  ces  idées ,  ces  hommes  perdent  leur 
signification  propre.  Ces  propositions  ,  auxquelles  la  dialec- 
tique de  M.  Cousin  donne  le  caractère  irrésistible  de  l'évi- 
dence, ne  sont  en  réalité  que  le  développement  de  la  propo- 
sition de  Maine  de  Biran  citée  précédemment.  Récemment 
encore  ,  Koenig  a  soutenu  la  même  doctrine,  d'une  manière 
très  originale ,  dans  son  livre  remarquable  intitulé  :  La 
science  du  vrai. 

Or,  appliquons  cette  doctrine  aux  questions  qui  nous 
occupent,  et  nous  trouverons  la  démonstration  que  l'intro- 
duction successive,  dans  l'art,  des  éléments  nouveaux  dont 
tu  parles ,  établit  précisément  un  ordre  chronologique  de 
principes  et  de  conséquences  dans  les  faits  relatifs  à  l'har- 
monie ,  et  qu'en  les  séparant  de  cet  ordre  ils  perdent  leur  si- 
gnification. Vois ,  par  exemple  ,  Vicentino  ,  et  plus  tard  Ma- 
renzio ,  Jean  Croce  et  Gastoldi ,  fatigués  par  instinct  de  la 
monotonie  de  la  tonalité  de  leur  temps,  et  essayant  d'en 
sortir  par  des  successions  d'accords  parfaits  en  différents 
tons ,  comme  je  l'ai  fait  voir  dans  mon  Extrait  complet  de 
la  théorie  et  de  laprafique  de  l'harmonie  (p.  163  et  suiv.); 
mais  l'instrument  de  la  transition  leur  manque.  Cet  instru- 
ment ,  c'est  l'attraction  qui  oblige  à  la  résolution  et  sert  de 
Uen  entre  les  harmonies.  L'attraction  tonale  ne  se  trouve 
originairement  que  dans  l'harmonie  dissonante  naturelle , 
c'est-à  dire  dans  l'accord  de  septième  dominante  et  dans  ses 
dérivés ,  et  ces  accords  sont  à  la  fois  constitutifs  de  la  tona- 
lité ,  par  leur  caractère  d'attraction,  et  moyens  de  transition, 


328 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


en  ce  qu'ils  peuvent  être  entendus  eu  quelque  ton  que  ce 
soit  sans  êtro  précédés  par  d'autres  accords ,  et  parce  qu'ils 
déterminent  immédiatement  le  nouveau  ton  par  leurs  ten- 
dances. L'accord  parfait ,  au  contraire  ,  est  toujours  en  repos; 
donc  il  ne  saurait  établir  la  succession  nécessaire  ;  donc  il 
n'est  pas  vrai,  comme  on  l'a  dit,  que  les  musiciens  que  je 
viens  de  nommer  aient  été  les  créateurs  de  la  musique  chro- 
matique. Celte  musique  n'a  pu  naître  qu'avec  l'harmonie  de 
la  septième  dominante  ;  en  supposer  la  possibilité  antérieure- 
ment serait  une  erreur  fondamentale.  Voilà  donc  des  éléments 
noiiveauœ  introduits  dans  la  musigtic ,  et  qui  ne  peuvent 
se  rattacher  les  uns  atix  autres  que  dans  l'ordre  chronolo- 
gique. 

Mais,  dis-tu,  «  les  altérations,  les  appogiatures ,  etc. ,  se 
»  groupent  avec  les  accords  parfaits ,  comme  avec  la  septième 
»  dominante.  »  Cette  proposition  est  vraie  ;  mais  là  encore  est 
le  triomphe  d'une  théorie  dans  laquelle  on  fait  entrer  comme 
élément  la  considération  de  l'ordre  chronologique  des  faits 
harmoniques,  car  l'idée  d'altérer  les  notes  des  accords,  pour 
multiplier  les  tendances  attractives  ,  ne  vint  aux  harmonistes 
qu'après  que  l'existence  du  fait  d'attraction  leur  eut  été  dé- 
montrée par  l'harmonie  dissonante  naturelle.  Jamais  l'har- 
monie consonnante  n'en  aurait  pu  révéler  la  possibilité  par 
elle-même.  J'ajouterai  qu'après  qu'on  lui  eut  appliqué  l'alté- 
ration ,  elle  perdit  son  caractère  de  repos  dans  les  accords 
altérés  et  changea  conséquemnient  de  nature.  L'harmonie 
consonnante  ,  n'ayant  par  elle-même  point  de  tendances,  ue 
pouvait  offrir  les  moyens  de  sortir  d'un  ton  donné  ,  et  consti- 
tuait con.séqueniment  l'élat  imitoniquc  de  la  musique  :  l'har- 
monie dissonante  naturelle,  ayant  fourni  l'élément  attractif, 
et  conséquemnient  le  moyen  de  transition  ,  fit  passer  l'art  h 
l'état  transilonique  et  créa  la  modulation.  Enfin  ,  les  alté- 
rations des  notes  naturelles  des  accords  consounants  et  dis- 
sonants ,  ayant  multiplié  les  attractions,  mirent  en  rapport 
certaines  notes  avec  plusieurs  tons,  en  sorte  qu'elles  ouvri- 
rent les  voies  de  plusieurs  résolutions  pour  le  même  accord, 
et  créèrent  conséquemnient  l'état  pluritonique  de  la  mu- 
sique. J'ai  fait^oir ,  dans  le  cinquième  chapitre  du  troisième 
livre  de  mon  Traité  de  l'harmonie ,  comment  les  altérations 
multiples  des  accords  dissonants  naturels  et  affectés  de 
substitution  conduisent  aux  tendances  vers  tous  les  tons,  et 
constituent  l'état  omnitoniqiie  ,  dernier  terme  des  relations 
des  sons.  Cette  progression  ne  peut  exister  que  dans  l'ordre 
chronologique ,  et  les  divers  états  de  choses  qui  en  résultent 
s'anéantissent  si  l'on  en  sépare  cette  considération  de  la  suc- 
cession des  temps.  Il  est  donc  évident  que  les  éléments  intro- 
.  duits  successivement  dans  l'art  musical  ne  peuvent  se  ratta- 
cher les  uns  aux  autres  que  dans  l'ordre  chronologique  ,  et 
que  l'argument  que  j'ai  prétendu  tirer  de  cette  considé- 
ration ,  pour  corroborer  mes  preuves  que  l'accord  de 
septième  du  second  degré  et  ses  dérivés  ne  sont  pas  les  pro- 
duits de  modifications  de  l'harmonie  consonnante,  a  une  va- 
leur très  réelle. 

FÉTis  père, 

Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 

{La  suite  au  prochain  numéro.) 


REVUE    CRITIQUE. 

SrOHTMEM'^rES.'E'H  ,  romance  sans  paroles  , 

ET 

MAB.CHS:  iliiiaOXQlUS  dans  le  genre  hongrois,  pour  piano, 
par  M.  Ï.ISZT. 

Après  avoir  révolutionné  l'indolente  et  rêveuse  Allemagne, 
après  avoir  galvanisé  l'Italie  usée  de  sensations  artistiques , 
après  avoir  fait  croire  aux  Russes  qu'ils  sont  susceptibles  d'é- 
prouver un  enthousiasme  quelconque  ,  au  milieu  du  plâtras 
de  civilisation  qui  les  couvre ,  voilà  Liszt  qui  secoue  sa  che- 
velure et  ses  mains  inspirées  parmi  les  chaudes  populations 
du  midi  de  la  France,  en  attendant  qu'il  parcoure  la  Grèce 
comme  Néron  ,  où  il  n'aura  pas  besoin  que ,  de  moments 
en  moments  ;  des  soldats  aillent  arracher  pour  lui 
des  applaudissements ,  ainsi  que  le  faisaient  ceux  de  cet 
empereur-artiste.  Sans  doute  qu'après  ce  voyage  il  ira  explo- 
rer, comme  Fanny  Elssler,  le  fanatisme  musical  du  Nouveau- 
Monde  ,  et  nous  entendrons  dire  alors  que  les  populations 
vierges  des  deux  Amériques  ont  inventé  un  nouveau  genre 
d'enthousiasme  et  de  déification.  En  attendant  que  ces  nou- 
velles nous  soient  apportées  par  les  brises  de  la  nier  Atlan- 
tique ,  nous  venons  de  jeter  les  yeux  sur  les  flots  d'harmonie 
que  le  Mahomet  du  piano  a  jetés  lui-même  dans  deux  nou- 
velles productions  de  son  talent  tout  exceptionnel.  C'est  une 
Marche  héroïque  dans  le  genre  hongrois ,  puis  une  romance 
sans  paroles  intitulée  Nonnenwerth.  Ce  dernier  morceau  est 
d'une  mélodie  toute  gracieuse  et  d'une  variété  charmante, 
infinie.  C'est  un  chant  qui  dit  tout  le  caractère  de  cette  rê- 
veuse Allemagne  ,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  Ce  chant 
en  la  mineur  et  en  mesure  à  six-huit ,  mouvement  d'anda7i- 
tino,  commence  par  une  introduction  capricieuse  de  onze 
mesures,  dont  les  deux  premières  sont  d'un  rhythrae  de  cinq 
croches  suivies  de  points  de  repos  qui  fixent  l'attention  mal- 
gré qu'on  en  ait ,  ne  fût-ce  que  par  l'accord  de  quarte  et 
sixte  qui  commence  exceptionnellement  ce  morceau  :  et  puis 
vient  le  tèhme  de  ce  chant  espressivo  qui,  par  un  de  ces  effets 
d'harmonie  excentrique ,  étonne  l'oreille  dès  la  seconde  me- 
sure sur  laquelle  intervient,  après  l'accord  parfait  de  la 
mineur  qui  accompagne  la  première  mesure ,  un  accord  de 
fa  mineur  dont  le  la  bémol  entendu  aussi  dans  la  mélodie 
est  d'une  indicible  naïveté.  Le  second  membre  de  cette 
phrase  mélodique ,  qui  commence  la  page  2  ,  est  dit  en 
octave  par  la  main  droite  ;  c'est  un  chant  d'une  expression 
exubérante;  et  là  l'auteur  lâchant  la  bride  aux  idées  de 
fougeuse  exécution  qui  sont  en  lui ,  a  écrit  de  deux  manières 
la  façon  de  chanter  et  d'accompagner  sa  mélodie ,  par  deux 
accolades  supplémentaires  au-dessous  da  chant  simple , 
avec  cette  indicatibu  :  Ossia  jiiù  difficile.  Le  caractère  de 
la  mélodie  n'est  point  trop  interverti,  inconvénient  dans 
lequel  tombent  trop  souvent  les  pianistes  arrangeurs ,  et 
l'on  peut  dire  ici  que  c'est  de  la  difficulté  expressive.  C'est , 
au  reste ,  le  signe  distinctif  de  la  musique  moderne  du  piano  ; 
elle  chante  dans  le  trait,  elle  chante  dans  le  médium,  elle 
chante  à  la  basse  quand  on  sait  faire  parler  la  mélodie  qui 
se  trouve  dans  ces  divers  registres ,  quand  on  sait  attaquer 
la  touche  avec  autre  chose  qu'avec  les  doigts ,  c'est-à-dire 
avec  la  pression  physiologique  qui  tient  en  même  temps  du 
cœur  et  de  l'esprit. 

La  double  manière  d'écrire  le  morceau  se  prolonge  presque 
jusqu'à  la  fin.  Cette  variante  est  curieuse  et  intéressante,  et 
témoigne  d'une  grande  richesse  harmonique.  Cela  est  plein 
d'effets  neufs  et  qu'on  ne  trouve  dans  aucun  autre  composi- 
teur-pianiste. Le  thème  repris  en  la  majeur,  biea  que  cet 


DE  PARIS, 


329 


effet  soit  usé  par  l'abus  qu'on  a  fait  de  ce  moyen,  ne  laisse 
pas  que  d'avoir  du  charme  ici,  par  l'élégante  simplicité  de 
l'accompagnement.  Quelques  mesures  avant  la  péroraison 
d'un  effet  piquant,  il  intervient  une  iransition  enharmonique 
avec  une  nouvelle  variante  en^style  lié;  et  puis  le  morceau 
finit  comme  il  a  commencé ,  d'une  manière  mystérieuse  et 
smorzando,  le  son  perdendosi,  mais  non  le  souvenir  que 
laisse  ce  morceau  à  l'exécutant  et  à  l'auditeur. 

La  marche  héroïque  f/aw«  le  style  hongrois  est  un  de  ces 
morceaux  dans  lesquels  l'auteur  s'est  livré  à  son  excentricité 
de  compositeur  et  d'exécutant,  à  toute  la  fougue  de  ses  ca- 
prices, en  conservant  cependant  l'unité  delà  pensée;  il  yen 
a  deux  cependant,  mais  puisées  dans  la  nature  du  sujet 
qu'indique  le  titre  :  le  dessin  mélodique  consacré  au  carac- 
tère de  toutes  marches  d'abord,  et  puis  le  dessin  d'un  appel  de 
trompette.  —  Avec  la  volonté  de  faire  du  style  descriptif,  d'a- 
nalyser la  musique  imitative  qui  vous  fait  tomber  dans  l'esthé- 
tique bourgeoise ,  c'est-à-dire  dans  la  phraséologie  de  toutes 
ces  petites  feuilles  se  disant  musicales  parce  qu'elles  font  du 
Ueu  commun  artistique  pour  le  gros  public  des  lecteurs, 
nous  pourrions  dire  qu'on  entend,  qu'on  voit  dans  ce  mor- 
ceau, plein  de  poésie,  les  roulements  des  tambours,  le  tu- 
multe des  évolutions  militaires,  les  drapeaux  ondoyants  dans 
des  groupes  de  triples  croches  liées,  et  une  foule  d'autres 
choses  auxquelles  l'auteur  n'a  nullement  pensé  ;  mais  nous 
aimons  mieux  reconnaître  dans  cette  œuvre  nouvelle  du  pia- 
niste européen  ce  faire  original,  bizarre  même,  qui  n'appar- 
tient qu'à  lui,  ce  caprice,  cette  étrangeté,  qui  sont  cependant 
puisés  dans  la  méthode  et  dans  l'unité  de  la  pensée,  ainsi  que 
nous  venons  de  le  dire.  Ainsi ,  lorsqu'à  la  3'=  page  l'auteur  a 
fait  entendre  l'appel  de  trompette  dont  nous  venons  de  parler, 
puis  qu'il  est  revenu  au  thème  primitif  de  la  marche  dansia  page 
suivante;  que,  par  un  caprice  en  style  lié  de  doubles  croches 
par  onze  et  neuf  dans  la  même  mesure,  il  fait  contraster  ce 
Irait,  aussi  difficile  que  brillant  s'il  est  bien  exécuté,  avec  le 
dessin  de  trompette  à  la  main  gauche ,  jl  reprend  son  dessin 
démarche  à  la  main  droite  et  dans  son  ton  primitif,  sous  le- 
quel on  entend  sourdre  un  trémolo  sotJ,o  voce  de  notes  alter- 
natives et  puis  refrappées  qui  sont  du  plus  pittoresque  effet  ; 
et  puis  la  phrase  de  trompette,  dans  les  cordes  stridentes  de 
l'instrument,  revient  seule  pour  éclater  dans  une  incandes- 
cente et  foudroyante  péroraison. 

Bien  que  nous  ne  nous  soyons  point  trop  servi  des  termes 
techniques  de  l'art,  nous  n'avons  écrit  ceci  que  pour  les  ar- 
tistes spéciaux ,  les  pianistes  de  profession  ou  amateurs  qui 
ont  pris  ou  prendront  connaissance  du  morceau  que  nous  ve- 
nons d'analyser,  dérogeant  en  cela  à  notre  habitude  d'écrire 
pour  la  généralité  des  lecteurs,  et  cherchant  à  nous  faire 
comprendre  de  tous.  Pour  y  mieux  parvenir  il  faudrait  pou- 
voir user  plus  souvent  des  exemples  de  typographie  musi^ 
cale,  qui  rendent  l'analyse  du  critique  plus  claire;  mais  ce 
procédé,  lent  et  difficultueux  dans  son  application,  réclame 
un  perfectionnement  que  tout  écrivain  musical  appelle  de  ses 
vœux.  Alors  la  critique  musicale  marchera  l'égale  de  la  cri- 
tique littéraire ,  et  les  délicatesses  mélodiques,  et  les  finesses 
de  la  science  des  sons,  et  le  goût  de  l'art  se  populariseront 
d'autant. 

Henri  Blanchard. 


SI  J'ÉTAIS  LA  BRISE  DU  SOIR. 

Depuis  un  temps  immémorial  et   peut-être  antédiluvien, 
les  romances  sont  remplies  de  vœux  de  cette  espèce  :  Que  ne 


suis-je  la  fougère  ?  ou  bien  Si  j'étais  jietit  oiseau,  ou  encore 
Si  j'étais  un  dieu.  Quant  au  souhait  formé  par  la  respecta- 
ble matrone  dont  vous  voyez  l'énorme  effigie ,  il  n'en  fut  ja- 
mais de  plus  malheureux;  car  il  n'y  a  pas  de  doute  que,  si 
elle  était  la  brise  du  soir,  cette  brise  serait  assez  forte  pour 
briser  les  arbres  les  plus  robustes,  et  que  la  brise  du  matin 
ne  trouverait  plus  rien  à  caresser,  ni  bois  taillis,  ni  bois  de 
haute  futaie.  Que  le  ciel  nous  préserve  à  tout  jamais  d'une 
brise  du  soir  de  ce  volume,  fort  dangereuse  aussi  pour  les 
salons  ! 


',*  Aujourd'hui,  dimanche,  par  extraordinaire  ii  l'Opéra,  Utiiello. 
—  Demain  lundi ,  A'iiailella  et  Ciselle. 

\*  liiclianl  en  Palestine  est  anuoncé  pour  mercredi  prochain, 
2  octobre. 

*,*  M.  Niedernieyer  vient  de  perdre  sa  mère,  âgée  de  65  ans. 

*,*  Le  jeune  ténor  Delahaye,  qui  a  chanté  à  l'Opéra,  vient  de 
mourir  à  !  ille. 

*,'  Eanny  Elssler  est  en  ce  moment  à  Bruxelles;  elle  doit  y 
donner  des  représentations  pendant  un  mo'S,  puis  se  rendre  i  Mi- 
lan pour  la  saison  du  carnaval ,   où  elle  est  engagée  avec  Perrot. 

*,*  La  musique  du  premier  -ouvrage  en  un  acte  que  l'on  doit 
jouer  à  l'Oijéra-Comique  est  de  M.  Bousquet,  lauréat  de  l'Institut  ; 
ce  sera  son  début  au  théâtre. 

V  L'annonce  du  grand  concert  que  l'association  des  artistes-mu- 
siciens donnera  le  1"'  novembre  prochain,  dans  la  salle  de  l'Opéra, 
sous  la  direction  de  M.  Habeneck,  a  vivement  frappé  l'attention  du 
public  et  conquis  les  sympathies  de  tous  les  artistes  qui  s'empressent 
d'offrir  leur  concours  à  cette  imposante  solennité.  Comme  nous  l'avons 
dit,  on  exécutera  le  fameux  oratorio  d'Haydn  ,  la  Création,  qu'on 
n'a  pas  entendu  en  public  depuis  quarante-quatre  ans.  Le  concert  se 
terminera  par  l'ouverture  A' Obcron  ,  de  Weber,  et  le  grand  chœur 
de  Judas  Mucliabée,  oratorio  de  Hœndel. 

•,*  Liszt  doit  quitter  Bordeaux  sous  peu  de  jours  pour  se  rendre 
à  Jladrid,  et  sera  de  retour  à  Paris  vers  la  fin  de  décembre. 

',*  M"''  Ida  Bertrand  ,  la  célèbre  prima  donna  ,  qui  a  obtenu  de 
si  brillants  succès  sur  tous  les  théâtres  d'Italie,  est  en  ce  moment 
à  Paris.  Avant  de  se  rendre  à  Copenhague  ,  où  elle  est  engagée  au 
théâtre  royal,  M"=  Bertrand  donnera,  dans  la  salle  Pleyel,  un  con- 
cert, le  7  octobre,  dont  nous  donnerons  le  progralfcme  dans  le  pro- 
chain numéro. 

*,'  Une  (les  plus  grandes  collections  de  partitions  de  l'école  fran- 
çaise, allemande  et  italienne ,  se  composant  de  plusieurs  milliers  de 
volumes,  doit  être  vendue  publiquement  dans  le  mois  de  novembre. 
C'est  une  nouvelle  qui  intéresse  tous  les  musiciens  qui  étudient  leur 
art  avec  le  désir  d'acquérir  une  renommée  par  des  études  sérieuses. 
Nous  donnerons  le  catalogue  de  cette  vente  intéressante,  aussitôt 
qu'il  sera  publié, 

Clipoiaïqiie  déitai'teiueiitaSe. 

*.'  Rouen,  25  septembre.  —  La  soirée  d'hier  a  été  des  plus  heu- 
reuses, excepté  pour  M.  Hennelle,  baryton  qui  continuait  ses  dé- 
buts dans  la  Favorite.  Le  succès  de  M"=  Valton  n'a  pas  été  contesté. 
En  s'emparant  du  rôle  de  Léonor  avec  vigueur  et  précision  ,  elle  a 
prouvé  (iu'elle  possédait  toutes  les  qualités  d'une  excellente  canta- 
tatrice.  l.t  tout  le  monde  d'applaudir  et  de  crier  bis!  au  moment 
surtout  où  Fcrnand  pardonne  à  la  fin  du  dernier  acte.  M.  Raguenot 
a  chanté  ce  rôle  avec  infiniment  de  bonheur. 

*/  LaHaye,  Ib  septembre. —  La  première  représent-ition  de  Gui- 
da et  Ginevra,  ce  bel  ouvrage  qui  a  servi  si  puissamment  aux  bril- 
lants débuts  de  Dupiez  sur  la  scène  do  l'Ac.idémie  royale  de  musi- 
que, avait  attiré  ici  une  foule  énorme  au  théâtre  Français ,  et 
entassé  jusqu'aux  combles  une  foule  compacte  de  curieux.  Nul  doute 
que  la  direction,  qui  n'avait  rien  négligé  pour  le  succès,  ne  re- 
cueille le  fruit  de  ses  peines.  L'exécution  a  été,  en  général ,  satis- 
faisante. M"'=  Planterre,  dans  le  rôle  de  Ginevra;  M.  Allard  , 
dans  celui  de  Guido  ;  M.  Lorezzo ,  dans  celui  de  Forte-braccio ,  et 
enBn  M.  Garbet,  dans  celui  de  Cosme  de  Médicis,  ont  enlevé  tous 
les  suffrages. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


Musique  de  Piano,  publiée  par  MAURICE  SCHIiESA]VeEB ,    99,   rue   Riclielieu. 

OEUVRES  DE  DREYSCHOCR. 


OEUVRES  DE  CHOPIIV. 

Op.    I.  Rondo 6 

Le  même  à   4  mains 7 

a.   La  ci  darem  la  maiio,  thème  de  Mozart, 

varié 9 

A.vec  orchestre i8 

3.  Polonaise  bril.  pour  piano  et  violoncelle.  7 

6.  5  Mazuikas,  àlaC'"Plaler 5 

7.  4  Mazurkas,  à  M.  Johns 5 

8.  ïiio  pour  piano,  violon  et  violoncelle.   .  12 

9.  Noclurnes,  à  Mme  Camille  Pleyel.  .     .  6 

10.  Etudes,  i*^"*  livre •      .  iS 

11.  1"^  Concerlo,  le  piano  seul 12 

Avec  orchestre.  .  24 

12.  Variations  Ijrillantes  sur  Ludovic.  ...  6 
i3.  Fantaisie  sur  des  airs  polonais.  ...  7 
14.   Grand  Rondo  de  concert,  le  piano  seul  9 

Avec  orchestre 18 

i5.  3  Nocturnes,  à  F.  Hiller 6 

16.  Rondo 7 

17.  4  Mazurkas,  à  Mme  Freppa 6 

18.  Grande  valse  brillante  en  mi  liémol.     .  6 
La  même  à  4  mains 7 

20.  I*^^  Scherzo 7 

21.  11^  Concerto ,  !e  piano  seul 12 

Avec  orchestre 24 

32.  Grande  Polonaise,  piano  seul.     ...  9 

Avec  orchestre 24 

a3.  Ballade 7  5o 

34.  4  Mazurkas,  aiiC"Perthuis 7   5o 

25.  Etudes.    2*  livre 18      » 

26.  Deux  Polonaises 7   5o 

27.  2  Nocturnes,  à  Mme  la  C"  d'Appony.  6     » 

29.  Impromptu 6     » 

30.  4  Mazurkas,  à  la  V^^"  de  Wurtemberg.  7   5o 

3i.  Il""  Scherzo 7   5o 

32.2  Nocturn('S,|ii  Mme  la  baronne  de  Eilling.  6     w 

33.  4  Mazurkas  ,  à  Mme  la  C'*"  Mostovvska.  7   5o 

34.  3  Valses  brillantes.  N.  i,  en   la  bémol. 

N.  2  ,  en  la  mineur.  N.  3,  en /a.  Ch.  6     » 

44  Polonaise 7  5q 

45.  Prélude 6     « 

46.  Allegro  de  concert 7   5o 

47.  Iir  Ballade 7   5o 

48.  XIII=  Nocturne,  à  Mlle  Laure  Dupcrré.  6     » 
XIV  Nocturne.  Id 6      » 

49.  Fantaisie  brillante 730 

50.  3  Mazurkas 7   5o 

Grand   Duo    sur  Robert-le-Diable ,    à 

4  maiu« 9      » 

Le  même  pour  piano  et  violoncelle  (avec 

Francliommc).     .     .      .....  9     » 

5i.  Troisicmi;  Ini]  romptu 6      » 

52.  W"  Ballade 7    5o 

53.  VIII'=  Polonaise 7    5o 

54.  IT"  Scherzo 6     » 

55.  Deux  nocturnes 7   5o 

56.  Trois  Msziiikas 9      » 

OEUVRES  DE  DÔHLER. 

Op.   2.  Variations  sur  la  Straniera 7   5o 

3.  Variations  snr  I  Capuleti  edIMontecchi.  6      » 

4.  Variations  sur  la  Norma 7   5o 

6.   Fantaisie  sur  Roberl-le-Diable.     .     ,      .  7   5o 

14.  Deux  Fantaisies  sur  lEIisire  d'Amore, 

chaque 6     » 

i5.   Dernière  pensée  de  Bellini 7    5o 

17.  Fantaisie  brillante  sur  Anna  Bolena.    .  7   5o 

18.  Fantaisie  sur  le  Cor  des  Alpes.    .     .     .  7    5o 

19.  Rondino  SIM- les  Somnambules  de  Strauss.  6      » 

20.  Koniîno  iwr  \aFata  clella  Rosa.      .      .  7    5o 

22.  Variations  linilanles  sur  les  Huguenots.  7  5o 
27.  Grande  Fantaisie  brlllaule  snr  la  Gypsy.  7  5o 
29.  Fantaisie  stii-  Tupéra  les  Treize.    .      .      .  7    5o 

35.  Divertissement  sur  le  Guitarrero.  ,  .  .  7  5o 
37.  Grande  faiiiai^ie  sur  Guido  et  Ginevra. .  9  u 
39.  Tarentelle 7    5o 

Oeux  études  à  4  mains 6     m 

42.   5o  Etudes  de  salon,  en  2  livres.  Chaque.  20     w 

44.  Trois  Romances  sans  paroles,  i"  livre.  7  5o 
44-  Trois  Romances  sans  paroles  ,  2*^  livre   .  7    5o 

45.  N.  3.  \dieu,  mélodie  de  F.    Schubert, 

transci  ite  et  variée 5     » 

4i.  N.  4-  Le  Tournoi,  mélodie  sans  paroles.  6      n 

°  45.  N.  5    Le  lîohc.niiu  ,  mélodie  espagnole,  6      » 

45.  N.  6.  L'Hidalgo,  2'  mélodie  e-pagnole.  .  6      • 

5o.  N.  r     Brillante  Polka  de  salon.  .      .     .  7   5o 

5r,  Fantaisie  sur  la  Favorite 7   5o 


7   5o 


Op.    4.  Le  Trémolo ,  étude 6     » 

8.  L'Absence,  romance  sans  paroles,   avec 

de  nouveaux  effets  acoustiques  ...  6     » 

9.  Scène  romantique 6     » 

10.  La  Clochette,  impromptu 6     » 

i3.  Premier  Rondo  militaire 7   5o 

14.  Mazurka.     . 5      » 

i5.  Les  Adieux,  romance  sans  paroles  .      .  6      » 

16.  Binette  musicale 3   75 

17.  Romance 5      » 

18.  Les  Regrets,  romances  sans  paroles.     ^  6     » 

19.  Scherzo.     , 6     » 

20.  Deuxième  Rondo  militaire 7   5o 

21.  Impromptu -   .     .  6     » 

22.  Varialiunsbrillanlespourla  main  gauche.  6      » 

23.  Andante  inquietoso 7   5o 

2  mélodies  de  Mendelssuhn,  transcrites.  6     » 

25.  La  Coupe,  chanson  à  boire    ....  6     « 

OEUVRES  DE  LISZT. 

Symphonie  fantastique  de  Berlioz,  trans- 
crite pour  piano 

Un   bal,    iragmeutde  la  symphonie  d 
Berlioz 

Grande  Fantaisie  sur  les  Huguenots.. 

—  sur  la  Juive.     .     . 

—  sur  Ruber(-le-Diable. 
sur  Don  Juan.  . 

34  Grandes  études,  i'^''  et  2«  livre.  Chaq.  20 

La  Rose,  mélodie  de  Schubert.   ...  6 

Fantaisie  sur  la  Clochette  de  Paganini.  9 

Harmonies  poétiques  et  religieuses.     ,  6 

Apparitions 7 

Adélaïde,  de  Beethoven, av.  pointsd'orgue.  7 

Le  Bloine,  de  Meyerbcer  .     .     .     .     .  7 

Valse  mélancolique 6 

Mazeppa,  élude.     .......  7 

2'  Marche  hongroise 7 

Canzone  napolitana.  .....      .6 

Marche  héroïque  dans  le  style  hongrois.  6 

Galop  russe 6 

Nonnenverth.   Romance   sans  paroles. 
Gaudeamus  !  Chanson  des  étudiants,      , 

OEUVRES  DE  THALBERG. 

Op.    I.  Variations  sur  Hurlante 

Le  même   à  4  mains.     .,.,,,  9     » 

4.  Douze  Caprices  en  forme  de  valses  .     .  6     » 

5.  Adagio  et  Rondo  de  concert 7   5o 

Les  mêmes  à  4  mains 9     " 

6.  Fantaisie  brillante  sur  Robcrt-le-Diable.  9     » 
La  même  à  4  maius 9     » 

9.   Fantaisie  sur  la  Straniera 7   5o 

La  même  à  4  mains 9      " 

10.  Fantaisie  sur  I  Capuleti  ed  I  Monlecrhi.  7 

La  même  .^  4  mains 9 

i4-  Fantaisie  siir  Don  Juan 7 

La  même  à  4  mains 9 

20.   Fantaisie  sur  les  Uiiguenots 9 

La  même  à  4  maius 9 

3i.  Scherzo 7 

Le  même  à  4  mains .  9 

36.  La  Cadence,  étude  en  /a  mineur.     .     .  6 

La  même  à  4  mains 7 

Mosè,  mi  manca  la  voce 4   5o 

Le  mcuie  à  4  maius 6     » 

40.  Fantaisie  sur  la  Donna  del  Lago.      .      .  9     » 

La  même  à  4  mains 9     *> 

La  Romanesca,  air  de  danse  du  xvi'^  siè 

cle,    Iraiiscrll 

La  même  à  4  uiains 6 

43.  Grand  Duo  jiour  piano  et  violon,  sur  les 

Hugiu'uols  (avec  de  Beriot).    ...  9 

La  même  poui-  piano  et  violoncelle  .     .  9 

2"  Graude  Faiilaisie  sur  les  Huguenots.  9 

La  même  à  4  mains 12 

Romance  sans  paiules 5 

La   même  à  4  ma'uî .6 

Felice  Dorize/la,  romunce  italienne  de 

J.  Dcssnuor 6 

La  même  à  4  mains 7 

47.  Grandes  v.nlscs  brillantes 9 

48.  Grand  caprici-  snr  Charles  VI.    ...  9 
6  Romances  sans  paroles.  i'""ct2''llv.  Cil.  7 

49.  Grande  Fantaisie  sur  lîcnttice  dlTenda,  9 
5i.  Grande  Fantaisie  sur  Scmiramis  ...  10 
5»,  Grande  sonate i5 


5o 


5o 


5o 


5o 


4  5o 


5o 


OEUVRES  DE  HELLER. 

Rondoletto  sur  la  Cracovieune  de  la  Gypsy.  .     . 

Op.  17.   Six  caprices  sur  le  Shcrif.      .     .     .     . 

18.  Divertissement  brillant  sur  les  Treize.     . 

1 5.  Rondino  brillant  sur  la  cavaline  desTreize. 

22.  Quatre  rundos  faciles  sur  la  Favorite  ,  en 

deux  livres.   Chaque 

24.  Quatre  rondos  faciles  sur  le  Guitarrero, 
eu  deux  livre*.    Chaque 

24.  Scherzo,  dédié  à  l.iszl. .     .     .     .      .     . 

25.  Deux  bagatelles  sur  Richard  Cœur-de- 

Liou.  N"  I.  Une  fièvre  brûlante.  .     . 
N"  2.  Un  bandeau  couvre  les  yenx. 

28.  Caprice  symphonique 

29,  La  Chasse,  étude  caractéristique. 

3i.   Petite  Fantaisie  sur  la  Juive 

32.    Boléro  sur  la  Juive 

37.  Fantaisie  brillante  sur  Charles  VI.    .     . 

38.  Caprice  sur  Charles  VI    .      .     .     •     ■ 

39.  l.a  Kermesse,  danse  néerlandaise.      .     . 

40.  Miscellanées  ;  contenant  un  Impromptu, 

une  Eglogue  et  la  Petite  Mendiante.   , 

41.  Caprice  sur  le  Déserteur 

42.  Valse  [élégante 

43.  Velse sentimentale.' 

44.  Valse  villageoise 

Chant  National  de  Charles  VI.  .     ,     . 

OEUVRES  DE  WOLFF. 

©p.  14.  Grande  Fantaisie  sur  Gaido  et  Ginevra. 

t5.   3  Romances  sans  paroles 

i6.  4  Valses  brillantes.  1"  livre.  .  ,  . 
17.  Id.  2'    livre.      .     .     . 

20.  24  Eludes.  I»'  livre. 

21.  Caprice  sur  un   thème   de  Berlioz.     . 

22.  Rondo  brillant  surunthèmedeF.Halévy 

23.  Impromptu  sur  un  thème  de  F.  Halévy. 

25.  Grande  Fantaisie  snr  le  Shérif.    .     .     . 

26.  i"'  Grand  Duo  brillant  à  4  mains,  sur 

des  motifs  d'Halévy 

27.  2  Nocturnes  dédiés  à  Moschelès.     .     . 

28.  Scherzo 

29.  4  Rapsodies  en  forme  de  valses,  i"  liv. 
Id.  2"  liv 

37.  Souvenir  de  Poroic,    valses  brillantes. 

38.  4  Mazurkas 

39.  Allegro  de  concert,  dédié  à  Chopin,  . 
43.   3  Fantaisiessur  la  Favorite,  3  suites.  Chaq. 

45.  Nocturne  en  forme  de  Mazurka  .      .     . 
Marche  héroïque  de  F.  Halévy.     ,     , 

47.  Grande  Fantaisie  sur  le  Guitarrero.   .     . 

49.  Divertissement 

50.  24  Etudes  dédiées  à  Thalberg,  2"  livre. 
57.  2'  Grand  Duo  à  4  mains  sur  la  Favorite. 
59.   3e  GrandDao  à4  mains  sur  le  Guitarrero. 

62.  Ballade 

63.  La  Favorite,  grande  valse  brillante.  .     . 

64.  3  Fantaisies  sur  la  Reine  de  Chypre  , 

3  suites.  Chaque 

67.   7"  Grand  Duo  à  4  mains  sur  la  Reine  de 

Chypre 

63. Grande  Fantaisie  sur  laReiue  deChypre. 
70.   2  Fantaisies,  N.  i,  sur  Euriante.  N,  2  , 

sur  Preciosa.  Chaque 

Grand  Duo  pour  piano  et  violon    sur 
Robertle-Diable  (avec  de  Bériot.},  . 

Le  même  pour  piano  seul 

2°  Graude   Fantaisie  sur  la  Reine  de 

Chypre.   .  

La  même  à  4  mains 

2"^  Grande  Fantaisie  sur  la  Favorite.     . 

La  même  à  4  mains 

8°  Grand  Duo  à  4^ni.  sur  les  Huguenots. 
9'  Grand  Duo  à  4  mains  sur  Guida  et 

Ginevra 

lo'^  Grand  Duo  à  4  mains  sur  la  Juive, 

i5'  Nocturne 

La  Reine  de  Chypre,  2^  grande  valse.  . 
1 3*  Grand  Duo  à  4  mains  sur  Charles  VI. 
Grande  valse  brillante  sur  Charles  VI.  . 
Deux  morceaux  de  salon  :  la  Mélancolie 

et  l'Espoir.    Chaque 

97.   L'Andalouse,    3' valse  originale  .     . 
102.   N°  [.La  Bohémienne ,  grande  Polka.   . 
102.  N»  2.  La  Varsovienuc,  grande  Mazurka. 

106,  Rondo  valse  sur  le  Lazzarone, 

107,  Duo  sue  le  Lazzarone» 

1 08,  Fantaisie  facile  sur  le  Lazzarone. 


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Pour  Paris:  un  an,  30  fr.;  six  mois,  15  fr.     —     Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres     —     Départements  :  un  an ,  34  fr.  Étranger,  38  fr. 


GAZETTE  MUSICALE 

Rédigée  par  MM.  AiSDERS  ,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  HENiiI  BLANCHARD,  MiUuiCE  BOURGES,  F.  DANJOO,  DUESBERG,  FÉTIS  père,  ÉdouABD  FÉTIS, 
STEPBES  HELLER,    J.  JANIN,    G.  KASTNER ,  LISZT,  J.  MEIFRED,  GeOBGE  SAND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UIV  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVAKNI. 


SOMMAIRE.  Cinquième  et  dernière  lettre  à  M.  Zlmmerman  (suite 
et  fin  )  ;  par  FÉTIS  père.  —  Tliéâtre-Italien  -.  Réouverture  ;  Linda 
di  Chamouni.  —  Correspondance  particulière  :  Bruxelles.  — 
Feuilleton.  — Nouvelles. 

LE  MÉNÉTRIER.  Dessin  de  Gavarni. 


Ml.  les  Abonnés  reçoivent  avec  le  présent  numéro  : 
Chant  national  de  Charles  ^'I ,  pour  le  piano ,  par 
Stephen  Heller. 


CINOUIÈMË  ET  DEMIÈRE  LETTRE  A  M.  ZIMMERMAN. 

(Suite  et  fin  ".  ) 

Bruxelles,  16  septembre  1844. 
Mon  cher  Zimmebman  , 

A  propos  de  l'opinion  de  Cherubini ,  dont  j'ai  parlé  con- 
cernant l'emploi  des  accords  de  septième  de  seconde,  quinte 
et  sixte ,  etc.' ,  opinion  qu'il  avait  certainement  lorsqu'il  écri- 
vait dans  le  style  ancien,  comme  tu  peux  le  voir  par  les  con- 
tre-points à  cinq  et  six  parties  qu'il  a  fait  insérer  dans  l'ancien 

(*)  Voir  le  numéro  39. 


solfège  du  Conservatoire,  tu  opposes  un  passage  de  son  traité 
de  contre-point  qui  en  est  la  contradiction  ,  et  tu  soulèves  à 
ce  sujet  une  question  toute  différente  de  celle  qui  nous  oc- 
cupe, à  savoir,  s'il  faut  conserver  à  la  doctrine  du  contre- 
point ses  éléments  anciens ,  ou  s'il  est  convenable  d'y  intro- 
duire des  éléments  nouveaux.  Cette  question,  mon  cher 
Zinimerraan  ,  est  trop  importante  pour  être  traitée  acciden- 
tellement; car  si  on  ne  considère  plus  la  science  du  con- 
tre-point comme  l'étude  graduée  de  la  base  des  différents 
styles ,  si ,  en  un  mot ,  on  en  veut  faire  une  application  im- 
médiate à  l'état  actuel  de  la  musique,  en  passant  sous  silence 
ce  qui  l'a  précédé  ,  ce  ne  seront  plus  seulement  les  accords 
dont  tu  parles  qu'il  y  faudra  introduire  de  prime-abord,  mais 
!.:  septième  dominante  et  ses  dérivés ,  les  septièmes  de  sen- 
sible et  diminuée,  les  altérations,  enharmonies,  etc.  ,  car 
tout  cela  est  indispensable  pour  la  musique  actuelle,  et  pour 
ne  pas  rester,  comme  tu  dis  ,  dans  l'ornière  de  l'ancien  art. 
Cette  question  ,  mon  digne  ami ,  je  n'en  décline  pas  la 
discussion  ;  mais  pour  la  traiter  convenablement,  j'en  ferai 
l'objet  d'un  travail  spécial ,  et  je  te  promets  de  ne  pas  te  faire 
attendre. 

Venons  maintenant,  cher  Zimmerman,   à  tes  dernières 
objections  contre  la  substitution  simple  et  réunie ,  à  la  pro- 


Porlefeuille  de  deux  Cantalrices  ^^\ 

I!XTRODLCTIO>'. 

C'était  par  ruue  des  plus  froides  matinées  de  l'hiver  de  18...; 
l'épais  brouillard  qui  depuis  trois  jours  enveloppait  la  capitale 
commençait  à  se  dissoudre  en  une  rosée  fine  et  pénétrante  ;  la 
fange  des  pavés  devenait  de  plus  en  plus  liquide  ;  on  ne  pou- 
vait marclier  sans  effort,  et  pourtant  Teffort  ne  suffisait  pas  à 
réchauffer  le  sang  qu'une  atmosphère  glaciale  figeait  dans  les 
veines.  Oh!  que  dans  une  telle  saison  et  à  pareille  heure,  tout 
homme ,  doué  d'un  certain  sentiment  de  bien-être ,  apprécie  les 
avantages  d'une  fortune  ou  d'une  position  qui  le  dispense  de  sor- 
tir de  chez  lui  avant  déjeuner,  de  courir  les  rues  à  pied,  de 
franchir  des  distances  infinies  pour  aUer  chercher  des  gens  qu'on 
ne  trouve  pas  toujours  ,  et  cela,  par  l'une  ou  l'autre  de  ces  deux 
raisons:  la  première  qu'ils  sont  sortis  eux-mêmes,  la  secondée! 

(I)  Toute  reproduction,  entière  ou  partielle,  de  cet  ouvrage  est 
interdite. 


la  plus  cruelle ,  qu'ils  sont  chez  eux ,  mais  ne  reçoivent  pas.  Cer- 
tainement la  richesse  et  l'indépendance  doivent  avoir  leurs  pri- 
vilèges ;  mais  n'y  a-t-il  pas  de  la  barbarie  à  faire  renvoyer  par 
ses  valets  de  pauvres  diables  qui  implorent ,  comme  une  grâce 
suprême,  la  faveur  de  vous  dire  un  mot,  et  surtout  à  les  prome- 
ner de  jour  en  jour  ,  pendant  des  semaines  entières,  avec  l'es- 
poir décevant  d'une  entrevue  qu'ils  finissent  souvent  par  ne  pas 
obtenir? 

Dans  l'antichambre  d'un  appartement  situé  au  rez-de-chaussée 
d'une  élégante  maison  de  la  rue  Saint-Lazare,  maison  partici- 
pant de  l'hôtel  et  de  la  villa,  plusieurs  personnes,  non  moins  dif- 
férentes de  physionomie  ,  de  costume ,  que  d'âge  et  de  sexe  , 
étaient  arrivées  successivement,  adressant  toutes  la  même 
question  à  un  valet  de  chambre  en  habit  bleu  de  ciel,  avec 
boutons  d'or,  en  culotte  de  serge  noire,  et  en  bas  de  soie 
blancs  : 

—  Madame  est-elle  visible  î 

A  quoi  le  valet  de  chambre  faisait  régulièrement  la  même  ré- 
ponse : 

—  Je  ne  sais  pas  :  attendez. 


BUREAUX   B'ABOSnVEMEKrT,    RUE   RICHEIirEU ,   97. 


332 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


longation  pour  l'origine  des  accords  de  septième  de  sensible 
et  de  septième  mineure  ou  majeure  avec  quinte  sur  le  second 
degré,  sur  le  quatrième,  le  sixième  et  la  tonique. 

Tu  dis  qu'en  faisant  naître  la  septième  de  sensible  d'une 
substitution,  je  ne  lui  donne  qu'une  existence  conditionnelle; 
cependant,  ajoules-tu,  cet  accord,  si,  ré,  fa,  la,  dans  le 
mode  majeur,  et  sa  résolution  m^,  mi,  sol,  produisent  tous 
les  degrés  de  la  gaiime.  —  D'abord  je  te  ferai  remarquer  que 
ce  n'est  pas  moi  qui  donne  une  existence  conditionnelle  à 
l'accord  de  seplième  sensible  ,  mais  la  nature  même  de  l'ac- 
cord et  ses  fondions  dans  la  musique.  Pour  qu'il  eût  une 
existence  nécessaire,  indépendante,  absolue,  il  faudrait  qu'il 
fût,  comme  l'accord  de  septième  dominante  ,  indispensable 
à  la  contexture  de  l'enchaînement  harmonique  de  la  tonalité 
moderne;  qu'il  n'eût  pas  pour  condiiion  que  sa  dissonance 
occupât  toujours  la  position  supérieure,  comme  note  mélo- 
dique ,  soit  dans  l'ordre  direct ,  soit  dans  les  renversements, 
et  que  ses  inlervalles  pussent  être  combinés  dans  toutes  les 
positions  ,  comme  ceux  de  l'accord  fondamental  dont  il  est  le 
substitué.  Or  ,  c'est  ce  qui  n'est  pas ,  et  c'est  pour  cela  que 
l'existence  de  l'accord  de  seplième  de  sensible  n'est  que  con- 
tingente ou  conditionnelle. 

Mais  l'absence  de  généralité  et  de  nécessité  qu'on  remarque 
en  cet  accord  ne  le  prive  ni  de  son  caractère  tonal  ni  de  son 
attraction.  Par  cela  même  qu'il  se  substitue  à  l'harmonie  de 
la  septième  dominante  en  certains  cas,  il  le  représente  et  en 
remplit  les  fonctions  dans  le  cercle  de  faits  harmoniques  où 
il  est  employé  ;  d'où  il  suit  qu'il  doit  faire  retrouver  toutes 
les  notes  de  la  gamme  dans  sa  constitution  et  dans  sa  réso- 
lution. 

Quant  aux  nouvelles  anomalies  que  tu  as  cru  reconnaître 
dans  mon  système  de  la  réunion  de  la  substitution  à  la  pro- 
longation, pour  l'origine  de  l'accord  de  septième  mineure 
du  second  degré  et  de  ses  dérivés ,  plus  j'examine  les  raison- 
nements à  cet  égard,  moins  j'y  trouve  de  fondement.  Tu 
m'opposes  deux  dissonances  primitives  qui,  remplacées  par 
deux  consonnances,  font  leur  résolution  en  montant,  et  tu 
prétends  démontrer  le  fait  par  cet  exemple  : 


i 


à^-^-^i=é 


ï 


EF=^fqg 


r 


tZ2Z 


J'ai  déjà  répondu  péremptoirement,  dans  ma  seconde  lettre, 
à  la  difficulté  que  tu  as  élevée  relativement  à  la  dissonance 
originaire  de  la  noie  de  basse  dans  l'accord  de  quinte  et  sixte, 
et  j'ai  fait  voir  que  la  résolution  naturelle  ,  soit  de  l'accord 
substitué  simple,  solide  la  substitution  avec  la  prolongation, 
est  sur  l'accord  de  triton ,  dont  ils  sont  les  modifications; 
mais  que  le  fait  de  la  substitution,  faisant  disparaître  un  mo- 
ment la  dissonance  primitive,  la  basse,  devenue  libre  par 
ce  fait,  peut  se  résoudre  en  montant.  Les  explications  que 
j'avais  données  dans  mon  Traité  de  l'harmonie  sur  ce  sujet 
étaient  assez  claires  pour  prévenir  ces  objections,  dont  elles 
étaient  la  réfutation  invincible.  Maintenant  tu  combines  à 
plaisir  un  passage  d'harmonie  pauvrement  écrit ,  pour  mon- 
trer que  la  note  substituée  ,  perdant  momentanément  son 
caractère  dissonant  par  la  prolongation,  peut  aussi  mon- 
ter ;  mais  il  est  évident  que  ce  n'est  point  ainsi  que  tu  écri- 
rais le  passage  que  tu  donnes  pour  exemple,  et  que  tout 
harmoniste,  n'eût-il  même  que  de  l'instinct,  éviterait  les 
misères  de  cet  exemple,  et  écrirait  comme  je  le  fais  ici,  s'il 
ne  voulait  faire  une  niche  : 


^ 


1 


éi^ 


^F^ 


^m 


m. 


L'exemple,  ttl  que  tu  le  présentes,  est  vicieux,  parce  qu'il 
s'y  fait  deux  tierces  majeures  de  suite  entre  les  mêmes  par- 
ties ,  parce  qu'on  y  résout  deux  parties  sur  l'unisson  sans  né- 
cessité, enfin  parce  qu'il  produit  un  rhytlsme  boiteux. 

Il  ne  faut  jamais  arguer  d'une  faute  ou  d'une  négligence. 
Que  dirais-tu,  dis-mni,  a  celui  qui  t'affirmerait  que  l'accord 
qui  nous  occupe  existe  par  lui-même,  comme  celui  de  sep- 


Alors  chaque  personne  prenait  place  sur  le  velours  moelleux 
des  banquettes  dont  l'anticliambie  était  garnie,  et  pouvait  jouir 
à  son  aise  de  la  douce  chaleur  que  répandait  la  llamme  invisible 
d'un  vaste  poêle  qui  s'allumait  par  dehors. 

Du  reste  ,  le  profond  silence  observé  par  tout  le  monde  n'était 
troublé,  de  temps  en  temps  ,  que  par  le  coup  de  sonnette  qui  an- 
nonçait un  nouveau  survenant,  et  par  les  allées  et  venues  d'une 
femme  de  chambre  de  la  mise  la  plus  coqueitcraent  recherchée, 
qui,  sortant  par  la  petite  porte  d'un  couloir  ,  donnant  dans  la 
chambre  à  coucher  de  sa  maîtresse,  enli'ouvrait  l'un  des  bat- 
tants de  la  porte  d'un  salon  somptueux  ,  d'où  s'échappaient  avec 
les  rayons  richement  colorés  d'une  cheminée  flamboyante  les 
parfums  enivrants  d'arbustes  en  pleine  fleur  et  de  bouquets  ra- 
res ,  s'épanouissant  dans  des  vases,  comme  aux  plus  belles  jour- 
nées du  printemps. 

Chaque  fois  que  la  femme  de  chambre  passait,  d'un  regard 
dédaigneux  et  rapide  elle  examinait  le  cercle  entier  des  aspirants 
et  aspirantes  à  la  faveur  d'une  audience  que  plusieurs  poursui- 
vaient avec  une  ténacité  digne  d'un  meilleur  sort.  On  eût  dit 
qu'elle  prenait  un  malin  plaisir  à  multiplier  ses  apparitions  , 
comme  pour  taire  battre  le  cœur  de  tous  ceux  qui  attendaient 
là  le  lîienlieurenx  moment  où  Madame  serait  visible  et  qui  se 
flattaient  toujours  que   la  messaghre  venait  enfin  l'annoncer. 

Déjà  une  fois  ou  deux  ,  elle  s'était  contentée  de  se  montrer  à 
la  porte  du  couloir  et  d'appeler  5  demi-voix  Joseph,  le  valet  de 


chambre,  pour  lui  dire  quelques  mois  à  l'oreille,  lorsque  tout-à- 
coup,  entrant  vivement,  et  donnant  à  son  interpellation  plus 
d'énergie  : 

—  Joseph  !...  Joseph  !  s'écria-t-elle,  allez  donc  dire  au  cocher 
de  madame  d'empêcher  les  chevaux  de  se  battre  ,  et  puis  à  Tony 
de  ne  pas  siffler  en  lavant  la  voiture!,..  Est-ce  qu'il  est  possible 
de  reposer  avec  ce  bniit-là? 

Joseph  se  hâta  d'obéir  à  l'ordre  que  lui  donnait  la  femme  de 
chambre.  A  peine  fut-il  sorti  qu'un  petit  homme  sec  ,  dont  la 
toilette  offrait  beaucoup  d'analogie  avec  celle  du  Ci-devant  jeune 
homme,  et  dont,  malgré  ses  cinquante  ans,  la  taille  était  encore 
remarquablement  cambrée,  lira  sa  montre,  et  dit  tout  haut  : 

—  Diable  !  déjà  onze  heures  et  demie  !... 

—  Madame  repose  tard  aujourd'hui,  dit  un  autre  personnage 
de  tournure  beaucoup  plus  modeste. 

—  Pas  plus  tard  qu'à  l'ordinaire,  dit  un  troisième  individu  qui 
avait  tout  l'air  d'un  artiste  en  chaussure  ;  je  l'ai  vue  souvent  ne 
se  lever  qu'à  midi  passé. 

—  Oui,  peut-être  le  lendemain  d'un  jour  d'opéra  ,  quand  elle 
avait  chanté  la  veille,  reprit  le  premier. 

—  Et  si.elle  chante  ce  soir,  n'est-ce  pas  la  même  chose?  re- 
prit le  second. 

—  Non,  non,  elle  ne  chante  pas ,  reprit  le  troisième  ;  j'ai  eu 
soin  de  m'en  assurer. 

Cet  échange  de  mots  fut  suivi  d'une  conversation  plus  intime 


DE  PARIS. 


333 


tième  dominante ,  parce  que  Mozart ,  par  des  liaisonsd'idées 
sous-ctUendues  que  je  comprends  très  bien  ,  l'a  employé  plu- 
sieurs fois  sans  préparation  dans  ses  formes  directes  et  déri- 
vées? Que  dirais-tu  à  celui  qui  nierait  la  nécessité  d'en  ré- 
soudre diatoniquenient  en  descendant  la  dissonance,  parce 
qu'il  aurait  trouvé  ce  passage  dans  Bcellioven  ? 


^ 


i? 


Tu  serais  obligé  d'entrer  dans  une  de  ces  analyses  déli- 
cates qui  paraissent  te  répugner,  et  qui  me  semblent  indis- 
pensables pour  exiDliquer  une  multitude  de  faits  harmo- 
niques. Tu  diras  au  premier  qu'en  y  regardant  de  près  ,  on 
trouve  dans  les  passages  où  Slozart  a  employé  en  apparence 
l'accord  de  septième  du  second  degré  ,  ou  l'accord  de  quinte 
et  sixte  sans  préparation  et  de  |)rime-abord  ,  au  commence- 
ment d'un  phrase,  que  la  note  qui  forme  la  dissonance  a 
été  entendue  à  la  fin  de  la  phrase  précédente  ,  et  que  bien 
qu'un  silence  ait  suivi  celle-ci  ,  le  compositeur  a  supposé  le 
sentiment  de  cette  note  comme  persistant ,  et  comme  suffi- 
sant pour  former  la  préparation  ;  tu  répondrais  à  l'autre  que 
le  passage  de  Beethoven  est  établi  sur  un  fragment  de  pédale 
intérieure  qui  saisit  l'esprit  d'un  sentiment  d'immobilité , 
et  dans  lequel  la  dissonnance  est  absorbée,  pourvu  que  l'ac- 
cord dissonant  soit  suivi  d'un  accord  consonnant.  Et  si  l'on 
prétendait,  comme  le  fait  Godefroi  Weber,  dans  son  scepti- 
cisme contre  toute  théorie  générale  de  l'harmonie ,  que  ce 
ne  sont  là  que  des  subtilités  pour  expliquer  des  faits  con- 
traires à  ces  théories,  tu  serais  en  droit  d'affirmer  que  si 
Mozart  et  Beethoven  n'ont  pas  fait  ces  raisonnements  en  écri- 
vant ce  que  leur  sentiment  leur  dictait ,  il  n'en  est  pas  moins 
vrai  que  les  principes  qui  les  dirigeaient  à  leur  insu  étaient 
identiques;  car  s'il  en  était  autrement,  leur  sentiment  serait 
tombé  dans  l'absurde  :  ce  qui  implique  contradiction.  Quant 
à  moi ,  après  avoir  montré  comment  le  passage  que  tu  m'as 
opposé  devrait  être  écrit ,  je   n'éprouve  nulle  difficulté  à 


l'expliquer,  même  comme  lu  le  présentes;  car,  de  même 
que  la  substitution,  en  faisant  disparaître  la  dissonance  na- 
turelle de  l'accord  de  triton  ,  permet  à  la  basse  de  monter,  la 
prolongation  ,  retardant  la  dissonance  contre  la  note  substi- 
tuée ,  laisse  celle-ci  en  état  de  consonnance  ,  et  la  rend  consé- 
quemment  libre  dans  son  mouvement  jusqu'à  ce  que  la  prolon- 
gation se  résolve. 

Tu  me  reproches  de  n'avoir  point  expliqué  quatre  accords 
de  septième  avec  quinte  que  tu  m'avais  opposés  ,  dans  ton 
article  du  26  mai ,  et  tu  te  persuades  que  la  difficulté  d'une 
réponse  satisfaisante  est  cause  de  mon  silence  :  tu  oublies 
encore  ici ,  mon  cher  Zimmcrman ,  que  ma  réponse  avait 
précédé  l'objection  dans  mon  traité  d'harmonie  (pag.  65  et 
66,  et  pag.  81,  §  157).  Permets-moi  de  rapporter  ici  des 
extraits  de  mes  explications;  ils  contiennent  des  réponses 
auxquelles  il  n'y  a  rien  de  raisonnable  à  opposer. 

«  Les  harmonistes  modernes ,  guidés  par  l'analogie  de 
»  l'accord  de  septième  de  dominante,  ont  cru  que  tout  accord 
»  de  septième  devait  avoir  la  quinte  dans  sa  composition  ,  et 
»  ont  introduit  cet  intervalle  dans  les  retards  de  sixte ,  au 
n  moyen  d'une  double  prolongation,  dont  une,  consonnante, 
»  produit  la  quinte  ,  qui  se  résout  sur  la  sixte  en  montant.  Ils 
«  font  usage  de  cette  combinaison  sur  les  degrés  où  se  place 
»  l'accord  de  sixte  (pag.  65  et  66  ,  §  139). 
Exemples  : 

A 


^ 


^i^ 


-J-    A. 


i 


^2=^ 


d=^ 


J J 


Le  mouvement  de  basse  qui  fait  résoudre  sur  l'accord  de 


entre  les  trois  interlocuteurs,  qui  se  levèrent  et  se  rapprochèrent 
pour  causer  avec  plus  de  facilité.  Leur  exemple  fut  comme  un 
signal  pour  tous  les  autres  :  chacun  se  mit  à  dialoguer  avec  son 
voisin  et  à  lui  parler  du  motif  qui  l'obligeait  à  faire  si  longtemps 
antichambre. 

A  cette  époque,  de  même  qu'à  la  nôtre  ,  c'était  une  grande 
puissance  que  celle  d'une  chanteuse  célèbre,  tenant  rang  de 
premier  sujet  à  l'Académie  royale  de  musique  ,  ctndus  savons 
quel  est  le  sort  des  puissances  d'ici-bas  :  on  leur  demande  tout 
ce  qu'elles  peuvent  donner,  et  même  ce  qui  est  complètement 
au-delà  de  leur  influence.  Les  artistes  qui  ont  du  talent  et  un 
nom  ne  sont  pas  moins  sollicités  que  des  ministres  ;  leur  protec- 
tion est  réclamée  non  seulement  pour  ce  qui  se  rapporte  au 
théâtre  sur  lequel  ils  régnent,  sans  le  gouverner  toujours,  mais 
encore  pour  une  foule  de  choses  dans  lesquelles  on  présume 
qu'à  cause  de  leurs  liaisons,  de  leurs  relations  d'amour  ou  d'ami- 
tié, leur  voix  sera  prépondérante  et  leur  appui  décisif. 

An  nombre  des  femmes  qui  se  trouvaient  dans  l'antichambre 
delà  cantatrice,  il  y  avait  une  jeune  fille  qui  paraissait  n'avoir 
pas  plus  de  dix-sept  à  dix-huit  ans,  et  dont  la  figure  assez  régu- 
lière portail  noblement  l'empreinte  de  la  souffrance  et  du  besoin. 
Un  chapeau  de  paille  noir,  dont  les  reflets  rougeâtres  trahissaient 
la  décrépitude,  ombrageait  son  teint  pâle  et  ses  traits  amaigris  ; 
Un  châle  de  mérinos,  d'un  bleu  tournant  au  gris,  couvrant  ses 
épauleset  descendantjusqu'à ses  genoux,  ne laissaitapercevoir  que 


le  bas  d'une  robe  d'indienne  fond  vert,  à  petits  poisblancs,  usée  à 
force  d'avoir  été  blanchie ,  et  dont  la  légèreté  ne  s'accordait 
guère  avec  la  rigueur  de  la  saison.  Après  avoir  demandé  si  ma- 
dame était  visible  d'un  son  de  voix  timide  et  doux  ,  mais  d'une 
douceur  argentine,  la  jeune  fille  s'était  retirée  dms  l'angle  le 
plus  oliscur  de  la  pièce,  auprès  d'une  femme  dun  certain  âge  , 
arrivée  quelques  minutes  plus  tôt.  Au  moment  où  le  silence  gé- 
néralement gardé  fut  rompu  par  la  sortie  du  valet  de  chambre  , 
celle-ci  se  hâta  de  prendre  la  pafole  ,  et  s'adressant  à  sa  jeune 
voisine  : 

—  Onze  heures  et  demie  !  dit-elle,  voilà  pourtant  deux  heures 
que  je  suis  là,  et  je  viens  de  la  rue  de  Bretagne,  au  Marais. 
Quelle  course  !...  Il  faut  se  lever  avant  le  jour  par  ce  maudit 
temps  !  Encore  si  l'on  Était  sûre  de  quelque  chose  !...  Mais  non, 
je  parie  que  ce  sera  encore  aujourd'hui  comme  hier  et  avant- 
hier...  vous  en  étiez  aussi,  mademoiselle  :  je  crois  bien  vous  re- 
connaître, quoiqu'il  ne  fasse  pas  trop  clair  ici,  pas  plus  que 
dans  la  rue.  Ah!  Dieu  ,  c^est  commode  d'être  prejiiière  chan- 
teuse !...  on  ne  se  gêne  pas  ,  on  prend  ses  aises  :  on  ne  dort  pas, 
mais  on  fait  semblant,  ça  revient  au  mémft  Pourtant  il  me  sem- 
ble qu'un  devrait  avoir  des  égards  ;  qu'on  fasse  trotter  les 
hommes,  à  la  bonne  heure;  ils  sont  forts;  ils  ont  des  bottes! 
mais  des  dames  ,  des  dames  !... 

La  jeune  fille  n'ayant  pas  desserré  les  dents,  la  femme  âgée 
s'arrêta  sur  celte  période,  mais  elle  reprit  bientôt  : 


334 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


»  septième  de  dominante  l'accord  de  septième  mineure  (du  se- 
»  cond  degré  )  produit  par  la  substitution  et  la  prolongation, 
»  a  donné  naissance  à  des  progressions  où  chaque  note  est 
»  accompagnée  d'un  accord  de  septième ,  dont  la  nature  des 
»  intervalles  diffère  en  raison  du  degré  de  la  gamme  oîi  l'ac- 
»  cord  est  placé. 

»  Ainsi  que  je  l'ai  dit  et  démontré  (  §  78  ),  l'analogie  du 
»  mouvement  fixe  l'attention  dans  les  progressions  de  cette 
»  espèce,  et  suspend  le  sentiment  tonal  jusqu'à  la  cadence; 
»  en  sorte  qu'aucun  degré  de  la  gamme  n'est  en  réalité  dé- 
»  terminé  jusqu'au  moment  de  cette  cadence,  qui  réveille  le 
»  sentiment  tonal  :  nous  n'avons  conscience  que  du  mouve- 
»  ment  uniforme  de  la  basse  et  de  la  composition  symétri- 
»  que  des  accords  qui  accompagnent  ses  notes.  Tel  est  le 
»  phénomène  qui  se  manifeste  dans  l'audition  de  la  progres- 
»  sion  d'accords  de  septièmes  sur  des  mouvements  de  basse 
»  montant  de  quarte  et  descendant  de  quinte  (  page  81 , 
»  §  157).  » 

Voilà  donc  deux  origines  très  différentes  des  accords  dont 
tu  parles ,  en  raison  des  circonstances  de  leur  destination  : 
elles  démontrent  que  ces  accords  n'ont  point  d'analogie  avec 
celui  de  la  septième  du  second  degré  qui  ne  peut  naître  que 
d'une  seule  manière,  savoir  :  de  la  réunion  de  la  substitution 
à  la  prolongation ,  et  qui  n'a  de  bonne  résolution  tonale  que 
sur  l'accord  de  septième  dominante  ,  dont  il  est  la  double 
modification  ,  ainsi  que  Catel  a  été  forcé  de  le  reconnaître 
par  l'exemple  qu'il  en  donne  dans  son  Traité  d'harmonie 
(page  23).  J'ai  donc  eu  raison  de  dire,  en  parlant  de  cet  ac- 
cord, qui  n'a  point  d'analogue  dans  la  musique,  que  la  note 
prolongée  est  toujours  la  tonique  retardant  la  note  sensible. 
Maintenant  veux-tu  une  troisième  origine  d'un  des  accords 
de  septième  dont  tu  parles  ?  ïu  la  trouveras  dans  cet 
exemple  : 


A, 


^ 


i 


-J- 


^ 


J-   J    Jr 


^^^^ 


^ rJ- 


^^^ 


j     J- 


Il  est  de  toute  évidence  que  la  septième  avec  quinte  sur  le 
quatrième  degré  n'est  là  que  le  retard  de  la  sixte  de  l'accord 
de  quinte  et  sixte ,  qui  est  lui-même  le  produit  du  retard  de 
la  note  sensible  par  la  prolongation  de  la  tonique  réunie  à  la 
substitution  du  sixième  degré  à  la  dominante.  Toutes  ces 
circonstances  sont,  ainsi  que  je  te  l'ai  dit  dans  ma  seconde 
lettre ,  indépendantes  les  unes  des  autres ,  et  ne  sont  coordon- 
nées que  par  la  loi  suprême  de  la  tonalité.  L'art  réside  dans 
une  multitude  de  combinaisons  délicates  de  cette  nature  :  la 
science  qui  explique  cet  art  doit  donc  être  toute  analytique  et 
distinguer  avec  soin  la  diversité  des  origines  harmoniques. 
Tu  dois  donc  voir  qu'une  théorie  qui  prétend  faire  connaître 
la  nature  de  tous  les  accords  de  septième  avec  quinte  juste  en 
leur  donnant  pour  origine  une  prolongation  sur  un  accord 
parfait  complet,  résolu  sur  l'accord  suivant,  n'est  d'abord 
qu'une  assertion  dont  il  est  impossible  de  fournir  la  preuve , 
et  qui  n'a  pas  plus  de  valeur  que  celle  par  laquelle  Rameau 
fait  venir  les  mêmes  accords  d'une  tierce  ajoutée  au-dessus 
des  accords  parfaits  des  différents  degrés  de  la  gamme  ;  en- 
suite ,  cette  assertion  ne  soutient  pas  l'épreuve  de  l'analyse 
que  je  viens  de  faire,  et  disparaît  devant  elle. 

Tu  dis ,  mon  digne  ami ,  que  l'épithète  de  pratique  que 
j'ai  ajoutée  au  titre  démon  livre  ne  te  paraît  pas  justifiée:  en'- 
tendons-nous.  Qu'est-ce  qui  constitue  le  savoir  pratique? 
N'est-ce  pas,  non  seulement  de  connaître  tous  les  faits  pos- 
sibles d'une  science  ou  d'un  art,  mais  de  pouvoir  les  analyser 
et  de  donner  la  raison  de  tous?  S'il  en- est  ainsi ,  comme  on 
ne  peut  en  douter,  non  seulement  l'épithète  de  pratique  ap- 
partient à  mon  Traité  de  l'harmonie,  mais  je  ne  connais  pas 
délivre  du  même  genre  auquel  elle  soit  mieux  appliquée;  car, 
outre  que  les  objets  y  sont  placés  dans  un  ordre  absolument 
progressif  et  logique  ,  il  n'y  pas  de  circonstance  harmonique 
qui  n'y  soit  analysée  avec  soin  et  rendue  sensible  par  des 
exemples  clairs.  De  plus ,  en  une  multitude  de  cas ,  j'ai  exa- 
miné avec  une  scrupuleuse  attention  les  passages  de  compo- 
sitions de  grands  maîtres  qui  semblent)  ou  qui  sont  réelle- 
ment en  contradiction  avec  les  principes  de  l'art  et  de  la 
science  ,  comme  tu  peux  le  voir,  pages  49,  63,  64,  74,  75, 
111,112,  113,  114, 115,  125, 126,  127,  128, 131,  dans 
tout  le  chapitre  douzième  du  deuxième  livre;  dans  le  troi- 


—  Et  dire  qu'on  est  obligée  de  venir  prier ,  presser  pour  offrir 
une  chose  qu'on  devrait  vous  demander  à  genoux  !  Car  c'est  vrai, 
je  devrais  me  tenir  bien  tranquille  ,  moi,  et  ce  serait  aux  autres 
à  courir,  à  faire  anlicliambre  chez  moi,  rue  de  Bretagne  !  Figu- 
rez-vous, mademoiselle,  que  j'ai  composé  un  opéra ,  un  Thémis- 
tocle,  qui  a  Ole  reçu  par  tous  les  jurys,  par  l'Institut,  approuvé 

par  tous  les  mçiîtres Eh  bien,  je  ne  puis  parvenir  à  le  faire 

jouer,  parce  que  je  suis  une  femme,  une  faible  femme!  Mon 
poëte  lui-même,  qui  est  devenu  un  grand  homme  depuis  qu'il  a 
fait  mon  poëme,  il  y  a  quinze  ans  de  cela,  mon  poëte  s'oppose 
à  ce  qu'on  me  joue ,  à  ce  qu'on  me  chante  !  A-t-on  jamais  vu  rien 
de  pareil  ?  Il  y  a  des  gens  qui  ne  veulent  pas  me  croire ,  et  qui 
disent  que  j'imagine!  Alors  j'ai  donc  bien  de  l'imagination  ,  puis- 
que j'invente  des  choses  incroyables.  Ma  foi ,  j'ai  pris  un  grand 
parti  ;  j'ai  écrit  à  notre  aimable  prima  donna,  et  je  l'ai  priée  de 
vouloir  bien  entendre  mon  ouvrage.  Si  elle  accepte  le  premier 
rôle,  je  suis  sauvée;  je  vais  le  dire  sur-le-champ  à  M.  l'Inten- 
dant ;  je  demande  l'ordre  de  copie  ;  j'entre  en  répétition,  et 

j'ai  mi  succès,  oh!  mais  un  succès! Pour   cela,  je  n'ai 

pas  l'ombre  d'un  doute.  La  seule  difficulté,  c'est  d'arriver 
jusqu'à  ma  chanteuse,  et  de  lui  chanter  ma  musique.  Voilà 
trois  jours  que  je  me  donne  tout  le  mal  possible  et  que  je  ne 
réussis  à  rien.  Et  vous,  ma  petite  demoiselle,  vous  venez 
aussi  lui  demander  quelque  chose,  à  ma  chanteuse?  Vous 
n'avez  pas  fait  d'opéra ,  vous  ,  mais  est-ce  que  vous  voulez  en- 


trer à  l'Opéra?....  Dans  le  corps  de  ballet?....  Dans  les  chœurs? 

—  Mon  Dieu,  madame,  je  ne  sais  pas,  répondit  tristement  la 
jeune  fille.  ,  < 

—  Enfin  ,  vous  voulez  quelque  chose,  reprit  l'autre,  sans  cela 
vous  ne  seriez  pas  ici ,  c'est  clair,  et  je  vous  en  ferais  mon  sin- 
cère compliment. 

Pendant  ce  monologue  féminin  ,  la  conversation  s'animait  de 
plus  en  plus  entre  les  hommes,  qui  presque  tous  s'étendaient 
assez  longuement  sur  le  but  de  leur  visite.  Le  petit  homme  sec 
était  un  chorégraphe,  célèbre  en  Allemagne,  en  Angleterre  et  en 
Italie ,  qui  voulait  faire  monter  un  de  ses  chefs-d'œuvre  à  l'Opéra 
de  Paris.  Le  personnage  modeste  qui  s'était  mis  le  premier 
eu  rapport  avec  lui  était  un  brave  coryphée ,  dont  le  fils  venait 
d'être  atteint  par  la  loi  de  recrutement,  et  qui  espérait  que  la 
prima  donna  voudrait  bien  dire  un  mot  en  sa  faveur  à  un  inten- 
dant militaire  qu'elle  connaissait  beaucoup,  et  qui  en  dirait  un 
autre  aux  juges  compétents.  Enfin,  le  troisième  personnage  était 
tout  bonnement  un  maître  cordonnier ,  qui  sollicitait  depuis  deux 
ou  trois  mois  le  règlement  d'un  petit  mémoire  remontant  à  deux 
ou  trois  années. 

La  rentrée  du  valet  de  chambre  mit  fin  aux  causeries;  tous  les 
regards  se  portèrent  sur  lui  comme  pour  savoir  s'il  y  avait  lieu 
d'espérer  quelque  changement  à  la  situation  présente;  mais  le 
visage  de  Joseph  était  d'une  impassibilité  constante  et  absolue  : 
rien  n'y  parlait,  rien  n'y  remuait,  ni  les  yeux,  ni  les  lèvres  :  im- 


DE  PARIS. 


335 


sième  livre  tout  entier,  etc.  Certes,  il  n'y  a  pas  de  Méthode 
plus  pratique  que  celle-là. 

Tu  termines  ta  lettre ,  mon  cher  Zimmerman ,  par  ces 
mots  :  «  D'ailleurs,  mon  ami,  si  je  ne  répète  pas  avec  toi  que 
»  la  théorie  de  l'harmonie  parvenue  au  point  où  tu  l'as  portée 
»  est  au  dernier  terme  de  l'art  et  de  la  science ,  que  rien  n'y 
»  peut  être  ajouté ,  je  ne  reconnais  pas  moins  que  la  route 
»  ouverte  par  toi  à  tes  disciples ,  si  elle  n'est  pas  la  plus 
"  directe ,  la  plus  courte,  mène  également  au  but.  Les  prati- 
»  ciens,  en  se  laissant  guider  par  toi,  pourront  tâtonner  le 
»  long  du  chemin ,  mais  ne  s'égareront  pas.  » 

A  Dieu  ne  plaise,  mon  ami,  que  j'aie  eu  l'exorbitante  pré- 
tention de  faire  partager  à  tous  les  harmonistes  mon  opinion 
sur  la  place  que  doit  occuper  ma  Théorie  dans  l'histoire  de 
l'art  et  de  la  science  :  cette  opinion  n'a  de  valeur  actuelle 
que  dans  mes  convictions  et  dans  celles  des  partisans  de  mon 
système;  quant  à  l'universalité  de  réforme  et  de  direction 
nouvelle  que  j'ai  cru  lui  donner,  l'avenir  seul  pourra  décider 
si  j'ai  atteint  mon  but.  Je  te  prie  seulement  de  ne  pas  oublier 
qu'il  ne  s'agit  pas  ici  d'un  essai  nouvellement  tenté,  auquel 
le  monde  musical  n'aurait  point  encore  pris  intérêt;  car  les 
bases  de  ma  théorie  ont  été  résumées  dans  ma  Méthode  élé- 
mentaire d'harmonie  et  d'accompagnement,  publiée  il  y  a 
environ  vingt  ans,  et  dont  il  a  été  fait  trois  éditions;  deux 
traductions  italiennes  de  cette  Méthode  ont  paru ,  l'une  à 
Naples,  chez  Girard  ;  l'autre  à  Turin,  chez  Pomba;  M.  Bi- 
shop,  musicien  anglais  distingué,  en  a  fait  une  traduction 
dans  sa  langue  pour  l'usage  de  l'Institution  royale  de  musi- 
que de  Londres  ;  une  foule  d'artistes,  parmi  lesquels  je  citerai 
MM.  Liszt,  Moschelès,  Henri  Herz,  Fessy,  etc.,  m'ont  depuis 
longtemps  exprimé  leur  opinion  concernant  la  supériorité  de 
ma  théorie  sur  celles  par  lesquelles  ils  ont  fait  leurs  études; 
M.  Bienaimé ,  professeur  d'harmonie  et  d'accompagnement 
du  Conservatoire  de  Paris  depuis  six  ans ,  n'y  enseigne  point 
une  autre  théorie,  et  depuis  lors  six  élèves  ont  obtenu  cinq 
fois  le  premier  prix  et  six  fois  le  second  aux  concours  ;  mon 
élève,  M.  Bosselet,  professeur  d'harmonie  depuis  dix  ans  au 
Conservatoire  de  Bruxelles,  a  obtenu  des  résultats  semblables, 
et  a  peuplé  Bruxelles  et  plusieurs  autres  villes  de  la  Belgique 
de  pianistes  bons  accompagnateurs ,  et  de  bons  harmonistes 


dans  les  orchestres  ;  enfm  tu  as  vu  toi-même  l'intérêt  que 
cette  théorie  a  fait  naître  dans  l'auditoire  de  mon  cours,  au 
mois  de  février  dernier.  Récemment  Ricordi,  de  Milan ,  m'a 
annoncé  qu'il  vient  de  publier  une  traduction  italienne  de 
mon  nouveau  livre  ;  on  imprime  en  ce  moment  une  traduc- 
tion allemande,  et  tu  m'as  fait  l'honneur  de  me  réfuter!  Que 
pouvais-je  désirer  de  plus  pour  constater  l'importance  de  ma 
doctrine  ? 

Ton  tout  dévoué. 

FÉTis  père. 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 


THKATRE-ITALIEN. 
Kéoitverture.  — JLittaa  ai  CItamawniœ. 

Que  le  début  suit  simple  et  n'ait  rien  d'alTecté  ! 

Ce  précepte  littéraire  a  été  ponctuellement  observé  par  le 
directeur  du  théâtre.  Il  a  inauguré  la  saison  par  l'un  des  ou- 
vrages qui ,  dans  les  derniers  temps,  ont  obtenu  le  succès  le 
plus  modeste  ,  et  il  a  monté  cet  ouvrage  beaucoup  plus  mo- 
destement qu'il  ne  l'était  à  l'époque  de  la  première  représen- 
tation ,  laquelle  remonte  au  mois  d'octobre  ou  de  novembre 
1842.  Morelli  a  remplacé  Lablache  père  ;  Fornasari  s'est 
substitué  à  Tamburini,  et  M.  Tagliafico  a  débuté  dans  le  rôle 
créé  par  Lablache  fils.  M""=  Persiani ,  W""  Brambilla  et  Blario 
ont  seuls  conservé  leur  rang  et  leur  emploi  primitif. 

Pour  nous  une  idée  mélancolique  s'attache  au  nom  et  à  la 
personne  de  M.  Tagliafico.  Nous  nous  souvenons  qu'il  donnait 
la  réplique  h  ce  pauvre  Delahaye ,  qui  vient  de  mourir  si  vite 
et  si  jeune  ,  la  première  fois  qu'après  une  année  de  travail  le 
jeune  ténor  se  fit  entendre  à  huis  clos  sur  la  scène  du  grand 
Opéra.  C'était  aussi  la  première  fois  que  nous  entendions 
M.  Tagliafico  ,  et  dans  le  duo  de  Guillaume  Tell  nous  re- 
marquâmes le  timbre  de  sa  voix  tout  à  la  fois  grave  et  flexible. 
Depuis,  M.  Tagliafico  s'est  fait  un  nom  dans  les  concerts, 
sans  en  excepter  le  concert  Vivienne.  Mais  quelle  idée  bouf- 
fonne que  celle  de  le  faire  débuter  par  le  rôle  bouffe  du  mar- 
quis de  Bois-Fleury ,  lui  dont  la  physionomie  n'a  rien  de 


possible  de  deviner  ce  qu'il  avait  dans  l'âme,  ni  même  de  se 
douter  s'il  en  avait  une  :  c'était  un  digne  valet  de  grande  maison, 
un  vrai  trésor  pour  un  diplomate  ou  une  actrice. 

Le  silence  qui  venait  de  se  rétablir  fut  de  nouveau  troublé 
par  le  bruit  d'un  équipage  entrant  dans  la  cour.  Le  petit  homme 
sec  et  ses  deux  acolytes,  s'étant  approchés  de  la  feuêtre,  en  vi- 
rent descendre  un  jeune  homme  de  figure  distinguée  ,  à  tour- 
nure élégante,  portant  une  redingote  doublée  d'une  épaisse  four- 
rure, et  qui  cependant  marquait  exactement  la  taille.  Le  jeune 
homme ,  au  lieu  de  monter  le  perron  conduisant  au  grand  es- 
calier, alla  prendre  un  petit  escalier  de  service  aboutissant  au 
couloir  par  lequel  allait  et  venait  la  femme  de  chambre.  En 
effet ,  on  entendit  de  ce  côté  une  porte  s'ouvrir  et  des  bottes 
craquer  sur  le  parquet.  L'instant  d'après,  la  femme  de  chambre 
apparut: 

—  iMadame  est  trop  souffrante,  dit-elle,  pour  recevoir  aujour- 
d'hui. Vous  pouvez  vous  retirer,  ajouta-t-elle ,  en  promenant 
son  regard  sur  toute  l'assistance.  Puis ,  tenant  d'une  main  la 
porte  du  couloir ,  elle  dit  encore  :  Joseph  ,  ne  laissez  plus  entrer 
personne,  personne,  entendez-vous  ? 

Après  quoi,  les  neuf  ou  dix  personnes  qui  étaient  15  depuis  le 
matin  fin'cnt  bien  obligées  de  s'en  aller  ,  non  sans  mécontente- 
ment, ni  colère.  La  femme  âgée  disait  à  demi-voix  : 

—  Quand  on  ne  veut  pas  recevoir  ,  au  moins  on  le  dit  tout  de 
suite. 


—  Ah!  ah!  répondit  le  petit  Iiomme  sec,  on  ne  prévoit  pas 
toujours  ce  qui  arrive ,  et  je  sais  bien  ce  qui  vient  d'arriver. 

La  jeune  fille  sortit  la  dernière  :  il  serait  difficile  de  peindre 
la  stupeur  dont  elle  parut  frappée  en  apprenant  qu'il  n'y  avait 
plus  d'espoir  d'être  admise  chez  la  cantatrice. 

—  Mais,  monsieur,  dit-elle  au  valet  de  chambre,  voilà  quatre 
jours  que  je  viens  inutilement.  Vous  n'avez  donc  pas  dit  mon 
nom  à  madame  ? 

—  Je  l'ai  dit  avec  les  autres  ,  répondit  Joseph  sans  sourciller. 

—  Il  faut  absolument  que  je  parle  à  votre  maîtresse  aujour- 
d'hui. 

—  C'est  impossible:  elle  ne  recevra  pas. 

—  Mais  sortira-t-elle  ? 

—  Oui  ;  sur  les  deux  heures,  pour  aller  au  théâtre. 

—  Elle  passera  par  celte  pièce? 

—  Oui  sans  doule. 

—  Eh  bien!  permettez -moi  de  l'attendre  ici. 

—  C'est  impossible. 

—  Impossible  !  toujours  impossible.  N'importe  ,  je  la  verrai, 
je  lui  parlerai....  Je  l'attendrai,  fût-ce  dans  la  rue  ,  dit  en  sor- 
tant la  jeune  fille. 

—  Comme  vous  voudrez,  mademoiselle,  répondit  tranquille- 
ment Joseph  en  fermant  la  porte  sur  elle;  je  ne  puis  pas  vous 
en  empêcher. 

La  suite  au  prochain  numéro.  Paul  Smith. 


336 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


gai,  la  tournure  rien  de  comique?  C'est  positivement  ce 
qu'on  appelle  en  Italie  buffo  magro  ,  en  d'autres  termes  ,  un 
triste  plaisant.  Comme  acteur  ,  M.  ïagliafico  doit  demander 
promptement  sa  revanche;  son  jeu  n'a  pas  été,  à  beaucoup 
près ,  aussi  drôle  que  l'idée  saugrenue  qu'on  lui  a  prêtée  (nous 
ne  savons  en  vérité  pourquoi)  d'épouser  M"'^  Lacoste.  Comme 
chanteur,  on  eût  trouvé  qu'il  avait  une  méthode  excellente 
partout  ailleurs  qu'au  Théâtre-Italien. 

Prenons  garde  cependant  ;  à  propos  de  méthode,  Fornasari 
en  possède  une  qui  réclamerait  de  nombreux  amendements: 
et  d'abord  il  devrait  tâcher  de  chanter  plus  souvent  juste; 
ensuite  il  ferait  bien  de  ne  pas  prendre  une  sorte  d'aboiement 
convulsif  pour  de  l'expression  et  du  sentiment.  Morelli  ,  au 
contraire ,  a  pleinement  réussi  dans  le  rôle  du  prefctto  ,  mal- 
gré la  terrible  concurrence  de  Lablache.  Mario  a  prouvé  qu'il 
n'avait  vien  perdu  de  sa  voix,  malgré  les  sourdes  rumeurs 
parties  des  rives  de  la  Tamise.  M"'"  Persiani  a  délicieusement 
chanté  le  rôle  de  Linda  :  c'est  toujours  le  même  idéal  de  vo- 
calisation délicatement  uKancée ,  pleine  d'imagination  et  d'au- 
dace :  quel  dommage  que  le  charme  y  manque  quelquefois  ! 
jjme  Ëi-ambilla  aussi  a  parfaitement  rendu  le  rôle  du  petit , 
nous  voulions  dire  du  gros  Savoyard. 

La  salle  du  Théâtre- Italien  s'est  enrichie  d'une  rangée  de 
loges  nouvelles  de  chaque  côté  du  théâtre ,  et  ces  loges  ne 
sont  pas  moins  recherchées  que  les  autres.  Les  locataires 
abondent ,  l'argent  afflue;  on  accourt ,  on  se  presse,  et  on 
reste  froid  comme  glace.  A  peine  quelques  rares  bravos  se 
font-ils  entendre  :  on  dirait  que  les  habitués  épuisent  tout 
leur  enthousiasme  au  bureau  de  location.  Heureux  directeur! 
singulier  public  ! 

R. 


Bruxelles,  2  octobre  1844. 

L'administration  des  théâtres  royaux  de  celte  ville  vient  d'obtenir 
la  prolongalion  'le  son  privilège  pour  plusieurs  années.  Il  était  dif- 
ficile que  cette  faveur  ne  lui  fût  pas  accordée,  quoi  que  ses  actes 
soient  bien  loin  d'être  tous  exempts  de  critique,  quoi  qu'elle  n'ait 
pas  toujours  fait  ce  qu'elle  aurait  dû  pour  rendre  nos  spectacles 
dignes  d'une  c.ipitale.  Les  dilïérenls  entrepreneurs  qui  l'ont  précé- 
dée depuis  près  de  dix  ans  se  sont  reliris  laissant  des  déficils  plus 
ou  moins  considérables,  malgré  la  subvention  de  plus  de  cent  mille 
francs  que  leur  donnait  annuellement  le  roi  sur  sa  cassette.  Un  beau 
jour  l'intenilani  de  bi  liste  civile  trouvant  que  c'était  beaucoup  d'ar- 
gent donné  pour  un  tel  résultat,  proposa  au  roi  de  faire  une  large 
économie  sur  ce  chapitre  de  son  budget  particulier,  et  de  réduire  à 
vingl-quatre  mille  francs,  prix  de  sa  loge,  ce  subside  trop  élevé.  Ce 
qui  fut  dit  fut  fait.  L'administration  actuelle  devait  succomber 
promptement,  disait-on,  n'ayant  pas  même  les  ressources  mises  à  la 
dispo^ilion  de  ses  devancières,  ressources  qui  n'avaient  même  pas 
pu  sauver  celle-ci.  Cependant  depuis  trois  ans  elle  s'est  maintenue  à 
flot ,  elle  a  fait  honneur  à  ses  engagements,  et  le  théàlre,  enGn  ,  n'a 
pas  eu  de  ces  clôtures  forcées,  si  préjudiciables  aux  employés  d'a- 
bord, puis  au  public. 

La  Jteine  deCliiipre  sera  cet  hiver  la  pièce  à  succès.  Il  a  été  déployé 
dans  la  mise  en  scène  de  cet  ouvrage  un  luxe  que  vous  croyez,  mes- 
sieurs les  Parisien?,  n'être  à  la  portée  que  de  vos  seuls  théâtres.  L'ad- 
ministration avait  longtemps  reculé  devant  la  dépense  quand  on  lui 
disait ,  dans  ses  moments  d'embarras ,  que  la  Reine  de  Chypre  serait 
pour  elle  une  planche  de  salut;  elle  s'est  exécutée  si  franchement  à 
la  tin  ,  elle  a  si  bien  fait  les  choses,  que  l'on  n'a  pas  songé  à  lui  re- 
procher son  hésitilion.  Quant  à  l'exécution  musicale,  qui  est  incon- 
testablement la  partie  essentielle ,  bien  que  de  noire  temps  on  con- 
sidère souvent  plus  la  forme  que  le  fond  ,  elle  est  satisfaisante  sous 
beaucoup  de  rapports.  Les  premiers  rôles  sont  convenablement  rem- 
plis; malheureusement  les  chœurs  et  l'orchestre  ne  font  pas  aussi 
bien  leur  devoir. 

La  danse  esl  en  ce  moment  en  grande  faveur  auprès  du  public  de 
Bruxelles,  jadis  médiocrement  impressionné  par  cet  art  qu'illuslra 


Camargo,  sa  compatriote.  C'est  Fanny  Elssler  qui  la  première  a  su 
l'enthousiasmer  par  sa  grâce  voluplueuse  en  même  temps  que  par 
sa  pantomime  expressive.  Vint  ensuile  Cerrilo,  dont  la  jeunesse,  la 
vigueur  et  la  souplesse  firent  affluer  de  nouvelles  offrandes  à  l'autel 
de  Terpsichore.  Taglioiii,  enfin,  qui  est  et  qui  sera  toujours  pour 
nous  la  reine  de  la  danse ,  donne  en  ce  moment  des  représentations 
qui  font  courir  je  ne  dirai  pas  seulement  tout  Bruxelles,  mais  toute 
la  Belgique,  car  par  nos  longues  lignes  de  chemins  de  fer,  les  habi- 
lants  des  points  les  plus  éloignés  du  territoire  viennent  entendre 
dans  la  capitale  une  artisle  célèbre,  aussi  facilement  que  les  bour- 
geois de  Paris  vont  le  25  août  et  le  1='  mai  admirer  les  splendeurs 
hydraulii]ues  de  Versailles.  Taglioni  nous  quitte  le  5,  et  Fanny  Elss- 
ler, engagée  de  nouveau,  donnera  le  7  sa  première  représentation. 
Nous  tournons  à  la  dansomanie 

Il  n'est  pas  que  vous  ne  sachiez  que  Bruxelles  possède  deux 
théâtres  royaux  régis  par  la  même  administration,  l'un  sur  lequel 
on  joue  le  grand  opéra,  l'opéra-comique,  la  comédie  elle  ballet, 
l'autre  consacré  au  vaudevil'e.  De  tout  temps  on  s'était  borné  à  ou- 
vrir celui-ci  deux  fois  par  semaine.  La  concurreme  a  modifié  cet 
ancien  usage.  Le  théâtre  mû  par  la  vapeur,  dont  je  crois  vous  avoir 
parlé  dans  une  autre  lettre  ,  ajant  eu  quelques  succès,  nos  directeurs 
ont  pensé,  fort  judicieusement,  que  c'était  au  moyen  de  leur  petit 
spectacle  qu'ils  devaient  lutter  contre  un  rival  fâcheux.  La  première 
réforme  opérée  fut  importante,  quoique  loule  matérielle.  D'étroite, 
de  malpropre  et  d'incommode  qu'elle  était,  la  salle  devint  convena- 
blement proportionnée,  élégante  et  conforiable.  Il  y  a  dix  jours  en- 
viron que  le  public  a  été  mis  à  même  déjuger  de  ces  améliorations. 
Quanta  l'autre  réforme,  voici  en  quoi  elle  consiste.  On  ne  jouera 
plus  exclusivement  le  vaudeville  au  théâtre  restauré,  on  y  représen- 
tera des  opéras-comiques  en  un  et  en  deux  actes,  des  comédies  et 
des  drames  ;  il  sera  donné  quatre  représentations  par  semaine.  Sa- 
medi dernier  deux  petits  opéras  nouveaux  !  nouveaux  pour  Bruxelles 
bien  entendu),  le  Panier  fleuri,  de  M.  Ambroise  Thomas,  et  V Esclave 
de  Camoens,  de  M.  Flotlow,ont  fait  simultanément  leur  première  ap- 
parition ;  tons  deux  ont  réussi.  Les  opéras-comiques  d'un  style  léger 
produiront  plus  d'effet  dans  cette  salle  qu'au  théâtre  consiruit  pour 
donner  asile  au  grand  opéra.  Evidemment  la  Reme  de  Cln/pre  et  le 
Panier  fleuri  ne  peuvent  s'accommodi'r  de  la  même  scène.  Il  est 
à  désirer  seulement  que  l'administrai  ion  fasse  le  sacrifice  d'un  rang 
de  stalles  pour  loger  dans  l'orchestre  un  grand  nombre  de  musiciens 
de  plus,  'l'oulpelii  qu'il  soit  ou  qu'on  le  fasse,  encore  l'opéra-comique 
en  un  acte  doit-il  être  accompagné  autrement  que  le  vaudeville. 

Le  théâtre  mit  par  la  vapeur  parera  dilTicilement  la  botte  que  vien- 
nent de  lui  porter  les  entrepreneurs  des  théâtres  royaux.  Espérons 
pour  ses  habitués  que  la  colère  qu'il  en  ressentira  n'ira  point  jusqu'à 
l'explosion.  Il  esl  possible,  du  reste,  qu'il  conserve  un  certain  public 
et  que  Bruxelles  se  tmuve  avoir  ainsi  trois  ihéàlres  au  lieu  d'un.  Si 
les  entreprises  de  spectacles  réussissent  dans  la  capitale,  il  n'en  est 
pas  de  même  de  celles  des  villes  de  province.  La  situation  de  ces 
dernières  est  fâcheuse  en  général.  Tant  de  causes  concourent  à  leur 
ruine!  Le  théâtre  d'Anvers  complail  ses  campagnes  dramatiques  par 
des  faillites;  un  nouveau  directeur  avait  eu  le  courage  de  se  présen- 
ter et  semblait  devoir  être  plus  heureux  que  ses  devanciers.  Sa 
troupe  était  convenable,  tous  ses  artistes  avaient  été  admis  après  les 
épreuves  d'usage,  la  presse  locale  lui  protneltait  toutes  sortes  de 
prospérités.  Un  événement  imprévu  vient  de  rendre  problématique 
la  réalisation  des  espérances  qu'il  a  pu  former. 

Par  suite  d'un  revirement  politique  dont  il  est  inutile  qae  je 
vous  explique  les  motifs,  tous  étrangers  d'ailleurs  aux  matières  que 
traite  votre  Gazette,  un  nouveau  g  luvernement  a  été  donné  à  la 
province  d'Anvers.  Le  personnage  choisi  pour  occuper  ce  poste  ad- 
ministratif est  un  des  membres  les  plus  influents  du  parti  catholi- 
que; son  premier  soin,  en  arrivant  au  siège  de  son  gouvernement,  a 
élé  de  pré\enir  le  directeur  de  spectacle  qu'il  ne  conserverait  pas  la 
loge  occupée  par  son  prédécesseur.  Vous  concevez ,  un  catholique 
aller  au  théâtre  ,  cela  ne  se  saurait  voir.  On  dira  peut-êlre  que  M.  le 
gouverneur  pouvait  fon  bien  accorder  ses  scrupules  religieux  avec 
un  juste  senliuienl  d'humanité,  et  payer  sa  loge  sans  l'occuper  ,  en 
considération  de  ce  que  l'exploitation  d'un  théâtre  utilise  bien  des 
bras,  sans  compter  les  jambes,  et  nourrit  bien  ries  bouches.  Quoi 
qu  il  en  soit,  quel  sera  le  résultat  probable  de  celte  mesure?  Les  ca- 
tholiques modérés  qui  se  permeltaie  il  de  temps  en  temps  le  passe- 
temps  du  spectacle,  le  croyant  au  fait  assez  innocent,  n'oseront  plus 
aborder  le  thcâlreaprès  la  manifestation  anii-dramalique  que  vient 
de  faire  l'un  des  chefs  du  parli,  tandis  que  les  employés  du  gouver- 
nement s'abstiendront  par  esprit  de  subordination.  Il  est  très  diffi- 
cile, pour  ne  pas  dire  impossible,  de  faite  prospérer  un  théâtre 
dans  un  pays  oii  les  entrepreneurs  sont  placés  dans  de  pareilles  con- 
ditions. 


DE  PARIS. 


337 


Il  se  pouriait  que  j'eusse  à  vous  parler  de  quelque  festival  en 
plein  air  ou  en  plein  vent ,  car  dans  noire  pays  c'est  tout  un  ,  qui 
s'est  donné  il  y  a  quelques  jours  à  l'occasion  des  Cèles  comniémnra- 
lives  de  la  révolution  belge  de  1830;  mais  à  vous  dire  le  vrai,  j'ai  vu 
que  celte  musique  colossale  se  réilnisait  à  si  peu  de  chose  comme  der- 
nier résultat,  que  je  suis  resté  paisiblement  a  la  campagne  pendant 
que  les  trombones  et  les  ophicléides  grondaient  dans  le  parc  de 
Bruxelles.  Je  ne  parle  que  des  trombones  et  des  ophicléides,  parce 
que,  pour  ma  part,  je  n'ai  jamais,  à  l'exceplion  de  la  grosse  caisse  et 
cymbales,  entendu  autre  chose  dans  ces  concert^  du  dehors. 

Vous  savez,  ou  vous  ne  savez  pas,  queGéraldy  reprend  cette  année 
ses  cours  au  Conservatoire  de  Bruxelles.  Notre  école  doit  se  féliciter 
de  conserver  un  tel  mnitre.  Celui-ci  a  eu  depuis  quelque  temps  de 
l'instabililé  dans  ses  prnjels;  plusieurs  fois  il  a  annoncé  qu'il  cesserait 
ses  voyages  annuels  en  Belgique,  et  toujours  les  nombreux  amis  de 
son  talent  qu'il  laissait  dans  ce  pays  avaient  la  satisfaction  de  voir 
qu'il  revenait  sur  cette  résolution  fâcheuse.  Il  parait  que  cette  fois 
son  intention  de  nous  rester  est  bien  positive,  et  qu'il  a  pris  pour 
l'avenir  des  engagements  qui  ne  laissent,  aucun  doute  à  cet  égard. 
Comme  les  années  précédentes,  du  reste,  il  passera  seulement  six 
miiis  a  Bruxelles,  et  se  retrouvera  à  Paris  sur  la  brèche,  au  mome:it 
où  commencera  la  saison  des  réunions  musicales.  De  celte  façon  nous 
y  gagnons  et  vous  n'y  perdez  rien. 

Haumann  et  M"'«  S.ibiilier  comptaient  donner  un  concert  à  l'épo- 
que des  fêles  nationales  dont  je  vous  parlais  lout-â-l'heurc.  Le  mo- 
ment n'étant  pas  favorable,  ils  ont  ajourné  l'exécution  de  ce  projet. 
On  espère  qu'ils  ne  se  borneront  pas  à  une  seule  séance,  et  qu'il 
trouveront  à  organiser  une  série  de  séances  productives. 


LE  MEN'KTRIER. 

Dessin  de  Gavarni. 

Le  voilà  bien  ,  cet  ampliion  de  village ,  qui  remue  avec  son 
archet  des  niasses  presque  aussi  lourdes  que  les  pierres  dont 
se  composaient  les  murs  de  Thèbes.  II  a  les  cheveux  blancs , 
le  front  et  les  joues  sillonnées  de  rides  profondes;  mais  il 
n'en  est  pas  moius  gai ,  moins  malin  ,  moins  prêt  à  boire 
ainsi  qu'à  rire.  ÎNe  lui  demandez  pas  de  qui  sont  les  quadrilles 
qu'il  joue;  ne  cherchez  pas  à  les  comprendre.  Cela  n'a  pas 
de  nom  ,  cela  n'existe  dans  aucune  mnsique  du  monde  ,  et 
pourtant  cela  s'est  transmis  d'âge  en  âge  ,  de  violon  à  violon, 
comme  si  les  notes  en  eussent  été  gravées  sur  le  marbre  ou 
l'airain.  Le  Ménétrier  lient  une  hante  position  dans  le  village; 
quoiqu'il  n'exerce  son  art  que  le  dimanche  et  les  jours  so- 
lennels, où  il  y  a  noce  et  festin,  il  n'en  est  pas  moins 
l'homme  à  qui  les  jeunes  filles  font  la  plus  gracieuse  révé- 
rence ,  et  pour  qui  elles  sentent  au  fond  du  cœur  la  plus  vive 
tendresse  ,  après  leur  amoureux  toutefois. 


1T0TTTEL.LSS. 

*,*  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  à  l'Opéra,  Robert 
le  Diable.  M"'  Monilutaigny  débutera  dans  le  rôle  d'Alice. 

".*  Demain  lundi,  première  représentation  de  Richard  en  Pales- 
tine, opéra  en  3  actes. 

*,"  Lundi  dernier,  au  second  acte  de  Siradella,  Marié  s'est  foulé 
le  pied  en  le  posant  sur  un  coulisseau.  Par  suite  de  cet  accident  , 
l'artiste  n'a  pu  prendre  part  àla  répétition  générale  de  Hichanl  qui 
a  eu  lieu  jeudi  dernier.  C'est  ce  qui  a  retardé  l'ouvrage  jusqu'à  de- 
main. 

V  II  parait  probable  que  le  ballet  ani.oncé  sous  le  titre  de  la  Fille 
du  /''eu  OU  de  ta  Salamandre  ,  sera  remplacé  par  un  autre  ouvrage 
différent  de  sujet  et  de  titre. 

*,"  Delahaye,  le  jeune  chanteur,  dont  la  ville  de  Lille  déplore  en 
ce  moment  la  perte ,  a  succombé  en  dix  jours  à  une  fièvre  typhoïde. 

*,"  M"''  Taglioni  a  accepté,  dit  leSun,  un  engagement  d'un  an  aux 
État-Unis  ;  111,000  livres  sterling  (250,000  fr.)  ont  été  assurées  à  la 
Sylphide.  Cette  somme,  sans  doute,  se  grossira  encore  de  bénéfices 
accideutiels.  Après  cette  tournée  M"'  Taglioni  quittera  le  théâtre  et 
se  retirera  dans  m  villa  de  Côme. 

*,*  Saivi ,  l'ex-ténor  du  Théâtre-Italien  de  Paris  ,  s'est  embarqué 


à  Londres  le  24  septembre,  pour  se  rendre  à  StPétersbourg  et  à 
Moscou. 

*,"  il™"  Casimir  vient  de  perdre  son  mari  par  suite  d'une  mala- 
die de  poitrine.  Il  avait  été  artiste  à  l'Opérj-Comique ,  et  depuis 
longtemps  s'élait  relire  du  théâlre  pour  cause  de  santé. 

*,"  La  question  du  troisième  théâtre  lyrique  a  éié  renvoyée  à  la 
commission  spéciale  des  Ihéàlres  royaux.  On  annonce  qu'un  nou- 
veau concurrent  se  présente;  c'est  M.  Cbapiseau,  directeur  actuel 
du  théâtre  de  Versailles. 

"."  Les  nouvelles  théâtrales  de  province  sont  plus  désastreuses 
que  jamais.  La  clôture  des  théâtres  d'Avignon  et  de  JMarseille  a  été 
bientôt  suiv  e  de  l'annonce  que  le  théâtre  de  Montpellier  allait  èlre 
mis  en  sociélé  par  suite  des  embarras  qu'éprouvait  la  direction. 

*,'  Les  charmantes  sœurs  Milnnollo  sont  en  ce  moment  à  Bruxel- 
les ,  et  y  donnent  des  concerts  très  suivis. 

",*  La  réouverture  des  cours  de  piano  de  M.  F.  Le  Couppey,  pro- 
fesseur au  Conservatoire,  est  fixée  au  lundi  14  de  ce  mois. 

V  M.  Marins  Gueit ,  organiste  de  Paiul-Denis-du-Saint-Sacre- 
mcnf,  rue  Saint-Louis  au  Marais,  improvisera  un  7'e  Dcwa  qui  sera 
chanté  à  l'occasion  de  la  fêle  patronale  de  celte  paroisse,  le  samedi 
Il  octobre,  à  six  heures  précises  du  soir. 

*,*  M.  Sudre  est  de  retour  du  camp  de  la  Moselle,  où  il  avait  été 
envoyé  par  M.  le  maréchal  ministre  de  la  giierre,  pour  faire  des  ex- 
périences de  sa  mélhoile  téléphonique.  Ces  expériences  ont  été  exé- 
cutées sur  une  très  grande  échelle,  et  l'on  conçoit  qu'avec  qualre- 
vingt-qualre  clairons  qu'il  avait  dressés  ,  il  aurait  pu  communiquer 
à  trente  lieues  de  distance,  en  supposant  qu'on  employât  deux  ou 
trois  clairons  par  lieue.  Plusieurs  fois  M.  Sudre  a  cerné  la  ville  de 
Melz.avec  ses  clairons,  el  il  s'en  suiv.iil  qu'un  ordre  communiqué  à 
droiie  lui  revenait  à  gauche,  après  avoir  parcouru  tous  les  postes 
élablis  autour  de  la  ville.  Il  a  prouvé  par  la  qu'un  général  faisant  le 
siège  d'une  vilie  pouvait,  la  nuit  comme  le  jour,  donner  des  ordres 
à  toules  les  troupes  qui  inveslissent  la  place,  quoiqu'il  en  fût  séparé 
par  des  obstacles,  tels  que  lacs,  ponts,  fleuves  ou  rivières,  etc.  Espé- 
rons, enfin,  que  cet  essai  sera  le  dernier  qu'aura  eu  à  subir  la  mé- 
thode de  M.  Sudre,  et  que  le  gouvernement  n'attendra  pas  que 
quelque  puissance  étrangère  le  devance  dans  l'application  d'un  sys- 
tème qui  est  tout  d'origine  française.  Nous  avons  déjà  dit  qu'un  ca- 
pilaine  de  la  marine  anglaise  avait,  soi-disant,  inventé  un  instru- 
ment qu'il  appelle  le  Téléphone,  et  qui  n'est  qu'une  copie  de  celui 
que  M.  Sudre  fit  entendre  le  17  avril  1842,  à  la  salle  de  M.  Herz, 
dans  une  réunion  publique.  L'Angleterre  sera-t-elle  plus  active  que 
nous  ? 

"."  La  Société  de  musique  du  nord  de  l'Allemagne  avait  eu  l'ex- 
celle:;le  idée  de  proposer  des  prix  pour  des  produeiions  en  vers 
prOrTCS  a  être  mises  en  musique.  Parmi  les  pièces  qui  lui  furent  en- 
voyées, la  Suciété  en  a  couronné  trois;  la  plus  importante,  qui  porte 
le  lilre  assez  bizarre  :  La  Joie  un  jour  vouliu  se  marier  ,  a  obtenu  un 
prix  de  trente  ducats. 

*,'  Un  journal  de  Lyon  rapporte  le  fait  suivant  :  «  Nous  avons  as- 
si^té  à  un  exercice  public  où,  devant  un  auditoire  choisi,  les  aliénés 
des  deux  sexes  ont  chanté  plusieurs  morceaux  d'ensemble  d'une  ma- 
nière surprenante.  Apprendre  à  des  fous  des  mélodies  ,  les  leur  faire 
ch  nier  correctement  à  l'unisson,  serait  déjà  un  fait  dont  laccom- 
pli-ssement  devrait  étonner.  Mais  ce  qui  paraît  incroyable,  et  ce  que 
nous  avons  sincèrement  admiré,  c'est  qu'on  soit  parvenu  à  leur 
faire  exécuter,  avec  beaucoup  d'aplomb  ,  des  choeurs  à  plusieurs  par- 
ties. Ajoutons  que  les  morceaux  qui  figuraient  sur  le  programme 
étaient  Inus  d'une  certaine  importance,  et  que  plusieurs  même  of- 
fraient comme  exécution  de  réelles  dilTicultés,  sous  le  double  rapport 
du  rhythme  et  de  l'intonation.  Les  attaques,  les  rentrées  des  parties 
ont  été  bien  lailes  ,  ta  mesure  a  été  presque  toujours  irréprochable, 
et,  en  vérité,  plusieurs  passages  ont  été  rendus  avec  un  ensemble 
que  ne  désavoueraient  pas  des  choristes  de  profession.  Nous  cite- 
rons particulièrement  la  prière  de  la  IHueiie,  et  le  chœur  final  tiré 
du  bel  oratorio  de  M.  Neukomm,  l'Humne  à  la  uiiii. 

*,'  M.  N.  Crevel,  de  Charlemagne,  auteur  d'un  volume  de  Médi- 
tations religieuses,  d'une  traduction  en  vers  de  la  Sainle  Bible,  des 
Psaumes  de  Marcello,  vient  de  terminer  un  grand  poème  de  G  mille 
vers  sur  la  campagne  de  Russie.  Il  est  dédié  à  l'armée  française,  et 
intitulé  :  la  Moscoioade. 

Clis-oni9giie   départeiiieiitale. 

*,"  Versailles,  \^  septembre.  — M.  Jourdain,  notre  baryton  qui 
n'avait  pu,  avant  la  réouverture  de  notre  théâtre,  s'essayer  que  dans 
les  rôles  d' Aston  de  Lucie  ,  el  d'Alphonse  de  la  Favorite  ,  dans  les- 


338 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


quels  il  avait  obtenu  un  si  grand  succès,  vient  déjouer  le  mattre  de 
chapelle.rôle  d'un  genre  tout  diffèrent  avec  un  succès  égal,  et  l'on  peut 
déjà  lui  prédire  un  brillant  avenir  dans  la  difficile  carrière  qu'il  a 
embrassée.  Cet  excellent  artiste  se  fait  surtout  remarquer  par  sa 
bonne  tenue ,  la  suavité  et  la  sonorité  de  sa  voii ,  et  une  déclama- 
lion  lyrique  qui  permet  desaisir  toutes  les  nuances  du  sentimentqui 
a  inspiré  le  poëte  et  lemusicien.  A  bientôt  le  Camoëns,  le  Barbier, 
et  un  extrait  de  Charles  Vil  ouvrage  que  nous  devrons  au  talent 
de  M.  Jourdain. 

*,*  Alger.  —  La  rentrée  du  jeune  couple  Berton  s'est  faite  ici  avec 
beaucoup  de  succès  dans  la  Part  du  diable,  le  Domino  noir,  etc.  Les 
bravos  et  les  fleurs  n'y  ont  pas  manqué.  Tout  le  monde  a  reconnu 
que  M"'  Berton  avait  profité  du  séjour  qu'elle  vient  de  faire  à  Paris, 
et  que  son  talent  de  cantatrice  était  en  voie  de  progrès  aussi  brillant 
que  rapide. 

Clu'onifiiie  étraiigeFe. 

•,"  Genève,  27  septembre. — La  raison  et  la  justice  ont  enfin  triom- 
phé de  cabales  ridicules.  Le  grand  Opéra  nous  est  rendu  :  M.  Arnaud 
Brunet  et  M"'  Klolz  ont  fait  leur  rentrée  au  milieu  des  bravos  et 
des  fleurs  dans  lu  Favorite  .-  les  autres  artistes  ont  aussi  participé  aux 
honneurs  de  cette  brillante  soirée. 

V  Gand,  10  septembre.—  Mardi  passé  une  grande  fête  musicale  a 
eu  lieu  à  Tourout.  M.  Baumes  Arnaud,  qui  depuis  quelques  semaines 
esta  Ostende,  était  venu  encourager  de  sa  personne  l'une  de  ses 
élèves,  M"'  Wandevalle,  qui  donnait  concert  dans  cette  ville.  L'ha- 
bile professeur  du  Conservatoire  de  Gand  n'a  pu  résister  aux  vives 
instances  qui  lui  ont  été  adressées  pour  se  faire  entendre,  et  il  a 
tellement  enthousiasmé  son  auditoire,  que  la  plupart  des  morceaux 
qu'il  a  chantés  lui  ont  été  redemandés  par  acclamation,  et  qu'il  a  dû 
les  recommencer.  Le  soir  même  la  société  philharmonique  de  la  ville 
a  donné  une  superbe  sérénade  à  M""  Wandevalle  et  à  son  professeur, 
M.  Baumes  Armand. 

—  Les  concours  des  élèves  du  Conservatoire  ont  été  fort  remar- 
quables; on  a  surtout  distingué  les  classes  de  piano  dont  les  nota- 
bles progrès  attestent  des  soins  et  de  la  capacité  du  professeur, 
M.  Desomère.  Quant  aux  classes  de  chant,  il  semble  que,  depuis  leur 
création ,  quelques  mois  de  leçons  n'auraient  pu  suffire  pour  les 
rendre  dignes  de  grands  éloges  :  cependant  plusieurs  élèves  ont  jus- 
tifié les  espérances  que  l'arrivée  de  M.  Baumes-Armand  avait  fait 
naître.  Parmi  ceux  qui  se  sont  le  plus  fait  remarquer,  nous  devons 
surtout  citer  M.  llinsberg  et  M""  Keberghen. 

*.*  Dresde,  17  septembre.  —  Nous  possédons  actuellement  dans 
nos  murs  deux  illustrations  musicales  ,  MM.  Meyerbeer  et  Spontini. 
Pour  fêter  dignement  ces  grands  artistes,  la  direction  du  théâtre 
royal  de  l'Opéra  allemand  vient  de  faire  remettre  à  l'étude  La  Ves- 
tale et  11  Crociato  in  Egitto ,  qui  n'ont  pas  été  exécutées  ici ,  la  pre- 
mière depuis  quatorze  ans ,  et  l'autre  depuis  huit  ans.  //  Crociato 
n'a  même  jamais  été  représenté  en  allemand  à  Dresde.  On  le  don- 
nera d'après  la  traduction  qui  en  a  été  faite  par  M.  le  baron  de  Licli- 
lenstein  pour  le  théâtre  de  Berlin.  Le  grand  opéra  que  M.  Meyer- 
beer a  mis  en  musique  pour  l'inauguration  du  nouveau  théâtre 
lyrique  de  Berlin,  qui  aura  lieu  le  7  décembre,  est  intitulé  les 
Hussiies  devant  JVaumhourg.  Cet  ouvrage  est  en  trois  actes,  et  a  pour 
sujet  un  épisode  de  la  vie  du  fameux  Jean  Huss.  Il  s'y  trouve  une 
innovation  qui  consiste  en  ce  que  ,  au  lieu  de  dialogue,  il  y  aura  des 
récitatifs  obliges,  comme  dans  les  grands  opéras  français;  et  des  ré- 
citatifs simples,  à  l'instar  des  anciens  opéras  italiens,  ce  qui  n'existe 
encore  dans  aucun  opéra  allemand.  Nous  pouvons  assurer  que 
M.  Meyerbeer  a  écrit  pour  l'Académie  royale  de  Musique  de  Paris  le 
Prophète;  et  c'est  à  ce  théâtre  qu'il  sera  représenté,  quand  M.  Meyer- 
ber  trouvera  le  temps  opportun.  Il  est  probable  que  l'Africaine 
du  même  auteur,  opéra  entièrement  terminé,  précédera  te  Prophète 
et  sera  représcnlé  à  Paris  dans  le  courant  de  l'année  prochaine. 

—  Hier  au  soir  est  arrivé  à  Dresde  M.  le  lieutenant-général  Lvoff, 
aide-de-camp'de  l'empereur  Nicolas.  M.  Lvoiï,  qui,  comme  on  le  sait, 
est  auteur  de  quelques  grandes  coniposilions  vocales  et  de  plusieurs 
ouvrages  remarquables  pour  le  violon,  vient  d'écrire  pour  le  Ihiâlie 
Italien  de  Dresde  la  partition  d'un  opéra  en  trois  actes,  intitulé  : 
Bianca  e  Gualtieri,  dont  il  dirigera  lui-même  la  mise  en  scène  et 
les  répétitions. 

".*  Vienne.  —  F.e  public  commence  déjà  à  se  préoccuper  des  no- 
tabilités musicales  qui  doivent  visiter  la  capitale  de  l'Autriche  dans 
le  cours  de  la  saison  qui  commence.  Ernst  est  allcndu  avec  impa- 
tience ;  ce  sera  celte  année  le  lion  de  nos  concerts.  Nous  aurons  aussi 
Parish  Alvars,  le  célèbre  harpiste;  Servais,  ce  poète  élégiaque  sur 


le  violoncelle,  Dreyschock  et  Moschelès.  Les  grands  virtuoses  peuvent 
encore  espérer  de  voir  leurs  efforts  dignement  récompensés  :  quant 
aux  talents  moyens,  ils  feront  à  peine  leurs  frais.  La  salle  de  la  So- 
ciété de  musique  se  loue  de  80  à  120  francs  pour  deux  heures,  selon 
l'importance  du  prix  d'entrée  :  c'est  un  local  petit,  étroit,  sombre,  et, 
soit  dit  à  la  honte  de  notre  grande  et  riche  capitale,  c'est  le  seul. 
Quant  à  la  grande  et  la  petite  salle  de  redoute  et  à  celle  du  manège, 
elles  conviennent  beaucoup  mieux  aux  évolutions  de  cavalerie  ou 
aux  bruyantes  cohues  du  bal  masqué  qu'à  une  solennité  musicale. 
De  plus  le  bénéficiaire,  si  bénéfice  il  y  a,  est  tenu  d'employer  et  de 
payer  de  sa  poche  tout  le  personnel  attaché  au  Musikverein,  qui  ne 
subsiste  au  reste  que  du  produit  de  cette  location.  Ballochino  etMe- 
relli  sont  toujours  directeurs  du  théâtre  de  l'Opéra  de  la  cour;  mais 
leur  bail  expire,  et  le  ministère  n'a  point  encore  fait  son  choix  parmi 
les  nombreux  coiicurrents  qui  aspirent  à  leur  succession  :  dans  le 
nombre  il  y  en  a  qui  ont  offert  des  mises  de  fonds  de  quelque  im- 
portance :  d'autres  ont  pour  eux  la  réputation  d'un  talent  éprouvé. 
Désormais  la  direction  sera  divisée  en  deux  départements,  sous  la 
condition  expresse  que  l'un  des  directeurs  seulement  soit  italien  et 
l'autre  allemand  :  ils  administreront  à  tour  de  rôle.  Il  est  urgent  que 
l'on  protège  l'Opéra  allemand  contre  la  musique  italienne,  pour  que 
l'Opéra  allemand  ne  soit  pas  débordé  par  les  théâtres  de  Berlin,  de 
Dresde  et  de  Leipzig.  On  reprendra  également  le  grand  opéra  fran- 
çais, ainsi  que  l'opéra  avec  dialogue,  que  l'on  avait  négligés  com- 
plètement sous  l'administration  de  Ballochino.  Sous  le  rapport 
des  costumes  et  des  décors,  il  y  a  beaucoup  à  faire.  Pour  vous  don- 
ner une  idée  de  la  lésinerie  stupide  de  la  direction  actuelle,  il  suffira 
de  vous  dire  que  dans  Fidelio  les  prisonniers  paraissent  dans  le 
costume  des  bourgeois  de^Nuremberg  au  moyen-âge,  et  qu'à  une 
représentation  de  la  Flûte  enchantée ,  un  des  génies  perdit  ses  sou- 
liers, qui  étaient  trop  grands  pour  lui.  La  dotation  de  l'Opéra  de  la 
cour  est  de  75,000  florins,  ce  qui  fait  presque  200,000  francs.  Un 
nouvel  opéra  de  Proch  est  en  répétition:  il  est  intitulé  :  L'Anneau 
elle  Masque. On  compte  sur  un  succès. 

*,*  Francfort ,  le  mercredi  25  septembre.  —  Le  célèbre  pianiste 
Moschelès  a  dû  donner  dans  la  salle  de  l'hôtel  Mulhens  une  soirée 
dont  le  programme  annonçait  ,  entre  autres  compositions  :  L'Hom- 
mage à  Uaendel ,  exécuté  sur  deux  pianos,  par  lui  et  M.  Mendelsshon- 
Bartholdy.  Outre  ces  deux  célèbres  artistes,  nous  possédons  ici  Aloys 
Schmitt,  Ferdinand  Hiller,  Rosenhain  et  Doehler.  M.  Mendelssohn 
doit  passer  l'hiver  chez  nous.  M.  Alexandre  Boucher  s'est  fait  en- 
tendre au  théâtre,  où  il  a  obtenu  un  succès  d'estime. 

—  Nous  avons  entendn  ensuite  Stark  de  Vienne,  qui  a'chanté  un 
duo  de  Proch,  et  qui  a  été  couvert  d'applaudissements:  M.  Stark 
iniite  la  voix  de  femme  de  manière  à  rendre  l'illusion  complète.  Le 
nouveau  ténor  queM.  Guhr,  noire  maître  de  chapelle,  a  été  chercher 
en  Autriche,  H.  Gundy,  a  chanté  dans  l'opéra  de  Kreutzer,  Une 
Nuit  Cl  Grenade:  on  avait  prôné  ce  chanteur  outre  mesure,  ce  qui  a 
provoqué  une  réaction  défavorable  au  jeune  débutant,  pourvu  de 
brillants  moyens  qui  ont  encore  besoin  d'être  cultivés  et  développés. 
Les  ballets  d'enfants  sous  la  direction  de  madame  Weiss  ont  beau- 
coup de  succès. 

*,"  Berlin.  —  M.  C.  Lœwe  ,  célèbre  compositeur  de  ballades  ,  est 
arrivé  ici  et  a  reçu  l'accueille  plus  favorable.  On  a  placé  ses  ballades 
Edward  ,  Chant  des  JS'oces  ,  La  Fille  de  l'Hôtesse,  Oliif,  au  rang 
des  lieders  de  Schubert.  Il  a  commencé  à  faire  entendre  ses  com- 
positions dans  les  salons  de  M.  Wesqmc  (pseudonyme  de  Hoven  , 
l'auteur  de  Jeanne  d'Arc  ). 

',"  Bade,  18  septembre.  —  Le  théâtre  ferme  à  la  Un  du  mois.  Le 
concert  de  Doehler  et  Piotti  avait  attiré  beaucoup  de  monde  ;  une 
grande  chasse  aux  sangliers  doit  terminer  la  saison. 

*,•  Brunswick,  17  septembre  —  L'Académie  de  chant  de  notre  ca- 
pitale prépare  un  grand  festival  qui  aura  lieu  le  29  et  le  30  de  ce 
mois  dans  l'éj^lise  de  Sainte-Egide,  et  dont  la  direction  a  été  confiée 
au  célèbre  Spohr,  qui  est  incessamment  attendu  à  Brunswick,  sa 
ville  natale.  Voici  le  programme  de  celle  solennité,  où  il  y  aura 
sept  cents  chanteurs  et  trois  cents  instrumentistes,  en  tout,  mille 
exécutants;  premier  jour  :  la  Chute  de  Babijlone  ,  oratorio  de 
M.  Spohr;  second  jour:  V  la  cinquième  symphonie  du  même  au- 
teur; 2°  l'ouverture  de  JVaverley  de  M.  Hector  Berlioz,  qui,  ainsi 
que  les  autres  puissantes  compositions  de  ce  grand  artiste  français, 
a  obtenu,  l'année  dernière ,  un  si  grand  succès  chez  nous,  lorsqu'elle 
y  fut  exécutée  sous  sa  propre  direction. 

—  Russie.  —  Par  ordre  de  sa  majesté  l'empereur,  la  direction  im- 
périale des  théâtres  de  Pétersbourg  et  celle  de  Moskou  viennent  de 
régler  les  droits  d'auteur. 

Le  Directeur,  Réducteur  en  cher,  Maurice  SC^ILESINGER. 


liuprimerie  de  J^OUi;GCG^'£  et  JUAKILNET,  30,  rue  jMob. 


Pour  Paris  :  un  an ,  30  fr.  ;  six  mois,  15  Cr.     —    Annonces  :  50  c.  la  U>ne  de  28  lettres    —     Départements  :  un  an ,  34  Tr.  Étranger,  38  fr. 


REVUE 


CAZEHE  MUSICALE 

Rédigée  par  MM.  ANDEftS  ,  G.  UÉNÉDIT,  BERLIOZ  .  Heski  BLA.VCIIAIID .  MAtiiicE  llOliRGES,  F.  DANJOO,  DUESBERG ,  FÉTIS  pure ,  Êdohabd  FÉTIS, 
Stepiiem  HEI.LEK,    .1.  JAMN,    G.   KASTNKtt  ,    I.ISZT.  J.  MEIFRED  ,  GiiOBCE  SANO.   L.  RELLSTAD,  PiUL  SMITH,  A.  SI»EC1H  ,  etc. 


IL  SERA  JOINT  A  CHIQUE  MJMEllO  UN  DESSIN  INEDIT  DE  GAVARNI. 


SOMMAIRE.  Académie  royale  de  musique  :  Richard  en  Palestine, 
opéra  en  .3  aclcs  (  l"  représentation);  par  n.  BLANCHARD.— 
Institut  royal  de  France  :  Distribution  des  prix  et  exécution  des 
cantates  couronnées.  —  Celait  un  dilettante  à  la  vie,  à  la  mort. — 
Revue  critique;  par  G.  KASTNER.  —  Feuilleton.  — Nouvelles. — 
Annonces. 

ACCENTS  PLAINTIFS  D'UNE  ORPHELINE.  Dessin  de  Gavarni. 


ACADEMIE  ROYALE  DE  .^ÎL'SÏQLE. 

RICHARD  EN  PALESTINE. 

OPÉRA  EN   3  ACTES. 

Libretto  de  M.  Paul  Foucher;  partition  de  M.  A.  Adam. 
(Première  représentation.) 

La  plupart  des  romans  de  Walter  Scott  offrent  d'inépiii- 
saJDles  mines  de  diamants  dramatiques,  mines  d'une  très  diffi- 
cile exploitation.  Plusieurs  auteurs  ont  essayé  de  mettre  ses 
ouvrages  en  pièce ,  et  ils  n'y  ont  réussi  que  dans  la  mauvaise 
acception  de  ce  mot.  On  éprouve  d'abord  l'embarras  des  ri- 
chesses ,  et  l'on  ne  sait  que  choisir  ou  élaguer  dans  ces  tré- 


sors de  situations  touchantes  ou  comiques;  dans  cette  agglo- 
mération de  personnages  historiques  ou  fictifs,  de  scènes 
toutes  faites ,  mai.s  qui ,  pleines  de  détails  déHcieux  pour  les 
lecteurs,  sont  trop  longues  pour  le  public  impatient,  et  qui 
trouve  toujours  que  le  sujel  n'est  jamais  assez  tôt  expliqué. 
flj.  Paul  Foucher,  homme  de  décision  ,  a  tranché  dans  le  vif 
celte  *iUcsiion,  qui  n'est  pas  sans  analogieavec  celle  des  tra- 
ductions qu'un  axiome  italien  décide  au  mieux  en  disant  : 
tradiitlore,  tradilore.  11  n'a  pris  dans  les  Contes  des  croi- 
sades que  les  trois  points  culminants  de  cette  belle  épopée  , 
c'est-à-dire  l'amour  du  chevalier  Kenneth  pour  Edith  Plan- 
tagenet;  la  bannière  du  roi  donnée  en  garde  au  chevalier 
Kenneth  qui  la  laisse  enlever  par  Léopold  d'Autriche:  et 
Saladinqui  s'est  fait  médecin  de  Richard  Cœur-de-Lion ,  lui 
sauvant  la  vie  ainsi  qu'au  chevalier  Kenneth  ,  pour  mieux  les 
combattre  ensuite  sous  les  murs  d'Ascalon.  Cette  action 
simple,  qui  se  dénoue  par  la  grâce  accordée  à  Kenneth  ,  re- 
connu comme  roi  d'Ecosse ,  et  par  la  fuite  de  Saladin  ,  est 
d'un  effet  pittoresque  et  musical.  On  a  cru  voir  Abd-el-Kader 


Portefeuille  de  deux  Cantatrices  ^^\ 

lîVTRODUCTIOlV. 

(Suite.) 

La  jeune  fille  tint  parole  :  elle  sortit  de  cet  appartement  in- 
hospitalier, dont  elle  ne  connaissait  encore  que  l'antichambre, 
franchit  le  seuil  de  la  porte  cochère ,  puis  s'arrêta  brusquement, 
comme  déterminée  à  rcslep  en  sentinelle  dans  l'angle  de  la 
porte  et  du  mur.  Mais  elle  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  que  celte 
position  n'était  pas  tenable.  Elle  eût  encore  plutôt  supporté  le 
froid,  dont  l'impression  se  fit  aussitôt  sentir,  que  les  yeux  des 
passants ,  qui  la  regardaient ,  tous  avec  étonnement,  quelques 
uns  avec  une  curiosité  pleine  d'ironie  et  d'impertinence.  D'ail- 
leurs elle  était  trop  agitée  inlérieurement  pour  qu'une  complète 
immobilité  lui  fût  possible.  Combien  cette  immobilité  devait-elle 
se  prolonger?  Il  n'était  pas  encore  midi  :  «Madame,  lui  avait-on 
dit ,  ne  sortira  pas  avant  deux  heures  !  »  Deux  heures  d'attente  en 
pareille  situation,  c'était  plus  que  deux  siècles  !  Elle  se  mit  donc 
à  marcher  d'un  pas  rapide,  allant  droit  devant  elle,  sans  savoir 
oii  elle  allait,  et  suivant  cette  longue  ligne  qui ,  sous  le  nom  de 
rue  Saint-Lazare  et  de  rue  de  la  Pépinière,  vient  aboutir  au  point 


(1)  Toute  reproduction,  entière  ou  partielle,  de  cet  ouvrage  est 
interdite.  —  Voir  le  numéro  40. 


où  finit  le  Fanbourg-Sainl-Monorc  et  commence  le  Faubourg  du 
Roule.  Quand  elle  fut  arrivée  là,  elle  entra  dans  l'église  de  Saint- 
Pliilippe ,  s'agenouilla  sur  la  piejre  pour  prier  Dieu  avec  ferveur  ; 
sa  prière  faite,  elle  se  releva ,  et  reprit  sa  course  avec  une  nou- 
velle force  et  une  nouvelle  activité. 

Pour  ne  pas  revenir  par  le  même  chemin ,  la  jeune  fille  des- 
cendit le  Faubourg-Saint-Honoré,  prit  les  boulevards  jusqu'à  la 
rue  Grange-Batelière  et  se  dirigea  de  nouveau  vers  la  rue  Saint- 
Lazare.  Il  était  encore  trop  tôt,  elle  le  savait  bien,  quoiqu'elle 
ne  se  rendît  pas  un  compte  exact  du  temps  écoulé  depuis  qu'elle 
était  en  marche.  Au  lieu  de  choisir  la  voie  la  plus  courte ,  elle  fit 
à  dessein  plusieurs  détours,  descendant  par  une  rue  jusqu'au 
Faubourg-Montmartre,  et  remontant  par  une  autre  pour  redes- 
cendre encore ,  tâchant  de  consumer  en  pas  inutiles  ces  heures 
qu'elle  ne  savait  comment  dépenser. 

Enfin,  ne  résistant  plus  à  son  impatience,  épuisée  de  fatigue 
et  se  soutenant  à  peine,  elle  se  rapprocha  de  la  maison,  dont  la 
porte  s'était  déjà  ouverte  pour  elle  le  matin  même  :  —  Je  Repar- 
lerai qu'au  portier,  pensa-t-elle ,  car  les  domestiques  sont  trop 
insolents  !  Je  verrai  si  madame  est  prête  à  sortir ,  si  la  voiture 
est  attelée,  si  j'ai  encore  longtemps  à  attendre  ! 
i-  Comme  le  cœur  lui  battait  en  touchant  ce  marteau  fatal,  que 
jusqu'alors  elle  avait  touché  en  vain  l 

—  Serai-jo  plus  heureuse  cette  fois?  se  disait-elle;  parvien- 
drai-je  jusqu'à  celle  qui  est  mon  dernier  espoir  ? 


BURIAPX  S' ABONNEMENT,   RUE  RICHEUŒU,   97. 


S^iO 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


s'élançant  sur  son  coursier  arabe,  et  prenant  un  eongé  lapide 
duigénéral  Btigeaad  après  le  traité  de  la  Tafna.  Nous  avons 
entendu  quelques  spectateurs,  que  l'on'peut  ranger  dans  la 
catégorie  de  ces  plaisants  du  parterre  de  tous  les  temps,  qui 
disaient,  en  écoulant  ciianter  la  gloire  dcrAiigl-eicrre,  et  se 
souvenant  de  l'interdit  lancé  sur  l'opéra  de  Charhs  Vf,  que 
-deux  vaudevillistes  s'occupent  en  ce  moment  d'une  parodie 
'6è  l'opéra  nouveau,  et  qu'elle  est  intitulée  :  Prilchard  en 
3*iilesliiie.  Nous  doutons  fort  que  la  censure  laisse  passer  ce 
.petit  vaudeville,  d'autant  plus  que  le  héros  de  Taïii  est ,  dit- 
on,  sur  le  point  d'être  nommé  consul  en  Syrie.  En  attendant 
que  cette  nouvelle  se  confirme  ou  se  démente  ,  voyons  com- 
ment le  compositeur  s'est  tiré  de  la  mission  que  lui  avait  con- 
fiée le  poëte. 

L'ouverture  conimeirce  par  unirait  hardi,  rlsdhilo,  des 
premiers  violons  qui  annonce  nne  sorte  de  verve  de  pensée  : 
cette  brillante  et  verveuse  entrée  en  matière  est  originale  ; 
puis  vient  un  soli  de  quatre  cors  qui  a  moins  d'originalité , 
car,  sans  rappeler  absoluiient  le  dessin  mélodique  de  celui  de 
l'ouverture  du  Freyschûtz  ,  on  voit  que  le  compositeur  s'est 
inspiré  de  cette  idée  sans  produire ,  comme  Weber,  une  élé- 
gie tout  empreinte  d'une  mélancolie  mystérieuse  et  grandiose. 
Quoi  qu'il  en  soit,  ce  travail  des  quatre  cors  est  ingénieux, 
et  l'on  i;egrette  même  qu'il  soit  étranglé  et  qu'il  finisse  trop 
tôt.  Après  cela  vient  un  allegro  peu  développé  aussi  et  d'une 
forme  un  peu  vieille  ;  et  puis  un  autre  mouvement  animé  en 
forme  de  galop,  avec  accompagnement  de  triangle,  thème 
assez  distingué  et  qui  captive  l'attention  ;  puis  un  pas  redou- 
blé avec  tambour;  puis  un  autre  galop  qui  termine  cette  ou- 
verture ,  préface  assez  animée,  mais  un  peu  trop  faite  de 
pièces  et  de  morceaux,  comme  la  plupart  de  nos  ouvertures 
modernes,  dans  lesquelles  on  désirerait  cette  unité  dépensée, 
cette  logique,  qui  brillent  h  un  si  haut  point  dans  celles  de 
Gluck,  de  Vogel,  de  Méhul ,  et  parfois  de  Rossini ,  à  l'excep- 
tion de  son  ouverture  de  Guillaume  Tell,  qui  est  un  ravis- 
sant tableau  de  genre,  mais  qui  est  aussi  un  modèle  dange- 
reux de  cette  agglomération  d'éléments  divers,  de  sujets  dis- 
parates qui  n'ont  entre  eux  d'autres  liaisons  que  celles  de 
quelques  phrases  parasites  :  ceci  soit  dit  sans  préjudice  de 
l'inspiration  et  du  charme  dont  brillent  ces   suaves  soli  de 


-violoneelles  £t  de  cor  anglais,  cet  orage  avec  solo  de  flûte.,  et 
ce  chaud  pas a'edoublé  cousus  ensemble,  et  dans  lesquels  il 
estpermisà:la  phraséologie  littéraire  de  voir  tout  un  piiëme, 
oul'exorde,  le  tableau  logique  d'un.grand  musicien-peintre, 
d'un  génie  observateur  et  profond. 

•Le  chœur  d'introduction  chanté  par  les  soldats  anglais,  et 
le  chevalier  Kenneth  implorant  le  ciel  pour  la  guérison  du 
roi  Richard  malade  dans  sa  tente  ;  celui  des  Allemands  qui 
se  livrent  à  des  éclats  joyeux ,  et  l'air  d'Ismaol-Saladin  ne 
sont  pas  d'un  grand  effet.  On  voit  tout  d'abord  dans  la  seène 
qui  suit  entre  Ismael  et  Kenneth,  que  le  compositeur  ne  ma- 
nie pas  avec  aisance  le  récitatif,  habitué  qu'il  est  de  parler  le 
langage  musical  de  l'opéra-comique.  11  fait  quelquefois  ce 
récitatif  tiop  mélodique  :  la  cadence  parfaite  qui  intervient 
trop  fréquemment  jette  une  sorte  de  monotonie  que  les 
grands  maîtres  de  la  scène  lyrique  évitent  en  brisant  souvent 
la  cadence.  La  mélodie  se  montre  enfin  au  cantaUle ,  chanté 
par  Richard  :  Air  pur  qui  vient  de  la  patrie,  etc.  Le  com- 
positeur s'est  inspiré  là  de  la  pensée  de  son  librettiste  ,  qui  a 
été  poëte  dans  ce  morceau  comme  dans  plusieurs  situations 
de  l'ouvrage.  Des  imitations  entre  les  premiers  violons  et  les 
violoncelles  sont  d'un  bel  effet ,  et  l'on  regrette  qu'elles 
soient  trop  tôt  interrompues.  Le  duo  qui  suit  entre  la  reine 
Bérengère  et  Kenneth  :  Le  doux  pouvoir  de  quelque  fée  va 
peut-être  vous  secourir,  est  gracieux,  surtout  par  un  joli  des- 
sin de  violons  qui  en  accompagne  le  thème ,  et  le  boléro  : 
Dans  ma  folle  patrie ,  est  brillant.  Ce  motif,  repris  en  duo, 
est  séparé  par  un  quatrain  :  Pâture  orphelin  jeté  sur  cette 
terre ,  etc. ,  dont  la  mélodie  est  assez  noble ,  mais  un  peu 
vague  ;  elle  est  reprise  aussi  avec  bonheur  en  duo.  Le 
passage  qui  suit  sur  ces  paroles  :  Eh  !  mais  tant  de  malheurs 
prêtent  de  nouveaux  charmes ,  est  joU  de  pensée  et  de  musi- 
que, comme  ce  quatrain  de  Kenneih  est  beau  de  mélodie  et 
d'orchestre  : 

Sur  l'honneur,  sur  ma  vie,  au  ciel  même  espérée  , 

Du  poste  glorieux  disputant  les  abords, 

Sire  ,  je  défendrai  ta  Ijannière  sacrée, 

Vivant,  d'un  bras  vainqueur,  et  mourant,  de  mon  corps. 

Le  grand  air  de  bravoure  qui  ouvre  le  second  acte  est  tout- 
à-fait  dans  le  style  des  fioritures  du  chant  italien ,  si  ce  n'est 


Et  elle  frappa,  comme  elle  frappait  toujours,  modestenicnt, 
timidement,  tout  juste  autant  qu'il  fallait  pour  être  entendue. 

Le  portier,  c'est-à-dire  le  concierge,  s'avança  hors  de  sa  loge 
pour  voir  qui  avait  frappé.  A  la  question  que  lui  adressa  la  jeune 
fille,  si  madame  était  sortie,  il  répondit  : 

—  Certainement. 

—  Ah  !  ciel ,  reprit  la  jeune  fille,  on  m'avait  dit  qu'elle  ne  sor- 
tirait qu'à  deux  heures  ! 

—  Plus  tard  ou  plus  tôt,  c'est  tout  comme,  puisqu'à  cette 
heure  elle  ne  reçoit  jamais. 

—  Je  le  sais  bien ,  mais  je  voulais  me  trouver  sur  son  passage, 
lui  dire  un  mot  seulement,  rien  qu'un  mot....  Et  voilà  plus 
d'une  heure  que  j'attends  ! 

—  Où  donc  ça  ? 

—  Dans  la  rue je  me  suis  promenée j'avais  affaire!... 

—  Mauvais  temps  pour  courir. 

—  Aussi  je  suis  fatiguée  ! 

—  Je  le  crois Mais  donnez-vous    la  peine  d'entrer, 

mam'zelle.  Je  vous  reconnais...  vous  êtes  venue  ce  matin,  hier... 

—  Et  les  deux  jours  précédents  aussi. 

—  Vous  n'avez  pas  de  chance!...  Ah!  dame,  c'est  souvent 
comme  ça.  Il  y  a  tant  de  monde  qui  veulent  parler  à  madame  : 
et  souvent  clans  le  nombre  tant  de  particuliers  !... 

Tout  en  disant  ces  mots,  accompagnés  d'un  sourire  narquois, 
le  concierge  introduisait  la  jeune  (ille  dans  une  loge  meublée 


avec  un  luxe,  qui  de  nos  jours  n'aurait  rien  que  de  très  commun, 
mais  qui  à  cette  époque  était  si  extraordinaire  que,  sans  voidoir 
jeter  des  cloutes  sur  le  sentiment  généreux  dont  s'éiait  émue 
l'àme  du  concierge  à  l'aspect  d'une  jeune  fille  inquiète  et  souf- 
frante, on  pouvait  supposer  que  le  plaisir  de  faife  voir  à  une 
personne  étrangère  Félégance  de  son  manoir  était  entré  pour 
quelque  chose  dans  les  raisons  déterminantes  de  sa  bonne  action. 
Du  reste,  le  concierge  lui-même  se  chargea  de  la  commenter  : 

—  Puisqu'il  ne  sjagit  que  d'un  mot!  ajouta-t-il.  Pourtant  je 
ne  ferais  pas  ça  pour  une  autre,  ma  consigne  me  le  défend,  et 
elle  a  bien  raison ,  ma  consigne  !  sans  ça ,  tous  les  jours ,  matin 
et  soir ,  ce  serait  ici  comme  un  siège  ;  c'est  déjà  comme  .une  pro- 
cession. Je  crois  qu'ils  viennent  des  quatre  parties  de  l'univers, 
à  en  juger  par  les  jargons  qu'ils  parlent,  et  les  promesses  qu'ils 
me  font,  et  l'argent  qu'ils  m'offrent  !  je  ferais  ma  fortune  ,  si  je 
voulais....  Il  est  vrai  que  je  perdrais  ma  place. 

En  ce  moment,  une  voiture  s'arrêta  devant  la  porte,  un  coup 
de  marteau  retentit  :  le  concierge  tira  le  cordon  ,  et  un  homme 
aux  cheveux  grisonnants,  à  la  parole  difTicile,  légèrement  nuan- 
cée de  germanisme,  s'avança  la  fêle  haute,  en  disant  : 

—  Madame ,  elle  y  est. 

—  Non,  monsieur,  répondit  le  concierge,  elle  n'y  est  pas. 

—  Je  vous  dis  qu'elle  y  est,  moi,  répliqua  l'autre,  en  faisant 
.mine  de  vouloir  passer,  sans  tenir  compte  de  l'obstacle. 

—  El  moi,  je  vous  dis  qu'elle  n'y  est  pas,  s'écria  le  concierge , 


DE  PARIS. 


ail 


quelcfues  modulations  crues  et  qui  ne  viennent  pas  toujours 
à  propos,  comme,  |)ar  exemple,  sur  la  seconde  syllabe  du 
mot  patrie  qui  n'appelle  nullement  la  péripétie  ambitieuse- 
ment modulée  que  le  compositeur  y  fait  intervenir  si  singu- 
lièreniem.  Jlalgré  l'entière  confiance  qu'inspire  à  tout  le 
monde  la  brillante  vocalisation  de  M""  Dorus ,  nous  avons 
entendu  les  mêmes  plaisants  du  parterre  cités  plus  haut,  se 
dire  avec  appréhension,  en  écoutant  la  luxuriante  cantatrice: 
Ah  !  mon  Dieu  !  s'il  lui  en  venait  un  dans  la  gorge  pendant 
qu'elle  s'escrime  ainsi  sur  le  chat!.  —  Pour  l'intelligeuce  de 
ce  mauvais  jeu  de  mot,  il  suffira  de  dire  que  les  brillantes 
roulades  que  M""'  Dorus  exécute  avec  tant  de  sûreté  d'into- 
natiou  sont  faites  sur  la  première  syllabe  du  vers  suivant  dont 
on  n'entend  que  trois  premières  lettres  :  Charment  tous  les 
loisirs  de  notre  exil  pieux. 

Le  duetto  à  trois  temps  entre  Bérengère  et  sa  cousine 
Edith  sent  un  peu  la  valse  ,  et  M"''  Méquillet  y  tente  assez 
inutilement  d'y  faire  entendre  une  voix  de  contralto.  Le  trio 
qui  précède  le  finale  du  second  acte  :  Ciel  .'...  que  vois-je  !.. 
tout  est  tranquille,  est  d'un  beau  caractère;  l'unisson  de  la 
voix  avec  le  violoncelle  est  d'un  effet  large  et  puissant  :  cela 
est  bien  écrit  pour  les  voix;  mais  c'est  froid.  Le  récitatif 
d'Ismaël  :  Il  est  trop  tard  !  est  bien  déclamé  et  bien  orches- 
tré; mais  tout  le  reste  du  finale  est  d'un  style  italien  médiocre, 
avec  des  effets  d'orchestre  mesquins  :  c'est  surtout  dans  les 
morceaux  d'ensemble  que  le  compositeur  s'est  montré  faible. 

Le  duo  en  la  mineur  qui  se  trouve  au  commencement  du 
troisième  acte  entre  Edith  et  la  reine,  est  accompagné  par  un 
dessin  de  violon  qui  est  encore  trop  tôt  abandonné ,  et  qui 
n'est  pas  d'ailleurs  répondu  par  les  premiers  violons,  comme 
cela  se  trouve  dans  le  même  ton  et  à  peu  près  en  la  même 
forme  dans  un  air  de  soprano  du  Moïse,  de  Rossini.  Edith 
chante  ensuite  un  large  et  beau  canlahile  ,  toujours  accom- 
pagné par  les  violoncelles,  dont ,  au  reste  ,  il  est  fait  un  usage 
fréquent  dans  l'ouvrage.  Kennelh  reste  seul  et,  attendant  son 
arrêt ,  dit  un  couplet  de  romance  qui ,  sous  le  rapport  mélo- 
dique et  harmonique,  est  assez  insignifiant.  Le  chœur  qui 
précède  le  jugement  de  Kenneth  : 

De  la  justice  inexorable 

Yoici  l'instant  , 


est  un  morceau  bien  fait  et  d'un  beau  caractère;  et  le  récita- 
tif mesuré  du  roi  :  De  son  poste  un  soldat  ne  pouvait  être 
absent,  est  également  bien  déclamé;  mais  le  couplet  d'Edith 
pour  jusiilier  la  désertion  du  chevalier  manque  d'élévation  et 
surtout  do])assion;  la  mélodie  eu  est  molle  et  maniérée. 
Nous  voici  à  la  fm  de  l'œuvre  de  M.  Adam  ,  et  le  finale  du 
troisième  et  dernier  acte  n'est  pas  plus  saillant ,  si  ce  n'est 
jiar  l'effet  scénique,  que  les  deux  autres.  Si  nous  voulions 
nous  élever  à  de  hautes  considérations  d'art  et  d'école  à  pro- 
pos d'un  ouvrage  donné  sur  notre  première  scène  lyrique  , 
l'auteur  du  charmant  opéra-comique  du  Chalet  pourrait  nous 
trouver  dur,  sévère  ,  et  peut-être  même  injuste;  or,  comme 
nous  tenons  à  ne  pas  lui  paraître  tel ,  mais  seulement  impar- 
tial ,  nous  dirons  que  sa  nouvelle  partition  est  digne  de  ses 
aînées  ;  c[ue  si  elle  n'a  pas  remué  l'auditoire,  excité  l'enthou- 
siasme, elle  n'a  pas  non  plus  provoqué  le  moindre  murmure; 
que  plusieurs  morceaux  ont. fait  plaisir,  et  que,  par  consé- 
quent, cela  doit  s'appeler  un  succès,  dont  M.  Paul  Foucher 
peut  réclamer  une  bonne  part ,  ainsi  que  MM.  Diéterle, 
Séchan,  Dcspléchin  et  Ciceri;  et  comme  Saladin  ,  qui  coupe 
court  aux  questions  du  chevalier  Kenneth,  nous  répondrons 
aux  provocateurs  de  critiques  creusées  et  plus  incisives  :  — 
J'ai  dit. 

Henri  Blanchard. 


3ii6titiU  vomi  ï>f  Jrxancc. 

DISTRIBUTION  DES  PRIX  ET  EXÉCITION  DES  CâSTATES  COURONNÉES. 

On  dirait  que  l'Académie  des  Beaux-Arts  s'est  repentie  de 
l'économie  qu'elle  avait  faite  l'année  dernière  ,  en  ne  décer- 
nant qu'un  second  grand  prix  de  composition  musicale,  et 
pas  de  premier.  Cette  année,  elle  a  décerné  deux  premiers 
grands  prix,  et  elle;  a  retrouvé  ainsi  son  compte  de  futurs 
grands  hommes.  Toutefois  il  faut  dire  que  tel  n'était  pas 
l'avis  de  la  section  musicale,  qui  peut-être  se  connaîten  mu- 
sique aussi  bien  que  les  autres  sections  composées  de  peintres, 
de  sculpteurs ,  de  graveurs  et  d'architectes.  Les  musiciens 


en  s'élançant  de  sa  loge  pour  barrer  le  passage  à  l'opiniâtre  as- 
saillant. 

—  Mais  vous  dites  toujours  la  même  chose'....  Pas  possible 
que  madame  n"y  soit  jamais  ! 

—  Je  dis  à  irionsieur  ce  que  je  dois  lui  dire. 

—  Oui,  je  comprends,  mais  je  trouve  ça  pas  honnête,...  Je 
voudrais  écrire  mon  nom ,  avec  deux  lignes. 

—  Monsieur  peut  entrer. 

Et  l'étranger  ne  se  le  fit  pas  dire  deux  fois  :  il  entra  dans  la 
loge  tellement  préoccupé  de  ses  idées  et  probableitient  des  deux 
lignes  qu'il  avait  à  écrire,  qu'il  parut  ne  rien  voir  de  ce  qui  était 
autour  de  lui ,  pas  même  la  jeune  fille  ;  il  se  mit  à  écrire  debout, 
sur  le  marbre  d'une  commode  en  acajou  ornée  de  dorures.  Le 
concierge  avait  posé  devant  lui  un  cahier  de  papier  à  lettres 
d'une  blancheur  irréprochable,  un  encrier  rond  en  porcelaine 
bleue  bordée  d'or,  garni  de  toutes  ses  plumes.  L'étranger  en 
prit  une  et  la  roula  quelques  instants  entre  ses  doigts,  avant  de 
s'en  servir.  Enfin,  il  traça  quelques  mots,  non  sans  compter  plu- 
sieurs pauses,  et  signa  son  nom,  en  l'entourant  d'un  large  pa- 
raphe. 

—  Je  n'ai  pas  besoin  de  cacheter ,  ajouta-t-il  :  vous  remettrez 
cela  à  madame ,  et  demain ,  à  la  même  heure ,  je  reviendrai. 

Cela  dit ,  il  sortit  de  la  loge ,  portant  toujours  la  tête  haute  et 
sans  regarder  ni  à  droite  ni  à  gauche. 

—  nevicns,  si  tu  veux,  dit  le  concierge  de  manière  à  n'ctic 


entendu  que  de  la  jeune  fille ,  ton  affaire  est  dans  le  sac. 

En  ce  moment  l'étranger  se  ravisant  fit  quelques  pas  en  arrière, 
et  rouvrant  la  porte  de  la  loge  que  le  concierge  avait  déjà  fer- 
mée : 

—  Tenez,  dit- il ,  voilà  pour  le  papier  et  l'encre, 

—  Bien  obUgé,  monsieur,  dit  le  concierge  en  le  saluant  du 
bonnet,  et  en  attendant  cette  fois  pour  fermer  la  porte  de  sa 
loge  que  l'étranger  eût  tiré  sur  lui  celle  de  la  maison. 

—  A  la  bonne  heure,  dit-il,  en  faisant  briller  aux  yeux  de  la 
jeune  fille  le  napoléon  qu'il  venait  de  recevoir.  En  voilà  un  qui 
sait  vivre,  et,  ajouta-t-il  en  riant  de  sa  plaisanterie,  qui  proba- 
blement a  de  quoi  vivre.  Il  ne  vient  pas  en  fiacre ,  ni  en  cabriolet, 
celui-là  !  Il  a  un  équipage ,  et  un  bel  équipage.  Je  lui  trouve 
quelque  chose  de  distingué  dans  l'accent.  C'est  un  Allemand,  j'en 

suis  sûr.  Je  les  aime  beaucoup  les  Allemands Je  les  estime 

plus  que  les  Espagnols,  quoiqu'il  y  en  ait  de  généreux  aussi 

J'en  ai  connu  un,  pas  chez  madame....  c]iez  une  autre,  car  ma- 
dame n'est  pas  la  première  chez  qui  j'aye  été  concierge Et 

chez  cette  autre-Ià,  comme  ça  marchiiit!...  C'était  un  charme! 
Mais,  madame,  c'est  incroyable!...  Elle  refuse  tout!...  tout, 
quoi!...  Quand  elle  a  quelqu'un  qui  lui  plaît,  n'y  a  pas  d'ofi'rcs 
qui  tiennent ,  pas  d'or  ,  pas  d'argent,  pas  de  cadeaux  !...  J'en  ai 
là  une  preuve,  et  une  fière  preuve,  qui  m'onnuyc  même  au 
point  que  je  donnerais  quelque  chose  de  ma  poche  pour  en  être 
débarrassé  !  Tenez ,  mademoiselle ,  dit-il  en  ouvrant  le  premier 


3&2 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


n'avaient  jugé  qu'un  seul  élève  digne  de  l'honneur  d'être  en- 
voyé à  Rome,  et  cet  élève  était  M.  Massé;  l'Académie  en- 
tière a  cru  devoir  lui  adjoindre  le  jeune  Renaud  de  Wilback, 
enfant  extraordinaire ,  longtemps  privé  de  la  vue ,  et  dont 
plus  d'un  clairvoyant  pourrait  envier  le  talent  et  les  succès 
précoces. 

C'est  par  l'exécuiion  de  la  cantate  de  ce  dernier  que  la 
séance  s'est  ouverte.  Le  thème  poétique  livré  aux  concurrents 
avait  pour  titre  :  le  Renégat  de  Tanger.  Il  nous  semble  qu'on 
aurait  pu  l'inlilulcr  avec  plus  de  justesse  le  Chrétien  relaps. 
En  «(Tet,  il  s'agit  dans  ce  petit  drame  d'un  chrétien  qui  s'est 
voué  au  culte  de  Mahomet  pour  épouser  une  jeune  musul- 
mane ,  objet  de  son  amour.  Un  fils  est  né  de  cette  union ,  et 
quand  le  père  a  quelques  vœux  à  former,  quelques  dangers  à 
craindre,  c'est  toujours  la  vierge  Marie  qu'il  invoque  pour 
son  rejeton  et  pour  lui.  Le  cadi  vient  h  passer,  et  trouve  dans 
la  demeure  d'Ismayl  une  image  de  sa  sainte  protectrice  ;  il  se 
fâche ,  et  rappelle  au  renégat  pour  quels  motifs,  dans  quelles 
circonstances  il  a  juré  foi  et  hommage  au  Coran.  Alors  le  re- 
négat déclare  qu'il  est  plus  chrétien  que  jamais  :  Ebba ,  sa 
femme,  suit  son  exemple,  et  le  cadi  les  condamne  à  mort 
tous  les  deux  avec  leur  enfant.  S'il  ne  fallait  pas  avant  tout 
remercier  l'académicien  libre  (dont  les  concurrents  sont  forcés 
de  mettre  la  poésie  en  musique),  de  la  complaisance  extrême 
avec  laquelle  il  se  charge  depuis  plusieurs  années  d'un  travail 
ingrat,  il  y  aurait  bien  des  choses  à  dire,  tant  sur  le  choix 
de  ce  sujet,  que  sur  la  disposition  générale  du  drame,  et 
encore  plus  sur  la  structure  peu  académique  d'un  bon  nom- 
bre de  vers;  mais  ce  serait  presque  de  l'impolitesse,  et  l'au- 
teur du  Renégat  de  Tanger  mérite  au  moins  qu'on  le  paie  en 
égards,  lui  qui  se  montre  périodiquement  si  gracieux. 

La  cantate  du  jeune  Renaud  de  "Wilback,  élève  de  M.  Ha- 
lévy,  est  écrite  avec  une  sagesse  et  une  pureté  remarquable. 
Pouvait-on  exiger  plus  de  vigueur,  plus  d'élan  ,  plus  de  li- 
berté dans  le  maniement  de  l'orchestre  d'un  compositeur  à 
peine  âgé  de  15  ans  ?  Ce  n'est  l'âge  ni  des  idées,  ni  des  for- 
mes originales  :  Mozart ,  qui  avait  commencé  de  si  bonne 
heure,  n'écrivit  ses  chefs-d'œuvre  dramatiques  que  vers  la 
fin  de  sa  carrière  ,  si  courte,  mais  si  remplie.  Menghis,  de 
l'Opéra,  Hermann-Léon,  de  l'Opéra-comique,  et  Mlle  Mon- 


dulaigny,  premier  prix  de  chant  du  Conservatoire,  servaient 
d'interprètes  au  jeune  laurétit. 

M.  Massé,  élève  de  MM.  Ilalévy  et  Zimmerman  ,  a  vingt- 
deux  ans  :  cela  expliquerinconlestablesupériorité  de  son  œu- 
vre, danslaquelle  on  sent  déjà  l'empreinte  d'une  main  virile. 
flJais  ce  qui  vaut  le  mieux,  c'est  qu'indépendamment  de  l'art 
et  de  l'habitude,  on  y  reconnaît  une  inspiration  heureuse  et 
libre ,  une  franche  et  facile  mélodie.  Depuis  longtemps  les 
habitués  des  séances  du  5  octobre  n'avaient  rien  entendu 
d'aussi  satisfaisant,  d'aussi  riche  en  espérances  que  cette 
cantate,  fort  bien  chantée,  d'ailleurs,  par  Octave  et  Mlle  Do- 
bré,  de  l'Opéra,  et  Grard  de  l'Opéra-comique. 

Le  second  grand  prix  avait  été  remporté  par  M.  Mertens , 
élève  de  M.  Carafa ,  pour  la  composition,  et  qui,  pour  l'har- 
monie, a  suivi  les  leçons  de  M.  Lecouppey,  professeur  au 
Conservatoire. 

Entre  les  deux  cantates,  M.  Raoul  Rochelte  avait  présenté, 
sur  les  ouvrages  des  pensionnaires  de  Rome,  un  rapport  très 
judicieux ,  et  semé  d'autant  de  traits  spirituels  que  la  matière 
le  comporte.  On  y  a  remarqué  un  passage  relatif  aux  tra- 
vaux de  M.  Maillard ,  auteur  d'une  grande  scène  intitulée  : 
/  Longobardi ,  que  l'Académie  signale  comme  d'un  heu- 
reux augure  pour  l'avenir  de  ce  jeune  homme.  C'est  bien  le 
moins  que  sur  tant  de  lauréats  qui  vont  chercher  du  génie 
à  Rome,  il  s'en  trouve  quelques  uns  qui  nous  rapportent  de 
beaux  talents  :  cela  fait  prendre  patience. 

R. 


C'ÉTAIT  UN  DlLEÏÏAm  A  LA  VIE,  A  LA  MORT. 

Léopold  I",  empereur  d'Allemagne,  était  né  pour  l'har- 
monie: peu  fait  au  métier  des  armes,  et  ne  voulant  jamais 
courir  le  hasard  des  combats ,  il  ne  se  trouva  à  aucun  siège , 
il  ne  parut  à  la  tête  d'aucune  troupe.  Cependant,  comme 
il  monta  sur  le  trône  à  une  époque  où  l'Europe  était  conti  - 
nuellement  agitée,  il  fit  comme  tous  les  souverains  d'alors,  il 
guerroya  ;  mais  seulement  par  procuration  ,  par  ses  généraux 
qui  ne  furent  ni  les  moins  savants ,  ni  les  moins  heureux  de 


tiroir  de  sa  commode,  et  en  y  prenant  une  poignée  de  Icllres, 
de  petits  billets  de  toute  forme  exhalant  des  parfums  de  loute 
sorte  et  scellés  la  plupart  de  cachets  avec  armoiries,  voilà  d'abord 
la  provision  d'aujourd'hui!...  Que  ça  de  poulets  depuis  neuf 
heures!...  Je  les  serre  dans  ma  commode  parce  que  j'ai  ordre 
de  madame  de  ne  jamais  rien  laisser  traîner.  Ai  rive  qui  plante... 
il  en  peut  venir  un  qui  connaisse  l'éciilurc  de  l'autre,  et  ça  cause 
des  désagréments.  Au  lieu  de  ça  ,  ni  vu  ni  connu  ,  personne  que 
moi  et  ma  femme  ne  fourre  son  nez  là-dedans.  Mais  tenez,  voilà 
la  preuve  dont  je  vous  parlais  :  ça,  c'est  plus  merveilleux  que^ 
tout  le  reste  ! 

En  prononçant  ces  derniers  mots,  le  concierge  étendait  le  bras 
pour  saisir  au  fond  de  son  tiroir  un  petit  paquet  de  papiers,  en- 
touré d'une  faveur  rose ,  et  l'élevant  en  l'air  ; 

—  Pas  un  n'y  manque,  s'écria  t-il ,  pas  un  seul  !  Et  savez-vous 
combien  ils  sont  là  ?...  Cinquante,  mademoiselle,  cinquante  bons 
billets  de  la  banque  de  France ,  ni  plus  ni  moins.  Et  si  je  vous 
disais  comment  ils  sont. venus  ?  Je  le  sais  bien  moi ,  qui  les  ai  re- 
çus tous ,  d'abord  cinq  par  cinq ,  ensuite  dix  par  dix ,  et  les  der- 
niers vingt  tout  à  la  fois  pour  parfaire  les  cinquante  !  Figurez- 
vous  un  jeune  homme  ...  Je  me  flatte  qu'il  est  fou  celui-là!.,. 
Mais  qu'il  est  gentil  !...  qu'il  est  drôle  !  Ce  jeune  homme  donc, 
un  soir,  avait  vu  jouer  madame  ;  lui  qui  sortait ,  soi-disant ,  de 
son  collège  de  province,  et  qui  venait  d'hériter  d'un  vieux  pa- 
rent, n'avait  jamais  rien  vu  de  comparable.  Le  lendemain,  il 


vient  de  bonne  heure  et  demande  à  entrer  :  je  lui  dis  comme  aux 
autres.  Il  écrit  :  on  ne  lui  répond  pas.  Il  écrit  encore  et  déclare 
qu'il  ne  peut  vivre  sans  elle...,  sans  madame,  s'enlend!.,.  Et 
pour  la  faveur  de  causer  avec  elle,  le  jour  ou  la  nuit...  l'heure 
lui  est  indifférente,  cependant  il  préfère  la  nuit...,  c'est  Joseph 
qui  m'a  dit  ça,  d'après  la  femme  de  chambre....  rien  que  pour 
cette  faveur,  il  consigne  dans  la  lettre  cinq  billets.  Madame  me 
charge  de  les  lui  remettre  :  il  récrit ,  dix  billets,  Il  récrit  encore, 
vingt  billets ,  trente  billets ,  enfin  cinquante  billets  avec  cet  avis 
tourné  en  forme  de  phrase  :  «  C'est  tout  ce  que  j'ai  !...  Soyez  à 
»  moi,  ils  sont  à  vous,  »  et  autres  choses  semblables  terminées 
par  un  serment  de  ne  jamais  les  reprendre ,  et  de  se  luer  plutôt. 
Voilà  une  tête!...  Mais  elle  en  a  une  aussi,  madame,  et  elle  n'a 
pas  reculé  d'un  pouce.  Elle  m'a  dit  de  lui  remettre  ses  cinquante 
billets  :  il  est  venu,  j'ai  voulu  les  lui  rendre....  Ah  !  bah  !  il  court 
encore!...  11  y  a  trois  jours  de  cela....  Foi  d'honnête  homme, 
j'ai  peur  d'un  accident!...  C'est  qu'on  ne  connaît  pas  plus  son 
vrai  nom  que  son  adresse!  S'il  était  mort,  qu'est-ce  qui  hérite- 
rait?... En  attendant,  je  garde  ces  damnés  billets,  par  ordre  de 
madame,  et,  comme  je  vous  disais,  je  payerais  quelque  chose 
pour  m'en  débarrasser ,  à  condition  pourtant  que  ça  ne  serait 
pas  trop  cher. 

Le  concierge  en  était  là  de  ses  confidences  et  de  ses  récits,  que 
la  jeune  fdle  écoutait ,  sans  mol  dire  ,  sans  même  témoigner  par 
le  plus  léger  signe  qu'elle  en  suivait  le  fil  et  en  comprenait  le 


DE  PARIS. 


343 


ce  siècle  si  fertile  en  hommes  célèbres  ainsi  qu'en  grands  évé- 
nements. 

La  musique  était  pour  lui  la  plus  vraie  de  toutes  les  reli- 
gions, et  il  en  pratiquait  le  culte  avec  ferveur.  Familiarisé  de 
bonne  heure  avec  tous  les  mystères  de  la  science  des  sons , 
il  se  vantait ,  se  félicitait  de  posséder  une  sérénité  d'âme ,  une 
philosophie  qu'il  avait  puisées ,  dit-il ,  dans  l'exercice  de  cet 
art  divin. 

Dès  le  matin ,  en  se  levant ,  il  voulait  entendre  de  la  mu- 
sique ou  eu  faire  lui-même  pour  dissiper  les  impressions  mé- 
lancoliques provoquées  en  lui  par  un  sommeil  agité ,  un  ciel 
nébuleux  ou  par  les  innombrables  contrariétés  de  son  triste 
métier  de  souverain  :  il  disait  que  c'était  le  seul  moyen  de 
redevenir  homme,  bon ,  humain  ;  que  l'ouïe  occupée,  capti- 
vée, endort,  neutralise  les  appétits  grossiers  de  tous  les  autres 
sens,  idéalise  la  matière  et  fait  croire  à  l'âme.  Quand  il  sentait 
qu'il  allait  s'emporter,  il  se  calmait  comme  Saiil  aux  sonb 
doux  et  suaves  d'une  mélodie  qu'il  se  faisait,  dire ,  surtout 
celle  du  menuet  :  Quel  caprice  1  qu'il  avait  parodié ,  car  il 
composait  bien  ;  il  faisait  de  fort  jolis  canons  harmoniques , 
pendant  que  ceux  de  ses  armées  grondaient  dans  l'Europe.  Il 
fut  si  charmé  de  ceux  que  lui  fit  entendre ,  sur  le  clavecin  , 
un  Polonais  nommé  Kontski ,  aïeul  du  pianiste  actuel ,  qu'il 
l'anoblit.  Ajoutons  aussi  que  ce  noble  enfant  de  la  Lithuanie, 
qui  faisait  partie  de  l'armée  de  Sobieski ,  avait  contribué , 
comme  savant  artilleur,  à  faire  lever  le  siège  de  Vienne  par 
les  Turcs  en  1683.  Les  doubles  canons  de  ce  vaillant  Polonais 
devaient  donc  doublement  plaire  à  l'empereur.  Il  récompensa 
d'une  autre  manière  le  comte  de  Serin ,  noble  hongrois  qui 
avait  appelé  les  Turcs  dans  son  empire.  Malgré  la  jolie  voix 
de  ce  Serin  que  Léopold  aimait  beaucoup,  il  lui  fit  couper  la 
tête  pour  l'empêcher  de  chanter  une  autre  fois  l'hymne  de  la 
révolte  et  de  la  trahison,  ainsi  qu'à  deux  autres  seigneurs  de 
la  Hongrie  nommés  Nadasti  et  Frangipaui. 

Ce  que  cet  empereur  dilettante  aimait  le  mieux  dans  les  vic- 
toires remportées  par  ses  illustres  généraux,  Montecuculli,  le 
fameux  Churchill,  duc  de  Marlborough,  et  autres  grands  ca- 
pitaines, c'était  le  plaisir  de  faire  chanter  des  Te  i>eiijn  dans 
la  cathédrale  de  Vienne,  pour  célébrer  leurs  succès.  11  aurait 
sansdoule  fait  marquis  ou  comte  du  saint  empire,  s'il  l'avait 


connu  ,  l'auteur  de  la  chanson  qui  fut  faite  en  France  sur  le 
dernier  de  ces  deux  grands  tacticiens,  et  intitulée  :  Malbrouk 
s'en  va  t-en  guerre  ,  mélodie  naïve'  et  populaire  dont  l'ori- 
gine se  perd  dans  la  nuit  du  domaine  pubhc. 

Aussi  bon  politique  que  bon  musicien ,  Léopold  nous  céda 
Strasbourg ,  le  fort  de  Kehl  et  plusieurs  autres  places ,  pour 
que  nous  le  laissions  s'emparer  de  la  Transylvanie. 

Signataire  delà  paix  deRiswik,  il  allait  participer  au  grand 
morceau  d'ensemble  composé  à  propos  de  la  succession  d'Es- 
pagne qu'on  s'apprêtaità  contester  au  petit-fils  de  Louis  XIV, 
et  qui  devait  remettre  l'Europe  en  feu,  lorsqu'il  sentit ,  non 
qu'il  allait  devenir  Dieu,  comme  a  dit  ironiquement  l'empe- 
reur Vespasien ,  mais  que  le  principe ,  les  ressorts  de  la  vie 
en  lui  faisaient  une  fugue.  Philosophe,  chrétien,  épicurien  et 
musicien ,  il  ne  jeta  pas  comme  un  autre  empereur  un  défi 
stoïque  au  Christ  en  lui  disant  :  Tu  as  vaincu,  Galiléen  l  Sou- 
mis, résigné  à  payer  sa  dette  à  la  faible  humanité,  il  fit  venir 
son  médecin,  son  confesseur  et  les  musiciens  de  sa  chapelle. 
Il  donna  l'ordre  au  premier  de  lui  dire,  aussi  exactement  que 
possible ,  combien  de  temps  il  avait  encore  à  vivre  ;  et  quand 
il  eut  appris,  sans  émotion  apparente,  que  le  flambeau  de  la 
vie  impériale  allait  s'éteindre  avec  celui  du  jour,  que  dans 
quelques  heures  tout  serait  fini  pour  lui,  il  accorda  une 
heure  de  ce  temps  à  l'un  de  ces  hommes  qui  se  disent  les  in- 
terprètes de  la  miséricorde  divine ,  et  puis  le  congédia  pour 
exhaler  ses  derniers  soupirs,  pour  noyer  son  dernier  souffle 
dans  des  flots  d'harmonie.  Sa  figure  rayonna  des  émotions 
diverses  que  lui  fit  éprouver  une  musique  tour  à  tour  reli- 
gieuse, guerrière  et  sensuelle.  Il  s'éteignit  doucement,  mur- 
murant en  un  récitatif  qui  s'harmoniait  à  une  mélodie  suave 
et  mystérieuse ,  des  mots  vagues ,  interrompus  qui  sem- 
blaient dire  : 

La  musique  est  pour  moi  le  ciel  qui  va  s'ouvrir... 
Elle  m'apprit  à  vivre,  et  m'apprend  à  mourir. 

Ainsi  finit,  en  1705 ,  Léopold  I",  empereur  d'Allemagne, 
diplomate  rusé,  hypocrite  et  lâche  pour  quelques  uns;  pour 
quelques  autres,  politique  adroit,  ferme  ou  prudent  selon 
l'occasion;  philosophe  doux  et  bienveillant;  mais  surtout 
ayant  contribué  à  placer,  par  son  amour  pour  l'art  musical , 


sens,  lorsqu'un  bruit  de  voilure  roulant  sur  le  pavé  se  fit  enten- 
dre dans  la  cour. 

—  Ehl  eh!  dit  le  concierge,  tandis  que  je  cause  avec  vous, 
voilà  qu'on  a  attelé  !...  Deux  heures  bientôt....  Madame  va  sor- 
tir!... Faut  que  je  serre  encore  ces  billets....  N'est-ce  pas  taqui- 
nant d'avoir  un  trésor  qui  n'est  pas  votre  trésor  !  Si  on  me  vo- 
lait pourtant!...  Et  y  en  a  qu'on  volerait,  c'est  sûr....  Ah  !  dites 
donc ,  mademoiselle ,  si  c'était  un  effet  de  votre  part ,  quand 
madame  va  être  prête  ,  vous  sortirez  dehors ,  et  quand  j'ouvrirai 
la  grande  porte ,  vous  profiterez  de  ça  pour  entrer  et  courir  à  la 
portière,...  C'est  le  seul  moyen,  parce  que  autrement  j'aurais 
l'air  de  vous  avoir  cachée  ici ,  et  c'est  contre  ma  consigne.  Tenez, 
tenez  ,  voilà  le  moment....  Je  vais  ouvrir....  sortez  vite. 

La  jeune  fille  se  conforma  ponctuellement  aux  instructions  du 
concierge.  A  un  coup  d'œil  qu'il  lui  lança  en  ouvrant  les  deux 
battants  de  la  porte  cochère ,  elle  s'élança  vivement ,  courut  à  la 
voilure;  la  cantatrice  y  avait  déjà  pris  place,  et  le  jeune  homme 
qu'on  avait  vu  entrer  chez  elle  deux  heures  auparavant  par  le 
petit  escalier  se  disposait  à  y  monter.  La  jeune  fille,  recouvrant 
alors  la  voix,  qu'elle  semblait  avoir  perdue,  dit  avec  beaucoup 
d'émotion  : 

—  Pardonnez-moi,  madame,  si  je  suis  indiscrète,  mais  voilà 
quatre  jours  que  je  cherche  à  vous  voir,  à  vous  parler..., 

—  Eh  bien  I  mademoiselle,  que  me  voulez- vous?...  Et  d'abord 
qui  êles-vous?... 


—  Ce  que  je  veux ,  ce  serait  trop  long  à  vous  dire,  ici  ;  mais 
vous  me  connaissez,  madame....  je  suis  Esther  Saunier. 

—  Esther?...  Ma  petite  Esther?...  ma  filleule!  c'est  toi  mon 
enfant.  Comme  tu  es  grandie  !  et  comme  tu  as  l'air  triste  !..,  Est-ce 
que  tu  as  des  chagrins?...  Depuis  six  ans  que  je  n'ai  entendu 
parler  de  toi ,  il  a  dû  se  passer  bien  des  clioses  !  Monsieur ,  dit- 
elle  en  s'adressant  au  jeune  homme  ,  vous  ne  vous  doutiez  pas 
que  j'avais  une  filleule....  Je  vous  la  présente.  Esther,  quand  tu 
voudras  venir,  j'y  serai  toujours  pour  toi.  Demain  matin,  si  tu 
veux. 

—  Oh  !  demain ,  madame ,  il  serait  trop  tard  ! 

—  Trop  tard  !...  C'est  donc  une  affaire  bien  grave  ? 

—  Oui ,  madame. 

—  Alors,  attends-moi  :  je  vais  au  théâtre,  et  puis  j'ai  quel- 
ques emplettes  à  faire ,  à  six  heures  je  serai  rentrée  :  nous  dîne- 
rons ensemble.  Augustine....  Augustine!...  Baptiste,  appelez 
donc  Augustine  !...  Ah  !  la  voici....  Je  vous  confie  mademoiselle  : 
gardez-la-moi  jusqu'à  mon  retour.  Sans  adieu,  petite,  ne  t'en- 
nuie pas. 

—  Oh  !  merci ,  madame ,  que  vous  êtes  bonne  ! 

La  jeune  fille  n'eut  que  le  temps  de  prononcer  ces  mots  avec 
une  expression  dont  l'éloquence  ne  peut  se  rendre  :  elle  regarda 
la  voilure  partir,  et  ajouta  tout  bas,  en  croisant  ses  deux  mains  : 

—  Enfiu ,  mon  Dieu  !...  11  était  temps  ! 

La  suite  au  prochain  numéro.  Paul  Smith. 


ShU 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


rAlIemagiie  à  la  tète  des  nations  qui  se  sont  distinguées  par 
leur  goût  et  leur  aptitude  pour  la  science  harmonique ,  noble 
et  belle  prérogative  intellectuelle  qu'elle  ne  semblcpas  très 
jalouse  de  conserver,  car  il  ne  nous  vient  plus  de  celte  sa- 
vante Allemagne  que  le  bruit  de  son  fanatisme  pour  les  opé- 
rettes françaises,  pour  les  valses,  les  polkas,  les  quadrilles, 
lies  galops  et  autres  Postillon  de  Lonjwneaii. 


Ke-^ue  critique. 

Duo  pour  piano  à  quatre  mains  sur  le  God  savetheKing, 
par  M.  C. 'B.  Frank. —  Trois  mélodies  pour  piano  , 
Manuel  on  Hepiameron  du  jeune  pianiste ,  par  M.  Louis 
MULLEP..  —  Rudiment  des  chanteurs ,  par  M'"°  Claire 

HENA'ELEE. 

Voici  un  article  qui  aurait  dû  paraître  depuis  longtemps, 
nous  en  convenons  de  bonne  foi;  mais,  en  conscience,  nos 
relations  avec  un  pays  voisin  n'étaient-elles  pas  dénature,  il 
y  a  quelques  semaines  ,  à  nous  interdire  l'analyse  d'une  pu- 
blication sur  le  God  save  the  King  ?...  Aborder  une  pareille 
question  dans  un  pareil  moment ,  c'eût  été  jeter  de  l'huile 
sur  le  feu  et  nuire  aux  intérêts  mêmes  de  l'auteur.  Sans  vou- 
loir rechercher  le  motif  qui  a  déterminé  M.  Auguste  Frank 
à  choisir  de  préférence  l'air  du  God  save  the  King ,  nous 
louerons  franchement  la  manière  dont  il  l'a  traité.  Si  ce  n'est 
point  l'œuvre  d'un  profond  politique  ,  c'est ,  en  tous  cas  , 
l'œuvre  d'un  harmoniste  distingué.  Il  y  a  longtemps,  du 
reste  ,  que  M.  Frank  passe  pour  tel ,  et  le  duo  que  nous  avons 
sous  les  yeux  ne  pourra  qu'ajouter  à  sa  réputation.  C'est  un 
morceau  brillant,  développé  avec  beaucoup  d'art,  fort  bien 
doigté,  et  surtout  remarquable  par  l'intérêt  et  la  variété  des 
formes.  On  ne  peut  nier  d'ailleurs  que  la  mélodie  principale 
ne  soit  capable  de  produire  un  grand  effet ,  témoin  l'impo- 
sante et  grandiose  majesté  que  lui  impriment  les  nouveaux 
instruments  de  M.  Adolphe  Saxdans  les  mains  de  MM.  Dis- 
tin.  Le  thème  toutefois  n'est  pas  neuf;  cent ,  mille ,  dix  mille 
compositeurs  l'ont  accommodé  avec  force  variations,  qui 
pour  le  violon  ,  qui  pour  la  flûte ,  qui  pour  la  harpe ,  qui 
pour  le  piano  ou  tout  autre  instrument.  Des  ces  myriades  de 
God  save  the  King ,  combien  en  est-il  resté  hormis  ceux  qui 
avaient  pour  sauvegarde  un  nom  illustre  comme  celui  de 
Beethoven  oudeHummel?  —  M.  César-Atiguste  Frank  ne 
doit  pas  redouter  un  pareil  sort  :  le  mérite  de  sa  nouvelle 
production  l'atteste  ;  puis  le  sentiment  national  des  Anglais 
ne  lui  viendra-t-il  pas  un  peu  en  aide  ?  Nous  ne  serions  donc 
nullement  surpris  que,  contrairement  à  l'exemple  de  ses  pré- 
décesseurs ,  engloutis  dans  les  ondes  perfides  de  Léthé , 
M.  Frank,  plus  heureux  ou  mieux  inspiré,  surnageât. — 
M.  Louis  Muller  est  un  professeur  du  plus  haut  mérite  ; 
pour  se  convaincre  qu'il  est  en  même  temps  un  compositeur 
fort  agréable ,  il  suffit  de  jouer  ses  trois  mélodies  :  V Adieu 
au  Tyrol ,  l'Absence  et  le  Bonheur  de  se  revoir.  Un  chant 
gracieux  et  original ,  une  harmonie  pure  et  fraîche ,  telles 
senties  qualités  qui  recommandent  ces  jolis  petits  poënies, 
dont  l'éclat  et  le  peu  de  difficulté  doivent  contribuer  encore 
à  augmenter  la  vogue. 

Passant  de  l'apphcation  au  précepte,  l'auteur  des  trois 
mélodies  a  composé  aussi  un  cahier  d'exercices  élémentaires 
progressifs  pour  chacun  des  jours  de  la  semaine,  auquel  il 
donne  le  nom  d'Heptatneron.  Heptaméron  est  bien  le  mot , 
car  le  dimanche  y  compte  son  exercice  tout  comme  les  six 
autres  jours.  — Si  le  sort  nous  avait  fait  élève  de  M.  MûUer, 


nous  n'aurions  pas  manqué  de  réciter  à  ce  propos  le  premier 
verset  de  la  Genèse.  —  Pour  parler  sérieusement ,  l'idée  de 
cet  ouvrage  nous  semble  ingénieuse ,  et  son  exécution  sin- 
gulièrement propre  h  faciliter  et  à  hâter  les  progrès  des  jeunes 
pianistes. 

Fort  peu  de  femmes,  que  nous  sachions  ,  se  sont  mêlées 
d'écrire  des  méthodes  de  chant ,  et  cependant  qui  pourrait 
mieux  transmettre  les  préceptes  d'un  art  dont  elles  offrent 
de  si  nombreuses  et  de  si  brillantes  applications?  — Dans 
son  Rudiment  des  chanteurs ,  M""=  Claire  Hennelle  n'a  fait 
qu'effleurer  la  matière ,  mais  sa  tentative  ne  restera  peut- 
être  pas  infructueuse;  d'autres  pourront  s'emparer  de  son 
idée  et  en  développer  les  conséquences.  En  attendant,  bien 
qu'il  s'en  tienne  à  des  considérations  d'un  ordra  général , 
ce  premier  ouvrage  ne  laissera  pas  d'avoir  quelque  utililépour 
l'innombrable  classe  des  chanteurs  médiocres  ,  car  il  leur  ap- 
prendra à  former  le  son  et  à  le  diriger ,  à  rectifier  les  imper- 
fections de  la  voix,  à  observer  la  mesure ,  à  tenir  compte  des 
nuances,  à  passer  d'un  registre  à  l'autre ,  à  respirer  à  propos, 
et  enfin  à  bien  prononcer.  Dans  un  cadre  assez  restreint , 
M'""  Hennelle  a  su  expliquer ,  approfondir  et  résoudre  ces 
diverses  questions  en  excellente  praticienne ,  et  souvent  au 
moyen  de  théories  ingénieuses.  Son  dernier  chapitre,  en  par- 
ticulier ,  sur  la  prononciation  ,  renferme  des  aperçus  et  des 
déductions  qui  font  beaucoup  d'honneur  à  son  esprit  et  à  son 
goût. 

Georges  Kastner. 


ACCENTS  S?LAU\TIFS  D'UNIE  ORPHELINE. 
^essm  de  Gavarnî. 

Réunissez  dans  le  même  cadre  celte  excellente  figure  à  tant 
d'autres  physionomies  si  sérieusement  comiques,  telles  que 
la  Douleur  d'une  mère,  On  n'a  jamais  compris  mon  cœur. 
Si  j'étais  la  brise  du  soir,  et  mettez  sur  le  livret  :  Plusieurs 
chefs-d'œuvre,  même  numéro. 


*.*  Aujourd'hui  dimanclje,  à  l'Opéra,  par  extraordinaire,  les 
//«jHenWs.  —Demain  lundi  lUchard  en  Palestine  et  Giselle. 

"."Dimanciie  dernier,  M'ioMondutaigny,  qui  celle  année  aobtenu 
le  premier  prix  de  ctiant  et  un  second  prix  de  déclamation  lyrique 
au  Conservatoire,  a  débuté  dans  le  rôle  d'Alice  de  Robert-le-Diahle. 
On  annonce  qu'elle  s'essaiera  bienlôt  dans  la  Juive ,  et  alors  il  nous 
sera  plus  facile  de  porter  un  jngement  décisif.  Pour  cette  fois,  le 
début  s'était  fait  presque  au  pied  levé,  sans  répétitions  suffisantes. 
Dès  à  présent  nous  conseillons  à  la  jeune  arllste  de  songer  sérieuse- 
ment à  sa  tenue,  à  ses  gestes,  à  ses  poses,  et  à  sa  manière  de  mar- 
cher. Ce  n'est  pas  tout  d'être  bonne  musicienne  ,  il  faut  encore  se 
montrer  actrice  pour  réussir  à  l'Opéra. 

",*  Un  élève  du  Conservatoire,  possédant  une  belle  voix  de  basse , 
M.  Obin,  vient  d'être  engagé  à  ce  théâtre,  el  doit  y  débuter  inces- 
samment. 

',"  Le  Charles  yi,  d'Halévy,  vient  d'être  représenté  à  Toulouse 
avec  un  immense  succès  par  M""=  Wideman  et  Saint-Dénis ,  qui  en 
remplissent  les  deux  rôles  principaux.  Le  même  ouvrage  se  monte 
en  ce  moment  à  Lyon  et  à  Toulon  ,  tandis  qu'A  Rouen  on  prépare 
la  Reine  de  Chypre  ,  cet  autre  chef-d'œuvre  du  même  compositeur. 

*,*  La  grande  solennité  musicale,  qui  doit  avoir  lieu  à  l'Opéra  le 
i"  novembre,  sous  la  direction  de  M.  Habeneck,  se  prépare  avec 
autant  d'activité  que  de  succès.  Déjà  nous  pouvons  annoncer  que 
nos  plus  célèbres  chanteurs  et  cantatrices  y  prendront  part  :  Duprez, 
Levasseur,  Barroilhet,  Roger,  M"""  Damoreau  et  Dorus-Gras  ont  gé- 


DE  PARIS. 


345 


néreusement  consenti  à  se  ifaire. entendre  dans  le  fameux  oratorio 
d'Haydn,  la  Créuiion  du  Monde. 

*,'  Le  tliéàtre  Italien  va  vite  et  même  extrêmement  vite;  en-si-x 
représentations  il  n'a  pas  donné  moins  de  trois  ouvrages,  imrfa, 
lYorma  et  il  Burbiere.  Dans  Norma,  une  cantatrice  nouvelle, 
M"»  Manara s'est  chargée  du  rôle  d'Adalgise.  Son  succès  n'a  pas  été 
assez  brillant  pour  que  nous  la  jiigiors-sans.-ippel.  On  vante  beau- 
coup la  pureté  de  sa  méthode,  l'étendue  de  sa  voix,  qu'il  est  difficile 
déjuger  dans  un  rôle  tel  que  celui  qui  a  servi  à  son  premier  essai. 
Quant  à  Lablache  et  à  Ronconi ,  leur  rentrée  dans  il  BarbiercOL\ixo- 
duit  tout  l'effet  qu'on  pouvait  en  attendre.  Il  est  question  de  repré- 
senter bientôt  la  JVotie  à  Granaia,  de  Conradin  Kreutzer,  et /a 
•Servapadrona,  d'AIary.  Plus  tard  on  donnerait  un  opéra  de  Verdi, 
auteur  de  Nabucodonosor,  et  ElJ'rida,  opéra  de  Balfé,  auteur  des 
Quatre  fils  Atjmoii. 

"."  Le  Cuiiurrero  va  être  bientôt  repris  à  l'Opéra  Comique. 
M"'  Casimir  remplira  le  rôle  créé  par  M""  Capdeville. 

*,"  Une  ancienne  actrice  de  rOpéra-Coniique,  M""  Paul,  femme 
del'ex-acteur  de  ce  nom,  et  fille  du  célèbre  Michu,  vient  de  mourir. 

*»*  Une  jeune  cantatrice.  M"'  Viotorine  Naldi,  s'est  fait  entendre 
mercredi  dernier  au  concert  Yiviennc,  en  attendant  qu'elle  paraisse 
à  l'Opéra-Comique ,  où  ses  débuts  doivent  avoir  lieu  Lientùt. 

",*  Nous  exprimions  il  y  a  quelques  jours  le  désir  de  revoir  le 
le  célèbre  Thalberg,  qui  passera  l'hiver  à  Paris,  se  décider  à  donner 
quelques  leçons  pour  répandre  son  école,  et  former  à  Paris  des  élèves 
et  des  professeurs.  Nous  avons  la  satisfaction  d'annoncer  que  M.  Thal- 
berg veut  bien  accéder  au  désir  qu'un  grand  nombre  de  personnes 
a  partagé  avec  nous,  et  qu'il  prendra  un  petit  nombre  d'élèves  qui 
recevront  ses  précieux  conseils,  dans  l'hôtel  Horacc-Ycrnet,  rue 
St-Lazarc,  qu'il  habite  maintenant. 

V  A  Londres,  les  théâtres  de  la  Reine,  deDrurylane,  d'Adelphi 
et  du  Strand  viennent  de  rouvrir  pour  la  saison  d'hiver. 

'»*  La  reprise  des  concerts  de  la  Société  philharmonique  aura  lieu 
très  incessamment  dans  la  grande  salle  Montesquieu.  L'orchestre  sera 
comme  les  années  précédentes  dirigé  par  M.  Loiseau.  MM.  les  ar- 
tistes qui  seront  dans  l'intention  de  se  faire  entendre  dans  les  con- 
certs, et  AIM.  les  amateurs  qui  désireront  faire  partie  de  l'orchestre, 
sont  invités  à  se  faire  inscrire  rue  St-Martin,  114,  chez  le  directeur 
de  la  Société. 

''  M.  Charles  Widor,  organiste  de  Lyon,  se  fera  entendre  jeudi 
prochain,  17  courant,  à  Saint-Eustache. 

V  L'éditeur  J.  Meissonnier  vient  d'acquérir  la  propriété  de  la 
Saiiue-Céeile ,  opéra  comique  en  trois  actes  de  M.  de  llonfort  : 
incessamment  paraîtront  les  airs, détaches  avec  accompagnement  de 
piano  ,  l'ouverture  ,  quadrilles  ,  etc. 

V  Sous  le  titre  iaJuiJ  Erruni,,  l.'-édit«ur  Anbcrt  doit  publier 
très  prochainement  lun  nouveau  quaarillc^et  une  suite  de  valses 


par  Jean  Michaëli;  de  très  beaux  dessins  représentant  les  princi- 
paux types  du  roman  de  M.  E.  Sue  accompagneront  ces  deux  nou- 
velles publications,  dont  on  dit  le  plus  grand  bien. 

CIu*oiiiqiie  éti'angèi'e. 

*/  Hambourg.  —  Au  Théâtre  de  la  ville,  on  a  donné  récemment, 
■Cuido  et  Ginevra  ;  opéra  de  M.  Halévy.  Le  succès  a  répondu  à  l'at- 
tente de  l'administration  qui  s'était  mise  en  frais  de  costumes  et  de 
décors.  L'exécution  était  en  général  satisfaisante. 

",'  Francfori ,  2  octobre.  —  M.  Léopold  de  Meyer  a.  donné,  au 
théâtre ,  un  concert  dans  lequel  il  s'est  montré  l'im  des  plus  gi- 
gantesques pianistes  que  nous  ayons  eu  occasion  d'entendre.  11  est 
question  d'arranger  d«s  fêtes  de  chant,  en  Allemagne,  qui  auraient 
lieu  tous  les  cinq  ans;  les  tribus  les  plus  éloignées  de  la  nation  y 
seraient  représentées  par  des  députations ,  comme  cela  se  pratique 
en  Suisse.  Que  les  chefs  des  Lieder-Ferein  ne  se  laissent  pas  arrêter 
parles  premières  diflîcullés;  que  d'obstacles  n'a-l-il  pas  fallu  vain- 
cre pour  arriver  à  notre  première /éie  de  chant,  il  y  a  six  ans,  mais 
aussi  quels  heureux  résultats  n'a-t-elle  pas  produits?  11  n'y  a  pas  un 
bourg,  un  village  dans  nos  environs  où  l'on  ne  trouve  aujourd'hui 
une  société  de  chanteurs. 

*,"  Rome.  —  Les  œuvres  de  Palestrina  recueillies  et  mises  en 
ordre  par  J.  Baini  s'impriment  à  Leipzig,  et  sous  les  auspices  de 
M.  Bunsen,  à  Londres.  Dans  ces  derniers  temps  les  admirateurs 
de  Baini  ont  assisté  à  un  service  funèbre  célébré  pour  le  repos  de 
son  âme,  à  la  Ghiesa-Nuova.  11  est  question  d'ériger  un  monument 
au  Tasse,  dans  le  cimetière  du  couvent  de  Saint-Onofrio.  La  com- 
mission instituée  pour  présider  à  l'accomplissement  de  cette  œuvre 
pieuse ,  s'est  adressée  à  tous  les  souverains  de  l'Europe.  S.  M.  le  roi 
des  Français  a  envoyé  une  somme  de  1,000  fr.  pour  sa  part. 

V  Milan.  — Le  congrès  des  savants  a  donné  lieu  à  des  bals  et  à 
des  concerts  :  dans  le  vaste  local  de  Vy^rena  a  eu  lieu  une  fête  à  la- 
quelle assistaient  plus  de  (rente  mille  spectateurs.  C'était  une  espèce 
de  naumachie  dans  le  goût  des  anciens. 

*,*  J^enise..^  Luisa  Siroszi,  opéra  nouveau  en  trois  actes  du 
maestro  PiOnzi  vient  d'obteriir  un  grand  succès  sur  le  théâtre  de  la 
Fenice.  L'auteur  a  été  rappelé  cinq  fois  sur  la  scène  :  c'est  le  septième 
ouvrage  composé  par  lui. 

*,"  Parme.  —  On  vient  de  faire  une  découverte  du  plus  haut  in- 
térêt :  on  a  retrouvé  l'ancien  théâtre  à  une  grande  profondeur  sous  le 
sol  où  est  placée  la  ville  actuelle  ;  il  est  d'une  grande  dimension  et 
parfaitement-conserve.  Le  gouvernement  a  ordonné  de  poursuivre 
les  fouilles  avec  ardeur,  et  il  vient  de  fa  re  l'acquisition  de  plusieurs 
maisons  qui  mettaient  obstacle  à  la  continuation  des  opérations  qui 
sont  dirigées  par  M.  Lopez.  On  a  retrouvé  une  inscription  qui  fait 
mention  du  consul  Mumiwius,  le  mom«  qui  saeeagca  Corinthe. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


FuMieations  «le  MAURICE  SCHLESïKGŒaî,'  9&,  rite  Kielielien. 


A  grand  orchestre.  .  24  " 
En  partition  .     .     .  24  » 


Cr.iXDE   OLVEr.TliRE   CAr.VCTÊBlSTIQtE 


Pour  piano  à4  mains,  12 
Pour  deux  pianos.    .  15 


■ovoQlé  par  C.  MABTTO 

Fadeur  de  Pinnoa, 
BREVETÉ  DU  BOI 

Place  de  la  Rourse.  1  S. 


Le  CUrogymnaste  est  un  assemblage  deneafapp»- 
reilsçymaastiques  destinés  à  donner  de  l'exiens^ion  à 
lamain  et  de  l'écar!  aux  doigts  à  augmenteV  et  à  égali- 
er  leur  force  et  à  rendre  le  quatrième  et  le  cinquième 
indépendants  de  tons  les  autres.  Le  Ckirogymnaste 
aété  aussi  approuvé  et  adopté  parMM.  Adam,  Dertini, 
lie  Bcriot,  Cramer,  HeTz.Kalkbrenner,  Lislz,  iloschelét 
,  Pruùmi,  Sinon.  Thalberg,  Tulou,  Zimmermann,  etc. 
Chaque  Chirogymnasie  est  revêtu  de  ta  signature 
de  l'inventeur  et  se  iiend  place  de  la  Bourse,  n»  13, 
à  huit  appareils,  50/'r.,àneu/'app.60/'r.,  méthode,Zfr. 

G-ÏMKIASTIQÏJE  APPI-IQirÉE  A  I.ÉTUDE  DU  PIASIO,  J>ap  MARTIW,  31». 
E.  CVnMASTlttUE  DE^  DOIGTS,  par  H.  BEBTINI.  P^.  o.l,  3  f r.  •JS-* 

Les  expèdhiODs  sont  faites  contre  remboursement.  Emr«  iranco. 


PLUES  METAILWS  POUR  ECBIRE  LA  MCSIQUB. 

N'  13.  Pour  écrire  la  musique.  Celte  plume  convient  aussi  aux 
personnes  qui  n'écrivent  pas  llanglaisê.  —  N'  13  bis.  Pour  copier  la 
grosse  musique  lelle  que  parties  séparées,  et  écrire,  en  gros  et  en 
ronde.  —  N»  Iti  médimn  Plus  fine  que  le  N"  13,  très  bonne  pour 
l'éiritnre  expédiée. —  Prix  :1a  douzaine,  50  c.  ;  la  grosse,  4  francs. 
Chesî.AB.D-ESN'AUl.T,  Papetier,  rue  Feydeau  ,  23,  à  Paris. 

Spdcialiié  pour  la  reliure  de  musique  ;  papier  réglé  pour  musique 
de  tous  formais,  soit  ordin;rire  ,  ou  de  fantaisie,  ainsi  que  des 
albums  pour  écrire  la  musique. 


A.  BOR*!),  -rue  du  Sentier ,   fljl. 
SPÉCSALITÉ  POUR  LES  PIAMOS  A  QUEUE. 

Réduciiondc  prix.  Garanlie  de  '.!  années.  On  peut,  avant  de  conclure 
un  marché,  comparer  cesinslrujnenls  avec  ceux  de  tout  autre  facteur. 


346 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


En  vente  chez  MAURICE  SCHLESIIVGER ,  97,  rue  Richelieu. 


MORCEAUX  DÉTACHÉS  DU 


LAZZARONE 


OPÉRA  DE  F.  HAIÉVY: 


Ouverture. 
N.  1.  Cavatine  chantée  par  M""'  StoKz. 

2.  Air  de  l'improvisateur,  chanté  par  M.  Barroilhet. 

3.  Duo  chanté  par  M"'  StoUz  et  M.  Barroilhet. 

4.  Chanson  de  la  Bouquetière,  chantée  par  M""  Dorus-Gras. 

5.  Duo  chanté  par  M™"  Dorus-Gras  et  Sloltz.    - 

G.  Trio,  par  MM.  Barroilhet,  Levasseur  et  M"""  Dorus-Gras. 
7.  Couplets  du  baptême  de  la  cloche,  chantés  par  M'»«  Dorus. 


N.    8.  Duo  chanté  par  M.  Barroilhet  et  M»«  Dorus-Gras. 
9.  Chansonnette  chantée  par  M"»'  Stoltz. 

10.  Duo  chanté  par  M-""  Sloltz  et  Dorus-Gras. 

1 1 .  Duo  chanté  par  M.  Barroilhet  et  M"'=  Stoltz. 

11  bis.  Cavatine  extraite,  chantée  par  M.  Barroilhet. 
11  lev.  Romance  extraite,  chantée  par  M""  Stoltz. 
1 3.  Trio  chanté  par  MM.  Levasseur,  Barroilhet  et  M" 
13.  Couplets  chantés  par  M""  Sloltz. 


(Dtttîra^eô  noutïeatt^  pont  le  |îtmt0. 

FAR  F.  CHOPIN. 


'Sâ@33  3a^l9§lSâ@ 


dédiées  à  Mlle  G.  Maberly. 


Op.  66. 


DEUX  NOCTURIVES 


dédiés  à  Mlle"J.-W.  Stirling. 


Op.  55. 


[7  fr.  50  c. 


iWL 


i9 


IPAltTOiilî^aiB  IBIBIÎÎîiIîiù:^<ÎI2 


SDR   DES    THKSIES    DE 

X.A     FAVOB.ITE, 

de  Donizetti. 


Op.  51. 


BRILLAIVTE  IfPOLKA 


DE  SAiiOnr. 


'  Op.  60. 


Gfr. 


PAR  H.  ROSEllE^. 


FA]\TAIS1E  ET  VARIATIONS 

SCB 

Ha  TEMPEiJURIO. 

Op.  65.  7  fr.  50  C. 


FANTAISIS 


S«R  DES  MOTIFS  DE 


d'Halévy. 


Op.  56. 


Imprimerie  de  BOURGOGNE  et  MAETINET,  30,  rae  Jtcob. 


Pour  Paris  :  un  an ,  30  Fr.  ;  six  mois,  15  Tr.     —    Annonces  :  50  c,  la  liç^e  de  28  lettres    —    Départements  :  un  an ,  34  fr.  Étranger,  38  fr. 


GAZETTE  MUSICALE 

Rédigée  par  MM.  ANDERS,  g.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,   HENIU   BLA,\CHARD,  Mil-mCE  BOURGES,  F.  DANJOU,  ULESBERG,  FÉTIS  père,  ÉdODÀBD  FÉTIS, 
StepHEN  HELLER,    J.  JAMN,    g.  KASTNER,  LISZT,  J.  WEIFRED,  GEORGE  SAiND,   L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 


IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUIUERO  UIV  DESSIN  INEDIT  DE  GAVARNI. 


SOMMAIRE.  Théâtre  royal  de  l'Opéra-Comique -.  Le  Moiisqueiaire , 
opéra-comique  en  1  acle  (première  représentalioii  )  ;  par  H. 
BLANCHARD.  —  M,  Vieuxtemps.  —  Revue  critique  :  École 
d'orgue  de  M.  J.  Cadaux;  par  F.  DANJOU. —  Feuilleton. —  Nou- 
velles. —  Annonces. 

L'HARMONICA.  Dessin  de  Gavarni. 


THEATRE  ROYAL  DE  L'OPERA-COMIQUE. 
LE    MOUSQUETAIRE. 

OPÉRA-COMICJUE   EN  I    ACTE, 

Libretto  de  MM.  Armand  et  Achille  Dartois  ; 

partition  de  M.  Bousquet. 

(Première  représentation.) 

Ce  petit  acte  de  comédie  était  intitulé  :  le  Mousquetaire  et 
le  Conseiller.  Ce  titre  complexe  allait  bien  à  la  pièce  ,  car  le 
dernier  de  ces  personnages  y  joue  un  rôle  essentiel  :  c'est  le 
Talleyrand  au  petit  pied  de  cette  intrigue  d'amour,  qui  se 
noue  et  se  dénoue  par  lui  en  plein  xvnt°  siècle.  Nous  ne  sa- 


vons trop  pourquoi  les  auteurs ,  comme  le  Dorante  du  Men- 
teur de  Corneille,  ont  quitté  la  robe  pour  l'épée,  en  éliminant 
du  titre  de  l'ouvrage  Monsieur  le  conseiller.  Quoi  qu'il  en 
soit,  s'ils  ont  compté  sur  un  succès,  leiir  attente  ri  a  point  été 
trompée ,  ainsi  que  le  dit  encore  le  personnage  de  la  comédie 
de  Corneille  que  nous  venons  de  citer. 

M""  de  Launoy ,  fille  majeure ,  a  une  fort  jolie  nièce , 
qu'elle  désire  marier  à  un  jeune  mousquetaire  ,  à  qui  toutes 
deux  ont  sauvé  la  vie  en  lui  prodiguant  leurs  soins,  blessé 
qu'il  était.  La  complaisante  et  crédule  tante  engage  donc  ,  à 
cet  effet  ,[une  correspondance  avec  le  jeune  militaire ,  cor- 
respondance sans  résultat  :  car  un  conseiller  à  la  Cour  des 
ai  les,  de  la  gabelle  et  du  grenier  à.  sel ,  s'empare  des  lettres 
de  la  tante  ,  et  se  charge  d'y  répondre  pour  rompre  le  ma- 
riage projeté  ,  espérant  épouser  Cécile ,  la  jeune  personne, 
qu'il  sait  riche.  Le  mousquetaire  arrive  ,  par  hasard  ,  au  mo- 
ment où  il  était  attendu  par  sa  future  ,  mais  non  par  le  con- 
seiller ,  fort  embarrassé  de  sa  présence.  Les  scènes ,  l'imbro- 
glio ,  qui  résultent  de  ce  quiproquo  un  peu  forcé,  sont  co- 


Portefeuille  de  deux  Cantalrices  ^^\ 

L\TRODL!CTIO.\. 

(Suite  et  fin.) 

L'attente  ressemble  à  une  route,  en  ce  point  qu'elle  cesse  de 
paraître  longue  dès  qu'on  en  connaît  positivement  le  lerme.  La 
cantatrice  avait  dit  qu'elle  rentrerait  vers  six  heures  :  à  cinq 
heures  et  demie  elle  était  de  retour  :  elle  avait  expédié  ses  afl'aires 
de  théâtre,  parcouru  vingt  magasins,  d'où  elle  rapportait  des 
étoffes  de  soie,  du  velours,  des  dentelles,  sans  compter  une  parure 
en  opales  et  améthystes  ,  et  deux  ou  trois  bagues  qu'elle  avait 
choisies  chez  Franchet.  Elle  avait  congédié  gracieusement  son 
jeune  cavalier,  qui  ne  l'avait  quittée,  pendant  toutes  ses  courses,' 
que  le  temps  qu'il  lui  avait  fallu  pour  causer  avec  son  directeur 
et  pour  toucher  ses  appoinlcmenis  à  la  caisse  de  l'Opéra.  Elle 
voulait  dîner  seule  avec  la  jeune  fille  pour  être  tout  entière  à  ses 
confidences,  à  ses  chagrins;  car  il  était  clair  qu'elle  devait  en 
avoir,  et  même  de  très  vifs.  Dès  qu'elle  l'eut  retrouvée,  au  coin 
du  feu,  dans  sa  chambre,  où  elle  avait  ordonné  qu'on  la  servit, 
elle  se  hâta  d'entrer  en  matière  : 

—  Eh  bien!  chère  petite,  tu  dis  donc  que  tu  as  besoin  de 
moi,  et  qu'il  s'agit  de  quelque  chose  qui  presse....  Voyons, 
parle,  qu'est-ce  que  c'est  ? 


(1)  Voirlesnuméros40  et  41. 


—  Oh!  madame,  c'est  tout!...  C'est  ma  vie  ou  ma  mort!... 
Je  suis  seule  au  monde....  je  n'ai  plus  de  ressources....  que  vous. 

—  Que  me  dis-tu  là?...  Je  sais  que  ta  pauvre  mère  est  morte, 
j'ai  reçu  le  lilllet....  la  bonne  et  digne  femme!...  Mais  tes  autres 
paienis,  ton  oncle,  les  cousins....  on  a  toujours  des  cousins,  à 
ton  âge  et  avec  ta  ligure,  quoiqu'un  peu  pâle,  un  peu  maigre.... 
on  voit  que  tu  as  souffert...  je  veux  que  tu  te  refasses  bien  vile!.. 
Mais  procédons  par  ordre....  quand  je  t'ai  perdue  de  vue.... 
quand  tu  as  cessé  de  venir  me  voir,  j'entrais  à  l'Opéra,  j'y  faisais 
mes  débuts,  et  toi,  tu  étais  chez  Choron,  tu  promettais  d'avoir 
de  la  voix;  pour  un  enfant,  tu  ne  lisais  pas  mal  la  musique.... 
pourquoi  m'as-tu  plantée  là  brusquement,  dans  mes  grandeurs  ? 

—  C'est  maman  qui  le  voulut  ainsi. 

—  Parce  que  j'élais  au  théâtre?... 

—  Et  aussi  parce  qu'on  lui  avait  dit.... 

—  Que  j'avais  un  amant  peut«ètre plusieurs  amants 

scrupule  de  mère,  je  le  conçois..,  à  sa  place  ,  j'en  aurais  fait 
autant. 

—  Moi-même,  je  quittai  l'école  ,  parce  que  maman  crut  re- 
marquer.... 

—  Que  quelqu'un  t'y  faisait  la  cour,  et  la  remarque  était  juste, 
n'est-ce  pas  ? 

—  Que  trop....  il  y  avait  là  un  jeune  homme  qui  s'était  pris 
pour  moi  d'une  passion...  oh  1  mais  d'une  passion!...  Il  n'est 
plus  à  Paris  maintenant....  je  le  crois  en  Italie,  Et  puis,  il  y  eu 


BTTREAUX  S'ABONNEiaZNT,   RnE  IUCHEI.IEU,   97. 


SUS 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


miques  et  amusantes  ;  elles  se  trouvent  compliquées  par  la 
curiosité  d'un  jardinier  imbécile ,  curieux  et  bavard ,  et  d'un 
échevin  qui  n'a  guère  que  la  première  qualité  négative  du 
jardinier,  qui  aime  la  tante  et  prétend  à  sa  main.  Grâce  à  la 
protection  du  mousquetaire ,  M.  l'échevin  arrive  à  son  but  ; 
le  fils  de  Bellone ,  comme  on  disait  au  temps  oii  se  passe  l'ac- 
tion ,  serre  les  nœuds  de  l'hyménée  avec  la  jeune  Cécile  ,  et 
M.  le  conseiller  du  grenier  à  sel  perd  son  procès  dans  toutes 
les  formes.  Cela  devait  être  en  bonne  morale  d'opéra-comi- 
que, résumée  en  ces  deux  vers ,  mis  en  musique  par  Grétry 
dans  Y  Ami  de  la  maison  de  M.  Marmpntel  : 

Rien  ne  plaît  tant  aux  yeux  des  belles 
Que  le  courage  des  guerriers. 

Sur  ce  canevas  poudré  ,  doré  ,  moucheté  ,  paillette  et  un 
peu  collet  monté,  W.  Bousquet ,  lauréat  de  l'Institut ,  a  brodé 
une  musique  légère,  élégante  et  vive,  bien  en  hai-monie  avec 
le  poëme.  Son  ouverture  ,  dans  laquelle  chantent  d'abord  les 
violoncelles  d'une  manière  élégiaque ,  se  développe  ensuite 
en  une  spirituelle  valse  bien  dialoguée  entre  les  violons  et  les 
instruments  à  vent.  La  romance  chantée  par  Cécile,  et  qui 
est  terminée  par  un  petit  ensemble  ,  est  d'une  jolie  mélodie  ; 
puis  vient  un  trio  scénique  entre  le  conseiller ,  l'échevin  et  le 
jardinier  ,  dont  l'effet  est  cependant  plus  dans  l'orchestre  que 
sur  la  scène.  Après  un  autre  trio  bien  écrit  pour  les  voix  ,  le 
mousquetaire  et  Cécile  chantent  un  duo  d'une  bonne  facture. 
Il  eût  été  sans  doute  plus  dramatique ,  si  le  compositeur  avait 
eu  à  exprimer  des  sentiments  moins  alambiqués  ;  s'il  n'avait 
pas  eu  à  peindre  un  amour  qui  renaît  de  ses  souvenirs  ,  un 
amour  hésitant ,  équivoque  ,  peu  propre  à  l'effet  musical. 

L'air  :  Je  suis  amoureux ,  chanté  par  le  mousquetaire,  est 
d'une  mélodie  assez  franche ,  mais  à  laquelle  on  pourrait  de- 
mander uu  peu  plus  d'originalité  ;  elle  est  accompagnée  ,  au 
reste,  d'une  manière  ingénieuse  et  brillante,  par  des  effels 
de  musique  militaire.  La  romance  en  deux  couplets  ,  dont  le 
premier  est  dit  par  Cécile  et  le  second  par  le  mousquetaire , 
est  jolie  ,  et  soutenue  par  une  harmonie  on  ne  peut  plus  dis- 
tinguée. Ici  se  termine  la  tâche  du  compositeur ,  dont  cette 
partition  est  le  premier  début ,  qui  annonce  un  bon  compo- 
siteur de  plus.  Espérons  qu'il  comprendra  la  distance  diffi- 


cile à  franchir  qui  sépare  l'homme  qui  sait  de  l'homme  qui 
crée ,  de  celui  qu'on  voit  quittant  les  allées  symétriques  de 
l'harmonie ,  où  se  promènent  tant  de  compositeurs ,  pour 
marcher  librement,  audacieusement,  dans  les  champs  fleuris 
de  la  mélodie,  et  y  cueilUr  des  fleurs,  aGn  d'en  harmonier 
capricieusement  les  couleurs ,  comme  aucun  autre  ne  l'a  fait 
avant  lui. 

Les  acteurs  ne  se  sont  pas  mal  acquittés  de  la  mission  qui 
leur  a  été  confiée  :  Duvernoy ,  chargé  de  nous  représenter  le 
conseiller  ,  a  joué  ce  personnage  difficile  en  bon  comédien. 
On  n'en  peut  pas  dire  tout-à-fait  de  même  d'Audran ,  qui 
sentira  probablement  la  nécessité  de  montrer  un  peu  plus  la 
couleur  de  l'ancien  régime  dans  le  rôle  du  mousquetaire  ,  de 
ne  pas  prendre  les  mains  aux  dames  aussi  familièrement  qu'il 
le  fait ,  et  de  ne  pas  croire  que  le  ton  cavalier  d'un  mousque- 
taire consiste  à  faire  entrer  pour  ainsi  dire  de  force  sa  tante 
future  dans  un  cabinet ,  en  la  poussant  en  quelque  sorte  par 
les  épaules.  Il  chante  fort  agréablement  ;  mais  nous  n'avons 
jamais  entendu  dire  qu'une  jolie  voix  dispensât  les  militaires 
d'autrefois  de  tenue  et  de  bonnes  manières  ,  à  moins  que  , 
comme  dit  le  Sganarelle  de  Molière  dans  le  Médecin  malgré 
lui,  qui  met  le  foie  à  gauche  et  le  cœur  à  droite,  nous  n'ayons 
changé  tout  cela  de  notre  temps.  Sainte-Foy  ,  représentant 
le  jardinier ,  s'est  bien ,  peut-être  un  peu  trop  ,  stéréotypé 
dans  la  classique  et  quelque  peu  monotone  naïveté  des  niais 
d'opéras-comiques.  Si  nous  ne  craignions  d'encourir  nous- 
même  le  reproche  de  monotonie  ,  nous  dirions  que  M""  Po- 
tier, dans  le  rôle  de  Cécile,  est  fort  jolie  ;  mais  comme  cette 
vérité  est ,  sans  doute ,  passée  à  l'état  de  lieu  commun  pour 
elle,  nous  nous  bornerons  à  la  féliciter  d'avoir  dit  son  rôle 
avec  justesse  et  sensibiUté,  et  de  l'avoir  chanté  avec  expres- 
sion. Pourquoi  n'ajouterions-nous  pas  que  IM"°  Prévost  a  fait 
une  incursion  dans  l'emploi  des  caractères  ,  des  jeunes 
duègnes,  et  qu'elle  s'en  est  fort  bien  acquittée  ?  Osons  le 
dire;  remercions-en  les  dieux  ;  et  félicitons-en  les  auteurs 
et  les  compositeurs. 

Henri  Blanchard. 


avait  encore  d'autres  !...  C'est  peu  de  temps  après  que  j'eus  le 
malheur  de  perdre  nia  pauvre  mère.  Oh  !  alors,  tous  mes  mal- 
heurs ont  commencé....  Et  quels  malheurs,  madame  I  Vous  ne 
pouvez  vous  en  faire  ime  idée.  Cet  oncle,  dont  vous  vous  sou- 
venez, me  recueillit  chez  lui,  mais  à  quel  prix?...  Je  remplissais 
les  fonctions  de  servante....  je  travaillais  nuit  et  jour,  tantôt 
pour  la  maison,  tantôt  pour  moi,...  j'étais  grondée,  humiliée, 
encore  plus  exposée  à  toute  sorte  d'obsessions  que  dans  l'école 
d'où  j'étais  sortie.  Uu  jour,  ne  pouvant  plus  y  tenir  ,  je  fis  un 
coup  de  tète  :  je  déclarai  à  mon  oncle  que  je  le  quittais  pour 
aller  vivre  seule  dans  une  petite  chambre  garnie  que  j'avais 
loufîe  Je  comptais  sur  l'ouvrage  qne  m'avaient  promis  plusieurs 
marchands,  qui  venaient  habituellement  chez  mon  oncle  ;  mais 
celui-ci,  furieux  de  mon  départ,  alla  trouver  ses  amis  pour  leur 
défendre  de  s'intéressera  moi.  Presque  tous  obéirent  à  son  ordre: 
deux  ou  trois  plus  indulgents,  plus  humains,  en  apparence, 
continuèrent  à  me  voir  secrètement....  Hélas!  je  ne  tardai  pas 
à  m'apercevoir  du  motif  qui  les  faisait  agir  ainsi  !  C'est  donc 
toujours  la  même  chose!..  Une  fille  pauvre,  qui  n'est  pas  laide 
à  faire  peur,  est  donc  toujours  placée  entre  cette  alternative  : 
céder  ou  manquer  de  tout  ! 

—  C'est  pourtant  vrai!...  Et  comment,  chère  petite,  dans 
cette  foule  de  loups,  tu  n'as  pas  rencontré  une  seuleâme  gé- 
néreuse ? 

—  Si  fait  :  j'avais  fini  par  obtenir  la  confiance  d'une  lingëre, 


pour  laquelle  j'ai  travaillé  pendant  deux  ans,  gagnant  si  peu  de 
chose  que  je  ne  pouvais  jamais  suffire  à  toutes  mes  dépenses; 
malgré  l'économie  que  j'y  mettais  ,  à  la  fin  du  mois,  il  y  avait 
toujours  de  l'arriéré.  Ce  fut  bien  pis  encore,  lorsque  ma  lingère 
cessa  de  me  payer  exactement.  Ce  n'était  pas  sa  faute  :  on  ne 
la  payait  pas  non  plus  :  beaucoup  de  dames,  qui  passaient  pour 
très  riches  et  qui  l'étaient,  lui  devaient  des  sommes  considé-. 
râbles.  11  y  a  deux  mois,  ma  lingère  a  fait  faillite  :  je  n'avais 
plus  rien  à  espérer  de  ce  côté,  ni  argent  ni  ouvrage.  J'ai  essayé 
de  m'en  procurer  ailleurs.  Je  me  suis  présentée  chez  toutes  les 
lingères  de  Paris,  chez  toutes  les  couturières  ,  dont  j'ai  pu  dé- 
couvrir le  nom  et  l'adresse.  La  réponse  la  plus  polie ,  la  plus 
encourageante  que  j'aie  reçue  est  celle-ci  :  «  Nous  n'avons 
»  besoin  de  personne  en  ce  moment ,  mais  repassez  dans  deux 
»  mois,  dans  trois  semaines,  dans  quinze  jours...  nous  verrons.» 
En  attendant  il  ne  me  restait  plus  rien,  plus  rien  absolument.... 
j'avais  vendu  tout  ce  que  je  pouvais  vendre....  je  ne  mangeais 
plus.... 

—  Ah  !  malheureuse  enfant  ! 

—  Oh  !  ce  n'est  pas  cela  qui  me  faisait  le  plus  de  peine,  parce 
que  je  me  disais  :  Il  faudra  bien  que  cela-finisse  ;  j'en  mourrai  : 
tant  mieux!  Mais  ne  pas  pouvoir  payer  son  loyer!...  Devoir 
plusieurs  termes!.  .  Être  sur  le  point  de  se  voir  jetée  dehors,  et 
voilà  précisément  où  j'en  suis.  Ce  soir,  on  m'a  menacée  de  ne 
pas  me  laisser  rentrer!... 


DE  PARIS. 


U9 


La  Biographie  universelle  des  musiciens,  ouvrage  qui  a 
mis  le  sceau  à  la  réputation  universelle  de  notre  collabora- 
teur M,  Fétis  père ,  et  dont  le  huitième  et  dernier  volume  a 
été  récemment  publié,  renferme  une  notice  sur  le  violoniste 
Vieuxtepips,  où  Uon  trouve  la  dignité  de  langage  et  le  ton  de 
sage  critique  qui  distingue  ce  livre,  appelé  par  Gottfried  We- 
ber  un  respectable  monument  de  science  et  d'impartialité 
(ehrwiirdig  Denkmal  von  Wisseiischaftund  Lînparteilichkeit). 
Toutefois  cette  notice  a  si  peu  satisfait  l'exorbitant  amour- 
propre  de  M.  Vieuxtemps  et  les  préveniions  de  ses  amis,  qu'ils 
viennent  de  faire  paraîtj-e  à  ce  sujet,  à  Bruxelles  ,  un  libelle 
rempli  d'injures  contre  M.  Félis.  Un  journal  de  musique, 
dont  les  relations  avec  le  violoniste  sont  connues  de  tout  le 
monde,  a  saisi  l'occasion  d'un  comple-rendu  delà  Biographie 
universelle  des  musiciens  pour  faire  aussi  des  réclamations 
contre  la  notice  en  question  ,  en  termes  plus  polis  ,  mais  avec 
non  moins  d'injustice. 

Nous  pensons ,  nous ,  que  la  meilleure  défense  que  nous 
puissions  faire  du  travail  de  notre  collaborateur  est  d'en  of- 
frir la  reproduction  à  nos  lecteurs.  Ils  pourront  juger  du  de- 
gré de  folie  où  il  faut  être  parvenu  pour  considérer  comme 
offensant  un  article  qui  aurait  pu  passer  dans  un  autre  temps 
pour  un  éloge  outré.  L'abus  si  fréquent  aujourd'hui  des 
louanges  hyperboliques  accordées  au  plus  mince  mérite  a 
conduit  insensiblement  les  artistes  à  ces  prétentions  exagé- 
rées qui  ne  peuvent  plus  s'accommoder  d'une  critique  simple- 
ment impartiale  et  bienveillante.  Nous  laisserons  maintenant 
parler  l'auteur  de  la  Biographie  universelle, 

Vieuxtemps  (Henri),  violoniste  distingué,  est  né  à  Verviers 
le  20  février  1820.  Fils  d'un  ancien  militaire  qui,  retiré  du 
service,  s'était  livré  à  la  profession  de  luthier  et  d'accordeur 
d'instruments,  il  fit  pressentir  sa  destination  naturelle  dès  ses 
premières  années  par  le  plaisir  qu'il  manifestait  à  l'audition 
du  violon  de  son  père.  A  deux  ans,  il  passait  des  heures  en- 
tières à  frotter  les  crins  d'un  archet  sur  les  cordes  d'un  petit 
instrument.  A  quatre  ans  et  demi ,  il  commençait  à  déchiffrer 
de  la  musique.  Charmé  de  ses  heureuses  dispositions,  un 
amateur  zélé  voulut  faire  les  frais  de  son  éducation  musicale, 


et  le  confia  au  soins  de  M.  Lecloux,  bon  professeur  de  vio- 
lon ,  qui  prépara  par  ses  leçons  les  talents  du  jeune  violo- 
niste, devenu  depuis  lors  un  des  artistes  les  plus  remarquables 
de  son  époque.  Les  progrès  de  celui-ci  furent  si  rapides 
qu'il  put  entreprendre  avec  son  maître  un  premier  voyage  à 
l'âge  de  huit  ans ,  pour  donner  des  concerts  dans  les  princi- 
pales villes  de  la  Belgique.  Arrivé  h  Bruxelles ,  il  y  rencontra 
le  célèbre  violoniste  M.  de  Bériot,  qui ,  frappé  de  sa  précoce 
habileté ,  lui  donna  gratuitement  des  leçous  pendant  quel- 
ques mois.  Au  printemps  de  1830,  il  vint  avec  son  nouveau 
maître  à  Paris,  et  y  joua  dans  un  concert  donné  à  la  salle  de 
la  rue  de  Cléry.  L'auteur  de  celte  notice,  qui  l'entendit  alors, 
prédit  dans  sa  Revue  musicale  l'avenir  de  l'artiste  enfant.  De 
retour  à  Verviers  peu  de  temps  après ,  Vieuxtemps  y  reprit 
ses  études.  En  1833  il  entreprit  avec  son  père  un  voyage  en 
Allemagne,  pendant  lequel  il  acquit,  par  l'habitude  de  se 
faire  entendre  en  public,  l'assurance  nécessaire  k  la  libre  ma- 
nifestation du  talent.  Ce  fut  à  Vienne  qu'il  obtint  ses  pre- 
miers succès  de  quelque  importance.  Il  y  prit  aussi  quelques 
leçons  d'harmonie  de  Simon  Sechter,  organiste  de  la  cour, 
puis  revint  à  Bruxelles,  où  il  ne  resta  que  quelques  mois.  Au 
mois  de  décembre  1834,  il  partit  pour  Paris,  ne  put  parve- 
nir h  s'y  faire  entendre ,  et  se  rendit  à  Londres ,  où  son  talent 
n'excita  pas  l'intérêt  qu'il  avait  espéré.  De  retour  à  Paris  dans 
l'été  de  1835 ,  il  prit  la  résolution  de  compléter  ses  connais- 
sances en  faisant,  sous  la  direction  de  Reicha,  des  études  de 
composition.  La  méthode  superficielle  mais  expéditive  de  ce 
professeur  était  celle  qui  convenait  le  mieux  à  un  instrumen- 
tiste peu  soucieux  d'acquérir  un  profond  savoir  des  formes 
du  contre-point,  qu'il  ne  considérait  pas  comme  étant  à  son 
usage.  Peu  de  temps  après ,  il  couimença  à  écrire  ses  pre- 
mières compositions,  et  les  fit  entendre  dans  son  voyge  en 
Hollande,  entrepris  en  1836;  puis  il  retourna  à  Vienne,  et  y 
publia  ses  premiers  ouvrages.  En  1838,  il  joua  avec  succès 
au  théâtre  de  Bruxelles  et  dans  un  concert  qui  fut  donné  à 
l'église  des  Augustins  par  la  Société  philanthropique ,  et  y  fit 
entendre  des  fantaisies  et  des  fragments  de  concertos  où  l'on 
remarquait  quelques  idées  heureuses  mêlées  à  des  incohé- 
rences. Immédiatement  après,  il  partit  pour  la  Russie ,  don- 
nant des  concerts  à  Prague,  Dresde,  Leipsick  et  BeHin.  Parti 


—  Est-il  possible  ?...  Ton  propriétaire  est  donc  un  monstre? 

—  C'est  une  femme  ! 

—  Je  l'aurais  parié  !..  Dès  lors  pas  moyen  de  l'attendrir  :  heu- 
reusement tu  peux  t'en  dispenser.  Chère  enfant ,  tu  n'as  eu 
qu'un  tort,  mais  un  tort  bien  grave,  c'est  d'avoir  oublié  pendant 
si  longtemps  que  j'étais  la  marraine. 

—  Dieu  sait  que  j'y  pensais  toujours  ! 

—  De  n'être  pas  venue  me  trouver. 

—  Je  n'osais  pas....  je  craignais  d'être  reçue  chez  vous  comme 
chez  tant  d'autres.  Mais  une  fois  décidée,  j'y  ai  mis  de  la  persé- 
vérance..., car  voilà  le  quatrième  jour... 

—  Quatre  jours!...  Mais  c'est  affreux  1...  Quand  je  pense  à 
cela,  je  me  battrais  !  Et  dire  que  pour  le  plaisir  de  ne  pas  se 
déranger,  de  dormir  à  son  aise,  on  risque  de  réduire  au  désespoir 
des  gens  dont  l'existence  est  entre  vos  mains  !  C'est  fini  :  à 
compter  de  demain  ,  je  recevrai  tout  le  monde  :  je  me  lèverai  à 
dix  heures,  el  quand  par  hasard  j'aurai  besoin  de  dormir  davan- 
tage, parce  que  j'aurai  chanté  la  veille,  que  je  serai  fatiguée,  ou 
n'importe  pour  quoi...  ce  sera  toi,  mon  enfant,  qui  recevras  à 
ma  place. 

—  Moi,  madame  !... 

—  Oui,  sans  doute,  car  à  dater  de  ce  moment  je  te  garde  avec 
moi,  je  te  loge  chez  moi....  tu  es  ma  fille!...  ma  petite  sœur, 
mon  amie,  ma  bonne  et  fidèle  amie.  Tu  auras  une  délicieuse 
petite  chambre  là-bas,  là-bas,  au  bout  de  l'appartement....  un 


peu  loin  de  la  mienne,  mais  c'est  ce  qu'il  faut,  parce  que  l'inti- 
mité n'exclut  pas  la  liberté.  As-tu  de  la  voix? 

—  J'en  avais,  mais  depuis  si  longtemps  je  ne  chante  plus... 

—  Fais-moi  une  gamme  ! 

—  Do,  ré,  mi,  fa,  sol,  la,  si,  do! 

—  Nous  sommes  sauvées  !  tu  as  une  voix  charmante  !  Quant 
à  la  figure,  dans  un  mois,  on  en  parlera.  Demain  tu  commences 
tes  leçons  de  chant,  de  déclamation,  de  piano... 

—  Je  n'en  touchais  pas  mal.... 

—  Divin  !...  Tu  touches  du  piano  :  donc,  tu  es  musicienne. 
Et  tu  as  fait  la  folie  de  piquer  des  chiffons  pendant  tant  d'an- 
nées !...  Attends  un  peu,  laisse-moi  faire  et  tu  auras  du  bon- 
heur autant  que  moi.  Ah!  dame!...  je  ne  te  dis  pas  qu'à 
travers  ce  bonheur  il  ne  se  glisse  de  temps  en  temps  quelques 
petites  épines,  parfois  même  des  pointes  de  poignard!...  Que 
veux-tu!  la  vie  humaine  n'est  pas  le  paradis;  l'essentiel  est 
qu'elle  ne  soit  pas  un  enfer. 

La  soirée  s'acheva,  comme  par  enchantement,  dans  des  cau- 
series pleines  d'abandon  et  de  gaieté  entre  les  deux  amies.  Esther 
n'avait  plus  rien  de  la  triste  créature  que  le  matin  encore  les 
laquais  et  les  femmes  de  chambre  éconduisaient  avec  dédain, 
qui  ne  trouvait  de  refuge  que  dans  la  pitié  d'un  concierge  !  A 
dix-huit  ans,  on  éprouve  un  tel  besoin  de  vivre  et  de  s'épanouir, 
que  pour  peu  qu'un  espoir  vienne  à  hriller,  qu'une  perspective 
s'entr'ouvre,  on  se  relève  du  malheur  aussi  vile  que  l'herbe  des 


350 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


de  cette  dernière  ville  pour  Pétersbourg ,  il  fut  arrêté  par  une 
grave  maladie  dans  une  petite  ville  de  la  Russie ,  et  y  fut  re 
tenu  pendant  plus  de  deux  mois.  Arrivé  à  Pélersbourg,  il  y 
eut  de  brillants  succès  qui  ne  se  démentirent  point  à  Moscou. 
Ce  fut  dans  ce  pays  qu'il  écrivit  un  nouveau  concerto  de  vio- 
lon et  une  grande  fantaisie  avec  orchestre  dont  la  supériorité, 
à  l'égard  de  ses  productions  précédentes ,  est  si  marquée , 
que  la  malveillance  s'est  emparée  de  ce  fait ,  à  Paris  comme 
à  Bruxelles ,  pour  lui  en  contester  la  propriété ,  quoiqu'on  ne 
pût  nommer  l'artiste  distingué  qui  aurait  prêté  sa  plume  à 
Vieuxtemps  (1).  Il  est  vraisemblable  que  ses  ouvrages  futurs 
donneront  un  éclatant  démenti  à  ces  manœuvres  de  la  jalou- 
sie. Après  un  séjour  de  plus  d'une  année  en  Russie,  Vieux- 
temps  revint  à  Bruxelles  au  mois  de  juin  1840,  et  le  7  juillet 
suivant ,  il  joua  son  nouveau  concerto  et  sa  fantaisie  dans  un 
grand  concert  donné  au  bénéfice  des  musiciens  de  l'orchestre 
du  théâtre ,  sous  la  direction  de  l'auteur  de  cette  notice.  Ces 
morceaux,  où  l'artiste  déploya  le  plus  beau  talent  d'exécu- 
tion ,  excitèrent  des  transports  d'enthousiasme.  Vieuxtemps 
les  fit  entendre  de  nouveau  aux  concerts  donnés  à  Anvers  au 
mois  d'août  suivant,  à  l'occasion  de  l'inauguration  de  la  sta- 
tue de  Rubens,  et  l'admiration  ,  poussée  peut-être  jusqu'à 
l'exagération  (2),  alla  si  loin  qu'un  ministre  lui  accorda  pré- 
maturément la  décoration  de  l'ordre  du  roi  des  Belges,  ne 
réservant  rien  à  l'artiste  pour  les  succès  de  l'âge  mûr  (3). 

(1)  Si  M.  Fi!tis  n'a  pas  voulu  faire  ici  une  réticence  bienveillante, 
nous  pensons  qu'il  a  été  mal  informé;  cir  nous,  qui  avons  eu  sou- 
vent occasion  de  recueillir  les  bruits  qui  circulaient  à  ce  sujet ,  nous 
avons  entendu  ceux  qui  prêlaient  un  teinturier  aux  élucubrations 
de  JI.  Vieustemps,  nommer  d'une  manière  très  affirmative  Charles 
Mayer,  ami  intime  de  ce  violoniste  à  Pétersbourg,  pianiste  de  grand 
mérite ,  et  auteur  d'un  superbe  concerto  de  piano,  dont  l'instrumen- 
tation a  malheureusement  une  frappante  analogie  avec  celle  du  con- 
certo de  M.  Vieuxtemps.  Nous  ne  prétemions  pas  toutefois  en  tirer 
aucune  conséquence  contre  celui-ci  ;  nous  ne  sommes  qu'hisloriens. 

[Noie  de  la  rédaciion  de  lu  Gazette  musicale.) 

(2)  Nous  avons  été  informés  à  celte  époque  par  notre  correspon- 
dant que  l'exagération  dont  parle  ici  M.  Fétis  avait  été  si  évidente, 
que  W.  Hauman  ,  dont  on  connaît  le  talent ,  et  le  roi  des  violoncel- 
listes, Servnis,  furent  sacrifiés  par  ceux  qui  voulaient  à  tout  prix 
faireune  ovaiion  à  M.  Vieuxtemps.  [Idem.) 

(3)  On  nu  voit  point,  en  effet,  ce  qu'on  pourra  faire  plus  tard  pour 


Il  ne  manquait  plus  à  Vieuxtemps  que  la  sanction  de  l'in- 
telligente population  de  Paris ,  baptême  sans  lequel  un  ar- 
tiste n'ose  croire  à  sa  gloire.  Il  l'obtint  dans  l'hiver  suivant, 
et  n'excita  pas  moins  d'intérêt  par  le  mérite  de  ses  dernières 
productions  que  par  son  habileté  sur  son  instrument.  Depuis 
lors,  il  a  fait  un  second  voyage  en  Hollande ,  puis  a  visité  de 
nouveau  l'Allemagne,  et  a  revu  Vienne  pour  la  troisième  fois  ; 
enfin  il  a  parcouru  la  Pologne  et  n'est  revenu  à  Bruxelles 
qu'au  mois  de  juin  18ù3.  En  ce  moment  (décembre  1843), 
il  est  en  Amérique. 

On  a  gravé  de  sa  composition  :  1°  Air  de  l'opéra  II  Pirata, 
varié  avec  introduction  pour  violon  et  orchestre,  op.  6,  Vienne, 
Arlaria.  2°  Concerto  pour  violon  et  orchestre  (en  mi  majeur), 
op.  7,  Paris,  Troupenas.  3°  Grande  fantaisie ,  irfem  (en  la), 
ihid.  Il  ne  ne  paraît  pas  que  les  ouvrages  précédents  aient  été 
gravés. 

Revue  eritique. 

ÉCOLE    D'ORGUE, 

on 

MÉTHODE  COMPLÈTE  DE  CET  INSTRUMENT  , 

par  M.  Justin  CAD  AUX  (1). 

Les  instruments  de  musique  sont,  comme  la  musique  elle- 
même,  soumis  aux  lois  arbitraires,  aux  caprices  passagers  de 
la  mode,  dont  le  pouvoir  tyrannique  semble  s'exercer  en 
France  plus  librement  que  dans  tous  les  autres  pays. 

A  l'époque  de  Louis  XIII ,  le  théorbe  et  le  luth  étaient 
très  répandus  ;  plus  tard,  la  basse  de  viole,  qui  fut  elle-même 
détrônée  par  le  violoncelle ,  devint  l'objet  de  la  faveur  géné- 
rale. Il  n'est  pas  jusqu'au  modeste  instrument  des  Savoyards, 
la  vielle,  qui  n'ait  été  un  instant  cultivé  par  les  dames  de  la 
cour  de  Louis  XV.  Après,  ce  fut  le  tour  du  clavecin,  qui  régna 

M.  Vieuxtemps,  à  moins  de  lui  donner  des  lettres  de  noblesse. 
Baillot  avait  cinquante-cinq  ans  quand  il  reçut  une  distinction  ana- 
logue à  celle  dont  on  décorait  le  violoniste  belge  avant  qu'il  fût 
majeur,  et  Baillot  avait  doté  la  France  d'une  école  de  violon  qui 
excitait  l'admiration  de  l'Europe;  enfin  il  s'était  illuslré  lui-même 
comme  artiste  ,  et  son  nom  inspirait  depuis  longtemps  le  respect 
universel.  [Idem.) 

(I)  RichaUlt,  1844. 


champs,  brûlée  parle  soleil  et  que  rafraîchit  une  goutte  de 
rosée.  La  physionomie  d'Esther  subit  une  métamorphose  com- 
plète :  ses  yeux  s'animèrent,  son  teint  se  colora,  et  le  coup  de 
baguette  magique  n'opéra  pas  moins  sur  son  costume  que  sur 
son  visage.  Tout  en  donnant  des  ordres  pour  l'insiallalion 
d'Esther  dans  la  chambre  qu'elle  lui  destinait,  la  cantatrice 
passait  en  revue  sa  garde-robe,  et  s'amusait  à  faire  ce  qu'elle 
appelait  le  trousseau  de  sa  petite  sœur.  Elle  lui  essayait  des 
robes,  des  canczous,  des  bonnets  élégants,  des  tabliers  coquets, 
i  de  sorte  qu'en  peu  d  instants  la  pauvre  jeune  fille  se  trouva  plus 
'  richement  nippée  que  beaucoup  de  femmes  du  monde  pourvues 
!  de  trente  mille  livres  de  rente,  et  roulant  équipage  sur  le  pavé 
!       de  Paris. 

I  Dès  le  lendemain  ,  le  plan  d'éducation  lyrique  et  dramatique 

d'Esther  fut  réglé  comme  un  papier  de  musique.  Les  maîtres 
déclarèrent  tous  qu'elle  avait  les  plus  grandes  dispositions,  et  la 
rapidité  de  ses  progri^s  attesta  qu'ils  ne  l'avaient  pas  trompée. 
Elle  travaillait  beaucoup  et  avec  une  ardeur  qui  s'augmentait  par 
la  confiance.  Sa  seule  distraction  était  d'aller  à  l'Opéra,  toujours 
dans  la  salle,  jamais  dans  les  coulisses,  dont  l'entrée  lui  était 
interdite.  Sa  protectrice  n'avait  jamais  voulu  qu'elle  l'y  acccom- 
pagnàt,  et  par  suite  de  la  même  politique,  jamais  elle  ne  l'ad- 
mettait ni  dans  les  visites  que  lui  rendaient  certaines  personnes, 
ni  dans  les  petits  dîners  qu'elle  faisait,  ni  même  dans  les  petits 
cercles  qu'elle  tenait  une  ou  deux  fois  chaque  semaine.  Ce 


n'était  pas  par  jalousie  :  c'était  par  une  sévérité  bien  entendue. 
Un  jour,  elle  dit  à  Eslher  : 

— Tu  auras  du  talent,  chère  petite  :  à  présent  j'ensuis  certaine, 
et,  par  une  circonstance  bien  rare  dans  la  vie  d'artiste,  tu 
n'auras  été  obligée  de  le  payer  par  des  sacrifices  d'aucune  espèce. 
Jusqu'au  moment  où  je  t'ai  prise  avec  moi,  tu  t'étais  conservée 
d'une  pureté  exemplaire.  J'ai  voulu  contribuer  autant  qu'il  était 
en  moi  à  ce  que  ta  sagesse  te  restât ,  et  en  cela  j'avais  peu  de 
mérite.  Quand  tu  m'auras  quittée,  tu  feras  ce  que  tu  voudras.  Je 
ne  te  prêcherai  pas  une  morale  toujours  inutile  quand  les  ten- 
tations se  font  sentir  avec  une  certaine  force.  Je  te  dirai  seule- 
ment :  garde  tant  que  tu  pourras  ton  indépendance.  Ne  te  marie 
que  si  tu  ne  peux  faire  autrement,  parce  qu'une  femme  mariée 
doit  être  vertueuse  pour  l'honneur  de  son  mari,  et  qu'au  théâtre 
on  ne  tient  nul  compte  de  la  vertu  ;  on  n'y  croit  pas  ou  on  la 
tourne  en  ridicule.  Quant  à  des  amants,  tu  en  auras  ;  mais  c'est 
un  moindre  mal  quand  ou  est  libre  que  quand  on  ne  l'est  plus. 
Ce  que  je  te  recommande  suriout,  c'est  de  bien  choisir,  tant  que 
tu  pourras  choisir,  et  je  sais  fort  bien  que  ce  n'est  pas  toujours 
possible.  Le  monde  s'imagine  que  notre  existence  à  nous  est  la 
plus  facile  de  toutes ,  que  nous  n'avons  qu'à  nous  abandonner 
au  couiant  des  succès  et  des  plaisirs.  C'est  précisément  le 
contraire  :  nous  sommes  obligées  de  lutter  sans  cesse ,  de  nous 
retenir  sur  le  penchant  d'un  abîme  que  les  fleurs  nous  cachent 
plus  ou  moins,  et  une  fois  que  nous  y  sommes  tombées,  personne 


DE  PARIS. 


251 


sans  partage  pendant  près  d'un  siècle,  et  inspira  si  bien  tant 
de  maîtres  illustres  depuis  Frescobaidi  jusqu'à  démenti.  Sous 
l'empire  et  au  commencement  de  la  Restauration,  on  étudiait 
la  harpe  par  souvenirs  des  bardes,  des  ménestrels  et  des 
poésies  chevaleresques.  Enfin ,  il  y  a  vingt  ans,  a  commencé 
la  grande  vogue  du  piano,  qu'on  trouve  à  présent  dans  les 
mansardes  comme  dans  les  plus  splendides  salons. 

Le  piano  a  vécu  plus  de  quinze  ans.  C'est ,  suivant  la  re- 
marque de  Tacite ,  un  espace  de  temps  bien  long  dans  la  vie 
des  mortels  ,  grande  morlalis  œvi  spativm  ;  et  déjà  les  es- 
prits clairvoyants  aperçoivent  les  signes  de  la  décadence  du 
piano.  Le  génie  des  grands  maîtres  qui  ont  composé  de  la 
musique  pour  cet  instrument,  l'habileté  et  le  mérite  des  cé- 
lèbres facteurs  qui  le  perfectionnent  chaque  jour ,  pourront 
bien  conserver  encore  longtemps  au  piano  l'intérêt  des  artistes 
et  du  public.  Toutefois  la  mode  se  lasse  de  tout,  elle  dira 
bientôt  :  Piano,  que  me  veux-tu  ?  Elle  demande  au  piano  des 
qualités  qu'il  ne  peut  avoir,  des  effets  qu'il  ne  peut  produire, 
tels  que  la  prolongation  et  la  variété  des  sons  ;  elle  demande 
aux  artistes  plus  qu'ils  n'ont  fait  jusqu'à  ce  jour  ;  les  artistes 
s'épuisent,  ils  allongent  leurs  doigts,  les  brisent  à  toutes  sortes 
d'exercices  et  de  sauts  périlleux;  efforts  inutiles  !  la  mode 
n'est  pas  satisfaite,  il  lui  faut  plus  encore  ,  ses  exigences  ne 
cesseront  pas,  et  l'instrument  cessera  de  pouvoir  y  répondre. 

Les  tentatives  de  M.  Isouard,  les  recherches  de  M.  Érard 
pour  obtenir  l'expression  par  la  pression  de  la  touche ,  et  sur- 
tout l'incroyable  multiplication  des  orgues  expressives  ,  har- 
monium ,  orchesirion ,  etc. ,  indiquent  assez  que  la  mode  a 
touché  l'orgue  d'un  coup  de  sa  baguette,  et  l'a  rendu  plein 
d'attraits  et  de  charmes  pour  le  public,  qui  négligeait  depuis 
de  longues  années  ce  roi  de  la  musique  instrumentale.  Il  ne 
faut  donc  pas  être  prophète  pour  prédire  que  les  instruments 
à  sons  prolongés  et  à  clavier,  instruments  qui  sont  ou  seront 
les  fils  de  l'orgue,  sont  appelés  dans  un  avenir  assez  prochain 
à  occuper  l'attention  générale. 

Le  clergé  a  donné  le  premier  le  signal  de  cette  révolution 
dans  le  goût  musical.  De  tous  côtés  on  restaure  les  grandes 
orgues  que  la  munificence  de  nos  pères  avait  élevées  dans  nos 
cathédrales;  les  petites  villes,  les  villages  même  enrichissent 
leur  église  d'un  de  ces  instruments  harmonieux  ;  encore  un 


peu  de  temps ,  et  dans  chaque  paroisse  il  y  aura  un  orgue 
pour  guider  et  soutenir  la  voix  du  peuple  et  porter  jusqu'aux 
cieux  sa  mélodieuse  prière. 

Dans  ces  circonstances,  l'apparition  d'une  bonne  méthode 
d'orgue  serait  un  événement  de  quelque  importance  dans  le 
monde  musical ,  et  c'est  à  cause  de  cela  que  nous  avons  lu  avec 
empressement  et  que  nous  parlerons  avec  détail  de  l'ouvrage 
que  M.  Justin  Cadaux  vient  de  mettre  au  jour. 

Quelles  sont  les  connaissances  nécessaires  à  l'organiste? 
11  est  évident  que  la  réponse  à  cette  question  renfermera  le 
programme  d'une  méthode  complète  de  l'orgue.  Essayons 
donc  de  dresser  l'inventaire  de  ces  connaissances  variées  que 
doit  posséder  un  bon  organiste ,  et  voyons  si  M.  Cadaux  a 
établi  lui-même  cet  inventaire. 

La  première  étude  indispensable  pour  bien  toucher  l'orgue, 
c'est  celle  du  clavier  ;  mais  celte  étude  doit  être  dirigée  d'une 
manière  bien  différente,  selon  qu'on  se  destine  à  être  organiste 
ou  seulement  pianiste.  Le  talent  du  pianiste  consiste  aujour- 
d'hui, pour  les  uns,  à  exécuter  facilement  des  traits]rapides  où 
les  mains  se  croisent,  se  déplacent,  s'enlacent,  sautent  avec 
agilité  d'un  bout  du  clavier  à  l'autre  ;  pour  les  autres ,  ce  ta- 
lent réside  dans  la  délicatesse  du  tact ,  dans  l'expression  qu'un 
véritable  artiste  sait  donner  au  son  du  piano  par  la  manière  de 
frapper  les  touches.  Tout  cela  est  inutile  à  l'orgue  :  la  déli- 
catesse du  tact  n'en  modifie  pas  le  son  ,  le  déplacement  des 
mains  ,  la  vélocité  des  traits  y  produisent  un  mauvais  effet.  Il 
faut  donc,  pour  être  organiste,  étudier  le  clavier  autrement  que 
pour-être  pianiste  ,  et  c'est  surtout  dans  les  œuvres  des  an- 
ciens clavecinistes,  de  Haendel,  de  Bach,  du  père  Martini,  que 
se  trouvent  les  ressources  d'exécution  qui  sont  spéciales  à 
l'orgue.  M.  Justin  Cadaux  n'a  pas  dit  un  mot  sur  ce  sujet,  et 
c'est  là  une  omission  grave,  mais  ce  n'est  pas  la  seule. 

Après  l'étude  du  clavier  vient  la  connaissance  approfondie 
de  l'harmonie  ,  c'est  le  second  degré  que  doit  franchir  tout 
élève  organiste  ;  M.  Cadaux  en  convient.  Toutefois  devait-il 
faire  remarquer  que  l'étude  de  l'harmonie  moderne ,  telle 
qu'elle  est  enseignée  dans  d'excellents  ouvrages,  ne  suffit  pas 
à  l'organiste  catholique  (1). 


(I)  L'admirable  ouvrage  que  vient  de  publier  M.  Fétis  sur  la 


ne  nous  tend  la  main  pour  en  sortir.  Si  l'on  rit  de  nos  vertus, 
on  proflte  de  nos  faiblesses,  et  on  nous  méprise  par-dessus  le 
marché. 

Esther  ne  perdiu't  pas  une  seule  des  paroles  de  sa  marraine  : 
elle  écoutait  ses  conseils  avec  la  foi  profonde  que  lui  inspiraient 
les  témoignages  peu  équivoques  de  son  attachement  et  de  sa 
bonté.  Du  reste ,  elle  ne  savait  presque  rien  de  ses  affections ,  de 
ses  liaisons  :  elle  vivait  à  côté  d'elle ,  sans  se  mêler  à  elle,  sans 
chercher  à  pénétrer  des  secrets  auxquels  on  ne  jugeait  pas  à 
propos  de  l'initier.  Dix-huit  mois  s'écoulèrent  ainsi  :  l'éducation 
d'Eslher  touchait  à  son  terme,  et  sa  protectrice  commençait  à 
parler  de  ses  débuts.  Elle  l'avait  fait  entendre  à  quelques  artistes: 
elle  avait  réuni  des  compositeurs  ,  des  hommes  de  lettres,  pour 
juger  de  sa  vocation,  pour  la  familiariser  avec  le  public.  Le  di- 
recteur du  théâtre  de  Bordeaux  assistait  à  l'une  de  ces  séances 
intimes  :  Esther  chanta  des  morceaux  ù'Alceste,  de  la  Vestale 
et  de  Jean  de  Paris.  Sa  voix  étendue  et  timbrée,  puissante  et 
légère,  se  prêtait  également  au  grand  opéra  etàl'opéra-comique. 

—  A  quel  genre  faut-il  qu'elle  se  voue?  demanda  quelqu'un. 

—  A  tous  les  deux  ,  s'écria  le  directrur ,  et,  au  même  instant , 
s'élançant  vers  la  cantatrice,  il  lui  dit  tout  bas  :  Madame,  il  faut 
que  je  vous  parle  demain  matin.  Je  suis  un  homme  ruiné,  perdu, 
et  vous  savez  pourquoi;  mais  vous  pouvez  me  sauver....  vous 
n'avez  pour  cela  qu'un  mot  à  dire. 

Le  directeur  du  théâtre  de  Bordeaux  était  un  ancien  ami  du 


père  de  la  cantatrice  :  il  l'avait  vue  naître  ;  il  avait  prédit  son  ave- 
nir :  il  était  lui-même  artiste  de  l'Opéra  ,  quand  elle  y  avait  fait 
ses  premiers  pas.  Ayant  perdu  sa  voix ,  il  avait  quitté  la  scène 
pour  se  lancer  dans  les  directions  théâtrales,  et  il  n'avait  pas  été 
toujours  heureux.  Pour  se  refaire  d'une  mauvaise  année,  il 
cherchait  un  sujet  marquant,  hors  de  ligne  :  il  crut  l'avoir 
trouvé  en  entendant  et  en  voyant  Esther.  Il  vint  donc  proposer 
à  la  cantatrice  de  lui  donner  son  enfant,  sa  protégée  :  c'était, 
disait- il ,  lui  donner  la  fortune. 

—  Ceci  demande  réflexion  ,  répondit  la  cantatrice.  Savez-vous 
bien  ,  mon  cher  Sazerac ,  tout  ce  que  vous  demandez  ? 

—  C'est  parce  que  je  le  sais  que  je  vous  le  demande  ;  mais 
songez  aussi  à  ce  que  j'offre,  dix  mille  francs,  c'est-à-dire  la 
moitié  de  ce  que  vous  gagnez  vous-même,  et  avec  cela  delà 
gloire,  des  bravos!...,  à  l'Opéra  vous  tenez  la  première  place; 
il  n'y  a  pas  moyen  de  vous  la  disputer.  Les  autres  emplois  sont 
tenus  aussi  convenablement  que  possible,  et  puis,  entre  nous, 
qu'est-ce  que  les  autres  emplois,  où  l'on  n'a  le  droit  de  chanter 
que  des  bouts  de  rôle,  encore  lorsque  les  sujets  plus  anciens 
vous  le  permettent?  A  TOpéra-Comique,  il  y  a  surabondance  de 
talents,  et  puis  les  cabales,  les  intrigues,  la  faveur  de  l'auteur 
privilégié....  la  protection  du  premier  gentilhomme!  au  lieu 
qu'à  Bordeaux  ,  votre  Esther  régnera  sans  partage  :  mon  intérêt 
vous  en  répond. 

—  Si  Esther  le  veut ,  j'y  consens. 


.3S2 


REVUE  ET  OAZETTE  MUSICALE 


L'Église  a  une  musique  spéciale  qu'elle  conserve  depuis 
dix-huit  siècles ,  qui  a  des  affinités  incontestables  avec  le  sys- 
tème musical  des  anciens.  Cette  musique,  c'est  leplaiu-chaut, 
dont  la  tonalité  diffère  essentiellement  de  la  tonalité  actuelle 
dont  s'occupent  exclusivement  les  méthodes  d'harmonie.  Or, 
on  aura  beau  savoir  les  règles  de  la  composition  ,  de  l'inslru- 
menlalion  ,  du  contre-point  même ,  on  aura  beau  connaître 
toutes  les  combinaisons,  toutes  les  modulations  en  usage  au- 
jourd'hui dans  la  musique,  on  n'aura  pas  pour  cela  le  secret 
de  l'harmonie  qui  convient  au  plain-chant.  M.  Cadaux  a  omis 
de  traiter  cette  question  spéciale ,  et  il  se  borne  à  renvoyer 
l'élève  aux  méthodes  d'harmonie  qui  existent,  sans  même  gui- 
der son  choix. 

L'ouvrage  de  M.  Cadaux  commence  par  la  nomenclature 
des  jeux  qui  composent  l'orgue  de  Saint-Denis  ;  après  ce  hors- 
d'œuvre ,  on  trouve  des  exemples  ou  petites  pièces  d'orgue  à 
deux  et  trois  parties  extraites  textuellement  des  œuvres  de 
Rink.  — M.  Cadaux  donne  à  cette  compilation  le  titre  de  Prin- 
cipes élémenlaires  des  différents  styles ,  et  il  n'ajoute  à  ce  titre 
aucune  explication.  —  Il  ne  suffisait  pas,  en  vérité,  de  donner 
des  exemples  des  divers  styles ,  sans  préceptes ,  sans  règles , 
en  un  mot  sans  déterminer  les  conditions  du  style  spéciales  à 
l'orgue.  C'était  là  le  point  sur  lequel  il.  fallait  le  plus  insister, 
car  tous  les  organistes  auront  plus  ou  moins  d'habileté  sur  le 
clavier,  plus  ou  moins  de  connaissai^ces  pratiques  de  l'har- 
monie et  de  la  composition.  Ils  acquerront  ces  talents  par  le 
travail  individuel  et  la  lecture  de  quelques  ouvrages  théori- 
ques ;  mais  pour  posséder  à  fond  la  science  du  style  religieux, 
pour  apprécier  les  convenances  qui  lui  .sont  propres ,  l'esprit 
qui  doit  l'animer,  ils  ont  besoin  de  trouver  dans  une  mé- 
thode spéciale  des  principes  fixes,  des  lois  précises,  des  ré- 
flexions judicieuses  :  tout  cela  manque  absolument  dans  le 
ti'aité  de  M.  Justin  Cadaux. 

F.   Danjou. 
[La  suite  au  prochain  numéro.) 

théorie  de  l'harmonie  peut  guider  un  élève  intelligent ,  mais  M.  Ca- 
daux n'a  pas  cité  cet  auteur. 


L'HARMOMICA. 

IDessin  de  Gavarni. 

Vous  reconnaissez  l'instrument  et  la  virtuose.  Je  ne  vous 
demanderai  pas  auquel  des  deux  objets  vous  accordez  la  pré- 
férence. Si  vous  êtes  musicien ,  c'est  à  la  virtuose  ;  si  vous 
cultivez  peu  la  musique  ,  c'est  à  l'instrument. 


HOTTTELiIaSS. 

*,•  La  grande  solennité  musicale  qui  se  prépare  à  l'Opéra  pour  le 
jour  de  la  Toussaint  a  été  jugée  par  le  public  ainsi  qu'elle  méritait 
de  l'être.  On  a  saisi  avec  enthousiasme  la  belle  pensée  d'inaugurer 
les  sessions  annuelles  de  l'association  des  artistes-musiciens  par 
l'exécution  d'un  chef-d'œuvre  dont  le  souvenir  se  rattache  à  tout 
ce  qu'il  y  a  de  plus  élevé ,  de  plus  imposant.  Par  une  singularité 
remarquable,  ce  chef-d'œuvre  n'a  pas  élé  entendu  à  Paris  depuis 
une  journée  à  jamais  fameuse,  celle  du  3  nivôse,  où  éclata  la 
machine  infernale  dirigée  contre  le  premier  consul,  au  moment 
même  où  il  se  rendait  à  l'Opéra  (le  3  nivôse  de  l'an  x  répondait 
au  24  décembre  1801].  Rien  ne  sera  épargné  pour  que  l'oratorio 
d'Haydn,  la  Création  du  monde,  ne  nous  soit  rendu  avec  une 
majesté,  une  puissance,  dont  sa  première  exécution  ne  pouvait 
donner  une  idée.  Un  orchestre  sera  construit  à  grands  frais  sur  un 
plan  nouveau,  de  manière  que  le  chiffre  des  500  musiciens  qui 
prendront  part  au  concert  produise  encore  plus  d'eifet  dans  la  salle 
qu'il  n'en  produit  sur  le  papier. 

\*  Le  baryton  Latour  a  fait  ses  débuts  à  l'Opéra,  dans  la  Reine 
de  Chypre ,  par  le  rôle  de  Lusignan  ,  l'un  de  ceux  qui  ont  le  mieux 
établi  la  réputation  de  Barroilhet  à  Paris.  Comme  Barroilhct,  Latour 
a  commencé  par  être  un  élève  du  Conservatoire  ,  et  puis  il  a  passé 
les  monts  pour  aller  terminer  son  éducation  en  Italie.  Il  nous  revient 
jeune  encore ,  avec  une  belle  figure  et  une  excellente  voix  ,  unissant 
la  douceur  à  la  force.  Il  a  obtenu  beaucoup  de  succès  dans  toute  la 
partie  musicale  de  son  rôle  :  la  partie  dramatique  n'a  pas  paru  aussi 
satisfaisante.  Il  faut  que  le  débutant  s'occupe  sérieusement  d'ap- 
prendre à  marcher,  à  faire  des  gestes;  mais  il  a  de  la  voix,  et  il  sait 
chanter  :  c'est  l'essentiel.  Duprez  et  M"'  Stoltz  ont  rempli  avec  leur 
talent  ordinaire  les  rôles  de  Gérard  et  de  Gatarina.  La  représenta- 
tion a  été  fort  brillante,  et  l'ouvrage  s'est  encore  une  fois  donné  le 
surlendemain. 

V  Décidément  c'est /e  Diable  à  Quatre,  de  Sedaine,  qui  fournira 
le  sujet  et  le  tiire  du  nouveau  ballet. 

V  M"'  Nau  se  fait  applaudir  en  ce  moment  à  Londres  sur  le 
Princcss's  Théâtre,  où  elle  a  débuté  dans  Lucie  de  Lammermoor  tra- 
duite en  anglais.  Elle  doit  ensuite  chanter  la  Sirène. 


—  Alors  je  ne  cloute  plus  de  rien. 

Et  en  etfet  deux  heures  plus  tard ,  un  engagement  rédigé  par 
Sazerac  était  signé  par  Esther,  et  leur  commun  départ  fixé  au 
lendemain.  Faut-il  dire  que  cette  grande  résolution  n'avait  pas 
été  prise  sans  qu'il  coulât  beaucoup  de  larmes?  Se  séparer  de 
celle  à  qui  elle  devait  tout,  qu'elle  chérissait  par  tant  de  motifs, 
quel  désespoir ,  quel  effroi  pour  la  pauvre  Esther  ! 

—  Écoute ,  mon  enfant ,  lui  dit  son  amie  en  s'essuyant  les 
yeux  elle-même ,  je  ne  suis  pas  moins  désolée  que  toi ,  mais 
enfin  ,  raisonnons.  Notre  séparation  ne  sei-a  pas  éternelle  :  tu  re- 
viendras à  Paris,  j'irai  à  Bordeaux  pendant  mon  congé.  J'ai  bien 
réfléchi  aux  avantages  que  tu  trouves,  et  je  crois  fermement  que 
tu  ne  pouvais  rien  espérer  de  mieux.  Qui  sait  même  si  pour  notre 
amitié  il  n'est  pas  préférable  que  tu  débutes  sur  un  autre  théâtre 
que  l'Opéra  ?  Tu  ne  te  doutes  pas  encore  de  ce  que  c'est  que  d'être 
rivales  !  Ah  !  grand  Dieu ,  la  tête  et  le  cœur  d'une  sainte  n'y  ré- 
sisteraient pas.  Au  lieu  de  cela,  nous  allons  être  camarades, 
excellentes  camarades.  Si  nous  ne  causons  plus  ensemble ,  nous 
nous  écrirons  souvent ,  toutes  les  semaines ,  tous  les  jours , 
si  nous  le  voulons.  Dès  ce  moment,  tu  n'es  plus  ma  fille,  tu  es 
ma  camarade,  entends-tu  bien?  Et  en  cette  qualité,  je  te  dirai  une 
foule  de  choses  que,  nous  autres  femmes,  nous  avons  besoin  de 
dire  à  quelqu'un  dans  le  monda  ,  et  que  je  n'ai  pas  dû  te  confier 
jusqu'à  présent.  Tu  seras  ma  confidente,  ma  seule  confidente, 
à  charge  de  revanche  ,  n'est-ce  pas  ?  Je  te  conterai  tout  ce  qui 


m'arrivera,  bon  ou  mauvais,  n'importe,  et  toi  aussi  tu  m'ouvri- 
ras ton  cœur,  sur  lequel  je  veux  toujours  conserver  mes  droits. 
Esther  ne  répondit  que  par  un  redoublement  de  sanglots  et 
de  larmes.  Elle  se  jeta  dans  les  bras  de  son  amie,  en  laissant 
échapper  des  mots  entrecoupés  : 

—  Oui...  oui...  je  vous  aimerai  toujours....  Je  vous  dirai  tout., 
La  cantatrice  se  leva,  ouvrit  son  secrélaire  et  y  prenant  un 

papier  plié  en  quatre  : 

—  Tiens,  dit-elle  à  Esther,  avant  que  tu  cesses  tout-à-fait 
d'être  ma  fille,  je  veux  encore  te  traiter  comme  une  mère.  Voilà 
ta  dot!...  Regarde  :  c'est  une  inscription  de  cinquante  mille 
francs  sur  le  grand-livre,  que  j'ai  achetée  en  ton  nom  ,  il  y  a  huit 
jours.  Tu  t'étonnes  peut-être  que  j'aie  amassé  tant  d'argent  1... 
Je  n'ai  pas  eu  grand'peine ,  je  t'assure...  C'est  une  aventure,  un 
hasard,  que  je  te  conterai  peut-être  dans  quelque  temps.  En  atten- 
dant prends  cela  et  garde-le  en  souvenir  de  moi.  Quelque  chose 
qui  t'arrive,  tu  seras  au-dessus  des  événements.  Embrasse-moi 
bien ,  et  ne  pleurons  plus. 

Un  mois  après ,  jour  pour  jour ,  on  lisait  sur  les  affiches  du 
grand  théâtre  de  Bordeaux  : 

FERNAND  CORTEZ. 

pour  les  débuts  de  Bin^  Esther  Saunier. 

La  suite  au  prochain  numéro.  Paul  Smith. 


DE  PARIS. 


S5$ 


*.*  On  annonce  comme  prochaine  la  rentrée  de  M""  Wathan- 
Treilhet. 

*,*  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  au  Théâtre-Italien, 
Il  Barbiere  di  Siviylia. 

",*  Liszt  est  arrivé  à  niadrid ,  où  son  nom  seul  a  mis  en  émoi  tout 
le  public  ililellanle. 

•.*  Après  une  .ibsence  de  deux  mois  ,!  le  célèbre  pianiste  Antoine 
de  Koniski  est  de  relour  à  Paris.  Chemin  faisant,  il  a  donné  à  Metz 
deux  concerts,  dont  le  second  était  au  profit  des  pauvres.  Commç 
virtuose  et  comme  compositeur,  il  a  oblenu  un  immense  succès. 

V  Valgalier,  l'un  de  nos  meilleurs  ténors,  vient  de  signer  un 
engagement  avec  le  théàlre  de  la  Scala  à  Milan. 

*,*  Lafage,  baryton,  récemment  sorti  du  Conservatoire  de  Paris, 
obtient  beaucoup  de  succès  à  La  Haye. 

",*  Une  pensée  de  bienfaisance ,  conçue  par  M"=  Dupont,  l'ex-sou- 
brette  de  la  Comédie-Française,  a  produit  une  fête  dramatique  et 
musicale  qui  avait  attiré  l'avant-dernier  dimanche  une  foule  bril- 
lante à  Morsang-sur-Seine.  Parmi  les  artistes  qui  se  sont  dévoués 
comme  toujours,  on  comptaitM"'Rachel,  M""^Damoreau,  M"=  Jenny 
Vertpré,  M.  Arlôt.  I,a  recette  a  dépassé  les  espérances,  et  le  village 
peut  désormais  regarder  comme  assurée  la  fondation  de  son  école. 

*,*  Le  théâtre  de  Toulouse  vient  de  fermer.  Encore  une  catastro- 
phe à  inscrire  sur  le  bilan  théâtral  de  la  pro\ince. 

\*  Mercredi  prochain  ,  23  octobre,  pour  l'inauguration  de  l'église 
de  saint  Vincent-de-Paul ,  une  messe  de  M.  Doche  sera  exécutée 
à  neuf  heures  et  demie. 

*.*  M.  Ferd.  Hiller  a  composé  un  opéra  nouveau ,  intitulé  :  le 
Meunier  et  son  écuijer,  qui  vient  d'être  représenté  à  Berlin  et  à  Dresde. 

","  Sur  une  invitation  qui  lui  a  été  faite  par  le  duc  Masimilien  de 
Bavière ,  M.  Schad  se  rend  à  Munich  ,  où  il  compte  donner  plusieurs 
soirées.  M.  Schad,  pianiste  habile,  a  depuis  longtemps  fait  ses 
preuves  dans  les  concerts  de  Paris. 

♦/  La  veuve  de  M.  Sarachaga  ,  qui  a  été  tué  en  duel  il  y  a  envi- 
ron un  aa,  s'est  remariée  en  secondes  noces  à  M.  Sinico  ,^  ancien 
premier  ténor  à  Madrid  ,  qui  vient  d'être  engagé  pour  la  Scala. 

*,'  Le  monument  que  la  ville  de  Francfort  a  fait  ériger  à  Goethe 
sera  inauguré  le  22  octobre.  Les  membres  du  comité  ,  les  étrangers 
invités ,  et  une  partie  des  notables  de  la  ville ,  se  rendront  en  cor- 
tège auprès  du  monument.  Les  membres  du  Liederkranz,  de  la 
Liederiajel ,  de  la  réunion  de  Saclisenhaiisen ,  etc.,  ouvriront  la 
marche.  La  solennité  commencera  par  des  choeurs  ,  exécutes  ,par  les 
réunions  de  chant;  puis  on  prononcera  un  discours;  puis  encore 
des  chants  et  de  la  musique.  A  cinq  heures  du  soir,  il  y  aura  un 
grand  banquet  dans  la  salle  de  la  Bourse  ;  à  neuf  heures  ,  le  monu- 
ment sera  illuminé,  ainsi  que  la  maison  où  Goethe  est  né. 

V  Sous  le  titre  :  le  Juif  errant  et  la  Heine  Pomaré ,  il  vient  de 
paraître  deux  grandes  valses  brillantes  pour  le  piano, composées  par 
Lanner,  et  qui  sont  destinées  à  un  grand  succès  populaire.  Ces  valses 
font  briller  le  pianiste  dans  le  salon,  et  se  valsent  admirablement. 

V  A  peinel'hiverarrive-t-il  que  déjà  on  ne  parle  que  polka  etma- 
zurek  ;  jamais  la  danse  n'a  eu  plus  de  vogue  à  Paris,  Tandis  que, 
l'année  dernière,  .M.  Célarius,  maître  très  médiocre,  et  dont  la 
danse  est  sans  grâce  ,  avait  obtenu  un  succès  d'argent  en  introdui- 
sant une  mauvaise  polka,  qu'un  Bohémien  lui  avait  enseignée,  on 
ne  veut  plus  cette  année  que  de  M.  Laborde,  qui  a  fait  exprès  un 
voyage  en  Allemagne  pour  bien  connaître  toutes  les  figures  de  la 
polka  et  de  la  mazurek.  On  dit  des  merveilles  des  quadrilles  arrangés, 
avec  des  pas  de  contredanses  polka  et  mazurek ,  et  inventés  par 
M.  Laborde,  l'heureux  malire  de  danse  à  la  mode  maintenant,  et 


qui  a  laissé  loin  derrière  lui  Célarias  et  tous  ses  autres  rivaux  ,  en 
elîet  bien  inférieurs. 

%*  Le  nouveau  quadrille  du  Juif  errant  et  la  valse  composée  sous 
le  même  titre,  par  Jean  Michaëli ,  seront  mis  en  vente  chejz  tous  les 
marchands  de  musique,  du  20  au  25  de  ce  mois.  Ces  deux  publica- 
tions paraîtront  en  même  temps  à  2  et  à  4  mains;  l'édition  illustrée 
du  quadrille  sera  cotée  3  francs  net. 

-    CBïB'OBSssjaae  éta'aisiig^ère. 

*."  Bruxelles.  —  Le  concert  de  M""  Sabatier  et  de  Haumann  ,  le 
célèbre  violoniste ,  a  eu  lieu  hier  dans  la  salle  du  grand  concert. 

*,"  JVieshade.  —  On  vient  de  représenter  ici  :  la  Lune  de  miel, 
opéra-comique  en  deux  actes ,  d'après  le  libretto  italien  :  Chi  dura 
vente,  lequel  est  une  imitation  du  français.  La  musique  est  de  Luigi 
Ricci;  elle  a  été  accueillie  avec  faveur. 

*,*  Brunswick.  —  3Jaria  Dolorès,  opéra  de  M.  L.  Koebler,  a  été 
représenté  avec  succès  sur  notre  théâtre;  plusieurs  morceaux  ont 
été  redemandés.  .'Vprès  le  spectacle,  l'auteur  du  texte,  qui  est 
M.  Schmetzer,  le  célèbre  chanteur,  a  été  rappelé  sur  la  scène,  où  il 
a  paru  en  compagnie  du  compositeur  ,  au  milieu  de  grands  applau- 
dissements. 

*,*  Munich.  —  M.  Pentenrieder ,  qui  a  écrit  la  partition  de  l'o- 
péra :  Utie  7iuit à  Paluzzi ,  vient  d'être  nommé  organiste  de  l'église 
Saint-Louis. 

*,*  Dresde.  — M.  Max  de  Weberse  trouve,  comme  on  sait,  à  Lon- 
dres, pour  hâter  la  translation  des  restes  de  son  illustre  père  :  il  a 
trouvé  partout  l'accueil  le  plus  affectueux.  La  mémoire  de  l'auteur 
du  FreiscInUz  est  en  grande  vénération  en  Angleterre  :  la  chambre 
qu'il  habitait  est  encore  dans  l'état  où  elle  se  trouvait  au  moment 
de  sa  mort  :  il  n'a  été  permis  à  personne  de  l'occuper.  Le  clergé  re- 
nonce à  toute  rétribution-  Weber  mourut,  comme  on  sait,  subite- 
meutla  nuit,  dans  son  lit.  Sa  fin  a  dû  être  calme  et  sans  souffrance:  le 
masque  en  plâtre,  moulé  sur  la  figure  du  défunt,  a  une  expression 
remarquable  de  douceur  et  de  sérénité. 

*,'  Cologne ,  5  octobre.  —  L'association  des  chanteurs ,  composée 
exclusivement  d'hommes,  qui  s'est  formée  l'année  dernière,  va  faire 
construire  en  celte  ville,  pour  ses  festivals,  une  salle  qui  aura  six 
mille  pieds  carrés  de  contenance.  Les  darnes  de  Cologne  s'occupent 
déjà  à  broder  pour  cette  société  un  magnifique  drapeau  ,  qui  servira 
à  la  procession  que  ses  membres  feront  le  jour  où  aura  lieu  l'inau- 
guration de  l'immense  salle. 

",*  Berlin ,  5  octobre.  —  Avant-hier,  il  a  été  donné  chez  le  roi ,  au 
palais  de  Sans-Souci,  un  grand  concert,  dont  le  programme  était 
exclusivement  composé  d'ouvrages  des  vieux  maîtres  allemands: 
tels  que  Fuchs,  Hasse,  Benda  ,  Sébastien  Bach,  Kiruberger,  Nau- 
mann.  Ces  morceaux  ont  été  exécutés  par  la  chapelle-musique  du 
roi,  réunie  aux  plus  habiles  artistes  du  grand  Opéra,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Meyerbeer ,  qui ,  sur  l'invitation  de  S.  M.,  était  arrivé  la 
veille  de  Dresde  par  le  chemin  de  fer.  Le  Théâtre-Italien  de  cette 
ville  a  été  rouvert  le  premier  de  ce  mois,  et  le  Théâtre-Français  le 
sera  après-demain.  La  nouvelle  salle  du  grand  Opéra  doit  toujours 
être  inaugurée  le  7  décembre  prochain ,  centième  anniversaire  du 
jour  où,  sous  le  règne  de  Frédéric-le-Grand ,  on  inaugura  l'ancienne 
salle. 

*,*  Copenhague,  ii  septembre.  — La  Vestale,  de  Spontini,  qui  a  été 
représentée  pour  la  première  fois  ici  à  l'occasion  de  l'anniversaire 
de  la  naissance  du  roi ,  a  obtenu  un  succès  d'enthousiasme.  S.  M.  a 
conféré  à  l'auteur  de  cette  célèbre  partition  la  croix  de  chevalier  de 
l'ordre  de  Daonehrog. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


ort^VMXASE  J/J'.vDOICrTS  A  LBSAGE  M-i  PIANIiîTES. 


Le  ChiTogymnaete  est  un  assemblage  de  neaf  appa- 
reils çjmnastiques  desiinésà  donner  de  l'eilcnsion  i 
la  main  et  de  Vécart  aux  doigts  à  au  gmenter  et  à  ègali- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quatrième  et  le  cinquième 
indépendants  do    tous  les  autres.  Le  Chirogymnatte 
aéteaussi  approuvé  et  adopté  par  MM,  Adam,  Bertinit 
ne  Beriot,  Cramer,  llerz,  Kalkbrcimcr,  Listz,  Moschelè$ 
,  Pruamt.  Sivon.Thalherg.  Tulou,  Zimmermann.elc, 
Chaque  Chirogymnaste  est  revêtu  de  la  signature 
de  "inventeur  et  se  vend  place  de  la  Bourse,  n®  13, 
iihuitappareilé,  50fr.,àneufapp.G0fr.,méthode,Zfr. 

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DREVETE  nu  BOI 

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N°  13.  Pour  écrire  la  musique.  Cette  plume  convient  aussi  aux 
personnes  qui  n'écrivent  pas  l'anglaise. — N"  iZ  bis.  Pour  copier  la 
grosse  musique  telle  que  parties  séparées,  et  écriie,  en  gros  et  en 
ronde.  —  Noie  médium  Plus  fine  que  le  N°  (3,  très  bonue  pour 
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un  marché,  comparer  cesinstrumenis  avec  ceux  de  toutautre  facteur. 


354  REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


XiE  CARPEBTTIER.  Op.  92.  Trois  Polka  nationales. 

N.  1.  La  Polonaise 2  50 

2.  La  Française 2  60 

3.  1  a  Hongroise 2  50 

Les  trois  réunies 6    » 

—  Les  mêmes  à  quatre  mains 7-50 

—  Op.  9:i.  Pollta  de  Baden-Baden,  variée S     » 

—  43'  bagatelle  sur  la  Dot  d'Auvergne,  avec  accompagne- 
ment de  violon  ou  flûte,  aij /ifriium 5    » 

Quadrilles  et  Valses. 

Am.  ARTUS.  Le  Miracli  des  roses,  qundT'iWe 4  50 

FltAUDO.   Les  Palmiers,   valses  choisies  de  Strauss  et 

Iiabitzky,  en  2  suites,  chaque 4  50 

—  Les  Mabiliennes ,    choix    de  valses  de  Iiabitzky  et 
Strauss,  en  2  suites.  Chaque 4  50 


MUSIQUE  NOUVELLE  POUR  LE  PIANO 

puhliée  par  J.  niIEISSONIVIER  ,  22 ,  rue  Dauphine.  —  Éditeur  de  la  méthode  de  piano  de  nENRI  DERZ, 

Pr.  HUNTXN'.  Op.  132.  Les  Cbanis  d'Italie,  six  petites  fantai- 
sies sur  des  thèmes  italiens ,  en  3  livraisons.  Chaque.  6 

—  Op.  133.  Les  trois  Bijoux,  fantaisies  sur  des  motifs  ita- 

liens. N.  I.  I.e  Diadème,  thème  de  Donizetti.  .     .     .  6 

2.  L'Etincelle,  thème  de  Mercadante  .    .    .  6 

3.  La  Féronnière,  thème  de  Bellini.  ...  6 
A.  de  KONTSKV.  Op.  79.  Les  Elégantes  de  Dieppe  ,  valse 

brillante 6 

J.  SCHAD.  Souvenirs  de  Munich ,  valses  brillantes.     ...  5 

—  Etudes  très  faciles,  composées  expressément  pour  les 

petites  mains 9 

H.  HERZ.  Op.  129  bis.  Air  montagnard ,  varié 6 

ROMANCES  NOUVELLES. 

MaximJnDEIiOCHE.  L'Enfant  de  la  montagne     ....  2    »  1  Ch.  HAAS.  Le  Chasseur  égaré 2 

En  vente  chez  MAURICE  SCHLESIKGER ,  97,  rue  Richelieu. 

lEIOS  nous  POi  (lUIim  MMU 

R,EIISSICrEiR.    Op.  164,  Premier  trio  faci!e  et  brillant i5 

DU  MÊME.  Op.  176.  Second  trio  facile  et  brillant  ........        i5 

OUVRAGES  NOUVEAUX  de  ED.  WOIFF. 

Op.  95.  LA  MÉLANCOLIE  et  L'ESPOIR,  deux  Nocturnes  de  salon     ....       6 

Op.  97.  L'ANDALOUSE ,  troisième  grande  valse 6 

Les  deux  précédentes  valses  du  même  auteur  qui  ont  obtenu  un  si  brillant  succès,  sont 
'  intitulées  :  la  Favorite,  op.  63  ,  et  la  Reine  de  CInjpr.e,  op.  %h.  _  v;;"'  f 

Op.  102.  N.  1.  LA   BOHÉIKEIENNE ,  grande  Polka  de  salon 6 

N.  2.  LA  VARSOVIENNE,  Mazurka  nationale 6 


Pour  paraître  le  25  octobre. 

OUVRAGES  NOUVEAUX  DE  STEPHEN  HELLER. 

Op.  4?.    Crande  valse  élégaute.  )  ^  ) 

Op.  43.    Gi-aiiiide  -salsc  sentimentale.  \     MORCEAUX  BRILLANTS  \     Chaque.     6     » 

Op.  44.   Krande  valse  villageoise        )  de  salon.  \ 

Op.  48.  Citant  national  de  Charles  VI.     .     .     U  » 


LE  CORSAIRE -SATAN 

Paraissant  quotidiennement,  sur  beau  papier,  -format  des  grands  journaux, 

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GAZETTE  MUSICALE 

Rédigée  par  MM.  ANDERS,  G.  BÉXÉDIT,  BERLIOZ,   HekUI   BLAXCHARn,  MaUiuCE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DLESBERG ,  FÉTIS  père,  ÉobUABD  FETIS, 
STEPHES  HELLER,    J.  JAMN,    G.  KASTNER  ,  LISZT,  J.  JIEIFRED  ,  GeobGE  SAND,   L.  RELLSTAB,  Paul  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 


IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUIUERO  UN  DESSIIV  INEDIT  DE  GAVAKNI. 


SOMMAIRE.  La  Création  du  monde ,  oratorio  de  Joseph  Haydn  ;  par 
MAUItlCE  BOURGES.  —  Feuilleton.— Nouvelles.  — Annonces. 

CHANSON  A  BOIRE.  Dessin  de  Gavarni. 


miH.  les  Abonnés  recevront  avec  le  présent  nnméro  : 
lie  Chenûn  de  fer ,  Paris ,  Rouen ,  Orléans ,  3  Polkas 
nouveUes  par  liabîtzky  (OEuvre  101). 


LA  CRÉATION  DU  MONDE, 

OKATORIO  DE  JOSEPH  HAYDN. 

A  la  veille  d'une  solennité  aussi  imposante  que  celle  dont 
l'Académie  royale  de  musique  doit  être  le  théâtKc',  vendredi 
prochain,  il  ne  sera  pas  sans  intérêt  pour  nos  lecteurs  de  re- 
cueillir ici  quelques  documents  historiques  relatifs  au  plus 
célèbre  des  ouvrages  de  Joseph  Haydn.  En  Allemagne,  la 
Création  est  comptée  parmi  les  œuvres  classiques  du  premier 
ordre  ;  sa  popularité  est  immense.  Aucun  oratorio ,  sans  en 
excepter  le  Messie  de  Haëndel ,  n'y  a  été  entendu  plus  souvent 
ni  avec  plus  de  succès.  En  France ,  au  contraire  ,  la  Création 
n'est  généralement  bien  connue  que  de  nom.  Une  fatalité 
singulière  semble  s'être  opposée  jusqu'ici  à  l'exécution  en-. 
tière  de  cette  vaste  composition.  Quelques  fragments  isolés , 
si  bien  dits  qu'ils  fussent  ou  des  réductions  au  piano,  n'ont 
jamais  donné  qu'une  idée  incomplète  de  l'ensemble. 

Aussi  le  comité  de  l'association  des  artistes-musiciens  ne 


pouvait  rien  imaginer  qui  fût  plus  digne  de  l'esprit  de  son 
institution  que  de  rendre  un  éclatant  hommage  au  génie  d'un 
maître  illustre,  en  faisant  entendre  une  de  ses  plus  riches 
productions  avec  un  luxe  de  moyens  extraordinaires.  11  était 
temps  que  Paris  payât  ce  tribut  à  la  mémoire  d'Haydn.  Voici 
plus  de  quarante-six  ans  que  la  Création  est  écrite,  et  la 
France  n'a  essayé  qu'une  seule  fois  d'exécuter  dignement  et 
dans  sa  totalité  un  ouvrage  accueilli  avec  tant  de  faveur  dans 
le  reste  de  l'Europe. 

Ce  fut  en  l'an  IX  de  la  république  une  et  indivisible ,  au 
plus  pur  de  la  gloire  de  Napoléon  Bonaparte.  La  France  ,  à 
peine  remise  des  plus  affreuses  convulsions ,  toute  palpitante 
des  crises  désordonnées  de  l'anarcbie ,  se  tournait  avec  espé- 
rance vers  son  héros  encore  sans  tache.  Les  flatteurs ,  déjà 
nombreux  ,  du  premier  consul,  cherchaient  |à  exploiter,  au 
profit  de  son  ambition  secrète ,  l'enthousiasme  et  l'amour 
qu'il  inspirait.  L'occasion  d'une  manifestation  publique  ne 
se  fit  pas  attendre.  Le  pianiste ,  Daniel  Steibelt ,  habile  à 
pressentir'  les  circonstances  favorables  à  ses  intérêts,  proposa 
l'exécution  de  l'oratorio ,  qui ,  depuis  deux  ans ,  remuait 
l'Allemagne  :  c'était  une  bonne  fortune  pour  les  courtisans. 
Au  moment  où  une  main  puissante  travaillait  à  réorganiser 
l'ordre  social  en  France,  l'allusion  parut  aussi  ingénieuse  que 
politique.  Le  citoyen  Ségur  jeune  fut  donc  chargé  de  traduire 
le  texte  allemand ,  tandis  que  l'auteur  du  Combat  naval  pour 
le  piano ,  Steibelt ,  se  réservait  la  tâche  d'adapter  les  vers  du 
parodiste  à  la  musique  originale  :  besogne  d'écolier  qu'il  eut 
le  triste  courage  de  se  faire  payer  trois  mille  six  cents  livres  ! 

L'administration  du  théâtre  de  la  République  et  des  Arts 
(aujourd'hui  l'Opéra)  mit  tout  en   œuvre  pour  donner  à 


Portefeuille  de  deux  Cantalrices  ^^^ 

Du  moment  qu'Esther  Saunier  fut  à  Bordeaux,  une  correspon- 
dance très  régulière  et  très  active  s'établit  entre  elle  et  sa  mar- 
raine. Toutes  ces  lettres  sont  en  notre  possession  :  nous  en  lais- 
sons de  côté  plusieurs  ,  qui  nous  paraissent  trop  insignifiantes, 
pour  arriver  à  celle  où  la  jeune  fille  rend  compte  de  son  début, 
ESTIIEa  SAUNIER  A  CLOTILDE  B*  *  *. 

Bordeaux,  15  mai. 

MA  CHÈRE  MARRAINE  ! 

J'ai  débuté  ,  j'ai  réussi  :  vous  l'avez  deviné,  n'est-ce  pas  ?  rien 
(I)  Voiries  numéros  40,  41  et  42. 


qu'en  voyant  mon  écriture.  Où  aurais-je  trouvé  la  force  de  vous 
apprendre  que  j'étais  tombée ,  puisque  j'ai  à  peine  celle  de  vous 
faire  part  de  mon  succès  ?  Hier  soir,  en  rentrant  du  théâtre,  j'ai 
voulu  prendre  la  plume;  je  m'étais  bien  promis  de  ne  pas  me 
coucher  sans  avoir  tracé  quelques  lignes  pour  vous  :  impossible  ! 
ma  main  tremblait,  mes  yeux  élaient  éblouis  :  je  ne  voyais  rien. 
Dans  ma  lèle  c'élait  comme  un  bourdonnement  lerrible  :  mon 
rôle  me  revenait  d'un  bout  à  l'autre  ,  et  pendant  toute  la  nuit  je 
n'ai  cessé  de  le  chanter  malgré  moi  !  Jlais  je  ne  vous  apprends 
rien  de  nouveau  :  vous  avez  sans  doute  éprouvé  toutes  ces  choses, 
et  il  faut  espérer  qu'on  ne  les  éprouve  qu'une  fois,  car  il  me 
semble  qu'on  devrait  en  mourir  !  Ce  serait  une  belle  mort,  mais 


BUREAUX   D'ABOHrNEMEKTT,    RUE   RICMEI.IEU,    97. 


S56 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


cette  soicnnilé  une  magnificence  inaccoutumée.  Réclames  at- 
trayantes, affiches  variées,  lelties  adressées  ingénument  au 
public  par  le  directeur  de  Vismes  et  le  citoyen  Ségur,  rien 
nefut  épargné.  Dans  les  journaux,  dans  le  monde,  il  n'était 
bruit  que  des  prodiges  de  l'oratorio.  On  racontait  que  chaque 
répétition  générale  se  terminait  au  milieu  dos  trépignements 
et  des  vivat.  La  curiosité  était  au  comble  :  aussi ,  quoiqu'on 
«ût  doublé  le  prix  des  places  à  cause  du  chiffie  élevé  des  frais, 
il  ne  restait  plus  une  loge  vacante  quinze  jours  avant  la  pre- 
mière représentation.  Depuis  celle  du  Iflariarjc  de  Figaro, 
on  n'avait  pas  vu  d'empressement  semblable.  L'administra- 
tion dut  céder  aux  instantes  sollicitations  desdilettanti.  Cent 
trente  sièges,  placés  sur  le  théâtre  oii  l'orchestre  était  disposé, 
furent  loués  tout  de  suite  au  prix  énorme  de  vingt-quatre 
francs  chacun. 

Enfin  le  tridi  de  la  première  décade  de  nivôse  (le  mercredi, 
24  décembre  1800)  amena  cette  fête  tant  désirée.  Dès  neuf 
heures  du  matin  les  avenues  de  l'Opéra  étaient  encombrées 
d'une  foule  immense  qui  n'entra  cependant  qu'à  six  heures 
du  soir.  Il  faut  renoncer  à  décrire  la  brillante  physionomie  de 
cette  sMe  illuminée  par  extraordinaire  ,  de  cette  foule  étin- 
celante  ,  de  ces  loges  radieuses  de  luxe  et  d'élégance.  Aucune 
assemblée  publique ,  dit  le  Journal  de  Paris,  n'avait  encore 
offert  aux  yeux  un  spectacle  aussi  étonnant.  Et  qui  ne  le 
croirait  sans  peine  en  se  représentant  les  modes  du  consulat 
aux  grands  jours  de  cérémonie,  le  frac  noir  et  dégagé,  la 
culotte  collante,  le  chapeau  à  trois  cornes,  les  coiffures  à  la 
Cërès  ,  les  réseaux  à  la  circassienne ,  les  robes  à  la  turque 
semées  d'une  pluie  de  jais ,  les  aigrettes  de  pierreries,  les 
croissants  d'argent  et  d'or,  les  esjn'its  plantés  sur  le  sommet 
des  toques,  le  tout  entremêlé  de  costumes  et  d'insignes  mi- 
litaires variés  à  l'infini?  C'était  un  tableau  tout  fait  pour  David 
ou  Gérard. 

Une  seconde  suffit  pour  bouleverser  l'aspect  de  cette  réu- 
nion éblouissante.  L'introduction  venait  à  peine  de  commen- 
cer, lorsque  le  bruit  d'une  explosion  lointaine  ébranle  la  salle 
subitement.  On  se  trouble  ,  on  s'agite  ;  l'anxiété  est  peinte  sur 
tous  les  visages.  Bientôt  une  effrayante  nouvelle  circule  avec 
rapidité.  On  parle  de  machine  infernale,  d'attentat  à  la  vie 
du  premier  consul.  ïout-à-coup  un  tonnerre  d'applaudisse- 


ments et  d'acclamations  éclate  dans  le  théâtre.  Bonaparte,  le 
front  calme  et  souriant,  vient  de  paraître  dans  sa  loge  avec  sa 
famille.  Dès  lors  l'attention  n'est  plus  à  l'oratorio.  La  fièvre 
des  passions  politiques  absorbe  l'auditoire.  En  vain  ,  les  deux 
cent  cinquante  musiciens  accomplissent  leur  lâche  avec  con- 
science; en  vain  Y  Ange  Gabriel  essaie  de  réveiller  l'intérêt 
par  la  gracieuse  entremise  de  M"'  Barbicr-Yf'albonne,  son 
interprète.  Le  public  n'entend  rien  ,  ni  C héron,  qui  fait  vi- 
brer pour  le  compte  de  Raphaël  et  à' Adam  les  restes  de  son 
puissant  organe,  ni  GflraZ ,  l'incomparable  Garai,  réputé  le 
dieu  du  chant  et  du  bon  ton.  Quoique  le  premier  consul  af- 
fectât une  contenance  tranquille  jusqu'à  la  chute  du  rideau  , 
l'inquiétude  générale,  qui  se  communiqua  aux  artistes,  obligea 
à  précipiter  l'exécution  ,  à  abrégei-  luême  la  troisième 
partie. 

Qu'on  juge  après  cela  si  le  génie  calme  et  pur  de  cette 
musique  avait  pu  être  compris  dans  de  pareilles  conditions. 
Quel  empire  restait-il  aux  illusions  de  l'art  en  face  d'une 
réalité  menaçante?  Malheureux!  s'écriait  le  feuilleton  des 
Débats ,  nous  courions  à  la  création  du  monde ,  et  la  France 
allait  être  replongée  dans  le  chaos  !  Le  moyen ,  en  effet ,  de 
goûter  les  hymnes  angéliques ,  quand  tous  les  cœurs  battaient 
à  la  pensée  du  terrible  drame  de  la  rue  Saint-Nicaise? 

Peut-être  l'Oratorio,  qu'on  n'avait  ni  entendu  ni  jugé,  se 
fût-il  relevé  à  la  seconde  audition ,  annoncée  pour  le  1 2  nivôse , 
si  le  premier  Consul  lui  eût  donné  le  moindre  encouragement. 
Mais  Bonaparte ,  meilleur  connaisseur  en  stratégie  qu'en 
musique,  n'aimait  que  le  style  italien  ;  la  Création  ,  d'ail- 
leurs, lui  rappelait  une  date  funeste.  Cette  fâcheuse  coïnci- 
dence aida  à  consommer  l'injustice  ,  dont  la  presse  et  l'opi- 
nion furent  les  complices  aveugles.  Plus  intelligent  et  moins 
prévenu  ,  Garât  parvint,  à  force  de  talent,  à  faire  comprendre 
au  public  ,  dans  les  concerts  de  la  rue  de  Cléry ,  le  bel  air  de 
la  Création  de  l'homme.  Quant  au  reste,  l'heure  du  Fsai 
lux  n'était  pas  encore  venue. 

Les  parodies  d'ailleurs  n'épargnèrent  pas  l'ouvrage ,  et 
servirent  de  sourdes  jalousies  ,  suscitées  par  l'immense  valeur 
de  l'œuvre  d'Haydn.  La  moins  grossière  de  ces  parodies , 
donnée  h  l'Opéra-Comique  national,  sous  ce  titre,  le  Premier 
homme  du  monde  ou  la  Création  du  sommeil,  dut  son  succès 


non  pas  une  mort  douce  ! 

Enfin ,  ma  chère  marraine,  la  voilà  donc  passée  cette  grande 
épreuve,  devant  laquelle  je  frissonnais  depuis  un  mois.  Non,  je 
ne  saurais  vous  dire  tout  ce  que  j'ai  éprouvé  depuis  que  ce  parti 
décisif  a  été  pris  par  votre  conseil.  A  compter  de  ce  moment,  j'ai 
vécu  sous  le  poids  d'un  perpétuel  cauchemar.  Je  vous  ai  déjà  dit 
tous  les  soins  que  le  l)on  Sazerac  m'a  prodigués  pendant  le 
voyage,  toutes  les  peines  qu'il  s'est  données  pour  me  faire  trouver 
la  ville  de  Bordeaux  charmante,  pour  m'y  procurer  un  logement 
commode  et  agréable ,  pour  m'amuser ,  pour  me  distraire,  en  un 
mot,  pour  adoucir  autant  que  possible  mon  chagrin  de  n'être 
plus  chez  vous  et  avec  vous  ,  dans  votre  délicieuse  maison  de  la 
rue  St. -Lazare.  Je  ne  suis  pas  une  ingrate,  il  s'en  faut  bien  ;  je  lui 
sais  un  gré  infini  de  tout  ce  qu'il  a  fait,  mais  je  vous  avouerai  fran- 
chement qu'il  s'est  donné  un  mal  inutile.  Il  aurait  fait  plus,  ilaurait 
fait  moins ,  c'eût  été  absolument  la  même  chose.  Je  ne  pouvais 
jouir  de  rien  ,  être  heureuse  ni  flattée  de  rien  :  je  n'avais  qu'une 
idée  fixe ,  qui  me  rendait  insensible  à  tout ,  mon  début,  à  cha- 
que minute,  à  chaque  seconde,  mon  début,  toujours  mon  début  ! 
Je  me  faisais  l'elTet  d'un  condamné  à  mort ,  qui  pense  continuel- 
lement au  jour  où  on  l'exécutera.  Quand  j'allais  au  théâtre,  dont, 
vous  savez,  l'aspect  est  si  magnifique,  quand  j'allais  à  ces  pro- 
menades ,  oii  toute  la  ville  se  porte,  quand  j'y  voyais  des  gens 
aller,  venir,  avec  l'air  libre  et  dégagé  ,  les  yeux  brillants,  le  sou- 
rire sur  les  lèvres  ,  je  leur  portais  envie  et  me  disais  tout  bas  : 


sont-ils  heureux!  Ils  ne  doivent  pas  débuter!  Mes  terreurs, 
mes  angoisses  étaient  si  fortes  qu'une  heure  encore  avant  de 
paraître,  malgré  tout  l'intérêt  que  m'inspire  ce  bon  Sazerac, 
malgré  la  reconnaissance  que  je  lui  dois  et  la  désolation  que  me 
causerait  sa  ruine ,  si  l'on  était  venu  me  dire  que  le  théâtre  avait 
croulé,  qu'il  était  en  flammes  ,  mon  premier  mouvement  eût  été 
de  me  réjouir,  sauf  ensuite  à  faire  pénitence  et  à  me  plonger  dans 
les  remords. 

Aujourd'hui ,  comme  tout  a  changé  !  Je  commence  à  respirer, 
j'existe.  Ah  !  chère  marraine,  que  d'actions  de  grâce  je  vous  rends 
au  fond  du  cœur  pour  la  violence  que  vous  m'avez  faite  !  Sans 
vous,  que  serais-je,  grand  Dieu  !  De  quel  abîme  ne  m'avez-vous 
pas  tirée  pour  m'élever  au  sort  le  plus  brillant  !  Oh  !  oui,  c'est 
un  beau  sort  qued'être  applaudie  par  toute  une  salle,  que  de  re- 
cevoir des  compliments ,  des  lettres ,  des  vers  (j'en  ai  déjà  reçu 
ce  matin,  lecroiriez-vous?);  que  devoir,  à  n'en  pas  douter,  qu'on 
a  eu  du  plaisir  à  vous  entendre  et  par  conséquent  d'être  obligée 
de  croire  qu'on  a  un  peu  de  talent  !  Vous  m'aviez  prédit  que 
j'en  aurais,  chère  marraine,  mais  je  me  défiais  de  votre  amitié: 
j'avais  besoin  d'une  preuve  plus  convaincante,  vous  me  pardon- 
nerez de  vous  dire  cela ,  et  le  publicde  Bordeaux  me  l'a  donnée. 
Que  je  l'aime  donc,  ce  public  !  Que  je  le  trouve  bon  et  gracieux!... 

Ici  j'ai  été  obligée  d'interrompre  ma  lettre:  on  ne  cesse  de  me 
demander  :  j'avais  dit  à  ma  femme  de  chambre  de  ne  recevoir 
personne ,  mais  mon  directeur  n'était  pas  compris  dans  la  con- 


DE  PARIS. 


357 


à  quelques  traits  de  circonstance ,  tels  que  celui-ci  dirigé 
contre  Garât  : 

Je  donne  des  airs  aux  liaLils  , 
El  lous  les  airs  je  les  habille. 

Et  le  couplet  suivant,  dont  l'allusion  transparente  fut  ac- 
cueillie avec  transport  : 

Au  sein  des  plus  affreux Tiasards, 
Pour  nous  toujours  le  ciel  conserve 
Le  liéros,  favori  de  Mars  , 
Et  digne  élève  de  Minerve. 
Le  peuple,  enivré  des  succès 
Sur  lesquels  son  bonheur  se  fonde , 
Dans  celui  qui  promet  la  paix 
Voit  \e premier  homme  du  monde. 

Cependant  la  plupart  des  artistes  et  quelques  amateurs 
éclairés  surent  apprécier  la  portée  de  l'œuvre  incomprise  ;  le 
Jugement  dernier  ou  Haydn  vengé ,  petite  pièce  spirituelle  , 
jouée  au  théâtre  des  Troubadours  ,  flagella  l'ignorance  ou  les 
arrière-pensées  des  détracteurs.  A  la  dernière  répétition,  les 
exécutants  de  l'orchestre  de  l'Opéra  ,  animés  du  plus  vif  en- 
thousiasme ,  décernèrent  à  l'auteur  de  la  Création  ,  sur  la 
proposition  de  Frédéric  Rousseau,  violoncelle,  une: mé- 
daille d'honneur  en  or ,  qui  fut  gravée  depuis  par  Gatteaux  et 
envoyée  avec  une  lettre  de  félicitation.  On  trouve  dans  le 
cinquante-deuxième  numéro  de  la  Gazette  de  Leipzig  ,  à  la 
date  du  23  septembre  1801 ,  la  réponse  touchante  et  modeste 
d'Haydn ,  qui  la  terminait  ainsi  :  «  Vous  avez  payé  en  un 
«jour,  messieurs  ,  des  travaux  de  soixante  années;  vous  avez 
»  couronné  mes  cheveux  blancs  et  semé  de  fleurs  le  bord  de 
»  ma  tombe.  Mon  cœur  ne  peut  exprimertout  ce  qu'il  éprouve 
1)  et  vous  peindre  sa  profonde  reconnaissance.  » 

Haydn,  que  les  témoignages  d'admiration  et  les  dignités 
honorifiques  vinrent  de  toutes  parts  récompenser ,  au  terme 
de  sa  carrière  ,  comptait  alors  soixante-neuf  ans.  Vers  179i, 
le  prince  Esterhazy ,  ce  fier  magnat  de  Hongrie,  dont  il  fut 
longtemps  le  musicien ,  presque  le  serviteur,  et  qui  le  nom- 
mait familièrement  son  Maure  ,  lui  avait  enfin  accordé  sa 
retraite.  Propriétaire  d'une  petite  maison  et  d'un  jardin  ,  dans 
le  faubourg  de  Gumpendorf,  à  Vienne,  sur  la  roule  de 
Schœnbrunn,  Haydn  y  consacra  deux  années  h  composer  son 


jmmortelle  Création.  ]1  l'entreprit  vers  la  fin  de  1795,  et 
la  termina  au  commencement  de  1798.  A  ceux  qui  le  ques- 
tionnaient sur  la  lenteur  de  son  travail,  il  répondait  :  J'y  mets 
beaucoup  de  temps,  parce  que  je  veux  qu'il  dure  beaucoup. 
Haydn  n"a  pas  trop  présumé  de  son  œuvre. 

Depuis  la  première  audition  ,  qui  eut  lieu  durant  le  carême 
de  1798  ,  avec  un  immense  succès,  au  palais  du  prince  de 
Schwarlzemberg  et  aux  frais  de  la  Société  des  amateurs,  dont 
faisaient  aussi  partie  les  princes  Lichtenstein,  Lichnowsky,  les 
comtes  Harrach  ,  d'Appony  ,  et  toute  l'aristocratie  viennoise  , 
la  renommée  de  la  Création  n'a  fait  que  grandir.  Les  villes 
importantes  d'Allemagne  l'exécutèrent  comme  à  l'envi. 
Londres,  Berlin,  Saint-Pétersbourg,  Stockolm,  Edimbourg, 
Moscou ,  s'empressèrent  de  les  imiter  ;  l'Italie  et  même 
l'Espagne  ne  tardèrent  pas  à  suivre  cet  exemple. 

Certes  dans  le  concours  de  ces  manifestations  spontanées  , 
qui  éclatent  sur  tous  les  points  de  l'Europe ,  il  y  a  le  signe 
évident  de  l'empire  du  génie.  Sans  doute  une  saine  critique 
pourra'  relever  dans  ce  bel  ouvrage  certaines  erreurs  de 
goiit.  Haydn  dut  subir  l'influence  de  son  siècle.  L'imitation 
de  la  nature  dans  les  arts  était  alors  une  sorte  de  manie. 
L'ami  et  le  coUaboraleur  d'Haydn,  le  baron  Van  Swieten, 
bibliothécaire  de  l'empereur  ,  littérateur  et  musicien  médio- 
cre ,  mais  partisan  enthousiaste  de  la  musique  descriptive , 
reconnaissant  à  cet  art  une  puissance  de  signification  sans 
Umite,  se  passionna  pour  l'idée  d'une  cantate  sur  la  création 
du  monde  ,  idée  qu'Haydn  avait  empruntée  à  Lidley  ,  pen- 
dant son  séjour  en  Angleterre.  Sous  l'influence  de  cet  en- 
gouement ,  il  conçut  et  écrivit  ce  petit  lihretlo  divisé  en  trois 
parties  ;  canevas  assez  difforme  ,  que  le  musicien  revêtit  des 
plus  vives  couleurs.  Les  récitatifs,  destinés  à  lier  entre  eux 
des  airs  ,  des  duos,  des  trios  et  des  chœurs,  sont  extraits 
textuellement  des  versets  du  premier  chapitre  de  la  Genèse. 
Trois  anges,  Gabriel  (soprano),  Uriel  (ténor),  Raphaël 
(  basse) ,  expliquent  tour  à  tour  les  merveilles  de  la  Création , 
que  célèbrent  ensuite  les  phalanges  célestes.  Dans  les  deux 
premières  parties,  le  baron  Van  Swieten  a  trouvé  moyen  de 
passer  en  revue  tous  les  phénomènes  du  monde  physique, 
susceptibles  d'imitation  matérielle  ;  il  a  mis  à  contribution 
les  quatre  éléments  ;  aussi  rencontrez-vous  dans  la  partition 


signe.  Il  m'avait  reconduite  hier  :  il  a  voulu  savoir  aujourd'hui 
comment  je  me  portais,  c'est  bien  naturel.  Il  a  voulu  me  répéter 
tout  ce  qu'on  lui  a  dit  de  flatteur  pour  moi;  je  vous  en  fais 
grâce.  D'ailleurs,  il  va,  dit-il,  vous  écrire  lui-même.  Il  est  aux 
anges  :  il  rêve  la  fortune  pour  lui  et  pour  moi.  La  fortune  !  est-ce 
que  je  ne  suis  pas  déjà  riche ,  trop  riche  même  !  Dix  mille  francs 
à  moi ,  qui  ai  vécu  si  longtemps  avec  moins  de  cent  écus  !  c'est 
à  vous ,  chère  marraine ,  que  je  demanderai  ce  qu'on  peut  faire 
de  tant  d'argent.  Je  ne  parle  pas  de  celui  que  je  tiens  de  vous  : 
celui-là  je  n'y  toucherai  jamais  :  je  suivrai  votre  exemple  ,  j'en 
placerai  les  intérêts ,  comme  vous  avez  placé  le  capital.  Ah  !  si  je 
pouvais  rendre  un  jour  à  une  pauvre  fille  le  bienfait  que  je  vous 
dois  1  Si  je  pouvais  aussi  me  montrer  grande  et  généreuse  !  Alors, 
seulement  alors  j'aurais  prouvé  que  j'étais  digne  d'être  aimée  et 
sauvée  par  la  meilleure  et  la  plus  aimable  des  femmes. 

Dans  votre  dernière  lettre ,  vous  me  reprochez  de  n'être  pas 
complètement  franche  et  de  ne  vous  avoir  rien  dit  encore  des 
déclarations  que  j'ai  dû  recevoir.  J'en  conviens,  je  ne  vous  ai 
pas  tout  dit  parce  qu'il  y  a  des  choses  que  j'aurais  voulu  ne  pas 
savoir  moi-même.  Quel  singulier  monde  que  le  théâtre,  et  quels 
étranges  propos  on  y  entend!  Quant  aux  déclarations,  i\  paraît 
que  c'est  la  monnaie  courante  :  on  en  reçoit  de  tous  ceux  qui 
vous  parlent  et  qui  probablement  ne  s'en  soucient  guères  plus 
que  vous.  Mais  les  plus  amoureux  ne  sont  pas  ceux  qui  parlent 
tout  haut  de  leur  amour.  Il  y  a  longtemps  que  je  sais  cela  ,  et. 


si  je  ne  me  trompe,  il  y  a  quelqu'un  près  de  moi,  que  je 
vois  tous  les  jours,  et  qui  m'aime  sérieusement,  quoiqu'il  n'en 
dise  mot.  Ai-je  besoin  de  vous  le  nommer?  C'est  Sazerac,  mon 
directeur,  et  savez-vous  à  quoi  je  m'en  suis  aperçue?  à  la  ma- 
nière dont  il  regarde,  et  dont  il  traite  ceux  qui  font  mine  de 
quelque  penchant  pour  moi,  qui  me  persécutent  de  leurs  assi- 
duités ,  de  leurs  galanteries.  Le  brave  homme  souffre  mort  et 
passion  :  cela  est  clair  comme  le  jour.  Il  saisit  tous  les  prétextes 
de  me  parler  à  l'oreille,  de  m'emmener  dans  un  coin,  pour  me 
délivrer  de  mon  entourage.  Le  père  le  plus  scrupuleux  n'envi- 
ronnerait pas  sa  fille  d'une  surveillance  aussi  sévère.  Et  pouriant 
il  y  a  un  homme  que  j'avais  renvoyé  d'abord  et  que  Sazerac  m'a 
ordonné  de  bien  accueillir,  avec  lequel  il  veut  que  je  garde  tous 
les  ménagements  possibles,  au  point  même  de  le  tromper,  s'il  y 
a  moyen,  et  de  lui  faire  espérer  ce  que  très  certainement  il  n'aura 
jamais.  C'est  malgré  moi  que  je  tourne  à  l'hypocrisie,  mais 
Sazerac  prétend  que  c'est  indispensable.  Je  vais  vous  mettre  au 
fait  :  vous  me  direz  s'il  a  tort  ou  raison. 

Pendant  la  première  quinzaine  de  mon  séjour  à  Bordeaux , 
Sazerac  me  tint  à  peu  près  sous  lesverroux.  J'apprenais  mes  rôles, 
je  les  chantais  devant  lui,  et  le  soir  seulement  je  sortais,  pour 
prendre  l'air,  toujours  avec  lui.  A  tons  ceux  qui  lui  demandaient 
s'il  avait  trouvé  une  cantatrice ,  il  répondait  qu'elle  était  en  route 
et  qu'il  l'atlcndait  incessamment.  Loisqu'cnlin  les  répétitions 
au  théâtre  commencèrent  et  qu'il  ne  fut  plus  possible  de  me  ca- 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


d'Haydn  l'air  des  Ruisseaux,  l'air  des  Végétaux,  l'air  des 
Oiseaux,  l'air  des  Animaux;  mais  tout  cela  enrichi  d'une 
musique  si  suave  de  mélodie  ,  si  pleine  d'harmonie,  si  grande 
d'effets  avec  les  moyens  les  plus  simples ,  si  vraie  malgré 
quelques  abus  d'expression,  que  l'auditeur  charmé  oublie 
absolument  les  pièges  dangereux  tendus  au  compositeur  par 
le  zèle  inconsidéré  du  poëte. 

Rien  d'ailleurs  ne  prouve  mieux  les  ressources  du  génie 
d'Haydn,  que  l'art  avec  lequel  il  dissimule  les  écueils  du 
genre  descriplif.  Les  morceaux  cités  plus  haut ,  celui  surtout 
de  la  création  de  l'homme ,  sont  doués  d'une  grande  puis- 
sance pittoresque.  Le  chœur,  qui  termine  la  première  partie, 
restera  toujours  un  des  plus  beaux  exemples  possibles  de  gra- 
dation d'effet.  Il  est  assurément  inutile  de  mentionner  ici  le 
célèbre  épanouissement  d'orchestre  qui  accompagne  les  mots 
et  la  lumière  fut.  Celle  explosion  soudaine  a  d'autant  plus 
d'éclat,  que  dans  la  peinture  du  Chaos,  ou,  pour  mieux  dire, 
du  Néant ,  qui  la  précède,  la  sonorité  est  ingénieusement 
ménagée  au  moyen  des  sourdines ,  du  Sotto  voce  et  du  ton 
mineur.  Ces  teintes  crépusculaires  préparent,  on  ne  peut 
mieux,  l'éblouissanle  apparition  du  jour.  Partout  cet  admi- 
rable passage  a  produit  une  élonnanle  sensation. 

Les  impressions  que  fait  naître  la  troisième  partie  ont  plus 
de  douceur.  Adam  et  Eve  admirent  et  célèbrent  les  œuvres 
de  Dieu.  Haydn  ,  à  qui  la  vie  conjugale  avec  la  revêche  Anne 
Keller  n'avait  pas  dû  laisser  des  souvenirs  bien  tendres,  a  su 
prêter  cependant  au  premier  couple  matrimonial  des  accents 
d'une  suavité  infinie.  La  grâce  innocente  de  son  Eve  ne  put 
échapper  en  France  aux  traits  malins  des  parodistes.  L'un 
d'eux  faisait  dire  à  l'ange  : 

Je  ne  sais  pas  tout  ce  qu'elle  fera , 
Mais  je  sais  qu'elle  parlera. 

Il  y  a  loin  de  ces  deux  vers  à  ceux  que  AVieland  et  Collin 
adressèrent  à  Haydn  dans  leur  enthousiasme.  Pendant  une 
période  de  quinze  années  au  moins,  les  journaux  allemands 
offrent  une  foule  de  stances ,  de  quatrains  rimes  à  la  plus 
grande  gloire  de  la  Création.  Le  titre  de  cette  pariitionse 
retrouve  dans  presque  tous  les  numéros  pour  en  menlionner 
les  triomphes. 


Carpani  dans  ses  Haydinc  ,  Framery,  Lebretou  ,  Gerber , 
Griesinger ,  Fétis  et  tous  les  biographes  possibles  ont  rendu 
populaires  les  récits  de  ces  nombreuses  solennités.  La  plus 
touchante ,  sans  contredit ,  fut  la  dernière  exécution  de  la 
Création  h  laquelle  ait  assisté  Haydn  ,  peu  de  temps  avant  sa 
mort.  Chargé  d'ans  et  de  gloire ,  voyant  se  presser  autour  de 
son  fauteuil  Salieri,  Beethoven,  Hummel,  Girowetz,  la 
princesse  Esterhazy,  les  princes  Lobkowitz  ,  Trantmansdorff, 
et  tout  ce  que  "Vienne  contenait  de  plus  noble  et  de  plus 
illustre  ,  le  vénérable  patriarche  écouta  avec  les  signes  d'une 
émotion  profonde  une  partie  de  son  œuvre.  Des  larmes , 
quelques  mots  entrecoupés,  un  dernier  sourire  ineffable,  ce 
fut  tout  ce  que  la  faiblesse  de  l'âge  put  permettre  au  vieillard 
accablé  de  bonheur.  Au  moment  de  quitter  la  salle ,  où 
venait  de  se  passer  cette  scène  attendrissante,  Haydn  étendit 
les  bras  vers  l'orchestre  et  sur  l'assemblée  ,  comme  pour  les 
bénir;  c'était  un  adieu  suprême.  Le  31  mai,  le  grand  musicien 
avait  cessé  d'exister. 

Mais  sa  pensée  devait  lui  survivre.  Son  ouvrage  de  prédi- 
lection acquérait  chaque  jour  une  plus  vaste  popularité.  Pour 
en  faire  apprécier  plus  aisément  la  valeur  expressive ,  le  texte 
allemand  de  la  Création  avait  été  traduit  en  différentes 
langues.  La  version  la  plus  ancienne  est  anglaise.  A  celle  de 
Cerotti  en  italien  succéda  la  traduction  de  Carpani,  bien  su- 
périeure sous  tous  les  rapports.  La  France  en  publia  coup 
sur  coup  trois ,  celles  de  Desriaux ,  de  Ségur,  de  Porro.  La 
seconde  est  assurément  la  plus  fidèle  et  la  mieux  adaptée  à  la 
musique  ,  quoiqu'elle  ait  exigé  quelques  altérationsjhyth- 
miques  dans  le  récitatif.  L'auteur ,  qui  jie  manquait  pas 
de  prétentions  littéraires,  s'excusa,  dans  une  humble  pré- 
face ,  d'avoir  employé  des  vers  de  neuf  et  de  onze  syllabes. 
Sans  doute  il  n'avait  pas  en  mémoire  les  exemples  de  Quinault, 
de  La  Mothe ,  de  Voltaire  et  de  presque  tous  ceux  qui  ont 
écrit  pour  la  scène  lyrique. 

Malgré  ses  défiances  ,  sa  traduction  est  demeurée  la  meil- 
leure ;  c'est  elle  qui  doit  servir  à  l'exécution  annoncée  pour 
vendredi  prochain  à  l'Opéra. 

La  splendeur  de  cette  brillante  soirée  ,  véritable  fête  pour 
l'art  et  les  artistes ,  surpassera  tout  ce  qu'on  a  voulu  tenter 
en  ce  genre.  Jamais  en  Europe  ,  ou  plutôt  dans  le  monde  , 


cher,  plusieurs  personnes  demandèrent  à  m'ètre  présenlées; 
Sazerac  m'annonça  leur  visite,  en  me  disant  que  c'étaient  des 
abonnés,  qu'il  fallait  recevoir  avec  tous  les  égards,  auxquels 
leur  donnait  droit  l'inllueuce  qu'ils  exerçaient  dans  la  ville.  Deux 
jours  avant  le  grand  jour,  il  m'en  vint  un,  dont  au  premier 
abord  les  manières  me  déplurent  souverainement.  11  me  salua 
d'un  air  cavalier,  me  regarda  des  pieds  à  la  tête ,  et  prenant 
ime  de  mes  mains,  qu'il  porta  sans  façon  à  ses  lèvres  .-  «  Je  n'ai 
n  pas  encore  l'honneur  d'être  connu  de  vous ,  mademoiselle  ; 
»  mais  mon  intention  est  de  réparer  le  temps  perdu.  Sachez 
»  donc  que  depuis  cinq  ou  six  ans  j'ai  l'habitude  d'être  l'amant 
«  de  la  première  chanteuse  du  théâtre;  sans  trop  d'amour  pro- 
))  pre  vous  devez  concevoir  que  je  liens  plus  que  jamais  à  garder 
»  ma  position.  « 

Vous  figurez- vous,  chère  marraine,  la  stupeur  dont  me 
frappa  ce  singulier  compliment  ?  Je  balbutiai  quelques  mois , 
dont  le  sens  était  que  je  prenais  un  tel  propos  pour  une  mau- 
vaise plaisanterie.  «  Point  du  tout,  se  hâta  de  répondre  l'auda- 
»  cieux  personnage;  c'est  très  sérieusement  que  je  parle!  Per- 
»  mis  à  vous  d'aller  aux  renseignements  :  vous  verrez  que  je  n'ai 
»  rien  dit  que  de  fort  exact  sur  mes  relations  avec  vos  devan- 
0  ciêres.  — Puisque  vous  l'assurez,  monsieur,  je  n'ai  nulle  en- 
1)  vie  d'en  douter,  mais  à  mon  tour  je  vous  prierai  de  croire  que 
»  je  ne  suis  en  aucune  façon  disposée  à  les  continuer.  —  Allons, 
»  ne  faites  pas  l'enfant  :  soyez  toute  à  moi,  je  serai  tout  à  vous. 


,)  — Monsieur,  encore  une  fois....  —  Prenez  garderie  traité 
»  que  je  vous  offre  n'a  pour  vous  que  des  avantages.  Je  ne  suis 
»  pas  mal ,  j'ai  des  amis;  je  puis  faire  metire  dans  les  journaux 
»  tout  ce  que  je  voudrai.  —  Ah  !  monsieur ,  c'en  est  trop , 
))  si  vous  croyez  m'intimider  par  des  menaces!...  — Je  ne 
»  menace  pas,  je  cause,  je  vous  éclaire  sur  vos  intérêts.  Voulez- 
»  vous  la  paix?  voulez-vous  la  guerre?  —  Monsieur,  sortez  à 
»  l'instant  de  chez  moi.  —  C'est  donc  la  guerre  ?  à  la  bonne 
1)  heure ,  mais  vous  vous  souviendrez  que  c'est  vous  qui  m'y 
))  avez  réduit.  Vous  débutez  après  demain  :  eh  bien  !  vous  pou- 
»  vez  compter  sur  la  plus  belle  chute!...  On  dit  que  vous  venez 
»  de  Paris  :  je  me  chargerai ,  si  vous  voulez,  de  retenir  voire 
»  place  à  la  diligence.  » 

Li'i-dessus ,  il  sortit,  en  me  lançant  un  coup  d'œil  où  brillaient 
le  dédain  ,  la  colère.  De  mon  côté ,  j'étais  si  exaspérée  que  s'il 
fut  resté  uu  moment  de  plus,  je  me  serais,  je  crois,  jetée  sur 
lui  comme  une  lionne  furieuse.  Il  me  fallut  plus  d'une  heure 
pour  me  remettre  de  l'indignation  qui  m'avait  bouleversée.  Je 
commençais  à  me  calmer  un  peu ,  lorsque  je  vis  entrer  Sazerac 
tout  effaré,  tout  pâle  :  «  Qu'avez-vous  fait,  malheureuse  en- 
»  faut?  s'écria-t-il,  qu'avez-vous  fait  ?  Vous  avez  donc  juré  voire 
»  perte  et  la  mienne?  Vous  voulez  donc  que  j'aille  me  jeter 
>i  dans  la  Garonne?  —  Expliquez-vous,  lui  dis-je,  je  ne  sais  de 
«  quoi  je  suis  coupable.  —  De  quoi?  de  quoi?...  Mais  vous  venez 
»  de  vous  faire  un  ennemi  mortel  de  l'homme  le  plus  dangereux, 


DE  PARIS. 


359 


la  Création  n'a  été  interprétée  que  par  deux  cents  ou  trois 
cents  exécutants  au  plus.  Tout  en  allant  bien  au-delà  de  ce 
chiffre  ,  le  comité  de  l'association  des  artistes-musiciens ,  qui 
peut  tirer  de  son  sein  toutes  les  ressources  nécessaires ,  a  dû 
borner  à  cinq  cents  le  nombre  des  chanteurs  et  instrumen- 
tistes, et  cela  dans  l'intérêt  de  l'effet,  du  fini  de  l'exécution , 
incompatible  avec  de  trop  grandes  masses.  Ces  légions  d'élite 
seront  dirigées  par  un  chef,  dont  le  nom  seul  est  un  éloge. 
II  manquait  à  la  carrière  ,  si  richement  remplie  de  M.  Habe- 
neck ,  qui  a  tant  fait  en  France  pour  répandre  Mozart  et 
Beethoven,  la  gloire  d'avoir  élevé  une  sorte  de  monument 
mémorable  au  génie  de  leur  devancier.  Dans  les  belles  séances 
de  la  Société  des  concerts  ,  M.  Habenecka  peu  à  peu  habitué 
le  public  à  goûter  et  à  entendre  avec  un  vif  plaisir  certaines 
pages  de  la  Création.  C'est  maintenant  l'œuvre  complète  qu'il 
va  livrer  h  l'admiration  de  tous.  Mais ,  il  faut  le  dire,  M.  Ha- 
beneck  a  trouvé  une  puissante  assistance  dans  le  concours 
de  l'association  des  artistes-musiciens  dont  il  est  membre. 
Rendons  ici  justice  au  zèle  infatigable  du  Comité  ,  à  la  haute 
intelligence  de  son  généreux  président ,  M.  le  baron  Taylor, 
enfin  au  noble  désintéressement  des  artistes.  Tous  se  sont 
rendus  à  l'appel ,  parce  que  tous  comprennent  l'importance 
d'une  institution  qui  se  pose  si  haut  dès  sa  première  mani- 
festation publique.  Musiciens  d'orchestre,  choristes,  pre- 
miers sujets,  rivalisent  de  dévouement  à  la  cause  commune. 
La  soirée  du  premier  novembre  prochain  fera  certainement 
époque  dans  l'histoire  de  l'art  en  France.  La  richesse  inusitée 
des  moyens  d'exécution  et  la  réputation  des  chanteurs  sont 
de  nature  à  exciter  au  plus  haut  degré  la  curiosité  publique. 
Une  inspection  judicieuse  des  solos  renfermés  dans  la  par- 
tition d'Haydn ,  ayant  fait  comprendre  au  comité  que  diffé- 
rents morceaux  destinés  à  un  genre  de  voix,  au  ténor  par 
exemple,  n'étaient  pas  cependant  également  favorables  au 
talent  du  même  virtuose ,  parce  que  l'un  des  airs  occupe  ex- 
clusivement la  région  grave,  et  l'autre  la  région  aiguë,  on  a 
eu  l'heureuse  pensée  de  les  répartir  entre  plusieurs  artistes, 
de  manière  à  obtenir  une  piquante  vaiiétc  et  une  réunion  de 
chanteurs  qu'on  ne  rencontre  jamais  simultanément.  C'est 
ainsi  qu'avec  une  fraternité  au-dessus  de  tout  éloge ,  et  qui 
révèle  les  progrès  du  véritable  esprit  de  l'art ,  M°"  Damoreau, 


Dorus-Gras  et  Dobrée  se  sont  partagé  les  diverses  parties  des 
rôles  de  Gabriel  et  à' Eve.  MM.  Levasseur,  Barroilliet,  Her- 
mann-Léon  se  sont  empressés  d'accepter  obligeamment  les 
mêmes  dispositions  pour  les  solos  A' Adam  et  de  Raphaël. 
Enfin  MM.  Duprez  et  Roger  ont  consenti  volontiers  à  inter- 
préter tour  à  tour  le  beau  rôle  A'Uriel.  Il  est  hors  de  doute 
que  la  partie  vocale  de  la  Création  n'aura  jamais  encore  été 
confiée  à  des  artistes  aussi  habiles.  Tout  doit  concourir  à 
rendre  l'ouvrage  d'Haydn  avec  une  perfection  aussi  grande 
que  possible.  L'accompagnement  des  récitatifs,  tel  qu'il  a  été 
écrit  par  l'auteur  dans  la  partition  originale,  sera  restitué , 
et  remplacera  les  modifications  arbitraires  introduites  par 
l'arrangeur  Steibelt,  en  l'an  IX. 

Espérons  que  dans  le  concert  du  1"  novembre  1844  la 
réhabilitation  complète  de  ce  chef-d'œuvre  expiera  l'erreur 
des  jugements  précipités ,  prononcés  sous  l'influence  des 
passions  dans  la  soirée  du  24  décembre  1800.  De  cette  date 
funeste  à  l'art,  ilfaut  tout  oublier,  excepté  une  phrase  libérale 
tombée  de  la  plume  d'un  feuilletoniste  du  temps ,  et  que  l'as- 
sociation des  artistes-musiciens  peut  adopter  pour  sa  devise  : 
«  La  France  est  la  patrie  naturelle  des  grands  artistes;  ceux 
»  de  tous  les  pays  ne  sont  pas  des  étrangers  pour  nous.  » 
Maurice  Bourges. 


CHANSON  A  BOIRE, 

lïessm  de  Gavarni. 

Beaumarchais  a  dit  de  l'ivresse  du  peuple  que  c'était  la 
bonne.  Je  ne  dis  pas  non ,  mais  ce  n'est  pas  la  belle ,  en 
admettant  que  jamais  l'ivresse  quelconque  puisse  être  belle 
ou  bonne.  Ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'est  que  la  chanson  à 
boire  ,  chantée  par  l'homme  qui  a  trop  bu ,  n'est  pas  plus 
une  chanson  que  le  cri  d'un  sauvage  n'est  la  parole  d'un 
homme  civilisé.  J'ai  grand'peur  que  la  chanson  ici  présente , 
et  telle  que  Gavarni  l'a  esquissée  avec  une  effrayante  vérité , 
ne  soit  plutôt  de  nature  à  dégoûter  du  jus  de  la  treille  qu'à 
en  inspirer  la  passion.  A  Sparte  on  enivrait  les  ilotes  pour 
donner  des  leçons  de  sobriété.  Contraria  contrariis. 


»  le  plus  redoutable  et  le  plus  redouté  !  —  Je  viens  de  mettre  à 
«  la  porte  un  insolent,  qui  a  osé  me  faire  la  proposition  la  plus 
!>  révoltante....  —  Je  ne  dis  pas  non  :  je  le  connais  et  rien  ne 
»  m'étonne  de  sa  part,  mais  en  pareil  cas,  chère  petite,  on  use 
»  de  finesse  et  d'adresse  :  on  fait  de  la  diplomatie.  On  promet 
))  pour  gagner  du  temps  et  sous  réserve  de  ne  jamais  tenir.  C'est 
M  l'a  b  c  de  la  vie  du  théâtre  :  c'est  le  premier  principe  des  di- 
»  recteurs  et  des  actrices.  Où  en  serions-nous  si  je  ne  m'étais 
»  mis  en  quatre  pour  réparer  votre  faute,  oh  !  mais,  une  faute 
«  capitale  1  J'ai  repris  notre  homme  eu  sous-œuvre  :  je  lui  ai 
»  persuadé,  ce  qui  est  vrai,  que  vous  étiez  une  novice,  une  in- 
»  génue  facile  à  effaroucher,  qu'il  avait  eu  le  tort  de  vous  abor- 
»  der  comme  une  femme  qui  aurait  de  l'expérience....  Enfin, 
I)  je  lui  ai  promis  que  ce  soir,  dans  les  coulisses,  vous  lui  glis- 
»  seriez  quelques  petits  mots ,  qui  l'engageraient  a  revenir  sur 
»  votre  compte  et  à  décommander  la  cabale  qu'il  était  déjà  en 
»  train  d'organiser.  —  Moi ,  que  je  m'humilie  devant  un  tel 
»  homme  !  mieux  vaut  cent  fois  être  sifflée  !  —  Mais  vous  n'y 
Il  pensez  pas,  si  l'on  vous  siffle,  si  vous  tombez,  je  n'ai  plus 
!>  qu'à  mourir!  Par  pitié,  par,  grâce,  ne  prononcez  pas  mon 
»  anèt.  1) 

Que  vous  dirai-je ,  chère  marraine  ?  Ce  pauvre  Sazerac  fut  si 
éloquent ,  si  attendrissant  dans  son  désespoir,  que  je  me  laissai 
fléchir  :  je  lui  promis  de  dire  ce  qu'il  voudrait,  et  le  soir  même  je 
fus  fidèle  à  ma  promesse.  J'eus  le  triste  courage  de  parler  à  ce 


tigre,  qui  s'approcha  de  moi  comme  d'une  proie  qu'il  voulait 
ressaissir  :  je  hU  dis,  en  m'efforçant  de  sourire,  que  j'avais  été 
folle  de  le  supposer  si  méchant ,  que  je  demandais  une  trêve  et 
autres  gentillesses  semblables,  que  je  me  reprocherai  toute  ma 
vie,  mais  qui  n'en  produisirent  pas  moins  leur  effet,  à  la  grande 
joie  de  Sazerac.  La  trêve  fut  accordée,  les  hostilités  cessèrent, 
et  la  preuve ,  c'est  que  j'ai  débuté  ,  sans  entendre  à  mes  oreilles 
d'autre  bruit  que  celui  des  bravos. 

A  présent,  chère  marraine,  vous  voilà  au  courant  de  mes  féli- 
cités et  de  mes  misères.  Qu'en  pensez-vous?  Ai-je  trop  acheté 
ce  succès  d'un  jour,  qui,  dit-on,  sera  suivi  d'autres  succès?  Ah  ! 
que  vous  êtes  heureuse  à  Paris  de  n'avoir  pas  de  pareils  sacrifices 
à  faire  !  Votre  public  est  juste ,  impartial,  bienveillant  et  ne  subit 
le  joug  de  personne.  Eh  bien  !  eh  bien  !  qu'est-ce  qui  me  prend 
donc?  Est-ce  que  je  m'avise  de  me  plaindre,  quand  je  suis  au 
comble  du  bonheur  ?  Pardonnez-moi ,  chère  marraine ,  et  n'at- 
tribuez le  trouble  de  mes  idées  qu'au  vertige  dont  m'a  frappée 
un  triomphe  inespéré.  Je  crois  qu'il  est  temps  de  finir  ma  lettre, 
si  je  veux  que  vous  conserviez  une  bonne  opinion  de  moi.  Je  sens 
véritablement  que  la  tête  me  tourne,  et  que  ma  raison  m'échappe. 
J'ai  un  immense  besoin  de  repos,  mais  j'ai  encore  bien  plus  be- 
soin d'une  lettre  de  vous.  Demain  je  rejoue  la  Vestale,  et  la  se- 
maine prochaine  je  débute  dans  l'opéra  comique.  Priez  pour  moi, 
et  aimez-moi  toujours. 

La  suite  au  prochain  numéro.  Paul  Sjiiin. 


360 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


XrOTTTSIaZaBS. 

*,•  Le  programme  du  grand  concert  qui  se  donnera  vendredi  soir, 
jour  de  la  Toussaint,  à  l'Académie  royale  de  musique,  est  toujours 
fixé  ainsi  qu'il  suit:  la  Création  du  monde,  oratorio  d'Haydn  ,  suivi  de 
l'ouverture  d'Oberon  ,  de  Weber,  et  du  chœur  de  Judas  Machabée , 
oratorio  de  Haendel.  Les  soli  seront  chantés  par  M""  Damoreau, 
Dorus-Gras  ,  Dobré;  MM.  Duprez,  Roger,  Levasseur,  Barroilhet  et 
Hermann-Léon.  L'orchestre  et  les  chœurs  ,  composés  de  cinq  cents 
exécutants ,  seront  dirigés  par  M.  Habeneck. 

V  Les  études  de  Marie  Sitiart  sont  poussées  avec  une  activité 
toujours  croissante.  Déjà  on  a  répété  le  premier  acte  au  théâtre. 

V  I-e  directeur  de  l'Opéra,  M.  Léon  Pillet,  vient  d'adresser  une 
lettre  à  tous  les  artistes  du  chant ,  pour  leur  enjoindre  défense  ex- 
presse, conformément  à  la  lettre  des  règlements ,  de  chanter  dans 
aucun  concert  public  ou  particulier  sans  son  autorisation. 

*,"Obin,  l'un  des  meilleurs  élèves  du  Conservatoire,  et  dont  nous 
avons  annoncé  le  récent  engagement,  a  fait  son  premier  début  lundi 
dernier  dans  0(Ae//o,  par  le  rôle  de  Brabantio,lepère  deDesdemone. 
Sa  voix  et  sa  méthode  sont  également  bonnes  :  il. a  de  plus  une  phy- 
sionomie tout-à-fait  propre  à  la  scène  du  grand  opéra. 

V  Le  même  jour,  M"=Duval ,  qui  l'année  précédente  avait  obtenu 
deux  premiers  prix  au  Conservatoire  ,  débutait  à  l'Opéra-comique 
dans  le  rôle  de  V Ambassadrice.  Une  jolie  figure ,  une  voix  fraîche  et 
légère,  un  jeu  non  moins  distingué  qu'intelligent,  telles  sont  les 
qualités  qui  recommandent  celte  jeune  personne,  et  qui  lui  ont  valu 
de  légitimes  applaudissements.  M"=  Duval  a  de  l'avenir,  et  promet 
de  marcher  sur  les  traces  de  M""  Damoreau. 

V  Le  nouveau  baryton,  Latour,  a  continué  ses  débuts  vendredi 
dans  le  rôle  d'Alphonse  de  la  Favorite. 

",*  Nous  apprenons  à  l'instant  que  M.  Thalberg  a  adopté  le  pre- 
mier et  le  second  livres  des  Études  de  M.  E.  "Wolff  (OEuv.  20  et  50) 
pour  ses  élèves. 

*,*  M.  Rosenhain,  sur  le  point  de  revenir  à  Paris,  a  donné  à  Franc- 
fort un  grand  concert  au  bénéfice  des  inondés.  Le  célèbre  pianiste  a 
exécuté  un  grand  trio,  une  valse  de  concert  et  deux  mélodies  :  la 
Lutte  intérieure  et  Chanson  polonaise.  Tous  ces  ouvrages  remarqua- 
bles, de  sa  composition,  ont  obtenu  un  très  brillant  succès,  et  la  re- 
cette était  très  considérable. 

V  On  s'occupe  de  l'établissement  d'un  Opéra-Comique  français  à 
Londres.  M.  Mitchell,  le  directeur  du  Théâtre-Français  de  Londres, 
est  attendu  à  Paris  pour  organiser  sa  troupe.  Ce  théâtre  ne  jouerait 
que  deux  mois  par  an ,  en  mai  et  juin. 

*,*  Poultier  a  quitté  Lyon.  Ses  dernières  représentations  avaient 
amené  la  foule,  notamment  sa  soirée  d'adieu  ,  dans  laquelle  il  a 
chanté  la  Juive  d'une  manière  ravissante.  Le  pianiste  Louis  Lacombe 
contribuait  à  l'éclat  de  cette  belle  soirée. 

*,*  M.  Kilcken  vient  de  recevoir  le  diplôme  de  membre  honoraire 
de  la  Société  de  chant  du  canton  d'Appenzell. 
*,*  L'ouverture  de  la  nouvelle  salle  de  l'Opéra  à  Berlin  ,  qui  de- 
"  vait  avoir  lieu  le  15,  est  remise  au  7  décembre,  anniversaire  sécu- 
laire du  jour  où  Frédéric-le-Grand  fit  inaugurer  l'ancienne  salle. 

'%•  Le  violoniste  belge,  François  Prume,  est  en  ce  moment  à  Ber- 
lin ,  où  il  se  propose  de  donner  quelques  concerts. 

*,*  Dimanche  dernier,  le  1"  régiment  de  ligne,  en  garnison  à 
Orléans ,  a  quitté  cette  ville  pour  venir  à  Paris.  En  défilant  devant  la 
statue  de  Jeanne-d'Arc,  il  a  porté  les  armes;  les  officiers  ont  salué 
de  l'épée ,  et  la  musique  a  joué  l'air  de  Charles  VI  :  Guerre  aux  An- 
glais, jamais  en  France,  etc.  Cette  démonstration  patriotique  a  pro- 
duit chez  ceux  qui  en  ont  été  témoins  une  vive  émotion. 

*,*  Le  célèbre  compositeur  allemand,  Conradin  Kreutzer,  vient 
d'arriver  à  Paris,  pour  y  suivre  les  répétitions  de  deux  de  ses  opéras, 
une  rfuil  à  Grenade  et  le  Falei  noble  ,  que  le  Théâtre-Italien  a  fait 
traduire. 

,*,  Valgalier  vient  de  signer  un  engagement  avec  le  théâtre  de  la 
Scala  à  Milan. 

,*,  M.  Balfe  met  en  ce  moment  la  dernière  main  à  un  opéra  en 
trois  actes,  destiné  à  Druly-Lane.  Cet  opéra  a  pour  titre  :  les  Che- 
valiers de  H'Ialte. 

,*,  La  petite-fille  unique  de  Goethe,  Aima  de  Goethe,  vient  de 
mourir  à  Vienne. 

*,*  M.  T.  Hauman  et  M°"  Sabatier  donneront  un  deuxième  con- 
cert à  Bruxelles  avant  leur  départ  pour  la  Hollande,  où  ils  sont 


attendus  le  mois  prochain.  L'admirable  talent  dont  ils  ont  fait 
preuve  samedi  dernier  inspire  aux  amateurs  qui  les  ont  entendus  le 
désir  de  les  entendre  encore. 

*,"  M"=  Dorsan  ,  qui  créa,  il  y  a  deux  ans,  sur  le  théâtre  d'An- 
vers, avec  une  distinction  vraiment  remarquable  ,  les  rôles  de  Lu- 
crèce dans  Lucrèce  Borgia  et  de  Catarina  dans  la  Reine  de  Chypre  , 
vient  de  mourir  à  Metz,  à  l'âge  de  dix-neuf  ans,  à  la  suite  d'une 
longue  et  cruelle  maladie. 

V  On  a  représenté  à  Francfort  VEurianthe  de  Weber,  et  la  Médée 
de  Cherubini.  Ces  ouvrages  ,  qui  avaient  disparu  depuis  longtemps 
de  l'affiche  ,  ont  été  couronnés  d'un  plein  succès ,  et  resteront  long- 
temps au  répertoire. 

*,"  Les  amateurs  et  les  jeunes  professeurs  qui  voudront  se  perfec- 
tionner dans  l'art  si  difficile  de  jouer  du  violon  avec  expression 
et  avec  grâce,  apprendront,  avec  plaisir,  que  M.  Henri  Panofka,  si 
connu  comme  professeur  exécutant  et  compositeur,  se  propose  d'ou- 
vrir un  cours  de  perfertionnement  pour  les  violonistes.  Un  maitre  si 
justement  célèbre  ne  peut  manquer  de  faire  de  bons  élèves  :  aussiles 
résultats  de  ses  cours  ne  se  feront  pas  attendre. 

*,*  Bien  des  personnes  désirant  que  leurs  enfants  soient  enseignés 
d'après  la  méthode  du  Conservatoire ,  M""  Woislin ,  premier  prix 
de  piano  1S43,  ouvrira ,  le  15  novembre  prochain,  un  cours  de  piano 
et  solfège ,  pour  les  jeunes  personnes ,  dans  les  salons  de  M.  Bern- 
hardt ,  17,  rue  de  BuCfault ,  où  l'on  se  fait  inscrire. 

V  Nous  recommandons  à  l'attention  des  artistes  les  six  mélodies 
religieuses  pour  harmonium,  par  M.  Jules  Belin  ,  qui  viennentile  pa- 
raître. Ce  recueil  se  distingue  par  des  chants  d'un  beau  caractère,  et 
d'une  expression  élevée.  Celte  musique  convient  tout  à  la  fois  au  sa- 
lon et  à  l'église  ,  et  nous  ne  doutons  pas  qu'elle  n'obtienne  un  suc- 
cès réel  et  durable. 

*,*  M.  P.  Chéret ,  déjà  connu  dans  le  monde  chantant  par  de 
jolies  romances,  vient  d'obtenir  le  plus  brillant  succès  de  l'année, 
dans  ce  genre  léger  de  composition ,  par  le  petit  Mousse  noir,  qui  se 
chante  déjà  partout,  et  aura  bientôt  les  honneurs  des  orgues  de 
Barbarie.  Le  même  artiste  vient  de  publier  :  Mes  pauvres  cheveux 
blonds ,  la  Bose  de  Charenton,  et  Je  rêve  à  toi  qui  plairont  beaucoup 
aux  jeunes  demoiselles. 

*,*  Une  larme  de  jeune  fille,  tel  est  le  titre  d'une  mélodie  avec 
accompagnement  de  piano  et  de  violoncelle,  par  M.  J.  Martin,  qui 
vient  de  paraîlre,  et  dont  on  dit  du  bien. 

V  M.  Raoux,  facteur  d'instruments  de  musique  en  cuivre,  rue 
Serpente,  à  Paris,  seul  fournisseur  du  roi,  des  princes  et  des 
théâtres  royaux ,  avait,  en  1839,  obtenu,  à  titre  de  fprix,  la 
seule  médaille  d'argent.  En  1844  ,  il  a  obtenu  également  le  n.  1  pour 
les  cors  ordinaires ,  le  n.  1  pour  les  cors  à  deux  pistons  ,  le  n.  1  pour 
les  cors  à  trois  pistons,  le  n.  1  pour  les  cornets  à  pistons  ,  le  n.  1  pour 
les  basses  d'harmonie  et  autres  instrumenis  de  cuivre.  Enfin  la 
seule  médaille  d'or  lui  a  été  décernée  à  titre  de  Iv  prix. 

'J*  Bruxelles.  —  Le  différend  qui  s'était  élevé  entre  l'administra- 
tion du  théâtre  et  M.  et  M'"=  Laborde  est  aplani. 

—  Lundi  ,  à  l'issue  du  spectacle,  l'orchestre  du  Théâtre-Royal  a 
donné  une  sérénade  à  M"»  Elssler;  A  Vliôiel  de  Suède ,  une  petite  fêle 
lui  avait  été  improvisée  dans  une  des  salles  de  l'hôtel,  où  se  trouvait 
une  nombreuse  société. 

\»  Francfort.  —  Le  21  octobre,  la  veille  du  jour  où  devait  être 
inauguré  le  monument  de  Gœthe  ,  on  a  donné  Gœizde  Berlichingen. 
La  statue  représente  le  poëte  en  costume  de  notre  temps,  avec  un 
manteau;  le  bras  droit  appuyé  sur  un  tronc  de  chêne;  de  la  main 
gauche  une  couronne  de  lauriers.  Les  bas-reliefs  sont  consacrés  à  des 
sujets  tirés  des  meilleures  productions  de  Gœthe. 

*.*  Hambourg.  —  L'opéra  de  Donizetti  ,  les  Martyrs ,  a  été  donné 
avec  grand  succèssur  nôtre  théâtre.  81""=  Fehringer,  la  prima  donna, 
et  H.  Wurda  ,  premier  ténor,  ont  été  rappelés  cinq  fois  sur  la  scène. 

V  Berlin.  —  M.  Prume  a  donné  un  concert  à  l'Académie  de 
chant.  On  y  a  entendu  entre  autres  les  demoiselles  Loewe  et  Marx  ; 
le  bénéficiaire  a  joué  sa  pastorale  :  la  SIclancolie  ,  celte  douce  et  gra. 
cieuse  élégie,  qui  a  fait  le  tour  de  l'Europe,  et  qui  a  été  arrangée 
pour  le  piano ,  pour  la  flûte  et  pour  le  violoncelle.  Le  roi  de  Prusse , 
à  qui  le  directeur  de  musique ,  M.  Gungl ,  avait  dédié  des  marches 
de  sa  composition,  lui  a  fait  présent  d'une  riche  tabatière  en  or.  Les 
productions  de  M.  Gungl  seront  comprises  parmi  les  marches  mili- 
taires de  l'armée  prussienne. 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESIKGER. 


DE  PARIS. 


361 


MCSIOUË  NOIIWLLË  PuWiéepar  le  Bureau  Centra!  de  Musique,  29,  Placede  laBourse. 


iVlUSIQUE.POUR  LE  P2ÂN0. 

24  B-ondos  faciles  sur  les  principaux  airs  populaires, 
Par  C.  CZERWY. 


50  15-  recirai  Coriiio,  deUo- 
zart 

16.  La  ci  darem ,  de  Mo- 

zart  

17.  Hymne  d'Haydn.  .  .  . 

18.  Air  Français 

19.  Les  Soupirs  des  Anges. 

20.  j\el  cor  piu,  de   Mo- 

zart  

21.  1"  Air  Boliémien..   .  . 

22.  2"  Air  Boliémien..  .  . 

23.  Air  Allemand 

24.  O  Piscator 

50 


1.  Hymne  des  Vfipres. .  .  U 

2.  Air  Russe 4 

3.  Les  Filles  de  Lodi..  .  U 
!).  Citant  de  l'Alouette.    .  4 

5.  Air  national  anglais.  .  4 

6.  Ma  Fancliette 4 

7.  Air  Portugais 4 

8.  Hymne  Portugaise.  .  .  4 

9.  Hymne  Allemande.  .  .  4 

10.  Le  Charme  de  la  vie.  .  4 

11.  Kora  Crena 4 

12.  La  Maison  des  Champs.  4 

13.  Chanson  à  boire.  ...  4 

14.  Balli-batti  de  Mozart.  4 
Cet  ouvrage,  qui  peut  être  pris  ensemble  ou  sfîparément ,  est  i 

lent  pour  les  commençansct  les  pianistes  de  force  secondaire. 

F.  LISZT.  Marche  Funèbre  de  Dom  Sébastien ,  variée,  l 

C.  V.  ALKAW.  La  Saltarelle ' 

—  Nocturne i 

—  Gigue  et  Air  de  ballet I 

—  Alloluia I 

A.  LECARPENTSER.    (Facile.)  Fantaisie  sur  Dom  Sé- 
bastien  

—  Fantaisie  sur  Marie  de  Rohan.  ( 

—  Morceau  de  salon  sur  le  Voile 

Slanc ' 

—  Sérénade  et  Rondo  sur  Don  Pas- 

qiaale I 

—  Cavatine  variée  de  Don  Pasqiaale.  1 

—  Bagatelle  sur  Marie  fie  Rokan.  i 

—  Bagatelle  sur  Dom  Sébastien.  .  l 
^-                    Bagatelle  sur  Mina i 

—  Bagatelle  sur  le  Code  Woir.     .     .  i 


ED.  WOIjFF.  Grand  caprice  sur  Dom  Sébastien,  Op.  00. 
H.  ROSELLiEN.  Fantaisie  sur  Don  Pasquale.     .     .     . 

—  Fantaisie  sur  Dom  Sébastien.  .     .     . 

—  Fantaisie  sur  Mina 

—  Fantaisie  sur  le  Code  Noir 

E.  PRUDENT.  L'Hirondelle,  élude 

—  La  Ronde  do  Nuit,  élude 

—  Quatuor  de  Don  Pasquale,  varié. .     .     . 
— '  Souvenir  de  Beethoven 

—  Fantaisie  sur  la  Sérénade  de  Schubert.     . 

—  Andante 


HENRI  HERZ.  Six  Polkas  originales  et  ornées  chacune  d'i 

dessin. 
1°  La  belle  Allemande.  .   .     3     5014"  La  licllo  Bohémienne.  . 
2°  La  belle  Hongroise.  .  .     3     50  5°  La  belle  Polonaise..  .  . 
3°  La  belle  Suédoise.  ...     3     Solô"  La  belle  Moscovite.  .  . 
HENRI  HERZ.  Les  mêmes  Polkas  à  h  mains,  chaque. .     . 

—  Fantaisie  de  salon  sur  Don  Pasquale.  . 

—  Trois  Fantaisies  sur  Dom   Sébastien, 

chaque 

—  Les  mêmes  Fantaisies  stu-  Dotn  Sébas- 

tien, à  4  mains,  chaque 

—  La  Dansante,  valse,  avec  un  beau  dessin. . 


BURGMUIiliER.  Valse  de  Cag-Iiostro 6 

—  Valse  de  Marie  de  Rohan. ...     6 


H.  BERTINÎ.  Fantaisie  sur  Marie  de  Roban.     . 

—  Sérénade  de  Don  Pasquale;  variée. 


jmSIQUE  NOUVELLE  PODR   VIOLONCELLE  ET  PIANO    (ad  llbitUm). 

F.  SERVAIS.  Souvenir  de  Spa g 

—  Le  Désir,  fantaisie  sut  la  valse  de  Schubert..  9 
SEIilGMANN.  Morceau  de  concert  sur  Dom  Sébastien.  .  9 

—  Sérénade  sur  des  motifs  de  Clapisson.  ...  7 

ÎIUSIQDE   POCR  VIOLON  LT  ACC0MPAGKE3IE.M  DE  PIAKO  (ad  libllum). 

H.  VIEUXTEMPS.  Souvenirs  d'Amérique 7 

C.  SIVORI.  Variations  sur //cor  piK  non  me  icnw.     ...  9 

—  Fantaisie  étude 9 

—  Variations  sur  le  Pirate 9 

—  La  Génoise 9 

J.  ARTOT.  Sérénade 6 

N.  LOUIS.  Souvenirs  de  Cagliostro g 

—  Andante  et  Rondo  de  Don  Pasquale.     ...  9 

—  Divertissement  sur  Marie  de  Rohan.  ...  9 

—  Deux  Mosaïques  sur  Mina,  chaque g 

—  Souvenirs  de  Dom  Sébastien, -deux  cahiers, 

chaque 8 

—  Fantaisie  sur  le  Code  Noir 9 

— ■  L'amitié,  fantaisie  pour  deux  violons 9 

C.   DANCLA.  Les  Bagneraises,  recueil  de  valses 9 

H.  PANOFKA.  Deux  Nocturnes  sur  Mina ,  chaque.     .     .  8 

—  Fantaisie  brillante 7 


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Composées  tout  exprès  pour  les  petites  mains.  (  Cet  ouvrage  fera  suite 
à  l'œuvre  100  de  Bertini).  —  Prix  :  12  fr. 

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et  morceaux  de  chant  détachés  avec  accompag.  de  piano. 

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G.  VERDI. 

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DOM  SÉBASTIEN ,  opéra  en  5  actes , 

Musique  de  G.  DONIZETTI.  Prix  net  :  40  fr. 

DON  PASQUALE,  opéra  bouffe  en  3  actes , 

Musique  de  G.   DONIZETTI. 
Partition  italienne  ou  française.  Prix  net  :  30  fr. 


]SSjSiïlI£    9]^    M0ÎÎ,^W  ^  opéra  en  3  actes. 

Musique  de  G.  DONIZETTI. 

Partition   italienne  ou  française.  Prix  net,  24  fr. 

IVIIMÂ  ,  Opéra  comique  en  3  actes, 
Musique  d'AMB.  THOMAS.  Prix  ;  24  fr. 

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RICHARD  EN  PALESTINE,  opéra  en  îactes.  Musique  D'AD.  ADAffl. 

OTHELLO,  opéra  de  Rossini,  poème  de  MM.  Royer  et  Vabz, 

Tel  qu'il  est  représenté  à  l'Opéra.  —Petite  parlilion  in-S",  et  morceaux  de  citant  détachés. 


iTIasiflue  de  Piano. 


S.  THALBERG.  1°  Grande  fantaisie  surDoN  Pasquale  ; 
2°  Le  DÉPART,  fantaisie.  — Étude. 


c.  V.  ALKAKT.   Deux   grandes  études  :  1°  Le  Preux  ;  2°  Le 
Chemin  de  fer.  —  Et  une  fantaisie  à  quatre  mains  sur  Don  Juan. 

Musique  de  Violon  et  Piaito. 

lllfSl'   HT    So    HlliiLllo  DUO  SUR  DOM  SÉBASTIEIV. 


362 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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N.  2.  Sur  la  Favorite.  '  N.  4.  Sur  tliarles  \î. 

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THALBERG  ET  BÉRIOT.  Grand  duo  sur  ?es^«j^«eno«s 10 

THALBERG  ET  PANOFRA.  Grand  duo  sur  ^cafnVe  rfi  TeJida  ,  de  Bellini  .     .........         10 

E.  WOLFF  ET  BÉRIOT.  Grand  duo  sur  iJo6er<-/e-Z)îa6Ze .         10 

H.  VIELXTEMPS  ET  ERREL.  Fantaisie  brillante  sur  des  AîVs /ionjms 9 

H.  VIÉUXTEMPS  ET  GRÉGOIRE.  Fantaisie  concertante  sur  ?es /rM</Menofo 9 


ST.  HELLER  et  ERNST.  douze  pensées  fugitives. 


N.  5.  Agitato. 

6.  Adieu. 

7.  Rêverie. 
S.  Caprice. 

Ces  morceaux ,  qui  produisent  un  si  grand  eîfet  dans  les  salons  par  leurs  chants  suaves  et  mélodieux  ,  sont  arrangés  aussi  pour  Piano 
et  Kioloncelle,  par  MM.  Heller  et  Lee  ,  et  pour  Piano  seul ,  par  M.  Stephen  Hellcr. 


N.  ).  Passé. 

2.  Souvenir. 

3.  Rouiaraec 

4.  liied. 


N.     9.  Inquiétude. 

10.  Prière  pendant  l'orage. 

11.  Intermezzo. 

12.  Presto  capricioso. 


LOUIS  (N.).  Quatre  grands  duos  brillants  et  non  difficiles. 

N.  1.  Sur  la  Favorite.  N.  2.  Sur  la  Reine  de  Chypre.  N.  3.  Sur  le  Guitarrero.  N.  4.  Sur  Charles  VI. 

Prix  de  chaque  :  7  fr.  50  c. 

PAIVOFRA  (H.).  Trois  duos  brillants  :  les  Inséparables. 
sur  des  motifs  de  :  N.  1 .  les  Huguenots.  —  N.  2.  la  Juive.  —  N.  3.  l'Éclair.  Prix  de  chaque  duo  :  9  fr. 

PAÎVOFRA  (H.).  Mosaïque  ou  Morceaux  favoris  des  opéras,  en  duos  non  difficiles,  pour  Piano  et  Violon. 

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N.  1.  Sur  la  Favorite— N.  2.  Sur  Charles  'Vï.— N.  3.  Sur  le  Gnitarrero.— N.  4.  Sur  la  Reine  de  Chypre. 

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—  Le  même,  basse 2 

—  La  Rose  de  Charenlon,  scène,  soprano    .    .  6 

—  La  même,  conlrallo 6 

—  Je  pense  à  toi,  mélodie,  basse 5 


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GAZETTE  MUSICALE 

ReUigéC  par  MU.  A.NDEUS,  G.  BÉNÉDlï,  BERUOZ ,  HENllI  Br.ANCHARD,  MiUuiCE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DIESBERG ,  FÉTIS  père,  ÉdoDABD  FÉTIS, 
STEPDEÎi  HELLER,    J.  JAMN,,G.  KASTNER  ,  LISZT,  J.  MEIFRED ,  GEORGE  SAND,   L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  ^XMÉnO  LIV  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 


SOMMAIRE.  Académie  royale  de  musique:  Concert  de  l'ossocialion 
des  artistes-musiciens  :  par  MAURICE  BOURGES.  —  Messe  en 
musique  de  M.  Doche;  par  H.  RLANCIIARD.  —  I.a  statue  de 
Mozart  à  Salzbourg  ;  par  MAURICE  BOURGES.— Revue  critique  : 
École  d'orgue  de  M.  J.  Cadaux;  par  F.  DANJOU.— Feuilleton.— 
Nouvelles.  —  Annonces. 

lia  statue  de  Mozart  à  Salzltoiirs.  Dessin. 


ACADEMIE  ROYALE  DE  MUSIQUE. 


Quelle  soirée ,  quelle  merveilleuse  soirée ,  que  celle  de 
vendredi  deruier  pour  tous  ceux  qui  ont  eu  la  bonne  fortune 
d'assister  au  concert  donné  par  l'association  des  artistes-mu- 
siciens à  l'Opéra  !  Jamais  de  mémoire  d'atnateur,  à  l'étranger 
comme  en  France ,  une  aussi  brillante  solennité  n'eut 
d'exemple  dans  les  fastes  de  l'art.  Jamais  fête  musicale  n'a 
uni  tant  d'éléments  extraordinaires  d'exécution  à  tant  de  luxe 
et  de  magnificence.  Que  n'est-il  possible  de  décrire  à  nos 


lecteurs  les  transports  de  la  salle  entière?  Comment  donner 
une  idée  de  l'impression  produite  à  ce  lever  de  rideau  unique 
dans  son  genre?  Le  moyen  de  peitidre  ûdèlement ,  sans  être 
taxé  d'exagération ,  l'effet  pittoresque ,  saisissant ,  vraiment 
magique  de  ce  vaste  orchestre  ,  étage  en  gradins  jusqu'aux 
frises  dans  toute  l'étendue  de  la  scène,  chargé  d'instrumen- 
tistes, encadré  d'une  fraîche  décoration,  élincelant  de  la 
clarté  de  vingt  lustres?  Au  bas,  sur  une  large  estrade  qui 
avançait  dans  la  salle  en  forme  d'hémicycle,  de  nombreuses 
légions  de  choristes  disposés  autour  du  pupitre  de  M.  Habe- 
neck.  En  avant,  tout  radieux  d'élégance,  de  parure,  de 
gloire,  le  groupe  d'élite  des  solistes,  et  quels  solistes! 
i\l"'°  Damoreau-Cinli,  cette  voix  adorable  si  pure  ,  si  flexible, 
à  faire  envie  aux  anges  mêmes  ;  M'"°  Dorus-Gras,  l'autre  reine 
légitime  du  chant;  M"'  Dobré,  l'héritière  présomptive  du 
sceptre  de  la  vocalise  ;  puis  Duprez,  Levasseur,  Barroilhet , 
dont  nos  éloges  ne  sauraient  accroître  la  réputation  ;  Her- 
mann-Léon  ,  qui  commence  la  sienne  avec  un  talent  capable 
d'enorgueillir  un  grand  artiste  à  son  apogée;  Roger  enfin, 


Porlefeutlle  de  deux  Canlalrices  ^^\ 

CLOTILDE  B***  A  ESTHER  SAUNIER. 

Paris,  20  mai. 

Comme  je  t'embrasserais  ,  si  tu  étais  près  de  moi  !  Comme  je 
te  remercierais,  moi  aussi,  d'avoir  si  bien  réalisé  toutes  mes 
idées,  toutes  mes  espérances!  J'ai  reçu  la  lettre  de  Sazerac  en 
même  temps  que  la  tienne  :  il  m'en  dit  bien  plus  que  toi  sur  les 
circonstances  de  ton  début ,  sur  les  incidents  de  la  soirée ,  sur 
l'effet  que  tu  as  produit  :  il  entre  dans  des  détails  tellement  mi- 
nutieux ,  qu'on  voit  qu'il  t'a  suivie  constamment  de  l'œil  et  de 
roreille.  Quand  même  tu  ne  m'aurais  pas  avertie,  je  me  serais 
aperçue  qu'il  avait  le  cœur  pris  ;  mais  je  n'en  aurais  pas  moins  cru 
ce  qu'il  me  disait,  parce  qu'il  le  dit  de  manière  à  ne  pas  laisser 
d'équivoque,  parce  qu'il  s'exprime  en  homme  habitué  à  juger  les 
artistes ,  et  que ,  s'il  y  a  de  l'amant  dans  ce  directeur,  il  y  a  aussi 
du  directeur  dans  cet  amant. 

Je  suis  donc  heureuse  et  fière  de  ton  succès ,  dont  je  n'ai  que 
les  roses  ,  tandis  que  tu  en  sens  un  peu  les  épines.  Quant  à  cela, 
je  ne  t'ai  pas  trompée  :  je  ne  t'ai  pas  promis  que  tu  ne  marche- 
rais absolument  que  sur  du  gazon  et  des  fleurs.  Encore ,  de  quoi 
te  plains-tu  jusqu'à  présent  ?  de  ce  qu'on  t'aime ,  de  ce  qu'on  te 

(I)  'Voiries  numéros  40,  41,  42  6143. 


désire  ?  Je  le  conseille  de  ne  pas  crier  trop  haut.  Il  est  vrai  que 
les  désirs  non  satisfaits  se  changent  souvent  en  haine,  s'exhalent 
en  menaces  et  se  vengent  comme  ils  peuvent  ;  mais  si  tu  crois 
que  la  province  ait  le  privilège  de  ces  inconvénients  ,  et  que  la 
capitale  en  soit  exempte  ,  comme  elle  l'est  du  logement  mili- 
taire ,  détrompe-loi,  chère  petite  :  je  te  déclare  que  c'est  une 
illusion.  Le  public  de  Paris  vaut  mieux  que  celui  de  Bordeaux  . 
de  Lyon  ,  de  Rouen  ,  de  Marseille  :  il  est  plus  juste  ,  plus  indul- 
gent :  le  moindre  vent  ne  soulève  pas  ses  tempêtes.  Mais  nous 
avons  aussi  nos  orages,  qui,  pour  gronder  plus  sourdement, 
n'en  font  pas  moins  de  mal.  Là-bas ,  on  siffle  ;  ici ,  l'on  chute  ; 
c'est  plus  poli ,  mais  plus  perfide.  Nous  avons  nos  abonnés ,  qui 
se  présentent  plus  gracieusement  que  le  tien,  mais  qui  ne  sont 
pas  moins  exigeants ,  qui  ne  vous  déclarent  jamais  la  guerre  , 
mais  qui  vous  la  font  sans  la  déclarer. 

Moi ,  par  exemple  ,  si  je  te  disais  que  j'ai  un  ennemi  mortel , 
etquecet  ennemi  est  un  homme,  que  tu  as  vu  chez  moi  toutes  les 
fois  que  nous  faisions  de  la  musique.  Te  rappelles-tu  un  petit 
personnage  fluet  de  corps,  mince  d'esprit,  pointilleux,  vétil- 
leux ,  et  ennuyeux  au  superlatif?...  Il  s'appelle  Brimont  ;  il  jouit 
de  quelques  mille  livres  de  rente  ,  auxquelles  il  ajoute  par  sup- 
pléinent  les  dîners  qu'il  a  l'habitude  de  prendre,  et  les  entrées 
qu'il  a  le  talent  de  se  faire  donner.  D'abord,  je  ne  connais  rien 
de  plus  fatigant  que  les  gens  qui  veulent  avoir,  ou  ravoir ,  leurs 
entrées.  A  l'Opéra,  tout  le  monde  y  prétend  par  une  raison  ou 


BUREAUX   D'ABONN-EMENT,    RUE   RICHEI>Ii:V,    97. 


•36i 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ce  ténor  à  l'organe  si  brillant,  à  la  diction  si  pénétrante, 
Roger. .  Mais  à  quoi  bon  tomljer  dans  les  redites,  et  reprendre 
en  sous-œuvre  des  louanges  bien  souvent  répétées?  Nous  en 
avons  aujourd'hui  tant  à  distribuer  que  nous  demandons  grâce 
au  moins  pour  plus  de  moitié. 

Donc  nous  voici  suffisamment  dispensés  d'enregistrer  un  à 
un  et  les  morceaux  saillants  de  h  Création,  ce  bel  ouvrage 
d'Haydn,  et  les  succès  des  virtuoses.  Tous  ont  rivalisé  de  ta- 
lent ,  et  prouve  qu'un  acte  de  bienfaisance  dicte  toujours  les 
plus  heureuses  inspirations.  Si  cette  vérité  morale  est  tant 
soit  peu  usée,  jamais  elle  ne  fut  plus  applicable  :  écoutez 
plutôt  tout  ce  que  la  presse  entière  racontera  des  merveilles 
de  l'orchestre  et  des  chœurs.  Et ,  en  effet ,  ce  qu'on  n'avait 
point  encore  entendu ,  ce  qu'on  n'aurait  pu  entendre  sans  un 
ensemble  tout  particulier  de  ressources,  d'efforts,  de  circon- 
stances ,  dont  le  concours  ne  saurait  se  rencontrer  que  dans 
une  société  jeune ,  énergique ,  féconde  en  moyens,  et  riche 
d'avenir,  c'est  l'ouverture  d'Oieron,  c'est  le  chœur  de  Judas 
Machabce,  exécutés  par  de  si  grandes  masses  ,  de  manière 
à  transporter  d'enthousiasme  une  salle  entière.  Au  magnifique 
orchestre  l'auditoire  électrisé  a  redemandé  l'ouverture;  aux 
choristes  si  bien  dirigés  par  MM.  Benoist,  Laty,  Dietsch ,  Ta- 
riot ,  l'hymne  prodigieux  d'effet  de  Haendel,cet  hymne  d'une 
noble  simplicité  ,  d'une  verve  entraînante,  interprété  avec 
une  chaleur,  une  harmonie  au-dessus  de  l'éloge. 

Après  tant  d'émotions  accumulées,  d'acclamations  admi- 
ratives,  l'enthousiasme  semblait  devoir  s'éteindre  par  son 
propre  excès.  Il  s'est  ranimé  cependant,  et  plus  vif  encore, 
pour  décerner  une  ovation  glorieuse  au  chef  d'orchestre , 
estimé  de  tous,  à  M.  Habeneck ,  que  trois  salves  bruyantes 
avaient  déjà  accueilli  à  son  entrée  sur  le  théâtre. 

En  vérité  c'est  une  belle  chose  qu'un  public  loyalement 
impartial ,  étranger  aux  approbations  de  commande  ,  assem- 
blé tout  exprès  pour  avoir  du  plaisir,  et  qui  le  témoigne  hau- 
tement, librement,  lorsqu'il  en  trouve.  L'immense  auditoire 
réuni  h  l'Opéra  vendredi  n'était  pas  le  spectacle  le  moins 
intéressant  de  cette  mémorable  soirée.  Composé  de  tout  ce 
que  les  lettres,  les  arts,  l'aristocratie  politique  et  financière 
comptent  de  plus  éminent,  il  offrait  une  éblouissante  physio- 
nomie.  Contre  l'usage,    si   tristement  reçu  dans  tous  les 


théâtres  lyriques  à  cause  de  la  fâcheuse  intervention  des 
applaudissements  gagés ,  toutes  ces  belles  mains  s'agitaient 
spontanément,  toutes  ces  lèvres  vermeilles  laissaient  échap- 
per sans  contrainte  des  témoignages  d'admiration  non  équi- 
voque. A  coup  sûr,  cet  enthousiasme  de  bon  -aloi  est  la  plus 
noble  sanction  qu'il  fût  permis  à  l'association  des  artistes- 
musiciens  de  souhaiter,  pour  prix  de  ses  efforts. 

Voici  donc  la  première  épreuve  subie,  et  réellement  la 
plus  difficile.  Le  principe  vital  de  la  Société  en  est  sorti  vic- 
torieux. Maintenant  plus  de  doute  possible  sur  sa  force  et  la 
rapidité  de  sa  marche.  Son  double  but  est  nettement  consacré 
par  des  faits  solennels.  Diminuer  les  souffrances  et  améliorer 
le  bien-être  de  la  famille  des  musiciens,  en  appelant  chacun 
d'eux  h  fonder,  moyennant  une  faible  cotisation,  une  caisse 
de  secours,  et  en  cherchant  de  nouvelles  ressources  dans 
l'enthousiasme  public  excité  par  la  plus  belle  exécution  pos- 
sible des  chefs-d'œuvre,  c'était  le  problème.  Le  voilà  résolu. 
La  théorie  aura  passé  à  l'état  de  pratique  presque  facile  ,  si 
les  masses  savent  comprendre  que  les  grands  résultats  dépen- 
dent d'une  union  intelligente,  d'une  véritable  entente  cor- 
diale. Déjà  les  musiciens  de  Paris  en  sont  généralement  con- 
vaincus. Le  retentissement  de  celte  solennité  trouvera  sans 
doute  de  l'écho  en  province  ,  à  l'étranger,  et  persuadera  ceux 
qui  hésitent  encore.  Que  les  comités  correspondants  ne  ba- 
lancent pas  à  suivre  l'éclatant  exemple  donné  le  1"  novembre 
par  le  comité  central.  Qu'ils  se  rattachent  plus  étroitement 
par  cette  communion  d'œuvres  et  d'efforts  à  la  souche  puis- 
samment enracinée  en  si  peu  de  temps.  La  pierre  fondamen- 
tale d'une  grande  institution  vient  d'être  posée.  Qui  sait  jus- 
qu'où doit  s'élever  l'édifice?  Ce  ne  sont  point  des  obstacles 
aveugles  qui  pourraient  en  suspendre  les  travaux. 

Le  comité  de  l'association  ,  bien  pénéiré  de  ses  devoirs  et 
des  droits  que  donne  une  haute  ptnsée  ,  a  trop  fait  mainte- 
nant pour  s'arrêter  dans  une  voie  conquise  au  prix  de  tant 
de  peines  et  de  luttes  ignorées. 

Car,  il  faut  le  bien  savoir  :  s'il  lui  est  doux  de  proclamer 
le  zèle  ,  le  dévouement  de  la  plupart  des  sociétaires,  de  re- 
mercier publiquement  (!e  leur  active  bienveillance  l'adminis- 
tration ministérielle,  les  directions  de  l'Opéra,  de  l'Oi>éra- 
Comique,  des  Italiens,  du  Conservatoire,  le  comité  aurait 


par  une  autre  ,  moins  pour  voir  le  spectacle  que  pour  se  prome- 
ner dans  le  foyer.  Les  mi'decins  cherchent  à  se  faufiler  dans  le 
comité  médical  ;  les  avocats,  les  avoués  ,  les  notaires,  dans  le 
coinilé  judiciaire;  les  auteurs,  les  littérateurs,  regardent  l'Opéra 
comme  un  de  ces  terrains  vagues,  qui  leur  appartiennent  au 
même  titre  que  les  Tuileries,  le  Palais-Royal ,  et  sur  lesquels  ils 
ont  au  moins  le  droit  de  parcours  et  de  vaine  pâture.  Brimont, 
qui  n'a  jamais  écrit  une  ligue  ,  s'était  procuré  ses  entrées  à  tous 
les  théâtres  en  qualité  de  membre  de  tous  les  comités  de  lecture, 
ce  qui  lui  assurait  l'avantage  de  se  chauffer  et  de  dormir  aux 
frais  des  administrations.  Je  crois  que  jadis  ,  à  une  époque  im- 
mémoriale ,  il  avait  aussi  fait  partie  du  comité  de  l'Opéra  :  tou- 
jours est-il  qu'on  lui  avait  conservé  ses  entrées,  et  qu'un  beau 
jour  de  la  présente  année  on  s'avisa  de  les  lui  retirer.  Le  ciel  se- 
rait tombé  sur  sa  tête  ,  qu'il  n'eût  pas  été  plus  surpris.  Il  écrivit 
pour  réclamer  :  on  ne  lui  répondit  pas.  Alors  il  vint  me  trouver, 
et  me  dit  d'un  ton  aussi  doux  que  possible  :  «  Ma  chère,  voyez 
B  ce  qui  m'arrive  '....  c'est  inouï,  ça  n'a  pas  de  nom  !...  M'ôter 
«  mes  entrées  à  moi ,  qui  en  joiùs  depuis  vingt  ans  !  Je  n'ai  pas 
))  de  droit ,  c'est  vrai  ;  mais  n'y  a-t-il  pas  prescription  en  ma  fa- 
)>  veur  ?  Je  vous  ai  choisie  pour  mon  avocat.  Je  ne  vous  demande 
»  pas  d'aller  faire  mon  éloge;  mais  enfin  vous  savez  que  je  suis 
«  assez  bon  diable  :  je  ne  demande  qu'à  rendre  service  ;  et  qui 
1)  sait  ?  l'occasion  peut  s'en  trouver  plus  tôt  qu'on  ne  pense.  Je 
))  suis  sûr  qu'avec  un  mot  de  vous  tout  s'arrangera.  » 


Je  fis  ce  qu'il  voulait  :  je  parlai  à  notre  directeur,  qui  me  ré- 
pondit par  un  refus  bien  net  et  bien  sec  :  «  Je  ne  peux  pas  , 
»  me  dit-il  ;  cet  homme  m'ennuie  :  il  me  prend  tous  les  jours 
»  la  meilleure  place  de  mon  orchestre  ,  et  pourquoi  ?  à  quel 
»  propos  ?  »  Je  mitigeai  beaucoup  les  termes  de  la  réponse  ; 
mais  j'eus  beau  faire  :  mon  liomme,  en  l'entendant,  fit  une  af- 
freuse grimace  ;  son  front  se  plissa  ;  ses  sourcils  se  rappro- 
chèrent ;  sa  bouche  se  contracta  de  telle  sorte  qu'il  ne  resta  plus 
sur  sa  physionomie  le  moindre  vestige  de  cette  aménité ,  à  la- 
quelle je  m'étais  laissé  prendre.  La  scène  changea  comme  au 
coup  de  sifflet  :  les  déserts ,  les  rochers  ,  les  précipices,  rem- 
placèrent les  bosquets  fleuris,  k  Ah  !  ah  !  dit-il  ,  c'est  comme  çà 
»  qu'on  me  traite!...  Eh  bien!  je  vous  dirai  qu'on  a  tort;  car 
»  enfin  ,  puisqu'on  me  fait  une  impertinence  ,  je  serais  bien  bête 
»  de  ne  pas  m'en  venger,  et  ce  ne  sont  pas  les  moyens  qui  me 
»  manquent.  Le  plus  faible  ennemi  suffit  pour  nous  détruire  : 
w  votre  directeur  a  oublié  cela.  Je  n'ai  pas  envie  de  le  détruire  , 
1)  Dieu  m'en  garde  ;  mais  je  lui  nuirai...  je  lui  nuirai  plus  qu'il 
»  ne  croit  !  n  Étonnée  à  mon  tour,  j'osai  lui  dire  qu'il  avait  tort, 
qu'il  serait  peu  généreux  à  lui  de  se  venger ,  et  que ,  dans  tous 
les  cas ,  la  punition  excéderait  l'offense.  Sais  -  tu  ce  qu'il  me 
répondit  ?  «  On  ne  m'ôtera  pas  de  la  tête  que ,  si  vous  l'eussiez 
»  bien  voulu ,  votre  directeur  m'eût  rendu  mes  entrées  !  »  Il 
partit  là-dessus  ,  et  je  ne  le  revis  plus  ;  mais  j'appris  qu'il  disait 
de  moi  un  mal  horrible ,  qu'il  m'attaquait  dans  mon  talent,  dans 


DE  PARIS. 


365 


aussi  à  faire  justice  de  sourdes  menées ,  d'oppositions  opi- 
niâtres ,  de  difficultés  amassées  sur  sa  route.  L'histoire  en 
serait  longue  et  révélerait  le  côié  pénible  de  fonctions  que 
l'on  croit  souvent  purement  honorifiques.  Mais  après  le  triom- 
phe ,  faut-il  songer  aux  coiiibals  et  au  labeur?  Le  succès, 
qui  fait  tant  de  conversions  ,  centuple  aussi  l'énergie.  Et  le 
succès  est  incontestable  aujourd'hui.  Ce  n'est  pas  à  tort  que 
l'associalion  des  artistes -musiciens  a  terminé  son  brillant 
concert  par  le  chœur  :  Chantons  victoire. 

Maurice  Boup.ges. 


MESSE  ESs"  ]5IUSg^l.iE 
pour  rinaiiguralioD  de  la  nouvelle  c';;lise  df  Ssiiit-Viiicent-de-Paiil, 

par  SS..  BOCHS. 

Après  l'inauguration  religieuse  de  la  nouvelle  église  de 
Saint-Vincent-de  Paul,  dont  les  journaux  ont  parlé  tous  ces 
jours-ci,  l'inauguration  musicale  de  la  même  basilique  a  eu  lieu 
mercredi,  23,  par  une  messe  en  musique  de  la  composition 
de  M.  Doche.  Et  d'abord  disons  tout  de  suite  que  ,  de  toutes 
les  églises  de  Paris,  c'est  celle  qui  nous  semble  le  plus  favora- 
ble à  la  musique.  Les  exécutants ,  placés  dans  des  tribunes  ou 
galeries  latérales ,  se  sont  fait  entendre  parfaitement ,  quoi- 
qu'ils fussent  placés  à  une  très  grande  hauteur. 

Une  messe  composée  par  M.  Doche  ,  chef  d'orchestre  du 
théâtre  du  Vaudeville  de  père  en  fils ,  semblait  à  beaucoup  de 
personnes  une  anomalie,  un  paradoxe  musical.  Quelques 
unes  se  disaient,  avant  d'avoir  entendu  l'œuvre,  que  néces- 
sairement, par  ses  habitudes  artistiques,  M.  Doche  avait  dû 
louer  le  seigneur  en  romances  et  en  vaudevilles;  d'autres, 
plus  observatrices,  prétendaient  que,  comme  tout  compositeur 
qui  ne  s'est  occupé  que  de  musique  légère,  l'auteur  se  croi- 
rait obligé  de  faire  de  la  musique  religieuse ,  sérieuse ,  et 
par  conséquent  ennuyeuse.  Aucune  de  ces  prévisions  ne  s'est 
réalisée.  La  messe  de  M.  Doche  n'est  ni  d'un  bon  style  sacré, 
ni  d'un  mauvais  style.  C'est  mondain,  moderne  si  l'on  veut  : 
cela  sent  le- théâtre.  Quelques  suspensions  éparses  çà  et  là 
affectent  parfois  la  prétention  au  style  rigoureux;  mais  les 
tournures  de  chant  et  d'instrumentation  sont  venues  rappeler 


fréquemment  aux  auditeurs  compétents  que  l'auteur  se  meut 
puis  à  l'aise  dans  la  musique  libre  que  dans  le  champ  de  la 
fugue.  C'est  que  c'est  une  grave  question  d'art  que  celle  du 
style  de  la  musique  sacrée  et  vraiment  religieuse,  bien  que 
la  jeune  école  ait  l'air  d'en  vouloir  faire  bon  marché.  Cette 
question  est  absolument  identique  avec  celle  qui  mit  naguère 
aux  prises  deux  littératures.  Il  estévidentque  les  romantiques 
ont  détruit  la  forme  classique  et  qu'ils  n'ont  rien  mis  à  la 
place.  Nous  n'en  sommes  pas  encore  là  en  musique.  Quand 
nous  écoutons  l'œuvre  d'un  musicien  moderne  qui  croit  faire 
du  génie  par  l'abondance ,  et  par  conséquent  l'incohérence 
des  idées  ou  des  lieux  communs,  il  nous  semble  voir,  entendre 
dans  le  monde  un  de  ces  jeunes  gens  avantageux ,  abondants 
en  paroles,  dont  tout  décèle  le  défaut  d'éducation,  et  qui 
vous  tiennent  sans  cesse  dans  la  crainte  de  leur  entendre  dire 
quelque  grosse  bêtise.  Or,  le  style  sacré  et  vraiment  reli- 
gieux en  musique,  cet  art  calme  et  plastique  qui  fait  naître  le 
recueillement  et  le  respect,  ne  s'accommode  point  du  luxe 
instrumental  et  vocal ,  de  l'abondance  des  effets  dramatiques 
qu'on  entend  partout  et  tous  les  jours  dans  nos  salles  de  spec- 
tacle et  de  concert.  M.  Doche  en  est  là  ;  il  a  payé  tribut  à  ce 
veau  d'or  de  la  science.  Son  Kyrie  a  de  l'éclat ,  du  brio;  mais 
est-ce  bien  là  le  caractère  d'une  prière  adressée  au  Seigneur? 
Plusieurs  parties  de  sa  messe  ont  de  la  grâce  ;  mais  c'est  celle 
d'une  des  trois  sœurs  de  la  théogonie  païenne,  et  non  la  grâce 
divine ,  sévère  et  douce  tout  à  la  fois.  Nous  avons  remarqué 
un  O  sabilaris,  un  Agnus  Dei,  ou  levé-Dieu,  GXinii  mineur 
à  deux  voix  avec  solo  de  violon  ,  qui  est  d'un  joli  caractère  : 
il  y  a  de  la  suavité ,  de  l'âme  là-dedans.  Bien  que  la  voix  du 
violon  ne  chante  pas  d'une  façon  assez  sévère ,  qu'il  y  ait  de 
la  manière  et  de  la  sensualité  dans  cet  accompagnement 
obligé ,  l'effet  en  est  charmant.  Ce  solo  a  été  fort  bien  dit  par 
l'exécutant. 

Si  l'œuvre  de  M.  Doche  n'a  pas  assez  de  puissance  pour 
fixer  l'attention  des  rares  amateurs  du  vrai  style  religieux  en 
musique ,  il  se  fera  peut-être  remarquer  du  peuple  des  libret- 
tistes d'opéra,  suffrage  que  préférera  sans  doute  M.  Doche  , 
et  qui  vaut  mieux  pour  lui. 

Henri  Blanchard. 


ma  personne  ;  qu'il  ameutait  contre  moi  les  journalistes  infimes, 
qui  ne  tirent  leur  force  que  de  leur  nombre;  qu'enfin  il  ne  se 
donnerait  de  repos  que  le  jour  où  je  sortirais  de  l'Opéra  ,  pour 
me  punir  d'avoir  refusé  de  lui  en  ouvrir  les  portes  ! 

Cet  échantillon  te  donnera ,  J'espère  ,  une  idée  du  reste.  Oui , 
certainement,  tu  as  bien  fait  d'écouter  les  conseils  de  Sazerac, 
et  d'employer  la  ruse  pour  désarmer  ton  ennemi.  Loin  de  te 
blâmer  ,  je  t'approuve  et  le  loue  ,  car  ,  à  ta  place ,  je  ne  m'y  se- 
rais pas  prise  autrement  ;  mais  je  ne  veux  pas  que  tu  t'imagines 
que  les  servitudes  de  ce  genre  pèsent  sur  toi  plus  que  sur  moi. 
Des  servitudes ,  eh  !  mon  Dieu,  nous  ne  connaissons  pas  autre 
chose ,  nous  autres  reines  de  théâtre  !  Il  y  a  un  passage  dans  ta 
lettre  qui  m'a  fait  rire  malgré  moi  :  c'est  celui  où  tu  parles  de  ta 
richesse ,  et  où  tu  dis  que  tu  me  demanderas  ce  qu'on  peut  faire 
de  tant  d'argent.  Ah  !  chère  amie  ,  quelle  naïveté ,  quelle  heu- 
reuse ignorance  !  Si  tu  savais  que  moi  je  me  trouve  excessive- 
ment pauvre  ,  avec  le  double  de  tes  appointements  !  Si  lu  savais 
que  j'ai  des  dettes,  beaucoup  de  dettes,  que  j'augmente  tous 
les  jours ,  et  que  je  paierai ,  Dieu  sait  quand  !  Et  ce  n'est  pas  par 
goût  que  je  dépense,  mais  par  entraînement,  par  nécessité. 
Nous  sommes  obligées  à  Paris  de  vivre  sur  un  certain  pied  de 
luxe  ,  de  grandeur,  au  risque  de  passer  pour  avoir  peu  de  talent. 
Nous  avons  besoin  d'entretenir  une  petite  cour  ,  de  la  bien  trai- 
ter ,  de  la  bien  nourrir ,  afin  de  nous  assurer  des  prôneurs  ,  qui 
parlent  de  nous  dans  le  monde ,  et  lui  donnent  de  nous  une 


haute  opinion.  Si  notre  renommée  nous  rapporte ,  il  est  certain 
aussi  qu'elle  nous  coûte  ,  et  souvent ,  tout  balancé ,  bénéfices  et 
charges,  il  se  trouve  que  c'est  nous  qui  sommes  en  retour. 

Pendant  que  j'y  songe  ,  il  faut  que  je  te  gronde  d'une  chose  : 
tu  m'appelles  toujours  chère  marraine  ,  comme  si  tu  avais  peur 
que  je  n'oubliasse  ce  titre.  Je  t'ai  déjà  dit  que  je  n'en  voulais  pas 
d'autre  que  celui  de  ton  amie  ;  sans  cela  ,  nous  en  resterions  au 
style  cérémonieux  ,  aux  grandes  phrases,  que  j'ai  en  horreur  : 
quand  j'aurais  des  chagrins  (et  je  n'en  manque  pas  en  ce  mo- 
mentj,  je  n'oserais  pas  te  les  confier,  parce  qu'une  filleule  ne 
doit  pas  savoir  tout  ce  qu'on  peut  dire  à  une  amie.  Désormais, 
c'est  donc  convenu  ;  je  ne  suis  plus  ta  marraine  que  devant  Dieu: 
pour  notre  correspondance  et  nos  relations  mondaines ,  je  suis 
ton  amie ,  rien  que  ton  amie.  Tel  est  mon  vreu  ,  mon  désir  (je 
me  garderai  bien  de  dire  mon  ordre  :  une  marraine  seule  aurait 
ce  droit)  ,  et  je  me  flatte  que  tu  n'auras  pas  de  peine  à  t'y  con- 
former. Je  l'aime  et  t'embrasse.  Mes  prières  pour  la  continuation 
de  tes  succès  ont-elles  été  exaucées  ? 


ESTIIER  SAUNIEU  A  CLOTILDE  B"^  *  '*. 

24  mai. 

Oui ,  je  vous  appellerai  mon  amie  ;  oui ,  je  vous  prouverai  que 

ce  titre  n'est  pas  un  vain  titre,  et  que  je  le  réclame  tout  entier  ; 

dès  aujourd'hui,  je  veux  en  profiter.  Qu'est-ce  que  j'apprends?... 

vous  avez  des  chagrins,  vous  que  je  croyais  le  bonheur  même  ? 


366 


REVUE  ET  GAZETTE  .MUSICALE 


LA   STATUE  DE  MOZART  A  SALZBOURG. 

En  septeQibre  1842,  Salzbourg  vit  affluer  dans  ses  murs 
un  concours  singulier  d'étrangers  et  de  voyageurs  de  tous 
pays.  De  nombreux  préparatifs  annonçaient  une  solennité 
imposante.  La  ville  offrait  un  aspect  inusité  de  joie  et  de  fête, 
et  suffisait  à  peine  à  contenir  cette  multitude  de  zélés  pèle- 
rins, qu'une  dévotion  d'une  nouvelle  espèce  lui  amenait  du 
Nord  et  du  Midi ,  de  l'Orient  et  du  Couchant. 

L'art  aussi,  cette  autre  religion  vraiment  universelle,  a  ses 
grands  saints,  ses  martyrs  canonisés.  Il  s'agissait,  en  ces  jours, 
de  fêter  solennellement  l'un  de  ses  plus  puissants  apôtres,  le 
plus  suave ,  le  plus  onctueux  entre  les  pères  de  l'église  imi- 
sicale.  Un  peuple  d'artistes  fervents  venait  assister  à  l'inau- 
guration d'un  monument  érigé  h  Blozartdanssa  patrie. 

Grâce  à  l'enthousiasme  national ,  une  riche  collecte  avait 
permis  de  réaliser  splendidement  la  pensée  libérale  inspirée 
par  le  souvenir  du  grand  maître.  Le  cérémorial  observé  dans 
cette  occasion  ne  manqua  ni  de  convenance  ni  de  dignité. 
Inutile  de  reproduire  ici  les  diverses  phases  du  programme 
officiel.  Les  numéros  kO,  il  de  Gazette  de  Leipzig  (1842)  en 
donnent  un  récit  détaillé.  L'enthousiasme  de  l'actualité  peut 
seul  réchauffer  la  froideur  académique  des  formules  d'usage; 
et  certes  cet  enthousiasme  fut  grand,  irrésistible,  lorsqu'au 
bruit  du  canon ,  des  instruments  et  des  hurrahs  populaires 
apparut,  dégagée  de  son  voile ,  la  statue  du  Raphaël  de  la  mu- 
sique. 

Élevé  sur  la  place  Michel,  le  monument  consacré  h  Mo- 
zart est  l'œuvre  de  deux  artistes  remarquables.  La  statue, 
en  bronze  ,  noblement  posée  et  d'une  ressemblance  parfaite, 
est  due  au  talent  de  M.  Schwanthaler,  habile  sculpteur. 
M.Stiglmayeradirigé  l'exécution  des  travaux. 

La  copie,  offerte  aujourd'hui  aux  abonnés  de  la  Gazette 
musicale,  est  d'une  extrême  fidélité.  Le  dessinateur  a  re- 
produit avec  la  dernière  exactitude  les  traits  de  Mozart,  si 
souvent  défigurés  en  France  par  des  images  de  pure  fantaisie. 

Une  fêle  musicale  devait  nécessairement  accompagi.er 
l'inauguration.  ElleduraçKn/re jours  consécutifs.  MM.  Lach- 
ner  ,  Pott  et  Neukomm  dirigèrent  tour  h  tour  l'orchestre , 
qui  exécuta  ,  soit  à  l'église  ,  soit  au  concert ,  des  messes,  des 


symphonies ,  des  ouvertures  et  quantité  de  morceaux  extraits 
des  principaux  opéras  de  Mozart.  L'auteur  de  Don  Giovanni 
était  à  la  fois  l'amphitryon  et  l'objet  de  la  fête.  Staudigl ,  un 
des  artistes  les  plus  extraordinaires  de  notre  siècle  (quoique 
Paris  connaisse  à  peine  son  nom  )  y  fit  admirer  sa  magnifique 
voix  de  basse  et  son  beau  talent  de  déclamation. 

Ce  qu'il  y  eut  de  plus  singulier  et  de  plus  touchant  dans 
cette  solennité  ,  à  laquelle  la  cour  Impériale  prit  part  comme 
le  peuple  ,  ce  fut  la  présence  du  fils  de  Mozart.  Il  contribua 
lui-même  à  la  cérémonie,  qui  glorifiait  son  nom  ,  en  exécu- 
tant ,  avec  beaucoup  de  sentiment  et  de  goût ,  le  concerto  en 
ré  mineur  de  son  père. 

Encore  si  tant  d'hommages ,  tant  d'acclamations,  tant  de 
bruit  autour  de  cette  image  vénérée,  avaient  pu  arracher  l'il- 
lustremusicien  à  son  sommeil  d'un  demi-siècle!  Encore  si 
l'étincelle  de  la  vie  s'était  ranimée  dans  ces  nobles  cendres 
enfouies  pour  jamais  !  Hélas  !  la  nature  ne  fit  pas  un  miracle, 
même  en  faveur  de  Mozart.  Sa  statue  ne  s'incUna  point  en 
entendant  parler  du  somptueux  festin  donné  chez  le  cardinal- 
archevêque  ,  prince  de  Schwarzemberg,  et  ne  descendit  pas 
de  son  piédestal ,  comme  celle  du  commandeur ,  pour  appa- 
raître dans  la  salle  du  festin. 

Ceci  peut-être  prouverait  une  chose  :  c'est  que  Salzbourg 
ne  renferme  pas  le  moindre  don  Juan. 

Maurice  BOURGES. 


R  évite  cvitiïjïie. 

ÉCOLE     D'ORGUE, 

ou 

MÉTHODE  COMPLÈTE  DE  CET  INSTRUMENT  , 

par  m.  J'ustin  CABA1TX. 

(  Suite  et  fin'.  ) 

Je  vais  essayer  de  suppléer  par  quelques  remarques  à  l'in- 
suffisance de  ce  travail ,  et  je  tâcherai  du  moins  d'indiquer  les 
bases  sur  lesquelles  il  aurait  dû  être  placé. 

Pour  établir  les  règles  du  style  convenable  à  l'orgue  ,  il 
faut  se  préoccuper  de  deux  considérations  principales. 

["}  Voir  le  numéro  42. 


Vous  avez  des  deltes  ,  vous  que,  par  toutes  les  raisons  possibles, 
je  supposais  si  riche,  vous  que  je  voyais  si  généreuse?  En  vérité, 
je  ne  sais  si  je  veille  I  J'ai  lu  et  lelu  vingt  fois  votre  lettre  ,  per- 
suadée que  mes  yeux  m'avaient  trompée  ;  mais  non,  c'est  bien 
(Jcrit  de  votre  main  ;  et ,  à  moins  que  vouz  n'ayez  voulu  tenter 
une  épreuve,  il  ne  m'est  pas  permis  d'en  douter. 

Voyons,  puisque  nous  en  sommes  aux  confidences,  il  faut 
que  vous  me  les  fassiez  saus  réserve.  Je  veux  donc  savoir  de 
quelle  nature  sont  vos  chagrins,  et  de  quelle  part  ils  vous  vien- 
nent. Est-ce  du  théâtre  ?  est-ce  de  cet  ennemi ,  dont  vous  nie 
parlez  dans  voire  dernière  lettre?  Je  n'en  serais  pas  surprise, 
car  mon  ennemi,  à  moi,  n'a  pas  déposé  les  armes,  ainsi  que  vous 
paraissez  le  croire.  Ma  tactique  n'a  réussi  que  momenlanémcnt  : 
il  m'a  laissé  faire  mes  trois  débuts  ;  cl  c'est  beaucoup  sans  doule, 
mais  ce  n'est  pas  tout.  On  est  venu  me  dire  qu'il  avait  parié 
que  je  serais  à  lui  d'ici  à  un  certain  temps  :  j'ignore  le  terme 
que  ce  monsieur  m'a  fixé  ;  c'est  un  bruit  qui  court  au  théâtre,  et 
qui ,  je  l'avoue  ,  comm;.'iice  à  m'elîrayer  :  car  si  une  fois  le  point 
d'honneur  s'en  mêle  (je  vous  demande  un  peu  quel  honneur  I), 
mon  ennemi  ne  voudra  pas  céder.  J'ai  pour  moi  le  public , 
qui  m'aime  et  me  le  témoigne  très  vivement  :  je  ne  néglige  rien 
pour  captiver  de  plus  en  plus  ses  bonnes  grâces;  mais,  enfin, 
rien  n'est  sûr  ici-bas  que  la  méchanceté  de  quelques  vilains  êtres, 
dans  la  classe  desquels  je  range  en  première  ligne  mon  individu. 

Revenons  à  vous,  chère  amie,  et  répondez  positivement  aux 


questions  que  je  vais  vous  adresser  :  j'ai  sur  ce  point  plus  de 
droit  que  personne  à  une  confiance  absolue.  Vous  devez  de  l'ar- 
gent ,  mais  depuis  quelle  époque  ?  En  deviez-vous  déjà  quand 
vous  m'avez  recueillie  chez  vous?  Et  tout  ce  que  vous  avez  fait 
pour  moi,  toutes  les  dépenses  que  je  vous  ai  causées,  c'était 
donc  pour  vous  un  embarras  de  plus?  Ah  !  si  j'avais  pu  m'en 
douter ,  malheureuse  que  j'étais ,  et  que  je  suis  encore  bien  da- 
vantage par  souvenir  !..  Mais  ce  cadeau  que  vous  m'avez  fait  en 
partant ,  ces  cinquante  mille  francs  avec  lesquels  vous  m'avez 
acheté  ,  en  mon  nom ,  une  inscription  sur  le  grand-livre ,  qui  me 
rapportera  près  de  mille  écus ,  qu'est-ce  que  cela  signifie  ?  Pour- 
quoi me  donner  tout  cela,  si  vous  en  aviez  besoin  vous-même  ? 
Je  n'y  comprends  rien;  je  m'y  perds.  Expliquez- moi  cette 
énigme,  chère  amie;  et,  faut-il  vous  le  dire?  regardez  votre 
cadeau  comme  toujours  â  vous.  Qu'en  ferais-je ,  moi ,  qui  me 
crois  encore  si  riche  ?  Je  ne  sais  qui  m'empêche  de  mettre  l'in- 
scriplion  dans  cette  lettre ,  et  de  vous  la  renvoyer  à  1  instant  ; 
mais,  quoique  votre  amie,  je  me  souviens  encore  que  je  suis 
votre  filleule  ,  cl  j'attends  une  permission  de  vous,  pourvu  que 
vous  me  répondiez  friincheiiient ,  car  soyez  sûre  que  je  ne  l'at- 
tendrais pas  toujours. 

Une  autre  fois  je  vous  parlerai  de  diverses  choses  qui  n'inté- 
ressent que  moi  ;  mais  aujourd'hui  je  ne  puis  m'occuper  que  de 
vous  seule.  Sazerac  vous  a-t-il  écrit  depuis  quelque  temps  ?  Cet 
excellent  homme  me  désole  :  il  est  plus  amoureux  que  jamais. 


DE  PARIS. 


367 


La  première  est  celle  des  effets  et  de  la  nature  des  sons  de 
l'instrument. 

La  seconde ,  celle  de  sa  destination  et  de  son  emploi. 

D'abord ,  l'orgue  possède  la  faculté  de  prolonger  indéfini- 
ment le  son  sans  que  l'intensité  diminue  ou  augmente.  Cette 
propriété  de  l'orgue  n'existe  pour  aucun  autre  instrument,  et 
dans  l'orchestre  même  on  ne  peut  l'obtenir. 

En  second  lieu,  l'orgue  embrasse  dans  son  étendue  toute 
l'échelle  des  sons  usités,  depuis  le  plus  grave  jusqu'au  plus 
aigu.  C'est  encore  là  une  richesse  spéciale  dont  ne  jouit  pas 
l'orchestre  le  plus  complet.  _ 

Non  seulement  l'orgue  renferme  l'échelle  des  sons ,  mais 
encore  il  offre  la  faculté  de  rapprocher  ces  sons ,  de  les  unir, 
malgré  des  distances  considérables  qui  les  séparent  ou  des 
disparates  choquantes  qui  les  désunissent.  —  Ainsi  la  dou- 
blette,  le  plein  jeu  résonnant  avec  la  note  la  plus  grave,  le 
trente-deux  pieds  par  exemple  ;  ainsi  les  jeux  de  mutation , 
cornet ,  tierce ,  quinte ,  présentent  dans  leur  emploi  des  phé- 
nomènes qui  ne  se  produisent  pas  ailleurs  sur  aucun  instru- 
ment et  dans  aucune  combinaison  musicale. 

Si  donc  ces  particularités  donnent  à  l'orgue  une  sonorité 
et  des  effets  qui  lui  sont  propres ,  il  en  doit  résulter  des  lois 
et  des  règles  spéciales  pour  le  style  qu'il  convient  d'adopter 
sur  cet  instrument. 

La  seconde  considération  est  relative  à  la  destination  et  à 
l'emploi  de  l'orgue. 

L'orgue  est  consacré  au  culte.  C'est  de  tous  les  instru- 
ments celui  qui  a  paru  le  moins  indigne  de  célébrer  Dieu  dans 
ses  temples ,  et  c'est  aussi  celui  qui  contient  et  résume  une 
plus  grande  variété  de  sons  et  de  timbres.  11  associe  sa  grande 
et  majestueuse  voix  à  celle  de  l'homme  lorsqu'il  communique 
par  la  prière  avec  la  Divinité  ;  et  cette  destination  sublime 
impose  à  l'artiste  la  gravité,  l'accent  religieux,  l'enthousiasme 
pieux  et  contenu  ,  enfin  toute  absence  de  ressemblance  avec 
l'expression  des  passions  humaines. 

La  musique  est  une  sorte  de  langage  universel  qui  exprime, 
avec  une  précision  et  une  variété  de  formes  avec  lesquelles  la 
parole  humaine  ne  peut  rivaliser ,  les  sensations  vives  de  l'âme, 
telles  que  la  joie,  la  douleur,  le  calme ,  l'agitation ,  la  puis- 
sance. Tout  dans  la  nature  a  une  voix  et  un  chant  que  la  mu- 


sique peut  reproduire.  Les  épaisses  forêts  que  le  vent  agite, 
les  rochers  et  les  montagnes  sur  lesquels  roulent  avec  fracas 
des  torrents  rapides ,  les  prairies  où  coulent  d'humbles  ruis- 
seaux, les  nuages  dans  lesquels  la  foudre  gronde ,  ont  tous 
des  bruits  mystérieux  ,  une  voix  puissante ,  que  l'art  musical 
sait  imiter  et  dont  il  donne  une  idée  plus  parfaite  que  toute 
l'habileté  du  langage  humain  ne  saurait  le  faire.  Celte  langue 
universelle  et  si  variée  a  été  dans  tous  les  temps  et  chez  tous 
les  peuples  consacrée  tout  d'abord  au  culte  rendu  à  Dieu.  Ce 
n'est  que  plus  tard ,  et  même  depuis  peu  de  siècles,  que  la 
musique  dite  dramatique  a  pris  naissance.  Cette  musique  a 
pour  objet  de  dépeindre  les  passions ,  et  elle  n'a  plus  besoin 
pour  cela  de  conserver  ces  accents  graves ,  austères ,  cette 
simplicité  respectueuse,  ce  caractère  élevé  qu'elle  doit  avoir 
quand  elle  est  étroitement  liée  à  la  prière ,  à  l'hommage  que 
les  mortels  adressent  à  Dieu. 

L'orgue  chargé  de  traduire  les  poésies  sacrées ,  de  chanter 
les  plus  augustes  mystères ,  de  raconter  les  triomphes  de  la 
rehgion ,  de  célébrer  les  merveilles  de  la  création  ,  doit  par 
ses  accents  exciter  dans  l'âme  un  doux  recueillement  et  n'a- 
voir rien  de  commun  avec  l'expression  des  passions  humaines 
qui  appartient  à  la  musique  dramatique.  C'est  faute  d'avoir 
médité  sur  un  tel  sujet  que  les  organistes ,  et  avec  eux  les 
compositeurs  modernes  de  musique  sacrée,  ont  confondu 
tous  les  styles  et  fait  un  grossier  mélange  de  la  musique  de 
théâtre  et  de  la  musique  sacrée. 

On  a  vu  briller  dans  ce  siècle  un  homme  doué  d'un  grand 
génie  rehaussé  par  de  savantes  éludes.  Cet  artiste  a  écrit  pour 
l'église  dt's  ouvrages  admirables  sous  le  rapport  de  la  perfec- 
tion de  la  forme,  je  veux  parler  de  Cherubini.  Cependant, 
malgré  la  couronne  méritée  que  ses  contemporains  lui  ont 
décernée ,  je  crois  que  les  compositions  de  ce  maître  appar- 
tiennent à  la  musique  dramatique  et  sont  dénuées  de  l'ex- 
pression propre  à  la  musique  sacrée. 

En  ce  qui  concerne  spécialement  l'orgue,  on  est  convenu 
de  citer  Bach  et  Haendel  comme  les  types  absolus  de  la  per- 
fection du  genre  à  adopter  sur  cet  instrument.  Personne  plus 
que  moi  n'admire  ces  génies  immortels;  cependant,  je  ne 
pense  pas  qu'ils  aient  dit  le  dernier  mot  de  la  science  de 
l'orgue;  et,  si  je  propose  leurs  compositions  comme  la  meil- 


et  j'ai  peur  qu'il  ne  soit  sur  le  point  de  me  le  dire. 

iiépondez  moi  courrier  par  courrier,  ou  je  ne  suis  plus  votre 
amie  et  je  redeviens  tout  uniment  et  tout  froidement  votre 
filleule. 


CLOTILDE  B***  A  ESTHEll  SAUNIER. 

28  mai. 

Eh  bien,  oui,  j'ai  des  chagrins  ,  et  des  chagrins  de  cœur.  Le 
théâtre  n'y  est  absolument  pour  rien,  c'est-à-dire,  je  me  trompe, 
le  théâtre  en  est  bien  la  cause  originaire;  car  si  je  n'étais  pas 
actrice  ,  si  je  ne  montais  pas  sur  les  planches  ,  si  je  ne  mettais 
pas  du  blanc  et  du  rouge  ,  il  est  plus  que  probable  que  je 
n'aurais  pas  ces  chagrins  ;  mais  enfin  il  ne  s'agit  ni  de  caliales  , 
ni  d'ennemis  déclarés  ou  secrets ,  ni  d'entrées  refusées ,  ni 
d'abo'.inés  entreprenants.  Es-îu  contente? 

Quant  à  mes  dettes,  je  ne  sais  plus  pourquoi  j'ai  fait  la  sot- 
tise de  le  parler  d'une  cliose  si  maussade ,  et  à  laquelle  je  pense 
si  peu.  Puisque  tu  veux  que  je  te  réponde  franchement,  la  main 
sur  la  conscience  ,  je  te  dirai  que  j  ai  fait  pour  toi  précisément 
ce  que  je  devais  faire,  ce  que  je  ferais  encore  si  l'occasion  se 
représenlait,  que  lu  ne  m'as  jamais  été  à  charge,  que  lu  ne 
m'as  jamais  causé  d'embarras,  et  qu'enfin  les  cinquante  mille 
francs  que  je  l'ai  donnés  sont  bien  à  toi  ;  car  si  tu  n'avais  pas 
été  là,  je  les  aurais  donnés  à  une  autre ,  et  si  tu  me  les  ren- 
voyais jamais  ,  à  compter  de  ce  jour-là  nous  serions  brouillées  à 


I  mort.  Est-ce  positif?  Est-ce  clair?  Encore  une  fois,'es-tu  con- 

j  tente? 

I       Oui,  Sazerac  m'a  écrit  deux  fois,  toujours  pour  me  parler  de 

I  toi  avec  un  enthousiame  qui ,  à  distance,  me  paraît  suffisamment 
justifié  par  les  recettes  que  tu  lui  fais  faire  ,  et  qui  de  près  de- 
vient incommode.  Je  vois  que  tu  n'es  pas  exposcîe  à  l'aimer 
d'amour ,  et  comme  tu  n'es  pas  femme  à  céder  par  calcul ,  je 
n'ai  rien  à  te  dire  :  autrement  je  te  recommanderais  de  le  tenir 
en  garde  :  j'ai  connu  beaucoup  de  femmes  de  théâtre  qui  ont 
recherché  les  faveurs  directoriales;  moi  je  m'ensuis  toujours 
éloignée ,  comme  du  feu  ,  parce  que  je  crois  y  voir  plus  de 
danger  que  de  profit. 

Adieu  ,  chère  amie. 


ESÏHER  SAUNIER  A  CLOTILDE  B***. 

1"  juin. 
Non,  je  ne  suis  pas  contente;  et  en  bonne  foi,  comment 
pourrais-je  l'être?  Je  vous  demande  des  explicaiions  ,  des  con- 
fidences, et  je  ne  trouve  dans  votre  lettre  que  des  choses  vagues, 
comme  on  en  dit  à  la  première  personne  venue.  Si  vous  êtes 
mon  amie  ,  prouvez -le-moi ,  ou  ,  dussions-nous  être  brouillées 
je  vous  renvoie  ce  que  vous  savez. 

Je  vous  aimerai  bien  plus  encore  que  je  ne  vous  aime,  lorsque 
vous  m'aurez  répondu. 

La  suite  au  prochain  numéro.  Paul  Smith. 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


leure  élude  possible  sous  le  rapport  de  la  partie  mécanique  de 
l'instrument,  je  n'admets  pas  que  leur  style  doive  et  puisse 
être  imité  dans  toutes  ses  parties.  —  Il  faut  remarquer  que 
dans  ma  pensée  l'orgue  catholique  et  l'orgue  protestant  ont  un 
emploi  différent  l'un  de  l'autre,  et  qui  influe  notablement  sur 
le  style  à  adopter  sur  l'instrument ,  suivant  le  culte  qui  s'en 
sert. 

En  effet ,  le  protestant  et  le  catholique  n'envisagent  pas  de 
la  même  manière  les  rapports  que  l'homme  établit  avec  Dieu 
par  le  culte  public. 

Le  catholique  considère  beaucoup  la  forme  extérieure  et 
s'en  préoccupe  constamment.  Il  croit  à  la  présence  réelle  de 
Dieu  sur  les  autels,  et  celte  croyance  est  la  règle  de  toutes 
ses  actions;  il  s'agenouille,  se  prosterne,  se  lève,  marche, 
selon  les  circonstances  du  culte  qui  s'accomplit  sous  ses  yeux. 
Le  prêtre  se  revêt  de  vêtements  magnifiques;  il  place  devant 
le  tabernacle  des  vases  d'or  et  des  linges  du  lin  le  plus  fm , 
il  fait  brûler  les  parfums  les  plus  odoriférants  ;  enfin  ,  il  agit 
conformément  à  sa  foi  qui  lui  enseigne  que  Dieu  lui-même 
réside  dans  le  temple. 

Chez  les  protestants,  rien  de  semblable  n'a  lieu.  Le  culte  est 
purement  mental ,  c'est  l'esprit  seul  qui  s'élève  vers  Dieu  , 
et  le  culte  extérieur  se  borne  à  quelques  actes  insignifiants. 

On  conçoit  dès  lors  qu'il  existe  une  grande  différence  entre 
le  caractère  de  la  musique  admise  par  les  deux  cultes.  Aussi 
les  organistes  protestants ,  tels  que  Bach  et  Haendel,  ont-ils 
donné  presque  exclusivement  h  leurs  ouvrages  une  forme  scien- 
tifique qui,  il  faut  le  dire,  manque  de  poésie,  peut  être  accusée 
de  sécheresse,  et  intéresse  l'esprit  sans  frapper  les  sens.  Sans 
doute ,  et  je  me  hâte  de  le  dire ,  il  y  a  dans  les  compositions  de 
ces  deux  grands  maîtres  des  pages  immortelles,  complètes, 
qui  appartiennent  réellement  au  style  religieux  ;  mais  enfin  ou 
y  voit  régner  trop  souvent  la  fugue  avec  son  bagage  de  recher- 
ches ardues,  de  calculs  inextricables.  Mais ,  me  répondra-t-on, 
si  la  musique  dramatique  ne  convient  pas  à  l'église,  si  la 
musique  savante  doit  aussi  en  être  bannie ,  quel  sera  donc  le 
genre  possible,  et  oij  sont  les  modèles  à  suivre? 

Il  faudrait  de  longs  détails  pour  répondre  à  celte  demande  , 
et  je  dois  limiter  ce  travail  déjà  trop  étendu  ;  aussi  je  me  bor- 
nerai à  dire  qu'on  trouve  dans  l'histoire  de  la  musique  deux 
hommes  qui  me  paraissent  avoir  possédé  le  secret  du  style  re- 
ligieux et  l'avoir  révélé  dans  leurs  admirables  ouvrages,  je 
veux  parler  de  Palestrina  et  de  B.  Marcello.  Dans  les  chefs- 
d'œuvre  trop  peu  lus  de  ces  maîtres ,  la  science  la  plus  élevée 
se  déploie  sans  pédantisme,  l'enthousiasme  le  plus  grand  règne 
sans  passion.  La  mélodie  et  la  science  s'y  rencontrent  et  y  sont 
étroitement  unies ,  c'est  véritablement  la  musique  catholique 
et  les  créations  de  ces  hommes  de  génie  qui  peuvent  dignement 
inspirer  les  artistes  de  notre  temps  qui  veulent  sérieusement 
faire  de  l'art  chrétien. 

Ce  n'est  pas  à  dire  pour  cela  que  Palestrina  et  Marcello  aient 
posé  les  bornes  de  l'art ,  que  leurs  ouvrages  soient  comme  les 
colonnes  d'Hercule  de  la  musique  religieuse  ;  il  y  a  sans  doute 
un  nouveau  monde  à  découvrir,  des  richesses  incoimues  à 
conquérir.  Ce  sera  la  mission  de  quelque  artiste  qui  peut-être 
est  déjà  né;  mais,  en  attendant  que  cette  lumière  vienne 
éclairer  notre  art ,  c'est  le  devoir  de  ceux  qui  enseignent  d'in- 
diquer les  sources  oii  l'on  peut  puiser  la  vraie  science  ,  d'étaler 
les  principes  éternels  du  beau  ,  de  promulguer  les  lois  qui  ré- 
gissent le  goiit  de  la  bonne  musique  sacrée.  Ce  devoir, 
M.  Justin  Cadaux  l'a  complètement  négligé  dans  la  compila- 
lion  qu'il  a  pompeusement  décorée  du  titre  de  Méthode  cotn- 
plèle  d'orgue. 

M.  Cadaux  annonce  deux  autres  parties  de  sa  méthode , 


et  il  en  trace  le  programme  qui  ne  répond  nullement  aux 
exigences  d'un  tel  travail.  Nous  avons  dû  nous  hâter  de  cri- 
tiquer sévèrement  cet  ouvrage  afin  que  les  artistes  engagés 
par  les  fausses  promesses  du  titre  n'en  garnissent  pas  inutile- 
ment les  rayons  trop  souvent  dégarnis  de  leur  bibliothèque. 
Il  n'existe  pas  jusqu'à  ce  jour  de  méthode  d'orgue ,  et  à  ceux 
qui  demandent  où  ils  peuvent  aller  chercher  la  science  spé- 
ciale à  cet  instrument ,  je  ne  puis  que  les  engager  à  étudier 
jiour  le  clavier  les  œuvres  des  anciens  maîtres-,  Bach, 
Haendel ,  Haydn  ,  Mozart ,  Beethoven  ,  et  sans  en  excepter 
Qèmenli;  2Jour  l'harmonie ,  les  ouvrages,  et  en  particulier 
le  traité  récent  de  M.  Fétis  ;  pour  Vorgtie  ,  enfin  ,  les  excel- 
lentes publications  de  MM.  Boely  et  Benoist,  qui  peuvent  avec 
les  morceaux  des  organistes  célèbres  former  le  goût  et  diriger 
les  éludes  d'un  élève  studieux.  Il  en  est  de  la  science  de 
l'orgue,  comme  des  autres  sciences;  elles  s'acquièrent  moins 
par  les  méthodes  que  par  un  travail  assidu  et  une  volonté  opi- 
niâtre, labor  improbus  omnia  vincit. 

F.  Danjou. 


ITOUTSIalalSS. 

"/  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  à  l'Opéra,  la  Heine 
de  Chypre. 

',*  La  dernière  représentation  de  Guillaume  Tell ,  donnée  di- 
manche dernier,  a  été  fort  brillante.  Duprez  élait  en  voix  et  en 
verve;  aussi  les  applaudissements  lui  ont-ils  été  prodigués  par  l'as- 
semblée. Au  troisième  acte,  une  couronne  est  tombée  pendant  le 
fameus  air:  ^4.nle  kérédiiaire.  Le  spectateur  qui  l'avait  jetée  a  voulu 
ensuite  haranguer  le  public,  et  a  été  saisi  d'une  crise"  nerveuse.  On 
dit  que  c'est  un  artiste,  jeune  encore,  qui  a  obtenu  beaucoup  de  suc- 
cès sur  l'un  de  nos  théâtres  secondaires  et  en  province. 

*,"  La  Favorite  a  été  encore  donnée  cette  semaine  pour  la  contl- 
nualion  des  débuts  de  Latour.  Ce  bel  ouvrage  ,  qui  jouit  d'une  im- 
mense popularité  dans  toute  la  France,  et  qu'on  regrette  de  ne  pas 
voir  plus  souvent  à  Paris ,  avait  attiré  la  foule  comme  de  coutume. 
M"'  Stollz  y  a  déployé  tout  son  talent  dramatique  et  musical  :  on  a 
redemandé  son  duo  du  quatrième  acte  avec  Duprez  ,  et  les  deux  ar- 
tistes ont  été  salués  de  bravos  d'enthousiasme.  Le  débutant  Latour 
a  aussi  reçu  l'accueil  que  méritent  sa  vois  charmante  et  l'art  avec 
lequel  il  sait  la  conduire. 

*,"  L'ouvrage  qui  paraît  devoir  êlre  représenté  à  l'Opéra,  immé- 
diatement après  Marie  Siuari,  est  intitulé  Waïm.  la  partition  en  a 
été  écrite  par  M.  Henri  Reber,  déjà  connu  par  des  symphonies ,  des 
trios  et  des  mélodies  d'un  grand  mérite. 

V  M"'  Adèle  Dumilâtre  est  à  Londres  depuis  quelques  temps  ,  et 
y  recueille  encore  plus  de  bravos  qu'à  Paris.  C'est  dans  le  ballet  in- 
titulé le  Corsaire,  et  dont  Albert  est  l'auteur,  qu'elle  déploie  son 
talent  plein  d'élégance  et  de  grâce.  On  dit  que  le  pas  de  séduction  , 
dansé  par  elle,  est  un  des  plus  merveilleux  que  l'on  puisse  imaginer: 
aussi  la  foule  se  presse-t-elle  chaque  soir  au  théâtre  de  Drury-Lane. 
La  charmante  danseuse  sera  de  retour  à  Paris  au  mois  de  décembre. 

*,*  En  attendant  les  ouvrages  nouveaux  qui  doivent  être  donnés 
cet  hiver,  celui  de  M.  Halévy  et  celui  de  M.  Auber,  l'Opéra-Comique 
est  en  train  de  remonter  le  Wallace,  de  Catel ,  avec  un  poëme  refait 
en  grande  partie  par  une  main  exercée. 

",*  Demain  lundi  le  Maçon  ,  opéra  d'Auber,  sera  représenté  à  la 
cour,  pour  l'inauguration  de  la  nouvelle  salle  de  Saint-Cloud. 

*,*  S.  A.  R.  M.  le  prince  de  Joinville  a  bien  voulu  accepter  le  pa- 
tronage de  l'Association  des  artistes-musiciens.  Le  prince  et  la  prin- 
cesse, ainsi  que  M.  le  duc  d'Aumale,  ont  honoré  de  leur  présence 
le  grand  concert  donné  vendredi  à  l'Opéra. 

",*  Dans  le  cours  de  la  même  semaine  ,  deux  messes  en  musique 
ont  été  exéiutées  dans  la  nouvelle  église  de  Saint-Vincent-de-Paule; 
la  première  est  celle  de  M.  Doche,  dont  on  a  pu  voir  plus  haut  le 
compte-rendu  ;  la  seconde ,  celle  de  M.  Béchem  ,  jeune  compositeur 
qui  s'est  déjà  essayé  avec  un  grand  succès  dans  ce  genre.  Nous  re- 
grettons que  l'espace  nous  manque  pour  analyser,  comme  elle  le 
mériterait,  une  œuvre  d'un  caractère  vraiment  élevé,  d'un  style 
riche  et  large,  dont  notamment  l'O/Terfoire,  composé  tout  exprès 


DE  PARIS. 


369 


pour  celle  solennité,  soutiendrait  le  parallèle  avec  les  meilleurs  mor- 
ceaux que  les  grands  maîtres  nous  ont  laissés. 

*.*  C'est  le,  24  novembre  qu'aura  lieu,  dans  la  salle  du  Conserva- 
toire, rue  Bergère,  le  concert  donné  par  M.  Georges  Kastner.  On  y 
entendra  un  grund  opéra  biblique  de  sa  composition',  intitulé: /e 
Dernier  roi  de  Jinla.  les  paroles  sont  de  notre  collaborateur  Mau- 
rice Bourges,  le  premier  musicien  peut-être  qui  ait  écrit  un  libretto 
pour  un  autro  musicien.  iN'ommer  MM.  Hoger,  Herraann-Léon,  Mas- 
sol,  M""^'  Dorus-Gras  et  Duflol-Maillard  comme  interprètes  des  prin- 
cipaux rôles,  c'est  dire  assez  que  l'exécution  vocile  sera  très  remar- 
quable.La  plupart  des  articles  delà  Sociolé  des  concerts  composeront 
l'orchestre,  dirigé  par  M.  Ilabeneck.  Un  pareil  programme  peut  se 
passer  de  conimonlaires. 

*."  Pixis,  le  célèbre  pianiste,  est  de  retour  à  Paris ,  où  il  restera 
tout  l'hiver. 

*.*  M.  Rosenhain  vient  d'arriver  aussi,  et  ses  cours  de  piano  re- 
commenceront le  15  novembre. 

"/  iM.  Camille  Stamaty  est  de  retour  à  Paris. 

*,*  M.  Léopold  de  Meyer,  qui  est  en  ce  moment  à  Bruxelles,  a 
joué  trois  morceaux  de  sa  composition  dans  le  concert  donné  pour 
l'inauguration  du  Cercle  des  arts.  On  a  vivement  goûté  et  applaudi 
son  exécution  extraordinaire.  Les  deux  sœurs  MilanoUo  jouaient  aussi 
dans  ce  concert  et  obtenaient  leur  sucrés  d'usage. 

","  M.  Wolfsohn  vient  d'inventer  une  nouvelle  espèce  de  diapazon 
qui  nous  parait  offrir  sur  l'ancien  modèle  d'incontestables  avantages; 
ce  dernier  est  généralement  d'un  son  mou,  de  peu  de  durée,  et 
parfois  même  d'une  justesse  équivoque.  Celui  de  M.  Wolfsohn,  au 
contraire,  ayant  la  forme  d'un  petit  cylindre  droit,  rend  un  son 
pur,  fort  et  inaltérable  que  l'on  prolonge  à  volonté.  La  modicité  du 
prix  de  ce  nouveau  diapazon  le  met  à  la  portée  de  toutes  les  bourses, 
et  le  destine  sûrement  à  devenir  le  vade  meciim  de  tous  les  musiciens. 

*."  La  célèbre  harpiste  de  Vienne,  M"»  Elise  Krings  ,  maintenant 
M"""  la  baronne  d'Eichlhal,  vient  d'arriver  à  Paris  où  elle  se  pro- 
pose de  se  faire  entendre  cet  hiver. 

",*  L'une  de  nos  pianistes  distinguées,  M"=  de  Lavergne ,  est  de 
retour  d'un  voyage  artistique,  et  vient  de  reprendre  le  cours  de  ses 
leçons. 

-."  M.  Charles  Widor,  compositeur,  pianiste  et  organiste  distin- 
gué, qui  s'est  fait  entendre  à  Paris  avec  beaucoup  de  succès  devant 
un  auditoire  composé  d'artistes  et  de  connaisseurs,  vient  de  repartir 
pour  Lyon  où  l'attend  une  nombreuse  clientèle.  Cet  excellent  ar- 
tiste s'est  concilié  les  \  ives  sympathies  de  tous  ceux  qui  ont  eu  l'oc- 
casion d'enîendre  ses  charmants  ouvrages,  dont  quelques  uns  vont 
prochainement  paraître. 

,*,  Le  Châieau  de  Taya ,  tel  est  le  titre  d'un  opéra  nouveau  de 
M.  Hovcn  ,  texte  de  M.  Perger. 

",■'  M"'  Julian ,  ancienne  première  chanteuse  au  théâtre  de 
Bruxelles,  et  actuellement  prima  donna  du  théâtre  de  Lille,  s'est 
mariée  lundi  dernier  dans  la  seconde  de  ces  villes.  Elle  a  épousé 
M#VanGelder,  professeur  de  piano,  et  Hollandais  de  naissance. 

V  La  direction  du  théâtre  de  la  Porte  de  Carinthie  est  toujours 
vacante.  Parmi  les  ♦ompéiileurs  qui  ont  le  plus  de  chance,  on  re- 
marque deux  chanteurs,  MM.  Wild  et  Fork.  On  prétend  que  le  bail 
de  M.  Ballochino  sera  prolongé,  et  qu'il  ne  cessera  définitivement 
qu'à  la  fin  de  l'année  théâtrale. 

*,*  Dernièrement  l'opéra  de  Uonizetti ,  Lncrezia  Borgia,  a  été  joué 
deux  fois  sur  le  théâtre  Piossini,  à  Livourne,  Le  prince  Charles  Po- 
niatowski  remplissait  le  rôle  du  duc  de  l'errare,  la  princesse  Elisa 
Poniatowski  celui  de  Lucrèce,  et  la  signera  Corina  Nanni,  née 
Luigi,  celui  de  Maffeo  Orsini.  Les  choeurs  se  composaient  de  person- 
nages appartenant  aux  premières  classes  de  la  sociélé.  Cette  repré- 
sentation a  eu  lieu  au  bénéfice  des  asiles  de  charilé  pour  les  enfants. 
Une  inscription  en  marbre  en  conservera  le  souvenir. 

","  C'est  avec  plaisir  que  nous  pouvons  annoncer  aujourd'hui  le 
parfai  t  rétablissement  de  notre  jeune  et  déjà  célèbre  pianiste  et  contre- 
pointisle  ,  M.  César-Auguste  Franck  de  Liège.  C'est  une  bonne  for- 
tune pour  ses  nombreux  amis  et  élèves:  aussi  apprendront-ils  avec 
plaisir  qu'il  recommencera  ses  cours  de  piano ,  d'harmonie  pratique 
et  ihéurie ,  de  contrepoint  et  fugue /e  15  de  ce  mois.  Dans  chaque 
cours ,  il  n'y  aura  que  quatre  élèves  pour  deux  heures;  s'adresser 
chez  lui,  rue  Lubrutj'ere,  15,  pour  prendre  connaissance  du  pros- 
pectus. 


C!Su*oni<g«ie   départenaeittale. 

*,*  Rouen,  17  octobre.  —  M"'  Eliana  été  décidément  admise  après 
son  troisième  début,  qui  a  eu  lieu  dans  Guillaume  Tell.  M.  Planque 
s'est  essayé  avec  succès  dans  l'emploi  des  basses-tailles,  demeuré  va- 
cant jusqu'ici  parla  chute  du  premier  arlisie  engagé  pour  le  remplir. 
*^"  Lille.  —  A  peine  a-t-;ji  fcrjjné  la  tombe  de  l'infortuné  Dela- 
haye,  que  la  mort  a  failli  ouvrircelle  de  Dud'ejte,  sub  remplaçant. 
Une  suCTocniion,  qui  a  duré  loule  la  duitdu  IS  au  19  courant,  a  été 
suivie  d'un  évanouissement  presque  voisin  de  la  mort.  De  prompts 
secours  et  une  abondante  saignée  ont  éloigné  le  péril.  Duffeyte  a  ré- 
silié son  contrat  avec  la  direction  pour  soigner  sa  santé  ,  gravement 
compromise  par  cette  violente  secousse. 

*."  Bade,  7  octobre.  —  Depuis  le  départ  des  sonneurs  de  cor  an- 
glais, la  .iiusiquedu  I"  régiment  de  Calsruhe  a  joué  â  la  promenade, 
et  la  Société  des  Bohémiens  a  donné  Une  belle  preuve  de  son  talent 
hier  soir  dans  la  grande  salle  de  la  Convers.Uion.  Le  soir  du  27  sep- 
tembre, M.  Bùlh  joua  une  grande  fanfare  de  cavalerie  (le  dernier 
morceau  de  la  soirée),  et  les  cors  anglais  l'accompagnant  à  grand 
orchestre,  elle  obtint  à  juste  titre  un  succès  complet.  M.  Bùlh, 
artiste  distingué,  modeste  et  sans  prétention  ,  est  a^antageusement 
connu  parplusieurs  élégantes  compositions  pour  cor  et  trompette;  il 
jouissait  sous  l'empire  d'une  haute  réputation  comme  maître  et 
artiste.  De  son  école  sortirent  les  meilleurs  trompettes  de  la  cavale- 
rie impériale.  M.  Bùlh  dirige  depuis  plusieurs  années  cette  partie  de 
la  musique  d'été,  à  Bade,  avec  un  succès  constant,  et  ses  efforts 
méritent  la  publicité,  qui  en  est  la  plus  digne  récompense. 

*/  Dresde.  —  Bianca  el  Guelliero ,  opéra  nouveau  de  M.  Alexis 
Lvvofl',  général  et  aide-de-camp  de  l'empereur  de  Paissie,  a  été  re- 
présenté ici  le  (3  octobre  ,  avec  un  tel  succès  ,  qu'à  la  On  de  la  pièce, 
tout  le  personnel  qui  y  avait  pris  part  fut  rappelé  sur  la  scène,  y 
compris  le  compositeur.  L'éiiquette  ne  permettant  guère  au  gé- 
néral de  se  rendre  aux  invitations  du  public,  si  flâneuses  qu'elles 
fussent  d'ailleurs  ,  c'est  M.  le  régisseur  qui  est  venu  à  sa  place. 
Quant  à  la  partition  nouvelle ,  les  journaux  en  font  le  plus  grand 
éloge  :  on  cite  entre  autres  un  duo  entre  Bianca  et  Guelliero  , 
ainsi  qu'une  prière  avec  cliœur ,  qu'on  dit  être  d'une  très  grande 
beauté. 

*,"  Dresde,  19  ociobre.  —  Les  restes  mortels  de  Charles-Marie  We- 
ber  viennent  d'arriver  dans  notre  capitale,  où  ils  ont  été  amenés  par 
le  fils  de  cet  illustre  compositeur,  M.  Maximilien  de  Weber,  un  de 
nos  jeunes  peintres  les  plus  dislingués.  Samedi  dernier,  les  ob- 
sèques du  grand  artiste  ont  été  célébrées  à  l'église  de  IVolre-Dame 
en  présence  de  tout  ce  que  Dresde  renferme  de  personnes  distin- 
guées dans  les  sciences,  les  lettres  et  les  arts.  Le  Requiem,  qui  a  été 
exécuté  à  cette  occasion,  avait  été  désigné  par  un  tirage  au  sort  pour 
lequel  on  avait  mis  dans  une  urne  les  noms  de  Jomelli ,  de  Mozart 
et  de  Cherubini.  C'est  ce  dernier  nom  qui  est  sorti  de  l'urne,  et, 
en  conséquence ,  c'est  son  Requiem  qui  a  été  exécuté.  Après  le  ser- 
vice funèbre,  le  cercueil  a  été  porté  au  cimetière  catholique  de 
Dresde,  où  il  a  été  inhumé.  Le  convoi  se  composait  de  plus  de  huit 
cents  personnes. 

•,*  païenne.  —  La  grande  réunion  de  chant ,  sous  la  direction  de 
M.  A.  Schniidt,  directeur  de  notre  Gazette  musicale  ,  a  reçu  l'autori- 
sation de  l'empereur.  Sa  .Majesté  a  daigné  accepter  une  sérénade  qui 
a  été  donnée  par  lous  les  membres  de  la  réunion  ,  à  la  clarté  des 
flambeaux,  dans  son  châleau  de  Sihœnbrunn.  Parmi  les  maîtres  dont 
les  productions  furent  exécutées  successivement  ,  on  remarque ,  ou- 
tre Mozart,  Meyerbeer,  Halévy  ,  Mendeissohn  ,  MAI.  Kùcken,  Reissi- 
ger,  .4.  Bchaefl'er. 

V  Craeiz  (Styrie).  —  L'Opéra  de  notre  ville  possède  en  ce  mo- 
ment quelques  talents  estimables,  qui  se  sont  produits  dans  des  ou- 
vrages du  premier  ordre,  tels  que  Don  Juan  ,  la  Flûte  enctiantée. 
L'orchestre,  qui  compte  trente-deux  membres,  est  renforcé,  les 
jours  de  grandes  représentations  par  la  Chamelle,  comme  on  dit 
dans  le  pays,  du  régiment  d'artillerie  qui  s'y  trouve  en  garnison. 

*,*  Mayence.  —  Notre  théâtre  est  en  soufirance  depuis  qu'à  Bie- 
brich  ,  résidence  du  prince  de  Nassau  ,  il  y  a  une  troupe  à  demeure. 
Les  deux  scènes  se  font  une  concurrence  funeste  à  l'une  et  à  l'autre. 

*,*  Berlin.  —  L'ouvrage  composé  par  Meyerbeer  pour  l'inaugura- 
tion de  la  nouvelle  salle  de  l'Opéra ,  vient  d'être  mis  en  répéti- 
tion. Ce  n'est  pas,  comme  on  l'avait  annoncé,  un  grand  opéra  en 
cinq  actes  dont  le  sujet  serait  tiré  de  la  guerre  des  hussites  ,  mais  un 
opéra  de  genre  en  trois  actes ,  sans  récitatifs  et  sur  un  sujet  mo- 
derne. 


Lé  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESllNGER. 


370 


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PAROLES 


M.  E.  de  PLAniABD. 


N.  1.  Comme  je  me  porte  I  Air  chanté  par  M.  Sainle-Foy. 

2.  Ma  filleile  Jolieile.  Air  chanté  par  M""  Casimir. 

3.  Doucemem  !  soyons  sage.  Trio  chanté  par  MM.  Giraud,  Grignon 

cl  M'"'  Sainte-Foy. 
3.  Ah  !  quelle  iiuolence  !  Quatuor  chanté  par  MM.  Giraud  ,  Gri- 
gnon, M""^'  Casimir  et  Sainte-Foy. 


5.  Allons,  et  plus  de  jalousie.  Dueltino-tiio  chanté  par  MM.  Gi" 

raud,  Sainte-Foy,  et  M'"=  Sainte-Foy. 

6.  Soyoïts  poli,  quoi  qu'il  m'en  coule.    Duo  bouffe  chanté  par 

M.M.  Grignon  el  Sainte-Foy. 

7.  Ociel  !  est-il  possible  ?  Quintetto  final. 


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ser  leur  force  el  à  rendre  le  quatrième  et  le  cinquiùtne 
indépcndanls  de  ton.s  les  autres.  Le  Chirogynmasie 
.1  été  aussi  approuvé  et  adopté  par  MM.  Adam,  Dertini, 
ne  nctiot.  Cramer,  Ilert,  KalUbretmer,Lislz,M(ische'.(;s 
iVuiiwil,  Sifon,  T/iolbcrj,  Tiiloii.  Zimmcrmann.clc. 

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La  WmiVASTIVUlù  DES  UOIGTS,  par  H.  UEnTINI.  ■■'•< 


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GAZEHE  MUSICALE 


Rédigée  par  MM.  A.NDERS  ,  G.  BÉNÉDIT,  BERUOZ ,  Henui  BLANCHARD,  MAUuifiE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DLESBERG,  FÉTIS  père,  Édouabd  FÉTIS, 
STEPnEN  HELLER,   J.  JANIK,    G.  KASTNER  ,  LISZT,  J.  JIEIFRED,  GeoKGE  SAND,  L.  RELI.STAB,  PAUL  SJIITH,  A.  SPECHT,  etc. 


IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉnO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVABNI. 


SOMMAIRE.  Les  luttes  du  compositeur  (sixième  article);  par  J. 
MEIFIIED.  —  Théâtre  royal  de  l'Opéra-Comique  :  Reprise  du 
Maçon;  par  H.  BLANCHARD.  —  Impressions  des  autographes; 
par  O.  BLANCHARD. —  Feuilleton.  — Nouvelles.  —  Annonces. 

LA  CLARINETTE.  Dessin  de  Gavarni. 


LES  LUTTES  DU  COMPOSITEUR. 

(Sixième  article  *.) 

V. 
Kia  réception. 

Fini!  s'écrie  d'un  ton  triomphant  le  héros  de  cette  mono- 
tone histoire  des  luttes  du  compositeur ,  en  apposant  sa 
signature  entourée  d'un  glorieux  paraphe ,  au  bas  de  sa  parti- 
tion très  proprement  mise  au  net ,  et  augmentée  dans  les 
deux  portées  inférieures  d'une  réduction  de  l'orchestre  au 

(•)  Voir  les  numéros  12,  19,  23,  31  et  39. 


piano  ,  pour  faciliter  les  répétitions  ,  et  aussi ,  faut-il  le  dire  ? 
pour  allécher  l'éditeur,  qui  ne  peut  manquer  d'acheter  ce 
chef-d'œuvre. 

Fini ,  fini ,  fini ,  répète-t-il  sur  tous  les  tons  et  dans  tous 
les  modes  ,  eii  jetant  sa  plume  sur  son  lit ,  son  oreiller  sur  son 
piano  ,  et  en  dan.sant  une  polka  tellement  exubérante ,  que 
l'une  de  ses  pantoufles  va  coiffer  une  bougie  sléarique,  pen- 
dant que  l'autre  ,  s'échappant  par  la  fenêtre  ,  tombe  dans  la 
rue  et  devient  le  motif  d'un  attroupement  dans  lequel  les 
plus  éloquents  expliquent  aux  autres  badauds  comme  quoi 
cette  pantoufle  était  la  chaussure  du  pied  droit  d'un  pauvre 
artiste  que  le  désespoir  a  poussé  au  suicide ,  et  dont  [le  ca- 
davre vient  d'être  transporté  à  la  Morgue  par  les  soins  de  l'au- 
torité !  Pendant  que  les  nigauds  de  la  rue  s'apitoient  sur  son 
sort  en  termes  plus  ou  moins  grotesques ,  notre  compositeur, 
ivre  de  joie  d'avoir  achevé  sa  partition,  continue  à  danser 
comme  si  la  tarentule  l'avait  piqué. 

C'est  un  fait  d'observation  générale  que  les  gens  malheu- 
reux sont  les  plus  heureux.  Obligés  de  vivre  avec  leurs  en- 


Portefeuille  de  deux  Cantatrices  ^^K 


GLOTILDE  B***  A  ESTHER  SAUNIER. 

G  juin. 

Je  viens  de  faire  maison  nette  :  j'ai  renvoyé  tous  mes  gens , 
femme  de  chambre  ,  cociier  ,  cuisinier  et  le  reste.  Je  savais  de- 
puis longtemps  que  j'étais  volée  par  les  uns,  j'ai  découvert  que 
j'étais  trahie  par  les  autres:  alors  je  me  suis  indignée  et  j'ai  dé- 
cidé que  tout  le  monde  partirait.  C'est  une  chose  si  affreuse  que 
de  ne  pouvoir  compter  sur  personne,  que  de  nourrir  auprès  de 
soi  des  espions  capables  de  vendre  tous  vos  secrets  pour  un  peu 
d'or  !  Le  mieux  serait  assurément  de  vivre  de  façon  à  n'avoir  pas 
de  trahisons  à  craindre  ;  mais  est-ce  possible  ,  grand  Dieu  !  est- 
ce  possible?  Je  l'ai  voulu  souvent ,  et  je  ne  sais  quelle  fatalité 
s'est  toujours  jouée  de  mes  résolutions. 

Me  voilà  donc  entourée  de  nouveaux  visages,  sur  lesquels  je 
m'exerce  à  lire  :  je  cherche  à  mettre  ma  maison  au  régime  d'une 
petite  terreur  orientale  dont  je  ne  suis  pas  exemple  moi-même. 
Toi  seule  me  restes,  mon  Esther;  je  n'ai  plus  que  toi  pour  amie, 
pour  confidente,  et  tu  es  à  cent  cinquante  lieues!  Que  penses- 


(I)  Voiries  numéros  40,  41,  42,  43  et  44. 


tu  de  ma  position?  que  trouves-tu  qu'elle  mérite,  l'envie  ou  la 
pitié  2 

Je  vais  te  raconter  une  histoire  qui  te  semblera  bien  étrange , 
à  toi  si  pure  d'imagination  et  de  cœur.  Tu  regretteras  peut-être 
de  me  l'avoir  demandée  ;  mais  enfin  tu  le  veux  et  je  cède  :  tu 
n'auras  rien  à  me  reprocher. 

Tant  que  tu  as  été  chez  moi ,  à  Paris ,  je  ne  t'ai  rien  dit  de  ma 
manière  d'être,  mais  tu  as  pu  te  douter  que  j'avais  une  liaison 
avec  le  comte  de  Reval,  que  tu  as  vu  plusieurs  fois  dans  mon 
salon.  C'est  un  homme  charmant,  jeune  encore  ;  il  a  trente  ans 
et  n'en  paraît  pas  plus  de  vingt-cinq.  Il  est  très  riche  ,  quoiqu'il 
ait  mangé  beaucoup  d'argent,  très  grand  dans  ses  manières,  très 
spirituel  et  très  jaloux.  Nous  nous  prîmes  un  jour  de  belle  pas- 
sion l'un  pour  l'aulre.  Les  passions,  comme  on  dit,  ne  sont  pas 
éternelles  :  la  mienne  vécut  plus  que  ne  vivent  les  roses  ,  mais 
enfin  clic  eut  son  lerme,  et  je  ne  saurais  trop  dire  quel  senti- 
ment la  remplaça  :  ce  n'est  pas  de  l'amour,  mais  c'est  plus  que 
de  l'amiiié;  c'est  un  allachement  calme,  mêlé  de  tendresse, 
d'estime  et  d'amour-propre.  Je  serais  désolée  qu'une  autre  me 
succédât  publiquement  auprès  du  comte,  et  je  ne  pourrais  ja- 
mais envisager  ma  rivale  de  sang-froid.  Je  dis  ma  rivale,  parce 
que  je  suis  convaincue  que  le  comte  m'aimerait  toujours,  quand 
même  il  changerait  vingt  fois  de  maîtresse.  S'il  me  fait  des  infi- 
délités, il  les  cache  si  bien  que  je  les  ignore  :  il  est  vrai  que  je  ' 
ne  suis  pas  aussi  soupçonneuse  que  lui,  sans  doute  parce  que 


BUREAPS:   D'ASOKTNEMŒM'T,    RUE   RICHEIiîEÏT ,    97. 


372 


EEVTJE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


nuis  ^ comme  le  boiteux  avec  sa  béquille,  la  nécessité  de  les 
donirBef  l«ur  donne  cette  insouciance,  cet  eiibldes  douleurs 
de  la  veille  et  des  préoccapatioiis  du  lendemaÎQ,  qui  est  le 
eacliet  du  caractère  des  bohémiens,  des  demoiselles  chantées 
par  Béranger  d'une  façon  si  pïndarique,  et  de  tontes  les  es- 
pèces d'artistes ,  y  compris  les  malheureux  et  ti'ès  malh^u^ 
reux  composiiearx  :  aussi,  fait-it  bon  "de  voir  à  la  première 
eoihellie,  lorsque  l'impitoyable  sort,  lassé  do  frapper,  laisse 
reposer  un  instant  son  knoiU,  comme  les  bohémiens,  les  de- 
moiseMes  et  les  compoîiteurs  se  livrent  sans  contrainte  à  la 
-gaieté  dtt  njomeot.  —  Gaieté  fiévreuse  et  forcée ,  dira  pédan- 
tesquement  un  philanthrope  pénitentiaire,  habitué  à  classer 
les  élans  du  cœur  humain  comme  des  caractères  d'imprimerie 
dans  une  casse. — Fiévreuse,  soit,  mais  forcée,  non  !  répon- 
drai-je  à  ce  savaiBL  Tout  est  relatif:  le  moindre  plaisir,  dans 
une  vie  de  douleurs,  est  une  jouissance  ineffable.  Aux  yeux 
de  Silvio  Pellico,  un  brin  de  mousse  représentait  mieux  les 
merveilles  de  la  nature  et  les  bontés  de  son  créateur  que  le 
parc  de  Versailles  aux  regards  blasés  de  Louis  XIV. 

Mais  je  m'arrête,  car  je  vois  que  les  réflexions  que  m'ins- 
pire la  gaieté  de  mon  héroS  durent  plus  longlemps  que  cette 
gaieté  même,  et  je  reprends  le  fil  de  ma  terrible  narration. 

Il  a  terminé  sa  partition  ,  il  est  heureux  !...  Mais  un  frisson 
glacial  parcourt  ses  nerfs  et  ses  veines,  lorsque  l'idée  lui  vient 
qu'il  faut  soumettre  son  œuvre  adorée  au  jugement  du  direc- 
teur du  théâtre ,  presque  toujours  le  plus  ignorant  des 
hommes  en  matière  musicale ,  et  à  l'examen  (ort  souvent  ja- 
loux et  malveillant  du  chef  d'orchestre. 

Cependant  il  se  décide  ,  et  court  h  la  direction  pour  y  dé- 
poser cette  partition  sortant  à  peine  du  moule;  un  secrétaire 
bien  formaliste ,  bien  administratif,  en  un  mot,  un  secrétaire 
bien  secrétaire,  reçoit  le  dépôt  de  l'objet  de  tant  d'espérances, 
de  craintes,  de  douleurs  intimes ,  de  doutes  cachés  sous  les 
apparences  d'une  certitude  absolue,...  et  il  en  donne  un  ré- 
cépissé en  bonne  et  due  forme,  avec  date ,  signature,  timbre, 
paraphe  et  le  reste.  Cette  formalité  accomplie,  il  faut  que 
notre  héros  découvre  le  directeur,  et  qu'il  fixe,  d'accord 
avec  lui ,  le  jour  et  l'heure  où  il  pourra  faire  entendre  sa  par- 
tition ,  afin  qu'elle  soit  admise,  copiée,  distribuée  et  répétée. 
Mais  découvrir  un  directeur  n'est  pas  chose  facile  :  ces  mes- 


sieurs.,  sans  être  des  magiciens,  possèdent  tous  un  auEcau  de 
(xigès  qm  tes  remï  iirvisrhte&;  cet  aini«ao  se  Homme'  k  eoft- 
sigue. 

O  toi,  chantre  ïa^iirè  duisiégedeTiroèe:,  èitin  Hemère» 
inventeur  et  parangon  de  l'art  de  dénombrer,  daigne  me; 
prêter  fa  lyre  pour  que  je  dénombre  à  ma  façon  les  visites/ 
les  courses ,  lés  démarches ,  les  tours  et  détours  que  l'inifiMr- 
tuné  compositeur  est  obligé  de  faire  pour  découvrir  cettte  îfe 
invisible  d'un  océan  peu  pacifique,  généralement  désignée 
par  la  qualification  de  directeur  ! 

Dénombrerai-je?  Tout  bien  considéré,  non;  et  j'aina» 
mieux  passer,  sans  autre  transition  ,  au  compte-rendu  de  la 
séance  où  le  directeur,  entouré  de  quelques  amis,  et  flanqué 
du  chef  d'orchestre,  daigne  enfin  écouter,  ou  feindre  d'écou- 
ter la  partition  de  notre  courageux  artiste: 

Comme  son  cœur  bat  lorsqu'il  se  place  au  piano  sur  le 
pupitre  duquel  il  trouve  ses  cahiers  déjà  marqués  en  plusieurs 
endroits  de  croix  rouges  et  d'autres  tels  .signes  diaboliques  et 
cabalistiques!  Comme  son  regard  inquiet  et  scrutateur  se 
porte  tour  à  tour  sur  les  yeux  de  ses  juges  impassibles  pour 
pénétrer  leurs  sentiments  cachés!  Souffrances  de  l'artiste  que 
la  nécessité  force  à  soumettre  ses  œuvres  k  des  administra- 
teurs ignorants ,  à  des  cœurs  froids  ou  jaloux ,  je  renonce  à 
vous  décrire  ! 

Le  compositeur  appuie  ses  doigts  tremblants  sur  le  cla- 
vier, et  joue  son  ouverture  ;  puis  il  regarde  ses  juges  et  dé- 
couvre dans  leurs  yeux...  rien  du  tout.  11  raconte  tant  bien 
que  mal  le  sujet  du  dialogue  des  acteurs ,  et  arrive  au  pre- 
mier morceau  vocal,  qu'il  chante  avec  une  voix  de  composi- 
teur, c'est-à-dire  avec  la  voix  la  plus  cassée ,  la  plus  enrouée, 
la  plus  fausse  et  la  plus  criarde  que  jamais  grenouille  atteinte 
d'une  laryngite  chronique  ait  fait  entendre  aux  admirateurs 
passionnés  de  la  vie  champêtre.  Il  regarde  encore  ses  juges, 
et  continue  à  découvrir  dans  leurs  yeux...  rien  du  tout.  Enfin, 
après  une  heure  A' égosilkmenl  et  d'efforts,  il  arrive  à  la  fin; 
de  sa  partition;  alors  commence  le  jugement.  Le  directeur, 
fier  de  son  expérience,  fait  quelques  observations  ;  les  obser- 
vations d'un  directeur  sont  des  ordres,  le  compositeur  s'y 
soumet.  Cependant  il  ne  peut  résister  au  besoin  de  prendre 
la  défense  de  son  plus  beau  morceau,  que  l'autocrate  trouve 


mon  afi'ection  a  conservé  moins  d'ardeur. 

Mous  en  étions  là  de  notre  intimité,  quand,  le  lendemain  d'un 
jour  où  je  repris  Ârmide,  mon  concierge  me  remit  un  paquet  de 
lettres  parmi  lesquelles  s'en  trouvait  une  des  plus  extravagantes. 
Tout  habituée  que  je  sois  à  ces  sortes  d'épîlies,  celle-là  me  fit 
une  certaine  impression  par  le  ton  de  candeur  et  de  sincérité 
qui  régnait  dans  le  style.  C'était  un  jeune  liomme  qui  m'avait  vue 
la  veille  sur  la  scène  ,  et  qui  s'était  enflammé  subitement.  Bien 
d'autres  avant  lui  m'avaient  déclaré  la  même  chose,  mais  aucun 
dans  des  termes  emportant  si  bien  conviction.  Il  était  encore 
dans  l'illusion  de  tous  les  écoliers  sortant  du  collège  ,  qui  s'ima- 
ginent qu'une  actrice  à  qui  l'on  écrit  va  s'amuser  à  vous  ré- 
pondre :  aussi,  dans  une  seconde  lettre  ,  me  témoigna-t-il  son 
étonnement  de  ce  que  je  refusais  de  le  recevoir  ou  de  lui  écrire. 
Il  me  suppliait  5  mains  jointes  de  le  traiter  avec  plus  d'huma- 
nité ,  jurant  sur  son  âme  qu'il  lui  était  impossible  de  vivre  sans 
me  voir.  Toujours  même  silence.  Il  ne  se  rebuta  pas  :  il  m'é- 
crivit encore  pour  m'annoncer  qu'il  était  résolu  à  triompher  de 
ma  résistance ,  car  ,  s'il  n'en  triomphait  pas ,  il  ne  lui  restait  qu'à 
mourir,  et  pour  me  demander  humblement  paidon  du  moyen 
qu'il  avait  l'audace  d'employer  ;  c'é(ait ,  disait-il ,  par  le  conseil 
d'un  ami ,  sans  savoir  s'il  faisait  bien  ou  mal.  Cinq  billets  de 
mille  francs  étaient  plies  dans  un  coin  de  la  lettre.  Toute  la 
poésie  que  j'avais  rêvée  s'évanouit  à  l'instant  :  «  Allons  ,  me 
»  dis-je ,  me  voilà  retombée  sur  la  terre  ;  j'ai  été  dope  de  quel- 


»  qnes  phrases.  Mon  naïf  jeune  homme  n'est  qu'un  liljertin  et 
11  un  roué ,  comme  tant  d'autres:  après  m'avoir  attaquée  par  le 
11  sentiment,  il  revient  aux  procédés  vulgaires.  Quand  on  humilie 
11  une  femme ,  c'est  qu'on  ne  tient  guère  à  s'en  faire  aimer.  »  Je 
remis  les  cinq  billets  à  mon  concierge  avec  ordre  de  les  rendre 
sans  rien  dire  à  la  personne  qui  avait  apporté  la  lettre.  Tu  crois 
pent-être  que  mon  jeinie  homme  s'en  tint  là.  Point  du  tout;  il 
m'écrivit  une  nouvelle  lettre,  plus  respectueuse  encore  que  les 
autres ,  en  doublant  la  dose  de  billets ,  toujours ,  disait-il ,  par  le 
conseil  de  son  ami.  Même  réponse  de  ma  part  et  nouvelle  lettre 
de  la  sienne ,  accompagnée  de  vingt  billets  :  c'était  une  espèce 
de  martingale,  bien  inutile  au  succès  de  sa  requête,  car  je  n'y 
faisais  même  plus  attention.  Le  lendemain  ,  je  reçois  une  lettre 
en  deux  lignes,  contenant  trente  billets:  je  m'en  débarrasse 
comme  à  l'ordinaire.  Enfin  ,  une  dernière  lettre  m'arrive ,  ac- 
compagnée de  cinquante  billets  :  je  la  transcris  mot  pour  mot  : 

«  Madame  , 
»  Puisque  j'ai  commencé  ,  je  continue,  mais  cette  fois  j'agis 
de  moi-même  et  malgré  l'ami  dont  j'avais  d'abord  suivi  les  con- 
seils. Si  je  l'en  croyais  aujourd'hui ,  je  renoncerais  à  vous  :  je 
ne  vous  importunerais  plus  d'un  amour  qu'il  croit  sans  espé- 
rance ,  mais  moi  je  veux  encore  me  persuader  que  vous  ne  serez 
pas  toujours  inexorable.  Je  dépose  entre  vos  mains,  ou  plutôt 
à  vos  pieds  tout  ce  que  je  possède.  Je  suis  venu  recueillir 


DE  PARIS. 


^73 


trop  long.  Avocat  malheureux ,  pour  soutenir  sa  cause  il  est 
obligé  d'invoquer  son  code ,  et  de  citer  à  son  juge  Catcl  et 
Reicha.  Le  directeur  croit  entendre  parler  de  lois  romaines 
ou  féodales;  il  s'irrite  de  ne  pouvoir  comprendre,  mais  il 
persisie  à  Iroiiver  le  morceau  trop  long;  et  pour  combattre 
son  jeune  et  savant  adversaire,  il  appelle  à  son  secours  le 
chef  d'orchestre,  qui,  placé  entre  sa  conscience  d'artiste  et 
son  intérêt  personnel,  se  tire  d'affaire  en  prononçant  quelques 
paroles  vagues,  embrouillées ,  inintelligibles ,  qui  laissent  la 
question  toujours  pendante. 

Alors  le  directeur,  hors  de  lui,  s'écrie  :  —  Monsieur,  vous 
aurez  beau  me  citer  Catel  et  Reicha,  j'exige  une  coupure 
dans  ce  morceau. — Monsieur,  balbutie  le  compositeur  rouge 
de  crainte  et  d'indignation ,  je  ne  demande  pas  mieux  que  de 
vous  satisfaire  ;  mais ,  en  vérité ,  je  ne  sais  à  quel  endroit 
pratiquer  la  coupure  que  vous  me  demandez.  —  S'il  n'y  a 
que  cet  obstacle  ,  répond  le  directeur  triomphant ,  je  vais 
vous  tirer  d'embarras  ;  il  y  a ,  Dieu  merci ,  assez  longtemps 
que  je  demande  des  coupures  pour  savoir  comment  elles  se 
font. 

Et  prenant  brusquement  la  partition  ,  il  dit  d'un  ton  im- 
périeux au  chef  d'orchestre  :  —  Monsieur,  cherchez-moi 
une  dominante  dans  ce  morceau  !  Et  le  chef  d'orchestre,  avec 
le  sang-froid  d'un  homme  habitué  à  de  pareilles  exécutions , 
désigne  une  dominante  à  son  czar,  lequel,  s'adressan  tau  com- 
positeur, lui  dit  de  l'air  le  plus  satisfait  :  — Vous  allez  voir, 
jeune  homme,  comment  se  font  les  coupures.  Et  d'un  trait 
de  crayon  rouge  il  biffe  tout  ce  qui  suit  la  dominante  indi- 
quée ,  jusques  et  y  compris  la  cabalette  du  morceau. 

Le  double  traître ,  dans  le  cours  de  sa  longue  carrière , 
ayant  toujours  vu  que  les  coupures  se  faisaient  après  une  do- 
minante, imagine  qu'une  fois  celte  dominante  trouvée  ,  il  n'y 
a  plus  qu'à  biffer.  — Mais,  monsieur,  reprend  le  compositeur 
suppliant,  mon  morceau  ne  peut  finir  ainsi!  Jamais  phrase 
musicale  n'est  restée  eu  l'air  sur  une  dominante!  Accordez- 
moi  du  moins  la  cadence  parfaite  de  la  fin!  — Eh  bien  !  soit, 
jeune  homme  !  je  vous  la  laisse,  cette  cadence  parfaite  ;  mais 
vous  apprécierez ,  je  l'espère  ,  le  sentiment  de  bienveillance 
paternelle  qui  me  décide  à  vous  faire  cette  concession  et  à 
recevoir  votre  pièce  ! 


Confus  de  tant  de  bontés ,  le  jeune  compositeur  remercie 
humblement,  et  va  racoiiter  à  sa  mère  l'heureuse  nouvelle 
de  la  léceplion  de  son  opéra. 

Et  c'est  exactement  de  cette  façon  que  les  choses  se  pas- 
sent. Les  sceptiques  douteront  de  la  réalité  de  l'histoire  de  la 
dominante;  mais  je  leur  tiens  une  bonne  réponse  toute 
prête  :  le  nom  du  directeur  et  celui  du  compositeur  à  qui  elle 
est  arrivée. 

J.  Meifred. 


THEATRE  ROYAL  DE  L'OPERA-COMIQUE. 

Reprise  dia  Maçon. 

Si  les  théâtres  royaux  sont  maintenant  des  machines  à  faire 
fortune  ou  à  culbutes  pour  les  directeurs  ;.  s'il  n'y  a  plus  de 
fonds  social  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  il  existe  un  fonds 
de  répertoire  de  vieilles  pièces  classiques  et  sympathiques  au 
public.  Nous  avons  toujours  poussé,  dans  cettefeuille,  voyant 
l'indigence  de  notre  jeune  école  musicale,  h  la  reprise  de  ces 
anciens  opéras,  et  nous  ne  pensons  pas  que  l'administration 
du  théâtre  Favart  ait  à  se  i-epentir  de  nous  avoir  écouté.  A  la 
suite  de  Richard,  de  Camille,  du  Déserteur,  de  Gulistan  , 
espérons  que  nous  reverrons  la  Caverne  ,  l'Amant  jaloux, 
les  Evénements  imprévus,  Montano  et  Stéphanie ,  l'une  ou 
l'autre  Lodoïsha ,  etc.  Sans  remonter  si  haut ,  on  a  repris 
le  Maçon  ,  charmant  opéra,  libretto  et  partition,  qui  date 
d'à  peu  près  vingt  ans.  C'est  quelque  chose,  parle  luxe  d'in- 
strumentation, et  l'on  pourrait  dire,  par  l'indigence  de  mé- 
lodie qui  courent.  La  recherche  harmonique  et  le  fracas 
instrumental  tuent  celte  pauvre  mélodie.  On  n'en  était  pas 
encore  là  lorsque  M.  Auber  donna  le  Maçon.  L'auteur  lui- 
même  a  craint  que  l'orchestre  de  cette  partition  ne  parût  pau- 
vre, et  il  l'a,  comme  on  dit  en  argot  de  musique  romantique, 
renforcé  de  trombones  et  de  cymbales.  Peut-être  a-t-il  pensé 
qu'un  collaborateur  désintéve.-sé  pourrait  quelque  jour  ra- 
fraîchir, arranger  sa  partition,  dans  le  seul  intérêt  de  l'art 
et  de  l'instrumentation  ,  et  il  a  mieux  aimé  prendre  l'initia- 
tive. Eh  bien  !  voyez  pourtant  ce  que  c'est  que  cette  mode 


a  Paris  l'héritage  que  m'a  laissé  l'unique  parent  que  je  me  con- 
nusse, l'oncle  qui ,  après  la  mort  de  mon  père  et  de  ma  mère, 
se  chargea  de  mon  éducation.  Ces  cinquante  mille  francs  sont 
tout  mon  bien  ;  à  quel  usage  voulez-vous  que  je  les  consacre  ,  si 
ce  n'est  à  obtenir  la  seule  faveur  qui  puisse  me  faire  tenir  à  la 
vie  ?  Si  vous  me  la  refusez,  mon  parii  est  pris ,  je  me  lue.  Voyez, 
madame  ,  réfléchissez  :  je  vous  donne  vingl-qiialre  heures.  Et 
ne  vous  flattez  pas  que  ce  soient  de  vaines  paroles  ;  je  ne  de- 
mande pas  mieux  que  de  vivre ,  mais  je  suis  fermement  décidé  à 
mourir  si  vous  ne  consentez  à  me  sauver.  « 

J'ai  tant  de  fois  entendu  la  même  menace  sans  jamais  l'avoir 
vue  suivie  du  moindre  effet,  que  je  n'éprouvai  pas  la  plus  lé- 
gère émotion.  Je  fis  remettre  les  cinquante  billets  à  mon  con- 
cierge ,  le  malin  du  jour  où  le  jeune  homme  devait  venir  cher- 
cher la  réponse  ,  et ,  vers  Irois  lieures  ,  j'allai  me  promener  au 
bois  dans  ma  voitiue,  avec  le  comte  de  Reval,  qui,  ayant  une 
visite  à  faire  à  Bellevue  ,  avait  dit  à  sou  groom  de  l'alteudre  à  la 
porte  de  Boulogne  avec  ses  chevaux.  Là,  nous  nous  quittâmes. 
Je  dis  an  comle  que  j'avais  besoin  de  marcher,  et  que,  s'il  n'élait 
pas  trop  longtemps  ,  il  me  retrouverait  dans  l'avenue  de  la  reine 
Marguerite.  Je  me  mis  en  effet  à  cheminer  d'un  pas  rapide,  à 
cause  du  froid  ,  laissant  mes  gens  à  quelque  dislance.  Je  ne  sais 
plus  à  quoi  je  songeais,  lorsque  j'entendis  un  bruissement  de 
branches  que  l'on  froisse ,  de  feuilles  mortes  que  l'on  foule  aux 
pieds ,  et  que  tout-à-coup  je  vis  apparaître  une  espèce  d'ange  , 


de  chérubin  ,  n'ayant  de  l'homme  que  le  costume  ,  qui  s'élança 
vers  moi ,  me  saisit  la  main  vivement ,  mais  sans  violence  ,  et 
me  dit  avec  un  triste  sourire  que  je  n'oublierai  jamais,  un  re- 
gard mouillé  de  larmes  et  rayonnant  de  joie  : 

—  C'est  vous,  madame  !...  ah  !  que  je  suis  heureux  !...  Par- 
donnez si  je  profile  d'un  hasard  que  je  n'ai  pas  cherché.  Dieu 
m'est  témoin  que  je  n'espérais  pas  vous  rencontrer  ici ,  que  je  ne 
vous  ai  pas  suivie  ;  mais  ,  du  moment  que  je  vous  ai  aperçue,  je 
n'ai  plus  été  maître  de  moi  !... 

—  Comment,  monsieur  ,  vous  seriez  le  jeune  homme?... 

—  Qui  vous  a  offert  sa  fortune  ,  rien  que  pour  être  admis  chez 
vous  une  seule  fois,  et  qui  tout-à-l'heure  va  mourir  sans  regret, 
puisqu'enfin  il  vous  aura  vue  ,  il  vous  aura  parlé  !...  Faul-il  que 
ce  soit  au  hasard  que  je  doive  un  pareil  bonheur  ? 

Je  te  l'ai  dit,  par  habitude  autant  que  par  nature ,  je  croîs  peu 
aux  gens  qui  parlent  de  se  brfder  la  cervelle.  Je  ne  voyais  pas 
d'arme  entre  les  mains  de  mon  jeune  homme  ;  je  n'apercevais 
aucun  dérangement  ni  dans  ses  trails  ni  dans  sa  loilelte ,  qui 
était  d'une  élégante  simplicité  :  une  redingote  enlr'ouverte  lais- 
sait voir  un  habit  bleu  d'iui  drap  très  fin ,  boutonné  sur  la  poi- 
trine; sa  cravate  blanclie ,  à  bouts  croisés,  était  rattachée  par 
une  turquoise  entourée  de  petits  diamants  ;  ses  gants  jaunes 
étaient  d'une  fraîcheur  parfaite;  sa  chaussure  même  n'avait 
presque  rien  perdu  de  son  éclat.  Je  remarquai  toutes  ces  choses 
en  un  clin  d'œil ,  et  pourtant,  au  son  de  sa  voix,  à  l'accent  de 


374 


REVUE  ET  GAZETTE  ^aiUSICALE 


cette  monomanie  de  récrépissure  ,  et  c'est  bien  le  cas  de  se 
servir  de  cette  expiession  technique,  à  propos  du  Maçon,  ce 
badigeonnage  fait  par  l'auteur  lui-même  a  ôté  quelque  chose 
de  la  naïve  simplicité  qui  distingue  cette  vieille  partition  de 
M.  Auber,  et  c'est  dommage,  car  ce  n'est  pas  précisément  par 
cette  qualité  que  brille  son  talent. 

La  reprise  du  Maçon  ,  partition  fort  peu  retouchée ,  il  est 
vrai,  n'en  est  pas  moins  une  nouvelle  preuve  de  la  nécessité  de 
respecter  le  premier  jet  des  œuvres  du  génie ,  ne  fût-ce  que 
dans  l'intérêt  historique  de  l'art. 

L'ouverture  est  une  jMéface  dans  laquelle  le  compositeur 
a  voulu  peut-être  un  peu  trop  peindre  toute  la  pièce  ;  cepen- 
dant elle  est  mélodique  et  dramatique.  La  ronde  :  Les  amis 
sont  toujours  là,  a  conservé  sa  franchise  populaire,  avec 
toute  sa  simplicité  d'accompagnement.  Le  duo  final  du  pre- 
mier acte  :  Je  m'en  vas,  est  exquis  de  grâce,  d'expression  , 
de  coquetterie  et  surtout  de  mélodie,  un  peu  cousines  ger- 
maines cependant,  nous  ne  savons  si  les  critiques  l'ont  fait 
remarquer  dans  le  temps  ,  de  celle  du  petit  opéra  de  la  Piélé 
Filiale:  Allons,  donnez-moi  le  bras,  d'un  sieur  Gaveaux, 
qui  a  créé  tant  et  de  si  fraîches  mélodies. 

Le  second  acte,  sombre  mélodrame  encadré  dans  le  premier 
et  le  troisième  acte,  n'est  pas  très  saillant  par  la  musique  ; 
mais  ce  troisième  acte,  ne  renfermât-il  que  le  duo  de  piquant 
bavardage  entre  madame  Bertrand  et  la  jeune  mariée,  accom- 
pagné par  le  chœur,  sufTirait  pour  faire  prendre  rang  à  un 
musicien  parmi  les  meilleurs  compositeurs  dramatiques.  C'est 
scintillant  de  vérité,  d'esprit  scénique,  en  même  temps  que 
de  savoir;  car  un  homme  qui  n'aurait  pas  étudié  la  fugue  et 
le  canon  n'aurait  pas  pu  enchevêtrer  ces  imitations  croisées 
qui  peignent  si  bien  la  dispute.  Donc ,  l'art  est  fils  de  la 
science,  quoi  qu'en  dise  le  génie  ignorant  et  orgueilleux 
C[ui  court  les  rues.  Ce  morceau  ravissant  a  été  hissé,  pour 
faire  fêle  à  l'auteur,  et  aussi  à  ses  deux  interprètes,  mes- 
dames Darcier  et  Prévost,  qui  ont  dit  ce  duo  d'une  verve 
et  d'un  esprit  qui  ont  provoqué  d'unanimes  applaudisse- 
ments. 

Mademoiselle  Prévost  remplace  dignement  madame  Bou- 
langer dans  la  voisine  bavarde  ;  madame  Darcier  met  autant 
de  grâce  dans  le  rôle  de  la  jeune  mariée,  qu'en  mettait  ma- 


dame Pradher  ;  Mocker  a  succédé  à  Ponchard  ;  il  ciianlc  et 
joue  de  manière  à  ne  pas  faire  regretter  son  prédécesseur. 
Ricquier  a  le  degré  de  ce  comique  de  convention  qu'il  faut 
au  théâtre  de  l'Opéra-Comique.  Ce  personnage,  nouveau  Phi- 
linte  de  Molière  de  bas  étage ,  fut  joué  par  Vizentini ,  qui 
était  encore  moins  vrai  que  Ricquier.  Ce  rôle  abonde  en 
traits  saillants  d'égoïsrae  que  M.  Scribe  sait  si  bien  aller 
chercher  au  fond  du  cœur  humain,  qu'il  excelle  à  peindre  , 
et  qui  ont  pour  base  cette  morale  stationnaire  qui  consiste 
dans  l'esprit  d'une  foule  de  personnages  mis  en  scène  par  cet 
auteur ,  à  paraphraser  ce  vers  de  Boileau  ,  cooime  le  fait  le 
serrurier  Baptiste  : 

Sois  donc  toujours  maçon,  puisque  c'est  ton  métier. 

C'est-à-dire,  remue  ton  mortier,  en  étouffant  tout  ce  qui  peut 
remuer  de  noble  et  de  généreux  dans  ton  esprit  ou  dans  ton 
cœur. 

Maigre  cette  morale,  ou  plutôt  à  propos  de  celle  du  héros 
de  la  pièce,  et  surtout  grâce  à  la  jolie  musique  de  M.  Auber, 
le  Maçon  aura  un  succès  de  pièce  nouvelle ,  comme  les  au- 
teurs en  font  si  souvent. 

Henri  Blanchard, 


IMPRESSIONS  DES  AUTOGRAPHES. 

Ce  n'est  point  d'impressions  d'autographes  par  la  gravure 
ou  la  typographie  que  nous  voulons  parler  ici ,  mais  bien  de 
ces  impressions  morales  qu'un  grand  compilateur  de  romans 
a  mises  à  la  mode  sous  le  titre  d'impressions  de  voyage  dans 
cette  littérature  journaliste,  journalière,  qui  vit  au  jour  le 
jour;  de  ces  impressions  qu'éprouvent  toutes  personnes  à 
l'esprit  délicat,  investigateur,  et  qui  sont  curieuses  de  voir 
comment  des  hommes  supérieurs  ont  manifesté  de  prime  abord 
leur  pensée  sur  le  papier;  d'étudier  avec  une  sorte  de  plaisir 
les  hésitations  de  cette  pensée,  et  d'en  suivre  les  modifications  : 
car  cette  étude  physiologique  du  travail  intellectuel  et  ma- 
nuel augmente  la  sympathie  que  toute  intelligence  exercée 
éprouve  pour  tout  ce  qui  vient  des  esprits  élevés. 

Les  Anglais  poussent  à  l'excès  ce  goût  de  connaître ,  de 


SCS  paroles,  à  l'expression  de  sa  physionomie ,  je  fus  convaincue 
qu'il  n'en  imposait  pas.  C'était  une  raison  de  plus  pour  paraître 
incrédule. 

—  Permeltez-moi  de  vous  dire,  monsieur,  que  je  n'ai  jamais 
pris  vos  lettres  au  sérieux,  et  dans  ce  moment,  plus  que  jamais, 
je  suis  sûre  que  vous  plaisantez,  ' 

— Vous  avez  tort,  madame  :  dans  ce  moment,  plus  que  jamais, 
je  suis  franc  avec  vous.  Je  vous  aime ,  et  j'ai  tort ,  puisque  vous 
ne  pouvez  m'aimer.  Dans  quelques  minutes ,  si  toutefois  vous 
me  les  accordez,  j'aurai  cessé  de  vivre. 

—  Monsieur,  c'est  pousser  trop  loin  la  raillerie. 

—  La  raillerie ,  madame  !...  il  faut  donc  vous  convaincre.  Eh 
bien  !  je  vais  le  faire...  Adieu  ! 

En  prononçant  ces  mots ,  il  recula  de  deux  pas  dans  le  taillis , 
tira  de  sa  poche  un  petit  pistolet,  qu'il  appliqua  sur  son  front.  Je 
n'eus  que  le  temps  de  me  précipiter  sur  lui ,  de  détourner  sa 
main.  Le  coup  partit,  et  la  balle  lui  laboura  profondément  tout 
le  côté  gauche  de  la  tête.  Le  sang  coula  aussitôt. 

—  Vous  êtes  blessé  !  m'écriai-je. 

—  Ah!  madame,  laissez-moi,  dit-il,  éloignez-vous  I...  j'ai 
une  autre  aime  ! 

—  Non  ,  monsieur  ,  je  ne  vous  quitte  pas;  mais  quelle  folie  ! 
quelle  cruauté  !... 

A  travers  toutes  les  idées  qui  m'assaillirent  en  ce  moment,  je 
pensai  que  la  détonation  d'une  arme  à  feu  aurait  été  entendue  , 


que  les  gardes  du  bois  allaient  accourir  ,  qu'ils  me  trouveraient 
\ii,  avec  ce  jeune  homme,  que  j'étais  décidée  à  ne  pas  aban- 
donner. Je  n'hésitai  donc  pas  :  mes  gens  m'avaient  rejointe , 
je  leur  dis  de  ne  point  s'inquiéter  d'un  accident  causé  par  ma 
maladresse ,  et  que  j'avais  intérêt  à  tenir  le  plus  secret  pos- 
sible. Puis,  me  tournant  vers  le  jeune  homme ,  dont  j'avais  cou- 
vert la  blessure  avec  mon  mouchoir,  et  lui  montrant  ma  voi- 
lure : 

—  J'espère  à  présent ,  lui  dis-je ,  que  vous  ne  me  refuserez 
plus ,  et  que  vous  me  permettrez  de  vous  reconduire  à  Paris. 

Je  ne  puis  te  dire  ,  chère  amie  ,  le  regard  qu'il  me  lança  en 
acceptant  mon  offre  ;  mais  ce  que  je  sais  trop  bien,  c'est  qu'à 
partir  de  ce  moment  je  sentis  que  j'étais  à  lui.  Que  veux-tu  !  c'est 
une  grande  faiblesse,  pent-êtte  une  grande,  faute,  un  crime 
même  :  je  ne  m'excuse  ni  ne  m'absous ,  mais ,  en  tout  cas ,  ce 
fut  un  crime  involontaire.  Jamais  séduction  n'agit  sur  mon  ûme 
avec  tant  d'irrésistible  puissance  ;  et  s'il  y  avait  moyen  de  te 
peindre  combien  il  se  montra  simple,  touchant,  aimable,  pas- 
sionné ,  pendant  le  rapide  trajet  du  bois  à  la  rue  du  Helder ,  où 
il  demeurait!,.. 

—  Ah  !  me  disait-il  en  couvrant  mes  mains  de  baisers  ,  quelle 
journée  !  quelle  belle  journée!  Je  voulais  mourir  pour  vous,  et 
je  vous  dois  la  vie  1  Je  vous  dois  bien  plus  !  L'idéal  de  ce  bonheur 
que  je  poursuivais ,  ah  !  que  c'était  peu  de  chose  auprès  du 
bonheur  réel  que  je  trouve  ù  côté  de  vous  I 


DE  PARIS. 


375 


voir,  de  posséder  tout  ce  que  la  célébrité  a  coloré  de  son 
prisme  brillant;  mais  le  principe  de  ce  goût  repose  plus  en 
eux  sur  la  ciu'iosité  et  sur  la  vanité  que  sur  l'admiration  ré- 
fléchie et  le  respect  qu'on  doit  avoir  pour  les  hommes  d'une 
haute  capacité.  Leur  empressement  à  se  procurer  un  morceau 
de  la  corde  qui  a  servi  à  pendre  un  audacieux  coquin ,  h 
payer  au  poids  de  l'or  la  canne  d'un  mandarin  ,  ou  la  pierre 
qui  a  servi  de  trône  à  quelque  chef  d'une  peuplade  de  sau- 
vages ,  rappelle  la  plaisanterie  de  cette  chanson  qui  parle  des 
pantoufles  de  Démosthène,  de  la  perruque  de  Cicéron  et  d'une 
foule  d'autres  objets  d'une  aussi  problématique  antiquité. 
Cependant  ces  mêmes  Anglais  viennent ,  peut-être  par  excep- 
tion ,  de  montrer  une  sorte  de  respect  religieux  pour  les  restes 
de  Weber  et  la  chambre  qu'il  habitait  à  Londres.  La  piété 
filiale  du  pauvre  héritier  de  l'auteur  du  Freyschûtz  a  dû  s'en 
émouvoir,  car  il  a  retrouvé,  sur  la  table  oii  il  l'avait  écrite, 
la  dernière  pensée  musicale  de  son  père  interrompue  par  la 
mort. 

Telles  étaient  les  réflexions,  mais  plus  riantes,  que  nous  fai- 
sions dernièrement  en  sortant  de  chez  M""=  Wartel ,  qui  nous 
avait  fait  voir  plusieurs  autographes  de  compositeurs  célèbres, 
et  qui  nous  a  même  forcé  gracieusement  d'en  accepter  quel- 
ques uns. 

M°'=  Wartel  est  une  excellente  pianiste ,  bonne  musicienne 
qui ,  nourrie  de  grave  et  sévère  musique ,  se  plaît  à  inter- 
préter,  dans  l'esprit  de  ces  grands  maîtres,  les  œuvres  de 
Sébastien  Bach,  de  Mozart,  de  Beethoven  et  de  Weber. 
L'an  passé  elle  parcourut  les  principales  villes  de  la  musicale 
Allemagne,  qui  applaudirent  généralement  à  son  beau  talent 
sur  le  piano.  Cette  jolie  virtuose,  qui  pourrait  se  passer  tant 
de  fantaisies,  a  été  prise  de  celle  de  ne  point  payer  tribut  à 
la  mode  du  jour,  en  évitant  autant  que  possible  de  jouer 
exclusivement  des  fantaisies  sur  son  instrument  ;  et  pour 
cela  faire,  elle  s'est  mise  à  composer  de  fort  jolies  études, 
entre  autres  une  qui  est  capable  de  faire  plaisir,  si  ce  n'est 
même  envie,  à  Thaiberg,  à  qui  elle  l'a  dédiée. 

Muni  des  fragments  manuscrits  dont  nous  avait  gratifié 
cette  charmante  artiste ,  pour  en  revenir  à  l'impression 
que  font  sur  votre  pensée  les  autographes  d'hommes  célèbres, 
nous  nous  sommes  plu  à  étudier  sur  les  visages  de  ceux  à  qui 


nous  les  avons  montrées,  l'effet  produit  par  la  vue  de  ces 
reliques  du  génie.  —  Ceci  est  bien  réglé  comme  un  papier 
de  musique  ,  a  dit  tout  d'abord  un  chef  de  division  du  mi- 
nistère des  finances ,  en  voyant  les  premières  pages  d'un 
quintette  de  Beethoven;  mais  ce  qui  est  écrit  dessus  n'est 
guère  comme  le  papier.  Quel  affreux  brouillamini ,  mon  Dieu  ! 
Et  quel  plaisir  pouvez-vous  trouver,  nous  dit-il,  à  considérer 
avec  tant  d'attention  ce  barbouillage  à  l'encre  et  au  crayon  ? 
—  Plus  que  vous  n'en  auriez  sans  doute  à  hre  une  circulaire 
de  la  main  de  M.  de  Villèle,  à  la  date  de  1827,  époque  où  ce 
soi-disant  grand  homme  d'état  est  tombé ,  lorsque  Beethoven 
tombait  aussi  dans  la  mort  pour  se  relever  dans  la  postérité. 

A  quoi  pensez-vous  donc  en  regardant  cette  simple  page 
de  musique  écrite  sur  un  papier  jauni?  nous  dit  ensuite  un 
colonel  de  nos  amis.  — Eh  mais à  voir  dans  cette  mé- 
lodie ,  tracée  par  la  main  de  Schubert ,  une  pensée  douce  et 
mystérieuse  ,  une  souffrance  de  l'âme ,  une  méditation  vapo- 
reuse, un  chant  suave  et  naïf  sous  lequel  on  distingue  une 
harmonie  inattendue,  originale,  brisée,  exceptionnelle..., 
qui  sera  neuve  encore  bien  longtemps;  et  tout  cela  dans  la 
forme  concise  et  complète  du  lied.  On  rêve ,  en  lisant  cette 
œuvre  légère  par  les  yeux  de  l'esprit  ou  de  l'âme ,  à  la  nature 
incomprise  de  son  auteur,  mort  de  découragement  avant  le 
temps.  On  pense  tristement  que  chacune  de  ces  mélodies  lui 
valait  un  dédain  ou  un  affront  quand  il  venait  les  proposer  à 
un  éditeur.  —  Encore!  lui  disait-on;  mais  c'est  toujours  la 
même  chose! — Et  le  malheureux  compositeur  s'en  allait 
tout  découragé.  Il  fallait  qu'il  mourût ,  comme  la  plupart  des 
hommes  d'un  esprit  choisi ,  distingué,  pour  qu'on  l'appréciât 
à  sa  juste  valeur.  Nous  sommes  presque  certain  ,  mon  cher 
colonel ,  que  vous  allez  faire  la  même  observation  que  l'édi- 
teur ,  ou  dire  que  vous  préférez  une  jolie  romance  à  ce  lied 
du  jeune  et  pauvre  rêveur  allemand.  —  Ma  foi ,  à  vous  dire 
vrai ,  j'aime  autant ,  si  ce  n'est  mieux  ,  un  pas  redoublé  en 
forme  de  galop ,  exécuté  par  la  musique  de  mon  régiment. 

Le  hasard  ou  la  flânerie  artistique  nous  ayant  conduit  dans 
le  foyer  des  acteurs  d'un  de  nos  petits  théâtres,  il  nous  prit 
fantaisie  de  soumettre  notre  trésor  autographique  à  la  curieuse 
investigation  musicale  d'un  vaudevilliste ,  comme  nous  aurions 
mis  une  lettre  de  Corneille  sous  ses  yeux ,  de  ce  puissant 


Je  le  déposai  cliez  lui,  en  lui  faisant  promettre  qu'il  ne  négli- 
gerait rien  pour  soigner  sa  blessure,  et  eu  lui  promettant  moi- 
même  de  venir  le  voir  jusqu'à  ce  qu'il  fût  guéri. 

Tout  cela  se  passait  deux  jours  avant  que  tu  vinsses  t'a- 
dresser  à  moi ,  clière  Estlier  ,  et  que  je  t'offrisse  avec  tant  de 
plaisir  une  hospitalité  qui  m'a  été  si  précieuse.  Cet  amour  et 
cette  amitié  datent ,  comme  tu  vois ,  de  la  même  époque. 

Et  le  comte  de  lîeval?  vas-tu  dire. 

Ali  !  voilà  mon  tort  le  plus  grave  1  voilà  mon  remords  !  voilà 
ma  honte!....  Il  fallait  tout  lui  avouer,  rompre  avec  lui  nette- 
ment, sans  détour  !  Eh  bien,  crois-moi  si  tu  veux,  ou  plutôt  si 
tu  peux,  je  l'aimais  trop  ,  je  l'aime  trop  encore  pour  en  venir  à 
cette  extrémité.  On  n'aime  qu'une  fois,  dit  le  proverbe  :  je 
déclare  que  cet  axiome  est  de  la  plus  insigne  fausseté.  Je  déclare 
aussi  qu'il  y  a  des  attachements  qui  se  concilient  sans  peine, 
parce  qu'ils  sont  de  diverse  nature  et  de  degrés  différents.  Vois 
dans  le  monde  :  est-ce  qu'on  n'y  rencontre  pas  une  foule  de 
femmes  qui  se  croient  et  qui  sont  d'excellentes  épouses ,  qui  ont 
pour  leurs  maris  beaucoup  d'amitié,  d'estime,  ce  qui  ne  les  em- 
pêche pas  d'avoir  des  amants  ! 

Autant  qu'il  a  été  en  moi,  j'ai  sanctifié  mon  amour  pour  Gas- 
ton (c'est  Gaston  Dallgny  qu'il  s'appelle)  :  j'ai  fait  en  sorte  que 
de  part  et  d'autre  il  restât  pur  de  tout  intérêt.  Un  jour  qu'il  fut 
question  entre  nous  des  cinquante  mille  francs  qu'il  m'avait  of- 
ferts, et  qui  étaient  encore  chez  mon  concierge  : 


—  Je  ne  les  reprendrai  de  ma  vie,  me  dit-il;  je  croirais  m'a- 
vilir  et  m'exposer  au  reproche  d'avoir  eu  quelque  arrière-pensée 
en  les  donnant. 

—  Et  moi,  répondis-je,  j'ai  un  motif  bien  meilleur  pour  ne  pas 
les  garder.  Je  ne  veux  pas  qu'on  puisse  dire  que  je  me  suis 
vendue. 

—  Que  cet  argent  serve  donc  à  une  bonne  action,  reprit-il  ;  je 
ne  vois  pas  d'autre  moyen  de  l'employer. 

L'idée  vient  de  lui  :  tu  sais  comment  je  l'ai  exécutée.  Tu  com- 
prends, chère  amie  ,  que,  loin  d'avoir  été  généreuse  avec  toi, 
c'est  moi  qui  suis  ton  obligée.  Tu  m'as  délivrée  d'un  fardeau  qui 
pesait  sur  ma  conscience ,  et  tu  m'as  enrichie  de  mon  souvenir 
le  plus  doux. 

Cette  lettre  est  déjà  bien  longue,  et  je  ne  t'ai  pas  encore  parlé 
de  mes  ennuis,  de  mes  tourments;  mais  à  présent  tu  les  devines 
sans  doute.  On  a  éveillé  la  jalousie  du  comte  :  on  lui  a  fait  passer 
des  avis  mystérieux,  écrit  des  lettres  anonymes.  Il  me  surveille, 
m'interroge  en  fixant  ses  yeux  d'aigle  sur  les  miens.  Je  n'ai  plus 
un  moment  de  liberté  ,  de  tranquillité ,  pas  même  dans  ma  loge 
du  théâtre.  C'est  pour  respirer  chez  moi  plus  à  l'aise  que  j'ai 
renvoyé  tous  mes  domestiques  :  je  te  dirai  bientôt  si  j'ai  réussi. 
La  suite  mt  prochain  numéro.  Paul  Smith. 


■336 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


:  Corneille  dout  le  style  n'est  pas  sans  analogie  avec  celui  du 
gigantesque  Beethoven.  —  Y  a-t-il  là-dedans,   nous  fut-il 
demandé  en  un  argot  littéraire  et  commercial  que  nous  avons 
été  longtemps  à  même  d'entendre  et  d'apprécier,  un  air  chan- 
tant ,  un  timbre  carré  ,  un  air  de  sortie  enfin?  —  Pas  le  moins 
du  monde.  —  J'en  étais  sûr  !  votre  Beethoven  ,  voyez-vous ,    | 
n'est ,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  qu'une  sangsue  qui  pompe  notre  ; 
sang ,  aspire  tout  le  suc  de  nos  recettes  dans  les  innombrables 
concerts  où  on  l'exploite;  un  musicien  ennuyeux,  enfin,  qui  i 
fait  beaucoup  de  tort  aux  gens  de  lettres  et  qui  est  sans  la   j 
moindre  utilité,  ainsi  que  votre  Schubert,  pour  les  théâtres  | 
de  vaudevilles.  | 

Nous  aurions   soumis    ces  parcelles   d'imagination,   ces  j 
éclairs  de  pensées  musicales ,  ces  intéressants  brouillons  qui  j 
sont  devenus  de  lucides  chefs-d'œuvre,  à  quelque  haut  fonc-   j 
tionnaire  administrant  les  beaux-arts,  à  quelque  banquier,  à 
quelque  notaire,  qu'ils  n'auraient  pas  été  mieux  sentis  ou 
mieux  appréciés.  Ces  choses  parlent  un  langage  mystérieux, 
intime,  élevé,  intelligible  seulement  au  petit  nombre  de  ces 
esprits  exceptionnels  dont  La  Fontaine  a  dit  : 

Les  délicals  sont  malheureux  , 
Rien  ne  saurait  les  satisfaire. 

Henri  Blanchard, 


LA  CLARINETTE. 

lîessm  de  Gavarni. 

La  clarinette  jouit  du  privilège  non  exclusif,  du  couac  ; 
c'est  d'ailleurs  un  instrument  trop  utile  dans  les  orchestres, 
trop  nécessaire  à  la  subsistance  de  quelques  pauvres  diables , 
pour  qu'on  ait  le  courage  d'en  dire  du  mal  :  il  suffit  de  celui 
qu'il  procure  aux  oreilles  délicates,  lorsqu'il  est  joué  par 
c[uelque  artiste  de  l'encolure  et  de  la  physionomie  de  celui 
■que  représente  l'esquisse  ci-jointe.  Dans  ce  cas  seulement , 
tout  musicien  sensible  voudrait  être  sourd  comme  Beethoven , 
n'eût-il  jamais  écrit  rien  qui  ressemble  ni  à  la  symphonie 
pastorale  ni  à  la  symphonie  en  ut  mineur! 


XrOTTTSLiIaBS. 

V  Demain  lundi ,  à  l'Opéra  ,  la  Juive ,  pour  la  continuation  des 
débuts  de  M"=  Mondutaigny. 

*,*  Dimanctie  dernier,  l'affiche  de  l'Opéra  portait  le  nom  de 
M.  Latour  comme  devant  chanter  le  rôle  de  Lusignan  dans  la  Reine 
de  Chypre,  mSiis  c'est  Barroilhet  qui  a  repris  son  rôle  avec  tous  les 
avantages  d'un  grand  artiste  et  d'un  chef  d'emploi. 

V  Obin  a  continué  ses  débuts  dans  le  Comte  Onj  par  le  rôle  du 
gouverneur,  qu'il  a  fort  bien  chanté. 

*,*  Vendredi  dernier.  M""  Méquillet  a  remplacé  à  l'improviste 
M"=  Stoltz  dans  le  rôle  de  Zaïda,  de  Dom  Sébastien  de  Portugal,  et 
elle  s'esi  acquittée  de  cette  tùche  difficile  avec  beaucoup  de  talent. 

*,"  Les  trois  premiers  actes  de  Marie  Sluari  ont  été  déjà  répétés 
à  l'orchestre. 

*,•  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  le  Théâtre-Italien 
donnera  Semiramide. 

V  II  n'y  a  pas  d'autre  nouveauté  à  signaler  au  Théâtre-Italien 
qu'une  espèce  d'émeute  qui  a  troublé,  mardi  dernier,  la  représenta- 
tion de  Liicia  di  Lammermoor.  Quelques  personnes  réclamèrent  le 
duo  du  troisième  acte  entre  le  ténor  et  la  basse,  que,  cette  année,  on 
avait  jugé  convenable  de  supprimer.  Diverses  fins  de  non-recevoir 
furent  d'abord  opposées;  ensuite  Mario  et  Ronconi  se  présentèrent  ; 
mais  à  peine  le  premier  de  ces  deux  artistes  eut-il  chanté  quelques 
mesures,  que,  blessé  d'interpellations  peu  gracieuses,  il  se  re- 
tira brusquement.  Plus  tard  il  revint  pour  expliquer  sa  conduite,  et 


pour  déclarer  qu'il  ne  se  sentait  plus  en  état  d'achever  son  rôle. 
L'ouvrage  ne  se  termina  donc  pas;  et  pour  avoir  voulu  rattraper  un 
duo,  les  spectateurs  furent  privés  de  tout  un  troisième  :icte. 

*,"  Autre  nouveauté  qui  va  se  produire  dans  la  salle  consacrée  à 
la  musique  italienne  :  une  troupe  d'acleurs  anglais  ayant  Macready 
à  leur  tète,  va  y  donner  bientôt  des  représentations. 

",*  Le  ténor  Salvi  vient,  dit-on,  d'obtenir  un  succès  d'enthou- 
siasme au  théâtre  impérial  de  Moscou  dans  Lucrèce  Borgia.  Une 
charmante  romance  de  Verdi,  introduite  par  l'artiste  ,  a  mérité  les 
honneurs  du  Ois. 

*.*  Le  grand  concert  donné  à  l'Opéra  le  1"  novembre,  a  produit , 
comme  cela  devait  être,  une  vive  sensation  dans  le  monde  musical 
et  fashionable.  Pendant  toute  la  semaine,  il  n'a  été  question  d'autre 
chose  dans  les  théâtres,  dans  les  salons.  L'enthousiasme  de  ceux  qui 
avaienteu  le  rare  bonheur  d'y  assister,  redoublait  les  regrets  de  ceux, 
en  bien  plus  grand  niimbre,  qui  n'avaient  pu  trouver  une  loge,  une 
stalle ,  un  tabouret  dans  cette  salle  ,  qui ,  trois  fois  plus  vaste ,  aurait 
encore  été  ce  jour-là  trop  petite.  Il  importe  de  constater  ce  fait  pour 
bien  prouver  que  chez  nous,  quoi  qu'on  en  dise ,  il  y  a  toujours  un 
public  prêt  à  répondre,  de  sa  personne  et  de  son  argent ,  à  l'appel 
qu'on  lui  adresse,  au  nom  des  chefs-d'œuvre  de  l'art,  interprétés 
dignement  par  des  artistes  justement  célèbres.  Comme  on  devait  s'y 
attendre  aussi ,  l'oratorio  d'Haydn  a  été  diversement  jugé;  mais  si 
l'on  a  critiqué  ses  défauts  ,  on  a  généralement  reconnu  ses  beautés 
supérieures  ,  et  il  n'y  a  eu  qu'un  avis  sur  son  admirable  exécution. 
Quant  à  l'ouvcrlnre  d'Oberon,  et  au  chœur  de  Judas  Machabée, 
jamais  ,  de  mémoire  d'artiste,  il  n'y  a  eu  d'effet  si  colossal  et  si  fou- 
droyant. C'est  donc  un  début  magnifique  pour  une  association  qui 
avait  besoin  de  se  poser  devant  la  France,  devant  l'Europe,  et  de 
montrer  ce  qu'elle  était  capable  de  faire.  A  M.  Habeneck  revient 
l'honneur  immense  de  l'avoir  dirigée  ,  soutenue  dans  cette  épreuve 
décisive,  dont  la  presse,  à  peu  d'exceptions  près  (  qui  n'accusent  pas 
moins  l'intelligence  que  le  cœur  ) ,  a  proclamé  unanimement  le  glo- 
rieux résult.;t.  11  ne  reste  donc  plus  qu'à  dissiper  des  craintes  expri- 
mées par  quelques  organes  généreux.  Non  ,  la  soirée  du  \"  no- 
vembre, si  brillante  au  pointde  vue  de  l'art,  ne  restera  pas  stérile 
au  point  de  vue  de  l'humanité.  Malgré  les  frais  extraordinaires  que 
nécessitait  une  première  manifestation ,  la  caisse  de  l'association  des 
artistes-musiciens  s'enrichira  d'une  portion  de  la  recelte,  et  les  ar- 
tistes ne  se  seront  pas  dévoués^  pour  rien.  Il  est  vrai  que  d'augustes 
sympathies  sont  venues  en  aide  aux  efforts  du  comité.  Le  roi  adonné 
une  somme  de  1,000  francs;  M"»  Adélaïde,  sa  sœur,  et  tous  les 
princes  ses  enfants ,  ont  envoyé  leur  offrande.  M.  le  ministre  de  l'in- 
térieur a  voulu  payer  sa  loge  :  au-si  avons-nous  une  bonne  nouvelle 
à  annoncer.  Dès  ce  moment ,  l'association  est  en  état  de  commencer 
la  noble  tache  qu'elle  s'est  imposée ,  autrement  que  par  des  secours 
momentanés,  accordé»  aux  artistes  qui  les  réclament.  A  l'exemple 
de  l'association  des  artistes  dramatiques,  son  aînée,  qui  sert  qua- 
rante-deux pensions  à  de  vieux  comédiens  sans  ressources  ,  elle  va 
garantir  le  pain  quotidien  de  trois  musiciens  qui  n'en  trouveraient 
pas  sans  elle.  Voilà  les  conséquences  de  deux  années  d'un  travail 
persévérant,  couronnées  par  la  soirée  du  I"  novembre.  On  con- 
viendra que  les  artistes  pouvaient  plus  mal  employer  leurs  peines , 
et  le  public  moins  bien  placer  son  argent. 

*/  P.ien  n'est  changé  au  programme  du  grand  concert  que 
M.  Georges  Kastner  doit  donner,  le  24  novembre,  dans  la  salle  du 
Conservatoire,  rue  Bergère.  Les  principaux  rôles  de  l'opéra  biblique 
qu'on  y  entendra  sont  toujours  confiés  à  MM.  Roger,  Hermann- 
Léon,Massol,  à  M""'  Dorus-Gras ,  Duflot-Maillard  et  Mondutai- 
gny. Un  orcheste  d'élite ,  dirigé  par  M.  Habeneck ,  et  une  partie  des 
choeurs  de  l'Opéra ,  conduits  par  M.  Laty  ,  compléteront  dignement 
l'exécution  de  ce  beau  concert.  Le  livret  du  Dernier  Roi  de  Juda 
se  distingue  par  des  situations  fortes  ,  très  favorables  à  la  musique, 
et  surtout  par  la  coupe  des  vers  et  des  strophes  la  plus  avantageuse 
au  développement  mélodique.  Le  compositeur  a  tiré  un  excellent 
parti,  dit-on,  du  canevas  que  lui  a  fourni  M.  Maurice  Bourges.  Il 
est  à  regretter  que  cette  vaste  partition ,  conçue  pour  le  théâtre,  ne 
soit  pas  produite  tout  d'abord  sur  la  scène ,  oii  elle  figurerait  plus  à 
l'aise  que  dans  un  concert  dépourvu  de  spectacle  et  d'action. 

*/  La  Iberiamusical  du  31  octobre  est  toute  remplie  du  nom  de 
Liszt  et  des  relations  de  son  premier  concert  recueillies  dans  divers 
autres  journaux  qui  s'accordent  tous  à  proclamer  l'effet  surnaturel 
produit  à  Madrid  par  le  grand  artiste.  Nous  ne  pourrions,  en  les  tra- 
duisant, que  répéter  ce  que  nous  avons  cent  fois  dit  nous-mêmes,  et 
ce  que  tout  le  monde  sait  à  Paris.  Le  piano  que  Liszt  a  emporté  dans 
ce  voyage  sort  delà  manufacture  de  M.  Boisselot,  de  Marseille,  et 
justifie  aux  yeux  des  Espagnols  la  récompense  accordée  à  l'habile 
facteur  lors  de  la  dernière  exposition. 


DE  PARIS. 


S'il' 


V  Peu  de  chanteurs  et  d'acleurs  Jouissant  d'une  réputation  dé- 
partementale, l'ont  conGrmée  à  Paris  aussi  complètement  et  aussi 
vite  qu'Hermann-f.éon ,  dont  l'apparition  à  l'Opéra-Comique  date 
seulement  de  quelques  mois.  Dans  le  rôle  d'Aiibtiol,  dc&  Omitue 
fils  Atjmon  ,  dans  celui  du  diable  ,  du  Diable  à  fécule,  dans  celui 
de  Tarlaglia  ,  de  l'Eaa  merveilleuse,  il  a  déployé  sa  belle  voix  de 
basse  chantanie,  sa  méthode  excellente,  son  intelligence  et  son 
goùl.  Le  grand  concert  donné  par  l'association  des  artistes-musi- 
ciens l'a.placé  tout-à-fait  au  rang'de  nos  premiers  artistes.  Chargé 
d'une  des  parties  les  plus  difficiles  elles  plus  ingrates  du  chef-d'œuvre 
d'Haydn,  lu  Créaiion  ,  il  a  partagé  avec  M""^  Dobré  l'heureux  privi- 
lège de  charmer,  de  captiver  par  la  fraîcheur  de  sa  voix,  et  de  ra- 
jeunir ce  que  la  musique  offrait  d'un  peu  suranné.  C'est  un  succès 
qui  compte  double,  et  qui  promet  pour  l'avenir. 

*,"  Par  un  décret  royal,  M.  Thalberg  vient  d'être  nommé  membre 
de  l'Institut  de  Naples. 

.*,*  Vivier  est  de  retour  à  Paris. 

*,•  On  nous  écrit  de  liantes,  que  cette  grande  cité  va  jouir  in- 
cessamcnt  d'une  institution  que  presque  toutes  les  villes  envient  à 
Paris.  Le  11  du  courant,  M.  Bressler  y  ouvrira  un  Conservatoire  de 
musique  à  l'instar  de  celui  de  Paris.  Les  talenls  bien  connus  de  cet 
artiste,  comme  ceux  des  nombreux  professeurs  qu'il  s'est  adjoints, 
laissent  peu  de  doute  sur  la  réussite  de  cette  entreprise,  digne, 
dans  tous  b'S  cas  ,  d'un  sort  prospère.  Il  faut  espérer  aussi  que 
l'exemple  de  IVl.  Bressler  sera  suivi,  et  que  les  autres  grandes  villes 
ne  voudront  pas  rester  en  arrière  ,  sous  ce  rapport.  Sans  donle  l'exé- 
cution d'un  semblable  projet  a  demandé  beaucoup  de  constance  et 
un  grand  amour  de  lart;  majs  son  auteur  a  trouvé  un  digne  appui 
dans  les  magistrats  municipaux  et  dans  les  personnes  influentes  "de 
Nantes,  cl  nous  ne  pouvons  penser  que,  dans  d'autres  villes,  une 
pareille  fortune  vienne  à  manquer  à  l'homme  de  cœur  et  de  talent 
qui  voudra  se  rendre  utile  à  ses  concitoyens. 

*,"  Le  monument  de  Goethe ,  à  Francfort ,  a  49  pieds  de  haut ,  et 
coûte  33,000  florins  ,  y  compris  les  bas-reliefs  ;  celui  de  Schiller,  qui 
est  beaucoup  plus  simple,  avait  coûté  50,000  florins. 

V  Le  célèbre  violoncelliste  M.  Jacques  Franco-Mcndès  vient  de 
recevoir  de  S.  iM.  la  reine  Thérèse  de  Bavière  une  très  riche  épingle 
en  brillants,  accompagnée  d'une  lettre  des  plus  flatteuses  ,  comme 
témoignage  de  sa  haute  satisfaction  pour  une  composition  intitulée  : 
Bêverie,  pour  violoncelle  et  piano,  dont  S.  M.  a  daigné  gracieuse- 
ment accepter  la  dédicace.  Le  même  artiste  vient  de  composer  un 
grand  concerto  pour  le  violoncelle  avec  grand  orchestre,  dédié  à 
S.  A.  r>.  le  prince  d'Orange.  En  outre ,  M.  l'ranco-Mendès  vient  de 
composer  plusieurs  ouvrages  importants ,  enlre  autres  im  second 
grand  duo  pour  deux  violoncelles,  que  tous  les  amateurs  espèrent 
entendre  cet  hiver  àParis. 

*,*  La  grande  fantaisie  de  Thalberg  sur  .Zampa  vient  d'èlre  mise 
en  vente  ;  cet  ouvrage,  qu'on  peut  classer  parmi  les  plus  remarqua- 
bles de  cet  auteur,  a  paru  chez  l'éditeur  J.  Meissonnier,  qui  vient 
également  de  publier  les  airs  séparés  de  l'opéra  la  Sain  le- Ceci  le,  de 
Montfort.  On  cite  déjà  la  prière,  la  barcarolle  et  le  duo  :  f^otis  chau- 
liez un  air  que  j'adure  ,  comme  de  jolis  morceaux  de  salon  que  tous 
les  dilettanli  voudront  chanter  cel  hiver. 

*,*  Jusqu'à  présent  la  belle  collection  de  valses,  composées  pat 
J.-B.  Tolbecque,  l'habile  chef  d'orchestre  des  bals  de  la  ccmr, 
n'avait  été  gravée  que  pour  le  piano.  La  partition  de  ces  valses, 
qui  ont  toutes  obtenu  un  si  grand  succès,  était  réservée  exclusive- 
ment pour  les  orchestres  qu'il  dirige.  Ce  compositeur  vient  enfin  de 
se  décidera  en  faire  paraître  (G  recueils  à  grand  orchestre.  Cetle  pu- 
blication sera  une  véritable  bonne  fortune  pour  les  sociélés  philhar- 
moniques, les  orchestres  de  théâtres  et  des  bals  publics,  qui  no  pou- 
■vaient  même  pas  se  les  procurer  par  la  copie. 

*,*  L'éditeur  Colombier  vient  de  publier  une  collection  de  12  qua- 
drilles composés  par  Lecarpentier,  Dumouy,  Louis,  Rcdler  et 
C.  Schubert,  pour  le  piano,  et  2  à  quatre  mains,  qu'il  annonce  à 
1  fr.  50  c.  net.  Ijî  même  éditeur  public  des  romances  nouvelles  de 
Masini,Paul  Ilenrion ,  Thys  et  Dailly,  ainsi  qu'une  scène  de  Gau- 
thier, intitulée  :  le  Postillon  du  /loi,  dédiée  à  Barroilliet. 

*,"  Samedi  prochain  ,  IG  novembre,  M.  Dumoucbel  se  propose 
d'ouvrir  chez  lui,  rue  du  Cherche-Midi,  42,  un  Cours  de  iiiano  selon 
la  méthode  de  l'ïeld.  Les  personnes  qui  désireraient  le  suivre  sont 
priées  de  s'adressera  M.  Dumouchel ,  mardi  ou  mercredi,  de  trois  à 
cinq  heures. 


*»*  Berlin.  —  On  parle  d'une  mesure  qui  produirait  le  meilleur 
effet  :  les  congés  à  accorder  aux  acteurs  et  aux  chanteurs  se  rédui- 
raient à  un  mois.  Pour  l'anniversaire  de  la  naissance  du  roi  de 
Prusse  ,  on  a  donné  le  dernier  opéra  de  M.  Aubcr,  la  Sijrine,  qui  a 
fait  grand  plaisir. 

—  la  chapelle  royale  a  donné  sa  première  soirée  de  symphonie  , 
dans  la  grande  salle  de  l'académie  de  chant ,  au  milieu  d'un  grand 
concours  d'amateurs  et  d'artistes.  La  solennité  ouvrit  par  une  sym- 
phonie d'Haydn,  et  c'était  toute  justice,  car  ce  fut  Haydn  qui  fraya 
la  route,  où  il  fut  suivi  par  Mozart  et  Beethoven;  puis  on  exécuta 
l'ouverture  de  la  Flûte  Enchantée,  l'ouverture  des  Deux  Journées, 
de  Cherubini.  Le  succès  de  cette  première  soirée  est  de  bon  augure 
pour  les  cinq  qui  suivront  dans  le  cours  de  la  saison. 

","  Carlsmhe.  — M.  Piosenbain,  en  passant  par  ici,  a  joué  à  la 
cour,  et  son  jeu  et  ses  compositions  y  ont  obtenu  le  plus  brillant  suc- 
cès. Mais  surtout  ce  sont  ses  improvisation.';  sur  des  thèmes  donnés 
qui  ont  ravi  S.  A.  Fi.  la  grande-duchesse,  qui  lui  a  fait  remettre 
avec  une  lettre  très  flatteuse  une  épingle  magnifique. 

*,*  Munich  ,  31  octobre.  —  Fanny  Elssler  a  débuté  au  théâtre  delà 
cour,  dans  le  Dieu  et  la  Bayadere.  Toutes  les  loges  et  les  stalles  étaient 
louées  depuis  trois  jours.  Nous  n'avons  pas  besoin  d'ajouter  que  le 
succès  de  la  célèbre  danseuse  a  été  complet. 

V  Prague,  20  octobre. —  i\l"=  Nina  Sonlag,  sœur  de  M""  la  com- 
tesse de  Rossi  (Henriette  Sontag),  et  qui,  pendant  quelques  années, 
a  tenu  avec  un  grand  succès  l'emploi  de  jeune  première  au  Théâtre 
impérial  et  royal  du  château  { Burgtheater)  à  Vienne,  vient  d'en- 
trer en  religion.  Elle  a  fait  sa  profession  dans  le  couvent  des  Car- 
méliies  de  Prague. 

","  Fj'eiiHe.  —  Toujours  les  mêmes  plaintes,  toujours  la  même 
chanson  ;  le  goût  se  corrompt,  les  bonnes  traditions  se  perdent.  Le 
();iî»îewo  d'intruraents  à  cordes  est  mort  avec  Schuppanzigb  ;  c'est 
une  lacune  que  les  soirées  de  Ilaslinger  ne  sauraient  remplir.  La 
musique  de  chambre  a  perdu  la  plupart  de  ses  protecteurs,  au  nom- 
bre desquels  figurait  en  première  ligne  feu  l'archiduc  Antoine.  Quant 
à  la  musique  savante,  la  musique  didactique,  on  en  trouvait  tou- 
jours dans  les  matinées  deM.  le  conseiller  Kiesewettcr;  par  malheur, 
elle  vient  de  perdre  son  plus  habile  interprèle  dans  la  personne  de 
M.  le  conseiller  Mosel.  Le  lied  allemand  ,  tel  qu'il  est  représenté  par 
Schubert,  est  toujours  accueilli  avec  faveur,  surtout  quand  il  est 
chanté  par  M.  Slaudigl;  mais  la  vogue  est  aux  chansons  frivoles, 
ehansonettes  roucoulantes  ,  telles  que  Proch  en  produit  par  douzai- 
nes :  il  n'a  qu'à  tourner  le  robinet,  et  cela  coule  comme  de  source. 
Il  est  vraiment  malheureux  que  les  «oucis  de  la  vie  matérielle  ne  lui 
permettent  pas  de  laisser  mûrir  son  talent  remarquable.  Le  style 
religieux  s'est  conservé  dans  sa  pureté  austère  et  pieuse;  les  com- 
positions de  Eybles,  Ostmayer  et  Drsexler  sont  dignes  de  se  faire 
entendre  au  sancluaire.  Mais  le  talent  le  plus  éminent  est  Gottfried 
Preyer  :  il  y  a  chez  lui  autant  de  science  que  d'inspiration.  On  pré- 
sume que  Preyer  sera  nommé  à  la  place  de  maître  de  chapelle  qui 
est  vacante.  Par  une  bizarrerie  qu'on  ne  peut  s'expliquer,  on  n'a 
pas  de  première  flûte  dans  la  chapelle  delà  cour,  et  pourtant  le 
budget  de  la  chapelle  n'est  pas  assez  lourd  pour  que  l'on  doive 
craindre  de  le  surcharger  à  l'excès.  La  position  des  instrumentistes 
n'est  pas  en  général  des  plus  larges  ,  à  moins  qu'ils  ne  scrient  atta- 
chés à  la  chapelle  de  la  cour  :  une  place  de  professeur  au  Conser- 
vatoire n'assure  point  contre  la  misère.  Par  contre,  nous  avons,  an 
directeur  italien,  qui  a  un  engagement  àvic,  qui  tire  4,000' flurins 
par  an,  tandis  que  Gyrawetz,  le  compositeur  octogénaire,  ne  saiit 
pas  où  il  pourra  reposer  sa  tête  pour  mourir  1 

*,*  Christiania  (Norwége),  13  octobre. — A  l'occasion  du  sacre  et  du 
couronnement  de  S.  M.  Oscar  I",  on  a  donné  sur  le  théâtre  national 
de  notre  capitale  une  pièce  mêlée  de  chant  écrite  pour  la  circon- 
stance, et  pais  la  première  représemtation  des  Demoiselles  de  Saint- 
Cijr,  comédie  en  cinq  actes  de  M.  Alexandre  Dumas ,  traduite  en 
norwégien  par  M.  Hégelin.  Cet  ouvrage  a  été  accueilli  par  noire  pu- 
blic avec  une  faveur  extrême. 


On  désire  mettre  en  location  un  ou  plusieurs  salons  convenables 
aux  cours  de  musique  ,  réunions  artistiques  ,  etc.,  rue  de  Buffault, 
17,  faubourg  Montmartre. 

)  Le  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  MAunicE  SCIII.ESINGER. 


378 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


KooTelles  publications  de  J.  MEISSOIVIN'IER ,  22,  rue  Dauphine,  éditeur  de  la  Méthode  de  Piano  de  H.  Herz. 


OPERA-COMIQUE 

en 
trois  actes. 


LA  SAINTE-CECILE. 

Catalogue  îus  morccauï  scf  arts  avn  arcomjiaantmfnt  ht  Jliano. 


MUSIQUE 

de 

A.  MONI'FORT. 


Ouverture ^ 

N.  1.  Duo  :  Il  lui  disait:  Je  vous  adore,  pour  lénor  et  soprano,  fa 

2.  Air  :  Reine  du  ciel,  vierge  divine.    .     .     .  pour  ténor.  6 
2  bis.  Prière  :  Reine  du  ciel,  vierge  divine,  pour  soprano.  2 

3.  Duo  :  Vous  chantiez  un  air  que  j'adore,   pour  ténor  et 

soprano.  6 
Incessamment  paraîtront  les  Quadrilles  et  divers  arrangements 


N.  4.  Duo  nocturne:  Dieu  des  amours,  toi  que  j'appelle  tout 
bas pour  2  ténors. 

5,  Air  :  Je  crois  encore  entendre.    .     .     .      pour  soprano. 

6.  Barcarolle  :  Ma  belle  Venise ,  ah  !  vers  toi  la  brise. 

pour  ténor. 


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8"  suite.  Les  Soirées  de  Vienne. 


9' 

—    Paris  et  Vienne. 

17' 

_ 

Le  Courrier  galant. 

10« 

—    Lucie. 

18' 

— 

Les  Abeilles. 

K" 

—    Les  Aériennes. 

19« 

— 

Les  Feux  follets. 

1?.' 

—    La  Solennelle. 

21' 

— 

Les  Germaines  à  Paris. 

1!»' 

—    Les  Feuilles  d'automne. 

Î2' 

— 

Les  Plumes  de  paon. 

14= 

—    Les  Précieuses. 

24' 

— 

LesEglantines. 

15' 

—    Devinez. 

25' 

— 

Les  Inconnues. 

l6'suite.La  Clématite. 


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2Yota.  Afin  d'engager  les  chefs  d'orchestre  de  théâtres,  bals  et 
Sociétés  philharmoniques  à  se  procurer  cette  belle  collection  de 
valses,  les  16  recueils  seront  donnés  pour  50  fr.  net. 


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LES  SOIRÉES  PARISIENNES. 

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N.  1.  A.  liccarpenticr.  Waverley Q.  brillant. 

2.  —  Un  bal  en  Afrique ...  Id. 

3.  —  Un  hiver  à  Paris.    ...  Id. 

4.  —  Les  Caprices O.  facile. 

,   5.  —  Pierrot.    .  - Q.  très  facile. 

6.  —  Satan  ou  le Diableà Paris.     Ç.  brillant. 

7.  N.  liOuis.  L'Intrigue Q.  brillant. 

8.  —  Les  jeunes  Bretonnes.     .     .     Q.  facile  et  brillant. 

9.  M.  Demony.  Le  Juifcrrant .     ...  Id.  Id. 

10.  —  Blanchette Id.  Id. 

11.  e.  RedIer.  Jovial Q.  brillant. 

12.  —         La  reine  Bacchanale Id. 

13.  C.  Schubert.  Le  Postillon  du  roi Q.  brillant. 


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9     » 


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Le  Chirogymnasle  est  un  assemblage  deneufappa- 
reilsgymnastiques  destines  à  donner  de  Vextenswn  i 
lamaiiieldel'écarf  aux  doigts  à  augmenterelàéjaU- 
ser  leur  force  et  â  rendre  le  quatrième  et  le  cinquième 
indépendants  de  tons  les  autres.  Le  Chirogymnasle 
aëté  aussi  approuvé  et  adopté  par  MM .  Adam,  Bertini, 
de  Beriol,  Cramer,  Herz,  Kalkbreuner,  Listz,  Moschelét 
Pruiml,Simn,Thalberg,  Tulou,  Zimmermann.elc. 

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GAZEHE  MUSICALE 

Rédigée  par  MM.  ANDERS  ,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  Hemii  BLANCHARD,  MAUuici;  BOIRGES,  F.  DANJOU,  DLESBERG,  FÉTIS  pérc,  Fdouabd  FÉTIS, 
Stephen  HELLER,   J.  JAMN,    g.  KASïNER,  LlSZl,  J.  JIEIFIIED,  GeouGE  SaND,   L.  RELLSTAB,  Paul  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 

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SOAIMAIRE.  De  la  musique  des  éludianls;  par  PAUL  SMITH.— 
Quelle  est  la  plus  jolie  de  toutes  les  polkas  ;  par  H.  BLANCHAKD. 

—  Revue  critique;  par  O.  BLANCII.AUD  et  G.  KASTNER.  — 

Correspondance  partlculièje  :  Madrid.  —  Feuilleton.  —  Nouvelles. 

—  Annonces. 

LA  POLKA.  Dessin. 


DE  LA  lUSïOlE  DES  ÉTIDIÂKTS. 

Est-ce  donc  pour  veiller  qu'on  se  couche  à  Paris? 

BOILEAU. 

Il  y  a  beaucoup  d'honorables  citoyens,  d'excellents  pères  de 
famille,  qui,  domiciliés  en  province,  envoient  leurs  fils  à  Paris 
pour  étudier  le  droit  ou  la  médecine ,  et  qui  ne  seraient  pas 
extrêmement  flattés  de  les  voir  revenir  sous  le  toit  natal  ba- 
cheliers en  cornet  h  pistons,  licenciés  en  violon ,  flûte ,  ou 
guitare,  et  docteurs  en  un  ou  plusieurs  de  ces  instruments.  Il 
faut  pourtant  le  dire ,  l'invasion  musicale  fait  tous  les  jours 
d'effrayants  progrès  dans  les  solitudes  jadis  calmes  et  silen- 


Porlefeuille  de  deux  Cantatrices  ^^\ 


CLOTILDE  B***  A  ESTHER  SAUNIER. 


A  peine  ma  lettre  cVliier  était-elle  partie  que  j'aurais  voulu 
pouvoir  la  reprendre.  J'ai  vraiment  peur  de  t'avoir  scandalisée. 
Je  me  rappelle  encore  tes  réflexions,  lorsque  je  te  donnai  à  lire 
le  roman  de  Goethe,  et  que  dés  les  premières  pages  tu  fus  si 
choquée  des  conseils  que  ki  vieille  Barbara  donne  à  sa  maîtresse 
pour  l'engager  à  ne  pas  sacrifier  son  intérêt  à  son  amour  et  à 
faire  marcher  de  front  sa  passion  pour  Guillaume  et  sa  liaison 
avec  Norberg.  'l'u  me  dis  alors,  à  peu  près,  comme  Desdemone, 
dans  Othello  :  «  Non,  non,  je  ne  puis  croire  que  de  telles  fem- 
»  mes  existent.  »  Eh  bien,  ma  chère ,  tu  le  vois,  je  suis  une  de 
ces  femmes,  objet  de  ton  horreur.  J'aime  Gaston  autant  que  je 
puis  aimer,  et  je  conserve  M.  de  Reval,  parce  que  je  l'aime 
aussi,  mais  d'une  autre  manière;  et  pourquoi  ne  l'avouerai- je 
pas,  puisque  je  suis  en  train  de  tout  dire?  parce  que  j'ai  besoin 
de  lui.  Non  seulement  il  est  riche ,  il  est  généreux ,  mais  il  a  des 
amis,  du  crédit,  de  l'influence.  Il  m'a  beaucoup  aidée  à  prendre 
la  position  que  je  tiens  au  théàlre.  Le  talent  seul  ne  suffit  pas, 
c'est  une  chose  triste  à  dire,  pour  arriver,  et  encore  moins  pour 

(1)  Voirlesnuméros40,  41,  42,  43,  44  et  45. 


cieusesdu  quartier  latin  :  déjà  la  plupart  des  hôtels  garnisqui 
servent  de  caserne  aux  étudiants,  semblent  érigés  en  petites 
succursales  du  Conservatoire.  La  musique  ne  s'y  tait  ni  le 
jour  ni  la  nuit  :  aussi  malheur  à  l'homme  rangé ,  laborieux, 
que  sa  mauvaise  étoile  oblige  à  résider  pendant  un  temps  plus 
ou  moins  long  dans  une  de  ces  maisons  ,  que  de  loin  il  s'était 
représentées  comme  le  refuge  de  la  méditation,  comme  l'oasis 
du  silence  au  milieu  des  distractions  et  du  bruit  de  la  grande 
ville! 

J'ai  lu  quelque  part  que  les  étudiants  se  divisaient  en  deux 
catégories,  savoir  :  étudianls  piocheurs  et  éfvdiants  culot- 
teurs  de  jnpes  (pardon  de  l'expression  ).  Celte  classification 
n'est  pas  complète  :  on  a  oublié  les  étudianls  musiciens ,  ou 
pour  mieux  dire  musicomanes. 

L'étudiant  piocheur  est  tranquille  et  n'incommode  pas  ses 
voisins.  Il  en  serait  de  même  de  l'étudiant culotteur  de  pipes, 
s'il  ne  s'en  rencontrait  qui  trouvent  ;moyen  de  concilier  la 
passion  du  tabac  avec  celle  de  la  musique. 

L'étudiant  musicomane  est  le  fléau  de  l'hôtel  qu'il  habite. 

se  maintenir.  Il  vous  faut  encore  quelqu'un  qui  s'occupe  de 
vous,  qui  vous  recommande,  qui  vous  protège  auprès  de  gens 
avec  qui  l'on  est  en  échange  de  bons  offices  et  qui  ont  aussi  quel- 
que chose  à  vous  demander,  auprès  des  journalistes ,  qui  ne  pen- 
sent pas  toujours  à  être  justes,  qui  se  refroidissent  vite,  quand 
personne  ne  vient  les  solliciter.  Une  femme  le  peut-elle?  C'est  un 
métier  qui  n'es!  pas  lenable  :  j'en  ai  essayé ,  lors  de  mes  débuts  : 
j'y  ai  renoncé.  J'ai  senti  qu'un  ami  intelligent  et  zélé  m'était  né- 
cessaire ,  et  je  n'aurais  pu  en  trouver  un  meilleur  que  le  comte. 
Gaston  est  persuadé  que  je  suis  toute  à  lui  ;  et  que  de  peine 
j'ai  eue  pour  l'entretenir  jusqu'à  présent  dans  cette  croyance  !  J'ai 
fait  plus  :  en  m'y  prenant  adroitement,  je  lui  ai  fait  obtenir  par 
l'entremise  du  comte  une  place  avantageuse  dans  une  maison  de 
banque  :  je  lui  devais  bien  cela,  puisque  le  pauvre  garçon  m'a- 
vait donné  tout  ce  qu'il  avait  au  monde.  Le  comte  ne  se  doute 
pas  que  je  le  connais,  ou  plutôt  il  l'a  ignoré  longtemps;  mais 
depuis  quelques  jours  je  tremble  qu'il  ne  soii  sur  la  trace.  Il  ne 
me  dit  rien,  mais  je  le  connais  :  je  devine  ce  qu'A  a  dans  l'âme. 
Je  t'ai  parlé  d'avis  mystérieux,  de  lettres  anonymes,  et  voici 
comment  j'en  ai  eu  la  preuve.  Nous  étions  ensemble  au  Théâtre 
Fiançais  :  on  donnait  le  Misanthrope  et  les  Fausses  confiden- 
ces :  mademoiselle  Mars  jouait  dans  les  deux  pièces.  En  l'applau- 
dissant de  toutes  mes  forces,  avec  l'enthousiasme  que  son  admi- 
rable talent  m'inspire ,  mon  beau  bracelet  de  perles  fines ,  auquel 
tient  le  portrait  du  comte,  se  brise  tout-à-coup  :  les  perles  se 


BUREAUX   D'ABOIVIffEMENT,    RUE   RICHEI.IEU ,    97. 


380 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Ordinaiiement,'  c'est  un  jeune  homme  arrivant  de  sa  province 
avec  l'ardeur  immodérée  de  se  rassasier  du  fruit  défendu.  Ses 
parents  s'opposaient  à  son  désir  d'apprendre  la  musique.  La 
"première  chose  qu'il  fait  à  Paris,  c'est  de  profiler  de  sa  liberté 
four  louer  un  piano,  acheter  un  violon  ou  un  cornet  à  pistons: 
il  y  en  a  qui  sonneraient  de  la  trompe,  si  une  ordonnauœ  de 
police  n'eût  sagement  relégué  cet  instrument  extra  mm-os. 
-':    Dieu  vous  préserve  surtout  de  l'étudiant  chanteur!  Pour 
■jpeu  qu'il  ait  eu  le  bonheur  d'entendre  Duprez  ou  Lablaclie, 
•^1  s'fiflbrce  d'imiter  la  voix  passionnée  du  premier,  la  voix 
'  itouDante  du  secojid,  et  ne  cesse  de  beugler  des  heures  en- 
tières. 

On  ne  se  figure  pasjusqu'où  peut  être  poussée  la  fureur  du 
cbant.  Dans  un  hôtel,  dont  je  tairai  le  nom,  et  pour  cause, 

hôtel  généralement  bien  garni de  musiciens,  se  trouvait, 

il  y  a  peu  de  temps ,  un  étudiant  qui  ne  faisait  que  chanter, 
ou,  si  vous  aimez  mieux,  qui  ne  faisait  rien  sans  chanter.  Il  se 
rasait  en  chantant  :  on  l'a  vu  plus  de  cent  fois  se  mettre  à  la 
croisée  et  fumer  sa  pipe  en  chantant.  C'était  un  spectacle  vrai- 
ment rare  et  curieux.  Tantôt  la  fumée  qu'il  lançait  en  l'air 
par  bouffées,  alternait  avec  les  phrases  de  chant  qui  sortaient 
h  leur  tour  :  tantôt  la  fumée  et  les  phrases  s'échappaient  à  la 
fois  de  sa  bouche,  dans  laquelle  la  pipe  demeurait  toujours 
fermement  serrée  entre  ses  dents! 

Ce  jeune  homme  se  levait  à  sept  heures  et  se  couchait  à 
minuit;  pendant  toute  la  journée,  il  ne  cessait  de  chanter. 
Pour  savoir  s'il  était  chez  lui,  on  n'avait  pas  besoin  de  frapper 
à  sa  porte.  Si  l'on  n'entendait  rien,  on  pouvait  affirmer  à  coup 
siîr  qu'il  était  sorti. 

J'ignore  s'il  chantait  eu  mangeant. 
Parmi  les  instrumentistes,  je  citerai  un  amateur  de  vio- 
lon qui  se  posait  toujours  devant  sa  fenêtre  ouverte,  avançant 
un  pied  en  dehors  sur  le  balcon,  et  appuyant  sur  son  genou  le 
bras  qui  tenait  le  manche  de  l'instrument.  C'est  dans  celte 
attitude  qu'il  se  livrait  à  des  improvisations  terriblement  chro- 
matiques, et  qu'il  répétait  cinq  cents  foisde  suite  le  trait  qu'il 
voulait  apprendre  et  qu'il  ne  savait  jamais. 

Cependant  il  faut  être  juste,  et  convenir  que  lafatigue, 
l'épuisement  amènent  des  instants  de  trêve  forcée.  Le  bras  se 
lasse,  les  doigts  refusent  le  service:  alors  la  contredanse  ou 


la  valse  favorite,  qui,  à  force  de  bourdoimer  à  vos -oreilles, 
vous  procurait  une  espèce  de  délire  vertigineux,  s'arrête  tout- 
à-coup,  et  vous  vous  sentez  revenir ,  comme  à  la  suite  d'un 
rêve  péiiible  ou  d'une  longue  maladie.  A  toute  règle  il  y  a 
malheureusement  des  exceptions.  Dans  l'hôtel  dont  je  par- 
•  lais  toutà-l'heure,  il  y  avait  une  chambre  qui,  depuis  l'aube 
du  jour  jusqu'après  minuit,  retentissait  d'un  tapotement,  d'un 
clapotement  formidable  :  le  piano  ne  cessait  d'y  bruire,  elles 
voisins  ne  cessaient  de  gémir.  Ils  s'étonnaient  d'une  persévé- 
rance de  travail  qui  dépassait  les  travaux  d'Hercule,  et  se 
demandaient  avec  effroi  comment  un  mortel  y  pouvaitsuffire. 
A  la  fin,  ils  s'adressèrent  au  maître  de  l'hôtel,  qui  leur  donna 
le  mot  de  l'énigme.  La  chambre  était  occupée  par  deux  étu- 
diants qui  avaient  loué  un  piano  à  frais  communs.  Possédés 
tous  les  deux  de  la  môme  rage  musicale,  et  désirant  atteindre 
au  plus  tôt  le  degré  de  force  nécessaire  pour  enlever  la  con- 
tredanse dans  le  dernier  goût ,  ils  travaillaient  alternativement 
avec  une  émulation  toujours  croissante.  Dès  que  l'un  quittait 
le  piano  ,  l'autre  s'empressait  de  s'y  mettre  ;  puis  le  premier 
recommençait,  et  ainsi  de  suite.  Le  problème  du  mouvement 
perpétuel  était  résolu  par  cette  lutte  effrénée  de  gammes  et 
d'arpèges.  Les  voisins  comprirent  qu'ils  n'avaient  plus  à 
espérer  qu'une  chose,  l'anéantissement  probable  et  prochaine 
de  l'infortuné  piano  ! 

Et  ne  croyez  pas  qu'en  changeant  d'hôtel  on  se  dérobe  au 
supplice!  au  contraire;  pour  éviter  le  solo,  on  tombe  sou- 
vent dans  la  symphonie,  tant  la  musique-est  répandue,  enra- 
cinée !  Un  de  nos  amis  en  a  fait  l'expérience ,  et  s'est  trouvé 
finalement  enveloppé  du  réseau  charivarique  dont  la  descrip- 
tion suit:  ■'  '    ■ 

Dans  la  chambre  située  au-dessous  de  la  sienne  il  y  avait, 
un  pianiste,  dans  celle  d'à  côtéuu  chanteur  ;  deux  étages  plus 
bas  ,  à  gauche  ,  un  flûtiste  qui  jouait  toujours  faux ,  à  droite 
deux  cornets  à  pistons  plus  faux  encore  ;  au  rez-de-chaussée, 
un  chanteur -pianiste  qui  s'accompagnait  en  beuglant  de 
toute  la  force  de  ses  poumons!  Souvent  tout  cela  tapotait, 
criait,  soufflait,  beuglait  en  môme  temps! 

Ajoutez  encore  qu'un  des  garçons  de  l'hôtel  avait  l'habi- 
tude de  faire  toute  sa  besogne  en  sifflant,  et  qu'un  autre 
garçon  ,  qui,  dans  sa  première  jeunesse,  avait  chanté  au  lu- 


défilent  et  tombent  sur  ma  robe.  Je  m'empresse  de  les  ramasser 
et  veux  les  mettre  dans  un  coin  de  mon  mouchoir.  Le  comte 
tire  un  papier  de  sa  poche ,  m'oblige  à  y  verser  les  perles,  les  y 
enveloppe  soigneusement  et  me  remet  le  paquet,  llentrce  chez 
moi ,  je  l'ouvre  :  je  vois  que  c'est  une  lettre  adressée  au  comte, 
et  j'aperçois  du  premier  coup  d'oeil  une  phrase  qui  m'entraîne 
à  lire  le  reste.  C'était  une  dénonciation  eu  règle,  sans  qu'aucun 
nom  fût  prononcé.  On  y  parlait  au  comte  des  avertissements  qu'il 
devaif  avoir  déjà  reçus  :  on  lui  disait  qu'ils  venaient  de  bonne 
source  et  qu'il  avait  tort  de  ne  pas  y  croire.  Ou  l'assurait  qu'il  avait 
mal  placé  ses  alTections ,  que  la  femme  pour  laquelle  il  dépensait 
tant  d'argent  n'en  valait  pas  la  peine,  qu'elle  l'avait  toujours 
trompé ,  qu'elle  le  trompait  encore,  et  qu'il  n'avait  qu'à  le  vou- 
loir pour  en  être  certain.  Que  sais- je,  moi  2...  Toutes  ces  vilaines 
choses  étaient  écrites  dans  un  style  si  commun ,  avec  tant  de 
fautes  d'orthographe ,  que  je  soupçonnai  à  l'instant  l'un  de  mes 
domestiques  d'être  l'auteur  du  rapport.  Oui,  mais  lequel?  voilà 
l'embarras.  Pour  en  sortir  ,  je  les  mis  tous  à  la  porte.  Ai-je  bien 
fait?  Je  ne  sais,  La  lettre  pourrait  bien  venir  d'une  de  mes  ca- 
marades du  théâtre  :  il  y  en  a  qui  n'écrivent  pas  mieux ,  et  dans 
celte  supposition  je  verrais  du  moins  un  intérêt  quelconque.  C'en 
est  toujours  un  que  le  plaisir  de  faire  perdre  un  amant,  quand 
même  il  ne  doit  pas  vous  revenir. 

Mais  n'est-ce  pas  un  singulier  caractère  que  celui  du  comte? 
Je  connais  ses  habitudes  et  ses  principes  :  il  ne  parle  jamais  ;  il 


agit.  Il  trouve  que  rien  n'est  plus  ridicule  que  de  se  plaindre ,  en 
quoi  que  ce  soit  et  quelque  chose  qui  arrive.  «  La  plainte,  d.t-il, 
!>  est  la  ressource  de  la  faiblesse.  On  ne  ramène  ni  un  amant 
»  ni  une  maîtresse  en  se  plaignant  de  son  abandon.  Il  faut  s'ar- 
»  ranger  de  manière  qu'ils  reviennent  d'eux-mêmes.  Les  enfants 
w  se  plaignent,  dit-il  encore,  les  femmes  pleurent,  les  hommes 
»  se  vengent.  »  Je  suis  donc  bien  sûre  que  le  hasard  n'est  pour 
rien  dans  l'affaire  de  la  lettre  :  il  a  proCté  de  la  circonstance 
pour  me  la  remettre  avec  toute  la  froideur  possible.  Il  eût  été 
capable  de  la  garder  pendant  un  mois,  en  attendant  l'instant  pro- 
pice ,  et  je  dois  dire  que  déjà  la  même  manœuvre  lui  a  réussi  : 
je  me  suis  tenue  pour  avertie,  et  j'ai  rompu ,  mais  alors  je  n'ai- 
mais pas  comme  j'aime  Gaston.  Pour  cette  fois ,  j'aurais  beau 
vouloir ,  je  ne  puis  rompre  :  je  ne  puis  oublier  que  Gaston  allait 
se  tuer  pour  moi.  Des  deux  côtés,  je  suis  liée,  de  celui-ci  par 
les  sentiments  les  plus  doux,  de  celui-là  par  les  sentiments  les 
plus  vifs.  Que  faire?  que  devenir?  Quelquefois  il  me  prend  des 
terreurs,  au  milieu  de  cette  valetaille  nouvelle  dont  je  suis  en- 
tourée. Si  c'était  le  comte  lui-même  qui  m'eût  envoyé  tout  ce 
monde-là?  Si  je  n'avais  autour  de  moi  que  des  serviteurs  secrè- 
tement choisis  par  lui  ?  Ce  qui  me  donne  cette  idée,  c'est  qu'il  ne 
m'a  rien  dit  lorsque  je  lui  ai  annoncé  le  coup  d'état  que  j'allais 
faire ,  et  qu'il  s*cst  contenté  de  toutes  les  mauvaises  raisons  que 
je  lui  ai  données.  Ou  je  me  trompe  fort ,  ou  il  avait  lui-même 
ses  raisons  pour  se  montrer  si  facile.  Cela  fait  que  j'existe  à  peine 


DE  PARIS. 


381 


trin  d'une  église  de  campagne,  entonnait,  en  balayant  la  corn- 
et l'escalier,  des  cantiques  iiigiibics,  des  lambeaux  deplain- 
cliant  pour  lesquels  il  avait  conservé  un  goût  tel  que  rien  ne 
pouvait  le  faire  renoncer  à  celte  habitude  ! 

Qu'on  imagine  les  tortures  d'un  locataire  studieux  ainsi 
placé  au  centre  de  rayons  sonores  et  discordants  qui  se  croi- 
saient de  tous  côtés  !  Il  obtint  le  renvoi  du  chaiUre  d'église  ; 
ce  fut  là  son  unique  soulagement. 

Je  suis  de  l'avis  d'Albert  Cler,  dans  sa  Physiologie  du  mu- 
mcien:  ('Les  habitants  de  Paris  sont  aujourd'hui  tellement 
»  agacés,  tellement  malheureux  à  domicile,  pour  cause  d'har- 
rf  monie-ou  plutôt  de  cacophor.ic,  que  si  un  propriétaire  met- 
ir'tait  sur  la  façade  de  sa  maison  un  écrifcau  portant  en  gros 
»  Caractères  r  — ■  Ici  on  ne  joue  ni  du  piano,  ni  d'aucune  es- 
»  pèce  d'instrument ,  — ■  nous  sommes  persuadés  que  l'on 
»  ferait  queue  pour  s'en  disputer  les  logements,  fût-ce  au 
«poids  de  l'or.  »  '  ' 

■C'est  une  expérience  h  tenter  pour  les  hôtels  garnis  du 
quartier  Latin ,  au  profit  des  étudiants  qui  veulent  étudier 
autre  chose  que  la  musique.  Paul  SmTH. 


(ilEllE  EST  LA  PlliS  JOLIE  DE  TOUTES  LES  POLRAS  ? 

Il  y  a  des  nuances  de  distinction  dans  la  musique  qui  ob- 
tient les  honneurs  de  la  popularité  que  toutes  les  intelligences 
artistiques  ou  autres  ne  sont  pas  à  même  de  saisir.  On  entend 
sortir  trop  souvent  d'un  orgue  de  Barbarie  une  mélodie 
franche  ,  mais  commune ,  qui  fatigue  bientôt  t^utesles  oreilles 
par  son  dessin  connu  et  sa  forme  plaie,  et  qui  s'use  rapide- 
ment. Il  en  est  d'autres  qui  deviennent  populaires  sans  être 
entachées  de  vulgarité  :  celles-ci  jouissent  d'une  vogue  plus 
prolongée.  Il  faut  placer  dans  cette  dernière  catégorie  la  polka 
de  Titl ,  celle  que  ton  l  le  monde  chante ,  joue  ou  danse.  Pour- 
quoi cette  polka  plutôt  qu'une  autre  ?  on  ne  sait.  C'est  peut- 
être  parce  qu'elle  est  la  première  qui  ait  paru.  Depuis  celle-là 
on  a  fait  mille  et  une  polkas ,  et  dans  le  nombre  il  en  est 
d'aussi  originales  par  la  mélodie  ,  d'aussi  neuves  par  les  for- 
mes harmoniques  ;  rien  n'y  fait.  Il  fallait  que  le  maître  du 
rhythme  en  fait  de  valses,  de  galops,  s'en  mêlât  :  Strauss  s'est 


mis  à  composer  des  polkas,  et  il  a  su  imprimer  son  cachet  à 
ce  genre  de  musique  qui  locomotionne  toutes  les  intelligen- 
ces ainsi  que  toutes  les  jambes,  de  quelque  sexe,  et  l'on 
pourrait  presque  dire  de  quelque  âge  que  ce  soit.  On  assure 
que  la  reine  Victoria  avait  manifesté  l'intention  de  danser  la 
polka  si  son  auguste  visiteur  se  fût  décidé  à  rester  plus  long- 
temps en  Angleterre,  ce  qui  aurait  été  d'une  importante 
signification  politique  à  l'égard  de  la  Russie  et  des  infortunés 
Polonais.  S.  M.  s'était  prononcée  en  faveur  de  la  polka  de 
Strauss,  celle  en  ut  majeur,  qui  commence  par  mi,  fa  ,  sol, 
sol ,  sol ,  les  deux  premières  notes  brèves,  et  qui  ne  sort  pas 
des  tons  relatifs,  la  mineur  et  fa  majeur.  Il  est  certain  que 
cette  polka  est  tout  empreinte  d'une  originalité  qui  peut 
braver  les  inconvénients  de  la  vogue,  car  la  mélodie  en  est 
distinguée  et  piquante  tout  à  la  fois. 

Labitzki,  qui  par  son  nom  polonais  a  bien  le  droit  aussi 
de  faire  des  polkas  ,  et  qui  n'en  est  qu'à  sa  cent  soixante- 
sixième  œuvre  en  ce  gence ,  vientd'écrire  un  nouveau  recueil 
de  ces  danses  nationales,  dans  lesquelles  on  dislingue 
Vllenrielte  etV Adélaïde.  Ses  deux  livres  de  valses  intitulés: 
Montrose  et  la  Réunion,  en  offrent  plusieurs  qui  sont  aussi 
gracieuses  qu'entraînantes. 

Les  deux  derniers  recueils  de  valses  par  Strauss ,  sous  le 
titre  de  la  belle  Astrée  et  Valser,  c'est  vivre  ,  le  maintiennent 
toujours  au  rang  qu'il  a  conquis  et  qui  l'a  fait  surnommer  le 
Beethoven  de  la  valse.  C'est  toujours  ce  rhythme  original , 
brisé,  en  contradiction  avec  l'allure  trop  monotone  des  trois 
temps  réguliers  ;  et  puis,  que  dites-vous  de  ce  titre  inspira- 
teur. Valser,  c'est  vivre?  C'est  qu'en  effet,  se  lancer  dans 
le  tourbillon  des  choses  de  la  vie  ou  de  la  valse  ,  s'agiter, 
s'étourdir ,  et  comme  s'enivrer  de  mutuels  regards  avec  une 
jolie  danseuse ,  en  oubhant  tout  ce  qui  vous  entoure  ,  c'est 
l'hygiène  de  l'âme  et  du  corps  pour  beaucoup  de  jeunes  gens 
qui  ont  beaucoup  plus  de  corps  que  d'âme.  Il  y  a  de  quoi 
faire,  avec  les  titres  de  ces  innombrables  valses  qui  nous  ar- 
rivent de  France  et  d'Allemagne,  un  cours  de  physiologie 
chorégraphique  musicale  et  amoureuse  :  ce  sont  les  Rayons, 
les  Etincelles  électriques  ,  les  jeunes  Folles,  les  Caprices  àe 
Strauss;  l'Esculape  ,  les  Rattements  du  cœur ,  les  Adieux 
de  Lanner;  les  Parisiennes ,  les  Syrènes,  Nathalie  ,  Odette, 


et  que  je  voudrais  pour  beaucoup  pouvoir  renvoyer  encore  toute 
ma  maison  et  ne  reprendre  personne.  Voici  le  comte  qui  ar- 
rive :  j'entends  sa  voilure.  Je  me  hâle  de  former  ma  lettre ,  en 
t'embrassant  comme  toujours. 


ESTHER  SAUNIEU  A  CLOTILDE  B' 


11  juin. 


J'ai  reçu  vos  deux  lettres ,  clière  amie;  je  n'avais  pas  répondu 
à  la  première  ,  comme  par  un  pressentiment  qu'elle  serait  bien- 
tôt suivie  d'une  seconde.  A  présent  que  vous  m'avez  confié  vos 
chagrins,  ai-je  besoin  de  vous  dire  combien  j'en  suis  touchée? 
Il  y  a  certainement  dans  tout  ce  que  vous  m'avez  conté  des  cho- 
ses qui  me.  paraissent  extraordinaires;  mais  comment  me  per- 
mettrais-je  de  vous  blâmer,  vous  qui  avez  cent  fois  plus  d'expé- 
rience que  moi  ?  Ce  que  vous  avez  fait,  toute  autre  que  vous  aurait 
dû  le  faire,  j'en  suis  convaincue,  et  moi,  la  première.  Que  je 
vous  plains  des  inquiétudes  qui  vous  assiègent  !  Et  comme  cela 
se  trouve  mal ,  moi  qui  n'ai  dans  ce  moment  que  des  bonheurs 
à  vous  apprendre  !  Tout  me  réussit ,  tout  me  sourit,  tout  marche 
au  gré  de  mes  vœux.  Mes  débuts  sont  finis,  et  il  ne  tiendrait  qu'à 
moi  de  me  croire  la  plus  grande  cantatrice  qui  ait  jamais  clianté 
sur  un  théâtre.  Je  n'aurais  pour  cela  qu'à  prendre  pour  argent 


comptant  les  articles  louangeurs  dont  les  journaux  m'accablent. 
Je  nage  dans  les  vapeurs  d'un  encens  qui  me  donne  mal  à  la 
tête ,  mais  qui  ne  me  la  tourne  pas.  En  vérité ,  c'est  une  plaisa'nte 
chose  que  la  province  !  Rien  ne  s'y  fait,  rien  ne  s'y  dit  comme  à 
Paris  :  on  y  est  toujours  dans  les  extrêmes  :  on  y  traite  les  artistes 
comme  des  dieux  ou  comme  des  misérables  ;  on  les  porte  aux 
nues  ou  on  les  traîne  dans  la  fange  :  témoin  notre  pauvre  chan- 
teuse légère,  qu'on  a  impitoyablement  sifflée,  injuriée,  poursui- 
vie dans  la  rue ,  reconduite  avec  accompagnement  de  cris  et  de 
huées,  jusqu'à  sa  maison.  Cela  m'a  fait  une  véritable  peine  :  j'ai 
souffert  presque  autant  qu'elle  pendant  tout  le  temps  qu'a  duré 
son  exécution. 

Je  conviens  que  cette  chanteuse  k'gère  ne  justifie  pas  parfaite- 
ment son  litre  ,  rt  que  certaines  conditions  de  légèreté  lui  man- 
quent. D'abord  je  ne  serais  pas  étonnée  qu'elle  pesât  deux  cents 
livres,  et  avec  cela  elle  n'est  pas  de  grande  taille.  Je  n'ai  jamais 
vu  d'embonpoint  plus  prononcé  ,  plus  développé,  dans  le  sens 
de  la  largeur.  Elle  a  de  la  voix,  mais  elle  .s'en  sert  mal  :  elle  pro- 
digue les  agréments  et  lance  à  toute  minute  des  traits  d'une  har- 
diesse désespérée;  elle  saule  d'une  octave  à  l'autre,  en  ouvrant 
une  bouche  énorme.  Il  s'es^t  pourtant  trouvé  des  villes  où  ces 
tours  de  force  ont  obtenu  beaucoup  de  succès.  Sazerac  n'avait 
engagé  madame  Titon  que  sur  la  répula;ion  dont  elle  jouissait 
à  Grenoble,  Avignon,  Nimes,  Montpellier  et  autres  résidences. 
Ce  que  c'est  que  de  nous!  Tant  de  Iriomphes  sont  venus  se  briser 


382 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Charlotte ,  Amanda ,  Georgina  et  la  nouvelle  Aurora  de 
Labitzki.  Avec  ces  titres,  ces  noms  séduisants,  comment 
voulez-vous  qu'on  résiste  au  plaisir  de  valser  ou  de  faire 
valser?  Il  y  a  une  infînité  de  personn:s  qui  ne  prennent  un 
protesseur  de  piano  que  pour  apprendre  à  jouer  des  quadrilles, 
des  valses,  des  galops  et  surtout  des  polkas.  Que  la  conscience 
musicale  leur  soit  légère,  comme  le  sont  ceux  que  ces 
œuvres  légères  font  sauter  sur  la  terre  ou  sur  le  parquet  des 
salons  ! 

Mais  enfin ,  pour  aborder  le  sujet  que  fait  pressentir  le  titre 
interrogatif  de  cet  article  ,  quelle  est  la  plus  jolie  de  toutes  les 
polkas?  Question  délicate  !  ardue  à  résoudre!  et  qui  a  été  in- 
génieusement tournée.  Un  musicien  s'est  trouvé ,  un  homme 
de  goût  s'entourant  du  voile  de  l'anonyme,  qui,  à  propos  de 
polkas,  a  fait  de  l'éclectisme ,  comme  W.  (lou.sin  en  fait  à 
propos  de  philosophie.  Il  n'est  pas  que  nos  lecteurs  n'aient 
entendu  pai-ler  de  Praxitèles,  sculpteur  grec ,  qui,  voulant 
faire  une  statue  de  Vénus  qui  réunît  toutes  les  perfections  du 
corps,  prit  de  ci ,  de  là  ,  la  jambe ,  le  pied  ,  la  main ,  le 
cou ,  etc.,  de  différentes  belles  Athéniennes  qu'il  réunit  dans 
son  œuvre,  et  dont  il  composa  une  statue  parfaite,  car  il 
avait  joint  à  ses  emprunts  toutes  les  idéalités  exaltées  du  génie 
et  de  l'art.  Eh  bien  !  le  musicien  éclectique  dont  nous  venons 
de  parler,  butinant  sur  toutes  les  polkas  comme  l'abeille  sur 
les  fleurs,  a  pris  la  tête  d'une  polka  ,  le  ventre  de  celle-ci , 
la  queue  de  celle-là,  et  en  a  fait  une  incommensurable  polka; 
riche  de  mélodies  empruntées,  et  dont  il  est  résulté  une 
polka-monstre,  un  résumé,  une  olla  podrida  de  polkas  qui 
doit  contenter  les  plus  difficiles.  Et  maintenant ,  retrouvez- 
vous,  si  vous  le  pouvez,  enivrez-vous  de  voluptés  mélodiques 
dans  ce  sérail  de  beautés  musicales.  La  gracieuse  lithographie 
annexée  au  numéro  de  ce  jour  vous  servira  de  guide  :  c'est  là 
que  vous  verrez  ,  mesdames ,  comme  on  doit  lever  la  pointe 
du  pied  avec  décence ,  poser  le  talon  avec  pudeur,  tourner 
la  tête  à  droite  ou  à  gauche,  afin  de  tourner  de  toutes  les 
manières  celles  des  spectateurs  et  admirateurs  de  la  polka  , 
de  cette  danse  qui  paît  en  ce  moment  de  notre  capitale  pour 
faire  son  tour  de  France  et  de  Navarre  ,  laissant  là  derrière 


elle  et  avec  mépris  el  zapaleado ,  le  boléro ,  le  fandango  et 
autres  pas  rococos. 

Henri  Blanchard. 


Revue  ci*iti(|«ie. 

Le  génie  musical  allemand  a  créé  la  valse,  et  semble  s'en 
être  réservé  le  monopole.  Depuis  que  Mozart  dramatisa  de  sa 
science  et  de  sa  verve  ce  genre  qui  vous  inspire  la  gaieté  ou 
vous  berce  de  toutes  les  voluptés  de  l'art ,  on  compterait  plu- 
tôt toutes  les  étoiles  qui  scintillent  dans  le  ciel  qu'on  ne  pour- 
rait énumérer  les  valses  qui  sont  .sorties  de  la  plume  des  com- 
positeurs ,  grands  ou  petits,  dont  chacun  s'est  peut-être  cru 
un  Mozart.  Weber,  qui  fut  l'héritier  le  plus  direct  de  ce  grand 
génie,  a  écrit  aussi  de  ces  charmants  morceaux  de  musique 
qui  vous  donnent  autant  de  plaisir  à  écouter  qu'à  danser  ; 
V Invitation  à  la  valse,  entre  autres,  est  une  de  ces  inspira- 
tions pleines  d'élégance  et  de  grâce  qui  viennent  en  ligne  di- 
recte de  la  reine  de  Prusse  et  autres  belles  valses  do  l'auteur 
de  Don  Juan. 

Voici  venir  M.  E.  Déjazet ,  un  de  nos  bons  pianistes ,  qui 
s'est  inspiré  de  ces  grands  modèles,  et  qui,  voulant  faire  au- 
trement que  le  dieu  de  la  valse  actuelle ,  Strauss,  c'est-à-dire 
autre  chose  que  ce  rhythme ,  capricieusement  brisé  dans 
lequel  se  complaît  un  peu  trop  le  Musard  autrichien  ,  a  publié 
une  grande  fantaisie  romantique  pour  le  piano  intitulée  La 
Valse  interrompue.  Cela  commence  par  une  introduction 
en  la  bémol  majeur  qui  se  promène  pendant  seize  mesures 
dans  les  limbes  d'une  harmonieuse  et  vague  rêverie;  puis 
vient  una  marcia  misteriosamente  marziale;  el  puis  revient 
la  rêverie  artistique  de  l'introduction,  toujours  en  la  bémol, 
encore  interrompue  par  la  marche  dont  nous  venons  de  par- 
ler, harmoniée  richement,  et  terminée  par  une  capricieuse 
iudenza  qui  aboutit  au  thème  de  la  valse  en  mi  bémol  majeur, 
thème  que  l'auteur  a  caractérisé  des  expressions  de  vivo  e 


à  Bordeaux,  où  la  pauvre  femme,  confianie  en  l'avenir,  s'était 
installée  avec  son  mari  et  ses  trois  enfants.  Quel  bagage  à  traîner 
pour  une  clianteuse  légère  !  Vous  me  direz  que  celle-là  est  de  la 
force  de  quatre  chevaux  flamands.  Son  mari,  comme  de  juste, 
esi  mince  et  fluet  :  il  a  l'organe  très  doux  et  le  langage  poii , 
a\ilantt[ue  sa  femme  a  l'accent  énergique.  Il  fallait  rentcridie 
apostropher  mezza  voce  le  parterre  ,  toutes  les  fois  que  des  mar- 
ques d'improbation ,  des  éclats  de  rire  accueillaient  ses  pins  bril- 
lantes roulades!  Dans  la  coulisse,  elle  jurait  comme  un  vrai  ma- 
telot, et  je  n'oserais  jamais  écrire  la  phrase  d'adieu  dont  elle  a 
salué  le  public  en  se  retirant  à  la  chute  du  rideau.  L'hilarité  du 
parleire  en  a  redoublé  :  moi-même  je  n'ai  pu  m'empècher  de 
rire  ,  et  pourtant  j'avais  la  mort  dans  le  cœur.  Je  songeais  à  ces 
cinq  personnes  contre  lesquelles  on  rendait  si  gaiement  un  airêt 
si  triste ,  car  enfin  madame  Titon  est  mère  de  famille  :  elle  n'a 
que  son  talent  pour  ressource.  Elle  avait  demandé  des  avances  à 
Sazerac  pour  s'établir  à  Bordeaux ,  où  elle  comptait  faire  un 
long  séjour.  Maintenant  la  voili  forcée  de  partir  pour  aller,  Dieu 
sait  où  ,  laissant  derrière  elle  des  dettes  qu'elle  ne  paiera  jamais, 
forcée  d'afl'ronter  d'autres  dangers ,  d'autres  tempêtes;  et  si  elle 
était  encore  sifflée  ailleurs,  que  deviendrait-elle  avec  ses  trois 
enfants  et  son  mari ,  qui  n'est  bon  qu'à  lui  servir  de  femme  de 
ménage  ? 

Sazerac  est  parti  dès  le  lendemain  pour  Marseille ,  où  on  lui  a 
dit  qu'il  trouverait  une  chanteuse  vraiment  légère  de  voix  et  de 
tournure.  Me  voilà  donc  pour  quelques  jours  délivrée  d'une  ob- 
session qui ,  pour  être  remplie  de  tendresse  et  de  bonté ,  n'en 


devient  pas  moins  importune.  A  propos,  vous  me  disiez,  dans 
l'une  de  vos  dernières  lettres,  que  vous  aviez  toujours  craint 
comme  le  feu  Une  liaison  intime  avec  votre  directeur  :  pourquoi 
cela?  Ce  n'est  pas  que  j'en  sois  tentée,  mais  je  voudrais  savoir 
votre  motif. 

Je  vois  souvent  au  théâtre  et  ailleurs  l'abonné  qui  s'était  posé 
d'abord  comme  mon  ennemi  mortel,  et  qui  avait  parié,  disait-on, 
qu'il  ferait  à  tout  prix  ma  conquête.  Il  s'est  bien  civilisé,  bien 
radouci  :  nous  sommes  ensemble  dans  les  meilleurs  termes  :  une 
f6is  ou  deux,  il  a  voulu  en  revenir  à  ses  prétentions  ;  il  m'a  de- 
mandé si  je  persistais  à  lui  interdire  tonte  espérance  :  je  lui  ai 
répondu  de  façon  à  lui  bien  prouver  qu'il  perdrait  son  temps  à 
me  presser  davantage,  et  il  n'en  a  jikis  été  question. 

Du  reste  les  amoureux  se  succèdent  ici  comme  les  jours,  comme 
les  heures,  comme  les  minutes.  Je  commence  à  croire  qu'il  se- 
rait commode  d'^en  prendre  un,  tout  simplement  pour  éloigner 
les  autres.  Et,  le  croiriez-vous,  le  bruit  s'est  répandu  ces  jours 
derniers  que  j'avais  fait  un  choix ,  que  j'avais  écoulé  les  vœux 
d'un  jeune  aspirant  de  marine,  très  joli  garçon,  ma  foi ,  et  qu'on 
dit  brave  comme  un  César.  Il  a  eu  plusieurs  duels  qui  l'ont  rendu 
célèbre  ;  mais  ce  n'est  pas,  comme  vous  pouvez  le  croire,  un  ex- 
cellent moyen  pour  me  gagner  le  cœur.  Ce  jeune  homme  n'a 
causé  avec  moi  que  dans  les  coulisses,  où  il  avait  obtenu  la  per- 
mission d'entrer.  Comme  il  arrive  de  Paris,  il  m'a  parlé  de  l'O- 
péra ,  de  vous,  d'une  telle  manière  que  je  l'ai  écouté  avec  un 
grand  plaisir  ;  c'est  ce  qui  a  prolongé  notre  conversation ,  et  en- 
suite il  m'a  offert  son  bras  pour  me  reconduire  chez  moi,  jusqu'à 


DE  PARIS, 


383 


amoroso  qui  lui  conviennent  au  mieux ,  car  la  mélodie  en  est 
suave  et  légère.  Bientôt ,  à  ce  motif  de  valse ,  largement  dé- 
veloppé ,  viennent  se  joindre  les  orages  du  cœur,  ou  de  la 
nature,  diront  les  faiseurs  d'esthétique  bourgeoise,  ou  un  ca- 
price instrumental,  dira  tout  simplement  le  critique  musical, 
qui  justifie  fort  bien  le  titre  de  La  valse  interrompue  ,  inter- 
rompue par  des  traits  difficiles  et  brillants  tout  à  la  fois ,  en 
six-huit;  puis  un  nouveau  thème  en  douze-huit  plein  de  fierté 
et  de  luxe  harmonique.  Après  quelques  passages  qui  ramè- 
nent au  motif  principal,  ce  motif  de  la  valse  se  rencontre  en- 
,  core  avec  ses  développements  et  s'enchaîne  à  la  péroraison ,  h 
la  coda ,  galop  infernal  qui  porte  aussi ,  comme  la  fantaisie , 
le  titre  de  fantastique ,  car  le  fantastique  est  fort  à  la  mode 
maintenant.  Depuis  les  contes  d'Hoffmann  ,  nous  avons  vu 
défiler  devant  nous  des  opéras  fantastiques ,  des  études ,  des 
caprices,  des  littératures,  des  gouvernements  fantastiques. 
M.  Déjazet  a  donc  cru  devoir  terminer  son  œuvre  par  un 
galop  fantastique  pour  être  à  la  hauteur  du  siècle.  Celte  péro- 
raison .aussi  bizarre qu'oi-iginale ,  est  quelquefois  aussi  d'une 
harmonie  étrange  et  satanique  ;  mais  il  faut  bien  pardonner 
quelques  intonations  hasardées ,  quelques  quartes  tombant 
sur  des  quintes  aux  démons  en  goguettes,  ce  finale,  cet  hymne 
de  l'enfer  étant  d'ailleurs  plein  de  verve  et  de  brio.  Cette  fan- 
taisie obtiendra  donc  un  succès  de  curiosité  :  tous  les  ama- 
teurs de  piano  voudront  avoir  un  avant-goût  de  la  musique 
qu'on  exécute  dans  les  soirées  musicales  données  chez  M.  Plu- 
ton  et  madame  Proserpine  son  épouse  ,  ou,  si  on  le  préfère, 
dans  le  royaume  sombre  des  anges  déchus  de  l'enfer  chrétien. 
Henri  Blanchard. 


Douze  vocalises  jiour  mezzo  soprano ,  par  M.  Antonin 
GuiLLOT.  —  Traité  sur  la  contrebasse  à  quatre  cordes , 
par  M.  Achille  Gouffé.  —  Second  nocturne  pour  le 
piano ,  par  M"'"  Clara  Pfeiffer. 

M.  Antonin  Guillot ,  compositeur  gracieux  et  professeur 
habile,  s'est  fait,  dans  le  monde  musical ,  à  ces  titres  divers. 


une  brillante  réputatiim  ,  qu'il  s'attache  ,  en  outre ,  h  conso- 
lider par  d'utiles  travaux.  Les  douze  vocalises,  dont  nous 
parlerons  aujourd'hui,  viennent  encore  témoigner  de  sa  par- 
faite connaissance  de  l'artdu  chant.  C'est  une  excellente  idée, 
sans  doute ,  que  de  les  avoir  écrites  pour  niezzo  soprano. 
«  Ce  genre  de  voix  ,  observe  judicieusement  M.  Guillot,  est 
»  aussi  commun  chez  les  femmes  que  le  baryton  chez  les 
»  hommes  ;  cependant,  poursuit-il ,  on  l'a  totalement  négligé 
»  dans  l'enseignement;  méthodes,  solfèges,  vocalises,  tout  a 
»  été  composé  en  vue  du  soprano  et  de  l'alto,  rien  ou  presque 
»  rien  en  vue  du  mezzo  soprano  ;  enfin  ,  le  mezzo  soprano 
»  l'emporte  sur  le  soprano  et  le  contralto.  »  Il  ne  fallait  pas 
aller  jusque  Ih,  ce  nous  semble,  pour  démontrer  l'utilité  d'un 
pareil  recueil  ;  il  suffisait  d'alléguer  l'abondance  des  mezzo 
soprani ,  et  le  manque  ou  du  moins  le  petit  nombre  de  pu- 
blications appropriées  à  ce  genre  de  voix.  Du  reste ,  l'essen- 
tiel ,  c'est  que  M.  A.  Guillot  ait  atteint  le  but  qu'il  se  pro- 
posait ,  c'est  que  l'exécution  réponde  au  plan  :  hâtons-nous 
de  dire  que  ,  sous  ce  rapport ,  l'auteur  des  douze  vocalises  a 
droit  aux  plus  vifs  éloges.  Ses  exercices  sont  bien  véritable- 
ment écrits  dans  le  diapason  du  mezzo  soprano  ,  c'est  à-dire 
que  la  cantilène  repose  généralement  sur  les  intervalles  du 
médium  ;  les  cordes  limitrophes ,  à  l'aigre  et  au  grave  ,  ne 
s'y  rencontrent  que  rarement ,  et  seulement  comme  notes  de 
passage  ;  l'harmonie  a  de  la  couleur  et  de  la  variété  ;  la  mé- 
lodie ,  cette  élégance ,  cette  grâce  ,  celte  désinvolture  ita- 
lienne, si  chère  aux  amateurs  et  aux  cantatrices  de  salon; 
bref,  chaque  étude  forme  un  morceau ,  qui ,  outre  la  diffi- 
culté à  vaincre  ,  offre  aux  élèves  un  sens  et  un  intérêt  réels. 
L'ouvrage  est  dédié  à  notre  excellent  professeur  Ponchard , 
qui ,  dans  une  réponse  insérée  en  tête  du  recueil ,  félicite 
vivement  M.  Guillot  sur  l'heureux  résultat  de  son  travail ,  et 
veut  bien  lui  promettre  de  l'adopter  pour  ses  classes  de 
chant. 

En  descendant  de  quelques  octaves ,  nous  pourrons  nous 
trouver  à  l'unisson  de  la  contrebasse ,  sur  laquelle  M.  Achille 
Gouffé  vient  de  publier  un  Traité  aussi  curieux  que  complet, 
en  la  considérant  dans  une  de  ses  formes  les  plus  utiles ,  et 


ma  porte.  Sazerac  était  indisposé  ce  jour-là,  car  ordinairement  il 
ne  laisse  remplir  cette  fonction  à  personne.  Moi,  je  n'ai  pas  | 
trouvé  sur-le-champ  de  raison  pour  refuser  ;  ma  femme  de  j 
chambre  marchait  à  deux  pas  de  nous.  Cela  n'a  pas  empêché  que  j 
le  lendemain  l'aspirant  de  marine  ne  fût  considéré  comme  mon  ] 
amant  en  litre.  Suzerac  se  leva  de  son  lit  tout  exprès  pour  venir  I 
me  l'apprendre,  avec  les  larmes  dans  les  yeux.  I 

Puisque  j'en  suis  au  chapitre  de  mes  nouvelles  connaissances , 
je  dois  vous  parler  d'une  femme  charmante,  madame  la  baronne  j 
de  Chambord ,  qui  est  ici  depuis  peu ,  et  qui,  après  m'avoir  en- 
tendue ,  m'a  fait  demander  si  je  voulais  la  recevoir.  Elle  va  se 
fixer  à  Bordeaux ,  et  se  propose  de  donner  chez  elle  de  grandes 
soirées  où  elle  invitera  les  notabilités  de  la  ville.  Son  désir  est 
que  je  consente  à  y  venir  aussi  et  à  m'y  faire  entendre ,  tantôt  ! 
seule,  tantôt  avec  elle,  car  elle  a  une  voix  agréable  et  ne  chante  ! 
pas  mal  du  tout.  Elle  est  encore  fort  agréable,  quoiqu'elle  ait  au  i 
moins  trente-cinq  ans  ;  c'est  une  brune  piquante  dont  le  regard 
et  le  sourire  sont  enchanteurs.  Vous  ne  sauriez  croire ,  chère 
amie,  à  quel  point  je  me  suis  trouvée  heureuse  de  rencontrer 
enlin  une  femme  avec  qui  je  pouvais  causer,  ouvrir  mon  cœur  ; 
il  y  a  si  longtemps  que  je  ne  cause  plus  avec  vous  ,  excepté  par 
letires,  mais  ce  n'est  pas  la  même  chose.  Rien  ne  remplace  le 
tête-à-tête  de  deux  femmes  qui  ont  entre  elles  quelques  sympa- 
thies de  sentiment,  d'esprit,  et  qui  se  disent  librement  tout  ce 
qu'elles  pensent.  N'allez  pas  craindre  que  je  vous  préfère  la  ba- 
ronne :  si  l'on  venait  à  vous  dire  qu'elle  vous  a  supplantée 
comme  mon  amie  et  que  j'ai  pour  amant  un  aspirant  de  marine, 


n'en  croyez  pas  un  mot,  s"il  vous  plaît,  et  vous  me  rendrez  jus- 
tice. 


CLOTILDE  B***  A  ESTIIER  SAUNIER. 

17  juin. 

Ton  ex-ennemi  mortel  s'appelle  Georges  Dcsbrières  ;  il  a  écrit 
à  l'un  de  ses  amis  de  Paris  une  lettre  qu'on  doit  me  faire  voir  et 
dans  laquelle  il  déclare  être  moins  que  jamais  d'humeur  à  renon- 
cer à  ses  projets  sur  toi.  Il  parle  de  la  gageure  ;  je  crois  qu'il 
s'agit  de  deux  cents  louis.  Il  affirme  que  tu  as  voulu  te  moquer 
de  lui  en  lui  donnant  de  fausses  espérances,  mais  il  n'était  pas 
homme,  dit-il,  à  s'y  laisser  prendre.  Il  a  fait  semblant  de  donner 
dans  le  piège  afin  de  mieux  t'y  amener  loi-même,  et,  quand  lu 
y  seras  tombée ,  il  te  traitera  comme  tu  le  mérites ,  sans  égard  ni 
pitié.  Je  t'écris  tout  cela  pour  que  tu  le  tiennes  sur  tes  gardes  et 
ne  le  fies  pas  aux  apparences.  Tu  croyais  le  lion  apaisé,  tu  vois 
qu'il  n'est  pas  même  endormi. 

Quant  à  moi ,  je  suis  toujours  dans  la  même  position ,  toujours 
dans  les  transes  ,  toujours  sur  les  épines.  Le  comte  ne  dit  rien  , 
mais  je  ne  doute  pas  qu'il  n'ait  des  soupçons  et  qu'il  ne  cherche 
à  les  éclaircir. 

Tu  me  demandes  pourquoi  je  n'ai  pas  voulu  de  l'amour  d'un 
directeur  ?  mon  Dieu ,  c'est  qu'en  général  c'est  une  faveur  qui  se 
pale  cher  par  les  défiances  et  les  jalousies  qu'on  excite  ;  on  arrive 
plus  vite,  mais  on  peut  tomber  de  même.  J'aime  mieux  ne  devoir 
mes  succès  qu'à  mon  talent. 

La  suite  au  prochain  numéro.  Paul  Smith. 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


par  cela  niêine  les  moins  répandues.  Les  avantages  de  la  con- 
trebasse à  quatre  cordes  sont  d'une  si  haute  importance  ,  ils 
ont  été  si  souvent  et  si  victorieusement  démontrés,  que  nous 
croyons  inutile  d'ajouter  ici  notre  suûrage  à  tout  ce  qui  a  été 
dit  à  cet  égard.  Dans  toute  l'Allemagne,  on  ne  connaît  point 
d'autre  espèce  de  contrebasse  ,  et  nos  orchestres  s'obstinent  à 
conserver  la  contrebasse  à  trois  cordes.  L'opinion  de  M.  A. 
Gouffé,  si  compétent  en  pareille  matière,  ses  conseils ,  ses 
leçons ,  et  enfin  son  livre  ,  seront-ils  plus  heureux  et  auront- 
ils  plus  de  poids  que  l'exemple  de  nos  voisins?  Nous  le  dési- 
rons de  toutes  nos  forces ,  mais  sans  oser  l'espérer  ;  quoi  qu'il 
en  soit ,  l'ouvrage  existe  ;  vienne  maintenant  la  révolution 
tant  souhaitée  ,  et  ses  partisans  n'auront  plus  qu'à  ouvrir  leur 
classique ,  tout  prêt  à  fournir  une  solution  pour  chaque  dif- 
ficulté ,  un  enseignement  pour  chaque  nouveau  besoin. 

Il  nous  reste  à  parler  d'une  jeune  femme  compositeur, 
M"'"  C.  Pfeiffer  ,  et  de  son  second  nocturne  pour  le  piano. 
Les  lecteurs  de  la  Gazette  musicale ,  n'ont  peut-être  pas  ou- 
blié que  nous  eûmes  déjà  l'occasion  de  constater  chez  cette 
habile  artiste  non  seulement  un  bon  sentiment  musical ,  mais 
encore  une  aptitude  aux  études  sérieuses  ,  qui  n'est  pas  don- 
née en  partage  à  toutes  les  personnes  de  son  sexe.  L'appari- 
tion de  ce  nocturne  nous  force  de  répéter  ici  les  mêmes 
éloges  ;  nul  doute  qu'il  ne  soit  le  bienvenu  auprès  des  con- 
naisseurs ,  puisqu'il  a  pour  Base  un  motif  rempli  de  charme 
et  de  délicatesse  ,  et  qu'il  est  traité  avec  autant  d'art  que  de 
soin. — Qu'on  nous  permette  maintenant  de  quitter  la  plume; 
consacrer  les  dernières  lignes  d'un  article  à  l'œuvre  d'une 
femme  aussi  distinguée,  assurément  c'est  bien  finir. 

Georges  EASTNER. 


Madrid ,  5  novembre. 

tiszt,  le  célèbre  pianiste,  est  en  ce  moment  parmi  nous.  A.  moins 
d'ftvoir  assiste  aux  quatre  concerts  qu'il  vient  de  donner  dans  la 
même  semaine  ,  on  se  ferait  difficilement  une  idée  de  l'enthousiasme 
qu'il  a  excité.  Le  premier  a  eu  lieu  dans  la  salle  du  Lycée  ,  qui  con- 
tient six  cenis  personnes  ;  la  salle  était  pleine  ,  on  a  refusé  un  grand 
nontbj»  de  billets.  Jamais^ artiste  n'avait  réuni  en  Espagne  dans  une 
salle  de  concert  une  affluence  aussi  considérable.  Chacun  des  sept 
morceaux  que  Liszt  a  fait  entendre  ont  clé  interrompus  par  des 
applaudissements,  à  tel  point  que  l'ouverture  de  Guillaume  Tell  a 
été  coupée  en  cinq  ou  six  reprises  par  des  bravos  et  des  applaudisse- 
ments passionnés;  la  fantaisie  sur  la  Norma ,  et  surtout  celle  sur  la 
Somnambule,  ont  produit  un  effet  magique.  Au  passage  de  la  fameuse 
cadence,  la  salle  entière  s'est  levée,  mais  le  dernier  morceau,  le 
galop  chromatique,  a  tellement  bouleversé  l'auditoire  qu'une  sorte 
de  délire  s'est  emparé  du  public,  et  les  applaudissements  ont  duré 
un  grand  quart  d'heure;  pendant  ce  temps  on  criiiit  [oira)  bis;  les 
bouquets  et  les  couronnes  pleuvaicnt  de  tous  côtés,  et  nous  qui  avons 
assisté  aux  grandes  ovations  que  le  public  français  fait  à  ses  artistes 
les  plus  aimés,  nous  n'avons  jamais  rien  vu  qui  approchât  de  cette 
furia  espagnole.  Le  soir  même  à  la  sortie  du  concert,  le  directeur 
du  théâtre  d'El  Circo ,  le  plus  vaste  de  Madrid,  celui  où  l'on  joue 
l'opéra  italien  et  le  ballet  français ,  est  allé  faine  au  grand  artiste  des 
propositions  pour  quatre  autres  concerts  aux  prix  fabuleux  de  15,000 
réaux,  environ  'i,000  fr.  par  concert.  Les  trois  premiers  ont  eu  lieu 
au  milieu  d'une  telle  affluence,  qu'on  espère  déterminer  le  prodi- 
gieux pianiste  à  en  donner  encore  deux  ou  trois  avant  son  départ. 

Liszt  est  en  ce  moment  le  seul  objet  de  l'attention  générale  à  Ma- 
drid ,  son  nom  est  dans  toutes  les  bouches  ;  dans  le  monde  ,  dans  les 
joarnaux  on  ne  parle  que  de  lui;  les  affaires  politiques,  qui  sont 
très  graves  en  ce  moment,  ne  peuvent  empêcher  que  le  public  ne  s'oc- 
cupe surtout  de  son  artiste  de  prédilection.  Une  preuve  frappante  de 
l'inffucnce  que  son  magnifique  talent  exerce  sur  toutes  les  classes  de 
la  société,  c'est  que  le  nom  du  général  Prim  ,  qui  sera  jugé  demaia 
par  un  conseil  de  guerre,  et  très  probablement  fusillé  après-demain, 
est  moins  souvent  prononcé  que  le  nom  de  Liszt.  Chacun  veut  voir 
le  célèbre  arlisle  ;  les  plus  grands  seigneurs  ,  les  plus  illustres  per- 


sonnages, les  hommes  politiques  les  plus  inDuents  briguent  l'hon- 
neur de  lui  être  présentés,  et  l'enthousiasme  qu'il  inspire  rejaillit  sur 
tout  ce  qui  l'entoure.  Ainsi  ,  l'instrument  sur  lequel  Liszt  s'est  fait 
entendre  dans  ses  concerts  en  Espagne ,  et  qui  le  suit  partout ,  est , 
depuis  son  dernier  concert,  l'objet  des  plus  folles  enchères.  La  haute 
société  de  Madrid  ,  composée  des  amateurs  de  musique  les  plus  pas- 
sionnés, s'est  liguée  pour  empêcher  ce  piano  de  sortir  de  la  capitale.  A 
l'heure  qu'il  est,  on  offre  de  ce  piano  jusqu'à  20,000  réaux  ,  environ 
5,000  fr.  Il  est  vrai  que  cet  instrument  est  un  excellent  piano  de  la 
fabrique  de  Boisselot ,  de  Marseille ,  auquel  Liszt  tient  beaucoup. 

Mais  comme  on  ne  saurait  prévoir  jusqu'où  peut  aller  l'engoue- 
ment espagnol,  et  craignant  sans  doute  qu'il  ne  lui  fût  impossible 
de  sortir  son  piano  de  Madrid  ,  on  assure  que  Liszt  a  écrit  à  M.  Bois- 
selot qu'il  eût  à  lui  envoyer  immédiatement  un  autre  piano  pour 
remplacer  celui-là. 

C'est  samedi  prochain  que  Liszt  doit  donner  son  sixième  concert,^ 
après  lequel,  s'il  n'est  de  nouveau  retenu,  il  partira  pour  Séville, 
Valence,  Cadix  et  Lisbonne;  il  donnera  plusieurs  concerts  dans  ces 
villes  où  il  est  attendu  avec  impatience;  tout  fait  présager  qu'îf  ne 
sera  pas  de  retour  en  France  avant  la  fin  du  mois  de  décembre.  Si,  ce 
qui  ne  parait  pas  douieux,  le  succès  du  prince  des  pianistes  est  le 
même  dans  toutes  les  villes  que  nous  venons  de  citer,  il  aura  accom- 
pli la  plus  brillante  tournée  artistique  qui  ait  jamais  été  entreprise 
au-delà  des  Pyrénées. 


nOTTTSZaLiSS. 

V  Aujourd'hui  dimanche  par  extraordinaire  à  l'Opéra  ,  Dom  Sé- 
baslien  de  Portugal.  —  Demain  lundi  le  Comle  Orij  et  la  Tarentule. 

*,*  M""^  Mondutaigny  a  fait  son  second  début  dans  la  Juive,  par 
le  beau  rôle  de  ttachel.  Plus  sûre  d'elle-même,  elle  a  mieux  chanté, 
mieux  joué  que  dans  liobert-le-Diabl' ,  bien  que  sa  voix  ait  encore 
laisséà  désirer  plus  de  puissance,  d'égalilé  et  son  jeu  plus  de  tenue; 
Duprez  s'est  montré  admirable  dans  le  rôle  d'Eléazar  :  on  l'a  rappelé 
après  rair  du  quatrième  acte.  Le  surlendemain  il  a  chanté  dans 
Guillaume  Tell  avec  le  même  latent  et  le  même  effet. 

*,'  Les  cinq  actes  de  Marie  Stuart  ont  été  lus  par  l'orchestre.  On 
tinnonce  que  l'ouvrage  pourra  être  donné  le  G  du  mois  prochain. 

',"  La  question  traitée  par  plusieurs  journaux,  à  l'occasion  des 
douze  représentations  qu'une  troupe  anglaise  doit  venir  dmmer  sur 
le  Théâtre-Italien ,  est  tout  simplement  une  interprétation  de  cahier 
des  charges.  Elle  a  déjà  été  résolue  par  la  commission  des  théâtres 
royaux,  lors  de  l'exécution  du  Siabat,  et  l'on  a  reconnu  que  le  direc- 
teur du  théâtre-Italien  n'avait  pas  le  droit  d'ouvrir  son  théâtre, 
pour  une  exhibition  quelconque,  les  jours  réservés  à  l'Opéra. 

V  11  y  apiocès  entre  le  dirccleui  4iiïliéàlEe-Ilali«u.eLi!il.Ci>R'iiadiji. 
Kreutzer,  à  propos  de  la  mise  en  scène  d'une  Nuit  à  Grenade.  Le 
compositeur  se  plaint  de  ce  qu'au  lieu  d'avoir  fait  exécuter  son  ou- 
vrage en  1843  par  MM.  .Mario,  Ronconi  et  M"' Nissen,  on  veut  le 
faire  chanter  en  IS44  par  MM.Corelli  ,  Morelli  et  M'"'  Manara,  et  il 
demande  MM.  Mario,  Fornasari  et  M""»  Persiani.  L'affaire  a  été  ren- 
voyée au  grand  rôle  du  tribunal  de  commerce. 

',"  C'est  aujourd'hui  que  se  fait  la  séance  annuelle  du  Conserva- 
toire royal  de  musique,  sous  la  présidence  de  M.  de  Kératry.  Dans  le 
concert  qui  suivra  la  distribution  des  prix  ,  on  entendra  une  ouver- 
ture nouvelle  de  M.  François  Bazin. 

V  Marseille  est  depuis  quelques  semaines  le  rendez-vous  des 
artistes  les  plus  distingués;  Liszt  y  était  le  mois  dernier,  et  l'on  se 
souvient  encore  des  succès  qu'il  y  a  obtenus.  Louis  Lacombe  et  le 
ténor  Poultier  y  ont  donné  plusieurs  concerts  où  le  talent  de  l'habile 
pianiste  et  le  chant  si  pur  de  V ex-tonnelier  de  Rouen  ont  été  parfai- 
tement appréciés.  Aujourd'hui  même  arrive  à  Marseille  le  célèbre 
violoncelliste  Offenbach.  Mais  ce  qui  captive  surlout  en  ce  moment 
l'attention  des  dilettanti ,  c'est  l'arrivée  de  M"»  Caiinka  Heinefetter, 
la  belle  prima  doua  de  l'Académie  royale  de  musique.  M"'  Heinefetter 
a  obtenu  dimanche  dernier  dans  lu  Juive  un  de  ces  succès  qui  font 
époque.  Poultier  remplissait  le  rôle  d'Eléazar.  Ces  deux  artistes  ont 
été  rappelés.  Au  2'  acte  la  romance  //  va  venir,  chantée  par  M"=  Hei- 
nefetter, a  été  couverte  d'applaudissements  enthousiastes  ;  jamais  au- 
cune cantatrice  n'avait  produit  à  Marseille  un  aussi  grand  elTet. 
Poultier  a  partagé  avec  elle  le  beau  succès  de  cette  soirée-. 

*/  M"'  Masson  et  M.  Lespinasse  donnent  alternativement  des 
représenta  tions  au  Grand-Théâtre  de  Bordeaux  ,  et  le  public  accourt 
en  foule  à  leur  appel,  ce  qui  ne  doit  surprendre  personne.  M""-Wide- 
mann  ,  dont  le  départ  nous  avait  laissé  tant  de  regrets  ,  vient  d'être 
rengagée.  Aussi  l'on  s'attend  à  revoir  bientôt  l'opéra  de  Charles  P^I. 


DE  PARIS. 


'^87 


*."  Le  grand  concert,  que  M.  Georges  Kastner  devait  donner  le 
24  novembre  ,  dans  la  salle  du  Conservatoire  ,  est  remis  au  dimanche 
1"  décembre.  La  représentation,  qui  aura  lieu  le  lundi  25  du  cou- 
rant au  cliâteau  de  Saint-Clouii ,  a  rendu  ce  retard  obligatoire  ,  puis- 
que le  matériel  de  la  salle  des  menus-plaisirs  doit  en  être  enlevé 
deux  jours  auparavant.  Du  reste  le  programme  du  concert  n'a  pas 
subi  de  modiflcalion.  Le  dernier  mi  de  Juda ,  opéra  biblique,  est 
toujours  l'ouvrage  qu'im  orchestre  choisi  et  dirigé  par  M.  Habeneck 
exécutera  dans  cette  séance.  On  parlé  déjà  du  grand  effet  que 
Mm"  Uorus-Gras,  Hortcnse.  ajaillard,  Mondulaigny,  et  iïIM.  Roger, 
Massol,  Hermaiin-Léon  ont  produit  dans  quelques  répétitions  par- 
tielles. T'.jr 

*,*  C'est  le  S  décembre  que  M.  Félicien  David  donnera  un  concert 
instrumental  et  vocal  dans  la  salle  du  garde-meuble  de  la  couronne 
au  Conservatoire.  L'orchestre,  conduit  par  M.  Tilmant,  exécutera 
une  sijmphonie  orientale,  d'une  conception  singulièrement  pittoresque. 
Le  compositeur  y  a  encadré,  dit-on  ,  des  mélodies  arabes.  MM.  Her- 
mann-Léon,  Dupond  et  Béfort  chanteront  différents  morceaux  dans 
la  seconde  partie  du  concert.  Ce  programme  est  de  nature  à  exciter 
un  vif  intérêt. 

V  M.  Dreyschocii  est  en  ce  moment  à  Prague,  où  il  termine  plu- 
sieurs compositions  nouvelles.  Il  n'ira  pas  cet  hiver  à  Vienne  ,  ainsi 
que  l'ont  annoncé  plusieurs  journaux;  il  compte  passer  cette  saison 
en  Hollande. 

*,*  M.  Frederich  Stroeken  est  de  retour  à  Paris. 

*,*  M.  Adolphe  Sax  est  de  retour  de  son  voyage  à  Londres.  Ses 
instruments,  qu'il  y -a  Importés,  ont  obtenu  le  plus  grand  succès; 
aussi  chaque  soir  voit-on  un  puWic  d'élite  se  rendre  au  concert  de 
Gallery-.\delaïde  pour  les  entendre.  Avant  son  départ,  M.  Sax  a  été 
appelé  à  Windsor  pour  y  faire  entendre  également  ses  nouveaux  in- 
struments. S.  A.  R.  le  prince  Albert ,  qui  est  avantageusement  connu 
comme  compositeur,  après  l'avoir  vivement  félicité  sur  son  double 
talent  de  facteur  et  d'instrumentiste,  lui  a  fait  de  nombreuses  com- 
mandes. 

*,*  Si  l'on  avait  besoin  d'une  nouvelle  preuve  de  l'ignorance  pro- 
fonde des  journalistes  d'autrefois  en  matière  de  musique ,  on  la 
trouverait  dans  ce  passage  emprunté  à  l'un  des  feuilletons  de  Geof- 
froy, le  prince  des  critiques  d'alors.  «  Il  y  a  longtemps  que  Jcan- 
»  Jacques  Rousseau  s'est  élevé  contre  les  cris  aigus  dont  retentissait 
»  l'ancien  Opéra  ;  ils  ne  sont  pas  tout-à-fait  bannis  de  notre  Théâtre 
»  actuel  des  Arts.  On  ne  crie  pas  beaucoup  à  Feydcau ,  et  ce  n'est  pas 
»  uniquement  par  goût,  c'est  aussi  par  impuissance,  car  il  n'y  a  pas 
»  une  voix  à  ce  théâtre;  celles  d'Elleviou  et  Martin  sonl plus  agréables 
»  qu'étendues  et  fortes.  Nos  anciens  acteurs  avaient  de  quoi  crier;  leur 
»  organe  était  admirable,  et  ils  se  plaisaient  trop  aie  développer;  sou- 
»  vent  ils  en  abusaient.  Mais  l'abus  est  interdit  aux  chanteurs  actuels 
»  de  l'Opéra-Comique;  ils  sont  réduits  par  la  faiblesse  de  leurs 
»  moyens,  autant  que  par  les  principes  de  l'art,  à  chanter  propre- 
»  ment ,  à  flûter  méthodiquement  des  sons  bien  maigres.  Sans  parler  ici 
»  des  superbes  voix  des  Chassé  ,  des  Lemaure ,  des  Jéliotle,  des  Fel , 


»  des  Legros,  etc.,  etc.,  etc.,  il  est  certain  que  la  Comédie  italienne, 
»  rue  Mauconseil,  possédait  des  voix  plus  belles,  plus  fortes,  mieux 
»  nourries,  plus  propres  à  la  scène  que  celles  que  nous  offre  aujourd'hui 
»  l' Opéra-Comique  national.  L'art,  le  goût,  la  méthode,  semblent  à 
»  présent  ne  servir  qu'à  pallier  les  défauts  d'un  organe  usé  et  à  mé- 
»  nager  la  poitrine  délabrée  de  nos  virtuoses  des  deux  sexes  ;  nos 
»  mœurs  semblent  devoir  augmenter  de  plus  en  plus  la  rareté  et  la 
»  faiblesse  des  voix.  »  Il  y  a  autant  d'absurdités  que  de  paroles  dans 
tout  ce  paragraphe  :  nous  n'en  relèverons  qu'une  seule.  La  voix  de 
Martin,  dit  le  criticfue,  est  plus  agréable  qu'étendue.  Or.'la  voix  de 
Martin  embrassait  l'éclicllo  entière  de  la  voix  humaine  depuis  la 
basse-taille  jusqu'au  soprano. 

*.*  Londres,  12  novembre.  —  C'est  hier  lundi  qu'a  eu  lieu  au  théâ- 
tre de  Drury-Lane  la  centième  représentation  de  The  Bohemian  Girl, 
opéra  de  Balte.  Un  tel  événement  est  mémorable  dans  les  fastes  du 
théâtre  anglais.  L'auteur  a  dû  conduire  l'orchestre  lui-même,  ainsi 
qu'il  l'a  fait  aux  trois  premières  représenlalions.  Quelques  jours 
après,  un  magnifique  service  en  argenterie  lui  a  été  offert  par  une 
réunion  de  personnes  à  la  tête  desquelles  figurent  le  duc  de  Devons- 
hire,  le  comte  deWestmoreland,  la  marquise  de  Coningham,  etc^ 

*,"  Dresde ,  i  novembre. —  Il  vient  d'être  ouvert  ici  une  souscrip- 
tion pour  ériger  sur  une  des  places  publiques  de  notre  capitale  i^m 
monument  à  Charles-Marie' de  Weber.  La  composition  de  ce  monu- 
ment sera  soumise  au  concours.  Parmi  les  personnes  ,  qui  ont  déjà 
souscrit,  se  trouvent  MM.  Meyerbeer,  Mendeissohn-Bartholdy,  Fré- 
déric Schneider,  le  baron  de  PoissI ,  Jules  Bénédict ,  etc. 

V  Saint-Pétersbourg ,  21  octobre. — ^Le  Théâtre  italien  a  fait  hier 
sa  réouverture  par  TAicia  de  Lammermoor.  M""  Castellan-Gianpetro, 
qui  débutait  à  côté  de  Rubini  et  de  Tamburini ,  a  partagé  avec  eux 
les  bravos  et  les  rappels.  On  prépare  la  Sonnanbula  pour  M"«  Viar- 
dot-Garcia. 

V  Copenhague  ?8  octobre.  —  Le  roi  Christian  VIII  vient  de  ren- 
dre deux  ordonnances  pour  encourager  l'étude  de  la  musique.  La 
première  de  ces  ordonnances  est  relative  à  la  création  d'un  Conser- 
vatoire royal  de  musique  à  Copenhague  pour  cinquante  élèves,  dont 
trente  hommes  et  vingt  femmes ,  et  qui  sera  spécialement  destiné  à 
former  des  sujets  pour  le  théâlre  national  et  royal  de  notre  capitale. 
Cet  établissement,  placé  sous  la  direction  de  M.  Glaeser,  maître  de 
chapelle  ,  sera  mis  en  activité  à  partir  du  1"  mars  prochain.  L'autre 
ordonnance  prescrit  que  le  chant  sera  enseigné  dans  toutes  les  écoles 
des  villes ,  et  aussi ,  autant  qu'il  sera  possible ,  dans  celles  des  vil- 
lages. Nous  aurons  cette  année  un  opéra  italien  au  théâtre  de  la 
cour  du  palais  de  Christiansborg,  à  Copenhague.  Le  roi  l'a  fait 
mettre  gratuitement  à  la  disposition  de  la  troupe  italienne  que  la 
municipalité  a  engagée.  C'est  au  7  novembre  qu'a  été  fixée  la  pre- 
mière représentation.  » 

'  Le  Directeur,  liédacteur  en  chef,  Maurice  SCHLESINGER. 


Publications  de  MAURICE  SCHLESINGER,  99,  rue  Richelieu. 
KALKBREIVIVER  et  PANOFKA.  Quatre  grands  duos  brillants. 

N.  1.  Sur  la  Reine  de  Chypre.  .  N.  3.  Sur  la  Juive. 

N.  2.  Sur  la  Favorite.  1     '        N.  4.  Sur  Charles  TI. 

Chaque  :  10  fr. 

THALBERG  et  BÊRIOT.  Grand  duo  sur  les  Huguenots 

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ST.  HELLER  et  ERNST.  douze  pensées  fugitives. 


N.  1.  Passé. 
2.  Sonvenlr. 
.3.  Romance. 
4.  I>ied 


10 

10 

10 

9 

9 


5.  Agitato. 

6.  Adicn. 

7.  Rêverie. 

8.  Caprice. 

Ces  morceaux ,  qui  produisent  un  si  grand  effet  dans  les  salons  par  leurs  chants  suaves  et  mélodieux ,  sont  arrangés  aussi  pour  Piano 
cl  Violoncelle,  par  MM.  Heller  et  Lee  ,  et  pour  Piano  seul ,  par  M.  Stephen  Heller. 


N.    9.  Inquiétude; 

10.  Prière  pendant  l'orage. 

11.  Intermezzo. 

12.  Presto  capricloso. 


386 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


En  vente  chez  MAIRICE  SCHLESmGER ,  97,  rue  Richelieu. 
CHARLES  CZERNY.  L'ART  DE  DÉLIER  LES  DOIGTS, 


50  ETUDES  POUR  LE  PIANO. 


Études  contenues  dans  le  l"  livre. 

Mouvement  des  doigts  en  tenant  la  main  tranquille. 

Pour  passer  le  pouce. 

Volubilité  des  doigis. 

Mouvement  léger  des  doigts;  smccaio  tranquille. 

Égalité  dans  les  gammes  en  tierces. 

Accords  brisés. 

Changement  de  doigis  sur  la  même  touche. 

Agilité  de  la  main  gauche. 

Sautillant  avec  délicatesse  bien  délaché. 

Esercices  en  tierces. 

Agilité  dans  le  changement  des  doigis. 

Exercices  de  la  main  gauche. 

Exercices  pour  acquérir  l'agilité. 

Passages  en  accords. 

Ecartement  pour  donner  de  la  force  aux  doigis. 

Changement  des  doigts  dans  les  mouvements  rapides. 

Gammes  mineures  en  grande  vitesse. 

Pour  croiser  les  mains. 

Ecartement  en  tenant  la  main  tranquille. 

Octaves  doubles. 

Mouvement  égal  des  deux  mains. 

Exercice  du  trille. 

légèreté  de  la  main. 

Exercices  du  pouce  sur  les  touches  noires  sans  remuer  1 

Netteté  et  précision. 


Études  contenues  dans  le  S**  Xiivre, 

26.  La  plus  grande  vitesse  dans  les  passages  des  accords. 

27.  Indépendance  des  doigis. 

28.  Pourlcnirlamaintranquillependantunegrandeagilitédesdoigts 

29.  Etude  du  mordant. 

30.  Pour  acquérir  de  la  force  sur  le  clavier. 

31.  Etude  pour  passer  le  pouce. 
3?.  Egalité  en  levant  les  doigis. 

33.  Légèreté  de  la  main  en  jouant  des  octaves. 

34.  Trilles  en  lierces. 

35.  Changement  des  doigis  sur  la  même  touche. 
3G.  légèreté  dans  les  bras  avec  les  doigts  agiles. 
.37.  Neltelé  et  puissance. 

38.  Egaillé  des  deux  mains  en  les  levant. 

39.  Exercices  en  tierce. 

40.  Siaccaio  dans  les  accords. 

41.  .Agilité  de  la  main  gauche.  v 

42.  Exercice  du  mordant  double. 

43.  Agilité  en  passant  le  pouce. 

44.  La  plus  grande  légèreté  ,  agilité  des  doigis. 

45.  La  mélodie  tenue  avec  les  accords  brisés. 

46.  firavoura  dans  le  jeu  et  dans  le  mouvement. 

47.  Accords  brisés  avec  délicatesse  et  netteté. 

48.  Etude  du  trille. 

49.  OclA\e  di  bravura. 

50.  Elude  di  bravura.  '' 


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pas  un  succès  moins  populaire  que  l'ART  DE  LA  VËE.OCITÉ  du  même  auteur. 


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Le  Chirogymnasle  est  un  assemblage  de  nenrappa- 
reilegymnastiquos  destinés  à  donner  de  re.Tlension  à 
lamainetdcrécar!  aux  doigts  à  augmenter  cl  à  egalt- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quatrième  et  lecinquième 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnaste 
a  été  aussi  approuvé  et  adopté  parilH.  Adam, Bertini, 
ae  Bcn'ol,  Cramer,  Herz,  KalUbreuner,  Listz,  Moschelèt 
Pnxaent,  Sinon,  Thalberg,  Tulou,  Zimmermann,  etc. 

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(années  1827-1835)  publiée  par 

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à  servir  de  copie  pour  cette  nouvelleédilion  ;  3°  un  style  plus  châtié 
en  beaucoup  d'endroits  ;  4°  des  corrections  de  dates  et  des  rectifica- 
tions de  faits;  5°  des  renvois  à  tous  les  articles  relatifs  à  un  même 
sujet;  C"  une  table  générale  analytique  et  très  étendue  des  matières, 
suivie  d'une  table  complète  des  noms. 
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!  chacun,  dont  se  composera  cette  édition  de  la  Revue  musicale,  se- 
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I  volumes.  3'  Après  la  publication  du  premier  volume  la  souscription 
sera  fermée,  attendu  que  le  tirage  sera  égal  au  nombre  de  souscrip- 
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GAZETTE  MUSICALE 

Bédigée  par  5I.M.  A>iDEUS  ,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  HEPiril  BLAN'CHAUD,  MiUuiCE  BOURGES,  F.  DANJOU,  DLESBERG,  FÉTIS  pélc,  Édombd  FÉTIS, 
Stepucn  HELLER,   J.  JAMS,    g.  KASTNER,  LISZT,  J.  MEIFRED,  GEOBOE  SAiND,  L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH.  A.  SPECHT,  etc. 


IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  UN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 


SOMMAIRE.  Considérations  sur  l'étude  du  contre-point  dans  ses 
rapports  avec  la  musique  actuelle  ;  par  FÉTIS  père.  —  Conserva- 
toire royal  de  musique  et  de  déclamation  :  Dislribution  des  prix. 
—  Feuilleton.  —  Nouvelles. —  Annonces. 

Jurons,  jurons  EœBîioi-t  «le î'istfàjMc  «yran.  Dessin  de Gavarni. 


DANS  SES  RAPPORTS  AVEC  LA  MUSIQUE  ACTUELLE. 

Une  phrase  écrite  par  IM.  Zimmernian  dans  la  France  mu- 
sicale (n.  Zh,  page  258),  soulève  une  question  qui  acquiert 
de  l'importance  par  le  nom  du  professeur  dont  elle  énonce 
l'opinion.  Parlant  de  l'introduction  assez  récente  de  certaines 
combinaisons  harmoniques  dans  les  formes  anciennes  du 
contre-point,  M.  Zimmerman  les  considère  comme  un  progrès. 
Mon  but,  dans  cet  article,  est  de  démontrer  que  le  progrès , 
appliqué  au  contre-point ,  ne  va  pas  à  moins  qu'à  l'anéantis- 
sement de  sa  doctrine  ;  et  par  occasion,  je  me  propose  de  faire 
voir  aussi  qu'anéantir  le  contre-point  ancien,  c'est  méconnaî- 


tre l'universalité  des  formes  de  l'art,  renfermer  celui-ci  dans 
des  formules  d'époque  ,  en  un  mot,  le  dégrader. 

J'ai  assez  démontré  dans  mes  écrits  de  tous  lés  temps,  et 
particulièrement  dans  les  derniers,  que  le  contre-point,  c'est- 
à-dire  le  système  do  composition  qui  fut  en  usage  jusqu'à  la 
fin  du  xvr  siècle ,  avait  pour  base  l'ancienne  tonalité  du  plain- 
chant,  et  que  celle-ci  ne  produit  qu'une  harmonie  conson- 
nante,  avec  des  prolongations  qui  retardent  les  intervalles 
consonnants  par  des  di.ssonnances  artificielles.  De  ces  faiis  dont 
l'évidence  est  inattaquable,  j'ai  tiré  l'explication  de  l'absence 
des  harmonies  de  septième  avec  quinte,  de  quinte  et  sixte,  de 
tierce,  quarte  et  sixte  ,  et  de  seconde,  quarte  et  sixte,  dans 
toutes  les  compositions  qui  ont  eu  pour  base  le  contre-point 
simple. 

J'ai  démontré  aussi,  non  seulement  dans  mon  Traité  du 
contre-point  et  de  la  fugue,  mais  en  plusieurs  autres  endroits, 
que  toutes  les  compositions  jusqu'à  la  fin  du  xvi"  siècle  ont  été 
les  produits  conséquents  de  cette  constitution  tonale  et  har- 
monique dont  la  naïveté,  le  calme  et  le  caractère  religieux 


Portefeuille  de  deux  Cantalrices  ^^K 


ESTHER  SAUNIER  A  CLOTILDE  B* 


Sa  juin. 


Ahl  chère  amie,  quel  événement  î  quel  malheur!  votre  lettre 
a  été  comme  l'éclair  qui  précède  la  foudre,  mais  elle  Ta  précédée 
de  si  peu  qu'il  n'y  avait  pins  moyen  de  s'y  soustraire.  J'avais 
promis,  j'étais  engagée,  et  puis  je  dois  le  dire,  malgré  vos  avis, 
je  ne  voyais  pas  le  danger...  Que  vous  aviez  raison  pourtant,  et 
quelle  folie  à  moi  de  me  fier  à  des  gens  contre  lesquels  vous  me 
recommandiez  de  me  tenir  en  garde  !  Comme  j'en  suis  punie  !  et 
qui  sait  où  s'arrêtera  le  châiimenl?  A  l'heure  où  je  vous  écris, 
j'ai  encore  à  peine  la  force  de  tenir  ma  pluma,  tant  je  suis  bri- 
sée ,  désolée  ,  anéantie  de  corps  et  d'esprit  ! 

Vous  savez  bien  cette  baronne  de  Cliambord  ,  dont  je  vous 
parlais,  comme  d'une  femme  charmante,  qui ,  dès  son  arrivée 
à  Bordeaux,  m'avait  recherchée,  comblée  d'amiiiés,  de  préve- 
nances... Ah  1  l'horrible  femme  !...  Elle  me  pressait  toujours  de 
venir  chez  elle  passer  les  soirées ,  où  je  ne  jouais  pas ,  et,  'en  at- 


(1)  Voiries  numéros  40, 41,  42,  43,  44,  45  et  46. 


tendant ,  elle  venait  chez  moi  :  nous  causions  très  gaiement , 
nous  faisions  de  la  musique  ;  nous  élions  toujours  seules.  Entre 
onze  heures  et  minuit,  un  domestique  venait  la  prendre  et  la 
reconduire  en  voiture.  Était-ce  bien  un  domestique?...  à  présent 
je  doute  de  tout. 

Enfin  ,  il  y  a  quatre  jours ,  elle  me  prévint  que  le  lendemain 
on  prendrait  le  thé  chez  elle ,  et  qu'elle  comptait  sur  moi.  Je 
refusai  d'abord  ,  faiblement ,  je  l'avoue  :  un  mot  vainquit  ma  ré- 
sistance. La  haiomie  me  dit  qu'elle  m'enverrait  chercher,  qu'elle 
m'avait  annoncée  à  des  amis  qui  seraient  enchantés  de  me  voir 
de  près ,  de  m'entendre  même ,  si  j'étais  assez  complaisante  pour 
chanter,  et  que  par  la  suite  je  me  trouverais  bien  d'avoir  fait 
leur  connaissance.  Elle  avait  un  air  si  naturel,  si  simple,  en 
disant  tout  cela ,  que  je  m'en  serais  voulu  à  moi-même  de  con- 
cevoir le  moindre  soupçon. 

Sazerac  n'étant  pas  à  Bordeaux,  je  n'avais  vu  personne  de 
toute  la  matinée.  Il  faisait  une  chaleur  accablante.  Vers  neuf 
heures  du  soir,  j'éiais  à  la  fenêtre,  lorsque  je  vis  une  voiture 
s'arrêler  à  ma  porte,  lin  prétendu  domestique  en  descendit  et 
me  fit  avertir  que  madame  la  baronne  m'attendait.  Je  partis, 
sans  emmener  ma  femme  de  chambre,  qui  souffrait  d'une  vio- 
lente migraine,  et  que  j'engageai  à  prendre  un  peu  de  repos, 
tout  en  attendant  mon  retour.  La  roule  ne  fut  pas  longue  :  à  mon 
entrée  dans  le  salon ,  la  baronne  s'élança  au  devant  de  moi ,  et 
m'enlourant  de  ses  deux  bras  :  —  Enfin,  nous  la  tenons,  s'écria- 


IM^- 


BUZLXAUX   D'ABONMEMEKrT,    HUE  RZCHXZ.IXU,   97. 


388 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sont  inséparables,  et  qui  ne  laisse  pas  supposer  la  possiMité 
d'existence  de  l'accent  expressif  ni  de  la  modulation.  J'ai  donné 
enfin  à  cette  doctrice  nii  caractère  d'incontestable  vérité  par 
de  nombreux  exemples  dans  mes  concerts  historiques. 

D'autre  part,  j'ai  fait  voir  dans  mon  Traité  du  contre-point 
et  de  ta  fugue,  ainsi  qu'en  plttsietirs  autres  endroits,  que 
l'introduction  de  l'accord  dissonant  naturel  de  septième  do- 
minante dans  la  musique  a  changé  la  tonalité  par  l'attraction 
de  ses  élémcisls  harmoniques  qui,  fixant  invariablement  la 
place  des  demi-tons  dans  la  gamme ,  ont  fait  disparaître  l'an- 
tique conception  d'une  gamme  prise  à  ses  différents  degrés 
comme  formule  de  différents  modes  pour  lui  substituer  un 
modèle  uniforme,  quelle  que  soit  la  note  tonique.  J'ai  démontré 
en  outre  que  les  conséquences  inévitables  de  ce  nouveau  sys- 
tème de  tonalité  fondé  par  l'harmonie  dissonante  naturelle , 
ont  été  la  création  de  l'élément  de  transition  ou  de  modulation, 
celle  de  l'accent  expressif  ou  dramatique,  qui  ont  donné  nais- 
sance immédiatement  aux  formes  mélodiques  et  harmoniques 
de  l'opéra,  de  la  cantate  ,  ont  créé  la  phrase  rhythmique,  la 
cadence,  et  substitué  l'air  et  le  récitatif  accompagné  à  la  mu- 
sique vocale  d'ensemble;  mais  en  même  temps,  d'autres  con- 
séquences de  ce  changement  dans  la  base  de  l'art  se  sont 
manifestées,  savoir,  l'affaiblissement  du  caractère  naïf  et  calme, 
et  l'anéantissement  progressif  du  caractère  religieux ,  devenu 
évident  dès  le  xvir  siècle ,  et  parvenu  h  ses  dernières  Hmites 
dans  la  musique  d'église  de  nos  jours,  qui  n'est  pas  autre  chose 
que  le  drame  dans  le  temple. 

Or,  ce  que  le  changement  de  tonalité  a  fait  dans  la  partie 
poétique  de  l'art,  il  l'a  fait  aussi  dans  les  formes  scientifiques, 
en  les  transformant;  car  les  dissonances  naturellesétant  deve- 
nues constitutives  de  la  tonalité,  la  règle  qui  prescrivait  l'uni- 
que emploi  des  consonnances  comme  notes  réelles  dans  le 
contre-point ,  n'a  pu  être  conservée,  puisque  les  dissonances 
naturelles  sont  aussi  essentielles  à  la  tonalité  que  les  conson- 
nances. Les  premiers  musiciens  qui  en  firent  usage  dans  le 
contre  -point  double  ,  vers  le  milieu  du  xvii"  siècle  ,  n'ayant 
pu  se  rendre  compte  de  la  nature  de  ces  intervalles,  ne  les 
employèrent  d'abord  qu'en  les  préparant;  mais  plus  tard  on 


devint  plus  hardi,  par  se.niiment  plutôt  que  par  conviction ^ 
surtout  dans  l'école  allemande,  et  l'on  admit  sans  préparatk)» 
ces  mêmes  dissonances  dans  le  contre-point  dMble  et  clans  la 
fugue,  qui  en  est  le.  proiJuit. 

Cependant  une  confusion  singulière  a'était  iatroduileàans 
les  idées  des  compositecus et  des  théoriciens.  La  fugue  tonale, 
dont  la  conception  repose  sur  la  modulation ,  ne  pouvait  se 
soustraire  à  l'admission  des  accords  dissonants  naturels;  mais 
on  avait  conservé  dans  les  écoles  l'ancien  contre- point  simple, 
comme  le  meilleur  exercice  qu'on  pût  faire  dans  l'art  d'écrire. 
D'une  part,  donc,  les  dissonances  sans  préparation  étaient 
repoussées:  de  l'autre,  elles  étaient  admises;  mais  personne 
ne  savait  quelle  était  la  cause  de  celte  contradiction.  Ouvrez 
tous  les  traités  de  composition ,  même  les  plus  modernes  , 
comme  ceux  du  P.  Martini,  de  Marpurg,  d'Albrechtsberger, 
de  Mattei,  et  même  de  Cherubini;  vous  ne  trouverez  pas  un 
mot  snr  cette  importante  question:  mais  si  vous  examinez 
d'une  part  des  compositions  en  contre-point  simple,  et  de 
l'autre  des  fugues  des  meilleurs  auteurs,  vous  verrez  les  deux 
systèmes  de  tonalité  parfaitement  caractérisés  par  les  diffé- 
rences que  je  viens  de  signaler.  Dans  le  fait ,  il  est  impossible 
qu'il  en  soit  autrement;  mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'au- 
cun maître  n'a  connu  la  cause  de  cette  contradiction ,  et  que 
le  moment  où  leurs  élèves  passaient  du  contre-point  simple  au 
contre-point  double  et  à  la  fugue,  a  toujours  été  pour  ceux-ci 
un  temps  d'incertitude ,  d'ennui  et  de  découragement ,  jus- 
qu'à ce  que  j'aie  enfin  exposé  ,  dans  mon  Traité  du  contre- 
jwint  et  de  la  fugue  ,  le  secret  des  tonalités  sous  le  rapport 
harmonique. 

On  voit  par  là  que  Cherubini  s'est  trompé  dans  son  rap- 
port à  l'Académie  des  beaux-arts  de  l'Institut  sur  cet  ouvrage, 
lorsqu'il  a  considéré  comme  un  de  ses  avantages  l'usage  que , 
suivant  lui ,  j'aurais  fait  de  la  tonalité  moderne ,  tandis  que 
les  livres  plus  anciens  sur  les  mêmes  sujets  sont  traités  dans 
la  tonalité  'du  plain-chanf.  Toute  la  première  partie  de  mon 
livre ,  ayant  pour  objet  les  compositions  basées  sur  le  contre- 
point simple,  n'a  de  rapport  qu'avec  la  tonalité  ancienne, 
tandis  que  la  deuxième  partie,  relative  au  contre-point  double 


t-elle.  Savez-vous,  ma  belle,  que  je  craignais  toujours?..  Vous 
êtes  si  sauvage,  et  puis,  il  faut  en  convenir,  les  artistes  célèbres 
ont  le  droit  de  se  faire  prier.  Asseyez-vous  donc,  que  je  vous 
présente  ces  messieurs  cl  ces  dnmes ,  qui  tous  ont  le  bonheur 
de  vous  connaître,  mais  qui  désirent  aussi  être  connus  de  vous. 

Alors  la  baronne  prit  par  la  main,  l'un  aprùs  l'autre,  les 
hommes,  pour  la  plupart  très  jeunes,  qui  s'étaient  groupés  de- 
vant moi,  et  parmi  lesquels  je  reconnus  plusieurs  figures  d'a- 
bonnés. Elle  [.rononçaii  leurs  noms  si  vite  que  je  les  entendais  à 
peine  ;  elle  n'insista  que  sur  deux  personnages,  d'un  âge  plus 
mûr,  dont  l'un  portait  une  brochette  de  croix,  et  qui  était,  dit- 
elle,  un  diplomate  et  un  guerrier  faracux  dans  les  deux  mondes, 
envoyé  du  Mexique  en  France;  l'autre,  dont  les  yeux  couverts 
d'épais  sourcils  grisonnants  s'abritaient  derrière  d'énormes  lu- 
nettes d'or,  avait  fait  quatre  fois  le  tour  du  globe  et  pouvait  le 
disputer  en  science  à  M.  de  Ilumboldt,  La  présentation  des 
hommes  terminée,  la  baronne  les  pria  de  s'éloigner  un  peu  pour 
laisser  place  aux  dames.  En  effet  j'en  aperçus  deux  ,  assises  vis- 
à-vis  de  moi  sur  une  causeuse.  Au  moment  oii  la  baronne  me 
les  nomma ,  elles  se  levèrent  à  moitié  et  me  saluèrent  de  la  main 
.  et  de  la  tête.  Je  ne  me  souviens  plus  des  noms  que  leur  donna 
la  baronne,  mais  je  sais  bien  qu'il  y  avait  dans  leur  physionomie 
comme  dans  leur  mise  quelque  chose  d'aventureux,  d'effronté, 
qai  me  frappa  sur-le-champ,  mais  que  le  souvenir  me  retrace 
bien  plus  nettement  encore. 

Quoi  qu'il  en  soii,  je  n'avais  aucune  raison  pour  me  croire  en 
lieu  suspect.  Après  une  demi-heure  de  ces  conversations  insi- 


gnifiantes ,  qui  ne  sont  ni  générales ,  ni  particulières ,  la  baronne 
se  mit  au  piano  et  chanta  un  air  espagnol,  pour  faire  sa  cour, 
dit-elle,  à  l'envoyé  du  l\!exique.  Elle  me  demanda  ensuite  si  je 
serais  assez  bonne  pour  exaucer  le  vœu  de  tous  et  chanter  aussi 
quelque  chose.  Je  répondis  que,  pour  ne  pas  sortir  du  Mexique , 
je  dirais  ya\T  cVÂmazili,  dans  Feniand  Cortez.  Ma  réponse  fut 
couverte  d'applaudissements  enthousiastes,  et  i!  en  fui  de  même 
de  mon  air.  Je  chantai  encore  avec  la  baronne  un  charmant  petit 
duo  de  Cimarosa  :  Se  vedele  una  ragazza,  et  puis  seule  les  va- 
riations des  Voilures  versées.  Peu  ù  peu  le  ton  de  la  société  s'a- 
nimait, ce  qui  ne  me  paraissait  nullement  extraordinaire,  car 
c'est  ce  qui  arrive  partout,  à  mesure  que  les  soirées  avancent. 
Je  trouvais  encore  tout  simple  que  les  yeux  se  portassent  sou- 
vent sur  moi ,  que  l'on  chuchotât  en  me  regardant ,  car  cela  est 
d'usage  avec  tous  les  artistes  qui  se  produisent  quelque  part,  et 
que  l'on  traite  toujours  plus  ou  moins  en  bêles  curieuses.  Minuit 
allait  sonner  :  la  baronne  se  leva  lout-à-coup  et  dit  d'une  voix 
très  haute  : 

—  Voici  le  moment!...  Passons  de  l'autre  côté....  Messieurs, 
la  main  aux  dames. 

J'étais  assise  à  côté  d'elle,  en  face  d'une  porte  qui  s'ouvrit  à 
deux  battants,  et  par  laquelle  toute  la  société  disparut  en  quelques 
secondes.  Je  m'étais  levée,  comme  la  baronne,  dont  le  savant 
voyageur  vint  prendre  la  main.  Je  vis  deux  autres  hommes  offrir 
leur  bras  aux  deux  dames,  qui  étaient  allées  se  mettre  à  la  fenê- 
tre ,  et  dont  j'avais  remarqué  les  éclats  de  rire  étouffés.  J'étais  là 
debout ,  attendant  un  cavalier  et  n'ayant  pas  encore  eu  le  temps 


DE  PARIS. 


et  à  la  fugue,  est  établie  sur  la  tonalité  moderne.  J'ai  marqué 
clairement  la  transition  d'un  de  ces  systèmes  à  l'autre  dans 
l'introduction  du  sixième  livre  de  mon  ouvrage,  Peut-être  la 
crainte  d'être  entraîné  dans  de  trop  longs  développemeuls 
a-t-elle  déterminé  Ciierubini  à  passer  sous  silence  ,  dans  son 
rapport,  cette  importante  question. 

Après  avoir  exposé  les  faits  tels  qu'on  vient  de  les  voir,  la 
question  qui  a  été  soulevée  par  l'opinion  de  M.  Zimmerman, 
et  que  j'ai  à  examiner,  est  celle-ci  :  Serait-il  avantageux  aux 
progrès  de  l'art  que  l'harmonie  de  la  tonalité  moderne ,  et 
conséquemment  du  contre-point  double  et  de  la  fugue ,  fût 
introduite  dans  le  contre-point  simple,  et  que  la  tonalité  an- 
cienne fût  à  jamais  abandonnée,  comme  n'étant  plus  en  rap- 
port avec  la  situation  actuelle  de  la  musique?  Analysons  les 
conséquences  inévitables  de  ce  changement  de  doctrine. 

Au  premier  aspect,  il  paraît  que  les  études  relatives  à  l'art 
d'écrire  en  musique  devraient  être,  dès  les  premiers  pas,  con- 
formes a  la  tonalité  en  usage,  à  l'état  actuel  de  l'art,  et  l'usage 
de  commencer  ces  études  par  des  exercices  sur  une  tonalité 
abandonnée  peut  sembler  d'autant  moins  utile,  que  de  cette 
tonalité  découlent  des  règles  qui  ne  trouvent  pas  leur  appli- 
cation dans  la  tonalité  moderne.  Or,  ces  considérations  étant 
admises ,  il  ne  s'agira  plus  seulement  d'introduire  dans  le 
coutre-point  des  accords  de  septième  avec  quinte,  de  quinte 
eî sixte,  de  tierce,  quarte  et  sixte,  et  de  seconde  quarte  et 
sixte  ;  il  y  faudra  faire  entrer  l'accord  de  septième  de  domi- 
nante et  ses  dérivés  sans  préparation,  ainsi  que  ceux  de  neu- 
vième majeure  et  mineure  du  même  degré,  de  septième  de 
sensible  et  de  septième  diminuée  avec  tous  leurs  dérivés;  il  y 
faudra  admettre  toutes  les  altérations  simples  et  doubles ,  as- 
cendantes et  descendantes,  combinées  avec  les  prolongations, 
prolongées  elles  mêmes,  et  faisant  leur  résolution  en  montant, 
bien  que  dissonantes,  à  raison  de  leur  caractère  de  notes 
sensibles  accidentelles.  Dès  lors  on  conçoit  que  le  résultat  de 
ces  choses  nouvelles  ne  sera  pas  seulement  une  modification 
de  la  doctrine  du  contre-point,  mais  l'anéantissement  com- 
plet de  cette  doctrine;  car,  que  deviendrait  l'unité  tonale  en 
présence  de  ces  tendances  incessantes  vers  des  tons  divers  ? 


Que  signifieraient  les  lois  concernant  le  mouvement  des  con- 
sonuances,  l'exclusion  des  dissonances  autres  que  celles  de 
passage  et  de  prolongation  ,  dès  qu'on  admettrait ,  par  les  lois 
mêmes  d'uie  nonvelle  tonalité,  des  dissonances  sans  prépa- 
ration? Que!  serait  l'objet  d'exercices  à  deux,  (rois,  quatre, 
cinq,  six,  sept  et  huit  voix  sur  des  combinaisons  de  notes 
syncopées ,  etc. ,  suivant  des  règles  rigoureuses  concernant 
certains  mouvemeiits,  certaines  exclusions,  certaines  formes 
qui  seraient  en  contradiction  manifeste  avec  les  harmonies, 
les  tendances  et  les  libertés  d'un  autre  ordre  d'idées  et  de 
choses?  Ou  le  progrès  n'aurait  point  de  sens,  ou  il  devrait 
réaliser  toutes  les  conséquences  de  la  musique  actuelle  ,  elles 
réalisant,  il  ruinerait  de  fond  en  comble  toute  la  théorie  du 
contre-point. 

Admettons  pour  Un  moment  que  cette  réforme  radicale  soit 
faite ,  et  voyons  quels  en  seraient  les  résultats.  Et  d'abord 
essayons  de  déterminer  par  quoi  serait  remplacée  l'ancienne 
doctrine  de  l'art  d'écrire;  car,  à  moins  d'une  convention  uni- 
verselle par  laquelle  il  serait  décidé  qu'il  n'y  a  dans  la  mu- 
sique d'autre  règle  que  la  fantaisie  individuelle,  et  conséquem- 
ment qu'elle  n'est  plus  un  art,  il  faudra  bien,  s'il  est  démontré 
au  contraire  que  non  seulement  elle  est  un  art,  mais  de  tous 
les  arts  le  plus  élevé  dans  le  domaine  de  la  pensée  et  du  sen- 
timent ,  il  faudra  bien ,  dis-je ,  expliquer  en  quoi  cet  art  con- 
siste ,  et  conséquemment  l'enseigner.  Il  y  aura  donc  une  doc- 
trine nouvelle  qui  prendra  la  place  de  l'ancienne. 

Cette  doctrine,  quelle  sera-t-elle?  Évidemment  elle  n'aura 
plus  à  proscrire  l'usage  de  tel  ou  tel  intervalle,  puisque  tous 
les  intervalles  sont  employés  dans  notre  musique;  par  exem- 
ple ,  la  quarte ,  qui  n'apparaissait  dans  l'ancien  contre-point 
que  comme  le  retard  de  la  tierce ,  et  qui ,  conséquemment , 
n'y  pouvait  être  employée  que  par  prolongation  ou  comme 
note  de  passage;  la  quarte  ,  dis-je,  ayant  dans  la  tonalité  mo- 
derne une  existence  absolue  de  consonnance  ,  sera  employée 
comme  telle ,  c'est-à-dire  sans  préparation. 

Le  triton  et  la  quinte  mineure,  objets  d'horreur  pour  les 
musiciens  de  l'ancieu  temps  {mi  contra  fa,  seu  diabolus  in 
nuisica),  mais  devenus  de  nos  jours  des  consonnances  attrac- 


dc  m'étonner  de  ce  qu'il  ne  s'en  préscnlait  pas,  lorsque  la  porte  à 
deux  battants  se  ferma  et  qu'en  même  temps  il  s'en  ouvrit  à  côté 
de  moi  une  autre,  d'où  sortit  un  homme ,  qui  s'approcha  et  me 
dit  : 

— MademoiselleEslher,  voici  mon  bras:  voulez-vous  l'accepter? 
C'était  Georges  Desbrières!...  Je  le  reconnus  à  sa  voix  plus  qu'à' 
ses  traits  ,  car  à  l'instant  même  un  nuage  couvrit  mes  yeux  :  je 
cliancelai  :  ma  poitrine  se  serra  et  !a  parole  expira  sur  mes  lèvres. 
Mon  ennemi  en  profita  pour  continuer  ainsi  : 

—  Vous  êtes  surprise  de  me  voir,  je  le  conçois.  Vous  ne  pou- 
viez vous  douter  que  cette  soirée  était  donnée  par  moi  et  à  mon 
profit,  que  j'étais  l'âme  et  l'ordonnateur  de  la  fèic. 

A  ces  mots,  l'indignation  me  rendit  la  parole  et  je  m'écriai  : 

—  Comment ,  nionsieur ,  qu'osez-vous  dire ,  et  chez  qui  suis- 
je  donc  ici? 

—  Chez  une  amie ,  mademoiselle ,  et  en  même  temps  chez 
l'une  des  femmes  les  plus  aimables  et  les  plus  obligeantes  que  je 
connaisse  ,  qui  sait  que  je  vous  veux  beaucoup  de  bien ,  qui  elle- 
même  ne  vous  veut  aucun  mal,  et  qui  par  conséquent  a  cru  pou- 
voir se  prêter  à  un  innocent  stratagtme. 

—  Je  ne  vous  comprends  pas,  monsieur,  et  je  ne  croirai  ja- 
mais que  madame  la  baronne  de  Chambord.... 

—  Supprimez  le  titre  ,  s'il  vous  paraît  de  trop.  Je  ne  pense  pas 
que  notre  amie  y  tienne  beaucoup.  Chambord  est  une  baronnie 
tant  soit  peu  fantastique  et  banale ,  qu'on  pourrait  tout  aussi 
bien  ériger  en  principauté,  duché,  marquisat  ou  autre  chose 
semblable.  Le  fait  est  que  madame  la  baronne  a  été  fort  souvent 


dans  sa  vie  reine  et  impératrice  :  c'est  donc  pure  modestie  de  sa 
part  de  n'être  que  baronne  en  ce  moment.  Elle  est  tout  récem- 
ment débarquée  à  Bordeaux  et  arrive  en  droite  ligne  de  la  Nou- 
velle-Orléans ,  où  elle  chantait  avec  un  certain  succès  au  théâtre 
et  dans  les  conceils.  Elle  avait  pour  compagnon  de  voyage  mon- 
sieur l'envoyé,  je  ferais  peut-être  mieux  de  dire  renvoyé  du 
Mexique,  car  je  ne  le  suppose  pas  très  bien  dans  les  papiers  de 
cet  état  indépendant.  Ne  trouvez-vous  pas  qu'il  joue  la  comédie 
à  ravir  ?  En  elTct,  c'est  sa  profession.  Personne  ne  porte  ses  croix 
avec  plus  de  dignité  que  lui.  Je  ne  saurais  mieux  le  comparer 
pour  le  sang-froid,  pour  l'aplomb,  qu'au  savant  voyageur,  digne 
rival  de  Uuiiiholdt,  qui  recommence  le  tour  du  monde,  chaque 
fois  qu'un  de  ses  créanciers  impitoyables  se  décide  à  lui  faire  pas- 
ser quatre  ou  cinq  années  en  prison.  Le  terme  est  consacré  :  le  . 
tour  du  monde ,  dans  son  langage ,  c'est  le  tour  de  la  chambre 
qu'il  se  procure,  moyennant  trente  francs  par  mois.  Vous  voyez 
que  je  connais  parfaitement  l'honorable  société  dont  vous  avez 
daigné  faire  les  délices. 

— Monsieur,  finissons,  m'écriai-je. 

—  Non ,  mademoiselle ,  pas  encore ,  répliqua-t-".l  :  je  veux  que 
vous  sachiez  bien  avec  qui  vous  avez  passé  la  soirée.  Je  ne  vous 
parlerai  pas  des  femmes ,  deux  camarades  de  la  baronne  ,  que 
j'ai  connues,  ainsi  qu'elle,  avant  leur  départ  pour  l'Amérique, 
et  dont  j'ai  même  protégé  les  débuts ,  mais  je  vous  dirai  que 
parmi  les  hommes  il  y  avait  ce  que  la  jeunesse  de  Bordeaux 
compte  de  plus  distingué  en  amateurs  passionnés  de  musique, 
qui  sont  aussi  vos  admirateurs  fidèles  et  vos  soutiens  obligés. 


390 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tives  qui  constituent  la  tonalité,  loin  d'être  bannis  du  nouveau 
contrepoint,  en  seront  les  notes  caractéristiques. 

Les  dissonances  de  seconde ,  de  septième  et  de  neuvième 
s'y  montreront  en  toute  liberté,  au  lieu  d'être,  comme  autre- 
fois, obligées  de  se  faire  entendre  d'abord  en  état  de  con- 
sonnance. 

Certes,  nous  n'irons  pas  parler  à  nos  élèves  de  l'obligation 
d'éviter  des  successions  de  quintes  et  d'octaves  qu'ils  trouve- 
raient h  chaque  page  dans  les  partitions  d'opéras  de  ceux 
qu'on  appelle  aujourd'hui  les  maîtres ,  et  nous  nous  garde- 
rons bien  de  leur  dire  qu'il  est  bon  d'éviter  l'unisson ,  tandis 
qu'ils  en  verraient  faire  à  chaque  instant  de  longues  tirades 
considérées  par  nos  contemporains  comme  mm  des  phis  beaux 
effets  de  l'harmonie. 

Encore  moins  ouvrirons-nous  la  bouche  concernant  les 
suites  des  quintes  ou  d'octaves  cachées,  si  nous  ne  voulons 
nous  faire  montrer  au  doigt  par  les  compositeurs  fashionables 
de  l'école  du  progrès. 

Quant  aux  obligations,  autrefois  imposées  aux  jeunes  mu- 
siciens dans  leurs  études,  de  maintenir  les  voix  dans  les 
étroites  limites  de  la  portée,  de  les  faire  chanter  ualurelle- 
ment  et  d'éviter  dans  ce  qu'on  écrit  pour  elle  les  formes  in- 
strumentales ,  les  conserver  dans  notre  enseignement  serait 
évidemment  retenir  nos  élèves  dans  l'ornière  (pour  me  servir 
de  l'expression  de  mon  excellent  ami  Zimmerman),  et  cela  en 
pure  perte,  puisqu'ils  seraient  destinés  à  écrire,  comme  leurs 
modèles  progressistes ,  des  parties  vocales  qui  occupent  plu- 
sieurs octaves  ,  à  leur  donner  les  intervalles  les  plus  chroma- 
tiques et  les  plus  difficiles ,  enfin ,  à  leur  faire  exécuter  des 
traits  et  des  tours  de  force  réservés  autrefois  pour  le  violon 
et  le  piano. 

Il  est  bien  entendu  qu'il  ne  sera  plus  question  d'écrire  à 
cinq,  six,  sept  ou  huit  parties  réelles,  car  h  quoi  pourrait  être 
bon  ce  genre  de  mérite  dans  un  temps  où  l'effet  de  puissance 
sonore  est  recherché  avec  avidité ,  et  ne  peut  s'obtenir  que 
par  la  simplicité  des  combinaisons? 

Cela  posé,  si  nous  examinons  sans  prévention  et  sans  exa- 
gération ce  qui  restera  de  toute  l'ancienne  doctrine  de  la 


science ,  après  en  avoir  retranché  ce  qui  n'est  plus  utile ,  en 
l'état  actuel  de  l'art,  nous  acquerrons  la  conviction  que  la 
théorie  des  accords  et  de  leur  emploi  dans  la  succession  har- 
monique, les  imitations  et  la  fugue  seront  tout  ce  que  l'art 
conservera,  parce  que  ce  sont  les  seules  choses  qui  soient  con- 
formes à  notre  tonalité.  Et  remarquez  que  je  fais  encore  la 
part  fort  large  au  reste  de  la  science  ;  car  les  formes  con- 
ventionnelles des  imitations,  des  canons  et  de  la  fugue  ne  sont 
guère  d'un  bon  usage  dans  la  musique  de  théâtre  qui  nous  do- 
mine ,  et  je  n'en  vois  d'emploi  que  dans  la  musique  instru- 
mentale, où  elles  vivent  encore;  car  pour  la  musique  reli- 
gieuse ,  ce  qui  nous  en  reste  ne  vaut  pas  en  vérité  la  peine 
d'être  conservé. 

On  voit  par  ce  qui  précède  que  le  progrès,  qui  consisterait 
dans  rentier  abandon  de  l'ancienne  doctrine  de  l'art,  pour  ne 
conserver  que  ce  qui  découle  de  la  tonalité  moderne ,  serait 
tout-à-fait  constitutionnel ,  et  comme  une  sorte  de  juste  mi- 
lieu qui  ne  permettrait  pas  absolument  de  déchirer  nos  oreilles 
par  des  excentricités  trop  indépendantes,  mais  qui  laisserait 
aux  jeunes  musiciens  la  liberté  d'apprendre  peu  de  chose  et 
d'avoir  du  génie  sans  obstacles  ;  liberté  dont  usent  avec  mo- 
dération ceux  qui  sont  déjà  dans  cette  voie. 

Que  si  nous  examinons  maintenant  quel  serait  le  résultat 
de  l'oubli  absolu  dans  lequel  la  réforiiïfe  ferait  tomber  l'an- 
cienne doctrine  du  contre-point  simple ,  sous  le  rapport  du 
jugement  esthétique  des  produits  de  l'art,  il  est  évident  que 
ce  résultat  serait  de  rendre  bientôt  inintelligibles  à  tous  les 
musiciens  les  œuvres  qui  ont  pour  base  cette  ancienne  doc- 
trine ,  et  conséquemment  de  plonger  dans  le  néant  les  pro- 
ductions de  tous  les  maîtres  qui  ont  écrit  jusqu'à  la  fin  du 
xvr  siècle ,  même  celles  de  Palestrina  et  de  quelques  autres 
musiciens  illustres.  Et  qu'on  ne  pense  pas  que  j'exagère  ici  ; 
car  nous  avons  précisément  la  preuve  sous  nos  yeux  que  les 
compositeurs  dont  l'instruction  est  incomplète  ont  fort  peu 
d'estime  pour  l'ancienne  musique ,  et  ne  font  commencer 
l'histoire  de  l'art  qu'aux  productions  de  leur  époque.  Au  lieu 
de  concevoir  cet  art  comme  infini ,  comme  inépuisable  dans 
ses  formes ,  ils  ne  le  comprennent  que  dans  les  formules  de 


—  Eh  bien ,  monsieur ,  je  venx  les  voir,  leur  parler.... 

El  en  disant  cela,  je  m'élançais  vers  la  porte  par  où  tout  le 
inonde  était  sorti  :  Deâbrièies  m'arrêta  et  me  dit  : 

—  Ce  que  vous  voulez  est  assez  difficile.  Ces  dames  et  ces  mes- 
sieurs ne  sont  plus  ici. 

—  Et  où  sont-ils  donc  ? 

—  Près  des  alltîes  de  Tourny,  dans  un  de  nos  meilleurs  res- 
taurants, où  un  souper,  préparé  par  mes  ordres ,  les  attendait. 

—  Alors ,  monsieur,  dis  je  en  sentant  un  effroi  mortel  me  gla- 
cer, que  voulez-vous?...  Quel  est  votre  dessein? 

— Vous  seule  pouvez  l'ignorer,  mademoiselle.;..  Mais  d'abord 
veuillez  vous  rassurer....  ne  tremblez  pas.  J'ai  une  vengeance  à 
exercer;  je  l'avoue,  mais  je  ne  suis  pas  si  cruel  que  vous  sem- 
blez  le  craindre':  je  n'abuserai  pas  de  mes  avantages.  Vous  vous 
êtes  moquée  de  moi.... 

—  Monsieur,  cela  est  faux. 

—  Faux  ou  vrai,  peu  importe,  du  moment  que  c'est  l'opinion 
générale,  du  moment  qu'on  me  regarde  partout  comme  votre 
dupe  et  que  j'ai  cédé  au  besoin  de  me  réhabiliter.  Nous  avons 
notre  point  d'honneur,  nous  autres  abonnés,  dont  l'existence  se 
renferme  presque  entièrement  dans  la  région  du  théâtre.  Vous 
savez  quel  a  été  le  mien  ,  dès  votre  arrivée  en  cette  ville.  Je  vous 
l'ai  piisilivement  annoncé,  dans  la  première  visite  que  j'ai  eu  le 
pliiisir  de  vous  rendre.  D'abord  vous  m'avez  répondu  franche- 
ment, sans  détour.  C'était  bien,  c'était  noble  :  vous  ne  me  lais- 
siez rien  à  espéier  :  je  savais  donc  à  quoi  m'en  tenir.  Mais  bien- 
tôt, soit  de  vous-même,  soit  par  une  influence  étrangère ,  que 


je  vous  nommerais ,  si  vous  l'exigiez  ,  vous  êtes  revenue  sur  vos 
pas  :  vous  avez  mis  en  usage  ce  que  la  lactique  a  de  plus  sa- 
vant ,  les  marches  et  contre-marches ,  les  retraites  simulées , 
toujours  faites  pour  attirer  l'ennemi.  Voilà  ce  dont  je  me  plains, 
ce  dont  j'ai  le  droit  de  me  plaindre.  A  mon  tour,  j'ai  employé  la 
ruse  :  j'ai  fait  semblant  de  ne  plus  songer  à  rien  :  vous  avez 
donné  dans  le  piège.  J'avais  parié  avec  quelques  amis  que  vous 
seriez  à  moi,  que  je  vous  amènerais  à  passer  une  nuit  avec  moi 
tête  à  tête.  Je  voulais  gagner  mon  pari;  voilà  tout,  mademoi- 
selle, absolument  tout.  Vous  êtes  ici,  non  pas  chez  moi,  mais 
dans  une  maison  dont  je  dispose  en  maître ,  et  où  il  ne  reste  que 
nous  deux.  Les  poi'tes  en  sont  bien  fermées  :  ces  fenêtres  don- 
nent sur  des  jardins.  Vingt  personnes  au  moins  vous  ont  vue  en- 
trer, et  savent  que  j'ai  dû  venir  vous  rejoindre.  Je  n'en  demande 
pas  davantage  :  dans  une  heure  et  demie  ou  deux  heures  au  plus 
tard  je  serai  tout  à  vos  ordres ,  prêt  à  vous  reconduire  dans  votre 
domicile.  Voilà  ,  mademoiselle  Esther ,  voilà  ce  que  c'est  que  la 
vengeance  d'un  abonné,  qui  sait  vivre,  mais  qui  sait  au.ssi  se 
faire  respecter.  Ceci  n'est  pas  seulement  à  votre  adresse ,  mais  à 
celle  de  toutes  les  premières  chanteuses  qui  pourront  vous  suC'. 
céder;  car,  ainsi  que  j'ai  déjà  eu  l'honneur  de  vous  le  dire,  avec 
vous  comme  avec  toute  autre,  je  tiens  à  garder  ma  position. 

Il  parlait  si  tranquillement ,  si  lentement  que  je  ne  perdais  pas 
une  seule  de  ses  paroles  et  que  j'eus  le  temps  de  les  graver  dans 
ma  mémoire.  Je  ne  me  souviens  pas  aussi  bien  de  tout  ce  que  la 
colère  et  le  désespoir  me  dictèrent.  Ce  qui  me  révoltait  le  plus  , 
c'était  de  me  sentir  en  son  pouvoir,  c'était  d'être  forcée  de  re- 


DE  PARIS. 


891 


leur  temps ,  et  réduisant  toute  leur  poétique  à  la  doctrine  de 
l'effet,  c'est-à-dire  à  l'excitation  et  au  développement  des 
émotions  nerveuses ,  ils  n'admettent  comme  principes  du 
beau  que  les  accents  attractifs,  l'imitation  matérielle  et  la 
puissance  sonore.  Or,  ce  sont  précisément  là  les  conditions 
de  la  réforme  qui  aurait  pour  objet  de  faire  abandonner  l'an- 
cienne doctrine  du  contre-point  simple.  Le  beau  simple  et 
calme ,  dont  les  caractères  sont  la  naïveté ,  le  grandiose  et  la 
religiosité,  étant  absolument  indépendant  des  conditions  de 
l'art  actuel ,  et  ne  pouvant  conséquemment  trouver  son  prin- 
cipe que  dans  une  tonalité  unitonique,  ne  peut  être  saisi  que 
par  ceux  qui  ont  l'intelligence  de  celte  tonalité ,  et  ne  peut 
pénétrer  dans  des  âmes  accessibles  seulement  aux  mouvements 
passionnés ,  aux  tendances  de  la  tonalité  moderne. 

C'est  une  doctrine  funeste  que  celle  du  progrès  dans  un 
art  tel  que  la  musique,  car  elle  a  pour  conséquences  inévita- 
bles de  faire  considérer  les  productions  les  plus  récentes 
comme  les  meilleures,  et  celles  des  temps  antérieurs  comme 
imparfaites;  en  sorte  que  le  résultat  d'une  pareille  doctrine 
ne  va  pas  à  moins  qu'à  inspirer  le  mépris  d'un  siècle  pour  ce 
qui  excitait  l'admiration  d'un  autre ,  et  à  détruire  la  foi  dans 
la  réalité  de  l'art.  Si  celle  doctrine  était  vraie,  l'idée  de 
beauté  qu'on  attache  à  la  musique  ne  serait  qu'une  misérable 
illusion.  Le  progrès  des  sciences ,  de  l'industrie ,  ressort  de 
la  nature  des  choses  et  de  la  destination  de  l'homme  ;  car  aux 
connaissances  acquises  peuvent  toujours  s'ajouter  de  nouvelles 
connaissances;  mais  comment  voudrait-on  qu'il  y  eût  progrès 
dans  un  art  indéterminé  tel  que  la  musique  ,  dont  le  principe 
vital  ne  peut  exister  que  dans  la  conception  et  le  sentiment 
de  l'homme  lui-même?  Le  moyen  de  croire  que  ce  sentiment, 
que  cette  conception,  conséquences  de  l'organisation  humaine, 
soient  plus  actifs  dans  un  temps  que  dans  un  autre ,  et  con- 
séquemment susceptibles  de  progrès?  Ne  sait-on  pas  au  con- 
traire que  l'originalité,  qualité  qui  seule  donne  de  la  valeur 
aux  productions  de  l'art ,  n'est  que  l'expression  à  priori  de 
ces  facultés  de  l'homme,  et  que  cette  originaUté,  loin  de  se 
perfectionner,  s'amoindrit  par  le  contact  de  la  civilisation? 

Sans  doute,  il  faut  au  poète  une  langue  formée  pour  que 


la  facture  de  son  vers  réponde  à  l'élévation  de  sa  pensée  :  à 
plus  forte  raison  faut  il  au  musicien  des  éléments  mélodiques, 
harmoniques  et  sonores  pour  exprimer  l'ordre  d'idées  dans 
lequel  se  développe  l'activité  de  sa  conception  et  de  son  sen- 
timent. Si  ces  éléments  se  modifient ,  l'œuvre  de  l'artiste  en 
subit  l'influence;  et  telles  peuvent  être  les  modifications,  qu'il 
y  ait  transformation  complète ,  et  que  l'activité  artistique  de 
l'homme  de  génie  ait  à  s'exercer  dans  un  ordre  nouveau  de 
faits  et  d'idées  esthétiques  :  c'est  précisément  ce  qui  arriva 
lorsque  l'introduction  des  accords  dissonants  naturels  dans  la 
musique  eut  changé  la  tonalité.  Alors  il  y  eut  véritablement 
une  transformation  complète,  et  la  sphère  d'activité  des  com- 
positeurs ne  fut  plus  la  même  ;  mais,  ainsi  que  je  l'ai  dit,  ce 
qu'on  gagna  en  éléments  d'expression  passionnée,  on  le  per- 
dit en  naïveté ,  en  caractère  religieux  et  en  majesté.  Il  est 
donc  évident  qu'il  n'y  eut  pas  îAor s  progrès,  mais  simplement 
transformation.  Il  n'est  pas  moins  certain  que  les  œuvres  les 
plus  belles  de  l'un  et  de  l'autre  système  ne  méritent  pas  moins 
d'estime  les  unes  que  les  autres ,  qu'elles  ne  peuvent  être 
comparées,  et  qu'il  est  impossible  d'opérer  une  fusion  des 
principes  en  vertu  desquels  elles  existent  ;  conséquences  qui 
me  conduisent  à  la  preuve  que  l'étude  de  l'ancien  contre-point 
simple  doit  être  conservée  dans  son  intégrité,  comme  pouvant 
seule  donner  l'intelligence  des  belles  compositions  écrites 
dans  l'ancien  système  de  tonaUté,  et  d'autre  part,  qu'on  ne 
pourrait  considérer  comme  une  amélioration  l'introduction 
qu'on  tenterait  d'y  faire  des  harmonies  produites  par  une 
autre  tonaUté ,  mais  plutôt  comme  une  dégénéralion  qui  con- 
duirait à  sa  ruine  totale. 

FÉTis  père. 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 


Distribution  des  prix. 

La  séance  s'est  ouverte ,  suivant  l'usage ,  par  le  discours 
de  M.  Kératry ,  vice-président  de  la  commission  des  théâtres 


connaître  que,  quelque  chose  que  je  fisse  ,  il  avait  réussi  autant 
qu'il  lui  importait  de  réussir,  que,  quelque  chose  qu'il  racontât, 
on  serait  disposé  à  le  croire.  Vous  devez  penser,  chère  amie, 
que  je  lui  reprochai  de  toutes  mes  forces  l'infamie  de  son  pro- 
'cédé. 

—  S'attaquer  à  une  femme ,  m'écriai-je ,  pour  le  seul  plaisir 
de  la  perdre  ! 

—  La  perdre  ?  répondit-il  ;  ceci  tourne  au  drame ,  et  il  ne  faut 
rien  exagérer.  S'il  s'agissait  d'une  femme  du  monde ,  passe  en- 
core ,  mais  quelle  est  la  femme  de  théâire  qui  se  croit  perdue 
pour  avoir  passé  deux  heures  avec  un  homme  tel  que  moi  ?  Est- 
ce  que  vous  craignez  que  cela  ne  vous  fasse  tort  dans  l'estime  de 
certain  aspirant  de  marine ,  qui  vous  a  certainement  beaucoup 
plus  perdue  que  moi ,  si  ce  n'était  pas  précisément  le  contraire 
qu'il  fallait  dire  2 

J'abrège  autant  que  je  puis  cette  scène  douloureuse  et  violente. 
Après  avoir  roulé  dans  ma  léte  tous  les  partis  que  je  pouvais 
prendre ,  et  m'êtrc  bien  con^  aincuc  que  je  n'avais  rien  à  espérer, 
je  me  réfugiai  dans  l'embrasure  de  la  croisée,  en  face  d'un  ciel 
dont  la  sérénité  contiastait  si  fortement  avec  l'agitation  de  mon 
âme.  J'attendis!...  Pendant  ce  temps,  M.  Desbrières  se  prome- 
nait dans  le  salon  ,  en  sifflant.  Une  heure  et  demie  sonna  :  j'en- 
tendis le  bruit  d'une^  voiture,  qui  s'arrêtait  devant  la  maison. 
Alors  il  me  dit  : 

—  Mon  intention  n'est  pas  d'abuser  de  votre  patience.  Nous 
aurions  pu  beaucoup  mieux  employer  les  moments.  Si  vous  vous 
êtes  un  peu  ennuyée ,  c'est  votre  faute.  Vous  chantez  demain, 


je  crois?  vous  avez  donc  besoin  de  repos.  Je  vais  vous  con- 
votre  voiture. 

Il  m'offrit  sa  main  :  je  la  repoussai.  Il  prit  un  flambeau,  sans 
mot  dire,  et  marcha  devant  moi  jusqu'au  vestibule  :  pas  un  être 
vivant  ne  parut.  Il  ouvrit  la  porte  lui-même  et  donna  ordre  au 
cocher  de  me  ramener  où  il  m'avait  prise  :  c'était  celui  que  m'a- 
vait envoyé  la  baronne.  Jugez  de  mon  état,  en  rentrant  chez 
moi,  seule,  livrée  à  mes  réflexions.  Sazerac  revint  le  lendemain  : 
il  apprit  dès  le  soir  les  bruits  qui  couraient  sur  moi  :  je  n'eus 
pas  de  peine  à  lui  persuader  qu'ils  étaient  faux.  Il  voulait  sauter 
à  la  gorge  de  leur  principal  auteur.  Je  lui  démontrai  qu'il  se  ren- 
drait ridicule  et  ne  me  sauverait  pas.  U  est  pourtant  cruel ,  chère 
amie,  de  n'avoir  pas  un  défenseur  1...  Je  ne  puis  aujourd'hui 
vous  en  écrire  davantage. 


LA  MÊME  A  LA  MÊME. 


26  juin- 


Chère  amie ,  le  défenseur  s'est  présenté,  et  c'est  peut-être 
un  malheur  de  plus.  M.  Lambert,  le  jeune  aspirant  de  marine , 
a  su  que  son  nom  était  mêlé  à  l'aventure ,  dont  tout  le  monde 
s'entretenait.  Il  est  venu  au  théâtre ,  m'a  suppliée  de  lui  dire  ce 
qu'il  devait  en  croire  :  je  lui  ai  répondu  la  vérité.  Sans  plus  at- 
tendre, il  est  allé  chercher  M.  Desbrières ,  l'a  rencontré,  l'a  pro- 
voqué ,  et  ils  se  battent  demain  matin. 

La  suite  au  prochain  numéro.  Paul  Smith. 


392 


REVUE  ET  GALETTE  MUSICALE 


royaux.  L'orateur  y  a  rendu  pleine  justice  aux  mérites  d'une 
institution  que  tant  de  gens  calomnient  sans  la  connaître, 
quelques  uns  même  bien  qu'ils  la  connaissent ,  mais  par  plu- 
sieurs des  raisons  qui  font  que  les  Jésuites  disent  du  mal  de 
l'Université.  L'Université ,  le  Conservatoire ,  l'Académie  fran- 
çaise ,  seront  toujours  attaqués,  d'abord  par  ceux  qui  n'en 
sont  pas  et  voudraient  en  être  ,  ensuite  parce  que  ce  sont  des 
corps  constitués.  On  ne  peut  attaquer  en  ce  monde  que  ce  qui 
existe,  etjjar  conséquent  résiste. 

De  plus,  M.  Kératry  a  fait  observer  qu'il  était  impossible 
d'exister  à  moins  de  frais  que  le  Conservatoire  ,  où  tous  les 
professeurs  sont  peu  payés,  où  plusieurs  même  ne  le  sont 
pas  du  tout.  Le  Conservatoire  ne  coûte  pas  à  l'Elat  plus  de 
.  155,500  francs ,  et  il  ne  compte  pas  moins  de  70  professeurs , 
qui  donnent  l'instraclion  à  plus  de  500  élèves.  M.  Kératry 
n'avait  donc  pas  tort  d'avancer  que  c'était  sans  doute  par  dis- 
traction que  la  Chambre  des  députés  avait,  dans  un  vote  ré- 
cent ,  diminué  une  subvention  qui  aurait  tant  besoin  d'être 
augmentée  ,  et  que  probablemont  les  six  mille  francs  retran- 
chés seraient  restitués  avec  usure. 

Ce  préambule  pouvait  être  considéré  comme  une  distribu- 
tion de  prix  en  espérance  aux  professeurs.  On  a  immédiate- 
ment passé  à  la  distribution  de  prix  aux  élèves ,  qui  sont 
venus ,  presque  tous  les  hommes  en  costume  noir ,  les 
femmes  en  costume  blanc ,  recevoir  des  mains  du  président 
les  instruments ,  partitions  ,  oeuvres  de  musique ,  livres  ou 
médailles,  accompagnés  d'une  feuille  de  parchemin,  équiva- 
lant à  un  véritable  titre  de  noblesse.  Les  applaudissements 
de  l'auditoire  ont  particulièrement  accueiUi  certains  lauréats  : 
celui  de  tous  qui  en  a  reçu  les  salves  les  plus  énergiques , 
c'est  le  jeune  Hocmelle,  aveugle  de  naissance,  qui  a  rem- 
porté le  second  prix  d'orgue.  Le  premier  prix  avait  été  dé- 
cerné au  jeune  Renaud  de"Wilback,  pour  qui  la  lumière  s'est 
faite  après  de  longues  ténèbres  ,  mais  qui  n'est  encore  qu'au 
crépuscule ,  si  on  le  compare  à  nous  autres  voyants. 

A  la  distribution  des  prix  succédait  le  concert ,  qui  com- 
mençait par  uneouverture  de  M.  Bazin, l'un  des  derniers  lau- 
réats de  l'Institut,  non  encore  admis  à  l'épreuve  de  la  srène. 
Nous  avons  senti  dans  ce  morceau  la  chaleur  juvénile  qui 
s'élance  et  déborde  ,  sans  trop  savoir  où  elle  va  ni  ce  qu'elle 
veut.  Le  caniabile  dit  par  le  cornet  h  pistons  est  d'une  Idu- 
gueur  excessive  ,  et  il  y  a  des  phrases,  gracieuses  d'ailleurs, 
qui  ont  l'air  de  ne  pas  finir.  Cela  vaut  mieux  à  tout  prendre 
qu'un  morceau  très  correct,  très  fini,  mais  très  froid. 

Les  trois  premiers  prix  de  piano ,  M.  Phiiippol ,  M""  Dicite 
et  Farrenc,  se  sont  fait  entendre  dans  un  même  morceau 
écrit  pour  trois  instruments  par  M.  Zimraerman.  Cette 
composition  a  de  la  mélodie ,  de  la  grâce  et  du  charme.  Si 
elle  a  un  défaut,  c'est  celui  de  ne  pas  être  assez  difficile ,  à 
raison  de  l'époque  où  nous  vivons.  Par  suite  du  même  sj's- 
tèrae ,  un  septuor  à  variations  composé  par  fll.  Vogt  mettait 
en  ligne  tous  les  instruments  à  vent ,  flûte ,  hautbois ,  clari- 
nette, basson,  cor  ordinaire,  cor  ii  pistons,  et  même  la 
harpe,  à  qui  l'on  avait  accordé  la  faveur  du  point  d'orgue. 
M!M.  Lemou,  Gras,  Sourilas,  Mazurel,  Boulcourt,  Gillette, 
et  M""  Vernay ,  se  seraient  encore  mieux  acquittés  de  leur 
tâche  s'ils  eussent  été  un  peu  plus  d'accord.  Le  jeune  flûtiste 
Lemou  s'est  surtout  distingué  par  sa  charmante  qualité  de 
son  et  l'élégance  de  son  style. 

En  cet  instant.  M"'  Tabon  s'est  présentée,  émue  et  pal- 
pitante de  toutes  les  terreurs  qui  peuvent  agiter  une  poitrine 
de  jeune  cantatrice,  prête  à  braver  les  périls  de  la  vo- 
calisation la  plus  hardie ,  la  plus  téméraire  même.  C'était 
chose  curieuse  que  de  voir  M"""  Daraoreau,  assise  dans  la  loge 


d'honneur  à  côté  du  président ,  suivre  d'un  œil  inquiet  son 
élève,  lui  battre  involontairement  la  mesure,  trembler,  pal- 
piter comme  elle.  Ah  !  quand  on  sait  ce  qu'il  en  coûte  pour 
bien  chanter  dans  le  plus  difficile  de  tous  les  genres ,  il  n'est 
pas  étonnant  qu'on  frémisse  de  la  peur  passée  et  de  la  peur 
présente!  Au  résumé,  malgré  cette  conspiration  de  peurs , 
l'élève  et  !a  maîtresse  ont  obtenu  le  plus  éclatant,  le  plus 
unanime  triomphe  dans  l'air  de  Robert-k- Diable ,  En  vain 
j'espère  un  sort  prospère.  Trois  ou  quatre  salves  de  bravos 
ont  salué  la  jeune  cantatrice  :  c'est  un  triomphe  qui  annonce 
M"=  Tabon  à  l'Opéra. 

La  symphonie  concertante  de  Rodolphe  Kreutzer,  fort  bien 
exécutée  par  MM.  Boulart  etBriart,  servait  en  quelque  sorte 
d'ouverture  aux  fragments  à'OEdipe  ,  tragédie  de  Voltaire , 
déclamés  par  M.  Chotelet  M"' Riniblot,  à  une  scène  du  Philo- 
sophe marié,  de  Destouches,  dite  par  M.  Chotel  et  M"°  Loyaux, 
et  à  une  scène  de  l'Ecole  des  femmes,  jouée  par  M.  Roger  et 
M""  Potel. 

Pour  tout  tribut  au  genre  lyrique ,  nous  n'avions  qu'un  duo 
d'Anne  de  Boulen,  de  Donizetti ,  chanté  par  M""  Morize  et 
Morange,  et  un  duo  de  Don  Pascal ,  de  Donizetti ,  chanté 
par  M.  Gassieriet  M"°  Mondutaigny.  Deux  duos  de  Donizetti 
dans  un  Conservatoire  français ,  et  deux  duos  traduits  ,  n'é- 
tait-ce pas  quelque  peu  étrange?  En  outré  le  choix  n'était 
heureux  pour  aucune  des  cantatrices  ;  Gassier  seul  n'avait  eu 
le  droit  de  se  plaindre  que  médiocrement. 

Pour  clore  dignement  la  séance,  tous  les  élèves  du  chant 
ont  dit  le  Gloria  de  la  messe  du  sacre,  l'un  des  chefs-d'œuvre 
de  Cherubini.  C'était  là  une  idée  heureuse ,  un  souvenir 
bien  placé  de  l'illustre  maître  qui  a  si  longtemps  gouverné 
le  Conservatoire  comme  son  royaume.  M.  Auber ,  son  suc- 
cesseur légitimement  électif,  le  gouverne  à  son  tour  d'une 
main  plus  douce  ,  mais  qui  n'en  est  pas  moins  ferme ,  et  il 
le  garantira  de  l'anarchie  par  l'ascendant  de  l'esprit  et  du  ta- 
lent. 

P.   S. 


Jurons  ;  jurons  la  mort  de  l'infùmc  tyran. 

Dessin  de  Gavarni. 

Ceci  est  encore  de  la  nature  prise  sur  le  fait.  Nous  avons  eu 
la  dame  de  chœurs  en  costume  villageois ,  chantant  le  prin- 
temps, les  amants,  les  gazons,  les  moutons  :  voici  maintenant 
le  héros,  chantant  la  guerre  et  jurant  d'exterminer  la  tyran- 
nie. Si  le  tyran  en  réchappe,  ce  ne  sera  pas  la  faute  du  héros, 
car  voyez  comme  il  l'écrase  du  geste  et  de  la  voix  !  comme 
il  appuie,  comme  il  enfonce  sur  la  première  syllabe  de  ce  mot 

détesté  :Uj ran!  Tu  peux  rengainer  ton  épée,  mon  brave, 

le  iy ran  est  mort ,  et  la  iy rannie  avec  lui  ! 


ITOtTTBLÏaBS. 

V  Aujourd'hui  ilimanclic,  par  extraordinaire,  à  l'Opéra  Roben- 
le- Diable. 

\*  Les  belles  soirées  d'hiver  ont  commencé  mercredi  :  on  donnait 
les  Huguenots ,  et  la  salle  était  coofiplétement  remplie.  Les  toilelles 
s'y  faisaient  voir  en  grand  nombre:  toutes  les  premières  loges  étaient 
garnies  de  femmes  parées,  comme  pour  le  bal.  M""  Nalhan-Treilhet 
faisait  ce  soir-là  sa  rentrée ,  après  une  longue  absence  causée  par 
des  souffrances  très  naturelles ,  mais  très  vives,  il  n'est  donc  pas 
étonnant  que  la  voix  de  la  cantatrice  se  ressente  encore  de  l'épreuve 
qu'elle  a  subie  et  du  défaut  d'exercice.  Duprez  elM""»  Dorus-Gras 
ont  chanté  comme  de  coutume ,  et  M"'  de  Roissy  s'est  fort  bien 
acquittée  du  Joli  rôle  de  page. 

*,'  On  a  répété  à  la  scène  les  cinq  actes  de  Marie  Siuari. 


KE  PARIS. 


S93 


*.'  M"*  Brelin  (Flora-Fabri ),  la  danseuse  italienne,  qui  s'est 
toul-à-fail  naturalisée  chez  nous  par  son  succès,  et  qui  vient  de 
danser  deux  fois  la  Sylphide  ,  profitera  dans  peu  de  jours  d'un  congé 
de  cl€ux  mois  pour  aller  à  Turin,  où  elle  doit  remplir  le  principal 
rôle  d'un  ballet  nouveau.  Son  mari,  qui  l'accompagne,  trouvera 
sans  doute  plus  d'occasions  de  montrer  son  talent  à  Turin  qu'à  Paris. 
*.*  Le  carnaval ,  étant  excessivement  court  l'année  prochaine,  les 
bals  de  rOpéra  commenceront  le  samedi  14  décembre  :  avis  aux 
amateurs  de  ces  fêtes  nocturnes ,  dont  la  réputation  est  établie  depuis 
longtemps. 

V  Demain  lundi ,  liaoïil  de  Ci-éqiU ,  opéra  en  trois  actes ,  paroles 
de  Monvel ,  musique  de  Dalayrac ,  sera  repré>cnlé  4  la  cour,  sur  le 
théâtre  de  Saint-Clou,!,  par  les  élèves  du  Conservatoire. 

*,*  Quelques  journaux  ayant  parlé  de  propositions  récemment 
faites  par  M.  Auber,  directeur  du  Conservatoire,  et  soumises,  par 
le  ministre  ,  à  la  commission  des  théâtres  royaux,  il  est  à  propos  de 
faire  connaître  dans  quel  esprit  elles  ont  été  conçues.  IM.  Auber,  qui 
a  déji  obtenu  d'excellents  résultais  de  la  création  de  classes  de  chant, 
en  demandait  une  nouvelle.  Une  objection  se  présentait,  c'est  que- 
les  huit  classes  existantes  paraissent  suffire  au  nombre  de  voix  que 
fournit  chaque  examen  pour  l'entrée  à  l'école,  et  la  commission  s'y 
est  arrêtée.  M.  Auber  demandait  également  deux  nouvelles  classes 
de  déclamation  lyrique,  appliquées,  l'une  au  grand  Opéra,  l'autre  à 
rOpéra-Comique.  En  effet,  le  nombre  d'élèves  est  trop  considérable 
pour  les  deux  professeurs,  aujourd'hui  chargés  de  cet  enseignement. 
Il  y  a  donc  lieu  de  croire  que  l'ulililo  de  la  mesure  sera  bicntôl  re- 
connue ,  et  que  la  proposition  n'aura  subi  qu'un  ajournement.  Quant 
à  l'augmentation  du  traitement  de  M.  Habeneck  et  de  quelques  au- 
tres professeurs  ,  c'était  une  justice  que  la  commission  s'est  plu  à 
reconnaître,  en  usant  de  ses  pouvoirs  pour  la  rendre  encore  plus 
complète. 

*,*  Jl"':  Eugénie  Garcia  s'est  fait  entendre  dans  quelques  soirées 
intimes  depuis  son  retour  de  Londres.  C'est  toujours  la  cantatrice  à 
la  méthode  hardie,  brillante  et  passionnée,  soit  qu'elle  interprète 
Rossini ,  Schubert  ou  Bellini;  mais  c'est  surtout  dans  le  chant  ita- 
lien que  cette  voix  agile  ,  contralto  et  soprano  tout  à  la  fois ,  se  meut 
à  l'aise.  M""^  Garcia  s'était  trompée  de  cadre  en  entrant  à  lOpéra- 
Comique,  où  les  grandes  facultés  lyriques  ,  dans  les  compositeurs  ou 
leurs  interprètes  ,  étonnent  et  gênent  parfois  les  auditeurs:  sa  véri- 
table place  est  au  théâtre  Italien. 

*,*  Samedi  dernier,  une  séance  musicale  1res  intéressante  a  eu 
lieu  dans  un  des  plus  élégants  salons  de  Paris.  M.  Gustave  Héquet, 
musicien  aussi  distingué  que  critique  éminent,  a  fait  exécuter,  de- 
vant un  auditoire  d'élite,  plusieurs  morceaux  de  sa  com|)osition. 
que  M'""  I\évilly,  Henri ,  et  MiM.  Octave,  Sainte-Fo'y  et  Chaix  ont 
interprétés  avec  succès.  Ces  productions  révèlent  un  véritable  talent, 
dont  les  directeurs  de  nos  théâtres  lyriques,  feraient  fort  bien  de 
tirer  parti. 

\"  Dimanche,  1"  décembre,  dans  la  salle  du  Conservatoire,  le 
Dernier  roi  de  Judn,  opéra  biblique,  paroles  de  M.  Maurice  Bourges, 
musique  de  M.  Georges  Kaslner.  Ce  grand  concert  vocal  et  instru- 
mental ,  où  l'on  entendra  comme  artistes  MM.  Roger,  Massol ,  Her- 
mann-I.con,  M"='  Dorus-Gras,  Ilorleiise  Maillard,  Mondutaigny, 
sera  dirigé  par  M.  Habeneck.  Les  répétitions  ont  déjà  permis  de  dis- 
tinguer plusieurs  morceaux  d'un  grand  mérite;  entre  autres,  un 
sextuor  sans  accompagnement,  l'air  de  Jé.émie  le  Prophète,  la  ro- 
mance du  roi  Sédéciai,  celle  de  Jémmu,  trois  duos  très  rem-lrquables, 
un  irio,  et  des  chœurs  remplis  d'effet. 

V  Le  dimanche,  S  décembre,  à  une  heure,  iVI.  Félicien  David 
donnera  un  grand  concert  dans  la  salle  du  Conservatoire.  En  voici  le 
programme:  première  partie  ,  1.  Scherzo  d'une  symphonie  en  mi 
bémol.  2.  I.a  danse  des  astres,  chœur  avec  vocalise,  chantée  par 
M.  Béfort.  .3.  Le  Pêcheur  à  sa  nacelle,  barcarolle  de  Charles  Poney, 
ouvrier  maçon,  chantée  par  M.  Alexis  Dupont.  4.  Le  Jour  des  morts, 
harmonie  poétique  de  M.  de  Lamartine  ,  chantée  par  M.  Hermann- 
Léon.  5.  Le  Chybouk,  mélodie,  (hantée  par  M.  Alexis  Dupont. 
6.  Les  Hirondelles,  mélodie,  chantée  par  M.  Hermann-Léon.  7.  Le 
sommeil  de  Paris,  chœur  avec  solos,  chantés  par  M.  Béfort. — 
Deuxième  partie.  Le  Désert,  ode-symphonie.  Les  exécutants,  au 
nombre  de  120,  seront  conduits  par  M.  Tilmant,  les  chœurs  par 
M.  Tariot. 

",'■  M.  N.  Louis  esta  Lyon,  où  il  s'oeeupcdes  répétitions  d'un  opéra 
qu'il  a  composé  sous  le  titre  de  :  Un  duel  ii  F'alence. 

','  M.  Baumès-Arnaud  vient  de  se  faire  entendre  avec  succès  au 
cercle  des  Arts  à  Bruxelles  ,  surtout  dans  une  romance  de  composi- 
tion ,  au  Village,  et  dans  une  chansonnette  de  notre  collaborateur 
Maurice  Bourges. 


*,"  Dernièrement,  une  scène  de  tumulte  et  de  violence  a  troublé 
le  spectacle  au  théâtre  italien  de  Corfou.  Des  officiers  anglais,  con- 
trariés par  les  cris  du  public,  qui  demandait  le  directeur,  se  sont 
jetés  sabre  en  main  sur  le  parterre  ,  et  l'ont  fait  évacuer  au  milieu 
de  la  plus  déplorable  confusion.  Un  ordre  du  jour  du  prince  George 
de  Cambridge  a  blâmé  sévèrement  la  conduite  de  ces  officiers. 

.*.*  Au  moment  où  la  veuve  et  les  enfants  de  Ch.  de  Weber  atten- 
dent avec  impatience  les  cendres  de  l'illustre  compositeur,  la  mort 
a  enlevé  le  plus  jeune  de  ses  fils  qui  n'avait  pas  encore  atteint  l'âge 
de  vingt  ans.  Il  étudiait  la  peinture  sous  la  direction  de  maîtres  dis- 
tingués et  donnait  de  belles  espérances.  Il  ne  reste  qu'un  fils  du  cé- 
lèbre compositeur. 

"."  La  funtaisie  sur  les  Huguenots  par  Emile  Prudent,  si  impa- 
tiemment attendue,  et  qui  a  obtenue  de  si  brillants  succès  dans  tous 
les  concerts  où  l'auteur  l'a  fait  entendre  vient  d'être  donnée  à  l'im- 
pression, et  paraîtra  incessamment. 

Clironiqtïe  ëts-angère. 

',"  St.-Péiersbourg.  —  Le  théâtre  italien  de  Sl.-Pélersbourg  s'est 
ouvert,  ainsi  que  nous  l'avons  annoncé  dans  la  première  semaine 
d'octobre,  par /«  Lucia.  M"=  Castellan  ,  qui  avait  obtenu  dans  cet 
opéra  un  grand  et  légitime  succès,  a  été  moins  heureuse  dans  /  Puri- 
lani.  Rubini  et  Tamburini  n'ont  rien  perdu  ni  de  leur  voix,  ni  de 
leur  art,  et  chaque  soir  ils  recueillent,  outre  de  nombreuses  cou- 
ronnes, de  triples  salves  d'applaudissements.  Mais  la  favorite  de 
l'aristocratie  russe  sera  cet  hiver,  comme  l'hiver  dernier,  Mm«  Pau- 
line Viardot.  V Abeille  du  nord  l'appelle  les  déliées  de  St.-Pélersbourg. 
Sa  rentrée  dans  /n  Sonnambula  a  été  une  véritable  ovation.  Depuis 
elle  a  joué,  pour  la  première  fois,  le  rôle  d'Adinadans  VElisire 
d'Amore,  avec  un  succès  inouï. 

—  Plusieurs  débuts  ont  eu  lieu.  Le  fils  aîné  de  Tamburini  a  rempli 
d'une  manière  satisfaisante  le  rôle  du  comte  dans  la  Sonnambula  ,  et 
M"«  Antonia  Molina,  parenté  de  M»e  Viardot,  a  obtenu  également 
un  succès  mérité  dans  les  rôles  secondaires  de  la  Sonnambula  et  de 
VElisire.  Mais  les  journaux  russes  vantent  surtogt  la  belle  voix  et 
le  talent  dramatique  d'un  jeune  ténor  espagnol  nommé  Unanue. 
«  Notre  surprise  a  été  plus  grande,  disent-ils,  quand  nous  avons  vu 
sur  la  scène  un  homme  jeune,  beau,  doué  d'une  voix  de  poitrine 
pure,  vibrante  et  très  étendue.  Dès  les  premières  mesures  de  sa  pre- 
mière cavalihe,  il  avait  enlevé  tous  les  suffrages.  C'est  une  acqui- 
sition précieuse  pour  notre  scène.  »  Piovere  partage  avec  M""' Viar- 
dot, Fiubini ,  Tambulini  et  Unanue,  les  faveurs  du  public.  C'est, 
comme  chacun  sait,  le  successeur  désigné  de  Lablache. 

",*  Berlin ,  10  novembre.  —  Le  nouveau  théâtre  royal  du  grand 
opéra  est  entièrement  terminé.  Cette  salle  est  décorée  avec  la  plus 
grande  magnificence  ,  et  l'on  assure  que  ,  sous  ce  rapport ,  elle  peut 
rivaliser  avec  les  premiers  théâtres  de  l'Italie.  On  répète  tous  les 
jours  l'opéra  que  l'illustre  Meyerbeer  a  mis  en  musique  pour  l'inau- 
guration du  nouveau  théâtre  ,  laquelle  aura  lieu  ,  comme  on  l'a 
annoncé ,  le  samedi  7  du  mois  prochain.  Le  libretlo  de  cet  opéra  est 
dû  à  notre  célèbre  et  fécond  poète  dramatique  ,  M.  Rellslab;  il  est 
intitulé:  Das  schlesische  Feldlager  (le  Camp  sîlésien),  et  a  pour 
sujet  une  conjuration  tramée  contre  Frédéric-le-Grand,  dans  le  com- 
mencement de  la  guerre  de  Sept  ans  .c'est-à-dire  pendant  la  première 
guerre  silésienne  ;  mais  ce  monarque  n'est  pas  mis  en  scène  dans  la 
pièce. — Spontini  vient  de  quitter  Berlin  pour  se  rendre  à  Dresde  , 
où  S.  M.  le  roi  de  Saxe  l'a  invité  à  venir  pour  diriger  la  remise  en 
scène  de  la  f^'estale. 

—  11  novembre.  —  La  deuxième  nouveauté  ,  qui  sera  donnée  sur  le 
nouveau  théâtre  lyrique,  est  un  opéra  en  trois  actes  de  Spontini, 
intitulé:  Die  ylihenierinn  (l'Athénienne),  dont  on  prépare  déjà  la 
mise  en  scène,  et  dont  les  répétitions  seront  dirigées  par  le  compo- 
siteur, dès  son  retour  de  Dresde  à  Berlin.  Dans  cet  ouvrage  débutera 
une  jeune  cantatrice  suédoise.  M"'  Jenny  Lind,  qui  possède  une 
belle  et  puissante  voix  de  contralto.  M"»  Lind  a  déjà  obtenu  de 
grands  succès  sur  les  théâtres  de  Stockholm  et  de  Copenhague,  et 
elle  a  perfectionné  sa  méthode  sous  la  direction  de  M.  Meyerbeer, 
pendant  le  dernier  séjour  de  cet  illustre  compositeur  à  Dresde.— 
A  la  fonderie  royale  de  Nuremberg  (Bavière),  on  s'occupe  en  ce 
moment  à  exécuter  en  bronze  le  monument  de  Beethoven  ,  modelé 
par  M.  Haeiicl ,  à  Dresde,  et  qui  seca  érigé  à  Bonn  (Prusse),  ville 
natale  du  grand  artiste.  Quelques  parties  de  ce  monument  sont  déjà 
terminées  et  ont  réussi  parfaitement. 

♦,"  Fienne.  —  On  annonce  la  Création  d'Haydn,  par  mille  exécu- 
tants ,  dans  la  salle  du  Manège.  Les  concerts  philharmoniques  de 
l'orchestre  du  théâtre  de  la  porte  de  Carinthie  vont  reprendre  sous  la 
direction  du  maître  de  chapelle  ,  Nicolaï. 

—  Strauss,  le  fils,  fait  une  concurrence  redoutable  à  Strauss  père  : 
c'est  un  Jeune  homme  de  bonne  mine ,  qui  compose  de  jolies  valses  , 


Z9U 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


les  fait  exéculer  par  un  escellent  orchestre  et  qui  a, décidément  la 
vogue.  On  dit  que  le  père  en  a  ressenti  un  si  vif  chagrin,  qu'il  veut 
quitter  son  ingrat  pays. 

*,*  Vienne.  —A  l'église  grecque  Sainl  George  on  a  exécuté  une 
messe  en  musique  :  ce  qu'il  y  a  de  remarquable ,  c'est  que  le  chant 
traditionnel  à  une  voix  a  été  changé  en  chant  à  quatre  voix,  tout  en 
restant  conforme  au  type  primitif,  qui  date  des  premiers  temps 
de  l'église  byzantine. 

—  La  célèbre  actrice  M°"  Haendcl-Schutz  est  devenue  veuve  deux 
fois  en  un  mois  ;  ses  deux  maris  divorcés ,  l'cx-chantcur  Eunike  et  le 
professeur  Schutz  ,  sont  morts  dans  le  courant  de  septembre  dernier. 


*."  Munich.  —  Fanny  Elssler  nous  a  quitté  le  C  novembre.  Sa  der  ^ 
nièrc  représentation  a  été  l'occasion  d'un  éclatant  triomphe  pour  la 
célèbre  danseuse,  que  le  public,  dans  son  enthousiasme  ,  a  rappelée 
plus  de  vingt  fois  sur  la  scène.  —  M.  Moschelès  a  été  reçu  membre 
honoraire  de  la  Licderiufel,  dans  une  séance  extraordinaire. 


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Le  i"  février.  La  6'  livraison  contenant  :  Ï-E  STIXE.  35  grandes  Études  de  salon,  t"  livre.  Op.  756.  N.  I.  .  .  . 
Le  ih  février.      La  T  LIVRAISON  contenant  :  I.E  S'ï'a'EE.  85  grandes  Étsidcs  de  salon.  2"  livre.  Op.  7i6.  N.  2.     .     .     . 


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12  » 

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24  » 

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GOUBS  SE  m.  ET  "SH^^  COCHE. 

M"«  Coche,  professeur  au  Conservatoire ,  ouvrira  le  2  décembre 
1844  des  cours  musicaux  appliqués  au  piano.  Ces  cours  seront  divi- 
sés en  deux  degrés. 

Le  Cours  de  1"  degré  comprendra  la  lecture  à  première  vue,  à 
-  deux  et  à  quatre  mains,  de  tous  les  auteurs  anciens  et  modernes.  Ce 
cours  aura  lieu  le  lundi  et  le  vendredi  de  3  à  5  heures.  On  n'admet- 
tra que  six  élèves  par  heure. 

Prix  :  15  fr.  par  mois  ,  payable  d'avance. 
Le  cours  de  2'  degré  comprendra  :  i«  la  lecture  de  la  partition  ré- 
duitepour  piano  et  non  réduite;  2»  la  transposition  ;  3°  les  exercices 
de  musique  d'ensemble,  tels  que  :  duos  ,  trios,  quatuors,  etc.  Ce 
cours  aura  lieu  le  mercredi  et  le  samedi,  de  3  à  5  heures.  On  n'ad- 
mettra que  trois  élèves  par  heure. 

Prix  :  35 /r.  par  mois  ,  payable  davance. 

M.  Coche  ,  professeur  au  Conservatoire ,  sera  chargé  de  la  direc- 
tion des  cours  de  musique  d'ensemble. 

M.  Crosilles,  violon-solo  de  l'Opéra-Comique,  sera  attaché  comme 
premier  violon. 

Les  cours  partiront  du  1"  au  15  de  chaque  mois,  et  dureront 
pendant  toute  l'iinnée  scolaire.  Ils  auront  lieu  dans  les  salons  de 
M"'  Coche,  rue  Neuve-Coquenard,  24,  où  l'on  pourra  s'inscrire  tous 
les  jours  de  3  .T  5  heures. 


Inventé  par  C.  KlARTm 

Fnctenr  de  Pinnos, 

BREVETÉ  DU  BOI 

Place  de  In  Bonrae,  1 9. 

i&pjirouTé  par  l'Inatifirt 

•t  adopté  dans  les  classas 

desC01VSEBVA.T0inES 

de  Paris  et  de  Londres. 


Le  Clurogymnasle  est  un  assemblage  de  neuf  appa- 
reils ^yoinastiques  destinësà  àonnerdeVextenston  à 
lamaitietdel'écarf  aux  doigts  à  augmenter  et  à  éi^alf- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quattiéme  et  le  cinquième 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnaste 
a  été  aussi  approuvé  et  adopté  par  MM.  Adam.  Bertini, 
ne  tJeiiott  Cramer,  lierz,  Katkbreuner,  Listz,  Moschelèt 
Pruaatt-  Stron,  Thalberg,  Tulou,  Zimmermonn.etc. 

Cbaque  Chirogymnaste  est  revêtu  de  la  signature 
de  "inventeur  et  se  vend  place  de  la  Bourse,  a'  15, 
à  huit  appareils,  50 /r.,  n  neuf  app.  60 /"r.,  méthode.Zfr. 

CmnlAfSTIQllB  APPLIQUÉE  A  L'ÉTUDE  DU  FIAKO.  par  MARTIIV.  S  b. 
La  CKinMASTIfaVIE  DEST  DOIGTS,  par  H.  BERTINI.  Pris  net,  3  fr.  tS.  m. 

Lei  expèdHi«DB  sont  faites  contre  remboursement.  Ecrire  fran». 

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Réduction  de  prix.  Garantie  de  2  années.  On  peut,  avant  de  conclure 
un  marché,  comparerces  instruments  avec  ceux  de  toutautre  facteur. 


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DU  CONSliRVATOIRE  ROYAL  DE  MUSIQUE , 
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Saai  garantie  du  Gouvernement, 

Fournisseur  breveté  de  S.  M.  ta  Reine. 

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Plumes  métalliques    pour  écrire  la  musique. 

N"  13.  Pour  écrire  la  musique.  Celte  plume  convient  aussi 
aux  personnes  qui  n'écrivent  pas  l'anglaise. — N'MSWs.Pour 
copier  la  grosse  musique  telle  que  parties  séparées,  et  écrire 
en  gros  et  eu  ronde.  —  N»  IG  médium  Plus  fine  que  le  N°  13, 
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ordinaire,  ou  de  fantaisie,  ainsi  que  des  albums  pour  écrire 
la  musique. 


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Pour  Paris  :  un  an,  24  Fr.  ;  six  mois,  15  fr.  —  Annonces  :  50  c.  la  ligne  de  28  lettres  —  Départements  :  un  an,  29  fr.  50  c.  Etranger,  38  fr. 


GAZETTE  MUSICALE 

Uédigéepar  MM.  AÎSDERS,  G.  BÉNÉDIT,  BERLIOZ,  Henbi  BLANCHARD,  MAUiucc  BOURGES,  F.  DANJOU,  DUESBERG,  FÉTIS  père,  Édouàbd  FÉTIS, 
STEPBEN  HELLER,   J.  JAMN,    g.  KASTNER,  LISZT,  J.  WEIFBED,  GEOBGE  SAND,  h.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH,  A.  SPECHT,  etc. 


Ili  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMERO  UN  DESSIN  INEDIT  DE  GAVARNI. 


SOMMAIRE.  Lettres  sur  l'AUemagno  (première  lettre);  par  J.-B. 
lAURENS.  —  Matinées  musicales  ;  par  H.  BLANCHARD.  — 
Album  de  M.  Paul  llenrion  ;  par  II.  BLANCHARD. —  Revue  cri- 
tique; par  H.  RLANCHAStD. — Correspondance  particulière: 
Bruxelles.  —  Feuilleton.  —  Nouvelles. —  Annonces. 
Orchestre  et  théâtre  anibnlamts.  Dessin  de  Gavarni. 


^os   nhonnés  ont  reçu  avec  le  dernier  nnmëro  AVE 

MAISI.%,  paroles  de  M.  Emile  ESesclianips .  lasiisîijue  de 
m.  F.  KUCKEIV.  —  nimanche  prochain  ,  nous  donne» 
rons  DEUX  IHAZURKAS  de  M.  ÉBOUAKffl   ^V^ILFF. 


Cfttrfô  sur  i'i^lllfmaïjîîf. 

PREMIÈRE  LETTRE, 
A  S0eg»ï»en  Bellef. 

Cher  ami  , 
ïl  y  a  soixante  et  dix  ans  environ  que  Burney,  célèbre 
plus  tard  par  son  histoire  de  la  musique,  parcourait  l'Allema- 
gne, la  France  et  l'Italie  pour  visiter  les  compositeurs  renom- 


més de  .son  temps,  pour  s'instruire  auprès  des  ^rudits,  pour 
éclairer  son  jugement  en  se  mettant  h  même  d'apprécier  ccn- 
venablcinent  les  idées  esthétiques  des  différentes  écoles. 

Le  Journal  de  ce  voyage,  publié  en  1771  et  1773,  est  un 
recueil  qu'on  lira  toujours  avec  intérêt,  parce  que  l'auteur 
a  écrit  sincèrement  et  naïvement  des  faits  et  des  observations. 
Je  n'ai  jamais  pensé  aux  voyages  de  Burney,  sans  qu'il  me 
vînt  la  pensée  ambitieuse  de  faire  pour  l'art  et  les  artistes  de 
notre  époque ,  ce  qu'il  a  fait  pour  ceux  de  la  sienne.  Je  puis 
même  dire  que  j'ai  fait  sur  un  petit  cercle  et  pour  moi  seul 
ce  que  le  l'écrivan anglais  a  fait  pourle public.  N'ai-je  pas  vécu 
au-delà  du  Rhin  auprès  de  plusieurs  hommes  célèbres?  N'ai- 
je  pas  ramassé  dans  mon  coin  obscur  des  spécimens  de  toutes 
les  œuvres  qui  ont  une  valeur  pour  l'art  et  pour  son  histoire  ? 
n'ai-je  pas  enrichi  nos  Albums  de  portraits  d'artistes  anciens 
et  vivants?  N'ont-ils  pas,  eux  qui  ont  posé  devant  moi,  écrit 
de  leurs  propres  mains,  à  côté  de  leur  portrait,  des  pages  ou 
des  lignes  intéressantes?  Avec  de  tels  éléments,  je  ferais  à 
coup  siJr  un  livre  piquant,  et  ce  qui  pourrait  recommander 


Poitefeuille  de  deux  Cantatrices  ^^\ 


CLOTILDE  B**.*  A  ESTHER  SAUNIER. 

1"  juillet. 

J'attendais  une  lettre  de  toi  depuis  deux  jours  et  je  suis  d'au- 
tant plus  inquiète  de  n'en  pas  avoir  reçu  que  je  sais  ce  qui  s'est 
passé.  Tes  pressentiments  étaient  justes  :  le  duel  a  eu  lieu  et  ce 
n'est  pas  la  bonne  cause  qui  a  triomphé.  M.  George  Dcsbrières  a 
eu  l'avantage  ;  le  jeune  Lambert  est  blessé ,  légèrement,  j'espère. 
Cette  nouvelle  m'est  arrivée  par  la  même  voie  que  celle  qui  avait 
rapport  aux  projets  de  ton  ennemi.  Desbrières  a  ici  un  corres- 
pondant que  je  connais  et  qui  me  montre  quelquefois  ses  lettres. 
La  dernière  est  un  citant  de  triomphe,  dont  j'ai  la  permission  de 
te  donner  un  extrait.  Après  avoir  raconté  ù  sa  manière  la  soirée 
delà  prétendue  baronne,  et  ce  qui  s'en  est  suivi,  e.\plication , 
cartel,  combat,  le  vainqueur  s'exprime  ainsi  : 

«  Eh  bien  !  qu'en  dis-tu  ?  s'avisera-t-on  encore  de  se  jouer  de 
i>  ma  personne?  Voilà  comment  il  faut  traiter  les  petites  co- 
»  quettes,  qui  fontles  prudes,  et  les  petits  innocents,  qui  font  les 
»  crânes  !  C'est  une  leçon  à  deux  coups  ,  ni  plus  ni  moins  qu'un 

(I)  Voiries  numéros  40,  41,  42,  43,  44,  45  46,  et  47. 


1)  fusil  de  chasse ,  et  en  toute  cette  affaire  mon  talent  de  chasseur 
»  m'a  puissamment  servi.  Je  ne  puis  pas  souffrir  le  gibier,  et 
»  pourtant  je  lui  fais  assez  habilement  la  guerre.  De  même,  je 
»  ne  me  sentais  aucun  goût  pour  cette  petite ,  qui  n'est  ni  belle 
»  ni  laide,  et  n'a  d'autre  charme  que  sa  voix.  Je  ne  tenais  qu'au 
»  principe  :  j'ai  voulu  la  réduire  pour  l'honneur  du  principe ,  et 
»  tu  conviendras  que  je  n'y  al  pas  mal  réussi.  A  présent  je  suis 
»  son  maître,  je  la  tiens,  je  la  domine  ;  que  peut-elle  dire  ,  que 
»  peut-elle  faire  pour  s'échapper  du  cercle  où  je  l'ai  enfermée? 
»  Qu'elle  vienne  me  demander  grâce  et  se  rendre  à  moi ,  soit  un 
»  jour,  soit  un  autre ,  c'est  ce  dont  je  ne  me  soucie  guère  ,  mais 
»  c'est  aussi  ce  qui  ne  peut  manquer  d'arriver.  J'ai ,  tu  le  sais , 
I)  l'instinct  guetteur  du  chat  :  je  ne  me  presse  ni  ne  m'impa- 
u  tiente  :  j'attends  ma  proie  avec  confiance  et  je  l'oblige  presque 
»  toujours  à  faire  les  trois  quarts  du  chemin.  C'est  le  privilège 
')  des  gens  qui  ne  s'enflamment  pas,  comme  des  imbéciles,  et 
)  qui  estiment  les  femmes  tout  juste  ce  qu'elles  valent.  Tu  me 
>  diras  peut-être  que  j'ai  risqué  ma  vie,  et  que  c'est  beaucoup 
)  trop.  Que  diable  veux-tu?  On  ne  prévoit  pas  toujours  toutes 
)  les  chances ,  et  je  t'avouerai  que  celle  du  duel  ne  m'était  pas 
)  venue  à  l'idée.  Je  ne  voyais  autour  de  la  vertueuse  Esther  ni 
I  père,  ni  frère,  ni  mari;  comment  s'imaginer  qu'un  petit  mon- 
1  sieur,  qui  ne  lui  avait  donné  le  bras  qu'une  fois,  prendrait 
'  fait  et  cause  pour  elle  ?  Au  demeurant,  je  ne  pouvais  demander 
'  mieux  :  l'aventure  est  complète  et  le  dénouement  a  tourné  si 


BURSAUX   P'ABOBriffEMEarT,    RUE   ZUCH3EI.IEU ,    97. 


396 


REVBE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


1  te  pfijs  BiDii  œu^re ,  c'est  de  a'Stre  poiai  eesïposileu*  bjum- 
mêiiW' ow  dunioitis  de  De  rieia  p«bliev,  d«  u'avoir  aiueim  rival, 
de  n'être  d'aueune  eoterfe,  de  ii'avok  aucu»  b*téifêt  à  loue» 
au  à  critiquer  teUe  œuvre  ni  tel  a,ute.or  „  de  vivre  bien  loin 
âtt monde,  hein^eHx  de  mon  oJbseunité  connue  da  plus  gratidi 
bjea  d»  ma  vie,  surtout  lorsque,  sortant  de  ma»  iroti.,  j» 
Miens  de  voir  Fa  vîê  inquiète  et  agitée  de  quelques  cél6brit&. 
0«t,jeme  vanterais  avant  tout  de  n'êlre rien; car  martuilité 
aie  lient  toujours  l'esprit  en  bonne  sanlé,  de  sorte  que,  dan* 
nés  voyages^  je  vais  devant  moi ,  naïvement  disposé  à  goûter 
toutes  les  jouissances  f;ue  voudront  me  procurer  les  arts  que 
je  cultive.  C'est  ainsi  que  vous  m'avez  vu  content  d'une  poJka,. 
lorsque  vous  m'avez  rencontré  sur  la  roule  que  j'aivais  pi'is» 
pour  aller  ent«sidre  ea  Alkougne  ^s  etralioriies  ée^SaieaK&]!  elt 
de  Séb.  Bach. 

Or,  je  vous  le  répète,  cher  ami ,  l'exécution  et  la  publica- 
tion d'un  voyage  comme  celui  de  Burney  est  mon  château 
en  Espagne  :  Mfhi  Liiftsehloss.  Pour  attendre  palieuinaent 
qu'il  se  réalise,  permettez  que  je  vous  écrive  quelques  Lettres 
édifiantes  sur  ce  que  j'ai  vu  et  entendu  dans  mon  dernier 
voyage  au-delà  du  Rhin. 

J'avais  compté  sur  une  bonne  rencontre  en-deçà  ;  oui,  je 
m'étais  promis  quelques  heures  ti  es  instructives  auprès  de 
M.  Fétis,  j'aurais  bien  voulu  offrir  mes  hommages  au  savant 
directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles  :  mais  cet  infatigable 
ti-avaiileur  était  à  la  campagne;  la  pluie,  qui  tombait  par  tor- 
rents, m'empêcha  de  former  le  projet  d'allerl'y  trouver.  Alors 
je  laissai  chez  lui,  comme  carte  de  visite,  votre  portrait  et 
quelques  autres  feuilles  de  ma  façon. 

Déçu  dans  ce  que  j'attendais,  je  trouvai  h  Bruxelles  ce  que 
je  n'attendais  nullement;  M""  Taglioni  exprimait  ses  derniers 
adieux  en  pirouettes ,  et  je  profitai  de  cette  rare  occasion  de 
voir  la  célèbre  sylphide.  Marie  Taglioni  est  délicieuse  ;  elle 
est  légère  comme  un  oiseau.  Cependant  il  y  a  une  grâce  qui 
est  au-dessus  de  la  sienne  tant  vantée  ;  c'est  la  grâce  natu- 
relle ;  c'est  la  grâce  d'une  jeune  fille  qui  ignore  en  avoir  :  c'est 
la  grâce  d'un  enfant  qui  joue  avec  sa  mère.  Ce  sont  peut- 
être  même,  ou  du  moins  sous  quelques  rapports,  les  grâces 
de  la  polka  dansée  à  la  Chaumière  de  Paris,  par  deux  ou  trois 
griseltes  dont  le  mérite  trouve  d'intelligents  appréciateurs. 


¥9Jlâ.,  di^es- verts»»  ce  (jirf  s'a^efte  parier  de  &i  «kmgç ,/ 
cornsse  iam.  de^  g«MS-  [«wrlieyti  de-  û  uiiiusiqiae'..  Csst  t!»fe  p^s?. 
i^ble;  mais:  i^otM-q^oi  craiiadi;ais>-j« ^  vwj&eUre.RKkDKipiMii»!»,, 
si  elie  est  panfeileajenti  sineèi'e? 

Au  ri.sque  de  vetss  parato'Ç'encwvï!-  plu»  t^aeste ,  ji'useiwi  vw» 
(Jifft  ^tte  j'ai  pris  de  h  laauwise  himj««r  en  «iiiisiidajàlt  ca»- 
eut-er  l'ouverture  de  Guillaume  ï'eH  par  l'ouchestre  du  Clraiid- 
Tkéàtre  de  Bruxelles.  On  croirait  vraijiieali  que  la  perfection 
dteresécntion  gît  dans  la  rapidité  domowementseï  (3iajBS.te 
tapage.  Par  suite  de  cet  abus,  la  musique  a' est  ^»  qa'un 
charivari  d'enragés.  C'est  le  goût,  ou  plittôt  c\'st  la  inodferfe 
notre  teeips»,,  et  an  y  obéit  à  Bruxelles  comme  ailleurs.  Lors- 
qu'oa  auriveau  point  de  ne  plus  entendre  l'articulation  des 
notes»  oii  tuQjuve  qjue  cela  est  superbe;-  mener  les  mouvements 
de  cette  manière ,  cehi  s'àppellte  chauffer.  L'expression  est 
parfaite  de  justesse;  oui ,  ily  a  alors  quelque  chose  qui  res- 
semble très  bien  aux  foiges,  aux  enclumes,  aux  limes,  aux 
marteaux.  Et  ces  pauvres  exécutants  !  à  quoi  les  comparer  ? 
sinon  à  des  maniaques  furieux.  Souvenez-vous  de  la  panto- 
mime de  cei'tains  pianistes. 

Si  la  musique  est  une  langue  ,  et  ce  n'est  pas  vous  qui  en 
douterez,  si  les  chorals,  si  les  compositions  de  Haendel  expri- 
ment le  sentiment  religieux  ;  si  Schubert  nous  dit  .ses  tendres 
mélancolies  du  cœur;  si  Haydn  nous  donne  l'idée  des  douces 
contemplations  de  l'esprit  ;  eh  bien!  si  la  musique  est  ainsi 
une  langue,  une  peinture,  alors  la  plupart  des  oeuvres  mo- 
dernes, ou  du  moins  la  manière  dont  on  les  exéc-ute,  est  une 
image  du  chaos,  de  la  rage  et  du  désespoir.  Mais  cela  est  à  la 
mode,  et  il  faudrait  admirer.  Or,  chaque  fois  qu'une  compo- 
sition conçue  dans  d'antres  idées  est  offerte  au  public,  celui- 
ci  trouve  qu'elle  est  froide.  Le  public  veut  de  la  chaleur  par- 
tout; il  ressemble  à  un  amateur  de  peinture  qui  demanderait 
aux  peintures  de  Fra  Angelico  la  fougue  et  la  couleur  de  Ru- 
bens.  Vraiment  c'est  pitoyable  de  voir  comment  nous  sommes 
mal  élevés  en  musique,  et  même  combien  nous  sommes 
ignorants. 

De  cette  terre  belge  d'où  sortirent  les  premiers  musiciens 
du  monde  aux  xv°  et  xvr  siècles ,  je  me  dirigeai  sur  Cologne, 
en,  saluant  Aix4a-ChapeUe^  où  la  Société  do  chant  fait  chaque 
année  des  merveilles  eu  exécutant  avec  des  masses  formida- 


»  heureusement  pour  moi  que  je  ne  suis  pas  d'humeur  à  me 
»  plaindre  de  personne.  Parle  de  moi  à  tous  nos  amis  :  i-aconie- 
»  leur  la  chose  aGn  qu'ils  la  redisent  à  ces  diiines;  cela- pourra 
»  m'être  utile,  quand  j'aurai  la  faataisie  d'aller  faire  un  tour  à 
»  Paris.  » 

Je  ne  pense  pas  que  son  ami  le  serve  préKisémcnt  comme  il  le 
désire.  Il  ne  tiendra  pas  à  moi  que  la  vicloLie  ne  porte  pas  grand 
profit  au  vainqueur.  Donne  moi  des  détails  le  plus  tôt  qac  tu  le 
pourras.  Je  ne  te  parle  pas  de  moi  dans  ce  moment,  parce  que 
je  te  suppose  trop  préoccupée  de  ce  qui  le  coacerae,  ei  qtie  je 
ne  veux  pas  augmenter  tes  ennuis;  mais  ,  chère  amie,  que  ma 
position  est  cruelle!  Toujours  les  mêmes  craintes,  toujours  la 
même  oppression  !  J'ai  souvent  envie  d'aborder  le  comte  et  de  lui 
demander  ce  qu'il  a ,  mais  je  n'en  fais  rien,  parce  que  j'ai  peur 
qu'il  ne  me  le  dise. 


ESTHER  SAUÎJIERA  CLOTILDE  B*  *  *. 

i  juillet. 

Pardonuez-moi ,  chère  amiei  je  vous  avafe  écrit  le  lendemain 
du  duel ,  mais  il  paraît  que  dans  mon  trouble  j'ai  oublié  d'en- 
voyer à  la  poste.  J'ai  reirouvé  ma  lettre  ce  matifl ,  en  prenant  la 
plume  pour  répondre  à  la  vôtre  :  elle  s'était  glissée  dans  un  cahier 
de  papier  blanc.  On  aurait  perdu  la  tête  à  moins,  n'est-ce  pas? 


Concevez-vous  une  fatalité  plus  déplorable?  un  duel ,  ù  cause  de 
moi,  qui  n'ai  donné  à  personne  le  droit  ni  de  m'insulter,  ni  de 
me  défendre!  Et  encoiie  un  duel  malheuïeux!  La  blessure  de 
M.  Lambert  n'est  pas  grave;  il  sortira  ,  dit-on,  dans  deux  jours, 
mais  enfin  il  est  blessé  ;  il  aurait  pu  mourir,  et  que  serais-je  de- 
venue ,  grand  dieu  ,  si  un  brave  jeune  homme  eût  perdu  la  vie  à 
cause  de  moi  ? 

Je  ne  me  doutais  guère  de  ce  qui  arriverait ,  lorsque  je  le  vis 
au  théâtre  le  lendemain  de  la  fameuse  soirée.  11  vint  à  moi  le 
sourire  sur  les  lèvres  ei  me  demanda  comment  j'avais  passé  la 
nuit.  —Fort  mal,  lui  répondis-je  du  ton  dont  je  lui  aurais  dit 
que  j'avais  mal  dormi.  —  C'est  singulier,  repril  il  ;  je  connais  des 
gens  qui  assurent  le  contraire.  On  parle  d'une  tète  charmante, 
dont  vous  auriez  fait  l'agrément ,  et  qui  se  serait  terminée  par  un 
tète  à  tête  plus  charmant  encore.  —  Dites  à  ces  gens  qu'ils  en  ont 
meuli,  m'écriai-jc  avec  plus  d'animation  que  je  n'aurais  voulu 
en  laisser  voir.  —  Vous  n(!  pouvez ,  reprit-il ,  me  donner  de  mis- 
sion qui  me  plaise  davantage  ,  et  je  ne  tarderai  pas  à  m'en 
acquitter. 

C'était  à  moi  d'entrer  en  scène ,  et  nous  n'en  dîmes  pas  davan- 
tage. Je  le  rencontrai  encore  une  fois  dans  le  cours  du  spectacle. 
Il  avait  toujours  l'air  riant  et  tranquille.  Quelques  minutes  aupa- 
ravant, j'avais  entrevu  Dcsbrières,  qui  se  tenait  dans  la  cou- 
lisse ,  pendant  que  je  chantais ,  et  qui  me  regardait  avec  la  der- 
nière insolence.  Je  ne  le  revis  plus  qu'à  la  chute  du  rideau  :  il 


DE  PARIS. 


397 


blés  les  oratorios  de  Haendel.  A  Cologne,  on  est  obligé  de  con- 
sacrer toutes  ses  facultés  à  radiniiation  de  la  cathédrale.  Il 
n'y  a  pas  longtemps  que  le  goût  classique  romain  rendait 
aveugle  aux  beautés  de  l'architectiirc  gothique  ,  comme  de 
fâcheux  préjugés  nous  rendent  sourds  aux  beautés  de  l'an- 
cienne musique.  On  disait  devant  les  cathédrales  d'Amiens  , 
de  Strasbourg,  etc.  :  cela  est  de  mauvais  goût  ;  tout  comme 
nous  disons  devant  les  œuvres  de  Hœndel ,  de  Palestrina , 
de  Haydn  :  cela  est  froid.  La  vieille  architecture  est,  grâce  à 
Dieu,  réhabilitée;  Dieu  veuille  que  la  musique  de  nos  pères 
le  soit  bientôt  chez  nous,  ainsi  qu'elle  l'est  en  Allemagne  ! 

Si  on  a  le  courage  de  visiter  quelque  chose  au  sortir  de  la 
calhédiale  de  Cologne  ,  il  faut  entrer  dans  le  Musée  qui  est 
très  riche  en  peintures  du  moyen-âge.  Le  musicien  antiquaire 
s'arrêtera  longtemps  devant  un  tableau  de  Briinn  représen- 
tant une  dame  assise  au  clavecin  ,  et  entourée  d'une  très  nom- 
breuse famille.  Sur  le  pupitre  du  clavecin  est  placé  un  cahier 
de  musique  dont  la  notation  est  très  lisible  ,  et  qui  est  ime 
pièce  curieuse  des  compositions  du  xv"  siècle  ;  le  mouvement 
est  indiqué  corne  potro.  Le  cahier' couvre  en  partie  une 
inscription  écrite  en  grosses  lettres  sur  la  partie  de  bois  des- 
tinée à  couvrir  le  clavier;  voici  ce  que  l'on  peut  lire  : 

MVSICA   COME ATQVË    iRJE   ABDORES. 

Si  cette  inscription  datait  de  i8l\!i,  il  faudrait  interpréter 
ainsi  :  la  musique  excite  les  ardeurs  de  la  colère  ;  mais  comme 
au  XVI'  siècle  on  ne  composait  pas  de  la  musique  diabolique, 
il  faut  interpréter  :  qu'elle  calme  les  ardeurs  de  la  colère. 
Dieu  nous  en  donne  qui  ait  cette  propriété  ! 

J.-B.  Laurens. 


de  lat'Société  plillhaiînioiniqnc  &  chez  M.  Bemhavdt. 

La  Société  philharmonique  de  Paris,  qui  depuis  longtemps, 
car  elle  compte  vingt  ans  d'existence,  implante  le  goût  de  la 
musique  parmi  les  amateurs  de  la  moyenne  propriété  de  cette 
ville;  la  Société  philharmonique  qui,  comme  l'ancienne  aca- 
démie de  Marseille,  au  dire  de  Voltaire,  est  une  iionnête  fdle 


qui  fait  peu  parler  d'elle,  a  donné  un  concert  dimanche  passé 
dans  la  salle  Montesquieu  ,  qui  a  réuni  un  public  nombreux 
et  des  plus  empressés  :  on  ne  payait  pas.  Ce  concert  va  servir 
de  signal  sans  doute  à  toutes  les  matinées  et  soirées  musicales 
qui  vont  surgir  de  tous  côtés.  Les  ouvertures  de  Montano  et 
Stéphanie  et  de  la  Sirène  onl  été  ditesavec  un  ensemble,  une 
chaleur  et  une  précision  qui  font  honneur  à  M.  Loiscau,  chef 
de  cet  orchestre,  composé,  presque  exclusivement,  déjeunes 
amateurs.  Plusieurs  morceaux  de  chant,  un  solo  de  hautbois 
et  une  jolie  fantaisie  de  violoncelle  ,  exécutés  par  déjeunes 
artistes  qui  ont  remporté  des  premiers  prix  au  Convervatoire, 
ont  été  fortement  et  justement  applaudis. 

Quelques  sièges  de  plus  pour  les  auditeurs  qui  assistent  à 
ces  solennités  de  musique  bourgeoise,  et ,  du  reste,  fort  bien 
dite,  ne  pourraient  que  faire  honneur  aux  qualités  adminis- 
tratives de  ceux  qui  président  aux  destinées  de  cette  société. 
Qu'ils  y  songent  !  Se  faire  lire  en  littérature,  et  se  faire  écouter 
en  musique  est  ce  qu'il  y  a  de  plus  difficile  dans  ces  deux 
arts.  Or,  si  une  bonne  basse  est  la  base  de  toute  harmonie, 
un  siège  quelconque  est  celle  de  l'attention  de  tout  auditeur 
dans  quelque  concert  que  ce  soit. 

—  M.  Bernhardt  fait  d'excellents  pianos  et  possède,  de  plus, 
une  demoiselle  charmante  qui,  déjà  pianiste  agréable,  fait 
ressortir  les  brillantes  qualités  des  instruments  si  bien  con- 
fectionnés par  son  père.  Dans  une  matinée  musicale  qui  a 
été  donnée  la  semaine  dernière  chez  cet  habile  facteur, 
M"°  Bernhardt  a  dit  des  variations  brillantes  sur  la  Lucia  di 
Lammermoor,  d'une  manière  nette,  expressive,  et  qui  satis- 
fera les  amateurs  les  plus  difficiles,  lorsque  celte  jeune  pia- 
niste comprendra  qu'il  faut  contraster  ces  deux  qualités  par 
la  chaleur  et  la  poésie  de  l'art.  Elle  a  fort  bien  exécuté  le  duo 
pour  violon  et  piano  de  Bériot  et  d'Osborne,  avec  .M.  Mon- 
ta ubry. 

M.  Léopold  Amat  a  dit  de  sa  voix  flatteuse ,  mais  un  peu 
fade,  quelques  romances  agréables  et  insignifiantes  au  même 
degré.  Dans  une  fantaisie  pour  la  flûte  ,  sur  des  motifs  du 
Déserttur,  M.  Rémusat  a  prouvé  qu'il  est  un  des  bons  flû- 
tistes de  l'époque  par  le  son,  le  style  et  l'expression.  M.  Mon- 
taubry  est  un  des  nombreux  enfants  de  notre  école  française  de 
violon,  et  qui  la  maintiennent  au  premier  rang  dans  l'Europe 


causait  avec  deux  de  .ses  amis,  et  je  remarquai  qu'il  était  tout 
pâle.  Sazerac  entra  dans  ma  loge  et  me  raconta  ce  qui  venait  de 
se  passer.  M.  Lambert  s'était  approché  de  l'autre  et  lui  avait  dit 
à  haute  voix  qu'il  le  tenait  pour  un  menteur  et  un  lâche.  —  Et 
pourquoi  cela ,  monsieur?  lui  avait  répondu  froidement  Des- 
brières.  —  Parce  qu'il  n'y  a  qu'un  lâche  ,  répliqua  Lamljcrt ,  qui 
se  vante  des  bonnes  fortunes  qu'il  n'a  pas  eues  et  qu'il  n'aura 
jamais.  —  Vous  n'êtes  qu'un  enfant ,  reprit  Desbrières ,  et  vous 
ne  connaissez  pas  la  valeur  des  mots.  —  C'est  possible  ,  répondit 
Lambert ,  mais  vous  êtes  un  homme  et  vous  devez  connaître  celle 
des  gestes. 

En  disant  cela,  M.  Lambert  effleura  de  son  gant  le  visage  de 
l'autre  ,  qui  leva  la  main  sur  lui.  l^lusieurs  personnes  se  jetèrent 
entre  eux  et  les  continrent.  Il  paraît  que  Desbrières  n'avait 
nulle  onvie  de  se  battre  et  prétendait  qu'une  correction  telle 
fluelle  serait  suffisante  avec  un  adversaire  comme  le  sien.  Le  fait 
est  qu'il  ne  passe, pas  .pour  très  brave,  quoiqu'il  soit  un  pilier  de 
salle  d'armes.  Mais  ses  amis  ne  furent  pas  du  même  avis  que  lui 
et  déclarèrent  qu'il  n'y  avait  .pas  moyen  d'en  finir  autrement 
qu'avec  l'épée  ou  le  pistolet.  Des  témoins  furent  nommés  sur-le- 
champ.  C'étaient  pour  Desbrières,  MM.  de  Gramniont  et  D'hau- 
terive,  deux  jeunes  gens  des  premières  familles  de  la  ville,  pour 
M.  Lambert,  M.  Raoul,  lieutenant  d'artillerie,  et  Sainte-Croix, 
jiotr£  régisseur,  qui  se  trouvait  présent  au  débat.  J'étais  plus 
morte  que  viv^,  en  écoulant  ce  que  me  racontait  Sazerac,  et 


vous  jugez  quelle  nuit  je  passai  !  Si  J'avais  su  le  lieu  du  combat, 
rien  au  monde  n'aurait  pu  m'empècher  d'y  courir.  Sazerac  m'a- 
vait promis  d'y  être  avec  Sainte  Croix  et  de  venir  me  rendre 
compte  de  l'événement,  il  tint  parole  :  vers  huit  heures  il  entra 
chez  moi  :  je  ne  m'étais  pas  coucliée.  Il  m'apprit  qu'arrivés  sur 
le  terrain  les  deux  combattants  avaient  tiré  leurs  épées,  que 
M.  Lambert  paraissait  très  calme,  et  Desljrières  très  animé  ;  que 
la  main  de  ce  dernier  tremblait ,  comme  agitée  d'un  mouvement 
fébrile,  qu'il  s'était  précipité  sur  son  adversaire,  avec  tant  de 
brusquexie  que  l'autre  aurait  pu  le  tuer, -s'il  eût  voulu,  mais 
qu'au  contraire  c'était  Desbrières  qui  avait  blessé  Lambert  au 
bras  droit.  Dès  qu'ils  eurent  vu  le  sang  couler ,  les  témoins  d'un 
commun  accord  déclarèrent  que  l'affaire  était  terminée.  Un  mé- 
decin, amené  par  Sazerac,  pansa  la  blessure  de  M.  Lambert,  et 
Sazerac  lui-même  le  ramena  en  voiture  Jusqu'à  l'hôtel  garni  qu'il 
habite.  —  Je  n'ai  qu'un  regret ,  lui  dit  ce  brave  jeune  homme  , 
c'est  d'avoir  si  mal  défendu  la  noble  cause  dont  je  m'étais 
chargé.  Ah  !  s'il  était  permis  de  recommencer! 

J'avoue  que  moi  aussi  je  pleurai  de  chagrin  et  de  rage,  en 
voyant  que  le  sort  s'était  prononcé  d'une  manière  si  triste  t  Et 
aujourd'hui  je  ne  souffre  pas  moins,  je  ne  suis  pas  moins  indi- 
gnée, car  enfin  le  monde  est  si  méchant  qu'à  moins  d'être  le 
plus  fort ,  on  n'a  Jamais  raison  de  ses  injustices.  Ce  perfide  Des- 
brières le  sait  bien  :  sa  lettre  le  prouve  et  toute  sa  conduite  le 
prouve  encore  plus.  Me  voilà  donc  plus  que  jamais  livrée  à  sa 


398 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


musicale  ;  il  a  dit  une  fantaisie  de  sa  composition  avec 
aplomb ,  justesse  et  chaleur.  M""  Cloulier  a  fait  honneur  à 
son  habile  professeur,  M.  Prumier,  en  jouant  une  fort  jolie 
fantaisie  pour  la  harpe,  sur  La  Lvcia  de  la  composition  de 
son  maître.  M.  Cabu,  pourvu  d'une  belle  voix  de  basse,  dont 
l'intonation  n'est  pas  toujours  très  juste,  et  qui  faille  trille 
ou  la  cadence  à  la  tierce,  a  chanté  avec  M""  Cotti ,  possédant 
una  voce  un  poco  agro  limone,  mais  dont  elle  se  sert  avec 
agilité  et  une  sorte  de  brio,  divers  duos  qu'on  n'a  pas  écoutés 
sans  plaisir,  et  qui  ont  été  rémunérés  par  quelques  bravos 
intelligents  et  mérités.  Enfin,  M.  Lincelle  a  dit,  joué,  mimé 
de  sa  voix  sans  prétention,  de  sa  grosse  et  bonne  face  réjouie, 
ainsi  que  de  sa  main  ornée  du  gant  blanc  de  rigueur,  de 
joyeuses  chansonnettes  qui  ont  fort  bien  terminé  la  première 
et  la  deuxième  parties  de  cette  matinée  musicale ,  à  laquelle 
M.  Bernhardt  se  propose  de  donner  des  sœurs  qui ,  si  elles, 
ont  un  air  de  famille  avec  celle-là ,  ne  peuvent  qu'obtenir  la 
sympathie  des  amateurs. 

Henri  Blanchard. 


ALBUM  DE  M.  PAÏL  HEIVRIO^. 

Paroles  de  MM.  Barathau  ,  Sauvage  et  Adbin  , 
Lithographies  de  M.  Jules  David. 

Cette  gracieuse  industrie  musicale,  qu'on  appelle  l'Album 
du  l"jour  de  l'an,  s'améliore  pour  le  critique  chargé  d'en 
rendre  compte,  car  au  lieu  de  se  modeler,  comme  par  le  passé, 
sur  le  nombre  des  mois  de  l'année ,  on  ne  le  compose  plus 
guère  que  de  dix  morceaux.  Ce  même  critique  voit  également 
avec  plaisir  quelques  nouveaux  noms  surgir  dans  l'empire  de 
la  romance.  M.  Paul  Henrion  est ,  ce  nous  semble ,  un  nou- 
veau-venu qui  vient  demander  sa  place  au  soleil  de  la  chan- 
sonnette de  salon  qui  fait  pâlir  l'astre  de  la  chansonnette  de 
théâtre.  Cette  œuvre ,  légère,  accorte  et  comique ,  si  brillante 
et  si  joyeuse  sur  la  scène  naguère,  en  passant  par  la  voix 
d'Achard  et  de  Levassor,  est  éteinte  ;  comme  la  fille  de  Du- 
perrier,  elle  est  tombée  avant  le  temps , 

Et ,  rose ,  elle  a  vécu  ce  que  vivent  les  roses , 
L'espace  d'un  malin. 


Plusieurs  causes  ont  concouru  à  sa  décadence ,  sinon  à  sa 
chute  totale  :  d'abord  le  gros  et  vieux  calembourg  dont  on 
bardait  son  monologue  ou  dialogue  obligé,  mais  surtout  l'in- 
dustrialisme des  chanteurs  de  ces  choses  qu'on  avait  fini  par 
rendre  ami-musicales  ,  et  qui  s'est  avisé  de  metire.à  contribu- 
tion les  éditeurs  et  compositeurs  de  ces  étincelles  artistiques; 
aussi  ce  bon  public  de  Paris ,  qui  se  laisse  imposer  tant  de 
stupidités,  s'est-il  dégoûté  bien  vite  de  ces  platitudes  assez 
mal  rimées  et  fort  peu  rhythmées,  dont  les  auteurs  oubliaient 
de  payer  un  tribut  au  bon  goût  avant  d'ea  payer  un  à  leurs 
ciianteurs. 

M.  Paul  Henrion ,  armé  de  toutes  pièces,  entre  donc  pour 
la  première  fois,  que  nous  sachions,  dans  le  champ  fleuri  de 
la  romance  sentimentale  et  de  la  gaie  chansonnette  de  salon  ; 
il  y  a  cueilli  un  fort  joli  bouquet  qui  exhale  un  doux  parfum 
de  mélodie. 

La  première  pièce  de  cet  Album,  intitulée  Les  decx  lan- 
gages ,  a  un  air  de  famille,  pour  la  simplicité  des  paroles  et  la 
gentillesse  du  chant,  avec  la  petite  Bergère  de  M"°  Puget,  qui 
a  obtenu  les  honneurs  de  la  vogue,  et  avec  laquelle  cette  jolie 
chansonnette  pourrait  bien  rivaliser  pour  le  succès.  Les  paro- 
les forment  une  action  tout  à  la  fois  comique,  naïve  et  scéni- 
que,  comme  M.  Barateau  en  imagine  souvent  dans  ces  petites 
poésies  dramatiques.  Mise ,  par  la  dédicace ,  sous  le  patro- 
nage de  la  jolie  M™"  Sabatier,  cette  chansonnette  dite  par  elle 
est  faite  pour  s'élever  au  succès  de  vogue. 

Ma  mère  en  mourrait  est ,  comme  on  le  voit  par  le  titre, 
'une  romance  pur  sang.  C'est  encore  une  jeune  fille  naïve , 
aux  yeux  bleus  et  aux  cils  d'ébène  ,  que  son  amour  pour  sa 
mère  et  sa  chaumière  garantit  des  pièges  d'un  séducteur.  La 
mélodie  en  est  franche  et  d'un  caractère  plein  de  douceur. 
Quant  à  l'harmonie ,  nous  sommes  obligé ,  par  notre  con- 
science de  critique,  de  dire  à  M.  Henrion  qu'elle  n'est  pas 
toujours  irréprochable ,  son  harmonie  ,  bien  entendu,  et  non 
pas  notre  conscience  de  critique,  comme  le  tour  de  la  phrase 
pourrait  le  laisser  croire.  La  neuvième  mesure  du  chant  de 
cette  romance  renferme,  à  la  partie  de  l'accompagnement , 
un  accord  de  septième  diminuée  dans  son  premier  renverse- 
ment ,  et  qui  se  résout  d'une  singulière  façon ,  ce  qui  n'exci- 
terait pas  autrement  notre  susceptibilité  harmonique,  si  la 


merci!  Je  suis  son  esclave,  sa  viclime,  et  il  ne  consentirait  à 
m'épargner  que  si  je  devenais  sa  maîtresse!  >Ion  supplice  n'est 
donc  pas  près  de  finir;  quoi  qu'il  en  dise  et  quoi  qu'il  s'imagine, 
je  n'irai  pas  me  jeter  dans  ses  bras  :  j'aime  encore  mieux  mourir 
de  désespoir  que  de  honte. 

Si  j'étais  capable  de  vire  au  milieu  de  toutes  ces  aflflictions , 
j'en  aurais  souvent  l'occasion  en  regardant  ce  pauvre  Sazerac. 
Vous  savez  qu'il  m'adore  toujours  et  que  par  conséquent  il  est 
profondémetit  sensible  à  tout  ce  qui  me  touche,  mais  il  est  aussi 
directeur ,  et  il  s'en  souvient  de  la  manière  la  plus  bouffonne 
dans  les  moments  les  plus  pathétiques.  Le  jour  du  duel ,  par 
exemple,  il  s'occupait  de  moi,  de  M.  Lambert;  il  s'attendrissait 
jusqu'aux  larmes ,  et  puis  il  pensait  à  son  spectacle.  —  Ah  !  mon 
Dieu,  s'écriait-il,  j'ai  peur  qu'il  n'y  ait  personne  ce  soir  !  Que  je 
vous  plains,  chère  petite ,  et  comme  je  me  mets  à  votre  place  !... 
Croyez-vous  pouvoir  chanter  demain  ? 

A  cela  près ,  ce  pauvre  homme  est  le  meilleur  homme  du 
monde,  et  à  défaut  d'une  amie  telle  que  vous  je  ne  puis  désirer 
mieux  qu'un  ami  tel  que  lui  ;  mais  que  la  vie  du  théâtre  est  dou- 
loureuse ,  quand  on  a  dans  l'esprit  autre  chose  que  l'envie  de 
plaire  au  public,  et  dans  le  cœur  autre  chose  que  les  sentiments 
d'emprunt  qui  conviennent  à  vos  rôles  !  J'avais  entendu  répéter 
cela  bien  des  fois  :  je  l'avais  lu  dans  les  livres  :  je  l'avais  vu  sur 
la  scène ,  et  je  ne  me  faisais  pas  une  idée  des  tortures  que  ce 
combat  de  la  vie  réelle  et  de  la  vie  factice  oblige  à  endurer  !  Vous  ! 


l'éprouvez  aussi,  chère  amie,  et  vous  me  jugez  mal,  en  suppo- 
sant que  je  ne  suis  pas  disposée  à  vous  comprendre.  Parlez-moi 
de  vous  et  parlez-m'en  beaucoup  :  vous  ne  sauriez  me  rendre 
un  plus  grand  service,  ni  trouver  un  moyen  plus  sûr  de  me 
soulager  de  moi-même. 


clotilde  b***  a  esther  saunier. 

10  juillet. 

Non ,  ma  foi ,  chère  amie ,  je  ne  suivrai  pas  ton  conseil  :  je  ne 
te  parlerai  ni  de  moi,  ni  de  loi  :  je  ne  le  dirai  pas  que  j'ai  assez 
de  l'une  et  de  l'autre ,  mais  ce  sont  pour  le  moment  deux  sujets 
trop  peu  récréatifs,  et  j'en  veux  chercher  de  plus  amusants. 

J'ai  une  grande  nouvelle  à  l'apprendre ,  une  nouvelle  éton- 
nante et  pourtant  bien  simple  ;  une  nouvelle  qui  m'a  paru  d'abord 
bien  extraordinaire ,  mais  à  laquelle  je  commence  à  m'accoutu- 
mer;  une  nouvelle  qui  me  fait  grand  plaisir  et  qui  ne  te  causera 
pas  trop  de  peine;  une  nouvelle....  Voyons  :  réponds-moi  fran- 
chement :  as-tu  deviné  ma  nouvelle  ?  Si  tu  ne  l'as  pas  devinée , 
tant  pis  pour  toi  :  je  veux  le  la  faire  attendre  un  peu ,  ne  fût-ce 
que  pour  exercer  à  la  fois  ton  intelligence  et  la  patience. 

Et  le  théâtre  de  Bordeaux,  comment  va-t-il?  Que  faites-vous 
de  votre  public?  ressemble-t-il  à  celui  de  Paris,  qui  nous  de- 
mande toujours  du  nouveau?  Du  nouveau!  mais  est-ce  qu'il  en 


DE  PARIS. 


399 


basse  ne  procédait  par  quarte  avec  le  chant ,  intervalle  dur  et 
désagréable  que  nous  engageons  l'auteur  à  ne  pas  employer  à 
l'avenir. 

Il  y  a  de  la  verve  et  de  la  gaieté  dans  la  chansonnette  :  Le 
MÊME  CHEMIN  ;  et  la  romance  qui  suit  :  En  parlant  de  lui  , 
contraste  on  ne  peut  mieux  avec  la  première  par  le  charme, 
la  douceur  de  la  mélodie.  C'est  quelque  chose  de  tendre,  de 
suave,  de  mélancolique  qui  appelle  et  provoque  les  larmes  ; 
c'est  cette  histoire  éternelle  du  cœur  en  amour,  cette  naïve 
inconséquence,  cette  contradiction  logique  qui  dit,  chante  et 
répète  sur  tous  les  tons,  depuis  qu'on  fait  des  romances  :  je 
ne  l'aime  plus,  et  je  l'aime  toujours;  ou  en  chansonnette  : 
je  te  déteste  et  je  t'adore. 

Nous  ne  nous  écrierons  point  comme  son  titre  :  Ah  !  je 
SUIS  BIEN  embarrassé,  pour  louer  la  cinquième  pièce  du 
recueil  ;  nous  dirons  tout  simplement  que  c'est  gai ,  vif  et 
naïf;  que  cela  provoque  en  même  temps  au  sentiment  et  à 
l'applaudissement  ;  qu'on  rit  de  ce  pauvre  garçon  qui  a  deux 
femmes  sur  les  bras;  et  nous  ajouterons  qu'on  aime  la  péri- 
pétie du  cœur  qui  le  fait  sortir  d'embarras.  La  musique  peint 
fort  bien  aussi  tout  cela  ;  elle  se  chantera  partout  et  souvent, 
et  partout  elle  fera  plaisir. 

Pourquoi  M.  Paul  Henrion  n'aurait-il  pas  cherché  à  mettre 
du  lyrisme  dans  sa  romance  dramatique  intitulée  :  Folle  de 
DOULEUR  ?  C'est  ce  qu'il  a  fait ,  et  il  n'a  pas  mal  réussi  :  il  y 
a  du  grandiose  dans  l'ensemble  mélodique  et  harmonique  de 
cette  romance  passionnée  et  touchante. 

Je  suis  Lazzarone,  est  un  chant  pour  voix  de  basse 
assez  empreint  de  l'insouciante  gaîté  italienne  qui  caracté- 
rise ces  condottieri  du  moyen-âge  et  de  la  civilisation.  On 
aimera  à  dire  et  à  répéter  la  chanson  naïve  et  consolante ,  in- 
titulée :  Dans  un  pauvre  village  ,  qui  célèbre  les  vertus 
d'un  bon  curé ,  chose  assez  rare  par  le  temps  qui  court.  Ne 
pars  point,  mon  fils,  provoquera  des  souvenirs  maternels 
qui  ont  été  exprimés  bien  des  fois  dans  les  albums;  mais  qui 
sont,  comme  la  peinture  de  l'amour,  la  route  la  plus  sûre  pour 
aller  au  cœur.  Enûn  ,  le  dernier  numéro  de  ce  joli  recueil 
porte  le  titre  de  La  peur  en  chantant.  Ce  sont  deux  jeu- 
nes demoiselles,  probablement  amateurs  et  peut-être  bien 
même  artistes,  qui  se  disent,  dans  ce  charmant  Duetlino, 


qu'elles  ont  peur  en  chantant ,  qui  s'encouragent  et  qui,  par 
le  pouvoir  d'une  mélodie  et  d'une  harmonie  faciles,  finissent 
par  s'aguerrir,  et  prouvent  qu'elles  n'ont  plus  peur.  La  ré- 
miniscence de  la  romance  de  Grétry  :  Une  fièvre  brûlante, 
de  Richard  Cœiir-de-Lion,  est  une  idée  aussi  spirituelle 
qu'heureuse  ;  et  cette  charmante  petite  scène  musicale  suf- 
firait seule  pour  faire  distinguer,  par  les  amateurs  de  ces 
choses,  l'album  de  M.  Paul  Henrion ,  si  d'ailleurs  il  n'avait 
pas  plusieurs  autres  éléments  de  succès,  au  nombre  desquels 
il  faut  compter  les  charmantes  paroles  de  M.  Emile  Barateau, 
et  les  ravissantes  lithographies  de  M.  Jules  David. 

Henri  Blanchard. 

"-sacs-» 

Revue  critique. 

Fantaisie  et  varialions  pour  piano,  sur  IL  TEMPLARIO 

de  Nicolaï , 

par  HENRI  ROSELLEN. 

Il  existe  une  foule  de  pianistes  amateurs ,  qui  n'aiment  et 
ne  jouent  que  les  morceaux  d'une  mélodie  bien  caractérisée 
ou  bien  connue  et  d'un  rhythme,  sinon  facile,  du  moins 
franc  et  bien  accusé  :  ils  laissent  la  musique  et  les  doigtés 
exceptionnels  aux  artistes  exceptionnels;  ils  se  dégoûtent,  et 
cela  se  conçoit,  des  inextricables  difficultés,  soit  en  les  lisant, 
soit  en  les  écoutant.  Ces  amateurs  et  ces  auditeurs  forment  la 
majorité  du  monde  musical ,  et  n'ont  jamais  manqué ,  depuis 
Steibelt,  de  compositeur  pour  les  servir  à  souhait.  M.  Rosellen 
est  la  dernière  expression  de  cette  école  facile  et  brillante  dans 
laquelle  se  sont  distingués  des  artistes  de  talent.  On  se  fatigue 
des  auteurs  dont  la  pensée  s'égare  ,  se  perd  dans  les  nuages 
de  la  fantaisie  ;  bien  entendu  que  fantaisie  n'est  pas  pris  ici 
dans  le  sens  propre  qu'on  y  attache  dans  le  commerce  de 
musique ,  c'est-à-dire  un  thème  avec  introduction  et  variations, 
mais  comme  expression  du  caprice  et  des  divagations  fort 
peu  amusantes  de  certains  compositeurs  qui  s'éloignent  par 
orgueil  des  routes  battues,  des  allées  d'un  parterre ,  sous 
prétexte  qu'on  y  trouve  toujours  des  roses ,  des  œillets,  etc. 
AL  Rosellen  ne  dédaigne  pas  de  se  baisser  pour  cueillir  des 
fleurs  de  mélodie  partout  où  il  en  voit ,  et  il  vient  d'en  décou- 


existe?  est-ce  qu"on  en  t'ait  quelque  part?  Depuis  quelque  lemps 
le  goût  de  la  musique  ilalienne  est  devenu  presque  une  l'uieur  : 
on  ne  veut  plus  entendre  que  du  liossini ,  toujours  et  partout  du 
Rossini  :  cela  est  neuf,  si  l'on  veut,  mais  à  coup  sûr  aussi  cela 
est  extravagant,  sautillant,  bruyant  :  c'est  une  contredanse  per- 
pétuelle ,  à  grand  renfort  de  cuivres  et  de  lurliUulUf.  Est-ce  que 
tu  aimes  ce  genre-ld  par  hasard  ?  Pour  moi ,  j'en  suis  effrayée  : 
je  crains  sérieusement  pour  le  salut  de  i'Opéra  français,  si  l'au- 
teur du  Barbiere,  du  Tiirco,  et  même  de  la  Gazza  ladra  par- 
vient à  s'y  introduire.  D''abord  je  te  dirai  franchement  que  celte 
musique  ne  me  va  pas  du  tout  :  je  n'ai  pas  le  gosier  fait  pour 
toutes  ces  gargouillades  italiennes  :  on  m'a  nourrie ,  dès  mon 
enfance,  avec  du  Gluck,  duSacchini,  duSponlini,  et  je  n'ai 
nulle  envie  de  me  mettre  h  un  autre  régime. 

Eh  bien  ,  ma  nouvelle,  l'as-tu  devinée  ?  pas  encore!  ah  !  vrai- 
ment ,  ce  n'est  pas  bien  à  toi ,  et  tu  ne  mérites  pas  que  je  te  la 
dise. 

Pour  en  revenir  au  dieu  du  jour ,  à  ce  Rossini ,  dont  l'arrivée 
est  annoncée  comme  un  événement  pareil  à  la  venue  d'un  mes- 
sie, je  ne  lui  donne  pas  six  mois  pour  nous  désenchanter  de  lui- 
même  et  de  ses  œuvres.  Ses  imitateurs,  et  il  en  a  par  douzaines, 
ne  l'aideront  que  trop  à  y  réussir.  Conçoit-on  que  des  hommes 
tels  qu'Hérold ,  Auber ,  et  Bo'i'eldeu  lui-même ,  s'amusent  à  nous 
faire  du  Rossini,  au  lieu  de  nous  donner  de  belle  et  bonne  mu- 
sique française,  comme  ils  avaient  tous  commencé  par  en  faire  ? 


Il  n'y  a  que  Spontini  qui  résiste  avec  courage  :  Bcrton  aussi  lutte 
contre  le  torrent.  Par  luallieur  ils  ne  sont  jeunes  ni  l'un  ni 
l'autre  :  leur  Olympie  et  leur  Virginie  n'ont  fait  que  passer. 
C'est  égal,  je  les  approuve  et  les  admire  :  je  sens  qu'à  leur  place 
je  ferais  comme  eux. 

Eh  bien,  encore  une  fois,  ma  nouvelle  ? tu  y  renonces?  en 

ce  cas  je  vais  te  la  dire,  à  condition  que  tu  la  garderas  pour  toi 
et  n'en  sonneras  mot  à  personne ,  surtout  à  Sazerac.  Dans  cinq 
jours  je  prends  mon  congé,  qui  est  d'un  mois  entier  celte  année. 
J'avais  des  offres  magnifiques  pour  Bruxelles,  pour  Lille  et  au- 
tres villes  des  environs  ;  mais  je  me  suis  décidée  à  tourner  mes 
pas  d'un  autre  côté.  J'irai  donnera  Lyon  cinq  ou  six  représen- 
tations ,  pas  davantage  ,  et  puis  je  prends  mon  vol  pour  visiter 
un  beau  pays  que  je  ne  connais  pas  ,  une  belle  ville  que  l'on  me 
vante  sans  cesse  ,  un  théâtre  dont  la  prima  donna  est  ma  meil- 
leure amie,  en  un  mot  pour  aller...  à  Bordeaux  !  Voilà  ma  nou- 
velle. Je  te  la  donne  comme  je  viens  de  la  recevoir  moi-même. 
Le  croirais-tu  ?  c'est  le  comte  de  Reval  qui  avait  arrangé  tout 
cela  sans  m'en  parler  :  il  parle  moins  que  jamais  et  n'a  jamais 
péché  par  excès  en  ce  genre.  Il  était  bien  sûr,  m'a-t-il  dit,  de  ne 
trouver  de  ma  part  aucune  opposition  à  son  plan  de  voyage. 
Nous  partons  donc  dans  cinq  jours,  et  dans  les  premiers  jours 
du  mois  prochain,  nous  serons  près  de  toi.  Qu'en  dis-tu? 

Paul  Smith. 
La  suite  au  prochain  numéro. 


.*oo 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


vrir  plusieurs  fort  jolies  dans  un  opéra  italien  intitulé  :  il 
Templarlo,  d'il  signor  Nicolaï ,  dont  il  a  ftiit  un  cliarniant 
bouquet  de  thèmes,  de  variations,  de  traits  brillants,  qui 
forment  un  véritable  feu  d'artifice  musical,  si  l'on  veut  bien 
-admettre  ce  second  irope  sans  nous  accuser  de  trop  de  pré- 
tention au  style  figuré. 

La  fatitaisic  de  M.  Rosellen  se  compose  de  cinq  motifs  dif- 
férents et  d'une  variation  brillante  pour  péroraison. 

L'introduction  ,  qui  est  un  andante  religioso  de  seize  me- 
sures, est  d'une  harmonie  pleine  et  plaquée  dans  le  caractère 
de  l'orgue  ;  puis  vient  un  larghetto  en  mesure  à  douze-huit 
en  ut  m^eur-,  comme  Vandante  qui  précède,  mélodie  franche 
et  bien  accentuée  comme  tous  les  chiintsqui  nous  viennent  de 
l'Ausonie;  et  puis  enfin  vient  le  thème  destiné  à  être  varié, 
motif  aussi  en  ut  majeur,  ce  qui  entache  d'un  peu  de  mojioto- 
nie  le  morceau  en  général  dans  sa  tonalité;  mais  une  fois  cette 
absence  de  modulations  admise,  on  aime  à  suivre  le  dessin 
clair  et  logique  de  cette  brillante  fantaisie.  La  première  varia- 
tion en  doubles  croches  par  quatre  pour  chaque  temps ,  est 
unirait  plein  de  légèreté  pour  la  main  droite,  et  dans  la- 
quelle le  cinquième  doigt  dessine  bien  le  chant.  La  seconde 
variation  en  triolet  est  d'un  style  un  peu  plus  commun  ;  la 
-troisième,  qui  procède  par  six  pour  quatre  et  triolet  enjdoiiblés 
'croches,  mérite  on  ne  pent  mieux  la  qualification  de  brillante 
que  lui  a  donné  l'auteur.  ¥ient  ensuite  une  paraphrase  du 
'inotif,  suivant  la  forme  classique  de  tout  morceau  avec  varia- 
tions ,  en  mineur,  tempo  di  marcia  notturna,  suivie  d'une 
coda  vive  et  animée,  qui  s'enchaîne  avec  un  allegro  risoluto 
en  mesiVre  à  six-huit ,  dans  lequel  le  compositeur-arrangeur 
selivre  à  son  caprice ,  qui  lui  a  dicté  des  choses  pittoresques, 
brillantes  et  pas  trop  difficiles  :  car  ce  sont  ces  deux  dernières 
«Jualitésqueviseetqu'atteint  toujoursavec bonheur  M. Rosellen 
dans  ses  compositions;  etilya  mis  ici  ce  cachet ,  ainsi  quehous 
T'avons  déjà  dit ,  par  cette  variation  finale  qui  termine  on  ne 
^eut  mieux  ce  morceau  plein  de  verve  et  d'entrain.  Nous 
crayons  donc  inutile  de  dire  qu'il  aura  du  succès  ,  car,  sans 
'doute,  ce  succès  lui  est  acquis  déjà. 

Henri  Blanchard. 


Bruxelles,  2S  novembre  184'i. 

La  saison  des  concerts  a  été  inaugurée  prématurément  par  deux 
soirées  dans  tesquelles  Huuinan  et  M"»»  Sabaiier  se  sont  fait  entendre, 
te  succès  moral  de  ces  deux  artistes  a  été  complet ,  les  applaudisse- 
menis  ne  leur  ont  pas  manqué;  quant  au  succès  matériel  ,  je  doute 
(jueles  bénéficiaires  aient  eu  lieu  de  s'en  féliciter.  On  a  tellement 
abusé  depuis  quelques  années,  en  Belgique,  de  la  musique  en  géné- 
ral et  des  conceris  en  particulier,  que  le  public  ,  blasé  sur  les  effets 
du  piano,  du  chant  et  du  violon,  ne  cède  plus  à  l'attrait  de  l'afficlie 
la  plus  habilement  composée.  Quelques  rares  amateurs  résistent 
encore  à  celte  désaffection  de  l'art;  mais  leur  présence  ne  suffit  pas 
pour  rendre  un  concert  productif.  J'ai  parlé  dans  ma  correspondance 
du  tort  que  les  sociéiés  particulières  avaient  i  ausé  aux  artistes ,  en 
organisant  de  nombreux  concerts  où  leurs  membres  entendaient, 
moyennant  une  f.iible  rélribulion  annuelle,  au  moins  autant  de 
musique  qu'en  peut  supporter  l'appélitde  dilettante  le  plus  robuste. 
Les  sociétés  sont  les  victimes  de  leurs  propres  excès;' la  satiété 
qu'elles  ont  provoquée  tourne  contre  elles,  et  la  plupart  sont  en  ce 
moment  aux  abois  par  l'effet  du  désabonnement.  Je  voudrais  pou- 
voir convaincre  les  artistes  du  véritable  élat  des  choses,  afin  de  leur 
éviter  d'inutiles  frais  de  voyage.  La  Belgique  était,  il  y  a  quelques 
années,  la  terre  promise  des  donneurs  de  concerts;  les  choses  ont 
bien  changé  depuis  lors.  Combien  de  pianistes  sont  venus,  alléchés 
par  les  succès  productifs  de  Liszt  et  de  Thalberg,  et  sont  retournés 
le  cœur  beaucoup  plus  gonflé  que  le  portefeuille!  Combien  de  chan- 
teurs., de  violonistes ,  de  violoncellistes,  de  flûtistes ,  de  clarinet- 
tistes ,  etc. ,  etc. ,  ont  éprouvé  le  même  désappoiotenient  !  En  dépit 


de  lous  ces  mécomptes,  les  artistes  s'obstinent  à  revenir,  parce  que 
chacun  a  l'espoir  d'être  plus  habile  nu  plus  heureux  que  son  pré- 
décesseur. M"'^  Barraud  a  donné  ces  jour-  derniers  une  soirée  mu- 
sicale qui  ne  doit  guère  lui  avoir  rapporté  que  des  compliments; 
M.  Léopold  de  Meyer,  dont  le  concert  a  lieu  ce  soir,  n'aura  sans 
doute  pas  à  se  féliciter  de  sa  spécmlatiun  ;  Vieuxtemps  recueillera 
aussi  peu  de  fruits  de  celui  qu'il  donnera  prochiiinement,  et  cepen- 
dant ils  s'obstinent  lous  à  fai;e  de  nouvelles  lenlalivcs  auprès  de  ce 
public  qui  résiste  imperturbablement  à  leurs  agaceries.  Que  vien- 
nent-ils faire  dans  cette  galère?  Le  seul  moyen  qu'aient  les  artistes 
de  faire  revenir  à  de  meilleurs  sentiments ,  en  fait  de  conceris  ,  nos 
dilettantes  indiliérents,  est  de  les  mettre  en  quar^nitaiiie  ,  c'est-à- 
dire  de  prendre  la  résolulidn  de  ne  plus  passer,  d'ici  à  deux  ou  trois 
ans,  les  frontières  rie  la  Belgique.  Il  y  a  lieu  de  croire  que  l'appétit 
musical  leurîcviendra  après  cette  riièteprolongée. 

Une  société  vient  de  se  constituer  sous  le  litre  de  Cerclé  de!:  ans  ; 
elle  a  olu  le  prince  de  Chimay  pour  son  présidenl.  C'est  M.  de  Bé- 
riot  qui  a  conçu  le  projet  de  son  oi-ganisation.  La  société  a  loué  à 
cet  artiste  la  maison  qui  lui  appartient,  et  ilans  laquelle  il  avait 
fait  construire  un  théâtre  pour  son  agrément  personnel.  Lessalons 
du  Cercle  sont  i.uverts  tous  les  soirs  pour  la  lecture,  pour  le  jeu  et 
pour  la  musique  en  petit  comité.  Il  y  a  en  ouire  des  conceris  et  des 
représentations  dramatiques  d'amateurs,  donnés  dans  la  salle  de 
spectacle,  qui  convient  environ  quatre  cents  personnes.  On  y  joue 
des  vaudevilles  presque  aussi  bien  que  dans  cenains  spectacles  de  la 
banlieue  de  Paris  On  y  entendra  même  liicntôl  l'opéra.  Géraldy, 
convaincu  de  la  vérité  de  ce  que  je  viens  de  vous  dire  des  concerts 
à  Bruxelles,  s'occupe  en  ce  moment  rie  l'organi.-ation  d'une  soirée 
lyrique  qui  aura  lieu  dans  la  saile  de  la  société.  Il  jouera  deux  ac- 
tes du  Barbier  de  Séville  ,  secondé  par  des  élèves  du  Conservatoire, 
etchrnleia,  outre  son  rôle  de  Figaro,  différenis  morceaux  en  ma- 
nière d'intermèdes.  Je  crois  fermement  à  la  réussite  de  cette  idée. 
D'abord  c'est  quelque  chose  de  neuf,  et  nulle  considéraiion  ne  l'em- 
porte sur  celle-là  ponr  le  succès;  ensuite,  on  a  droit  de  s'attendre 
à  voir  en  Géraldy  un  brillant  Figaro.  N'esl-il  pas  vrai  que  vous  au- 
tres Parisiens  q"'  n'avez  qu'à  ctioisir  enire  tant  de  plaisirs  divers, 
vous  envieriez  volontiers  cette  bonne  fortune  à  Bruxelles,  cette  ca- 
pitale de  province,  comme  vous  dites.^ 


ORCHESTRE  ET  THEATRE  AMBULANTS. 

3>e5sin  de  Gavarnï. 

Tant  qu'il  y  aura  des  enfants  (et  je  ne  vois  pas  que  l'espèce 
soit  sur  le  point  de  manquer) ,  l'orclicsire  et  le  théâtre  am- 
bulant feront  fortune  ,  fori  une  modeste,  il  est  vrai ,  mais,  du 
moins  j'aime  à  le  croire,  suffisante  aux  besoins  et  à  l'ambilioû 
du  directeur.  Vous  l'avez  là,  représenté  an  naturel,  cet  hon- 
nête entrepreneur-artiste  ,  une  .main  dans  la  poche  de  stJti 
pantalon,  son  théâtre  sur  l'épaule  et  son  instrument  sous  le 
bras  ;  sa  tête  inclinée  et  pensive  a  l'air  d'indiquer  que  des 
soucis  se  sont  glissés  sous  sa  casquette.  Et  pourtant  ses  acleui's 
ne  sont  pas  indisposés  !  ils  ne  lui  demandent  ni  congés,  m 
feux,  sous  peine  de  faire  manquer  le  spectacle!  Peut-être  le 
public  a-t-il  manqiié  pour  cause  de  concurrence  ou  de  mau- 
vais temps.  Le  soleil  luit  pour  tout  le  monde ,  dit  le  proverbe; 
cela  est  vrai;  mais,  hélas  !  il  ne  luit  pas  toujours  ! 


*,"  La  première  représentation  de  Marie  Sluart  est  fixée  à  ven- 
dredi prochain;  c'est  mardi  qu'aura  lieu  la  dernière  représentation 
générale.  Excepté  Dupiez,  Marié  et  Massol,  tous  les  artistes  ehabtants 
de  l'Opéra  sont  employés  dans  cet  ouvrage. 

*,"  M"=  Nau,  de  retour  de  Londres,  a  fait  sa  rentrée  mercredi  par 
le  rôle  d'Eudoxie  de  la  Juive. 

"."  Guido  et  Ginevra  doit  être  incessamment  repris.  Duprez  chan- 
tera le  rôle  créé  par  lui  avec  tant  de  succès. 

V  Dérivis,  l'ancien  chanteur  de  l'Opéra,  vient  d'épouser  made- 
moiselle Constance  Janssens  (Maria  Corini).  Le  couple  musical  a 
passé  par  Paris  en  se  rendant  en  Italie. 

V  Les  amateurs  de  cbant  italien  apprendront  avec  .plaisir  que  la 


DE  PARIS. 


mi 


parlilion  de/a/"aMri/edftDeni««lti,.tra!duit&en,it»lien  parlBcélèbt» 
librellisle  Jiomaui,  esl  sur  le  point  d'être  publiée  en  France,  ains> 
que  les  morceaux  dét  chés  de  cet  opéra  ,  dont  la  popularité  grandit 
chaque  jour  autant  à  Paris  qu'en  province. 

*,"  L'Opéra-Comique  prépare  la  reprise  du  Giiiiarrero  en  même 
temps  que  celle  de  IVallace. 

,',  C'était  une  chose  tout-s-fait  nouvelle  que  la  représentation 
donnée  lundi  dernier  sur  le  théâtre  du  palais  de  Saint-Cloud.  Pour  la 
premirrc  fois,  les  élèves  du  Conservatoire  étaient  appelés  à  l'honneur 
d'essayer  leurs  talents  devant  un  royal  auditoire,  en  jouant  un  an- 
cien opéra,  qu'aucun  d'eux  n'avait  vu  sur  la  scène;  ils  n'avaient 
donc  pour  les  guider,  que  les  conseils  de  leurs  maîtres  et  leur  propre 
in.-linct.  Ils  ne  se  sont  pas  moins^ acquittés  de  leur  litlie  à  la  satis- 
faction générale.  Le  rôle  de  Rao»!  de  Créqui  était  rempli  par  le  téftor 
Mathieu,  qui  a  fait  preuve  de  progrès  remarquables;  celui' du  geôlier 
Ludger  par  Chaix;  celui  de  Landry  ,  par  Gnignot;  celui  de  Gérard,, 
père  de  haoul,  par  Obin:les  deux  rôles  de  l.ahire  et  de  Roger  étaimt 
joués  par  le  jeune  ténor  Jounlan.  M"=  Morange,  M"=  Mondutaigny, 
M"'  Morize  et  M""  Gautier,  i.«mplissai«nli  les  rôles  d'Adèle  .  femm.e^ 
de  Raoul,  de  Craon,  d'Eloy,  fils  de  Raoul  et  de  Ludger,  et  de  Ralhilde, 
fille  de  ce  dernier.  Toute  celle  soirée  a  ofl'erl  un  inlércl  qui  n'élait 
pas  dû  seulement  :i  la  jeunesse  des  artistes.  Plus  d'une  lois  le  roi  lui- 
même  a  donné  le  ifigj(-al  des.  bravos,,  et. les  couplets  qui  t^wi'Mii'enl  la  ' 
pièce  ont  été  unaumement  rediemandés.  L'exécnlioa.  d«.6:  «hœurs^ 
a  été  ce  qu'elle  est  liouj  ou  rs,  me  i:  veille  use  de  vigiie.ui?  cl,  (te  précir=. 
sion.  Il  cit  queywnidéià  d'une  seconde  représentation;  d,e.  la  m4i»^ 
pièce.  Jamais  le  Conservatoire  n'avait  refu  d'cpcouragewe«t  plu» 
flatteur,  ni  cerlaineinent  plus  efficace. 

"/  Parmi  les  élèves  qui  se  sont  le  pl.us  distifigués.  dans  les  concours 
de  cette  année  au  Conservatoire  et  dans  le  concert  qui  a  précédé  la 
distribution  des  prix,  il  esl  juste  de  ciU'r  le  jeune  Briard,  l'un  des 
derniers  élèves  de  Baillol,  et  l'un  des  plus  capables  de  perpétuer  les 
belles  traditions  du  grand  niailre. 

***  Aujourd'hui  dimanche,  dans  la  salle  du  Conservatoire,  grand 
«oneert  vocal  et  iustrumenlal  donné  p^r  M-.  George  Iva-liier^  La  Der- 
nier roi  de  Judn,  opéra  biblique  en  deux  actes,  y  sera  chanté  par 
jlmts  l3orus-Gras,  Hurleuse  Maillard,  Moiidulaigny,  et  JIM..  Roger, 
Massol,  Ilermann-Li'oii.  L'orcliCïtro,  comi.iosé  des  premiers  artistes 
de  la  capitale,  sera  conduit  par  M.  Habenerli  Plusieurs  morceaux, 
tels  que  l'air  du  Pri'plûie  Jéiémie,  la  mélodie- el  la  liomajnc&du.  )•<)! 
SédÈcias  ,\xn  grand  Irio,  trois  duos,  la  cavatine  de  Jfmijxi ,  l'air 
à'Amiiala,fi[  celui  du  roi  d  Assyrie,  ont  été  fort  a|iplandis  aux  répé- 
titions générales.  On  a  également  remarqué  des  chœurs  écrits  avec 
beaucoup  d'elTet.  L'œuvre  de  M.  Kaslner  révèle  un  talent  très  élevé, 
et  obtiendra  sans  nul  doule  un  brillant  succès.  On  a  distingué  dans 
le  livret  des  situations  dramaiiques  et  musicales  ,  des  morceaux  fa- 
vorablement. Coupés,  et  surtout  des  strophes  d'un  rby.t'hijie  tues  Ijeu^ 
reux. 

*,"  M.  Danjou,  notre  collaborateur,  vient  de  donner  sa  démis- 
sion d'organiste  de  la  paroisse  Saiint-Eustache,  pour  se  borner  aux 
fonciions  d'organ  ste   de  la  cathédrale  de  Paris. 

*,*  iM.  Dietsch  ,  organiste  accompagnaieui  àSaint-Roch,  rentrée 
Sainl-Eusiacbe  en  qualité  de  mailre  de  Ghapïlte.  On  annonce  q.itf 
cet  article  est  chargé  d'organiser  le  chœur  de. cette  église  d'une  mstr 
nière  tout-à-faii  grandiose. 

•,'  Jl.  Mendelssohn-liartholdy,  qui  remplissait  à  Berlin  les  fonc- 
ti«8s  de  directeur-général  de  masique,  a  donné  sa  démission,  qui 
a  élé  acceptée  pat  Sa  Majesté  le  roi.  Avant  son  dép.irt,  le  célèbre 
compositeur  fera  exécuter  son  Oratorio  :  Paiilus ,  au  profit  d'un 
établissement  de  bienfaisance 

V  M.  Onslow  vient  de  livrer  à  la  gravure  son  vingl-cinquième 
quatuor,  et  son  vingt-sixième  quinletie  pour  instruments  à  cordes. 

*,*  L'orgue  de  Saint.rS4jl|iice,  qui  était  avant  la  construction  du 
nouvel  orgue  deSaint-Eusiache  le  plus  grand  instrument  de  ce  genre 
que  possédât  la  capitale,  va  recevoir  des  augmentations  et  des  per- 
fectionnements qui  en  feront  le  plus  bel  orgue  du  monde.  On  ajou- 
tera entre  autres  deux  jeux  de  trente-deux  pieds  aux  pédales,  ce  qui 
n'existe  dans  aucun  orgue  en  France.  Le  corrseil  de  la  fabrique  et 
M.  le  curé  de  cette  paroisse  ont  confié  ce  travail  à  la  maison  Dau- 
blaine-Callinet,  à  laquelle  on  doit  le  magnifique  orgue  de  Saint- 
Eustache ,  ei  qui  vient  de  placer  à  Saint-Sulpice  un  excellent  orgue 
d'accompagnement. 

àma.  çjeniiew  jjv»i»d*  peu  i%  i(ô8ft(n)4iiiije«  mtisi^ale»  «%| siij  k  çi^ini 
de  jârttr  you(  Roflie. 

'     V  £ne«'E»ua»tantaittk«'()u'un»Bobl»iilli<au,(e  »B.l»v*ai*  tfcéàtre. 


M''«  EvwSi  prima  donna  du  thiéâl,r€.  de  Hambourg,  va  renoncer  à  la 
scène  pour  épouser  un  magnat  de  Hongrie. 

'."  La  Russie  possède  en  ce  moment  trois  troupes  italiennes  :  l'une 
à  Saint-Pétersbourg,  l'autre  à  Moscou,  cl  la  dernière  à  Odessa. 

'.*  M.  Roselll  est  de  retour  de  Lisbonne,  où  il  a  obtenu  dx;  bril- 
lants succès. 

*.'  M.  Danjou,  organiste  de  la  cathédrale  de  Paris,  nous  prie  d'an- 
noncer qu'à  dalerdu  31  janvier  prochain  il  fera  paraître  un  recueil 
mensuel  intitulé:  /îeviie  de  ta  musique  religieuse  et  ecclésiastique.  Celte 
publicalion  s'adresse  exclusivement  aux  membres  du  clergé,  aux 
organistes,  maîtres  de  chapelle  et  aux  amis  de  l'art  religieux.  — 
'l'oiiles  les  questions  qui  se  raHachent  à  l'histoire,  à  la  théorieetà 
1,1  pr.itique  du  chant  ecclésiastiquç,  y  seront  traitées  avecdélail  et 
pacdes  hommes  spéciaux.  Le  ptlx  de  Ifabonnemenl  est  de  12  francs 
par  an  pour  Paris,  et  13  fr.  50  c  pour  les  départements.  Il  paraîtra 
an  numéro  d'environ  32  à  40  pages  le  30  de  chaque  mois.  Le  lirage 
sera  slriclement  limilé  au  nombre  d'abonnés  qui  existera  le  31  jan- 
vier prochain.  On  s'abonne  chez  l'auteur,  rue  Saint-Maur-Saint- 
Gennain,  J7,  à  Paris.  On  est  prié  d'envoyer /rniiro  un  bon  sur  la 
poste  On  ne  peut  s'aboiiner  que  pour  une  année. 

'.■■  On  annonce  l'aJ'rivée  prochaine  d'un  artisic  dont  la  voix  et 
les  cornposiljons  ^ont^  en  grande  faveur  à  Lond.res  :  il  se  nomme 
(aaelano  iiciâotiUr. 

*."  I  a  i»Bi(irée:d.^  «rfB-ses  nous  fait  un  dcy^^  (Je  recommander  le 
Traiiité  de.i  gi;inci:|J(8s  da  la  musique  (te  M.  Beng'O.iire ,  ouvrage  auto- 
risé- par  M.  le  niini&l-re. 

*.*  h'ytlbiim  de  M.vsixi  pour  1845  vient  de  paraiire  chez  l'éditeur 
J.  iMc'ssoniiier-..  Celle  anaèe  ,  le- gra.çieux  compositeur  que  tant  de 
sucièsont  rondu  populaire,  s'c>t  distingué  plus  que  jamais  ,  et  a  été 
dignement  secondé  par  S(in  habile  collaborateur,  M.  !■;.  Baratcau. 
Les  dessins  do  Charlet ,  David,  Deveria  ,  Grenier  et  Saint-Gi-rmaiii., 
et  une  reliure  magnilique  complètent  ce  précieux  recueil. 

',*  Il  parait  certain  que  M"'  Puget  ne  publiera  pas  d'album- cell« 
année. 

*,'  Lesjouirnaux  améticains  nous  apprennent  que  le  Ihéûire  de  la 
Providence  vient  d'élre  incendié,  et,  avec  lui,  tousies  inslrurnents  du 
savant  docteur  Lardncr,  qui  éprouve  une  perle  considérable.  On  a  à 
regreiter  parmi  les  objets  de  ce  genre  un  grand  microscope,  une  su- 
perbe galerie  de  tableaux,  et  une  valeur  de  quinze  mille  dollars.  On 
dit  que  cette  propriété  a'élait  pas  assiirée. 

*.'  Siiiiu^Ceniiniii-tn-f-inje.,,^  M.  Mansion  ,  organiste  et  profs- 
seur  distingué,  a  fait  exécuter  le  jour  de  sainte  Cécile,  dans  l'église 
paroiisiale,  une  messe  de  sa  composilion.  Lcsamaieurs  et  artistes  qui 
on,t  entendu  cet  ouvrage  s'accordent  à  en  faire  l'éloge. 

*,•  Bordeaux.  —  La  fêle  de  sainte  Cé(:il^  a  été  célcbn'e  avec  un 
grand  éclata  Bordeaux.  On  a  exécuté  dans  la  cathédrale,  en  pré- 
sence de  l'archevêque  et  d'un  concours  immense  d'amateurs,  la 
première  messe  solennelle  de  M.  Dietsch  que  les  connaisseurs  ont 
pu  apprécier  à  Paris  par  plusieurs  exéculions  qui  onteu  lieu  à  Saint- 
EuslachiQ-.  L'orcheslrc,  conduii  par  iVI.  Colin,  comptait  plus  de  250 
exécutants  et  tes  ebœu-rs  étaient  presque  aussi  nombreux  :  aussi 
l'effet  a-t-il  été  imposant  et  grandiose.  De  lous  les  évoques  de 
France,  l'archevêque  de  Cordeaux  est  celui  qui  témoigne  le  plus  de 
bien^eillance  aux  artistes  et  le  plus  d'intérêt  pour  les  arts. 

\<  Iioufn,.i&  ii/>i'cml'>e.  —  Les  *'«!«<.•'*«'«.  viieq,n(^nl!,  (j||'ê4r(j  li^ré- 
sen,té*,d'iènegia,|i,5érQ  lionkà  fait  *i*piiwui(c.  r«agu^(^t,  jfiw  •v-ijiton 
et  Ftoq^ije  m.  (îe.t  Ué*  bi^B.  >r(W.iï*  1<<X  tÇ^*-  l>-i:i,».Cbp*i4\  (jvies. 
M"w  VaiHou!  5.\'.s;t  »wiSç(j(è:  feiili  4  l|Ui  fei*  gii*R(Jn«-  tfftgé4»e*iii»S  (M  can- 
lalricc  dans  1-e  duo  du  troisième,  acte  av(;c  Marcel  et  dans  la  magni- 
fique scène  du  quatrième  ,  rtiidue  lii^ç  elle  et  par  Raguenot  avec  un 
talent  dont  notre  scène  n'avait  pas  encore  eu  4'ex;eniple.  On  monte 
activement  la  J<eiiie  de  Cltijpre,  dont  l'apparition  procliainc  est  des- 
tinée à  produire  une  vive  çcnsalian. 

•,"  BrMxclles.  — Les  AtriMcsses  ou  fêtes  patronales  de  Tournay  et 
Courtray,  ont  donné  lieu  à  deux  grapds  festivals  dirigés  par  M.  Snell. 
Le  chœur  national  de  Charles  VI  a  été  exécuté  par  2;>0  voix  avec 
un  accompagnement  d'harmonie  arrangé  par  l'habile  chef  d'or- 
chestre. —  On  a  aussi  entendu  une  pièce  rcmaiquabl(i  de  M.  Snell, 
intitulée  le  Départ  de  Hlarius  et  quia  obtenu  un  triomphe  eçm- 
pleL 

Le  Directeur,  Rédacteur  en  clirf;  Mauiuce  SCIll-ESlAGER. 


A02 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Pour  paraître  le  15  Décembre 

clicz  MAURICE  SCHLESINGER,   99,  rue  Ricltelieia. 


iilî^ll 


POUR  LE  PIANO 


S.  THALBER& 


OEuvre  56. 


A  Paris,  citez  J.  MEISSONNIER,   99,  rue  Dnupliine. 


ALBUM  1843 


F.   MASINI. 


Paroles  d'EUILE  BARATEAU. 

Illuslré  par  MM.  Charlei,J.  David,  A.  Devéria  ,  F.  Grenier  et  i'aiiit-Germ:iin. 


1 .  lia  Fleur  qu'il  m'a  dounée  ! 
3.  lie  Refrain  de  la  Oleose. 

3,  Douter  de  sa  raison! 

4,  Les  Amoureux  de  village. 

5.  Un  vieux  Soldat. 

6.  li' Appui  du  roseau. 


Romance. 

7 

Ariette. 

8 

Mélodie. 

9 

Chansonnette. 

10 

Romance. 

ïl 

Prière. 

12 

la  belle  Véronaise, 
Dis-moi  qu'ils  ont  menti  ! 
le  Rossignol  du  foyer. 
Endormez-vous ,  mon  cœur  ! 
les  belles  IVuits  d'été. 
Au  rivage ,  bon  ménage  ! 


Gondolina. 

Romance. 

Fabliau-chansonnette. 

Rêverie, 

JNocturne  à  2  voix  égales. 

Duetlino  p.  V^  et  baryton» 


Prix:  pour  Piano,  12  fr.;  pour  Guitare,  10  fr. 


PAR  A.  LE  GARPENTIER. 

Contenant  :  un  Rondoletto,  une  petite  Fantaisie,  trois  Romances  de  jeunes  personnes,  un  Quadrille,  une  Mazurka,  une  Valse  et  une  Polka. 

Prix  :  12  fr. 


Deux  langages. 

Chansonnette. 

Ma  Mère  en  mourrait  ! 

Romance. 

le  même  Chemin. 

Chansonnette. 

Kn  parlant  de  lui. 

Romance. 

Ali  !  je  suis  bien  embarrussé, 

Chansonneltc. 


En  vente  cfcez  COLOMBIER ,  rue  '«'ivienne ,  «. 


DE 


PAUL  HENRION 


Folle  de  douleur  ! 

Romance  dramatique. 

Je  suis  lazarone  ! 

Chansonnette. 

Dans  un  pauvre  village. 

Simple  histoire. 

Ne  pars  point  mon  fils! 

Romance. 
la  peur  en  cliantant. 

Dueltino. 


Paroles  de  JIM.  K.  BARATEAU,  EiM.sr  AUBIN  et  Élik  SAUVAGE.  Dessins  de  Jules  DAVID.  —  Prix  net  :  12  fr. 


OtriîîiMCT 


■//  (.^\|\VSE  //i-.vhorcTs 


iE  Ih^S  PLWISTFS 


Le  Chirogymnas le  est  un  assemblage  deneafappa- 
reils  çymnastiques  destinés  à  donner  de  l'exlenswn  à 
lamainetdel'écarî  aux  doigts  à  augmenter  et  à  éga/i- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quairicme  et  le  cinquième 
indépendants  de  tons  les  autres.  Le  Chirogymnaste 
a  été  aussi  approuvé  et  adopté  par  MM.  Adam,  Bertini, 
fie  Beiiot,  Cramer,  Uerz,  KaXhhrenneT,  Lisiz,  Moschelès 
prudent^  Sivon,  Thalberg,  Tulou,  Zimmermann,  etc. 

Chaque  Chirogymnaste  est  revêtu  de  la  signature 
de  l'inventeur  et  se  vend  place  de  la  Bourse,  n"  15, 
h  huit  appareils,  50fr„àneufapp,(j0fr.,  mélhode,'3fr. 

GYMniASIIVl^k.  APPLIQUÉE  A  L'ÉTUSE  DU  PIAIi'O.  par  M.IKTIK.  3  fr- 
L*  GTIHMASI'UIIj'E  des  doigts,  par  U.  BERTINI.  Prix  net,  »  rr.  7&  o. 

Les  eipèdJïions  sont  faites  contre  remboursement.  Écrire  franco. 


Inventé  par  C  MARTIN 


Appi 

et  adopté  dans  les  clasayes 
«esCONSERVATOIRES 

de  Paris  et  de  Londres. 


MAISO]^^  D.   GRUE, 

JRiace  ae  .la  Maaeteine,  S. 


Poêle  et  musicien.  Chansonnette. 
Le  Crépuscule.  Nocturne. 
Le  Pêcheur  à  sa  nacelle. 
I,e  Fou  de  Bicètre.  Scène. 
Mazurka. 


X.  CIiAFISSOW. 

T.  DAVID. 

BIOi:.I.BERG. 


A.  BOMD,  rue  du  Sentier,  tjl. 

SPÉCIALITÉ  POUR  LES  PIANOS  A  QUEUE, 

Réduction  de  prix.  Garantie  de  2  années.  On  peut,  avant  de  conclure 
un  marché,  comparer  ces  instruments  avec  ceux  de  toulautre  facteur. 


^BONBONS  EUPHONIOJIES 


DE  LAROOUE    PBL^J  A  LYO]>r 


Imprimerie  d«  BOURGOGNE  et  MARTINET,  30,  rue  Jacob. 


Pour  Paris  :  un  an ,  24  fr.  ;  six  mois,  1 5  fr.  —  Annonces  :  50  ".  la  ligne  de  23  lettres  —  Départements  :  un  an ,  29  fr.  50  c.   Étranger,  38  fr. 


GAZEHE  MUSICALE 

Ucdlgee  par  MU.  ANDERS  ,  G.  BKXÉDIT,  BERLIOZ,   HeMU  BLA.VCUARn,  MAUliiCli  BOURGES,  F.  DANJOU,  DUESUERG,  FETIS  père,  ÉdOOARD  FÉTl'i . 
StEPHEN  HEI.LEU,    J.  JAMN,    g.   KASTXEH,    LISZT,  J.  MEIFRED,  GeOBGE  SAND,    L.  RELLSTAB,  PAUL  SMITH  ,  A.  SPECIIT,  etc. 


IL  SIÎRA  JOINT  A  CHAQliE  NUMÉRO  l'IV  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI. 


SOMMAIRE.  Académie  royale  do  musique  :  Ulurie  S'tuart  (première 
représentation);  H.  BLA.rïCHAîSD.  — Tiiéàtre  royal  de  l'Opéra- 
Comique  :  r.cprisc  de  ff'alliuc;  par  O.  BLANCHARD.  —  Con- 
servatoire royal  de  musique  cl  de  déclamation  :  le  Dernier  roi 
de  Jiida  ;  par  II.  ÎÎLAKCHARD.  —  Feuillelon.  —  Nouvelles.  — 
Annonces. 

LES  CASTAGNETTES.  Dessin  de  Gavarni. 


5IS?.  £.es  aïtosiuat-s  pcçoïtchb*  avec  ce  nttjBîéro ,  îîE!.'5 
MAZîrRKAS  ©RiegXAIiES ,  par  É»«r.%KD  'SïœiLFff'. 

ACADÉMIE  ROYALE  DE  MUSIQUE. 


OPÉRA    EN    ,5    ACTES. 

Libretîo  de  .M.  Th.  Anne;  musique  de  M.  NiEDEKMEïEa. 
(Première  représentation.)    - 

Rien  de  plus  passionné,  et  par  conséquent  de  plus  éminem- 
ment dramatique  que  la  vie  aventureuse  de  Marie  Stiiart.  Au- 
cune scène  et  aucune  actrice  ne  convenaient  mieux  aussi  à 


nous  représenter  cette  reine  séduisante  que  l'Opéra  et 
M""  Stoliz.  Deux  grands  écrivains,  Schiller  et  Walter  Scoîi, 
ont  peint,  ont  dramatisé,  ont  animé  de  tout  leur  génie,  l'un 
pour  le  théâtre  et  l'autre  dans  son  beau  roman  de  VAbbé, 
l'existence  si  agitée  de  cette  femme  charmante  ,  qui  a  aimé 
avec  passion  la  gloire,  les  sciences,  la  poésie,  ses  amants  et  la 
musique.  M.  Lebrun,  qui  a  quelque  peu  mesqninisé  Schiller, 
n'a  guère  pris  dans  le  poète  allemand  que  l'entrevue  de  l'im 
placable  Elisabeth  avec  Marie  Stuart,  et  la  catastrophe  qui 
termine  la  vie  de  cette  dernière,  ce  qui  entache  le  sujet  d'une 
triste  et  pénible  monotonie.  Nous  ne  parlons  ici  que  pour  mé- 
moire d'un  mélodrame  de  Mark  Stuart,  imité  de  la  pièce 
de  Schiller,  qui  fut  jouée  au  théâtre  de  la  i'orte-Saint-Mar- 
tin,  alors  que  llorissait  la  littérature  romantique,  et  qui  n'ob- 
tint pas  do  succès.  M"°  Rachcl  a  essayé  de  faire  revivre  de  sa 
diction  pure,  classique,  sèche,  et  parfois  rauque,  la  sensible 
Marie  Stuart  au  ïhcàlre-Français;  elle  n'y  a  pas  réussi. 
M"'"  Sloltz  sera-t-elle  plus  habile  ou  plus  heureuse?  nous  le 
pensons.  Son  talent  de  tragédienne  est  tout  d'expansion!:  il  y 


Poitefèilillc  de  deux  Canlalrlces  ^^\ 

Le  voyage  de  Clotildc  à  Lyon  et  à  Bordeaux  interrompit  néces- 
sairement la  correspoiidancc  des  deux  amies,  mais  nous  avons 
en  main  des  notes  et  des  documents  qui  nous  serviront  à  rem- 
plir cette  lacune.  Voici  d'abord  une  lettre  du  comte  de  Reval 
adressée  à  Ton  de  ses  intimes,  et  dont  quelques  passages  nous 
ont  paru  assez  curieux  pour  la  reproduire  ici  tout  entière. 


LE  COMTE  DE  REVAL  A  AUGUSTIN  DE  NÉUIS. 

Lyon,  55  juillet. 
?.Ierci,  cher  Augustin  ,  du  rapport  excellent  que  tu  m'adresses 
sur  ce  que  tu  veux  bien  appeler  mon  gouvernement  de  l'Opéra. 
Ceci  n'est  évidemment  qu'une  plaisanterie,  car,  lors  même  que 
je  suis  à  Paris,  lu  ne  gouvernes  pas  moins  que  moi  ce  petit  em- 
pire. On  chercherait  vainement  dans  l'histoire  ancienne  et  mo- 
derne l'exemple  d'un  triumvirat  plus  uni  de  cœur  et  d'esprit 
que  celui  que  nous  formons,  loi  cl  moi  avec  le  cher  Stephen, 
pour  la  meilleure  administration  des  affaires  lyriques  et  la  plus 
grande  gloire  d'un  directeur  qui  ne  nous  en  a  pas  la  moindre 
obligation.  Il  est  vrai  que,  comme  il  ne  se  doute  de  rien  et  croit 

(1)  Voiries  numéros  40,  41,  42,  43,  44,  45,  46,47  et  48. 


tout  diriger  par  lui-même,  nous  aurions  tort  d'exiger  de  lui  dos 
remerciements.  Au  surplus,  je  suis  content  des  nouvelles  que  tu 
me  donnes;  je  vois  que  les  choses  conlinuent  à  bien  marcher, 
et  que  Paris  ne  s'apercevra  pas  de  mon  absence. 

Depuis  que  nous  sommes  à  Lyon ,  Clotilde  a  chanté  quatre 
fois  ,  non  sans  succès ,  mais  sans  obtenir  non  plus  de  ces  triom- 
phes fabuleux ,  auxquelles  les  cantatrices  de  Paris  sont  accou- 
tumées, lorsqu'elles  viennent  chanter  en  province.  Cela  tient  à 
des  causes  locales,  que  je  connais  parfaitement  :  le  théâtre  de 
Lyon  est  comme  l'Opéra ,  soumis  à  de  hautes  influences ,  contre 
lesquelles  le  talent  ne  saurait  toujours  lutter.  Par  exemple,  il  se 
trouve  que  la  première  chanteuse  d'ici  a  pour  amant  un  homme 
1res  bien  placé ,  qui  la  soutient  par  tous  les  moyens  possibles. 
Tu  comprends  que  je  n'avais  nulle  envie  d'entrer  en  lice  avec 
lui.  Quand  on  aime  le  pouvoir ,  on  le  respecte  partout  oii 
on  la  rencontre.  Nous  gouvernons  à  Paris  ;  laissons  les  autres 
gouverner  à  Lyon  :  c'est  de  toute  justice.  D'ailleurs  je  n'étais  pas 
fâché  de  ce  qui  arrivait  :  j'ai  mes  raisons  pour  souhaiter  que 
Clotilde  ne  soit  ni  trop  heureuse  ni  trop  lièrc.  Stephen  et  toi , 
vous  m'avez  si  souvent  reproché  de  faire  trop  de  sacrifices  pour 
cette  femme,  que  je  commence  à  vous  croire,  et  à  trouver  qu'il 
est  temps  de  m'arrèter. 

Pourtant  je  l'aime  encore,  et  beaucoup,  en  vertu  de  ce  des- 
tin ,  qui  veut  que  je  sois  toujours  enchaîné  au  char  d'une  canta- 
trice. Toutes  les  danseuses,  dont  vous  êtes  si  engoués,  ne  m'ont 


BUREAUX  D'ABOSTNEMENT,    RUE   RICHEXIEU,    97. 


-i5v(C-C 


ftOi 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


a  quelque  chose  de  RI""  Pasla,  Malibran  et  Grisi  dans  la 
manière  de  W'  Stoltz.  La  belle  créalion  et  l'extension  de  son 
rôle  de  la  Favorite,  en  la  faisant  devenir  aussi  celle  du  public, 
lui  a  suscité  plusieurs  ennemis ,  dont  la  presse  indépendante 
et  vraiment  artistique  ne  partage  point  les  préventions. 
Voyons  donc  comment  le  poëte,  lo  compositeur  et  leurs  in- 
terprètes nous  ont  traduit  l'histoire,  Schiller  et  Walter  Scott 
à  propos  de  Marie  Stuart. 

Dans  une  lanterne  magique  royale  et  apologétique,  M.  Théo- 
dore Anne  a  fait  passer  sous  nos  yeux  toute  la  vie  de  la  reine 
d'Ecosse  qu'il  nous  représente,  dans  son  librelto,  blanche 
et  amoureuse  comme  le  serait  une  sainte  :  à  la  bonne  heure. 
L'essentiel  dans  cette  question  historique,  était  que  l'auteur 
fût  poëte  lyrique  et  qu'il  rendît  son  héroïne  iniéressanle;  il 
a  complètement  réussi.  Dans  son  ardeur  de  poëte  il  a  fait  du 
gros  et  laid  Boihwell  un  grazioso  de  cour  et  de  scène.  Il 
le  fallait!  il  le  fallait  !  peut-il  s'écrier  comme  Bilboquet. 
Nous  ne  savons  trop  pourquoi  cependant  il  a  changé  le  texte 
des  adieux  de  Marie  Siuart  à  la  France.  Ce  n'est  certaine- 
ment pas  pour  les  rendre  plus  naïfs  et  plus  touchants;  cela 
aurait  été  difficile.  Nous  ne  pensons  pas  que  le  compositeur 
ait  exigé  des  modifications  à  propos  de  deux  légers  hiatus 
dont  la  musique  pouvait  fort  bien  s'accommoder.  Ce  serait  le 
cas  de  citer  ici  le  Misanthrope  el  le.sonnet  d'Oronie.  Qu'est  ce 
qu'une  nef  qui  brise  une  chaîne,  au  lieu  de  la  nef  qui  disjoint 
nos  amours?  Qu'est-ce  que  :  Adieu  donc  belle  France,  beau 
pays,  etc.,  au  lieu  de  :  Adieu  jylaisant  pays  de  France! 
O  ma  patrie ,  la  plus  chérie  ?  Ne  serait-ce  pas  le  cas  de  s'é- 
crier comme  Alceste  :  j'aime  bien  mieux  celle  vieille  chanson 
que  je  m'en  vais  vous  dire ,  etc. ,  etc.  Nous  ne  soumettons 
ces  observations  à  M.  Théodore  Anne  que  parce  qu'il  s'est 
montré  assez  poëte  dans  son  ouvrage  pour  appiécier  les  vers 
simples  et  naïfs  et  tout  empreints  de  la  couleur  du  temps  de 
sa  reine  légitime  et  poëte.  Ces  légères  variantes  n'empêche- 
ront pas  d'ai  leurs  qu'on  ne  s'intéresse  vivement  au  pano- 
rama dramatique,  animé,  qu'il  fait  passer  sous  nos  yeux, 
et  qui  impressionne  si  diversement  les  spcctaleurs. 

Le  compositeur  est  pour  beaucoup  dans  le  succès  incon- 
testé qu'a  obtenu  Marie  Stuart.  Le  faire  de  M.  Niedermeycr 
est ,  on  le  sait,  fin,  élégant  et  bien  senti  ;  il  excelle  à  peindre 


les  vagues  rêveries  de  l'âme  :  son  style  est  plein  de  distinc- 
tion. Si  parfois  il  manque  de  force,  d'énergie  et  d'éclat,  son 
inspiration  mélodique  part  du  cœur;  elle  est  vraie;  et  cette 
fois  ,  il  s'est  montré  plus  passionné  qu'il  ne  l'avait  été  pré- 
cédemment dans  sa  mélodie,  et  dans  son  orchestre  toujours 
riche  et  abondant  sans  confusion.  S;)n  ouverture  surtout  réunit 
ces  qualités  qui  deviennent  de  plus  en  plus  rares  par  le  temps 
de  féroce  instrnmenlalion  qui  court. 

Dès  la  première  scène,  M.  Stalo  Gardoni,  jeune  ténor  italien 
qui  s'est  bien  vile  francisé,  a  chanté  une  romance  a.ssez  jolie 
qui  rappelle,  par  la  situation  seulement,  celle  de  Raoul  de 
Nangis  dans  les  Hwjxienots.  (^e  n'est  pas  dans  cette  romance 
que  le  débutant  s'est  fait  remarquer,  mais  dans  le  joli  duo 
qui  suit,  et  qu'il  chante  avec  la  reine,  surtout  lorsqu'il  dit  à 
Marie  Stuart  qu'il  ne  connaît  pas  encore  : 

Ah  !  diles-moi  qu'un  jour  votre  ame 
Pourra  répondri'  à  mon  amour  ! 

Le  jeune  ténor  accuse  là  un  la  plein  de  force,  d'éclat,  d'ai- 
sance et  de  charme  cpii  vaut  mieux  que  tous  les  do  de  poi- 
trine qui  font  que  l'aiidileur  a  mal  à  la  sienne  propre ,  conmie 
le  disait  U""  de  Sévigné,  quand  il  lui  voit  faire  tant  de  péni- 
bles efforts  pour  lui  |)lairè. 

Un  joli  chœur  :  Partons,  mil  rd...  à  cheval ,  à  cheval! 
imitatifct  bien  mouvementé,  bien  dialogué  pour  les  voix,  se 
fait  entendre  avec  l'archet  de  M.  Habeneck,  qui  frappe  un  peu 
trop  souvent  son  pupitre  pour  l'illusion  scénique.  Ce  chœur 
est  un  galop  ,  mais  non  un  galop  Musard.  L'orchestre  en  est 
charmant,  et  M""  Nau  en  page  s'y  dessine  d'une  manière 
agréable  par  une  jolie  vocalise  qui  domine  la  masse  chorale. 
Ici  se  trouve  la  douce  élégie  des  regrets  sur  les  vers  de  Marie 
Stuart  quittant  la  France.  Cela  est  doux,  suave,  d'une  mélo- 
die pleine  de  mélancolie ,  dite  avec  un  grand  charme  d'ex- 
pression par  M""=  Sioltz. 

Le  second  acte  commence  par  im  bon  duo  entre  Barroilliet- 
Murray  et  Bothwell-Gardoni  ;  puis  vient  un  bel  air  chanté 
parle  premier  qui  se  dévoile  à  lui-même  toute  son  infâme  poli- 
tique. Barroilhet  s'y  montre,  comme  à  l'ordinaire,  excellent 
chanteur  et  bon  co-nédien.  —  Un  beau  morceau  d'ensemble 
en  }ni  mineur  dit  par  Darniey,  Ruthwen  et  ses  cora|)lices,  sur 


jamais  inspiré  la  moindre  passion,  le  moindre  désir.  C'est  que 
leur  art  me  déplaît,  ou  plutôt  (]iie  le  travail  auquel  cet  art  les 
condamne,  me  cause  une  souveraine  répugnance.  C'est  que  je 
ne  puis  penser,  sans  effroi ,  sans  douleur,  aux  épouvantables 
fatigues,  aux  tortures  conlinues  qu'une  danseuse  est  obligée  de 
subir.  Quand  elle  est  sur  la  scrnc  et  qu'elle  dissimule  bleu  ,  l'il- 
lusion est  encore  possible,  mais  allez  dans  la  coulisse  et  voyez-la 
rentrer  tout  essoufflée  ,  toute  brisée,  toute  pantelante  au  mo- 
ment où  elle  vient  de  danser  un  de  ses  pas  les  plus  gracieux! 
Voyez-la  le  matin,  quand  e  le  étudie,  e'esl-à-dire quand  elle  dis- 
loque ses  membres  délicats  pour  les  assouplir  à  quelque  nouvel 
exercice  !  Pour  moi ,  Je  l'avoue,  il  y  a  loujours  de  la  s.illimban- 
que  dans  la  danseuse  la  plus  admirée  et  la  plus  admirabL-.  Quand 
je  songe  à  elle,  je  vois  tou|ours  des  pieds  tordus,  (lesjambis 
contournées  d.ins  les  rampes  dont  les  salles  de  danse  sont  gar- 
nies. Je  prends  en  horreur  des  séductions  qui  se  préparent  au 
moyen  de  ces  affreux  supplices  Si  jamais ,  ce  dont  me  préserve 
le  ciel,  je  me  sentais  amoureux  d'une  danseuse,  la  première 
chose  que  je  lui  demanderais ,  ce  serait  de  renoncer  à  son  état. 

J'ajouterai,  pour  abonder  dans  vos  idées,  que  je  ne  partage 
pas  toujours,  que  la  danseuse  est  la  femelle  du  danseur,  cet  ani- 
mal chargé  par  vous  de  tant  d'abomination  et  de  mépris ,  et  que, 
par  une  loi  qui  dérive  encore  des  conditions  de  son  an,  la  dan- 
seuse ollVe  beaucoup  d'analogies  avec  le  danseur,  quant  à  l'ab- 
sence de  certaines  foimes  et  au  développement  exagéré  de  cer- 


taines autres.  Ainsi,  elle  n'a  pas  de  gorge,  et  ses  bras  sont  dé- 
charnés, tandis  que  ses  jambes  accusent  un  embonpoint  tout 
masculin. 

Quoi  de  plus  délicieux  au  contraire,  de  plus  ravissant,  de 
plus  divin  qu'une  femme  qui  chante?  J'adore  les  femmes  et  j'i- 
dolàire  la  musique.  Chez  moi,  l'une  de  ces  passions  s'est  toujours 
combinée  aiec  l'autre,  forliliée  par  l'autre.  De  tous  les  arts  je 
n'en  comprends  vraiment  ([u'un,  l'art  musical.  J'ai  de  très 
bons  argiiuienls  contre  la  peinture;  aussi  n'ai-je  jamais  compris 
que  l'on  lit  des  folies  pour  se  procurer  des  tableaex.  La  peinture, 
quoiqu'elle  fasse,  ne  peut  que  copier  un  modèle,  qiu  restera 
toujours  et  inévitablement  plus  beau  qu'elle;  c'est  la  nature.  Si 
je  veux  voir  une  belle  forél,  je  vais  à  Saint-Germain,  une  belle 
rivière,  je, vais  sur  le  pont  de  Neuilly ,  un  beau  cheval,  je  vais 
chez  Crémieux ,  nue  jolie  femme,  je  vais  chez  ma  maîtresse. 
Qu'est-ce  qu'une  froide  copie  à  côlé  de  ces  originaux  vivants? 
Cela  est  si  vrai,  pour  moi  du  moins,  que  je  n'attache  aucun 
prix  au  portrait  des  gens  que  je  connais,  que  j'aime  :  absents 
ou  présents,  mon  souvenir  me  retrace  plus  vivement,  plus  fidè- 
lement leur  image  que  tous  les  pinceaux  du  monde. 

La  peinture,  dans  ses  atliibutions  les  plus  hautes  et  les  plus 
larges,  n'est  qu'une  contrefaçon  de  ce  qui  exi.ste  :  la  musique 
nous  donne  quelque  chose  qui  dans  la  nature  n'existe  pas.  Pylha- 
gorc  seul  a  pu  se  vanter  d'entendre  l'harmonie  des  sphères  cé- 
leste.s.  Je  déclare  que  dans  le  silence  le  plus  profond  des  nuiis, 


DE  PARIS. 


U05 


lequel  revient  le  motif  de  rouvertiire;  une  jolie  sicilienne 
chantée  par  M"'  Nau  r  enfin  une  vilanolle  délicieuse  dite  par 
Marie,  Boihwell  et  le  page,  terraiiierit  musicalmnent  ce  se- 
cond acte  :  on  a  fait  répéter  cette  vilanelle  empruntée  à 
l'Ecosse. 

Le  troisième  acte  offre  un  bel  ensemble  de  conjurés  chan- 
tant sans  accompagnemenls  :cela  est  large  et  beau  ;  puisvicnt 
un  duo  enire  Marie  et  Boihwell,  morceau  plein  de  grâce,  et 
fort  bien  chanté  par  M"'"  Stoliz  el  Gardoni.  Comjiositeur  et 
chanteurs  se  doivent  mutuellement  des  félicitations. 

Le  quatrième  acte  commence  par  un  tiio  de  scène  entre 
le gouveineurdu  château  de Loch-Lev.'n,  Hamilton,  le  page  et 
une  suivante  de  la  reine  ,  moiciau  bien  fait,  mais  qui  ne 
brille  pas  par  une  grande  variété  d'idées.  La  scène  d'abdication 
forcée  est  belle  et  grandiose  sous  le  rapport  dramatique  el  mu- 
sical :  Walter  Scolt  a  bien  inspiré  là  le  poêle  elle  composi- 
teur. La  fameuse  entrevue  des  deux  reines  au  cinquième  arlc 
n'est  pas  moins  belle,  dramatiquement  et  musicalement.  Les 
unissons  puissants,  le  crescendo  sur  pédale  des  timbales  y 
produisent  de  beaux  et  grands  effets,  n'était  encore  l'archet  de 
M.  Habeneck  marquant  trop  la  mesure  dans  tciut  cela.  Au 
reste,  nous  reviendrons  sur  celte  importante  partition,  sur  les 
acteurs,  et  sur  le  débutant  qui  a  joué  et  chanté  de  manière 
à  se  faire  adopter  tout  d'abord  par  le  public  dont  les  encou- 
ragements vont  sans  doute  aWcr  crcsccni/o. 

M"'"  Stollz  a  été  gracieuse,  noble  ,  fière  ,  touchante  dans  le 
rôle  de  Marie  Stuarl  ;  et  elle  l'a  chanté  avec  autant  d'inspira- 
tion lyrique  (jue  de  pureté  et  d'expression. 

L'ouvrage  est  monté  avec  un  luxe  éblouissant  de  costumes 
et  de  décorations,  qui  ne  peut  qu'ajouter  el  contribuer  au 
succès  de  la  pièce. 

*  Henri  Blanchaiîd. 


THEATRE  ROYAL  OE  L'OPKIIA-COMIQUE. 
Opéra-comique  en  3  actes  île  Catel. 

Opéra-comique  si  l'on  veut,  et  de  Calel,  si  l'on  veut  en- 
core. O  libretto  est  un  vrai  drame  refait  par  M.  de  Saint- 


Georges  sur  l'ancienne  pièce  de  Saint-Marcellin  ;  sorte  de 
vieux  mélodrame  dénué  d'action ,  sur  lequel  Catel  avait  com- 
posé une  musique  d'un  style  pur  comme  tout  ce  qu'il  a  écrit, 
et  coloré  de  mœurs  écossaises  comme  un  roman  de  AValter 
Scott.  L'auteur  de  ce  drame  lyrique,  fils  naturel,  dit-on  ,  du 
grand  maître  de  l'Université  d'alors,  M.  de  Fontanes,  jeune 
homme  d'humeur  douce  et  mélancolique  ,  militaire  distingué, 
n'eut  pas  le  temps  d'acquérir  un  talent  d'auteur  dramatique  : 
son  existence  fut  elle-même  en  quelque  sorte  un  drame  mys- 
térieux et  court  qui  se  dénoua  par  un  duel  dans  lequel ,  après 
avoir  été  blessé  mortellement,  il  fut  porté  chez  son  père  qui 
ce  jour-là  donnait  une  fête ,  et  pendant  laquelle  il  mourut. 
Son  opéra,  qui  éiait  encore  dans  sa  nouveauté,  a  été  repré- 
senté au  commencement  de  l'année  18 17. 

M.  de  Sainl-Georges  a  donné  plus  d'action  à  l'ouvrage;  et 
n'eût  il  quedéplacé  la  belle  et  touchante  romance  de  Wallace, 
comme  il  en  a  eu  l'heureuse  idée  en  la  faisant  chanter  devant 
l'auteur  de  la  mort  de  Marie,  femme  de  Wallace,  il  aurait 
assez  fait  pour  le  succès  de  la  pièci,  succès  d'ailleurs  qu'elle 
a  obtenu  par  de  nondireuses  améliorations  qui  dénotent  l'ha- 
bitude des  effets  scéniques  dans  l'habile  arrangeur  des  pa- 
roles. Les  arrmigeiirs  de  la  musique  ont-ils  été  aussi  bien 
inspirés  que  le  poêle?  (;'est  une  question  que  nous  allons  exa- 
miner. 

Nous  avons  dit  les  arrangeurs  parce  que  plusieurs  artistes 
ont  mis  la  main  à  l'œuvre  de  Catel.  Catel,  l'homme  de  la  me- 
sure, du  style  quelque  peu  froid,  mais  toujours  élégant  et 
pur,  aux  mélodies  francheset  bien  caractérisées;  Catel,  qui 
a  commencé  sa  réputation  dans  la  première  année  de  ce 
siècle  par  sa  partition  de  Sémiramis,  était  accusé,  comme 
tous  les  compositeurs  de  cette  époque,  de  viser  au  bruit,  de 
faire  du  tapage  par  les  instruments  à  vent;  il  s'était  épuré, 
simplifié  lorsqu'il  écrivit  Wallace;  il  n'a  certainement  pas 
usé  de  tant  de  cuivre  que  nous  n'en  avons  entendu  à  la  reprise 
de  son  ouvrage  tout  empreint  de  la  simplicité  des  mœurs  et 
des  chants  primitifs  des  montagnards  écossais. 

Rifaut ,  ex-pensionnaire  de  l'Académie  des  beaux-arts  à 
Rome,  et  répétiteur  au  théâtre  de  l'Opéra-comique  ,  cou- 
ronné à  l'Institut  en  présence  des  quarante  immortels,  etqui 
est  mort  lui-même ,  ain.si  que  les  deux  premiers  auteurs  de 


j'ai  beau  prêter  l'oreille,  je  n'entends  alisoliunenl  rien....  que  le 
silence ,  comme  cela  se  dit  poiHiqucment.  Le  vent  mugit,  le 
feuillage  frémit,  l'eau  murmure,  le  tonnerre  gronde  :  tout  cela 
n'est  que  du  bruit  et  pas  de  musique.  Les  oiseaux  gazouillent, 
voilà  tout  :  en  admettant  qu'ils  chantent,  je  dirai  avec  Carat  que 
le  rossignol  hii-méme  chante  horriblement  faux.  L'art  musical 
n'est  donc  pas  une  copie  ,  une  imitation  :  c'est  une  création  vé- 
ritable, dont  on  ne  peut  trouver  nulle  pari  réqiii\alent.  Quand 
cet  art  merveilleux  a  pour  interprèle  une  voix  de  femme,  pour 
organe  une  bouche  de  femme ,  je  n'Imagine  rien  de  plus  enchan- 
teur, de  i)lns  enivrant.  L'ich-alde  In  femme,  c'est  la  femme  qui 
chante  et  qui  chante  bien.  Fût-elle  laide,  sa  voix  lui  prêterait 
des  charmes  :  si  elle  est  belle  ou  seulement  agréable,  je  serai 
loujonis  prêt  à  tomber  à  ses  genoux,  comme  cela  se  dit  encore 
poélique.meul  et  n.élaplioriquement. 

Clolilde  a  exercé  sur  moi  l'empire  de  la  beauté  joint  à  celui  de 
la  musique.  Je  lui  ai  paidonné  bien  des  défauts,  bien  des  torts 
à  cause  de  sa  voix.  Cependant  il  y  a  un  terme  à  tout,  et  je  ne 
dépasserai  pas  celui  de  l'extravagance.  Le  jour  n'est  pas  loin 
peut-être  où  je  vous  étonnerai  tous  tant  que  vous  êtes  par  une 
de  ces  résolutions  énergiques,  dont  je  suis  plus  capable  que  vous 
ne  le  pensez  et  qiv  vous  ne  l'êtes  vous-mêmes,  avec  vos  grands 
airs  d'indépendance  et  de  détaclie.mcnt  des  adêclions  sérieuses. 
Quand  il  le  faudra,  je  vous  piouverai  que  je  suis  un  homme, 
à  vous  qui  n'êtes  presque  tous  que  de  grands  enfants. 


En  attendant,  soignez  bien  notre  Opéra.  Faites  bien  votre 
cour  à  ce  brave  directeur  et  ne  lui  épargnez  pas  les  compliments, 
qui  vous  le  livi'ent,  pieds  et  poings  liés,  dans  les  filets  de  son 
amour-propre  Dites-lui  que  personne  à  Paris,  à  Londres,  à 
Vienne,  à  Berlin,  n'a  plus  que  lui  les  manières  d'un  gentil- 
homme, que  son  liibury  fait  envie  aux  princes  ,  que  ses  chevaux 
n'ont  pas  leurs  pareils,  que  son  groom  est  un  pelit  phénix. 
Quand  il  vous  accordera  la  faveur  de  vous  montrer  le  nouvel 
appartement  qu'il  est  en  train  de  meubler,  ne  manquez  pas  de 
tomber  en  extase  devant  chaque  vieillerie  soi  disant  gothique  : 
exclamez-vous  devant  c'uaque  bahut,  devant  chaque  portière, 
et  soyez  sûrs  qu'il  vous  remboursera  de  tous  vos  frais  d'enthou- 
siasme, intérêt  et  capital.  Là  dessus  je  prie  Dieu  qu'il  vous  ait 
en  sa  sainte  el  digne  garde. 

P.  S.  Si  Slephen  ne  se  décide  pas  à  m'écrire  quelques  lignes , 
je  finirai  par  croire  ce  que  Fifine  me  mandait  un  jour  de  lui, 
que  c'était  un  homme  mal  élevé ,  qui  ne  savait  pas  seulement 
VaurCografe. 


STEPHEN  CAZALÈS  AU  COMTE  DE  REVAL. 

Paris,  30  juillet. 
Ah!  tu  me  mets  au  défi!...  ah!  tu  veux  de  ma  prose!  par- 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Wallace ,  car  on  dirait  que  le  fameux  insurgé  écossais  tue 
tous  ceux  qui  portent  la  main  sur  lui,  Rifautdonc,  avait  re- 
touché quelque  ficu  la  partition  de  Catcl  ;  niais  timidement, 
avec  mesure,  comme  cela  se  faisait  il  y  a  quelques  années,  en 
renforçant  quelques  passages  de  basses  par  des  trombones. 
Ce  travail  resta  inachevé.  M.  Boulanger,  autre  lauréat  de  l'In- 
slilut,  et  jeune  compositeur  de  talent,  qui  a  déjà  donn^un 
joli  petit  acte  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  s'est  chargé  de 
parfaire  la  partition  de  Wallace,  ou  plutôt  de  terminer  le  nou- 
veau libretto  de  M.  de  Saint-Georges.  11  est  juste  de  recon- 
naître et  de  dire  que  le  continuateur  de  Catel  a  respecté  le 
texte  de  l'auteur  Aa  S  émir  amis  et  de  V  AvheiUje  de  Bagncrcs, 
et  qu'il  est  pur  de  tout  arrangeaiUemcnt ;  qu'on  nous  par- 
donne ce  néologisme  de  mauvais  goût  pour  caractériser  un 
travail  de  mauvais  goût  qui  envahit  le  répertoire  de  notre  se- 
conde scène  lyrique.  M.  Boulanger  a  écrit  pour  le  troisième 
acte  de  Wallace  des  couplets  dits  par  M""'  Darcier,  un  air 
pour  Herniann-Léon,  et  un  fort  joli  duo  chanté  par  IMocker  et 
M'""  Uarcier.  ïl  y  aurait  peut-être  un  peu  trop  d'indulgence  à 
dire  que  ces  morceaux  se  fondent  très  bien  dans  la  couleur 
primitive  de  l'ouvrage  ;  ils  ont  le  défaut  de  l'école  moderne, 
la  mélodie  en  est  vague  et  tourmentée,  comme  l'instrunienla- 
tion,  qui  est  papillotante  quand  elle  n'est  pas  trop  bruyante. 
C'est  dans  les  couplets  de  la  jeune  Écossaise  et  dans  le  canta- 
bile  de  l'air  de  lord  Arthur  que  ces  défauts  de  la  mélodie  ac- 
tuelle se  font  le  plus  sentir,  surtout  quand  on  a  entendu  les 
mélodies  des  deux  premiers  actes  dont  la  plupart  sont  de- 
venues, sinon  populaires,  ont  du  moins  figuré  sur  tous  les  pia- 
nos de  toutes  les  classes  de  la  société  musicale  à  l'époque 
de  leur  nouveauté.  Le  joli  duo  dont  nous  venons  de  parler 
n'est  pas  le  seul  morceau  nouveau  que  chante  Mocker.  Chol- 
let  lui-même,  dit-on,  a  fait  ajouter  <|uelques  mesures  de  mo- 
dulation à  la  fin  du  beau  duo  en  «i  mineur  du  dernier  acte: 
La  i-oix  de  la  pairie ,  chaulé  par  Robert  Bruce  et  Wallace, 
ce  qui  fait  qu'on  appelle  cette  péroraison  la  coda  Choliet.  Et 
à  propos  de  ce  beau  duo,  si  bien  déclamé,  si  chaud  do  patrio- 
tisme, et  si  richement  orcliestrc,  auquel  cepeodaut  on  a  cru 
devoir  encore  annexer  quelques  instruments  de  cuivre  ,  il  est 
digne  de  remarque  que  sous  Louis  XVIII ,  qui  avait  déclaré 
qu'après  Dieu,  il  reconnaissait  devoir  sa  couronne  au  régent 


d'Angleterre,  les  deux  personnages  disant  ce  duo  chantaient 
sur  le  ton  de  la  menace  :  que  l'Anglais  tremble .'  au  lieu  qa'E- 
doiiardtremblc  !  ce  quichoque  un  peu  les  oreilles  délicates  en 
fait  d'euphonie.  La  censure  d'alors  ne  trouva  point  matière  à 
cris  séditieux  dans  celte  légère  variante.  Allez  donc  vous  y 
faire  mordre  maintenant  !  On  vous  dirait  que  la  première  ver- 
sion formerait  une  horrible  dissonance  dans  le  concert  eu- 
ropéen dont  ,nous  avons  le  bonheur  de  jouir,  et  que  l'O- 
péia-Comiquc  ne  reçoit  point  deux  cent  quarante  mille  francs 
de  subvention  pour  le  troubler. 

La  romance  chantée  par  "SVallace  sur  l'aventure  de  sa  femme 
Marie  est  pleine  de  charme,  de  mélancolie  et  d'effet  scénique, 
non  seulement  par  la  manière  dont  elle  est  placée,  ainsi  que 
nousl'avons  déjà  dit,  maispar  la  sim])licilc  de  la  mélodie,  l'in- 
térêt du  récit,  la  variété  des  accompagnements,  et  aussi  par 
l'expression  profondément  sentie  avec  laquelle  Choliet  la  dit. 
S'il  manque  de  force  et  d'énergie  vocale  dans  le  duo  que  nous 
avons  cité  plus  haut,  son  excellente  méthode  et  sa  sensibilité 
le  servent  au  mieux  dans  cette  belle  romance  dramatique  qui 
peint  le  plus  tendre  amour  conjugal ,  joint  aux  regrets  les 
plus  touchants ,  auxquels  vient  s'unir  encore  le  noble  amour 
de  la  patrie. 

Catel  a  donc  obtenu  un  nouveau  succès,  plutôt  grâce  à 
M.  de  Saint-Georges  qu'à  ses  badigeonneurs.  Au  reste,  il  n'y 
a  qu'une  voix  dans  la  presse  sur  l'esprit  de  spéculation  qui 
préside  seul  à  ces  arrangements,  à  celte  manie  de  recrépir 
d'anciens  ouvrages.  Un  journaliste  a  dit  fort  judicieusement  à 
propos  de  cela  :  Déterrez  une  médaille  antique,  frottez-la  des 
heures  entières,  grattez-la,  limez-en  l'exergue,  substituez  des 
figures  à  celles  qu'elle  représente,  et  puis  ditesà  la  numismati- 
que d'en  apprécier  les  mérites.. .  vous  ferez  acte  de  fou.  Cette 
comparaison  nous  a  d'autant  plus  frd^jpé  que  nous  possédons 
dans  notre  médaillier  un  sou  à  l'effigie  de  Louis  XVI,  que  le 
burin  capricieux  de  quelque  amateur  ultra-militaire  a  affublé 
d'u'i  bonnet,  de  tresses,  de  moustaches  et  d'une  veste  h  la 
hussarde.  Mettez,  dans  une  centaine  d'années,  cette  pièce  de 
monnaie  ,  avec  son  millésime  de  1792,  dans  les  mains  d'un 
ignorant  numismateen  place,  qui  ne  connaîtra  ni  Antoine  Au- 
gustin, ni  FulviusUrsini,  niWolfgangLucius,  ni  Hubert  Golt- 
zius,  il  vous  déclarera  que  le  roi  de  France  jwrtait  habituelle- 


bleu!  je  l'en  donnerai,  mauvaise  langue,  qui  te  plais  à  lépiHer 
d'absurdes  calomuics  !  El  quels  souvenirs  vas-tu  réveiller  dans 
mon  cœur?  Qu'cst-elle  devenue  cette  pauvre  Fjlinc,  qui  ne  me 
trouvait  plus  si  mal  élevé,  quand  je  lui  eus  procuré  un  engage- 
ment de  mille  écus,  ce  qui  n'était  pas  trop  cher  pour  son  mé- 
rite, mais  que  je  n'ai  jamais  pu  diisliiibilucr  de  m'.ippelcr  dans 
ses  ietlres  son  petit  enge!  Dis  tout  ce  que  tu  voudras  sur  le  pou- 
voir de  la  musique  et  sur  le  charme  de  la  voix  :  je  ne  to  répon- 
drai pas  par  une  dissertation  sur  l'incomparable  supériorité  des 
jambes,  mais  je  te  dirai  qu'en  fait  de  danse  tu  n'es  et  ne  seras 
toujours  qu'un  mécréant;  c'est  un  sens  qui  te  manque  et  que  le 
ciel  l'a  refusé.  Tu  nous  parles  des  exercices  violents  de  la  salle 
de  danse  :  est-ce  que  par  hasard  tu  trouverais  du  plaisir  à  écouler 
la  clianleuse  adorée  filer  des  sons?  Moi,  je  trouve  cela  tout  aussi 
réjouissant  que  d'enicndie  des  chiens  hurler  après  la  lune. 

A  propos  de  lune,  je  vais  chaque  malin  saluer  le  soleil;  tu 
comprends  que  je  parle  du  directeur  de  l'Opéra.  Je  le  séduis,  je 
J'éblouis ,  je  le  fascine  de  plus  en  plus.  Je  lui  ai  fait  faire  celte 
semaine  deux  belles  actions  :  il  a  mis  à  la  réforme  la  grosse  Na- 
netle  ,  que  nous  ne  pouvions  plus  voir  danser  sans  avoir  mal  au 
cœur,  et  il  a  engagé  de  confiance  une  petite  personne  que  je  lui 
ai  présentée,  pour  le  compte  de  notre  ami,  Sainte-Croix  :  elle  se 
nomme  Marpliise,  cl  dansera  comme  une  sylphide,  quand  seu- 
lement elle  aura  pris  quelques  leçons.  Ce  poltron  d'Augustin 
n'avait  pas  voulu  se  charger  de  l'affaire  :  il  prétendait  que  c'était 


trop  fort  cl  qu'il  y  avait  conscience  de  faire  entrer  à  l'Opéra  une 
échappée  de  Tivoli  et  de  la  Chaumière.  J\loi ,  qui  suis ,  lu  le 
sais,  un  homme  d'exécution,  j'ai  porté  la  parole,  el  il  fallait 
voir  comment!  Le  diiecleur  n'n  pas  fait  une  seule  objection  : 
enfoncé  dî's  la  première  botte!  Et  voilà  comme  je  m'acquitte  des 
honorables  missions  que  l'nn  veut  bien  me  confier. 

Plaisanterie  à  pari,  l'Opéra  ne  va  pas  trop  m:il,  sauf  que  la 
première  chanteuse  est  absente  et  que  tu  n'assistes  pas  au  con- 
seil. Dépèche-toi  donc  de  revenir  :  il  est  question  de  plusieurs 
débuts  dans  le  chant  :  cela  n'est  pas  de  mon  ressort,  et  si  tu  ne 
m'envoies  pas  d'instructions,  je  ferai  comme  ce  député  qui  n'a^ 
vail  pas  reçu  le  mot  d'ordre  ministériel ,  et  qui  se  trouvait  réduit 
à  voler  selon  sa  conscience  :  j'applaudirai  ou  je  chuterai,  sui- 
vant mon  idée  du  moment. 

Augustin  me  charge  de  te  dire  qu'il  l'écrira  dans  deux  jours. 
Quant  à  moi,  je  le  déclare  que  je  ne  t'écrirai  plus  du  tout.  Je 
l'abandonne  mon  style  :  je  n'y  tiens  pas  :  mais  voyons,  là,  fran- 
chement est-ce  que  je  ne  mets  pas  l'orthographe  aussi  bien  que 
toi?  .  , 

Absit  a  le  diabolus! 

Et  je  parle  latin  encore  ! 

Si  j'étais  grand  seigneur,  je  me  mettrais  sur  les  rangs  pour 
l'Académie  française,  et  l'on  m'y  recevrait,  mais  je  ne  suis  qu'un 
vilain  de  père  en  fils  cl  je  me  contente  de  l'Académie  royale  de 
musique  :  c'est  à  coup  sûr  plus  amusant  ! 


DE  PARIS. 


407 


nient  l'uniforme  de  colonel  de  hussards  à  cette  époque  de  sa 
vie ,  comme  quelque  critique  musical  pourra  vous  dire  dans 
quelques  années,  que  toute  la  partition  actuelle  de  Wallace 
témoigne  du  talent  d'instrumentation  de  Catel,  et  que  cha- 
que page  de  ce  bel  ouvrage  porte  le  cachet  de  cet  habile 
compositeur. 

Henri  Blanchard. 


LE  DERF^ÎER  ROa  DE  JUDÂ, 

Opéra  biblique  en  2  actes , 
Libretlo  de  M.  Maurice  BounoES;  partition  de  M.  Ceoeges  Kastker. 
Exécuté  pour  la  première  fois  diius  la  salle  du  Coiiservaloire  le  1"  décembre  18i5 . 

Voici  un  coniposilenr  qui  se  révèle,  ou  qui  se  réveille  du 
sommeil  de  découragement  dans  lequel  s'annihilent  plusieurs 
hommes  de  talent,  sans  que  ceux  qui  président  h  l'adminis- 
tration et  à  ce  qu'ils  appellent  l'avenir  de  l'art  musical  en 
France  s'en  préoccupent  autrement.  Celui-ci  est  un  critique 
consciencieux,  et  de  plus,  il  a  publié  plusieurs  ouvrages 
théoriques  sur  l'art ,  dont  il  possède  la  science  à  fond  ;  il  a 
fait  des  traités  d'harmonie  et  de  fugue  et  d'instrumenlation  , 
et ,  pardessus  tout  cela ,  son  nom  a  quelque  peu  le  son  ger- 
main ;  or,  pour  nos  critiques  superficiels  en  musique  dont  le 
nombre  augmente  chaque  jour,  attendu  que  ce  qui  vicie 
abonde,  W.  Kaslner  ne  pouvait  être  qu'un  vieil  allemand, 
professeur  de  contrepoint;  et,  par  cela  seul  qu'il  a  publié 
des  méthodes  d'instruments  à  percussion,  on  disait  que, 
pour  caractériser  sa  musique,  son  nom  devait  se  prononcer 
Cassenerf.  Il  n'est  rien  de  tout  cela.  M.  Georges  Kastner  est 
meilleur  Français  d'esprit ,  de  cœur  et  de  naissance  que 
quelqu'un  qui  serait  né  h  Gand ,  ou  qui  aurait  vu  que  toute 
la  France  était  dans  cette  ville  en  1815.  C'est  un  de  nos 
jeunes  compositeurs  qui,  sans  être  un  des  trop  nombreux  lau- 
réats de  l'Jnstitut  revenant  de  Rome,  a  eu  comme  eux  un 
opéra  tué  sous  lui  par  le  caprice  administratif  qui  préside  aux 
destinées  de  nos  scènes  lyriques. 

Voulant  dire  et  faire  exprimer  par  de  bons  interprètes 
sa   pensée    musicale    d'une    manière    large  et  complète , 


M.  Kaslner  s'est  adressé  à  M.  Maurice  Bourges,  notre  colla- 
borateur en  critique  musicale  et  bon  musicien  lui-même,  qui 
lui  a  confectionné  un  librelto.bien  taillé  pour  la  musique,  et 
à  l'élite  des  artistes  de  nos  deux  premières  scènes  lyrique?. 
On  a  vu  plus  d'un  compositeur  se  faire  soi-même  son  libretto, 
dans  l'impossibilité  d'en  arracher  un  à  quelque  auteur  en  cré- 
dit; mais  il  ne  s'était  point  encore  rencontré  ,  que  nous  s.t- 
chions,  un  musicien  s'associant  à  un  autre  musicien  poêle.  De 
celte  union  est  né  un  enfant  bien  constitué,  ayant  nom  le 
Dernier  roi  de  joda.  Cet  oratorio ,  cet  opéra  biblique  est 
éminemment  poétique  et  d'un  lyrisme  coloré  pour  la  mu- 
sique dont  le  composileui-  s'est  on  ne  peu!  plus  heureusement 
inspiré.  Et  d'abord,  M.  Kastner  voulant  se  montrer  écrivain 
instrumental  dans  toute  son  habileté  ,  a  débuté  par  une  ou- 
verture h  larges  et  belles  proportions,  dont  l'introcluclion, 
toute  mélodique ,  est  richement  modulée  pour  les  instru- 
ments à  vents.  On  voit  que  l'auteur  connaît  on  ne  peut  mieux 
le  caratère  et  les  ressources  de  chaque  membre  de  cette  nom- 
breuse et  brillante  famille  qu'on  appelle  l'orchestre.  Deux 
motifs  de  Vallcgro  de  celte  ouverture  sont  empruntés  à 
deux  duos  de  la  partition;  mais  non  employés  en  pot-pourri, 
eu  pièces  de  placage  comme  on  le  fait  trop  dans  la  plupart 
des  nouveaux  opéras.  Cela  est  logiquement  travaillé  par  imi- 
tations, bien  distribuées  parmi  les  différents  instruments.  Il 
intervient  au  milieu  de  ces  jolis  effc  ts  puisés  dans  la  science 
de  l'instrumentation  ,  un  chant  de  clarineltr  noble  et  suave 
en  fa  majeur;  et,  sur  un  trémolo ,  large  dans  les  cordes  hau- 
tes des  violons,  s'établit  une  péroraison  puissante,  grandiose, 
qui  rivalise  l'immense  effet  du  dernier  allegro  de  la  sympho- 
nie en  vt  mineur  de  Beethoven.  C'est  beau  ,  c'est  digne,  et 
cela  termine  d'une  manière  neuve  cette  ouverture  tout-à-fait 
remarquable.  , 

Un  chœur  plaintif,  en  ré  mineur,  des  Hébreux  gémissant 
sur  l'abaissement  de  Jérusalem ,  ouvre  la  scène  ;  et  le  pro- 
phète Jérémie  vient  mêler  sa  voix  inspirée  à  cet  hymne  de 
douleur.  Dans  son  zèle  pour  le  Très-Haut ,  il  foudroie  l'in- 
vasion assyrienne  ,  et  le  roi  Sédécias  lui-même  promis  à  la 
mort;  il  dit  : 

Quel  changement  je  trouve  en  quitlanl  ma  n  traite! 
Jérusalem  ,  comme  son  roi. 


CLOTILDE  B*"*  A  GASTON  DALIGNY. 

Bordeaux,  2  août. 

Est-ce  que  tu  ne  m'as  pas  écrit  ici ,  comme  à  Lyoïr?  En  arri- 
vant je  croyais  trouver  une  leitre;  j'ai  envoyé  à  la  poste  et  l'on 
m'a  répondu  qu'il  n'y  avait  rien.  Je  suis  d'une  inquiétude  mor- 
telle. Te  serait-il  arrivé  quelque  chose?  Ce  qui  achève  de  me 
désoler,  c'est  que ,  si  tu  ne  m'as  écrit  déjà ,  je  ne  puis  plus  avoir 
de  tes  nouvelles  qu'à  Paris.  Je  compte  partir  demain  ou  après 
demain  au  plus  tard.  L'amitié  voudrait  bien  me  retenir,  mais  un 
autre  sentiment  me  rappelle,  et  je  ne  me  sens  plus  la  force  d'y 
résister.  A  bientôt ,  cher  Gaston,  et  à  toujours. 


GASTON  DALIGNY  A  CLOTILDE  B***. 

Paris ,  2  août. 

Cette  lettre  sera  la  dernière  que  je  vous  adresserai.  Depuis 
votre  départ  de  Paris ,  je  n'ai  reçu  de  vous  qu'un  petit  mot  daté 
de  Lyon.  Les  journaux  seuls  m'ont  appris  vos  succès,  qui  m'au- 
ront sans  doule  effacé  de  votre  mémoire.  Peu  s'en  est  fallu  que 
je  ne  manquasse  au  serment  que  vous  aviez  exigé  de  moi  et  que 
je  ne  courusse  vous  retrouver.  Cloiildc,  il  y  a  un  mystère  que 
vous  me  cachez,  j'en  suis  sûr,  et  dussé-je  en  mourir,  il  faut  que 


je  sache  la  vérité.  Je  vous  aime  tant  que  j'ai  cru  toutes  vos  pa- 
roles, mais  ce  voyage  m'a  rendu  les  doutes  que  vous  élicz  par- 
venue à  dissiper.  Au  nom  du  ciel ,  ne  me  trompez  pas  :  dites-moi 
si  je  suis  toujours  l'homme  que  vous  préférez  à  tous  les  autres  : 
dites-moi  si  vous  êtes  toujours  prête  à  tout  quitter  pour  moi,  et 
réfléchissez  bien ,  avant  de  me  répondre ,  car  je  suis  capable  de 
vous  le  demander. 


CLOTILDE  B-^-^*  A  ESTHEll  SAUNIER. 

Paris,  10  août. 
Me  voici  de  retour,  chère  amie,  et  je  me  porte  assez  bien, 
quoique  très  fatiguée  et  encore  plus  agitée  :  tu  vas  voir  si  c'est 
sans  motif.  Gaston  n'a  reçu  qu'une  seule  de  mes  Icilres ,  et  il 
m'en  a  écrit  plusieurs  qui  ne  m'ont  pas  été  remises.  De  plus,  le 
comte  vient  de  m'aunoncer  qu'il  part  dès  demain  pour  un  voyage 
que  des  intérêts  do  famille  l'obligent  à  faire.  Tu  comprends  que 
je  n'en  crois  pas  un  mot.  Je  ne  puis  t'en  dire  davantage,  mais 
cela  suffit,  je  pense,  pour  te  prouver  que  j'ai  raison  de  craindre, 
sans  savoir  encore  ce  que  le  destin  me  réserve  et  à  quel  malheur 
je  dois  me  préparer. 

Paul  Smith. 
La  suite  au  prochain  numéro. 


&08 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Pour  louer  Dieu  reste  muette. 
Et  fuule  aux  lieds  sa  sainte  loi. 

O  vilk'  rebelle , 

ToH  Dieu  le  rappelle, 

Ne  l'eniends-l~u  pas? 

Et  loi^sque  le  prophèie  admoneste  ainsi  de  sa  voix  austère 
la  ville  corrompue,  les  charmes  d'une  liarmonic  suave  vt 
brillante  tenta  la  fois,  molle  cl  voliipiueuse ,  frémissent 
sous  les  accents  gravis  du  prophète  de  malheur.  Les  trilles 
des  violons,  leurs  piszicali,  un  chant  de  clarinette  plein 
d'élégance,  tout  le  luxe  de  l'harmonie  et  de  mélodies  riantes 
qui  se  mêlent  en  accompagnements  à  la  mélodie  principale, 
au  chant  sévère  et  tout  empreint  de  mélancolie  du  prophète  , 
ne  nous  représonlent  ils  pas  Bahylonc,  la  grande  prostituée, 
unissant  les  séductions  de  ses  mille  voix  efféminées  à  celles  de 
sa  sœur  Jérusalem,  pour  lutter  fullement  contre  les  avertisse- 
ments de  Dieu?  Il  y  a  plus  que  du  talent  à  savoir  employer 
ainsi  cette  langue  musicale  complexe,  multiple,  de  l'orchestre, 
ces  contrastes  de  l'art  ;  c'est  en  connaîire  ,  c'est  en  prati- 
quer, en  faire  sortir  toute  la  poésie,  et  il  faut  du  génie  pour 
cela.  Eienlôl,,  au  luxe  instrumental ,  vient  se  niêlir  la  .sen- 
sualité vocale  des  jeunes  vierges  folles  de  Sion  ;  elles  disent  : 

O  filles  de  Syrie! 
Pour  cclObnr  11  s  nouveaux  dieux. 
Qu'à  nus  accents  la  harpe  se  marie. 

Et  sur  ces  accents  joyeux,  auxquels  s'unis.sent  les  sons  de 
la  flûte  dialoguant  avec  les  soprani  et  les  conlralli,  viennent 
se  joindre  les  lamentalions  de  Jérémie  et  des  Hébreux  restés 
fidèles  au  vrai  Dieu.  Nous  le  répétons,  cela  est  puissant  et 
beau. 

Amitala,  mère  du  roi  Sédécias,  vient  chanter  un  air  d'une 
mélodie  large  et  bien  accusée,  mais  un  peu  surabondante 
en  ses  thèmes  puisés  dans  la  mèiue  tonalité;  puis  à  ce  mor- 
ceau succède  un  duo  non  moins  mélo(li(|ue  et  surtout  bien 
déclamé.  Le  motif  sur  ces  ])ar()les  :  Salut,  vcnirable  lécile, 
en  est  franc;  et,  après  la  strophe  dans  laquelle  la  reine  cher- 
che à  séduire  Jérémie  en  le  flattant,  le  prophète  répond  : 
C'est  sur  Dieu  seul  qu'il  fiut  compter,  princesse.  Cette 
phrase,  qui  module  à  la  tierce  majeure  inférieure,  c'est-à- 
dire,  qui  passe  sans  accord  intermédiaire  du  Ion  de  mi  ma- 
jeur en  ni  naturel,  est  du  plus  bel  effet;  et,  bien  que  cette 
nioduhition  soit  très  connue  ,  clic  a  ici  quelque  chose  d'anti- 
que et  de  solennel  qui  convient  on  ne  peut  mi;'ux  au  person- 
nage et  à  la  situation.  La  mélodie  en  est  franche,  sévère  et 
bien  accusée,  et  les  basses  de  l'orchestre  y  répondent  par  une 
imilalion  qui  doime  plus  de  poids  encore  à  la  réponse  du 
prophète  à  qui  le  piiëte  a  prêté  ce  noble  langage  : 

Gloire  à  celui  qui  frappe  et  ré;;énère! 

Malheur  à  qui  brave  le  (  iel  ! 
Quand  Dieu  nous  tend  sa  coupe  de  colère. 

Avec  ijmour  buvons  le  fiel. 

Les  amateurs  de  la  prosodie  ont  dû  remarquer  la  tournure 
heureuse  et  neuve  de  la  phrase  mélodique  tombant  sur  le 
dernier  mot  du  premier  de  ces  vers.  Les  menaces  récipro- 
ques viennent  ensuite  sur  Vagilalo  en  mi  mineur,  qui  a  été 
reproduit  dans  l'ouverture.  Le  niu.sicien  est  ici  dramatique 
au  plus  haut  point ,  et  traduit,  on  ne  peut  mieux ,  le  langage 
du  poète  qui  fait  dire  ensemble  à  ses  interlocuteurs,  en  style 
élevé  et  tout-à-fait  lyrique  : 


AMITALA  (à  part). 

Téinéraire;  il  oublie 
Que  jadis  fut  punie 
la  superbe  d'Elie 
Orrensjnl  Jézabel. 


JEREMIE  (à  part). 

Contre  Dieu  qu'elle  oublie, 
J'entrevois  que  l'impie 
Veut,  ainsi  qu'Alhalie, 
Imiter  Jézabel. 


Le  troisième  tableau  de  ce  drame  biblique  nous  représente 
Sédécias  chantant  son  amour  aux  pieds  de  Jémina,  et  cela 
dans  une  mélodie  des  plus  neuves  et  délicieusement  accom- 
pagnée. Il  faut  toujours  reconnaître,  au  risque  de  se  répéter, 
qu'ici ,  comme  dans  plusieurs  passages  de  la  partition,  le  com- 
positeur fait  intervenir  les  instruments  à  vent  de  la  manière 
la  plus  élégante.  Les  hautbois,  les  flûtes  et  les  clarinettes  se 
répondent  en  échos,  en  une  petite  phrase  répétée  alternati- 
vement et  qui  produit  un  effet  ravissant.  Le  duo  qui  succède 
à  cette  mélodie  :  T' aimer ^  le  le  dire,  etc.,  est  tout  empreint 
du  délire  de  l'amour.  C'est  peut-être  un  peu  nocturne  de 
salon  ;  il  y  a  une  sorte  d'actualité  dans  celte  sensualité  musi- 
cale; mais  l'amour  n'est-il  pas  de  tous  les  temps  et  à  peu  près 
toujours  le  même?  et  d'ailleurs  c'est,  comme  nous  l'avons  dit 
précédemment,  la  civilisation  avancée  de  Babylone  et  de  Jéru- 
salem réunies.  Le  chœur  qui  succède  :  Uéplayons  ces  habits, 
ces  voiles,  est  original  et  plein  de  coquetterie  instrumentale. 
La  cavatine  qui  suit  :  Simple  innocence  de  mun  enfance .  est 
encore  une  mélodie  douce  et  bien  modulée,  car  dans  l'espace 
de  huit  petits  vers,  elle  passe  de  ré  majeur  en  si  mineur, 
revient  dans  son  ton  primitif,  passe  en  sol,  et  promène  ainsi 
dans  d'autres  tonalités  variées  mais  toujours  logiques,  l'amour, 
les  regrets  et  les  plus  doux  souvenirs.  Tout  cela  est  trop  riche 
et  trop  fin  pour  avoir  été  bien  saisi ,  bien  apprécie  dans  une 
seule  audition  et  par  uu  public  |)eu  exercé  aux  finesses  de 
l'art,  disons  plus,  par  des  auditeurs  qui  ne  voient  jamais 
arriver  avec  beaucoup  de  plaisir  un  compositeur  rival. 

La  scène  onzième  offre  encore  un  beau  duo  entre  Jémina 
et  Jérémie.  Les  deux  chants  de  l'ensemble  en  sont  bien  con- 
trastés, et  le  dessin  de  violon  qui  les  accompagne  est  plein 
d'intérêt.  La  romance  qui  suit,  dite  par  Jémina,  est  d'un  bon 
sentiment  mélodique;  et,  sur  les  syncopes  que  les  instru- 
ments à  cordes  font  entendre ,  le  hautbois  obligé  joue  un  joli 
rôle. 

Après  un  chœur  en  six-huit  bien  rhylhmé  annonçant  la 
trompette  qui  retentit  jusqu'au  Jourdain,  plusieurs  mor- 
ceaux scéniques  du  libretlo  ont  été  passés  Ji  celle  séance  qui 
ne  devait  avoir  que  la  forme  et  la  durée  d'un  concert  ;  et  puis 
est  venu  un  fort  beau  quatuor  avec  chœur,  dans  lequel  le 
compositeur  nous  a  révélé  des  qualités  éminemment  scéni- 
ques ,  morceau  vocal  d'un  style  large  et  bien  posé. 

Au  deuxième  acte,  le  roi  d'Assyrie,  Nabuchodonosor, 
chante  un  air  énergique  et  passionné,  précédé  d'un  canla- 
bile  onctueusement  accompagné  par  les  violoncelles.  Une  ro- 
mance dite  par  Sédécias  :  3Ja  bien-aimée,  où  donc  est-elle? 
a  réuni  tous  les  suffrages,  appelé  d'unanimes  applaudisse- 
ments. Cette  mélodie  est  tout  empreinte  d'un  parfum  d'an- 
tiquité; elle  est  au.ssi  délicieusement  que  simplement  accom- 
pagnée par  la  harpe  et  le  cor  anglais.  Une  heureuse  rémi- 
niscence du  duo  de  Jémina  et  de  Sédécias  est  revenue ,  et 
enfin,  un  chœur  guerrier  plein  de  force  et  d'un  style  tout-à- 
fait  grandiose  a  lerminé  celte  séance,  qui  a  profondément  im- 
pressionné tout  ce  qu'il  y  avait  de  juges  impartiaux  et  com- 
pétents dans  l'auditoire 

La  composition  de  M.  Kastner  réunit  l'abondance  des  idées 
à  la  pureté  classique,  à  ce  savoir  qui  lire  parti  d'une  pen- 
sée musif  aie  sans  la  réduire  à  la  forme  exiguë  d'une  imitation 
incessamment  ramenée  de  manière  à  faire  naître  l'ennui  par 
la  monotonie.  En  payant  aussi  le  tribut  au  goût  actuel  pour  la 
richesse  instrumentale,  l'auteur  a  évité  le  travers  des  musi- 
ciens romantiques  qui  confondent  l'unité  de  la  pensée  avec 
l'abondance  sléri!e  djs  idées  ,  et  qui  font  faire  autant  de  bruit 
par  leurs  ignorants  partisans  qu'ils  en  font  eux-mêmes  par 
leur  orchestre.  Celui  qu'avait  réuni  M.  Kasluer  n'était  pas 


DE  PARIS. 


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trop  nombreux;  mais  il  était  bon.  Après  deux  répétitions 
seulement  de  celte  œuvre  diEBcile ,  cet  orchestre  a  exécuté 
l'ouvrage  de  M.  Kastner  avec  un  ensemble  parfait  et  une 
chaleur,  une  énergie  toute  artistique. 

Les  chanteurs  ne  se  sont  pas  montrés  de  moins  habiles  in- 
terprètes. M""  Dorus-Gras  qui  était  indisposée,  et  qui  s'était 
fait  doubler  pour  la  moitié  du  rôle  de  Jémina,  a  dit  délicieu- 
sement le  duo  :  Mon  bien  aimé,  la  voiœ  suave  et  tendre ,  et 
la  jolie  cavaline  :  Alors  que  tout  parle  d'ivresse.  M"°  Mon- 
dulaigny  la  aussi  bien  remplacée  c|ue  cela  se  pouvait  dans  le 
reste  du  rôle,  et  M'""  Hortense  Maillard  a  su  donner  au  per- 
sonnage de  la  reine  Amitala  un  ton  ferme  et  noble  par  son 
excellente  méthode  de  chant.  Rlassol ,  dans  le  roi  d'Assyrie,  a 
déployé  celte  voix  timbrée,  cuivrée,  vibrante  et  sympathique 
dont  on  subit  toujours  l'irrésislible  effet  avec  plaisir.  Her- 
niann-Léon,  que  nous  n'avons  entendu  jusqu'à  ce  jour  qu'à 
l'Opéra-Comique,  s'est  révélé  basso  contante,  plein  d'intel- 
ligence scénique,  et  doué  des  plus  belles  cordes  basses  qu'il 
emploie  avec  beaucoup  d'expression.  Roger  s'est  montré, 
comme  toujours,  ténor  à  voix  suave  et  dramatique,  ténor  qui 
fait  résonner  un  écho  sympathique  à  la  grande  scène  de  l'O- 
péra. Si  l'heure  n'avait  pas  été  aussi  avancée  ,  on  aurait  sans 
doute  bissé  la  romance  :  Ma  bien  aimée,  où  donc  est-elle  ? 
qu'il  a  chantée  délicieusement. 

Henri  Blanchard. 


LES   CASTAGNETTES. 

Dessin  de  Gavarni, 

L'Espagne  est  la  patrie  des  castagnettes  et  de  la  guitare  ; 
mais  les  casiagneltes  ont  toujours  eu  pour  elles  l'avantage 
d'une  popularité  beaucoup  plus  grande,  par  la  raison  toute 
simple  que  c'est  un  instrument  d'un  prix  à  la  portée  de  tout 
le  monde  et  d'une  exécution  de  même  espèce.  Il  ne  faut  pas 
avoir  dix  maravédis  dans  sa  poche  pour  se  passer  de  casta- 
gnettes, et  il  faut  avoir  perdu  l'usage  de  ses  jambes  pour  ne 
pas  danser  de  tout  son  corps  et  de  toute  son  âme  au  seul 
bruit  des  castagnettes quand  on  est  Andaloux  ou  Cas- 
tillan ! 


ITOTJTBLiLBS. 


*,*  Demain  lundi,  à  lOpéra,  seconde  représentation  de  Marie 
Sluart. 

*,*  I.e  Théâtre-Italien  vient  de  reprendre  il  Piraia,  l'un  des  pre- 
miers ouvrages  qui  fondéienl  la  répulalion  de  Belini  ,  mais  qui 
n'est  p:is  la  meilleure  produ'  lion  de  ce  inailre,  el  qui,  sans  aucun 
doule,  après  lu  Siraiiieru,  en  est  la  plus  ennuyeuse.  Mario  remplit 
le  rôle  créé  par  Rubini. 

*.■'  Plusieurs  journaux  ont  nnnoncé  cesjours  derniers,  que  la  com- 
miss'on  des  Lhéàlres  royaux  avait  définUivi-'rnenl  rejeté  le  projet  d'un 
troisième  théàlre  lyric|ue.  C'était  une  douhle  erreur  :  d'aburd  ;i  celte 
époque  la  commission  n'avait  pas  encore  positivement  arrêté  les 
termes  de  son  avis  au  mini.>.tre,  el  ensuite ,  loin  d'èlre  contraire  au 
projet ,  cet  avis  lui  esl  très  favorable,  en  ce  ^ens  qu'il  ailmel  la  créa- 
tion d'un  Ihéâlre  essenliellenienl  musical,  et  exclusivement  consacré 
à  la  musique  française.  Il  esl  vrai  que  la  commission  repousse  toute 
combinaison  qui,  sous  le  préleste  d'un  tiois'ème  Ibeâlre  lyrique, 
masquerait  l'élablis-emeiit  d'un  treizième  ou  qualoizième  théâtre 
plus  ou  moins  consacré  au  service  du  vaudeville.  iMai-  n'est-ce  pas 
une  preuve  manifeste  d'inlel.igence  el  de  g"ùt  pour  l'art  musical 
dont  le  vaudeville  "^sl  le  plus  dangereux  ennemi?  La  commis- 
sion repousse  également  les  tradijclions.  et  ceci  est  encore  dans  l'in- 
lérét,  des  coriiposileurs  naliooaux  qui  se  plaignent  avec  raison  de  ce 
que  la  carrière  est  Irop  étroite.  Quant  aux  mesures  de  protection  à 
premlre  à  l'égard  des  lhéàlres  existants  ,  la  commis-ion  a  dû  s'en 
rapporter  à  la  sagesse  duminislne,  et  se  bornera  le~  lui  indiquer. 
Dans  le  nombre,  Il  en  est  une  sur  laquelle  tout  le  monde  est  à  peu 


près  d'accord,  c'est  la  suppression  ou  tout  au  moins  la  diminution 
de  l'impôt  ruineux  que  pré'èveirt  les  hospices. 

',"  Aujourd'hui  dimanche  au  Conservatoire  a  lieu  le  concert 
donné  par  M.  Féicicn  David. 

",*  le  comité  de  l'As-ooiali"n  des  artistes-musiciens  vient  de  dé- 
cerner le  litre  lie  mandalaire  de  la  Société  dans  les  déparlemenls  à 
M.  Félix  Ballanehon  qui  se  propose  de  parcourirl  i  Francedurant  six 
mois.  M.  Baltanchiin,  digne  sous  Ions  les  rapporls  de  ce  témoignage 
de  confiance,  a  commencé  son  voyage  sons  les  plus  heureux  aus- 
pices. Dans  le  concert  qu'il  a  donné  au  Mans,  il  a  obtenu  un  brillant 
succès  comme  \i  tuose  el  eompusileur. 

*,'  M""  Drouart,  l'ex-eantatrice  rie  l'Académie  royale  de  musique, 
esl  sur  le  point  de  se  rendre  à  Nantes  pour  y  donner  dix  représenta- 
tions. 

",*  La  célèbre  pianiste ,  M"'  Calhinka  de  Dietz,  vient  d'arriver  à 
Paris,  après  un  séjour  en  Angleterre  marqué  par  de  biiliant  succès. 
On  sait  que  le  ta'ent  de  celte  aniste  se  dislingue  surtout  par  la 
beauté  àe  l'expression,  la  délicatesse  ei  la  pureté  du  style.  Ces'  qua- 
lilés  se  sont  encore  révélées  dans  un  dernier  concert  donné  à  New- 
burg-Ruoms.  A  son  arrivée.  M"'  de  Dielz  avait  eu  l'honneur  de 
jouer  devant  la  reine. 

■",*  M.  Lacombe ,  le  jeune  el  célèbre  pianiste,  est  de  retour  à 
Paris. 

*,*  M.  Léopolil  de  Meyer  vient  de  se  faire  entendre  à  Bruxelles, 
qu'il  \a  quilier  pour  se  rendre  e\\  Angleterre,  et  son  exécution 
exlraordinaire  a  pleinement  justifié  la  grande  renommée  qui  l'y 
avait  précédé. 

",'  Le  pianiste  P.  Cavallo,  dont  nous  avons  plusieurs  fois  signalé 
le  talent  vraiment  remarquable,  ayant  eu  l'honneur  lie  ;ouer  devant 
M.  le  duc  de  Nemours,  S.  A.  R.  lui  a  exprimé  sa  satisfaelion  dans 
les  termes  les  plus  llalleurs,  et,  quelques  jours  après  ,  lui  a  fait  re- 
melire  ,  comme  souvenir  de  cette  soirée  ,  une  riche  épingle  garnie 
de  diamants. 

V  La  célèbre  harpiste,  M""' d'Eichthal,  a  eu  l'honneur  de  jouer 
samedi  soir  devant  Sa  Majesté  à  Sainl-Cloud. 

",*  Le  nouvel  opéra  de  Balfe  ,  llie  Dauglner  of  Sl-Hlark  ,  dont  le 
libretlo  esl  imité  de  la  Heine  de  Cliupre  ,  a  été  représenté  ii  Londres 
le  27  novembre,  anniversaire  de  la  première  représentation  de  ilie 
Bohemian  girl.  C'est  encore  U[i  grand  succès  pour  le  théàlre  rie  Drury- 
lane.  Six  morceaux  de  la  parliiiou  nouvelle  ont  été  redemandés. 

","  A  Copenhague  ,  depuis  l'ouverture  du  théâtre,  ont  eu  lieu 
les  débuts  de  iM"=  Ida  Bertrand  dans  \a  Saplio.  Son  succès  a  été 
complet  el  on  pourrait  l'aj^peler  un  triomphe.  Une  belle  loix,  un 
véritable  talent  de  eanlalrice  dramatique,  telles  sont  les  qualités  que 
nous  avons  rcconnue'i  de  prime  abord  ,  et  nous  nous  estimons  heu- 
reux de  posséder  celle  grande  ai  liste. 

*,*  Dimanche  prochain  aura  lieu,  chez  M.  Montai,  une  matinée 
musicale  destinée  à  faire  enieudre  deux  gr.mds  pianos  droits  d'une 
consiruclion  nouvelle  avec  double  échappement,  et  dont  la  puissance 
de  sou  surpas-e  celle  des  pi.anos  à  queue. 

'.'  Dimanche  l.i  décembre  une  matinée  musicale  sera  donnée 
par  les  ariisles  el  amateur- allemands,  au  profit  rie  la  Société  alle- 
mande de  bienfaisance  ,  dans  la  salle  de  M.  Pleyel  ,  rue  de  lioche- 
chouait,  29.  On  peut  se  pi  ocurer  des  billets  chez  M.  Maurice  Schle- 
singer,  au  prix  rie  6  francs. 

*.*  Deux  Album-  de  l'année  que  la  vogue  générale  nous  signale 
déjà,  sont  ceux  qu'a  publiés  l'éditeur  Chabal  ;  l'un  est  detinéaux 
personnes  qui  s'occupent  de  piano  :  les  Deux  B  joux  ,  rie  Rosellen  , 
de  brillante-  vaiia  imis  rie  F.  Hunlen  sur  la  l'olka  nalionale  ,  et  une 
délicieuse  valse  rie  Goria  forment  un  recueil  qui  doit  nalurellement 
plaire  à  tous  ceux  qui  aiment  la  musique  gracieuse  ,  facile  el  bril- 
lanle  à  la  fiMS.  L'autre  s'adresse  plus  parliculièiemenl  aux  amateurs 
de  quadiilies:  le  l'eit  Mous.-e  noir,  par  Lcdnc,  le  Carnaval  de  Na- 
ples.deC  Bedier,  les  Hongroises  el  les  Viennoises,  charmantes 
valses  faciles  ,  avec  les  lami  uses  Mazurkas  de  De.-marel- ,  adoptées 
par  Celiariu>  pour  ses  cours,  forment  on  choix  varié  et  de  bon  goût 
que  l'on  rencontre  rarement  dairs  les  Album-.  De  1res  jolies  liiho- 
graphies  viennent  compléter  le  mér.le  de  ces  nouvelles  publications 
qui  justifient  réellement  le  succès  qu'elles  obtiennent. 

*,'  L.  Clapisson  publie  un  Album  gui  se  recommande  tout  d'a- 
bord par  le  nom  d'un  compositem-  à  qui  l'un  duil  iléjà  tant  de  char- 
mantes mélodies.  C'est  la  première  fois  que  cet  arti^le  se  lance  dans 
Il  carrière  de  l'Album,  et  tout  annonce  que,  dès  le  début,  il  se 
placera  au  premier  rang. 

Le  Directeur,  Hédacieur  en  chef,  Maurice  SCHLliSIAGliR. 


MO 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


MUoIQuË  p».>u^epa.  unADALBouLËVARDDËsilllitLiliS,  lu. 


ALBUM  ^T-  PIANO 

H.  B.OSSI<I.EBJ.  Op.  67.  Les  deux  bijoux  , 
variés. 
N.  I.  Waga  ïiMma  de  Bellini. 
2.  liallade  de  Corrado  de  Ricci. 
F.  HUNTEW.  Op.  l."!5.Varlalionsbrillanles 

sur  la  Polka  nationale. 
A.  GOUIA.  Op.  13.  &Iiec,  vulse  brillante. 

Chaque  j^ïtaii»,  orné  de  Frontispices  de  VIASiOM  et  de  jolies  Vignettes,  se  vend 

richement  relié  :  12  Tr. 

Chae|9ic  morceau  est  égalemcniit  en  -teiiitc  i^éiiarêiueiit. 


QUADRILLES,  YAISES  ET  MZliRSAS. 

B.SI>XiER.  Le  Carnaval  de  Napics,  quadril 
IiSDVC.       Le  petit  Mousse  noir,         id. 
REBIiSR.  Les  Hongroises,  valses. 

—  Les  Viennoises,  id. 

SESMARETS.  2  Mazurkas  adoptées  pour 

ies  cours  de  Cellarius,  avec  sa  méthode. 


MORCEACX  BRILLANTS  POUR  PIANO. 

Op.  8.  Étude  tic  eonccrt,  net.  3  75 

—  0.  Sérénade  pour  la  main  gauche.  S     » 
— 10.  5j' Attente,  nocturne.  3     » 

— 12.  Alice,  valse  brillante.  2  60 

F.  HUNTEN.  25  Éludes  progressives.  U  » 
Le  grand  succès  qu'obtiennent  ces  Eludes 
est  dû  aux  progrès  rapides  qu'elles  font  faire 
aux  élèves,  et  au  charme  mélodique  qu'on  ne 
trouve  au  même  degré  dans  aucun  ouvrage 
de  ce  genre. 


En  vesate  altez  SCHO!VËP)IBERGER,   3@,  Inoiilevai-jB  Poissonnière. 


ALBUM  DE 


FRËDERIC  BERAT.   1845 


N.  1 .  I-a  Fa6Bï'c4tc  dsi  village. 

2.  ïïîen,  ma  mère  et  toi, 

3.  Kic  petit  tSeara. 

4.  K,'E)iifant  Eciandit. 

5.  Idole  de  «Ma  vie. 


N.  G.  BJe  dern'.cr  Songsir. 

7.  KiC  Frîratemps, 

8.  ICnc  Jeunesse  normande. 

9.  l/cs  Mariés.  A  2  voiï. 
10.  Sia  'ffristesse  au  départ,  le  Bonheur  an  retour.    Id. 


Dessins  de;MM.  Eugène  LEROUX  et  MOUILLERON. 
Prix  ,  richement  relié  :  12  fr. 


—  ETHEMNES  MUSICALES  FOUR  1845. 


ILLUSTRE  PAR 

lam.  GRE^IEi^ ,  s.  BAVID  , 

F.    SORK.IEU. 

Avec  couverture  très  riche  par  MAILLET. 

ÉDITEUr.  du  'ffraité  d'aceoasîpaL 
Iîîll»Iîot5iè«](i5C  da  Jerjsic  B'îasîîste. 


CHEZ 


L.  GLAPISSON 

E 

;neraiemt  de  V.  BJ®ajaB.EHI,  adopté  dans  les  classes  d'Harmonie  au  Conservatoire; 
,  par  H.  fiî:i35':%'ME,  et  do  la  célèbre  Taîsc  viennoise,  variée,  par  HEWRI  1 


n.  1, 
S'aubouro;  Poissonnière. 

de  la 

HEEKS. 


CHAISES  EN  BKONZE  POUR  PJAKOS  ET  H.4.EPES 

En  usage  depuis  deux  ans  dans  les  Cl;is?cs 
DU  CONSKRVATOIRE  ROYAL  DE  MUSIQUE  , 
Vendues  à  garantie  et  au  même  prix  que  les  Chaises 

en  bois. 
CONTAMIN  ,  «lÉCANiciEx,  breveté  d'invention  , 

Sans  eaiantlu  du  Gouï.irncmcnt , 

Fournisseur  brenelé  de  S,   M.  ta  Reine. 

HédaiUe  obtenue  à  l'Exiiosiiion  de  1844  ,  sous  le  N*  U^ô. 

ACTUELLEMENT  RCE  SALLEAU-COMTE,  14. 


î'îuaiEes  métalliques  pour  écrire  la  iMSESÎque. 
N"  13.  Pour  écrire  la  musique.  Celte  plume  convient  aussi 
aux  personnes  qui  n'écrivent  pas  l'anglaise.— N"13Wj.  Pour 
copier  la  grosse  musique  lelle  que  parties  séparées,  et  écrire 
en  gros  et  en  ronde.  — N»  IG  vwdium  Plus  fine  que  le  N»  13, 
1res  bonne  pour  récriture  expédiée.— Prix:  la  douzaine,- 50  c.j 
la  grosse,  4  francs.  Chez ïiAKS-ESlffAÏIliT,  Fapetier, 
rue^cydeau,  23,  à  'Saiis.  — Sféciaiaé  pour  la  reliure  de 
musique  ;  papier  réglé  pour  musique  de  tous  formats  ,  soit 
ordinaire,  ou  de  fanlaisie,  ainsi  que  des  albums  pour  écrire 
la  musique." 


KîIiiMMi 


^//:(3^Mî\a:Stj)iEM)onv'rsï^!4  i;:iîSA<TE*5(te*^^ 


Le  Chirogymnaste  est  un  assemblage  ilenenfappa- 
reilsçymnastiques  destinésâ  donncrde  Vexlension  k 
iatnauictde  Vccari  aux  doigts  à  aug:mcnteretàéga/(- 
ser  leur  force  et  à  rendre  le  quairiémc  et  le  cinquième 
indépendants  de  tous  les  autres.  Le  Chirogymnaste 
aété  aussi  Approuvé  et  adopté  par  MM.  Adam,  Bertini, 
de  Bciiot,  Cramer,  Uerz,  Kalkbrcnner,  Listz,  Moschelcs 
Prudent^  Sivon.Thalberg,  Tulou,  Zimmcrmann, elc. 

Chaque  Chirogymnaste  est  revélu  de  la  signature 
de  l'inventeur  el  5e  vend  pïace  de  la  Course,  n"  13, 
à  huit  appareils,  bOfr.,àneufapp,GOfr.,  méthodc,Zfr, 

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I^«  WmniAS^-X^JUE  DES  DOIGTS.  pnrlI.BEnTUVI.  Prix  nel.  3  rr. -sa*. 

Les  ezpédniODs  sont  faites  contre  remboursement,  tertre  rnaco. 


Inventé  pnr    C.  MARTIIV 

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usage  de  la  parole.  Depuis  dans  les  pharmacies  :  Jozcau  ,  rue  Mont- 
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Lecroq  ,  à  liouen  ;  el  dans  loules  les  bonnes  pharmacies  de  France 
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GAZEHE  MUSICALE 

l\<^dlgce  par  MU.  A.NDERS.  g.  BÉNÉDIÏ,   UliRLIOZ,   HENlii   BI,A.\CHAUr),  MAHa,:ii  IIOLKGES,  F.   UANJOU,  DCESBEllG ,  FÉTIS  père,  ÉdOI'IRD  FÉTIS, 
Stkpue?!  HEI.l.Ell,    J.  JAMN,    G.  KASTNEll  ,   MSZT,  J.  MEIFRED ,  GiOllfiE  SAND,   !..  RELLSTAB,  PiUL  SUITH .  A.  SPECHT,  etc. 

It  SER\  JOINT  A  CHIQUE  MJIUÉRO  UIV  DESSIN  INÉDIT  DE  G4VABNI. 


SOMMAIRE.  £e  Camp  en  SUé.-:ie ,  opéra  en  3  actes,  paroles  de 
iiellstab,  musique  de  G.  Meyerbeer  (première  représciUalioti);  par 
r  DANJOU. —Concert  de  M.  Féllcie  i  David;  par  MAURICE 
BOURGES.  —Conservatoire  de  Nantes  :  Ouverture. —  Album  de 
M.  Masini  ;  par  H.  BLANCHARD.—  Mélodies  par  M.  J.  Martin. 
—  Feuilleton.  —  Nouvelles. —  Annonces. 

LE  JEUNE  ET  BEAU  DUNOIS.  Dessin  de  Gavarni. 


LE  CAMP  EN  SILÉSIE, 

OPÉEA   KN   3  ACTES. 

Paroles  de  PiEllstab;  musique  de  G.  ME7ERBSEH. 

(Première  représentation.) 

Jierlin ,  8  décembre. 

La  muse  de  Meyerbeer,  niuelte  depuis  quelques  années , 
vient  de  faire  entendre  de  nouveaux  accents  qui  retentiront 
dans  toute  l'Europe  musicale.  Cette  fois,  il  ne  s'agit  pas  d'un 
drame  terrible  et  sanglant,  comme  dans  \q%  Huguenots,  d'une 


légende  mystique  et  touchante,  comme  dans  Robert,  mais 
tout  simplement  d'une  douce  et  patriotique  histoire.  L'éner- 
gie brûlante,  la  passion  désordonnée,  les  hurlements  des  dam- 
nés, le  cri  des  combats  vont  faire  place  à  de  gracieux  chants, 
à  de  ravissantes  mélodies. 

La  variété  immense  du  génie  de  Meyerbeer  va  se  révéler 
et  son  talent  se  produire  sous  un  jour  nouveau.  Telle  est ,  au 
sortir  de  cette  représentation  brillante,  notre  première  im- 
pression, et  c'est  aussi  celle  des  juges  compétents  dont  nous 
avons  recueilli  l'opinion.  Traçons  à  la  hâte  le  récit  de  cette 
solennité  si  remarquable,  pour  satisfaire  sans  retarda  l'impa- 
tience des  lecteurs  de  la  Gazette  musicale. 

La  salle,  reconstruite  sur  la  place  encore  fumante  de  la  salle 
incendiée  l'an  dernier,  est  élincelanle  d'or,  de  pourpre;  c'est 
d'une  richesse  vraiment  orientale.  Le  lustre  seul  est  un  objet 
d'art  du  plus  haut  prix.  Après  quelques  moments  consacrés 
à  l'admiration  de  celte  œuvre  d'une  munificence  royale,  l'at- 
tention s'est  reportée  sur  la  famille  royale ,  qui  entrait  dans 
la  salle.  Les  Prussiens  aiment  leur  roi;  ils  lui  témoignent  leur 


Portefeuille  de  deux  (^anlaliices  ^^\ 


LB^COMTE  DE  RÉVAL  A  AUGUSTIN  DE  NÉRIS. 
Paris,  12  août. 

Quand  je  vous  disais  hier ,  en  dinaiit  avec  Stéphen  et  toi  au 
Café  de  Paris,  que  j'allais  peut-être  vous  quitter  pour  longtemps, 
vous  ne  vouliez  pas  me  croire.  Eh  bien ,  pourtant  rien  n'était 
plus  vrai  :  je  pars,  et  quand  tu  recevras  cette  lettre,  je  serai 
déjà  loin  :  je  roulerai  dans  une  chaise  de  poste  ;  je  fuirai  le  plus 
vite  qu'il  me  sera  possible  une  ville  que  j'adore ,  mais  où  je  ne 
puis  vivre  en  ce  moment.  Un  seul  mot  vous  apprendra  la  cause 
de  cette  résolution  inattendue  :  je  veux  rompre  avec  Clotilde  : 
je  la  déteste,  je  la  hais  autant  que  je  l'ai  aimée. 

Vous  connaissez  mon  système  avec  les  femmes  :  nous  avons 
souvent  discuté  là-dessus  :  appelez-le  ma  folie,  mon  travers, 
mon  enfantillage ,  tout  ce  qu'il  vous  plaira ,  mais  enfin  je  ne  se- 
rai jamais  de  l'avis  de  Stéphen,  qui  trouve  tout  simple  et  tout 
naturel  qu'on  se  moque  de  lui  pourvu  qu'on  le  lui  dise  et  qu'il 


(1)  Voirlesnuméros40,  41,  42,  43,  44,45,  40,47  48,  et  49. 


le  sache,  parce  que  de  cette  manière  il  prétend  s'épargner  le  ridi- 
cule d'être  trompé.  Moi ,  j'ai  un  autre  ridicule  :  c'est  celui  de  ne 
vouloir  pas  l'être.  Je  ne  me  dissimule  pas  ce  que  cela  peut  avoir 
d'extravagant  dans  la  théorie,  d'impossible  dans  la  pratique. 
Je  n'en  persiste  pas  moins  dans  mon  idée ,  et  j'agis  en  consé- 
quence. Je  m'étais  donné  tout  entier  à  Clotilde,  avec  l'espoir 
qu'elle  serait  toute  à  moi.  Vous  vous  rappelez  ce  que  j'ai  fait 
pour  elle,  et  vous  m'en  avez  assez  blâmé.  Aujourd'hui  je  m'en 
repens,  je  m'en  accuse  :  je  reconnais  que  j'ai  poussé  l'amour 
jusqu'à  l'aveuglement,  la  bonté  jusqu'à  la  duperie,  la  patience 
jusqu'à  la  simplicité,  car  j'ai  été  d'une  patience  incroyable  avec 
Clotilde  !  Longtemps  je  me  suis  obstiné  à  ne  rien  croire  :  long- 
temps je  l'ai  mise  en  garde  contre  elle-même,  en  l'avertissant 
par  voie  indirecte.  A  la  lin  j'ai  ouvert  les  yeux,  j'ai  tout  vu, 
tout  éclairci.  C'est  une  femme  indigne  :  je  l'abandonne  et  je  vous 
la  livre  :  vengez-moi,  mes  amis,  si  vous  le  voulez,  et  si  vous  le 
vouh'z  vous  le  pouvez. 

Jusqu'à  nouvel  ordre ,  vous  me  permettrez  de  ne  pas  vous 
dire  où  je  vais;  vous  m'écrirez  chez  moi,  à  Paris,  et  l'on  me 
fera  passer  vos  lettres.  Je  liens  à  être  au  courant  de  tout  ce  qui 
se  fera  pendant  mon  absence ,  et  quand  vous  daignerez  me  con- 
sulter, l'oracle  vous  enverra  courrier  par  courrier  sa  réponse. 
Songez  que  je  vous  confie  deux  choses  auxquelles  j'attache  une 
importance  égale ,  ma  vengeance  et  les  destinées  de  l'Opéra. 
Songez  que  j'en  veux  mortellement  à  Clotilde  et  qu'à  présent 


BUREAUX   S'ABONNEMEIVT,    BVE   RICHEI.IEV,    97. 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


affection; par  des  transports  bruyants,  des  vLvat  nombreux, 
et  le  ffocZ  sare  allemand  a  été  clianté' trois  fois,  par  toute  la 
salie  av«c  accompagnement  d'orcliestre.  Ge  premier  incident 
du  spectacle  était  parfaitement  nouveau  pour  un  Parisien,  et 
je  dois  avouer  que  j'en  ai  été  profondément  ému. 

Quand  le  silence  a  étérétabli,  Meyerbeer,  assis  au  pupitre 
dli  chef  d'orcbestre,  a  donné  le  signal,  et  l'ouverture  a  com- 
mencé. Trois  motifs  pleins  d'originalité  et  d'élégance  se  croi- 
sent, s'agitent  et  se  développent  dans  celle  ouverture.  La  ri- 
chesse des  détails,  la  variété  des  effets,  la  grâce  des  motifs, 
font  de  cette  introduction  un  morceau  capital. 

La  toile  se  lève,  et  nous  sommes  chez  un  vieux  capitaine, 
serviteur  fidèle  deFrédéric-le-Grand;  la  maison  du  capitaine 
Saldorf  est  voisine  du  théâtre  de  la  guerre,  et  bientôt  le  roi 
lui-même,  poursuivi  par  les  pandours,  vient  y  chercher  un 
asile.  Par  un  adroit  subterfuge ,  le  capitaine  fait  évader  le  roi 
sous  les  habits  de  son  fils ,  et  revêlant  son  fils  du  manteau 
royal,  le  livre  aux  soldats  autrichiens  comme  la  précieuse  cap- 
ture ,  objet  de  leurs  recherches.  Le  roi  échappe  ainsi  à  un 
grand  danger;  il  s'en  souvient  plus  tard,  et  au  troisième  acte, 
nous  retrouvons  à  Postdam  le  vieux  Saldorf  avec  sa  fille  et 
l'amoureux  obligé.  Chacun  y  reçoit  sa  récompense  de  la 
bonté  royale. 

Telle  est  la  donnée  fort  simple  ,  mais  spirituellement  con- 
duite ,  sur  laquelle  le  poète  Rellstab  a  brodé  la  pièce  dont 
Meyerbeer  a  fait  la  musiqup. 

Dans  ce  pays  de  mœurs  monarchiques,  une  telle  pièce  est 
goûtée  et  applaudie  ;  le  nom  du  grand  Frédéric  y  fait  battre 
tous  les  cœtirs,  et  tout  ce  qui  se  rattache  à  sa  vie  intéresse 
vivement. 

La  musique  de  Meyerbeer  a  cette  fois,  comme  je  l'ai  dit , 
nn  caractère  spécial  et  parfaitement  approprié  au  sujet;  tout 
y  est  calme,  spirituel,  intéressant;  on  y  ressent  une  émotion 
douce,  on  y  respire  l'amour  de  la  patrie.  Pour  signaler  en 
détail  les  beautés  de  cette  nouvelle  partition,  il  faudrait  l'avoir 
entendue  plusieurs  fois,  car  c'est  le  propre  des  plus  belles 
créations  du  génie,  de  n'être  pas  vulgaires  ,  et  d"avoir  besoin 
du  temps  et  de  la  réflexion  pour  être  bien  appréciées. 

Le  public  berlinois  a  accueilli  avec  enthousiasme  l'œuvre 
de  Meyerber,  sorte  de  tribut  qu'il  est  venu  payer  à  sa  patrie. 


0n  a  spécialement  applaudi  avec  chalfeur  de  charmants  cour 
plets  chantés  par  Gonrad ,,  et  qui  contiennent  l'exposition; 
de  la  pièce,  le  récit.dUidang^r que  le  ix)i  a  couru-;  la  mu- 
sique en  est  toute  descriptive  et.  d'un  intérêt  extrême  ;  — 
une  délicieuse  scène:,  où  la  bohémienne  "Veiifca.dit  la  bonnes 
,  aventure  aux.soldals  hongroisetles  subjugue  pap^n  adresse:. 
La  vision  de  Veilka  est  aussi  une  magnifique  cantilène  des- 
tinée à  un  succès  populaire,  ainsi  qu'un  duo  comique  et  un; 
tria  admirable.  Au  deuxième  acte  ,  on  a  accueilli  avec  des 
transports  d'enthousiasme  deux  chansons  de  soldats  et.  un: 
quadruple  chœur,  accompagné  par  quatre  orchestres ,  dont 
trois  d'harmonie  sur  la  scène.  Ce  dernier  morceau  a  produit 
un  effet  impossible  à  décrire. 

Au  troisième  acte,,  on  a  remarqué  un  charmant  trio  et  un 
air  accompagné  par  deux  flûtes  de  l'effet  le  plus  piquant. 

Des  tableaux  vivants  et  allégoriques,  dans  l'exécution  des- 
quels les  machinistes  n'ont  pas  toujours  été  heureux ,  ont 
terminé  cette  soirée  brillante,  dans  laquelle  l'auteur  des  Hu- 
guenots et  de  Robert  a  vu  un  beau  fleuron  s'ajouter  à  la  cou- 
ronne qui  ceint  déjà  son  front.  La  Gazette  musicale  aura 
plus  d'une  occasion  de  revenir  à  celte  création  nouvelle  du 
génie  de  Meyerbeer,  et  de  l'analyser  avec  soin  pour  la  faire 
connaître  de  ses  lecteurs.  Pour  moi,  heureux  auditeur  et  té- 
moin de  ces  merveilles ,  j'ai  voulu  en  adresser  tout  de  suite  le 
rapide  compte-rendu.  A  présent,  je  vais  courir  à  la  recherche 
de  toutes  les  jouissances  musicales  qu'on  trouve  dans  ce  pays, 
véritable  terre  promise  des  artistes.  C'est  ici  que  l'art  est 
vraiment  compris  et  glorifié  ;  c'est  ici  que  les  grands  génies 
qui  ont  illustré  la  musique  reçoivent  des  hommages  dignes 
d'eux  ;  c'est  ici  enfin  qu'on  voit  tous  les  m'onuments  élevés  k 
l'intelligence  ,  l'Université  ,  la  Bibliothèque,  etc.  ,  rivaliser 
en  magnificence  avec  les  palais  royaux.  Gè  dernier  trait  est 
caractéristique ,  ei  quand  je  pourrai  le  constater  en  France, 
je  dirai  que  les  arts  sont  honorés  dans  mon  pays,  et  que  l'in- 
telligence y  règne  en  souveraine. 

F.   Danjou. 


qu'elle  ne  m'est  pins  clifTe,  je  vous  laisse  caite  blanche  sur  les 
moyens  d'abréger  un  règne  qui,  selon  vous-mêmes,  se  prolon- 
geait beaucoup  trop  pour  la  gloire  et  la  prospérité  du  théâtre. 
Je  le  proclame  encore  avec  vous,  une  révolution  mnsicale  est  en 
train  de  s'accomplir  :  le  petit  liossini  de  l'Italie  sera  bientôt  le 
grand  Rossini  de  la  France  et  de  l'Europe.  Nous  l'avons  vu  poin- 
dre à  l'horizon,  et  nous  le  voyons  chaque  jour  s'avancer,  gran- 
dir, projeter  ses  rayons  de  tous  côtés.  Clolilde  ne  peut  souffrir 
sa  musique  parce  qu'elle  est  incapable  de  la  chanter.  Toute  jeune 
qu'elle  est,  Clotilde  appartient  à  la  vieille  école  du  chant  fran- 
çais, de  ce  chant  large  et  pathétique,  mais  inflexible  et  monotone 
dans  son  antique  majesté.  Je  m'en  affligeais,  il  y  a  peu  de  temps 
encore,  parce  que  j'étais-fou  de  Clotilde,  et  à  présent  je  m'en 
réjouis  par  le  motif  contraire.  Je  désire  ardemment  qu'elle  soit 
punie,  et  je  m'empare  de  Rosnini  comme  d'un  auxiliaire  que 
le  ciel  m'envoie  tout  exprès.  Ah  !  dans  mon  dernier  voyage  j'ai 
entendu  une  voix  qui  est  autre  chose  que  celle  de  Clotilde  !  Quel 
timbre  argentin!  quelle  agilité!  quelle  souplesse!  que  de  sensi- 
bilité vraie  dans  ses  moindres  accents,  et  quelle  jeunesse  de  style  ! 
quelle  élégance  !  quelle  séduction  !  Voilà  ce  qu'il  nous  faudrait 
à  Paris;  et  quel  bonheur  ce  serait  pour  nous,  si  nous  pouvions  en 
faire  la  conquête  !  Cela  ne  dépendra  pas  de  moi,  je  vous  le  jure. 
Ce  que  je  vous  recommande  surtout ,  c'est  de  vous  conduire 
avec  la  prudence  qui  caractérise  les  hommes  d'État ,  et  nous  le 
sommes  tous  les  trois  dans  notre  sphère.  J'ai  toujours  dit  que 


l'Opéra  tenait  à  la  politique  autant  et  plus  qu'aux  arts ,  que  sa 
direction  était  une  espèce  de  ministère.  Nous,  qui  le  gouvernons 
réellement,  nous  avons  l'avantage  de  n'être  pas  respofisables. 
Profitons-en  pour  nos  intérêts  pai  ticulicrs ,  san^oublier  ceux  du 
public;  c'est  la  morale  que  j'ai  toujours  prêchée  à  Stéphen,  qui 
n'est  que  trop  enclin  à  l'égoïsme  et  ne  ^  sert  du  pouvoir  qu'à 
son  profit.  Quand  donc  aura-t-il  fini  de  vioitdoir  imposer  ses  affec- 
tions, ses  goûts,  ses  caprices  à  ce  bon  public,  qui  ne  se  prête 
pas  toujours  à  la  plaisanterie  et  se  révolte  quelquefois  ?  Heureu-- 
sèment  Stéphen  se  contente  de  régner  en  autocrate  sur  le  corps 
de  ballet  :  c'est  moins  dangereux  que  s'il  s'agissait  de  premières 
chanteuses  ou  de  danseuses  en  chef;  mais  enfin  c'est  un  abus;  et 
il  est  temps  qu'il  cesse,  ou  le  public  se  fâchera  et  nous  compro- 
mettrons notre  influence. 

Pour  tout  le  monde,  y  compris  notre  cher  directeur,  ce  sont 
des  affaires  de  famille  qui  ont  nécessité  mon  voyage.  On  n'en 
saura  que  trop  tôt  la  véritable  cause ,  mais  je  voudrais  qu'on  ne 
l'apprît  que  lorsque  ma  vengeance  aura  commencé.  Clotilde  vous 
fera  certainement  beaucoup  de  questions  :  tâchez  de  lui  persua- 
der que  vous  n'en  savez  pas  plus  qu'elle,  et  ne  lui  témoignez  ni 
moins  de  politesse  ni  moins  d'admiration  que  par  le  passé.  La 
perfide  !  Elle  s'est  jouée  de  moi  si  longtemps  que  je  puis  bien  le 
lui  rendre  pendant  quelques  jours,  quelques  semaines!  Quand 
je  pense  qu'elle  a  eu  l'audace  de  me  demander  une  place  pour 
son  amant  et  que  j'ai  eu ,  moi ,  la  bonhomie  d'employer  mon 


DE  PARIS. 


M3 


CONCERT  DE  IV!.  FELSCIEN   DÂVJD. 


Place  ,  messieurs  ,  place ,  vous  dis-je  !  Ouvrez  vos  rangs  ; 
écartez-vous.  Place,  encore  une  fois,  et  place  large  et  belle  ! 
car  voici  :  Un  grand  compositeur  nous  est  né,  un  homme 
d'une  singulière  puissance  ,  d'une  trempe  extraordinaire  ,  un 
de  ces  talents  si  rares  ,  qui  fascinent  tout  d'un  coup  une  salle 
entière ,  qui  la  secouent  impérieusement ,  qui  la  maîtrisent , 
qui  lui  arrachent  des  cris  d'enthousiasme  et  conquièrent  eu 
moins  de  deux  heures  une  étonnante  popularité.  Ceci  n'est 
point  de  l'aveuglement,  de  la  prévention,  de  l'hyperbole. 
C'est  le  récit  tout  simple  du  succès  le  plus  spontané  ,  le  plus 
étourdissant,  auquel  nous  ayons  jamais  assisté.  Nos  oreilles 
tintent  encore  de  l'impétueuse  explosion  des  applaudisse- 
ments. C'était  un  entraînement  étrange,  irrésistible,  unanime. 
C'était  aussi  l'expression  franche,  loyale,  d'une  émotion  vraie 
et  profonde. 

Que  de  douleurs  et  d'amertumes  un  pareil  triomphe  ne 
fait-il  pas  oublier  !  Et,  il  faut  le  dire,  pour  arrivera  ce  grand 
jour,  digne  d'être  marqué  d'un  signe  lumineux  dans  l'histoire 
de'  l'art,  le  compositeur  a  subi  de  bien  cruelles  traverses!  A 
combien  peu  a-t-il  tenu  qu'il  ne  demeurât  ignoré  toute  sa 
vie  ,  perdu  pour  nous  et  la  postérité ,  lui ,  qui  vient  de  doter 
notre  époque  d'une  partition  si  originale  ;  lui,  dont  le  nom 
étincellera  désormais  dans  la  pléiade  musicale  du  siècle  et  la 
dominera  peut-être  !  Longtemps  obscur,  longtemps  étouffé 
sous  le  manteau  de  plomb  d'une  position  difficile,  noble  et 
honorable  sans  nul  doute ,  mais  énervante  et  sans  issue ,  sait- 
on  bien  où  pouvait  le  conduire  le  ressentiment  de  l'injustice 
sociale,  si,  par  une  fatalité  commune  aux  grands  artistes  mé- 
connus d'abord ,  le  public  indifférent  n'eût  témoigné  aucune 
sympathie  pour  une  œuvre  si  riche  pouriant  et  vraiment  im- 
mense ?  De  si  funestes  méprises  ne  sont  pas  sans  exemple. 
L'auteur  du  Désert  a  eu  le  bonheur  d'échapper  à  cette  nou- 
velle épreuve.  Sa  partition  a  été  rendue ,  pénétrée  ,  saisie  du 
premier  coup  ;  et  l'artiste  s'est  vu  salué  du  titre  de  grand  à  sa 
première  apparition  solennelle. 

Deux  mots  d'abord  sur  le  passé  de  l'auteur ,  puis  nous 
en  viendrons  à  l'analvse  de  l'œuvre.  Le  secret  de  son  origi- 


nalité est  en  grande  partie  dans  la  biographie  excentrique 
qu'on  va  lire. 

M.  Félicien  David  est  né  à  Cadenet ,  dans  le  département 
de  Vaucluse,  le  8  mars  1810.  Nous  glisserons  rapidement 
sur  les  vingt  premières  années  de  sa  vie,  durant  lesquelles 
son  intelligence  éminemment  poétique ,  son  âme  élevée  ,  ses 
tendances  philosophiques  eurent  souvent  occasion  de  se  ré- 
véler. La  vocation  musicale ,  qui  le  travaillait  depuis  long- 
teinps,  le  détermina  à  se  rendre  à  Paris  et  à  se  présenter,  en 
1830,  au  Conservatoire,  où  il  suivit,  près  de  deux  années  en- 
viron ,  la  classe  de  M.  Féti.s.  Vers  la  fin  de  1831,  M.  F.  Da- 
vid, ayant  renoncé  à  concourir  par  des  raisons  particulières, 
abandonna  le  Conservatoire  et  se  retira  à  Wénilmoniant,  dans 
le  sein  de  la  famille  Saint-Simonienne  ,  pour  laquelle  il  avait 
écrit  déjà  plusieurs  chœurs  remarquables.  Dans  les  derniers 
mois  de  1832,  il  dut  céder,  comme  ses  co-religionnaires,  aux 
circonstances  qui  déterminèrent  la  dispersion  de  leur  société. 
On  sait  que  les  pi  us  fidèles  d'entre  eux  se  vouèrent  aux  missions 
et  à  l'apostolat  dans  l'Orient.  Le  barde  inspiré  de  ce  clan  no- 
made ,  jeune  et  plein  de  ferveur,  partit  aussi  pour  Constan- 
tinople.  Arrêté  avec  plusieurs  de  ses  frères  ,  dans  l'exercice 
de  la  propagande,  par  l'ordre  de  Cosrow-Pacha ,  ministre  de 
la  guerre,  il  fut  jeté  sur  un  petit  bâtiment  grec,  et  faillit  y 
périr  de  faim.  Après  un  séjour  de  quelques  mois  à  Smyrne  , 
où  les  Turcs  l'avaient  déporté,  il  visita  la  Palestine  et  l'Egypte, 
suivi  partout  de  son  piano  ,  confident  intime  et  compagnon 
de  ce  pèlerinage  artistique.  Bientôt  le  mal  qui  répand  la  ter- 
reur, la  peste,  obligea  le  voyageur  à  quitter  l'Egypte.  Il  se 
rendit  en  Syrie  par  le  désert,  dont  il  étudia  la  physionomie 
pour  en  reproduire  plus  tard  une  image  saisissante.  Durant 
le  cours  de  ce  pénible  et  périlleux  trajet,  M.  F.  David  ne 
cessa  pas  de  recueillir  de  tout  côtelés  airs  nationaux  carac- 
téristiques. Aussi,  de  retour  à  Paris,  en  1835,  après  une  ab- 
sence de  trois  années,  il  fit  graver  à  ses  frais  sept  livraisons 
de  Mélodies  orientales  ,  qui  demeurèrent  complètement 
ignorées.  Il  serait  peut-être  impossible  aujourd'hui  d'en  trou- 
ver un  seul  exemplaire  en  vente.  Espérons  que  les  éditeurs 
tireront  de  l'oubli  cette  collection  curieuse. 

Le  découragement  devait  suivre  un  début  aussi  défavo- 
rable. L'artiste  se  renferma  dans  la  retraite  et  l'étude  ,  parta- 


crédit  pour  la  lui  faire  obtenir  !  Comme  elle  a  dû  triompher  au 
fond  de  son  âme!  comme  elle  a  dû  s'applaudir  de  sa  ruse  et  me 
payer  de  mon  service  par  ses  mépris!  En  vérité,  je  ne  connais 
pas  au  monde  de  procL'dé  plus  odieux  !  Si  je  l'eusse  encore  ai- 
mée, lorsque  les  preuves  décisives  nie  sont  tombées  entre  les 
mains ,  je  l'aurais  tuée  sur  la  place.  Pai'  bonheur  pour  elle ,  je  ne 
l'aimais  plus,  et  ce  changement,  qui  datait  à  peine  de  la  veille, 
vous  le  savez,  grand  Dieu  !  lui  a  sauvé  la  vie.  J'ai  réfléchi ,  cal- 
culé ,  raisonné  :  j'ai  eu  le  courage  de  revenir  à  Paris ,  côte  à  côte 
avec  elle ,  sans  laisser  échapper  le  moindre  signe  de  colère  ni  de 
haine,  mais  en  me  promettant  bien  tout  bas  qu'elle  ne  perdrait 
rien  pour  attendre  ,  et  que  vous  m'aideriez  à  préparer  son  châ- 
timent. 

Adieu ,  cher  Augustin ,  je  vais  me  mettre  en  route  seul  ;  mais 
j'aurai  deux  pensées  pour  compagnes  de  voyage ,  l'une  de  res- 
sentiment profond,  l'autre....  Si  je  te  disais  celle-ci ,  tu  pénétre- 
rais le  plus  étrange  mystère  de  ma  vie,  et  je  ne  juge  pas  encore 
à  propos  de  te  le  confier.  Qui  peut  prévoir  ce  qu'il  en  adviendic^? 
Pauvres  créatures  que  nous  sommes  ,  sujettes  à  tant  d'illusions, 
d'égarements,  de  faible.sses,  nous  n'échappons  souvent  à  un 
écueii  que  pour  aller  nous  briser  sur  un  autre  !  Moi,  qui  me 
sens  si  fier  d'avoir  rompu  ma  chaîne ,  peut-être  vais-je  chercher 
un  autre  esclavage?  Peut-être....  Allons,  je  t'en  dis  trop  ou  pas 
assez  :  je  m'arrête  et  je  clos  ma  lettre  en  te  serrant  cordialement 
les  deux  mains. 


AUGUSTIN   DE  NÉRIS  AU  COMTE  DE  REVAL. 


Stéphen  me  charge  de  te  dire  qu'il  te  trouve  plus  obscur  que 
l'Apocalypse  (dont  je  suppose  qu'il  n'a  jamais  lu  deux  mots) , 
mais  qu'il  ne  t'en  reste  p;is  moins  dévoué  à  la  vie  à  la  mort. 
Tout-à-l'heure,  en  soupant  chez  moi,  devant  témoins,  il  a  prêté 
serment  de  fidélité  aux  amis  absents,  et  juié  solennellement  de 
se  conformer  à  tous  leurs  ordres ,  ainsi  que  de  faire  droit  à  tou- 
tes leurs  remontrances.  Nous  verrons  s'il  lient  parole,  et  s'il  se 
corrige  du  tort  que  tu  lui  reproches  au  point  de  vue  de  ia  politi- 
que, de  la  diplomatie  et  des  qualités  distiiictivcs  de  l'homme 
d'État.  Du  reste,  il  n'a  jamais  été  si  joyeux  que  depuis  qu'il 
sait  ta  rupture  avec  Clotilde,  pour  laquelle  tu  connais  sa  vieille 
antipathie.  Il  n'a  pas  besoin  d'être  pins  instruit  pour  se  hâter 
de  dresser  ses  batteries  contre  elle.  A  cet  égard  je  pense  comme 
lui,  ce  qui  ne  m'empêche  pas  d'attendre  impatiemment  de 
plus  amples  informations  sur  le  but  secret  de  ton  voyage  et  d'es- 
pérer que  tu  ne  les  refuseras  pas  à  ton  meilleur  ami. 

Paul  Smith. 
La  suite  au  prochain  numéro. 


nu 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


géant  ses  heures  entre  les  leçons  à  donner,  qui  fournissaient 
aux  exigences  de  la  vie  matérielle,  et  la  composition,  qui  sa- 
tisfaisait aux  élans  de  son  génie.  Un  nonetto  pour  instruments 
de  cuivre ,  et  une  sijmphonie  en  fa  accueillis  avec  assez  de 
succès  dans  les  concerts  Vivienne  et  Saint-Honoré ,  ce  fut 
tout  ce  que  W.  F.  David  fit  entendre  en  public  dans  une  pé- 
riode de  trois  années  ,  de  1836  à  1839.  Le  silence  absolu  de 
la  presse  et  d'inutiles  démarches  auprès  de  quelques  sociétés 
musicales,  le  déterminèrent  à  se  recueillir  encore  dans  le  tra- 
vail solitaire  et  la  vie  intime.  Mais  h  partir  de  1841,  l'artiste, 
ranimé,  se  produisit  plus  fréquemment.  Depuis  cette  époque 
jusqu'à  \?ikk,  il  écrivit  quelques  g»jn<e»/ pour  instruments  à 
cordes  appréciés  par  un  petit  groupe  d'amis,  deux  symphonies 
dans  la  forme  ordinaire  inédites,  et  plusieurs  mélodies  vo- 
cales ,  dont  quelques  unes  furent  signalées  dans  ce  journal 
et  par  nous-niême  ,  telles  que  l'IUyi/ptienne,  l' Absence ,  la  \ 
Saliarelle,  le  Jour  des  Morts  ,  les  Adieux  à  Chareiice,  les 
Hirondelles. 

Le  iJéserl ,  ode-symphonie ,  ne  date  que  de  cette  année. 
Tout  plein  de  ses  souvenirs  d'Orient,  M.  F.  David  trouva 
dans  M.  Auguste  Colin  ,  littérateur  très  distingué  et  son  an- 
cien compagnon  de  voyage,  un  collaborateur  pénétré  comme 
lui  de  la  poésie  et  des  mœurs  orientales  ,  éminemment  apte 
enfin  à  seconder  les  inspirations  de  sa  brillante  fantaisie.  De 
là  sans  doute  l'étonnante  couleur ,  le  cachet  de  vérité  frap- 
pante, qui  Ctiractérisent  cette  vaste  composition,  chef-d'œuvre 
de  pittoresque,  de  sentiment  et  d'art.  Une  analyse  technique 
n'en  saurait  donner  qu'une  bien  faible  idée.  JMais  elle  peut 
servir  à  expliquer  l'enthousiasme  universel  excité  par  l'audi- 
tion de  ce  bel  ouvrage. 

Le  Désert ,  drame  symphonique ,  qui  terminait  le  concert 
donné  dimanche  dernier  dans  la  salle  du  Conservatoire  ,  se 
divise  en  trois  parties.  Chacune  renferme  dans  son  cadre 
plusieurs  tableaux ,  supérieurement  dessinés  et  contrastés 
avec  beaucoup  d'adresse.  L'Entrée  au  Désert  débute  par 
une  tenue  prolongée  des  seconds  violons  et  des  altos;  que! 
ques  notes  sourdes,  articulées  par  les  basses,  se  groupent  de 
loin  en  loin  sous  cette  tenue  indéfinie.  Rien  ne  .saurait  mieux 
peindre  le  silence  profond  ,  la  perspective  morne  et  sans  li- 
mites des  sables  arides,  dont  la  première  strophe  déclamée 
donne  la  description.  Un  dessin  rhythmique  très  simple, 
dialogué  pianissimo  par  trois  cors,  amène  le  chœur  en  ut 
Allai),  Allait.  Les  gradations  de  nuances  et  de  modulations 
que  parcourt  l'artiste  pour  arriver  à  cet  unisson  sublime  de 
rudesse  sauvage  et  fanatique,  loi  fcitl  es  glorieux,  sont  d'une 
rare  beauté,  qui  prépare  admirablement  Icvivace,  louançic  à 
<oJ.' Dans  Cl!  deuxième  mouvement  du  chœur  ,  remarquons 
en  passant  l'effet  de  deux  cadences  avec  point  d'orgue  sur  les 
accords  de  la  et  de  [a  majeurs;  c'est  peu  compliqué ,  et  ce- 
pendant extraordinaire  de  puissance. 

Bientôt  la  sonorité  décroît  ;  le  chant  vocal  s'éleint  ;  l'or- 
chestre, ramené  au  pianissimo,  ne  fait  plus  entendre  que  des 
lambeaux  épars  du  tiième  principal;  elle  poète  signale  dans 
une  nouvelle  strophe  déclamée  l'apparition  lointaine  d'une 
caravane.  Observez  qu'il  s'agit  d'une  caravane  qui  se  rend 
dévotement  à  la  fWecque.  Les  femmes  en  Orient  n'accom- 
plissent pas  ce  pieux  pèlerinage.  Voilà  pourquoi  iM.  F.  David, 
Odèle  au  costume,  n'a  introduit  que  des  voix  d'hommes  dans 
sa  symphonie. 

La  marche  instrumentale  de  la  caravane  est  composée  de 
trois  rhytlmies  mélodiques  di.-tincts  ,  que  l'auteur  distribue 
tour  à  tour  avec  un  goût  exquis  entre  les  divers  organes  de 
l'orchestre.  Elle  se  déploie  et  grandit  insensiblement  depuis 
le  piano  jusqu'au  forte  le  plus  vigoureux.  Entre  autres  frag- 


ments ,  il  faut  citer  la  phrase  originale  dite  par  le  hautbois , 
instrument  familier  aux  orientaux  ,  et  qui  leur  sert  à  charmer 
les  ennuis  du  voyage.  Puis  intervient  le  chœur  vocal  : 

Allons,  Irolloiis, 
Clieminons ,  chantons, 

dialogué,  à  reprises  différentes,  par  lessoli  et  la  masse  entière. 
Ce  chœur,  écrit,  du  reste,  comme  presque  tous  ceux  de  cette 
partition  à  valeurs  égales  dans  les  quatre  parties ,  est  entraî- 
nant de  verve  et  de  franchise. 

Tout-à-coup  de  sourds  frémissements ,  de  plus  en  plus 
rapprochés,  traversent  l'orchestre.  La  nature  semble  en  proie 
à  une  secrète  anxiété  ;  l'atmosphère  est  pesante ,  le  ciel  se 
plombe.  Un  dessin  opiniâtre  et  pénible  des  premiers  violons, 
un  trémolo  de  violoncelle,  une  note  sinistre  et  monotone  qui 
gronde  périodiquement  avec  les  cors  au  grave  et  la  quatrième 
corde  des  seconds  violons,  voilà  les  simples  procédés  qu'il  a 
fallu  à  l'auteur  du  Désert  pour  rendre  avec  bonheur  ces 
phénomènes  menaçants.  L'angoisse  redouble;  la  trombe 
approche,  se  précipite,  tourbillonne.  L'orchestre  éclate  et 
se  déchire  ;  les  affreux  sifflements  du  Simoun  s'élancent  de 
ses  entrailles  en  gammes  chromatiques,  qui  sillonnent  avec 
fureur  l'échelle  instrumentale  entière.  Tout  est  fracas,  hur- 
lements, tumulte;  l'orchestre  mugit;  les  chœurs  poussent 
des  cris  d'épouvante;  et  l'auditoire  lui-même  ajoute,  acteur 
involontaire,  à  cette  scène  d'.i]arme  et  de  terreur  par  ses  ac- 
clamations d'enthousiasme. 

Après  celte  explosion  foudroyante,  il  semble  que  tout  est 
dit  et  que  les  sensations  épuisées  ne  peuvent  plus  se  renou- 
veler. C'est  là  précfèément  que  M.  F.  David  se  montre  ar- 
tiste grand  et  habile:  Le  calme  qu'il  ramène  par  degrés ,  la 
reprise  de  la  marche,  la  cadence  abrupte  et  bien  imprévue 
sur  l'accord  de  si  mineur  qui  précède  les  deux  mesures  fina- 
les de  ce  premier  tableau  et  la  halte  des  pèlerins,  forment  les 
plus  heureuses  oppositions. 

La  seconde  partie  de  cette  .symphonie  dramatique  s'ouvre 
par  une  suave  et  douce  mélodie,  0  nuit,  6  belle  nuit!  Cette 
délicieu.se  invocation  respire  une  fraîcheur  indicible  ;  elle  est 
pure  comme  la  rosée  limpide  des  nuits  d'Orient.  Les  plaisirs 
delà  halte  lui  succèdent;  ce  sont  les  danses  vives  ou  volup- 
tueuses, les  chants  en  l'honneur  des  aïeux  et  de  la  vie  nomade. 
Bnsh  Fantasia  arabe,  un  motif  syrien  original,  de  quelques 
mesures,  a  été  supérieurement  traité  pour  l'orchestre  p<ir 
M.  David.  Le  son  pittoresque  du  tambour  de  basque  et  le 
contre-temjîs,  accentué  de  deux  en  deux  mesures,  prêtent  à 
ce  morceau  un  caractère  tout-à-fait  étrange,  un  charme  bi- 
zarre. La  clan  e  des  Aimées  a  été  accueillie  par  de  vifs  applau- 
dissements. Cette  scène  instrumentale  ,  où  le  hautbois  et  la 
clarinette  se  répondent  avec  une  grâce  singulière  et  finissent 
par  s'unir,  est  surprenante  de  coloris.  Les  amateurs  de  des-  ' 
criptions  ingénieuses  en  musique  ont  distingué  avec  plaisir 
l'accompagnement  des  altos  et  des  violoncelles  ,  figuré  de 
façon  à  imiter  les  tournoiements  rapides  des  Taglioni  du 
désert.  Le  voisinage  de  la  chanson  égyptienne  : 

Ma  belle  nuit,  ô  sois  plus  lente! 
a  un  peu  effacé  par  son   style  irrésistible  l'impression  du 
chœur  énergique  des  Arabes  : 

Restez  dans  vos  tombeaux  de  pierre. 
Si  la  mélodie  indigène  de  celte  chanson  n'est  pas  de 
M.  F.  David,  l'ordonnance  pleine  de  goût,  de  finesse  et  de 
variété  de  l'instrumentation  dans  les  trois  couplets,  lerhythme 
original  des  violcmcelles  sur  un  ré  obstinément  rebattu, 
l'unisson  final  lui  appartiennent  bien  en  propre,  lleproduire 
i  avec  tant  d'art,  c'est  créer. 


DE  PARIS. 


419 


Un  effet  aussi  neuf  que  bien  placé  prépare  la  troisième 
partie.  C'est  un  trémolo  exécuté  en  crescendo  dans  la  région 
aigué'  par  les  violons  divisés ,  tandis  que  les  instruments  à 
\ent  s'interrogent  et  se  répondent  avec  mystère.  Les  teintes 
successives  de  l'aube  et  de  la  naissance  du  jour  ne  sont  ob- 
tenues avec  tant  de  fidélité  que  parce  que  l'artiste  a  eu 
l'heureuse  idée  défaire  ôter  les  sourdines  seulement  une  à  une. 

Le  véritable  chant  du  Muezzim ,  prière  du  matin  inter- 
calée dans  la  symphonie  avec  paroles  arabes,  a  paru  plus 
étrange  qu'agréable.  C'est  de  la  couleur  locale  sans  doute; 
mais  n'y  a-t-il  pas  un  choix  à  faire  entre  les  éléments  qui 
peuvent  la  réaliser?... 

La  caravane  cependant  reprend  sa  roule ,  au  lever  de  l'au- 
rore. La  marche  et  le  chœur ,  déjà  entendus  dans  la  première 
partie,  reparaissent  et  aboutissent  à  un  decrescendo ,  éton- 
nant de  perspective  profonde.  C'est  un  lointain  aussi  vrai 
qu'en  peinture.  Encore  quelques  notes,  encore  un  murmure 
étouffé ,  et  le  désert  redevient  silencieux  et  vide  : 
L'ambulante  cité  se  perd  à  l'horizon. 

La  voix  imperceptible  de  la  solitude  plane  seule,  avec  le 
timbre  sourd  des  cors,  sur  l'immense  étendue.  Là  s'achève 
véritablement  le  tableau.  Mais  l'auteur  a  jugé  à  propos  de 
terminer  par  la  reprise  du  chœur  des  Croyants  à  la  gloire 
d'Allah.  Comme  le  chœur  est  très  beau ,  on  n'est  pas  fâché 
de  l'entendre  derechef;  selon  nous  cependant  il  n'est  pas 
nécessaire  au  complément  de  l'œuvre ,  aussi  pleine ,  aussi 
entière,  aussi  parfaite  qu'on  peut  la  souhaiter. 

El  maintenant,  quelques  paroles  encore,  pour  être  histo- 
rien exact  de  ce  mémorable  concert ,  dont  nous  venons  d'a- 
nalyser la  portion  capitale.  La  première  partie  se  composait  : 
d'un  Sclierzo  en  mi  bémol  pétillant  de  verve,  inspiré  en  gé- 
néral de  la  manière  de  Beethoven,  pensées,  style,  instru- 
mentation ;  de  deux  chœurs  avec  solos ,  la  Danse  des  astres 
et  le  Sommeil  de  Paris,  le  premier  gracieux,  étincelant, 
très  sonore;  le  second  austère,  grave  et  peut-être  un  peu 
terne;  d'une  jolie  barcarolle  ,  le  Pêcheur  à  sa  nacelle;  de 
deux  mélodies  franchement  caractérisées ,  le  Chybotick  et  les 
Hirondelles;  enfin  d'une  harmonie  poéllque,  le  Jour  des 
morts,  voilée  de  teinles  mélancoliques,  remplie  d'accents  de 
douleur,  émanation  plaintive  d'un  cœur  en  larmes.  Pour 
l'examen  détaillé  de  chacune  de  ces  compositions  éminenles, 
il  faudrait  un  article  spécial;  l'espace  nous  manque  pour 
relever  toutes  les  grâces  de  ce  style  mélodique,  de  celte  har- 
monie ,  de  cet  orchestre  de  bon  goût. 

Encore  de  justes  éloges  à  la  voix  et  au  talent  de  MM.  Alexis 
Dupont,  Bélbrt  et  Hermann-Léon ,  sans  lequel  il  n'est  plus 
de  fête  musicale  complète  ;  et  nous  aurons  tout  dit  sur  ce 
concert ,  dirigé  par  le  chef  d'orchestre  des  Italiens ,  M. ,  'fil- 
mant aîné,  avec  son  habileté  accoutumée. 

L'heure  n'est  pas  venue,  ce  nous  semble  ,  d'apprécier  l'in- 
fluence décisive  que  doit  avoir  sur  la  marche  de  l'art  l'œuvre 
de  M.  David,  si  colossale  malgré  sa  simplicilé  apparente. 
L'opinion  et  la  presse  ne  s'occupent  en  ce  moment  que  de 
l'auteur  et  de  sa  partition;  les  jugements  se  heurtent,  se 
multiplient;  mais  l'enthousiasme  les  domine.  Une  apprécia- 
tion sage,  précise ,  mesurée,  ne  saurait  suivre  de  près  des  im- 
pressions vives  encore  trop  récentes.  Si  on  nous  blâme  d'avoir 
laissé  dans  cet  article  bien  peu  de  place  à  la  critique ,  ce  n'est 
pas  que  nous  croyions  la  nouvelle  composition  de  M.  F.  David 
à  l'abri  de  tout  reproche.  Mais ,  nous  l'avouons ,  une  pre- 
mière audition  éblouit  et  ne  permet  pas  de  distinguer  avec 
netteté  quelques  imperfections  légères,  surtout  lorsqu'elles 
sont  absorbées  par  le  rayonnement  de  splendeurs  si  nom- 
breuses. 


Quant  à  ceux  qui  déjà  mettent  en  avant  le  succès  et  le  gé- 
nie incontestable  de  M.  F.  David  pour  en  faire  une  sorte  d'é- 
pouvantail  aux  gloires  reconnues ,  et  menacent  de  les  éclipser 
à  l'aide  de  cette  lumière  soudaine ,  ils  ne  servent  ni  n'abusent 
personne.  11  n'y  a  qu'un  mot  à  leur  répondre.  L'art  véritable 
n'est  pas  le  Dieu  jaloux  des  antiques  Hébreux;  mais  plutôt  le 
vaste  Panthéon  romain ,  dont  le  sanctuaire  s'ouvrait  libérale- 
ment à  tous  les  cultes.  Point  d'hommages  exclusifs.  De  l'en- 
cens sur  tous  les  autels  ;  de  l'encens  à  tous  les  Dieux.  Seule- 
ment ne  nous  donnez  que  de  vrais  Dieux. 

Maurice  Bourges. 


Conservatoire  "be  tlontes. 

OuveftUÊ'e. 

Le  Conservatoire  de  musique,  dont  nous  avons  annonce  la 
prochaine  ouverture,  vient  d'être  inauguré  par  une  matinée 
musicale,  dans  les  vastes  salons  de  l'établissement  même.  Les 
morceaux  de  ce  concert ,  choisis  avec  beaucoup  de  goût  et 
exécutés  avec  une  habileté  et  un  ensemble  remarquables,  ont 
excité  une  vive  impression  sur  un  public  nombreux  et  choisi 
qui  a  pris  le  Conservatoire  nantais  sous  sa  protection  et  qui 
a  sanctionné  les  courageux  efforts  de  M.  Bressler  par  de  vifs 
et  unanimes  applaudissements.  Son  succès  est  donc  aujour- 
d'hui assuré. 

Nous  avons  déjà  félicité  le  fondateur  de  cette  idée  heureuse 
et  de  la  noble  persistance  qu'il  a  mise  à  l'exécuter  ,  et  nous 
l'assuronsde  nouveau  de  notre  sympathie.  Au  reste,  le  public 
de  Nantes  est  intelligent  :  depuis  longtemps  il  a  apprécié  son 
constant  dévouement,  et  nous  lui  rendons  justice,  M.  Bressler 
possède  toute  son  estime. 

MM.  les  professeurs  ses  adjoints,  artistes  distingués  et  élères 
du  Conservatoire  de  Paris,  quoique  honorablement  connus 
dans  le  monde  musical ,  se  sont  fait  entendre  séparément, 
sans  doute  pour  convaincre  de  nouveau  leurs  concitoyens  de 
tout  leur  mérite.  Ils  ont  été  chaudement  applaudis  et  à 
plusieurs  reprises.  Cette  approbation  unanime  doit  stimuler 
leur  zèle  et  produira  d'heureux  résultais. 

Nous  ajouterons  que  les  autorités  civiles  et  militaires  ont 
assisté  à  cette  solennité  comme  pour  encourager  par  leur 
présence  une  entreprise  digne  d'intérêt  et  à  laquelle  elles  ont 
témoigné  beaucoup  de  bienveillance  :  la  jeunesse  de  Nantes 
en  tirera  des  avantages  réels. 


ALBUM  DE  ÎH.  MASl^I. 

S'il  est  aussi  difficile  qu'imjjortant ,  disent  certains  ama- 
teurs, de  classer  les  différents  mérites  des  nombreux  compo- 
siteurs d'albums  qui  profitent  du  silence  de  M""  Loïsa  Puget 
pour  labourer  le  sol  fatigué  de  la  romance  ;  si  chacun  d'eux 
brille  par  des  qualités  éminentes  qu'il  serait  d'une  injustice 
criante  de  ne  pas  reconnaître,  on  ne  saurait  leur  appliquer  ce 
que  Voltaire  a  dit  des  successeurs  du  fils  de  Philippe  de  Ma- 
cédoine : 

Soldats  sous  Alexandre,  et  rois  après  sa^inorl; 

car  nous  n'avons  plus  guère  de  rois  de  la  romance,  car  la 
succession  de  l'ingénieuse  romancière  n'est  ni  ouverte  ni  à 
recueillir  ;  elle  n'a  fait  seulement  que  s'absenter,  s'abstenir 
d'écrire  pour  sa  clientèle,  c'est-à-dire  pour  la  France,  l'Eu- 
rope, le  monde  musical  et  mille  autres  lieux  ;  et,  pour  nous 
servir  d'une  expression  de  Tacite ,  elle  y  brille  par  son  ab- 


M6 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sence.  Un  des  plus  dignes  de  la  suppléer  est  certainement 

M.  Masini. 

Et  l'on  ne  dira  pas  de  ce  doux  romancier  : 

Tel  brille  au  second  rang  qui  s'éclipse  au  premier. 

Il  est  au  premier  rang  cette  année,  par  droit  d'ancienneté, 
ce  qui  ne  serait  pas  un  litre  suffisant  en  fait  de  légères  et  fu- 
gitives romances,  s'il  n'avait  joint,  celte  fois-ci  comme  tou- 
jours, à  ses  mélodies,  la  facilité,  la  grâce,  la  déclamation  bien 
sentie,  et  des  accompagnements,  qui  n'ont  pas,  comme  beau- 
coup d'autres,  la  prétention  de  rivaliser  l'orchestre. 

Et  d'abord ,  en  ouvrant  cette  châsse  qui  renferme  de  si 
jolies  reliques  musicales ,  le  frontispice  vous  frappe  par  ses 
arabesques  gothiques,  où  l'or  se  relève  en  bosse ,  comme  dit 
M.  Trissotin,  marié  qu'il  est  au  bleu  d'azur,  au  vert,  au  rouge 
qui  forment  un  titre  de  couleurs  un  peu  crues,  il  est  vrai, 
mais  d'un  effet  original  et  nouveau. 

•  Après  avoir  admiré  le  joli  titre  de  cet  album  aristocratique, 
et  la  suave  lithographie  de  M.  Achille  Deveria  qui  vous  repré- 
sente une  de  ces  charmantes  figures  de  femme,  comme  l'ha^ 
bile  dessinateur  en  fait  sortir  si  facilement  de  son  crayon 
exercé,  parce  qu'il  en  a  sans  cesse  le  modèle  sous  les  yeux, 
vous  lisez  LA  FLEUR  QU'iL  m'a  DONNÉE ,  une  de  ces  romances 
à  pensée  délicate,  comme  M.  Barateau,  auteur  des  paroles 
de  celle-ci  et  de  toutes  celles  qui  composent  l'album  de 
M.  Masini,  en  jette  si  facilement  sur  le  papier  et  dans  le  sou- 
venir des  chanteurs  et  des  amateurs  de  romances. 

Sous  le  titre  d'ariette,  exhumé  de  la  poussière  musicale  du 
xviii"  siècle,  le  compositeur  a  écrit  Le  refrain  de  la  filelse, 
charmante  petite  chansonnette  imitative,  tout-à-fait  dans  la 
manière  pittoresque  de  M"'  Puget,  cette  reine  de  la  romance 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  La  Pileuse  Yvonne  est  d'au- 
tant plus  séduisante  qu'un  nouveau  lithographe,  M.  Germain, 
nous  l'a  représentée  dans  un  dessin  aux  trois  couleurs,  déli- 
cieux de  forme,  de  naturel  dans  son  costume  breton.  L'auteur 
de  la  musique  a  payé  tribut  à  la  vocalisation,  eu  mettant,  à  la 
fin  de  chaque  couplet  de  cette  charmante  mélodie  promise 
aux  honneurs  de  la  vogue,  un  petit  trait  final  qui  ne  pourra 
que  flatter  infiniment  les  cantatrices  de  salon,  parce  qu'il  les 
fera  briller. 

Douter  de  sa  raison.  Que  de  haute  philosophie  dans 
ce  seul  titre  de  romance!  On  ne  doute  pas  de  son  esprit ,  de 
sou  goût,  de  sa  sensibilité,  de  son  courage,  etc.  ;  mais  on  en 
vient  souvent  à  douter  de  sa  raison ,  de  ce  flambaeu  divin 
qu'un  rien  peut  faire  pâlir,  peut  éteindre  ;  et  l'amour,  ce 
grand  caprice ,  même  des  êtres  les  plus  graves ,  qu'est-ce 
autre  chose  que  la  folie  ?  folie  gracieuse  ou  terrible  ,  plus  ou 
moins  longue,  plus  ou  moins  intéressante ,  mais  inévitable 
dans  la  vie  de  toute  créature  humaine  et  complète.  Celte  folie 
raisonnée  ou  raisonneuse,  comme  nous  la  représente  M.  Bara- 
teau ,  est  on  ne  peut  plus  touchante  sous  les  traits  du  beau 
jeune  homme  à  figure  romantique,  telle  que  vous  l'ontfaite  le 
crayon  fin  et  suave  de  M.  Jules  David  et  la  mélodie  drama- 
tique de  M.  Masini.  Bien  que  les  modulations  de  cette  ro- 
mance soient  simples  et  classiques ,  l'accompagnement  est 
mouvementé  ,  et  les  ritournelles  passionnées  disent  que  le 
compositeur  s'est  aussi  passionné  un  peu  plus  qu'à  l'ordi- 
naire. Cette  romance  est  une  des  bonnes  de  l'album  de 
M.  Masini. 

M.  Grenier,  au  crayon  également  fin  et  naïf,  nous  a  tracé 
trois  figures  charmantes,  servant  de  préface  à  la  jolie  chan- 
sonnette intitulée  :  Les  amoureux  de  village.  Ce  sont  des 
délicatesses  de  cœur,  exprimées  par  des  paysans  pauvres  et 
riches  ;  c'est  un  petit  drame  comique  et  villageois  auquel  la 
règle  presque  invariable  des  trois  couplets  n'a  sans  doute  pas 


permis  de  donner  un  dénoûmenl  complet  et  satisfaisant,  puis- 
que Berthe,  la  riche  meunière,  n'épouse  pas  son  adorateur 
parce  qu'il  est  pauvre ,  et  que  le  riche  amoureux  épouse 
Jeanne ,  qui  n'avait  rien.  Serait-ce  à  dire  qu'il  résulte  de  la 
morale  de  cette  chansonnette  que  les  hommes  ont  plus  de  gé- 
nérosité de  cœur  que  les  femmes  en  amour  ?  M.  Barateau  est 
trop  galant  pour  vouloir  prouver  cela,  même  en  romance  : 
nous  rejetons  donc  cette  conclusion  anti-française  sur  la 
forme  exiguë  des  trois  couplets  dont  nous  venons  de  parler. 

Charlet ,  de  son  héroïque  et  ferme  crayon ,  frère  de  la 
plume  de  notre  Béranger,  a  mis  en  tête  de  la  romance  :  Un 
VIEUX  SOLDAT,  uu  de  ces  types  de  la  gloire  impériale  ou  ré- 
publicaine, un  vrai  Dagobert  (du  Juif  errant)  avec  :;on  bon 
chien  Rabat  Joie.  La  mélodie  de  celte  romance  est  franche  et 
bien  accentuée  ;  elle  parle  au  cœur,  aux  plus  nobles  souve- 
nirs de  la  France,  et  réveille  tout  ce  qu'il  peut  y  avoir  de  pa- 
triotisme par  le  temps  qui  court. 

Voici  revenir  M.  Germain  avec  une  de  ses  charmantes  bre- 
tonnes, dessinée  aux  trois  couleurs  ,  jolie  villageoise  qui  dit 
naïvement  aux  pieds  de  la  sainte  Vierge  ,  d'une  façon  naïve 
et  quelque  peu  précieuse  : 

Je  n'ai  qu'une  pensée, 
Et  j'ai  mille  douleurs. 

Cette  petite  mélodie  en  mesure  à  six-huit  et  toute  religieuse 
est  une  douce  prière  intitulée  :  L'appui  du  roseau. 

La  relire  vÉronaise,  Godolina,  comme  l'a  nommée  l'au- 
teur, est  une  mélodie  gaie  et  toute  pleine  d'entrain.  Cela  est 
franc  et  joyeux  comme  un  de  ces  chants  de  l'Italie  d'où  il  en 
vient  tant;  comme  :  Dis-moi  qu'ils  ontaienti,  est  une  de 
ces  nombreuses  romances  françaises  disant  les  craintes  d'une 
mère  quand  elle  voit  sa  fille  rêveuse  et  voulant  quitter  son 
village  pour  aller  à  la  ville.  Ces  appréhensions  ont  été  expri- 
mées bien  souvent;  mais-ellesont  toujours  l'intérêt  insépara- 
ble des  conseils  maternels.  Cette  romance  est  une  des  plus 
jolies  du  recueil  :  le  rhythme  ternaire  qui  sert  de  péroraison 
à  chaque  couplet  vient  de  l'àme  d'un  compositeur  qui  sent 
profondément.  Aussi  peint-il  mieux  les  choses  tendres  que 
comiques.  Nous  le  voyons  par  le  fabliau-chansonnette  inti- 
tulé :  Le  rossignol  du  foyer,  qui  n'est  autre  que  le  petit 
insecte  faisant  entendre  son  ramage  ou  son  cri ,  en  hiver, 
dans  l'àtre  de  la  cheminée  villageoise,  et  qu'on  appelle  le 
grillon.  Si  M.  Masini  n'a  pas  précisément  bien  saisi  le  chant 
de  ce  prétendu  rossignol,  c'est  qu'en  effet  ce  chant  n'en  est 
pas  un.  La  lithographie  de  M.  Grenier,  du  reste,  en  est  déli- 
cieusement vraie. 

Endokmez-VOUS,  mon  coeur,  que  les  auteurs  ont  inti- 
tulée rêverù,  est  une  douce  et  touchante  romance  dont 
le  chant  se  dit  et  s'écoute  comme  on  sent  parfois  des  pleurs 
de  vague  mélancolie  qui  vous  tombent  des  yeux  sans  qu'on 
sache  pourquoi.  C'est  une  mélodie  instinctive,  c'est  un  re- 
gret d'amour,  une  brise  du  soir,  une  plainte  mystérieuse 
de  l'âme  qu'on  exhale  avec  autant  de  plaisir  que  des  accents 
de  joie  et  de  bonheur.  Et  puis,  viennent,  pour  com- 
pléter le  nombre  voulu  de  douze  morceaux  pour  les  fanati- 
ques d'albums,  deux  jolis  nocturnes  à  deux  voix  :  Les  belles 
nuits  d'iîté  et  :  Au  rivage,  bon  ménage  !  Ce  dernier,  orné 
d'une  lithographie  à  deux  crayons  ou  deux  couleurs,  encore 
par  M.  Germain.  Le  premier  de  ces  jolis  due (tini  est  frais 
comme  son  titre ,  et  bien  écrit  pour  les  voix;  le  second  mé- 
rite au  mieux  le  titre  de  nocturne  par  la  ravissante  lithogra- 
phie qui  le  précède  et  qui  représente  un  harmonieux  clair  de 
lune  dont  l'aspect  seul  invile  à  la  rêverie.  La  musique  en  est 
bien  dialoguée  pour  voix  de  ténor  et  baryton ,  et  le  refrain 
breton  :  Mon  rocher  de  Saînt-Malo  s'y  trouve  spirituelle- 


DE  PARIS. 


Ui¥ 


ment  encadré.  De  tout  cela  il  résulte  un  recueil  de  paroles 
charmanles ,  de  dessins  qu'on  ne  se  lasse  pas  de  regarder , 
de  mélodies  qu'on  se  lassera  encore  moins  de  chanter,  et 
qu'on  dira  encore  les  années  suivantes  chaque  fois  que  poin- 
dra un  nouvel  album  de  M.  Masini. 

Henri  Blanchard. 


wm  imni  m  jeink  fille  ei  la  fête  de  sainte  Cécile, 

mélodies  par  M.  J.  MARTIN  ,  d'Angers. 

Voici  deux  productions  qui  se  recommandent  aux  ama- 
teurs de  mélodies  vraiment  mélodieuses  d'un  style  pur,  d'un 
caractère  élevé,  religieux.  Toutes  deux  sont  écrites  dans  le 
même  système,  c'est-à-dire  avec  accompagnement  de  piano 
et  violoncelle,  celui  de  tous  les  instruments  qui  se  marie  le 
mieux  à  la  voix  humaine.  La  première,  U7ie  larme  de  jeune 
Fille ,  dédiée  à  M""  Iweins  d'Hennin  ,  est  une  invocation 
des  plus  louchantes  à  la  Vierge  Marie  pour  le  salut  d'une 
mère  :  aussi  la  Vierge  se  laisse-t-elle  attendrir,  et  la  pauvre 
mère  est-elle  rendue  à  son  enfant.  La  seconde  ,  la  Fêle  de 
Sainte-Cécile,  dédiée  à  MM.  Ponchard  et  Franchomme,  est 
conçue  dans  des  proportions  plus  larges.  C'est  un  hymne  , 
entrecoupé  de  récitatif ,  et  terminé  par  un  chœur  d'anges 
à  voix  égales,  lequel  peut  néanmoins  se  chanter  à  une  seule 
voix.  Il  y  a  de  l'animation,  de  l'entraînement  dans  ce  chœur, 
dont  l'intervention  du  violoncelle^  agrandit  sit)gulièrement 
l'effet.  L'auteur,  qui  a  fait  ses  preuves  dans  le  genre  de  com- 
position musicale  le  plus  sévère  et  le  plus  étendu,  n'avait  rien 
publié  dans  le  genre  simple  de  plus  heureux  ,  de  mieux  in- 
spiré que  les  deux  mélodies  dont  nous  venons  en  peu  de  mots 
d'indiquer  la  destination  et  d'apprécier  la  valeur. 


LE  JEUNE  ET  BEAU  DUlVOIS. 

Sessin  de  Gavarni. 

Pour  celte  fois  le  crayon  si  souvent  spirituel  et  moqueur 
n'a  pas  eu  l'iutention  de  vous  faire  rire  :  il  a  voulu ,  comme 
Hogarth  dans  ses  scènes  de  cruauté  ,  vous  attendrir  sur  l'une 
des  misères  les  plus  tristes  de  la  vie  musicale.  Ne  regardez 
pas  trop  cet  affligeant  tableau,  si  votre  âme  est  souffrante  et 
malade ,  si  vous  avez  des  chagrins  de  cœur ,  mais  regardez-la, 
je  vous  l'ordonne,  si  vous  êtes  heureux  el  riche,  si ,  couché 
nonchalamment  dans  un  bon  fauteuil ,  les  pieds  dans  vos  pan- 
toufles, en  face  d'un  âtre  flamboyant,  vous  savourez  les  dou- 
ceurs d'une  existence  commode  et  somptueuse.  Alors  vous 
serez  pris  d'un  bon  mouvement  et  vous  ne  craindrez  pas 
d'ouvrir  votre  fenêtre  pour  jeter  quelques  pièces  de  monnaie 
aux  deux  êtres  misérables  qui  chantent  en  grelottant  :  le 
jeune  et  beau  Dunois. 


Nous  avons  reçu  de  notre  collaborateur,  M.  Fétis,  une  courte  et 
vigoureuse  réponse  aux  dernières  attaques  dont  ses  doctrines  musi- 
cales ,  déjà  si  solidfmenl  élablifs,  ont  été  l'objet.  Le  défaut  d'espace 
nous  empêche  de  l'insérer  aujourd'hui;  mais  ses  adversaires  ne 
perdront  rien  pour  attendre. 


UOTTTSLiIiSS. 

V  Demain  lundi  à  l'Opéra,  Marie  Siuart. 

','  Le  second  rôle  que  doit  chanter  Gardon!  est  celui  de  Fernand 

de  la  Favorite. 

','  Les  répétitions  du  ballet  nouveau,  le  Diable  à  quatre ,  vont  être 
reprises. 


V  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  au  théâtre  Italien  , 
I Piirilani,  par  M"«  Grisi,  Lablache,  Mario  et  Roneoni. 

*,*  Le  tribunal  de  commerce  a  statué  sur  la  contestation  relative 
à  la  mise  en  scène  d'Uue  nitii  à  Grenade,  opéra  de  Conradin  Kreut- 
zer. Ce  dernier,  persistant  à  ne  pas  accepter  M'"»  Manara  en  rem- 
placement de  M"»=  Persiani ,  le  jugement  résilie  les  conventions  ver- 
bales intervenues  entre  les  parties.  Ainsi  l'opéra  ne  sera  pas  joué. 

",*  Adolphe  cl  Clara,  ce  cliarmant  ouvrage  de  Marsollier  et  Dalay- 
rac,  a  été  repris  la  semaine  dernière  à  l'Opfra-Comique  ;  mais  on  ne 
l'a  joué  qu'une  fois.  Massol  et  M""  Potier  en  ont  fort  bien  rempli  les 
deux  principaux  personn-ges.  Dans  l'air  :  Aimable  ei  belle,  Masset 
a  obtenu  un  véritable  succès.  S'il  est  vrai,  comme  on  l'affirme,  que 
le  rôle  d'Adolphe  lui  ait  été  infligé  par  des  considérations  admi- 
nistratives, il  pourrait  dire  avec  raison  :  Punissez-moi  toujours 
de  même. 

V  Un  ouvrage  d'un  jeune  lauréat ,  M.  Boisselot,  doit  être  inces- 
samment mis  à  l'élude. 

*.*  On  a  repris  les  répétitions  de  Cendrillon^  et  l'on  s'occupe  aussi 
de  la  remise  de  l'Eclair. 

'„*  Dans  la  séance  de  jeudi  dernier,  le  comité  de  l'association  des 
artistes-musiciens  a  constitué  quatre  (jeni-ions  de  200  francs  chacune 
à  des  musiciens  vieux  ou  infirmes.  Une  commission  avait  été  char- 
gée lie  présenter  un  rapport  sur  les  droits  respectifs  des  divers  can- 
didats. Les  deux  premiers  pensionnaires  sont  âgés.de  plus  de  quatre- 
vingts  ans. 

V  Après  l'éclatant  succès  que  vient  d'obtenir  M.  Félicien  David 
dans  son  concert  du  8  décembre,  nous  croyons  être  agréables  aux 
amateurs  de  bonne  musique  en  leur  rappelant  que  la  maison  Schle- 
siiiger  a  édité  du  même  auteur  plusieurs  mélodies  très  remarqua- 
bles :  le  Jour  des  Morts,  élégie  touchante,  pleine  de  sentiment  et  de 
douleur  ;  l'Ange  rebelle ,  page  magnifique  ,  inspirée  de  la  plus  haute 
poésie;  la  Saltarelle,  le  Hliin  allemand  ,  deaji  petits  chefs-d'œuvre  de 
verve  et  de  rhythme  original;  les  Adieux  à  Cliurence ,  l'Absence, 
douces  et  tendre!  pensées  dignes  de  Schubert;  enfin  l'Erjiipiicnne , 
romance  charmante  ,  empreinte  d'une  couleur  toute  orientale. 

*,"  C'est  aujourd'hui  que  MM.  Charles,  Lt-opold  et  Arnauld  Dan- 
cla ,  trois  frères  bien  connus  par  leur  talent ,  doivent  donner,  dans 
les  salons  de  M.  Duport,  une  séance  musicale  du  plus  haut  intérêt 
pour  les  amateurs  de  musique  de  chambre.  On  y  entendra  plusieurs 
morceaux  i-emarquablcs  de  la  composition  de  M.Charles  Dancla, 
tels  que  deux  qu.ituors  pour  instruments  à  cordes,  un  trio  pour 
piano,  violon  el  violoncelle  et  des  variations  de  violon  extrêmement 
brillantes.  Un  programme  attrayant  et  trois  virtuoses  distingués, 
en  voilà  plus  qu'il  ne  faut  pour  assurer  le  succès. 

*,"  M.  Beaumès-Arnaud  ,  l'habile  chanteur,  s'est  associé  à  l'écla- 
tant succès  récemment  obtenu  par  M.  Léopold  de  Meyer  dans  le 
concert  donné  récemment  à  Bruxelles. 

',*■  Dans  un  concert  donné  par  la  Société  philharmonique  de 
Bruxelles ,  M""  Iweins  d'Hennin  a  chanté  avec  le  plus  grand  succès 
devant  LL.  MM.  le  roi  el  la  reine  des  Belges.  M.  et  M""  Iweins 
d'Hennin  sont  engagés  pour  plusieurs  concerts  à  Bruxelles,  Bruges, 
Mons,  Anvers  et  Bel  huue.  Ces  deux  artistes  seront  de  retour  à  Paris 
pour  le  22  de  ce  mois. 

",*  La  réunion  musicale  de  Manhcim  vient  de  mettre  au  concours 
un  prix  de  20  ducats  qui  sera  décerné  à  l'auteur  du  meilleur  qua- 
tuor pour  piano,  violon,  basse  de  viole  cl  violoncelle,  dans  les  mêmes 
formes  que  celles  des  quatuors  de  Mozart  et  de  Beethoven.  Les  com- 
positions des  concurrents  devront  être  envoyées  au  comité  de  la 
Société  avantle  1"  juin  1845. 

",■  Le  Icrrible  incendie  dont  la  rue  Cadet  vient  d'être  le  théâtre 
a  exercé  ses  ra\agfs  sur  les  magasins  et  ateliers  de  M.  Cluesman, 
facteur  estimable,  qui  avait  obtenu  la  médaille  d'or,  et  dont  en  quel- 
ques heures  toutes  les  ressources  ont  été  dévorées.  Vingt-cinq  pianos 
prêts  à  être  livrés  au  commerce  ,  outils,  bois  étrangers  ,  bois  indi- 
gènes ,  représentant  une  valeur  de  35,000  fr.  environ  ,  tout  a  été  la 
proie  des  flammes.  M.  Cluesman  était  assuré  pour  quinze  mille  fr., 
mais  des  contestations  s'élèvent,  comme  toujours.  Nous  pensons  qu'il 
suffit  de  signaler  un  tel  désa-tre  pour  appeler  e(Iicai:cment  le  con- 
cours de  tous  les  cœurs  généreux  à  l'aide  d'une  famille  entière: 
M.  Cluesman  est  père  de  cinq  enfants.  Une  souscription  est  donc 
ouverte  à  son  profit ,  à  dater  de  ce  jour,  dans  nos  bureaux  ,  rue  Ri- 
chelieu, 97. 

*,"  Les  Contes  vrais  ,  publiés  récemment  par  le  libraire  Desessart, 
se  rattachent  assez  à  la  spécialité  de  ce  journal  pour  que  nous 
entourions  leur  entrée  dans  le  mu;ide  liltéraire  de  tous  les  éloges 
qu'ils  méritent.  Écrit  avec  une  grâce  parfaite  et  une  sensibilité  spiri- 


m 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


tuellcment  naïve,  ce  charmant  volume,  destiné  à  l'enfance,  a  été 
dicté  a  M"»'  Louise  Babœuf  par  des  inspirations  maternelles.  Rien 
de  mieux  réussi  que  ces  jolis  contes  ;  le  sujet  de  quelques  uns  est 
emprunté  à  la  vie  musicale  et  trailé  avec  un  bonheur  singulier.  Le 
succès  est  assuré  à  cet  aimable  livre. 

*,'  La  quatrième  classe  de  l'Institut  royal  des  Pays-Bas  a  remis 
au  concours,  dans  sa  séance  du  1 1  novembre  I8'i4,  la  question  pro- 
posée en  l'an  1842,  et  à  laquelle  aucune  réponse  n'avait  élé  obtenue, 
savoir  :  «  Examiner  les  compositions  musicales  des  dilTérentes  épo- 
ques chez  les  peuples  modernes  de  l'Kurope  pour  en  déduire,  autant 
que  possible,  des  conclusions  par  rapport  à  l'esprit  du  siècle  et  au 
caractère  de  la  nation  auxquels  ces  compcisitions  sont  relatives.  » 
Le  prix  du  concours  consiste  en  une  médaille  en  or  de  la  valeur  de 
300  francs,  et  frappée  au  coin  de  l'Institut.  Les  réponses  doivent 
être  adressées  franc  de  port,  avant,  ou  au  1"  janvier  1846,  au  se- 
crétaire perpétuel  de  la  classe,  à  l'hôtel  de  l'Institut,  sur  le  Klo- 
veniersburgwal,  à  Amsterdam.  Elles  doivent  être  écrites  dans  les 
angues  hollandaise  ,  française  ou  allemande  ;  toutefois ,  pour  la 
dernière,  en  se  servant  du  caractère  italique;  elles  porteront  une 
devise  en  timbre,  accompagnées  d'un  billet  cacheté,  portant  le 
même  timbre  et  renfermant  le  nom  ,  les  qualités  et  la  demeure  de 
l'auteur.  Dans  le  cas  où,  d'après  l'opinion  de  la  classe,  aucune  ré- 
ponse n'aurait  les  mérites  nécessaires  pour  êire  couronnée,  la  classe 
se  réserve  de  remettre  la  question  au  concours  ou  de  la  supprimer. 
L'adjudication  du  prir  aura  lieu  dans  la  séance  publique  de  la 
classe  en  1846,  et  sera  publiée  dans  les  journaux  hollandais  et 
étrangers.  Le  mémoire  couronné  devient  la  propriété  de  la  classe; 
l'auteur  ne  pourra  le  faire  imprimer,  soit  en  entier,  soit  en  partie, 
sans  son  aveu.  Les  mémoires  non  couronnés ,  ainsi  que  les  billets 
cachetés,  seront  restitués  aux  auteurs,  pourvu  qu'ils  soient  récla- 
més, sans  frais  pour  la  classe ,  dans  le  cours  dune  année  après  l'ad- 
judication du  prix  ;  au  cas  contraire,  les  billets  seront  brûlés  ,  et 
les  mémoires  conservés  pour  servir  comme  sera  jugé  nécessaire. 

Cliromlqite  départementale. 

",•  Orléatis,  5  décembre. —  M.  Tingry,  violoniste  distingué,  a 
donné  ici  un  concert  où  il  a  obtenu  un  grand  et  légitime  succès. 

*„*  Angers,  20  novembre.  —  MM.  Dolmetsch  et  Hurteaux  ont 
donné  un  grand  concert,  dans  lequel  le  premier  a  déployé  tout  son 
talent  de  pianiste  et  de  compositeur.  On  l'a  entendu  et  applaudi  d'a- 
bord dans  un  trio  de  Mayseder  ,  ensuite  dans  les  souvenim  de  P^enise, 
dans  la  fantaisie  dramatique  sur  des  motifs  du  Freyscliutz  ,  et  sur- 
tout dans  l'élude  intitulée  :  au  revoir,  morceau  charmant  de  mélodie 
et  d'expression.  La  belle  voix  de  basse  que  possède  M.  Hurteaux  a 
produit  beaucoup  d'effet. 

"/  Bordeaux,  28  novembre. —  Dimanche  dernier  a  eu  lieu  la  dis- 
tribution des  prix  que  la  Société  philomatiquc  décerne  annuelle- 
ment aux  élèves  de  l'école  d'ouvriers  adultes  fondée  par  elle.  La 
séance  s'est  terminée  par  un  eiercice  musical.  Deux  cent  cinquante 
élèves  de  la  classe  dirigée  par  M.  Ferrond  ont  chanté  les  grands 
chœurs  du  Comte  Ory,  de  la  Dame  blanche  et  de  Lucie  de  Lammer- 
moor  avec  beaucoup  d'ensemble,  de  précision  et  de  verve.  Deux  ou- 
vertures à  grand  orchestre  supérieurement  exécutées  par  la  section 
musicale  de  la  Société ,  sous  l'habile  direction  de  M.  Vigneau  ,  l'un 
de  SCS  membres,  ont  complété  cette  fêle  populaire. 

*,*  Caen.  —  Comme  les  années  précédentes,  la  Société  philharmo- 
nique du  Calvados  a  rouvert  sa  carrière  annuelle  par  une  messe 
au  profil  des  indigents.  Les  morceaux  qui  composaient  cette  messe 
sont  de  plusieurs  compositeurs  juslcment  célèbres.  Nomnier  i  esucur, 
Jomelli ,  Neukomm  ,  c'est  expliquer  sulTisamment  lout  l'intérêt  qu'a 
dû  exciter  l'audition  de  cette  messe. 


Chronique  étrangère. 

*,*  r.iége,  2  décembre.—  La  distribution  des  prix  du  Conserva- 
toire de  ce' te  ville  placé  sous  l'excellente  direction  de  M.  Daussoi- 
gne,  vient  de  se  faire  avec  une  grande  solennité,  toul-à-fait  jiîstifiée 
par  l'empressement  du  public.  Un  magnifique  concert ,  dirigé  par 
M.  Soubre,  a  suivi  la  di.^tribution.  Entre  autres  morceaux  remar- 
quables, on  y  a  exécuté  une  symphonie  nouvelle  intitulée  l'Orage  , 
dont  ncitre  compalriole  Jaspar  est  l'auteur  ;  le  chœur  de  Juda-i  Ma- 
chabée,  de  Hiendcl  ;  et  celui  de  la  bénédiclion  des  drapeaax  dans  le 
Siège  de  Coriiitln,  de  Rossini. 

*."  Berlin.  —  Le  Célèbre  pianiste  Dœhler  el  le  violoncelliste 
Piatti,  qu'on  a  entendu  à  Paris  aux  concerts  de  la  Gazette,  sont  en 
ce  moment  dans  notre  ville,  où  ils  obtiennent  le  plus  grand  succès. 
Le  talent  remarquable  de  M.  Piatti  se  révèle  chaque  jour  avec  plus 
d'éclat,  et  il  peul  compter  maintenant  au  nombre  des  premiers 
violoncellistes  d'Europe. 

".'  Londres,  'il  novembre. —  L'amour  de  la  musique  que  l'on  pa- 
raissait négliger,  malgré  l'ouverture  de  Drury  Lane  et  de  Princess's 
Théâtre,  s'est  tout  à  coup  réveillé  :  elle  nous  apparaît  chaque  soir 
dans  tout  son  éclat,  sous  la  direction  et  les  auspices  de  Julien  ,  qui 
vient  de  faire  placarder  des  alTicbes  d'une  dimension  supérieure  à 
toutes  celles  qu'on  connaissait  jusqu'Ici.  Le  mot  JULIEN  a  3  pieds 
de  haut  sur  une  dizaine  de  long;  enfin  la  superficie  qu'occupe  sur 
chaque  place  la  mirobolante  annonce  des  Promenades-Concerts  dt 
Covent  Gnrden  serait  plus  que  sulTisaiite  pour  y  bâtir  une  salle  de 
bains  et  un  boudoir.  Jugez  !  Mais  ,  ce  qiii  est  aussi  bien  que  l'afGcbe 
et  ce  qui  la  justifie,  c'est  l'admirable  exécution  ,  l'ensemble  qu'il  a 
obtenu  vcn.iredi  dernier  et  hier  soir.  Les  applaudissements  donnés 
à  sa  PiilUa  ont  élé  plus  grands  encore  que  la  taille  de  son  affiche.  Ses 
souvenirs  de  R jberi-te- Diable  ,  ses  quadrilles  anglais,  ont  eu  le 
même  succès. 

—  4  décembre.  —  Il  parait  que  dans  son  dernier  ouvrage,  llie  Dau- 
cjhter  of  Suint-Mark  (Imité  du  llbretlo  de  la  Reine  de  Chypre), 
Balfe  a  cherché  à  meure  sur  sa  tête  la  couronne  de  Meyerbcer  et 
d'Halévy.  Sa  partition  n'est  d'un  bouta  l'autre  qu'une  réminiscence 
de  ces  deux  compositeurs,  sans  exclure  toutefois  Rossini,  Donizetli, 
Bellini,  que  l'on  reconnait  aussi  de  temps  à  autre.  On  n'y  trouve 
rien  de  saillant,  de  neuf,  d'original,  si  ce  n'est  le  talent  de  miss 
Ralnforthqui  soutient,  on  peul  dire,  à  elle  seule  toute  la  partie  dra- 
matique de  cet  opéra.  Sans  cette  intéressante  artiste,  sans  les  décors 
magnifiques,  imposants,  que  Bnun  a  f<it  faire  à  grands  frais,  et 
un  ballet  fort  bien  [i;éiiagé ,  ta  l''itle  de  Saint-Marc  mourrait  comme 
/aue  «J'/ioie  d'inanition,  après  la  dixième  représentation. 

r.e  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Maukice  SCHLESINGER. 


EN  VENTE: 

CHEZ    MAURICK  SCHLESINGEH  ,  97,   r,l]E  RICUELIEU. 

MÉLODIES,  SCÈ\ES  ET  ÏIOMAIVCES 

COSIPOSÉES   PAR 

FÉLSCIEN  DAVID. 


li'Egyptienne ,  romance. 
AdiciiK  à  Charcncc. 


2    »  El' Absence ,  romance. 
2     »  SaltarcIIe. 


Le  Jour  des  morts,,  méditation,  pour  voix  de  basse.  5 

L'Ange  rebelle,  grande  scène  dramatique  pour  voix  de  basse.  5 
licRhin  allemand,  chant  national.  2 


LA  CLEF  DU  PIANO. 

ou 

s'adapUntà  tous  les  Piatios,  pour  .if prendre  le  nom  des  louches,  et,  en  Œéine  lemps,  la  position  des  itotes  sur  U  portée; 

p.vK  m.  3.  BOULANGER, 

f.rofesscur  de  musique  ,  et  organiste  de  la  cathédrale  de  Beauvais. 

Prix^tei ,  sans  étui ,  5  fr.  ;  avec  iHui ,  6  fr.  ;  exemplaire  de  luxe  pour  étrennes  ,  10  fr.  et  au-dessus. 

£  BcRi:ïa|!« ,  chez  l'Auleur  ;  .%.  Paris ,  chez  IU>  Bizet ,  rue  des  Martyrs,  21. 


Imprimerie  d«  BOURGOGXE  et  MARTINET,  30,  rne  Jteob. 


Four  Paris  :  ua  an,  2i  fr.  ;  six  mois,  15  Tr.  —  Annonces  :  50  c,  la  li<;ne  de  28  lettres  —  Bépartements  :  un  an,  29  fr.  50  c.  Etranger,  38  fr. 


AZEHE  MUSICALE 


Rédigée  par  MM.  A^DERS,  G.  UÉNÉDIT,  BERLIOZ,  Hesiii  BLANCHARD,  MaUiii"k  JlOURGE-i.  F.  DANJOU,  DCESBERO ,  FETIS  pèle,  EdouIlBD  FETIS, 
StepUEN  HELLER,    J.  JANIN,    G.  KASTNER ,  LISZT,  J.  MEIFRED,  GeobgE  SAND,   L.  RELLSTAB,  Paul  SSIITH,  A.  SPECHT,  etc. 

IL  SERA  JOINT  A  CHAQUE  NUMÉRO  VN  DESSIN  INÉDIT  DE  GAVARNI, 


LE  PREIËR  CONCERT  DE  LA  GAZETÏË  MUSICALE 

Aura  lieai  Jeindi  {!iE*ffiœB>s«ùi)&  ,    3®  9Sëe;enitltii*e  , 
dans  les  salons  de  MiM.  Plevel  ,  20,  rue  F.ochechouarl. 

Le  2' aura  lieu  le  11  janvier;  le  3%  le  1"  février;  Ici',  le  1"  mars; 
le  5',  le  1"  avril  ;  le  C%  le  l"  mai. 


Avec  le  numéro  du  12  janvier,  MM.  les  Abonnés  recevront  : 

conlenanlles  morceaus  suivanis,  inédits. 

1.  li' Amitié ,  étude.  Alhm. 

2.  Pastorale.  Slephcn  Ildkr. 

3.  CornéUa,  valse.  Fr.  tiunlen. 

4.  Causeries  de  jennes  fiUes».  Kallibreinter. 

5.  ISarcaroîie,  élude.  Méreaux. 
C,  McBStBct,  Osbonie. 

7.  Toccata.  J.-P.  Pixis. 

S.  Schei-zo.  E.  Prudent. 

9.  Barcarolla.  H.  Rouelle». 

(0.  Scherzo.  J.  Hosenliain. 

II.  Koctume.  S.  Tliulberg. 

,1:2.  Élégie  et  Prière.  E.  Wolff. 


SOMMAIRE.  Le  Camp  en  Silésie ,  opéra  en  3  actes,  paroles  de 
l'ellslal),  musique  de  G.  Meyerbeer  (deuxième  article)  ;  par  F. 
DANJOU.  —  Lettre  à  M.  le  directeur  de  la  Gazelle  nnisicitle  ;  par 
FÉTIS  père.  — Matinées  musicales;  i)ar  II.  BLANCHARD. — 
Revue  critique  :  Trois  ballades,  de  Fr.  Kivcken  ;  par  MAURICE 
BOURGES.  —Ecole  du  violon,  de  D.  Alard;  par  G.  KASTNER. 
—  Deux  grandes  fantaisies  sur  laJuive  et  lu  l''avonle  ,  de  L.  Messe- 
mœckers;  par  H.  BLANCHARD.-  Feuilleton.  —  Nouvelles.— 
Annonces. 

LA  SERINETTE.  Dessin  de  Gavarni. 


Kos  Abonnés  reçoivent  avec  le  présent  numéro  les 
chaTinants  complets  de  la  BSOU^gUE'iTMÈKE ,  chantés  par 
Bï-»c-  îBoriis-Gras ,  dans  ïc  ï.,.4KaAffi®3iE ,  opéra  d'Halévy. 

LE  CAiP  m  SILESSE, 

OPÉRA    EN    3   ACTES. 

Paroles  de  Rellstab  ;  musique  de  G.  METERBEEK. 

(Deuxième  article*.) 

L'apparition  d'un  nouvel  ouvrage  de  Meyerbeer  eût  été  à 
toute  époque  un  fait  d'une  grande  importance  dans  le  inonde 
(*)  Voir  le  numéro  60. 


Portefeuille  de  deux  CaïUalrices  ^^\ 

CLOTILDE  B***.  AU  COMTE  DE  RÉVAL. 

Paris,  20  août. 

J'ignore  oti  celte  lettre  vous  trouvcr.i ,  monsieur  le  comte. 
Vous  vous  êtes  éloigné,  sans  daigner  m'apprendre  où  vous  alliez, 
ni  combien  durerait  voue  absence.  Vous  m'avez  quittée ,  comme 
on  ne  quitte  pas  la  dernière  dos  femmes ,  car  vous  ne  m'avez 
pas  même  fait  l'honneur  de  me  parler  franchement.  Je  ne  sui- 
,vrai  pas  votre  exemple  :  j'avouerai  mes  torts,  qui  n'excusent 
pas  les  vôtres  ,  et  je  laisserai  à  voire  conscience  le  soin  de  nous 
juger  tous  les  deux. 

Eh  bien  !  oui ,  j'aime  quelqu'un  qui  n'est  pas  vous  :  je  me  suis 
laissé  entraîner  aux  témoignages  d'une  passion  vive  et  sincère 
jusqu'à  la  folie  ;  j'ai  eu  pitié  d'un  enfant  qui  voulait  se  tuer  par 
amour  pour  moi  ;  je  me  suis  figuré  qu'avec  le  temps  cette  pas- 
sion se  calmerait  :  au  contraire  ,  elle  n'a  fait  qu'augmenter  et 
m'a  gagnée  moi-même ,  sans  rien  changer  cependant  aux  senti- 
ments que  j'avais  pour  vous,  sans  rien  effacer  de  mon  cœur  ni 
de  ma  mémoire.  Voilà  mon  forfait  tout  entier  :  suis-ji;  donc  une 
si  grande  criminelle,  monsieur  le  comte?  n'existe-til  aucun 
motif  d'indulgence  pour  une  femme  qui,  dans  ma  position, 
commet  une  faute  de  ce  genre?  Si  c'était  par  calcul ,  par  spécu- 

(I)  Voirlesnuméros  40, -il,  42,  43,  44,45,  4C,  47,  4S,  49  et  50. 


iation,  je  mériterais  votre  haine,  et  je  n'articulerais  pas  une 
syllabe  pour  ma  défense.  Mais  vous  savez  aussi  bien  que  moi  à 
quelle  espèce  de  fatalité  j'ai  cédé  dans  celte  circonstance,  et  vous 
n'en  tenez  aucun  compte  ;  vous  poussez  l'oubli  des  convenances 
aussi  loin  qu'il  peut  aller  ;  vous  nie  jetez  là  comme  un  fardeau 
pénible,  dont  on  est  enchanté  de  se  délivrer!  Permettez-moi 
de  vous  dire,  monsieur  le  comte  ,  que  cela  n'est  ni  poli  ni  loyal. 
Je  ne  veux  pas  récriminer,  j'aurais  trop  d'avantages  :  je  vous 
rappellerai  seulement  qu'en  pareil  cas  je  n'ai  jamais  agi  de  la 
sorte,  et  pourquoi?  parce  que  je  vous  aimais.  C'est  aussi  par  la 
même  raison  que  je  ne  vous  ai  pas  tout  avoué  dès  le  premier 
jour.  Je  supposais  que  ma  dissimulation  vous  ferait  moins  de  mal 
que  ne  vous  en  eût  fait  ma  franchise.  Je  me  suis  abusée,  je  le  vois. 
En  me  séparant  de  vous  brusquement,  je  vous  aurais  rendu  ser- 
vice :  vous  venez  de  me  le  prouver.  Je  profite  de  la  leçon  et  je 
vous  en  donne  une  autre ,  en  me  confessant  à  vous  sans  réserve. 
Pourquoi  n'auricz-vous  pas  la  générosité  de  m'imiter?  Un  autre 
amour  s'est  emparé  de  votre  âme  :  pourquoi  ne  me  l'avoir  pas 
déclaré  ?  Qui  jamais  eût  pensé  qu'une  liaison  telle  que  la  nôtre 
se  dénouerait  comme  un  de  ces  caprices  qui  n'ont  duré  que  peu 
de  jours?  Réfléchissez,  monsieur  le  comte,  et  dites  si,  malgré 
la  faute ,  que  je  reconnais ,  4ue  j'avoue ,  je  n'ai  pas  quelque  droit 
de  me  trouver  blessée  :  dites  lequel  de  nous  deux  avait  au  fond 
du  cœur  le  plus  d'attachement  véritable  et  tenait  le  plus  à 
l'autre. 


BUnSAirx   D'AEOMWTEMEMT,    HUE   KICHEÏ.IEÎJ ,   97. 


b20 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


musical;  mais  aujourd'hui,  dans  un  tempsde  stérilité  et  d'inac- 
tion comme  celui  où  nous  vivons ,  c'est  un  événement  qui 
intéresse  au  plus  haut  point  l'art  et  les  artistes.  L'homme  de 
génie  qui  a  produit  les  deux  chefs-d'œuvre  dramatiques  du 
SIX*  siècle,  est-il  encore,  après  dix  ans  de  silence,  doué  du 
même  talent  et  de  la  même  puissance  ?  sa  ven-e  est-elle  aussi 
féconde,  son  goût  aussi  pur  ?  Telles  solit  les  questions  que  se 
sont  adressées  à  ce  sujet  les  amis  de  la  musique  dramatique. 
JKb  bien!  nous  n'hésitons  pas  h  répondre,  après  deux  audi- 
tions attentives  de  l'opéra  représenté  à  Bei  lin,  que  le  génie  de 
ïmXem  des  Huguenots,  en  se  modifiant  suivant  les  exigences 
du  sujet  qu'il  devait  traiter,  n'a  pas  cessé  de  faire  briller  toutes 
les  qualités  qu'on  ne  lui  conteste  plus  et  qui  ont  valu  à  ces 
créations  un  succès  universel. 

Le  caractère  distinctifdu  génie  de  Meverbeer,  c'est  d'être, 
comme  on  dit  dans  le  jargon  de  la  philosophie  ,  éclectique. 
Embrassant  d'un  seul  coup  d'œil ,  et  par  suite  de  profondes 
études  ,  l'histoire  complète  de  la  musique  dramatique,  il  a 
rassemblé  tous  les  genres  de  mérite  qui  se  sont  produits  sur 
la  scène  ;  il  se  les  est  appropriés  par  une  originalité  de  formes 
qui  lui  appartient,  et  il  a  su  présenter  dans  ses  ouvrages 
un  mélange  heureux  et  varié  de  tous  les  styles  et  de  toutes 
les  époques. 

Un  autre  maître,  l'une  des  gloires  de  la  musique  de  notre 
temps,  a  marché  dans  la  même  vcie  et  produit  les  mêmes  ré- 
sultats dans  un  ordre  d'idées  tout  différent.  Je  veux  parler  de 
Çherubini ,  le  père  de  l'éclectisme  musical ,  si  l'on  peut  ainsi 
dire.  Toutefois,  Çherubini ,  fils  de  l'école  italienne,  a  toujours 
conservé  des  formes  extrêmement  sévères ,  un  style  d'une 
correction  inimitable;  mais  aussi ,  et  par  suite,  une  certaine 
roideur,  une  allure  gênée,  une  mélodie  asservie  h  l'accompa- 
gnement ;  tandis  que  Meyerbeer,  né  de  l'école  allemande, 
s'embarrasse  moins  de  la  correction  et  de  la  pureté  des  for- 
mes ;  sa  mélodie  est  plus  libre  et  respire  plus  à  l'aise  ;  il  com- 
mande à  l'harmonie  au  lieu  de  lui  obéir;  il  a  plus  de  fantaisie, 
de  spontanéité  ;  en  un  mot,  il  est  plus  dramatique. 

Il  y  a  dans  toutes  les  œuvres  de  l'humanité  un  terme  oii 
elles  s'arrêtent  dans  leur  marche  progressive.  Dieu  a  dit  au 


gém'e  de  l'homme  comme  aux  flots  de  la  mer  :  Tu  n'iras  pas 
plus  loin.  Ainsi ,  les  langues  se  forment  lentement;  aiTivées 
au  point  de  perfection  où  les  portent  les  écrits  des  Bjeilleurs 
poètes  ou  prosateurs ,  elles  s'arrêtent  stationnaires  pour  se 
corrompre  ensuite  peu  à  peu  et  se  transformer  dans  le  cours 
des  siècles  en  des  langues  nouvelles  et  variées.  Il  semble 
que  la  même  loi  doive  exister  pour  la  musique  moderne;  <i 
peine  quelques  siècles  se  sont  écoulés  depuis  que  rharBaonie 
est  découverte,  et  les  progrès  de  cet  art  nouveau  ont  marché 
avec  une  rapidité  prodigieuse. 

De  Palestriiia  à  Beethoven,  on  compte  à  peine  trois  siècles^ 
et  cependant  quelle  distance  inmieuse  sépare  ces  deux  génies  ! 
Avec  Haydn, Mozart,  Beethoven,  la  musique  modernea  reçu  ses 
dernières  formes;  après  ces  génies  immortels,  le  champ  reste 
ouvert  à  l'éclectisme,  c'est-à-dire  aux  auteurs  qui,  profitant 
de  tous  les  systèmes,  connaissant  tous  les  styles,  les  jetteront 
dans  un  creuset  pour  les  fondre  et  les  façonner  à  leur  guise, 
suivant  la  variété  et  la  puissance  de  leur  imagination. 

Çherubini  pour  la  musique  sacrée,  Meyerbeer  pour  la  mu- 
sique dramatique,  sont  les  deux  fondateurs  et  les  deux  plus 
solides  bases  de  cette  école  éclectique  que  nous  venons  de 
définir,  et  qui  commence  la  dernière  phase  de  la  musique 
moderne. 

Ces  réflexions  nous  ont  conduit  loin  de  l'ouvrage  dont 
Meyerbeer  vient  d'enrichir  la  scène  allemande  ;  elles  étaient 
cependant  le  préambule  nécessaire  au  jugement  que  nous  en 
voulons  porter. 

En  effet,  la  partition  du  Camii  en  Silésie  n'appartient  à 
aucune  école  et  dérive  de  toutes;  on  n'y  trouve  assurément 
aucun  plagiat  ni  réminiscence ,  cependant  tous  les  genres  et 
tous  les  styles  s'y  trouvent  réunis  et  habilement  tissés.  Ce  n'est 
pas  à  dire  pour  cela  qu'il  n'y  règne  pas  une  originalité  pi- 
quante, une  grande  variété  de  formes  et  d'idées;  cependant  on 
voit  que  l'auteur  parle  la  langue  de  Mozart ,  de  Haendul,  de 
Bach  et  de  Marcello.  Il  dirige  autrement  son  pinceau,  mais  il 
emploie  leurs  diverses  couleurs.  C'est  là  ce  qui  con.slituc 
l'écleciisnie. 

Le  premier  et  le  troisième  acte  ne  présentaient  aucune _ 


Je  ne  prétends  nullement  en  appeler  d'une  résolution  que  tout 
annonce  devoir  être  i»él)ranlable  :  peut-être  même  ne  le  vou- 
drais-je  pas.  Je  ne  vous  demande  pas  de  grâce,  mais  je  sais  qu'à 
votre  place  je  n'aurais  pas  aitcndu  qu'où  me  la  demandât  pour 
l'accorder.  Soyez  heureux ,  monsieur  le  comte  ;  soyez-le  autant 
que  je  l'ai  toujours  désiré  cl  que  je  le  désire  encore.  Que  le  sou- 
venir des  longues  années  que  nous  avons  passées  ensemble  ne 
trouble  pas  vos  nouvelles  félicités.  Puissicz-vous  ne  jamais  ren- 
contrer de  femme  d'une  humeur  plus  légère  que  la  mienne,  d'un 
caraclèrc  moins  sûr,  moins  dévoué  que  le  mien.  Je  ne  souhaite 
pas  que  vous  me  regrettiez  :  je  vous  prie  seulement  de  me  rendre 
justice,  lorsque  roccasion  s'en  présentera,  et  j'ai  bien  peur 
qu'elle  ne  se  présente  plus  tôt  que  vous  ne  le  croyez. 


LE  COMTE  DE  RÉVAL  A  CLOTILDE  B***. 

25  août. 
Grand  merci,  madame,  de  la  touchante  intention  qui  vous  a 
dicté  votre  lettre.  Je  me  regarderais  comme  un  ingrat  si  je  dou- 
tais un  seul  instant  de  la  sincérité  des  vœux  que' vous  formez 
pour  mon  bonheur.  Quoique  je  ne  dusse  guère  pi'attendre  à  des 
reproches  de  votre  part,  je  reconnais  ce  qu'il  y  a  de  k'gitime 
dans  quelques  uns  de  ceux  que  vous  m'adressez.  La  seule  chose 
à  laquelle  je  ne  puisse  me  montrer  infiuiment  sensible ,  c'est  le 
mérite  des  aveux  que  vous  voulez  bien  me  faire  relativement 
aux  causes  de  la  rupture  survenue  entre  nous.  A  ce  sujet  je  vous 
demanderai  la  permission  de  vous  raconter  une  petite  anecdote. 


que  j'ai  trouvée  dans  les  mémoires  d'un  grand  poète ,  et  qui  ne 
me  semble  pas  dépourvue  de  tout  intérêt. 

AllJeri,  le  fougueux  et  tendre  Alfieri ,  s'était  passionné  pour 
une  belle  dame  anglaise,  qui  de  son  côté  ne  l'avait  pas  désolé 
par  ses  rigueurs.  Pour  obtenir  d'elle  quelques  momeuts  d'un 
doux  têie-à-têie,  il  avait  commis  toutes  les  imprudences,  bravé 
tous  les  périls  que  peut  rêver  l'imagination  d'un  poëte  et  d'un 
.•>mant.  Dénoncé  au  mari ,  qui  était  officier  dans  la  garde  royale, 
il  avait  répondu  à  son  appel  et  s'était  presque  jeté  au-devant  de 
son  épée  dans  un  duel  sans  témoins  au  coucher  du  soleil ,  dans 
l'enceinte  de  Green-Park.  Lorsque  le  combat  eut  lien,  il  avait 
l'épaule  gauche  démise  par  suite  d'une  chute  de  cheval  :  il  en 
revint,  de  plus,  légèrement  blessé  au  bras  droit  ;  mais  en  revoyant 
celle  qu'il  adorait,  il  oublia  toutes  ses  souiTrances;  en  apprenant 
que  bientôt  elle  allait  reconquérir  sa  liberté  par  le  divorce ,  il  se 
regarda  comme  le  plus  heureux  des  hommes,  et  à  l'instant 
même,  il  promit  à  sa  maltresse  de  l'épouser,  moyennant  quoi 
elle  devait  être  aussi  la  plus  heureuse  des  femmes.  Cependant 
il  remarquait  sur  le  front  cliarmant  de  son  adorée  un  nuage  de 
tristesse  que  toutes  ses  protestations  ne  pouvaient  dissiper.  Il 
avait  beau  lui  jurer  que  rien  au  monde  ne  l'empêcherait  de  s'u- 
nir à  elle  et  de  consacrer  par  les  garanties  de  l'hymen  un  amour 
qui  s'était  formé  en  dehors  de  ses  saintes  lois,  la  dame  avait 
toujours  l'air  inquiet  et  défiant  :  des  larmes  s'échappaient  de  ses 
yeux,  en  même  temps  que  le  doute  errait  sur  ses  lèvres.  AlQeri 
s'impatientait  de  ces  symptômes  offensants,  dont  il  ne  pénétrait 
pas  la  secrète  origine.  Ënfîn,  au  bout  de  quelques  jours,  le  mot 


DE  PARIS. 


m 


silualion  forte,  aucune  passion  énergique.  II  fallait  se  borner 
à' être  gracieux,  distiiigui';,  mélodieux';  Mcyerbeer  aélé  tout 
cela.  Le  duo  du  premier  acte  entre  Conrad  el  Vieilka  est  un 
chef-d'œuvre  d'élégance  et  de  facture  ;  on  pourrait  désirer, 
comme  dans  quelques  autres  morceaux  de  l'ouvrage,  que  ce 
^luo  fût  un  peu  moins  développé,  et  nous  pensons  qu'il  aura 
été  possible  d'y  opérer  quelques  coupures  qui ,  h  la  scène 
surtout,  nous  paraissaient  nécessaires.  La  romance  de  Vieilka 
deviendra  populaire,  et  le  chant  des  bohémiens  accompagnant 
lin  solo  de  Vieilka  est  plein  d'originalité. 

Les  couplets  du  ténor,  servant  d'exposition  à  la  pièce,  sont 
d'un  effet  piquant  et  original. 

La  tin  du  premier  acte  est  complètement  admirable  :  Fré- 
dérJc-le-Grand  est  sur  le  point  de  tomber  au  pouvoir  de  l'en- 
nemi; le  capitaine  Saldorf,  viens  et  fidèle  serviteur,  essaie 
par  un  stratagème  de  sauver  le  roi  et  la  pairie,  et  revêtant  du 
manteau  royal  le  fiancé  de  sa  fille,  le  livre,  au  lieu  du  roi,  au 
capitaine  des  pandours.  Frédéric  lui-même  est  arrêté  ;  mais, 
se  faisant  passer  pour  un  joueur  de  (lûte  et  prouvant  son 
habileté  sur  cet  instrument ,  échappe  à  ses  ennemis.  Les  con- 
trastes qui  abondent  dans  cette  scène  ont  fourni  à  Meyerbeer 
des  éléments  d'effet  et  de  variété.  La  prière  fervente  que  Sal- 
dorf adresse  au  ciel  pour  le  roi  commence  cette  scène  finale, 
et  est  reproduite  après  en  actions  de  grâces  du  succès  ;  le 
solo  de  flûte  de  Frédéric-le-Grand,  le  quiproquo  dont  Conrad 
est  l'objet,  Tanxiétc  de  Saldorf,  la  joie  et  les  accents  bruyants 
des  pandours,  tout  cela  forme  un  tableau  délicieux,  rehaussé 
par  l'intérêt  soutenu  de  la  musique. 

Au  deuxième  acte,  on  nous  donne  en  spectacle  le  tumulte 
des  camps,  les  apprêts  d'une  bataille,  l'insouciance  et  les 
ébats  joyeux  des  soldats;  c'est  tout  ce  qu'il  y  a  dans  cet  acte, 
absolument  vide  d'action  et  dénué  d'intérêt  dramatique. 
Meyerbeer  a  tracé  de  main  de  maître  cette  esquisse  de  la  vie 
miUtaire.  Les  deux  chansons  des  soldats  qui  commencent  cet 
acte  sont  destinées  à  une  popularité  européenne  ;  la  marche 
finale  ])our  quatre  chœurs  et  quatre  orchestres  différents 
est  une  œuvre  gigantesque. 

Au  troisième  acte,  si  on  excepte  la  musique  de  circon- 


stance destinée  h  accompagner  les  tableaux  allégoriques ,  on 
ne  peut  citer  que  le  solo  de  Vieilka  concertant  avec  deux 
flûtes  et  qui  est  d'un  goût  exquis,  et  le  charmant  trio  qui, 
termine  cet  acte.  La  musique  qui  accompagne  les  tableaux 
allégoriques  est  fort  riche  sous  le  rapport  de  l'invention,  et 
on  y  remarque  plusieurs  mélodies  très  originales. 

Nous  regrettons  de  n'avoir  pu  ,  par  une  lecture  atlcnlivc 
de  la  partition,  analyser  avec  détail  les  beautés  dont  cet  ou- 
vrage fourmille;  nous  regrettons  encore  plus  vivement  que 
Meyerbeer  ait  voulu  donner  au  public  berlinois  les  prémices 
de  cet  ouvrage,  car  l'auteur  des  fliiguenois  n'est  et  ne  peut 
plus  être  qu'un  compositeur  français.  Qu'il  se  hâte  donc  de 
revenir  en  France  pour  y  recueillir  les  applaudissements  et 
les  couronnes  que  décerne  le  public-roi  dont  l'opinion  gou- 
verne le  inonde ,  et  dont  la  pui.ssance  va  jusqu'à  forcer  les 
habitants  de  Berlin,  de  Vienne,  de  Madrid,  de  Saint-Péters- 
bourg à  s'habiller  comme  il  s'habille,  se  coiffer  comme  il  se 
coiffe,  se  chausser  comme  il  se  chausse.  Heureusement  qu'en 
fait  d'art  et  de  goût  ce  despotisme  s'exerce  presque  toujours 
d'une  manière  judicieuse  et  sensée.  Les  succès  obtenus  par 
Meyerbeer  sur  notre  première  scène  lyrique  eu  sont  la  preuve. 

Je  remplirais  bien  incomplètement  ma  tâche,  si  je  ne  parlais 
pas  de  l'exécution  de  cet  opéra  et  surtout  de  l'exécution  des 
chœurs.  On  n'a  pas  la  moindre  idée  en  France  d'un  tel  en- 
semble, d'une  telle  justesse,  d'une  telle  perfection.  Les  cho- 
ristes de  Paris  (c'est  triste  à  dire)  dinenl  de  l'aulel  et  soiipent 
du  Ihéâlre.  Après  avoir  chanté  dans  les  églises  plusieurs 
offices-chaque  jour ,  ils  montent  sur  les  planches ,  où  leurs 
voix  enrouées  ,  fatiguées,  leur  altenlion  distraite,  neprodui- 
smt  ti'op  souvent  que  des  cris  inhumains.  Cet  état  de  choses 
ira  de  mal  en  pis  si  le  gouvernement  ne  prend  pas  des  mesures 
sérieuses  pour  propager  en  France  l'élude  du  chant  en  chœur. 
D'une  part ,  et  ce  sera  bientôt ,  les  églises  seront  dans  l'im- 
possibilité de  réunir  et  do  payer  des  chantres  pour  l'exécution 
des  offices  ;  de  l'autre,  les  théâtres  n'auront  plus  que  des 
choristes  étrangers  à  l'étude  de  la  musique,  et  auxquels  on 
apprendra  par  cœur  et  h  grand'peine  la  partie  qu'ils  doivent 
exécuter,  musique  de  perroquets,  bonne  tout  au  plus  pour 


de  rénigiue  lui  fut  révélé.  La  dame  vint  lui  avouer,  avec  redou- 
blement de  soupirs  et  de  sanglots ,  qu'elle  savait  bien  qu'il  ne 
l'cpouscrait  jamais,  parce  qu'avant  de  l'aimer  elle  en  avait  aimé 
uu  aulre.  —  Et  qui  donc  ?  s'écria  impétueusement  le  poëte.  —  Un 
jockey,  reprit  la  dume ,  qui  élalt  et  qui  est  encore  au  service  de 
mon  mari. 

Jo  n'essaierai  pas  de  vous  peindre  l'indignation  d'Alfieii,  en 
apprenant  de  la  bouche  même  de  sa  maîtresse  les  détails  d'une 
intimité  qui  la  dépouillait  de  lous  ses  prestiges  et  la  reléguait 
dans  la  classe  des  plus  viles  créatures  de  son  sexe.  CcpendanI,  en 
faveur  de  cet  aveu  spontané,  il  scniit  sou  indignation  fléchir; 
il  lui  déclara  qu'il  aurait  le  courage  de  ne  pas  l'abandonner  et 
d'aller  vivre  avec  elle  dans  quelque  coin  obscur  d'Europe  ou  d'A- 
mérique, où  ils  cacheraient  lous  deux  leur  infamie.  Mais  que 
devinl-il ,  lorsque  le  lendemain  il  trouva  sur  sa  table  un  des 
nombreux  journaux  qui  se  publient  à  Londres ,  et  dans  lequel 
toute  l'histoire  de  ses  amours  était  racontée  avec  les  noms  pro- 
pres, y  compris  le  ridicule  épisode  du  jockey,  son  rival!  Il  faillit 
tomber  mort  en  lisant  cet  ;irlicle  et  en  reconnaissant  que  sa 
perfide  maîtresse  ne  lui  avait  «pon/anémeîjt  avoué  que  ce  dont 
le  journaliste  avait  déjà  régalé  ses  lecteurs. 

Est-il  besoin  de  tirer  la  morale  du  petit  récit  qui  précède?  Je 
me  garderai  sans  doute  de  vous  comparer,  quant  aux  mœurs,  à 
la  maîtresse  d'Alfieri;  mais,  quanta  la  franchise,  je  vous  trouve 
à  peu  de  chose  près  de  même  force;  votre  aveu  me  paraît  digue 
de  l'autre  ;  vous  me  permettrez  donc  de  ne  vous  en  savoir  aucun 
gré.  Si  les  journaux  de  Paris  n'ont  pas  instruit  le  public  des  par- 


ticularilés  qui  nous  concernent,  c'est  qu'ils  avaient  autre  chose  à 
faire;  sans  quoi,  j'aurais  pu  leur  fournir  la  matière  de  quelques 
articles  assez  piquants.  Ce  n'est  ni  par  vous  ni  par  la  voie  de  la 
presse  que  j'ai  su  à  quoi  m'en  tenir  sur  le  rôle  que  je  jouais  :  j'ai 
pensé  qu'il  était  temps  d'en  changer,  justement  pour  prévenir 
le  scandale  :  si  je  n'ai  pas  jugé  à  propos  de  vous  en  avertir,  ni 
de  vous  consulter,  ne  vous  en  prenez  qu'à  vous-même.  La  con- 
fiance ne  se  commande  pas ,  et  vous  n'aviez  plus  rien  de  ce  qu'il 
faut  pour  m'en  inspirer. 

CLOTILDE  B'**'*  A  ESTHER  SAUNIER. 

P.ri>  ,  30  aciit. 
C'en  est  fait,  chèie  amie:  j'ai  décidément  rompu  avec  le 
comte.  Je  lui  avais  écrit  ma  lettre  très  convenable  :  il  ne  m'a  ré- 
pondu que  des  impertinences,  et  pourtant  j'ai  peine  à  croire  qu'il 
ne  m'aime  plus  du  tout.  Je  ne  sais  quelle  terre  il  habite  :  ses 
amis  n'en  savent  rien  non  plus,  el  je  les  crois  sincères.  M'a-t-il 
quittée  seulement  par  amour-propre  ou  bien  par  amour  pour 
une  autre  femme?  c'est  ce  que  j'ignore,  el  en  vérité  je  serais 
bien  bonne  de  m'en  inquiéter.  Je  ne  veux  plus  m'occuper  que 
de  mon  art ,  que  du  théâtre ,  et  puis  n'ai-je  pas  Gaston  pour  me 
consoler?  Il  ne  se  doute  de  rien,  le  pauvre  enfant!  il  ne  soup- 
çonne pas  ce  qu'il  me  coule.  En  voilà  un  du  moins  sur  qui  je 
puis  compter,  comme  je  compte  sur  loi,  que  j'ai  eu  si  peu  le 
temps  de  voir  à  Ijordeaux.  É';ris-moi  le  plus  tôt  et  le  plus  sou- 
vent possible  :  quel  dommage  que  dans  tes  lettres  tu  ne  puisses 
pas  m'envoyer  quelques  sons  ravissants  de  ta  voix! 

La  suite  au  prochain  jiuméro.  Paul  Smith, 


622 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


les  forêts  de  l'Amérique ,  et  indigne  d'un  pays  civilisé.  En 
Prusse,  c'est  honteux  à  dire  pour  la  France  ,  mais  c'est  vrai , 
tout  le  monde  apprend  la  musique  dans  les  écoles  :  aussi  en- 
tend-on dans  les  églises  des  chœurs  harmonieux,  et  au  théâtre 
une  exécution  parfaite.  Il  faut  ajouter  que  les  choristes  sont 
d'une  tenue  grave  ,  attentive  ,  qu'ils  ne  rient  pas  avec  leurs 
voisins  et  voisines,  qu'ils  n'ouvrent  pas  la  bouche  en  faisaut 
semblant  de  chanter,  comme  j'ai  vu  faire  autrefois  à  l'Opéra 
de  Paris.  Il  est  vrai  qu'il  y  a  longtemps  que  je  n'y  vais  plus  : 
peut-être  les  choses  ont-elles  changé  depuis  lors. 

J'ai  aussi  entendu  à  Berlin,  dans  un  salon,  une  cantatrice, 
M"'  Lindt,  que  je  crois  destinée  à  obtenir  à  Paris  les  plus 
grands  et  les  pins  légitimes  triomphes.  M"°  Sontag ,  dans 
toute  sa  gloire,  n'était  pas  plus  admirable  que  cette  jeune 
artiste  au  début  de  sa  carrière. 

La  direction  de  l'Opéra  se  hâtera  sans  doute  d'appeler  h 
elle  ce  secours  inattendu,  ce  talent  si  nécessaire;  avec 
M""  Lindt  et  le  Prophète ,  on  peut  prédire  à  l'Opéra  de  beaux 
jours. 

F.  DANJor. 


A  M.  LE 


DE  LA  GAZETTE  JIOSICAli. 

Bruielies  ,  7  décembre  1844. 


Vous  désirez,  monsieur,  que  je  ne  laisse  pas  sans  réponse 
les  soi-disant  réfutations  de  mon  dernier  article  sur  le  contre- 
point, qui  ont  été  publiées  dans  le  numéro  û8  de  la  France 
musicale .-  mais  à  quoi  répondrais-je?  Serait-ce  au  préambule 
signé  la  rédaction,  où  l'on  déclare  que  la  nécessité  de  main- 
tenir la  vérité  et  de  combattre  le  paradoxe ,  impose  le  devoir 
d'en  finir  avec  les  opinions  inadmissibles  que  je  me  plais  de- 
puis quelque  temps  h  lancer  dans  le  public?  Je  ne  crois  pas 
avoir  à  faire  de  réponse  à  cela  ,  car  tout  le  monde  sait  bien, 
hors  la  rédaction  de  la  France  musicale ,  que  les  opinions 
émises  dans  mon  dernier  travail  sont  celles  de  loule  ma  vie; 
qu'elles  ont  été  le  principe  de  mes  concerts  hisloriques;  que 
j'en  ai  exposé  les  doctrines  dans  les  discours  écrits  pour  ces 
concerts,  il  y  a  douze  ans,  ainsi  que  dans  mon  cours  de  la 
philosophie  de  la  musique,  fait  à  la  même  époque;  que  cer- 
tains journaux  de  Paris  m'oni  alors  objecté  les  mêmes  pau- 
vretés qu'on  m'oppose  aujourd'hui,  et  que  je  les  ai  réduits  au 
silence  par  les  articles  que  j'ai  publiés  dans  le  journal  le 
Temps;  enfin,  que  ces  articles,  les  analyses  de  mon  cours, 
et  les  discours  de  mes  concerts  ont  été  traduits  alors  dans  les 
journaux  de  musique  et  da.s  quelques  recueils  scientifiques 
et  littéraires  de  l'Allemagne,  de  l'Italie  et  de  l'Angleterre, 
avec  des  témoignages  d'enthousiasme  pour  une  idée  régéné- 
ratrice, dont  le  but  est  le  culte  de  l'art  sous  toutes  ses  formes. 
Tout  le  monde,  dis-je,  sait  cela.  D'ailleurs,  la  note  de  la 
rédaction  de  la  France  musicale  est  une  de  ces  phrases  à 
effet,  en  usage  dans  les  journaux  de  noire  temps,  et  que 
chacun  prend  pour  ce  qu'elles  sont.  En  écrivant  les  mots  de 
paradoxe  et  de  vérité,  cette  rédaction  ne  s'est  pas  mise  en 
peine  de  la  justesse  de  leur  application  (1). 

Je  ne  puis  non  plus  répondre  à  M.  Zimmerman,  qui,  sans 
entrer  au  fond  de  la  question,  se  borne  à  opposer  à  ce  que 


(I)  J'avais  écrit  à  M.  Troupenas,  en  1838,  une  longue  Icltre  con- 
cernant les  principes  de  la  philosophie  et  de  la  théorie  de  la  musi- 
que. Par  une  lettre  remplie  d'expressions  admirativcs,  la  rédaction 
de  la  France  musicale  me  demanda  l'aulorisalion  de  publier  cet  écrit; 
des  raisons  particulières  ne  me  permirent  pas  de  l'accorder.  Or,  les 
principes  répandus  dans  cet  écrit  sont  précisément  les  mêmes  que 
ceux  qui  paraissent  inadmissibles  aujourd'hui  ! 


j'ai  écrit  dans  un  endroit  ce  qu'il  a  dit  dans  un  autre.  Il  ré- 
sulte seulement  de  ce  qu'il  a  publié  dans  le  numéro  Ut  de  la 
France  musicale  qu'il  a  des  principes  différents  des  miens  en 
théorie,  chose  connue  maintenant  de  tous  les  musiciens,  et 
que  je  n'ai  certainement  pas  le  droit  d'improuver.  Vous  voyez 
qu'une  réponse  est  encore  inutile  à  ce  sujet. 

A  l'égard  de  la  diatribe  de  ce  M.  Azevedo,  dont  l'outrecui-' 
dance  a  révolté  vos  amis  et  les  miens ,  de  pareilles  imperti- 
nences ne  méritent  pas  qu'on  y  réponde,  car  celui  qui  écrit 
de  ce  ton,  fait  juger  à  la  fois  de  son  éducation  et  de  ses  doc- 
trines par  son  style.  D'ailleurs,  je  l'ai  déjà  dit  dans  une  de 
mes  lettres  à  M.  Zimmerman ,  ce  monsieur  ne  comprend  ja- 
mais ce  qu'il  lit  :  vous  trouverez  des  preuves  multipliées  de 
cette  vérité  dans  le  beau  morceau  sorti  de  sa  plume,  Par 
exemple,  j'avais  dit  dans  la  conclusion  de  mon  article  sur  le 
contre-point  qu'il  n'en  est  pas  de  l'art,  où  l'idée  et  le  senti- 
ment sont  d'inspiration,  comme  des  sciences,  où  des  con- 
naissances nouvelles  s'ajoutent  à  des  connaissances  acquises, 
et  marquent  conséquemment  le  progrès  :  vous  croyez  peut- 
cire  que  l'homme  en  question  va  me  prouver  que  l'inspira- 
tion du  beau  s'accroît  avec  le  temps,  et  qu'elle  produit  de 
plus  belles  choses  dans  la  tète  des  compositeurs  actuels  que 
dans  celle  de  Mozart?  Point  du  tout;  il  prend  son  argument 
dans  les  sciences ,  et  m'oppose  le  premier  homme ,  mis  en 
parallèle  avec  Leibnitz  et  Newton ,  qui  prouvent  précisément 
la  justesse  inattaquable  de  ma  distinction;  car  Leibnitz  n'eût 
point  inventé  le  calcul  différentiel,  si  Descartes  ne  lui  en  eût 
fourni  l'instrument  dans  la  découverte  de  l'application  de 
l'algèbre  h  la  géométrie,  et  >fewton  n'eût  pas  trouvé  la  gravi- 
tation universelle,  si  les  quatre  lois  fondamentales  de  l'astro- 
nomie moderne  n'eussent  été  données  auparavant  par  Kep- 
pler ,  qui  les  aurait  certainement  ignorées  s'il  n'eût  eu  pour 
prédécesseurs  Copernic  et  Tycho-Brahé  ;  tandis  que  la  créa- 
tion d'une  phrase  de  mélodie  vraiment  originale  n'a  rien  de 
commun  avec  les  mélodies  qui  l'ont  précédée. 

La  même  perspicacité,  le  même  jugement,  se  montrent 
partout  dans  le  nouvel  écrit  de  ce  monsieur;  mais  à  quoi  bon 
lui  démontrer  ses  aberrations?  En  supposant  qu'il  comprît 
la  démonstration,  et  qu'il  en  fût  al  ter  ré,  comme  il  disait  naï- 
vement dans  sa  prétendue  réponse  à  ma  première  lettre  con- 
cei'nant  ses  erreurs,  il  ferait  ce  qu'il  fit  dans  cette  occasion, 
c'est-à-dire  qu'il  se  tairait  sur  sa  déconvenue,  et  parlerait 
d'autre  chose,  sauf  à  user  derechef  de  la  même  manœuvre 
s'il  n'était  pas  plus  heureux.  Avec  les  hommesde  cette  trempe, 
il  n'y  a  ni  examen  sérieux  ni  discussion  approfondie  à  espé- 
rer, et  conséquemment  il  ne  faut  pas  leur  répondre. 

Au  surplus,  monsieur,  mes  doctrines  contre  la  perfec'ibl- 
hté  du  génie  des  arts,  c'est-à-dire,  de  l'inspiration  et  du  sen- 
timent ,  par  les  progrès  sociaux  ,  n'ont  pas  besoin  d'être  dé- 
fendues :  les  faits  répondent  victorieusement  pour  moi. 
Homère  n'appartient-il  pas  à  l'enfance  de  la  Grèce?  Le  Dante 
n'a-t-il  pas  inventé  sa  merveilleuse  épopée  apocalyptique  au 
milieu  de  la  barbarie  du  xiii"  siècle?  Cependant  ces  poètes 
ont  fourni  des  types,  des  idées  et  des  images  aux  poètes  de 
tousles  temps ,  et  nul  ne  peut  leur  être  comparé  pour  la  puis- 
sance d'invention.  Quel  peintre  moderne  égale  Raphaël,  ce 
peintre  du  xv"  siècle,  dans  la  beauté  idéale,  la  grâce,  l'ex- 
pression variée ,  la  simplicité ,  le  grandiose  ?  Or ,  ces  qualités, 
c'est  l'art  dans  ce  qu'il  a  de  plus  élevé  !  Si  la  peinture  avait 
progressé  depuis  le  temps  où  vécut  ce  grand  homme ,  nos 
jeunes  artistes  seraient-ils  frappés  d'étourdissement  et  de 
stupeur ,  dès  leur  arrivée  à  Rome ,  à  la  vue  de  la  multitude 
d'œuvres  sublimes  enfantées  par  un  homme  mort  depuis  trois 
cent  cinquante  ans  ?  Et  pense-t-on  que  la  musique ,  cet  arte 


SUPPLEMENT. 


SUPPLEMENT. 


DE  PARTS. 


i23 


principe,  comme  rappelle  Gioberti ,  ne  d«5pehde  pas  plus  '■ 
eûcbre  de  la  création  spontanée ,  de  l'inspiration  libre,  qui 
n'ont  rien  à  faire  du  progrès  et  de  la  civilisation?  Cef  art  se 
transforme  et  ne  progresse  paS;  à  moins  qu'on  n'appelle 
progrès  certaines  formules  et  certaines  ressources  matérielles 
qui  s'y  ajoutent  incessamment ,  et  qui  ne  sont  que  les  acces- 
soires de  l'invention  de  l'artiste ,  Comme  la  fidélité  du  cos- 
tume <!t  l'exécution  parfaite  des  étoffes  et  des  ornements, 
ajoutés  par  les  peintres  modernes  h  leur  art,  sont  les  acces- 
soires de  la  peinture.  Ainsi  que  je  l'ai  dit  en  plusieurs  en- 
droits ,  les  transformations  possibles  de  la  musique  approchent 
dé  l'infini,  parce  que  les  combiuaisons  des  sons,  sous  les 
rapports  de  tonalité,  de  rhythme,  de  timbre  et  d'intensité, 
sont  en  quelque  sorte  inépuisables;  ce  qui  prouve  en  quel 
état  est  le  bon  sens  de  M.  Azevedo  lorsqu'il  m'accuse  de  con- 
duire, par  mes  opinions,  au  fatalisme  mahométan  et  àl'im- 
uiobilisme  chinois. 

Mes  doctrines,  je  le  répète ,  n'ont  pas  besoin  d'être  défen- 
dues, car  elles  sont  les  conséquencesnécessaires  des  doctri- 
nes idéalistes  de  l'antiquité  et  des  temps  modernes;  elles  ont 
pour  appui  les  hommes  les  plus  illustres  parmi  ceux  qui  en 
ont  été  les  chefs ,  depuis  salut  Augustin  jusqu'à  iMalebrân- 
che,  depuis  Leibnitz  jusqu'à  M.  de  Schelling,  depuis  Des- 
cartes jusqu'à  M.  Cousin,  enfin  depuis  Fardella  jusqu'à 
51.  Gioberti.  Elles  ne  trouvent  d'adversaires  que  parmi  les 
phrénologues  et  les  sensualisles.  Ce  même  Gioberti ,  le  pre- 
mier philosophe  de  l'Italie  et  l'écrivain  le  plus  harmonieux, 
le  dialecticien  le  plus  habile  de  l'époque  actuelle  ,  a  merveil- 
leusement combattu  la  doctrine  progressiste  du  beau  artistique 
dans  ses  Eléments  de  philosophie  esthétique  (l);ïîerder, 
dans  sa  CaHigone;  Jacobi ,  philosophe  sentimental  et  reli- 
gieux ,  dans  ses  romans  philosophiques;  M.  Ferdinand  Haud, 
dans  son  Esthétique  de  la  musique  (2) ,  ne  se  sont  pas  mon- 
trés moins  ardents  adversaires  de  cette  doctrine  matérielle  ; 
enfin,  l'illustre  Thibaut,  lumière  de  l'université  de  Heidel- 
berg ,  etl'une  des  plus  puissantes  intelligences  de  l'Allemagne, 
après  avoir  établi ,  dans  son  livre  sur  la  pureté  de  la  musi- 
que (3),  que  le  sentiment  de  l'art  est  une  émanation  divine 
qui,  dans  tous  les  temps,  a  la  même  puissance,  m'a  écrit, 
peu  de  temps  avant  sa  inurt,  une  longue  lettre  de  félicitation 
sur  les  tendances  élevées  des  théories  musicales  que  je  cher- 
che à  faire  prévaloir  en  France  et  dans  ma  patrie  :  cette  lettre 
a  été  publiée  dans  plusieurs  journaux  allemands,  et  M.  Specht 
en  a  donné  une  traduction  dans  sa  notice  nécrologique  sur  cet 
homme  célèbre  (i).  On  y  voit  qu'il  avait  prévu  les  attaques 
auxquelles  je  suis  en  butte  : 

CI  Lorsque  vous  publierez  votre  Philosophie  de  la  musique 
1)  (dit-il) ,  vous  devez  vous  attendre  à  voir  tomber  les  plus 
»  beaux  germes  de  votre  pensée  sur  une  terre  aride.  Peu  de 
1)  gens  vous  comprendront,  et  parmi  ceux-ci,  les  plus  avisés 
11  feindront  de  ne  pas  vous  entendre.  » 

Thibaut  avait  raison;  mais  qu'importe?  Je  relis  en  ce 
moment  les  lettres  de  Descartes,  et  j'y  vois  que  les  Azevedo 
de  son  temps  s'étaient  acharnés  après  lui  par  douzaines  :  loin 
de  s'en  décourager,  ce  grand  homme  montre,  en  cent  en- 
droits de  sa  correspondance,  un  dédain  profond  pour  leurs 
réfutations  prétendues  de  ses  idées.  Si  je  n'ai  son  génie,  j'au- 
rai du  moins  sa  sagesse.    Agréez  ,  etc. 

FÉTis  père. 
Directeur  du  Conservatoire  de  Bruxelles. 

(i)  Del  Bello,  Melinc,  Caris  elC"-,  Brusclles,  1843,  in-8. 

(2)  Aesthclili  dur  yor/î«»si.  leipS^ck,  1837-1841,  2  vol.  in-8. 

(3)  UeberJteinlieilder  Tontinnsl.  Hcidelberg,  1826,  in-8. 

J4)  Hevue  et  Gazelle  musicale  de  Paris,  1840,  n"  37,  p.  314-3IC. 


yxîâftdJ  «s  W'  Élise  d'Eicbllial. —  M.  Charles  Daiicla.  —    >  ''O'^"»' 
Société  de  bfèiifàisatice  des  amaileurs  allemanils.- — M.  Montai. — 51.  Yaii  Nule|î 
—M.  etM'M'eny.  j'   . 

Le  voilà  revenu  ce  temps  d'exbibilion  de  fantaisies,  de  va- 
riations ,  de  cavatines ,  de  romances  et  de  chansonnettes,  qui 
témoigne  que  l'art  musical  est  endémique  en  France.  Nous 
avons  cru  que  ce  n'était  qu'une  mode;  mais  la  musique  est 
maintenant  inhérente  à  l'éducation  de  toutes  les  classes  de  la 
société;  et  nous  pourrions  bien,  dans  la  saison  musicale  qui 
se  prépare,  avoir  à  rendre  compte  à  nos  lecteurs  d'une  demi- 
douzaine  de  concerts  donnés  simultanément  le  même  jouf 
dans  quelque  maison  à  cinq  étages ,  y  compris ,  par  consé- 
quent, la  soirée  musicale  du  portier.  En  attendant  ce  résiiltâ^ 
de  la  mission  d'observateur  consciencieux  des  bonnes  et  belles 
choses,  ou,  si  l'on  veut,  du  travers  musical  de  ce  temps,  nous 
nous  féhcitons  d'avoir  à  «ignaler  la  venue  en  France  d'une 
harpiste  de  taletit.  La  harpe,  ce  bel  instrirment  sur  lequel  le 
roi  David  jouait  de  si  jolies  fantaisies  devant  l'Arche  d'al- 
liance ;  la  harpe,  que  jiorte  sur  son  étendard  la  verte  Érin,  la 
malheureuse  Irlande,  et  qui  murmure  depuis  si  longtemps  des 
hymnes  deliberté;  la  harpe,  qu'ont  portée  à  un  si  haut  degré 
de  perfection  le  vicomte  de  Marin,  Nadermann ,  îBochsa  , 
Labarre  et  M"°  Bertrand ,  et  qui  est  menacée  de  rètombei' 
dans  l'oubli,  a  trouvé  un  nouvel  interprète  dans  M"'"' ÉliJse 
d'Eichlhal.  Cette  habile  instrumentiste  s'est  fait  entendre 
samedi  passé  dans  les.  salons  de  l'hôiel  de  Larochefoucauid 
d'Estissac,  rue  Saint-Dominique,  chez  M"''  h  comtesse  Razu-i 
mofsky,  et  y  a  donné  des  preuves  d'un  talent,  si  non  vigoùS:- 
reux,  du  moins  plein  de  grâce  et  de  suavité.  La  harpe,  som 
les  doigts  de  M"' Elise  d'Eichthal,  est  mystérieuse,  vaporeuse; 
c'est  la  harpe  éolienne  qui  invite  aux  douces  rêveries.  L'au- 
ditoire s'y  est  abandonné  avec  d'autant  plus  de  plaisir  que 
M.  Cosmann  est  venu  dire  sur  son  violoncelle  impression- 
nant deux  mélodies  de  Schubert,  laSérénade  et  VAve  Meri&i 
accompagnées  d'une  manière  aérienne  et  délicieuse  par  la 
harpe  de  iM™"  d'Eichlhal.  ■  ii'j 

Si  l'auditoire  qui  s'était  rendu  à  l'-invitation  de  celte -viis^ 
tuose  était  des  plus  distingués,  on  peut  dire  aussi  que  l'art  qtii 
se  manifestait  là  n'était  pas  moins  aristocratique ,  puisque 
M"'"  Damoreau  nous  a  fait  entendre  un  morceau  de  Rossini  et 
un  air  français.  C'est  toujours  la  même  pureté  de  style  ,  ce 
goiît  si  distingué,  cette  sûreté  imperturbable  d'intonation,  ce 
fini,  celte  égalité  ,  cette  grâce  de  vocahsatioil ,  qui  font  de 
M""  Damoreau  la  première  cantatrice  de  l'Europe.  Et  main- 
tenant, de  cette  séance  aristocratique,  passons  à  la  manifesta- 
tion simplement  artistique.,  à  la  matinée  musicale  donnée  le 
lendemain  par  M.  Charles  Dancla  et  ses  deux  frères,  chez  le 
facteur  de  pianos  M.  Duport.  On  y  a  dit  un  quatuor  potir 
deux  violons,  alto  et  basse,  un  trio  pour  piano,  violon  et  vio- 
loncelle ,  et  un  autre  quatuor  également  pour  deux  violons, 
alto  et  basse  ,  de  la  composition  de  M.  Charles  Dancla.  Le 
monde  artiste  sait  que,  comme  exécutant  et  compositeur, 
M.  Dancla  honore  l'école  française  ;  mais  c'est  une  chose 
qu'd  nous  est  bon,  utile,  et  qu'il  nous  est  agréable  de  répé- 
ter :  ses  quatuors  sont  d'un  style  pur,  classique  et  dans  la  ma- 
nière des  grands  maîtres,  si  l'on  veut  biea  nous  accorder  qu'il 
y  ait  des  grands  maîtres  en  dehors  de  le  fantaisie  et  de  la  di- 
vagation romantique,  cl  de  par  la  fugue  et  le  bon  savoir. 

—  Sous  la  direction  de  M.  Slern  ,  la  Sociité  allemande  de 
bienfaisance,  composée  en  grande  partie  d'amateurs,  a  donné 
une  matinée  musicale  dans  les  salons  de  M.  Pleyel  dimanche 


424 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


dernier.  Divers  morceaux  de  chant  d'ensemble  ont  été  dits 
avec  cette  précision ,  ce  sentiment  des  nuances  et  cette  jus- 
tesse qui  sont  choses  naturelles  aux  Allemands  exécutant  de 
la  musique  chorale.  Bien  que  M""  Elise  Eichthal ,  dont  nous 
ayons  parlé  plus  haut,  se  soit  associée  avec  d'autres  instru- 
mentistes à  cette  bonne  œuvre,  la  musique  vocale  a  eu  la  su- 
périorité dans  cette  séance,  où  nos  professeurs  de  chant  d'en* 
semble,  de  quelque  établissement  musical  que  ce  soit,  auraient 
pu  venir  prendre  une  bonne  leçon.  Si  les  exécutants  sont  so- 
lides, imperturbables  sur  la  mesure  ,  l'auteur  du  programme 
n'a  pas  montré  autant  de  mesure  dans  ses  fonctions  ;  il  s'est 
montré  si  libéral  de  morceaux,  que  quelques  uns  n'ont  pu 
être  exécutés,  vu  l'heure  avancée  qui  faisait  souvenir  à  la 
plupart  des  auditeurs  que  le  moment  du  dîner  était  venu. 
Cela  n'a  pas  empêché  cette  séance  d'être  une  bonne  et  belle 
œuvre  de  bienfaisance  et  d'art,  et  qui  a  provoqué  les  fréquents 
et  triples  applaudissemens  de  l'esprit ,  du  cœur  et  des  mains 
de  chaque  auditeur. 

—  M.  Montai,  l'un  des  plus  clairvoyants  facteurs  de  piano 
que  nous  ayons,  un  de  ceux  qui  remontent  le  mieux  des  cau- 
ses aux  effets  d'acoustique  par  l'esprit  d'analyse ,  a  donné 
aussi  une  fort  jolie  matinée  musicale,  il  y   a  quelques  jours, 
dans  les  salons  de  son  établissement,  rue  Dauphine.  Ses  pia- 
nos droits  de  concert  ont  étonné  les  amateurs  les  plus  difficiles 
par  la  puissance  de  leur  sonorité,  rivalisant  les  pianos  à  queue, 
embarrassants  souvent  daus  certains  appartements  qui  n'ont 
•pas la  prétention  d'être  princiers.  Vibration  pure  et  parfaite, 
égalité  des  sons,  moyen  de  passer,  par  un  mécanisme  ingé- 
nieux, au  piano  au  forte  et  vice  versa ,  tels  sont  les  avantages, 
avec  beaucoup  d'autres  qu'il  serait  trop  long  de  détailler  ici, 
qu'offrent  lesinstrumentsdeM.Montal.  Ces  qualités  incontes- 
tables ont  pu  être  appréciées  dans  une  fantaisie  à  quatre 
mains  sur  le  Domino  noir,  et  un  duo  pour  deux  pianos  sur 
un  thème  des  Mtjstères  d'Isis  ,   exécutés  par  M.  Philippot  et 
M"=  Dielte,  tous  deux  premiers  prix  du  Conservatoire,  \8kl). 
jyjue  Verney,  également  premier  prix  de  harpe  de  la  même 
année  ,  a  dit   un   solo   de   manière  à  se  faire  applaudir. 
MW.  Grosjean,  Duhamel,  Huet  etBeaudillon  se  sont  distin- 
gués, le  premier  sur  la  clarinette  ,  le  second  sur  le  violon,  et 
les  deux  autres  par  leur  bonne  manière  de  chanter.  En  fait  de 
chant.  M""  Henry,  ex-élève  du  Conservatoire,  et  qui  vient  de 
parfaire  son  éducation  musicale  en  Italie ,  où  elle  a  obtenu  de 
brillants  succès  ;  M""  Henry,  qui  possède  une  voix  des  plus 
étendues,  a  chanté,  dans  cette  séance,  de  façon  à  se'.faire  juste- 
ment applaudir,  de  jolies  romances,  une  cavatine  des  Hugue- 
nols  et  un  air  de  liobert-le- Diable,  qui  ont  pu  faire  appré- 
cier la  juste  expression  et  la  brillante  audace  de  sa  vocalisa- 
tion. Soit  qu'elle  se  produise  au  théâtre  ou  dans  les  concerts 
de  la  saison,  elle  y  recueillera  certainement  des  suffrages  qui 
ne  seront  qu'un  écho  de  ceux  qu'elle  a  provoqués  en  Italie. 

—  Et  puisque  nous  venons  de  parler  des  preiuiers  prix 
décernés  par  le  plus  grand  établissement  musical  de  France 
qui  vont  fructifier  à  l'étranger,  nous  citerons  un  enseigne- 
ment plus  modeste,  celui  de  M.  Van  Nuffel,  qui  forme  de 
charmantes  petites  pianistes,  depuis  huit  ans  jusqu'à  seize, 
pouvant  rivaliser  celles  du  Conservatoire.  Dans  la  matinée 
musicale  parternelle  et  maternelle  que  M.  Van  Nuffel  a  donnée 
lundi  dernier  à  l'Athénée  des  familles  ,  rue  de  Monsigny,  on 
a  pu  se  convaincre  que  sa  méthode  d'enseigner  le  piano  col- 
lectivement est  excellente  et  produit  les  meilleurs  résultats. 
Le  premier  morceau  à  douze  mains  pour  trois  pianos,  sur  des 
motifs  du  Comte  Ory,  a  été  dit  par  les  petites  élèves  de 
M.  Van  Nuffel,  avec  un  ensemble  parfait  et  des  nuances  qu'on 
était  loin  d'attendre  d'exécutantes  de  cet  âge.  Après  plusieurs 


morceaux  de  ce  genre  et  un  petit  duo  à  quatre  mains  ,  dit 
par  le  fils  de  l'habile  et  patient  professeur,  et  une  virtuose  de 
cinq  ou  six  ans.  M"''  Lucile  Lohner,  qui  n'a  pas  encore  seize 
ans  et  qui  se  destine  au  professorat,  a  exécuté  la  fantaisie  de 
Prudent,  sur  la  Lucia,  de  manière  à  rivaliser  les  maîtres. 
Netteté ,  fermeté ,  exjiression  profondément  sentie  et  allant 
jusqu'à  la  vibration  rubinienne,  tout  promet  que  cette  jeune 
virtuose  doit  devenir  une  grande  artiste  ;  et  son  exécution 
brillante  a  prouvé  que  si  M.  Van  Nuffel  excelle  à  commencer 
l'éducation  des  jeunes  pianistes  ,  il  n'excelle  pas  moins  à  la 
terminer. 

—  Nous  vous  dirons  encore ,  par  l'intermédiaire  de  notre 
honorable  ami  et  collaborateur,  M.  Kastner,  en  qui  nous 
avons  pleine  confiance  pour  l'appréciation  des  choses  artisti- 
ques, que  M.  Vény,  l'excellent  hautboïste  du  Conservatoire 
et  de  l'Académie  royale  de  musique ,  a  donné  chez  lui,  di- 
manche dernier ,  une  matinée  musicale  où  l'on  a  entendu  de 
belle  et  bonne  musique  classique  parfaitement  comprise  et  aussi 
bien  Interprétée.  Le  trio  de  Beethoven  en  tit  mineur,  pour 
piano,  violon  et  violoncelle,  et  sa  sonate  en  vt  dièse  mineur 
défrayaient  la  partie  sérieuse  de  cette  intéressante  séance. 
M""  Vény ,  qui  jouait  la  partie  de  piano  de  ces  deux  chefs- 
d'œuvre,  s'est  acquittée  avec  un  talent  vraiment  remarquable 
d'une  lâche  aussi  difficile.  Cette  jeune  personne  possède  des 
qualités  solides  qui  deviennent  de  plus  en  plus  rares;  son  jeu 
est  égal ,  serré ,  d'une  netteté  parfaite  et  d'un  fini  précieux. 
On  voit  que  M""  Vény  a  l'intelligence  de  la  bonne  musique 
qu'elle  exécute ,  et  que  l'étude  des  grands  maîtres  lui  est  fa- 
milière :  aussi  est-elle  destinée  à  un  brillant  avenir.  Son  père, 
au  jeu  si  pur  et  si  expre.ssif,  a  charmé,  ravi  l'auditoire,  et 
M.  Dorus,  qui  avait  prêté  son  concours  à  son  ami  et  collègue, 
M.  Vény,  n'a  pas  excité  moins  d'enthousiasme.  Ces  deux  ar- 
tistes hors  ligne  ont  été  couverts  d'applaudissements,  le  pre- 
mier dans  un  duo  pour  piano  et  hautbois  sur  des  motifs  de 
VElcsire  d'amore,  le  seconddans  un  charmant  llondoktto  de 
Kuhlau.  Si  M.  Vény  donne  encore  cet  hiver  quelques  mati- 
nées musicales,  il  ne  fera  que  se  rendre  aux  désirs  des  ama- 
teurs qui  s'étaient  réunis  en  grand  nombre  dimanche  dernier 
dans  ses  salons. 

Henri  Blanchard. 


REVUE   CRITIQUE. 

TROIS  BALLADES  pour  voix  d'hommes  :  Yseult  l'Impé- 
ratrice, la  Fuite  des  Captifs  ,  les  Veilleurs  de  Nuit ,  par 
FR.  KUCKEN. 

C'est  au-delà  du  Rhin  que  l'art  de  traiter  les  chœurs  pour 
voix  d'hommes,  dans  leur  véritable  style,  a  pris  naissance  et 
s'est  développé  plus  rapidement  que  sur  tout  autre  poiiit  du 
monde  musical  moderne.  L'Allemagne  est  en  possession  de- 
puis longtemps  de  celte  renommée  justement  acquise.  Pas 
un  peuple  n'a  songé  à  lui  en  disputer  l'honneur.  Plusieurs, 
au  contraire ,  ont  cherché  à  reproduire  un  genre  dont  elle 
leur  avait  donné  l'exemple.  Dans  la  tournée  ,  un  peu  plus 
qu'artistique  que  la  France  fit  en  Allemagne  à  la  suite  de 
Napoléon ,  elle  contracta  presque  à  son  insu  le  goût  de  cette 
disposition  vocale  ,  dont  certains  maîtres ,  entre  autres  Phl- 
lidor,  nous  avaient  donné  quelques  rares  essais  au  théâtre. 
Dès  lors,  on  vit  sur  nos  scènes  lyriques  un  assez  grand  nom- 
bre d'ouvrages  empreints  de  cette  forme  :  Joseph,  La  Ca- 
verne ,  Béniowsky...  etc.  Alais  l'imitation  se  borna  à  peu 
près  à  cet  emprunt,  sans  en  pousser  l'application  jusqu'à  la 


DE  PARIS. 


a25 


musique  de  salon  ou  de  concert  à  quatre  parties  pour  voix 
d'hommes.  Et  c'était  là  précisément  le  caractère  original  de 
ce-genre  germanique.  La  chanson  de  table,  le  chœur  popu- 
laire, si  familiers  aux  étudiants,  aux  compagnons,  aux  ou- 
vriers, sont  très  répandus  en  Allemagne.  Les  compositions  de 
celte  nature  y  fourmillent.  Il  s'y  est  formé  des  sociétés  régu- 
lièrement organisées,  qui  n'avaient  d'autre  but  apparent  que 
de  sacrifier  h  l'harmonie.  Quelque  jour,  peut-être,  nous  re- 
chercherons quelle  puissante  influence  les  associations  mys-' 
térieuses  ont  exercée,  dans  les  xvii"  et  xviii'  siècles  ,  sur  la 
propagation  du  chant  en  chœur  pour  voix  d'hommes.  Ces 
considérations  nous  éloigneraient  beaucoup  trop  du  point  de 
vue  particulier  oii  nous  voulons  nous  placer  aujourd'hui ,  et 
de  .M.  Kiicken,  qui  en  est  le  centre. 

Mais,  qu'est-ce  donc  que  M.  Kiicken?  va-t-on  nous  dire. 
Il  est  vrai  que  voilà  un  nom  tout  nouveau  pour  la  France; 
lùais  il  n'en  jouit  pas  moins  en  Allemagne  d'une  popularité 
très  conforiable.  M.  Kiicken  est  aussi  connu  dans  les  salons 
allemands  que  51""  Louise  Puget  peut  l'être  dans  les  nôtres. 
Ses  lieder,  ses  nocturnes,  ses  mélodies,  ses  chansonnettes  y 
sont  accueillis  avec  beaucoup  de  faveur.  Selon  nous,  il  l'em- 
porte sur  sa  gracieuse  rivale ,  à  l'endroit  de  la  richesse  har- 
monique, du  caractère  expressif  et  de  la  tournure  distinguée 
du  chant.  D'ailleurs,  la  comparaison  cesse  d'être  possible, 
du  moment  que  l'on  considère  en  M.  Kiicken  l'auteur  d'une 
collection  de  chœurs  d'hommes ,  d'une  couleur  essentielle- 
ment originale  et  disposée  au  mieux  pour  l'effet  vocal.  Entre 
autres  morceaux  de  toute  nature  qu'il  présente  au  public 
parisien  pour  le  désarmer,  comme  les  trépassés  de  l'antique 
mythologie  offraient  des  gâteaux  de  miel  au  farouche  Cer- 
bère, M.  Kiicken  a  cru  devoir  mêler,  tout  d'abord,  trois  de 
ces  chants  en  chœur,  dont  il  a  écrit  un  si  grand  nombre  avec 
succès.  Sans  doute  cette  tentative  n'est  pas  chez  nous  abso- 
lument une  nouveauté.  M.  Clapisson  et  quelques  autres  com- 
positeurs ,  moins  répaiidus ,  ont  publié  des  morceaux  pour 
voix  d'hommes  a  trois  ou  quatre  parties.  Mais  ,  il  faut  le  dire, 
ces  œuvres,  malgré  tout  leur  mérite,  n'ont  ni  la  verve,  ni  la 
désinvolture  naturelle,  ni  l'éclat  harmonique,  ni  surtout  l'ex- 
cellente disposition  vocale  des  compositions  allemandes  du 
même  genre.  Celles  que  M.  Kiicken  livre  aujourd'hui  à  la 
pubhcité  se  font  remarquer  par  la  réunion  de  toutes  ces  qua- 
lités. A  ce  mérite,  d'ailleurs,  se  trouve  joint  l'avantage  assez 
estimé  de  paroles  convenablement  appropriées  au  caractère 
musical.  Chacune  des  trois  ballades  est  un  petit  drame  coupé 
en  trois  couplets,  qui  prête  à  la  musique  le  secours  d'un  in- 
térêt toujours  croissant. 

Impossible  qn'Yseult  l'ImpéraU'ice ,  que  la  Futile  des 
Captifs,  que  les  Veilleurs  de  nuit  ne  fassent  pas  fortune  cet 
hiver.  Il  yalà  l'étoffe  de  trois  succès  pour  les  amateurs  ou  les 
artistes  qui  voudront  associer  leurs  voix.  Ces  chants  ne  ren- 
ferment, comme  on  le  conçoit,  ni  difficultés  d'intonation 
ni  traits  de  bravoure;  tout  y  est  simple,  facile,  harmonieux, 
favorable  au  déploiement  de  l'organe.  Le  premier  ténor,  sur- 
tout, peut  y  faire  briller  ses  notes  de  fausset  dans  tout  leur 
éclat,  sans  rien  demander  d'extraordinaire  à  la  voix  de  poi- 
trine. 

Yseult  l'Liipératricc  est  une  ballade  en  mi-béraol  à  quatre 
temps  et  à  quatre  voix,  d'un  rhythme  noble  et  majestueux; 
et  certes,  rien  de  plus  à  propos  :  car  voici  le  descendant  de 
Charlemagne,  l'empereur  Loihaire,  assis  au  trône,  la  pourpre 
sur  les  épaules,  le  sceptre  en  main,  la  couronne  en  tête,  l'Oc- 
cident à  ses  pieds  ;  toutes  les  pompes  de  la  cour  l'environ- 
nent; et  devant  lui  défile  un  immense  cortège  de  beautés 
nobles ,  bourgeoises  ou  humbles  vassales.  L'empereur  Lo- 


ihaire veut  faire  un-mariage  d'inclination  :  aussi  cherche-t- 
il  une  fiancée  au  milieu  de  cette  élégante  armée  dont  il  passe 
la  revue,  jusqu'à  ce  qu'enfin  les  yeux  de  César  tombent  sur 
la  timide  Yseult ,  Yseult  aux  blonds  cheveux  qu'il  couronne 
impératrice.  On  a  vu  des  bergères  épouser  des  rois  ;  pour- 
quoi pas  des  empereurs  ? 

La  Fuite  des  Captifs  est  un  morceau  d'un  caractère  plus 
dramatique.  Un  chœur  d'homrhes  à  quatre  voix  accompagne 
un  solo  de  ténor  très  expressif,  écrit  à  trois  temps  et  en  sol 
majeur.  Des  esclaves  ont  brisé  leurs  fers;  à  la  faveur  de  la 
nuit,  ils  glissent  sur  la  mer  et  passent  en  tremblant  sous  les 
batteries  menaçantes  des  forts.  Tout-h-coup  la  lune  se  dégage 
des  brouillards,  la  barque  est  aperçue,  la  sentinelle  jette  l'a- 
larme, la  gueule  des  canons  flamboie,  l'écho  retentit  à  la  fois 
de  leur  mugissement  et  des  acclamations  de  joie  des  fugitifs, 
qui  sont  désormais  hors  d'atteinte  et  voguent  en  paix  vers 
leur  chère  patrie. 

La  couleur  de  la  ballade  intitulée  les  Veilleurs  de  nuit 
se  distingue  par  des  son^  plus  vifs  et  plus  gais.  La  mélodie 
est  brillante,  sonore,  d'une  intelligence  facile.  Le  morceau  a 
beaucoup  d'éclat  dans  le  ton  de  ré ,  très  favorable  aux  voix 
d'hommes.  Les  unissons  qui  expriment  les  cris  des  veilleurs 
sont  du  meilleur  effet  et  d'une  nuance  bien  appropriée  au 
sujet.  Cette  honnête  patrouille  se  félicite  de  contribuer  à  la 
siireté  ,  à  l'ordre  et  au  repos  de  la  ville  durant  les  heures  de 
nuit.  L'horloge  vient-elle  à  sonner,  aussitôt  la  voix  des  veil- 
leurs fait  écho.  Un  galant  escaiade-t-il  un  balcon,  un  filou  se 
glisse-t-il  dans  un  logis,  deux  spadassins  ferraillent-ils  dans 
l'ombre ,  vite  les  excellents  veilleurs  crient  haro  sur  le  ga- 
lant !  Au  voleur  !  à  l'assassin  !  au  feu  même  !  Heureuse  ville  ! 
comment  ne  reposerais-tu  pas  en  paix  avec  des  gardiens  si 
fidèles ,  qui  t'invitent  au  sommeil  au  bruit  de  leurs  tumul- 
tueux avis?  Le  compositeur  a  parfaitement  saisi  et  rendu  le 
côté  burlesque  de  ce  petit  tableau  de  genre. 

En  résumé,  nous  croyons  pouvoir  prédire  à  ces  trois  bal- 
lades en  chœur  un  grand  succès  de  salon  et  de  concert.  Elles 
feront  une  heureuse  diversion  aux  romances ,  aux  mélodies, 
aux  grands  airs.  Elles  jetteront  de  la  variété  dans  des  séances 
musicales  où  la  monotonie  est  entretenue  surtout  par  une 
chaîne  non  interrompue  de  solos  souvent  soporifiques. 
Maurice  Bourges. 


ÉCOLE  DU  VIOLON. 

Mélhode  complète  et  progressive  à  l'usage  du  Conservatoire , 
par  B.  AIiARS. 

Le  violon  a  traversé  dans  ces  derniers  temps  des  phases 
dont  l'étrangeté  faillit  plus  d'une  fois  compromettre  son  ave- 
nir. Un  homme  s'est  rencontré,  qui,  dédaigneux  des  formes 
consacrées  et  fuyant  les  sentiers  battus  ,  s'est  élancé  hardi- 
ment à  la  conquête  d'un  nouveau  monde ,  et  telle  était  sa 
foi,  telle  était  son  audace,  tel  était  le  rayonnement  de  son 
génie,  que  chacun  put  croire  un  instant  à  la  découverte  d'une 
ère  inconnue  jusqu'alors ,  dont  la  puissance  féconde  allait 
changer  de  face  les  destinées  du  violon.  Cependant  l'on  ne 
tarda  pas  à  reconnaître  que  cet  homme  extraordinaire ,  ce 
nouveau  messie,  n'était  qu'un  phénomène,  un  brillant  mé- 
téore qui  devait  jeter  un  vif  éclat,  puis  s'éteindre  sans  laisser 
pour  ainsi  dire  aucune  trace.  En  effet,  admet-on  comme  des 
manifestations  sérieuses  les  tentatives  inconsidérées  des  nom- 
breux adeptes  qui  écrivirent  sur  leur  bannière  le  nom  du 
célèbre /'ajaniri?  Pour  la  plupart,  ceux-ci  ne  furent  pas 
même  des  imitateurs;  copistes  maladroits,  sans  âme  et  sans 


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REVUE  ET  GÀzWTE  MUSICALE 


originalité,  ils  s'en  tinrent  aux  procédés  d'exécution  et  se  bor- 
nèrent à  renchérir  d'excentricité  ;  mais,  en  dépit  de  leurs  ridi- 
cules efforts,  pas  un  ne  parvint  à  surprendre  le  secret  de  cet 
archet  magique,  ce  qui  ne  les  empêcha  pas,  chose  triste  h  dire, 
dc: trouver  dos  preneurs,  et  parfois  même  d'exciter  les  ap- 
plaudissements. Déjà  tous  les  anciens  maîtres  s'étaient  tus, 
frappés  par  la  mort  ou  glacés  par  l'âge;  Baillot  lui-même, 
leur  dernier  représentant,  se  reposait  inactif  dans  sa  gloire  ; 
if  ne  restait,  pour  répondre  de  l'avenir,  que  la  jeune  école  , 
héritière  des  saines  doctrines  auxquelles  elle  avait  su  allier  à 
propos  un  reflet  des  idées  et  des  goûts  modernes.  Cette  jeune 
école,  comme  on  sait,  compte  dans  son  sein  plusieurs  artistes 
pleins  4e  sève  et  de  talent.  M.  Alard ,  qui  occupe  le  premier 
rang  parmi  eux ,  après  avoir  payé  de  sa  personne  et  prêché 
d'exemple,  veut  aujourd'hui  formuler  ses  leçons  et  passer  de 
la  pratique  à  la  théorie  ;  ce  désir  est  d'autant  plus  louable  que 
de  nombreuses  occupations  sollicitent  incessamment  notre 
excellent  violoniste ,  et  d'autant  plus  légitime  tout  à  la  fois, 
que  celui-ci  a  pris  en  quelque  sorte  l'engagement  de  se  par- 
tager entre  les  labeurs  du  professorat  et  les  triomphes  de 
l'exécution  publique ,  lorsqu'il  a  accepté  une  partie  de  la  suc- 
cession de  ce  regrettable  Baillot  dont  nous  parlions  tout-à- 
l'heure.  En  conséquence,  la  publication  d'un  ouvrage  didac- 
tique était  un  devoir  à  remplir,  plus  encore  qu'une  fantaisie 
à  satisfaire ,  et  c'eût  été  un  tort  grave  que  d'y  manquer, 
quand  on  peut  atteindre  le  but  qu'on  se  propose  avec  au- 
tant de  bonheur  que  Ta  fait  M.  Alard  dans  son  Ecole  du 
violon. 

^^  Donnons  ici  quelques  détails  sur  la  matière  de  cet  excel- 
lent livre.  A  côté  des  enseignements  traditionnels  relatifs  à  la 
^nue  de  l'instrument  et  de  l'archet ,  à  l'attitude  de  l'artiste, 
aux  différentes  sortes  de  positions,  aux  principaux  coups 
d'archet,  tels  que  cotilé  et  staccato  ,  h  l'exécution  du  trille, 
du  double  trille,  àa  trémolo,  de  l'arpège,  de  la  double  et  la 
iriple  corde,  du  -pizzicato,  des  sons  harmoniques  naturels  et 
artificiels,  bref  à  tout  l'arsenal  des  connaissances  vulgairesdu 
violoniste ,  l'auteur  appelle  l'attention  sur  plusieurs  points 
dont  l'importance  n'a  pas  été  suffisamment  étudiée,  ou  la  dif- 
ficulté convenablement  résolue.  De  ce  nombre,  aous  citerons 
le  croisement  des  doigts  ,  presque  indispensable ,  lorsqu'on 
i-énconlre  des  quartes  diminuées,  principalement  dans  un 
nipuveraent  rapide  ;  la  demi-position ,  que  M.  Alard  fait 
consister  dans  le  placement  de  la  main  contre  le  gilet,  c'est- 
à-dire,  un  demi-ton  plus  bas  que  la  première  position  et  dont 
on  est  obligé  de  se  servir,  sous  peine  de  déranger  les  doigts  à 
tijut  moment ,  au  grand  préjudice  de  la  justesse  et  de  l'éga- 
lité. Le  bariolage ,  nom  donné  par  l'auteur  à  une  série  de 
«  notes  qui  ne  sont  point  faites  sur  la  même  corde,  et  qui, 
1)  restant  à  une  position  ,  exige  le  plus  de  notes  à  vide.  »  Le 
staccato  volant,  pour  lequel,  au  lieu  de  faire  rebondir  l'ar- 
chet sur  la  corde ,  on  imprime  au  poignet  un  mouvement 
nerveux  qui  fait  sauter  la  baguette.  Ces  aperçus  et  plusieiu-s 
autres  encore  sont  l'objet  d'une  discussion  ingénieuse  et  ap^ 
profondie  ;  nous  ne  sachions  pas  qu'on  en  ait  tenu  compte 
ou  fait  mention  dans  aucune  méthode.  Quant  à  la  partie  pra- 
tique, elle  est  traitée  avec  beaucoup  d'élégance  et  de  pureté  ; 
nous  avons  particulièrement  remarqué  une  suite  de  dix  étu- 
des ,  consacrées  chacune  à  une  difficulté  d'exécution  ou  à 
une  forme  de  style,  et  dans  lesquelles  on  retrouve  la  manière 
si  large  et  si  expressive  de  M.  Alard.  Un  texte  explicatif  et 
des  annotations  marginales  viennent  compléter  ce  beau  tra- 
vail dont  l'utilité  ne  sera  sûrement  pas  mise  en  doute ,  et 
auquel  nous  croyons  pouvoir  prédire  un  succès  brillant  au- 
tant que  durable.  G.  Kastner. 


Deux  grandes  fantaisies  sur  la  Juive  et  la  Favorite  pour  le 

piano ,  par  LOUIS  MESSEiiï^aseiiJ?S^S  ^tucysi  ol  tuz 

■.   -  :  "IJ':i.)  ,-^i^-.>i:i;  :-.ffi''»l.ïri(i 

M.  Louis  Messemaeckers  a  pris,  comme  tant  d'autres,  la  par- 
tition de  iM.  Halévy  pour  thème  de  ses  inspirations.  M.  Mes- 
semœckers  est  un  jeune  compositeur  déjà  connu  dans  le  monde 
musical;  il  a  publié  des  éludes  pour  le  piano,  qui  ont  fait  ré-  . 
sonner  la  trompette  ,  sinon  de  la  célébrité,  du  moins  de  là 
publicité.  Élève  de  Liszt ,  et  compagnon  de  Rubini  et  de 
M^'Persianidansun  voyage  que  ces  artistes  célèbres  ont  fait  il 
y  a  quelques  années  en  Allemagne,  il  s'est  fait  distinguer  dans 
cette  excursion  musicale  comme  excellent  accompagnateur  et 
pianiste  brillant.  Les  deux  fantaisies  que  nous  avons  soUs  les 
'.  yeux  sont  remarquables,  surtout  pour  leur  caractère  constam- 
ment mélodique.  Il  est  curieux  de  voir  comment  les  mêmes 
motifs,  pris  et  travaillés  par  différents  compositeurs,  produisent 
des  effets  divers  par  les  combinaisons  de  rhytlimes,  de  sonô-^ 
rites  et  de  traits.  Nous  ne  savons ,  ne  l'ayant  point  entendu, 
si  M.  Messemaeckers  est  un  habile  exécutant,  mais  à  en  juger 
par  ses  deux  œuvres  sur  la  Juive  et  la  Favorite,  il  est  cer- 
tainement compositeur  de  goût,  arrangeur  spirituel  ;  il  écrit 
d'un  style  mélodique  et  coloré  ,  qui  doit  produire  de  l'effet. 
Ce  n'est  le  tout  de  prendre  de  jolis  motifs ,  il  faut  savoir  les 
coudre  ensemble  ,  les  varier,  les  embellir  de  pensées  acces- 
soires; il  faut  encore  un  plan  dans  tout  arrangement ,  dans 
toute  fantaisie;  et  ce  sont  ces  qualités  acquises  autant  qu'in- 
nées que  possède  le  jeune  pianiste  belge  dont  nous  allons 
analyser  les  deux  fantaisies  que  nous  avons  citées  plus  haut: 
Mais  d'abord,  pour  que  les  deux  mots  qui  figurent  en  fête 
de  cet  article  ne  soient  point  une  amère  dérision,  conmie  di- 
saient naguère  nos  écrivains  romantiques,  payons  à  la  critique 
le  tribut  obligé,  sans  lequel  tout  éloge  est  suspect  deé6iii]!^î'*' 
sauce  ou  de  camaraderie.  ,  ■■■ 'Hj -jiuwh 

L'instrument  pour  lequel  écrit  M.  MessemœckèrS'futâp-''' 
pelé,  comme  on  sait,  forté-piano  dans  l'origine,  quoiquë'Cè 
nom  lui  convînt  peu,  et  qu'il  ait  été  abandonné  depuis  ;  càf,^ 
malgré  tous  les  perfectionnements  dont  nos  facfêurs  modèr'- 
nes  l'ont  enrichi,  c'est  toujours  par  la  mouolOmie  provenant 
de  la  confusion  des  sons  que  pèche  cet  instrument.  Donc , 
faire  contraster  le  foi-te  par  le  piano,  et  vice  versa ,  est  Chose 
que  recherchent  les  pianistes,  mais  qu'ils  obtiennent  diffici- 
lement, malgré  la  pression  physiologique  du  clavier  par  les 
plus  impressionnables  natures,  et  l'expression  des  épaules  et 
du  geste  de  ceux  qui  ne  l'ont  point  dans  le  cœur,  et  n'en  peu' 
vent  communiquer  d'autre.  Or,  le  compositeur- pianiste  d<yit 
mettre  beaucoup  de  réflexion  et  d'art  dans  ses  effets  de  sono- 
rité, et  les  calculer  de  manière  à  ce  qu'ils  ne  soient  point  en 
contradiction  avec  le  caractère  ,  les  qualités  ou  le  défaut  d« 
l'instrument  pour  lequel  ils  écrivent;  c'est  le  côté  saillant 
des  talents  de  Berlioz  et  de  Thalberg,  indépendamment  de  la 
différence  dn  genre  dans  lequel  il  exercent  leur  plume.  Dé- 
buter par  un  forte  en  octaves  à  l'unisson  des  deux  mains  ainsi 
que  le  fait  M.  Mcssemœckers  dès  les  premières  mesures  de 
l'introduction  de  sa  fantaisie  sur  la  Juive,  c'est  ne  pas  con- 
naître l'insuffisance  de  l'instrument ,  c'est  ne  pas  se  bien  ren^ 
dre  compte  de  l'effet  nul  d'un  pareil  uuisson.  La  phrase  en 
fa  dièze  mineur,  par  laquelle  commence  cette  introductiCû, 
serait  bien  mieux  dite  pianissimo  par  la  main  droite,  et  la 
main  gauche  n'entrant,  après  un  silence,  qu'à  l'extrémité  du 
troisième  temps ,  et  procédant  avec  la  partie  supérieure  en 
unisson  très  doux,  ferait  vjloir  d'autant  les  accords  pla- 
qués qui  commencent  au  dernier  temps  de  la  seconde  me- 
sure ,  et  qu'on  attaquerait  très  fort  ;  et  de  même  à  larépé- 


DE  PARIS. 


427 


tition  de  Ja  même  phrase  en  la  majeur  qui  se  trouve  à  la 
cinquième  et  sixième  mesures. 

Nous  ne  ferons  pas  un  reproche  pédantesque  à  l'auteur 
sur  le  lapsus  peîtJîœ  par  lequel  il  a  oublié,  de  la- dixième  à  la 
onzième  mesure,  cette  première  loi  de  l'harmonie  qui  interdit 
deux  quintes  et  deux  octaves  qui  se  suivent  immédiatement. 
C'est  une  de  ces  erreurs  fréquentes  dans  la  succession  élé- 
mentaire des  accords  parfaits  à  laquelle  nous  n'attachons  pas 
plus  d'importance  qu'il  ne  faut,  ainsi  qu'à  quelques  autres 
petites  taches  de  style  qui  sont  d'ailleurs  faciles  h  corriger.  Ce 
qui  frappe  plus  dans  ces  deux  fantaisies  c'est  l'animation,  la 
chaleur,  la  couleur  dramatique.  La  mélodie  y  domine  et  les 
traits  en  sont  brillants.  Dans  le  morceau  sur  la  Juive,  le 
chant  d'une  si  douce  mélancolie  :  liachel,  quand  du  Seigneur 
la  grâce  Uitélaire ,  ce  chant  si  noble,  si  élevé,  est  placé  dans 
les  cordes  les  plus  mélodiques  de  l'instrument,  ainsi  que  : 
Fille  chère.  Dieu  m'éclaire,  et  d'autres  mélodies  si  distin- 
guées du  chef-d'œuvre  d'Halévy  ;  et  dans  tout  cela  il  y  a  pro- 
gression de  traits,  de  difficultés  et  d'effets  brillants. 

Esseniiellement  mélodique  dans  la  forme  de  ses  arrange- 
ments, M.  Messemaeckers  ne  pouvait  manquer  de  mettre  à 
contribution  la  partition  de  la  Favorite  et  d'en  faire  son  bien, 
sa  chose,  taillable  et  corvéable  à  merci.  Cependant,  comme 
nous  l'avons  dit  précédemment,  il  faut  varier  autant  que  pos- 
sible les  attaches,  les  points  de  suture  qui  unissent  ces  mé- 
lodies d'emprunt,  et  M.  Messemaeckers  ne  nous  parait  pas 
s'être  suffisamment  préoccupé  de  cette  variété  harmonique, 
car  c'est  par  huit  repos  sur  l'accord  de  septième  dominante 
qu'il  entre  dans  chacune  des  mélodies  empruntées  à  la  parti- 
tion de  JM.  Donizctti.  L'auditeur  dont  l'oreille  est  quelque  peu 
exercée  aux  choses  d'harmonie  remarque  cette  monotonie  de 
modulations  et  se  prend  à  désirer  quelques  cadences  inter- 
rompues ,  rompues  ou  brisées ,  comme  on  voudra ,  de  ces 
contrastes,  de  ces  artifices  de  tonalité  comme  l'auteur  en 
donne  un  exemple  en  attaquant  à  la  tierce  majeure  iuférieure 
la  ravissante  caulilène  :  Pour  tant  d'amour  ne  soyez  pas  in- 
grate ,  chantée  d'une  façon  si  suavement  mélancolique  par 
Barroilhel.  Cet  effet  harmonique  n'est  pas  bien  neuf,  il  est 
même  un  peu  usé;  mais  il  a  toujours  quelque  chose  d'inat- 
tendu qui  surprend  l'oreille  et  lui  plait,  surtout  à  celle  qui 
craint  les  modulations  plates.  A  partir  de  la  romance  dont 
nous  venons  de  parler,  l'œuvre  marche  d'une  manière  rapide  et 
dramatique;  la  péroraison  en  est  chaude,  animée  et  finit  avec 
éclat.  Ces  deux  fantaisies  sont  donc  deux  bonnes  fortunes 
pour  tout  pianiste  professeur  ou  amateur  qui  voudrait  briiler 
dans  un  salon  ou  dans  une  grande  salie,  car  ce  sont  deux  vé- 
ritables morceaux  de  concerts. 

Henri  Blanchai\d. 


LA  SEUIXETTE. 

3>essîa  de  Gavarni. 

Dans  son  sens  propre  ,  la  serinette  est,  comme  disent  les 
Dictionnaires  de  musique ,  un  très  petit  orgue  à  cylindre, 
jouant  des  airs  sans  accompagnement  et  servant  à  l'éducation 
musicale  des  serins.  Si  vous  l'aimez  mieux ,  c'est  une  ma- 
chine, jouée  par  une  machine  pour  l'instruction  d'une  autre 
machine.  Au  figuré ,  la  serinette  est  l'artiste,  qui  redit  mot 
pour  mot,  note  pour  note,  la  leçon  qu'on  lui  a  apprise,  sans 
donner  signe  d'une  intention  personnelle.  Nous  avons  eu  et 
nous  avons  encore  beaucoup  de  célébrités  chantantes ,  qui 
n'ont  jamais  été  que  des  serinettes  ;  et  qui  n'en  touchent  pas 
moins  de  gros  appointements,  avec  accompagnement  de  feux. 
Le  petit  Savoyard  ici  présent  gagne  beaucoup  moins  :  quelle 
injustice  1 


XrOTTTHLiîaSS. 

'.*  Aujourd'liui  dimanche,  par  exiraordiaaire  à  l'Opéra,  lex  Hu- 
guenots. —  Bemain  lundi ,  Marie  Stuarl. 

V  Le  procès  relatif  à  la  mise  en  scène  du  Duc  d'ALbe,  opéra, 
dont  les  paroles  sont  de  MM.  Scribe  et  Charles  Duveyrier,  la  musi- 
que deDonizetti,  est  engagé  devant  le  Tribunal  de  commerce;  mais 
il  est  encore  très  probable  qu'un  avangement  terminera  celte 
affaire.  * 

".'  Il  est  plus  que  jamais  question  de  la  consiruction  d'une  salle 
d'opéra  détinilive.  Espérons  que  la  Chambre  des  députés  prendra  en 
sérieuse  considération  des  projets  et  des  plans  qui  réunissenl  lous 
les  avantages  de  sûreté  publique,  de  grandeur,  de  convenance  et  de 
bon  marché. 

"."  On  a  répété  plusieurs  fois  cette  semaine  le  Guicarrero,  dont  la 
reprise  aura  lieu  sous  peu  de  jours. 

*.'  La  symphonie  orientale  de  M.  Félicien  David  sera  exécutée 
dimanche  prochain  au  Théâtre-Italien. 

*.*  Rubini  se  retire  définitivement.  Salvi  lui  succède  aux  mêmes 
conditions,  au  Théâtre  impérial  de  St-Pétersbourg. 

',•  M"|*  Francilla  Pixis  del  Castillo  est  arrivée  à  Paris ,  ou  elle  se 
propose  de  passer  l'hiver.  On  sait  que  la  célèbre  cantatrice  arrive 
d'Italie,  où  elle  a  encore  fortifié  son  beau  talent  en  chantant  sur 
les  principaux  théâtres. 

',*  M"'  Sophie  liohrer  est  attendue  prochainement  à  Paris. 

V  Lundi,  23  courant,  M.  Kieseweltcr,  premier  violon  du  roi 
de  Hanovre,  donnera  une  matinée  musicale  dans  les  salons  de 
M.  Pleyel ,  à  une  heure. 

♦."  Une  seconde  classe  d'opérû-comique  va  être  formée  au  Con- 
servatoire et  confiée  à  Moreau-Sainti,  qui  a  fait  ses  preuves  dans 
l'enseignement  du  drame  musical. 

V  M-"  Pierson-Bodin ,  qui  au  talent  d'excellente  pianiste  joint 
celui  de  cantatrice  distinguée,  vient  d'ouvrir  chez  elle  ua  cours  de 
chanL 

%*  L'orgue  de  Saint-Euslacbe  est  devenu  lundi  dernier  la  proie 
des  flammes  par  suite  d'un  accident  doublement  regrettable,  puisque 
la  cause  s'en  rattache  à  la  conservation  même  de  l'instrument.  On 
sjit  que  cet  orgue,  le  plus  magnifique  et  le  plus  complet  qui  existât 
en  Europe,  d'une  valeur  de  300,000  francs,  venait  d'être  réparé  par 
les  soins  de  la  maison  Daublaine-Callinet ,  moyennant  une  somme 
de  50,000  francs.  L'application  d'un  procédé  nouveau,  ayant  pour 
objet  d'adoucir  les  louches  et  de  les  rendre  aussi  faciles  que  celles 
d'un  piano,  y  avait  été  faite.  L'inventeur  de  ce  procédé,  contre-maître 
de  la  maison  Daublaine,  avait  suivi  les  travaux  de  l'orgue  avec  la 
passion  d'un  artiste,  tl  tenait  surtout  à  son  parfait  état  d'accord  et 
d'harmonie  aux  jours  des  grandes  solennités.  Visitant  l'instrument  à 
cause  de  la  fête  prochaine  de  Noël ,  il  aperçut  quelque  dérange- 
ment dans  le  mécanisme  ;  pour  y  remédier,  il  se  plaça  au  milieu  et 
dans  l'intérieur  même  de  l'instrument,  et  dans  un  espace  tellement 
étroit  qu'il  ne  pouvait  travailler  qu'à  peu  prés  couché.  Là,  obligé  de 
poser  sa  chandelle  pour  se  servir  de  ses  deux  mains,  le  mouvement 
qu'il  fit  eu  tirant  un  ressort  la  renversa,  et  elle  roula  jusqu'au  fond 
du  mécanisme.  Effrayé  du  danger,  il  appela  à  son  aide  le  souffleur, 
qui,  par  malheur,  avait  été  remplacé  ce  jour-là  par  le  donneur 
d'eau  bénite,  homme  âgé,  infirme  et  incapable  de  lui  prêter  la  moin- 
dre assistance, et  en  vain  il  le  supplia  d'aller  chercher  un  peu  d'eau. 
Alors,  dans  l'impossibilité  d'obtenir  un  secours  immédiiil,  il  brisa  la 
partie  du  mécanisme  qui  faisait  obstacle  pour  ressaisir  la  chandelle 
qui  avait  déjà  communiqué  le  feu  aux  bascules  et  aux  ver"eltes. 
Pouvant  à  peine  les  atteindre,  il  essaya  vainement  de  se  rendre  maî- 
tre du  feu  ,  en  le  couvrant  pendant  quelque  temps  de  son  foulard, 
malgré  les  flammes  qui  lui  brûlaient  les  mains  :  le  feu  déborda 
«bienlùt  do  toutes  paris.  Forcé  alors  de  s'éloigner  pour  «a  propre  sû- 
reté, il  cria  du  hauldel.i  tribune  :  Au  j'en  '.  etdescendil  tout  de  suite. 
Le  feu  avait  fait  de  rapides  progrès  lorsque  les  secours  arrivérenl,  et 
aucune  partie  de  l'orgue  ne  put  être  sauvée.  Il  est  facile  d'ima"iner 
le  désespoir  du  malheureux  artiste,  qui  a  vu  périr  ainsi  ce  magnilique 
instrument,  à  la  confection  duquel  il  avait  puissamment  contribué. 
Le  fléau  ne  s'est  pas  exercé  sur  l'orgue  seulement.  Plusieurs  autels  de 
chapelle,  ainsi  que  la  rosace  et  une  fenêtre  cintrée,  ayant  quelques 
vitraux  dans  leurs  châssis ,  ont  été  atteints  et  délrulls.  La  chaire  à 
prêcher,  exécutée  sur  les  dessins  de  Lebrun ,  a  été  mise  en  mille 
morceaux.  Plusieurs  tableaux,  plusieurs  sculptures,  les  portes  et 
tambours  du  grand  portail  ont  aussi  été  endommagés.  Plus  de  cinq 
cents  chaises  ont  été  brisées  ou  brûlées.  Une  des  arcades  de  la  nef,  au 
rord  ,  et  la  dernière  dans  le  bas  de  l'église,  sont  fortement  com- 
promises dans  leur  solidité  ;  la  charpente  des  combles  est  intacte. 


428 


EEYUE  ET  CtAZETTE  MUSICALE 


V  Lucrèce  lioryiu ,  deDonizctti,  vient  d'être  représenti'C  à  Ma- 
drid :  les  rôles  principaux  ctaleiil  remplis  par  Moriani ,  M""'  ïosi , 
de  Bernard! ,  et  un  chanteur  espagnol ,  OUer,  qui  a  paru  pour  la 
première  fois  sur  lu  scène  dans  le  rAlc  d'Alplionse  d'Eslc.  Ce  début 
a  obtenu  tout  le  succès  possible;  li  voix  il'Oller  est  excellente,  et  il 
ne  lui  manque  plus  que  l'habitude  du  théâtre  pour  développer  les 
qualités  précieuses  dont  il  est  doué. 

*,"  Déjà  nous  avons  eu  l'occasion  de  parler  d'une  de  nos  plus  jolies 
pianistes.  M"'  Caroline  Piégnier.  Nous  apprenons  qu'elle  a  élé  l'or- 
nement principal  du  dernier  concert  que  la  Société  philharmonique 
d'Alençon  a  donné  il  y  a  peu  de  jours.  Le  succès  de  M"°  Régnier  a 
été  complet;  les  bravos  et  les  couronnes  même  ne  lui  ont  pas  man- 
qué. Sous  peu  (le  jours  cette  brillante  artiste  sera  de  retour  à  l'aris. 
'  *,*  Les  Quatre  /'ils  -^ijmon,  opéra  de  lialfe,  tombé  à  Taris,  a 
obtenu  le  plus  éclatant  succès  à  Vienne.  Voilà  jusqu'à  quel  point  est 
déprave  maintenant  le  goût  du  public  de  celte  capitale. 

"."  On  compte  aujourd'hui  en  France  3,500  acteurs,  2,900  actrices, 
et  16,000  individus  attachés  aux  théâtres,  pensionnaires  ou  fournis- 
seurs exclusifs  des  théâtres,  ce  qui  fait  un  total  do  22,000  personnes 
vivant  sur  le  budgetde  Thàlie  et  de  Melpomène,  qui  s'élève  ensemble 
à.  30  millions  de  fr.  Si  ces  30  millions  étaient  également  divisés 
entre  les  22,000  parties  prenantes,  elles  n'auraient  pas  chacune 
1-,500  fr.;  mais  comme  quelques  privilégiés  perçoivent  dix  ,  vingt, 
trente  et  quaranic  mille  fr.,  il  est  facile  do  voir  combien  la  part  du 
plus  grand  nombre  est  reslrcintc.  Aussi,  combic»  y  a-t-il  do  misères 
dansla  carrière, dramatique; 

.  *,"  La  première  et  la  seconde  nuit  des  fameux  bals  de  l'Opéra  ont 
retrouvé  la  foule  exacte  au  rendoz-vous.  Tou;  annonce  (iue  la  vogue 
4e  ces  tètes,  qui  n'ont  pas  leurs  pareilles  au  monde,  dépassera  en- 
core le  degré  qu'elles  avaient  atteint  les  années  précédentes. 

",*  Dans  l'article  sur  l'album  de  G.  Massini ,  que  contenait  notre 
dernier  numéro,  nous  avons  commis  une  erreur  eu  disant  que 
M.  Masini  avait  intercalé  dans  son  nocturne  :  Auriracje,  bon  ménage, 
l'air  de  :  Mon  rocher  de  Saint-Malo.  Ce  n'est  pas  cette  romance, 
mais  bien  :  Une  chanson  bretonne,  de  M.  Masini  même,  qu'il  a  rap- 
pelée 1res  heureusement  dans  ce  charmaut  duettino. 

%*  Nous  sommes  priés  d'annoncer  que  le  nouveau  domicile  de 
M.  Panseron  est  rue  HauteviUe,  21. 

%*  Nous  rappelons  à  nos  lecteurs  qu'une  souscription  a  été  ouverte 
au  profit  de  M.  (Muesman,  l'une  des  victimes  de  l'inct-ndie  rie  la 
rue  Cadet.  Le  premier  nom  qui  figure  sur  la  lisle  est  celui  de 
M.  Zimmcrman. 

*,'  Le  magnifique  ta'oleau  du  Déiurje  qui  coiilinue  d'attiri'r  la 
foule  au  Diorama ,  n'est  visible  que  jusqu'à  truis  heures  pendant  la 
saison  d'hiver. 

*,•  Bruxelles. — Le  concours  pour  le  prix  d'orgue  vient  d'avoir 
lieu  il  y  a  quelques  jours.  Le  premier  prix  a  été  décerné  à  J!.  Sa- 
muel :  il  n'y  avait  que  quatre  concurrents,  choisis  par  ;\1.  Fétis,  et 
qui  tous  ont  obtenu  uue  distinction;  le  nombre  des  élèves  du  Con- 
servatoire est  en  ce  moment  de  Gi)0.  11  dépasse  un  peu  celui  de 
l'année  passée  ,  mais  il  eût  élé  de  prés  do  900  si  la  commission  d'ad- 
mis>ion  n'eût  pas  jugé  à  propos  de  se  montrer  sévère. 

*,"  Liège. — Le  conseil  communal  de  notre  ville  a  accordé  à 
M.  Sanse,  directeur  du  théâtre,  une  subvenlion  de  24,000  fr. 

'*  Berlin.  —  Au  grand  Concert  d'iîglise  donné  à  l'occasion  de 
la  fête  de  la  Reine,  on  a  exécuté  un  Te  /Jc«»î  de  Zeltcr  et  une  Hymne 
de  Lord  Burghersh  ,  (maintenant  lord  Wcslmoreland  ).  Ce  dernier 
ouvrage  a  élé  admiré  autaiit  par  les  connaisseurs  que  parle  public, 
à  cause  du  style  noble  et  large  dans  lequel  il  est  écrit.  On  parle  ici 
beaucoup  dans  le  monde  d'une  grande  messe  que  Lord  Wcslmo- 
reland compose  en  ce  moment,  et  dont  les  plus  célèbres  composi- 
teurs regardent  les  morceaux  terminés  comme  des  chefs-d'œuvre. 

—  ^décembre.  —  La  mise  en  scène  du  nouvel  opéra  de  Meyerbeer, 
le  Camp  de  Silésie,  a  coûté  environ  24,000  Ihalers  (96,000  fr.).  Après 
la  première  représentation  de  cet  ouvrage,  tout  l'orchestre  du 
Théâtre-Royal  du  grand  opéra,  s'est  rendu  à  l'hôtel  de  l'illustre 
maestro  et  a  exécuté  une  sérénade  sous  ses  croisées. 

*,*  Dresde,  3  décembre.  —  Les  virtuoses  ne  nous  manquent  pas. 
Deux  pianistes,  MM.  Lilolf  et  Willmers,  le  premier,  venu  de  la 
Grande-Bretagne,  le  second  Danois,  ont  donné  des  concerts  avec 
un  succès  assez  marqué.  On  annonce  l'arrivée  prochaine  de  Ernst  et 
de  Ferdinand  Hiller  :  ce  dernier  aurait  l'intention  de  faire  repré- 
senter un  opéra  de  sa  composition.  La  Vesialc  a  été  représentée 


~-ii  décembre.  —  Là  F'eslale ,  dont  l'auteur,  M.  Sponlini,  sur 
l'invitation  du  roi,  a  dirigé  lui-même  la  remise  en  scène,  a  déjà  été 
représentée  trois  fois.  Aux  deux  iiremicres,  le  célèbre  compositeur, 
rappelé  avec  enthousiasme,  a  paru  dans  une  loge  d'avant-scène. 

","  Darmstndi. —  Les  Huguenots  ont  été  rcprsentés  avccun  en- 
semble, une  précision  ,  un  entrain  qui  touchaient  de  bien  près  à  la 
perftction.  Le  chef-d'œuvre  de  Mejerbeer  a  été  accueilli  avec  des 
transports  d'enthousiasme. 

*,"  Leipdck ,  20  octobre.  —  Voici  la  statistique  théâtrale  de  l'Alle- 
magne, y  compris  la  Hongrie,  qui, 'économe  on  le  sait,  fait  partie 
intégrante  de  la  Confédération  germanique.  Le  nombre  des  théâtres, 
non  compris  les  théâtres  français  et  italiens,  est  de  I  (5,  qui  comptent 
3,l75actcurs,  dont  1,879  hommes  et  1,305  femmes,  149 chanteurs «o^o, 
dontSO  hommes  et  68  femmes,  l74  danseurs  solo,  dont  91  hommes 
et  83  femmes;  2,089  musiciens  d'orchestre;  enfin  139  souffleurs,  <loiit: 
13  femmes.  Le  personnel  total  altachéàces  1 15  salles  de  spectacle  est 
de  12,789  imiividus.  C'est  au  théâtre  royal  de  Dresde  qu'il  y  a  le 
plus  grand  nombre  d'acteurs  et  au  théâtre  de  Znaim  (  Moravie  )  qu'il 
y  en  a  le  moins  grand  :  le  premier  en  compte  55  et  le  dernier  seu- 
lement 14.  Les  théâtres  qui  ont  les  orchestres  IfS  plus  nombreui 
sont  le  théâtre  roy  il  du  grand  opéra  de  Berlin  et  le  théâtre  impérial 
et  royal  de  la  porte  de  Carinlhie,  à  VieBne.  Le  premier  a  95  membres 
et  le  dernier  77.  L'orchestre  le  moins  nombreux  est  celui  du  théâtre' 
de  Marbourg,  dans  la  Hesse  électorale,  qui  ne  se  compose  que  de 
12  personnes. 

",*  Christiania. — Ces  jours-ci  un  jeune  homme  de  1res  bonne 
famille  vient  de  monter  sur  les  planches  :  c'est  une  chose  jusqu'ici 
sans  exemple  chez  nous  et  qui  a  lait  quelque  sensation.  En  Norwége 
il  n'y  a  pas  de  comédiens  indigènes;  toules  les  troupes  sont  compo- 
sées d'étrangers,  en  grande  partie  de  Dauoi-.  Ce  n'est  pas  le  talent 
dramatique  qui  manque  aux  Norwégiens  :  autrefois  il  exislait  dans 
notre  capitale  un  grand  nombre  de  théâtres  de  société >  qui  se  rett-" 
rcrcnt  à  l'arrivée  des  troupes  danoises  en  1828. 

','  /-,ondrei ,  IG  décembre.  —  Pendant  une  représentation,  de  Iji 
Jlévolte  uu  harem,  sur  le  théâlre  de  D.ury-Lane,  l'une  des  dan- 
seuses du  ballet,  miss  Clara  Webster,  s'étant  trop  approchée  delà 
rampe,  le  feu  prit  à  son  léger  costume.  Éperdue,  elle  alla  se  jeter 
dans  les  bras  d'une  autre  danseuse  ,  qui  parvint  heureusement  lise 
débarrasser  de  celte  étreinte ,  car  déjà  la  flamme  avait  gagné  ses 
vêtements.  Miss  Plunkett  chercha  vaincmenl,  et  au  risque  de  sa  vie, 
à  éteindre  le  feu  :  enfin  un  ouvrier,  sorti  des  coulisses,  y  réussit  en 
renveisant  miss  Webslcr  et  en  se  roulant  sur  elle,  (a  danseuse  a  été 
transportée  chez  elle  dans  un  étal  douloureux  et  alarmant,  mais 
qu'elle  supportait  avec  beaucoup  de  courage.  Deux  jours  après  elle 
avait  cessé  de  vivre  ,  à  dix-sept  ans  et  demi ,  douée  d'un  talent  qui 
donnait  déjà  de  grandes  espérances. 

","  Florence,  d  décembre.  — lie  nouvelles  ropré^enlationseii  faveur 
des  inondés  viennent  d'être  données.  La  Iroiipc  française,  dont  M.  le 
duc  de  Dino  peul  être  coRsidéié  comme  le  chef,  a  représenté,  le  S8 
novembre,  au  théàlre  de  Cocomcro, fi'c((^/  elle  /l'/ariage  ait  tamboui'; 
Aux  acieurs  français  a  succédé  la  Iroupe  italienne  ,  presque  exclusi- 
vement composée,  des  membres  de  la  famille  Poiiialowski.  Deux 
représentations  brillanles  àa  Lucrezia  Borgia  ont  eu  lieu  à  la  Pergola 
les  4  et  G  décembre:  la  première  a  produit  une  recette  de  1,200 
piastres  et  la  seconde  de  1,000.  Par  les  soins  des  nobles  florentins 
qui  soutiennent  le  théâtre,  à  la  dernière  représentation  des  cou- 
ronnes de  laurier  avaient  été  disposées  sur  le  devant  de  chaque  loge. 
Leur  destiuiition  n'élail  nullement  équivoque.  Aussi  après  le  trio 
du  second  acte,  qui  avait  été  supérieurement  exécuté,  ces  couronnes 
ont  élé  lancées  par  un  mouvement  unanime  sur  la  scène  de  tous  les 
poinis  de  la  salle. 

*,*  Milan,  1"  décembre.  — Un  opéra  nouveau  du  maestro  Pasquale 
Bona,  i  Luna  ei  Perollo,  n'a  obtenu  qu'un  succès  médiocre. 

*,*  Tricste. —  La  saison  d'hiver  a  commencé  par  Elena  da  Feltre, 
opéra  de  Mercadanle,  dans  lequel  la  Frczzolini  a  obtenu  le  plus 
grand  succès. 

*.*  Grèce.  —  Le  roi  et  la  reine  de  la  Grèce  ont  fait  dernièrement 
une  excursion  dans  l'ile  d'Eubée;  à  la  fin  du  premier  jour,  le  souper 
royal  eut  lieu  près  d'Aliveri ,  en  plein  vent,  à  la  lueur  des  flambeaux  j 
puis  les  jeunes  villageoises  vinrent  exécuter  leurs  danses  sous  les  yeus 
delà  reine  ,  enchantant  des  vers  improvisés  ;  elles  lui  disaient:  «Tu 
es  la  prunelle  de  nos  yeui ,  tu  as  Ja  taille  élancée  du  cyprès  dans  les 
jardins  du  sultan,  ton  haleine  a  le  parfum  du  Basilicum,  ton  cour- 
sier est  rapide  comme  la  fumée,  puisses-tu  vivre  éternellement 
comme  nos  montagnes  !^ 

Le  Directeur,  Rédacteur. en  chef,  Mauiuck  SCHLESINGER. 


DE  PARIS. 


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snr  kau 


Sommaire  du  6  au 
]2  décembre.  —  M. 
Thiers  mystificateur 
cl  mystifié. — Les  cui- 
rassiers delà  garde  de 
M.  de  Balzac.  —  !,'E- 
cole  des  sous-préfets. 
—  ^fotre  pari  de  cin- 
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des  Tuileries.  —  Historiette  d'hier  pour  servir  à  l'histoire  des  peintres  d'aujourd'hui.  —  M.  Alexandre  Dumas  et  Alexandre-le-Grand.  — 
La  France  et  ses  colonies. — Philanthropes  anglais  et  français. — Les  noirs  au  vin  de  Champagne  et  aux  boites  vernies. — La  banane  révolu- 
tionnaire ct  l'igname  abolilioniiisle.— Le  Diogènede  la  rue  Cadet. — Peuple  et  noblesse. — Les  Castor  cl  Pollux  parlementaires. — Le  pavillon 
de  M.  de  Mackau. — Le  29"  chapitre  de  la  Dame  aux  carreaux  bleus. — La  publicité  expliquée  par  elle-même. — Sans  dot  et  le  roi  Léopold. — 
Bugeaupolis. —  La  presse  parlementaire.—  Encore  M.  Thiers.  —  Courrier  de-'i  mnbassade.s  .-  M.  de  Kessel  rode,  M.  deMellernich,  lord  Cowley, 
M.  de  Bulow  et  M""'  de  Lieven,  l'un  pardevant  l'autre.  —  Isolement  de  M.  de  Guizot. — La  petite  maison  de  M.  Pozzo  di  Borgo  —  Les  deux 
cocardes  de  M.  le  comte  Appony. — Les  bâillements  du  baron  Werther.  —Charles  X,  Saint-Cloud  cl  l'Opéra. — îllœurs  diplomatiques. — Les 
ambassadeurs  pro  rébus  ct  les  ambassadeurs  pro  forma. — Le  roi  de  Saxe  herborise  et  joue  du  trombonne. —  La  polilique  des  princes  et  les 
princes  de  la  polilique. — Toujours  M.  Thiers  :  allez  vous  promener. — Nouvelles,  thcàlres,  églogiies.  grilles,  etc.,  etc.,  elc. 


s'adaplaiit  à  tous  les  Pianos,  pour  apprendre  le  nom  des  louches,  cl,  en  même  temps,  la  position  des  noies  sur  la  povice; 


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L'BTBKDDB   DBS   SONS   EST   DE    7    OCTAVBS 


L'Harmonium  imite  l'orgue  et  plusieurs  autres  instruments  :  chaque  registre  produit  un 
son  d'un  timbre  différent  ;  en  les  combinant  de  diverses  manières,  on  obtient  des  effets  variés 
à  l'infini.  Les  sons  s'expressionnent  comme  la  voix  ;  le  clavier  est  très-facile  à  jouer  pour  toute 
personne  touchant  le  piano,  et  la  musique  de  tout  genre  peut  s'y  exécuter,  surtout  la  musique 
large  et  chantante.  Sa  forme  élégante  et  ses  petites  dimensions  en  font  un  meuble  de  luxe  et 
d'agrément  dont  la  place  est  partout,  depuis  le  salon  du  prince  jusqu'à  la  mansarde  de  l'ar- 
tiste, depuis  la  chapelle  d'une  cathédrale  jusqu'à  lapins  simple  église  de  village.  Plnfin,  son 
emploi  est  général.  L'Harmonium  manquait  aux  besoins  de  l'époque,  et  aujourd'iiui  c'est  un 
instrument  aussi  indispensable  que  le  piano.  Nos  plus  célèbres  compositeurs,  chanteurs,  pia- 
nistes et  organistes  l'ont  tous  adopté  ;  ils  le  prennent  sous  leur  patronage,  et  cherchent  à  en 
propager  l'usage,  qui  sera  bientôt  universel,  car  à  lui  seul  rHarmonium  est  un  orchestre  com- 
plet, dont  les  ressources  sont  immenses,  et  qui  joint  encore  à  ses  nombreux  avantages  celui  de 
tenir  l'accord  constîmiment.  Déjà  des  méthodes,  par  MM.  Lefébure-Wély,  Fessy,  Desjardin, 
Miné,  etc.,  ainsi  que  beaucoup  de  compositions  musicales,  sont  publiées  pour  cet  instrument. 

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Uc'digce  par  MM.  ANDEUS  ,  G.  BBSÉDIT,  BERLIOZ,  Henki  BLANCHARD,  Mauuick  BODRGES.  F.  DANJOU,  DCESBERG,  FÉTfS  père,  ÉdoDARD  FÉTIS, 
Stepiies  IlELLER,    J;  JANIX,    G.  KASTSEll  ,  LISZT,  J.  MEIFRED ,  GeOBGE  SAND,   L.  RELLSTAB,  PAliL  SMITH.  A.  SPECHT,  elc. 


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Atcc  le  numéro  du  12  janvier,  MW.  les  Abonnés  recevront 

contenant  les  morceaux  suivanis,  inédits. 

1.  li' Amitié,  étude.  Alkaii. 

2.  Pastorale.  A'iephen  Heller. 

3.  Cornélia,  valse.  F.  Hunleii. 

4.  Causeries    de   jeunes 

filles.  Kalkbreiiner. 

5.  Barcarollc,  étude. .'WeceaKX 
C.  IHcnuet,  Osbonie. 


7.  'ffoccaJa.  J.-P.  Pixis. 
S.  Scherzo,  i?.  Prudent. 
9.  Barearolln.  H.  Iloielleii. 

10.  Scherzo.  J.  liosenlntin. 

1 1 .  ^'octurne.  S'.   Tludbenj. 
H.  Élégie  et  Prière. 

E.  pp'oijj:. 


LE  DECXIÊME  CONCEltT  DE  LA  G,4ZETTK  MUSICALE 

aura  Heu  le   11  janvier, 

dans  les  salons  de  MM.  Pleyel  ,  20,  rue  Rochechouart. 

Le  3'  aura  lieu  le  I"  février  ;  le  4%  le  \"  mars  ;  le  5%  le  I"'  avril  ; 

le  6",  le  l"  mai. 


Le  25  janvier,  MM.  les  Abonnés  recevront  : 
QUATRE  MÉDAILLES, 


SOMMAIRE.  Lettres  sur  l'Allemagne  (deuxième  lettre)  ;  par  J.-B. 
LAURENS.  —  Théâtre  royal  de  l'Opcra-Comique  ;  Reprise  du 
Gidlnrei-o;  par  H.  BLANCHARD.  —  Lettre  à  M.  le  directeur 
de  la  Gazelle  musicale  ;  par  FÉTIS  père.'—  Matinées  musicales  ; 
par  H. BLANCHARD.  —Feuilleton.  —  Nouvelles.  —  Annonces. 
MUSIQUE  DU  JOUR  DE  L'AN.  Dessin  de  Gavarhi. 


DEUXIÈME  LETTRE  (*). 

Cher  ami ,  dans  la  crainte  de  vous  envoyer  sous  la  forme 
d'i:.;  épanchement  amical  quelques  pages  d'un  livre  de  géo- 
graphie ,  je  suis  allé  trop  vite  en  vous  parlant  de  Cologne,  et 
j'ai  une  omission  à  réparer  avant  d'aller  plus  loin.  Vous  en  sa- 
vez peut-être  plus  que  moi  sur  le  musicien,  sinon  très  célèbre 
en  France,  du  moins  très  estimable  partout,  dont  cette  cité 

(")  Voir  le  numéro  48. 


Portefeuilie  de  deux  Canlalrices  ^^\ 

LE  CO.MTE  DE  nÉ\  AL  A  AUGUSTIN   ET  STEPHEN. 
1"  septembre. 

Attention ,  ines  maîtres  ;  écoutez  d'abord  et  ensuite  exécutez. 
Vous  savez  que  c'est  ordinairement  votre  lot,  et  nous  avoSs  ri 
souvent  de  la  peisicitancc  du  hasard,  qui,  dans  nos  communes 
entreprises ,  désignait  toujours  l'un  de  vous  pour  l'action  et  me 
réservait  pour  le  conseil.  La  dernière  fois  que  nous  tirâmes  au 
sort  pour  savoir  qui  de  nous  trois  irait  demander  raison  à  ce 
diable  de  journaliste ,  qui  s'amusait  à  se  moquer  du  triumvirat, 
à  dénoncer  au  public  ce  qu'il  lui  plaisait  d'appeler  sa  déplorable 
influence ,  c'est  encore  le  nom  de  Stephen  qui  sortit  du  chapeau  ; 
c'est  encore  lui  qui  eut  l'honneur  de  voir  notre  ennemi  face  à 
face  et  de  lui  apprendre  à  vivre ,  ce  qui  était  infiniment  plus 
adroit  que  de  lui  enseigner  à  mourir. 

Mais  rassurez-vous;  que  dis-je?...  Votre  bouillant  courage 
ne  va-t-il  s'oflcnser  de  ce  mot?...  Je  me  corrige  et  je  reprends  : 
ne  vous  réjouissez  pas  trop  d'avance ,  car  il  ne  s'agit  pas  aujour- 
d'hui d'une  de  ces  occasions  périlleuses  et  glorieuses,  où  vous 

(1)  Voirlesnuméros40,  41,  42, 43,  44,  45,  46,47,  48,  49,  50  et  51. 


avez  si  souvent  et  si  galamment  montré  ce  que  vous  saviez  faire. 
Il  s'agit  tout  simplement  d'un  service  à  mé  rendre,  et  voici  à 
quel  propos. 

Depuis  trois  jours ,  un  jeune  Italien  ,  le  marquis  d'Ossola ,  est 
arrivé  à  Paris  et  descendu  à  l'hôtel  des  Princes.  Ne  me  demandez 
pas  comment  je  sais  cela  :  je  me  dispenserais  de  vous  répondre. 
Ne  me  demandez  pas  non  plus  comment  je  sais  qu'il  est  fou  de 
Clotilde  et  ne  vient  à  Paris  que  pour  tâcher  de  Jui  plaire  :  ceci 
est  encore  mon  secret,  ou  plutôt  notre  secret,  car,  si  vous  in- 
terrogiez le  marquis ,  il  ne  vous  en  dirait  pas  plus  que  moi  sur 
ce  chapitre.  Il  ne  vous  dirait  même  pas  d'où  il  vient  à  cette 
heure,  parce  que  ce  serait  vous  dire  où  je  suis.  A  cela  près,  11 
ne  vous  cachera  rien  de  ses  sentiments,  de  ses  intérêts,  de  ses 
désirs,  de  ses  craintes.  Il  réclamera  votre  appui,  vos  conseils, 
et  vous  me  ferez  le  plaisir  de  ne  pas  les  lui  refuser.  —  Même 
auprès  de  Clotilde?  allez-vous  dire,  et  moi  je  vous  répondrai  : 
surtout  auprès  de  Clotilde. 

Eh  bien ,  que  vous  en  semble ,  à  toi,  Augustin ,  à  toi,  Stephen , 
qui  me  traitiez  toujours  de  forçat  condamné  au  boulet  et  à  per- 
pétuité? Suis-je •  assez  libre  maintenant?  J'ai  dépassé  la  ligne 
d'indifférence  marquée  par  Métastase  dans  sa  fameuse  chanson 
à  Nice  : 

Col  mio  rivale  istesso 
Po»so  di  te  parlar. 


BUREAUX   D'ABOKnVEMEBJT,    RUE   RICHELIEU,    97. 


un 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


de  Cologne  fut  le  berceau.  Dans  tous  les  cas ,  je  ne  saurais 
continuer  en  paix  de  conscience  la  relation  de  mon  voyage 
artistique ,  avant  d'avoir  payé  mon  tribut  à  la  mémoire  de 
Bernard  Klein.  Si  par  hasard  vous  l'aviez  oublié ,  il  fau- 
drait se  rappeler  qu'en  1812,  lorsque  Cologne  appartenait  à 
la  France  et  que  iSapoléon  menait  toute  la  jeunesse  à  la 
symphonie  du  canon,  des  tambours  et  des  clairons,  il  y  avait 
dans  cette  ville  un  frêle  conscrit  qui  était  déjà  reconnu  comme 
un  maître  musicien.  Or,  M.  Alexandre  de  La  Motte,  alors  préfet 
à  Cologne,  et  plus  tard,  célèbre  dans  nos  fastes  politiques  de 
la  Restauration,  M.  de  La  Motte  jugea  que  le  jeune  conscrit, 
si  bon  musicien,  ferait  un  très  mauvais  soldat,  et  il  l'envoya 
au  Conservatoire  de  Paris,  auprès  deCherubini,  au  lieu  de  l'en- 
voyer en  Russie  auprès  de IXapoléon.  Les  conseils  de  ce  maître, 
la  bibliothèque  du  Conservatoire,  celle  du  célèbre  professeur  de 
droit  et  dilettante  Thibaut  à  Heildelberg,  un  voyage  en  Italie, 
et  avant  tout,  une  heureuse  organisation  :  telles  furent  les  cir- 
constances qui  firent  de  B.  Klein  un  des  musiciens  les  plus 
remarquables  du  xix°  siècle.  Mort  h  trente-huit  ans,  il  a  laissé 
une  grande  quantité  de  compositions  dans  le  style  d'oratorio 
et  de  musique  d'église  ;  sa  facture  rappelle  beaucoup  celle  de 
Cherubini  ;  mais  sa  pensée  mélodique  est  plus  facile ,  plus 
naïve ,  plus  expressive  et  parfois  plus  élevée.  Il  y  a  chez  Klein 
quelque  chose  de  pur,  de  clair  et  un  peu  de  la  mélancolie  de 
Schubert  :  aussi  c'est  avec  raison  que  plusieurs  critiques  al- 
lemands lui  ont  donné  le  surnom  de  Céleste. 

Il  y  a  quelques  années,  lorsqu'il  s'est  fait ,  à  l'occasion  du 
Slabat  de  Rossini ,  une  si  singulière  exhibition  d'esthétique 
et  d'érudition  musicales,  il  n'a  pas  été  question  de  celui  de 
Klein ,  dont  le  troisième  morceau  est  digne  de  l'épithète  de 
sublime.  Ses  oratorios  de  David,  de  Jeplité,  renferment  des 
beautés  que  mon  ami  Danjou  avait  fait  connaître,  en  les  fai- 
sant exécuter  au  chœur  de  Saint-Eustache,  en  y  adaptant  des 
paroles  latines.  Les  amateurs  qui  ont  chanté  avec  feu  la  mu- 
sique de  F.  Schubert,  adaptée  à  la  poésie  de  Gœthe  (le  Roi  des 
aulnes),  devraient  connaître  celle  compo.we  auparavant  par 
Klein  pour  les  mêmes  parole.^.  Ils  verraient  comment  on 
peut  faire  bien  par  des  moyens  différents. 

Assez  sur  B.  Klein  ;  j'ai  rappelé  et  peut-être  fait  connaître 
un  nom  oublié  ou  méconnu  injustement ,  je   puis  aller  sa- 


luer la  ville  de  Bonn,  la  patrie  de  Beethoven!  de  Beethoven  ! 

Cette  fois  je  n'ai  rien  à  réclamer  pour  sa  gloire  ;  tout  a  été 
dit  sur  le  grand  maître,  et  justice  lui  a  été  rendue.  N'aurait-on 
pas  même  été  au-delà,  aux  dépens  de  ses  illustres  devanciers 
Mozart,  Haydn,  et  de  ses  successeurs  Schubert,  Mendelssohn? 
C'est  une  question. 

Ce  qui  n'en  est  pas  une,  c'est  que  Beethoven  a  vécu ,  comme 
Bach,  dans  la  contemplation  et  pour  son  irt  seul.  Son  cla- 
vier, son  orchestre,  ont  été  la  lyre  d'un  poète  malheureux,  et 
cette  lyre  a  été  la  seule  confidente  des  joies  et  des  douleurs 
d'une  grande  âme.  Que  dis-je?  le  poète  n'a  pu  même  enten- 
dre les  vibrations  de  ses  cordres  ;  la  musique  n'a  pénétré 
dans  ses  sens  que  par  les  notes  que  sa  plume  traçait  sur  le 
papier.  Malheureux  Beethoven  !  honneur  et  sympathie  pour 
toi! 

Puisque  le  docteur  Gall  nous  a  gratifiés  d'un  organe  séparé 
pour  la  musique  ,  d'un  autre  organe  pour  la  peinture,  etc., 
je  pourrais  rendre  hommage  au  grand  musicien  en  murmu- 
rant la  symphonie  en  ut  mineur  ou  la  sonate  en  ut  dièse 
également  mineur,  et  observer  la  manière  dont  la  ligne  plate 
des  eaux  du  Rhin  contraste  avec  la  ligne  courbe  des  mon- 
tagnes qui  les  bordent  ou  avec  les  pans  de  murs  brisés  des 
vieux  châteaux;  mais  que  dire,  que  faire  sur  le  Rhin,  qui 
n'ait  pas  été  dit  ou  fait?  Quelles  paroles  ajouter  à  celles  déjà 
un  peu  longues  de  Victor  Hugo,  d'Alexandre  Dumas  et  des 
touristes  anglais?  Quelle  admiration  ajouter  à  celles  des 
poètes  allemands?  Quels  dessins  faire  après  ceux  de  Hubert , 
de  Villeneuve,  de  J.  Coignet,  de  Hardmg ,  de  S.  Prout,  de 
Standfield ,  etc. ,  dessins  tellement  répandus  parla  lithogra- 
phie, qu'il  n'y  a  personne  au  inonde  qui  ne  sache  le  Rhin  par 
cœur?  Ce  qu'il  y  a  à  dire  de  nouveau  ,  le  voici  :  C'est  que 
Andernach  ,  Oberwesel,  Niederlandstein  ,  Baccharach  ,  Bop- 
part,  Rudesheim,  Bingen,  Ellfeld,  tant  vantés,  tant  illustrés, 
ne  valent  pas  Arles,  Beaucaire  ,  Tarascon  ,  Avignon,  Ville- 
neuve, Roquemaure  ,  Mornas,  Viviers,  Valence,  etc.,  dont 
personne  ne  dit  mot  et  qui  rappellent  les  fonds  de  paysage 
rêvés  et  peints  par  Claude  Lorrain  et  Poussin.  Oui ,  les 
beaux  châteaux  dorés  de  ma  Provence  valent  mieux  que  les 
toits  gris  des  bords  du  Rhin  ;  mes  belles  montagnes  plon- 
geant à  pic  carrément  dans  les  eaux  du  Rhône  sont  d'une 


Non  seulement  je  potfriais  causer  tranquillement  de  Cloiilde  avec 
mon  rival ,  mais  je  m'en  piépare  un  moi-même ,  je  le  prends  par 
la  main ,  je  le  conduis.  El  ce  n'est  pas  un  concurrent  à  dédaigner 
que  le  marquis  d'Ossola  !  J'avoue  qu'il  n'est  pas  fort  séduisant  de 
sa  personne  :  il  est  trop  petit,  trop  grêle  pour  un  homme,  et  trop 
blond  pour  un  Italien;  mais  il  a  de  l'esprit,  d'excellentes  ma- 
nières, et  il  est  immensément  riclie.  Je  serais  bien  snrpiis  si  cette 
dernière  qualité  ne  faisait  pas  son  effet  sur  Glotilde  ,  elle  qui  a 
toujours  besoin  d'argent  et  qui  le  dépense  avec  la  même  facilité 
que  les  enfants  jettent  au  vent  les  grains  de  sable.  Louis  XIV  di- 
sait que  malgré  toute  sa  puissance,  il  n'était  pas  capable  d'enri- 
chir Dufresny.  C'eût  été  la  même  cliose  avec  Glotilde.  On  ne  se 
fait  pas  l'idée  des  prodigieuses  ressources  d'imagination  ([ue  celte 
femme  possède  pour  réduire  les  mélaux  à  l'état  de  fusion.  Chez 
elle,  l'or  et  l'argent  ne  sont  jamais  que  dos  torrents,  qui  s'en- 
flent, s'écoulent  en  une  minute  et  laissent  leur  lit  à  sec.  Que  de 
fois  ne  lui  ai-je  pas  reproché  cette  prodigalité  désordonnée! 
Savez-vous  ce  qn'elle  me  répondait?  que  son  homonyme  Glo- 
tilde, la  célèbre  danseuse  de  l'Empire,  dépensait  bien  plusqu'elle. 
Et  cela  est  vrai  ;  je  suis  allé  aux  enquêtes.  Cette  Glotilde,  que 
par  parenthèse  Boieldieu  épousa,  et  avec  laquelle  il  s'accommoda 
si  peu  que,  pour  s'en  débarrasser,  il  se  sauva  en  Hussie,  cette 
Glotilde,  qui  jouait  les  déesses  et  avait  une  taille  de  tambour- 
major,  menait  une  de  ces  existences  qui  appartient  aux  temps 
fabuleux.  Pendant  plusieurs  années,  son  budget  des  dépenses  ne 


s'éleva  pas  à  moins  de  treize  cent  mille  francs.  Elle  avait  cinq  ou 
six  équipages  et  des  chevaux  en  proportion.  Lae  cncliemires  de 
l'Inde  valaient  alors  huit  ou  dix  mille  francs  :  sa  chambre  à  cou- 
cher en  était  complètement  tendue.  Que  vous  dirai-je  des  autres 
articles  de  ce  budget  formidable?  Nous  autres  hommes,  nous 
chercherions  longtemps  et  vainement  des  moyens  de  nous  rui- 
ner, tandis  que  la  cervelle  d'une  feinme  n'a  que  l'embarras  du 
choix,  et  souvent  les  choisit  tons.  De  pareilles  habitudes  éton- 
neiaienl  moins  dans  des  personnes  nées  sur  les  marches  du 
trône,  nourries  dans  le  faste  des  palais.  Tout  au  contraire,  celles- 
là  sont  simples  et  subissent  le  luxe  comme^nne  nécessité.  Les 
autres,  qui  sont  nées  je  ne  sais  où,  s'y  précipitent,  comme  les 
pèlerins  du  désert,  mourants  de  soif,  dans  le  premier  ruisseau 
que  rencontrent  leurs  pas. 

Pour  en  revenir  au  marquis ,  traitez-le  du  mieux  que  vous 
pourrez  :  faites-en  votre  ami,  votre  frère,  un  autre  moi-même 
en  un  mol.  Je  suis  curieux  de  voir  le  succès  qu'il  obtiendra  :  ce 
sera  pour  moi  un  thermomètre  de  la  passion  que  Glotilde  prétend 
avoir  pour  son  cher  Gaston.  De  la  passion!  je  n'y  crois  guère. 
Vous  me  direz  que  c'est  par  amour-propre.  Eh  !  mon  Dieu,  non, 
c'est  par  expérience.  Glotilde  aime-t-elle  assez  Gaston  pour  lui 
sacrifier  tout  au  monde,  même  l'argent,  qu'elle  adore,  et  dont 
elle  a  tant  besoin?  Thatis  ihe  question. 


DE  PARIS. 


433 


tout  autre  valeur  pilloiesquc  que  ces  coteaux  platouient 
arrondis  constitués  en  scliisie  feuilleté  et  couverts  de  vignes 
rabougries  qui  enferment  le  Rliin.  Cependant  il  faut  faire  une 
exception  pour  Wayence  :  par  son  magnifique  dôme  ,  par  ses 
vieilles  tours,  par  ses  plus  récentes  fortifications,  l'aspect  de 
cette  ville  tient  au  pittoresque  du  plus  grand  style.  Au  reste, 
quand  vous  viendrez  demander  de  douces  inspirations  à  la 
tranquillité  de  mon  toit  hospitalier,  vous  descendrez  le  Rhône, 
vous  verrez  cette  suite  de  grands  paysages  des  rives  de  ce 
fleuve  et  ensuite ,  si  vous  voulez  secouer  la  poussière  de  mes 
cartons,  vous  trouverez  plus  de  cinquante  feuilles  sur  les- 
quelles j'ai  taché  d'interpréter  cette  belle  nature  pour  le  seul 
plaisir  de  la  contempler  avec  intelligence  et  amour. 

En  arrivant  à  Mayence ,  je"  fus  saisi  et  absorbé  par  le  sou- 
venir des  jours  heureux  que  j'y  passai  il  y  a  deux  ans.  Alors 
j'étais  éveillé  au  son  d'un  choral  {leie  scliœ»  leuchtet  uns  der 
Morgenstcrn)  exécuté  dans  la  lanterne  du  dôme  par  un 
chœur  de  trorabonnes,  et  un  soir  je  vis  mille  exécutants, 
dont  cinq  cents  jeunes  filles  vêtues  de  blanc  et  couronnées  de 
roses  ou  de  feuilles  de  chêne.  On  exécuta  un  oiatorio  de 
Hœndel ,  une  œuvre  grande  comme  la  fête  qui  réunissait  tant 
de  fidèles  à  l'art ,  venus  de  bien  loin.  Je  crus  ce  soir  voir  et 
entendre  les  chœurs  des  Chérubins  et  des  Séraphins. 

Le  lendemain,  il  ne  parut  pas  vingt  journaux  où  le  génie  de 
Haendel  était  mis  en  question  ,  où  l'on  voulait  prouver  qu'il 
ne  savait  pas  instrumenter.  Aucun  feuilletoniste  ignorant 
n'essaya  de  juger  ce  qu'il  ignorait.  Ces  bons  Allemands  fre- 
donnaient avec  satisfaction  les  motifs  de  l'oratorio  qu'ils 
avaient  si  bien  exécuté  la  veille,  et  cela  tout  en  déjeunant 
solidement;  car  en  Allemagne  tout  est  un  prétexte  pour  faire 
de  la  musique  et  pour  bien  manger. 

L'audition  de  l'œuvre  de  Haendel  avait  réalisé,  et  au-delà , 
tout  ce  que  j'avais  présumé  de  la  puissance  de  l'art,  en  lisant 
des  partitions  des  vieux  maîtres  dans  ma  solitude.  Il  ne  s'agis- 
sait plus  d'un  amusement  de  salon,  offert  à  des  gens  qui  le  plus 
Souvent  préfèrent  jaser  à  écouter  un  morceau  de  musique  ; 
il  ne  s'agissait  pas  d'acteurs,  d'actrices,  de  figurants,  de  par- 
terre mal  élevé ,  encore  moins  de  quelque  virtuose  cherchant 
à  étonner  son  auditoire  par  l'agilité  de  ses  doigts ,  ou  bien 
d'argent  à  gagner  en  flattant  ou  plutôt  en  corrompant  le  goût 


du  public.  IVon ,  une  fêle  musicale  aux  bords  du  Rhin  est 
une  solennité  de  cette  religion  dont  TLendel,  Bach,  Beethoven 
sont  les  dieux.  Là  ,  l'art  est  une  grande  puissance  sociale,  il 
réunit  des  populations  éloignées,  et  il  pénètre  les  âmes  d'étin- 
celles brûlantes  d'enthousiasme  pour  les  grandes  œuvres  et 
pour  les  grands  hommes. 

Nous  sommes  bien  loin ,  cher  ami ,  de  ces  mœurs ,  de  ces 
croyances.  Nous  n'imaginons  pas  ce  que  peut  et  ce  que  vaut 
la  musique.  Quand  le  saurons-nous?  Quand  nous  serons  trop 
vieux.  Alors  :  dahin!  dahini  il  faut  se  consoler  en  allant  en 
Allemagne. 

Quand  je  suis  passé  à  Mayence,  votre  ami  Ernst  quittait  la 
ville  où  il  a  fait  apprécier  aux  amateurs  les  prodiges  de  son 
archet.  Après  le  plaisir  excité  par  ce  grand  virtuose ,  a  dû 
venir  l'exécution  solennelle  de  la  messe  de  Beethoven  en  ut. 
Ainsi ,  dans  le  pays  germanique  ,  il  y  a  satisfaction  pour  tous 
les  goûts,  pendant  que  les  Français,  amateurs  de  bonne  mu- 
sique, sont  à  la  diète  sévère  :  d'ailleurs  en  France  les  compo- 
siteurs qui  ne  se  livrent  pas  à  l'exploitation  des  ganaches  meu- 
rent de  faim.  Il  serait  temps  que  ceux  qui  sont  doués  de 
quelque  influence  sur  les  masses,  pensassent  un  peu  moins  à 
leur  plaire  et  un  peu  plus  à  les  guider.  C'est  ce  que  je 
souhaite,  en  vous  offrant  ma  sympathie,  ou  consolation  du 
malheur  que  vous  avez  d'être  un  artiste  de  cœur,  de  con- 
science et  de  talent.  Adieu. 

J.-B.  Latoens. 


THEATRE  ROYAL  DE  L'OPERA-COMIQUE. 

Il  n'y  a  qu'heur  et  malheur  en  ce  monde  ,  mais  surtout 
dans  le  monde  dramatique.  Le  volume  de  l'abbé  Vertot  sur 
les  révolutions  de  Portugal  ,  et  la  comédie  historique  de 
Lemercier  sur  Pinto,  le  héros  de  cette  pièce  qui  eut  tant  de 
succès  dans  le  temps,  offrent  le  plus  vif  intérêt.  De  ces  éléments 
si  dramatiques,  l'homme  habile  par  excellence  de  notre  époque, 
M.  Scribe,  a  fait  un  libretto  bien  mené,  intéressant,  revêtu 
d'une  musique  forte  ,  riche,  colorée,  ainsi  que  M.  Halévy 
en  sait  écrire  ,  et  tout  cela  n'a  pu  conjurer  l'indifférenlisme 


CLOTILDE  B***  A  ESTHElî  SAUNIER. 

15  septembre. 

Qu'est-ce  que  cela  signilie?  Pas  une  lettre  de  toi  depuis  tant 
de  jours  que  je  ne  veux  pas  les  compter!  Je  ne  comprends  rien 
à  ce  silence  ,  ou  plutôt ,  si  tu  veux  que  je  le  dise ,  j'ai  idée  que 
je  comprends  un  peu,  et  c'est  une  raison  de  plus  pour  que  je 
me  fâche.  Comment,  tu  aurais  des  mystères  pour  moi,  qui  t'ai 
si  franchement  ouvert  mon  âme!  Tu  me  cacherais  quelque  chose 
à  moi  qui  ne  l'ai  rien  caché?  Voyons  :  est-ce  que  nous  ne  savions 
pas  que  ton  heure  sonnerait  mi  jour  ou  l'autre,  et  que  lu  ne 
vivrais  pas  éternellement  comme  une  petite  pensionnaire?  Tu 
aimes  quelqu'un  ,  ma  chère  Esther,  tu  aimes ,  j'en  suis  sûre,  et 
je  ne  sais  en  vérité  pourquoi  il  t'en  coule  de  me  l'avouer.  Tu  ne 
m'as  plus  parlé  de  ce  jeune  homme  qui  s'est  baiiu  pour  loi, 
M.  Lambert,  n'est-ce  pas?  Je  serais  assez  lenlée  de  croire  qu'il 
ne  t'est  pas  indilKrenl.  La  reconnaissance  a  des  droits  sur  tous 
les  nobles  cœurs  :  le  tien  a-t-il  parlé  pour  lui?  Serait-ce  pour 
Sazerac?  je  ne  le  suppose  pas.  Enfin  ,  lire-moi  de  mes  supposi- 
tions et  de  mes  doutes ,  ou  je  croirai  que  le  mauvais  exemple  te 
gagne  et  que  tu  m'abandonnes  aussi.  Mais  on  regrette  moins  un 
amant  qu'une  amie  ,  et  la  preuve,  c'est  que  je  ne  pense  plus  du 
tout  au  comte  de  Réval.  En  conscience,  je  m'exagérais  l'atta- 


chement que  j'avais  pour  lui  :  ce  que  c'est  que  l'habitude  !  Il  est 
parti  et  moi ,  qui  me  figurais  ne  pouvoir  me  passer  de  lui ,  je  ne 
me  suis  presque  pas  aperçue  de  son  absence.  Je  voudrais  pouvoir 
le  lui  dire  et  le  lui  bien  prouver  ;  ce  serait  ma  seule  vengeance , 
mais  je  ne  sais  où  il  est  :  il  se  cache,  comme  un  malfaiteur  :  il 
se  rend  justice.  Quant  à  toi ,  c'est  diirérént,  je  n'entends  pas  que 
tu  m'oublies  et  je  veux  que  tu  me  dises  tes  secrets. 


AUGUSTIN   DE  NÉRIS  AU  COMTE  DE  RÉVAL. 

25  septembre. 

Quand  le  maître  a  parlé ,  les  esclaves  obéissent  :  c'est  ce  que 
nous  avons  fait,  Stephen  et  moi,  avec  toute  l'intelligence  et  le 
zèle  dont  nous  étions  capables.  Monseigneur  doit  être  content; 
l'affaire  marche.  Le  marquis  d'Ossola  lui  a  sans  doute  expédié 
des  bulletins  pour  lui  raconter,  sinon  ses  victoires,  du  moins 
les  progrès  qu'il  fait  chaque  jour  auprès  de  la  belle  cantatrice. 
[1  n'est  pas  gauche  du  tout,  le  marquis  !  Il  s'est  posé  supérieu- 
rement dès  ses  premières  visites  :  il  a  ébloui  Clotilde  par  les  re- 


UiU 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


dont  l'administration  de  l'Opéra-Coniique  avait  frappé  li;  G'ii- 
tarera.  Cet  opéra  en  trois  actes  vient  d'être  repris  jeudi 
passé  au  théâtre  Favart,  et  le  succès  n'en  a  pas  été  douteux. 
Roger  joue  et  chaule  d'une  manière  loiit-h-fait  remarquable 
le  principal  personnage  de  celte  pièce.  Le  rôle  de  Zara  de 
Villaréal,  qui  a  été  créé  par  madame  Capdeville  ,  est  main- 
tenant rempli  par  madame  Casimir,  comédienne  suffisante , 
cantatrice  hardie,  et  même  expressive.  Les  auires  person- 
nages sont  fort  convenablement  rendus  par  Grignon,  Moreau- 
Sainti  et  Grard.  Le  premier  est  un  excellent  conspirateur, 
froid  et  décidé  ;  le  second  ,  espèce  de  "Walpnle  espagnol  qui 
achète  les  consciences  ,  caractère  calqué  aussi  sur  celui  de 
l'archevêque  du  Pinto  de  Lemercier  ;  et  le  troisième  a  bien 
la  rude  fierté  d'un  hidalgo  espagnol. 

Quant  à  la  musique  ,  elle  a  été  parluiu ment  appréciée  à 
cette  nouvelle  audition,  et  son  succès  ne  pourra  que  gagner 
aux  auditions  suivantes,  si  elles  ne  sont  pas  de  nouveau  en- 
travées. L'ouverture  est  un  joli  boléro,  instrumenté  et  mo- 
dulé d'une  manière  originale  et  délicieu.se.  La  sérénade  du 
premier  acte,  chantée  par  Roger,  a  bien  la  couleur  espagnole 
aussi.  Madaine  Casimir  dit  son  premier  air  de  cette  voix  ferme 
et  sûre  qu'on  dirait  partant  d'une  intelligence  et  d'une  excel- 
lente éducation  musicale.  Le  final  du  premier  acte  et  celui 
du  second  sont  des  morceaux  scéniques  traités  de  main  de 
maître.  L'air  du  second  acte,  chanté  par  Roger,  est  quelque 
chose  de  ravissant  ;  il  est  précédé  d'une  ritournelle  pour 
deux  violons  soli,  con  sordini,  accompagné  par  la  harpe  ,  la 
clarinette,  qui  dialoguent  délicieusement  avec  les  cors  et  d'au- 
tres instruments  à  vent,  de  la  façon  la  plus  pittoresque.  Cela 
est  riche  de  mélodie,  d'harmonie,  d'instrumentation;  et  sur 
ces  paroles  :  Aimé  d'elle  !  il  intervient  un  trémolo  d'orches- 
tre qui  s'unit  à  un  solo  de  violon  du  plus  charmant  effet ,  et 
provoque  d'unanimes  applaudissements.  Nous  ne  i)arlons 
pas,  n'ayant  que  peu  d'espace,  de  deux  duos  fort  beaux  et 
on  ne  peut  mieux  chantés  par  Pioger  et  madame  Casimir. 

Le  Guitarero  est  certainement  une  des  plus  remarquables 
partitions  de  M.  Halévy  ;  aussi  l'orchestre  ,  en  qui  il  y  a  un 
sentiment  artistique  ,  aime-t-il  cette  mu.sique  forte  de  choses 
et  riche  d'instrumentation  ;  il  la  dit  avec  chaleur,  verve, 
et  en  fait  bien  sentir  toutes  les  nuances.  On  voit ,  par  la  re- 


mise au  théâtre  de  cet  opéra  ,  riche  au  reste  de  mise  en 
scène,  de  co.stumes  et  de  décors,  que  l'administration  a  com- 
pris que  dans  les  reprises  des  bons  ouvrages  sont  les  éléments 
de  son  répertoire,  et  lesgages  les  plus  assurés  de  sa  pro.spcrité. 
Henri  1>lain(',hari). 


A  M.  LE  DIRECTEUR  DE  LA  GAZETTE  MIMCALE. 

Bruielîes,  S  décembre  1844. 

Monsieur  , 

Permettez-moi  de  signaler  à  l'attention  de  vos  lecteurs  un 
fait  digne  de  leur  intérêt,  à  savoir,  le  changement  qui  semble 
se  préparer  pour  la  situation  de  la  musique  en  Russie.  Tout 
le  monde  sait  que,  nonobstant  le  goût  manifesté  pour  cet  art 
par  la  cour  et  par  la  partie  éclairée,  élégante  de  la  nation  russe, 
la  culture  de  l'art  à  Pétersbourg  comme  à  Moscou  est  en  quel- 
que sorte  exotique  ;  car  la  musique  qu'on  y  entend  est  ita- 
lienne, française  ou  allemande,  et  les  chanteurs  ou  instrumen- 
tistes de  mérite  sont ,  pour  la  plupart,  étrangers.  Jusqu'à  l'é- 
poque actuelle,  Bortnianski,  à  qui  l'on  doit  de  bonne  musique 
à  l'usage  de  l'église  grecque,  est  à  peu  près  le  seul  composi- 
teur russe  dont  le  nom  soit  parvenu  jusqu'à  nous.  Il  y  a  pour- 
tant un  théâtre  d'Opéra  en  langue  russe  à  Pétersbourg,  où 
l'on  entendde  fort  belles  voix  dont  l'éducation  est  négligée  (1), 
et  pour  lequel  on  fait  de  grandes  dépenses  qui  ne  tournent 
guère  au  profit  de  l'art.  Les  ouvrages  représentés  sur  ce 
théâtre  sont ,  en  général,  des  traductions  de  l'allemand  ou  du 
français  ;  mais  quel  que  soit  le  mérite  de  ces  productions,  la 
haute  société  ne  va  point  au  théâtre  oii  on  les  représente , 
et  cette  indifférence  est  une  des  causes  principales  de  l'inertie 
dont  le  génie  de  la  composition  semble  frappé  en  Russie.  Une 
cause  semblable  a  produit  un  effet  identique  en  Angleterre. 

Cependant  on  rencontre  dans  la  haute  société  de  l'empire 
de  Russie  des  amateurs  distingués,   qui  pourraient  passer 

(1)  Le  gouvernement  a  pourtant  élevé  à  grands  frais  une  école 
pour  former  les  artistes  de  ce  théâtre  ;  mais  celte  école  n'a  rien  pro- 
duit jusqu'à  ce  jour,  et  ne  peut  rien  produire  avecTorganisalioD 
qu'on  lui  a  donnée. 


flets  dort!s  d'une  fortune  dn  nabab ,  qu'il  ne  laissait  percer  qu'à 
propos  et  comme  sans  y  penser.  Je  ne  dis  pas  pourtant  que  Clo- 
lilde  soit  prise,  mais  je  me  trompe  fort ,  ou  elle  est  lenlée ,  gran- 
dement tentée,  et  en  conscience  il  y  a  de  quoi.  Le  marquis  l'a- 
vait décidée  ,  non  sans  peine,  à  daigner  accepter  liier  un  dîner 
chez  Véry,  en  présence  de  convives  tous  désignés  par  elle.  Au 
dessert ,  on  servit  un  plat  d'argent  tout  rempli  de  bijou.x  de  la 
plus  rare  espèce,  et  le  marquis  invita  chaque  convive  à  mettre 
la  main  au  plat.  C'étaient,  disait  il ,  des  fruits  de  son  pays,  dont 
il  voulait  leur  faire  hommage.  Chacun  comprit  ce  que  cela  vou- 
lait dire  et  choisit  un  hijou  pour  le  déposer  aux  pieds  c!e  la  diva, 
qui ,  en  un  cHn  d'œil ,  se  trouva  plus  parée  qu'unie  madone ,  plus 
élincelanle  qu'un  écriii.  Il  n'y  ont  que  ce  damné  Siephcn  ,  qui 
s'avisa  de  garder  le  lot  qu'il  avait  choisi  :  c'était  une  montre 
charmante.  J'eus  beau  lui  faire  des  remontrances;  il  m'envoya 
promener  :  «  Je  prends  le  marquis  au  sérieux,  disait-il ,  eî  ses 
»  cadeaux  aussi.  C'est  une  preuve  d'estime  que  je  lui  donne.  » 

J'aurais  beaucoup  de  choses  à  te  mander,  sur  la  silualion  de 
l'Opéra,  mais  aujourd'hui  le  temps  nie  manque.  Je  ne  puis  que 
le  faire  part  d'une  lettre  qu'on  m'a  montrée  ce  malin ,  el  qui  me 
paraît  digne  d'être  gravée  en  caractères  d'or,  l'u  te  rappelles  la 
petite  Lucy ,  dont  lu  as  quelque  temps  payé  les  leçons  ciicz  Jjeau- 
pré.  lly  a  deux  jours,  Nanlouillel  l'a  rencon  Irée  dans  les  coidisses: 
il  faut  te  dire  qu'il  lui  fait  la  cour,  mais  sans  trop  de  vivacité. 
Il  lui  trouva  l'air  pensif,  les  yeux  ternes,  el  lui  demanda  pour- 


quoi elle  était  triste  ;  la  petite  refusa  de  répondre,  mais  le  len- 
demain elle  lui  écrivit  le  billet  suivant  : 

«  Vous  me  demendez  pourquoi  que  je  suis  Irisle?  je  vés 
»  fOH.'î  le  dir  :  c'est  que  je  voudrai/  que  vous  me  mettiés  dans 
»  mes  meubles  ,  et  ma  mère  avec.  » 

Signé,  Lucy. 
Madame  de  Sévigné ,  mademoiselle  de  Lespinasse  et  autres 
femmes  célèbres  par  leur  style,  n'avaient  pas  deviné  ce  style-là! 
La  suite  au  prochain  numéro.  Paul  Smith. 


MUSIQUE  DU  JOUR  DK  L'AN. 

2>essiii  de  Gavarni. 

Le  premier  jour  de  l'an  s'annonce  par  toute  sorte  de  fan- 
fares ,  dont  les  plus  désagréables  à  l'oreille ,  les  plus  coû- 
teuses à  la  bourse  ne  sont  pas  celles  que  les  enfants  exécutent 
sur  les  instruments  qu'on  leur  à  donnés  pour  étrcnnes. 
J'aime  beaucoup  le  sang-froid  de  ce  marmot  sonnant  de  son 
petit  cor  de  chasse  avec  autant  de  gravité  que  s'il  était  l'ange 
chargé  par  l'Eternel  d'emboucher  la  trompette  du  jugement 
dernier.  Quel  sentiment  de  satisfaction  et  d'orgueil  répandu 
sur  toute  sa  figure!  Tant  est  vif,  dès  le  premier  âge  de  la 
vie ,  le  plaisir  de  faire  un  peu  de  bruit  dans  le  monde  ! 


DE  PARIS, 


435 


partout  pour  des  artistes  de  mérite ,  et  qui  accordent  à  l'art 
une  protection  active  et  dévouée.  Tous  nos  chanteurs  et  in- 
strumentistes qui  ont  visité  Pétersbourg  savent  avec  quelle 
généreuse  bienveillance  les  ont  toujours  accueillis  MM.  "VViel- 
hnrshy  et  d'autres  grands  seigneurs,  véritables  Mécènes  des 
talents,  et  bons  juges  autant  qu'on  le  peut  être.  Depuis  peu 
d'années,  ces  amateurs  d'élite  semblent  avoir  conçu  ledessein 
dedonner  à  la  musique  une  existence  nationale  en  Russie, 
indépendante  des  ressources  de  l'étranger.  Ou  parle  à  Péters- 
bourg d'un  plan  d'école  de  musique  à  l'imitation  des  Conser- 
vatoires de  Paris  et  de  Bruxelles.  La  dépense  n'arrêterait  pas 
le  gouvernement  ,  si  les  zélés  amateurs ,  qui  approchent  fa- 
milièrement l'Empereur,  lui  pouvaient  donner  l'assurance 
du  succès.  Au  nombre  de  ces  amateurs,  il  faut  placer  M.  le 
général  Lwolf ,  dont  on  vante  le  talent  sur  le  violon  ,  et  qui 
est  chargé  de  la  direction  de  la  chapelle  impériale.  Je  ne  com- 
nais  pas  ses  compositions  ;  mais  elles  doivent  avoir  beaucoup 
de  mérite,  si  j'en  crois  les  éloges  des  journaux. 

Je  suis  mieux  informé  à  l'égard  de  M.  A.  Dargoraijsky, 
jeune  compositeur  de  noble  famille  ,  qui  m'a  fait  l'honneur 
de  me  visiter  à  son  passage  îi  Bruxelles,  et  qui  se  trouve  en 
ce  moment  à  Paris.  Pianiste  distingué  ,  il  a  publié  à  Péters- 
bourg beaucoup  de  compositions  vocales  et  instrumentales 
qui  ont  eu  de  brillants  succès  ;  mais  j'ai  été  particuUferement 
intéressé,  je  dirai  même  profondément  étonné  par  le  mérite 
d'un  grand  opéra  composé  par  lui,  sur  un  poëme  de  M.  Vic- 
tor Hugo.  Beaucoup  d'originalité ,  une  grande  énergie  de 
conception  qui  n'exclut  pas  la  grâce,  de  la  mélodie,  une  har- 
monie piquante  et  bien  modulée ,  enfin  un  instinct  très  re- 
marquable des  combinaisons  des  voix  et  des  instruments , 
voilà  ce  qui  m'a  frappé  dans  la  partition  sur  laquelle  M.  Dar- 
gomijsky  a  désiré  avoir  mon  avis.  Si  la  Russie  peut  être  diri  - 
gée  dans  son  éducation  musicale  future  par  quelques  ama- 
teurs d'un  mérite  aussi  vrai  quece|jeune  seigneur,  nul  doute 
qu'on  n'y  voie  bientôt  fleurir  l'art  d'une  vie  active  ,  produc- 
tive ,  et  indépendante  des  secours  étrangers. 

Agréez ,  etc. 

FÉTIS  père , 
directeur  du  Conservatoire  deBnixelles. 


pventicr  Concert  "ite  la  Bannie  musicale 

HT 

ÎHatint-c  musicale  âc  M.  Kîcscwctter. 

La  voici  revenue  cette  exhibition  de  quatuors  classiques , 
cettebonne»nï<sîcarf«c«w«'«,  ces séancesqu'on  a  surnommées 
les  sœurs  de  celles  du  Conservatoire  si  suivies  et  connues  sous 
la  dénomination  de  Société  des  concerts  :  là  se  retrouve  le 
noyau  des  fidèles  aux  vrais  principes  de  l'art  ;  ce  sont  des 
artistes  ,  des  amateurs  qui  ne  se  laissent  pas  étourdir  par  le 
tohu-bobu,  le  dévergondage  delà  presse  soi-disant  musicale, 
qui  forment  le  public  de  ces  séances  ;  et  ce  public  n'applau- 
dit jamais  mal  à  propos,  parce  qu'il  analyse  ce  qu'on  lui 
donne  :  aussi  aime-t-il  à  avoir,  nous  sommes-nous  laissé  dire, 
un  historiographe  des  sensations  qu'il  a  éprouvées  pendant 
les  concerts  de  la  Gazette  nimicatc. 

Le  neuvième  quatuor  en  nf  de  Beethoven  ,  celui  dédié  au 
comte  de  Razumofsky,  et  par  lequel  MM.  Alard,  Armingaud, 
Dancla  et  Chevillard  ont  ouvert  la  séance ,  est  un  des  plus 
beaux  et  des  plus  difficiles  du  grand  maître,  soit,  comme 
toujours,  pour  l'ensemble  de  l'exécution  ,  soit  pour  l'exé- 
cution de  la  partie  du  premier  violon.  Et  d'abord ,  scien- 
tifiquement   parlant,     il  commence    par    des    harmonies 


étranges,  par  des  accords  aux  résolutions  les  plus  inatten- 
dues; ce  serait  presque  du  romantisme  musical ,  si  la  régu- 
larité, l'unité  de  la  pensée  ne  devaient  témoigner  aussitôt 
que  ce  n'est  cfu'un  caprice  momentané  du  génie.  Le  délicieux 
midnnte  en  In  mineur  est  .semblable  à  ces  naïves  et  simples 
mélodies  qu'on  trouve  dans  Grétry  ou  d'Aleyrac  ,  mais  tra- 
vaillé, dialogué  d'une  manière  exquise  entre  les  quatre  inter- 
locuteurs. Le  finale  en  style  fugué  est  tout  empreint  de  cette 
originalité  piquante  qui  caractérise  Beethoven  dans  ses  pen- 
sées scolastiques;  et  s'il  est  plein  d'une  originalité  piquante,  il 
est  aussi  diabolique  d'exécution.  M.  Alard ,  parfaitement 
secondé  par  les  trois  autres  concertants,  a  dit  ce  morceau 
avec  une  rare  sûreté  d'intonation  et  une  brillante  liberté 
d'archet  qui  ressortait  d'autant  plus  qu'il  venait  de  chanter 
délicieusement  Validante  de  son  archet  alors  plein  de  suavité. 
M""  Grevedon  ,  qui  a  été  s'initier  aux  secrets  de  l'art  du 
chant  en  Italie,  nous  a  dit ,  avec  quelque  peu  de  timidité  en 
paraissant  pour  la  première  fois  devant  cet  auditoire  qui  est 
aussi  bienveillant  que  juste  et  connaisseur,  une  romance  de  la 
Lucrezia  Borgia  de  Donizetti  ;  puis ,  dans  une  cavatine  délia 
Béatrice  di  Tenda  de  Bcliini ,  elle  a  montré  un  peu  plus 
d'assurance,  basée  sur  une  bonne  méthode  ,  de  l'expression 
et  une  vocalisation  brillante. 

M"'"  Laty,  qui  s'est  déjà  fait  entendre  dans  les  concerts  de 
la  Gazette  musicale,  a  fort  bien  chanté  un  air  de  la  Reine  de 
Chypre ,  et  puis  une  charmante  barcaroUe  italienne  intitulée 
la  Dicliiarazione  d'Amore  ,  composée  par  ftL  Alary.  Ce  petit 
morceau,  fort  bien  écrit  pour  la  voix,  ne  se  distingue  pas 
moins  par  l'originalité  que  par  sa  mélodie  franche  et  bien 
rhyihmée  en  boléro  ;  il  obtiendra  beaucoup  de  succès  dans 
tous  les  concerts  où  il  sera  exécuté. 

Dans  le  cuite  qu'elle  a  voué  à  la  musique  classique  et 
sévère ,  M"''  Wartel ,  secondée  par  M.  Gossmann ,  est  venue 
nous  dire  le  deuxième  duo,  pour  violon  et  violoncelle ,  de 
Mendeissohu  ,  morceau  de  science  aride ,  beaucoup  trop  tra- 
vaillé, et  qui  s'adressait  avant  tout  aux  contra-puntistes  qui 
ne  sont  pas  a.ssez  nombreux  en  France  pour  former  un  public. 
Quoi  qu'il  en  soit,  la  jolie  et  habile  pianiste  nous  a  montré  là, 
comme  toujours,  son  exécution  preste,  accentuée,  brillante 
et  chaleureuse;  mais  on  a  mieux  aimé  retrouver  ces  qualités 
dans  une  étude  de  sa  composition ,  et  dédiée  à  Thalberg,  qui 
n'était  pas  annoncée  sur  le  programme,  et  qu'elle  nous  a  dite 
en  dédommagement  du  morceau  par  trop  scolastique  qu'elle 
avait  exécuté  avec  M.  Gossmann  ,  l'im  de  nos  meilleurs  vio- 
loncellistes. Enfin,  MM.  Alard,  Armingaud,  Dancla  et  Che- 
villard sont  revenus  pour  clore  la  séance  par  un  quatuor  de 
Mozart ,  de  ce  Mozart  dont  le  goût ,  le  savoir,  la  richesse 
d'idées,  la  renommée,  sont  plus  indestructibles  que  le  marbre 
de  la  statue  qu'on  lui  a  élevée  à  Salzbourg,  et  que  la  dent 
romantique  mordra  toujours  aussi  inutilement  que  le  serpent 
de  la  fable  s'exerçant  en  vain  à  détruire  une  lime.  Ce  quatuor 
plastique,  c'est-à-dire  ayant  la  puissance  de  former  l'opinion 
musicale ,  ce  beau  et  simple  quatuor  a  eu  les  honneurs  de  la 
séance  avec  celui  de  Beethoven  ;  et  quoique  dit  à  la  fin  du 
concert ,  il  a  excité  l'enthousiasme  et  provoqué  d'unanimes 
applaudissements. 

iN'oublions  pas  de  donner  des  éloges  à  l>L  Alary,  qui,  sans 
centredit,  est  le  meilleur  accompagnateur  que  Paris  possède 
en  ce  moment. 

Mercredi  passé,  M.  Kiesewetter,  premier  violon  de  la  mu- 
sique du  roi  de  Hanovre,  a  donné,  dans  le  même  local ,  une 
matinée  musicale  qui  avait  attiré  un  assez  bon  nombre  d'au- 
diteurs. M.  Kiesewetter  est  un  jeune  artiste  possédant  un 
talent  gracieux  sur  le  violon.  Son  intonation  est  parfois  un 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


peu  haute  ,  ainsi  que  son  trille,  qui  se  distance,  lorsqu'il  se 
prolonge,  d'une  seconde  augmentée.  11  cliante  bien  sur  son 
instrument;  mais  il  a  l'archet  superficiel ,  c'est-à-dire  ne 
creusant  pas  assez  le  son  pour  impressionner  son  auditoire. 
Ce  défaut  de  puissance  de  son  s'est  surtout  fait  sentir  dans  la  va- 
riation en  la  mineur  de  la  fantaisie  qu'il  a  jouée,  du  reste,  avec 
beaucoup  de  goût,  d'expression  et  de  style.  Ponchard  a  chaulé, 
en  habile  professeur  qu'il  est,  un  air  de  Afazaniello  et  des  ro- 
mances gracieusement  tristes,  et  qu'il  a  fait  valoir  de  son 
excellente  diction  lyrique.  M""  Morize,  qui  pourrait  bien  de- 
venir une  cantatrice  à  la  mode  un  de  ces  jours ,  a  dit  une 
cavatine  italienne  et  un  air  français  de  In  Muette  de  Portici. 
M"'  Morize  a  de  la  hardiesse  et  de  l'éclat  dans  sa  manière  de 
chanter  :  nous  pensons  qu'elle  sentira  la  nécessité  d'acquérir, 
si  cela  s'acquiert,  un  peu  de  sensibilité  et  de  distinction  dans 
l'émission  de  la  voix ,  et  qu'elle  fera  en  sorte  de  montrer  la 
même  facilité  dans  une  gamme  rapide  en  descendant  qu'en 
montant.  M"'  de  Dietz.a  dit  deux  mélodies  de  Schubert  sur 
le  piano,  la  Sénérade  et  le  Roi  des  Aulnes.  Elle  joue  cela 
de  cette  manière  fine ,  élégante,  cfui  caractérise  son  jeu  et  en 
fait  la  pianiste  des  sociétés  choisies.  M.  Kiesewetter  n'a  eu 
donc  qu'à  se  louer  de  ses  concertants  et  du  public,  quia  paru , 
de  son  côté,  fort  satisfait  aussi  de  M.  Kiesewetter. 

Henri  Blanchard. 


',*  Demain  lundi,  à  l'Opéra,  Marie  Siuari. 

','  Le  Ttiéâtre  Italien  a  repris  jeudi  dernier  Bealrice  di  Tendu  , 
de  Bellini ,  pour  les  débuts  d'Ojeda  ,  ténor  espagnol  qui  a  reçu  un 
bon  accueil  ,  justifié  par  une  voix  fraîche  et  timbrée,  mais  peu 
étendue. 

","  P.onconi  doit  aller,  après  la  saison  actuelle,  clianler  à  Madrid 
pendant  un  trimestre,  ujoyennanl  8,000  fr.  par  mois. 

',"  Les  représentations  du  Théâtre  Anglais  n'ont  produit  que  ce 
qu'on  devait  raisonnablement  en  attendre,  après  un  enlr'acte  de 
quinze  ou  seize  ans.  Macready  est  toujours  un  artiste  supérieur; 
miss  Helena  Faucitt  n'est  ni  sans  talent  ni  sans  charme,  et  le  reste 
de  la  troupe,  quoique  peu  remarquable,  ne  nuit  pas  à  l'ensemble 
du  spectacle.  Mais  les  temps  sont  changés  :  la  question,  posée  en  1828 
est  souverainement  jugée,  et  ce  n'est  plus  de  l'Angleterre  que  nous 
attendons  la  régénération  de  notre  théâtre.  Au  contraire,  une  réac- 
tion s'est  faite  en  faveur  des  auteurs  classiques  de  la  France.  Shak- 
speare  est  toujours  Shakspcare;  mais  Corneille  et  Racine,  menacés 
en  son  nom,  se  sont  raffermis  sur  leur  piédestal  et  sont  rentrés  dans 
la  plénitude  de  leurs  droits. 

".'  Meyerbecrdoit  être  à  Paris  vers  la  fin  du  mois  de  janvier,  pour 
s'occuper  de  la  mise  en  scène,  sur  un  théâtre  de  Paris,  du  Cmnp  en 
Silésie  ,  qui  ,  suivant  toutes  tes  probabilités,  sera  représenté  cet 
hiver. 

',*  Le  pape  vient,  dit-on  ,  de  conférer  ù  Spontini  le  titre  de 
comte  de  Saint-Andréa  ,  en  récompense  de  plusieurs  fondations  et 
de  réformes  introduites  par  l'illustre  compositeur  dans  la  musique 
religieuse.  Nous  ne  doutons  pas  de  la  réalité  des  services  rendus  par 
l'illustre  artiste,  mais  nous  croyons  que  le  plus  beau  titre  qu'il 
puisse  jamais  porter,  c'est  celui  de  l'auteur  de  la  f^estale. 

".'  Un  brillant  concert,  suivi  d'une  loterie  au  bénéfice  des  jeunes 
orphelins,  vient  d'avoir  lieu  dans  la  salle  de  Herz.route  la  plus  belle 
société  de  Paris  s'y  était  réunie  pour  participera  cette  œuvre  philan- 
thropique. On  y  a  entendu  ,  pour  la  première  fuis  ,  un  morceau  sur 
deux  harmoniums,  composé  par  M.  Lefébure-Wély,  et  exécuté  par 
lui  et  M.  Desjardin.  L'effet  de  ce  duo  a  produit  une  impression  pro- 
fonde sur  l'auditoire.  On  croyait  entendre  des  voix  chanter,  tant  il 
est  vrai  que  les  harmoniums  de  M.  Debain  se  prêtent  aux  nuances 
d'expression  les  plus  délicates.  Disons  aussi  que  M.  Lefébure-Wély 
en  sait  tirer  un  parti  excellent ,  et  ses  fantaisies  sur  des  motifs  de 
Guillaume  Tell,  Don  Pa.sqtiute  ,  Zampa,  le  Barbier  de  S'éville ,  etc., 
sont  de  délicieuses  compositions  ,  qui  ne  peuvent  que  propager  de 
plus  en  plus  l'harmonium  ,  dont  la  vogue  égale  déjà  celle  du  piano. 

",'  Les  grands  pianistes  arrivent  à  Paris.  Nous  citerons  d'abord 


M.  Léopold  de  Meyer  et  Charles  Evers.  Le  premier  a  obtenu  des  suc- 
cès immenses  en  Angleterre  et  en  Allemagne  ;  M.  ^Charles  Evers  a 
donné  l'hiver  dernier  six  concerts  à  Vienne,  qui  tons  ont  attiré  la 
foule;  madame  Pleyel,  la  pianiste  la  plus  justement  célèbre  de  l'Eu- 
rope, qui  réunit  à  la  grâce  de  Chopin,  de  Thalberg  et  Dolher,  la  vi- 
gueur de  Liszt,  est  ici  depuis  quelques  jours;  Dreyschok  est  attendu 
sous  peu  de  jours,  et  Thalberg  habile  Paris  :  voilà  un  véritable  con- 
grès de  pianistes. 

","  Un  jeune  ténor,  du  même  pays  que  Poultier,  et  qui  avait  quitté 
le  barreau  pour  la  scène  ,  M.  Mouchelet,  obtient  en  ce  moment  de 
grands  succès  à  Marseille. 

",*  Le  jour  de  Noël  on  a  exécuté  avec  succès,  dans  l'église  de  Saint- 
Germain-l'Auxerrois  ,  plusieurs  fragments  d'une  nouvelle  messe  à 
grand  orchestre  de  M.  J.  Martin,  d'Angers,  laquelle ,  nous  assure-I- 
on ,  sera  chantée  en  entier  le  jour  de  Pâques. 

".'  Le  directeur  de  Covent-Garden  monte  en  ce  moment  VAnti- 
fjone  de  Sophocle,  avec  les  chœurs  <le  Mendelssohn,  tels  qu'on  les  a 
exécutés  à  l'Odéon. 

*,'  Au  point  de  vue  architectural  ,  le  grand  ihéàtre  de  Bordeaux 
est ,  sans  contredit ,  le  plus  beau  de  l'Europe.  Nous  croyons  rendre 
un  service  aux  amateurs  des  œuvres  d'art  en  les  engageant  à  visi- 
tei  l'admirable  modèle  en  relief  représentant  l'extérieur  et  l'inté- 
rieurde  ce  monument  unique.  Ce  modèle  est  exposé  dans  les  riches 
magasins  de  tableaux  et  d'objets  de  curiosités  de  M.  Nidelay ,  quai 
Malaquais,  7. 

",*  Ceux  qui  trouvent  que  de  nos  jours  on  ne  sait  plus  s'amuser, 
n'ont  qu'à  faire  un  tour  au  bal  de  l'Opéra  ,  où  ils  verront  toute  une 
population  s'amuser  pendant  six  heures  de  suite  avec  une  ardeur 
dont  rien  ne  saurait  donner  d'idée  :  aussi  le  chiffre  de  la  recette  va- 
t  il  toujours  en  augmentant. 

*,"  C'est  le  1"  janvier  que  l'Opéra-Comique  inaugurera  ses  bals 
masqués  par  une  fête  extraordinaire.  Les  bals  continueront  en- 
suite chaque  dimanche  pendant  le  carnaval  et  sans  interruption. 
Afin  de  satisfaire  tous  les  goûts  et  pour  rester  à  la  portée  de  toutes 
les  fortunes  ,  les  prix  ont  été  baissés.  La  faveur  générale,  méritée 
par  ces  fêtes  l'année  dernière  et  les  nouvelles  mesures  prises  par  l'ad- 
ministration, sont  un  siir  garant  de  la  vogue  qu'elles  vont  avoir.  Tout 
Paris  connaît  déjà  et  la  beauté  de  la  salle,  et  sa  magnifique  décora- 
tion, et  son  éclairage  merveilleux;  Musard  a  composé  l'orchestre 
avec  le  plus  grand  soin  ;  il  lui  a  confié  son  répertoire  ;  son  fils  le 
conduira.  Avec  de  tels  éléments  de  succès,  ce  n'est  pas  seulement  la 
Chaussée-d'Antin  qui  peuplera  ces  bals,  tous  les  amateurs  de  la 
rive  gauche  s'y  donneront  également  rendez-vous.  Où  pourraient-ils 
se  trouver  aussi  bien? 

Ciai'onique  étrangère. 

%■  Berlin,  17  décembre.  —  La  jeune  et  jolie  cantatrice  suédoise, 
Mlle  Jenny  Lind  ,  qui  a  été  engagée  au  théâtre  royal  du  Grand- 
Opéra,  vient  d'y  faire  son  premier  début  dans  iVoima  ,  de  Bellini  , 
et  elle  en  a  exécuté  le  principal  rôle  d'une  manière  qui  l'a  placée  au 
premier  rang  des  cantatrices  allemandes;  aussi  a-t-elle  été  accueillie 
par  notre  public  avec  le  plus  grand  enthousiasme.  Mlle  Lind,  qui  est 
née  à  Goihenbourg  ,  a  fait  ses  éludes  musicales  à  Paris  ,  sous  la  di- 
rection (le  MM.  Emmanuel  Garcia  et  Bordogni  :  plus  tard  elle  a  été 
guidée  par  les  conseils  de  Meyerbeer.  —  Le  nouvel  opéra  de  cet  il- 
lustre m;iître,  le  Camp  en  Silésie ,  va  être  mis  en  scène  au  théâtre 
de  Brunswick,  celui  de  tous  les  théâtres  ;d'Allemagne  qui ,  le  pre- 
mier, a  donné  les  trois  grands  chefs-d'œuvre  du  même  auteur  :  Il 
Crocialo,  lioberl  le  Diable  et  les  Huguenots. 

','  20  décembre.  —  Le  lendemain  de  la  deuxième  représentation 
du  nouvel  opéra  de  M.  Meyerbeer,  le  Camp  en  Silésie,  le  roi  a  adressé 
à  MM.  de  Kustner,  intendant  des  théâtres  royaux,  et  Meyerbeer,  di- 
recteur-général de  musique  et  premier  maître  de  chapelle  de  S.  M., 
un  ordre  île  cabinet  autographe  ,  dans  lequel  S.  M.  leur  exprime  sa 
haute  satisfaction  de  la  mise  en  scène  de  l'ouvrage.  Cet  ordre  de  ca- 
binet ,  qui  vient  d'être  publié,  n'avait  pas  de  précédent  dans  les  an- 
nales de  Prus-e.  Les  honoraires  que  S.  M.  a  fait  payer  pour  le  Camp 
en  Sî/esie  montent  à  24,000  thalers  (91,200  fr.),  dont  3,000  Ihalers 
(11,400  fr.)  à  M.  de  Rellslab,  auteur  des  paroles  j  20,000  thalers 
(76,000  fr.)  à  l'auteur  de  la  musique,  et  1,000  thalers  (3,e0l)  fr.  )  au 
chorégraphe,  M.  Hoguet. 

V  Barcelone.  —  Au  théâtre  deSanta-Cruz  on  a  représenté  avec 
succès  Nabuchodnnosor,  opéra-séria  en  quatre  actes ,  musique  du 
maestro  Verdi. 

U  Directeur,  Rédacteur  en  chef,  Mabricb  SCHLESINGER. 


DE  PARIS. 


437 


HARMONIUM-DEBAIN 


MODÈLE  COMPLET  iT  DÉSIGNATION  DES  BEGISTRES. 


@         @  @         @         ®         © 

Forte.        Basson.         ClairoD.       Bourdon.     Cor  angl.      G.  Je: 


COMBXM&ÏSOM 


®  ®  ®  ®  ®  @ 

Eipres»..        Flûte.       Clarinelte.       Fifre         Hautbois.        Forle. 


BECISTBES    DE    DESSUS. 


Flageolcl. 

Yoiz  tmmaine. 

@ Orgue 

I       @      @ Museltc. 

(g      @  .  . Flûte  basse. 


®       @ 


£a  noU  la  jilus  basât  corrtsjjonil  ou  ton  ii'un  tu^au  ii'orgut  bt  1 6  jiitbs  il  laitjutur. 

L'ÉTBUDUE  DS3  SONS  EST   DE    7    OCTATGS 


WANDFACTÏÏRE,  53,  ME  VIVIENNE, 


L'Harmonium  imite  l'orgue  et  plusieurs  autres  instruments  :  chaque  registre  produit  un 
son  d'un  timbre  différent  ;  en  les  combinant  de  diverses  manières,  on  obtient  des  effets  variés 
à  l'infini.  Les  sons  s'expressionnent  comme  la  voix  ;  le  clavier  est  très-facile  à  jouer  pour  toute 
personne  touchant  le  piano,  et  la  musique  de  tout  genre  peut  s'y  exécuter,  surtout  la  musique 
large  et  chantante.  Sa  forme  élégante  et  sf^s  petites  dimensions  en  font  un  meuble  de  luxe  et 
d'agrément  dont  la  place  est  partout,  depuis  le  salon  du  prince  jusqu'à  la  mansarde  de  l'ar- 
tiste, depuis  la  chapelle  d'une  cathédrale  jusqu'à  la  plus  simple  église  de  village.  Enfin,  son 
emploi  est  général.  L'Harmonium  manquait  aux  besoins  de  l'époque,  et  aujourd'hui  c'est  un 
instrument  aussi  indispensable  que  le  piano.  Nos  plus  célèbres  compositeurs,  chanteurs,  pia- 
nistes et  organistes  l'ont  tous  adopté  ;  ils  le  prennent  sous  leur  patronage,  et  cherchent  à  en 
propager  l'usage,  qui  sera  bientôt  universel,  car  à  lui  seul  l'Harmonium  est  un  orchestre  com- 
plet, dont  les  ressources  sont  immenses,  et  qui  joint  encore  à  ses  nombreux  avantages  celui  de 
tenir  l'accord  constamment.  Déjà  des  méthodes,  par  MM.  Lefébure-Wély,  Fessy,  Desjardin , 
Miné,  etc.,  ainsi  que  beaucoup  de  compositions  musicales,  sont  publiées  pour  cet  instrument. 

Le  Driï  courant  est  400  francs  et  au-dessus. 


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638 


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TABLE   DU  ONZIÈME   VOLUME 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


BS    PARIS. 
AMÉE  \SU. 

TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  MATIÈRES. 


Académie  des  beaux-arts.  Voy.  Concours. 

Académie  royale  de  musique.  Voy.  Théâtres. 

Académie  de  Ste-Cécile,  à  Rome.  2^2. 

Affiche  monstre.  il8. 

Air  sanscrit ,  chanté  à  Munich.  195. 

Allemagne.  Voy.  Lettres. 

Anecdotes  musicales  : 
L'actrice   endormie.   233.   —  Rossini   et 
l'homme  mystérieux.  210. 

Anémocorde.  233.  —  Histoire  de  cet  instru- 
ment. 283. 

Annuaire  dramatique,  publié  à  Bruxelles. 
162. 

Antiphonaire  de    saint  Grégoire-le-Grand. 
Voy.  Notation  musicale. 

Association  des  artistes  dramatiques.  281. 

—  des  Artistes-musiciens,  art.  anon.  22. 

—  Assemblée  générale,  art.  signé 
P.  S.  25.  —  Piano  mis  en  loterie.  Z|7. 
162.  171.  —  Résultat  du  tirage.  209. 

—  Concert  donné  au  bénéfice  de  l'as- 
sociation 320.  329.  Voy.  Concerts. 

—  Patronage  du  prince  de  Joinville. 
368.  —  Pensions  accordées  à  quatre 
musiciens.  ûl7. 

—  des  Artistes-musiciens  belges.  6. 

—  charitable  de  St.-Nicolas.  /iS. 

—  lilloise.  234. 

—  musicale  à  Caen.  22i. 
Autographe  curieux  de  Grétry.  7.  —  De  Liszt. 

306. 
Autographes  (  Impressions  des) ,    art.    de 
M.  Blanchard.  374. 


B 


Berton  (A  la  mémoire  de),  Poésie  de  M.  An- 
tony  Deschamps.  161.  —  Souscription 
pour  son  monument,  ibid.  —  Concert 
donné  au  bénéfice  de  sa  veuve.  162.  Voy. 
Biographies. 

BIOGRAPHIES. 

Baini,  art.  de  M.  A.  de  La  Fage.  227.  235. 
Berton  (Souvenirs  anecdotiquessur),  art. 

de  P.  Smith.  17;'.. 
.Soubre  (Etienne),  art.  de  M.  Gathy.  208. 
Vieuxtemps,  art.  de  M  Féiis.  (Extr.  de  la 
Biogr.  univ.  des  musiciens.)  349. 
lîobre ,  instrument  de  mus.  37. 


Carillon  de  Valenciennes.  108. 

Cercle  des  arts,  société  à  Bruxelles.  400. 

Chanteurs  (Les)  Pyrénéens,  art.  de  M.  Blan- 
chard. 287. 

Chirogymnaste.  142. 

Chœurs  exécutés  par  des  aliénés.  337. 

Cinquième  (Taxe  du).  Décision  de  la  Cour 
royale  à  ce  sujet.  85. 

Club  des  mélodistes,  à  Londres.  55. 

Compositeur  (Les  luttes  du),  art.  de  M.  Mei- 
fred.  99.  165.  199.  259.  323.  371. 

Compositeurs.  Tableau  de  l'âge  auquel  sont 
morts  quelques  uns.  7. 

Composition  musicale  (Ce  qu'on  entend  par 
une  bonne),  art.  anon.  11. 

Concert  donné  par  un  enfant  de  trois  mois , 
art.  signé  M.  S.  17. 

CONCERTS. 

—  du  Conservatoire,  1"'  concert,  art.  de 

M.  Stéphen  Heller.  20. 

2°  concert,  art.  du  même.  35. 

3'  concert,    —  —      52. 

Il'  concert,    —         —      78. 

Concert  spirituel  (Soirée  du  Vendredi- 
Saint),  art.  du  même.  131. 

—  de  la  Gasette  musicale   (1843-44). 

3*  concert.  Programme.  5.  —  Art. 

de  M.  Blanchard.  13. 
W  concert.   Programme.  29.  —  Art. 

du  même.  36. 
5'  concert.  Programme.  67.  —  Art. 

du  même.  79. 
6'  concert.  Programme.  119.  —  Art. 

du  même.  125. 
1"  concert  (1844-45),  art.  du  même. 

435. 

—  de  l'Association  des  artistes-musiciens, 

art.  de  M.  Bourges.  363. 

—  —      des  fabricants  et  artisans,  art. 

de  M.  Blanchard.  94. 

—  de  l'Athénée  des  arts,  art.  du  même.  4. 

—  des  jeunes  Aveugles,  art.  du  même. 

208. 

—  du  Cercle  des  arts.  38. 

—  du  Cercle  musical  des  amateurs,  art. 

de  M.  Blanchard.  139. 

—  de  l'Institut  catholique.  47. 

—  au  bénéfice  des  Orphelines  recueillies 

par  les  sœurs  du  Gros-Caillou,  art. 
de  M.  Blanchard.  177. 


CONCERTS. 

—  de  la  Société  des  artistes-unis.  23. 

—  de  la  Société  allemande  de  bienfai- 

sance. 409.—  Art.  de  M.  Blanchard 
423. 

—  de  la  Société  libre  des  beaux-arts,  art. 

de  M.  Blanchard.  177. 

—  —    de  musique  classique  sous  la  di- 

rection du  prince  de  la  Mos- 
kowa,  art.  du  même.  103. 

—  —    philotechnique,  art.  du  même. 

184. 

—  —    philharmonique.    345 ,   art.    du 

même.  397. 

—  Vivienne.  186. 

—  du  Cercle   philharmonique  de   Bor- 

deaux. 55.  143. 

—  de  l'Institut  musical,  à  Orléans.  54. 

108. 

—  de  la  Société  musicale  de  Bruges.  7. 

—  Irlandais ,  à  Londres.  120. 

—  de  Julien,  à  Londres.  69.  108.  418. 

—  de  musique  ancienne  {Ancient  con- 

certs), à  Londres.  55. 108. 


—  de  MM.  Alardet  Dorus,  art.  de  M.  Blan- 

chard. 103. 

—  de  M.  Baerwolf,  art.  du  même.  132. 

—  de  M.  Batta  (Alex.).  Programme.  119. 

—  Art.  de  M.  Blanchard.  133. 

—  de  M.  Baumes-Arnaud.  197. 

—  de  la  famille  Beaucé,  art.  de  M  Blan- 

chard. 94. 

—  de  M.  Beaulieu ,  art.  du  même.  152. 

—  de  M.  Berlioz.  Programme.  30.  —  Art. 

de  M.  Bourges.  43. 

—  —    concert    spirituel.     Programme. 

119.  —Art.  de  M.  Berlioz.  167. 

—  —     (Festival)  dans  la  salle  de  l'Expo- 

sition. 210.  224.  241.  Progr. 
250.  —  Art.  de  M.  Blanchard. 
262.  — Deuxième  journée.  Pro- 
gramme. 26li.  —  Art.  du  même. 
273. 

—  au  profit  de  Mme  Berton.  Programme. 

202.  —  Art.  signé  P.  S.  223. 

—  de  Mlle  Boireaux ,  arf .  de  M.  Blanchard. 

83. 

—  de  Mlle  Borchhardt,  ai  t.  du  même.  140. 

—  de  M.  Cavallini.  Voy.  Ojeda. 

—  de  M.  Cavallo.  119.  127.  —  Art.  du 

même.  133. 

—  deM.Chaudesaigucs,ar/.dumême.  45. 


kko 

CONCERTS. 

—  de  M   Ghevillard.  Programme.  Ii7.  — 

Art.  du  même.  67. 

—  de  M.  Coche,  art.  du  même.  95. 

—  de  M.  Cohen,  art.  du  même.  67. 

—  de  M.  Cossmann,  art.  du  même.  139. 

—  de  MM.  Dancla  frères,  art.  37.  i23. 

—  de  M.  David  ("Félicien).  Programme. 

393.  —Art',  de  M.  Bourges.  Zil3. 
-_    de  MM.  Dêjazet  et  Bessems,  art.  de 
M.  Blancliard.  lOû. 

—  de  M.   Delsarte.   Programme.  107.  — 

Art.  du  même.  139. 

—  de  M.  Disiin,  art.  du  même.  116. 

—  de  M.  Doehler.  Programme.  85.  96. — 

Art.  du  même.  lOZi.  —  2'  concert. 
119.  127.  —  Art.  du  même.  131. — 
3°  concert.  Programme,  làà.  153. 
Art.  du  même.  159. 

—  de  MM.  Dolmetsch  et  Hurteaux,  à  An- 

gers. Zil  8. 

—  de  M.  Dreyschock,  à  Bruxelles.  46.  l/il. 

— A  Bonn  et  à  Cologne.  23Z|.  A  Franc- 
fort. 31. 

—  de  Mme  Ducrest,  art.  de  M.  Blanchard. 

àU. 

—  deMlleDuvillard,  art.  du  même.  103. 

—  de  Mme  Eichthal  (Elise  d'),  art.  du 

même.  623. 

—  de  M.  Ermel.  69,  art.  du  même.  [&à. 

—  de  M.  Ernst,  à  Londres.  2/i0. 

—  de  Mme  Farrenc,  art.  du  même.  229. 

—  de  M.  Gain,  art.  du  même.  8i. 

—  de  M.  Géraldy,  art-  du  même.  177. 

—  de  M.  Gold,  art.  du  même.  95. 

—  de  MM.  Goria  et  Lac,  art.  du  même. 

126. 

—  deM.  Guerreau.  139.  ouGarreau.  l/iO. 

—  de  M.  Gutmann,  art.  du  même.  lOlt. 

—  de  M.  Halle,  art.  du  même.  lOà. 

—  de  M.  Haumann,  à  Varsovie.  31. 

—  deM.  Haumann  et  Mme  Sabatier,  à 

Bruxelles.  iOO. 

—  de  M.  Javault  (Séances  de  quatuors). 

hll.  68.  83.  103. 

—  de  Mme  Jourdan-Marchal,    art.    de 

M.  Blanchard.  117. 

—  deM.  Kastner.  369.  376.  385.  ZiOl.  — 

Art.  de  M.  Blanchard.  Zi07. 

—  deM.Kiesewetter,  art.  du  même.^Zi;i5. 

—  de  M.   Kontski  (Antoine  de),  ar  .  du 

même.  152. 

—  de  Mlle  Korn,  art.  du  même.  95. 

—  de  Mlle  Krinilz,  art.  du  même.  83. 

—  deM.  Lacombe.  107. —  Art.  du  même. 

117.  —  Concert  donné  à  Lyon.  233. 

—  de    Mlle    Lindsay-Sloper,     art.     de 

M.  Blanchard.  116. 

—  de  M.  Lisle  (Charles  de),  ar^  du  même. 

95. 

—  de  M.    Liszt.   13/!|.   138.  —  Deuxième 

concert.  Programme.  Ii2.  —  Art. 
de  M.  Blanchard.  152.  —  A  Madrid. 
38i|. 

—  de  M.  Louis,  art,  du  même.  67. 

—  de  Mlle  Mailmann  (Louise),  art.  du 

même.  133. 

—  de  M.  Mecatti,  art.  du  même.  103. 

—  de  M.  Méreaux  (Amédée).  Programme. 

13i.  142.  ibZ.—Art.  de  M.  Blan- 
chard. 169. 

—  de  M.  Michiels.  30. 

.    —    de  Mlles  MilanoUo,  à  Berlin.  171.  —  A 
Leipzig.  69. 

—  de  M.  Mulder,  art.  de  M.  Blanchard. 

83. 

—  de  Mlle  Nordet,  art.  du  même.  200. 

—  de  M.  Offenbach ,  art.  du  même.  159. 

—  de  MM.  Ojeda   et  Cavallini,  art.  du 

même.  184. 

—  de  M.  Osborne,  art.  du  même.  116. 

—  de  MM.  Panofka  et  Rosenhain,  à  Bade. 

257. 


TABLE  ALPHABETIQUE 

CONCERTS. 

—  de  Mlle  Péan  de  la  Rochejagu,  art.  du 

même.  153. 

—  deM.  Piatti,  art.  du  même.  140. 

—  de  M.  Planque  art.  du  même.  44. 

—  de  M.  Poncliard,  art.  du  même.  140. 

—  de  Al.  Prudent  (Emile  .  153.  —  Art.  du 

même.    169.    —   Concert  donné  à 
Lille.  30. 

—  de  M.  Prume,  art.  de  M.  Blanchard. 

139. 

—  de  M.  Rosellen,  art.  du  même.  126. 

—  de  Mlle  Rossignon,  art.  du  même.  94. 

—  de  Mme  Sabatier,  art.  du  même.  94. 

—  de  M.  Saint-Saëns,  art.  du  même.  229. 

—  de  M.  Sauvan,  art.  du  même.  44. 

—  de  M.  Schad,  art.  du  même.  104. 

—  de  Mlle  Scheibel,  art.  du  même.  132. 

—  de  M.  Seligmann,  art.  du  même.  ibid. 

—  de  M.  Servais,  à  Berlin.  38. 

—  de  M.  Sudre.  94. 

—  de  M.  Tagliaflco,  art.  deM.  Ijlanchard. 

159. 

—  deMlleTinell,  art.  du  même.  4. 

—  de  M.  Tingry  (Célestin),  art.  du  même. 

126. —Concert  donné  à  Orléans.  418. 

—  de  Mlle  Vavasseur.art.  du  même.  153. 

—  de  Mlle  Veny  (Jenny),  art.  du  même. 

83. 

—  de  M.  Visconti,  art.  du  même.  140. 

—  de  M.  Vivier,  art.  du  même.  139. 

—  de  M.  Waldmuller,  art.  du  même.  153. 

—  de  .Mme  Wartel,  art.  du  même.  117. 

—  de  Mlle  Zerr  (Anna),  art.  du  même. 

183. 

Voy.  aussi  Matinées   musicales, 
Soirées  musicales. 

Concours  de  composition  musicale.  38.  — 
Pour  le  grand  prix.  233.  —  Pour  le  prix 
de  Rome.  281.  —  Au  conservatoire.  257. 

—  de  musique,  à  Anzin.  314. 

—  ouvert  à  Manheim ,  pour  le  meilleur 

quatuor.  417. 

Conservatoire  de  musique  de  Paris.  Exercices 
des  élèves.  142.  —  Exercice  dramatique  et 
lyrique,  art.  signé  P.  S.  190.  — Concours, 
art.  signé  P.  S-  271.  —Distribution  des 
prix,  art.  signé  P.  S.  391.  —  Améliora- 
tions proposées  par  M.  Auber.  393.  —For- 
mation d'une  seconde  classe  d'opéra-co- 
mique. 427. 

Conservatoire  de  chant,  à  Rouen.  289. 

Conservatoire  de  musique  de  Bruxelles.  Con- 
cours, art.  anon.  277.  —  Concours  pour 
l'orgue.  428. 

—  —    de  Leipzig.  55. 

—  —    de  Lipge.  Distribution  des  prix. 

418. 

—  —    fondé  à  Copenhague.  385. 

—  —       —    à  Nantes.  377.  Ouverture. 

415. 
Contrepoint  (Considérations  sur  l'étude  du), 
art.  de  M.  Féiis  père.  387. 

CORRESPOIVDAIVCE. 

—  de  Bergzabern.  279. 

—  de  Bruxelles.  45.  141.  193.  336.  400. 

—  de  Fribourg  (Suisse),  29. 

—  de  Londres.  85.  95.  106.  118  (par  er- 

reur 116).  170.  240. 

—  de  Lyon.  79.  106.  140.  319. 

—  de  Madrid.  384. 

—  de  Marseilles.  13.  84.  192. 

Cours  d'histoire  et  de  théorie  de  l'harmonie , 
fait  par  M.  Fétis,  art.  signé  M.  S.  78.  — 
Analyse  de  ce  cours  par  M.  Félis  même. 
89.  121.  147. 

Création  (La)  du  monde,  art.  deM.  Bourges. 
355. 

Czerny  (Charies).  Note  relative  à  l'origine  de 
cet  artiste.  54. 


D 


Diapason  de  l'Opéra.  Inconvénients  du  projet 

de  le  baisser.  6. 
Diapason  nouveau,  inventé  par  M.  Wolfsohn. 

369. 
Diapasons  en  miniature.  39. 
Distribution    des   prix.    Voy.    Institut    de 

France. 
Droit  des  pauvres.  85. 
Droits  d'auteurs  réclamés  par  l'auteur  de  la 

Pie  voleuse.  68.  —  Nouvelle  loi  sur  les 

droits  d'auteurs.  257. 
—     en  Allemagne.  119.  120.  —  Règlement 
de  ces  droits  en  Autriche.  120. 


E 


École  lyrique.  171. 

Education  musicale  des  femmes.  Voy.  Fem- 
mes. 

Etudiants  (Musique  des).  Voy.  Musique. 

Exécutions  dramatiques   et   lyriques,   art. 
anon.  256. 

Exposition  des  produits  de  l'Industrie,  art. 
de  M.  Anders.  197.    216.   219  bis.  237. 
251.  261.  283.  301.  325. 
—    Commission  pour  juger  les  instruments 
de  musique.  241. 


Fac-similé  (Les),  art.  anon.  2. 

Femmes  (De  l'éducation  musicale  des),  art. 

de  M.  Blanchard.  2. 
Festival  à  Birmingham.  55. 

—  à  Caen.  265. 

—  à  Cambrai.  297. 

—  à  Gotha.  306, 

—  à  Londres,  pour  le  106'  anniversaire 

de  la  société  des  musiciens.  55. 

—  à  Manchester.  108. 

—  à  Paris ,  dans  la  salle  de  l'Exposition. 

Voy.  Concerts. 

—  des  chanteurs  du  Taunus.  178. 
Fête  de  chant,  à  Gand.  265. 

Fête  musicale,  à  Brunswick.  338. 

—  —        à  Cologne.  187.  203. 

—  —        à  Deux-Ponts.  86, 

—  —        à  Lubeck.  265. 

—  —        à  Meissen.  298. 

—  —        à  Turin,  pour  le  300"  anni- 

versaire de  la  naissance  du 
Tasse.  197. 
Formules  de  modes  (Des)  dans  le  phrasé  du 
chant  et  de  la  musique  instrumentale,  art. 
de  M.  Fétis  père.  73. 
France  musicale.  298. 


Galerie  de  la  Gazette  musicale.  232. 
Gazette  musicale  et  littéraire  de  l'Académie 

espagnole.  109. 
Gluck.  Son  épitaplie.  178. 
Goethe.  Inauguration  de  son  monument,  à 

Francfort.  353. 

H 

Harmonie  (Cours  d'histoire  et  de  théorie  de 
1'),  fait  par  M.  Fétis.  54.  68. 


I 


Iberia  musical,  journal  espagnol.  69. 
Institut  de  France.  Distribution  des  prix  et 

exécution  des  cantates  couronnées,  art. 

signé  R.  341. 


Instiliiimiisical  d'Orléans.  Son  inauguration. 

39.  5Zi. 
[nstiuit  royal    des  Pays-Bas.   Prix  proposé 

pour  une  question  relative  à  l'histoire  de 

la  musique.  Û18. 


Lettre  de  Mme  Catalani  au  docteur  Peller.  5i. 

—  de  M.  Danjou  au  directeur,  sur  la  mu- 

sique religieuse  en  Belgique.  278. 

—  de  M.   Doehler  à  l'auteur  du  Chiro- 

gymnasle.  l/i2. 

—  de  Mlle  Fanny  Elssler,  au  sujet  d'une 

publication  apocryphe  qui  la  con- 
cerne. Z|7. 

—  de  Rossini  à  M.  Panseron.  5Zi. 
Lettres  de  M.  Fétis  à  M.  Zimmerman.  2^3. 

267.  291.  307.  326.  331. 

—  —    au  directeur  de  la  Gazette  musi- 

cale. /i22.  i3i. 

—  de  M.  Laurens,  sur  l'Allemagne.  395. 

Zi31. 
Liedertafel  (Société  de  chant),  à  Manchester. 
120. 


M 


Matinées  musicales  chez  M.  Bernhardt.  art. 
de  M.  Blanchard.  397. 

—  —        chez  M.  Bodin,  art.  du 

même.  93.  30i. 

—  —        chez  M.  Franck,  art.  du 

même.  107. 

—  —        chez  M.  Montai.  Zi09.  — 

Art.  du  même.  Zi2Z|. 

—  —         chez  Mme  Polniartin,  ar/. 

du  même.  9/(. 

—  —        chez  M.  Rosenhain,  art. 

du  même.  37. 

—  —         chez  M.  Van  Nuffel,  art. 

du  même.  i2Zi. 

—  —        chez  M.    Vény,  art.  du 

même.  Ibid. 

Voy.  Concerts. 

Mélodies  hébraïques.  39. 

Mendelssohn  (Hommage  à),  vers  de  M.  An- 

tony  Deschamps.  185. 
Messe  de  M.  Dietsch ,  exécutée  à  Bordeaux. 

iOi. 

—  de  M.  Doche,  art.  de  M.  Blanchard. 

305. 

—  de  M.  Mansion ,  exécutée  à  St-Germain- 

en  Laye.  ZiOl. 

—  de  M.   J.  Martin,  exécutée  à  l'église 

Saint-Germain-l'Auxerrois,  arl.  de 
M.  Blanchard.  191. — Nouvelle  messe 
du  même  auteur.  27ù. 

—  de  Palestrina,  exécutée  aux  funérailles 

deLaffitte,  art.  de  M.  Danjou.  192. 

—  de  M.   Sliegler,  exécutée  à  St.-Méry, 

art.  de  M.  Blanchard,  à.  —  Autre 
messe  du  même  auteur.  153.  30li. 

—  de  M.  Sowinski,  exécutée  dans  le  cou- 

vent des  Oiseaux.  117. 
Monument  de  Beethoven.  265. 

—  de  Goethe,  à  Francfort.  86.  353.  377. 
Mozart  fils.  Son  service  funèbre.  321. 
Musical  examiner,  journal  anglais.  108. 
Musique  (La)  des  comédies  de  Mohère,  art. 

de  M.  E.  Fétis.  165.  181. 

—  —    des  étudiants,  art.  signé  P.  Smith. 

379. 

—  en  Russie.  Voy.  Russie. 

—  séditieuse  (De  la) ,  art.  de  M.  Blan- 

chard. 315. 


DES  MATIERES. 

N 

NÉCROLOGIE. 

Alissan  de  Cliazet.  289. 

Baillot  (Mme).  6. 

Baini.  210.  Voy.  Biographies. 

Benda  (Mme  Caroline).  186. 

Bender  (Jacques).  289. 

Berton    (Henri-Montan),   art.   signé  P. 

Smith.  150. 
Blum  (Charles).  264. 
Boieldieu  pore.  281. 
Canipagnoli.  288. 
Castelli  (Valentino).  86. 
Chazet.  Voy.  Alissan. 
Clarke.  179. 
Delahaye.  329. 
Dorsan  (Mlle).  360. 
Ducis.  15. 

Froment  (Charles).  86. 
Goethe  (Aima  de)    360. 
Gontier  (Mme).  l/i3. 
Julien   30. 

LoQvois  (Marquis  de).  127. 
Mosel  (De).  171. 
Mozart,  fils.  306. 
Nodier  (Charles).  39. 
Panckoucke.  250. 
Paul  (Mme).  3i5. 
Pi.xérécourt  (Guilhert  de).  264. 
Pouilley  (Mme).  86. 
Séraphin.  22/i. 
Thorwaldsen.  127. 
Webster  (Miss  Clara).  428. 

Notation  musicale  (Sur  la),  dont  s'est  servi 
saint  Giégoirc-le-Grand  pour  le  chant  de 
son  antiphonaire,  art.  de  M.  Fétis  père. 
205.  213.  221. 

IVoiiveSSes  de  Paris. 

Voy.  dans  chaque  numéro  à  la  tête  des 
Nouvelles. 


Nouvelles  des  DéiDartemesits. 


Wl 


Aix.  tl9. 
Alger.  538. 
Angers.  41:8. 
An-as.  314. 
Avesne.  (08. 
Avignon.  *33. 
Bayonne.  7. 
Besançon.  186. 
Bordeaux.  SU.   127.    13 

(43.  218  bis.  233.  28 

303.  M(.  4(8. 
Caen.  263.  4(8. 
Clermont.  34. 
Dieppe.  277. 
Dijon.  48. 
Gisors.  224. 
Grenoble.  7. 
Lille.  30.  47.  96.2(8  bi 

234.  369. 
Lyon.  33.    203.  218  bi 

233.  237.  289.  320. 


Marseille.  30.  96.  108.  (  27. 

233.  263. 
Nancy.  (62. 
Orléans.  84.108.4(8. 
Pau.  289. 
Reims.  314. 
Rouen.  289.  303.  514.  529. 

369.  40  (. 
Saint-  Germain-en-  Laye. 

40(. 
Sai^t-Malo^o(. 
Sainl-Quentin.  108. 
Strasbourg. 162. 2(8  bis. 

503. 
Toulouse.  (19.    162.  234. 

303.  514. 
Tronville.  274.  521. 
Valenciennes.  108. 
Versailles.  39.  241.  537. 


Nouvelles  de  l'Etrasiger- 


Aix-la-CliapelJe.  298.  503 
Alexandrie  [Egypte).  40. 
Alloua.  231. 
AmslerJam.  48. 
Anvers.  87, 
Bade.  237.  289.303.  321. 

358.  369. 
Baden-Baden. 241. 
Baie.  (93.  266. 
Barcelone.  40.    (09.  223. 

436. 
Bergane.  70. 
Berlin.  3(.  59.  48.  69  87. 

(08.  1(9.  163.  186. 211. 

218  bis.  251.  242.  263. 

289.  298.  338.  533.  560. 

377.393.  418.  428.  369. 

456. 
Bonn.  263. 
Breslau.  (63.  266. 
Brunswick.  87.  (86.234. 

29S  558.  535. 


Bruxelles.  7.  40.  (86.  2(8 

bis.  263.  289.  298.  306. 

535.560.  401.  428. 
Calculta.2(8('!S. 
Carlsbad.  503. 
Carlsrule.  52(.  577. 
Christiania.  577.  428. 
Cologne.  5(.  186.  203.  254. 

263.  533. 
Gopcnliague.  163.  306.  3S3. 

38S. 
Corfou.  70. 
Darmsladt.  179.  428. 
Dresde.  48.  179.  2(8  bis. 

289.  506.  338.  535.  569. 

383.  428. 
Ems.  298. 
Florence  70.  428, 
Francfort.  3(.  48.  33.  (09. 

153.  242.  266.  358.  543. 

360. 
Gand.  51.  3(4.  558. 


NOUVELLES  DE  L'ÉTRANGER  (suite). 
Genève.  32( .  538. 
Graetz{Slvrie).  569. 
Gotba.  506. 
Grèce.  428. 
Hambourg.  254.242. 
289.  5(4.  321.  34S. 
Hameln.  266. 
Hanovre.  48.  69. 
Hâve  (La).   S9.  109. 


329. 

Inspruck.  87. 

Kiel.  69. 

Leipzig.  33.  69.  211.  î 
298.  306.  32(.  428. 

Liège.  1(9.  4(8.  428. 

Lisbonne.  70.  (86. 

Londres.  31.  59.  48. 
69.  86.  108.  121).  I 
193.  1S1.  162.  179.  l 
205.  210.  2(8  bis.  1 
224.237.  585.4(8.  4; 

Lubeok.  263. 

Lucques.  40. 

Madrid.  5(. 40. 70.87. 1 
120.  165.  179.  193.  5 
254.  237.  298  506. 

Manchester.  120. 

Mayence.  242.  569. 

Mexique.  120. 

Milan.  40.  109.  145.  ! 
428. 

Modéne.  70. 

Mons.  218  6i.î. 

Munich.  40  193.  218 
333.  577.  394. 


Naples.  SI. 

New-York.    23.    120.  165. 

186.211.  521. 
Ofen.  (Hongrie).  87. 
Parme.  343. 
Pestli.  306. 
Pétersbonrg.  40.  120.  163. 

223.  385.  S93. 
Prague.  87.  234.  306.  379. 
aiga.  87.  306. 

Rome.  31.  306.343. 
Russie.  338. 
Saxe.  298. 
Schwerin.  69. 
Soleure.  179. 
Stockholm.  87.  179- 
Stnltgard.    87.    145.    179. 

234. 
Triesle.  179. 506.  428. 
Valence.  165.  223. 
Valladolicl.211. 
Varsovie.  31.  109.  135. 
Venise.  31 .  545. 
Vienne.  (Autriche).  55.  69. 

87.   109.    120.  134.    171. 

179.  186.  211.  218  bix. 

224.  234.  241.  289.  306. 
521.  538.  569.  379.  393. 
594. 

Weimar.  59.  186.  234. 
Wiesbade.  155.  193.266. 
314.  333. 


0 


Opéra.  Projet  d'une  nouvelle  salle.  85.  427. 

—  Restauration  de  la  salle  actuelle.  133. 

—  Recette  énorme.  194. 
Orchestie  ambulant,  art.  sig.  M.  S.  9. 
Orgue.   (  Audition  de  1'  )  de  Daublaine-Cal- 

linet,  art.  de  M.  Blanchard.  200. — Inau- 
guration de  l'orgue  de  Saint-Eustache. 
art.  signé  N.  219.  Art.  de  M.  Morelot. 
230.  —  Incendie  de  cet  instrument.  427. 

—  de  Saint-Sulpice.  401. 

—  à  Gisors.  224. 
Orphéon.  23. 


Piano  d'Erard  mis  en  loterie.  Voy.  Associa- 
tion des  Artistes-musiciens. 
Pianos  de  MM.  Boisselot,  art.  de  M   Anders. 
219  bis. 

—  de  M.  de  Girard,  art.  du  même.  325. 

—  de  M.  H.  Herz,  art.  du  même.  281. 

—  de  M.  Pape,  art.  de  M.  Fétis.  101.— 

Art.  de  M.  Anders.  216. 
-—    de  M.  Pleyel,  art.  de  M.  Anders.  236. 

—  de  M.  Wœlfel,  art.  du  même,  301. 
Pianographe  de  M.  Guérin,  art  du  même. 

251. 

Polka  (la).  Art.  signé  Edmond  Lar...  81.  — 
Reclierches  et  considération  sur  la  polka, 
art.  de  M.  Blanchard.  182.  —  Quelle  est 
la  plus  jolie  de  toutes  les  polkas?  Art.  du 
même.  381.  —  La  véritable.  178.  —  Ses 
transformations.  210.  — La  polka  importée 
à  New- York.  220.  —  Aux  Etats-Unis.  321. 

Procès  du  directeur  de  l'Opéra  avec  M.  le 
marquis  de  Saint  Marc.  219. 

—  —     avec  M.  Robin.  185.  194.  288. 

—  du  directeur  du  Théâtre  Italien  avec 

l'auteur  de  la  Pie  voleuse.  HQ.  233. 

—  —    avec  Fornasari.  68.  127. 

—  avec  M.  Conradin  Kreutzer.  384.  417. 

—  avec  Ronconi.  68. 


REVUE  CRITIQUE. 

Ifittérature  musicale. 

Gauthier  (Théophile).  Les  beautés  de 
l'Opéra,  art.  sigiié  P.  S.  240. 


442 

REVUE  CRITIQUE. 
Théorie,  Méthodes,  Ouvrages  élémentaires. 

Cadaux  (Justin).  Ecole  d'orgue,  art.  de 
M.  Danjou.  350.  366. 

Cliaulieu.  Clef  des  modulations ,  art. 
anon.  28. 

Faure  (l'abbé).  Nouv.  méthode  de  plain- 
chant,  art.  de  M.  Blanchard.  296. 

Guillot  (Anlonin).  Vocalises,  art.  de 
M.  Kaslner.  383. 

Hennelle  (Claire).  Rudiment  des  chan- 
teurs, art.  du  même.  344. 

Musique  religieuse. 

Labat.  Cantiques,  art.  de  M.  Blanchard. 

296. 
Lenvec.  Prière  à  la  sainte  Vierge,  art. 

de  M.  Kastner.  104. 
Verhulst.  Hymne  :  Clemens  est  domi- 

nus,  art.  du  même.  296. 
Valenlin.  (  Patrice  ).  OITice  complet  du 

matin,  ou  Collection  de  messes,  art. 

de  M.  Kastner.  160, 


Bazzoni  (Giovanni.)  Le  crucifix.  —  Les 

Funérailles,  art-   de  M.  Blanchard. 

296. 
Heurion  (Paul).  Album,  art.  du  même. 

398. 
Kucken  (Fr.).  Trois  ballades  pour  voix 

d'hommes,  art.  de  M.  Bourges.  424. 
Leroy    (Mme  Ambroisine  ).  Rigolette. 

Chanson,  art.  de  M.  Kastner.  104. 
Masini.  Album,  ar^  de  M.Blanchard. 

415.  —  Rectification  au  sujet  de  cet 

article.  428. 
Martin  (  J.  )  d'Angers.  Mélodies  :  Une 

larme,  et  La  fêle  de  sainte  Cécile, 

art.  anon.  417. 
Tadolini.   La  Fuga  di  Bianca  Capella. 

art.  de  M.  Kastner.  104. 


Benoist.  Etudes,  art.  de  M.  Blanchard. 

296. 
Cramer  (J.  B.  ).  Conseils  à  mes  élèves. 

Nouvelle  méthode  ,  art.  de  M.  Fétis. 

20d. 
—  Solfège  des  doigts,  art.  de  M.  Amé- 

dée  Méreaux.  184. 
Frank  (C.  A.)  Duo  à  4  mains  sur  God 

save  the  King ,  art.  de  M.  Kastner. 

344. 
Heller(Stéphen).  Fantaisies  sur  la  Juive, 

art.  de  M.  Blanchard.  238. 
Lenvec.    Valse ,  art.   de  M.    Kaslner. 

104. 
Liszt  (F.).  Nonnenwerth.  Romance  sans 

paroles.  —  Marche  héroïque,  art.  de 

M.  Blanchard.  328. 
Louel.  Trois  fantaisies,  art.  de  M.  Kast- 
ner. 104. 
Messemaeckers  {  Louis  ).  Deux  grandes 

fantaisies  sur  la  Juive  et  la  Favorite, 

art.  de  M.  Blanchard.  426. 
Muller  (Louis).  Trois  mélodies.  — Hep- 

tameron  du  jeune  pianiste ,  art.  de 

M.  Kastner.  344. 
Pfeiffer  (Mme  Clara).  Etudes.  —  Deux 

nocturnes,  art.    de  M.  Blanchard. 

238. 
—  Second  nocturne,  art.  de  M.   Kast- 
ner. 383. 
Rosellen  (Henri).  Fantaisies  et  varia- 
tions   sur  II   templario  ,    art.    de 

M.  Blanchard.  399. 
Rosenhain.    Trio.  —  Fantaisies  sur  la 

Reine  de  Chypre,  art.  du   môme. 

238. 
Stamaty.  Fantaisie  sur  la  Juive,  nrl.  du 

même.  238. 


TABLE  ALPHABETIQUE 
REVUE  CRITIQUE. 
Piano  et  Violon. 

Kalkbrenner  et  Panofka.   Fantaisie  sur 

la  Juive ,    art.    de   M.   Blanchard. 

238. 
Thalberg  et  Panofka.   Grand  duo  sur 

Béatrice  di  Tenda  ,  art.  du  même. 

ibid. 


Harpe, 

Labarre  (  Théodore).  Méthode  ,  art.  de 
M.  Kastner.  318. 


Violon. 

Alard.  (D.  ).  Ecole  du  violon,  ou  mé- 
thode complète  etc.,  art.  de  M.  Kast- 
ner. 425. 

Ern.st  (H.  W.).  Le  carnaval  de  Venise. 
Variations,  art.  anon.  28. 

Guichard.  Ecole  du  violon,  art.  de 
M.Blanchard.  105. 


Seligmann.  Six  études  caractéristiques. 
art.  de  M.  Blancliard.  238. 

Contrebasse. 

Gouffé.  Traité  sur  la  contrebasse,  art. 
(Je  M.  Kastner.  383. 

Revue  de  la  musique  religieuse  et  ecclésias- 
tique. Nouveau  journal  musical.  401. 

Richard,  Cœur  de  Lion.  Détails  sur  les 
changements  que  cette  pièce  a  subie  à  Lon- 
dres. 7. 

Russie  (De  quelques  instituts  de  musique  en) , 
art.  anon.  399.  411. 


Société  libre  des  beaux-arts;  14"  séance  an- 
nuelle. 176.  Voy.  Concerts. 

—  d'harmonie  sacrée  à  Londres.  55. 
Société  musicale  de  Bruges.  7. 

—  philanthropique  de  Troyes.  178. 
Société  philharmonique  de  Bordeaux.  55. 

—  du  Calvados  (à  Caen).  418. 

—  de  Dijon.  48. 

—  de  Malaga.  298. 

—  de  Saint-Quentin.  108. 

—  de  Tours.  178. 

Société  philomathique  de  Bordeaux.  Dislri- 
tribution  de  prix.  418. 

—  de  patronage  pour   les  aveugles   tra- 

vailleurs. 45. 

—  royale  des  dames  musiciennes  à  Lon- 

dres. 163.  —  Des  musiciens  à  Lon- 
dres. 31. 
Soirées  musicales  chez  Mme.  Aguado.  153. 

—  —         chez  Mlle  Bertin.  85. 

—  —         chez  M.  Erard.  85. — Arl. 

de  M.  Blanchard.  95. 

—  —         chez  MM.    Kriegelstein  et 

Plantade,  arl.  du  même. 
103. 

—  —        chez  Mme  la  comtesse  Mer- 

lin. 54. 

—  —        chez   M.    Pape,    art.    de 

M.  Blanchard,  94. 

—  —         chez  M.  Ségalas.  68. 

—  —        chez  M.  Tudor.  107. 

—  —         chez  M.  Wolff.  54. 

—  —        chez  M.  Zimmerman.    96. 

Voy.  Concerts. 
Statue  de  Goethe,  à  Francfort.  305. 

—  de  Mozart,  à  SaIzbourg,ar(.  de  M.  Bour- 

ges. 366 


Thcléphone  (  nouvelle  trompette)  289.  337. 
Téléphonie  de  M.  Sudre  6.  178.  337. 
Théâtre  de  Bordeaux  (Modèle  en  relief  du). 

436. 
Théâtre  lyrique  (projetd'un  troisième).  320. 

409. 
Théâtres.    Stalilisque  des  acteurs  employés 
aux  théâtres  de  France.  428.  —  Statistique 
théâtrale  de  l'Allemagne,  ibid. 
Théâtres  lyriques  de  Paris.  Liste  des  pièces 
nouvelles  jouées  en  1843.  6. 
—  —        de  province.  Réflexions  sur 

leur  état  critique.  15. 


THEATRES, 


Pai-ig. 


Académie  royale  de  musique. 

Eucharis,  ballet  en  2  actes,  mus.  de 

M.  Deldevez.  1"  représentation,  art, 

signé  C.  27 1 
Lady  Henriette ,  ou  la  Servante  de 

Greenxoich,  ballet  en  3  actes,  mus. 

de  MM.  de  Flolow,  Burgniuller,  et 

Deldevez.  1''  représent.,  art.  signé  P. 

S.  66. 
Le  Lazsarone ,  op.  en  2  actes,  mus.  de 

M.  Halévy.  1"'  représentât.,  art.  de 

de  M.  Bourges.  113. 
Marie  Stuart,  op.  en  5  actes,  mus.  de 

M.  Niedermeyer.  V  représent.,  art. 

M.  Blanchard.  403. 
Othello,  op.  en  3  actes,  mus.  de  Ros- 

sini.  r=  représent.,  art.  signé  R.  303. 
Richard  en  Palestine,  op.  en  3  actes, 

mus.  de  M.  A.  Adam,  1"  représentât., 

art.  de  M.  Blanchard.  339. 

Théâtre  royal  Italien. 

Anna  Bolena.  —  Il  Barbiere,  art.  si- 
gné G.  L.  P.  20. 
Corrado  d' Alt amura ,  op.  séria,  en  3 

actes,  mus.   de  Ricci.  1'"  représent., 

art.  signé  G.  L.  P.  82, 
Otello,     représenté    au    bénéfice    de 

Mme  Grisi.  53. 
Clôture.  —  Avenir,  art.  de  M.  Specht. 

124. 
Réouverture.  —  Llnda  di  Chamounix, 

art.  signé  R.  335. 
Émeute  à  propos  d'un  duo  supprimé. 

376. 

Représentations  de  la  troupe  anglaise. 
436. 

Théâtre  royal  de  l'Opéra-Comique. 

Le  Bal  du  sous-préfet,  mus.  de  M.  Boil- 

ly.  1"  représent.,  art.  de  M.  Blan- 
chard. 167. 
Cagliostro,  op.-com.  en  3  actes,  mus. 

de  M.  A.  Adam.  1'"  représent.,  art. 

de  M.  Blanchard.  50. 
Les  Deux    gentils' onimcs ,   mus.   de 

M.  Cadaux.  1'"  représentât.,  art.  de 

M.  Blanchard.  286. 
Le  Mousquetaire,  op.-com.  en  1  acte  , 

mus.  de  M.  Bousquet.  1'"  représent., 

art.  de  M.  Blanchard.  347. 
Oresle  et  Pylade,  op.-com.  en  1  acte, 

mus.  de  M.  Thys.  1"  l'eprésent.,  arl. 

de  M.  Blancliard.  77. 
Les  Qualre  fils  Ai/mon,  op.-com.  en  3 

actes, mus.  de  M,  Balfe.  1"  représent., 

arl.  de  M.  Blanchard.  247. 
Sainte-Cécile,    op.-com.    en  3  actes, 

mus.  de  M.  Montfort.  l'"  représent.. 

arl.  de  M.  Blanchard.  316. 


THÉÂTRES  (paris). 

La  Sirène ,  op.-coin.  en  3  actes,  mus. 
de  M.  Auber.  1'"  leprésent.,  art.  de 
M.  Blanchard,  iih. 

Reprise  d'>l(?o/pAe  et  Clara.  Zil7. 

Reprise  du  Guitarero,  art.  de  M.  Blan- 
chard. It33. 

Reprise  de  GiiHstan,  art.  de  M.  Blan- 
chard. 270. 

—  du  Maçon,  art.  du  même.  373. 

—  de  Wallace,  art.  du  même.  ^i05. 

Théâtre  de  l'Odéon. 

Antigone,  tragédie  de  Sophocle,  avec 
chœurs  de  Mendelssohn.  185.  —Art. 
signé  Z.  190. 

ISégtai'fteBnemts. 

Aix.  Troubles  au  sujet  des  couplets  de 
Charles  VI.  119. 

Alger.  Mme  Adolphe  Berlon.  Zi7.  338. 

Avignon.  La  Reine  de  Chypre.  135. 

Besançon.  Les  Huguenots.  La  Juive.  136. 

Bordeaux.  Charles  VL  127. 135.—  Arrêté 
du  maire,  portant  défense  de  tout  signe 
d'approbation  et  d'improbationpour  les 
débuts.  186. —  Fermeture  des  deux  théâ- 
tres. 218  bis.  —  Réouverture  par  les 
artistes  associés.  233.  —  Nouvelle  direc- 
tion. 289.  — La  Juive.  Lucie.  305.  — 
Représentations  de  Mlle  Masson  et  de 
M.  Lespinasse.  38Zi. 

Clebmont.  Représentations  de  MmeDuflot- 
Maillard  et  de  M.  Herman-Léon.  5/|. 

t'.RENOBLE.  Représentations  de  ces  mêmes 
ariistes.  7. 

Havre  (Le),  Antigone,  avec  les  chœurs  de 
I\Iendelssolin,  représentée  par  les  artis- 
tes de  VOdéon.  297. 

Lille.  La  Juive.  Ixl.  —  Dom  Sébastien. 
96.  —  Lucie  de  Lammermoor.  218 
bis. 

Lyon.  Embarras  du  d.recleur.  55.  — Mau- 
vaise administration  de  M.  Duplan.  79. 

—  1"  représentation  de  Dom  Sébas- 
tien. 106.  Médiocrité  de  la  troupe.  203. 

—  Succès  de  Mlle  Elian.  218  bis.  — 
Changement  de  direclion.  289.  —  Repré- 
sentations de  Poulticr.  319. 

Marseille.  La  Reine  de  Chypre.  S!i.  93. 
108.  192.  —  RobiTl-le-Diable.  193.  — 
Débuts  divers,  ibid.  —  Couplets  de 
Charles  VI.   127.  ~  Dom  Sébastien. 

233.  —  Représentation  d'une  troupe 
allemande.  265. —  Mlle  Catinka  Heine- 
Ictter  dans  la  Juive.  38/i. 

l'AU.  Représentations  données  par  les  ar- 
tistes de  Bordeaux.  289. 

Reims.  Lucie,  succès  du  ténor  Grossel.  31/i. 

R.01IEN.  M.  Deslandes,  nommé  directeur. 
195.  —  Début  de  la  troupe  lyrique.  Ro- 
bert-le-Diable.  305.  —  La  Juive.  31/|. 

—  La  Favorite.  329.  —  Guillaume 
Tell.  369.  —  Les  Huguenots.  ZiOl. 

Saint-Cloud.  Raoul  de  Créqui,  repré- 
senté au  Château  par  les  élèves  du  Con- 
servatoire. ZiOl. 

Strasbourg.  Réouverture.  La  Favoiite. 
218  bis.  280.  —  Robert  -  le  -  Diable. 
280.  Mlle  Reuss.  305. 

ToiLODSE.  La  Bohémienne,  mus.  de 
,\L  Soubies.  il9.  —  Charles  VI.  16% 
171.  —  Départ  de  la  troupe   italienne 

234.  —  Tumulte  à  propos  du  ténor  Es- 
pinasse.  305.  —  Début  de  Mme  Wide- 
mann  dans  la  Favorite.  31/i.  Mlle  Mas- 
.son  dans  la  Juive.  Ibid.  —  Charles  VI. 
3'''i.  —  Fermeture.  353. 


DES  MATIERES. 

THÉÂTRES  (paris). 
Versailles.  La  Juive.  39.  —La  Favo- 
rite. 2/il.  —  M.  Jourdain.   237.  —  Re- 
présentation au  Château.  202.  209. 


Étranger. 

Amsterdam.  Théâtre  Italien.  Béatrice  di 
Tenda.  IS. 

Anvers.  M.  Gary  dans  La  Favorite. 
87. 

Bale.  Théâtre  en  désarroi.  195. 

Barcelone.  Norma,  succès  de  madame 
Goggi.  io.  —  I  due  Figaro  .  mus.  de 
Speranza.  109.  Olello.  Apoluy  Dafne, 
ballet.  125.  Nabuchodonosor,  mus.  de 
Verdi.  436. 

Bekgame.  Nabucco.  70. 

Berlin.  Le  Hollandais  errant,  de  Ri- 
chard Wagner.  39.  —  Désordres  à  pro- 
pos de  chants  nationaux.  40. -i«  Chat 
botté  .  mus.  de  M.  Taubert.  69.  187. 
211.  Les  Grenouilles,  d'Aristophane. 
Ibid.— Carlo  Broschi  {La  part  du  Dia- 
ble). 109. — Les  Prisonniers.,  de  Plante, 
représentés  par  les  étudiants  de  l'Uni- 
versité. 109.  —  Liste  des  pièces  repré- 
sentées. 143.  —  La  Flûte  enchantée. 
187.  —  Nouvelle  salle  de  l'Opéra.  224. 
234.  353.  393.—  Le  Camp  silésien,  op. 
de  Meyerbeer,  mis  en  scène  pour  l'inau- 
guration de  la  salle.  369.  393.  —  1" 
représ.,  art.  de  M.  Danjou.  411.  419. — 
Frais  de  la  mise  en  scène.  428.  Hono- 
raires pour- cette  pièce.  436. — L'Athé- 
nienne, de  Spontini. /ôirf.  —  Théâtre 
lialien.  /  Capuleti  ed  i  Montecchi.  87. 
233.  —  Il  Matrimonio  Segrelo.  163. 

BfiESLAU.  La  Part  du  Diable.  173.  — 
Mlle  Tuczek.  266. 

Bkunn.  Prix  proposé  pour  le  meilleur 
drame.  143. 

Brunswick.  Lurley .  ballet.  87.  —  Pino 
di  Porto,  mus.  de  G.  MuUer.  Le  Rem- 
plaçant, mus.  de  Wcrnthal.  187.  234. 
Maria  Dolorts ,  ou  le  Parjure  ;  mus. 
de  Koehler.  298.  353. 

Bruxelles.  Linda  di  Chamounix ,  de 
Donizetli ,  traduction  française.  45.  — 
Le  Furieux  de  l'île  de  Saint-Domin- 
gue ,  traduction  d'il  Furioso,  de  Doni- 
zetli. 141.  —  Début  de  M.  Laurent  dans 
La  Favorite.  186.  —  Renouvellement 
delà  troupe.  Débuts.  193. —  Le  Moine, 
op.  en  1  acte,  mus.  de  .M.  Willent-Bor- 
dogni.  194.—  La  Reine  de  Chypre.  i^9i. 
336.  —  Concurrence  des  deux  théâtres 
royaux.  Théâtre  mû  par  la  vapeur.  336. 
—  Troupe  allemande.  Une  nuit  à  Gre- 
nade, deC.  Kreutzer  265.  —  La  Flûte 
enchantée,  Frcischutz ,  Don  Juan, 
Fideiio.  274. 

Calcutta.  Lucia  de  Lammcrmo  jr.  218. 
bis. 

Carlsruhe.  1"  représentation  de  Robert 
le  Diable.  2,11. 

Christiania.  (Norvège).  Les  demoiselles  de 
Saint-Cyr.  Comédie  de  M.  Alex.  Du- 
mas. 377. 

Cologne.  Le  Maire  de  Paris,  mus.  de 
Dom.  31. 

CoNSTANTiNOPLE.  L'cUsired'Arnore.  86. 

Copenhague.  Théâtre  Italien.  Clôture.  163. 
Réouverture.  385.  —  Succès  de  Mlle 
Ida  Bertrand.  409.  —  Théâtre  national. 
1"  représentation  de  La  Vestale,  de 
Spontiiii.  396.  353.  —  Lucrcce ,  de 
M.  Pon,sard.  396. 


hh'i 
THÉÂTRES  (étranger). 

CoRFOu.  Il  Bravo,  de  Mercadante.  70.  — 
Spectacle  troublé  par  des  officiers  an- 
glais. 393. 

Darmstadt.  Belisario.  SuccèsdeM.Mayr. 
179.  —  Les  Huguenots.  à18. 

Dresde.  Hans  Heiling ,  de  Marschner. 
48.  —  M  Mittermaycr.  179.  —  Inaugu- 
ration du  Théâtre  d'été.  218  bis.  — 
La  Vestale,  AnS^onûm.  Il  Crociato , 
de  Meyerbeer.  338.  —  Bianca  e  Guel- 
tiero,  mus.  de  M.  Alexis  Lwoff.  369.  — 
La  Vestale.  428. 

Florence.  Il  primo  navigatore.  Ballet. 
70.  —  Représentation  au  bénéfice  des 
inondés.  428. 

Francfort.  Le  Barbier  de  Séville  109.— 
Fernand  Cortez.  Ihl-  —  M.  Gundy 
dans  Bélisaire.  266  —  Goclz  de  Ber- 
lichingen,  joué  pour  l'inauguration  de 
la  statue  de  Goethe.  360. 

Gand.  Succès  de  M.  Portéhaut.  31.  —  Dé- 
buts de  divers  artistes.  314. 

GÊNES.  Grand  succès  de  Dérivis.  210. 

Génère.  Mauvais  accueil  de  la  nouvelle 
troupe.  321.  —  Triomphe  des  artistes. 
338. 

Graetz  (Styrie).  Don  Juan.  La  Flûte  en- 
chantée. 309. 

Hambourg.  Représentation  de  Moriani  et 
Mlle  Razetti.  13à.—Rienzi,  de  Richard 
Wagner.  234. — LeTemplierel  la  Juive, 
de  Marschner.  314.  —  Antigone.  Suc- 
cès de  Tichatschek  dans  Rien.zi.  321  — 
Guido  e  Ginevra.  345.  —  Les  Mar- 
tyrs, de  Donizetti  360. 

Hanovre.  Construction  d'un  nouveau  théâ- 
tre. 39.  —  Riquiqui,  mus.  de  M.  Esser. 
48. 

Haye  (La).  La  Reine  de  Chypre.  23.  109. 
298  —  I^^ Ambassadrice.  69.  Guido 
e  Ginevra.  Siia.  —  Théâtre  italien  : 
Béatrice  di  '  Tenda.   69. 

Inspruck  Les  mineurs,  op.  nouveau  de 
M.  Hamni.  87. 

KiEL.  Les  Mystères  de  Paris,  op.  arrangé 
par  Cari  Blum.  314. 

Leipzig.  Xe  Paradis  et  la  Péri,  op.  de 
Robert  Schumann.  39.  —  Restauration 
de  la  salle.  Réouverture.  298.  —  Pros- 
périté du  théâtre.  306.  —  L'Echevin  de 
Paris,  mus.  de  M.  Dorn.  321. 

Liège.  Mme  Laborde.  119..  — Représen- 
tations de  Masset.  161.  —  Subvention. 
428. 

LivouRNE.  Lucrezia  Borgia.  de  Donizetti. 
369. 

Londres.  Théâtre  de  la  Reine  (  Queen's 
théâtre  J.  Opéra  Italien.  Personnel  do 
la  troupe.  55.  —Ouverture.  69,  86. — 
Adelia,  de  Donizetti.  106.  —  La  Cene- 
rentola.  118.  —  /  Puritani.  135.  143. 

—  Don  Pasquale  143.  —  Semira- 
mide.  154.  —  Emeute.  154-  161.  — 
Norma.  163  —Zampa.  118.  179. 195. 

—  Don  Giovanni.  170.  nd.—IlMa- 
trimonii)  Secreto  195.  203.  —  Don 
Carlos,  op.  nouveau  de  Costa.  224. 

Drury  -  Lane.  The  Seven  Maiden  of 
Munich,  drame  musical  de  M.  Rod- 
well.  55.  —  La  Favorite.  118.  — 
Duprez.  55.  85.  95.  143.  154.  — 
La  Jolie  fille  de  Gand.  69.  85.  — 
Lady  Henriette  ,  ballet.  154.  —  Le 
ténor  Salvi.  161.  —  The  Brides  of 
Venice.  (Les  Fiancées  de  Venise),  mus. 
de  Bénédit.  162.  —  The  Bohemian 
Girl ,  musique  de  Balfe  ;  centième 
représentation.    385.    —    The  Dau- 


y 


44i 

THÉÂTRES  (étranger). 

ghter  of  Saiiit-Slarc,  mus.  de  Balfe. 
Zi09.  ils.  —  Mme  Webster.  Sa  mort. 
Zi28. 
Théâtre  de  la  Princesse.  The  Maid  of 
Judah.  31.  —  Mme  Eugénie  Garcia. 
Ibid.  —  La  Nortna.  85.  86.  -  Lcola, 
The  Mail  -  ^f^V  bride  (La  Fiancée  du 
jour  de  mai).  108.  —  Pair  Stear  (La 
Ijelle  étoile) ,  ballet ,  mus.  de  M.  James. 
1/43. — Les  Diamants  de  la  Couronne. 
170.  —  Taken  by  surprise.  Farce 
ultra-bouffonne.  218  bis. 
ïbéàtre  de  Saint-James  (  Comédie  fran- 
çaise). Achard.  69.  85. — Mme  Albert. 
86.  lZi3.  162.  —  Le  Mariage  de  Fi- 
garo, de  Beaumarchais,  187.  —  Mlle 
Plessy.  195.  —  Mlle  Prosper.  211. 

Ldcqdes.  IlRitorno  di  Columella  da  Pa- 
dova  liO. 

Madrid.  Olello,  de  Rossini.  31.  —  La 
Favorite.  70.  225.  298.  —  //  Fu- 
rioso.  87.—  Projets  divers  concernant 
les  théâtres.  Ibid.  —  Personnel  du 
théâtre  Bel  Circo-  109.  —  Société 
d'auteurs  dramatiques.  120.  Dissolu- 
tion de  la  Société  dramatique,  intitulée 
Il  Genio.  Ibid.  —  Troupe  française. 
162.  —  Bandera  Negra ,  mus.  de 
IVubi.  163.  —  La  Hermosa  Hija  de 
Gand  (La  Jolie  fille  de  Gand).  195. 
257.  —  La  Gemma  di  Vergi,  de  Do- 
nizetti.  225.  —  Una  reina  no  con- 
spira, drame  politique  de  D.  J. -Maria 
Liaz.  234.  —  Las  Treguas  de  Tôle- 
maida,  mus.  de  D.  Hilarion  Eslaba. 
306.  —  Lucrèce  Borgia.  i28. 

Manchester.  Incendie  du  théâtre-  179. 

Milan.  Mme  Monténégro.  ZiO.— X'Eônd, 
mus.  de  Pacihi.  109.  — Fanny  Elssler, 
l/i3.  —  /  Lunaid  i  Perollo,  op.  nou- 
veau de  Pasquale  Bona.  428. 

MODÈNE.  Maria  d'Inghilterra ,  mus.  de 
Pacini.  70. 

Munich.  Zaïde,  mus.  de  M.  Poils.  40.  — 
Fanny  Elssler.  377. 

Naples.  Coslanza  d'Arraqona,  mus.  de 

-  Sarmiento.  31.  Ricardo  Mour,  mus. 
de  Gallos.  39.  —  Catarina  Cornaro, 
de  Donizetti.  68. 

New  -  York.  Changements  au  Théâtre 
['  Palmo.  Les  Puritains.  Belisario.  120. 
—  Mlle  de  Borghèse.  163.  —  Clôture 
de  la  troupe  italienne ,  remplacée  par 
une  troupe  française.  187.  —  Réou- 
verture du  théâtre  italien.  211. 

Nouvelle  -  Orléans.  Représentation  de 
Mme  Damoreau.  142. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  MATIERES. 


THÉÂTRES  (étranger). 

Ofen  (  Hongrie  ).  Les  Brigands,  op.  d'a- 
près Schiller  ,  mus.  de  Loeschenger. 
87. 

Parme.  Découverte  de  l'ancien  théâtre. 
345. 

PÉRA.  Construction  d'une  salle  d'Opéra. 
298. 

PÉTERSEODRG.  Opéra  allemand  abandonné 
pour  le  théâtre  italien.  163.  —  Lucia 
di  Lammermoor.  385.  —  Mme  Viar- 
dot.  393. 

POTSDAji.  Les  Euménides ,  d'Eschyle. 
234. 

Prague.  Cendrillon,  de  Nicolo.  87.  — 
L'Echevin  de  Paris,  mus.  de  Dorn. 
306. 

Riga.  Bramant ,  op.  nouveau  de  M.  Pau^- 
wiiz.  87.  —  Le  Domino  Noir.  Adieux 
de  \lme  Hoffmann.  306. 

Rome.  Ordonnance  relative  aux  vêtements 
des  danseurs.  31. 

ScHWERiN.  (  Meklembourg  ).  Lucia  de 
Lammermoor,  de  Donizetti  ;  Faust,  de 
Lindpaintner  ;  Le  Vampire  de  Marsch- 
ner.  69. 

Stockholm.  Réouverture  du  théâtre  Liu- 
deberg;  clôture  du  Théâtre  Royal. 
179. 

Stuttgart.  La  Juive.  143.  —  Construc- 
tion d'une  nouvelle  salle.  179.  234. 

Trieste.  Il  Begente ,  mus.  de  Merca- 
dante.  15.  —  Théâtre  allemand ,  en 
prospérité.  Concurrence  des  divers  théâ- 
tres. 179.  — Elena  deFeltre,  de  Mer- 
cadante.  428. 

Valence.  Les  cantatrices  Mugnoz  et  Toral. 
163.  —  El  Duque  de  Gol.  225. 

Valladolid.  Lucrezia  Borgia.  120.  — 
Derrière  la  croix  le  Diable.  211. 

VARSOVIE.  Décadence  du  théâtre  polonais; 
engagement  d'une  troupe  italienne. 
109.  —  Le  danseur  Tarczynowitz.  135. 

Venise.  /  Lombardi,  mus.  de  Verdi.  31. 
Luisa  Strozzi,  op.  nouveau  de  Ronzi. 
345. 

Vienne.  Guido  e  Ginevra.  15.  109.  — 
Le  Joueur  elle  Fossoyeur,  mus.  de 
Proch.  69.  —  Le  Retour  des  Bannis, 
mus.  de  Nicolaï.  Ibid.  Succès  de  cette 
pièce.  109.  —  Pascal  Bruno,  mus.  de 
Hatton.  120.— Représentations  de  Fanny 
Elssler.  211.  234.  —  Projets  pour  l'a- 
méliora ti  un  des  divers  théâtres.  338.  — 
Théâtre  Italien.  Le  Barbier  de  Séville. 
Mme  Viardot.  154.  —  Norma.  Débuts 
de  nouveaux  artistes.  171.  —  Lucia  di 


THEATRES  (ÉTRANGER). 

Lammermoor.  Mme  Viardot.  224.  — 
Ernani,  mus.  de  Verdi.  234.— Repré- 
sentation au  bénéfice  de  Mme  Viardot. 
241.  Clôture.  289. 
Weimar.  Les  Enseignes  de  la  Marine, 
op.  nouveau  de  M.  Chelard.  187.  — 
L'Emancip.ition  des  Femmes,  op,  du 
même.  234. 
Wiesbade.  Besoin  de  réforme.  135.  — 
Représentations  de  la  saison  d'été.  195. 
—  La  Lune  de  Miel,  mus.  de  Ricci 
353. 

VVcRZBotJRG.  La  Part  du  Diable  179. 
Zurich.  Fin  de  la  saison  d'hiver. 

Trémolophone  de  M.  deGirard.  Voij.  Pianos. 
Trompette  sonnant  au  moyen  de  l'air  com- 
primé. Voy.  Téléphone. 
—    de  M.  Sax.  305. 


VARIETES. 

L'Actrice  et  l'étudiant ,  art.  de  M.  Blan- 
chard. 10.  18.  26.  33.  60. 
L'Empereur  Joseph  II,  et  le  compositeur 

Diitersdorf,  art.  anon.  117. 
Euphonia  ,  ou  la  ville  musicale.  Nouvelle, 

par  M.  Berlioz.  49.''#>7.  76.  92.  97. 145. 

157.  189.  254. 
Mon  album  de  cette  année ,  art.  signé  M. 

S.  1. 
Portefeuille  de  deux  cantatrices,  art.  signé 

P.  Smith.  331.  347.  355.  363.  371.  379. 

387.  395.  411.  419. 
Un  livre  de  première  nécessité,  art.  de 

M.  Bourges.  41. 
Un  Revenant,  art.  de  M.  Blanchard.  219. 
Une  occasion,  art.  de  M.  Bourges.  129. 

137. 

Vaudeville  (le)  et  l'orgue  de  Barbarie,  art.  de 

M.  Specht.  275. 
Vienne  (  musique  et  théâtres  à  }  art.  anon. 

248. 
Violons  de  Stradivarius  et  de  Santini  Souzza. 

305. 

w 

Weber  (Charles  Marie  de).  Transport  de  ses 
cendres.  218  bis. 
Projet  de  lui  ériger  un  monumen!.  305. 


FIN  DE  LA  table  DES  MATIERES. 


TABLE  ALPHIBETIOUE  DES  IVOMS. 


A 

Achard.  69.  85. 

Adam  (Adolphe'.  50.    224, 

339. 
Aguado  (Mme).  153. 
Alard.  103.  425. 
Albert.  171. 

Albert  (Mme).  8G.  143.  102. 
Albert  (le  prince).  40   187. 
Albiiii  (Marietta).  70. 
Alessandri  (Mlle  Laura).  297. 
Alissan  de  Chazet.  289. 
Alizard.  45.  219.  289. 
Amat  (Léopuld).  265. 
Arigolti  (Gaetanu).  401. 
Artôt.  23.  46.  86.  119.  203. 

281. 
Auber.  105.  114.  393. 

B 

Bœrwolf.  132. 

Baillot  (Mme)   6. 

Baini.  210.227.  235.  345. 

Balfe.    247.    360.    385.  409. 

418. 
Barbereau.47. 
Barraud  (Mlle).  314. 
Barroilhet.  30.  38.  80.   256. 
Barlbe  (Irenéo).  31. 
Balta  (Alexandre).  7.   119. 

133.  297. 
Ballanchon.    31.   233.    274. 

320.  409. 
Baumes-Arnaud.    47.    197 

338.  393.417. 
Bazili.  134. 
Bazzini.  69. 
Bazzoni.296. 
Beaucé.  94. 
Beaulieu.  152. 
Béchem.  368. 
Beethoven.  48.  265. 393. 
Besrez  (Mlle).  280. 
Belke.  86. 

Benda  (Caroline).  186. 
Bender  (Jacques).  289. 
Bendini.  87. 
Bénédict.  162,  224. 
Benoist.  296. 
Bergerel  233. 
Bergerre.  401. 
Bériot.  141. 
Berlioz.  30.43.  96.  119.  167. 

210.    224.    241.   262.    273. 

281.  317. 
Bernhardt.  195.  397. 
Berlin  (Mlle  Louise).  85. 
Berton.   68.    150.  161.    173. 

219. 
Berton  (la  veuve).  202.  223. 
Berlon  (Mme  Adolphe).  47. 

338. 
Bertrand    (Mlle  Ida).    329. 

409. 
Bessems.  104. 
Billard  (Mlle).  193. 
Blaes.  7. 

Blaes-Meerti  (Mme).  7. 
Blum(Charles).  264.  314. 
Bodin.  93.  .304. 
Bohrer(A.).  313. 
Bohrer  (Max.).  281. 
Boïeldieu  (père).  281. 
Boilly.  167. 
Boireaux  (Mlle).  83. 
Boisselot.  178.  210.  219.220. 

288.  376. 
Boissier-Duran.  29. 
Bona  (Pasquale).  428. 
Borchhardt.  140. 
Borghèse  (Mlle).  163. 
Botgorschek.  134. 
Boucher   (Alexandre).   2f)9, 

218.  289.321.338. 
Bousquet.  329.  347. 
Braham.  48. 
Brambilla  (Mme).  161. 
Brendel.  2ll. 
Bressler.  377. 
Bretin  (Mme).  241.  .393. 


Briard.  401. 
Biizzi  (Anna).  225. 
Brouard.  193. 
Bull  (Ole).  46. 
Burgmuller.  66. 


Cadaux  .(Justin).  224.   286 

350.  :i66. 
Campagnoli.  288. 
Casimir  (Mme).  337. 
Castellan  (Mme).  153.  393. 
Castelli  (Valentino).  86. 
Calalani  (Mme).  6.  54.  68. 
Catruffo.  39. 
Cavaillé-Coll.  264. 
Cavallini.  184. 
Cavallo  (P.).  119.    127.  t33, 

409. 
Cerrilo  (Mlle).  141.  170. 
Chaix.  209.  297. 
Chatterton.  135. 
Chaudesaigues.  45. 
Chaulieu.'2S. 
Chazel.  Voi/ez  Alissan.;" 
Cbelard.  IS'7.  234. 
Chevillard.  47.  67. 
Choron.  14. 
Clapisson.  409. 
Claike.  179. 
Cluesman.  417. 
Coche.  95.  154. 
Cohen. 67. 
Confortini.  163. 
Corelli.  69. 

Corini  (Maria).  171.  400. 
Cornelio.  193. 
Cortesi  (Antonio).  70. 
Cossmann.  139. 
Costa.  224. 

Cramer  (J.  B.).   t84.  201. 
Czerny  (Charles).  54. 

D 

Dalayrac.  277. 

Damoreau  (Mme).  23.  47. 86. 

119    142.    154.  203.  281. 
Dancla  (Charles).  423. 
Dancla  (les  frères).  «7. 
Danjou.  40 1. 

Daublaine  et  Calllnet.  200. 
Uaussoigne.  418. 
David  (Félicien).  393.  4l3. 

417. 
Dehn.  39. 
Déjazet  (Jules).  104. 
Delahaye.  209   329.  337. 
Delavigne  (Mme).  6. 
Deldevez.  66.  271. 
Delsarle.  107.  139. 
Dérivis.   38.   197.   210.   241. 

250.  400. 
Deslandes.  195. 
Dhenncville.  134. 
Dietsch.  133.  28S.  401. 
Dietz    (Mlle  Catinka).    171. 

233.  409. 
Distin  (John).  86.  116.  195. 

210. 
Ditlersdorf.  117. 
Dobré(Ml!eV  171. 
Doche.  365.' 368. 
Doehier.  15.  30.  68.  85.  96. 

104.    119.    127.    131.    144. 

153.    159.   281.  293.    305. 

418. 
Dolmetsch.  418. 
Dominique.  264. 
Dommange  (Albert).  46. 
Donizeltr.  6.  197.  360. 
Dorn.3l.  30G.  321. 
Dorsan(MlleV  360. 
Dorus.  103.  143. 
Dorus-Gras  (Mme).  30.  46. 

170.  194. 
Dragonclti.  281. 
Drcyschock.  23.    31.  38.  46. 

141.  171.  234.  385. 
DroiiartîMIle).  185.219.409. 
Duc'S.  15. 


Duorest(Mme).  44. 
Dulîeyte.  369. 
Duilot-Maillard(Mme).7.54 
Dulcken  (Mme:.  70. 
Dumilâtre  (Mlle).  368. 
Dupont  (Mlle  .  353. 
Duport  (Mlle  Lia).  224. 
Duprez.  6.  38.  .55.  80.  85.95 

106.    133.    142.    143.    151 

241.  368. 
Duval  (Mlle).  360. 
DuviUard  (Mlle).  103. 

E 

Eichlhal  (Mme  d').  409.  423 
lîicke.  321. 

Elian(Mlle).  218  A«.  369. 
Eller.  86. 

Elleviou.  241.  289. 
Ellser(MlleFanny).  47.  143 

171.    178.   211.    329.    377. 

394. 
Ehvarl.  39. 
Erard.  85.  95. 
Ermel,  69.  84. 
Ernst.   15.   28.   54.   96.  108. 

127.    154.    171.    187.   210. 

240.298.  305. 
Eslaba.  306. 
Esser.  48. 

Esseï  (comtesse  d')    195. 
Evers  (Charles).  436. 
Evers  (Mlle).  401. 


Falcon  (Mlle).  15. 
Farrenc  (Mme).  229. 
Faure  (l'abbé  David).  296. 
Favanti  (la  signora).  39.  55. 

69.  118.  163. 
Fétis  (pérei.  38.  64.  6&i  78. 

^121. 147. 
Félis    (Adolphe).    54.    218 

bis. 
Fétis  (Edouard).  314. 
Fischer-Achten  Mme)  87. 
Fleury  (Mlle).  69. 
Flotow.  66. 
Fornasari.  68.80. 186. 
Forti.70. 
Franck  (César-Auguste).  107. 

309.  344. 
Franco-Mendés  (Jacques). 

250.  273.  377. 
Froment  (Charles).  86. 


Gaehrlich.  69. 

Gallr.  80,  84. 

Gallos  iFrançoisl.  39. 

Garaudé.  68. 

Garcia  (Mme  Eugénie).   31. 

393.    • 
Garcia  (Mlle  Pauline).  Voyez 

Viardot. 
Garcin-Brunet.  288. 
Gardoni.  200.  250. 
Carreau.  140. 
Gary.  87. 
Gassior.  281. 

Gauthier  (Théophile).    240. 
Geoliroy.  385. 
Géraldy.54.  177.  313.  337. 
Giordani.  29. 

Girard  (le  chevalier  de).  325. 
Giraud.  280. 
Glinka.  289. 
Gluck.  178. 
Gœthe.  86.  305.  353. 
Goethe  (Aima  de).  360. 
Goggi  (Mme).  40. 
Gold.  95.  119. 
Goldberg.  54.  68. 
Goldberg  (Mlle  Fanny).  195. 
GoldschmidI.  108. 
Goria.  126. 
GoulTé  (Achille).  383. 
Grétry.  7. 


Grisi  (Carlotta).  86.  106.  170, 
I     2S8. 

Grisi  (Giulia).  53. 
GroshCt.  314. 
Guérin.  251. 
Guerreau.  139. 
Guhr.  48. 
Guichard.  105. 
Guillot  (Antonin).  47.   383. 
<iundy.  266. 
Gustave  Adolphe.  87. 
Gulmann.  104. 
Guy-Slephan(Mme).70. 163. 

H 

Habeneck.  68.  96.  127. 
Hœndel-Schulz  (Mme).  394. 
Halévy.  15.  113.  304. 
Halévy  (Léon).  5. 
Halle.  104. 
Halma  .Félix).  7. 
Hamm.  87. 
Hasselt.  109. 
Halton.  120.  143. 
Haumann.  31.  320.  400. 
Haydn  (Jos.).  355.  393. 
Haynemayer.  39. 
Heinefelter  (Mlle  Calhinka) 

384. 
Heinefetler  (Sabine). 55.  233 
Heller  (Stephen).   108.238 

298. 
Hennelle  (Mlle).  264. 
Hennelle  (Mme  Claire).  344 
Henri.  209. 
Henrion  (Paul).  398. 
Héquel  (Gustave).  393. 
Herz  (Henri). 283. 
Hess  (Ad.).  171. 
Hesselbein.  195. 
Hiller.  353.  428. 
Holîmann  (Mme).  306. 
Ilolme    48. 
Holmer.H.).  39. 
Holmes.  86. 
Horponay.  321. 
Hovcii.  298.  369. 
HuUah  (Théodore).  265. 
Hurleaux.  418. 

I 

Isoard.  233. 

Iweins-d'Hennin  (Mme).  15. 
38.  178.  417. 


James.  143. 

Janin  (Jules).  47. 

Janssens  (Mlle  Constance) 
400. 

JavauK.  44.68. 

Jazède  (Mlle).  134. 

Jelmini.  69. 

Jourdain.  194.  203.  241.  337. 

Jourdan-March.il  (Mme).  117. 

Julian  (Mlle).  38.  153.  218. 
bu.  369. 

Julien.  31.60.  418. 

Julien  (acteur  du  Vaude- 
ville). 30. 

K 

Kalkbrcnner.  203.  238. 
Kastner.   134.  195.  320.  369. 

376.  385.  401.  407. 
Kœhler.  298.  353. 
Kont-ki  (Anloine  de).   155. 

■61.  281.  305.  .353. 
Korn  (Mlle).  95. 
Kreulzcr    (Conradin).    38. 

265.  289.  360    384. 
Kriegelslcin  103.  186. 
Kriiiitz  (Mlle).  83. 
Kucken.  360.  424. 


Labarre  (Théodore) 
Labat.  290. 
Lablaclic.  3. 


Laborde.  353. 

Laborde  (Mme).  119. 

Lac.  126. 

Lacombe.  15.  30.  55.  69.  107. 

117.  186.  233.297. 
Lafage  353. 

Lafage  (Adrien  de),  281. 
Lafeuillade.  314. 
Lagrange  (Mlle  de).  l42. 
Latour.  352.  360. 
Laurent.  186.  193. 
Lavainne  (Ferdinand).  30. 
Lavigne.  209. 
Lecouppey.  127. 
Leftbure-Wély.  436. 
Lenvec.  104 
Léo  (Louis).  39. 
Léon  (  Herman  ).  7.  54.  304.. 

377. 
Leroy  (Mme).  39.  104. 
Lespinasse.  384. 
Lesueur.  195. 
Levasseur.  30. 
Liaz  (D.  J.  Maria).  234. 
Lind  (Mlle  Jenny).  393.  436. 
Lindsay-Sloper  (Mlle).  116. 
Lisie  (Charles  de).  95. 
LiszL  39. 197.  134.  138.   142. 

152.    186     250.    257.    264. 

281.    288.    304.    306.  313. 

328.  329.  353.  376.  384. 
Littolf.  428. 
Loeschenger.  87. 
Lœwe.  338. 

Lcewe  (Mlle  Lilla).  162. 
Lœwe  (Mlle  Sophie).  289. 
Louel.  104. 
Louis  (N.).  67.393. 
l.ou\ois  (marquis  de).  127. 
Lover.  130.  143. 
Lutzer  (Mlle).  179.  187.  195. 
Lvoir  (Alexis).  120.  224.  289. 

338.  369. 
Lyser  (Mme).  242. 

M 

Mansion.  401. 

Marie  (Léon).  289. 

Mario.  257. 

Marquard   Segatla   (Mme). 

265. 
Marschner.  48.  69.  314. 
Martin  (Julien).  191.  257. 

274.417. 
Martin    (Mlle    Joséphine). 

320. 
Martos  (José).  40. 
Masini.  428. 
Massé.  281. 

Masset.  53.  119.  163.  161. 
Masson(Mlle).  250.  281.384. 

3S6. 
Mathias.  (Georges).  68. 
Mattmann  (MlleLouise).133. 
Mayr.  179. 
Mecatti.  103. 
Mendelssohn-Bartholdy.  55. 

108.  185.  190.  401. 
Menghis.  96.  153.  194. 
Méquillet  (Mlle).  48. 
Mercadante.  15.70.  428. 
Méreaux  (Amédée).  85.  134. 

142.  153.  169. 
Merlin    (la   comtesse).    5'). 

'SI. 

Messemaekers.  426. 
Meyer(Léopoldde).345.  309. 

409.  436. 
Meyerbeer.   15.  40.  46.   69. 

298.  338.  369.  430. 
Michiels.  30. 
Milanollo   (Mlles).  69.  171. 

182.337. 
Miro-Camoin  (Mme).  55.  I40. 

142.  288. 
Mitrowitch.  281. 
Mittermayer.  179. 
Mœser  (A.).  300. 
Moke.  314. 
Molière.  175.  181. 


Molique.  108. 
Monaslerio  (Jésus).  31. 
Honchelet.  38. 
Mondulaigny    (Mlle).   344 

384. 
Montai.  409.  423. 
Monténégro  (Mme).  40. 
Montfort.  316. 
Moriani.  40.    134.  197.   210, 

Horize  (Mlle).  154. 
Morlière  (Mlle  de  la).  297. 
Moschelcs.  210.  338. 
Mosel(de).  171. 
Moskowa  (prince  de  la).  103, 
Mouchelet.  436. 
Mozart.  178.  366. 
Mozart  (fils).  306.  321. 
Muhlenfeldt.  203. 
Mulder.  83. 
MuUer  (G.).  187.  234. 
Muller  (Louis),  344. 

N 
Jiabich.  305. 
Naldi  (Mlle).  345. 
Nau  (Mlle).  15.  3'i.  46.  53. 

304.  352.  400. 
Nelzer.  281. 
Nicolai.  69.  109.  265. 
Niedermeyer.  403. 
Nissen  (Mlle).  80.  96. 
Nodier  Charles).  39. 
Nordet  (Mlle).  200. 
Novello  (Miss  Clara).  87. 
Nuffel  (Van).  4:4. 

O 

Obin.  344.  360. 
Oehinschelâger.    224.    313 

320. 
Offenbach  (Jacques).    159 

162.  187.  211.  297. 
Ojeda.  184. 
Ole-Bull.  rotj.  Bull. 
Onslow.  80.  401. 
Osbome.  116. 


Pacini.  31.70.  109. 
Paleslrina.    162.     192.   242. 

345. 
Famel.  171. 
Panckoucke.  250. 
Panofka    238.  257.  289.  305. 

313.  3G0. 


Panseron.  54.  86.  209.  428 
Pape.  94.  101.134.  216. 
Pasarell(Don  Antonio).  225 
Paul  (Mmel.  345. 
Pau-nitz.  87. 
Penleriricder.  353. 
Pépin.  108. 
PfeifTer   (Mme   Clara).  238. 

383. 
Philips.  86. 
Piatti.  54.  140.  418. 
Pierson-Bodin  (Mme).  427. 
Pillet  (Léon).  360. 
Pixérécourt   (Guilbert  de) 

264. 
PIxis.  369. 

Planque.  44.  ,369.  401. 
Ple-ssy  (Mlle).  195. 
Pleyel.  S03.  237. 
Pleyel  (Mme).  436. 
Poils.  40. 

Polmart'n  (Mme).  68.  94. 
Poncharil.  140. 
Poniatowsky  (le  prinre  de) 

369.  -^ 

Portéhaut  (Joannés).31.  280, 
Poto.  134. 
Pouilley  (Mme).  86. 
Poultier.   46.    80.    133.  202. 

241.  256.  289.319.  360. 
Prang-Hillen  (Mme  Van).  31 , 
Preyer(G.).  234.  377. 
Proch.  69. 
Prosper  (Mlle).  211. 
Prudent  (Emile).   30.  160 

341.  153. 
Prume.  139.  195.  360. 
Putllirgcn  (Vesque  de).  108 
Puzzi  (Mme).  86. 
Pyat  (Félix).  47. 

R 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  NOIWS. 


Ronzi.  345. 
Ronzi-Debegnis  (Mme).  109. 
Rosellen.  126.  399. 
Roselli.  401. 
Rosenhain.    135.   238.    257. 

289.  360.  369.  377. 
Rosenhain  (Ed.).  31.37.  55. 
Rossi  (Mme  de).  135. 
Rossi-Caccia  (Mme).  70.  80. 

96.  162.  187.  274.  304. 
Rossignon  (Mlle).  94. 
Rossini.  54.  171.  210. 
Rossini  (Mlle).  211. 
Roulle  (Mme).  162. 
Rouvroy  (Mlle).  193. 
Roxas.  281. 
Rubi.  163. 
Rubini.  427. 
Russo  (Angelo).  233. 


Smirnof  (Mlle).  241. 
Snel.  2G5.  401. 
Sontag  (Mlle  Nina).  377. 
Soubre  (Etienne).  208. 
Speranza.  109. 
Spohr.  233.250. 
Spontini.  338.  353.  428.  439 
Stall.  162. 
Stamaty.  238    369. 
Stark.  338. 
Sliegler.  4.  288.  304. 
Stradivarius.  305. 
SIrauss.  6. 

Sirau.'S  (fils).  305.  393. 
Stolz  (Mme).  368. 
Strocken.  264. 
Sudre.  6.  80.  94.    178.  233 
337. 


Raab.  162.  178. 
Raguenct.  314.  329. 
Raoux.  360. 
Razelti.  (Mile).  134. 
Reber  (Henri).  368. 
Régnier  (Mlle  Caroline).  428 
Reuss  (Mlle).  305. 
Révial.  203. 
Ricci.  82.96.353. 
Robbio.  120. 
Rodwell.  55. 
Roger.  280  281. 
Ronconi.   80.  297.  306.  436. 
Ronconi  (Mme).  297. 


Sabatier  (Mme).  23.  94.  108 
320.  400. 

Saint-Denis.  194.  297. 

Saint-Hilaire.  15.  313; 

Saint-Marc   (  marquis   de  ) 
219. 

Saint-Sacns.  229. 

Salvi.    154.    161.   588.   337 
376.427. 

Santini.  210. 

Santini-Souzza.  305. 

Sarmiento.  31. 

Sauvan.  44. 

Sax  (Adolphe).  68.  186.  195 
281.  305.  313.  385. 

Schad.  104.  353. 

Scheibel  (Mlle).  132. 

Schelling.  48. 

Schindier.  306. 

Schmidl  (A.).  369. 

Schmill  (A.).  69. 
Scbmitt.  87. 
Schrœder-Devrient  (Mme). 

39. 
Schumann  (Robert).  39. 
Schumann  (Mme  Clara).  1 1 9. 
Schwaederle.  162. 
SchwedL234. 
Scott  (Mme).  192. 
Segalas.  63. 

Seligmann.  68.  132.  238. 
Séraphin.  220. 
Serda,  153. 
Servais.  38. 
Sinico.  225.  353. 


Tadolini.  104. 
Tagliaflco.  108.  159.  162. 
Taglioni  (Mlle).  109.  170.  178 

194.   202.   233.    314.   320 

337. 
Tamburini.  1S6.  304. 
Tarczynowitz.  135. 
TauberL  69. 
Tedesma.  103. 
Thalberg.  38.  85.   203.  238 

274.   281.   305.    320.   345 

377.     - 
Thévenin  (Mlle).  15. 
Thierry.  186. 
Thorwaldsen.  127. 
Thys.  77. 

Tichatschek.  2S9.  321. 
Tinell  (Mlle  Clémentine).  4. 
Tingry.  126.  418. 
Tolbecque.  377. 
Toussaint.  241. 
Trotebas.  14. 
Tuczek  (Mme).  266. 
Tudor.  197. 

U 

Uccelli.  266. 
Unanue.  163.  234.  393. 
Urhan. 321. 


Valentin  (Patrice).  160. 
Valeniino.  171. 
Valgalier.  353.  360. 


Vallon  (Mme).  314.  329.  4  01 

Vatel.  68. 

Vairy  (de).  161. 

Vaviisseur  (Mlle).  153. 

Vény.  423. 

Vény  fMlle  Jenny).  69,  83. 

423.' 
Verdi.  31.  171.  234.  436. 
Verhulsl.  296. 
Veslris  (Hogupt).  85. 
Viardot-Garcia  (Mme).  154. 

163.   224.  225.    241.    301. 
393. 
Vieuxlemps.   125.   186.  349. 
Vilanova  iRamon).  255. 
Vilbach.  f^oy.  VVilbach. 
Viret.  288. 
Visconti.  140. 
Vivier.  171.  139.  224. 

W 

Wackenthaler.  162. 
Wagner  (pianiste).  108. 
Wagner    (Richard).  39,   46. 

234.  289.  306.  321. 
Walter  (Mlle  Emilie).  250. 
Waldmuller.  54.  153. 
Warlel.  210.  250.  274. 
Wartel  (Mme).  117.  320. 
Weber   (Charles-SJarie   de). 

218  hii.  257.  353.  385. 
Weber  (la  veuve).  68. 
Webster.  48. 

Webster  (Miss  Clara).  428. 
Weismuller.  29. 
Wernlhal.  187.  234. 
Westmoreland    (  lord  1.   31. 

108.  143.428. 
Wideman  (Mme).  135.  314. 
Widor  (Charles).  369. 
Wilbach  (Renaud  de).  281. 

288.  401. 
Willent-Bordogni,  194. 
Willmers.  428. 
Wilson.  48.  211. 
Witle  (de),  108. 
WœlIT  (Edouard).      4.  !)5. 

360. 
Wolfel.  300. 
Wolfsohn.  369. 
Wood  (mistriss).  31,  86. 


Zerr  (Mlle).  183.  321. 
Zimmerman.  96. 


FIN  DE  LA   TABLE   DES  NOMS. 


TABLE  DES  AUTEUUS. 


Anders  (G.  E.).  199.   218,   221.   238.   25/|. 

262.  285.  303.  326. 
Berlioz  (H.).   50.  60.  77.  93.  99.  Iii6.  169. 

190.  256. 
Blanchard  (H.).  3.  5.  10.  13.  19.  28.  35.  37. 

U5.  52.  66.  67.  78.  79.  8û.  95.  lOû.  106. 

116.  117.  126.  133.  167.  170.  178.  183. 

184.  192.  201.  219.  230.  240.  248.  263. 

273.  277.  287.  288.  297.  30Zi.  316.  317. 

329.  341.  348.  365.  374.  376.  382.  398. 

399.  400.  405.  407.  409.  417.  424.  427. 

434.  436. 


Bourges  (Maurice).  43.  44.  114.  130.  138. 

359.  365.  366.  415. 
Danjou  (F.).  279.  352.  368.  412.  422. 
Deschamps  (Antony).  161.  185. 
Fétis  (Edouard).  176.  182. 
Fétls  père.  76.  91.  102.  124.  150.  202.  208. 

216.  223.  247.  270.  295.  311.  328.  335. 

391.  423.  435. 

Gathy  (Aug.).  209. 

Heller  (Stephen).  22.  36.  53.  78.  132. 


Kastner  (G.).  105.  161.  280.  319.  344.  384. 

Lafage  (Adrien  de).  229.  237. 

Laurens  (J.-B.).  397.  433. 

Mcifred  (J.).  100.  167.  200.  260,  325,  373. 

Méreaux  (Amédée).  185. 

Morelot  (Stephen).  232. 

Smith  (Paul).  151.  158.  175.  318.  335.  343 
352.  359.  367.  375.  381.  383.  391.  399 
407.  413.  421.  434. 

Specht  (A.).  125.  276.  286. 


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3  9999  06608  019  1