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TiHiE Allen A.B^owiM e®LLE©TiiQM
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in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/revueetgazettemu1844pari
REVUE
ET
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS.
PARIS.— IMl'IîlMERlE DE BOURGOGNE ET MARTINET,
3o, rue Jacob.
REYUE
ET
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS.
RÉDIGÉE PAR
MM. G.-E. ANDERS.
G. BÉNÉDIT.
F. BENOIST, professeur de compo-
sition au Conservatoire.
BERTON , membre de l'Institut.
BERLIOZ.
HENRI BLANCHARD.
MAURICE BOURGES.
F. DANJOU.
DUESBERG.
MM. ELWART.
FÉTIS père , maître de chapelle du
roi des Belges.
EDOUARD FÉTIS.
J. GUILLOU.
JULES JANIN.
KASTNER.
ADRIEN DE LAFAGE.
JULES LECOMTE.
F. LISZT.
MM. J. MARTIN, maître de chapelle de
Saint-Germain l'Auxerrois.
MARX (de Berlin).
EDOUARD MONNAIS.
L. RELLSTAB.
GEORGE SAND,
ROBERT SCHUMANN.
PAUL SMITH.
A. SPECHT.
/
OI^ZIÈME AMRJEE.
•)
1844.
Ke^ t II
PARIS,
AU BUREAU D'ABOUîHEMEafT, «5, BUE niCHEttiSEU.
1844.
*our Paris : unan, 30fr. ; six mois, 15 fr. — Annonces : 50 c. la li'gne de 28 lettres — Départements : un an , 34 fr. Étranger, 38 fr.
REVUE
ET
GAZEnE MUSICALE
MM. ANDERS, G. BENEDIT, BERLIOZ, HtNBi BLANCHARD,
UiDBICE BOURGES, F. DANJOU, DCESBERG, FÉTIS père, Édouabd FÉTIS, J. JANIN, KASTNEK,
LISZT, GBOBflE SAND, DORTIGDE, L. RELLSTAB. PAUL SMITH, A. SPECHT. etc.
Paraissant tous Mes MUanancïïtes,
,IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
lie 1™ et le 15 de chaque mois on recevra un morcean de mncir!—'.
. ......lies ; par H. BLANCHARD. —
^«iitr-iialien: Don Pasqmie , renirce de Lablache. — Matinées
musicales; par H. BLANCHARD. — Littérature: Fables par
Léon Halévy. — Nouvelles. — Annonces.
MO^ ALBUM DE CETTE ANNÉE >.
içjl^ous commençons par le commence-
ment. Ceci est la première scène de
la grande pièce qu'on appelle l'année,
■'sw^i divisée en douze actes, qu'on appelle
"j y/ \^S1J3 les mois , subdivisée en cinquante-
■jT^^jjJ^^ deux tableaux , qu'on appelle les se-
Mr\I^ïpk|; maines. Les tambours de la garde
Mv V r\ nationale ont exécuté bruyamment
M ' l'ouverture. La toile se lève : le
théâtre représente un élégant salon dans le goût
moyen-âge ; deux personnages s'y trouvent : un
monsieur et une dame. Le monsieur présente h
la dame un album qu'il a composé lui-même; il
le lui présente galamment de la main gauche ,
celle du cœur, en se courbant avec respect , mais
en souriant avec orgueil. La dame s'incline légè-
rement , prend l'album , de la main gauche aussi ,
touchante sympathie! tandis que son autre main
se dresse en témoignage d'admiration et de grati-
tude. La main droite du monsieur, gantée de blanc,
ornée d'une manchette blanche, laisse pendre son
chapeau noir au-dessous du genou, en témoignage d'humilité
profonde.
^ 11 y a fagots et fagots, albums et albums. On peut dire de
Dessin de Gavarni joint au présent numéro.
laiDum ce qu on an ae toutes cnoses, autant de bien que
de mal, autant de mal que de bien. L'album est tour à tour
ce qu'il y a de plus agréable et ce qu'il y a de plus insipide,
de plus ingénieux et de plus plat , de plus frais et de plus
fané, de plus attrayant et de plus horrible. Gavarni n'a pas
voulu qu'on se trompât sur la qualité de l'album que présente
son héros a son héroïne. Jugez de l'ouvrage par l'auteur !
Observez ce visage bizarrement contracté, ce sourire grima-
çant de la bouche, du nez et des yeux, cette coiffure ambi-
tieuse, ces moustaches retroussées, cette barbe touffue, cette
cravate blanche à bouts démesurés , cet habit noir à larges
pans, ces jambes grêles et ces pieds immenses ! à coup sûr,
voilà un auteur qui vise au sublime du genre et qui s'enfonce
à corps perdu dans le ridicule !
Si vous le voulez absolument , je vous dirai tout ce que
contient l'album de cet auteur : je vous dirai tout ce qu'il y
a déposé d'Emotions qui n'émeuvent point , de Larmes qui
ne font pas pleurer, de Rêveries qui font dormir. Je vous
dirai tout ce qu'il y apparaît de Fantômes, tout ce qu'il y
danse de Farfadets , tout ce qu'il y catacole de Démons, de
Gnomes et de Djinns.' La première romance a pour titre :
Meurs donc, enfant! et s'adresse à un€ jeune fille séduite et
trompée dès l'âge le plus tendre. La dernière , intitulée :
Hécatombe, donne le catalogue des victimes immolées par
l'auteur au souvenir de sa première maîtresse. Les deux
morceaux qu'il estime le plus sont la Promenade^à Mont-
martre et VHymne au brouillard.
Il va sans dire que notre auteur chante lui-même ses pro-
ductions. Monpou s'était ftiit une voix tout exprès pour chan-
ter ses romances. Notre auteur a dédaigné ce procédé vul-
gaire. La nature lui avait refusé le moindre filet de voix ;
qu'a-t-il fait? Il a inventé l'art de chanter sans voix; il a
érigé l'aphonie en méthode et en système. Il avait bien déjà
trouvé l'art de composer sans génie ! Vous voyez donc que
notre auteur est un homme de grand talent. M. S.
BUKEATTX S'ABOIUItJBMENX, B.UE KICHEIiIEU, 97.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
LES FAC-SIMILE.
Nos abonnés reçoivent avec le présent numéro le fac-similé
de la signature de trois cents musiciens plus ou moins morts,
plus ou moins vivants , plus ou moins immortels , plus ou
moins célèbres. C'est le supplément obligé de toutes les his-
toires , de toutes les biographies , de toutes les notices rela-
tives à ces mêmes artistes; c'est l'indispensable appendice de
tous leurs portraits les plus ressemblants.
Combien n'y a-t-il pas de vérités triviales à force d'être
vraies, fatigantes à force d'avoir été répétées et à cause des-
quelles on finit par prendre en haine le premier grand homme
qui a eu le mallieur de les dire! Pour mon compte person-
nel, je n'ai jamais pu souffrir BuCfon à cause de son fameux
axiome : Le stijle est tout l'homme. Je conviens que cela est
parfaitement juste, mais je déclare aussi qu'il est affreux de
se voir poursuivi à tout jamais, dans cette vie et dans l'autre,
par cette inévitable et impitoyable sentence tombée à l'état
putride du plus usé des lieux communs.
Depuis un demi-siècle vous ne pouvez ouvrir un livre bien
ou mal écrit sans y retrouver dans quelque page : Le style
est tout l'homme.' Vous ne pouvez entendre disserter, causer,
disputer des gens d'esprit ou des sots, sans que l'un d'eux ne
vous détache à bout portant la phrase consacrée : Le style est
tout l'homme. Oh! phrase infernale !
Eh bien! malgré le danger d'encourir le sort de Buffon et
autres génies de cette trempe , malgré la perspective d'être
maudit un jour pour avoir émis le piemier une de ces idées
tellement robustes qu'elles n'ont pas besoin de temps pour
grandir, et qu'à peine sorties du cerveau natal elles se mettent
à courir le monde comme si elles étaient vieillies de mille ans,
je risquerai mon axiome que je formule ainsi qu'il suit :
Voyons comment tu signes, et je te dirai qui tu es.
Il y a des gens qui prétendent deviner la physionomie, le
caractère et les mœurs d'un homme d'après son nom , qui
soutiennent qu'avec un nom composé de certaines lettres il
est impossible d'avoir de l'esprit , du talent , du génie , im-
possible d'arriver à la gloire, même de parvenir à l'Institut.
Ces gens-là disent que c'en était fait de Voltaire s'il se fût
résigné au nom d'Arouet.
! Si c'est déjà une si grande chose qu'un nom, que sera-ce
! donc que la manière dont on le signe?
i Toute signature porte un caractère qui se révèle plus ou
I moins au premier cojjp d'œil , mais qu'une étude attentive
réussira toujours à pénétrer.
i 11 y a des signatures calmes et tranquilles annonçant la
' paix de l'âme , l'amour de l'ordre , la constance dans le tra-
; vail.
i II y en a d'autres violentes et fougueuses, sillonnant le pa-
pier comme l'éclair et trahissant les agitations de l'âme , les
i irrégularités du talent.
! Il y a des signatures radieuses et pures comme un beau
jour, des signatures orageuses comme la tempête même, avec
tous les vents déchaînés.
Il y a des signatures modestes qui occupent le moins de
place possible, des signatures ambitieuses qui ont l'air d'avoir
été tracées par des mains de géants.
Il y a des signatures qu'on serait tenté de prendre pour le
sourire d'un adieu plein de bienveillance et d'espoir; il y en
a d'autres , au contraire , qui semblent jetées comme un défi ,
comme une menace, comme le dernier mot d'une colère qui
n'attend que l'instant de s'assouvir.
Enfin il y a des signatures qui s'enveloppent d'ombre et de
mystère comme si elles ne disaient qu'à regret et en dépit
d'elles le nom qu'elles ont mission de retracer.
Ne voilà-t-il pas une belle occasion de se lancer dans l'é-
tude des signatures autographes ? Vous avez en huit feuil-
lets trois cents noms d'artistes musiciens fidèlement cal-
qués , fidèlement reproduits avec leurs dépendances natu-
relles. Examinez , comparez , jugez ; cherchez les rapports de
tous ces noms avec les œuvres et la renommée de ceux aux-
quels ils appartiennent. Pour moi, je me contente de livrer
mou axiome à vos méditations , à vos expériences :
Voyons comment tu signes, et je te dirai qui tu es.
DE L'EDUCATION MUSICALE
DES FEMMES.
L'an passé , c'est-à-dire la semaine dernière , dans un ar-
ticle intitulé HARMONIE , nous avons jeté un coup d'œil rapide
sur toutes les significations de ce mot , mais principalement
sur la partie théorique de cet art de l'accompagnement ; c'est
de l'accompagnement pratique que nous allons nous occu-
per ici.
Que de femmes apprennent la musique, et combien l'ou-
blient parce qu'elles l'ont mal apprise! Qui n'a entendu mille
fois dans le monde la phrase stéréotypée consacrée par ces
dames r Depuis mon mariojje j'ai tiégligé towi ça .' Cepen-
dant , par plaisir maternel , par un petit fonds de vanité placé
pour l'avenir sur la tête de son enfant, et dans une vague peir-
sée de mariage , toute mère un peu musicienne donne les
premières leçons de musique à sa fille et guide ses petites
mains sur le clavier du piano , sans lui donner, bien entendu ,
les moindres notions des principes de la musique qu'elle a
fort négligés elle-même dans son temps , et que souvent l'ab-
sence d'autres principes lui a fait ouWier.
Lorsque plus tard la petite fille devient jeune personne ,
elle trouve ennuyeux de revenir sur ses pas , et marche dans
la même voie ; elle s'occupe du mécanisme de ses mains et
fort peu de son intelligence musicale : delà tant de seriuettes
à deux pieds et quelquefois à jolies petites mains qui n'ont
pas même la régularité rhythmique des machines à cylindre
dont nous venons de parler. II y a donc une infinité d'éduca-
tions musicales féminines qui aboutissent à jouer tant bien
que mal la sonate, la fantaisie, et qui même no va pas plus
loin que le quadrille et le galop.
Le Conservatoire a des classes d'accompagnement prati-
que, mais elles ne produisent pas beaucoup de sujets distin-
gués , parce que cette partie de l'art est peu brillante et
qu'elle ne satisfait pas la vanité et ne fait pas briller autant
que de jouer un solo ; et puis tout le monde ne peut pas en-
trer au Conservatoire : il faut des protecteurs ou il faut qu'on
vous reconnaisse une bonne organisation , ce qu'on appelle là
une aptitude à telle ou telle partie de l'art , comme celle , par
exemple , que les professeurs du temps s'obstinèrent à voir
dans la jeune Cynthie Montalant, qui depuis M""'= Damoreau,
dont ils voulurent absolument faire une pianiste , ne recon-
naissent en elle que des facultés instrumentales. Voilà de vos
arrêts, messieurs les gens de l'art !
Pour en revenir aux jeunes personnes du monde, le seul
moyen de leur donner une bonne éducation musicale , c'est
de leur faire faire delà musique d'ensemble, de les initier le
plus tôt possible aux mystères, aux nuances, aux finesses, au
rhythme musical enfin de l'accompagnement , sans leur lais-
DE PARIS.
ser négliger toutefois le mécanisme si essentiel des doigts qui
donne tant de brillant au jeu. Mais encore une fois, ce méca-
nisme, ce brillant, sans la qualité si rare de bonne musicienne
qui équivaut autitre de grand capitaine pour un général ,
n'est que la superficie de l'art , et ne satisfait nullement l'au-
diteur dont l'oreille est exercée et le goût délicat.
Et maintenant, avoir prouvé qu'il faut familiariser les
jeunes personnes avec la bonne musique d'ensemble , les for-
mer à l'art difficile de l'accompagnement , ce n'est pas dire
que la chose soit facile dans Paris. Paris, notre belle capitale
des arts, est la ville d'Europe où l'on fait le plus de la musi-
que de convention , dans laquelle il y a le plus de solistes
routiniers, où l'on chante le plus souvent une demi-douzaine
de cavatines, de romances, où l'on exécute toujours les mêmes
symphonies , les mêmes fantaisies , les mêmes airs variés. Il
y a tant de gens dans ce bon public parisien qui n'ont pas
plus la mémoire de l'oreille que celle du cœur, que c'est plai-
sir de les tromper ; et puis il y a des auditeurs comme des
exécutants dont l'intelligence artistique aime à se nourrir
pendant longtemps de la même idée, semblables h ce pauvre
mari de M""' d'Épiuay, l'amie de J.-J. Rousseau, à qui nous
ne savons plus quel malin mystificateur donnait et redonnait
toujours le même volume d'un ouvrage dont le bravé homme
recommençait la lecture sans s'en apercevoir, répondant naï-
vement à ceux qui lui demandaient comment il trouvait cet
auteur : — Bon , fort bon ! Mais je trouve qu'il se répète un
peu.
On conçoit que l'écolière qui, dans sa patience ou son ob-
stination toute manuelle, s'évertue au moins pendant six mois
sur la Semiramide de Thalberg , Don Juan de Liszt ou sur
les Etudes de Wolff, doit aussi se répéter un peu.
La plupart des professeurs de piano trouvent bon que leurs
élèves se livrent à cette gymnastique musicale, et ils ont plus
d'une raison pour cela. La première, c'est qu'ils ne partagent
point leur omnipotence professorale avec un maître d'accom-
pagnement qui fait sentir à l'élève, quand cet élève est bien
organisé, les beautés esthétiques et intellectuelles de la science
musicale, que souvent les professeurs de piantf ne compren-
nent et ne respectent pas plus que la mesure, habitués qu'ils
sont h se suffire à eux-mêmes, à faire de la musique seuls, et
à subordonner l'harmonie de leur main gauche à la mélodie
de leur main droite. Il faut dire aussi que l'élève qui a mordu
à la grappe des beautés variées de la musique d'ensemble ,
néglige, et, en cela il a tort, l'étude mécanique d'une exécu-
tion précise, nette, chaleureuse et brillante. Ajoutons que le
grand nombre de parents ne font apprendre à jouer du
piano à leurs filles que pour satisfaire une puérile vanité ,
pour les voir briller en société, fixer les regards, et faire enfin
pénétrer par les oreilles, dans l'esprit de quelque beau jeune
homme riche , des idées d'hymen. Or , les beautés sévères ,
scientifiques, exceptionnelles et tout excentriques de Beetho-
ven, sont beaucoup moins propres à cela que les fantaisies
sur les chants usés, mais passionnés, d'Anna Bolena ou de
la Lucia di Lammermooi: C'est dans la pratique de la mé-
thode Wilhem pour la voix cependant , et dans l'étude de
Mozart, de Beethoven et de Weber, dans l'exécution de la
musique d'ensemble des grands maîtres enfin qu'est l'avenir
de la véritable éducation musicale en France, éducation sta-
tionnaire malgré une foule de petits journaux créés pour van-
ter telle fantaisie ou telle romance dont les propriétaires de
ces feuilles éphémères sont les éditeurs.
De l'étude sévère et patiente de la bonne musique d'en-
semble, naissent une sorte de règle, d'ordre dans les idées,
une sensibilité épurée, le goût des réunions intimes de fa-
; mille, cette exaltation mystique et rêveuse qui caractérise les
mœurs allemandes, et qu'on ne trouve que dans l'exercice du
plus noble et du plus saisissant de tous les beaux arts.
I Henri Blanchard.
THEATRE-ITALIEN.
BON PASQÏTiiI.1:.
Voici enfin la gaieté rentrée au théâtre Italien. Les chevaux
de poste ont ramené, non sans peine, une carrossée compo-
sée de Bartolo, Dulcamara, Magnifîco, Bucefalo, Geronimo,
Leporello, le Podesta, Don Pasquale e tutti quanti, et à cette
seule nouvelle , le rire a couru sur les figures de tous les di-
lettanti. Ils n'ont pas toujours tort, les dilettanti ; et Lablache,
en matière de rire, ne peut rien apprendre de personne, et
peut enseigner à beaucoup. Peut-être aussi pourrait-il ensei-
gner à faire des opéras , mais à coup sûr, il en fait un peu à
sa manière ; car c'est un solide collaborateur pour les com-
positem-s faibles ou négligents. Par exemple , Donizetti peut
bien, sans doute, avouer Don Pasquale, frère très cadet de
VElisir d'amore ; mais ce n'est pas là, tant s'en faut, un opéra
complet. L'enfant , gracieux et fin d'ailleurs , est mince et
fluet, et sans l'appui de Lablache, il n'aurait jamais pu four-
nir une course prolongée. Grâce au secours de cet habile tu-
teur, il marche heureusement et depuis assez longtemps ; et
là où les soins de cette tutelle lui font défaut, le souvenir de
cette assistance vigoureuse suffit à faire marcher avec plus
d'élan que de force réelle le petit opéra émancipé.
On s'intéresse aux gens dont la fortune est votre ouvrage.
C'est à ce titre que Don Pasquale a droit à l'intérêt de La-
blache, qui montre du faible pour lui. C'est Don Pasquale
qu'il a entrepris de faire rentrer avec lui jeudi dernier à
Paris, et il a rempli ce devoir de patronage avec toute la
bonne grâce et les soins empressés dont il est capable.
On sait jusqu'où Lablache peut être amusant, et il a été
tout ce qu'il pouvait être le jour de sa rentrée. On a ri du meil-
leur cœur du monde. Madame Grisi s'est parfaitement sou-
venue de cet art qui a fait tout d'abord de Norina la coquine
la plus désespérante pour un vieux garçon tardivement ma-
rié. Ronconi , qui a pris le rôle du docteur, a rendu ou plu-
tôt donné à ce rôle l'importance et l'esprit qui pouvaient
lui appartenir entre des mains habiles. Mario a toujours cette
voix fraîche et pure que nous lui connaissions. On pourrait
même croire qu'il gagne sous ce rapport, ce qui prouve que
la confiance ne lui était pas encore venue tout entière, et
doit lui faire espérer de nouveaux progrès. Tout le monde a
donc été content, et beaucoup plus qu'on ne pouvait le de-
mander à propos d'un opéra sans conséquence.
Les représentations du Théâtre-Italien vont devoir une
nouvelle direction au retour de Lablache ; mais elles avaient
d'ailleurs présenté jusqu'ici un intérêt suffisant. Le Fan-
tasma, qui nous paraissait surtout mériter l'estime et l'atten-
tion des artistes, a été apprécié par le public plus favorable-
ment que nous ne l'avions prévu : il est à sa huitième repré-
sentation.
Nous attendons toujours la reprise véritable à' Anna Bo-
lena.
Enfin, demain , Ronconi aborde pour la première fois de-
vant nous le rôle de Figaro , dans une représentation à son
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
bénéfice. Un Figaro spirituel nous manquait depuis si long-
temps que cette nouvelle doit nous réjouir comme l'annonce
d'une jouissance tout-h-fait inconnue.
Les dilettanti ont donc devant eux u\) magnifique avenir de
trois mois.
G. L. P.
Tresse solennelle à grand orchestre par ^. Slie^îer.
- Cent quinzième sésnce de l'Athénée des Arts- — Efiatinée
connée par M"^" Clémentine Tinell.
nmi( s du désir de connaître et de si-
gnalti auxlecteursdcla GazetUmusicalc
tout te qui se fait de sérieux et de loua-
ble dans l'intérêt de l'art, nous nous
Liions rendus un de ces jours passés,
nec notre honorable ami M. Anders,
dins 1 église de Saint-Merry afin d'y eii-
tcn lit h upLiiiion de h messe à trois voix, avec chœur et
orchestre, que M. Stieglcr, de Munich, y a fait exécuter le
jour de Noël. Pour mieux écouter l'effet de l'œuvre du jeune
compositeur bavarois, et, il faut bien le dire aussi, pour at-
ténuer un peu l'intensité du froid qu'il faisait, nous nous
étions placés dans le chœur sur des fauteuils posés sur un bon
tapis et destinés sans doute à quelques dignitaires du lieu.
Bien que l'église fût veuve en ce moment de fidèles et de ces
mûmes dignitaires qui ne devaient pas venir à cette répéti-
tion, un Gilotin, un Sidrac, un Boirude ou un Brontin, be-
deau , marguillicr ou sacristin , quelque membre de la famille
du Petit-Jean do Racine , enfin
Que l'on a fait venir d'Amiens pour être suisse ,
vint nous prier assez superbement d'avoir h quitter ces sièges
destinés à des personnes antérieurement et postérieurement
sacrées , et qui , dans ce moment , suivant la belle expression
do Tacite , y brillaient par leur absence.
Si ce ne sont les paroles expresses ,
C'en est le sens.
En déférant à cette injonction faite au nom de gens qui prê-
chent l'humilité , nous pensâmes au langage fier et menaçant
de monseigneur de Chartres , de monseigneur de Châlons ;
puis à ce pauvre curé de Paris qui, voyant entrer le peuple
révolté à l'époque des trois journées de juillet en 1830 dans
son église, au moment oii il officiait, se retourna en étendant
les bras et en entonnant le refrain du moment :
En avant, marchons
Contre leurs canons !
Il nous vint en souvenir que cette même église de Saint-
Merry avait été naguère assiégée , et que le boulet brutal y
avait brisé les ornements gothiques de sa façade; mais ou-
bliant ces tristes choses , nous ne pensâmes plus qu'au doux
accord , à l'harmonie qui règne entre tous les partis , et nous
nous mîmes à écouter celle de M. Stiegler. Sa messe est
d'un bon style et d'un beau caractère ; cela est écrit assez pu-
rement pour être classique, et assez inspiré pour ne pas être
sec et ennuyeux.
Le Kyrie eleison est peut-être un peu trop largement dé-
veloppé. Le Crucifixtis en sol mineur, dans lequel les voix
sont bien massées, est plein de nuances d'une exécution difiî-
cile , surtout pour des voix presque toujours lourdes de
chantres. Les premiers violons se dessinent sur la masse
vocale en un trait de croches avec petites notes pleines d'élé-
gance, d'un effet délicieux, et sur lequel interviennent, avec
non moins d'efi'et, des appels de cors. La voix de basse atta-
que en solo une mélodie large et sévère : Sub Ponl.o Pi'alo,
qui fait bien ressortir le tutli sur ces mots : Passns el sepiil-
tiis. ]j'allegro vivace qui suit Et resurrexit est un peu
tourmenté pour les voix et les instruments. Le solo qui suit
pour le soprano : Et in spiritmn sanctum , Dominmn , est
écrit un peu trop dans les cordes hautes de la voix, et la
mélodie est d'une forme quelque peu monotone et même su-
rannée. La fugue Et vitam ventvri en fa majeur, à deux-
quatre, vivace, est bien traitée. Le sujet en est franc et bien
vocal : le style en est rigoureux et pur , les stretti s'enche-
vêtrent ingénieusement. C'est bien là le vrai genre de la mu-
sique sacrée. Après un Sanclus assez ordinaire vient un O
Sahilaris en la bémol majeur, en me.'ure à six-huit, d'ua
style charmant et plein de mélodie. VAgnus Dei en ré mi-
neur est également un morceau très remarquable par le
dialogue des voi.v et le style fugué qui termine on ne peut
mieux cette belle messe, comme la plupart des compositeurs
actuels n'en veulent ou n'en savent pas faire, et qui rappelle
pourtant la sévère et belle manière des anciens maîtres trop
négligés de nos jours.
Si. le curé de Saint-Rlerry a prouvé son goût pour la bonne
musique en facilitant l'exécution de cette messe, qui fait
beaucoup d'honneur au compositeur, ainsi qu'à M. Viret, qui
a fort bien dirigé l'orchestre, et à M. Cavallo, jeune artiste
plein de talent qui a fort bien accompagné sur l'orgue.
— L'Athénée des arts est une estimable société littéraire
et musicale qui a été fondée en 1792, et qui a traversé les
orages de nos révolutions, comme on dit en style de juste-
milieu classique. On y lit des vers, de la prose, et on y fait
de la musique, comme dans plusieurs sociétés de ce genre que.
possède Paris, et qui se sont mises sous l'invocation et la pro-
tection de HL Apollon et de mesdemoiselles ses sœurs.
Dans la séance qui a eu lieu vers la fin du mois de décem-
bre dernier, M. Van Gaver a lu une pièce de vers intitulée :
le Christ, poésie pompeuse et orthodoxe qui pourra servir aa
salut de M. Van Gaver. M. Albert Montémont nous a dit
la Vérité, petite pièce devers en concetti. Le Rossignol, le
Corbeau et le Canard, puis les Dindons qui élisent un roi
sont deux joUes fables de M. Duvivier. La ballade intitulée
le Comte Hadick, parî>L ProsperBlanchemain, est en mêm&
temps philosophique et musicale. M. Paillet de Plombières a
lu un dialogue en vers de sa composition assez piquant. C'est
un double plaidoyer pour et contre la barbe : les arguments
en sont ingénieux et comiques ; cela est finement épigram-
matique. Le Voyage dans la lune , autre conte en vers de
M. Mathieu , est aussi une épigramnie fine contre nos essais
de gouvernements constitutionnels. La Physiologie de Vé-^
tranger {e\ivà\\. d'un ouvrage inédit) n'offre guère qu'un
recueil de plaisanteries quelque peu surannées sur l'ignorance
des étrangers à propos des coutumes de Paris, que nous vou-
lons bien appeler le centre de la civilisation européenne.
Cette séance littéraire a été suivie d'un petit concert dans
lequel on a entendu un septuor pour harpe, flûte, hautbois,
clarinette , cor , basse et contrebasse , composé par M. Pru-
mierfils, et fort bien exécuté par l'auteur, MM. Petiton ,
Garimond, Pechinier, Rousselot, Blaize et Labro. Octave,,
de l'Opéra, a chanté avec goût et méthode. M"° Begrez a dit
de même un air de la Favorite. Enfin MM. Vinck, Soler et
Bernardin se sont fait entendre dans cette matinée plus ou
DE PARIS.
moins musicale qui , sans contribuer beaucoup aux progrès
de l'art, n'en a pas moins eu ses agréments.
— M"° Ciémeniine Tinell est une jeune et jolie pianiste qui
entre dans le monde musical; elle vient de débuter la semaine
passée dans les salons du professeur de chant Delsarle , et n'a
qu'à se louer de l'accueil qu'on lui a fait. S'il lui manque
l'individualité qui vous distingue de la foule des pianistes qui
surgissent de tous côtés dans Paris , elle a de la chaleur et du
brillant dans le jeu, et une sorte d'impressionabilité sympa-
thique qui , mieux réglée , la fera parvenir à la réputation si
l'étude ne la décourage pas. L'élite de l'art vocal des matinées
musicales, Ponchard , Barroilhet, Roger, MM'"" Nissen et
Sabatier s'étaient fait un plaisir d'appuyer de leurs talents la
gentille débutante. Ponchard a dit avec son expression habi-
tuelle : Appelle-moi ta mère , dé IM"' Puget ; ftl"" Nissen a
chanté la tyrolienne des Cantatrice villane , dans laquelle
elle a déployé celte audace de trait, cette sûreté d'intonation
etjce brio qui caractérisent sa manière de chanter; puis
Barroilhet, dans le Cavalier hacljoute, de iM. Vimeux, a mis
autant de mélancolie et de suave expression que M"" Sabalier
a mis de finesse et de charme dans la jolie chansonnette inti-
tulée la Petite bergère, (^.ette matinée a donc fini à la salis-
faction générale ; c'est une heureuse préface des concerts de
la saison.
Henri Blanchard.
liittéralaire.
FABLES par I.ÉO^ HASiBlT?.
Nous avons promis à nos lecteurs de leur parler de ce re-
cueil , et nous tenons h nous acquitter do notre promesse.
M. Léon Halévy, frère de l'illuslre auteur de la Juive, de
l'Eclair, de Guido, de la Reine de Chypre et de Charles VI,
a par devers lui des titres littéraires d'une valeur incontes-
table et incontestée. Dès le collège, il traduisait les odes d'Ho-
race de manière à effacer les traductions les plus renommées.
Au théâtre, il a donné le Czar Démélrius et plusieurs drames
ou comédies qui ont obtenu du succès ; il a publié , sous le
titre de Poésies européennes , des imitations en vers de tous
les grands poètes modernes ; il a consacré à la grande figure
de Luther une élude dramatique en cinq chants ou en cinq
actes. Le voici maintenant qui s'essaie dans la fable , ce genre
que certains critiques ont déclaré inabordable après La Fon-
taine, et que, nonobstant le vélo doctoral, beaucoup de gens
d'esprit n'ont cessé d'exploiter fort heureusement. M. Léon
Halévy doit, sans aucun doute, augmenter le nombre de
ceux qui méritent des éloges pour avoir cédé aux inspirations
de leur verve et composé des fables après La Fontaine, comme
tant d'autres font des tragédies après Corneille et Racine, des
comédies après Molière; voyez-vous les audacieux!
La forme de l'apologue date de loin : elle est née avec le
monde, et durera autant que lui. Où donc est le mal que de
temps en temps on la reprenne pour l'appliquer à des objets
nouveaux, pour la rajeunir, en l'adaptant à de nouveaux per-
sonnages créés pour satisfaire aux nécessités contemporaines ?
C'est ce qu'a fait M. Léon Halévy, et ce dont nous le louons
avec pleine confiance. Du temps d'Esope , de Pilpay, de La
Fontaine, il n'y avait pas de bateaux à vapeur, pas de pavé de
bois, ces inventions d'hier, dont la fable est parfaitement li-
bre de s'emparer aujourd'hui , et de se servir comme d'ingé-
nieux emblèmes. M. Léon Halévy s'en est emparé , s'en est
servi, suivant son droit : il a tiré du pavé de bois notamment
une leçon admirablement juste, et qui répond à bien des la-
mentations ridicules. Un promeneur s'en va s'extasiant sur
les avantages de ce pavé , d'où nul bruit ne s'élève , que les
chevaux , les voitures rasent silencieusement :
La phrase allait bon train ; mais hélas ! il l'achève
Sous les pieds d'un cheval , dont le choc imprévu
A ses riants pensers bien brusquement l'enlève!
Il l'aurait évité s'il l'avait entendu.
De ce récit qu'on n'accusera pas d'invraisemblance , l'au-
teur passe à la morale dont l'évidence frappe les yeux.
Qu'une presse inquiète incessamment bourdonne,
On s'en plaint dans plus d'un pays.
On voudrait voir finir ces cris,
Tout ce bruit qui murmure, et qui siffle et qui tonne!
Vœu fatal ! désir imprudent!
Quand l'orage s'annonce on l'évite aisément;
Lorsqu'au sommet des monts rugit la bête fauve,
Elle tient éveillé le voyageur prudent.
Le silence est parfois un présage effrayant :
Tel bruit que l'on maudit souvent
Nous assourdit, mais il nous sauve!
Parmi les plus jolies fables de ce recueil, nous avons dis-
tingué lo Singe et l'Esclave, une Victoire, un Dîner d'ami,
le Tableau, la Toison, la Corde à puits, la Souris et le Chat,
l'Ane qui a lu Buffon. Au fond de toutes ces agréables fic-
tions, il se trouve un sentiment déhcat, une observation pi-
quante, que relève l'élégance d'un style toujours fin, toujours
pur, toujours concis. Le livre de M. Léon Halévy est dédié à
son frère : c'est, en effet, un livre d'homme sérieux, de pen-
seur. On n'aura donc pas tort de le faire lire aux jeunes gens
qu'on voudra mettre sur la voie de devenir l'un et l'autre.
P. S.
lie trwâsaèsBie Concert olîert aaix AboiuBîés
«le la Gf3!seSSe tuttsicnïïe ai&ra Siew jesnEI
jeroeliasEa, là jsînîvSea". Voici le Programme.
1. Trente-quatrième Quatuor Composé parBI. G. Onslow, exéculé
par BÏ3H. Alard , CheviUard, Armingaud et Croisilles.
2. Bue de la Heine de Chypre, chanté par M. Roger et
M"= SSasson.
83. Sonate de Beethoven, op. 57, exéculé par M. Georges Mathiar.
4. Air de Haendel, chanlé par M"» *• •.
5. Prière et Boléro pour le violoncelle, composés et exécutés par
VI. 0£Fenbach.
6- la Chasse saxonne , paroles et musique de M. B.oger, chantée
par l'Auteur et M. Albertini.
7. S'antaisie sur des motifs de Sémiramis, de Rossini , composée
par S. Thalberg (inédile), exécutée par M. Georges
Mathias.
8. Buo de la Reine de Chypre, d'Halévy, chanlé par MM. Roger
et Albertini.
9. Ballade de Charles VI , d'Halévy, avec accompagnement de
hautbois, chantée par M"« Masson, accompagnée par
M. Veroust.
10. Quatuor de Beethoven, exécuté par MM. Alard, CheviUard,
Armingaud et Croisilles.
Le Piano sera tenu par M. Schijign.
MM. les Abonnés reçoivent avec le présent numéro:
1° Vil Dessin deGavariii: Mon Atbtitn ae
cette année.
3° 300 Fac-Siiuile de l'ëcriture de musi-
ciens depuis Porpora jusqu'à nos jours.
BEYUE ET GAZETTE MUSICALE
XrOTTTSIaLiSS. I
V Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, à l'Opéra, la Juive,
chantée par MiM. Duprez, Levasseur, Massol, M°'c* Dorus-Gras et
Méquillet. — Demain lundi , Siradella et la Gipstj.
",* Le premier jour de l'année a été brillant pour l'Opéra. On
donnait Guillaume 7'ell. Le public était venu en foule , et tous les
artistes ont semblé prendre à tâche de justifier cet empressement. Il
y a dans la vie du théâtre des moments de verve et d'entraîne-
ment, comme il y en a de langueur et de fatigue, sans qu'on puisse
souvent se rendre un compte exact des causes du phénomène.
Mme Dorus-Gras , Earroilhet, Levasseur, Massol et Octave ont par-
faitement chanté. Duprcz surtout , dans le rôle principal , avait re-
trouvé toute la puissance et toute la fraîcheur de voix dont il jouissait
à l'époque de ses débuts. Dans le duo du second acte et dans le trio
qui suit, il a excité des transports d'enthousiasme. Dans l'air final ,
après avoir délicieusement rendu le cantabile, il a lancé le suive:-moi
avec une énergie extraordinaire, et attaqué le fameux ui de poitrine
sans aucun effort, A ce moment, les transports et les bravos ont re-
doublé. Après la chute du rideau , le grand chanleura été redemandé
par toute la salle.
,*, Cette semaine encore, comme les précédentes, l'enterrement
en cinq actes intitulé Dom Sébastien n'a eu i;K'«ne représentation,
et le caissier est resté au grand repos ; on ne voyait pas un seul équi-
page dans la rue Lepelletier. Si c'est un succès, il ressemble singu-
lièrement à une chute. Duprez, qui était admirable lundi dernier
dans Guillaume Tell , a été très faible dans Dom Sébastien. Cette
musique n'était pas faite en effet pour l'inspirer.
,*, La distribution de l'opéra en deux actes La fortune en dormant
est définitivement arrêtée. Les quatre principaux rôles sont confiés à
M"" Stollz, Dorus-Gras, et à MM. Levasseur et Earroilhet.
*,* Voici quelques uns des inconvénients qu'entraînerait l'abaisse-
ment du diapason de l'opéra , moins élevé que celui des orchestres
de l'Allemagne et de la Belgique. Pour servir faiblement quelques
chanteurs, cette mesure en gênerait beaucoup d'autres , notamment
les basses-tailles qui ne pourraient plus atteindre aux notes graves
placées dans les nouvelles partitions. Elle diminuerait la sonorité des
instruments à cordes, et obligerait à un changement total des instru-
ments de cuivre employés en ce moment.
,% Donizelti est à Vienne. On dit que les médecins, d'accord avec
les critiques , ont ordonné un repos de quelques mois au fécond
maestro , qui néanmoins doit écrire prochainement un opéra Italien,
un epéra-comiquc, un ballet pour Milan, et qui, de plus, a été chargé
par M. Léon Pillet de mettre en musique un nouveau poème de
M. Scribe , ayant pour titre Jeanne la Folle.
,*, Demain lundi au Théâtre-Italien , pour le bénéfice de Ron-
coni, le Barbier de Séville, dans lequel cet artiste remplira , pour la
première fois à Paris, le rôle principal. Les autres rôles seront rem-
plis par M"»" Persiani, RIM. Lablache, Mario etMorelli. Le spectacle
commencera par le second acte de Bdisario , dans lequel on entendra
M. Fornasari.
,*, Le principal rôle de la Syr'ene , opéra-comique en trois actes ,
de MM. Scribe et Auber, est confié à M"" Lavoye , qui n'a encore
joué et chanté que dans les ouvrages de ces deux auteurs.
*/ Cagliostro , opéra-comique en trois actes , doit être donné vers
le 15 de ce mois.
"/ La société des concerts donnera sa première séance le diman-
che 14 février; les coupons des places retenues seront distribués du 7
au 11 inclusivement, depuis dix heures jusqu'à quatre, au bureau
de location établi au Conservatoire de musique : passé cette époque
on en disposera.
,*„ L'assemblée générale de l'association des artistes musiciens doit
se tenir dans quelques jours, aux termes des statuts. Le compte-
rendu , rédigé par l'un des secrétaires , doit être lu jeudi prochain
dans le sein du comité.
*,* Pendant le cours de l'année dernière nos trois théâtres lyriques
ont donné quinze ouvrages nouveaux, savoir :
Académie royale de Musique. — Charles P^I, opéra 5 actes (Ger-
main et Casimir Delavigne, musique d'Halévy); lu Péri, ballet-pan-
tomime 2 actes (Théophile Gautier et Coralli, musique de Burgmiil-
1er); Dom Sébastien de Portugal, opéra 5 actes (Scribe, musique de
Donizetti). — Total, 3 pièces.
Théâtre de l'Opéra-Comique. — La Part du Diable, opéra 3 actes
(Scribe, musique d'Aubei) ; les Deux Bergères , op. 1 a. (Planard,
musique d'Ernest Boulanger) ; le Puits d'amour, op. 3 a. (Scribe,
Leuven, musique de Balfe); Angélique et Médor, op. 1 a. (Sauvage
et L..., musique d'Ambroise Thomas) ; Lambert Simncl , op. 3 a.
(Scribe, Mélesville, musique de Jlonpou et d'Ad. Adam) ; 3Iina ou
les Deux Ménages, op. 3 a. (Planard, musique d'Ambroise Thomas);
l'Esclave du Camocns, op. 1 a. (Saint-Georges, musique de Flolow).
— Total, 7 pièces.
Théâtre royal Italien. — Don Pasquale, opéra (musique de Do-
nizetti); P/gco» iio/e, op. (Castil-Blaze); Belisario, op. (Donizelti) ;
Maria di liokan (Donizetti); il Fantasma (Persiani). — Total, 5
pièces.
,*, Voici la liste des compositeurs dont on a exécuté à Paris des
partitions nouvelles ou non encore entendues surnos scènes lyriques:
MM. Adam, Auber, Balfe, Boulanger, Burgmuller, Castil-Blaze, Do-
nizetti , Flotow, Halévy, Lefèvre, feu Monpou, Persiani , Thomas.
Total, treize compositeurs qui se sont partagé nos trois théâtres con-
sacrés à la musique.
V* Liste nécrologique de la littérature et des arts en 1S43. — Ins.
litut. — L. Puissant, Bouvard , Fortin , Cortot , Coriolis , Campenon,
Feuillet, Casimir Delavigne.
Auteurs. — Le baron Lamothe-Fouquet , Ourry, Portelette dit
Pouet, Jules Vernet, le comte de Valory, Bosquier-Gayaudan, Bert,
Duporl père, Casimir Delavigne.
Compositeurs. — Henri Karr, Pradher.
Acteurs et anciens acteurs. — Bauzin dit Monrose, Adrien Potel ,
Firmin(dePiochefort), Bergeron, Bosquier-Gavaudan, Atrux, Pamel,
Rosambeau (Minet), Moucherot, Saint-Paul.
Actrices et anciennes actrices. — M"'' Lepeintre, M"' Faye, M""" Pa-
radol. M"" Scrivaneck mère, M"« Emilie Leverd , Mm» Catalan!.
Danseurs et anciens danseurs. — Gilbert, Simon, Bournonville.
Directeurs et anciens directeurs. — Jannin (du Théâtre-Italien), Le-
feuve (du théâtre de la Porte-Saint-Martin), Fortier (du théâtre du
Havre).
V M. le ministre de l'intérieur vient d'accorder, sur les fonds des
Beaux-Arts, une indemnité annuelle de 1,500 fr. à la veuve de
M. Casimir Delavigne. Une pareille allocation a été accordée à
M°" Delavigne par M. le ministre de l'instruction publique, sur le
fonds des encouragements litléraires.
,% La veuve du célèbre Baillot vient de mourir.
,% Le doute plane encore sur la nouvelle de la mort de M"" Ca-
talani. Plusieurs détails joints à cette nouvelle se trouvant erronés,
on en conclut naturellement que le fait principal n'est pas exact.
Ainsi la célèbre cantatrice n'a jamais eu de résidence dans les États
romains; M. Valabrègue, son mari , est encore vivant, et de son im-
mense fortune il ne lui est resté à peu près que vingt mille livres de
rente. Au surplus, si M"'" Catalani a pu lire son oraison funèbre, elle
aura dû être flattée de voir qu'il n'y était question que de talent,
de vertus et de bienfaits.
/,, L'association des artistes-musiciens belges, fondée en 1826 à
Bruxelles, sous le titre de Société d'Apollon, vient dé se reconstruire
sur des bases propres à en assurer la solidité et la durée. Le ministre
de l'intérieur, à qui le projet de règlement a été soumis, a promis
d'accorder sa protection à une société ayant pour double but les pro-
grès de l'art et le soulagement des artistes malheureux.
*,* Le célèbre Strauss , dont une médaille d'or avait récompensé
les services après la dernière saison des eaux de Vichy, vient d'être
nommé directeur des salons, bals et concerts de cette résidence.
Nul n'était plus digne que lui d'une pareille distinction , dont la
nouvelle engagera une foule nombreuse d'amateurs choisis à pren-
dre l'été prochain la route de l'Auvergne. Des valses, des quadrilles
et des concerts ravissants joindront leur attrait à celui de la beauté
des sites et des charmes de la promenade.
,*, M. Sudre, inventeur de la langue musjcale et de la téléphonie,
est de retour du voyage qu'il vient de faire dans les départements de
l'Ouest. Parti au commencement de septembre pour assister au con-
grès scientifique d'Angers, il a successivement visité Nantes, La
Rochelle , Lorient , Quimper et Brest. Le but principal de son voyage
était de faire connaître sa méthode dans cette dernière ville, ainsi
qu'il l'avait fait en 1841 à Toulon. Une grande soirée a été donnée
dans cette intention par M. l'amiral Grivel, préfet maritime de ce
port , et là , en présence d'un auditoire nombreux et expert en pa-
reille tnatière , toutes les expériences de téléphonie , exécutées par
M. Sudre, ont été couronnées d'un plein succès. M"' Hugot, habile
interprète de la langue musicale, a produit aussi, comme cantatrice,
une vive impression dans toutes les villes qu'elle a parcourues. On se
DE PARIS.
rappelle que cette jeune personne obtint, en 1837, un premier prix
de déclamation lyrique au Conservatoire; malheureusement une
maladie au larynx , qui dura plusieurs années , la força de suspendre
le cours de ses études. Aujourd'hui qu'elle est entièrement rétablie,
elle reprend une carrière à laquelle la nature semble l'avoir appelée
et où elle ne peut manquer de réussir si nous en jugeons par
l'effet qu'elle vient de produire dans toutes les séances que M. Sudre
a données. M'i« Hugot possède une voix puissante , et dont l'étendue
va du fa grave au-dessous des lignes au sol au-dessus : elle a beau-
coup de méthode et d'expression. Il est probable qu'elle se fera en-
tendre cet hiver dans les concerts, afln que le public parisien con-
firme par ses sufTrages les bravos du public des départements.
*,* Nos lecteurs ne verront peut-être pas sans intérêt ce curieux
tableau de l'âge auquel sont morts les plus célèbres compositeurs.
A 28 ans
Pergolèse
62
Allegri. Alfonse le Sage,
32
Vogel (l'auteur du Dé-
roi de Castille.
mophon).
63
J. G. F. Bach.
33
François Schubert et
64
Kreutzer.
Bellini.
65
Sébastien Bach. Vogler.
36
Mozart.
Cambert.
37
Stradella. Purcell {qui a
66
Duni. Anfossi. Reicha.
mis en musique les
67
Mosca.
opéras de Dryden).
70
Paleslrina.Tomelli. Boc-
38
Léo.
cherini. Ladurner.
40
Georges Bach. Weber.
71
Winter. Baillet.
Herold.
72
Piccini. Grétry. Krom-
41
Gnecco ( l'auteur de
mer.
la Prova ). Nicolo
73
Sarti.
Isouard.
74
Emmanuel Bach. Scar-
42
De 'Vinci.
latti. Rebel. Frédéric
43
Gomis.
Bach. Pleyel. Zelter.
46
Cimarosa.
Bernard Rhomberg.
47
J. Chr. Bach.
75
Handel. Paesiello. Sa-
49
Michel Haydn. Generali.
licri.
51
Sacchini. Dusseck.
76
Hiller. Gaglielmi. Fio-
52
Orlando Lasso.
raventi.
53
Marcello. F. Ries.
77
Joseph Haydn.
54
Lulli. Méhul. Righini.
78
A. Scarlatti. Gampra.
Andr. Romberg.
Martini.
55
Beethoven. JosephSchu-
80
Clementi.
bert.
81
Rameau.
56
D'Alayrac. Solié.
82
Du FayCherubini. Ga-
57
Durante. Catel. Morlac-
luppi.
chi.
85
Zingarelli.
58
Graun.
86
Lambert.
59
Boîeldieu. Hummel.
87
Gluck.
60
Jean Gabrielli. Nau-
88
Monsigiiy.
mann. Corelli. Blan-
89
Caldara.
gmi.
96
Gossec.
61
Mondonville.
99
Carissimi.
100
Hollhaymer.
Ajoutons, sans date précise, que Clari et d'Astorga sont morts vers
le milieu de la vie commune de l'homme, que Gui d'Arezzo , Jos-
quin des Prés ont au moins atteint 60 ans, que Monteverdé a été
septuagénaire. Nous avons éliminé de cette nomenclature beaucoup
de talents honorables, mais qui n'eussent réveillé de souvenirs que
dans l'esprit des savants voués spécialement à la biographie et à la
bibliographie musicale.
V Un journal raconte les faits suivants qui se rattachent à l'art
musical. « Quelque temps avant la grande vogue de Richard-Cœur-
de-Lion , les théâtres de Covent-Garden et de Drury-Lane s'avisèrent
de jouer deux traductions différenles de cette pièce en anglais. Dans
le désir de produire plus d'effet l'un que l'autre , ils y introduisirent
des changements. Le premier fit composer des rôles qui dénaturaient
totalement la pièce. Williams devint un cabaretier qui avait pour
femme une espèce de poissarde; la comtesse de Flandres était deve-
une reine d'Angleterre sous le nom étrange de Bérengeria. On con-
fiait cette souveraine aux soins d'un écuyer, espèce de bouffon , qui
s'emparait de la clef de la cave du cabaretier et s'enivrait pendant
tout le second acte. Au troisième , il revenait jouer une scène d'ivro-
gnerie dégoûtante et chantait une chanson anologue. La musique de
l'ouvrage était métamorphosée en un pasticcio où, à côté de celle
de Grétry, se trouvaient des morceaux d'Anfossi, de Bertoni, de
David Rizzio, de Duni, de Tenducci, etc. Cette monstruosité fut
unanimement sitdée. — Drury-Lane, un peu moins profane, fut plus
heureux. Pour conserver la couleur et la touche originales, il avait
prié un Français , établi à Londres, de diriger l'exécution. La pre-
mière condition de cet amateur fut que l'on s'en tint strictement à
la musique française, ce qui eut lieu; mais le poëme ne fut pas
aussi respecté. Pour augmenter l'intérêt du rôle de la comtesse,
joué par la première actrice , fort aimée du public , on lui donna
toute l'importance de celui de Blondel , qui devint par là une
sorte d'accessoire. L'amour faisait ainsi, à Londres , ce que la fidé-
lité politique faisait à Paris. 11 y eut un grand luxe de décorations,
d'habits, défigurants. La musique produisit une sensation immense,
et l'ensemble obtint un succès considérable et qui s'est longtemps
soutenu.
V Un amateur d'autographes et de dessins originaux vient d'ac-
quérir à Paris, au prix de 1000 francs, un croquis du célèbre Da-
vid portant la signature de Grétry. Un jour, pendant une séance de
l'Institut , le grand peintre s'amusait à dessiner une jeune Africaine.
" Ce dessin peut dévenir précieux, lui dit Grétry. — Oui, répond
David , quand vous y aurez ajouté une pensée relative à votre art. »
Grétry prit le croquis et écrivit au bas « Une blanche vaut deux
noires. »
Clu'oniqite déitai'temeiitole.
,% Bayonne. — Nous avons encore une fois entendu ce grand ar-
tiste, Alexandre Batta, dont l'admirable talent nous a été révélé il
y a cinq mois à peine. Nous n'essaierons pas de rendre l'enthousiasme
et les transports que le célèbre violoncelliste a excités lorsqu'il nous
redisait les chants de nos montagnes si religieusement conservés dans
leur exquise simplicité. De chaleureuses et bruyantes acclamations
ont également salué les deux frères, Alexandre et Laurent Batta,
dans leur charmant morceau sur des thèmes de la Favotiie. Après la
chute du rideau, Alexandre a été rappelé et a reparu sous un ton-
nerre d'aplaudissements. A la sortie du théâtre la foule attendait en-
core et il a été l'objet d'une nouvelle ovation. Depuis un mois, les
frères Batta ont donné ici quinze concerts.
*," Grenoble, 26 décembre. — Depuis huit jours nous avons pu
admirer, dans les différents ouvrages qui nous ont été représentés ,
deux artistes d'un mérite réel, qui justifient chaque jour leur excel-
lente réputation , M. Hermann Léon et M""» Duflot-Maillard , tous
deux attachés l'an dernier au tbéàlre royal de Bruxelles , l'un comme
première basse de grand opéra , l'autre comme forte première chan-
teuse.
CiH'Oisique étrangère.
V Bruxelles, 31 décembre. — La Société musicale de Bruges vient
de donner un brillant concert, dans lequel M"'« Elaes-.IIeerti et
M. Elaes , dont le nom elle talent sont européens , ont été très vive-
ment applaudis. En rendant compte de ce concert, le Journal de
Bruges ajoute : cette soirée nous a donné lieu d'apprécier un nouveau
pianiste, M. Félix Halma, qui, après s'être retiré quelques années
de la carrière, vient d'y rentrer avec un plein succès. M.Félix Halma
a exécuté avec une grande franchise et beaucoup de dextérité deux
fantaisies de Listz et de Thalberg. Nommer ces deux auteurs , c'est
dire tout ce qu'il a fallu d'études et d'intelligence pour les dignement
interpréter.
/, Opéra. — Des erreurs ou des oublis involontaires pouvant avoir
été faits en révisant la liste des entrées pour les bals de l'Opéra, les
personnes que cet avis intéresse sont priées de s'adresser à l'admi-
nistration avant le 6 janvier , si elles veulent être sûres que leur
nom y est toujours porté.
Le Directeur, Rédacleur en chef, Maurice SCHLESINGER.
chez MAURICE SCHLESINGER, m, rue Richelieu.
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TRADUCTION FRANÇAISE DE MAURICE BOURGES.
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i£ERZ (J.). Trois airs de ballet en rondeaux brillants.
N. 1 . La Pavane. N. 2. La Mascarade. N. 3. La
Bourrée. Chaque. 7 50
HCNTEN (W.). Mosaïque. Mélange des motifs les plus
chantants et les plus favoris. 4 suites. Chaque. 7 50
KAXKBRENNER. Op. 165. Grande Fantaisie de bra-
voure sur le duo des cartes. . . 9 •
2,ECAaPEMTïER. Deux Bagatelles. Chaque 5 »
OSBORNE. Fantaisie brillante 7 50
REDI.ER. Sixième Bagatelle 5 ■>
ROSEIiIiEN. Fantaisie élégante 7 50
SCHUBERT (Peter). Variations brillantes et non difficiles
sur le chant national 6 »
STAMAXI. Fantaisie brillante. 7 50
THAXiBERC (S.). Op. 48. Grand Caprice brillant. ... 9 »
■WOI.PF. Grande Valse G »
Pour Piaup a 4r mains.
HERZ (J.). Trois airs de ballets en rondeaux brillants.
N"! , 2 , 3. Chaque 7 50
XiECARFENTIER. Divertissement 6 >
THAI.BEB.G. Grand Caprice 10 »
"WOIPE. Grand Duo brillant 10 »
Pour Piauo et Violon.
S.AI.K.I3REIU9TER et FASTOFKA. Grand Duo. ... 10 *
Z.OÏJIS (JN.). Fantaisie héroïque. 10 •
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15 fr, — Annonces : 50 c, la ligne de 28 lettres — Départements : uu an , 34 (V. Étranger, 38 fr.
REVUE '1
GAZETTE MUSICALE
MM. ANDERS , G. BENEDIT, BERLIOZ, HENBl BLANCHARD,
UiDBICB BOURGES, F. DANJOC, DCESBERG, FÉTIS père, Edouard FÉTIS, J. JANIN, KASTNER,
LISZT, George SAKD, D'ORTIGUE, l. rellstab, Paul smith, a. SPECHT. etc.
Paraissant tous Mes MHwnaatches,
IL SERA JOINT A CHAQUE^ NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
Le t" et le 15 de chaque mois oa recevra on moreeaa de masiqaei
SOMMAIRE. L'orchestre ambulant. — L'Actrice et l'Etudiant
(1" article) ; par H. BLANCHARD. — Ce qu'on entend par une
bonne composition musicale. — Troisième concert de la 7ict)«e er
Gazelle musicale ; par H. BLANCHARD. — Correspondance par-
ticulière: Marseille! — Nouvelles. — Annonces.
L'
, orsque vous voulez
faire l'éloge de
---. -l'orchestre du Con-
^1 tservatoire ou de
f quelque autre réu-
Inioii d'exécutants
* fameuse par son ensemble, dans laquelle
un seul bras semble tirer et pousser tous
les archets , un seul souffle animer toutes
les anches et tous les cuivres , ne dites-vous
pas : « Voilà' un orchestre qui joue comme un
seul homme ! »
Eh bien , je vous présente un homme
qui joue comme tout un orchestre, un homme
qui est la musique même , et qui la résume tout
entière en sa personne , au point de vue histo-
rique, depuis les roseaux de Pan jusqu'à la grosse
caisse, si chère à nos compositeurs modernes.
Cet homme est le vrai sage musical , en dépit des grelols de
la folie qui entourent son chapeau : c'est le vrai philosophe
de la symphonie ; il peut dire , comme disait autrefois ce
Bias , dont la Grèce était fière : Omnia mecum porto , je
porte tout avec moi.
(!) Dessin de Gavarni joint au présent numéro.
Entendez-vous ce bruit immense qui tout-à-coup frappe
les airs , ébranle les vitres , et vous arraclie aux langueurs
d'une méditation creuse, d'une somnolence maladive? Vous
croyez d'abord que c'est un régiment qui passe , musique en
lête, un bataillon de la garde nationale que l'heure de la
parade appelle dans la cour du château. Vous supposez au
moins que sept ou huit concertants se sont donné rendez-
vous sous vos fenêtres. Pas du tout , vous regardez , et vous
voyez que cette banda militare se réduit à un seul homme,
qu'un seul homme, avec quatre instruments, fait du bruit
comme trente-six ! aussi cet homme a-t-il pour escorte fidèle,
pour auditoire ambulant, comme lui-même , la tourbe vaga-
bonde de tous les gamins du quartier. Cet homme est l'idole
de la rue , l'admiration du carrefour , l'étonnement de la
place publique. Ah ! que vous êtes injuste envers lui, et que
vous le traitez peu suivant ses mérites ! Vous ne lui jetez pas
plus de menue monnaie que vous n'avez l'habitude d'en don-
ner à un homme seul , et il vaut à lui seul quatre hommes , y
compris le caporal ! Et vous devriez l'accabler de vos lar-
gesses , l'ensevelir sous les gros sous !
Vous me direz peut-être que cet homme a peu de frais ,
qu'en multipliant ses moyens il a simplifié sa dépense , et que
tout en faisant de la besogne et du bruit comme plusieurs,
il ne mange que comme uu seul. C'est donc ainsi que vous
lésinez avec l'invention , que vous marchandez avec le génie
et que vous découragez le progrès !
L'orchestre ambulant a eu pour précurseur l'orchestre
assis, bien connu dans Paris du temps de l'Empire sous le
nom de M. de la Fliite. Cet honnête artiste était déjà vieux
et avait l'air infirme. De la main droite il tenait une double
flûte, non traversière, dont ses lèvres pressaient le double bec ;
delà main gauche, il pinçait les cordes d'une harpe, qui n'en
avait que cinq quand elle était au grand complet ; de son pied
droit il faisait retentir des cymbales. M. de la Flûte eut
l'honneur d'être mis au théâtre et représenté par Brunet dans
BVKEAUX S'ABOBTIVESIENT, B.ÎTE RICHXIilEU , 97.
10
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
une pièce qui se jouait aux Variétés , l'Intrigue sttr les toîts.
Depuis longtemps l'orchestre assis a disparu de la face du
globe, \ive l'orchestre ambulant! Place à l'orchestre ambu-
lant!
M. S.
L'ACTRICE ET L'ÉTUDIANT ".
li'Aspltyxie.
uevoulez-vous ? dit
le docteur R à
M'"^ Sabatier , de
ce ton de bienveil-
lance et de bonté
qui lui est naturel,
U que d'ailleuis on prend toujours volon-
tieis en pailant à une jolie femme, de
quelque classe qu'elle soit.
— Excusez-moi, monsieur, si je viens si
taid et si je vous dérange, dit la belle con-
cicige ; mais je sais que vous vous intéressez
' ^(^i 'Si,~,"%,'ra a lout ce que fait M. Jules d'Armail; c'est
vWi^ pour son bien ; et puis vous m'avez tant re-
'^^K^ commandé de vous avertir de ce qu'il y aurait
\7";L^ d'mquiétant. .. pour lui , dans sa conduite...
"i^ — ^^ '•''^"' qu'est-ce qu'il y a ? que fait Jules ?
— Mon Dieu , monsieur, je ne sais pas si je dois
vous dire... je crains de me tromper.
— Eh ! n'importe ! dites toujours ; mais , pour Dieu ,
dites vivement.
— Voici ce que c'est : M. Jules est rentré ce soir à onze
heures ; il est minuit passé. Il avait l'air triste , souffrant ; et
quand je lui ai demandé s'il était indisposé , s'il fallait vous
prévenir, il m'a répondu d'un ton brusque et sec: Non.
— Enfin ?... que craignez-vous ?
— C'est qu'il a fait porter , ce malin , dans son apparte-
ment , une assez grande quantité de charbon...
— Que me dites-vous là , mon Dieu !
A ce moment, le docteur entendit un bruit sourd au-
dessus de sa tête , semblable à celui que produit une masse
inerte , un corps qui tombe lourdement sur le parquet , et
qui fit retentir le plafond du cabinet de travail où se trouvaient
le médecin et son interlocutrice.
Le docteur s'élance aussitôt en appelant son domestiqucet
en disant à la portière d'aller chercher son mari; il monte à
l'étage au-dessus, où demeure le jeune homme dont on vient
de lui parler: il sonne violemment, et sans attendre qu'on
vienne lui ouvrir , il heurte de toute la force de son corps, et
à tour de rôle avec le concierge et son domestique , la porte
(1) Quoi qu'en disent quelques esprits chagrins et difficiles, c'est
dans le roman-journal que se trouvent maintenant la peinture
exacte de la sociélé actuelle ou passée, le drame saisissant, la comé-
die vierge du contact de la censure, et le véritable roman de mœurs.
Les idées, l'invention ont déserté le tliéàire, la poésie et ce qu'on
appelle la haute littérature, pour se réfugier dans le feuilleton, où
elles se meuvent plus à l'aise , car ce champ est devenu le domaine
de la fantaisieet de la réalité. Là, tout lecteur trouve le dédommage-
ment de l'ennui que lui fait subir le premier-Paris; par là, enfin,
s'explique le succès des journaux les plus accrédités ; et, à ce titre,
la Gazelle musicale doit suivre le mouvement général , et dire avec
ses hauts et pui-sants confrères les grands journaux :
La reproduction de l'Acirice et l'Étudiant est formellement inter-
dite sous peine de poursuites en contrefaçon. [Note du. directeur.)
de l'appartement , qui cède à ce triple effort plusieurs fois
répété ; puis il court ouvrir la chambre à coucher du jeune
homme , qu'il trouve évanoui sur le parquet. Brisant avec
le premier objet qui s'ofliVe à sa main les carreaux des
fenêtres, il dissipe ainsi les miasmes morbifiques et dé-
létères qui viciaient l'air ; et relevant le malheureux , dont
la face contractée, pâle, et même déjà bleuissante, donnait
peu d'espoir de le sauver , il le porte sur son lit , et lui
pratique une large saignée qui lui fait pousser un soupir et
le fait revenir peu à peu à la vie. Lorsqu'il s'est assuré
qu'il n'y a plus de danger , le docteur congédie les collabo-
rateurs de sa bonne action , sous prétexte du calme que ré-
clame l'état du jeune imprudent qu'il vient d'arracher à la
mort, et pour connaître d'ailleurs les motifs qui ont pu le
porter à cette fatale résolution , et aussi pour pour pouvoir
le sermonner un peu plus à son aise.
— Eh bien , mon pauvre Jules , me direz-vous la cause de
cet acte de folie ?
— Trouvez bon , mon cher docteur, que je ne vous re-
mercie point du service que vous avez cru me rendre... La
machine n'avait plus que quelques mouvements à faire pour
cesser de cheminer péniblement. Je touchais au but du
voyage, qui n'effraie que les gens sans cœur J'aurai le
courage de le recommencer.
■ — Allons, allons, mon ami , si vous êtes impitoyable pour
vous-même , il est peu généreux de l'être pour ceux qui vous
aiment. — Un sourire ironique et d'une indicible mélancolie
se montra passagèrement sur la figure cadavéreuse du pauvre
jeune homme à ces mots du docteur. — N'avez-vous pas un
père, des amis? N'avèz-vous point d'affection en ce monde?
— Une seule les a toutes annulées dans mon cœur, et
celle-là même n'existe plus en moi.
— Si cela élait vrai, vous ne vous seriez pas porté à l'excès
ridicule dans lequel vous êtes tombé.
— Ridicule ?
— Oui , sans doute.
Le docteur, qui savait aussi bien analyser les maladies de
l'esprit que celles du corps, savait que l'orgueil, la vanité
entraient en assez forte dose dans les éléments constitutifs
du caractère de celui à qui il parlait ; et continuant ses re-
proches affectueux, acidulés d'ironie, il dit à notre jeune
homme , pour faire diversion à son idée fixe de suicide : Vous
devez avoir remarqué, mon cher Jules, qu'il n'y a que les
modistes , les couturières ou les commis marchands qui finis-
sent par l'asphyxie au moyen du charbon : c'est aussi peu
distingué que peu brave.
— Soit. Onpei.it se servir du pistolet ou du poignard, si
c'est plus noble, plus historique , répondit le jeune homme
avec un dépit amer... J'y songerai.
— Allons , mon ami , ce n'est pas avec vous, qui possédez
une instruction si variée et si étendue , que j'emploierai les
lieux communs qui ont été si souvent écrits et dits contre le
suicide , contre cette action , qui ne peut être que le ré-
sultat d'une monomanie raisbnnée, d'une oblitération de tout
le système physiologique, ou des hallucinations d'un indomp-
table orgueil qui pousse à faire parler de soi , même après
soi.
— Cet orgueil ne m'a nullement préoccupé; car, pour être
oublié plus tôt, je n'ai pas écrit une ligne sur le motif qui
me porte à quitter la vie.
— Quoi! pas même à votre père ?
— Non.
— Et quelle était doncla pensée qui vous dominait à l'ap-
proche de la mort?
DE PARIS.
11
— Celle de la voir venir, de neutraliser les terreurs qu'elle
inspire , ses affres et 'Ses épouvantements , comme a dit le
grand Bossuet. Debout , les yeux ardents et fixés sur cet ar-
dent foyer d'où émanait la vapeur délétère, je sentis d'abord
ma vue devenir plus perçante sous mes paupières qui se dila-
taient; puis mille- pensées riantes, poétiques, mais confuses,
tourbillonnèrent dans mon cerveau. Le désordre de ce siège
dfi la pensée réagit sur le cœur, et vint y tournoyer aussi;
mes jambes chancelèrent , et en voulant faire quelques pas
pour m'asseoir, je tombai de toute ma hauteur sur le parquet,
oii vous avez dû me trouver après que mon libre arbitre m'eut
tout-à-fait abandonné.
— Fort bien : définition exacte , froide et lucide qui dé-
montrerait que vous êtes atteint de cette incurable monoma-
nie du suicide dont je viens de vous parler, si vous me disiez
la vérité quand vous m'assurez que de cruelles déceptions
dans un attachement profond qui n'existe plus, dites-vous,
ont détruit dans votre cœur toute affection pour de vrais amis,
et surtout pour votre père ,
— Qui m'a laissé...
— Permeltez-moi d'achever : pour votre père, dont le ca-
ractère est entier, inexorable, et, sous ce rapport, vous
tenez un peu trop de lui , mais qui fut toujours animé pour
vous d'un attachement aussi solide que vrai. En voulez-vous
la preuve ? Lié avec moi d'une ancienne et profonde amitié ,
qui a pris naissance dans le Nouveau- Monde, où nous étions
allés pour y chercher fortune , il a compté assez sur cette
amitié pour croire qu'abandonnant la clientèle que j'avais
dans la petite ville des Pyrénées que nous habitions ensemble,
je viendrais m'établir à,Paris , où l'exercice de la médecine
est un assaut perpétuel de charlatanisme , une lutte acharnée
contre l'intrigue , la faveur et la calomnie , afin de veiller et
de présider au complément de votre éducation , qui lui a déjà
coûté si cher : il ne s'est pas trompé. Depuis six mois , je
me suis établi dans la capitale, où je vis honorablement; et
vous, depuis six ans que vous y êtes, qu'avez-vous fait?
Votre père , négociant estimé , ne peut pas quitter le voisi-
nage de l'Espagne , où son petit commerce le retient. Homme
sévère , mais juste , d'une probité reconnue , il désirait faire
de vous un avocat distingué : comment avez-vous répondu à
SOS espérances? A vingt-quatre ans, vous n'avez même pas pu
acquérir ce titre. Voyons , mon cher Jules , mon jeune et
pauvre ami , ne savez-vous montrer de la persistance que dans
les travers de l'esprit? Depuis mon arrivée à Paris, vous me
rendrez la justice de convenir que je suis plutôt pour vous
un ami , un camarade qu'un mentor, un inquisiteur. Si j'ai
pris un appartement dans la maison que vous habitez , c'est
pour vous voir plus souvent , pour vous aider de mes avis , de
mes conseils , de mon expérience , de ma bourse. Avez-vous
des dettes? on les paiera; avez-vous besoin d'argent? on en
trouvera. Jevousaifait entendre des vérités assez dures pour ne
pasmefaire accuserdeflatterieenvousdisantque dans les trop
rapides relalions que j'ai eues avec vous, vousvous êtes mon-
tré 'i\ moi bon enfant, obligeant, poli, ayant du monde, et
possédant surtout un savoir au-dessus de votre âge. Et main-
tenant , tout cela ferait-il naufrage au port , sous les éclairs
d'une tempête, d'une tourmente d'amour? J'ai connu ce
malheur, et j'y sais compatir, mon cher Jules; je ne suis
pas de ces gens que l'expérience a refroidis sur les orages du
cœur. Dites-moi où vous en êtes à ce sujet , car là seulement,
je le vois bien , est le principe de votre chagrin ; et nous avi-
serons. Vous avez reçu hier une lettre que vous n'avez lue
qu'en pâlissant et en tremblant de tous vos membres , m'a-t-on
dit chez votre concierge. Quelle est cette lettre? que con-
tient-elle de si fatal?... Songez, mon ami, dit le docteur, à
l'aspect de grosses larmes tombant des yeux de Jules , qu'il
voyait presque s'attendrir ainsi avec une secrète satisfaction,
pensant avec juste raison que son idée fixe , la pensée de
mort qui le dominait, commençait à s'affaiblir, songez, et je
pense que vous en êtes certain , que ce n'est point une vaine
curiosité qui me fait vous adresser ces questions ; mais qu'il
s'agit du libre exercice de vos facultés intellectuelles , de re-
conquérir la plénitude de votre intelligence , de votre dignité
morale ; songez queje réponds de vous h votre excellent père,
qui ne survivrait point à la nouvelle d'une catastrophe qui lui
ravirait son fils unique, catastrophe horrible enfin, qui serait
pour moi comme un remords pour le reste de mes jours.
— Oui, mon ami, répondit le jeune homme après un mo-
ment de silence , et surmontant avec effort une pénible émo-
tion , je sens tout ce qu'il y a de noble dévouement , de rare
amitié dans la mission que vous remphssez près de moi;
j'apprécie tout ce qu'il y a de vrai, d'utile, d'affectueux
dans vos conseils ; mais il ne m'est plus donné d'en pouvoir
profiter. Ma vie, usée par une passion dévorante et des tra-
vaux immenses , incessants et sans résultat , est maintenant
sans but. Et tenez , mon ami , après que je vous aurai fait
connaître les navrantes déceptions, les douleurs atroces
qui torturent mon cœur depuis plus de six ans , je consens à
prolonger cette malheureuse existence aussi longtemps que
vous voudrez , si vous ne convenez pas qu'il vaut mieux eu
fmir avec la vie , alors qu'elle ne peut plus être qu'un far-
deau pesant et insupportable.
— J'y consens , mon cher Jules ; mais , avant de commen-
cer ce récit , prenez un peu de repos ; il vous est nécessaire
à la suite de la commotion terrible que vous venez d'é-
prouver.
— Non , non ; le sang que vous m'avez tiré m'a laissé la
tête plus libre : je me sens soulagé , et il me serait impossible
de dormir.
— Je vous écoute donc.
{La suite au prochain numéro.)
Henri Blanchard.
CE QU'ON ENTEND
UNE BONNE COMPOSITION MVSICAIj:.
emandez à un
homme qui aime la
musique sans être
connaisseur , ce
qu'il pense d'un
morceau que l'on
yJ& Vient d'exécuter devant lui : il vous répon-
;dia, la plupart du temps, en termes gé-
néi aux , qui seront l'expression plus ou
moms juste du plaisir ou de l'ennui qu'il aura
cpiouve Du moment — et ici nous n'enten-
V^ dons palier que de musique instrumentale —
\ du moment qu'il voudra creuser plus avant ,
il ne 1 encontrera que des sensations vagues,
insaisissables , qui se dérobent à l'analyse, et qui
résultent de la comparaison qu'il établit , à son
insu, entiela situation de son âme et l'expression
mélodique ou harmonique des sons qu'il entend ,
ce qui nous explique le goût passionné qui se manifeste chez
12
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
la plupart des hommes pour les jouissances musicales ; les
émotions vagues et mystérieuses ont , h ce qu'il paraît, pour
le cœur humain , un charme irrésislible , auf(uc! se joint ,
dans la musique, le plaisir des impressions qui viennent ca-
resser l'oreille.
Jîais si le simple amateur s'en tient dans ses jugements à ce
qu'il éprouve, sans pouvoir s'en rendre compte , il faut que
l'appréciation du connaisseur se base sur l'entente intelligente
de l'art : chez lui le blâme et la louange seront la conséquence
nécessaire et impartiale des principes de la science. Or, sur
ce i>oint , le plus grand nombre des jeunes artistes manquent
de lact et d'expérience , et c'est pour les guider dans les ju-
gements qu'ils auront à porter , que je vais essayer de re-
chercher dans cet article quels sont les éléments constitutifs
d'une bonne production musicale , quelles sont les qualités
dont la réunion forme le compositeur parfait. J'ose me flatter
que mes observations , qui sont le ré.sultat d'études conscien-
cieuses , pourront même être de quelque utilité aux compo-
siteur.s qui débutent dans la carrière.
Tout morceau de musique doit être envisagé sous un
double point de vue : sous le rapport de l'invcniion d'abord,
el puis sous celui des exigences de l'harmonie ou du contre-
point.
I. invention, plan et division. — Toute bonne compo-
sition exige un plan nettement conçu, dont les divisions cor-
respondent entre elles et se règlenlsur les dimensions de l'en-
semble.
De même qu'un amas confus de matériaux de construction
ne forme point un bâtiment , de même il ne suffit pas d'un
pêle-mêle de notes flottant au hasard et d'idées incohérentes
pour constituer une œuvre musicale. Il faut débrouiller ce
chaos ; il faut donner un sens à ces notes ; il faut soumettre
ces idées à un ordre intelligent et les rattacher à une idée
générale , à un but commun ; il faut de plus que le connais-
seur 'l'.uisse en saisir facilement l'enchaînement et les em-
brasser sans effort dans leur ensemble.
Que toute composition (1) ait donc deux ou trois p.n-ties
principales, selon que le morceau est plus ou moins étendu.
Quand il y a deux parties principales, la première se ter-
mine d'ordinaire par la dominante, et la seconde par la
tonique; et quand il y en a trois , la première se termine par
la dominante, la seconde par la sixte, ou parla raédiante en
mineur, la troisième par la tonique , si le morceau est en
majeur. Chacune des divisions principales se subdivisera
à son tour en trois parties distinctes : la première con-
tiendra l'introduction et l'exposition de l'idée principale ;
la seconde sera remplie jjar les périodes des intermèdes;
dans la troisième , enfin , se trouvera la modulation finale ,
qui doit s'accorder avec les deux précédentes. L'expression
de l'idée principale, de l'idée-mère de l'œuvre musicale, dans
la seconde et la troisième division principale (2) , doit être la
même que dans la première , ou tout au moins lui ressem-
bler , quant à la forme de la mélodie et de l'harmonie. Il en
sera de même des périodes intermédiaires et des modula-
tions finales ; toutefois , il est essentiel que dans chacune de
ces divisions la mélodie et l'harmonie procèdent d'une tonalité
différente. En traitant convenablement ces divisions secon-
daires on établit une juste proportion entre les diverses
(J) Il ne s'agit ici que de symptionies, concertos, quatuors, quin-
lelles ou sonates pour forte-piano. Quant aux morceaux de cliant,
nous en parlerons plus loin.
(2) Celte conformité doit être exigée plus sévèrement dans la troi-
sième que dans la seconde division , où l'on laisse plus de latitude
au génie du compositeur.
parties ; de plus , il en résulte tout à la fois variété et unité ,
qualités indispensables à toute œuvre d'art qui aspire à l'hon-
neur d'être jugée par la critique.
II. Caractère. — Une composition musicale doit toujours
porter l'empreinte d'un sentiment, d'une disposition de l'âme
quelconque ; qu'elle exprime les joies de l'amour, les colères
de la haine, l'élan de l'enthousiasme , ou le calme du bon-
heur, n'importe , pourvu qu'elle exprime quelque chose.
L'auteur est parfaitement libre de choisir parmi les passions
qui remuent tour à tour le cœur de l'homme ; mais quand
une fois son choix est fait, il faut qu'il persiste. Depuis le
plan et la disposition des diverses parties jusqu'aux moindres
détails de l'exécution , tout doit être subordonné au senti-
ment qu'il s'est proposé de peindre, qui doit décider du
rhythme , de la mesure , des formes de la mélodie , etc. C'est
ainsi que la composition imprimera h l'œuvre musicale ce qu'on
ai)pelle son caractère.
III. Mélodies et traits ou ornements. La qualité essen-
tielle de la mélodie , c'est de plaire ; pour les traits et les
ornements, c'est d'être conformes à la nature des instru-
ments. Ils auront, ainsi que la mélodie, de la précision et
de la clarté, afin d'être facilement compris, sans jamais
devenir communs et triviaux ; de plus , ils refléteront le ca-
ractère général du morceau. Ce caractère doit également se
retrouver dans l'accompagnement des mélodies, etc.; tout
en restant dans la même tonalité , par le choix et la. variété
des remplissages, on peut obtenir une grande variété dans les
effets.
IV. Qualités d'une bonne composition musicale sous le
rapport (h Vharmome.
1. Correction grammaticale.
2. Précision et clarté dans les modulations. (;es qualités
résultent de l'aisance dans le dévelopjiemeut des sons et les
progressions harmoniques, aisaiîce qui eu rend l'intelligence
facile, et que l'on rencontre rarement chez les compositeurs
qui débutent; ils évitent le naturel de peur de tomber dans
le trivial , et donnent dans l'enflure.
3. Connaissance des instruments. Le compositeur ne doit
demander aux instruments que des effets analogu'S à leur
nature, et sans que l'exécutant ait de trop grandes difficultés
à vaincre. II est bien entendu que nous ne parlons pas ici de
morceaux de bravoure, de concertos, dans lesquels le vir-
tuose se produit devant le public.
h. Entente judicieuse des effets. Il arrive souvent que tel
passage qui fait très bien sur le papier, échoue à l'audition ,
tandis qu'une modulation qui à la lecture vous semble
faible s'anime tout-à-coup sous les doigts de l'exécutant et
produit une sensation immense. Ce n'est que par une longue
et patiente expérience qu'on peut arriver à calculer l'effet
d'un passage avec quelque certitude : il importe donc aux
commençants de donner de bonne heure toutes leurs forces à
cette étude.
C'estsurtout la musique instrumentalequenous avons eue
en vue dans les principes que nous venons d'exposer ; ils
s'appliquent en grande partie également aux compositions
vocales; toutefois, pour compléter mon travail, je crois de-
voir ajouter quelques observations relatives à ces dernières.
Dans un morceau de chant, le compositeur a beaucoup
moins de latitude que quand il s'agit de musique instrumen-
tale. Le plan et la division sont donnés; ils dépendent du
texte , qui détermine également le caractère de la composi-
tion , et par conséquent les mélodies. Le premier devoir du
compositeur est d'étudier le sens des paroles, et son plus
grand mérite est d'en rendre complètement l'expression poé-
DE PARIS.
13
tique. Il faut scander les vers de nianièie que l'oreille en
saisisse facilement le rhylhme , et l'accent doit porter sur les
mots qui ont le plus d'imporlance dans l'ordre intellectuel.
N'employez les traits et ornements que là où ils produisent
de l'effet , et disposez les figures de l'accompagnement de
manière qu'elles soutiennent la voix sans la couvrir.
TROiSiÈr^E COPJCERT
DE LA
REVUE ET GASETTE MUSICAS.E.
n bon commence-
ment est le milieu
de tout, a dit Lu-
cien : cette maxime
est aussi piquante
que vraie, et nous
licitons d'avoir presque toujours à
'commencer le compte-rendu des concerts
a Gazette musicale par l'analyse de
œuvre de Mozart ou de Beethoven.
là Et d'abord , il est à remarquer que depuis la
à^mort de notre célèbre violoniste Baillot, qui
donnait, et pour un petit auditoire seule-
ment , des séances de quatuors et de quin-
tettes, la Gazette musicale réveille, propage et
y^^ entretient seule le goût de ce beau genre de nni-
^i^W sique. Le public, que ces concerts «iiire , a quel-
que chose de spécial par son goût artistique et le
ton de bonne comiiagnie qui le distingue. Excepté quelques
billets égarés qui tombent ès-mains d'amateurs de romances
ou d'airs variés quand même , presque tous sont le partage
d'auditeurs qui se connaissent sims s'être jamais parlé, qui se
retrouvent avec plaisir et confondent dans une mutuelle admi-
ration les sensations que leur font éprouver des chefs-d'œuvre
qui paraissent toujours nouveaux, plus on les entend. Là,
point de ces suffrages intéressés et commerciaux; point do ces
applaudissements exagérés des amis du soliste; point de ces
exclamations de bravo , de brava et de braci de nos dilettanti
maniérés; mais une approbation vraie et profondément sentie
des beautés musicales qui se manifeste par un frémissement
et des murmures approbateurs. Si nous signalons ici ce genre
d'apprécier le plus émouvant de tous les arts, celui qui
donne le plus de commotions électriques et sympathiques aux
hommes assemblés , c'est qu'on aime quelquefois à retrouver
exprimées avec exactitude ces impressions vagues et fugitives.
Ces sensations , ces murmures approbateurs n'ont pas manqué
à l'audition du dixième quatuor de Beethoven si bien dit par
MM. Alard, Armingaud, Croisilies et Chevillard. L'esprit
d'analyse ne fait jamais défaut à de telles beautés quand on
sait les sentir ; c'est une pièce de Corneille ou de Molière ,
dans lesquelles les intelligences d'élite , les esprits exercés
trouvent et trouveront toujours quelques nouvelles beautés.
Sans dire tout ce qu'il y a de piquant et de neuf dans ce
dialogue pittoresque des ^'issïcah'du premier morceau, d'har-
monie pleine, suave, religieuse dans ['adagio, de sidéhcieu-
ses variations dans cet andante qui suit immédiatement le
scherzo , nous rappellerons seulement ici ce scherzo, qui ré-
sume à lui seul toutes les facultés créatrices , tout le génie de
Beethoven. Le début de ce morceau est plein d'une brus-
querie sauvage, qui peint, on ne peut mieux, le caprice et
l'indépendance de l'homme décidé cette fois à marcher Ubre-
ment dans le champ de la science et de !a fantaisie qu'il
pousse quelquefois jusqu'à la bizarrerie. Dans le trio de ce
scherzo tout exceptionnel , le compositeur affecte , comme
à dessein , la lourdeur régulière et gothique du contrepoint
double , cette forme carrée et perruque à laquelle succède
une ravissante mélodie en ut minetir pour le premier violon ,
mélodie charmante et triste tout à la fois , sérénade d'amour
d'un amant qui chante sous la fenêtre de sa belle , en s'ac-
compagnant de la mandoline , et qui vous berce comme un
doux souvenir du moyen-âge. Cela est plein de cette délica-
tesse exquise qui s'alliait dans ce cerveau puissant aux gigan-
tesques et formidables effets d'une foudroyante harmonie ,
alors que commandant à la puissante armée instrumentale,
dans ses immortelles symphonies, il étonne toujours, électrise
et renverse l'esprit de ses auditeurs pantelants.
Un duo de la Reine de Chypre : Fleur de beauté , etc.,
chanté par Roger et M"° Masson , tous deux de l'Opéra-comi-
que, a suivi l'exécution du quatuor de Beethoven. Ce mor-
ceau scénique , qui renferme de si jolies mélodies , a été fort
bien dit par Roger et M"° Masson , qu'on voudrait entendre
et même voir plus souvent au théâtre ou au concert.
M. Goria nous a joué sur le piano un caprice caractéristi-
que intitulé r Attente, morceau d'une mélodie franche et
dramatique qui a fait plaisir , mais moins cependant que la
belle Etude de concert qu'il a exécutée après d'une manière
aussi nette que brillante.
Roger ne se contente pas d'être bon comédien et excellent
chanteur ; il fait tous les jours de remarquables progrès de vo-
calisation ; il veut être encore poète et compositeur; il est re-
venu nous chanter, avec M. Albertini, qui possède une belle
voix de~ basse-baryton , la Chasse saxonne , paroles et mu-
sique dudit Roger. Ce petit duo est d'une mélodie franche et
d'un assez bon style , à cela près de quelques quartes un peu
dures , qu'on doit éviter dans l'harmonie vocale à deux parties
récitantes. Les deux mêmes chanteurs ont dit le grand duo
de la Reine de Chypre, chanté par Duprez et Barroilhet :
Triste exilé sur la terre étrangère ; ils s'y sont montrés l'un
et l'autre nobles, touchants et dramatiques.
La Prière , suivie d'un Boléro pour le violoncelle , com-
posés et exécutés par M. Offenbach, jeune violoncelliste de
talent, qui rivalise déjà les Batta , les Seligmann, les Coss-
mann, les Franchomme et autres , ont remué tout l'auditoire
et ont été vivement applaudis.
Enfin la ballade de Charles VI : Chaque soir Jeanne sur
la plage , avec le délicieux accompagnement de hautbois que
M. Halévyabrodésur cette suave mélodie, et que M. Verroust
exécute si bien, a été chantée par M"' Masson avec cet aplomb
de bonne musicieune, cette expression dramatique dont
cette jeune cantatrice sait si bien empreindre son chant; et
tous ces morceaux ont été accompagnés par M. Schimon ,
compositeur distingué, qui se résigne, pour le plaisir et la sé-
curité parfaite des solistes et des récitants , à se faire accom-
pagnateur, c'est-à-dire à vouloir bien être la cheville ouvrière ,
artistique et précieuse des concerts de la Gazotte musicale.
Henri Blanchard.
Coi'Pespoisrtance jiartîciilière.
Marseille, \(i janvier 1844.
Ma correspondance sur les théâtres et sur l'art musical à Marseille
a vivement excité la curiosité des personnes qui par état ou par goût
in
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
s'intéressent aux questions de ce genre. Dire !a vérité tout entière,
sans aigreur, sans arriére-pensée; signaler en même temps les qua-
lités et les défauts des personnes et des œuvres; mettre la censure à
côté de l'éloge, et faire marcher ensemble les devoirs de la critique
avec les encouragements indispensables aux progrès de l'art, a
paru, en flTet, chose rare et nouvelle dans une ville où d'habitude
on n'emploie guère celte manière de procéderen fait d'appréciations.
A l'heure où je vous parle, on se préoccupe beaucoup de savoir le
nom de votre correspondant; mais il est vrai de dire que cet em-
pressement, loin d'être défavorable à celui qui en est l'objet, est au
contraire pour lui un témoignage d'adhésion bien flatteur : ainsi l'on
a fort approuvé mes remarques sur M. Godinho, à qui la presse mar-
seillaise n'avait jamais adressé le plus léger reproche, et que certains
critiques avaient placé dans leur estime aussi haut que Nourrit et
Duprez. On a également été satisfait de mes observations au sujet de
M""« Canterni-Cuudell, de M"» Humbert et de M. Pauli, ainsi que
de mon jugement sur la dernière séance du Conservatoire; partout
on s'est plu à reconnaître la sévère impartialité de ces comptes-
rendus, et au lieu d'y découvrir la moindre parole blessante, les
lecteurs les plus difficiles ont d'un commun accord rendu justice à
la réserve de mon langage, et formé le vœu de voir la critique se
renfermer toujours ainsi dans les limites rigoureuses de la vérité,
des convenances et de la modération.
Enhardi par ce succès, et profitant des avantages de. mon inco-
gnito, je vous donnerai comme par le passé les renseignements les
plus exacts et les plus positifs sur l'art musical à Marseille. Peu
connu des artistes , éloigné de toute espèce de coterie musicale , in-
dépendant par caractère et par position, je puis juger conscien-
cieusement sans craindre de voir mon impartialité céder à de com-
plaisantes sympathies, aux dépens de la justice et de la raison.
Dernièrement je vous ai parlé du théâlre et du Conservatoire avec
tout le désintéressement possible. Aujourd'hui je vous entretiendrai
avec la même franchise de M. Trotebas, qui travaille avec ardeur à
propager le goût de la musique d'ensemble; jeune homme que nous
tenons en grande estime, mais à qui la presse locale a cru donner
un témoignage de vif intérêt en le privant de ses lumières pour lui
donner sans ménagement les plus inconcevables éloges.
Sans égard pour cette maxime bien connue de La Fontaine, que
mieux vuut un saije ennemi qn'un imprudent ami, certains journaux
ont épuisé au profit de M. Trotebas toutes les formules connues de
la flatterie , et lui ont fait une réputation si grande que le critique
consciencieux qui voudrait aujourd'hui parler convenablement d'un
artiste tel que Habeneck, Wilhcm, IMassimino, serait mis à une
rude épreuve s'il lui fallait employer d'autres louanges que celles
prodiguées habituellement à M. Trotebas : ainsi nous avons lu suc-
cessivement dans nos feuilles locales que les chœurs de M. Trotebas
laissaient bien loin ceux du Conservatoire de Paris ; que la musique
d'ensemble avait pris naissance à Marseille depuis l'avènement de
M. Trotebas. Une autre fois c'est Tamburini qui, après avoirentendu
les élèves de M. Trotebas, s'avoue vaincu et demande instamment
à se renfermer dans le mutisme le plus complet, craignant de n'a-
voir ni assez de voix ni assez de style pour balancer l'effet prodi-
gieux des morceaux qu'il vient d'entendre. L'autre jour enfin c'était
une feuille qui , avec le plus grand sérieux du monde, affirmait que
M. Trotebas valait à lui seul tout un conservatoire, et le signalait au
public marseillais comme le successeur et le continuateur de Cho-
ron... de Choron H!
Si l'estimable auteur de cette dernière phrase avait connu l'ar-
lisle dont il parle, ou si du moins il avait daigné recueillir sur lui
quelques délails biographiques , il aurait appris que Choron, homme
d'esprit, de conviction et de désintéressement, était une organisa-
tion d'élite. Profondément instruit sur toutes choses, il essayait de
donner à ses élèves un peu de cette vaste érudition qu'il avait ac-
quise au prix des plus laborieuses études. Avec lui, on apprenait : la
grammaire, l'histoire ancienne et moderne, l'histoire delà musique
le solfège, la vocalisation, le chant, la déclamation lyrique et la dé-
clamation, le piano, l'accompagnement et la basse chiffrée, la mu-
sique d'ensemble, 1 harmonie simple, la fugue, le contre-point et la
composition. Dans ses savantes leçons, Choron ne laissait échapper
aucune occasion de former l'intelligence et le goûtde ses élèves; une
phrase , un mot lui fournissait souvent le sujet d'une longue disser-
tation. Le nom d'un auteur, d'un personnage historique ou d'une
ville célèbre était-il prononcé par hasarden sa présence, il faisait sur-
le-champ la biographie de cet auteur, etexpliquait la ville elle per-
sonnage comme aurait pu le faire Tacite et Tite-Live, sans jamais
lasser son jeune auditoire, tant le feu de son regard et l'éloquence
donnait du charme et de l'intérêt à ses récits. Avant de faire travail-
ler un morceau de chant et de littérature, Cboron Toulaifrqu'on se
rendît un compte exact du caractère du personnage, du lieu de la
scène, de la nature des situations, de la couleur du sujet, et ce n'é^
tait que lorsque l'élève avait achevé cette analyse morale qu'il lui
était permis de passer à l'analyse matérielle des sons. Comme on le
pense bien, ce système d'éducation avait des résultais immenses;
car au lieu de façonner des automates selon les habitudes commodes
de la routine, il produisait des artistes intelligents, initiés à toutes
les difficultés delà méthode, capables de raisonner en connaissance
de cause et de se rendre un compte fidèle de leurs travaux et de leurs
progrès.
Quant à la partie chorale dirigée par Choron, elle était admirable.
A force de soin, de patience, d'esprit, de goût et d'observation, le
maître était parvenu à dépouiller ces masses nombreuses de leur
crudité native, de leur écorce première et à leur faire obtenir des
effets si purs, des nuances si douces, si logiques et si bien entendues,
que l'on aurait cru entendre par moment Nourrit, Levasseur, Falcon
et M"|'Damoreau chanter un de leurs plus beaux morceaux d'ensemble.
Il y avait dans l'exécution des chœurs dirigés par Choron un parfum de
bonne compagnie, je ne sais quoi de distingué et de comme il faut qui
charmait les organisations délicates; en un mot, ce n'était plus la
matière qui régnait dansées masses vocales, mais l'intelligence et
la civilisation. Les travaux de Choron, comme compositeur, méri-
tent d'être signalés ; il a fait des mélodies, des airs, des solfèges, des
méthodes d'un prix inestimable; ses chants sacrés sont fort beaux, et
son Traité d'harmonie est un chef-d'œuvre.
Et cependant Choron n'avait pour tout cela qu'une mince alloca-
tion de quelques mille francs, bien insuffisante sans doute pour
subvenir aux besoins de son école; mais le zèle de cet homme était
si ardent, sori amour de l'art si incommensurable, qu'il venait à bout
des plus grandes impossibilités. Il logeait dans sa propre maison et
nourrissait de ses propres deniers ceux de ses élèves appartenant à
des familles sans ressources. Extrêmement habile à deviner les vo-
cations, il s'arrêtait souvent sur le seuil d'un café ou au milieu d'une
rue pour écouter de petits chanteurs ambulants, et si l'enfant qui
l'avait le plus frappé montrait de l'àme, du goût et quelques dis-
positions saillantes, il l'adoptait définitivement et l'amenait dans
son petit conservatoire de la rue de Vaugirard, où, grâce à ses leçons
et à ses bienfaits, l'enfant devenait un artiste. C'est ainsi que cet
homme admirable, qui fut mon premier guide et à qui je suis heu-
reux de pouvoir donner un souvenir,' a fait à lui seul, sans le secours
A'aucun auxiliaire, l'éducation complète et parfaitement achevée d'un
grand nombre d'élèves des deux sexes, qui, plus heureux que leur
maître, ont connu l'aisance et la fortune. Pour ne parler que des
plus connus, je citerai M. et M"'' Hébert, M. et M"'= Boulanger-
Kuntzé, Marié, Canaple, Delsarte, une foule de professeurs distin-
gués, et enfin les deux plus grands talents de la scène française à
notre époque : M"" Piachel et Duprez.
Tel fut Choron — que l'on juge après cela le mérite du parallèle.
Maintenant le critique judicieux auquel je réponds a-t-il été sin*
cère et de bonne foi en l'écrivant? je l'ignore, ou, pour mieux dire,
j'en doute, àmoins qu'il n'ait cru naïvement pouvoir remplacerle gé-
nie par le talent vulgaire. Certes, si, pour continuer Choron, il s'agis-
sait tout uniment de réunir un certain nombre de voix et de les dresser
avec plus ou moins de succès à la musique d'ensemble, il existe à
Marseille et en France bien des professeurs qui auraient droit à
l'héritage de cet artiste célèbre et seraient fondés à revendiquer une
part des hommages qu'il reçoit. Mais alors me demanderez-vous
peut-être la cause, le motif, la raison et le but de ce rapprochement
bizarre de cette glorification inouïe? Ici la question change de na-
ture et devient fort délicate. Pour y répondre catégorîquem.ent, il
faut aborder un nouvel ordre d'idées, une série de faits particuliers
que je voudrais bien passer sous silence; mais comme tout exorde
nécessite une conclusion; que j'ai promis de ne rien vous celer et que
d'ailleurs la vérité tout entière, en celte occasion, doit asseoir plus
d'un doute et fixer l'incertitude de quelques opinions flottantes, je
poursuivrai jusqu'au bout mon rôle d'historien impartial. Placé sur
un terrain neutre, évitant avec soin de prendre parti pour Fiome ou
pour Carthage, je m'abstiendrai de toute manifestation hostile ou
favorable, afin de répandre quelque lueur sur une cause intéressante
à plus d'un titre et dans laquelle régnent depuis si longtemps le
trouble et la confusion.
Donc après les effets la cause, voici le mot de mystérieuse énigme:
Fiat lux!...
HOTTTEZaLiBS.
*," Demain lundi, à l'Opéra, Dom Sébastien,
*»* Dom Sébastien est arrivé au dernier période de sa triste exis-
tence : il n'a encore été donné qu'une fois cette semaine et n'a guère
fait plus de 4,000 fr.
DE PARIS.
15
*,* Le directeur de l'Académie royale de musique, M. Léon Pillet,
doit être de retour demain à Paris.
*,* Le Siècle annonce que M. Meyerbeer s'est engagé envers le roi
de Prusse à écrire un opéra pour Vouverlure du théâtre et qu'il
donnera probablement le Prophète au théâtre de Berlin. Il n'y a que
la première partie de vraie dans cette nouvelle, cai le P rophèie ^t
destiné à l'Académie royale de musique, qui représentera cet ouvrage
aussitôt que les circonstances le permellront.
V M"" Falcon. est à Paris, et l'on assure qu'elle a retrouvé assez
de voix pour chanter dans un salon, mais non pour braver les fatlr-
gués du théâtre. La célèbre artiste a le projet de se- consacrer tout
entière à l'enseignement de son art.
V M"" Nau donne en ce moment des représentations au grand
théâtre de I.yon. Elle y a joué et chanté dans Lucie de Lammernioor ,
Roberl-le-Diable, le Domino Noir, le Barbier de Séville, le Philtre et
la Muette.
V Un grand nombre de sociétés philharmoniques désirant mettr«
à l'étude le fameux Chœur national de Charles VI, l'auteur, pour en
faciliter l'exécution, s'occupe en ce moment de le dégager de l'action
scénique qui s'y trouve mêlée. Cette opération nécessitant une gra-
vure nouvelle du morceau , M paraîtra très incessamment à quatre
voix, solo et choeur avec accompagnement d'orchestre.
*,* Le premier bal de l'Opéra, malgré le mauvais temps, avait
attiré la foule, et la recette a été des plus brillantes. Dans la salle,
splendidement éclairée, les valses, les galops, se sont succédé
presque sans intervalle jusqu'à six heures du matin. Le couloir des
premières loges, débarrassé d'un énorme tambour qui l'encombrait
tout dernièrement encore, et le foyer, si brillamment garni de tapis,
de tentures de velours, de glaces et de fleurs, n'ont pas cessé de
réunir une société d'élite , où l'œil exercé cherchait avec enchante-
ment d'élégants et mystérieux dominos , se donnant discrètement , à
l'abri du masque , les libertés du carnaval , comme la bonne compa-
gnie se les permet. Grâce enfin à des ventilateurs d'un mécanisme
des plus simples et pourtant des plus actifs, l'air a été facilem eut
renouvelé pendant toute la nuit , et , malgré la foule , personne n'a
été incommodé par la chaleur.
*.• Aujourd'hui dimanche , par extraordinaire, le Théâtre-Italien
donnera Don Pasquale, chanté par Lablache , Mario , Ronconi et
M"' Grisi.
•,* La substitution des Deux Voleurs à Blina , qu'une indisposi-
tion de M"= Darcier empêchait de donner, avec le Déserteur, a
excité cette semaine un certain tumulte à l'Opéra-Comique. Les
mécontents étaient dans leur tort, puisque l'affiche du théâtre an-
nonçait le changement forcé de spectacle.
%• M. Saint-Hilaire, auteur dramatique connu par de nombreux
succès, vient d'être engagé par M. Crosnier pour remplir les fonc-
tioios de directeur de la scène. lia été stipulé daas l'engagement que
M. Saint-Hilaire renonçait à faire acte d'auteur au théâtre de l'O-
péra-Comique.
*," M. Ducis, ex-directeur du théâtre de l'Opéra-Comique, vient
de mourir dans un âge peu avancé. Il était, comme on sait, neveu
du grand poëte tragique dont il portait le nom. Il avait repris avec
éclat la carrière militaire, et s'était distingué en Afrique. Il a suc-
combé à une hypertrophie du cœur. C'est la même maladie qui tout
récemment a enlevé Génot.
*,* La Société des concerts tiendra aujourd'hui sa première séance
au Conservatoire. On y exécutera une symphonie nouvelle de Men-
delssohn.
%* L'assemblée générale de l'association des artistes-musiciens
aura lieu dimanche, 21 janvier, à onze heures du malin dans la salle
de l'Ecole lyrique, rue de la Tour-d'Auvergne, 18.
%* Lj cérémonie publique pour l'inauguration du nt.on«meal de
Moftère aura lieu demain lundi à deux heures.
*,*■ L'Académie dos Eeaux-'Arts a nommé, pour vice-président,
M. Halévy. M. le baron Desnoyers , vice-président de 1843, devient
président à la place de M. Blondel. Ont été réélus membres de la
commission centrale administrative de l'Institut, MM. Debret
et Hnvé.
*,* Guido et CitKVfa, d'Halévy, vient d'être représenté le 5 de ce
mois à Vienne , sur le théâtre de la porte de Carinthie. L'adminis.-
tration avait fait de grands frais pour la mise en scène de ce bel ou-
vrage. Nous avons sous les yeux une lettre de Donizetti qui, en
loyal confrère, constate lui-même le succès. Plusieurs morceaux ont
enlevé tous les suÉFrages. Staudigl et M"» Lutzer se sont particulié-
lement distingués.
*," M. Charles Pollet, le harpiste, doit donner un concert samedi
prochain, 20 courant, dans la salle de Herz. On assure que le pro-
gramme de ce concert sera remarquable.
*,* On annonce quel'héritier-légitime deM"= Thévenin, ancienne
danseuse de l'Opéra, dont on avait du reste exagéré beaucoup la
fortune, est enfin trouvé, et qu'il remplit les fonctions de coiffeur au
théâtre des Célestins à Lyon.
\* M. Ernst s'est décidé de passer cet hiver à Paris ; il vient de pu-
blier son célèbre Carnaval de Venise, qu'il fera suivre incessamment
de ses Caprices sur le Pirate. Sans nul doute le célèbre et trop mo-
deste violoniste fera entendre incessamment ces morceaux dans un
concert, que le public attend avec impatience.
*.* Doehler est à Marseille , et on ne se lasse de l'applaudir. 11 ira
de là à Toulouse, à Montpellier et à Lyon, et sera de retour à Paris
vers le 16 février.
*,* M. et M""" Iweins d'Hennin viennent de donner à Anvers un
brillant concert qui a été précédé d'une soirée au pmfit des pauvres.
Ces deux artistes, dont le voyage en Hollande a excité tant de reten-
tissement , seront bientôt de retour à Paris ; mai s ils donneront en-
core des concerts sur leur roule, à Lille, Gand et Arras, où les bril-
lants succès lie leur manqueront pas.
*,* M"' Loveday, connue comme une de meilleures pianistes , ou-
vrira de nouveau ses salons, sous peu de jours. La première de ses
intéressantes matinées aura lieu le 18 janvier.
*♦" M. Lacombe, le. jeune et brillant pianiste, est à Bordeaux, où
déjà il a joué dans les plus brillants salons. Il doit donner incessam-
ment un concert dont nous rendrons compte.
V Le 2& décembre dernier, on a exécuté à Bordeaux, sous la di-
rection deM. Amlrevi , la belle messe de Noël , deLesueur
»,* Une feuille dit que la nouvelle fantaisie de H. Herz sur Don
Pasquale a o'itenu un succès tel que plusieurs éditions ont été épui-
sées en peu de jours. Nous voudrions bien savoir si cette fantaisie
existe: jamais nous n'en avons entendu parler.
V Le dernier ouvrage de Mercadanle, Il Régente, n'a point été
goûté à Trieste à la première représentation ; la salle était vide lors-
qu'on donna cet opéra , plus que médiocre, pour la troisième fois.
",* L'opéra nouveau d'Alogs Scbmilh : La fêle du sacrifice à Pa-
derhorn , a été représenté déjà six fois à Francfort , et le succès a
augmenté à chaque représentation.
*,* L'Opéra National de Hongrie fait des progrès rapides , et pro-
met incessarhment deux opéras nouveaux, écrits en langue hon-
groise.
V Nous lisons dans l'Impartial de Besançon des réflexions fort ju-
dicieuses sur l'état critique des théâtres lyriques de province. L'au-
teur en indique la cause avec beaucoup de sagacité : il pense que le
remède n'en saurait être cherché ailleurs que dans le retour à l'ex-
pression vraie et simple , dans la proscription de ce vain luxe de vo-
calisation, de roulades, de fioritures, que l'on paie si cher, et
qui n'enrichit personne. Le fait est que les directeurs de pro-
vince se trouvent fatalement placés entre les exigences des artistes
et celles du public : soit qu'ils résistent ou qu'ils cèdent , leur ruine
est assurée. Certainement il y a là un mal trop sérieux pour que les
hommes raisonnables ne travaillent pas de tout leur zèle à en amener
la fin.
V Le monument de Molière a fourni à M. Tolbecque l'idée d'un
joli quadrille dans le style du temps de Louis XIV: les Femmes sa-
vantes, ainsi qu'à M. Burgmiiller une gracieuse valse : M. Pour-
ceaugnac.
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GAZETTE MUSICALE
MM. ANDERS, G. BENEDIT, BERLIOZ, Henbi BLANCHARD,
MiDBICE BOURGES, F. DANJO0, DCESBER6, FÉTIS père, ÉoODABD FÉTIS , J. JANIN, KASTNER,
LISZT, GEORGE SAND, D'ORTIGCE, L. RELLSTAB, PAOL SMITH, A. SPECHT. etc.
Paraissant tous ies Oitnanches.
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GATARNI.
Le 1*' et le 15 de chaque mois on recevra nn morceau de musique.
SOMMAIRE. Concert donné par un enfant de trois mois. — L'Ac-
trice et l'Étudiant (2' article); par H. DLANCHAKD. — Théâtre-
Italien : Anna Bolena. Il Barbiere. — Société des concerts. Pre-
mière matinée; par STEPHEN HELLEU. — Association des
arlistes-musiciens. — Nouvelles. — Annonces.
COIERT DOfflÉ PAR UN EKFANT DE TROIS MOIS
(0
aignez remarquer,
mesdames et mes-
sieurs , que ce con-
cert n'a rien de pré-
paré, qu'il n'y a pas
la moindre mécani-
■ que dans cet enfant , pas le moindre res-
§sort dans cette nourrice , et que le piano
n'est pas à double fond.
Cet enfant est donc tout bonnement un pro-
dige , un phénomène qui devance la marche
, des années ; et ici le mot est rigoureusement
juste , car cet enfant exécute des concertos et
ne marche pas encore !
Je ne vous dirai pas sous quelle étoile cet en-
fant est né , mais à coup sûr il en a une aussi bien
que d'autres pianistes beaucoup moins jeunes. Les
étoiles luisent pour tous les pianistes, jusqu'à ce
qu'il y ait plus de pianistes sur la terre que d'étoiles au fir-
mament.
Je ne vous dirai pas à quel sexe appartient cet enfant
dans la crainte d'inspirer trop d'orgueil à un sexe ou à uu
autre.
(1) Dessin de Gavarni joint au présent numéro.
Je ne vous dirai pas non plus quelle espèce de musique il
exécute, Dieu seul peut le savoir! Mais je ne craindrai pas de
vous assurer que cette musique vaut bien celle de quelques
musiciens qui , pour être plus grands , n'en sont pas moins
petits.
Cet enfant joue du piano , et il n'a que trois mois ! S'il eu
avait seulement six ou huit, ce serait la chose du monde la
plus simple, et ce ne serait pas même la peine d'en parler.
Depuis longtemps nous avons changé la maxime : « On naît
» compositeur, mais on devient pianiste. » Il est évident que
c'est tout le contraire qu'il faut dire : « On na«< pianiste. .. »
puisqu'on joue du piano en naissant, « on devient composi-
» teur , » puisqu'on ne compose généralement qu'après avoir
quitté le bourrelet et les lisières.
Cet enfant chante!... on ne peut en douter en le regar-
dant. Les incrédules, les envieux vous diront qu'il crie, peut-
être même qu'il braille!... c'est le reproche bannal qu'on
adresse aux plus grands chanteurs , ce qui ne signifie pas seu-
lement aux chanteurs plus grands que lui.
Je vous disais en commençant que ce concert n'avait rien
de préparé, et en effet l'état des lieux, comme celui des per-
sonnes , vous l'atteste suffisammenl. Quoi de moins préparé
que cette chambre en désordre , dans un coin de laquelle
traîne le plat de bouillie qui a servi au déjeuner de l'artiste
et qui lui fournit ses plus belles inspirations ? Quoi de moins
préparé que le costume de l'artiste lui-même , dont le coips
est enmaillotc , mais non les bras ni le génie? Quoi de moins
préparé que la toilelte de sa nourrice , assise , non pas sur le
tabouret vulgaire, mais sur une pile de musique, seul trépied
digne d'elle et de son nourrisson?
Donc, pas le moindre charlatanisme ! pas d'affiches gigan-
tesques ! pas de programme illustré de vignettes préten-
tieuses ! Le programme sei ait d'autant moins utile , que le
concert de notre artiste est une improvisation perpétuelle,
en dépit du cahier placé sur le pupitre , et dont il détourne
BUREAUX D'ABONNEMENT, RUE RICHEXIEr, 97.
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
les yeux. Élève de la nature , il ne joue et ne cbante que
d'après ses leçons. Cependant la foule accourt pour l'enten-
dre ! Vous la voyez qui se presse de l'antre côté du piano ,
immobile d'admiration , d'étonnement , d'enthousiasme !
Cette foule-là est d'une ressemblance frappante. Gavarni ne
l'a pas inventée : il l'a observée , et vous la retrouverez à
quelques concerts donnés par des virtuoses , dont la plupart
ont besoin , pour l'attiier , de recourir à des moyens plus
extraordinaires que notre virtuose de trois mois ! Quand le
crayon s'exprime avec tant d'éloquence , il ne reste à la plume
qu'à se croiser les bras , mettre les mains dans ses poches, et
se promener la canne à la main.
P. S. — A propos d'ingénieux dessins, je ne vous ferai
pas l'injure de vous demander si vous avez admiré , di-
manche dernier , le titre du Diable rouge , ce charmant al-
bum contenant des valses de Strauss , Lanner , Labitzky , et
offert aux abonnés de la Gazette mvsicale. Que d'imagina-
tion , que d'audace dans ce titre énigmatique et presqu* ca-
balistique, enfanté d'un seul jet par Vialon, avec ces lettres
qui s'enchâssent les unes dans les autres , avec ces diablotins
qui se livrent aux jeux les plus folâtres et se passent toutes
leurs fantaisies, à l'exemple de leur maître et seigneur le
grand Diable rouge , dont l'infernal sourire encourage leurs
ébats ! Ne voi!à-t-il pas encore un crayon qui s'exprime de
manière à ce que la plume se croie bien et dûment dispensée
de parler ?
M. S.
L'ACTRICE ET L'ETUDIANT ''.
II.
Éelaû'eisseBueiits nécessaires.
e passerai rapide-
ment sur mon en-
fance, sur ma jeu-
nesse , mon cher
docteur, pour arri-
ver à l'époque où
^.,mon esprit, mon cœur, ma vie ont été
^f^îïs' brûlés par la passion du travail ou plutôt
par le travail d'une passion qui m'a forcé
de voir de près, d'étudier les principales classes
de la société , d'en subir les misères et de me
dégoûter du monde. Cependant laissez-moi ra-
fraîchir un peu mes idées dans les souvenirs
de cetempsoù, parcourantlesbellesmontagnes
des Pyrénées , mon imagination précoce s'exaltait
aux beautés riches , variées et pompeuses de cette
nature grandiose. Walter-Scott a dit quelque part,
avec cette justesse d'observation qui le caracté-
rise, que l'homme né dans les pays de montagnes a plus de
force, d'élévation dans la pensée que l'enfant de la plaine
dont les idées sont uniformes et plates comme le sol mono-
tone qu'il a devant les yeux, et qui semble l'inviter incessam-
ment à l'émigration. Cela est vrai, et la création, la peinture
de ces énergiques et sauvages montagnards du romancier-
philosophe le prouve poétiquement , comme ceux de la Con-
vention l'ont prouvé politiquement.
(I) Voir le numéro 2. — la reproduction de VAcirice et l'Etudiant
est interdite, sous peine de poursuites en contrefaçon.
Mon père est un de ces types de montagnards à volonté
forte et inébranlable , comme vous l'avez remarqué vous-
même. Après avoir été inutilement tenter de faire fortune
dans les États-Unis d'Amérique , il revint dans le pays , et se
livrant au commerce, commerce étendu, vaste, quoique vous
en disiez , et dans lequel il a dû s'enrichir, il fit le change des
piastres d'Espagne , il tira les laines mérinos de ce pays où il
envoyait les velours du Nord , joignant à ce négoce celui des
fers et des mules, achetant quelquefois, et comme par ca-
price, tout le bétail d'un marché de France ou d'Espagne,
ainsi qu'il le fit un jour à la foire de Barcelone. Au reste, ce
n'est que par ouï-dire que je vous parle de cela , car mon
père, silencieux avec moi comme avec tout le monde, faisait
souvent de longues absences dont il ne rendait compte à per-
sonne , pas même à ma mère lorsqu'elle vivait. Je le vois en-
core vêtu d'un habit de ce gros drap gris-blauc, fabriqué dans
le pays , coiffé d'un bonnet de coton recouvert d'uu vieux
chapeau en feutre, avec ses gi'os souliers ferrés aux pieds
et un bâton noueux à la main , faire ses expéditions dans
le pays chez les éleveurs de mulets et les maîtres de forges.
Je l'accompagnais quelquefois dans ces expéditions, et parta-
geais ses repas plus que modestes dans les cabarets où nous
déjeunions avec le morceau de fromage qu'il y apportait et
la bouteille de vin qu'il y consommait presque seul. Il n'en
était point ainsi lorsqu'il recevait chez lui des marchands ca-
talans portant la culotte en velours de coton de couleur ohve,
serrée autour des reins par une ceinture rouge , et le chef
orné du bonnet en laine de même couleur, gens qui se préoc-
cupaient fort peu des souvenirs révolutionnaires que cela
pouvait rappeler en France. Mon père mettait alors tout son
orgueil commercial à bien recevoir et à donner une haute
idée de sa bonne hospitalité à ces hommes cousus d'or, comme
on disait dans le pays.
Je n'eus pas longtemps à jouir de cette vie excentrique et
du plaisir de me livrer à des courses aventureuses et solitaires
dans mes belles montagnes pendant les absences de mon père.
Un jour il me fit appeler et me dit : Assez de rêvasseries
comme ça ; assez chasser , vagabonder. Nous partons demain
pour Paris ; tu y termineras tes études , et après tu y feras
ton droit, car je veux que tu sois avocat. Cela te sera néces-
saire pour améliorer le petit avoir que j'espère te laisser, ou
débrouiller les affaires embarrassées cpe tu pourras bien trou-
ver après moi. Pas de paresse, pas de folies; car, à la pre-
mière frasque , je ne m'occupe plus de toi et te laisse aller
tout seul, — Oui , mon père , répondis-je aussi gravement
que me le permettait la joie intérieure que j'éprouvais de voir
bientôt la capitale.
Je vous fais grâce de mon étonnement provincial en arri-
vant dans cette ville; cela a été décrit mille fois. Mon père,
après m'avoir promené partout , me mit au collège Sainte-
Barbe et partit en me faisant des adieux mélangés de ten-
dresse et de stoïcisme, dans lesquels prédominait toujours,
et comme à l'ordinaire-, ce dernier sentiment. Je compris en-
fin, quand il m'eut quitté , que de près ou de loin je devais
conduire ma bar(iue par les conseils de ce pilote paternel , ou
m'exposer à sombrer sous voile si je voulais naviguer seul sur
l'océan de la vie. Pardonnez , cher docteur, cette figure am-
bitieuse à un enfant des montagnes : vous en avez presque vu
la réalisation.
Je ne vous décrirai point la monotone et sotte existence du
collège. Ce fut et ce sera toujours la même chose. Sainte-
Barbe est une des meilleures maisons d'éducation de Paris.
Son seul défaut est d'avoir produit beaucoup d'auteurs dra-
matiques, mais surtout M. Scribe. On ne saurait croire com-
DE PARIS.
19
bien la destinée brillante de cet écrivain facile a séduit de
jeunes gens et les a poussés dans la carrière dramatique où
tant de déceptions les attendent. Autrefois c'étaient les jouis-
sances que procurait cette littérature facile; c'étaient le
couplet bien tourné, l'épigramme , la satire politique ingé-
nieuse et fine qu'on espérait formuler comme lui et jeter joyeu-
sement au public ; c'étaient de jolies actrices à courtiser, à
enseigner; des billets d'auteur et defaveur-à envoyer sous le
pli d'un billet doux ; les applaudissements enivrants de la foule
enivrée. A présent, et sous l'empire de l'esprit qui caracté-
rise notre époque, nos auteurs en berbe ne sont touchés d'a-
bord , et ne voient surtout en expectative que les cent mille
fi-ancs de droits d'auteur que touche par an M. Scribe, comme
l'espoir d'obtenir la même somme d'émoluments annuels
fait que tant d'autres qui se croient une voix de ténor se
posent en malheureux imitateurs de Duprez. Ajoutez-y les
primes, les traités supérieurs, le lavage (1) des billets, vous
concevrez que tout jeune homme qui s'exalte déjà l'imagi-
nation parla fumée du cigare soit impatient de se faire auteur
dramatique, de voir le monde et de quitter le collège d'où est
sorti M. Scribe, pour faire chanter à tous et au même prix que
lui : Oui , For n'est qu'une chimère , etc.
Incessamment bercé des illusions de cette littérature am-
bitieuse, industrielle, sensuelle et lucrative, qui dépense ses
forces en vaines futilités, sans influence sur la marche de
resjn-it humain, comme vient de le dire M. Arago devant la
statue de Molière , je me pris à rêver , comme la plupart de
mes condisciples , mon vaudeville, mou lihretto d'opéra , ma
comédie ; et , avec l'ardeur qui me distingue en tout , je ne
parlai plus que de sujets dramatiques , de plans de pièces, de
scénario.
N'ayant point encore atteint dix-huit ans, j'avais terminé
mes études d'une manière assez brillante. Mon père, à qui je
le fis savoir, m'autorisa à sortir du collège , et me recom-
manda d'étudier le droit, mettant DOiiv oe^la faire cent, cin-
quante francs par mois à ma disposition , espérant bien, m'é-
crivait-il, que dans trois ans au plus je serais avocat, et qu'il
me verrait alors revenir avec plaisir. Ce titre d'avocat ou ce-
lui de médecin est le necplus ultra de l'ambition paternelle ;
c'est surtout une monomanie générale des familles de pro-
vince. D'après les idées riantes queje m'étais faites, je ne pris
pas mes études en droit romain et français avec beaucoup
d'enthousiasme , et je me mis à fréquenter les spectacles avec
un plaisir qui allait toujours croissant.
Un soir que j'étais à l'orchestre de l'Opéra , mes yeux ren-
contrèrent ceux d'une de ces odalisques factices ou réelles qui
peuplent la scène de ce grand harem des arts. Ayez quelque
indulgence , docteur , pour le travers de romancier qui me
prend de vous donner un aperçu des traits de cette femme
qui m'a été si fatale : plus tardj'achèverai son portrait intel-
lectuel , la peinture non moins séduisante et non moins fatale
de son cœur et de son esprit. Ses regards , tout empreints de
la mollesse asiatique , brillaient tout à la fois d'audace , de
fierté , et d'une indéfinissable expression quand le sourire ve-
nait les animer. Je me donnerai même le ridicule complet à
vos yeux de vous décrire sa taille souple, élancée, ses che-
veux noirs comme l'ébène , ses dents semblables à des perles,
ce teint de belle Péruvienne ou d'Andalouse au teint bruni,
dont nos poètes de romances ont tant parlé , et que lord By-
ron préférait à cette pâleur efféminée et sans caractère des
filles de la Grande-Bretagne. Je reviendrai même sur ce re-
gard qui rencontra le mien , et fit passer dans mon cœur ce
(1) La vente des billets d'auteur, en argot dramatique, ou en terme
du métier ou de l'art , si l'on veut.
fluide magnétique , mystérieux, qu'on appelle la sympathie ;
ce sentiment , ce mal , ce bien , cette commotion physiolo-
gique dont les médecins de l'antiquité , Hippocrate lui-même
qui ne connaissait pas l'anatomie , n'ont pas recherché le
principe , et que dans la médecine moderne le profond Bar-
thez , Robert With , Rega , Monro , l'abbé Fontana , Stahl ,
Hewson , ont plus ou moins bien définie. Un de nos grands
physiologistes a dit : Il serait à souhaiter que les médecins,
les naturalistes et les philosophes recherchassent si les sym-
pathies ne seraient point une véritable faculté imitative, et si
l'imitation ne serait pas , pour les êtres animés , ce que l'at-
traction et les affinités chimiques sont pour la matière inani-
mée, le lien qui sert à rapprocher les individus destinés à for-
mer les sociétés.
Je vois votre élonnement , mon ami , en m'entendant par-
ler avec cette facilité d'une science qui a fait l'étude de toute
votre vie ; mais vous serez encore plus surpris quand vous
saurez que ces connaissances assez profondes, et bien d'autres
encore, je les dois aux caprices de cette femme dont je viens
de vous parler. Et pour en revenir à l'impression qu'elle fit
sur moi la première fois que je la vis , je vous dirai que je
restai fasciné , béant sous ce regard de basilic. Dans les illu-
sions de mon amour-propre de jeune homme , je me persua-
dai que ce regard avait traversé les feux de la rampe et qu'il
avait sympathisé avec le mien. Folie ! Tous les jours d'opéra
me voyaient désormais à la môme place, m'enivrant delà même
illusion , du même poison. Combien de pauvres jeunes gens
avant moi se sont bercés et se berceront encore après moi
d'un pareil rêve ! Dans mon humeur active et entreprenante ,
je n'en restai pas là ; je m'adressai d'un air dégagé , et cher-
chant à cacher l'émotion que j'éprouvais en parlant d'elle, à
nos jeunes lions, à ces vieux barons de l'empire à grosses lor-
gnettes et à grosse politesse qui forment le noyau des habi-
tués de .l'Opéra, et qui, armés de leurs énormes jumelles,
scrutent avec une sorte de niaise lubricité tous les mouve-
ments des danseuses.
Cette jeune et belle personne? me répondit l'un d'eux; elle
se nomme Palmire; on prétend qu'elle est d'un sang noble.
Fille naturelle ou peut-être légitime d'un soi-disant comte de
Sabran, mort ou vivant , on ne sait; elle est entrée à l'Opéra
par amour pour l'art, dit en ricanant mon vieil interlocuteur ;
au reste, sage!., jusqu'à présent, ajouta-t-il avec une sorte
de gravité enjouée , ironique même , qu'on aurait pu taxer
d'un peu de fatuité. Après avoir passé du corps de ballet dans
les chœurs , sur lesquels elle est bien faite pour régner, pour-
suivit-il avec une prétention à la malice spirituelle qui semblait
douter de mon aptitude à saisir l'équivoque , le jeu de mots,
cette nymphe légère , capricieuse dans ses goûts , va pas-
ser, dit-on, dans un de nos théâtres de vaudevilles. Voilà,
monsieur , tous les renseignements que je puis vous donner
sur cette séduisante sylphide, sur cette syrène enchanteresse,
sur cette belle étoile qui pourra bien filer un de ces soirs. Et
sur cela, ce monsieur arrangeant sa cravate et se souriant à
soi-même, se tut.
Efl'ectivement je pus me convaincre le surlendemain et
jours suivants que la sympathie de ma belle à mes regards ex-
tatiques n'était qu'une chimère : elle avait disparu !
{La suite au prochain numéro.)
Henri Blanchard.
2-1
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
THEATRE-ITALIEN.
^mmM, mmmmwyMa — nm m&mmimmm^
nna Bolena est pour
nous en quelque
sorte le point de
départ de Donizetti.
Cefutle mouvement
qui révéla avec éclat
%W"k Paris la vie de ce nouveau maître ; et la
faveur dont sa jeune œuvre fut entourée
fut telle, qu'on lui sut gré de ce grand
succès , comme si les bonnes dispositions du
public n'y fussent pas entrées pour beaucoup.
La vérité est qu'Anna Bolena a toutes les
qualités et quelques uns des défauts des pro-
ductions d'un talent vierge. Les chants sont
frais , faciles , présentés avec grâce. La passion ,
encore absente, est provisoirement remplacée
par l'élan ardent et sans but, l'un des plus inté-
ressants attributs de la jeunesse. L'instrumenta-
tion est traitée adroitement , pleine de saillies gracieuses et
d'un goût charmant. Les effets n'ont pas beaucoup de force;
mais cela flatte agréablement l'oreille, et l'ensemble respire
surtout un parfum de jeunesse , d'entrain et d'humeur con-
fiante qui attire irrésistiblement; mais tout cela a déjà été dit
et entendu quelque part. On se rappelle Rossini : c'est iné-
vitable , et n'a rien de blessant pour son continuateur. Les
jeunes gens , même ceux qui ont du génie , doivent commen-
cer toujours par être les élèves et les imitateurs de quelqu'un.
L'important est de le faire avec aisance et bonne grâce , et
surtout de ne pas continuer.
Donizetti avait assez d'étoffe en soi pour ne pas continuer
l'oeuvre d'un autre , et il est vrai de dire qu'à part là forme,
acceptée et presque imposée par toute l'Europe , et qui n'é-
tait probablement pour lui qu'un médiocre souci , il a sou-
vent fait une musique à lui. Lucia di Lammermoor nous
paraît être jusqu'à ce jour l'expression la plus évidente de
l'espèce d'originalité qu'il a su se faire dans l'opéra italien.
Ce n'est pourtant pas une œuvre complète, tant s'en faut.
Nous reconnaissons seulement que le célèbre finale est une
magnifique création qui aurait placé son auteur au nombre
des musiciens de génie de ce siècle , s'il eiît toujours attendu
le moment favorable pour n'admettre dans ses œuvres que
des inspirations d'un ordre aussi élevé. Telle qu'elle est,
Litcia di Lammermoor, avec son finale, ses trois duos et sou
troisième acte si bien senti , si pathétique , ressemble un peu
à un chef-d'œuvre , et c'est la pierre de touche que l'auteur
doit appliquer désormais à ses travaux pour en déterminer la
valeur et le titre.
Les autres opéras bouffes ou sérieux de Donizetti ont été
fabriqués avec une précipitation trop connue , trop prover-
biale , pour qu'on doive s'étonner de n'y trouver, à peu d'ex-
ceptions près , que des épreuves moulées et surmoulées de
types primitivement ébauchés par lui. Ces types gracieux,
élégants, à la tournure vive et aisée, ont été arrangés avec
des ornements de bon goût , parure qu'on varie suivant les
circonstances; mais tout le monde les reconnaît, et, tout en
les retrouvant avec plaisir, les traite avec le laisser-aller per-
mis entre gens de connaissance.
Il fut un temps où Donizetti se préparait à aborder la scène
française sérieusement et selon la gravité de l'entreprise. Les
preuves de celte préoccupation et des études qu'il dut faire
pour s'assimiler l'esprit logique de l'art français , se retrou-
vent toutes à son avantage dans les Martyrs et dans la Favo-
rite ; mais après le succès de ces deux belles partitions , il a
repris trop souvent ses moules faciles et commodes , laissant
son génie presque toujours en repos.
Aujourd'hui , Anna Bolena , que la succession des œuvres
de son auteur aurait suffi pour rendre familière aux amateurs,
n'est plus la promesse d'un avenir qu'on pouvait croire mer-
veilleux , sur la foi d'un pareil commencement ; c'est tout
simjjlement un joU opéra , qu'on écoute avec le même plaisir
que tant d'autres. La première reprise avait été aussi défec-
tueuse que la seconde a été satisfaisante. M"" Grisi est tou-
jours également bien dans le rôle d'Anna , et M"° Nissen fort
intéressante dans celui de Catherine Seymour. Fornasari
donne l'air un peu cent-suisse à Henri VIII , et sa voix ne
sort pas avec assez d'égalité ; du reste , il chante avec soin et
talent. Salvi , tout-à-fait remis de son indisposition , a enfin
véritablement abordé son rôle , et s'en est acquitté avec beau-
coup de distinction. M°" Grisi a été rappelée.
Il Barhiere s'est montré enfin sous les trailsjde Ronconi."
Nous ne serons pas ingrat pour Tamburini, qui chantait mer-
veilleusement la plus grande partie do ce rôle, et se trom-
pait sur le reste ; mais nous lui préférons son successeur.
Celui-ci est plus vrai , et chante même beaucoup plus dans
l'esprit de cette musique , dont le spirituel brio ne demande
pas à être exagéré. Enfin Ronconi y met beaucoup de grâce,
de finesse , de verve intelhgente , de pétulance exacte et sa-
vante , et ces qualités-là nous ont toujours semblé indispen-
sables , même pour un Figaro chantant.
G. L. P.
SOCIETE DES CONCERTS.
Ipïcmiêre mottnce.
^^^^ 'hJ.j-y- elte première mati-
née si impatiemment
attendue a donc eu
lieu , dimanche der-
nier ; et comme de-
puis nombre d'an-
Frait cet aspect brillant et
s qu'on ne retrouve plus
irs qu'aux séances de la Société des
Là, point d'annonces préliminaires,
point de réclames ; aucun journal ne parle de
la solennité musicale qui fera courir tout
Paris. Une simple affiche, petite et mesquine,
suffit pour rassembler le grand nombre des fi-
dèles qui viennent entendre les sublimes révéla-
tions de Beethoven , Haydn , Mozart , Gluck et
AVeber, ces grands prophètes de la musique.
Certainement il se trouve parmi les croyants de
la rue Bergère mainte brebis égarée; mais il faut espérer
qu'on la verra rentrer avec le temps dans le bercail de la vé-
ritable musique , et je ne doute pas que le repentir sincère
d'un pécheur ne soit plus doux au cœur de IM. Habeneck que
l'enthousiasme fervent de mille croyants qui n'ont jamais
failli. Bon nombre de convertis est déjà revenu par la voie de
ce collège, où s'enseigne, s'il est permis de le dire, le senti-
ment de la grande musique. Applaudissons aux succès déjà
obtenus, mais en même temps gardons-nous de croire qu'il
n'y a plus rien à faire.
DE PARIS.
21
Il s'agit ici plutôt de l'éducation musicale du public que de
celle des artistes. Or, le développement du bon goût musical
dans le public, son degré de capacité, son jugement en fait
d'art, exercent la plus haute influence sur le sort des artistes.
Je ne veux parler ici que des artistes qui ont compris leur
mission , des artistes qui n'existoit que pour exercer leur
art, et non de ceux qui n'exercent leur art que pour exis-
ter. Ces derniers, il est vrai , n'ont aucun intérêt h tra-
vailler h la propagation du goût: bien au contraire. Mais à
tous ceux qui aiment véritablement leur art , à tous ceux
qui expient cruellement leur amour pour ce qui est su-
blime , à tous ces martyrs de la bonne foi et de la conscience
pure je dirai : Prêchez l'évangile de saint Beethoven et d'au-
tres bienheureux saints de notre religion ; ne vous laissez pas
rebuter parla mauvaise volonté ot la mauvaise grâce du pu-
blic , ce géant tant soit peu sourd qui se fâche s'il ne com-
prend pas à l'instant ce que l'on dit. Sachez bien , mes pau-
vres amis , que le public n'est pas aussi sourd ni aussi mal-
veillant qu'il en a l'air ; seulement il faut savoir s'y prendre.
Son principal défaut, c'est un immense amour-propre ; il croit
pouvoir juger en une heure ce qu'un homme de savoir et de
talent a médité pendant des mois , que dis-je? pendant toute
sa vie; et cela , je suppose , entre un déjeuner mal digéré et
une partie.de plaisir au bois de Boulogne! Toutefois, il ne
faut pas trop en vouloir au public s'il ne saisit pas du premier
coup les beautés d'une œuvre d'art. Revenez è la charge deux,
trois fois, dix fois ; peu à peu il se familiarisera avec l'œuvre,
elle n'aura plus de beauté voilée pour lui ; elle lui apparaîtra
dans toute sa splendeur et telle que l'auteur l'a créée.
Tout ceci est applicable aux artistes éminents qui com-
posent l'orchestre des concerts du Conservatoire. C'est un
beau rôle que celui qui leur est échu, et qui consiste à inter-
préter devant un public en partie artiste, en partie néophyte,
ce que notre art a produit de remarquable. Tout véritable
amateur de musique a dû voir avec plaisir que le répeitoire
de la Société commence à s'agrandir. Cette fois l'orchestre
exécutait une symphonie de F. Mendelssohn , choisie par
M. Habeneck. Déjà l'on avait exécuté , il y a doux ans et
l'année dernière aussi, des fragments de l'oratorio de Saint-
Paul et l'ouverture de la Grotte de Fingal, du même au-
teur. Le chœur en mi bémol de l'oratorio a obtenu tout d'a-
bord un grand et beau succès. L'ouverture de la Grotte de
Fingal n'a été dignement appréciée qu'après la deuxième ou
troisième audition : c'est que les beautés de cette ouverture
sont moins saisissables que celles du chœur; c'est que l'ad-
mirable tissu de combinaisons harmoniques et rhythmiques
empêche la pensée mélodique de parvenir aussi vite aux
oreilles peu exercées. Il était de toute justice de faire entendre
an public du Conservatoire une symphonie d'un compositeur
devenu populaire en Allemagne et en Angleterre. Celle qu'on
a exécutée dimanche dernier (N° 3 en la mineur) se com-
pose de cjuatre morceaux qui , selon l'intention de l'auteur,
doivent être joués sans l'interruption ordinaire après chaque
partie. Ils sont intitulés : 1° Introduction et allegro agitato;
2° Scherzo assai vivace ; 3° Adagio cantabile ; W Allegro
guerriero el finale maestoso. Il est difficile, 'sinon impossible,
de donner une idée juste d'un ouvrage d'une telle portée en
disséquant une à une toutes les parties dont il se compose.
Rien de si aride , de si triste , que de citer tel ou tel accord ,
telle ou telle mesure ou modulation. Quant aux pensées mé-
lodiques, comment les définir, comment les expliquer? Le
moyen d'analy.ser les mille et une combinaisons mélodiques,
rhythmiques et harmoniques d'une œuvre de cette étendue!
Je ne veux donc pas entrer ici dans de longs détails aussi fa-
tigants qu'inutiles. Quelques mots seulement suffiront, et
une seconde audition de l'œuvre fera le reste.
L'œuvre nouvelle me semble avoir quelque peu dérouté le
pubHc du Conservatoire ; et 'si je dis le public , je sous-en-
tends aussi bon nombre d'artistes. C'est que la symphonie de
Mendelssohn est bien en effet une œuvre à lui ; c'est que
chaque note en est marquée à son nom, comme pour prouver
sa propriété. Qu'on ne s'attende donc ni à une symphonie
de Haydn , ni de Mozart , ni de Beethoven. Que ceci paraisse
une condamnation aux uns ; les autres y verront le plus bel
éloge. En effet , Mendelssohn , après s'être appuyé sur les
œuvres des grands maîtres de l'art , est devenu lui-même
point d'appui d'une jeune école. Il a su obéir aux préceptes
sévères des maîtres, et c'est ainsi qu'il est parvenu à son tour
à faire des lois. Il s'est concilié la sympathie de la plupart des
jeunes compositeurs, et leurs ouvrages attestent la vérité de
cette puissance attractive.
Or , cette puissance est une preuve irrécusable d'un grand
talent , et surtout d'une originalité vraie , que nous recon-
naissons dès la première mesure. Écoutez plutôt cette in-
troduction de la symphonie ; de qui peut-elle émaner , cette
phrase si douce , si élégiaque , si limpide , sinon de Félix
Mendelssohn ? Voilà bien son tour mélodique , son faire
simple et ingénieux à la fois , qui vous a si doucement ému
dans les romances sans paroles. Vous le trouvez ainsi tout
entier dans chaque phrase et dans chaque morceau.
iN 'est-ce pas un bien attrayant tableau que celui qui se dé-
roule dans ce premier allegro agitato? N'est-ce pas toute
■une vie idyllique où les jours d'orage ne manquent pas?
Le morceau suivant, en /(/majeur, est vm scherzo bien gra-
cieux , qui étincelle de mille feux comme un diamant ; il est
enchâssé dans une instrumentation du travail le plus fini , le
plus complet. Le troisième morceau est un adagio {la ma-
jeur), dont la première phrase a vivement impressionné l'au-
diloh-e. Rien ne peut égaler le charme de celte phrase, reprise
! plus tard par les violoncelles , si ce n'est le thème du premier
morceau , également reproduit à la seconde reprise par les
: violoncelles; l'effet en est saisissant. Le dernier morceau est
I un allegro vicacissimo {la mineur) , plein de vigueur et de
fougue. On y a particulièrement remarqué une tenue de vio-
I Ions et de basses sur la quinte , tandis que la clarinette re-
I produit le second thème du finale , d'abord seule , puis avec
j la seconde clarinette , et le basson qui reprend à son tour le
thème en manière de dialogue. Tout cela doit être dit pia-
] iiissimo , et prépare au dernier allegro maestoso assai {la ma-
jeur), qui arrive comme un chœur final , large , grandiose ,
d'une sérénité douce et majestueuse à la fois.
L'orchestre de Mendelssohn est original , et lui appartient
en propre comme sa musique. Il y règne souvent ce bruisse-
ment mystérieux , indéfinissable , qui se fait remarquer dans
presque toutes ses ouvertures , surtout dans celle de la Grotte
de Fingal. Cela est neuf , saisissant, digne enfin d'un grand
maître.
Le public a très bien accueilli le premier morceau , le
début de \' adagio et le finale; mais il n'a pas été, ce me
semble , à la hauteur de l'ouvrage. Cette symphonie par-
tagera le sort de l'ouverture , jouée l'hiver dernier : le public
la sentira mieux à une seconde audition, indispensable à l'in-
telligence d'une œuvre de cette valeur , et que M. Habeneck
ne voudra pas refuser à tous ceux qui- s'y intéressent , je ne
dirai pas qui devraient s'y intéresser.
L'exécution a été généralement telle qu'on a l'habitude de
la trouver au Conservatoire ; cependant il me semble que
certaines parties , surtout dans le premier morceau et le
22
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
scherzo, auraient pu atteindre un plus haut degré de perfec-
tion dans l'ensemble. Le mouvement du dernier allegro
maestoso cissai m'a paru un peu trop rapide , et le scherzo un
peu trop lent.
Je serai plus court avec le reste du programme , attendu
que les morceaux en étaient connus de tout le monde. Ces
morceaux consistaient en un Sa7icliis et Benedictvs de la
messe en si bémol majeur, de Haydn , en une marche et
chœur des Ruines d'Athènes, de Beethoven , en un concerto
pour trombone solo, avec orchestre, et en une symphonie
(n° 3, en sol majeur) de Haydn.
Le Benedictus de Haydn a été très bien chanté et a fait
beaucoup de plaisir. On sent que l'immortel musicien a dû
être bon catholique , non pas de ces catholiques pleins d'un
mysticisme rêveur et farouche. Point de jeûnes, point de ci-
lice , point de flagellations : tout cela est bon pour les pé-
cheurs bourrelés de remords. Haydn aimait plutôt Dieu qu'il
ne le craignait ; il avait des raisons pour se croire sur un bon
pied avec la Providence.
Les Ruines d'Athènea, opéra ou plutôt mélodrame du
poëte allemand Kotzebue (l'auteur de Misanthropie et Re-
pentir, de larmoyante mémoire) fut joué la première fois à
Pesth , en Hongrie , pour l'inauguration de la nouvelle salle
de spectacle. Pour donner plus d'éclat à cette solennité , on
engagea Beethoven à écrire l'ouverture , les entr'actes et les
chœurs du mélodrame.
La marche avec chœurs que l'on a exécutée dimanche der-
nier est d'un bel effet , quoique toute cette musique des
Ruines d'Athènes n'approche pas , tant s'en faut , des autres
œuvres du grand homme. Il y a, dans le plus petit morceau
de ses sonates pour piano , plus de puissance et plus d'origi-
nalité que dans cette composition. Cependant il s'y trouve de
belles choses , et même l'auteur de Fidelio s'y reconnaît à un
passage, mais c'est comme à travers un brouillard. Le grand
homme avait alors le regard tourné vers un nouveau monde,
et méditait la neuvième symphonie ! J'ai oublié de dire que
le chœur des Ruines d'Athènes a été redemandé.
Le concerto pour trombone , composé par David , a été
exécuté par M. Beicke , premier trombone du roi de Prusse.
Cet artiste , qu'on a pu juger excellent musicien , malgré
l'émotion visible qui le dominait, a bien rendu la composition
bien écrite de M. David, de Leipzig. Le public a reconnu l'es-
timable talent de M. Beicke ; mais il faut avouer qu'un con-
certo de trombone a quelque chose qui approche du genre
prohibé entre tous les genres , quelque chose de si lugubre ,
que les virtuoses qui jouent de cet instrument devraient en-
voyer des lettres de faire part , dans le style de celles qu'on
expédie pour convier aux services et enterrements.
La charmante symphonie de Haydn , cette causerie spiri-
tuelle et aimable, a été fort goûtée du public. L'andante avec
variations a été bissé et couvert d'applaudissements frénéti-
ques. Il est juste de dire que l'exécution en a été admirable.
Maintenant , nous attendons avec impatience ce que les
autres concerts nous donneront. La Société nous doit une
symphonie de Beethoven , et le public semblait douloureuse-
ment affecté de son absence ; mais il y a tant de belles choses
encore à faire connaître ! Il y a par exemple l'ouverture de
la Belle Melusine de Mendelssohn ; une nouvelle symphonie
pour deux orchestres , par Spohr; une symphonie d'un jeune
Danois , nommé Gade , qui vient d'obtenir le plus grand suc-
cès en Allemagne ; puis enfin une symphonie de Robert
Schumann de Leipzig. En effet , pourquoi de pas faire con-
naître ce qui se produit de remarquable dans le pays classique
de la musique instrumentale ?
Je viens d'énumérer quelques nouvelles compositions qui
pourraient être présentées au public cet hiver , tout en con-
tinuant, cela va sans dire, le culte consacré aux œuvres des
grands maîtres. Mais il existe de par le monde un composi-
teur qui devrait être l'orgueil de ses compatriotes , et dont le
nom , retentissant partout , ne brille jamais sur l'affiche des
concerts du Conservatoire. Pourtant les compatriotes de ce
compositeur sont des Français , et les musiciens de ces con-
certs forment le premier orchestre du monde , comme leur
directeur est un des chefs les plus habiles et les plus savants.
Je demanderai donc pourquoi l'on n'entend jamais aux con-
certs du Conservatoire une symphonie ou une ouverture
d'Hector Berlioz ? Il me semble pourtant que c'est là un beau
nom , et que la symphonie à'Harold et celle de Roméo et
Juliette sont de belles œuvres.
Comment la première institution musicale de la France
hésiterait-elle encore longtemps à exécuter les œuvres du
premier compositeur instrumental français ? Faudra-t-il que
Berlioz prenne le parti d'aller dormir de ce long sommeil qui
change subitement les ennemis les plus acharnés en panégy-
ristes enthousiastes ? Une fois 'mort, il vivra long-temps, j'en
suis certain. Le cri : Berlioz est mort ! fera surgir mille voix
qui crieront : Vive Berlioz !
Stephen Heller.
ASSOCIATION DES ARTISTES MUSICIENS.
j'est aujourd'hui dimanche , à onze heures du
matin , que cette association , qui ne compte
, encore qu'mie année d'existence, doit tenir sa
I première assemblée générale. Il n'est donc pas
sans à propos ni sans importance d'indiquer ici ,
d'après le pacte fondamental, quel doit être le ca-
ractère de cette réunion encore sans précédent.
Aux termes de l'article 12 des statuts, approu-
vés par chaque sociétaire , à son entrée dans l'associa-
tion , l'assemblée générale n'a pas de mission délibérante.
Elle est uniquement convoquée pour entendre le compte-
rendu des travaux du comité pendant l'année qui vient de
s'écouler , et pour procéder par voie de scrutin secret , soit
au remplacement, soit à la réélection des neuf membres dé-
signés par le sort, comme devant sortir du comité.
Là se bornent , d'après les statuts , le pouvoir et l'action de
l'assemblée générale. Du reste, c'est au comité, renouvelé
chaque année par cinquième , à discuter , à examiner, à ap-
profondir toutes les questions qui intéressent l'état présent et
futur de l'association. Si quelque sociétaire croit avoir des
observations à faire, des réclamations à présenter, c'est au
comité qu'il doit les soumettre, en les faisant valoir lui-
même , ou en les faisant soutenir par les membres de son
choix.
En un mot , l'assemblée générale de l'association offre une
similitude à peu près complète avec le corps électoral chargé
de nommer ses représentants à la chambre des députés.
Le corps électoral n'a d'autre droit que celui de nommer
des repi'ésentants : les représentants nommés délibèrent , dis-
cutent et décident.
La charte fondamentale de l'association des artistes musi-
ciens n'offre donc rien de contradictoire avec celle qui sert
de base à noire régime constitutionnel , puisqu'elle est faite
à son image.
Tous les membres de l'association ont accepté cette charte;
ils l'ont sanctionnée en apposant leur signature à côté des
DE PARIS.
23
statuts : ils ne sauraient la renier aujourd'hui , ni chercher en
aucune façon à lui porter atteinte; car le premier principe
d'un régime constitutionnel, c'est de respecter la constitu-
tion.
L'article des statuts relatif au renoavellement partiel du
comité, et prescrivant que ce renouvellement se fera par cin-
quième, jamais par totalité, est sans doute aucun l'une des
dispositions les plus essentielles à la prospérité de l'associa-
tion , à la perpétuité de ses traditions , à la garantie de sa
fortune.
Demander que le comité soit soumis aux chances d'une
rénovation totale , comme on assure que quelques membres
en ont eu l'idée , ce serait non seulement proposer une me-
sure dangereuse et subversive des principes de l'association ,
mais ce serait encore demander l'impossible, à moins de violer
positivement l'esprit et la lettre des statuts. Que les auteurs
de la proposition , si elle existe , veuillent bien les relire , et
ils seront convaincus.
MM. les Abonnés reçoivent avec le présent numéro lA SIITEiE,
romance de M"' liaDuport, ornée d'une charmante vignette de
Jules David.
Zic Quatrième Concert offert aux Abonnés de la Revue et Gazette
musicale aura lieu le 1" février. Nous en donnerons le programme
dans le prochain numéro.
UOTTTSLiLiBS.
*,* Aujourd'hui dimanche, à l'Opéra, la Heine de Chypre chantée
parDuprez, Barroilhel, Massol , Bouché et M"= Stoltz. — Demain
lundi le Pliillre et la Péri.
*»* La foule et la recette augmentent en proportion- égaTe à cha-
que bal de l'Opéra. Le carnaval n'est pas long cette année , aussi les
amis du plaisir, de l'intrigue et de la danse en devancent-ils l'épo-
que en faisant de chaque samedi une espèce de mardi-gras.
*,* Demain lundi, le Théâtre-Italien donnera, par extraordinaire
et pour le bénéfice de M"' Grisi, 0/e//o chanté par la bénéficiaire,
Lablache, Mario et Ronconi.
V Les bals masqués de l'Opéra-Comique obtiennent aussi beau-
coup de succès, et fournissent un lendemain toujours agréable et
commode, souvent obligé, à certaines avenlures très communes dans
cette saison.
V On lit dans le Journal de La Uaije ; n En terminant l'analyse
de la Heine de Chypre , dans notre numéro du 16 décembre dernier,
nous souhaitâmes à celte [jièce une vogue qui put amplement dédom-
mager l'administration des sacrifices qu'elle a faits pour monter un
ouvrage dont l'immense succès à Paris avait inspiré un vif et légitime
désir aux habitués de notre théâtre de le voir représenter ici. Eh
bien! nous croyons pouvoir prédire aujourd'hui que les espérances
fondées sur cet opéra seront plus que réalisées, et que l'adminis-
tration aura non seulement fait une bunne spéculation , mais , ce qui
est bien plus important pour elle, que les abonnés lui seront très
reconnaissants des jouissances qu'elle leur a procurées en enrichis-
sant de celte pièce le répertoire. Les deux premières épreuves aux-
quelles la Heine de Chypre a été soumise jeudi et samedi derniers,
ont été on ne peut plus satisfaisantes, et nul doute que le brillant
succès obtenu alors n'aille croissant, puisque les artistes, encouragés
comme ils l'ont été par les témoignages les plus brillants et les mieu x
mérités de la satisiaction du public , qui était accouru en foule à ces
deux soirées, redoubleront, d'efforts pour mettre en relief les beau-
tés de premier ordre qui se rencontre dans cet opéra. »
*," Le 3 février (samedi) , à huit heures du soir, M. Berlioz don-
nera dans la salle de Herz, rue de la Victoire, 38, un grand concert
vocal et instrumental dans lequel on entendra quatre morceaux
nouveaux de sa composition. Nous ferons connaître prochainement
le programme de celte S(pirée. On trouve dés à présent des billets
chez M. Herz, et chez H. Schlesinger, rue Richelieu, 97.
*,* On annonce la prochaine arrivée à Bruxelles de Dreyschok , le
célèbre pianiste.
*,'* JL Gh. Dancla donnera le 30 de ce mois , dans les salons de
Pleyel, un concert spécialement consacré à l'audition de ses compo-
sitions nouvelles. Il y fera entendre notamment un trio pour piano,
violon et violoncelle, avec sa sœur et son frère, le violoncelliste, ainsi
que plusieurs études pour le violon avec son frère Léopold.
V Le concert de M. Ckarles Pollet, harpiste de talent , esi remis
au samedi 27 courant.
",* Parmi les caniatrices d'élite que le public des concerts accueille
avec une juste faveur, il faut citer la gracieuse M""^ Sabaticr dont la
voix fraîche, la méthode élevée et la diction aussi vraie qu'expres-
sive obtiennent de nombreux et légitimes applaudissements. Quel
dommage que l'Opéra-Gomique ne se soit pas encore appropriée un
talent aussi distingué !
*,* Concerts. Société des artistes-unis. Le premier concert donné
parcelle Société, fondée par l'entreprise des concerts particuliers
(orcheslre et chant) , a eu lieu le 10, dans la salle Vivicnne. Celte
première solennité a éié très brillante, les noms les mieux connus et
les plus jusiement aimés du public se pressaient sur le programme.
MM. Rémusat, Maurin , Verrousl, Cuguot, M"= Duval, ont tour à
tour reçu de nombreux et légitimes applaudissements. M. Josse, jeune
compositeur que l'Opéra-Gomique ne tardera pas à faire connaître ,
a fait exécuter, pour la première fois en public , deux quatuors pour
voix d'hommes et cors à pislons, compositions savantes et originales
qui ont obienu une réussite complète; plusieurs soirées s'organisent
déjà dans les salons aristocratiques et financiers , pour l'exéfulion de
ces quatuors remarquables. La Société des artistes-unis a heureuse-
ment débuté : elle compte déjà plusieurs artistes distingués , et nous
le prouvons en citant les noms qui ont concouru à ce concert; elle
s'est attaché André Hoffmann comme chanteur de chansonnettes. Il
est probable qu'avec de semblables éléments elle est appelée à d'ho-
norables succès.
»,• M. Henri Her2f vient de faire paraître un très beau morceau de
piano , sur un thème arabe de la Péri. M. François Hunten vient de
publier également deux valses ravissantes, une mélodie variée et
trois rêveries mélancoliques, sous les titres: les Topazes elles Eme-
raudes. Les romances de Paul Henrion , jeune compositeur de beau-
coup de talent, obtiennent en ce moment un grand succès. Nous
citerons particulièrement,, Signal d'orage , le Bonheur, Prends mon
eœur pour ton cœur..
*/ OnpnÉoN. — Par le mol orphéon, on désigne tout à la fois des
réunions musicales de sept à huit cents exécutants, et le riche recueil
de chœurs, choisis par B. Wilhem dans les meilleurs auteurs, pour
les écoles de tous les degrés, les cours de chant, les régiments, les
collèges et les séminaires. Ces chœurs, œuvres de nos grands maîtres,
sont admirablement arrangés, ingénieusement gradués. En peu de
temps, et à peu de frais, on peut, à l'aide de la métliode du même
auteur , mettre un grand nombre d'élèves en état de prendre part à
ces importantes exécutions chorales qui saisissent d'admiration les
milliers d'auditeurs qui se pressent chaque année dans l'immense
salle de la Sorbonne. Recommander ce précieux ouvrage, c'est ren-
dre un véritable service aux amis de l'art musical.
*,* H. Adolphe Le Carpentier, auquel les jeunes pianistes doivent
déjà plusieurs excellents ouvrages classiques, vient de publier deux
petits traités, dédiés aux amateurs de musique. Ces deux ouvrages,
édités en un format in-S", ont pour titre : Petit traité de composition
mélodique, appliqué aux valses, quadrilles et romances , et Petite
méthode abrégée d'harmonie et de transposition , à l'usage des jeunes
pianistes. Aux qualités solides qui distinguent ces deux ouvrages,
vient encore se joindre une grande modicilé de prix, ce qui les met
a la portée de tontes les bourses, comme leur rédaciion claire et con-
cise est à la portée de toutes les intelligences.
*,* New- York , 25 novembre. — Le séjour de Mm' Damoreau et de
M. Arlôt parmi nous est une suite non interrompue d'ovations du
genre de celles dont Fanny Ellsler a été l'objet. Après avoir donné six
concerts dans celte ville, les deux célèbres artistes ont été en donner
quatre à Buslon, et sont revenus ensuite pour donner ici deux soi-
rées sur le théâtre du Parc, La première a déjà eu lieu, et le jeu de
M'"« Damoreau n'a pas excité moins d'enthousiasme que son talent
de canlatrice. Elle a rendu la scène du Mauvais œil avec un talent
supérieur, et les applaudissements universels l'ont obligée à redire
son morceau. Le violon de M. Artôt n'a pas obtenrf moins de succès.
Ce qui caractérise son talent, c'est l'expression passionnée, élo-
quente ; son archet vil , son violon parle, et nous doutons qu'il puisse
y avoir au monde un plus divin langage.
Le Directeur, Hédacleur eu chef, Maurice SCHLESINGEI^
24
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l'harmonie, rartde préluder et moduler.
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N. 2. Mélodie variée 5
Op. 129. les Topazes. N. 1. Valse brillante 5
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SOMMAIRE. Association des artistes-musiciens. Assemblée gcncTale.
— L'Actrice et l'Étudiant ;3= article) ; par H. BLANCHARD. —
Revue critique. — Correspondance particulière. — Nouvelles. —
Annonces.
lE BOBRE DE I.'IZiE MAURICE. Dessin de Gavarni.
Xe «Juatrième Concert aura lieu le 1" février. (Voir le Pro-
gramme avant les A'ouvelles.)
associa™ des artistes-musiciens.
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE.
insi que nous l'an-
noncions dans notre
dernier numéro ,
cette assemblée
avait pour but d'en-
tendre le compte-
rendu des travaux de l'année qui vient
de finir, et de procéder au renouvelle-
ment d'un ciuquième du comité qui se
compose de quarante-cinq membres.
La séance s'est ouverte vers midi et
demi, sous la présidence de M. le baron
Taylor, fondateur de l'association. M. Gé-
nevay, l'un des secrétaires , avait été choisi
pour présenter le compte-rendu , ou , en d'au-
tres termes , pour écrire la première page de
l'institution naissante. La manière dont il s'est
acquitté de cette tâche honorable lui a mérité
d'unanimes suflj-ages; l'assemblée entière a couronné la lec-
ture de son rapport par des applaudissements prolongés.
Dans ce document , qui sera bientôt livré à l'impression ,
l'idée fondamentale de l'association , ses progrès , son avenir,
sont nettement exposés. Justice est rendue à tous les hommes
généreux qui lui sont venus en aide de leur bourse , de leur
temps , de leur zèle , de leurs conseils : aucun sacrifice , au-
cun service ne sont restés dans l'oubli. Pendant l'année 1843,
l'association a reçu , tant par le produit des cotisations que
par celui d'un concert et de diverses libéralités , la somme de
1-2,383 francs; elle a placé dix mille et quelques cents francs
en rentes sur l'Etat, qui sont devenus la propriété inaliénable
de cliacun de ses membres ; le reste a été employé en secours
et dépenses obligées. Voilà , en quelques mots , l'aperçu de sa
situation financière , qui , comme on le verra tout-à-l'heure,
est en voie d'amélioration prochaine et considérable.
Après la lecture du rapport, M. le baron Taylor a pris la
parole pour dire que l'on allait procéder au tirage des noms
des neuf membres du comité que le sort désignerait comme
devant en sortir, s'ils n'étaient réélus par l'assemblée. C'est
alors qu'a eu lieu l'incident relatif à une protestation signée
d'un certain nombre de membres de l'association , qui deman-
daient que le comité fût entièrement soumis à la réélection ,
contrairement à la lettre et à l'esprit des statuts. Cette de-
mande, qui n'était fondée ni en droit ni en fait, n'avait
guère de chances de succès auprès d'une assemblée qui venait
d'entendre le résumé des travaux du comité , et de les couvrir
d'une approbation où il n'y avait rien d'équivoque. Deux
personnes seulement se sont levées pour défendre la proposi-
tion , et comme l'une d'elles alléguait qu'en provoquant le
renouvellement , ou plutôt la réélection intégrale du comité ,
elle n'avait d'autre intention que de lui donner plus de force ,
M. le baron Taylor l'en a remerciée avec beaucoup de conve-
nance et d'à-propos. En effet, le comité venait de prouver
par le compte-rendu de ses opérations qu'il ne manquait pas
plus de puissance que de volonté. M. le président a déclaré ,
BUREAUX D'ABONKEMENT, RUE RICHEtlEU, 97.
26
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
en outre , que le eomité voulait se montrer fidèle observa- .
teur des statuts , qu'il entendait les exécuter avec tout le res-
pect possible , que par conséquent ce n'était ni le lieu ni le
moment d'engager des discussions sur lesquelles l'assemblée
n'avait pas à prononcer. Il a ajouté que si quelque membre
de l'association avait des observations à faire , il était libre de
se présenter devant le comité , d'y défendre son opinion par
lui-même ou par les représentants de son choix. L'assemblée
entière a hautement témoigné qu'elle comprenait cette théo-
rie si simple et si raisonnable , par les bravos dont elle a cou-
vert l'allocution du président. L'une des deux personnes qui
avaient soutenu la protestation a cru devoir se retirer, accom-
pagnée d'un autre signataire , et la séance a repris son cours.
On a procédé au tirage des noms. Le sort a désigné
MM. Berlioz, Zimraerman, Bechem, [Spontini, Girard,
Tolbecque , Carafa , Edouard Monnais et Nargeot. L'illustre
Spontini venait d'être appelé au comité tout récemment à la
place d'un membre démissionnaire. Du reste il a été réélu
à la plus forte majorité ; les autres membres sortants ont été
réélus aussi dans l'ordre suivant : MM. Tolbecque , Edouard
Monnais, Bechem, Girard, Berlioz, Zimmennan, Carafa. Le
seul M. Nargeot n'a pas réuni une majorité suffisante, et
l'assemblée s'est prononcée en faveur de M. Érard , le cé-
lèbre facteur, le protecteur éclairé de Fart et des artistes.
Le résultat du scrutin a prouvé de «ouveau combien la
protestation , en la supposant légale , était dépourvue d'inté-
rêt et d'utilité; tous les membres sortants ont été réélus, sauf
M. Nargeot , qui l'avait signée.
Parmi les noms qui, sans atteindre une majorité suffi-
sante, ont'réuni le plus de voix, il faut citer M. Dhenneville,
qui en a obtenu trente-deux, M. le duc de Feltre, qui en a
obtenu trente, MM. Valentino et Klosé, qui en ont obtenu
vingt. Ce sont des noms dont le comité se souviendra s'il
survient quelque vacance d'ici à la première assemblée gé-
nérale.
En résumé, la journée a été bonne et heureuse pour l'as-
sociation ; l'impression que chacun des membres présents à
cefte première assemblée générale en a emportée exercera la
plus salutaire influence , car il n'a pu rester douteux pour
personne que l'association s'appuie sur les bases les plus so-
lides , l'ordre , l'économie , l'intelligence , et que le dévoue-
ment , la sympathie , ne sont pas près de lui manquer.
Nous apprenons à l'instant que le nouvel élu, M. Érard ,
s'est empressé de se rendre au comité , qui se tenait jeudi
dernier chez M. le baron Taylor , et que, conformément à
ses nobles habitudes, il a offert à l'association un piano de sa
manufacture. L'offre a été acceptée avec une vive reconnais-
sance , et il a été décidé que le piano serait mis eu loterie au
profit de l'association , et au prix d'un franc le billet. Un des
membres du comité a déclaré qu'il donnait mille morceaux
de musique , qui feront partie des lots , afin que sur le
nombre des billets distribués , il y en ait toujours mille et un
qui puissent compter sur un lot quelconque.
La seconde année de l'association des artistes-musiciens ne
pouvait mieux commencer. Déjà elle compte plus de onze
cents sociétaires : la province et l'étranger ont répondu à
l'appel de la capitale. Le pas qu'elle a fait dès son début est
assez grand pour présager avec certitude que tous les pas
suivants le seront bien davantage encore.
P. S.
L'ACTRICE ET L'ETUDIANT '.
in,
ZVoviciat d'un Vaude-villl^e.
^,xCvS=^îp ,. ^ „, „ „^ ^^ ^^^
ous pensez bien que
me voilà prenant
l'Opéra en indiffé-
rence, et que je n'y
mis plus le pied.
Dans l'espoir de re-
trouver l'objet de mon extravagant amour,
j'explorai pendant trois mois, et chaque
soir, tous nos théâtres secondaires , tan-
tôt faisant partie du public , tantôt chercliant
à en connaître le personnel artistique. J'ob-
servai de près quelques uns de^ ressorts de
la grande machine dramatique; je me liai
avec quelques auteurs et plusieurs de leurs
juges habituels, dont la plupart sont d'autant
plus impitoyables qu'ils siègent souvent aux pre-
mières représentations en vertu de billets de fa-
veur.
Un soir que j'étais allé au théâtre de la Porte-Saint-Martin ,
où l'on donnait une pièce nouvelle , un drame féroce , long ,
large et corse enfin, comme on dit en langage de coulisses,
de combien de sentiments tumultueux ne me sentis-je pas
agité , quand je vis entrer en scène celle que je cherchais
depuis si longtemps ! Il me serait impossible de vous décrire
l'émotion que j'éprouvai lorsque j'entendis pour la première
fois cet organe charmant, qui surpassait encore par sa douce
mélodie tout ce que je m'en étais figuré de suave et d'angé-
lique; et lorsqu'elle se passionnait, cette voix devenait sonore
et stridente pour exprimer d'une manière dramatique, comme
ses regards,- la colère , l'ironie et la fierté.
MalhcBreusemeat l'ouvrage qu'on -avait fait pour ses dé-
buts n'était pas bon ; il tomba , et par suite de cette chute ,
elle rompit l'engagement conditionnel qu'elle avait contracté ,
et rentra dans la vie privée. Voilà ce que j'appris par des ouï-
dire sur cette fenmie que j'aimais comme un fou, et qui ne
s'en doutait seulement pas. Je restai plusieurs jours dans une
atonie complète. Une pensée poétique vint me tirer de cette
inertie , et je fis des versa sa louange , dithyrambe hyperbo-
lique que je lui envoyai sous un nom supposé; car aller chez
elle , la voir, lui parler, lui présenter mes vers moi-même ,
ma timidité ne m'aurait pas permis alors de faire une telle
démarche , et d'ailleurs je l'aimais trop pour cela. Mais voilà
que cette femme , ce Protée qui devait avoir tant d'empire
sur moi , diriger à son gré ou sans le vouloir mon coeur et
mon esprit , me rendit à ma première humeur entreprenante
et hardie. Au bout de quinze jours, j'appiMs qu'elle allait dé-
buter, ainsi qu'on me l'avait dit à l'Opéra , sur un théâtre de
vaudeville. Vous pensez bien que je ne manquai pas de me
trouver à cette première représentation. La pièce était char-
mante , et son rôle des plus brillants. Elle y fut tour à tour
fine, spirituelle, touchante, folle, délicieuse enfin. De ce
moment mon sort fut décidé , et je m'écriai : Adieu au bar-
reau ! je serai auteur dramatique.
Avec quel plaisir, quel bonheur je rerais sur le chantier
mes charpentes dramatiques! avec quelle ardeur j'ébauchais
des caractères de femmes gracieuses, sensibles, pour elle!
(1) La reproduction de V Actrice et V Étudiant est interdite, sous
peine de poursuites en contrefaçon. — Voir les numéros 2 et 3.
DE PARIS.
27
Ces créations charmantes , les applaudissements de la foule ,
et tontes les illusions du succès , voilà les roses du métier ;
les lectures à obtenir, la réceptipn de l'ouvrage, les méticu-
losités delà censure, et le jugement définitif du public , en
voilà les épines. Ceux qui ont parcouru cette carrière savent
et se sont mille fois dit que le plaisir , que toutes les déli-
cieuses illusions qui présidaient au travail s'évanouissent
lorsqu'un auteur dramatique trace le mot FIN sur son manus-
crit ; il ne voit plus devant lui que la liste infinie des tribu-
lations.
Et d'abord , sans aucun titre à les obtenir, je dus cepen-
dant songer à demander mes entrées au théâtre. On ne sau-
rait s'imaginer à quel point on assiège les directeurs de sol-
licitations à ce sujet. Que de gens riches , de capitalistes qui
se sont quelque peu frottés aux arts , ont proposé de billets
de mille francs pour voir de près les coulisses , parler aux aCij
teurs, aux actrices! Il est juste de reconnaître que les direc-
teurs des théâtres de Paris mettent autant de discernement
que de sévérité à donner ces entrées de tolérance , que d'ail-
leurs ils peuvent révoquer du moment que leur omnipotence
directoriale le juge convenable dans l'intérêt des mœurs.
Le moyen le plus sûr et le plus direct d'obtenir ces entrées
à titre de droit étant de travailler pour le théâtre , je me mis
à l'ouvrage , ainsi que je viens de vous le dire. Après que
j'eus envoyé trois manuscrits , que probablement le directeur
n'avait pas lus , il me reçut pour me dire que mes ouvrages
manquaient d'expérience de la scène , et qu'il me conseillait
de m'adjoindre un auteur en renom et qui connût bien son
théâtre ; il m'en désigna deux ou trois , et me donna même
un bout de lettre pour chacun d'eux. Ces auteurs , dont je
voyais briller avec envie les noms sur l'affiche , se chargèrent
tous de mes manuscrits; mais ils semblaient s'être donné le
mot pour me dire la même chose , à savoir, qu'il y avait une
idée de iiièce dans le manuscrit que je leur avais remis ; mais
qu'il fallait prendre la donnée autrement, et tout refaire; et
ils ne faisaient ni ne refaisaient rien : car ii est de bonne tac-
tique , dans ce genre de littérature productive , de laisser
arriver le moins possible de mangeurs près du gâteau drama-
tique , dont les morceaux sont le partage de trois ou quatre
faiseurs attitrés. Enfin j'allai trouver un barbiste qui m'avait
précédé au collège et dans la carrière de vaudevilliste ; il me
parla plus sincèrement que ses confrères , se chargea d'un de
mes manuscrits , y fit fort peu de changements , le lut à quel-
ques amis complaisants du directeur, tout dévoués à ses inté-
rêts , et qu'il rassemble parfois en forme d'aréopage sous la
dénomination de comité de lecture. Il fit recevoir notre
pièce , et comme je ne lui avais pas caché le but de toutes mes
démarches , mon désir immodéré de voir la débutante , de lui
parler , il me dit avec une naïveté purement industrielle :
Comme il faut que je monte h pièce, que j'en dirige toutes
les répétitions , je serai seul en nom , je toucherai les droits
d'auteur, et disposerai de tous les billets dans l'inlérêt de son
succès , en attendant nos très probables succès à venir, car
vous voilà maintenant le pied dans l'étrier, et vous n'oublie-
rez pas , je pense , que c'est moi qui vous l'y ai mis. Au reste,
je me charge de vous faire avoir vos entrées , et je vous pilo-
terai dans la grande affaire de cœur qui vous préoccupe.
Cela vous convient-il ? — Oh ! parfaitement , lui répondis-je.
— Fort bien. D'abord il faut faire votre entrée dans les cou-
lisses , dans le foyer des acteurs , comme un homme qui n'a
pas besoin du théâtre pour vivre. — Mais je puis m'en pas-
ser à la rigueur. — C'est absolument qu'il faut dire. Avec
le motif qui vous y amène , arrivez au théâtre d'une manière
ercentriqne, avec quelque chose d'original, d'exceptîonneï,
soit par une mise ou des manières recherchées , ou tout au
moins, laissez croire que vous avez quelque emploi, et
comme la meilleure façon de se distinguer est d'avoir de la
fortune, nous ferons circuler le bruit, par exemple, que
vous êtes riche. — Cependant je ne sais si je dois. ... — Et
que craignez-vous ? Songez , mon cher ami , que tout se traite
en plaisantant dans ces petits temples de la folie. — Allons ,
soit ; faites comme vous voudrez , à la charge par moi de dire
la vérité quand cela me conviendra. — Oh ! tout h votre aise !
Mon collaborateur me quitta , et je crus avoir fait un mar-
ché d'or avec lui. J'eus bientôt l'autorisation que je désirais
tant, c'est-à-dire que mon nom fut donné, selon l'usage, au
concierge de l'entrée des acteurs pour qu'il ait à me laisser
passer librement.
IV.
Première emtrevue.
Ainsi qu'Hérode, dans la Mariamne de Voltaire, s'écrie
avec enthousiasme : Enfin je vis César! alors que mêlant ses
sollicitations aux leurs, et confondu dans la foule des rois as-
pirant à la faveur suprême d'obtenir un regard de l'empereur,
il fut admis en sa présence, de même je me dis : Enfin je la
verrai! j'ai mes entrées!... et je m'endormis, bercé des
songes les plus riants. Je vous vois sourire de l'importance
que je mets à ce simple événement; mais rappelez-vous, mon
ami, cette maxime si vraie de notre vieux poëte : Chaque âge
a ses plaisirs , son esprit et ses mœurs. Or, tout mon esprit
était tendu vers ces plaisirs dramatiques ; je les vis de près , et
je pus bientôt me convaincre que tout ce que j'avais lu des
mœurs delà Régence et du siècle de Louis XV revivait là.
L'intérieur du théâtre offre tout le charme et tous les dan-
gers d'une civilisation avancée, excessive , gâtée enfin, pour
ne pas dire plus. On y résume en ironie et en quelques mots
les questions les plus graves comme les plus légères, ainsi que
me l'avait fort bien dit mon collaborateur. La plupart des
gens du monde croient que l'immoralité y est effrontée ; ces
gens se trompent : elle est là aussi élégante et aussi polie que
dans la société ; seulement elle est^îlus gaie et plus spirituelle,
parce qu'elle est moins hypocrite: aussi est-on fort emprunté
la première fois qu'on se trouve dans ce monde , et^ c'est ce
qui m'arriva. Ces consultations de médecin qui se font dans
un coin, sur le divan du foyer des acteurs, ces journalistes,
ces employés du gouvernement qui foudroient ou exaltent
MM. Thiers , Guizot ou de Lamartine ; le ton cavalier avec
lequel on traite la haute littéraiure; les ménagements dont
chacun use en parlant de la pièce nouvelle, dans la crainte de
blesser dans ses plus chers intérêts l'auteur qu'on ne connaît
pas, mais qui peut être présent , et qu'on reconnaît toujours
à l'espèce de dignité avec laquelle il dit : ma pièce , quand
son collaborateur n'est pas là ; ces acteurs en habits bariolés ,
ces actrices qui descendent de leur loge où elles s'habillent ,
et qui viennent consulter la glace du foyer et le goût des ha-
bitués sur leur toilette , tout cela , et bien d'autres choses en-
core, donnent l'aspect le plus animé, le plus pittoresquement
curieux à cette foire d'esprit , de caprices , d'actions décou-
sues, de manèges de coquetterie au milieu de laquelle lord
Byron , ainsi que nous le voyons dans sa vie , venait ranimer
son esprit blasé et renouveler ses poétiques inspirations.
Le foyer s'illuminait de la présence de celle qui m'avait
fait faire tant de démarches pour la retrouver, le soir même
où j'entrais pour la première fois dans ce tourbillon drama-
tique. Cette fois nos regards se rencontrèrent réellement, le
sien scratateur, brillant, enjoué tout à la fois; le mienti-
28
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
mide , furtif et trahissant mon embarras. — De l'assurance ,
de l'aplomb , me dit tout bas mon pilote le vaudevilliste en
passant près de moi , et allant présenter son hommage à Pal-
mire, dont il baisa la main avec cette galanterie insignifiante
qui ne rend jaloux ni les maris ni les amants.
Comme toute figure inaccoutumée dans un foyerde théâtre
est sinon un événement, du moins un objet de curiosité, j'en-
tendis celle qui ne se doutait pas de l'émotion et de tout
l'intérêt que m'inspirait le seul son de sa voix, demander un
peu bas à mon ami le vaudevilliste : — Quel est donc ce jeune
homme à qui vous parliez quand je suis entrée, et qui nous
tourne le dos, là, dans ce groupe?— Ce jeune homme?
c'est... un auditeur au conseil d'État, h ce que je crois;
poëte et riche, dit-on , et d'un caractère assez singulier, bi-
zarre même. — Ah! par conséquent peu amusant, dit l'actrice
en riant. — Surtout pour les personnes qui ne prennent rien
au sérieux , comme vous. — Comme moi ? mais c'est qu'au
contraire il me semble que j'aimerais beaucoup un homme
grave, sérieux. — Pourquoi faire? — Mais pour en faire...
un mari. — Ah! oui, toujours votre chimère du lien sacré.
Au reste, vous perdriez ici vos soins et vos peines; car je
crois le jeune homme cuirassé de froideur et d'indifférence.
— Oh ! si on le voulait bien. ..
— Mademoiselle Palmire ! vous allez manquer votre entrée,
cria en ce moment le régisseur ; allons donc ! allons donc ! —
Et l'actrice , toute agitée à cet appel , s'élanoe vers la coulisse
par laquelle elle doit se présenter devant le public d'un air
calme et réfléchi, comme l'exigeait son rôle, attitude qu'elle
prit en effet avec une merveilleuse facilité.
{La suite au prochain numéro.)
Henri Blanchard.
Bïeviae vi'itscgïie.
lie Carnaval de Venise , Variations pour le Violon, avec accompa-
gnement de Quatuor ou de Piano, par M. H. W. ERNST. —
la Clef des modulations, par M. CHAUIiIEU.
'air du carnaval
Venise , si dé-
licieusement varié
pour le violon par
M. Ernst, et qu'il
vient de publier en-
' fin, offre plus d'un genre d'intérêt. Si l'on
en croit de certaines traditions , il remon-
terait à la plus haute antiquité. Des Grecs
modernes qui résidaient autrefois à Marseille
le psalmodiaient à l'enterrement des leurs et
disaient qu'il leur avait été transmis par leurs
pères, qui prétendaient, eux, le tenir de leurs
ancêtres de l'ancienne Hellade, donton aformé,
comme on sait, le nom des Hellènes. Seulement
cette mélodie se chantait en ces occasions beaucoup
plus lentement, plus lourdement et plus tristement.
Un de nos chorégraphes le plaça dans un ballet vif
et animé où il changea totalement d'allure et de physionomie.
Quoi qu'il en soit de cette étymologie vraie ou fausse, cette
mélodie a un cachet particulier de naïveté et de franchise qui
entraîne et prête merveilleusement aux variations. M. Ernst
s'en est emparé et l'a brodée de la manière la plus riche et la
plus originale. Ses variations sont un délicieux caprice pour
le violon. La priorité de ses variations a été contestée ou plutôt
usurpée par le violoniste Sivori, qui disait le tenir du célèbre
Paganini, Si M. Ernst n'avait parfaitement établi dans la
presse musicale ses droits à la paternité de ces variations , la
manière brillante et supérieure dont il les joue les ferait
siennes.
Les quatre cordes du violon , qu'il monte d'un demi-ton
chacune, donnent déjà une sorte d'étrangeté, de son argentin à
l'instrument qui n'est pas sans originalité. Or, le violon prin-
cipal jouant en la majeur pendant que l'accompagnement est
en si bémol majeur, forme une combinaison de sonorités qui
déroute , étonne et plaît tout à la fois.
L'introduction est pleine d'élégance et de distinction ; puis
viennent, non pas comme à l'ordinaire trois oaquatre varia-
tions , mais plus de deux douzaines de variations qui vous
présentent toutes les combinaisons de doigté, de coups d'ar-
chet , de sons harmoniques , de bizarreries comiques , de
phrases mélodiques naïves , folles , fantastiques , qui sem-
blent procéder de l'esprit du fantasque Hoffmann. C'est quel-
que chose d'excentrique , d'exceptionnel , que ces variations,
et quand leur auteur les exécute , on ne sait qui admirer le
plus du compositeur ou de l'exécutant. Il les dira probable-
ment cet hiver dans quelques concerts ou soirées musicales ,
et nous lui garantissons un succès de vogue , car ce morceau
plein d'originalité ne peut manquer de plaire à toutes les
classes d'auditeurs.
Le bon La Fontaine nous a dit avec son laisser-aller ordi-
naire et son aimable impertinence à l'égard du beau sexe :
La clef du coflre-lbrt et des cœurs , c'est la même ;
Que si ce n'est celle des cœurs,
C'est, du moins, celle des faveurs.
Des esprits ascétiques, des écrivains spirituels, serruriers
intellectuels, mystiques et catholiques, nous ont confectionné
des livres portant le titre de la Clef du ciel; les faiseurs de
solfèges écrivent des ouvrages pour nous faire chanter sur
toutes les clefs : voici venir M. Chaulieu , pianiste français
qui a été se fixer en Angleterre, et qui publie, pour son pays
natal comme pour son pays adoptif, son 220° œuvre, inti-
tulé : la Clef des modulations. Pour beaucoup de personnes
qui connaissent l'art d'écrire en musique, et pour ceux qui
se sont essayés dans l'art non moins difficile d'improviser, il
n'y a guère que le génie et le goût qui vous puissent donner
le secret des modulations, qui ne sont qu'une suite du caprice
et de la fantaisie du compositeur; mais, comme le génie et le
goût ne courent pas les salons ; qu'il y a une foule d'amateurs,
de jeunes personnes pianistes , et même de professeurs , qui
ne savent pas préluder parce qu'ils ne savent pas moduler,
la Clef des modulations, ouvrage qui manquait dans le vaste
champ de l'enseignement, sera d'une grande utilité.
Dans une préface fort bien faite, M. Chaulieu indique tout
d'abord la manière rationnelle de moduler de quinte en
quinte en montant par les dièzes, et de quinte en quinte en
descendant par les bémols; mais cette méthode, mathémati-
quement monotone , est considérée assez judicieusement par
lui comme puérile et peu digne d'attention. L'érudition de
musique grecque point même en quelques endroits de cette
préface , mais sans pédanterie. L'auteur de la Clef des mo-
dulations suppose ([ue les personnes à qui il s'adresse con-
naissent déjà l'harmonie; il dit quelques mots sur l'origine
des dissonnances, et arrive à la fameuse règle de l'octave, sur
laquelle a reposé si longtemps en France le système de toute
harmonie , de tout accompagnement , de toute bonne basse ,
du moins h ce que disaient les professeurs émérites qui gar-
DE PARIS.
29
daient par devers eux les principes de la composition musi-
cale comme des arcanes, auxquels ils ii'initaient leurs élèves
qu'à bon escient.
M. Chaulieu ne le prend pas si haut, et sur la mélodie de-
venue triviale à force de popularité : J'ai du bon tabac dans
ma tabatière , il pose des préceptes et des exceptions harmo-
niques qui ne sont pas sans intérêt. Il aborde ensuite les mo-
dulations par le genre enharmonique , moyen dont on abuse
beaucoup trop de nos jours, qui jette une sorte de perturba-
tion dans le sens auditif, qui lui fait perdre la délicatesse,
la sûreté de sa perception , et dont l'invasion dans l'art mu-
sical est due aux pianistes , qui en abuseront toujours par la
facilité qu'ils ont à s'en servir sur leur instrument. C'est même
de l'usage fréquent de moduler ainsi que nous viennent les
intonations peu sûres et si fréquemment fausses de nos chan-
teurs.
Pour l'observateur, dit M. Chaulieu , il n'y a que quarante-
six modulations types. Il les a multipliées par douze, et elles
lui ont produit cinq cent cinquante-deux modulations : ainsi
chaque modulation est présentée douze fois différemment.
L'auteur traite aussi, mais comme en passant, de la transpo-
sition. Il existe d'ailleurs des ouvrages spéciaux sur cette
matière. Tous ses préludes modulés sont d'un style mélodique
assez élégant et d'une bonne harmonie , quoique souvent un
peu crue, un peu brusque. Cela vient sans doute du peu
d'étendue qu'il a donnée à ces préludes, qui n'ont tous, à très
peu d'exception, que cinq ou six mesures. Quoi qu'il en soit
de cet inconvénient , c'est un ouvrage consciencieusement fait.
L'homme expérimenté, l'artiste exercé dans l'art d'écrire en
musique verra dans la Clef des modulations des cas inatten-
dus , des exceptions qui lui plairont. Certainement ce traité
n'a pas la prétention de vous enseigner à moduler avec goût,
gracieusement, dramatiquement; mais cette «/</ peut ouvrir
la porte aux idées , et c'est déjh beaucoup. Chacun de ces
préludes est , ainsi que nous venons de le dire , d'un bon sen-
timent mélodique, et pourrait devenir le thème d'un morceau
intéressant. C'est déjà beaucoup d'éveiller la pensée, la créa-
tion dans un ouvrage .scolastique. M. Chaulieu a donc comme
donné la clef des champs à la pensée musicale en lui pré-
sentant la Clef des inadulations ; et ii fera peut-être dire à
l'homme de génie ou de talent qui aura lu son ouvrage: Ille
ego qui quondam (ji-aeili moditlatus avenà, comme le dit
Virgilaau moment où il va chanter le pieux Énée, Lavinie et
Turnus.
CorvesitoHilaBice iBariicialièa-e.
Friboury (Suisse), 18 jonmcf 1844.
Un concert dans une maison d'éducation est , sous le point de vue
du progrès de l'arl, un événemenl intéressant : c'est ce qui m'engage
à vous entretenir du concert remarquable qui a été donné au pen-
sionnat de notre ville , le 7 de ce mois. La Gazelle mmicale a déjà
fait connaître plusieurs fois à ses lecteurs les résultats de quelques
uns des précédents concerts qui se sont donnésdans cet établissement,
et qui , depuis que JI. Boissier- Duran a été appelé à les diriger, ont
acquis une juste célébrité. Ce ne sera donc point chose nouvelle si je
viens vous apprendre que l'orchestre et les chœurs , sous l'habile di-
rection de ce jeune artiste, ont surpris tous les auditeurs par leur
précision et le sentiment général qui présidait à leur exécution.
L'ouverture de CAai/es/^/, avec son chant si profondément national,
a été chaudement applaudie; et aussi était-ce justice, car elle a été
dite avec une verve admirable. Vullegro de la symphonie en ui mi-
neur de Beethoven, quoique moins à portée de l'auditoire, a été
aussi fort applaudi , et tout aussi bien exécuté. Il en a été de même
de la gracieuse ouverture des Deux f-'oleiirs d(?Girard , précédée de
^asarabandc qui sert d'introduction à la pièce, et qu'on avait eu
l'heureuse pensée de placer avant l'ouverture comme andunie. Les
chœurs, entièrement composés d'élèves , ont successivement exéiuté
un chœur de la Mueiie, un chœur d'Orpliée , l'introduction de Jii-
chard , et de la Fiancée d'Auber. Des bravos prolongés ont accueilli
chacun de ses morceaux. M. Boissier-Duran , après nous avoir fait
connaître ses talents comme chef d'orchestre et directeur de musique,
a su aussi se faire apprécier de l'auditoire comme pianiste de grand
mérite. Il a exécuté le Jiêve de Kalkbrenner avec un sentiment par-
fait et une vérité d'expression que l'on ne trouve guère que dans un
artiste consommé. Son orchestre a mis le plus grand soin à l'accom-
pagner, et l'on a pu se convaincre du désir qu'il avait de contribuer,
en tant qu'il dépendait de lui , à la réussite du concertant. Il est fâ-
cheux que M. Boissier-Duran n'ait pas eu sous la main un piano plus
digne de son talent. Dans un établissement comme celui-là , et pour
les concerts qu'on y donne , quand un piano y figure , il faudrait
qu'il sortit des manufactures d'Erard ou de Pleyel. M. WeismuUer
fils, qui s'est déjà fait entendre au concert de l'année dernière, a
été couvert d'applaudissements dans une délicieuse fantaisie pour la
clarinette, par Reissiger. Qualité de son, nuances , exécution facile
des plus grandes difficultés, rien ne manque à ce jeune artiste pour
le placer sur le chemin des plus grands succès. M. Krug a exécuté
sur le violon des variations de Pechatscheck, où il a fait le plus grand
plaisir. Des difficultés incroyables ont été surmontées par lui avec
le plus grand bonheur. Il en a été de même de M. Gebert, qui a exé-
cuté sur la flûte des variations composées par Boehm. Quoique
M. Eggis n'ait pas eu la prétention d'exécuter un concerto, il n'en a
pas moins été chaudement applaudi dans la Nostalgie de Proch,
arrangée pour le corpar Gallay. Cette charmante mélodie , accom-
pagnée au piano par M. Vogt, a vivement impressionné l'auditoire.
Nous ne pourrions oublier, au nombre des professeurs qui se sont
fait entendre comme solistes, l'excellent professeur de chant M. Gior-
dani, qui, dans un air avec chœurs de Tebaldo ed Isolina, de Mor-
lacchi , nous a montré toute la puissance de sa voix et la perfection
de sa méthode. De fréquents applaudissements sont venus témoigner
à M- Giordani lavive satisfaction des auditeurs. Deux jeunes enfants
ont déridé pour un instant la plus grave partie de l'auditoire par un
charmant petit nocturne qu'ils ont très bien chanté — Trois jours
après ce concert , la Société de musique de la ville a donné son pre-
mierconcert au bénéfice des pauvres. L'orchestre , dirigé par M.Vogt,
a exécuté successivement une ouverture de Hummel et l'ouverture
de JVorma , qui toutes les deux ont été fort applaudies. Nous avons
remarqué parmi les solistes MM. WeismuUer fils et Gebert, profes-
seurs de musique au pensionnat , où nous avons eu l'occasion d'ad-
mirer leur beau talent. M. Poletti , jeune professeur depuis peu atta-
ché au pensionnat, a été fort applaudi dans le7» airvarié de Bériot.
Si nous ne craignions de blesser la modestie de deux amateurs de
mérite, nous dirions que M. de M., au zèle et au talent duquel la
Société de musique et les artistes doivent tant à Fribourg, a joué
admirablement, et que M. le docteur S., qui lui aussi aime l'art et
les artistes, a chanté parfaitement.
PROGRAMME DU QUATRIÈME COKCERT
offert OUÏ abonnés î)e la «Sujette musicak
QUI AURA LIEU
JEUDI, 1" FÉVRIER,
DANS LA SALI.K DE MM. PLEYEL ET C , 20, RUE nOCHECnOnART.
1 . Douzième Quatuor de Beethoven , exécuté par MM. Alard ,
Chevillard , Armiogaud et Croisilles.
2. Duo de Figaro, de Mozart, chanté par M. Goldberg et
mmc Sabatier.
3. Air du Concert interrompu, de Berton , chanté par M"« Iiia
Duport.
4. Romances de Torquato Tasso et d'il Furioso, chantées par
M. Goldberg.
5. Grand Trio de Beethoven , en ré majeur , exécuté par
MM. Hallé , Alard et Chevillard.
6. Homances chantées par M"" Sabatier.
7. lie Retour de Naples , de Ricci , chanté dans le dialecte napo-
litain par M. Goldberg.
8. Aria di Chiese , de Stradella , chanté par M"' Iiia Duport (I).
9. Finale,
Le Piano sera tenu par M. ScHBiON.
(1) Cet air du célèbre chanteur Stradella est celui qui , en 1667,
désarma les deux bravi apostés dans une église pour l'assassiner.
30
EEVUE ET GAZETTE MUSICALE
*,* Une jeune cantatrice, dont le public a toujours aime la jolie
voix et apprécié l'excellente méthode, M"« Nau, est rentrée lundi
dernier à l'Opéra par le rôle de Thérésine du Philire , et a reçu le
meilleur accueil. On dit que son engagement ne sera fixe qu'à partir
de l'année prochaine, et que d'ici là elle devra se tenir prête à chan-
ter chaque fois que l'administration aura besoin de son service. Il y
a surtout un emploi que nous engageons M"» Nau a reprendre, celui
des pages , que l'indisposition de M"= Roissy laisse entièrement va-
cant. Du reste le retour de M"« Nau ne saurait porter ombrage à per-
sonne: ce n'est qu'une bonne cantatrice de plus, et l'Opéra ne sau-
rait être trop riche en ce genre.
Dans cette représentation du Philire, Levasseur était en verve
de gaieté : il l'a prouvé par les variantes qu'il a introduites dans son
grand air. Quand il vante les propriétés de son élixir, qui détruit,
comme on sait, les insectes et les rais, au lieu d'ajouter le vers si
connu :
Dont j'ai là les certificats.
il s'est écrié avec une emphase bouffonne :
Même les rats de l'Opéra !
Si la rime n'est pas riche , l'idée est plaisante : aussi a-t-elle excité
un éclat de rire universel dans la salle et sur le théâtre. Les rats
eux-mêmes n'ont pu garder leur sérieux !
*,* Charles F/'était annoncé pour mercredi dernier; mais un en.
rouemcnt subit n'a pas permis à M'"" Stoltz de chanter le rôle d'O-
dette, et à Charles VI on a substitué Guillaume Tell.
»/ La Reine de Chypre, donnée dimanche dernier, a reparu dans
tout l'éclat de son premier succès. L'exécution de ce bel ouvrage, trop
longtemps éloigné du répertoire , a été excellente : Duprez , Bar-
roilhet, Massol, M"»» Stoltz, y ont produit l'effet qui ne leur manque
jamais dans des rôles parfaitement appropriés à la nature de leur
talent.
*,* On annonce que le ténor Mengis doit bientôt débuter dans le
rôle de Fernand de la Favorite.
\* On parle du retour de M"» Julian.
*»• M°" Dorus-Gras , qui a droit à deux mois de congé, doit les
prendre en deux fois", le premier du 15 mai au 15 juin , le second du
15 septembre au 15 octobre.
*,* La représentation que le Théâtre-Italien devait donner !andi
dernier au bénéfice de M"»" Grisi , a été ajournée par une cause bien
douloureuse. La célèbre cantatrice venait de perdre l'un de ses deux
enlants.
*/ Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, le Théâtre-Italien
donnera il Barbiere di 6'ivicjlia.
*/ Barroilhet a dû chanter hier, au théâtre de Rouen, le rôle de
Robert d'Evreux , traduit en français , rôle écrit pour lui en Italie ,
et qui lui a déjà valu de beaux succès à Lyon.
*»* Quelques journaux, persistent à nous prendre nos articles sans
en citer la source. Jeudi dernier, nous en avons encore trouvé un
dans l'Entr'acte, qui en avait seulement changé le titre. Ce procédé
n'est conforme ni au droit ni à la loyauté. Quand nous ne défendons
pas qu'on nous prenne un article, que nos confrères nous l'empruntent,
rien de mieux , mais que du moins ils avouent l'emprunt , ou nous
serons forcés d'y mettre bon ordre.
*,* Un acteur, qui fut célèbre au Vaudeville dans les rôles de mau-
vais sujet, Julien, vient de mourir le 20 de ce mois. Il chantait le
couplet avec beaucoup d'esprit. En 1800, il créa le rôle du chevalier
de Sainte-Luce dans la célèbre pièce de Fanchon la vielleuse, le
triomphe de M"<^ Belmont, et s'y distingua par un excellent ton de
comédie. Bientôt ses succès lui donnèrent l'ambition de monter sur
une scène plus élevée , et M°" Belmont ayant quitté le Vaudeville
pour l'Opéra-Comique, il suivit cette aimable transfuge. Mais Julien
n'avait qu'un filet de voix, et quoiqu'il ne manquât pas de goût, il
ne put se soutenir à côté des chanteurs parmi lesquels on remarquait
Elleviou, Gavaudan et Martin. Alors il quitta Paris, où il revint vers
1825 , et rentra au Vaudeville ; mais ses beaux jours étaient passés,
il y resta peu de temps , et renonça peu après au théâtre. Julien est
mort à l'âge d'environ 70 ans , inconnu à la génération actuelle ; mais
il avait laissé d'agréables souvenirs parmi les anciens amateurs du
Vaudeville.
V Le roi des Belges vient de faire remettre à M. Ferdinand ta-
vainne une grande médaille en or comme témoignage de sa haute
satisfaction pour divers morceaux de sa composition dont sa majesté
avait reçu l'hommage.
*,• Un jeune violoniste, compositeur de talent, M. Michiels, a
donné , le 21 , dans la salle de Herz , un concert qui avait attiré un
nombreux et brillant auditoire. Le bénéficiaire a exécuté avec beau-
coup de goût et de verve un morceau de Vieuxtemps; il a fait en-
tendre à grand orchestre une ouverture et une symphonie très re-
marquables de sa composition. Il a recueilli des applaudissements
unanimes et des suffrages qui valent encore mieux que des applau-
dissements. L'attrait du concert était complété par la vogue et le ta-
lent des auxiliaires qu'il s'était choisis, Ponchard et M"=Lia Duport.
Le premier a produit une vive sensation par l'esprit et la finesse
dont il a fait preuve dans le fameux air de Montsigny : Je ne déser-
terai jamais. M"" Lia Duport ne s'est pas bornée à déployer sa flexi-
bilité habituelle dans un air de fioritures italiennes; elle a chanté un
fort bel air de Berton : Jeunes beautés, craignez de tristes chaînes , bien
digne de ressusciter à côté de celui de Monsigny. Le public lui a té-
moigné par ses bravos combien il sympathise avec ces tentatives
heureuses pour remettre en honneur les beaux morceaux de nos vieux
maîtres. Deux romances de l'album de M''' Lia Duport, le Réveil et
la Mide, embellies encore par sa jolie voix, ont eu leur part du
succès.
V M- Lacombe, ce jeune pianiste d'un si brillant avenir, continue
de donner à Bordeaux des concerts qui attirent la société la plus
choisie. Il doit partir incessamment pour Toulouse et Lyon: son ta-
lent etises brillantes compositions assurent à M. Lacombe des applau-
dissements partout où il se fera entendre.
V Le premier concert du célèbre violoncelliste Ernst aura lieu le
28 février dans la salle de H. Herz. L'orchestre du Théâtre-Italien
sera dirigé par M. Berlioz. Nous donnerons le programme incessam-
ment.
*/ Samedi 3 février, M. Berlioz donnera un grand concert dans la
salle de M. Herz, 38, rue de la Victoire. On y exécutera : 1° Invitation
à la valse, de Weber, pour orchestre; 2° Hymne de Berlioz, pour six
instruments à vent; 3° Scène de Faust, de Berlioz, chantée par
Mm" Nathan-Treillhet ; 4» Hélène, ballade de Beriioz; So Ouverture
du Carnaval de Rome, de Berlioz; 6° Grande scène du troisième
acte à'Mceste, deGlùck, par M"» Nathan et M. Bouché; 7° Fragments
de la symphonie de Rom~o et Juliette, de Berlioz. On trouve des bil-
lets à 6 fr. et à 5 fr.,chez M. Schlesinger, 97, rue Richelieu.
V Le quatrième bal de l'Opéra avait attiré plus de monde encore
que les trois premiers. La vogue de ces fêtes nocturnes s'accroît non
seulement d'année en année, mais de semaine en semaine.
*,* La faveur publique a décidément pris sous son patronage les
bals masqués de l'Opéra-Comique. Une société choisie, des traves-
tissements de bon goût, un orchestre d'élite habilement dirigé par le
fils de Musard, enfin des quadrilles et des galops sur les motifs des
opéras les plus en vogue, voilà ce qu'on est sûr de trouver tous les
dimanches dans la salle Favart, si coquette et si bien appropriée à ces
sortes de fêtes.
V M'i= Herminie Froment est une jeune et jolie personne qui vient
de publier un quadrille et une valse pour le piano. Nous engageons
les amateurs à se procurer le plaisir d'entendre ou de jouer ces deux
gracieuses compositions.
Claroiaîfjiiiie déitarieiaïeiitale.
*,* Marseille, 10 janvier. — M. Dœhler vient de partir, après avoir
donné deux concerts dans notre ville où son talent déjà connu avait
laissé les plus brillants souvenirs. Dire l'effet qu'il a produit, serait
chose assez difficile. Qu'il nous suffise de constater que M. Dœhler
s'est élevé à toute la hauteur de son jeu pur, savant et énergique dans
les divers morceaux qu'il a joués à l'hôtel d'Orient, en présence de
l'élite de la société marseillaise.
V ■ti"e. — On lit dans l'Eclio du lYord ; Le célèbre pianiste Pru-
dent s'est fait entendre dimanche dernier dans une soirée particu-
lière devant un public d'élite où se trouvaient réunis la plupart des
professeurs de piano de cette ville. Cette soirée a eu lieu dans les
salons de M. Pfeiffer. Toutes les formules lauiialives seraient impuis-
santes à donner une idée du talent qu'a déployé Emile Prudent dans
l'exécution des divers morceaux qui composaient cette soirée. Les
amateurs ne savaient trop ce qu'ils devaient admirer le plus ou de la
fantaisie sur les motifs de Lucie, remplie de chants gracieux que
l'exécutant exprime avec un charme indicible , ou des Huguenots. En
écoutant ce dernier morceau on ne pourrait jamais croire qu'un seul
homme pût produire un effet aussi grandiose; on entend tout à la fois
les parties de chant et les accompagnements de l'orchestre. Emile
Prudent est doué d'^ne telle force , et l'instrument sur lequel il joue
a tellement de sonorité , qu'il remplit une salle de concert comme le
ferait un orchestre. Nous ne nous étendrons pas sur le talent de cet
DE PARIS.
31
artiste hors ligne. Nous nous bornerons à dire que ceux des profes-
seurs et des amateurs qui l'ont entendu dimanche soir, n'ont pas hé-
sité à le proclamer un des premiers pianistes de l'époque. M"»" Pfeiffer
a exécuté avec Prudent un morceau de Thalberg pour deux pianos.
Certes, il faut être d'une grande force pour soutenir sans désavantage
le voisinage d'un pareil concurrent, et c'est ce que M"" Pfeiffer a fait.
M. Prudent et M"" Pfeiffer ont donné un grand concert samedi der-
nier. La salle de spectacle , contenant environ l.SOO personnes , était
comble , et le succès des deux artistes complet.
V Saint-Malo.— fi. Battanchon a justifié tous les éloges qui lui
ont été donnés dernièrement par plusieurs journaux de la Bretagne.
Il a un sentiment très rare de la mélodic-i tous ses andante ont été
rendus avec un charme mélancolique qui est le véritable caractère
du violoncelle. Il sait finir ses phrases avec un art parfait. Nous avons
surtout remarqué l'Invocation an Sommeil , et le gracieux boléro qui
a terminé le concert.
*,* Londres. — Julien vient de mettre en lumière à Covent-Garden
une composition d'un grand effet : les Échos d'Irlande , qui lui ont
été, dit-il, communiqués par l'inventeur original. Le théâtre est tous
les soirs garni d'un auditoire nombreux et enthousiaste. — Mistress
Wood, célèbre autrefois sous le nom de raiss Paton dans les annales
d'Angleterre , et qui ne fut éclipsée que par l'apparition de M"" Ma-
libran, après une succession d'événements qui font un roman de sa
vie , mais un roman dont l'héroïne est restée pure et irréprochable ,
vient de rentrer dans la carrière où elle s'était illustrée. Elle s'est
produite avec son mari au théâtre de la Princesse dans un opéra-pas-
ticco, une sorte d'olla-podrida des plus brillants motifs de Kossini.
Le librello, emprunté au plus bel épisode d'Ivanlwé, a pour titre :
the Maid of Jiidah {la Fille de Judah). Sa voix, dit-on , est toujours
remarquable , et par le même charme , et par la même pureté de pro-
nonciation qu'au temps de sa jeunesse et de ses brillants débuts. Ce
serait là une merveille non moins étonnante que les romanesques
incidents qui firent d'elle la femme d'un lord, et après un divorce
accompagné de pugilat , celle d'un comédien.
— Miss'Shaw attire la foule à Drurylane dans la Cenerentola, que
les Anglais ont transformée en Cinderella.
— M"» Eugénie Garcia vient, au théâtre de la Princesse, de se ha-
sarder dans la Lacrezia Borgia et d'y obtenir beaucoup de succès.
— La Société royale des musiciens , fondée il y a cent six ans dans
un but de bienfaisance , a, dans une réunion récente , distribué
70 livres sterling (1,750 fr. ) à des individus qui n'avaient aucun
droit à ses secours. Dans le courant de l'année elle a consacré aux
bonnes œuvres, objet de son institution, la somme de 2,389 livres
(prés de 00,000 fr.).
*,* Berlin. — L'ambassadeur anglais, connu comme compositeur,
et qui a obtenu des succès en Italie et en Angleterre, lord Westmore-
land , donne des matinées musicales , qui attirent une grande af-
fluence de tout ce qu'il y a de plus fashionable dans notre ville : c'est
le rendez-vous de la plus haute société.
V Cologne. — Le Maire de Paris, opéra de Dorn, a été représenté
ici avec beaucoup de succès, malgré la mesquinerie de la mise en
scène.
Francfort- sur-le-Mein. — La saison musicale a commencé, et pro-
met d'être très brillante. Dreyschok a donné quatre concerts , et il a
obtenu un succès d'enthousiasme. Dans son dernier concert, il a joué
un morceau pour deux pianos avec H. Edouard Rosenhain , frère du
célèbre pianiste qui fait à Paris des cours de piano avec l'illustre
Cramer, dans lesquels se forment les meilleurs pianistes de bonne et
haute école. Le morceau a produit un effet immense. M. Dreyschok,
ce foi des octaves , comme on l'appelle ici , est paTtî pour Darmstadt ,
où il a joué à la cour avec des applaudissements inouïs ici en pareille
circonstance. M. Edouard Rosenhain annonce plusieurs soirées musi-
cales pour la musique classique et la musique d'ensemble, et il vient
de donner la première, dans laquelle il a fait entendre le trio de
Mendelssohn en ré mineur, et le grand et admirable trio de Beetlio-
ven en ré majeur, avec une verve et une perfection de style et d'exé-
cution qui a excité la plus vive admiration de la part des connais-
seurs et du public, qui était accouru avec empressement pour en-
tendre le pianiste et le professeur en vogue. M. Pischelz, leTambuTini
allemand , y a chanté plusieurs lieder, et M. Elison nous a fait en-
tendre sur le violon la délicieuse romance de Beethoven.
*,' f^arsovie, 21 décembre. — Le quatrième concert, donné ici par
Haumann, a produit encore un effet supérieur à celui des trois pre-
miers , soit que l'acoustique de la ^alle du théâtre le favorisât da-
vantage , soit que le grand artiste eût tenu en réserve plusieurs de
ses secrets les plus merveilleux. Dans son troisième concert , tout
l'enthousiasme avait été pour sa fantaisie sur Giddo, après laquelle
l'auditoire l'avait rappelé à deux reprises. Dans le concert suivant,
les mêmes transports ont accueilli la fantaisie sur l'air : Ue ma Cé-
line et la scène de Lucia di Lammermoor. Le violon d'Haumann
peut à coup SÛT rivaliser avec la plus belle voix humaine. Les diffi-
cultés désespérantes qu'il accumule s'identifient tellement avec
l'esprit général de ses compositions, que loin de l'étouffer elles le
font valoir et le relèvent. Rappelé quatre fois par tout l'auditoire,
Haumann fut obligé de redire, au milieu des bravos unanimes , sa
quatrième variation.
*,* Gand. — La direction du Grand-Théâtre vient d'engager
M. Joannès Portéhaut pour remplir l'emploi de premier baryton. Ce
jeune artiste, qui donne de belles espérances, a chanté avec talent et
succès, pour les Irois débuis de rigueur, les rôles d'Alphonse dans/a
Favorite, de Guillaume dans Guillaume Tell, de Barnabe dans le
Maître de chapelle. De vifs applaudissements ont témoigné au débu-
tant la satisfaction du public dans ces différentes épreuves.
*," Gand. — M-i» Van Prang-Hillen a fait ses débuts avec succès
au théâtre de cette ville, comme première chanteuse àroulades. Aussi
a-t-elle été admise à l'unanimité des suffrages par les abonnés ,
qui, comme on sait, votent au scrutin secret après les trois débuts
d'usage.
**,* Rome, 28 décembre. — Jusqu'aujourd'hui les danseurs avaient
le droit de paraître sur la scène dans les ballets avec des habits d'une
transparence extraordinaire. Celte tolérance, qui remonte fort loin,
était un vrai scandale. En conséquence , l'autorité avait enjoint , à
l'occasion de la réouverture du théâtre d'Apollon , aux danseurs de
se vêtir plus décemment. Le public n'a point goûté cette innovation.
Dans le théâtre et au-dehors, il y a eu des rixes entre les bourgeois
et les militaires. Mais quelques arrestations ont étéopérées, et le calme
a été promptement rétabli.
*,* lYaples. — La Luise tta, de Pacini, a été donnée au théâtre
Nuovo. Depuis quelque temps on distribue, en Italie, des fleurs pour
les jeter sur les théâtres toutes les fois qu'un ouvrage est bien mau-
vais. Il maestro Pacini a été couronné.
',* Naples. — Costanza d'Aragona, dont le sujet est tiré de la
Fiancée de Messine, de Schiller, est due à la plume encore novice
d'un jeune maestro, Sarmiento ; cette partition, malgré les talents
réunis de la Goldeberg, de Coletli ^Basadonna et Tamberluk, n'a été
goûtée que dans quelques morceaux; on cite surtout un magnifique
passage dans le finale du second acte.
*,* F'enise. — L'opéra de Verdi , i Lombardi alla prima crocciata ,
n'a pas eu de succès au théâtre de la Fenice.
*/ Madrid. — On vient de reprendre au théâtre del Circo le chef-
d'œuvre de Rossini, Utello, qui n'a produit qu'un médiocre effet â
cause de l'insuffisance de l'exécution.
— La presse musicale de Madrid s'élève avec raison contre l'indif-
férence qui règne dans cette ville pour les intérêts de l'art. Dernière-
ment un pianiste de grand talent, Ireneo Barthe, s'est fait entendre
au Lycée; les fondateurs mêmes de l'établissement n'avaient pas pris
soin d'assiter à cette solennité. On reproche également au Lycée de
n'avoir, l'an dernier, donné que vingt et une séances au lieu de cin-
quante-deux qu'il devait , d'après son règlement. — Le ballet el Lago
de las Hadas {le Lac des Fées) el M"' Guy-Stephan font fureur au
théâtre del Circo, à Madrid. — La troupe lyrique de Barcelonne se
trouve incomplète par le départ de Marini, la basse-taille. — Le
jeune violoniste Monasterio vient d'obtenir aux deux théâtres de cette
ville, celui de Santa-Craz et celui del Liceo , un succès qui confirme
tout ce qu'on a dit de cette merveille de précocité. — Il est question
de réunir dans one même entreprise les trois théâtres de Madrid :
celui delà Cruz serait consacré à l'opéra, celui del Circo au ballet,
et celui del Principe à la littérature. — Réguler, le premier basso de
l'opéra de Madrid, a suspendu son service par suite d'une grave
affection de pulmonie. — On parle de la formation à Valence d'une
troupe lyrique de premier ordre qui éclipserait celle de la capitale du
royaume.
CONCERTS ANNONCES.
29 janvier. M™" de Lonzano. Salle de l'École lyrique.
30 — Dancla. Salle Pleyel.
1" février. Gazette musicale. Salle Pleyel.
3 — Berlioz. Salle Herz.
4 — Matinée au bénéfice d'un artiste. Salons Bernbardt.
,38 — Ernst. Salle Herz.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESîNGER.
32
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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iV. B. — C'est la seule e'dition dan, laquelle les Trios, Duos et Sonates avec accompagnement seront gravés EN PARTITION,
c'est-à-dire les instruments au-dessus du piano, et aussi se'parément.
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Chaque Souscripteur recevra i
1. Trois grands Irios pour piano, violon
et violoncelle , en mi bémol , sol, ut
mineur.
me
Op.
belle médaille en bronze , gravée par un
©■= S^ivraisoM.
12. Trois sonates, dédiées à Salieri, en ré,
In, mi bémol.
2.3. Sonale, piano et violon, la mineur,
dédiée au comte de Tries.
de
Op.
nos plus célèbres artistes.
lfi° liivvaisoii.
13. Sonate palhélique, ui mineur.
14. Deux sonates, mi, sot.
22. Sonate en si bémol.
26. Sonale, la Marche funèbre.
27. Deux sonates fantaisies , mi bémol, ut
3° îiivrasgUBl.
11. Trio pour piano, violon et violoncelle
ou clarinelle, en .li bémol,
t trio posthume en wi.
posthume.
Op
24.
30.
t" liivraison.
Sonate en /«, dédiée au comte de Tries.
Trois sonutes , la, ui mineur, sol, dé-
diées à l'empereur Alexandre.
dièze mineur.
Op.
Peti
Trie
Op
tS" liivraisou
28. Sonate pastorale en ré.
31. Deux sonates, sol, ré mineur.
33. Sonate en mi bémol.
Op
47.
69.
g= liivraison.
Grande sonate, à Kreutzer, lu.
Grande sonate, piano et violon ou
violoncelle, en la.
35. Andante en fa.
49. Deux sonates, sol, sol mineur.
3' l:ivï'aisom.
70. Deux trios pour piano, violon et vio-
loncelle, en ré, mi bémol.
Op.
Op
S 3" ïiivraisoii.
53. Sonate en ui.
Op.
4" Hjivi'aisoH.
97. Grand Irio pour piano, violon et vio-
loncelle, en si bémol.
38. Grand trio.
Op
96.
102.
9" Ijî-vi'aisoM.
Sonate en sol, piano et violon.
Deux sonates, piano et violon .ou vio-
loncelle, ut, ré.
57. — en fa mineur.
78. — en /a diczé majeur.
79. Sonatine en sol.
SI. Les Adieux, sonale en la.
Op
1 '&<' liiwi'aison.
Op
â' KilvE'aison.
5. Deux sonates pour piano , violon ou
violoncelle, fu, sol mineur.
17. Sonate, piano et violon ou violon-
celle, ou alto, ou cor, en fa.
Op
. 2.
7
10
1®° JCiivraison.
Trois sonates, dédiées à Haydn, /a
mineur, la, lU.
Sonale en mi bémol.
Trois sonates en ut mineur, fa, ré.
. 90. Sonate en mi mineur.
101. Grande sonate en si bémol.
100. Grande sonate en si bémol.
109. Sonate en mi.
110. — en la bémol.
111. — en mi bémol.
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servatoire par décision du comité d'enseignement. — Prix : 12 fr. I î'rW : 5 fr.
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Imprimerie de BOURGOGNE et MARTINET, 30, rue Jacob.
Pour Paris : un an, 30 ir. ■ six mois 15 fr. — Annonces : 50 c. la ligne de 28 lettres — Départements : un an, 34 fr. Étranger, 38 fr.
Q^
GAZETTE MUSICALE
BÉDIGÉE FIB
MM. ANDERS, G. BÉNÉDIT,|BERLIOI.|, HENRI BLA^'CHARD,
MAUBICE BODRGES, F. DANJOD, DCESBERG, FÉTIS père, EDOUARD FÉTIS, STEPBEN HELLER, J. JANIN,
G. KASTNER, LISZT, GEORGE SAND, L. RELLSTAB.I^PAIJl SMITH, A. SPECHT, etc.
Paraissant Mous Mes Oiwnanches,
XL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARM.
lie 1*' et le 15 de chaque mois on recevra on morceau de masiqae»
SOMMAIRE. L'Actrice et l'Etuiiiant (4« article); par H. BLAN-
CUARD. — Société des concerts : seconde matinée; par STE-
PHEN HELLER. — Revue des matinées et soirées musicales ;
par H. BLAIVCHABD. — Nouvellest — Annonces.
Ce qu'apprend aux petites demoiselles la musique qu'on leu
Dessin de Gavarni.
La Table et les Titres pour l'année 1843 sont joints à ce
numéro.
L'ACTRICE ET L'ÉTUDIANT '.
V.
C»pi>ice et Passion.
on singulier inter-
prète s'approchant
de moi me dit : —
Vos affaires vont
bien , mon cher
,v^ ami. Je viens de
[-^o parlei de \ous en tenues... — Oui, j'ai
'~yTj entendu à peu près; mais je trouve que
^ vous me donnez un rôle fort difficile à
jouer. — Au contraire : que diable ! vous avez
de l'esprit ; parlez avec assurance , avec un
peu d'impertinence même, et vous serez bien-
tôt en ce lieu le roi du roi des animaux , c'est-
à-dire le lion des lions; et je vous garantis
que la belle Palmire aura un caprice pour vous.
— Un caprice ! — Mais oui ; qu'il y aura récipro-
cité entre vous enfin. — Mais moi je l'aime du
plus profond de mon cœur, et ce n'est point un
(1) l.a reproduction de l'Actrice et l'Étudiant est interdite, sous
peine de poursuites en contrefaçon. — Voiries numéros 2, .3 et 't.
caprice. — Oh ! alors ceci devient triste , et je ne m'en mêle
plus, car je vous vois sur la pente qui mène à toutes les ex-
travagances dans la vie.
Je fus étonné et comme frappé de cette prédiction qui
s'est réalisée depuis , et qui partait cependant d'un esprit su-
perficiel , mais aussi d'une philosophie pratique du théâtre
qui, dans ce pays des prestiges, détruit rapidement toutes les
illusions.
— Qu'entendez-vous donc par ce mot de caprice ? dis-je à
mon cruel mentor. — Mais j'entends, je vois dans ce mot la
représentation d'une des plus jolies choses de la vie, surtout
avecles femmes ; et c'est au théâtre que le caprice est tout ,
règne en roi absolu. Il est plus décisif là que dans le monde ,
où la coquetterie des jolies femmes le divise en mille petits
riens qui ne vont à rien ; au lieu qu'une actrice de quelque
valeur intellectuelle se pas.se souvent un caprice , pour éviter
une passion. — On n'éprouve donc pas de ces impressions pro-
fondes et durables au théâtre? — Rarement , du moins on les
cache, ou on les évite par le caprice qui ressemblé beaucoup
à la passion, par le caprice qui est vif, impérieux, qui se satis-
fait à tout prix, mais qui , partant de la tête , ne vous domine
pas incessamment la nuit, le jour, ne vous torture point le
cœur, ne brise pas votre existence. Pour éviter cette situa-
tion intolérable, les actrices se marient, c'est-à-dire se dé-
poétisent à plaisir; et dans leur prosaïsme, elles ne vous
parlent plus que de la durée de leur engagement, de leur
congé , de celui de leur mari , de leurs griefs réciproques
contre le directeur, d'une augmentation de feux , non de
ceux que leurs regards allument , mais de la petite et quel-
quefois très grosse somme supplémentaire qui, chaque fois
que l'artiste joue, se joint à ses appointements. Tout ceci est
une amélioration, disent quelques uns, ou une oblitération
selon quelques autres, et je suis du nombre, des mœurs
dramatiques. Il est vrai que le caprice, cet enfant joyeux de
la fantaisie , ce fils du hasard , de l'inattendu , ne perd jamais
BTTRXAUX D'ABONNEMENT, B.UE RICHELIEU, 97.
Sk
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ses droits , et que ses sœurs la vanité , la séduction , la ja-
lousie le réintègrent souvent dans l'esprit de ces dames.
— Et vous croyez alors que Palmire est dans cette voie, et
qu'elle ne peut ni éprouver ni partager un amour vrai ? —
Je ne dis pas cela ; mais ce serait un malheur pour vous ou
pour elle, et peut-être pour tous les deux.
Poussé par je ne sais quelle fatalité , et craignant surtout
de n'être point assez remarqué , je suivis les conseils de cet
homme si cruellement expérimenté ; et je fus brillant , et je
fus écouté , applaudi de tous , de Palmire elle-même. Per-
mettez-moi, docteur, d'achever ici le portrait intellectuel
dont je ne vous ai donné qu'une esquisse physique. Palmire
est d'une humeur douce, enjouée et facile; elle a cependant
beaucoup d'imagination , un esprit actif, et une ardeur dévo-
rante de savoir, surtout dans les arts , peu appuyée malheu-
reusement sur la constance , la patience , qui font faire de
grandes choses. Comme son enthousiasme pour tout ce qui
est beau, plutôt intellectuellement que physiquement, ne
connaît pas de bornes, ses idées s'élancent toujours vers le
nouveau, l'inconnu. Son caractère , son esprit, son langage,
se colorent , se reflètent de tout ce qui la frappe , s'identifient
à tout ce qui la transporte,. Son cœur, qui est sensible , bon ,
aimant, est en guerre perpétuelle avec cet esprit aventureux
qui se charme et s'éprend avec tant de facilité pour ce qu'elle
croit du génie , du talent ou de l'originalité.
Je ne vis alors que ce qu'il y avait de séduisant dans un
pareil caractère, d'enchanteur dans toute la personne, et
j'aimai Palmire de toutes les forces de mon cœur et de mon
esprit. De son côté , elle était flattée que je lui fisse la cour,
car je jouais, peut-être un peu malgré moi, le rôle brillant
que m'avait fait mon collaborateur ; mais enfin j'y étais entré,
et je ne le remplissais pas trop mal. Une somme de trois mille
francs de supplément à ma pension que le banquier corres-
pondant de mon père devait tenir à ma disposition , suivant
mes petits besoins snccessifs, fut dépensée en un mois, et
cela en petites galanteries insignifiantes, en snperbes bou-
quets, en courses à cheval et en voiture au bois , etc., etc.
Tout allait le mieux du monde , ou pour mieux dire tout al-
lait au plus mal. J'avais beau m'étourdir sur mon avenir, sur
la situation de ma bourse et de mon cœur, je connaissais trop
bien mon père pour penser qu'il pfit revenir sur ses résolu-
tions; et quanta mon cœur, il était plus malade encore que
ma bourse. Je ne pouvais plus me faire illusion; je nageais
en pleine mer dramatique et sur les flots de la réalité. J'ai-
mais Palmire de cœur, elle m'aimait de tête; elle avait un
caprice pour moi, j'éprouvais pour elle une profonde passion ;
et une sorte de délicatesse sentimentale m'empêchait de voir
tous les avantages de cette situation ; je ne profitai pas de
plusieurs occasions délicieuses : j'aimais trop pour cela.
C'est h tort que l'on a dit qu'un caprice dure tant qu'il
n'est pas satisfait. 11 faut peu de chose pour le faire naître,
comme peu de chose aussi le tue. Cette lutte était pénible ,
intolérable ; d'ailleurs la probité innée en moi , ma franchise
naturelle, me faisaient répugner à continuer mon rôle de
jeune homme titré , opulent , et je dis enfin à Palmire qui
j'étais. Elle s'écrie alors avec une sorte d'étonnement co-
mique et naïf: Tiens! vous n'êtes pas riche? Et puis, après
un moment de réflexion , elle me dit d'une grâce char-
mante , comme la belle veuve des Fausses confidences de
Marivaux : Si j'avais appris cela d'un autre que de vous-
même , je ne vous le pardonnerais pas... . Au reste , ajouta-
t-elle, je ne vous dirai pas , comme Araminthe , que je vous
accorde ma main , — je lui avais déjà parlé de mariage dans
l'exaltation de mon amour, — car nous ferions une sottise ,
étant sans fortune l'un et l'autre. Écoutez, mon cher Jules,
il faut songer à l'avenir. Je n'en vois aucun pour moi dans ce
ihéâtre-cj. Qu'y trouve-t-on? des écrivains manques, ainsi
que je vous l'ai souvent entendu dire , mesquinisant l'art dra-
matique , remplaçant la bonne et belle comédie par leurs pe-
tites pièces bardées de refrains volés çà et là dans les parti-
tions qu'ils dépècent avec autant d'inintelligence musicale
qu'avec peu de respect pour les compositeurs; vaudevillistes
mercantiles qui vendent à une actrice ce qu'ils appellent un
joli rôle pour un prix , qu'ainsi que bien d'autres je n'ai ja-
mais voulu y mettre;, qui, dans la langue qu'ils se sont faite
en musique , appellent un fron-fron barbare et discordant
d'acteurs qui chantent à l'unisson à un quart de ton de diffé-
rence , et chacun dans sa mesure , un air de sortie; qui nom-
ment invariablement le mineur, la seconde reprise d'un pe-
tit morceau de seize mesures , fût-elle dans le mode le plus
majeur possible. On s'accorde, vous le savez, mon cher
Jules , à me trouver une belle voix ; je suis suffisamment mu-
sicienne , et ne joue pas trop mal du piano ; or, en travail-
lant sérieusement pendant six mois, je puis aborder une
de nos grandes scènes lyriques. O mon ami , si vous saviez
combien l'art du chant est une belle chose! Quelles délicieuses
émotions il vous donne, et quel plaisir on éproiive à les ré-
pandre sur un auditoire enthousiasmé ! Eh bien ! je sens en
moi comme une prévision de succès... Oui, je réussirai; et
quand je serai une cantatrice de premier ordre, pouvant
exiger soixante ou quatre-vingt mille francs d'appointements
par an, alors nous songerons à nous unir. Quel charme dans
cette existence mêlée de bonheur intime et de suffrages uni-
versels !
Et comme on partage toutes les pensées de la personne
qu'on aime avec idolâtrie, je m'enivrai de cette idée, mon
cher docteur, et je ne doutai pas un instant de ce brillant
avenir.
VI.
lie g>|°ofesseiBa* sSe elïant et le ténoi* maigre Ssti.
Me voilà donc mélomane par contre-coup, par sympathie,
et ne songeant plus qu'à ce bel art du chant qui , dans ma
pensée, parce qu'elle était celle de Palmire, devait primer
tous les autres arts. Si j'ouvrais l'histoire romaine, avec quel
plaisir j'y voyais Néron négligeant les soins de l'empire pour
s'occuper exclusivement de sa voix , et parcourir la Grèce
pour y disputer le prix du chant dans les jeux olympiques !
De tous' les excès de puissance dans lesquels s'étaient plongés
les douze Césars , c'était celui que j'excusais le plus. Je
trouvais tout simple , en lisant les annales des monarchies
modernes , que David Rizzio fût devenu le favori de Marie
Stuart; que le charme des accents de Farinelli l'ait fait par-
venir au poste éminent de premier ministre d'un roi d'Es-
pagne; que la cour excessivement polie de Marie-Antoinette
ait raffolé de Garât, et que cette reine aimable, qui avait al-
lumé une véritable guerre civile et peu civile entre les
gluckistes et les piccinistes , ait payé plusieurs fois les dettes
de ce chanteur célèbre, qui a vu sa renommée s'accroître et
produire une sorte de fanatisme sous le Directoire que le gé-
néral Bonaparte appelait le règne des cinq rois à terme, sous
le consulat , l'empire et la restauration. Martin balançant , à
la même époque , tous les avantages extérieurs et le talent
d'excellent comédien d'Elleviou , par le charme de sa voix ; la
Catalan! achetant une espèce de principauté avec les sommes
énormes qu'elle avait gagnées par son talent de cantatrice ;
la Sontag devenant ambassadrice ; d'autres, marquises, com-
DE PARIS.
35
tesses; les concitoyens de Rubini lui élevant une statue;
tous .ces faits , et une infinité d'autres , bouillonnaient dans
mon esprit impressionnable, donnaient de fréquentes com-
motions h mon système nerveux, sensible, irritable à l'excès;
et cette fièvre artistique me poussant toujours à d'incessantes
études vocales, je finis par devenir un habile chanteur. De
quoi ne rend pas capable le désir de plaire à une femme
qu'on aime !
Dans l'espoir de devenir un ténor léger ou dramatique ,
un ténor expressif, h voix sombrée, de peindre mon amour
réel h Palmire , dans quelques situations d'amour fictif, et
par l'intermédiaire d'un chant passionné, je négligeai la voix
de basse que m'avait donnée la nature, pour acquérir, par le
travail, les cordes hautes qui me manquaient, travail obstiné,
ingrat, mais dans lequel je réussis. On a vu de ces transfor-
mations, de ces péripéties vocales, de ces voix déplacées par
suite d'un rhume, de la révolution qui s'opère à la puberté,
ou même par la volonté du chanteur qui donne une direction
nouvelle à son organe. Cette étude me mit en rapport avec
une foule de professeurs qui me rappelèrent , par l'importance
qu'ils mettaient àleur enseignement, les maîtres de philosophie,
de musique et d'escrime du Bourgeois gentilhomme. L'un
me faisait un cours complet de physiologie ; l'autre un traité
d'esthétique; celui-là me parlait d'anatomie, et me définis-
sait l'os jugal qui se forme de deux apophyses, dont l'une
naît de l'os des tempes et l'autre de la m?xhoire supérieure ,
concourant au jeu du muscle zygomatique, d'oii vient le rire
et le sourire, qu'il faut que le chanteur sache, selon certains
professeurs , stéréotyper sur sa figure. J'appris de tous ces
gens-là à ouvrir démesurément la bouche, à montrer les
dents , à dire avec vingt inflexions différentes de tendresse :
Je vous aime! Je crois que je finis par me laisser persuader
par ces professeurs de chant qu'il y a de la métaphysique et du
socialisme dans cet art; qu'il concourt à l'union des peuples,
à l'amélioration des mœurs, etc.
Ce n'était pas tout : il fallait encore acquérir l'habitude de
la scène, des planches, comme on dit en terme du métier. Je
commençai par chanter dans les concerts de société ; puis ,
ayant appris quelques rôles d'opéra , j'allai , sous un nom
de guerre , cabotiner en province , affronter les murmures ,
quelquefois les sifflets , du public départemental, qui mancpe
souvent, presque toujours, dégoût, surtout en musique. Je
parvins cependant assez vite à me faire une réputation de
premier ténor et à donner même des représentations fruc-
tueuses, car nulle profession ne rapporte autant d'argent que
celle-là.
Cette vie nomade et d'émotions incessantes ne me plaisait
pas beaucoup ; mais je m'y livrais avec ardeur dans l'espoir,
de chanter bientôt avec Palmire , ainsi que je l'ai dit , ces
phrases de délicieuses mélodies : Il est donc sorti de son âme
ce secret qu'ont trahi ses yeux , d'Arnold dans Guillaume
Tell, ou : Tu Vas dit! de Raoul de Nangis dans les Hugue-
nots , ou tout autres chants si passionnés de nos opéras mo-
dernes.
Je revenais fréquemment à Paris pour voir Palmire, pour
m'informer des progrès qu'elle faisait dans sa nouvelle car-
rière. Elle me recevait toujours au mieux, m'accueillait avec
joie; et, en parlant de ses progrès, de mes triomphes en
province, nous nous bercions de nos succès à venir. J'avais
oublié cette différence entre le caprice et la passion que m'a-
vait fait remarquer mon ex-collaborateur le vaudevilliste.
Cette distinction ne me semblait plus qu'une subtilité de roué.
Palmire "était si bonne, si communicative , si vraie!... Je
trouvais seulement les louanges qu'elle me faisait de mon
professeur de chant un peu exagérées. Je n'aimais pas beau-
coup à lui entendre dire que le moindre de ses accents était
expressif, profondément senti ; que le son de sa voix restait
dans le souvenir et faisait rêver ; qu'il y avait tout à la fois
des larmes et de la gaieté dans cette voix; cju'elle était plain-
tive et légère , triste et folle , mélancolique et tendre. Tout
cela ne laissait pas que de m'inquiéter un peu ; mais bientôt
je mettais ces éloges sur le compte de son enthousiasme pour
son art; d'autant plus que, souvent aussi, elle se plaignait
de ce même professeur, le disant fat, inconstant; prétendant
qu'il était d'une galanterie banale avec toutes ses écolières ;
qu'en ce moment il en protégeait une au détriment de toutes
les autres; qu'il lui faisait la cour, et que cela en était même
ridicule, scandaleux; qu'on parlait, chose inconcevable, de
ses débuts à l'Opéra. Depuis, je réfléchis à ce dépit qui res-
semblait fort à un accès de jalousie; mais alors j'étais loin
d'y penser.
Un autre jour que j'arrivais pour causer avec elle de chant,
de ses études, de son professeur, etc. , toutes choses qui pa-
raissaient lui faire tant de plaisir, elle s'écria : Oh! mon cher
Jules, ne me parlez pas de musique, de chant, de tout ça. Le
théâtre est une carrière atroce, et j'y renonce s'il faut y
entrer comme une écolière, une débutante timide qui a besoin
d'être protégée par tout le monde, par un professeur, un
directeur, un régisseur, que sais-je enfin! Être appréciée
d'avance pour ce que vous valez par un critique juste , im-
partial , par un écrivain dont tous les talents médiocres crai-
gnent la plume, qui fait justice de vos rivales, à la bonne
heurei attendu qu'en vous rendant service , il dirige le goût
du public , c^ui a besoin d'être guidé.
Étonné à cette sortie inattendue de Palmire, mais habitué
à ne voir , à ne penser que comme elle ; et puis dégoûté
de ma vie vagabonde de ténor provincial, j'abondai dans son
sens, je fis chorus avec elle, n'étant pas fâché d'ailleurs, in-
térieurement, qu'elle ne me parlât plus de ce maudit pro-
fesseur que je ne connaissais pas, et que je n'avais jamais eu
l'envie de voir.
{La suite au prochain numéro.)
Henri Blanchard.
SOCIETE DES CONCERTS.
BtCOXÙit: ilïttttnù.
e concert commen-
çait par la sympho-
nie en i(Me Mozart,
qu'on n'avaitpas en-
tendue depuis quel-
ques années. C'est
celle dont le finale fugué , travaillé d'une
manière prodigieuse, excite l'admiration
de tous -ceux qui ne croient pas que le
style et les combinaisons savantes excluent la
pensée et l'imagination.
Qu'il me soit permis cependant de préfé-
rer tel morceau de cette symphonie à tel
autre, sans encourir le reproche banal d'irré-
vérence ou d'hérésie. Le véritable amour de l'art
est clairvoyant, et s'attache , non pas au nom , mais
à l'œuvre. Le plus haut degré de la critique, c'est
d'arriver à l'impartialité dans l'admiration.
Je dirai donc franchement que le premier morceau de la
36
BEVUE ET GAZETTE MUSICALE
symphonie en ut me semble bien au-dessous de maint ou-
vrage beaucoup moins vanté du même genre et du même au-
teur. Les morceaux qui me touchent, qui m'émeuvent ou
qui m'étonnent , soit par leur charme mélodique , soit par
leurs richesses harmoniques, ce sont l'andante et le finale.
L'andante a été bien accueilli par le public; quant au finale,
on l'a trouvé trop long pour un morceau si savamment traité.
Le public (et bon nombre d'artistes y compris) veut bien
fermer un œil ou plutôt une oreille pendant qu'on exçcute
un morceau de cette force, mais il regarde sa patience comme
une œuvre méritoire que l'auteur doit reconnaître en se
bâtant de terminer une composition si insupportablement
bien faite.
Le Calme de la mer , chœur de Beethoven , n'a pas été
goûté par l'auditoire. Sans compter parmi les grandes et puis-
santes conceptions de l'immortel maître, cette composition
ne manque pas de charmants détails. On a trouvé générale-
ment La mer calme un peu houleuse. C'est que le pro-
gramme promettait un miroir uni, et ne faisait nullement
pressentir le battement des vagues. Voici l'explication de
l'apparente contradiction que présente ce morceau qui vogue
dans les parages peu explorés de la musique descriptive. Il
se trouve parmi les poésies de Goethe deux lieds qui se sui-
vent immédiatement , et intitulés : le premier. Calme de la
mer ; le second. Heureux voyage. C'est sur ces deux lieds
de Goethe que Beethoven a composé son chœur. J'emprunte
à l'excellentetraductiondespoésiesdeGoëthe.parM. H. Blaze,
celle delà pièce intitulée: Calme de la mer. « Un calme pro-
» fond règne sur les eaux, la mer repose sans mouvement ,
» et le nautonier soucieux promène ses regards sur la sur-
» face unie. Nul vent d'aucun côté ne souffle ; calme de mort,
» calme effrayant ! Et dans l'immensité profonde , nulle vague
» ne bouge ! »
Malheureusement M. H. Blaze n'a pas cru devoir traduire
le lied suivant, qui pourtant forme un contraste frappant avec
le premier. Je ne me permettrai pas de la traduire en si dan-
gereux voisinage; seulement j'en rendrai quelques mots pour
justifier la force et la vigueur toujours croissantes qu'on a
remarquées dans la composition de Beethoven sans s'en ex-
pliquer la raison. Voici à peu près le sens du second lied ,
Heureux voyage.
« Les brouillards se déchirent, le ciel s'éclaircit, Éole dé-
» tache ses lourdes chaînes. Des vents bruissent , le nauto-
» nier se lève. Vite! vite! La vague se sépare, le lointain
» s'approche; je vois déjà le terre! » Il faut lire ces deux
lieds dans la langue du grand poète, pour se faire une idée
de la grandiose uniformité qui règne dans le premier , et du
mouvement toujours plus accéléré qui se manifeste dans le se-
cond. N'oublions pas que Mendelssohn a traité avec bonheur
le même sujet dans une de ses belles ouvertures.
M. Dorus a exécuté un fragment d'un concerto de Tulou.
C'est bien un des plus éionnants flûtistes de l'époque. Il au-
rait été capable de vaincre l'aversion de l'illustre Cherubini
pour cet instrument. M. Dorus tire de sa flûte des sons d'une
douceur et d'une égalité admirables. C'est un rossignol fait
musicien, ou un musicien fait rossignol, je ne sais lequel des
deux. En tout cas, c'est de tous les rossignols le meilleur
musicien que je connaisse. Il a enchanté la gent qui porte
plume et celle qui porte cravate : succès universel.
Venait ensuite un motet de Mozart : ne pulvis et cinis su-
perbe te géras.
Le motet débute par un lento d'un caractère grave et
solennel , qui rappelle l'apparition du commandeur de Don
Juan. Les violons accompagnent avec sourdine tout ce pre-
mier mouvement. L'allégro présente tout-à-coup une mélodie
tant soit peu vulgaire , qui contraste avec le début majes-
tueux d'une façon choquante. Le lento de ce motet m'a fait
penser au plaisir qu'il y aurait d'entendre une fois au Con-
servatoire tout le premier finale de Don Juan, ou le pre-
mier finale des Noces de Figaro. Ce serait une fête pour
nous autres qui aimons encore Mozart , malgré le finale si
insolemment fugué de la symphonie en ut!...
La symphonie en ?■«' de Beethoven terminait le concert. Il
me semble toujours que c'est surtout en jouant Beethoven que
se révèle la toute-puissance de l'orchestre de la rue Bergère.
C'est alors surtout que se montrent les mille et mille nuances
dont cet orchestre est capable. Certes, les musiciens dont il
se compose jouent admirablement les œuvres de Haydn et
de Mozart; ils les jouent avec amour, mais cette exaltation
divine qui naît de la passion , ils ne l'ont que pour Beetho-
ven. Les symphonies de Haydn et de Mozart , ils les aiment
comme une épouse éprouvée ; ils les aiment autant par amour
que par devoir. Pour certains morceaux même, ils ont un
caprice ; je citerai entre autres l'andante avec variations de
la symphonie de Haydn , exécutée à la première séance. Sans
doute on ne peut être plus aimable et plus gracieux qu'ils ne
l'ont été pour ce charmant andante plein d'espiègleries pi-
quantes. Mais si une œuvre de Beethoven paraît , alors c'est
la maîtresse adorée , l'idole chérie , l'objet et le but de tous
ses efforts. Ils lui donnent le dernier coup de leur archet , le
dernier souffle de leur voix; ils l'interprètent avec un en-
thousiasme , un abandon , une éloquence qui n'appartiennent
qu'à la passion véritable.
Et, par Apollon ! ils ont bien raison.
Stephen Heller.
m\m DES MATINÉES ET SOIRÉES MUSICALES.
QUATRIÈME CONCERT SE IiA GAZETTE IH[VSICAI.E.
n des beaux trios
pour piano , violon
et basse , par Bee-
thoven , a ouvert la
•séance; il a été fort
bien dii par
MM. Halle, Armingaudet Chcvillard. Le
chant, qui cette fois avait une large part
dans cette matinée , est arrivé avec tous
genres de séduction : ancien , moderne ,
fiançais , mais surtout italien, il s'est fait en-
itendre avec ses accents du xvii", du xvilP et
du XIX* siècle sous les noms de Stradella , du
divin Mozart , de notre célèbre Berton , et de
mademoiselle Loïsa Puget. M. Goldberg et la gen-
tille M'"' Sabatier sont venus nous dire un joli duo
des Nozze di Figaro , auquel on a généralement
trouvé le défaut d'être trop court, défaut rare
qu'on ne reprochera pas à "os compositeurs modernes , à qui
l'on est toujours tenté de dire : Qui ne sait se borner ne sut
jamais écrire. Après ce court duo, fort bien vocalisé par
M""^ Sabatier, M"" Lia Duport a chanté un air du Concert in-
terrompu, de Berton : Jeunes beautés, craignez de tristes
chaînes , etc. , Polacca gracieuse dans laquelle la jeune can-
tatrice semblait donner comme en se jouant des préceptes de
gracieuse coquetterie, et des exemples de brillante vocalisa-
DE PARIS.
S7
tion. M . Goldberg est revenu nous dire de sa voix expressive ,
et dramatique des romances ilaliennes, et M"" Sabatier est
revenue aussi jeter à l'auditoire , charmé de la revoir, une
délicieuse chansonnette : la Jeime bergère , de M"" Puget , et ■
puis Nenni-da , étincelle musicale que la charmante canta-
trice dit comme sa Follette, qu'on a fait et, qu'en écrivant i
pour elle, on fait et on refera toujours : cela est précieux ,
maniéré, mesquin, pointu, bourgeois, bon homme, faux i
goût, rococo, Pompadour; mais c'est éminemment salon i
français ; d'ailleurs, si le public des concerts de la Gazette mu-
sicale applaudit aussi ces bagatelles- là, cela ne lui gâte pas le
goût , ne l'empêche pas de se plaire à l'audition de la musique
grave et sérieuse. Il a écouté religieusement l'air religieux de
Stradella , qui désarma les deux assassins venus pour tuer ce
célèbre chanteur. M"" Lia Duport s'est bien pénétrée du .
caractère et du style de ce morceau si noble et si touchant, j
qui a été accompagné sur l'orgue par M. Mulder avec un son- !
timent partait de cette belle musique. Et comme ce concert |
avait bien commencé , il fallait qu'il finît bien ; pour cela , il j
s'est terminé par l'exécution du douzième, quatuor de Bee- i
thoven , dit admirablement par MM. Aiard, Armingaud, j
Ccoisilles et Chevillard. Ce qu'il y aurait à dire sur les an- |
dante ou les adagio de Beethoven , et particulièrement sur
celui de ce beau quatuor, nous mènerait trop loin , car il
faudrait scruter, nombrer combien il y avait de richesses mé-
lodiques dans ce cerveau , dans ce cœur, dans cette âme qui
semblait avoir reçu la mission de jeter sur la terre et de faire
entendre aux hommes surpris , éblouis , charmés , toutes les
harmonies du ciel.
Que les personnes qui ne sont pas très familiarisées avec
la forme du quatuor, de la symphonie , du trio, ou même de
la sonate , nous permettent ici une petite observation cri-
tique. Ces morceaux se composent ordinairement de quatre
parties : le premier allegro, ï adagio , le scherzo et le ron-
deau ou finale. Nous demandons pardon de ce lieu-commun à
la majorité des amateurs; mais dans les personnes qui ne sa-
vent pas cela , il en est qui croient que le morceau est fini
après la première , la seconde ou la troisième partie , et qui
sortent dans le court intervalle qui les sépare. Nous les pré-
venons charitablement qu'ils dérangent les auditeurs, les
troublent dans leur attention ; qu'ils font une économie de
dix ou quinze minutes tout au plus, et qu'ils se singularisent
déplorablement. Que diable! on écoute un quatuor de Bee-
thoven tout entier, qui dure tout au plus de vingt-cinq à
trente minutes, ou l'on sort avant qu'il soit commencé, à
moins qu'on ne vienne vous annoncer que le feu a prisa votre
maison... et encore ! — A cela près de ce petit inconvénient,
qui se renouvelle quelquefois , tout s'est passé artistiquement.
Il y a eu suffrages intelligents, murmures approbateurs et de
bon goût , et applaudissements distingués pour tous les exé-
cutants.
— M. Rosenhain, compositeur de bon savoir, pianiste habile,
et professeur consciencieux, a donné chez lui, un de ces jours
passés, une matinée musicale dans laquelle il a fait entendre
un excellent trio de sa composition pour piano, violon et vio-
loncelle, fort bien exécuté par l'auteur , MM. Alard et Coss-
mann. Ce morceau, sur lequel nous reviendrons dans notre
revue critique des œuvres de ce temps, placerait M. Rosen-
hain au premier rang des compositeurs de bonne musique
instrumentale , s'il n'y était déjà. Il a dit pour piano seul un
joli nocturne et une valse pleine d'originalité; M"" Hawes a
chanté d'un excellent style et d'une voix bien posée, et qui,
sous ce rapport, a fait de notables progrès, un air de Handel
d'une gothique et belle forme.
— Le concert donné le 30 janvier dernier dans les salons
de M. Pleyel, par les trois frères Dancla et leur sœur, nous
a montré cette intéressante famille de virtuoses dans la voie
du progrès. M. Charles Dancla, l'aîné de la famille, compose
de bonne musique de violon et la joue bien. Si l'œuvre et
l'exécution manquent un peu de largeur , d'individualité , le
faire en est fin, distingué, joli, souvent original. Les quatre
études qu'il a dites avec son frère Léopold sont charmantes,
et justifient on ne peut mieux le titre à'OEuvre mélodique
qu'il leur a donné. Le trio composé par M. Charles Dancla
pour violon, basse et piano, et dit par lui, son frère Arnaud,
violoncelliste , et M"' Dancla, est un morceau remarquable.
L'andante est surtout d'une forme charmante, d'un rhylhme
neuf et d'une mélodie piquante. M'i^Laure Dancla, qui pour-
rait ajouter à son prénom celui de Blanche, est fort jolie, ce
qui ne l'empêche pas déjouer fort bien du piano; elle se-
conde ses frères avec autant d'aplomb que de verve et d'ex-
pression.
M. Corradi a chanté dans ce concert, et M"° Mondutaigny
aussi. Ce terrible air du Freyschiitz qu'elle a dit de toute
sa force , de tout son enthousiasme et de toute son âme ,
comme toutes les cantatrices qui l'essaient, nous a fait penser
au conte d'Hoffmann intitulé: Don Juan, dans lequel il
prouve, à sa manière pittoresque, que le rôle de Dona Anna
est au-dessus des facultés et des forces humaines,. et que toute
cantatrice doit y succomber. L'air de Weber nous semble
toujours de la même famille , et dans la même catégorie : il
est écrasant pour la plupart des cantatrices , et, par consé-
quent, fatiguant pour les auditeurs.
Nous avons remarqué, entre autres morceaux composés et
fort bien exécutés par les frères Dancla, des fragments de
quatuor, un scherzo et un finale d'un style excellent. Il y a
dans ces morceaux du savoir et de l'esprit, ce qui constitue
le vrai compositeur. Ajoutez à cela des idées grandioses, et
vous êtes un homme de génie. M. Dancla a déjà fait les deux
tiers du chemin.
Henri Blanchakd.
ET
Ce qu'apprend aux petites demoiselles la musique qu'on leur apprend.
Dessins de Cavarni.
Le Bobre est un instrument dont vous avez reçu l'effigie
avec notre dernier numéro, instrument très simple, comme
vous avez pu en juger, et particulièrement cher au nègre de
l'île Maurice , autrefois l'Ile de France. Le Bobre ne donne
qu'une seule note, mais, suivant le mot d'un grand homme
(qui n'était pas nègre) , ceux qui aiment cette note sont ravis
et n'en demandent pas davantage. Il est clair que chez une
race qui n'a pas poussé plus loin l'art de la lutherie , les
Stradivarius et les Amati , les Érard et les Pleyel , ne sont pas
même encore à l'état d'embryon. Le Bobre de l'île Maurice
ne saurait sous aucun prétexte entrer en concurrence avec
un violon de Crémone ou un piano de Paris.
D'une civilisation trop peu avancée , passons à une autre
qui l'est peut-être beaucoup trop.
Ce qu' apprend aux fetiles demoiselles la musique qu'on
leur apprend /J...
J'avoue que cela donne à penser ! Jusqu'à cette heure je ne
m'étais pas douté du péril caché sous les (leurs de cet air en
38
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
apparence si bénin , si candide : Ah .' vous dirai-je, maman ?
Décidément Gavarni est un profond moraliste; il a vu le
piège, et il l'a signalé d'un coup de son crayon sauveur. Fé-
nelon eût été de son avis , et dans son traité de V Education
des filles , il n'eût pas manqué de leur défendre à toutes de
chanter ce maudit air : Ah ! vous dirai-je, maman ? ou bien
il en aurait demandé à l'Académie française , qui décerne les
prix de vertu, une édition revue et corrigée à l'usage de la
jeunesse.
A quoi donc songeaient nos pères, qui avaient choisi l'air:
Ah ! vous dirai-je , maman ? pour base et commencement
de toute éducation musicale, comme si, en formant l'oreille,
il ne fallait pas s'occuper aussi de former l'esprit et le
cœur !
Pour l'honneur de nos professeurs modernes , et pour la
tranquillité des pères de famille , il importe de constater que
cet air dangereux disparaît tous les jours de l'enseignement,
et qu'on ne l'entend presque plus chanter par les petites
demoiselles. Heureux l'avenir qui recueillera les fruits de ce
progrès!
M. S.
*;* Aujourd'hui dimanche, à l'Opcra, par extraordinaire, Char-
les J^I, chanté par Duprez , Barroilhct , Levasseur , Massol et
M'"'= Stollz. — Demain lundi la Muette.
,'^* Lundi dernier les Huguenots ont été représentés devant une
nombreuse et brillante assemblée. Duprez a supéiieurement chanté
le rôle de Raoul, et M"» Méquillet a souvent obtenu de légitimes
suffrages dans celui de Yalentine. M">' Dorus-Gras s'est maintenue à
la hauteur de son délicieux talent. M"'^ Nau reparaissait dans le rôle
du page Urbain, qui lui avait valu tant de succès à l'époque de son
début improvisé sur la scène de l'Opéra. Depuis ce temps la jeune
cantatrice n'a rien perdu de sa voix, et a beaucoup gagné en assu-
rance, en «pression théâtrale. Ainsi que nous l'avions prévu, ce re-
tour à un emploi où elle régnera sans rivale n'a recueilli que des
approbations et des bravos unanimes. Même résultai dans le page
du Comte Ory que SI"= Nau a repris vendredi dernier. Octave a fait
preuve de grands progrès dans le rôle principal.
V Le ballet intitulé les Caprices sera représenté dans la première
quinzaine de ce mois,
♦," M. Mengis doit incessamment débuter dans la Favorite.
*«" Quoique Dom Sébastien n'eût pas été représenté à l'Opéra
depuis quinze jours, cet ouvrage n'a exercé aucune attraction sur
le public dans la représentation de celte semaine. Il est malheu-
reux pour les éditeurs de cet opéra que, malgré le charlatanisme de
leurs réclames , le public ne l'adopte pas plus dans le salon qu'au
théâtre.
*,* La représentation donnée samedi dernier à Rouen par Barroll-
bet a produit une recelte de 6,000 francs. Le célèbre artiste jouait le
rôle de iN'otlingham dans Robert d'Evreux; il a de plus cbanlé, en
l'honneur de Louis Brune, l'Inlrépide sauveur normand , une can-
tate dont la musique est de M. Méreaux, et le Muletier de Castilte,
redemandé par tout le public.
%* Le théâtre de Drury-Lanea, dil-on, traité avec Duprez pour
les mois de mai et juin prochains. Il est question d'un opéra nou-
veau qui serait écrit pour le célèbre artiste.
V Demain lundi, au Théâtre-Italien, la Gazza Ladra pour le
bénéfice de Fornasarl.
*," Cflff/iosdo , opéra-comique en trois actes, est annoncé pour
mardi prochain. LaSyrine, autre opéra en trois actes, se répète
activement, ainsi que deux pièces en un acte, Oreste et Pylade, et
le Jabot.
*,* Dérivis, qu'on a vu avec regret abandonner l'Opéra, il y a trois
ans, pour aller se perfectionner en Italie, s'est conquis au-delà des
Alpes une position brillante. Tout distingué qu'il fût au temps où il
suppléait si souvent Levasseur, Dérivis ne pouvait faire présager
par son genre de voix la transformation qui s'est opérée en lui,
par d'opiniâtres travaux bien dirigés , et une force de volonté
guidée par une consciencieuse intelligence. Le fait est que r£i!-
mio *((/yior Derivis est aujourdb'ui un des bassi les plus recherchés
parles grands théâtres d'Italie; la Scala de Milan, ce premier des
théâtres transalpins, l'a rappelé trois saisons conséculives, et Vienne
l'a redemandé une seconde fois avec les chanteurs d'élite que chaque
année réunit au printemps le théâtre impérial de cette capitale.
Ajoutons que quatre partitions par les maëslri Verdi , Imperatori
et Donizeltl , ont déjà été composées pour notre compatriote. Ne
serait-Il pas temps que Dérivis, comme l'ont fait Duprez et Bar-
roilhct, rapportât dans sa patrie un talent déjà estimé avant son
départ, que l'état actuel des basses à l'Opéra semble nous rendre in-
dispensable?
*," M"« Julian, dont on croyait la rentrée possible à l'Opéra, vient
de traiter avec le théâtre de Bordeaux, sa ville natale.
*,* Le ténor Monchelet, qui a débuté cette année avec un grand
succès au théâtre d'Amsterdam, est engagé pour la saison prochaine
à Marseille.
*,* M. Félis père est depuis hier à Paris.
%• Voici le programme des grands concours de 1844, en ce qui
touche la composition musicale : Entrée en loges, le 23 mars ; sortie,
29 mars ; jugement, le 30. — Concours définitif : entrée en loges,
5 avril ; sortie, 30 avril ; jugement préparatoire , 30 mai ; jugement
définitif, 1=' juin.
V Jeudi soir il y avait au Cercle des Arts un concert très re-
marquable , composé presque entièrement de musique ancienne et
classique. M"« Dubré y chantait la grande scène du second acte de
la Vestale , M"" Henri Potier, le duo du Tableau parlant avec Pon-
chard, et l'air de la Fauvette. On y exécutait encore un finale de
VJEllsa de Cherubini , et un admirable quintelto de Mozart pour
piano et instruments à vent. M. Rosenhain tenaille piano.
*,* Les lettres de Berlin parlent du grand succès qu'obtient en cette
ville le violoncelliste F. Servais. Le roi et la famille royale assistaient
au premier concert donné par ce célèbre virtuose. M. Félix Mendels-
sohn-Barlholdy dirigeait ce concert. Servais a excité un grand en-
thousiasme comme compositeur et comme exécutant. La Gazette
d'Etat de Prusse du 21 janvier, en douant à Servais le litre de Pa-
ganini du violoncelle, va jusqu'à dire que, si l'on pouvait établir un
paralélle enlre le violoniste et Servals, l'avantage serait peut-être en
faveur de ce dernier.
*,* Le premier concert de M. Ernst aura lieu le 28 février dans les
salons de M. Herz. Le célèbre artiste exécutera un concerto de Spohr
(op. S, Scena concertante], une Fantaisie sur la marche et la romance
d'Otello, de sa composition; des Variations de Mayseder; et ses
Variations burlesques Intitulées le Carnaval de f^enise, qui sont de-
venues populaires en Allemagne, et le seront autant en France après
qu'on les aura entendues par M. F.rnst.
*/ M. Chevillard, un de nos violonoelllstes les plus distingués et
les plus honorables, donnera un concert le 18 février dans la salle
Pleyel. On y entendra une ouverture à grand orchestre , un duo de
Beethoven exécuté par MM. Halle et Alard, un concerto pour vio-
loncelle et orchestre exécuté par M. Chevillard, une fantaisie et un
caprice pour violoncelle par le même , et enfin un solo de piano par
M. Halle. Nous annoncerons le programme détaillé.
*," Dreyschock est à Bruxelles , où il s'est fait entendre dans une
soirée particulière en attendant le grand concert qu'il doit donner
dans la salle du Vauxall. Ceux qui l'ont entendu partagent Tadmi-
ration que son prodigieux talent a excitée parmi nous. Il vient
d'être nommé maître de chapelle du grand-duc de Hesse. Cet ar-
tiste, qui a obtenu de si brillants succès à Paris l'année dernière, y
est attendu sous peu de jours.
*,* Thalbcrg continue ses immenses sqcccs en Italie; ses Fantai-
sies sur la Donna del J.ago et sur Semiramide font fanatisme. Bien-
tôt Il sera en France, et nous pourrons l'applaudir à Paris, où il don-
nera son premier concert au Théâlre-Itallen.
*,* Tous les grands pianistes de l'Europe se donnent rendez-vous
cette année à Paris. Nous posséderons au mois de mars Thalberg ,
Liszt, Doehler cl Dreyschock. Voilà un véritable congrès de pianistes.
*," M. Conradin Kreutzer est arrivé à Paris pour assister aux ré-
pétitions d'Una Natte a Greiiana, qui doit être représenté cet hiver
au Théâtre-Italien.
*.* M. et M""' Iweins d'Hennin sont de retour à Paris, après un bril-
lant voyage et de grands succès obtenus à de nombreux concerts,
que ces artistes ont donnés dans les villes principales delà Belgique
DE PARIS.
39
et à Lille. Le 24 février, la société Philharmonique d'Arras a donné i
son 2« concert dans lecjtiel M»" d'Hennin a fait entendre un 'grand
air de lu Favorite , le duo de la Reine de Chypre , et la ballade de
Charles F£; elle a obtenu des applaudissements unanimes.
V Parmi les canlatriees-protesseurs que le public des salons ac-
cueille avec une faveur méritée, nous devons citer M"»" C. Leroy, du
Conservatoire. Sa méthode pleine de distinction , sa diction vraie
et bien sentie, jusliGent la réputation qu'elle s'est acquise dans l'en-
seignement du chant.
*,• On vient de construire à Orléans une nouvelle grande salle de
concerts et un hôtel destiné à un Institut musical. L'inauguration
aura lieu le t) février, par un grand concert pour lequel le célèbre
violoncelliste Ernst et la jolie M"" Sabatier sont engagés. Nous ren-
drons compte de cette fête musicale.
V Un fabricant d'instruments à Gotha vient d'inventer des dia- .
posons en miniature, qui peuvent se porter à un« montre , attachés
en guise de clef.
•,* Encore une chute à enregistrer : c'est Riccardo Mour de Fran-
çois Galles , qui a fait un fiasco complet à Naples. On reproche à
juste titre à cet ouvrage le chaos qui régne dans de soi-disant mélo-
dies mal ordonnées, et une instrumentation sans goût et tout-à-fait
insuffisante.
V Le Paradis et la Péri, opéra de Robert Schumann , a été re-
présenté à Leipzig. On s'est demandé si c'était de la musique ou uri
charivari qu'il voulait donner au public.
*,* Le conseil municipal de Wursbourg a décidé que le théâtre,
qui était une propriété particulière, serait acheté par la ville. C'est un
exemple qui devrait être suivi par nos villes de province , car il est
à remarquer que les faillites des directeurs ont presque toujours lieu
dans les villes où les loyers sont onéreux pour eux , et le théâtre
contribue toujours à la richesse de la ville. .
*/ Le nouveau théâtre que l'on se propose de construire en Ha-
novre coûtera 2,b0ft,000 francs; ce sera une des plus belles salles de
l'Europe.
*,* Le directeur de la musique de l'orchestre du théâtre royal de
Berlin , M. Schneider, donne cet hiver quatre concerts de musique de
chant classique. On remarque dans les programmes les noms : Du-
rante, Palestrina, Haydn, Cherubini et Spohr.
*,* L'engagement de M"" Schroeder-Devrient au théâtre de Dresde
a été renouvelé pour deux ans; on n'osait le faire de plus longue du-
rée, la célèbre cantatrice ayant passé la quarantaine.
*»* M. Dehn, le célèbre professeur de musique à l'Université de
Berlin , vient de taire un cours sur la musique moderne.
\* On a représenté à Berlin l'opéra nouveau de Wagner : le Hol-
landais errant. Cel ouvrjige a obtenu du succès; la première repré-
sentation a été dirigée par Meyerbeer, les deuxième et troisième par
l'auteur.
*/ Parmi les nombreux candidats qui se mettent sur les rangs
pour la chaire de musique vacante à l'université d'Edimbourg, il
faut citer le chevalier Catruffo. Est-ce l'auteur d'un opéra-comique
déjà oublié, Félicie , où avait surnagé une romance ; La sympathie
est le lien des âmes ?
*,'* La vogue prodigieuse du bal de l'Opéra s'augmente toujours.
Pour ces fêtes si singulièrement populaires, la réclame est devenue
une vérité.
» * Le bal de l'Opéra-Comique a pour lui la faveur qui s'attache
au lendemain sans lequel il n'y a pas de belles fêtes. La foule s'y
porte avec un empressement périodique.
%* La littérature vient encore de faire une perte douloureuse en
la personne de M. Charles Nodier, dont les obsèques ont eu lieu lundi
dernier, à l'église Saint-Paul-Saint-Louis. Pendant la messe et au
momentde l'élévation, M.Elwart, compositeur, ancien élève de Rome,
a fait exécuter par quelques uns de ses amis un Pie Jesu , sans ac-
compagnement, qu'il avait écrit à cette intention. Ce morceau, d'une
harmonie douce, d'un sentiment mélancolique et religieux, tait le
plus grand honneur au talent et au cœur de l'artiste. Au cimetière
du Père La Chaise, des adieux touchants ont été adressés à Nodier
par MM. Etienne, directeur de l'Aadémie française; Cayx, député et
l'un des bibliothécaires de l'Arsenal , et par M. le baron Taylor, l'un
de ses plus anciens amis.
*,* P^ersailles , 21 janvier. — La Juive vient d'être donnée sur notre
scène avec une pompe , un luxe vraiment inouï dans nos murs. Ce
soir a lieu la troisième représentation , et l'on devra refuser des
billets à la porte , car le succès des deux premières fait présager une
continuité d'abondantes recettes. Décors, costumes, accessoires, tout
est nouveau, frais et gracieux, de sorte qu'avec les artistes de mérite
que nous possédons, M. Chapiseau doit arriver à ne pas regretter les
dépenses énormes auxquelles il a été entraîné. On rira peut-être, on
doutera du moins si, à propos de ce succès, nous osons penser à une
comparaison avec l'Académie royale de Musique; cependant, rien
n'est plus vrai qu'après avoir entendu la Juive à Paris, nous l'avons
vue avec plaisir à Versailles. Sur notre scène , elle ne laisse rien à
désirer, si ce n'est un plus grand espace , qui permette à la pompe
des 1", 3= et 5« actes un plus ample développemenl.
CBiroBîisjaae éta°asBgère.
*,.* Bruxelles. — Le bal offert par le roi aux sociétés de la Grande-
Harmonie et de la Philharmonie a eu lieu hier au Grand-Théâtre.
Depuis plusieurs mois cette fête faisait dans tous les cercles de la so-
ciété de Bruxelles le sujet des conversations. Malgré les choses pres-
que merveilleuses qu'on avait annoncées d'avance, la tète a été plus
resplendissante encore qu'on ne pouvait s'y attendre. Le roi voulait
que le bal fût magnifique; pour obtenir cejésultat, S. M. avaitdonné
l'ordre de ne rien épargner.
— La musique a été convoquée pour l'inauguration du bazar de
la rue Ducale. L'élite des musiciens du Conservatoire belge s'était
rendue à cet appel , et a fait, entre autres morceaux, applaudir une
exécution chaleureuse de l'ouverture du Comte d'F/imont.
*," Londres. — On vient d'exécuter des mélodies hébraïques qui re-
montent, dit-on , jusqu'aux temps les plus anciens, et qui , trans-
mises par la tradition orale, ont été recueillies par les rabbins. Sans
discuter ici ce point de controverse musicale , bornons-nous à dire
que ces mélodies se divisent en deux séries, l'une toute religieuse ,
l'autre consacrée aux passions et aux sentiments de la vie sociale.
Elles ont été revêtues des formes indispensables de l'art moderne,
parM. Louis Léo, et ont trouvé d'habiles interprètes, notammentle
chanteur Philips, qui a chanté avec beaucoup d'éclat l'air de
triomphe de Moïse après le passage de la mer Rouge. On a aussi re-
marqué une chanson d'amour. — M. Haynemayer, jeune violoncel-
liste natif de Westphalie, produit une vive sensation dans les cercles
artistiques de Londres. La manière hardie dont il exécute des passa-
ges qui semblaient jusqu'ici impraticables sur son instrument , lui
a valu le surnom de Paganini du violoncelle.
— A rOpéra-Italien de Londres , il se prépare quelques change-
ments ; on croit que la signora Favanti , qui a eu un si beau début à
Naples, remplace M°" Moltini. La signora Favanti (miss Edwards)
est élève de l'Académie royale de Londres ; dans les concerts donnés
par cet établissement elle s'était fait remarquer par la beauté et la
puissance de son organe ; toutefois elle laissait beaucoup à désirer
sous le rapport de la méthode.
— M,"W. H. Holmer, professeur de piano à l'Académie royale de
musique de Londres, a donné sa première soirée musicale dans la
salle de Willis, Ring-Street. A côté de lui se sont fait entendre
MM. Séguin, Parry, Cramer, Gustave Brandt et M"'" Messent et
Steel; tous ces artistes se sont fait applaudir par un nombreux audi-
toire.
— M. Thomes Allmann, à Londres , publie un choix de psaumes
et d'hymnes, pour une ou quatre voix, avec accompagnement d'or-
gue ou de piano.
*,* Weimar. — Le céièbre Liszt est ici depuis un mois comme maî-
tre de chapelle de S. A. R. le Grand-Duc , à la tête de l'orchestre, et
occupe ainsi la place de Hummel. L'orchestre se ressent de sa vive et
fougueuse direction et s'améliore beaucoup. Les chefs-d'œuvre de
Beethoven, de Weber et Meyerbeer, que Liszt a mis'au répertoire, ont
été reçus avec enthousiasme par le public, qui aussi applaudit beau-
coup le grand pianiste quand il exécute ses compositions , et surtout
ses fantaisies sur Don Juan , Robert-le-Diable et sa seconde marche
hongroise. Les airs que Liszt a publiés à Berlin sous le titre le Lione
des Lieder, excitent fanatisme quand il les accompagne. Ses Lieds ,
Lurley de Heine, Mignon de Goethe, sont délicieux. Le second vo-
lume de cet ouvrage, contenant six poésies lyriques de Victor Hugo,
est attendu avec impatience.
— Ona dernièrement faitdevant la reine Victoria, dans la chapelle
particulière, une répétition soient :;lle delà musique sacrée compo-
40
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
sée par son époux, le prince Albert. L'orgue était tenu par le docteur
Elvey, qui présidait à cette épreuve intéressante.
•," Berlin , 23 janvier. — Dans la soirée d'hier, de graves désordres
ont eu lieu dans notre capitale. Voici à quelle occasion. I.es acteurs
du Théâtre-National et ceux du Théûlre-Royal du grand Opéra de
Berlin , selon un usage qui remonte au règne de Frédéric-le-Grand ,
donnent tous les hivers , au bénéfice des artistes dramatiques indi-
gents, une représentalion composée de trois parties distinctes , sa-
voir: 1» L'exécution de quelques fragments de pièces de théâtre ;2o la
déclamation de divers poèmes ; 3" un concert. La représentation de
l'hiver actuel était fixée à hier, au Théâtre-National, et le programme
du concert avait en effet de quoi piquer au plus haut degré la cu-
riosité publique: il annonçait, entre autres morceaux , des chants
nationaux de divers peuples de l'Europe, et qui étaient choisis et
rangés de manière que chaque chant purement monarchique était
suivi d'un autre qui rappelle des souvenirs révolutionnaires; ainsi,
après le chant f^ive Henri IF! venait la Marseillaise; après God
save ihe Queen , le Chant du Départ ; après Dieu conserve l'Empereur
( d'Autriche ! ) VHymne de Riego , etc. Ces chants avaient été instru-
mentés exprès pour l'occasion par noire habile maître de chapelle
Charles Tauler, et ils devaient être chantés , dans les langues orien-
tales , par les premiers sujets de nos théâtres lyriques et un grand
nombre des diletianti les plus distingués de Berlin. Le jour même où
le programme de la représentation fut affiché, tous les billets furent
enlevés, et le roi lui-même en envoya chercher quatre, que S. M.
paya 25 frédérichs d'or (520 fr. ). Dans la matinée d'hier, les billets
étaient si recherchés qtie ceux qui coûtaient 1, 2, 3 et 4 thalers(4, 8,
12, 16tr.) se vendirent au quintuple de leur prix primitif. Bien que
les portes du ihéàtre ne dussent être ouvertes qu'à sept heures, elles
étaient, dès trois heures, assiégées d'une foule immense, qui se grossit
sui cessivement, et finit par couvrir la vaste place où est situé le théâ-
tre. A cinq heures déjà les voitures commençaient à arriver, et leur
nombre devint si considérable, que les rues voisines s'en trouvèrent
encombrées. Cependant, à sept heures un quart le théâtre n'élait pas
encore ouvert , ce qui fit murmurer tout haut la foule impatiente ,
qui néanmoins semblait vouloir se résigner à attendre. A sept heures
et demie , quelques voix de stentor, parmi le peuple, firent retentir
l'air des cris de : «Ouvrez donc 1 ouvrez donc! » qui furent répétés
en chœur par plusieurs milliers de personnes. Alors un des régisseurs
du théâtre parut sur le balcon, et après avoir fait les Irois révérences
usitées sur la scène , lesquelles toutefois excitèrent la plus bruyante
hilarité , il dit d'un ton timide que , par suile d'un empêchement
survenu à l'instant même , la représentation ne pourrait pas avoir
lieu , mais que le lendemain le caissier du théâtre rendrait l'argent
contre la remise des billets. Celte annonce coïncidant avec le bruit
qui se répandit au même moment, que le gouvernement avait dé-
fendu la représentation pour être agréable à quelques membres du
corps diplomatique, qui regardaient comme scandaleuse l'exécution
de chants révolutionnaires sur un théâtre public de Berlin, devint le
signal du plus vif méconlenlement. On cria de tous les côtés : « A bas
la police! vive le peuple ! vive la liberté ! » Et aussitôt des pierres
furent lancées contre les croisées du théâtre , dont les vitres volèrent
en éclats. Des agents de police sommèrent le peuple de se disperser;
mais, loin d'obtempérer à cet ordre, la foule l'accueillit avec des
huées , se tint immobile et compacte , et enlonna les airs de la Mar-
seillaise et Y Hymne de Riego. Alors, la force armée intervint. Les
gendarmes et les dragons chargèrent à trois fois la foule, qui, après
avoir essayé une résistance inutile, se vil forcée de se retirer, en lais-
sant sur la place environ cent vingt individus blessés. La police et
les troupes ont fait de nombreuses arrestations, dont les uns portent
le chiffre à deux cents, d'autres à trois cents et même à quatre cents
personnes. La justice a dû commencer aujourd'hui l'instruction de
cette affaire, qui a causé ici une vive émotion.
— M. Meyerbeer est de retour, mais n'a pas encore pris la]direc-
tion de l'orchestre; il y a même des personnes qui prétendent qu'il
a offert sa démission pour le cas où le roi n'accepterait pas ses pro-
positions pour l'amélioration de l'opéra. Les Huguenots ont été remis
à la scène avec M"'» Schroeder-Devricnt et M. Hartiuger; cet opéra a
excité ici, comme partout, un vif enthousiasme. Roberi-le-Diabte est
maintenant en répétition ; M"'= Schroeder chantera le rôle d'Isabelle.
— Le célèbre ténor iMoriani continue, pendant son séjour à Berlin,
ses représentations au théâtre, et l'effet qu'il avait produit dès son
premier essai s'augmente chaque fois : après avoir chanté dans Fm-
crezia et dans fSelisario, où il s'était montré admirable dans le genre
passionné aussi bien que dans le genre de force , hier il a chanté le
rôle d'Edgardo dans Lucia di Lammermoor avec une telle perfection ,
qu'il a été couvert d'applaudissements après chaque morceau. Le cé-
lèbre chanteur se fera entendre encore dans la Favorita de Doni-
zetli , dans les Puritani , la IVorma et le Giuramento.
— Nous avons maintenant beaucoup de jouissances musicales.
Avant-hier Servais , hier Moriani , aujourd'hui M""^ Devrient : que
nous manque-t-il pour avoir un vrai paradis musical? Incessamment
grande soirée musicale chez lord Westmoreland , -qui doit également
nous faire entendre sous peu une grand'messe de sa composition; elle
sera exécutée p-ir l'Académie de chant.
*/ Munich. — Zaïde, opéra de M. Poils, a été représenté Ici avec
un luxe de décors et de costumes presque inouï chez nous. Cet ou-
vrage a obtenu beaucoup de succès.
*," Milan. — Nos journaux annoncent le brillant succès obtenu
par M""" Monténégro dans le rôle de Norma au théâtre de la Scala.
*," Lucques. — L'opéra il Ritorno di Columella da Padova a fait
fiasco.
*,"> Pétersbourg. — Par ordre de l'empereur, le privilège de donner
des bals masqués est désormais restreint à la direction des théâtres
et au club des nobles. Ces sortes de réunions sont formellement inter-
dites aux clubs et cercles particuliers.
V Madrid. — José Martos, l'auteur de l'opéra espagnol Velleda,
qui a obtenu un succès d'éclat à Grenade , vient de se rendre à Ma-
drid ; l'on espère que, malgré l'incurie du gouvernement, on lui
offrira l'occasion de donner un nouvel essora son talent.
*," Barcelone. — A l' Opéra-Italien on a donné récemment ^oima,
avec M"" Emilie Goggi. Cette cantatrice avait à lutter contre les
souvenirs de M""« Brambilla, qui a créé autrefois le rôle de Norma,
Au théâtre de Santa-Cruz, le succès de M"»» Goggi a été complet;
dès la cavatine du premier acte , applaudissements , bouquets et cou-
ronnes. M"»» Gazzelio (Adalgise), M. Verger (PoUion), se sont égale-
lement fait applaudir. Incessamment: la Muette,. Roméo et Juliette
et les Deux Figaro , musique du signor Esperanza.
*,* Alexandrie (Egypte). — Le premier ténor du Théâtre-Italien a
été arrêté et conduit à Livourne; il est accusé d'avoir provoqué à la
guerre civile.
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GAZETTE MUSICALE
MM. ANDERS, G. BENEDIT, BERLIOZ, Hehbi BLANCHARD,
MAL'iiiCE BOURGES. F. DANJOll, DUESBERG , FÉTIS père, Édouabd FÉTIS, Stepueb HELLER, J. JANIN,
G. KASTNER, LISZT, GEORGE SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
Paraissant tous tes IHntanehes,
IL SERA JOEVT A CHAQIŒ; NTWÉRO UK DESSIN INÉDIT DE GAVABNI.
Le â" et le â5 de cliaqne mois on recevra un morceau de musi^iao*
SOMMAIRE. Un livre de première nécessité; par MAURICE
BOURGES. — Conceil de M, Hector Berlioz; par MAURICE
BOURGES. — Coup-d'œil musical sur les concerts de la semaine;
parQ.BL.ANCHARD. — Correspondance particulière : Bruxelles.
— Nouvelles. — Annonces.
lE MARQUIS ■D'&.m.O-ENT COURT. Dessin de GAVAKBiTI.
MM. les Abouiiés oui* reçu avec Be S' in»-
luéro , MjC MSiabte t'owge , Album de
3â valses, et avee le S', MJ Attilatotise ,
3' -walse «le E. 'Wollf. — Uia accident arrivé à
la pierre iioias oMige de reasiettre la publica-
tion' des Portraits des Coiinposîtenrs dra-
matiques célèbres aai mois procliain.
UN LIVRE DE PREMIERE NECESSITE.
as bons livres sont
jrares. Rien de
jinieux établi que
cet axiome clans les
■rts et les sciences;
ien pourtant de
• moins généralement reconnu parmi les
musiciens, surtout en ce qui regarde la
composition. A les entendre , chacun sé-
parément et selon son intérêt, les ouvrages
didactiques complets et raisonnes ne font
point faute ; ils sont gens à vous en citer, non
pas un , non pas dix , mais vingt , trente et
au-delà , sans sortir de la période moderne.
Par malheur, tous ces écrits, si riches selon eux,
si entiers , si suffisants, se réduisent à des
compilations indigestes , à des spéculations trop
souvent arbitraires , à des séries d'observa-
tions classées sans ordre , sans logique , pas toujours exac-
tes, et, ce qui est pis, présentées sous une forme aride et
soporifique.
Reinarquez bien C|ue je ne parle même pas du nombre in-
fini de copies plus ou moins adroitement déguisées , qui re-
produisent à satiété , sans la moindre addition ou correction,
ce que tant d'autres avaient emprunté et calqué avant elles.
Je m'en tiens aux ouvrages théoriques qui se piquent d'aper-
çus neufs, de simplification et d'esprit systématique. Or,
depuis cinquante ans environ , cette prétention a été terri-
blement affichée, sans qu'il en soit sorti le plus petit livre qui
ait donné une solution satisfaisante à tous les problèmes de la
science et de la philosophie musicale.
Certes, il y aurait souveraine injustice à nier les incontes-
tables services de détail que plusieurs de ces traités ont rendus
à l'enseignement. L'opinion publique , en signalant leurs au-
teurs, me dispense d'en faire ici l'énumération. Mais enfln ,
tout respectables que ces écrits puissent être , en raison du
nouveau jour qu'ils ont parfois jeté sur quelques points épars,
et du progrès qu'ils ont déterminé dans certaines parties de
l'art de professer , ils ne sauraient désarmer la critique et la
réduire au silence. Loin de là. Elle voit trop bien la quantité
de lacunes , de contradictions , de non-sens , d'erreurs mani-
festes , de conclusions fausses , que renferment tant de volu-
mes imparfaits. Elle sent qu'il n'y a là ni principe vital d'unité,
ni liaison générale , ni conséquences inattaquables logique-
ment déduites d'un critérium absolu. Ce sont , il est vrai ,
d'utiles renseignements , des recueils quelquefois bons à con-
sulter, des matériaux à mettre en œuvre , tout un travail
préparatoire ; mais rien de définitif , de grand, de solide , qui
mérite le beau titre de corps de doctrine.
Aussi qu'advient- il de toutes ces productions mal digérées,
sans nœud, sans suite et platement écrites? Elles disparais-
sent peu à peu de la circulation avec le professeur qui leur
a dopné une vogue éphémère , et n'existent plus que dans
SURSAUX B'ABON'N'EMEN'T, RUE RICHEIiIEU , 97.
42
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
la poudreuse obscurité des bibliothèques pour les savants ou
les amateurs d'érudition stérile.
Mais quoi ! dira-t-on , voudriez-vous nous persuader qu'il
n'y a pas un seul traité de coniposisioa bien conçu , suffisam-
ment écrit , et qui ait résolu toutes les questions théoriques?
Je ne prétends pas imposer mon opinion. Je laisse agir la
puissance des faits, et consens volontiers à être cojivaincu
d'erreur, si parmi les ouvrages didactiques publiés jusqu'à
ce jour, on m'en indique un seul où l'on ne découvre à
l'instant l'omission absolue des difficultés les plus graves, et
des vérités capitales. Qu'on ne s'y trompe pas ; tout est à
faire à cet égard ; ou du moins , si cet ensemble souhaitable
est réalisé quelque part , le monde musical n'en a pas reçu
la confidence. Voilà pourquoi j'appelle de tous mes vœux ce
livre de première nécessité , encore inédit.
D'où vient pourtant qu'un travail évidemment indispensa-
ble n'a pas été accompli, à une époque surtout où les besoins
de la pensée sont universellement compris et satisfaits ,
comme à l'envi, dans toutes les autres branches de l'art ou de
la science ? Il y a à cela quelques raisons décisives. En géné-
ral, tous ceux qui se mêlent d'écrire sur la musique et d'en-
treprendre l'explication dogmatique de certaines parties iso-
lées, ou même de l'ensemble , ont donné beaucoup de temps
à la pratique , mais fort peu aux réflexions , aux recherches,
aux études préliminaires. La philosophie n'est guère le lot
des musiciens en France, leur vie, presque toujours tumul-
tueuse, absorbée par les intérêts matériels, vouée à l'ac-
tion eSkiérieure , ne leur permet pas de miirir , de développer
cet esprit d'examen , de pénétration , qui s'élève rationnelle-
ment de l'effet à la cause.
D'autre part , lorsque des philosophes font à la musique
l'honneur de s'en occuper , ils s'égarent bien vite , précisé-
ment parce qu'ils ne sont pas suffisamment approvisionnés
de ressources expérimentales. Faute de cet empirisme indis-
pensable , ils poursuivent des utopies hasardées , des rêve-
ries , et entassent ces divagations prohxes qui font hausser
les épaules au praticien et le conduisent , par un faux raison-
nement , au mépris de la science réelle , confondue à tort
avec de vaines hypothèses.
Que faudrait-il donc à l'homme qui voudrait laisser après
lui un livre fortement pensé , fidèle exposition de la nature
des choses? une grande expérience dans l'art d'écrire en
musique , une longue habitude de l'enseignement , une im-
mense lecture spéciale et rétrospective , une aptitude pîir-
ticulière à l'examen approfondi des moindres détails , un
entier détachement des préjugés de routine ; enfin , et par-
dessus tout , un besoin impérieux de méthode rationnelle. Si
l'on avoue que tant de conditions obligatoires sont très diffi-
ciles à réunir, on comprendra sans peine comment il se fait
que nous en soyons encore à regretter l'absence d'un livre
aussi désirable. Et cependant l'insuffisance de tous ceux qu'on
met entre les mains des élèves et qui sont bien éloignés de
leur donner des idées justes, rend plus nécessaire que jamais
la publication d'un ouvrage vraiment philosophique , qui
marche de niveau avec les créations de l'art moderne. Dans
la doctrine , en effet , que de points obscurs ! que de ques-
tions voilées d'ombre ! Sans doute on a fait de grands pas
depuis un siècle. Mais combien la route est longue encore avant
d'avoir atteint la vérité , et pénétré le principe radical de
la science ! Combien de faits curieux à exploiter , à constater,
h rattacher à une souche commune , à une famille distincte !
Depuis l'avènement de notre tonalité , qui a détrôné celle
du plain-chant et réalisé si vite la conquête de l'Europe, fort
peu d'écrivains ont sérieusement songé à sa constitution , à
sa nature , à son origine , à son avenir. Aucun des livres mis
au jour n'a démontré , n'a laissé même entrevoir le désir de
démontrer l'existence forcée d'un principe générateur , es-
sence de cette tonalité , les causes naturelles de la forme de
notre gamme , de la production des accords , et des lois
immuables qui règlent impérieusement leurs rapports de
succession.
Vainement on chercherait ces considérations et quantité
d'autres de l'ordre le plus élevé dans les volumes sans nombre
écrits sur la composition musicale. Il n'y en a pas trace. Pas
un ne s'est soucié de lui donner une base mathématique ,
fondée en fait et en logique.
Les hommes du monde , parfaitement incapables d'appré-
cier la gravité de cette matière , et trop indifférents pour
accorder quelque importance à la discussion d'un art réputé
d'agrément , s'en reposent sur le préjugé. Les musiciens
eux-mêmes (j'eiitendsla masse) s'écartent avec une sorte de
dégoiît de tout ce qui a les apparences austères de la théorie
spéculative, qu'ils traitent d'inutilité , avec une confiance
souverainement ridicule. Fort peu lettrés , d'ailleurs , ils se
déclarent incompétents pour juger ces débats, tout en se ré-
servant de les trouver frivoles et stériles , puisqu'ils exercent
leur art sans cet auxiliaire.
Reste donc la critique; mais la critique, telle qu'elle est
faite aujourd'hui , n'est rien moins que profonde. La très
grande majorité de ceux qui la représentent ne compren-
draient même pas sans- doute ce dont il s'agit ici. Et puis,
qu'arriverait-il au feuilletoniste qui s'aviserait de parler sé-
rieusement d'une chose sérieuse? On se dispenserait de le
lire , sous prétexte qu'il est savant, c'est-à-dire , en style de
beau monde , pédant et ennuyeux.
Mais qu'importe! l'homme assez ami de son art pour en
vouloir sonder les causes premières , et travailler à expliquer
les mystères de la science , ne doit pas , ne peut pas reculer
devant les obstacles que lui oppose l'inertie obstinée de la
routine et de l'ignorance railleuse. Après tout, une vérité
reste , domine à la longue un siècle entier, et illumine à ja-
mais le nom de celui qui l'a conquise. C'est là une belle
récompense de tant de travaux , d'abord incompris et dé-
daignés.
Un homme éminent , qui a droit de faire autorité , dans le
monde musical, par ses vastes études, ses écrits et son esprit
de critique aussi juste qu'élevé, M. Fétis, annonçait, au
commencement del8/il, un ouvrage du plus haut intérêt
sur la philosophie de la musique. L'importance d'un sujet
aussi neuf, le mérite de l'auteur et les développements que
notre célèbre collaborateur promettait dans un plan abrégé
de son livre , avaient inspiré aux musiciens sérieux un grand
désir d'en voir hâter la réahsation. Trois années cependant
se sont écoulées , et rien , que je sache , ne témoigne l'appa-
rition prochaine d'un si curieux ouvrage, attendu par plu-
sieurs avec impatience.
Une pensée analogue, quoique autrement conçue, à ce
qu'il paraît , avait frappé , il y a déjà bien longtemps , un
esprit non moins judicieux. Taiit il est vrai qu'un besoin po-
sitif se fait comprendre aux hommes d'élite d'une époque ,
les anime , les pousse , à l'insu les uns des autres , à combler
de tout leur pouvoir le vide laissé dans le domaine de la
science. Un artiste du plus grand talent , professeur habile ,
penseur profond, et savant très-éclairé, M. Barbereau , après
d'immenses travaux préparatoires , se trouve , dit-on , en
mesure de livrer incessamment au public un traité de com-
position , qui a occupé la plus belle portion de sa vie , et tel
que peuvent le souhaiter ceux qui aspirent à la solution de
DE PARIS.
&3
problèmes jusqu'ici négligés. Un événement aussi remar-
quable ne saurait passer inaperçu. L'apparition de ce livre et
les quelques leçons dont l'auteur doit , assure-t-on , l'ac-
compagner , sont un fait trop important pour qu'un journal
aussi franchement consacré que la Gazelle aux grandes ques-
tions musicales, ne s'en occupe pas spécialement. C'est donc
un engagement que la critique prend ici , et qu'elle se fera
honneur de tenir. Dans cette publication elle désire vivement
rencontrer la réalisation de ses espérances. Si elle se trom-
pait , elle élèverait de nouveau la voix pour appeler, jusqu'à
ce qu'il se montrât , l'ouvrage didactique, qu'elle croit et
déclare un livre jusqu'à présent inconnu , et pourtant un livre
de première nécessité ! Puisse-t-elle être entendue !
Maurice Bourges,
GOliCERT DE M. H. BERLIOZ.
teux mots suffiraient pour qualifier l'effet général du
concert donné le 3 février par M. Berlioz, deux
mots bien courts sans doute , mais qui en disent plus
qu'ils ne sont gros : Bon et beau ! N'est-ce pas l'éloge
le plus complet et le plus bref? Mais un résumé aussi abrégé
n'accommode pas le lecteur. Il veut savoir les détails d'une
solennité musicale que recommande puissamment le nom du
bénéficiaire (si bénéfice il y a , lorsqu'un artiste désintéressé
n'épargne rien pour traiter le public avec magnificence). Eh
bien donc, scrupuleux lecteur, prêtez attention; je com-
mence. Mais avant tout laissez là ce i^rogramme , s'il vous
plaît : le chapitre des indispositions et des substitutions for-
cées y a porté le désordre. Avec M""* Nathan-Treillet souf-
frante , l'Alceste italienne et la Marguerite ont dû garder la
chambre. Toute la perfection de la méthode exquise de
M™ Dorus-Gras n'a pu entièrement consoler les amateurs ,
qui comptaient sur l'œuvre peu connue de Gluck et sur la
nouvelle scène de Faust. Il est vrai que l'hivitalion à la
Valse, si merveilleusement instrumentée par M. Berlioz, et
sa ravissante Marche des Pèlerins, ont bientôt rasséréné
l'auditoire enthousiasmé. Je saute à pieds joints sur les beau-
tés de ces deux morceaux, aujourd'hui populaires; je passe
rapidement sur les fragments divers de la Symphonie de Ro-
méo , qui ont été analysés déjà bien des fois. Je vous suppose
trop bon musicien , respectable lecteur, pour n'avoir pas en-
tendu ces compositions de premier ordre , et lu tout ce qu'on
en a écrit de justement élogieux. Me voilà dispensé de vous
en dire autre chose , sinon qu'elles ont obtenu un triomphe
de plus.
J'ai hâte d'en venir aux ouvrages entièrement nouveaux
exécutés pour la première fois dans ce concert. En dépit de
la négligence incroyable avec laquelle le choeur d'hommes a
chanté la ballade d'Hélène, et quoique l'absence de plusieurs
voix de basse ait rendu l'exécution plus qu'imparfaite , ce petit
morceau , divisé en trois couplets, a été jugé d'un rhythme
original et d'un style piquant. L'harmonie a de l'imprévu , et
l'ensemble , bien saisi , est susceptible de beaucoup d'effet.
Une prochaine revanche est due à cette ballade , qui en vaut
certainement la peine.
L'Absence , charmante mélodie d'un caractère tendre , a
reçu un favorable accueil. M"° Recio en a bien rendu l'accent
expressif.
V Hymne , transcrit pour les six instruments à vent de
M. Adolphe Sax , n'avait pas originairement la destination
que M. Berlioz lui a assignée dans ce concert. Composé sur
des paroles , cet hymne a été chanté à Marseille avec grand
succès. En le réduisant pour en faire un sextuor instrumen-
tal, l'auteur a voulu simplement offrir à M. Adolphe Sax
l'occasion de produire en public des inventions ou des per- •
fectionnements , dont presque tous les compositeurs et les
critiques distingués de l'époque ont apprécié le mérite. Voici
l'impression généralement éprouvée par l'auditoire. La petite
trompette à cylindres en mi bémol , le petit bugle à cylindres
en mi bémol aussi , le grand bugle à cylindres eu si bémol ,
la clarinette-soprano, la clarinette-basse et le saxophone,
ont paru d'un beau timbre et d'une sonorité aussi pleine que
satisfaisante. Si les praticiens ont seuls le droit de prononcer
sur les difficultés du mécanisme, dont ils sont les juges natu-
rels, toute oreille bien conformée et tant soit peu exercée est
compétente pour apprécier la qualité de son d'un instrument.
L'opinion publique a ratifié par ses suffrages les tentatives de
M. Adolphe Sax , tout en reconnaissant que , malgré leur ta-
lent incontestable , les exécutants n'avaient pas eu le temps
de se familiariser assez avec ces instruments nouveaux ; mais
ceci n'est que secondaire. D'autres épreuves plus spéciales et
préparées de plus longue main finiront par porter la convic-
tion dans tous les esprits exempts de partialité.
Je reviens aux œuvres de M. Berlioz , dont cette digression
incidente m'avait éloigné , mais auxquelles me ramène le
bruit des applaudissements et des bravos multipliés. Une ou-
verture redemandée avec transport, et bissée à l'instant
même , à la grande satisfaction de l'auditoire , n'est pas chose
ordinaire; une composition magnifique a seule ce pouvoir
d'entraînement ; et certes je ne crains pas de qualifier ainsi
l'ouverture àa Carnaval romain. Les cent bouches du feuil-
leton répéteront cet éloge sous toutes les formes , et s'éver-
tueront à peindre le côté poétique , la partie expressive de ce
bel ouvrage. Une analyse succincte de son développement
technique convient davantage à la spécialité de ce journal.
Trois mouvements successifs divisent l'ouverture écrite en
la majeur. Le premier, alietjro très vif à six-huit , fait pres-
sentir brièvement la mélodie fougueuse qui joue plus loin un
si grand rôle. Le second est un andante à trois temps en xit
majeur. On y a remarqué avec admiration les dispositions
habilement variées , dans lesquelles M. Berlioz présente un
chant délicieux extrait du trio vocal de Benvenuto Cellini.
Récitée d'abord par le cor anglais avec un accompagnement
à contre-temps du quatuor pizzicato , puis reproduite enwi
majeur par les altos sous un contre-sujet de première flûte
et de première clarinette, cette noble mélodie reparaît traitée
en canon à l'octave avec une richesse d'effet surprenante.
Le groupe des bassons , des violoncelles et des altos , qui la
disent ensemble , est imité à un temps de distance par les
violons , les flûtes et les hautbois réunis.' L'harmonie large et
pleine, qui flotte en dessins variés sous ce chant majestueux,
acquiert un intérêt plus piquant par le rhythme singulier et
la sonorité toute carnavalesque de deux tambours de basque,
des cymbales, destymbalesetdu triangle. Le troisième mou-
vement, allegro vivacc à six- huit, débute avec sourdines par
une phrase fine, légère , chuchotante, etd'une couleur mys-
térieusement folâtre. Cette partie de l'ouverture , écrite avec
un ménagement très adroit des effets d'instruments à vent,
est heureusement opposée à l'explosion du fortissimo, qui
éclate en mi majeur. Rien de plus chaud , de plus vigoureux ,
de plus ivre que ce second thème délirant , échevelé. Rien de
plus éblouissant et aussi de plus habile que l'art avec lequel
Uk
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
l'auteur l'a trailé. La secousse électrique imprimée par celte
pensée étourdissante redouble d'intensité après le développe-
ment intermédiaire, où les deux motifs de l'allégro passent
et repassent, mélangés, contrastés avec cent beautés de dé-
tail qui échappent à une analyse rapide. Ce qui frappe vive-
ment, c'est le retour du chant de l'andante, interprété par
divers organes, tandis que les seconds violons répèlent obsti-
nément et dans un rhythnie dansant le la grave sur la qua-
trième corde.
Le temps et l'espace ne me permettent pas d'insister sur
une foule de passages aussi neufs que bien réussis, j'indique-
rai seulement, pour terminer, la rentrée du second thème
de l'allégro , dont l'allure frénétiquement joyeuse , inspirée
des bacchanales, semble encore plus saisissante dans le ton de
la majeur. La péroraison, engagée par quelques imitations
serrées de cette phrase étincelante , s'élève en crescendo
jusqu'à une explosion nouvelle, qui clôt dignement cet ad-
mirable morceau. Grandeur d'idées et grandeur d'effets,
inspiration chaleureuse et rare talent de facture , rien ne
manque à cette œuvre, qui comptera désormais entre les
plus belles pages dues à la plume de M. Berlioz.
Maurice Bour.CKS.
mmw^^m^mËm mwmËmâ.m
IiXS CONCERTS D£ I,A SEMAINE.
ertains petits jour-
naux qui voudraient
éterniser le vieil es-
prit français , c'est-
à-dire le calem-
bourg, les jeux de
mots, les rébus, nient le goût et le mou-
vement musical qui se sont manifestés
depuis quelques années en France , et
qui sont en progrès; il faut pourtant bien
qu'ils en prennent leur parti : ce mouvement
devient plus national tous les jours, car il
satisfait en même temps le cœur et cet esprit
d'analyse que nous portons jusque dans nos
plaisirs intellectuels. Il y a tout à la fois dans l'art
musical sensation physiologique et science .spécu-
lative.
Les concerts seront donc, à ce qu'il paraît,
aussi nombreux cette année-ci que les années précédentes.
Nous avons assisté à celui que M. Félix Planque a donné chez
Pleyel le 3 de ce mois. Ce concert avait réuni une nombreuse
et brillante assemblée. M. Planque , engagé pour l'année pro-
chaine au Théâtre-Italien de Londres, qui a commencé son
éducation, musicale par la méthode "Wilhem et qui a fini par
obtenir un prix de chant au Conservatoire, possède une
belle voix de basse; il a dit dans ce concert son air habituel
A'OEdipe, h Moîwe.de Meyerbeer, et l'air du charlatan dans
le Philtre, de M. Auber. Ilîi mérité les applaudissements qu'il
a obtenus. En reconnaissant que le bénéficiaire a été fort bien
secondé par MM. Goria , Verroust , Rignault , Constant,
Lac, M-»" Sabatier et Duvillard , nous devons dire aussi que
ce concert , qui devait commencer à huit heures , d'après les
billets, n'a commencé qu'à neuf heures, ce qui peut passer
pour une extension un peu trop élastique du quart d'heure
de grâce. Nous croyons utile aux artistes, et surtout au public
bénévole des concerts, de signaler cet inconvénient. Si l'exac-
titude est la politesse des rois, elle peut bien l'être aussi de
messieurs les donneurs de concerts.
— M"" Georgette Ducrest , professeur de chant , a donné le
lendemain et dans le même local , une matinée musicale qui
avait également attiré un brillant auditoire. Deux airs italiens ,
chantés avec méthode et sentiment par la bénéficiaire , ont
prouvé qu'elle sait aussi bien appli(|uer les préceptes de la
science vocale qu'elle sait les enseigner. MM. Jauconrt et
Seligniann ont été fort applaudis , le premier à propos d'une
fantaisie sur l.i Lucia qu'il a dite sur le basson , et le second
dans une fantaisie aussi sur le liravo qu'il a chantée sur
le violoncelle , d'une grâce et d'une suavité ravissantes.
MM. Triebert sur le hautbois , Goria sur le piano et Lac
comme chanteur, se sont distingués aussi dans ce coucert.
— A l'exemple de l'habile violoncelliste Franco-Mendès,
qui donna dans le temps des séances de bonne musique ins-
trumentale dans lesquels on entendait des quatuors et des
quintettes de Mozart et de Beethoven , M. Javault , excellent
violoniste, donne des matinées musicales consacrées à l'au-
dition de la musique des grands maîtres. La première de ces
séances a eu lieu le 21 janvier, la seconde le h février; les
deux dernières seront offertes aux amateurs de la bonne mu-
sique classique le 18 du même mois et le 3 mars. C'est en
fervent interprète du culte musical que M. Javault , fort bien
secondé d'ailleurs par MM. Boucher, Casimir Ney , Lebouc
et Gouffé , se livre à ces exercices tout artistiques , et il en
est récompensé par les suffrages des bons amateurs qui
abondent à ses intéressantes séances.
— M. Fernando Sauvan , qui semblerait , par son prénom ,
être du beau j)ays de L'Ibérie , comme on dit en style de
boléro, profite sans doute du peu d'harmonie qui règne dans
sa noble patrie, pour venir en faire dans la nôtre. I! a donné ,
chez le facteur Bernhart, un de ces jours passés — nous ne
croyons pas que nos lecteurs tiennent absolument à savoir
lequel — une grande matinée musicale. Pourquoi cette qua-
lification de grande ? serions-nous en droit, à la rigueur, de
demander au bénéficiaire. Etait-ce parce que Tex-petit
Bernadiu, qui recompose les romances de M"' Puget, y
figurait? qu'on y a chanté \à petite bergère de la même de-
moiselle Puget ? qu'on y a dit force petites romances et
chansonnettes? Est-ce à cause du grand succès qu'on pré-
voyait qu'obtiendrait M. Paul Bonjour, qui s'est posé en
rival dangereux de Levassor en chantant quelques scènes à la
correctionnelle, chansonnette qui a tous les mérites du
genre, sauf celui de la nouveauté? Quoi qu'il en soit,
M. Fernando Sauvan a dit des romances de MM. Masini et
Tagliafico, et une fort jolie ronde villageoise de M. CuFdant,
à la satisfaction des amateurs des grandes matinées musicales
de ce genre; et tout s'est passé au mieux, car on a entendu
aussi dans 'ce concert MM. Soler et son frère sur le hautbois
et la clarinette , car on a ouï le jeune Allard sur la flûte , car
on a joui de la présence et des voix agréables de M"" Che-
valier et Osselin, premier prix du conservatoire ; et voilà.
— S'il est bon de signaler à la défiance publique une foule
de sociétés académiques, philotechniques , philharmoniques,
littéraires , somnifères et plusieurs traquenards artistiques de
ce genre que renferme Paris, sous une infinité d'autres dé-
nomiiiaiions qu'il serait beaucoup trop long d'énumérer ici,
il est doux de reposer son attention sur des établissements
DE PARIS.
45
fondés par une noble et vjaie philanthropie, rendue plus
chère et plus douce encore à ceux qui en sont les objets, par
l'étude de l'art musical qu'on y a introduite et qui porte déjà
ses fruits. De ce nombre est l'association charitable de
Saint-Nicolas , rue de Vaugirard 98 , avec une succursale à
Issy , près Paris. Dans ces deux maisons, on élève huit cents
orphelins à qui l'on enseigne la musique et une profession.
La moyenne de la dépense de chaque élève est de 260 francs
par an. Le budget de cette année ne s'est pas élevé à
plus de 208,000 francs , fonds dont la plus grande partie
est fournie par les classes riches de la société. Lundi passé,
à deux heures, un sermon a été prononcé dans l'église Saint-
Sulpice et une quête a suivi ce sermon. Cette solennité phi-
lantropique a été aussi une fêle musicale. Les élèves de l'as-
sociation de Saint- Nicolas ont fait entendre plusieurs mor-
ceaux d'harmonie , d'instruments à cordes , et des chœurs.
Si le goût de la bonne musique ne préside pas à l'enseigne-
ment dans cet établissement , si les chasses et la grosse caisse
ont un peu trop dominé dans les morceaux exécutés par ces
jeunes musiciens dans l'église Saint-Sulpice , lundi passé,
l'intention est bonne , et il est toujours temps d'apporter des
améhorations dans le mode d'enseignement. Il est fâcheux
que les chefs de l'établissement ne compretinent pas mieux
les avantages de la publicité. Cette cérémonie, mal annoncée ,
avait attiré fort peu de monde , et , par conséquent , la quête
des nobles dames patronesses n'aura pas été très fructueuse.
— Une autre fondation sous le titre de Société de patro-
nage et de secours pour les aveugles travailleurs a donné
aussi une séance musicale mercredi , 7 février , dans l'église
Saint-Roch. La messe a été suivie d'un sermon prêché par
M. l'abbé Lacarrière , chanoine honoraire de Bordeaux , le
salut a été donné par monseigneur l'archevêque de Bordeaux.
Alexis Dupont a chanté délicieusement comme toujours;
l'orgue a été touché par M. Marins Gueit , organiste de
Saint-Denis, ancien professeur aveugle de l'institution royale;
et, pendant la messe , des morceaux de musique religieuse
d'un beau caractère ont été exécutés par l'orchestre des
aveugles de l'hospice royal des OuinzerVingts.de ce bel éta-
blissement fondé , comme on sait, par le roi saint Louis à
son retour de la Palestine, pour y recueillir ses compagnons
d'armes qui avaient perdu la vue en Orient. L'orchestre a été
fort bien dirigé par un aveugle , M. Gailliod.
— L'humanité ne dégénère pas; le monde musical est loin
de s'abâtardir : rassurez-vous , amateurs des enfants-prodiges.
Si depuis plus d'un mois nous ne vous avons pas signalé le
moindre virtuose âgé de quatre ou cinq ans, d'abord vous
avez été dédommagé par le concert d'un enfant de trois mois
dont le crayon spirituel de notre collaborateur M. Gavarni
vous a donné la représentation. Mais, au reste , la race des
enfants précoces ne périclite pas; car voici venir M"' Bor-
chardt , jeune pianiste de douze ans , que nous avons enten-
due dans une soirée chez M"" la comtesse de Lucotle, et qui
donne les plus belles espérances. Elle a joué, ou plutôt elle
s'est jouée de la fantaisie de Thalberg sur la Straniera ,
comme auraient pu le faire M"° Guénée, M™' Polmartin,
jjmc pjgyei gt piesque comme Thalberg lui-même. Cette
jeune merveille dit la musique la plus difîQcile avec précision,
netteté , vigueur, et ses petits doigts la chantent avec un sen-
timent exquis; et cependant le père de cette jeune actrice,
dont il a formé le talent lui même , ne veut la faire paraître ,
entendre en public que sous le patronage d'un professeur
célèbre... Nous n'en voyons pas trop la nécessité. Quel est
le contrebassiste ou le professeur de flageolet qui ne con-
naisse pas maintenant le doigter et le mécanisme du piano?
Le moindre musicien suffit pour vous initier à ces grands
secrets, et l'écolier d'un tel maître a l'avantage de n'être
point la copie servile, le singe de quelque illustre professeur
dont les leçons tyranniques ont presque toujours pour résul-
tat d'ôter toute individualité à chacun de ses élèves , et de
grossir le nombre des pianistes insignifiants qui pullulent dans
le monde musical.
— M. Chaudesaigues, le chansonnettiste, a donné sa grande
matinée musicale, son grand et long concert qui n'était rien
moins composé que de douze morceaux de musique, ou pour
dire plus exactement, de onze numéros; car, arrivé là , le
bénéficiaire a dit qu'il était exténué et qu'il priait le public
de lui faire grâce du dernier morceau , grâce que ledit public
s'est empressé d'accorder, impatient qu'il était d'aller dîner,
car il était fort tard. Cette matinée musicale a été bardée de
force romances; cependant M. Ravina y a joué du piano tout
seul , puis ensuite avec M"'" Chaudesaigues. M. Boulanger et
M"' Beltz , et M"" Duval , premier prix de chant du Conser-
vatoire de cette année , le petit Boverie et M. Tagliafico , et
les MM. Distin, figuraient sur ce riche programme.
Or, pour mettre d'accord tous ces talents ensemble,
Il a fallu du temps.
Au reste , tout s'est bien passé , à l'exception d'une légère
altercation au sujet du morceau supprimé par le bénéficiaire
à qui l'auteur de la chansonnette passée aurait dit : Mes-
sieurs, vous me rendrez raison de ce procédé ! — Non, aurait
répondu le chanteur, mais je vous rendrai votre chanson-
nette. Il résulterait de ce petit différent que l'accord parfait
ne règne pas toujours parmi les enfants de l'harmonie , et
qu'on peut se fâcher, tuer son semblable même , et cela à
propos d'une chansonnette... Il est vrai que la législation sur
le duel , qu'a fait prédominer M' Dupin à la cour de Cassa-
tion, est là pour prévenir de tels malheurs.
Henri Blanchard.
CesripespoEiisîaaîce pMn'tîcïoSièi'e.
Bruxelles, 7 février 1844.
On vient de donner au grand théâtre de celte ville la première
représentation da/Juda di Chamounix, avec les paroles traduites par
M. Hippolyle Lucas. Cette pièce n'a en qu'un succès médiocre. Il
faut en attribuer la cause en partie à l'exécution , qui a été d'une
grande faiblesse , et en partie aux défauts mêmes de l'ouvrage. Il est
certain que M. Donizetti n'a fait, dans la partition qu'il a composée
pour cette pièce , qu'une bien petite dépense d'imagination. C'est en
vain que l'auditeur attentif et consciencieux poursuit la reciierehe
d'une idée, depuis le premier jusqu'au dernier morceau de ces Irois
actes interminables. De pareilles productions sont acceptées A Paris ,
à Londres, à Vienne , grâce à une exécution parfaite qui offre assez
d'intérêt par elle-même pour tromper le public sur le mérite de la
musique; mais privées de ce prestige, elles sont forcément remises à
leur véritable place. L'administration des théâtres de Bruxelles avait
cependant be-oin d'un succès. Les Martyrs , joués il y a lieux mois,
n'ont pas fait fortune ; ils n'apparaissent que de loin en loin sur l'af-
fiche , et l'on est obligé d'en revenir à un répertoire qui est bien loin
d'offrir l'attrait de la nouveauté.
Il y aura peu de changements dans la composition de notre troupe
lyrique. De tous nos premiers sujets, Alizard est le seul qui nous
quitte. On lui offrait des conditions très avantageuses pour le renou-
vellement deson engagement; mais l'ambition les lui a fait repous-
ser. Il veut aller en Italie acquérir une réputation , qui , dans sa
pensée, le ramènerait à Paris où il occuperait le premier rang. Nous
souhaitons pour lui qu'il ne soit point trompé dans son attente; mais
bien qu'on ne puisse nier qu'il a une très belle voix , lorsqu'il veut
s'en tenir aux rôles de basse et ne pas faire d'excursion dans l'emploi
du baryton , des'motifs de plus d'une espèce semblent s'opposer à ce
qu'il parvienne jamais à de hautes destinées dramatiques.
Il y avait un parti dans le public pour remplacer Laborde, notre
46
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
premier ténor actuel , par Albert Dommange, qui chante en ce mo-
ment à Anvers, et qui doit figurer dans la Iroupe du théâtre de
Hand, durant la prochaine année théâtrale. Ce parti est en minorité,
et nous sommes bien aises qu'il n'ait aucune chance de succès. Al-
bert Dommange est un excellent musicien et un acteur fort inlelli-
gent; mais sa vois a subi depuis quelques années de graves altéra-
tions , et le spectateur est obligé de faire maintenant de trop
fréquenles concessions à l'Insuffisance de son organe. Laborde conçoit
moins bi^en, mais il exécute mieux ; il a une jolie voix, et si ce n'est
pas un mérite , puisqu'on ne peut y voir qu'un don capricieux de la
nature', c'est du moins un grand avantage.
Plusieurs journaux avaient rép:indu le bruit que M. Meyerbéer
était venu à Bruxelles pour entendre M"= Julien, notre forte pre-
mière chanteuse, et que l'inlenlion de l'illustre compositeur était de
faire engager cette artiste à l'Opéra , dans le cas où elle remplirait
son attente , afin de lui confier le principal rôle du Prophète qui al-
lait être mis en répétition. On indiquait le jour de l'arrivée du
maestro, celui de son départ, l'hôtel où il était descendu ; on spéci-
fiait le chiffre du dédit que l'Opéra serait sur le point de payera l'ad-
ministration des théâtres royaux de Bruxelles pour la rupture de l'en-
gagement de M"« Julien, tl est inutile de vous dire que rien de tout
cela n'élait fondé ; vous savez que M. Meyerbéer ne s'est rendu ni
pour cette affaire, ni pour aucune autre dans la capitale de la Bel-
gique.
Dreyschock est ici depuis près de quinze jours ; il a donné vers la
fin de la semaine dernière un concert où s'était rendue l'élite de la
société. 11 n'avait réclamé l'aide d'aucun aulre artiste , et il a seu'
rempli la soirée par six morceaux de sa composition. A l'exception de
Liszt , pas un pianiste n'a obtenu à Bruxelles un succès égal au sien.
Non seulement aucune fatigue ne se manifesta dans l'auditoire, du-
rant cette longue séance exclusivement consacrée à l'exécution de
morceaux de piano ; mais quand l'habile artiste eut joué son étude
pour la main gauche, inscrite en dernier lieu sur le programme, des
voix s'élevèrent de toutes parts pour la lui redemander. II annonce
pour demain un second concert, et nous tenons de bonne source qu'il
aura un auditoire plus nombreux encore que la première fois. Il
pourra se vanter d'avoir accompli un véritable miracle , car les con-
certs sont pour ainsi dire impossibles à Bruxelles dans cette saison,
où les bals et les raouts se pressent en si grand nombre, qu'il s'en
donne souvent dans une soirée plusieurs entre lesquels la société est
obligée de se partager. A Paris, il y a le même jour, à la même
heure, un public pour toute espèce de spectacle, public ou privé; il
n'en est pas de même dans notre capitale. Comme c'est la même
société qui compose le public ordinaire des bals, du théâtre et des
concerts, et comme cette société n'est pas très nombreuse, il en ré-
sulte qu'une de ces réunions enlève nécessairement le public des
autres. Un pianiste d'un incontestable mérite, M. Prudent, traversant
la Belgique à son retour d'un voyage en Hollande , a vainement es-
sayé de donner un concert à Bruxelles. Ses affiches couvraient les
murs de la ville, toutes ses dispositions étaient prises pour donner
une brillante soirée musicale, mais le public, cet élément indispen-
sable des entreprises du genre de celle qu'il avait tentée, venant à
lui manquer, force lui fut d'abandonner la partie.
J'ai eu déjà l'occasion de vous dire que les concerts sont mainte-
nant une fort mauvaise spéculation à Bruxelles , si ce n'est pour l'ar-
tiste qui arrive précédé d'une brillante renommée. Les succès rie
Dreyschock à Paris et à Londres ont changé pour lui la loi com-
mune; mais pour un seul qui réussit, combien voient leurs espé-
rances déçues ! Dites-le bien à vos instrumentistes et à vos chanteurs
d'un mérite secondaire.
a5â S2^ÎE<^®32S sE.»^5Si<SïâSή <g€>®2a®,
l^essîn de ^avarni.
Qui ne l'a vu et rencontré souvent dans les rues de Paris,
ce marquis d'Argent court (et non d'Agent court , comme on
l'a imprimé par erreur ) , cet artiste bouffon et galant , à
figure triviale et à manières recherchées? Qui n'a remarqué
son adresse à lancer ses chansons à tous les rangs de loges ,
c'est-à-dire à tous les étages , oii perchait son auditoire? Nous
avons eu beaucoup de mar :uis , dont la noblesse remontait à
la même source que celle du chanteur nomade , mais nous
en avons eu peu d'aussi gais, d'aussi amusants, d'aussi
adroits! Sa physionomie avait des droits à la consécration
séculaire , qui lui est acquise désormais.
*," Demain lundi , à l'Opéra, Z)o»! li'^iasdÊHj
*.' La repri'sentation de Charles VI, donnée dimanche dernier,
pouvait être considérée comme une reprise, car depuis trop long-
temps ce bel ouvrage , dont les receltes sont toujours restées supé-
rieures à celles d'ouvrages plus nouveaux, élait éloigné de la scène.
\ La foule est accourue pour le revoir, et l'effet en a été excellent.
j M"" Stoltz , quoique indisposée , a retrouvé , dans le rôle si original
I d'Odette, toutes les inspirations, toute l'énergie el toute la grâce
j qu'elle y avait déployées dès les premiers jours. Barioilhet s'est
montré plus que jamais grand acteur et chanteur dans le rôle prin-
1 cipal; il a été admirable dans le duo des cartes', et dans tous les
1 autres morceaux de cette belle partition. Duprez a chanté le rôle du
dauphin avec beaucoup de charme. D'utiles coupures ont été faites
dans le troisième acte , dont la marche devenue plus rapide profite à
I l'ouvrage entier. Charles VI ne quittera plus le répertoire de Paris.
On le répète en même temps à Bordeaux et à Toulouse.
\* La semaine a été bonne pour M"'» Dorus-Gras, qui souffre,
comme tout le monde , des inlluences de la saison , et dont pourtant
la voix conserve une pureté sans égale , un éclat vraiment prodigieux.
Mercredi dernier, elle a enlevé tout l'auditoire, en disant la char-
mante cavatine de Maihilde di Shabrau , introduile par elle dans le
Comte 0)!(. Vendredi elle a chanté encore le rôle d'Alice, dans i?o-
bert-le-Diuble , qui avait rempli la salle , comme toujours.
*,** Poulticr a chanté deux fois celle semaine, dans la Muette et
dans le Comte Ory. Il a fait preuve de grands progrès dans le prin-
cipal rôle de ce dernier ouvrage , où il s'était essayé d'une manière
assez malheureuse. Comme acteur, il a gagné de l'aplomb, de l'ai-?
sance; sa voix aussi s'est fortifiée el assouplie. Avec sa physionomie,
il ne réalisera jamais l'idéal du célèbre séducteur, mais le prestige du
chant supplée à bien des choses.
*,* Le ballet que prépare l'Opéra portera le titre A'un Caprice ou
le Marché aux servantes.
*,* Cette semaine encore, on n'a pas représenté Z)om i5'éias(;e)!.
Les abonnés el le public approuvent celle mesure de la direction ; ils
trouvent que c'est bien assez de s'abstenir une fois tous les quinze
jours d'aller à l'Opéra.
*.* M"' Nau esl partie pour Lyon, où elle doit donner douze repré-
sentations. Le directeur, embarrassé , cherche à suppléer à la chute
de presque tous les ouvrages nouveaux , tels que la Pari du Diable,
Mina , Don Pasquale et le Puits d'amour, par l'engagement de cette
charmante cantatrice.
*,* M. Pierre Durand soutient toujours dans le Siicle que Meyer-
béer donnera son Prophète à Berlin. Nous répétons que nous sommes
autorisé à dire que Meyerbéer écrit en ce moment pour l'ouverture
du nouveau théâtre de Berlin la musique d'une pièce de circon-
stance, el que le Prophète reste toujours destiné à l'Académie royale
de musique. Le célèbre maestro sera à Paris au mois de mai.
'/ Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, le Tbcâtie-Ita-
lien donnera il Barbiere di Siviglia , chanté par M"" Persiani , La-
blache , î\onconi , Mario cl Morelli.
",* On répète avec activité à Marseille la Heine de Chypre , d'Ha-
lèvy, qui doit être représentée dans la première quinzaine de mars,
sous l'habile direction de M. Pépin, le chef d'orchestre le plus remar-
quable de la province.
",* La fortune musicale de notre ancien collaborateur, Richard
Wagner, grandit tous les jours en Allemagne. On monte à Hambourg
son opéra de JHenzi, pour une représentation que donnera pendant
son congé le célèbre chanteur de Dresde, Tichatschek. La troisième
représentation du Hollandais Errant est attendue à Berlin , et le
jeune compositeur vient de terminer un nouvel ouvrage, intitulé le
Tannhaeuser.
*,* On écrit de Charlestovvn (Élals-Unis d'Amérique): Depuis le
commencement du mois de janvier nous avons entendu successive-
ment ici Artôl et Ole-Bule. La majorité des gens de goût qui de-
mandent avant tout un sens, de l'expression, de l'àme , ont décerné
tout d'abord la palme au premier. Le concert qu'il a donné le jour
de l'an avait attiré beaucoup plus de monde que celui d'Ole-Bule;
DE PARIS.
47
la foule refluait de la salle jusque sur les escaliers. Le bénéficiaire a
dû répéter Irois fois de suite le Carnaval de f^cnise. Quant à M"'^ Da-
moreau, elle a inspiré plus que de l'admiration pour son incompa-
rable talent; c'était de Yadoralion. Les deux grands artistes, M. Artôl
et M"»' Domoreau, se sont embarqursie lendemain pour la Havane,
sur le Havne, qui leur avait fait la galanterie de les attendre un jour.
Le jour de l«ur départ, ils ont failli périr par suite d'un accident:
les chevaux de leur voiture s'étant emportés, le cocher perdit la Icte
et poussa des cris qui augmentèrent l'eUroi des chevaux. Heureuse-
ment les nègres, se jetant intrépidement à leur tête, parvinrent à
les arrêter.
*,* Le comité de l'association des artistes-musiciens vient de mettre
en loterie le grand piano à queue, nouveau modèle de ISi'i , donné
par M. Erard. Les lots gagnants se composeront en outre de 1,030 mor-
ceaux de musique, parmi lesquels se trouvent les partitions de lio-
bert-le-Diabte, des Huguenots, de la Juive, de la Favorite, de la
Reine de Chypre , de Charles T-^I , etc. , donnés par un des membres
du comité. Le tirage aura lieu dans le courant d'avril. Le prix des
billets est fi.vé à l franc •■ on peut s'en procurer au magasin de mu-
sique de M. Maurice Schlesinger, rue Richelieu , 07.
V L'afl'aire de notre collaborateur et ami M. J. Janin contre la lié-
forme et M. FéViK Pyat a été jugée mercredi à la police correction-
nelle. Le tribunal a condamné M. Félix Pyat à six mois de prison et
1,000 fr. d'amende ; M. Grandménil à un mois de prison et .3,000 fr.
d'amende ; a ordonné la suppression du numéro du journal et de la
brochure inciiminés, et l'insertion du jugement dans deux journaux
de Paris et dans deux journaux des départements; condamnant en
outre Félix Pyat et Grandménil en tous les dépens.
*,* Dimanche dernier, M. Antonin Guillot , professeur de chant ,
avait rassemblé , dans les salons de Tivoli , un nombreux auditoire ,
appelé à écouter quelques fragments du Pauluséc Mendelssohnet des
Saisons de HayJn. Au dire du programme, la partie vocale était
confiée aux élèves de M. Guillot. Les chœurs se sont distingués par
un ensemble sullisant. Les solos , récités d'une manière assez estima-
ble, n'ont pas été toujours rendus avec expression juste et pureté;
du reste le chef d'orchestre a pris trop vite presque tous les mouve-
ments. Nous demanderons aussi à M. Guillot pourquoi il n'a pas jugé
à propos de choisir une traduction plus nouvelle et plus fidèle du
Paulus que celle dont il s'est servi. Quoique le texte ne semble pas
mériter grande importance, plus les paroles répondent aux intentions
expressives de la musique, plus aussi l'exécution devient complète et
acquiert de fini. Les Saisons de Haydn ont été dites moins bien que
le Paulus; la lourdeur est inconnue à Haydn , il lui faut toujours de
la délicatesse et de la grâce. A cela près du reste, nous engageons
vivement M. Guillot à persévérer dans l'excellente idée de faire exé-
cuter de la musique d'ensemble. Cette pensée révèle un professeur
consciencieux, un véritable artiste. Quelques observations de critique
sérieuse ne doivent pas le décourager. La vérité ne se dit qu'à ceux
qui sont dignes de l'entendre.
*,* M. Al. Chevillard, violoncelliste d'un talent très reconnu, don-
nera une matinée musicale , le 18 février 1844 , à deux heures, dans
les salons de M. Pleyel , rue Rochechouart, 20. Voici le programme :
1. Ouverture de Mozart; 2. La C((ra)(!/;(e , chantée par M"= de La
Morlière; 3. Concerto pour le violoncelle, composé et exécuté par
M. Al. Chevillard; 4. ,^rfieî(x de Z)ai;iV, chantés par M. Révial; S. Va-
riations et finale de la sonate en la de Beethoven , pour piano et vio-
lon, exécutée par MM. Halle et Alard ; 6. Fantaisie-caprice, composée
et exécutée par M. Al. Chevillard; 7. Sauvez ma mère et Killanella ,
chantées par M"° de La Morlière; 8. Solo de piano, exécuté par
M. Halle; 9. Le Lac, chanté par M. Révial; 10. Fantaisie pour le
violon, composée et exécutée par M. Alard.
%' M. Baumes-Arnaud;, le gracieux ténor que la Société philhar-
monique de Troyes avait fait venir pour chanter à son concert', y a
produit beaucoup d'effet avec Benhe-la- Folle , jolie romance dont il
est l'auteur.
V En ce moment il se publie par livraisons un ouvrage impor-
tant dont voici le titre : Traité théorique et pratique de composition
musicale , par A. Barbereau. Cet ouvrage , divisé en trois parties
principales, comprendra tous les points de la science et de l'art. Par
la nature et la solution des questions qui y sont présentées sous un
jour nouveau, l'apparition de ce livre ne peut manquer d'éveiller
l'attention de tous ceux qu'intéressent les hautes études musicales.
Au reste, l'auteur se propose d'anticiper, par quelques conférences
orales, sur la partie destinée à développer les principes de la tona-
lité moderne. Six livraisons ont déjà paru chez Schonenberger,
l'éditeur. Nous reviendrons plus en détail sur cette publication, qui
sera sans doute étendue.
*," On lit dans le Moniteur Algérien : « M""^ Adolphe Berton a
joué et chanté son rôle de la Part du Diable avec un vrai talent. Les
espérances que le public avait fondées sur elle se réalisent chaque
jour et sontmême dépassées. M-^^ Adolphe Berton n'est pas seulement
une cantatrice à la voix fraîehe , expressive et sonore, c'est encore
une actrice au jeu franc, intelligent et de plus en plus sûr. Trois
opéras surtout ont mis en relief les qualités qui la disiinguent : le
Domino voir , les Diamants de la couronne et lu Part du Diable. La
première de ces pièces a déjà été représentée cinq fois, et chaque
représentation a marqué un progrès nouveau dans son talent de
cantatrice et de comédienne ; la seconde a manifesté cette dernière
qualité d'une manière plus brillante encore, et la Part du Diable,
en nous montrant M"" Adolphe Berton sous une forme nouvelle,
nous a révélé le plus charmant lutin qu'il soit po.ssibie d'imaginer,
en même temps qu'elle a fait valoir l'étendue et la flexibilité
de sa voix. Ces trois épreuves suffisent, sans parler des autres rôles
qu'elle a abordés, pour faire juger de l'avenir qui est réservé à
M""^ Adolphe Berton. Nous la retrouverons un jour (et ce jour n'est
probablement pas éloigné) sur la scène de l'Opéra-Comique de Pa-
ris. M. Adolphe Berton, petit-fils de notre grand compositeur, se
distingue dans les opéras où joue sa femme, par un jeu très agréa-
ble et une excellente méthode de chant.
V La lettre suivante a été adressée au rédacteur d'un journal :
« Milan , 28 janvier.
» Monsieur, je prends la liberté de m'adresser à votre obligeance
pour vous prier de vouloir bien accorder une place dans votre jour-
nal à la réclamation que je me trouve dans la nécessité de faire. On
vient de publier, dans un des écrits périodiques de Londres , des
lettres apocryphes portant le titre ! Funny Elssler ai Havannah. Je dé-
clare que ces lettres, qu'on annonce devoir composer plusieurs vo-
lumes, sont le produit d'une illicite spéculation, jointe au projet in-
téressé de me nuire par le ridicule des expressions et la fausseté des
faits qu'elles contiennent. J'espère, Monsieur le rédacteur, que vous
m'accorderez l'appui de votre feuille, en agréant la demande que j'ai
l'honneur de vous présenter. Fanny Elssler. »
*,* Un pianiste de beaucoup de talent, M. Waldinceller, devienne,
vient d'arriver à Paris. Nous espéronns qu'il donnera bientôt un con-
cert afin que le public puisse apprécier son talent de pianiste et de
compositeur.
',* Aux bals du faubourg Saint-Germain, on ne danse plus que la
valse et le Polka ; cette dernière danse est tout-à-fait adoptée. 11 sera
sans doute agréable aux fashionablcs d'apprendre que M. Laborde a
ouvert ses cours, rue de l'Anxîienne-Comédie, 13, pour apprendre le
Polka.
V M. Henry Cochen donne aujourd'hui, à 2 heures, un concert à
grand orchestre dans la salle de M. Herz. On entendra plusieurs com-
positions du bénéficiaire, entre autres une ouverture à grand orches-
tre et plusieurs morceaux de chant, exécutés par l'auteur, M. Luc,
M"° Martin , et enfin la jolie et gracieuse M"»= Sabatier.
*,* Encore un prodige. Un enfant de quatre ans vient de donner
un concert dans une petite ville près de Gotha, au bénéfice, d'enfants
pauvres. Le jeune virtuose a exécuté des airs du Czar et le Char-
pentier, et de IJans Sachs, par Lortzing. Le compositeur peut dire
comme dans l'Ecriture : Les enfants et les mineurs chantaient mes
louanges.
*,* L'Institut catholique a ouvert, samedi dernier, ses séances de
musique religieuse et classique. Le premier concerta eu lieu sous la
direction de M. Sowinski, etavait attiré une société brillante et nom-
breuse. On y a admiré un très beau Kyrie, de M. Delsarte, chanté
par ses élèves. VAveMaria, deCherubini, dignement interprété par
M. Manera, a produit un grand effet. On a écouté aussi avec un grand
intérêt une mélodie de M. Hebrard, chantée d'une manière ravis-
sante par M. Boutroy. Parmi les morceaux instrumentais, nous cite-
rons : un solo de violon , par M. Berthemot ; un air varié de Mozart,
supérieurement exécuté par M. Dumouchel ; et un duo pour piano et
violon par MM. Robber^chts et Sovinski.
*,* Continuation avec redoublement de la vogue du bal de l'O-
péra. Les reeettcs ne s'y eomptent plus que par vingtaine de mille !
heureusement la fin du carnaval approche.
%* Le bal masqué de rOpéra-Comique grandit et grossit toujours
en proportion de son voisin.
*,* Lille, i'i janvier. — Notre ténor ordinaire, M. Duffeyte, étant
malade, on avait fait venir celui de Gand pour une représentation de
la Juive •,mA\i ce dernier fut pris d'un enrouement subit après le troi-
•48
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
siéme acte, et Carlo, qui avait jusque-là rempli le rôle deLéopold,
se chargea d'acbevei- le rôle d'Éléazar, aux applaudissements de toute
la salle, qui voulut le revoir après la chute du rideau.
*,* Dijon.— he premier concert de laSociété philharmonique vient
d'avoir lieu; il a été très brillant. M"' Méquillet était venue de Paris
exprès pour s'y faire entendre ; elle était secondée par M. Verner, ar-
tiste du théâtre, par M. Valdteufel, violoncelliste de beaucoup de ta-
lent, et par M. Mayer, excellente clarinette. M"' Méquillet a obtenu
un brillant et légitime succès. Elle a chanté un air de la Favorite, un
air italien, un duo des Huguenols , une mélodie et des romances.
Le public a vivement apprécié sa belle et gracieuse voix , sa méthode
large et pure, son goût parfait et le sentiment profond dont elle em-
preint tout ce qu'elle chante. M. Valdteufel a été applaudi avec cha-
leur dans une fantaisie de sa composition sur des motifs du Domino
noir. Cet artiste, qui réunit la beauté des sons à l'agilité de l'archet,
est aussi remarquable par sa manière de chanter que par la facilité
avec laquelle il se joue des plus grandes difficultés. M. Mayer a très
bien exécuté un air varié de Berr pour la clarinette. En somme, la
soirée a été très brillante et a laissé de charmants souvenirs à tous
ceux qui y ont assisté.
CIit'OBMque éti-augère.
,*, Londres. — Music Hall. Le 22 janvier M. Wilson a mis en lu-
mière une œuvre des plus curieuses sous le titre de : Marie, reine
d'Ecos'ie. Il y a donné une esquisse de la vie de cette princesse in-
fortunée en l'entremêlant de diverses illustrations musicales d'un
grand intérêt et d'un grand charme. Avec une parfaite candeur, il a
franchement reconnu qu'il ne pouvait produire les mélodies authen-
tiques du temps, et que, suivant son opinion, il n'en restait plus
que les titres seuls. Il a également nié que David Rizzio eût greffé le
style italien sur-le caractère du chant écossais. Il a du reste exécuté
avec une excellente voix les morceaux traditionnels, dont il venait
de révoquer en doute l'antique origine. Le Dernier appel des irom-
peties, chanson populaire contre le gouvernement des femmes, en-
tonné par lui avec vigueur, mais avec une légère afiectation d'accent
nasal , aurait arraché un sourire à John Knox lui-même , prédicateur
delà réforme en Ecosse, et violent adversaire de la reine calholique,
Alarie Stuart; l'auditoire moderne l'a accueilli avec un rire cordial.
Le Dernier laij de Chatelard , adapté à une vieille mélodie française
fort belle, a été le seul morceau qui ne fût pas choisi dans la musi-
que nationale. Ce concert tout historique s'est terminé par une suave
et touchante complainte pour celle qui en était l'héroïne. Il y a dans
cette tentative d'illustrer l'histoire par la musique une idée originale,
qui, chez nous, pourrait servir quelquefois à jeter de la variété dans
les concerts et contribuer à l'heureuse exhumation déplus d'un tré-
sor musical, admirable de naïveté, et trop longtemps enseveli dans
la poudre des bibliothèques.
— Un comité d'acteurs célèbres et de gens de lettres, parmi les-
quels figurent les rédacteurs des principaux journaux, s'est formé
pour décerner le prix de 500 livres sterling (douze mille francs) que
M. Webster a constitué en faveur de la meilleure comédie anglaise
envoyée au concours. Le nombre des manuscrits reçus est de 101.
Quelle fécondité! Pendant que nous élevons une statue à Molière, la
succession aurait-elle passé le détroit ?
— Un des premiers pianistes de l'Angleterre, M. Holme, vient de
donner à Londres une très brillante soirée musicale. Il a été secondé
dans l'exécution des beaux trios de Beethoven et dcMendelssohn par
deux artistes dislingués sur le violon et le violoncelle. Cramer et
Philips. Des morceaux de l'Aihalia de Haendel ont contribué à l'effet
de la partie vocale. On voit que chez nos voisins , comme chez nous,
s'introduit l'heureuse pensée de ressusciter les chefs-d'œuvre de la
belle musique des temps passés.
Le chanteur Braham et ses fils, qui lui servent d'heureux auxi-
liaires, poursuivent leurs concerts avec beaucoup de vogue. Ils en
sont au septième, et l'atDuence n'a pas encore diminué.
* " Berlin, 28 'janvier. — Hier au soir, à l'occasion du soixante-
neuvième anniversaire de .M. de Schelling, huit cents étudiants de
l'Université de Berlin, avec la permission des autorités, se sont rendus
processionnellement, tous munis d'un flambeau, et la plupart por-
tant des instruments de musique, à la maison de l'illustre philosophe
et lui ont présenté leurs hommages par l'organe d'une députation de
cinq d'entre eux. Immédiatement après, ils ont exécuté, sous les
croisées de M. de Schelling , une sérénade composée des trois mor-
ceaux suivants : l'ouverture de Fidelio, de Beethoven; Voàtlnieger
viiœ , d'Horace , mise en musique pour cette occasion par Meyeer-
beer; le Gaudenmus, chant d'étudiants [Burschenlied). On ne saurait
se faire une idée de l'effet grandiose qu'ont produit ces deux derniers
morceaux , chantés par huit cents jeunes et fraîches voix accompa-
gnées de six cents instruments au moins. Toutes les rues du quartier
où demeure M. de Schelling étaient encombrées de monde à pied, à
cheval et en voiture , et, après chaque morceau , l'air a retenti des
cris de vive Schelling! et d'applaudissements sans fin.
*,* ZJieide. —L'opéra de Marschner, Uans Heiling , obtient ici du
succès.
*,* Francfort. — Il faut savoir gré au maître de chapelle, M. Guhr,
de nous avoir fait entendre les trois premiers morceaux de la neu-
vième symphonie de Beethoven. Les autres sont des chefs-d'œuvre
admirés par tout le monde, mais la neuvième n'est pas encore géné-
ralement comprise; c'est une création gigantesque où l'imagination
du compositeur se laisse emporter à toute la fougue un peu désor-
donnée de sa verve ; il faut l'entendre plusieurs fois et l'étudier avec
soin pour démêler les proportions de l'ensemble à travers tout ce
luxe de développement et de figures. Entre la symphonie de Bee-
thoven et un concerto pour forte-piano joué par M. Gollmick, on a
chanté une romance de M"' Loïsa Pugel. Par pitié ne nous faites
plus entendre de pareilles fadaises !
*,* Hanovre. — Au théâtre de la cour, on a donné dernièrement
lUquiqui, opéra dont la musique est de M. Esser. Le livret est imité
du vaudeville que l'on donne au Palais-Royal. La pièce , comme on
sait, commence par une sortie violente contre l'ancien régime et l'an-
cienne noblesse française. Après la première scène , le roi a quitté
la salle ; Sa Majesté était de fort mauvaise humeur, et il est probable
que Hiquiqui sera mis à l'index.
*,* Amsterdam. — On vient de donner pour la première fois , à
l'Opéra-Italien , Béatrice di Tendu. Le Sravo de Mercadante a été
choisi par M. Boldoni pour son bénéfice. Les Hollandais aiment peu
la musique italienne: aussi ne croit-on pas à un long séjour de la
troupe italienne parmi nous.
CONCERTS ANNONCES.
11 février. 2 heures. M. Henry Cohen. Salle Herz.
18 — 2 — M. Al. Chevillard. Salons Pleyel.
28 — 2 — M. Eopiquet. Salons Bernhart.
28 — 8 — M. Ernst. Salle Herz.
5 mars. 8 — M"' Élise Krinilz.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SGHLESINGER.
COURS explicatif et démonstratif de l'ART DU CHANT, en
3 séances (les )9, 22, 24 février, â 2 heures), par A. DE GA-
RAUDÉ. — Tous les préceptes qui doivent faire acquérir une
bonne Méthode de Chant y seront développés progressivement , et
chacun d'eux sera suivi d'exemples, comme Exercices nombreux
de vocalisation , Romances , Airs français et italiens , etc., ana-
logues à l'explication précédente. Ce COURS traitera aussi du
Caractère des divers genres de morceaux de chant ; du Style , du
Goût et de l'Expression ; de la Manière d'étudier pour dévelop-
per ses moyens et conserver sa voix, etc. — Le PROSPECTUS
de ce COURS se distribue chez M. DE GARAUDÉ, 6, rue Neuve-
des-Petits-Champs. On y souscrit, jusqu'au 15, à raison de 10 fr.
pour les 3 séances , dans lesquelles plusieurs artistes distingués se-
ront entendus.
UNE BELLE COLLECTION de Duos composés par les
plus grands maîtres , et formant seize gros volumes. Cette collection
contient quatre-vingt-quatre œuvres, dont soixante-dix-sept pour
deux violons, et sept pour violon etalto. — S'adresser rue Piichelieu,
86, au concierge.
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Très bien situé , et parfaitement décoré dans le genre moderne.
On se chargerait de mettre au courant dans l'espace d'un mois; et
une dame seule, avec l'aide d'un commis, pourrait très bien gérer
l'établissement.
Bonne clientèle ; musique d'assortiment et de propriété ;
dix ans de bail à courir.
S'adresser au Magasin, rue Neuve-Luxembourg, 10, en face l'As-
somption.
Imprimerie de BOURGOGNE et MARTINET, 30, rue Jacob.
Pour Paris : un an , 30 fr
is 15 fr. — Annonces : 50 c. la ligne de 28 lettres — Départements : un an , 34 fr. Etranger, 38 {îr.
GAZETTE MUSICALE
BÉDIGÉE FAB
MM. ANCERS, G. BÉNÉDIT, BERLIOZ!, Henri BLANCHARD,
MiuniCE BOCRGES, F. DANJOO, DCESBERG, FÉTIS père, Édouabd FÉTIS, Stepben HELLER, J. JAMN,
G. KASTNER, LISZT, GeoBGE SAND, L. RELI.STAB, PAt3L SMITH, A. SPEGHT, etc.
Paraissant tous tes MHmanches»
Vu SERA JOnVT A CHAQUE NimiÉRO V\ DESSIN INÉDIT DE GAVABM.
lie 1™ et le 15 de chaqne mois on recevra on morcean de nmslqne»
SOMMAIRE. Euphonia , ou la Ville musicale ( première lettre) ; par
H. BERLIOZ.. — Théâtre royal de l'Opéra-Comique : Cagliosiro,
paroles de MM. Scribe et de Saint-Georges ( première représenta-
tion); pare. BLANCHAHD. — Société des concerts : Troisième
matinée; par STEPHEIV HELLER. — Nouvelles. — Annonces.
ON N'A JAMAIS COMPRIS MON CCŒUR. Dessin de Gavarni.
M"
ou
LA TILLE MUSICALE.
Nouvelle [>).
PERSONNAGES.
XiLEF, compositeur, préfet des instruments à cordes de la
ville musicale d'Euplioni.i.
ROTCEH , compositeur, préfet des instruments à vent.
EI.LIMAC, célèbre canlaliice danoise.
ELLIANAC , sa mère.
EEKISF-D, sa femnic de l'haiiibro.
Tm seine se passe en Allennijne, an France cl t.u [taliè, vers l'an 2344.
PREMIÈRE LETTRE.
Sicile , 7 juin 2344.
XILEF A ROTCEH.
Il e viens de me baigner dans l'Etna ! O mon cher
/ Rotceh , quelle heure délicieuse j'ai passée à
sillonner à la nage ce beau lac frais , calme et
pur! Il est immense, mais sa forme circulaire
et l'escarpement de ses bords en rendent la sur-
face sonore au point que ma voix parvenait sans peine du
(1) Cette nouvelle, écrite en vieux langage, ne peut être comprise
malheureusement que d'un très petit nombre de lecteurs, c'est-à-
dire des rares érudits qui se sont appliqués à l'étude, aujourd'hui
centre aux parties du rivage les plus éloignées. Je m'en suis
aperçu en entendant applaudir des dames siciliennes qui se
promenaient en ballon captif à plus d'une demi-lieue de l'en-
droit où je m'ébattais comme un dauphin en gaieté. Je venais
i de chanter en nageant une mélodie que j'ai composée ce ma-
tin même sur un poëme en vieux français , que l'aspect des
lieux où je suis m'a remis en mémoire. Ces vers me ravis-
sent. Leur auteur, à ce qu'il paraît, était un député d'une
petite ville de France , qui , après avoir écrit de nombreux
discours , aujourd'hui perdus malheureusement , sur les plus
hautes questions politiques , s'essaya , quand sa verve patrio-
tique se fut refroidie, à rimer en jeune et chaste amant des
muses. Il se nommait Lemartin ou Lamartine ; nos philologues
ne sont pas d'accord à ce sujet. Je ne sais s'il fut grand légis-
lateur, mais certes c'était un poêle! Tu en jugeras: Enieh
m'a promis de traduire le Lac en allemand. Que n'es-tu là!
nOus courrions ensemble à cheval ; je me sens plein de ver-
doyante jeunesse , de force, d'intelligence et de joie. La na-
ture est si belle autour de moi! Cette plaine où fut Messine
est un jardin enchanté ; partout des fleurs , des bois d'oran-
gers, des palmiers inclinant leur tête gracieuse : c'est l'odo-
rante couronne de cette coupe divine , au fond de laquelle
rêve aujourd'hui le lac vainqueur des feux de l'Etna. Étrange
et terrible dut être cette lutte ! Quel spectacle ! la terre fré-
missant dans d'horribles convulsions, le grand mont s'affais-
sant sur lui-même , les neiges, les flammes, les laves bouil-
lantes , les explosions , les cris , les râlements du volcan à
l'agonie , les sifflements ironiques de l'onde qui accourt par
trop négligée, de la langue française du xix" siècle ; c'est un caprice
de l'éditeur. Il trouve plaisant de publier une nouvelle historique
dont les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des lecteurs de son journal
ne comprendront pas un mot : ce qui est fort désagréable pour l'au-
teur! Encore s'il la payait d'une façon extraordinaire; mais, sous
prétexte que nous sommes de vieux amis , y ne me donne que le
prix courant , 100 francs la ligne ! ! ! Voilà comment les éditeurs en-
tendent l'amitié!...
BUREAUX D'ABONNEiaENTT, RUE RICHEXiIEU, 97.
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
mille issues souterraines , poursuit son ennemi , l'étreint , le
serre, l'étouffé, le tue , et se calme soudain , prête à sourire
à la moindre brise!... Eh bien! croirais-tu que ces lieux jadis
si terribles , aujourd'hui si ravissants , sont presque déserts !
les Italiens les connaissent à peine ; on n'en parle nulle part;
les préoccupations mercantiles sont si fortes parmi les habi-
tants de ce beau pays, qu'ils ne s'intéressent aux plus snWimes
spectacles de la nature qu'en raison des rapports qu'ils peu-
vent apercevoir entre eux et les questions industrielles qui
les agitent jour et nuit. Voilà pourquoi l'Etna n'est pour les
Italiens qu'un grand trou rempli d'eau dormante, et qui ne
peut servir à rien. D'un bout à l'autre de cette terre M riche ;
naguère en poètes, en peintres, en musiciens, qui fut après la
Grèce le second grand temple de l'art , où le peuple lui-même
en avait le sentiment , où les artistes éminents étaient hono-
rés presque autant qu'ils le sont aujourd'hui dans le nord de
l'Europe , dans toute l'Italie enfin , on ne voit qu'usines , ate-
liers, métiers, marchés, magasins, ouvriers de tout sexe et
de tout âge , brûlés par la soif de l'or et par la fièvre d'ava-
rice , flots pressés de marchands , de spéculateurs ; du haut en
bas de l'échelle sociale on n'entend retentir que le bruit de
l'argent ; on ne parle que laines et cotons , machines , den-
rées coloniales; sur les places publiques sont en permanence
des hommes armés de longues-vues, de télescopes, pourguet-
ter l'arrivée des pigeons-voyageurs ou des navires aériens,
L'Angleterre au cœur et aux bras d'acier est une nation artiste
en comparaison de la moderne Italie. ït c'est là que notre
ministre des chœurs a eu l'idée de m'envoyer pour ti'ouver
des chanteurs. Éternité des préjugés! Il faut que nous soyons,
nous aussi, étrangement absorbés dans notre personnalité
pour ignorer à ce point les mœurs barbarescentes de cette
contrée , où l'oranger fleurit encore , mais où l'art est mort
depuis si longtemps qu'on n'en a pas même conservé le sou-
venir.
Et j'ai rempli ma mission cependant , et j'ai cherché des
voix, et j'en ai trouvé en grand nombre. Mais quelles or-
ganisations ! quelles idées ! Je ne m'étonnerai plus de rien
maintenant. Quand m'adressant à une jeune femme que je
soupçonnais , à la sonorité de sa parole , d'être douée d'un ap-
pareil vocal remarquable , je la priais de chanter : « Chanter !
pourquoi? que me donnerez-vous ? pour combien de mi-
nutes? c'est trop peu , je n'ai pas le temps. » Si j'en déter-
minais d'autres moins avides à me faire entendre quelques
notes , c'étaient des voix souvent puissantes et d'un timbre
-admirable, mais d'une inculture inouïe! pas le moindre sen-
timent du rhythme ni de la tonalité. Un jour , accompagnant
une femme qui avait commencé un air en mi bémol , j'ai , au
retour du thème , modulé subitement en ré , et sans s'en
étonner le moins du monde ma jeune barbare a continué dans
le ton primitif. Ce serait un tour de force de la part d'une
musicienne , ce n'était chez cette femme que la preuve d'une
monstrueuse insensibilité de l'oreille et de son habitude de
chanter pour ainsi dire mécaniquement. Chez les hommes
c'est bien pis , ils crient de toutes leurs forces à pleine voix ;
quand ils possèdent une note plus sonore que les autres
notes^ ils cherchent lorsqu'elle se présente dans la mélodie à
la prolonger autant que possible ; ils s'y arrêtent, ils s'y com-
plaisent, ils la soufflent, la gonflent d'une horrible façon; on
croit entendre les cris sinistres d'un chien aboyant contre la
lune. Et ces étonnantes horreurs ne sont que l'augmentatif
modéré de ce que font les chanteurs de théâtre. Ceux-là sont
un peu moins affreux, voilà tout. C'est pourtant d'Italie
que nous vinrent , il y a cinq cents ans , les Rubini , Per-
siani, Tacchinardi, Crivelli, Pasta, Tamburini, ces dieux du
chant orné! Mais pourquoi et pour qui chanteraient-ils, s'ils
revenaient au monde aujourd'hui ? Il faut voii; une représen-
tation de ces choses qu'ils appellent opéras pour croire à la
possibilité d'une insulte pareille faite à ce qu'ils appellent
l'art , car c'est l'art pour eux. Les théâtres sont des marchés,
des rendez- vous d'affaires , où l'on parle tellement haut qu'il
est presque impossible d'entendre un son venu de la scène.
(Les anciens critiques prétendent qu'il en était ainsi au temps
des grands compositeurs et des grands virtuoses chantants
qui firent la gloire de l'Italie , mais je n'en crois rien. A coup
sûr des artistes n'eussent pas supporté une telle ignominie,)
Pour distraire un peu ces marchands brutaux, après que
leurs tripotages de Bourse sont finis , on a eu l'aimable idée
de placer des billards au milieu du parterre, et ces messieurs
jouent, avec de grands a'is à chaque coup inattendu , pen-
dant que le ténor et la prima donna s'époumonnent sur
l 'avant-scène. Avant hier on doonaità Palernje/e Roi MuraU
espèce de pasiiccio de vingt auteurs de \ingt époques diffé-
rentes ; après souper (car chacun soupe dans sa loge toujours
pendant la représentation) , les dames, impatientes de voir
ces messieurs se disposer à aller fumer et jouer dans lepar-
terre, se levèrent toutes, demandant instamment qu'on
enlevât les billards pour improviser un bal, ce qui fut fait.
Quelques jeunes gens saisirent des violons et des trompettes,
se mirent à sonner des valses dans le coin supérieur de l'am-
phithéâtre , et les groupes de valseurs tourbillonnèrent au
parterre sans que l'exécution de l'opéra fût en rien suspen-
due. J'ai cru que je mourrais de rire en voyant de mes yeux
cette grotesque abomination.
O sdnahcram ! ô segavuas! ut en sariorc sap, siam ej eruj
rap Gluck te Beethoven, euq alec tse iarv (1) !
H. Berlioz.
{La suite au prochain numéro.")
THÉÂTRE ROYAL DE L'OPÉRA-COMIQUE.
PIÈCE EN 3 ACTES.
Libretto de MM. Sckibe et de Saint-Georges ;
musique de M. Adajl
(Première représentation.)
'idéal, le merveil-
leux , l'impossible
tiennent une large
part dans la vie de
l'homme : toutes
les religions sont
basées sur ces besoins de la faible hu-
manité. Quand elle s'affranchit de ses
croyances superstitieuses, elle tombe
dans le culte du veau d'or, des intérêts maté-
riels , de la pièce de cent sous , comme au
bien heureux temps où nous sommes, et alors
arrivent ces époques de corruption, de pourri-
ture sociale où l'édifice gouvernemental craque
sur sa base , et s'en va eh dissolution comme aux
temps des festins de Balthazar ou de Trimalcion.
Les nations qui en sont là n'ont plus ni croyance
en Dieu, en la famille, en poésie , en art, en
(1) L'emportement de soh indignation a fait employer ici à l'au-
teur la langue moderne. Ce genre de distraction lui arrivera proba-
blement encore dans la suite de son récit: il faut s'y résigner.
( Woie de l'édileur.)
DE PARIS.
51
vertu , en quoi que ce soit ; mais elles font des lois tant qu'on
leur en demande , jouissent de tous les plaisirs matériels ,
rient et dansent sur les volcans populaires en répétant le vieil
axiome : Après nous le déluge. C'est donc par la superstition,
par des prodiges, des miracles, chose singulière à constater,
que se reconstituent les sociétés. Moïse, Jésus-Christ, Ma-
homet en offrent des preuves convaincantes ; et de nos jours
Saint-Simon, Owen, Fourrier et l'abbé Châtel, qui ont voulu
parler trop rationnellement à leurs semblables , ont échoué
dans leurs projets de rénovation sociale. Wallenstein , qui
croyait à la magie et Napoléon à la fatalité, ont presque fondé
une religion militaire , culte qui ne vit que des prestiges dé-
cevants d'une gloire brutale, d'une obéissance aveugle et d'une
entière abnégation de sa vie et de sa volonté.
Que si l'on trouvait que voilà de bien hautes considéra-
tions et de longs prolégomènes à propos d'un libretto , nous
dirions que dans cet opéra-comique il s'agit de magie , de
sorcellerie , d'alchimie , du grand œuvre et de cet homme
qui , parmi les philosophes du xviir siècle , d'une si auda-
cieuse incréduhté , recommença le fameux comte de Saint-
Germain , fil revivre dans la société la plus éclairée , la plus
railleuse, la plus exempte de préjugés, la croyance à la pierre
philosophale , aux prodiges du magnétisme , du somnambu-
lisme , et toutes les fictions scientifiques du moyen-âge.
Balsamo , comte de Cagliostro , pris en Crispin de l'an-
cienne comédie qui ne vise qu'à voler une dot , ou en Robert
Macaire , secondé de son Bertrand , est peu dramatique et
n'inspire nul intérêt. C'est pourtant ainsi que l'ont envisagé
les auteurs de la pièce nouvelle ; mais cela ne les a pas em-
pêchés d'en faire le héros d'un opéra-comique spirituel ,
amusant et surtout très musical. Cagliostro a déjà figuré , il
y a plus d'un quart de siècle , au Théâtre-Feydeau dans un
opéra en trois actes dont le baron Révéroni de Saint-Cyr, au-
teur de l'opéra du Délire , avait fait les paroles , et M. Dour-
len la musique. Ce fut Martin qui joua le principal person-
nage dans cet opéra qui n'eut point de succès. Lafont devait
jouer celui-ci au théâtre des Variétés , dont l'idée principale
est empruntée à une pièce allemande.
Comme dans la jolie comédie du Cercle de Poinsinet de
Sivry , la première scène du nouveau libretto nous offre un
salon de Versailles vers 1780, dans lequel nous voyons des
dames de haut parage avec des officiers de cavalerie qui font
de la tapisserie , des grands seigneurs qui dévident des éche-
veaux de soie, un abbé qui brode... ; au reste, on ne reverra
plus ce personnage muet qui contribuait à la vérité de ce ta-
bleau de mœurs, la censure lui ayant interdit de reparaître.
Ainsi c'en est fait des réapparitions sur la scène de V Abbé
galant, de l'abbé de Lattaignant dans Fanchon la Vielleuse ,
de l'abbé du Cercle, de l'abbé chantant cet air charmant :
Qu'on se batte , qu'on se déchire , dans l'opéra de Félix , de
l'abbé de l'Épée , et de tant d'autres abbés , et même de Fé-
nelon prêchant la tolérance religieuse. O pudeur de la cen-
sure que tu as de charmes !
Ces seigneurs et ces dames de cour ne s'occupent , ne
parlent que du héros du jour, du lion du moment, de Ca-
gliostro ; il arrive dans cette société et il y est accueilli , fêté,
choyé, interrogé par tout le monde, excepté par un certain
chevalier , neveu de la vieille marquise chez qui la scène se
passe , et qui prétend que Cagliostro n'est qu'un charlatan.
Ce chevalier fait la cour à sa cousine Cécile , petite-fille de la
marquise, et il a pour rival Cagliostro qui aime aussi la jeune
personne , ou plutôt son immense dot. Il faut donc déjouer
les manœuvres du charlatan ; mais le chevalier a fort à faire,
car il lutte contre l'engouement général pour Cagliostro à qui
chacun demande de l'or, de la jeunesse, un secret pour se
faire aimer. Au nombre de ces derniers est un prince bava-
rois qui adore une cantatrice nommée Corilla , à qui le cheva-
lier a sauvé la vie en la retirant du Tibre dans lequel elle
s'était précipitée, pour se soustraire aux mauvais traitements
de son mari qui n'est autre que Cagliostro. Sous le nom de
Corilla elle est devenue prima donna au théâtre de San-
Carlo, a Naples; et par le crédit du prince bavarois, sorte
d'Allemand de convention et stupide d'amour, elle sollicite
un bref de Sa Sainteté le pape pour faire annuler son ma-
riage, afin de convoler en secondes noces, non avec le prince
qu'elle n'aime pas , mais avec le chevalier qui lui a souscrit
en Italie une promesse de mariage quand il l'adorait.
La lutte du chevalier contre Cagliostro pour le démasquer;
les ruses de celui-ci pour l'emporter sur son jeune rival qui
succombe souvent sous les machinations du charlatan , sou-
tenu et trahi tour à tour lui-même par un de ses compères ,
véritable type italien , paysan calabrais , qu'il décore du nom
de marquis de Caracoli, et à qui il a l'air de sauver la vie sans
le connaître , pour mieux asseoir sa réputation de profond
docteur ; la crédulité poussée un peu loin par la vieille mar-
quise dans le savoir de Cagliostro ; l'intervention si singuliè-
rement désintéressée de la cantatrice dans toute cette intrigue,
forment un imbroglio, sinon intéressant, du moins fort amu-
sant , tout cela brodé surtout d'un dialogue comique et des
plus spirituels. La broderie musicale est-elle aussi brillante ?
Nous sommes forcé , dans l'impartialité que nous professons ,
de soutenir la négative.
L'ouverture , qui se compose des lambeaux de quelques
morceaux de chant de la partition et qui , par conséquent ,
manque de pensée et d'unité comme ouverture , commence
par un allegro brusque , sans caractère; puis vient une mé-
lodie assez distinguée , puis une coda qui est parfaitement
dans l'esprit du temps chorégraphique et carnavalesque oti
nous sommes.
Dans l'introduction, le prince bavarois chante des couplets
d'une forme un peu allongée et d'un dessin indécis sur les
talents et le pouvoir de Cagliostro. Le chevalier survient pour
mêler , en suivant la même mélodie , ses plaisanteries sur le
charlatan aux phrases admiratives du Bavarois.
Le morceau d'ensemble que nous appellerons le morceau
de la guérison du marquis de Caracoli est sans physionomie.
Cependant le passage sur lequel Cagliostro fait respirer du ta-
bac d'Espagne à son compère est modulé assez ingénieusement :
mais , pourrait - on dire avec quelques principes de logique
musicale , si la situation n'est qu'un jeu entre Cagliostro et
son compère , l'orchestre ne doit point exprimer par de la
recherche et des péripéties harmoniques l'état d'un homme
qu'on arrache au trépas pour le faire rentrer dans la vie.
Quoi qu'il en soit de celte invraisemblance modulée, l'harmo-
nie en est jolie et distinguée.
L'air chanté par la Corilla :
C'est le caprice
Qui rend propice
La canlalrice
Au cœur changeant, -^
est d'une mélodie franche et dessinée avec grâce; et puis cela
est bien en scène. La romance chantée par le chevalier est des
plus ordinaires , et ne se retiendra pas , défaut capital pour
une romance. Le trio qui la suit et qui finit en quatuor ne
laisse pas des traces plus profondes dans le souvenir de l'au-
-diteur.
Les couplets qui ouvrent le second acte , couplets chantés
par Caracoli , valet alchimiste de Cagliostro , dans son labo-
52
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ratoire, ont assez d'originalité; ils expriment assez bien l'ef-
froi de l'Italien crédule. Le petit trait des violons , qui dans
le mode de mi majeur fait entendre sur la tonique tenue par
le chanteur, si, ut naturel , i-é naturel , mi , ré , ut, si , et le
même trait répété sur la dominante si, sont d'un effet, si-
non neuf, du moins piquant et bien placé.
L'air de Cagliostro qui suit, sur ces paroles , à ce que nous
croyons : Fortune inconstante et légère , est bien dans la
première partie; mais il ne se soutient pas, et tombe dans la
vulgarité , ainsi que la coda du quintette qui succède à cet
air. Cequintette, que nous appellerons le morceau de la trans-
mutation des métaux , mais qui ne prouve pas cependant que
le compositeur ait trouvé la pierre philosophale en musique ,
commence largement et dans un bon style. Cela est bien, et
rappelle pour la manière le beau morceau de la Fauase Magie
de Grétry : 0 grand Albert! Mais, ainsi que nous l'avons
dit, la péroraison de ce morceau est commune et senttout-à-
fait son bal Musard , ou autre, dont elle fera sans|doute l'orne-
ment aussitôt qu'elle sera guarfn7/ee. Après cela, nous nesavons
trop que dire d'un sextuor insignifiant, sous le rapport de l'art,
et d'un air chanté par la Corilla , la cantatrice , espèce de vo-
calise tourmentée d'un médiocre effet , et qu'on devrait
bien supprimer aux représentations suivantes. Cela est tout-
à-fait dans le caraclcie de ces airs italiens exigés par h prima
donna. A ce hors-d'œuvre vocal succède un incommensu-
rable duo entre Cagliostro et le chevalier , qui sert de finale
au second ac'e. Certes, quoiqu'à deux personnages, la scène
était musicale et pleine d'originalité , Cagliostro enivrant son
rival avec une poudre soporifique, qu'en violant, au reste,
toute vraisemblance dramatique , celui-ci a l'imprudence de
prendre dans la tabatière de son ennemi , offrait cependant
au compositeur une situation neuve et d'un bon comique.
Un musicien spirituel, ingénieux, et cette fois M. Adam ne
s'est pas moniré tel, un compositeur français enfin, comme
D'Aleyrac, Eoïeklieu , ou tout autre, aurait fait entendre
da;;s l'orchestre, pendant le jeu scénique des personnages,
l'air: J'ai du bon tabac dans ma tabatière. Ce motif con
scvdini en style fugué , ou légèrement traité en imitations ,
se; le d'ironie musicale de la part de Cagliostro, aurait ajouté
an comique de la situation et serait devenu comme un ca-
chet du temps où se pas.se l'action , de cette époque où flo-
rissait cette chanson populaire : une réminiscence volon-
taire et tien placée est souvent un trait de génie.
le troisième acte ne contient que trois morceaux d'en-
semble : le chœur de la signature du contrat de mariage entre
Cagliostro ei Cécile, morceau d'une teinte gracieuse; un.
long trio entre le chevalier et ses deux maîtresses, c'est-à-dire
sa future et la Corilla, Irio prétentieusement scénique et pa-
thétique, et qui n'a pas une grande valeur musicale, soit par
la coupe, l'invention mélodique ou les effets harmoniques;
enfin le grand morceau de somnambulisme, dont le com-
mencement renferme une réminiscence au Roi d'Yvetol :
Le honheitr il est là, voilà tout le mystère , réminiscence
gracieuse, au reste, qui prouve que M. Adam a le droit de
fouiller dans les poches de son imagination et qu'il use de ce
droit , mais qui n'a pas \e piquant qu'aurait eu celle du bon
tabac dont nous avons parlé plus haut pour le finale du
deuxième acte. Quoi qu'il en soit , il y a dans la scène du som-
nambulisme des phrases mystéi-ieuses de mélodie et d'har-
monie qui sont d'un fort jpli effet. Les violons divisés et fai-
sant entendre des sons harmoniques soutenus par les cors font
également un fort bon effet, qui, appartient à l'instrumenta-
tion moderne, et que M. Adam a employé là heureusement.
JJalgré cela et plusieurs autres partiesde cet ouvrage, traitées
avec de l'expérience et du goût , on est forcé de dire qu'il y
a loin de cette partition à celle du Chalet. Il n'y a pas même
là-dedans cette verve de mélodie commune, mais bien rhyth-
mée, qui s'implante dans la mémoire de l'auditeur commun
et qui fait son tour de France avec lui. Les auteurs du li-
bretto ont pourtant fourni au compositeur des situations
vives, animées, comiques, éminemment musicales même.
On connaît l'anecdote comique de ces pauvres comédiens am-
bulants qui , voulant donner la Dame Blanche dans une pe-
tite ville de province , et n'ayant pas d'orchestre , ou ne
sachant pas chanter, firent annoncer sur l'affiche que, la
musique nuisant à la rapidité de l'action, un dialogue vif et
spirituel remplacerait les airs et les morceaux d'ensemble.
Ce trait de cabotinage , que l'auteur de la Dame Blanche ai-
mait à raconter lui-même comme une excellente plaisante-
rie , s'il se renouvelait pour Cagliostro, pourrait bien ne pas
passer pour une épigramrae , mais pour un trait d'esprit et
de jugement musical. On n'aurait pas même besoin de rem-
placer les morceaux de musique par un dialogue spirituel ,
car il l'est assez déjà , sans compter les mouvements maté-
riels de scène qui sont bien trouvés et fort amusants.
L'ouvrage est monté avec luxe; les costumes sont ri-
ches : nous aurions aimé qu'ils rappelassent le règne de
Louis XVI plutôt que celui de la régence. ChoUet est noble
et comique dans le rôle de Cagliostro et le chante bien. Mocker
est également bien placé dans celui du chevalier. Henri est
franchement comique dans le marquis Caracoli ; il anime
l'action , et Grignon est fort bien aussi dans le prince bava-
rois. La cantatrice Corilla est convenablement représentée par
M™= Thillon , qui est toujours bien jolie et qui vocalise avec
une excessive]légèreté. A cela près d'un lapsus linguœ qui lui
a fait commettre une erreur fluviale en lui faisant prendre
le Tibre pour la Seine, à la première représentation, elle a fort
bien joué le rôle difficile de cette prima donna et à été on ne
peut mieux secondée par MM"" Boulanger et Potier. C'est
un succès de plus à constater pour le théâtre de l'Opéra-
Comique.
Henri Blanchard.
SOGIETZ: DES CONCERTS.
troisième iHûtinéf.
ous avions déjà entendu l'an passé la symphonie
de M. Schwenke, exécutée dimanche dernier, et
dont la reprise semblait autorisée par le bon ac-
cueil qu'elle avait reçu du public. M. Schwenke
a bien mérité cette faveur ; on ne saurait assez reconnaître
les efforts d'un artiste aussi consciencieux qu'habile. C'est
surtout dans la seconde partie du premier morceau , dans
l'andante et dans quelques parties du scherzo que se ré-
vèle un talent fin et nourri de bonnes études. D'ailleurs
M. Schwenke n'en est pas à son coup d'es-sai. De nombreux
ouvrages attestent son savoir, et le public des concerts du
Conservatoire avait déjà eu l'occasion d'apprécier le mérite
réel qui le distingue en entendant son Ihnedictns , d'une
large et belle facture. La symphonie de M. Schwenke n'est
pas moins digne d'attention , et elle a obtenu tout ce dont elle
est digne.
On a repris encore cette année le chœur des chasseurs
d'Eiirijanlhe, de Weber. Aucun musicien avant lui n'avait
soupçonné cette poésie de la musique de chasse. On serait
tenté do dire qu'il a inventé le cor. Voyez le rôle qu'il
^ee/tte/ efy éraliUéi^ ■ Jfusim/e dii'r^ Fm-ier l^M
^ h $<i'^^\=i . ^^^e^
')/irn^ irm^ - - -r-P^^ -rri^ -- ~ -/*7>' — ckyr' •
DE PARIS.
53
lui fait jouer dans le Freyschûtz , dans Preciosa , dans Exi-
ryanthe ; comme il le fait parler dans sa langue (qui est la mu-
sique, une belle langue morte) de la fraîcheur des forêts, de
leur verdure , de leur ombre , de leurs parfums , de leurs
mystères ! Et puis quelle énergie dans ces chœurs de chas-
seurs ! quelle incessante activité dans cet orchestre qui éclate
joyeusement en fanfares! Tout cela est étincelant, éblouis-
sant de vie et de force; c'est l'expression la plus vraie et la
plus vigoureuse de cette belle vie de chasseurs d'autrefois!
Dans ce chœur se trouve intercalé un petit morceau de la
façon de l'auteur de Pigeon vole; le mi bémol majeur de
Weber, ce son si brillant et si clair, d'une couleur de vert-
forêt si éclatante dégénère subitement en une couleur terne
et triste. La musique de Weber , en passant par les mains
d'un autre , change de nuance et tombe en ut mineur. La
forêt , si gaiement verdoyante , se change en une forêt noire ;
les chasseurs ne chantent plus , ils psalmodient ; ils ont jeté
aux orties leurs habits galonnés et sont devenus trappistes.
Mais bientôt on reconnaît les cors de Webér qui reviennent
chasser les spectres de la Forêt de Senart. Le chœur a été
redemandé, et les chasseurs s'y sont prêtés de fort bonne
grâce.
Un grand succès a récompensé la bonne et sage détei--
mination de faire entendre un concerto pour piano de Bee-
thoven. Depuis fort longtemps pareille fêle n'avait été donnée
aux amateurs de la belle musique de piano. Le résultat ob-
tenu engagera la Société des concerts à être désormais moins
avare de morceaux de ce genre. Qu'y-t-il de plus désolant
qu'une fantaisie ou un air varié qui vient se jeter entre une
ouverture de Weber et une scène de Gluck ou une sympho-
nie de Beethoven? Qu'on laisse aux mille et un concerts qui
se donnent annuellement à Paris le soin de faire connaître les
fantaisies sur des thèmes plus ou moins favoris.
Il me semble que le plus habile virtuose devrait sentir sa
conscience troublée au moment où il sort avec l'intention
malveillante de faire entendre des variations brillantes ,
quand la salle frémit encore des accents sublimes de Weber
ou de Beethoven. Aussi je me sens beaucoup de sympathie
pour M"' Louise Mattmaun, que je n'ai pas le plaisir de con-
naître , mais qui a eu l'heureuse idée de nous jouer le con-
certo en ut mineur de Beethoven. Ce qui m'a plu dans le ta-
lent de cette jeune personne, c'est la simplicité , la modestie
avec laquelle elle a dit cette belle composition. Elle l'a inter-
prétée à sa manière , il est vrai , et dans celte manière il n'y
avait ni grande profondeur ni grande chaleur, eu un mot rien
de surprenant. Mais comme elle ne voulait nullement com-
menter l'œuvre (ainsi que doit le faire un grand artiste), elle
s'est naturellement préservée du danger de tomber dans le
faux ; elle s'est bornée h jouer le concerto fidèlement , loya-
lement, en laissant agir l'œuvre elle-même. Et c'est pour cela
qu'on doit la louer en toute conscience. Sans doute elle n'est
pas encore de force à lutter avec un'géant tel que Beethoven;
mais elle n'a pas reculé un instant devant lui, et le géant n'a
pas voulu vaincre une enfant aussi courageuse. Constatons
donc son grand et légitime succès , et louons le public , par-
fois si fin et si intelligent , d'avoir applaudi à la fois au talent
de la jeune virtuose et au bon sens qui lui avait fait choisir un
morceau digne de ceux qu'on a l'habitude d'entendre jouer
par l'orchestre du Conservatoire. Ajoutons que l'orchestre a
supérieurement accompagné ; c'est encore une des choses
dont on a contracté l'habitude.
Le concert se terminait par l'introduction et le chœur de
Moïse et la symphonie en la de Beethoven. En Allemagne ,
le compte-rendu de pareils concerts se borne à la citation
du programme ; c'est une excellente manière de se tirer d'af-
faire et dont je veux profiter, d'autant plus qu'on connaît les
symphonies de Beethoven à Paris aussi bien qu'en Allema-
gne. Ainsi je prie le lecteur de se contenter de ces mots : Le
concert se terminait par la symphonie en la. En effet , à quoi
bon dire que Dieu est grand et que Beethoven est son pro-
phète?
Stephen Heller.
ON N'A JAMAIS COMPRIS MON COEUR.
Dessin de Gavamî.
Ceci est , comme vous le voyez , la romance de la femme
incomprise , et pourquoi cette femme est-elle incomprise ! On
le comprend tout de suite , en la regardant. Le pianiste qui
l'accompagne , et dont la tête se dessine à travers les ombres
du second plan , a bien l'air aussi d'un pianiste incompris ,
non sans cause , car en général il n'y a d'incompris que ceux
qui ne savent pas se faire comprendre. La morale à tirer de
ce petit tableau , parfait dans son genre, c'est que les chan-
teuses de salon devraient avoir l'esprit de choisir des ro-
mances , comme elles choisissent des robes et des chapeaux ,
et de les assortir à l'air de leur figure , sous peine d'exciter le
rire universel. Quand une femme taillée comme la virtuose
de Gavarni vient chanter d'un ton lamentable : On n'a ja-
mais compris mon cœur, ce qu'on trouve de plus honnête à
lui dire, c'est : « Parbleu , madame , je le crois bien ! »
MBI. les Abonnés recevront avec le présent numéro : lie
Canon ènigmatique à cinq parties , sur une seule ligne , destiné
à être placé sur la tombe de Joseph Haydn , et composé par sou
élève , Sigismond llJeukomm, Fac-Simile de l'écriture de
l'auteur .
Eie cinquième Concert de la Gazette musicale aura lieu le
ï"' Mars , dans les salons de SSIffl. Pleyel et C', 20, rue Roche-
chouart.
HOTTTEIiLiES.
.', Aujourd'hui par extraordinaire à l'Opéra , Dom Sébastien de
Poriiignt. — Bemam lundi, le Comte Ory et la Péri, pour la dernière
repiéseutalion de M"= Carlotia Grisi avant son congé; — mardi
Guillaume Tell.
,', La première représentation du nouveau ballet , un Caprice eu
le Marché aux servantes, est annoncée pour mercredi prochain.
,*. Les rcpélilions du Lazzaroiie ou le Bien vient en dormant se
continuent avec activité.
*." M''" Nau est arrivée à Lyon et a ohtena un succès d'enthou-
siasme, bouquets, couronnes, rappel; eniîn rien n'a manqué au
succès de celte charmante cantatrice.
*„' La représentation si souvent remise d'Otello, au bénéfice de
M">= Grisi, a eu lieu enfin mercredi dernier. L'effet a été générale-
ment très bon. La bénéficiaire a eu de magnifiques élans de génie
dramatique et musical. Mario , qui s'était déjà montré fort remar-
quable dans le rôle d'Otello , s'est soutenu au moins à la même hau-
teur. Ronconi , qui remplissait celui de lago , a cru pouvoir user du
bénéfice de sa voix pour le chanter en ténor; mais en cela il s'est
trompé, non qu'il ait laissé beaucoup à désirer, mais il eût mieux
valu , pour lui, qu'il chantât ce rôle arrangé pour voix de baryton,
comme faisait Tamburini; Salvi chante la partie |de Rodrigo avec
un succès fort distingué.
V Masset, le ténor de l'Opéra-Comique, dont on applaudit
journellement la jolie voix et la méthode excellente, qui a chanté
avec tant de bonheur dans la Dame Blanche, Zampa et tant d'autres
Sh
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ouvrages, partira en congé le 1" avril pour un mois; c'est une nou-
velle de grand intérêt pour les directeurs des théâtres de province
qui voudront le posséder.
*,* Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur un cours gratuit
d'histoire et de théorie de l'harmonie que M. Fétis, maître de cha-
pelle du roi des Belges et directeur du Conservatoire de musique de
Bruxelles, vient d'annoncer, et qui commencera aujourd'hui à deux
heures dans la salle de M. Herz, rue de la Victoire. Le nom du cé-
lèbre professeur, l'estime dont jouissent ses ouvrages concernant
toutes les parties de l'histoire et la théorie de la musique, dans l'Eu-
rope entière , ne peut laisser de doute sur l'intérêt que ce cours
inspire à tous les artistes et amateurs de musique.
*/ Rossini a adressé à M. Panseron la lettre suivante :
<i Mon cher ami , ainsi que je l'ai promis à mon dernier voyage à
Paris, j'ai fait adopter vos excellents ouvrages de chant au Conser-
vatoire de Bologne, ouvrages que je regarde comme devant être
d'une grande utilité aux élèves de la carrière théâtrale ; je ne fais
en cela que rendre justice à votre mérite qui sera toujours apprécié
par votre affectionné ,
Bologne, 5 février 1844. Gioachino Rossini. »
*,* Cette semaine, une brillante soirée a eu lieu chez un de nos
pianistes les plus distingués, M. E. Wolfï'. On y a entendu M"« Mé-
lanie Maas, et apprécié la netteté et la justesse de son jeu; il y a un
grand avenir dans cette jeune pianiste. M'i= Maas a exécuté, avec
M. Trinquart, un duo de M. E. Wolff sur des motifs des Huguenots,
et une fantaisie sur la Lucie, de Prudent. M. Wolff a fait enlendre
des nouvelles nocturnes, la Mélancolie et l'Espoir, et une nouvelle
valse, V Andalouse. Ces ouvrages délicieux ont été couverts d'applau-
dissements.
V Dans les dernières soirées données par M"»' la comtesse Merlin,
on a entendu et beaucoup applaudi un violoncelliste italien, M. Piatti,
que l'on peut hardiment citer à côté des Servais, Batta, Seligmann,
et Offenbach. Nous aurons l'occasion de l'entendre une seconde fois
et nous parlerons plus longuement de cet artiste distingué.
,*» La jolie M"" Sabatier annonce un concert pour le 9 mars dans
la salle de M. Herz. Tous ceux qui aiment à entendre une cantatrice
charmante s'y sont donné rendez-vous.
*,* A peine M. Goldberg a-t-il fait son>pparition dans les salons ,
que déjà il est tout à-fait adopté. Nous l'avons entendu ^'chanter avec
plusieurs artistes du théâtre Italien , et notamment cliez M. Duprez,
où il a obtenu des suffrages unanimes pour sa voix fraîche et drama-
tique, et surtout pour son excellente méthode.
V Le concert de M. Chevillard, dont nous avons donné le pro-
gramme dans notre dernier numéro, a lieu aujourd'hui à 2 heures
dans les salles de M. Pleyel.
*,* MM. Alard et Dorus ont associé leur beau talent pour un
Concert qui aura lieu dans la salle de Herz, le dimanche, 17 mars, à
deux heures. Entre plusieurs morceaux nouveaux, ils feront enten-
dre une Fantaisie concertante pour violon et flûte , qui obtiendra,
nous l'espérons, un grand succès. Nous donnerons dans le prochain
numéro le programme détaillé de ce Concert, qui sera très remar-
quable.
*,* La fantaisie brillante pour le piano, sur des motifs de /a Juive,
par M. A. de Kontsky, à peine publiée, obtient un succès d'enthou-
siasme dans tous les salons; c'est un ouvrage digne d'un pianiste et
compositeur de beaucoup de talent.
,*, Parmi les Concerts qui se donneront au mois de mars, nous
citerons celui de M. Gold , jeune violoniste qui s'est déjà fait en-
tendre dans quelques salons avec beaucoup de succès ; nous donne-
rons prochainement le programme de son Concert.
*,* On lit dans le Journal de Bruges : « M. Adolphe Fctis, que nous
avions le plaisir de connaître comme un de ces rares accompagna-
teurs que les artistes chanteurs préfèrent aux meilleurs orcbeslres,
nous a révélé un talent de pianiste fort remarquable. Dans un
concerto de Herz, il nous a montré un doigté des plus exercés et
plein de facilité et d'élégance; le son qu'il tire de son instrument
est d'un beau volume et d'une belle qualité : par ce dernier mérite,
qui constitue à notre avis la plus haute qualité du pianiste, M. Adolphe
Fétis nous a rappelé la puissante sonorité de Thalberg. Dans un se-
cond morceau pour piano, avec accompagnement d'orchestre, mor-
ceau écrit avec une grande distinction dans les idées et une élégance
de style fort remarquable , BI. Fétis a reçu du public de nombreuses
marques d'approbation. »
V La nouvelle delà mort de M"» Catalan! a été démentie. A ce
sujet, la Gazette de Leipsick publie la lettre suivante :
« M. le docteur Pelier : Qu'ai-je donc fait à la presse allemande
pour qu'elle me tue pour la quatrième fois? Quoiqu'àgée de soixante-
quatre ans, je jouis d'une bonne santé, et je vis dans la retraite,
heureuse de mes souvenirs. Les journaux français, trompés par les
feuilles allemandes, ont deux fois annoncé ma mort; les journaux
anglais l'ont annoncée une fois. D'abord cette nouvelle a été pour
moi plus agréable que terrible , car j'avais lu avec une certaine sa-
tisfaction les éloges qui accompagnaient l'annonce de ma mort. Mais
j'avoue que ces bruits, toujours répétés, de mon décès imaginaire
finissent par m'alarmer. C'est une chose vraiment cruelle pour une
vieille femme d'apprendre continuellement par les journaux qu'elle
n'est plus de ce monde ; je Cnirai , si cela dure, par me croircmoi-
même bien et duement enterrée. De grâce, laissez-moi vivre. Mon
héritage est trop mince pour exciter les désirs de mes héritiers. Ce
que les prodigalités de mon mari m'avaient laissé, je l'ai consacré à
l'Art, lorsque j'étais à la tête de l'Opéra-Ilalien de Paris. Quant au
produit de mes concerts, les pauvres l'ont partagé avec moi. Le pe-
tit domaine où je suis me rapporte quelques mille livres sterling :
c'est tout ce qui me reste des millions que l'Europe m'a donnés.
Laissez-moi , je vous en prie, jouir encore de cette modeste fortune,
et n'abrégez pas à plaisir le peu de jours qui me restent. Car je le
confesse , les épreuves réitérées auxquelles me mettent les journaux
sont assez peu récréatives. Veuillez insérer cette lettre dans votre
journal, après l'avoir traduite, ce qui vous sera facile , car j'aime à
vous supposer un peu plus familier avec la langue iialienne, qu'à
l'époque de votre voyage au lac de Côme , lorsque vous vîntes me
donner des nouvelles de mes amis d'Allemagne. Permettez-moi,
Monsieur, de me dire, en toute sincérité , votre obéissante servante.
Florence , 6 janvier. Angelica Catalani. ■>
,*, M. Waldmuller, tel- est le nom singulièrement estropié par
notre imprimeur, de ce pianiste d'un talents! remarquable, arrivé
de Vienne, et qui doit donner prochainement un Concert.
,*, Dans une notice fort intéressante sur la vie du célèbre compo-
siteur Charles Czerny, publiée à Vienne, chez Mechetti, nous trou-
vons que M. Czerny n'est point hongrois, comme on l'avait dit der-
nièrement par erreur, mais né en Bohême; son nom n'est pas d'ori-
gine slave, mais tout-à-fait Bohémien. H eut pour maître Clementi.
M. Czerny, pour compléter le grand nombre d'ouvrages d'un mé-
rite incontestable , que nous lui devons , s'occupe en ce moment
d'une grande collection d'éludés pour le piano, depuis les plus faciles
jusqu'à la plus grande difficulté. Il commence celte publication par
VAri de délier les doign , dont nous aurons à nous occuper prochai-
nement.
",* Le chœur national de Charles fl à quatre voix d'hommes , et
choeur avec accompagnement d'orchestre , vient de paraître. Nous
nous empressons de donner cette nouvelle aux sociétés philharmo-
niques, qui désiraient depuis longtemps ce morceau que l'auteur a
dégagé de l'action qui s'y trouve liée à la scène. La Société philhar-
monique de Saint-Quentin fera la première exécuter ce chœur déjà
célèbre à son concert, qui aura lieu le 19 courant. L'ouverture de
Cliarles VI fait aussi partie du programme. Nous ne doutons pas de
l'empressement que toutes les sociétés musicales mettront à imiter
celle de Saint-Quentin.
Clu°oniqiie tléiiavtenBentate.
*," Orléans. — L'inauguration de la nouvelle salle de l'Institut
musical a eu lieu le 9 février. Nous avons eu le bonheur d'entendre
et d'applaudir M. Géraldy, la jolie et gracieuse M"» Sabatier, et
l'admirable violoniste M. Ernst. Ce grand artiste aéleclrisé toute la
salle, en nous faisant entendre le damaval de Venise , des variations
de Mayseder, le Feuillet d'Album, extrait des études de Heller, et
une élégie. Les honneurs de la fêle ont été pour M. Ernst, et il les a
bien mérités; on ne l'appelle ici que le roi des violons.
•,* Clermoiil, b février. — Depuis l'arrivée do M. Hermann-Léon
et de M"'" Dunol-Maillard , la foule encombre notre théâtre. Nous
avons eu successivement la lYorma, le Chalet, la Favoriie et lu Juive,
par M"" Dullot-Maillard et Hermann-Léon. Ce dernier a chanté et
joué le cardinal dans la perfection, il"" Duflot , dans le rôle de Ra-
chel , a été admirable. Impossible de mieux dire •■ Lorsqu'à toi je me
suis donnée , j'outrageais mon père et l'honneur. M"'« DuDot est une
grande tragédienne; ce qui nous étonne, c'est la puissance et la fraî-
cheur de sa voix dans les morceaux les plus dramatiques. Zni^juociie,
qui n'avait été jouée que deux fois il y a deux ans , vient de fournir
l'occasion d'un nouveau triomphe à Hermann et à M"» Duflot. Ils ont
été admirables, et rappelés avec enthousiasme à la fin de la pièce.
Hermann-Léon a mis tant de suavité et d'expression dans la ro-
mance : Pour tant d'amour , que les bravos ont éclaté dans toute la
DE PARIS.
55
salle à la fin du morceau. Quant à M-»' Duflot, je n'ai qu'une chose
à dire : c'est que l'enthousiasme a été tel , au quatrième acte , qu'on
a redemandé bis pour la phrase : F'a dans une autre pairie, La grande
cantatrice s'est rendue au désir du public.
'J* Bordeaux, M février. — Samedi dernier, le Cercle philhar-
monique a donné son second concert de la saison. Des bals nombreux
semblaient devoir nuire à l'éclat de cette soirée et lui enlever celle
multitude de femmes élégantes qui, à pareils jours, peuple ordi-
nairement la salle du Casino. Jamais , au contraire, l'empressement
ne fut plus grand et la foule plus compacte. Dès sept heures, la salle
était comble, et parmi les huit ou neuf cenls auditeurs réunis on
pouvait compter plus de six cents dames rivalisant de grâces , et
dont les fraîches et élégantes parures faisaient deviner qu'après le
concert un autre plaisir les alleodait. Il est vrai de dire que , de
même que celui du 16 décembre dernier, le programme était des plus
attrayants; on devait entendre deux artistes de mcrile, Louis La-
combe, pianisie distingué , dont le talent gracieux et correct avait
été si hautement et si justement apprécié dans ses précédents con-
certs, et M"" Sabine Heinefetter, caniatrice déjà avantageusement
connue, sœur de Catinka Heinefetler, l'une des premières chan-
teuses de notre théâtre. Lacombe a joué avec une supériorité incon-
testable le morceau de concerto en la mineur de Hummel , puis sa
grande fantaisie sur Béatrice di lenda, dédiée à Thalberg, où sont
amoncelées les difficultés les plus ardues du piano; et en troisième
lieu, son nocturne en ut dièze, sa brillante et gracieuse étude en
mi bémol, et son grand galop. Le jeu de 1 acombe est irréprochable;
c'est la belle école du piano dans toute sa pureté ; il chante délicieu-
sement; il joue la difficulté avec la plus grande netteté et sans le
moindre eflbrt; il captive et charme surtout ses auditeurs avec un
talent tout-à-fait exceptionnel. Cet habile artiste a recueilli à Bor-
deaux une ample moisson de lauriers; il y compte maintenant au
premier rang des pianistes célèbres qui ont visité notre cité. M"= Sa-
bine Heinefetter a chanté avec un égal bonheur un air A'Elisire
d'amure, une mélodie de Giulio Atary et le grand air du dernier
acte de Luùu. M"" Sabine est une belle chanteuse ; sa voix large et
timbrée se prête aux élans les plus dramatiques; en même temps
que, légère et facile , elle vocalise avec une grande pureté. La mé-
thode de JM"" Sabine est excellente et ne laisse rien à désirer. Le pu-
blic lui a témoigné son entière satisfaction par ses nombreus et cha-
leureux applaudissements. Les ouvertures du Cheval de bronze, celle
de Robin-des-bois , et le premier morceau de symphonie de Beetho-
ven ont été exécutés avec aplomb et vigueur, et nous croyons pou-
voir dire avec autant de perfection qu'on puisse espérer d'un or-
chestre presque entièrement composé d'amateurs. Un artiste avan-
tageusement connu , M. Bellon, vient de faire une découverte qui
intéressera au plus haut degré les luthiers et les violoncellistes. Au
moyen de ce procédé, il réussit à détruire le frôlement qui existe sur
certaines notes des grosses cordes du violoncelle et qui nuit tant à cet
instrument. Nous ne nous étendrons pas davantage sur celte inven-
tion avant que les artistes et amateurs distingués de noire ville, qui
se sont empressés d'en faire l'application à leurs instruments, en
aient fait l'essai pendant quelque temps encore.
*,* Lyon. — Le directeur de notre théâtre est dans un singulier
embarras; il est en discussion avec la plupart des artistes. Déjà la
meilleure des cantatrices de la province et la favorite du public de
Lyon , M""" Miro-Camoin , a résilié son engagement; plusieurs ar-
tistes sont sur le point de suivre son exemple. Tous les ouvrages nou-
veaux sont tombés à plat , tel que la Part du Diable , le Puits d'A-
mour et Mina. On parle assez hautement de la chute de celte direc-
tion, qui sera remplacée, il faut bien l'espérer, par une plus habile.
Clu-oiiifiite étrangère.
%" Londres. — La Société des concerts, dite : « Ancient concerts »,
fondée en 1776, donnera successivement plusieurs soirées musicales
dans le courant de mars, avril et mai , et terminera par le Messie de
Haendel , qui sera exécuté le 5 juin de cette année, au profil de la
société royale des musiciens. — Aux concerts sacrés [sacred concerts )
de Crosby-Hall, miss Steele a chanté un air de Purcell, M. Hobbs un
air d'Haydn et une fugue de miss Anna Mounsey, qu'on prendrait
pour une œuvre de Sebastien Bach, s'il faut en croire les journaux
anglais. — Le comité du dernier festival qui a eu lieu à Birmingham
a fait remettre à l'administration de l'hospice général de cette ville la
somme de 3,000 livres slerl. (75,000 f.) qu'avait produilecelte grande
solennité musicale. — Selon les dernières nouvelles, le personnel de la
troupe italienne de Londres est composé de M™»* Grisi, Favanti , Bel-
lini,DaiFioTietPersiani,etdeMM.Mario,Corelli,DaiFiori,Felice,For-
nasari et Lablache père et fils. M""' Favanti, ainsi que MM. Corelli etFé-
lice débutent cette année au théâtre italien de Londres. M°" Persiani
et M. Fornasari ouvriront la saison dans Zampa. M"»« Carlotta GrisI
débutera dansle ballet nouveau, -EimeiaWa, deM.Perrot.quise char-
gera du rôle de Pierre Gringoire. On annonce une autre nouveauté
chorégraphique, c'est le ballet de Jeanne d'Arc, dans lequel débutera
M"' Fanny Elssler, M"' Cerrilo est également attendue à Londres vers
la fin d'avril. Parmi les autres notabilités du corps de ballet, nous ci-
terons M'i» Adélaïde Frasi , du théâtre de la Pergola, M«" Guy Ste-
phan. La direction de l'orchestre est confiée à M. Costa. M. Tolbecque
est chef d'orchestre , M. Perrot maître de ballet. Ce qui paraît
piquer vivement la curiosité du beau monde de Londres, ce sont les
débuts de M"" Favanti, qui est Anglaise de naissance, qui a été
formée par le conservatoire royal de Londres ; l'amour-propre na-
tional est intéressé au succès de la jeune débutante , qui, par consé-
quent , peut compter sur un bienveillant accueil. Parmi les pièces du
répertoire on cite encore : il Fantasma, de Persiani, Don Carlos, par
Costa , Corrado d'Altamuru , par Ricci , etc.
— S. A. R. le duc de Cambridge a consenti à présider le club des
Mélodistes, ainsi que le festival qui aura lieu le 19 avril pour le
106" anniversaire de la société royale des musiciens. Nous aimons à
voir en Angleterre les princes s'honorer par les honneurs qu'ils ren-
dent à notre art.— Camille Sivori Ernst et M"» Dorus-Gras doivent,
dit-on , se trouver réunis à Londres dans le cours de la saison pro-
chaine. — Le théâtre de Drury-Lane vient de recevoir un drame mu-
sical, intitulé: The seven Maidens of Munich {les sept Filles de
Munich ). L'auteur, M. Rodwell , a composé à la fois les paroles et la
musique, exemple qui en France a déjà été donné par notre illustre
Berlon. L'ouvrage va être mis immédiatement à l'élude.— La société
d'Harmonie sacrée a , dans une séance très brillante, fait entendre
l'oratorio de Jeplué par Handel. La partie vocale avait pour dignes
interprètes Braham, Phillips et miss Rainforlh.— M. Bunn , le direc-
teur de Drury-Lane, a engagé notre célèbre Duprez pour douze re-
présentations, et lui donne pour chacune 100 livres sterl. (2,500 fr.)
*»* Francfofi-sur-le-Mein. — Le succès des soirées pour la musi-
que classiqueque M. Edouard Rosenhain a organisées va toujours en
augmentant. Dans la seconde soirée qu'il vient de donner i'afQuence
du public et surtout du beau monde élait telle que la salle pouvait à
peine contenir la foule. M. Rosenhain a joué un trio de Hummel et
le grand trio en mi bémol majeur de Beethoven avec un sentiment
si profond, et avec tant d'enirainement, que les applaudissements
les plus bruyants éclataient de toutes parts. Aussi nos journaux sont
pleins d'éloges, et nous nous réjouissons que labonne musique trouve
de si bons interprètes et tant de retentissement parmi nous, et qu'il
n'appartient pas seulement aux airs variés et &u\ grandes fantaisies
brillantes la prérogative de produire de l'effet.
*,* Leipzig. — Notre Conservatoire compte aujourd'hui soixante
élèves; il est dirigé par des hommes d'un mérite reconnu, tels
que MM. Mendelssohn-Bartholddy, Robert Schumann , David, etc.
Robert Schumann vient de faire exécuter au Gewandhaus un grand
poëme musical, le Paradis et la Péri, dont le sujet est tiré de lalla
Book. Cette œuvre nouvelle du spirituel compositeur n'est pas goû-
tée de tout le monde. Le Songe d'une nuit d'été, littéralement tra-
duit de Shakespear avec la musique de Mendeissohn , a tiil fiasco;
peu s'en est fallu que l'auteur i'Hamlei, le grand génie que les cri-
tiques de l'ancienne école romantique ne cessaient d'opposer aux
maîtres de la scène française, n'ait été sifflé en plein théâtre; et
c'eût été de toute justice , car de pareilles rêveries, des contes'de
fée où, pendant une heure entière, on ne voit autre chose que deux
couples amoureux qui se poursuivent et se fuient, un Oberon d'un
embonpoint fort honnête, et des sylphes rudement charpentés et par-
faitement nourris; tout cela n'est plus de notre temps, pas plus que
le style du poète, surchargé d'images et de concetii. Nous préfé-
rons cent fois les vaudevilles françaiss
%* Vienne. — Le comte Czernin quitte la direction supérieure
du Burgthéater ; il est remplacé dans ses fonctions par le landgrave de
Furstenberg , grand-maître des cérémonies.
CONCERTS ANNOirCÉS.
18 février. 2 heures. M. Al. Chevillard. Salons Pleyel.
28 — 2 — M. Ropiquet. Salons Bernhart.
28 — 8 — M. Ernst. Salle Herz.
5 mars. 8 — M"= Élise Krînitz.
9 _ » _ Mme Sabatier. Salle Herz.
12 — 8 — M"' Korn. Salle Herz.
17 — 2 — MM. Alard et Dorus. Salle Herz.
Le Directeur, Bédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
36 1 REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
Pour paraître le 15 Mars
mu MAURICE SCHLEMER, 97, RDE RlCIlELIEr.
TRAITE COMPLET
DE LA THÉORIE ET DE LA PRATIQUE
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L'IIJ.EMOMIE
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G. KASTNER , LISZT, GEOllGE SA^"D, L. RELLSTAB, P,U,L SMllH. A. SPECHÏ, etc.
Paraissant tous Jles Oitnanehes»
IL SERA JOINT A CHAQUE NUIUÉBO UN DESSIN INÉDIT DE GATABNI.
Iic t" et le 15 de chaque mois on recevra un morceau de niulvn*
SOMMAIRE. Euphonia , ou l.i Tille musicale ( suite) ; par il. BER-
LIOZ..— L' Actrice et l'Étudiant (suite et fin); par n. BLA\-
CHARD. — Académie royale de musique : Lady Hem-icue ou ta
Servante de Greenwich, ballet en trois actes (première représenta-
tion).— Coup d'oeil musical sur les concerts de la semaine; pir
H. BLANCHARD.— Nouvelles. — Annonces.
PinjsionomU des chanleurs. [S. 2.) LA DOULEUR D'UNE MÈRE.
Dessin de Gavarni.
Xe cinquième Concert de la Gazette musicale aura lieu le
1" Blarç. ( Voirie Programme avant les Nouvelles.)
MM. les Abonnés recevront avec le présent nuoicro : Une
Polka nouvelle de «7. Strauss.
ou
LA VILLE MUSICALE.
PREMIÈRE LETTRE,
(Suite 1.)
Sicile, 7 juin 2344.
XltEF A fiOTCEH.
Il conséquence de ce mépris prodigieux des Ita-
' liens actuels pour la musique , ils n'ont plus de
compositeurs , et les noms des grands maîtres
des écoles anciennes, de 1820 et 1860, par
exemple, ne sont connus que d'un très petit
nombre de savants. Ils ont donné la dénomination assez plai-
sante A'operatori (opérateurs, faiseurs d'opéras) aux pauvres
diables qui , pour quelques pièces d'argent , vont compiler
(I) I.a reproduction de cette nouvelle est interdite. —Voir le
numéro 7.
dans les bibliothèques les airs , duos , chœurs et morceaux
d'ensemble de tous les maîtres, de tous les temps, analogues
ou non aux situations , au caractère des personnages et aux
paroles , qu'ils assemblent, au moyen de quelques soudures
grossièrement faites , pour former la musique des pièces de
théâtre. Ces gens-là sont leurs compositeurs, ils n'en ont plus
d'autres. J'ai eu la curiosité de questionner un operatore
pour savoir pertinemment et avec détails la manière dont se
pratiquent leurs opéralions. Et voilà ce qu'il m'a répondu :
« Quand le directeur veut une partition nouvelle , il as-
» semble les chanteurs pour leur soumettre le scénario de la
» pièce et s'entendre avec eux sur les costumes qu'ils auront
« à porter. Les costumes sont en effet la chose principale pour
» les chanteurs , puisque c'est la seule qui attire un instant
» sur eux l'attention du public le jour de la première repré-
» sentation. De là surgissaient autrefois des discussions ter-
» ribles entre les virtuoses chantants et les directeurs (les
» auteurs ne sont jamais admis à ces séances , ni consultés au
1) sujet de ces débats. On leur achète un libretto, comme on
>) fait d'un pâté qu'on est libre de manger ou de jeter aux
» chiens après l'avoir payé). Mais aujourd'hui les directeurs
11 sont devenus plus raisonnables, ils ne tiennent plus à la vé-
« rite des costumes , ils ont senti qu'il ne fallait pas pour n
11 peu mécontenter les artistes , et leur tàclie se borne
» maintenant à les satisfaire tous , ce qui n'est pas aisé. On
11 vient donc seulement, en lisant le scénario, savoir quel
11 genre de costume les acteurs ont choisi , et veiller à ce
11 que deux d'entre eux n'aient pas l'intention de revêtir le
» même, car de celte coïncidence naissent souvent d'inexpri-
11 mables fureurs ; et c'est alors que la position de l'impre-
11 sario devient embarrassante. Ainsi , pour l'opéra nouveau
11 le Roi Murât , Cretinone , chargé du rôle de Napoléon , a
» voulu copier une statue antique et paraître sous la cuirasse
11 de Pompée, un ancien général qui vivait plus de trois cents
11 ans avant Napoléon , et qui fut tué d'un coup de canon à la
BUREAUX B'ABONWEMEîgT, RUE I?3CHEÎ,ÏEiJ, 97.
58
REVUE ET GAZETTE MUSIG VLE
» bataille de Pharsale. ( Tu vois que mon pauvre operatore
n'est guère plus fort sur l'hisloire ancienne que sui; la mu-
sique. Je le laisse continuer.)
» Mais justement Caponetti, qui joue .Murât, avait eu la
» même idée , et il n'y aurait jamais eu moyen de les mettre
» d'accord, si Luciola, notre prima donna, n'avait proposé
» le grand bonnet à poil d'ours avec un panache blanc pour
» Napoléon , et le turban bleu avec une croix en diamants
» pour Murât. Ces coiffures ont plu à nos virtuoses et leur ont
» paru établir entre eux une assez notable différence pour
» leur permettre de porter tous les deux la cuirasse romaine;
» sans cela la pièce n'eût pas été représentée.. Une fois la
» grande affaire des costumes terminée, on passe à celle des-
» morceaux de chaut. Alors commence pour l'operatore une
» tâche bien pénible, je vous assure, et bien humiliante pour
» lui, s'il a quelque connaissance de la musique et un peu
» d'amuur-propre. — Ces messieurs et ces dames examinent
«l'étendue elle tissu des méiodii's , et d'après celle rapide
» inspection l'un dit : Je ne veux pas chanlcr en fa. »iai
»• phrase du trio, ce n'est pas assez briUanl. Operiitore! tu
» me la transposeras en fa dièse. — Mais , monsieur, c'est
w wn trio, el les deux autres voix devant rest.r dans le ton
» primitif, comment [aire?- — Fais comme lu voudras, mo-
!> dule avant et après , ajoute qnelqftes"mf^tres , enptrar-
» range-toi, je veux chanter ce thème en iaL.die.ze..— Cette mé-
» lodie ne me 2JlaU pas , dit ïâ ^nmà donna, /en veux une
» autre. — Signora'V^t'l'e thème dXimorcrawd'^ensemble, et
» toutes les parties de\chant le repretiMit successivement après
» vous, il faut bien que vous daigniez le chanter. — Comment,
» ilfaut,\impertinent! Il faut que tu m' en donnes un autre,
» et tout dgf suite ! voilà ce qu'il fatit. Fais ton métier et ne
» raisonne pas. — Hum! hum.' Tromba! iromba ! gia ri-
» bomba la tromba, crie la basse sur le ré supérieur. Ah.'
» ah! mon ré n'est pas si fort qu'à l'ordinaire depuis ma
» dernière maladie, je dois le laisser revenir. Operatore!
» tu'^auras à m 'ôler toutes ces noies, je ne veux pas de ré
» dans mes rôles jusqu'au mois de septembre; tu mettras
» des do et des si à la place. — Dis donc, facchino, gronde
» le baryton , est-ce que tu aurais envie de recevoir une ap-
» plication de la pointe de mon pied quelque part ? je m'a-
» perçois que tu oublies mon mi bémol! il ne paraît qu'une
» vingtaine de fois dans mon air ; fais-moi le plaisir d'a-
» jouter au moins deux mi bémol dans toutes les mesures, je
» n'ai pas envie de perdre ma réputation! etc., etc. — Et
» pourtant, continue le malheureux, il y a quelquefois de bien
» jolispassagesdans ma musique, je puis le dire. Tenez, voyez
» cette prière qu'on m'a toute gâtée, je n'ai jamais rien
» trouvé de mieux ! »
Je regarde !... sa musique... juge de mon étonnement en
reconnaissant la belle prière du Moïse de Rossini que nous
exécutons quelquefois le soir au jardin d'Euphonia avec un
si prodigieux effet. Le vieux maître qui faisait si bon mar-
ché , dit-on , de ses compositions, eût donné la preuve d'ime
rare philosophie ou plutôt d'une bien coupable indifférence
en matière d'art s'il eût pu prévoir sans indignation quel
monstre grotesque l'une de ses plus belles inspirations de-
viendrait un jouF^! D'abord la simple et vibrante modulation
de sol mineur en si bémol majeur, qui donne tant de majesté
au déploiement de la seconde phrase , a été changée pour
celle horriblement dure et sèche de sol mineur en si naturel
majeur ; puis au lieu de l'accompagnement de harpe de Ros-
sini , ils ont imaginé de placer une variation de flûte chargée
de traits et de broderies ridicules, et enfin à la dernière ré-
prise du thème en sol majeur, on a jugé à propos de substi-
tuer... quoi? Devine si tu peux et dis-le si tu l'oses!... le-
refrain de l'air national français « Aux armes, citoyens! » an- -
compagne d'une dousaibe de tatnbonns.et.dë quatre grosses
caisses!!!
Il est prouvé que ce vieux Rossini , à qui certes les idées
ne faisaient pas faute , ne négligeait pas , dans l'occasion , de
s'emparer de celles d'autrui qiiand le hasard voulait qu'une
mélodie heureuse fût tombée en partage à un malotru ; il
l'avouait même sans façon , et se moquait encore de celui
qu'il dépouillait : u E iroppo buono per questo coglione ! »
disait-il , et il en faisait un morceau charmant ou magnifique,
selon la nature du sujet. C'étaient autant de canons (sans ca-
lembourg) pris sur l'ennemi, avec lesquels, comme disait le
grand empereur, il fondait sa colonne. Hélas! aujourd'hui,
la colonne est brisée , et de ses fragments que nous recueil-
lons avec tant de respect, les Italiens fondent des ustensiles
de cuisine et d'ignobles caricatures.
C'est donc ainsi que passent certaines gloires , sur les peu-
ples même qu'elles ont échauffés de leurs rayons les plus ar-
dents! Nous conservons, il est vrai, nous autres Euphoniens,
toutes celles que l'art a sérieusement consacrées; mais nous
ne sommes pas le peuple, dans la liau.te acception du/niot,
nous formons même, il faut l'avouer, un très petit fragment
de peuple perdu dans la masse des nations civilisées. La
~gloir.e est mt soleil, qui illumine successivement certains
points de notr^e mesquine sphère j mais qui, en se mouvant
à' travers T'espace, parcourt un cercle d'une telle immensité,
quB:la=science^la plus profonde ne saurait prédire avec certi-
tude l'époque de son retour aux lieux qu'il abandonne. Ainsi,
pour emprunter encoreà la nature une autre comparaison, ainsi
est-il des grandes mers et de leurs mystérieuses évolutions.
Si, comme il est prouvé, les continents où s'agite à celte
heure la triste humanité furent jadis submergés, n'en faut-il
pas conclure que les monts, les vallées et les plaines , sur les-
quels roulent depuis tant de siècles les sombres vagues du
vieil Océan , furent un jour couverts d'une végétation flori.s-
sante, servant de couche et d'abri à des millions d'êtres vi-
vants , peut-être, même intelligents !... Quand notre tour re-
viendra-t-il d'être de nouveau le fond' de l'abîme?...
Et le jour où cette catastrophe immense s'accomplira, y
aura-t-il gloire ou puissance , feux de génie ou d'amour ,
force ou beauté, qui ne soient éteints et anéantis Qu'im-
porte!... tout !
Pardonne-moi , cher Rotceh, cette digression géologique et
cet accès de philosophie découragée Je souffre, j'ai peur,
j'attends , je rougis, mon cœur bat , j'interroge de l'œil tous
les points de l'espace; le ballon de la poste n'arrive pas, et
celui d'hier ne m'a rien apporté. Point de nouvelles d'Elli-
mac! que lui est-il arrivé? Est-elle malade ou morte, ou
infidèle! Je l'aime si cruellement! nous souffrons tant,
nous autres enfants de l'art aux ailes de flamme; nous élevés
sur son giron brûlant; nous dont les passions poétisées la-
bourent impitoyablement les flancs pour y seiuer l'inspira-
tion, cette âpre semonce qui doit les déchirer encore quand
ses germes se développeront ! Nous mourons tant de fois
avant la dernière !... Rotceh! Rotceh! je l'aime !... je l'aime,
comme tu l'aimerais toi , si tu pouvais ressentir un amour
autre que celui dont tu m'as fait la confidence ! Et pourtant
malgré la grandeur et l'éclat de son talent, Ellimac m'appa-
raît souvent comme une organisation vulgaire. Te le dirai-
je ? elle préfère le chaut orné aux grands élans du cœur et de
l'âme ; elle échappe à la rêverie; elle entendit un jour à Paris
ta première symphonie d'un bout à l'autre sans verser une
larme; elle trouve les adagios de Beethoven troj) longs !
DETâRIS;
fi9
(Ellenicf emmoird !) Le jour où elle me l'avoua , je sentis un
glaçon aigu me traverser le cœur. Bien plus! Danoise, née à
Elsseneur , elle possède une villa bâtie sur l'emplacement et
avec les saillis débris du ckdleau d' Humlel... et elle ne voit
rien là d'extraordinaire et elle prononce le nom de
Shakespeare, sans rougir ni pâlir; il n'est pour elle qu'un
grand poëte, comme quelques autres... Elle rit, elle rit, la
malheureuse! des chansons d'Ophélia qu'elle trouve très
inconvenantes ; rien de plus. (Ellemef cd egnis! !) Oh! par-
donne-moi, rehc , iuo l.'^é'c emâfni ! Mais, malgré tout, je
l'aime , je l'aime; et , pour dire comme Othello, que j'imite-
rais si elle me trompait , tes tresses de sa chevelure tiennent
aux fibres de mon cœurl Meurent la gloire et l'art! Elle
m'est tout... je 1' — .
Je t'ai quitté un instant, et le mot fatal que j'allais écrire
n'a pas été achevé. Tu devines... un évanouissement! Je ne
répéterai point à ce sujet le vieil éloge de la mort ; je m'ab-
stiendrai de dire : << qu'on est heureux de n'être pas ! »
C'est faux ! on n'est pas heureux; on n'est rien ! et la vie qui
me revient avec ses angoisses... est la vie , après tout. Tiens ,
je pense à elle; je crois la voir avec sa démarche ondoyante ,
ses grands yeux scintillants, son air de déesse; j'entends sa
voix d'Ariel , agile, argentine, pénétrante... je crois être
auprès d'elle; je lui parle... dans son dialecte Scandinave:
« Emillac ! sare disiul dolle menos ? doer si men ? doer ?
vare , Emillac! vare, vare! » Puis, sa tête inclinée sur mon
épaule , nous murmurons doucement nos intimes confi-
dences, et nous parlons des premiers jours, et nous par-
lons de t,oi
Elle est très curieuse de te connaître; elle voudrait aller à
•Euphonia pour cela seulement. On lui a tant vanté de tes
compositions, énormes de niasse, noires d'aspect et calmes
d'abord, comme les nuages gros de foudrcset de tempêtes!..
Elle se fait de toi un portrait assez étrange , et qui ne te res-
semble point, fort heureusement...
Je me souviens de l'intérêt avec lequel elle recueillait
avant mon départ Tous les échos de tes récents triomphes. Je
l'en plaisantai même un jour; et comme elle faisait à ce su-
jet une observation sur mon humeur jalouse : « Moi , jaloux
de Rotceh , répondis-je, oh non ! je ne crains rien; il ne
t'aimera jamais, relui-là; il a au cœur un trop puissant
amour qu'il faudrait éteindre d'abord, et c'est chose im-
posible! » Ellimac ferma les yeux et se tut... l'instant d'a-
près les rouvrant plus beaux : « c'est moi qui ne l'ai-
merai jamais, dit-elle en m'embrassant. Quant h lui, si
je voulais, monsieur, je vous prouverais peut être le con-
traire. » Elle était si belle en ce moment, que je me sentis
heureux , je l'avoue , malgré la constance à toute épreuve de
mou ami Rotceh, de le savoir à trois cents lieues de nous,
occupé de trombones, de flûtes et de saxophones. Tu ne m'en
^voudras pas de ma franchise?..
Hélas! et je suis seul! et depuis mon départ de Paris,
après tant de protestations , tant de serments de ne pas
laisser s'écouler huit jours sans m'écrire, pas une ligne
d'Emillac ne m'est parvenue !
Je vois descendre un autre ballon de poste... je cours...
rien!..
Tu es presque heureux , toi ! Tu souffres , il est vrai , mais
celle que tu aimes n'est plus ! Pas de jalousies , tu n'espères ni
ne crains ; tu es libre et grand. Ton amour est frère de l'art ;
il appelle l'inspiration; ta vie e.st la vie expansive ; tu rayonnes.
Je... Oh ! ne parlons plus de nous ni d'elles. — Noitcidelam
rus setuot sel semmef selleb... que nous n'avons pas !! !
Je vais essayer de reprendre mon esquisse commencée des
mœurs musicales de l'Italie. Il ne s'agit ici , ni de passion ,
ni d'imagination , ni de cœur, ni d'âme , ni d'esprit : ce sont
de plates réalités.
Or donc , je poursuis. Dans toutes les salles de spectacle,
il y a devant la scène une noire cavité remplie de malheu-
reux soufflant et raclant , aussi indifférents à ce qui se crie sur
le théâtre qu'à ce qu'on bourdonne dans les loges et au par-
terre, et n'ayant qu'une idée, celle de gagner ieur souper.
La collection de ces pauvres êtres constitue ce qu'on ap-
pelle l'orchestre, et voici comment cet orchestre est en gé-
néral composé : il y a deux premiers et deux seconds. violons
ordinairement, très rarement un alto et un violoncelle,
presque toujours deux ou trois contre-basses, et les hommes
qui les jouent, pour quelque monnaie qu'on leur donne à la
fin de la soirée , sont fort embarrassés quand il s'agit d'exécu-
ter un morceau oii leurs trois cordes à vide ne peuvent être
employées , en si naturel majeur, par exemple , où les trois
notes naturelles, sot , ré, la, ne figurent point. (Ils ont con-
servé les contre-basses à trois cordes accordées en quintes,
ce qui les oblige h démancher pour la moindre gamme ! ) Ce
formidable bataillon d'instruments à cordes a pour adversaire
une douzaine de bugles à clefs , six trompettes à pistons , six
trombones à cylindres, deux ténors-tubas, deux basses-tubas,
trois ophicléides, un cor, trois petites flûtes, trois petites
clarinettes en mi bémol , deux clarinettes en ut, trois clari-
nettes basses pour les airs gais, et un buffet d'orgue 7)0!<r
jouer les airs de ballets. N'oublions pas quatre grosses-caisses,
six tambours et un tamtam. Il n'y a plus ni hautbois, ni
bassons, ni harpes, ni timbales, ni cymbales. Ces instru-
ments sont tombés dans l'oubli le plus profond. Et cela se
conçoit, l'orchestre n'ayant pour but que de produire un
bruit capable de dominer de temps en temps les rumeurs de
la salle ; les petites clarinettes et les petites flûtes ont des sons
bien plus perçants que ceux du hautbois , les ophicléides et les
tubas sont bien préférables aux bassons, les tambours aux
timbales , et le tam-tam aux cymbales. Je ne vois même pas
pourquoi on a conservé le cor unique qu'on se plaît à faire
écraser par les autres instruments de cuivre; il ne sert vrai-
ment à rien ; et les quatre misérables violons , et les trois
contre-basses , on les distingue à peine davantage. Cette sin-
gulière agglomération d'instruments nécessite un travail spé-
cial des operatori , pour approprier aux exigences de l'or-
chestre moderne (phrase consacrée) l'instrumentation des
maîtres anciens qu'ils dépècent, pilent et accommodent en
olla-podrida , selon le procédé que je t'ai fait connaître en
commençant. Et ces arrangements, bien entendu, sont faits
d'une façon digne de tout ce qui se manipule ici sous le nom
de musique. Les parties de hautbois sont confiées aux trom-
pettes, celles de basson aux tubas, celles de harpe aux petites
flûtes , etc.
Les musiciens ( les musiciens!!! ) exécutent à peu près ce
qui est écrit, mais sans nuance aucune; le mezzo-forle est'
d'un usage invariable et permanent. Le forte a lieu quand les
grosses caisses, les tambours et le tamtam sont employés, le
piano quand ils se taisent : telles sont les huances connues et
observées. Le chef d'orchestre a l'air d'un sourd conduisant
des sourds; il frappe les temps à grands coups de bâton sur
le bois de son pupitre , sans presser ni ralentir , qu'il s'a-
gisse de retenir un groupe qui s'emporte (il est vrai qu'on
ne s'emporte jamais ) ou d'exciter un groupe qui s'endort ;
il ne cède rien à personne ; il va mécaniquement comme la
tige d'un métronome ; son bras monte et descend ; on le
regarde si l'on veut, il n'y tient pas. Cet homrae-matiiine
ne fonctionne que dans les ouvertures , les airs de danse et
60
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
les chœurs ; car pour les airs et duos, comme il est absolument
impossible de prévoir les caprices rhythmiques des chanteurs
et de s'y conformer, les chefs d'orchestre ont depuis long-
temps renoncé à marquer une mesure quelconque; les mu-
siciens ont alors la bride sur le cou ; ils accompagnent d'in-
stinct, comme ils peuvent, jusqu'à ce que le gâchis devienne
par trop formidable. Les chanteurs alors leur font signe de
s'arrêter, ce qu'ils s'empressent défaire, et on n'accom-
pagne plus du tout. Je ne suis en Italie que depuis peu , et
j'ai eu souvent déjà l'occasion d'admirer ce bel effet d'or-
chestre.
Mais adieu pour ce soir, mon ami , je me croyais plus fort ;
la plume s'échappe de ma main. Je brûle ; j'ai la fièvre.
Ellimac! point de lettre. Eliimac ! que me font les Italiens!
Ellimac! et leur barbarie! Eliimac! Ellimac! Je vois la lune
pure se mirer dans l'Etna ! Ellimac ! silence! Ellimac ! loin !
seul! Ellimac! Ellimac!.. Ellimac!!!... Paris!.. Ellimac!..
H. Berlioz.
[La suite au prochain numéro.)
L'ACTRICE ET L'ETl^DIAMT
YII.
Joiar SI nIisiiLe
A
ne nouvelle el com-
plète révolution
s'était opérée dans
mes idées : je ne
rêvais plus que ma-
gistrature de la
presse, feuilleton spirituel, critique
consciencieuse , comme disent la plupart
de nos journalistes en ce genre, sans
que cela tire à conséquence. L'essentiel était
de trouver une tribune, et le plus difficile,
*d'apparaîlre à cette tribune avec un style qui
eût une physionomie , qui ne ressemblât pas
à ce style de tout le monde , à ce slyle qui ne
blesse, n'endort, ni ne réveille personne , qui,
^/m^ dans sa phraséologie banale de bienveillance uni-
'ïi[^ verselle, vous berce de nullités, de lieux com-
muns, d'éloges flasques, et de critiques qui n'en
sont pas.
Je me mets en quête d'un journal dont l'administration
comprenne cela; mais en cherchant une place, je m'aper-
çois qu'elles sont toutes prises par des journalistes qui par-
courent à qui mieux mieux la grande route de la routine. Je
passe six mois dans cette carrière, comme j'en avais passé six
dans mon emploi de ténor, et j'acquiers la certitude que la
pensée de la presse en général n'est nullement celle des cer-
veaux d'où elle part, mais bien l'expression des intérêts
d'hommes d'argent, d'industriels qui transmettent leurs
idées mercantiles sur la politique, la littérature et les arts,
à des écrivains plus ou moins complaisants, plus ou moins
menteurs , plus ou moins adroits mystificateurs du public et
de leurs lecteurs.
Je surmonte cependant tous les dégoûts que cela m'in-
spire ; je me mets aux gages de ces littérateurs marchands des
pensées d'auirui, de ces découpeurs de livres qui font des
(I) La reproduction de V Actrice el l'Étudiant est interdite, sous
peine de poursuites en contrefaçon.— Voir les numéros 2, 3, 4 et 6.
histoires avec de l'histoire , ou plutôt avec des ciseaux. Ils
me payaient fort mal ; mais enfin , à force de travail , je par-
vins à ce que les deux lettres initiales de mon nom mises au
bas d'un article fissent autorité dans la presse littéraire, dra-
matique et musicale. Mais voilà que lorsque je veux parler
à Palmire de ma puissance de journaliste , de mon pouvoir,
et de mon intention de la faire arriver où elle voudrait par le
crédit de ma plume de critique, elle me répond : Oui, je
vous conseille de vous en vanter ! c'est une belle chose ! je
viens de le voir à l'œuvre ce crédit de journaliste conscien-
cieux, indépendant, impartial, et je l'ai vu pousser par re-
commandation , par camaraderie , et par une foule d'autres
considérations , des artistes de tous genres , de tous âges et
de tous sexes , mais de fort peu de talent. Bien entendu que
les solliciteuses , pour peu qu'elles soient jolies , ont les plus
grandes chances de succès auprès de vous , messieurs. Tenez,
cela m'a révoltée, et, près de débuter, j'ai de nouveau
ajourné ma rentrée au théâtre, car j'ai besoin d'oublier la
partialité, la galanterie générale, surtout de MM. les journa-
listes.
Mais il est des exceptions dans le journalisme, dis-je à
Palmire. — Oui, mon cher Jules, et je suis sûre que vous
en offrez la plus grande preuve; vous êtes bon, obligeant et
juste tout à la fois , vous , c'est ce qu'on dit généralement :
aussi je m'honore partout du nom de votre amie , malgré les
plaisanteries qu'on méfait à ce sujet... A propos, avez-vous
entendu le nouveau pianiste , le pianiste à la mode , le pia-
niste par excellence. — Non , mais on m'en a parlé avanta-
geusement. — Oh! mon ami, c'est délicieux , ravissant; on
ne chante pas comme ça ! Quelle puissance de son ! quelle
élégance dans la mélodie ! comme il impressionne son audi-
toire , et cela sans contorsions , sans manière ! — Il y en a
peut-être un peu à croire doué de tous ces avantages, dis-je
à Palmire, un pianiste, et surtout un instrument te! que le
piano. — Non, non, il n'y a point de manière, d'exagération
à dire que le clavier chante sous ses mains éloquentes , que
les sons qu'il tire des touches vous rafraîchissent l'imagination
en vous faisant pleurer doucement , parce que ces sons eux-
mêmes sont comme autant de pleurs qui tombent de ses
doigts, et se changent en gouttes de rosée mélodique vous
provoquant à la rêverie , à l'attendrissement. — Comment
diable ! mais vous voilà jetant des fleurs de rhétorique et
d'esthétique à pleines mains, ou à plein esprit, ma chère
Palmire! Je réclame; car c'est envahir mes fonctions de
journaliste admirateur quand même. ^— Ajoutez enthousiaste,
impartial et convaincu , quand vous aurez entendu ce jeune
et grand artiste. — Je ne demande pas mieux.
J'entendis en effet ce fameux musicien : il ne me parut
pas aussi mélodiste, aussi poëte, aussi sensible que me l'avait
peint son admiratrice ; d'ailleurs je voyais avec peine le
piano cherchant à détrôner le roi des instruments , le violon,
que j'avais beaucoup étudié dans mon enfance et au collège ;
et puis je parlai à ce brillant pianiste , qui me parut cacher,
comme la plupart des instrumentistes célèbres , une assez
forte dose de nullité sous une égale quantité de suffisance
artistique. Il exploitait incessamment le calembourg et par-
lait avec une sorte d'outrecuidance , non de ses impressions
de voyage , mais des impressions que faisait sa personne sur
les populations accourant pour Tentendre jouer du piano.
Je dis dans un journal ce que je pensais de ce talent im-
mense, employant pour cela une légère teinte d'ironie.
— Oh! mon ami, comment avez-vous pu traiter ainsi le
plus beau talent de l'époque ! me dit Palmire lorsqu'elle me
revit.
SUPPLEMENT.
SUPPLEMENT.
DE PARIS.
61
— Il est possible que je l'aie mal jugé selon vous; mais
j'en ai parlé comme un homme inipariial, convaincu et qui
cherche à éviter la camaraderie circonvenant tous les journa-
listes, comme vous savez.
— Oui, oui, je comprends l'épigramme; mais, mon cher
Jules , il faut réparer le tort que vous avez fait h ce jeune ar-
tiste. C'est un acte de justice que vous accomplirez si vous
avez encore de l'amitié pour moi.
— Si j'ai de ramitié pour vous, Palmire!...
Toutes les mystérieuses sensations d'une amour méconnu,
refoulé au fond du cœur, brisé aussitôt qu'il était né, remon-
tèrent du fond de ce coeur à mes yeux, à ma gorge; et je
dis à cette femme qui me dominait sans pour ainsi dire s'en
douter, je lui dis d'une voix étranglée et les yeux presque
mouillés de larmes : Oui , je réparerai ce que vous appelez
mon injustice, Palmire, quoique celte prétendue injustice
ait fait , j'en suis sûr, fort peu d'impression sur celui qui
en a été l'objet. Il se croit tellerat'nt en possession de l'admi-
ration de l'Europe, qu'il ne comprend pas le doute ou l'op-
position à ce sujet.
Palmire , qui m'avait d'abord regardé d'un air étonné , en
voyant mon émotion subite , me dit ensuite , revenant à celui
qui l'occupait : Il faut bien pardonner quelques faiblesses aux
grands artistes. Au reste, je vous assure que vous vous trom-
pez sur le compte de celui-ci. Vous l'entendrez encore, et
vous reviendrez de votre prévention, cl vous l'admirerez, et
vous l'aimerez , car vous êtes un bon enfant.
— Vous le voyez donc vous-même quelquefois?
— Oui ; il me donne des leçons de perfectionnement, de
goût , de sentiment.
— Ah !... des leçons de sentiment?
— Mais sans doute. On apprend à phraser l'expression, on
acquiert de l'âme. Ob ! le phrasé , le style , mon cher, voilà
le secret , le vrai moyen d'impressionner ses auditeurs. Lisez
plutôt ce qu'a écrit Kalkbrenner là-dessus dans sa Méthode
de piano.
Je pensai à l'axiome de Buffon et me dis à part moi : Si le
style c'est l'homme , le grand écrivain naturaliste aurait dû
ajouter : La parole c'est la femme! J'admirais en effet avec
quelle merveilleuse facilité celle-ci adoptait de nouvelles
idées et les défendait comme siennes , comme si elle les avait
toujours eues. Et moi, je lui voyais tant de foi, tant d'en-
thousiasme dans ces nouvelles pensées; ses sensations étaient
si vives , si convaincues que je les partageais , que je les
éprouvais aussi vivement qu'elle. Ce contre-coup de cœur et
d'esprit me faisait oublier mes convictions, mon individua-
lité.
VIII.
Piaiiisaiïe.
Doué d'une grande aptitude musicale , assez habile sur le
violon, je me dis: Et moi aussi je serai pianiste, puisque
c'est un moyen de lui plaire; et me voilà m'exerçant jour et
nuit sur le piano avec une inconcevable ardeur. Je me disais
parfois : qu'il me tarde d'en être à ce moment d'aller chez
elle , de me mettre au piano , et sans affectation , sans ce
phrasé, sans ce style, cette âme de convention, sans morceau
appris, de lui dire dans une improvisation tout ce qu'il y a
de sensibilité profonde en moi , de lui peindre tout l'amour
qu'elle mliispire!... Mais hélas! pour en arriver là que d'é-
tudes sèches , ingrates ! que de découragements , de dépits
et de rage contre l'insuffisance de l'instrument!
Avant de donner une forme mélodique et harmonique à
la pensée, avant de pouvoir la formuler, l'animer, la poé-
tiser, la faire parler avec passion, il faut acquérir par la
patience , le dégoût et l'ennui, l'égalité, l'indépendance et la
liberté des doigts , presque aussi difficile à acquérir que l'é-
galité, l'indépendance et la liberté politique. Soit que dès l'en-
fance je me fusse livré sans autre pensée à ce travail ingrat,
soit que le violon ait en lui plus de charme et de mélodie, et
que j'en eusse déjà surmonté les difficultés , je reprenais
quelquefois cet inslrument pour me dédommager des fa-
tigues que me donnait l'autre. Mon violon était pour moi un
ami sûr à qui je confiais mes sentiments les plus intimes, les
plus cachés; il chantait pour elle, comme elle; et, des ac-
cents d'une joie éclatante, folle, enivrée, il passait à la douce
élégie , à la mélancolie profonde , aux intonations puisées au
fond du cœur; et puis à la prière harmonique en double
corde, succédaient des traits exprimant les cris déchirants du
désespoir; et des pleurs acres et doux tout à la fois terminaient
ordinairement ce paroxysme musical qui m'épuisait, me fai-
sait tomber sur un siège où je restais plus d'une heure ab-
sorbé de fatigue et dans une rêverie fantastique, et sans but,
et sans fin, et qui me faisait croire que je devenais fou. Quand
le misérable flambeau que nous appelons la raison se rani-
mait en moi , je voyais avec pitié que ce jouet social que l'on
nomme artiste est le plus malheureux des êtres s'il a dans le
cœur un autre amour que celui de son art.
Pour oublier ce rêve fatigant, pour faire diversion à mes
tristes pensées, je me remettais au piano pour me délasser
dans la monotonie mécanique de cet instrument. Alors un
autre tourment commençait pour moi. Passant de l'exercice
réguher à la manifestation de la pensée , de la mélodie, je re-
grettais mon violon , si bon interprète de toute poésie du cœur;
je ne trouvais plus cette pression de l'archet sur la corde,
cette vibration qui fait passer l'âme de l'exécutant dans celle
de l'auditeur ; et furieux comme Weber , arrêté dans son
inspiration , alors qu'attaquant sur son piano une note qui ne
répond point, attendu que la corde est cassée, ainsi qu'il nous
le dit dans ses Mémoires, je m'indignais aussi du vide de la
pensée sur ce maudit instrument, sec, aride, dont l'expres-
sion n'est que conventionnelle. Si ce n'eût encore été là que
les seules déceptions qu'il me faisait éprouver ! Je faisais de
la musique avec Palmire ; ses mains légères , interprètes de la
légèreté de son caractère, volaient brillantes sur le clavier,
mais sans s'identifier à ces beaux andante de Mozart ou de
Beethoven; et lorsque dans les imitations mélodiques de ma
partie je tàcbais d'atteindre au dernier degré de l'expression
en creusant pour ainsi dire le son avec mon archet, en cherchant
à le rendre plus ample, plus resplendissant, plus impressionna-
ble, et dans l'espoir qu'elle s'unirait à cette noble et touchante
exhubérence de cœur, j'éprouvais le nouveau tourment de
n'être pas compris, entendu, secondé. Toute musique, pour
celle femme séduisante , mais qui semblait avoir le cœur dans
la tête , était un scherzo continuel , c'est-à-dire un badinage,
un besoin d'émotions passagères et non profondes , un bruit
flatteur , une capricieuse idéahté qui la berçait de sensations
vagues, rapides, et qui lui plaisaient, comme cela plaît à tout
le monde, parce que l'art musical est un thème de conver-
sation que chacun brode ou varie à sa fantaisie, et qu'elle
faisait comme tout le monde.
Au nombre des émotions et des choses les plus tristes de la
vie , on n'a pas encore signalé , que je sache , docteur , le
tourment d'un être dont l'âme est musicale , l'intelligence
exercée dans la science des sons , les facultés exquises , et qui,
possédant une sorte de sixième sens, ne peut harmonier,
associer la femme qu'il aime à ses poétiques et divines ins-
pirations.
62
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Je TOUS vois sourire d'ironie et d'incrédulité, mon ami , si
ce n'est même de pitié , parce que vous ignorez , ou que vous
niez peut-être, les mystères mathématiques, si l'on peut
ainsi s'exprimer , du corps sonore , ceux surtout de la méta-
physique musicale liée au jeu non moins mystérieux de la
physiologie, aux prodiges du somnambulisme, de la catalep-
sie", et par laquelle peuvent s'expliquer les sympathies ou les
antipathies humaines émanant de ces harmonies consonantes
ou dissonantes, de ces harmonies célestes, infinies, qui ré-
gissent la nature, qui bercent notre sommeil , qui nous vien-
nent du ciel.... Mais revenons sur la terre, car aussi bien j'ai
hâte de finir ce triste récit.
IX.
C»39B"iees «Bâves'S.
Si j'avais fait de la musique plus longtemps avec Palmire,
je n'en serais j)as où j'en suis : j'aurais peut-êtie vu plus tôt
l'inanité de son esprit et les infirmités de son cœur; elle se
serait dépoétisée à mes yeux , j'étais sauvé. Il n'en fut pas
ainsi. Son pianiste prodige partit, obligé qu'il était , disait-il,
d'aller sillonner en tous sens l'Europe musicale , et même le
nouveau monde , pour y porter les bienfaits de son talent ci-
vilisateur. Palmire fut attristée de ce départ, que dis-je? elle
en tomba, ou feignit d'en tomber malade; elle eut des atta-
ques de nerfs, des langueurs, des ennuis, et comme un dé-
goût de la vie il y avait un caprice au fond de tout cela,
et je ne m'en doutai pas encore. Me croyant toujours obUgé
de lui parler de musique, je lui dis un soir que je venais
d'entendre un fort beau duo de piano et de violon par Thal-
berg et de Bériot sur Oberon. Un bâillement terminé par un :
Ah! montant à peu près d'une quarte qui exprimait un
étonnement de complaisance, fut sa' réponse, à laquelle elle
ajouta: Je vous dirai franchement, mon ami, que la mu-
sique m'agace les nerfs maintenant. Il y a quelque chose de
vague, d'indéterminé dans cet art qui m'impatiente. —Oh!
il ast certain, repris-je aussitôt, enchanté du nouveau cours
de ses idées que je ne m'expliquais pas encore , que la mu-
sique n'est guère qu'une futilité sociale à ajoutera d'autres.
N'est- il pas vrai? Parlez-moi d'une de ces belles sciences
utiles à l'humanité , comme la médecine , par exemple.
Et voilà cette femme légère , folle , enjduée , qui se met
à me faire une dissertation médicale pleine de sagacité , de
vues hautes, d'aperçus profonds, entremêlés même de termes
techniques sur l'art de guérir , qui me pénètrent d'étonne-
ment et d'admiration.
Que vous dirai-je? sans remonter à la source de ce savoir
d'un moment, de ce caprice de science, je consacrai moi-
même mes nuits et mes jours, et avec une inconcevable ar-
deur, à la médecine , qui se colorait à mes yeux de poésie et
de bonheur, car en me livrant à ces profondes études, je pen-
sais qu'elles me serviraient un jour à prolonger la santé et
peut-être la vie de celle que j'aimais. Sachant bien toute la
responsabilité d'ailleurs que j'assumais sur moi en prenant
une telle profession , je me mis à diviser consciencieusement
mon travail par heures , et je me posai comme règlement in-
variable, comme charte inviolable , s'il en est , cette addition
de vingt- quatre heures pour l'avoir sans cesse devant les
yeux.
Étude 16 heures.
Sommeil 04 id.
Spectacle ou distractions. 02 id.
Repas. ...... 01 «i.
Repos. ..... • 01 id.
Total. . . 2Zi heures.
Avec une telle résolution et sa stricte exécution , on par-
viendrait en quelques années, sinon à être un homme de
génie, du moins à faire des travaux de bénédictins, ou à
produire autant de pièces de théâtre que Scribe en a jeté
dans la circulation dramatique. Je pénétrai par l'analyse ana-
toniique dans les mystères du cerveau avec Gall , Spur-
zheim et Dumontier; je combattis les phlegmasies avec
Broussais et ses disciples; je recherchai le principe des pas-
sions humaines avec Alibert, qui aurait dû s'en tenir à la
phlyctène; car, homme de science légère et superficielle, il
n'a vu dans son livre intitulé Physiologie des passions que le
tissu cellulaire, l'épiderme de son sujet, ce qui n'est point
étonnant dans un médecin connu par sa spécialité pour les
maladies cutanées. Vous voyez , docteur, que j'ai encore l'es-
prit assez libre pour faire de mauvais jeux de mots sur votre
grave profession.
Que vous dirai-je enfin? je scrutai les immenses travaux
produits par la science ancienne et moderne; je recherchai
vainement, comme tous vos confrères passés et présents, à
remonter au principe de la (ièvre, de la goutte, de l'hydropi-
sie, de l'anévrisme du cœur, delà phthisie et de tant d'autres
maladies réputées mortelles, pour les prévenir ou en affran-
chir mes semblables , et je vis l'insuffisance de mon savoir et
du leur, et j'étais découragé , et j'aspirais à me tirer de ce la-
byrinthe inextricable de doctrines contraires , de systèmes ,
de mode et de charlatanisme scientifiques, lorsqu'il plut à mon
Ariane de m'en faire sortir. Elle venait d'entendre nn jeune et
brillant avocat qui avait plaidé avec le prestige d'un bel organe,
les ressources d'un cœur éloquent, et les élans d'un esprit
convaincu, pour une jeune femme accusée d'avoir empoi-
sonné son mari : il la fît acquitter.
Palmire ne connut alors rien de plus beau que le pouvoir
de la parole; je la vis presque regretter de n'être point accu-
sée d'un crime , afin d'éprouver le plaisir d'être défendue par
ce nouveau Démosthènes. Elle n'eut plus qu'un désir, celui
de le voir , de le connaître ; et comme ce que désire une jolie
femme indépendante devient bientôt un fait accompli, je trou-
vai un jour notre jeune avocat, que je connaissais , au reste ,
chez elle ; il se montrait fort galant et fort empressé.
Palmire ne parlant plus que par exorde et péroraison , ne
s'occupant plus que de législation et de jurisprudence, je fis
rapidement par elle et pour elle mon cours de droit; je pris
mes inscriptions , je suivis toutes sortes de conférences : j'al-
lais faire mon stage et plaider tout comme un autre , lorsque
son amour pour l'éloquence s'éleva plus haut encore ; elle
me parla avec enthousiasme des triomphes et des vives émo-
tions que doivent procurer à ceux qui l'affrontent la tribune
nationale. Un jour je trouvai chez elle un député fort riche à
qui elle me présenta. Par la raison qu'elle s'était faite légis-
latrice, je devins publiciste : au reste, ce ne fut pas long.
— Ah ! je suis-fatiguée , me dit-elle un soir, de toutes ces
petites intrigues de barreau , de cuisine législative : cela ne
mène à rien , et j'aime mieux les hommes d'argent. Si vous
m'en croyez , Jules, vous ferez des affaires à la Bourse. —
Des affaires à la Bourse! répondis-je. Y songez-vous? Mais
il faut des fonds, une clientèle, de l'habitude -de ces sortes
d'affaires-là.
— Bah! ça s'apprend bien vite; et quant à des fonds, on
fait croire qu'on en a.
— Mais encore, à quel titre entreprendre?...
— A titre d'escompteur , de courtier de commerce , de
courtier-marron , de faiseur d'affaires, que sais-je enfin? On
I gagne de l'argent , et voilà l'essentiel. Voyez Habraham Bour-
dichon, ce gros monsieur que vous avez vu ici quelquefois,
DE PARIS.
63
il en gagne joliment, lui, allez! ïl en gagne autant qu'un
marchand de ces animaux dont le nom rime avec le sien.
Et voilà que ma folle se met à rire aux celais de sa plai-
santerie, qui m'avait laissé froid, car je la voyais avec peine
perdre, sans s'en apercevoir, celle fleur de pudeur et de dé-
licatesse qu'elle avait conservée jusqu'alors dans son langage.
Elle me dit tant de folies , il lui échappa tant de traits pleins
de verve et d'originalhésurson M. Bourdichon, que je ne l'en
aimai que davantage. Je me fis loup-cervier pour lui plaire ,
pour parler son nouveau langage. J'allai à la Bourse: je re-
cherchai les causes des fluctuations des divers cours des places
de l'Europe, qui puisent souvent leurs variations dans les
nouvelles les plus absurdes, mises en circulation par des
hommes haut placés, agents de change occultes, exploitant
la crédulité et la fortune publique. Je descendis plus bas dans
celte carrière, où l'on autorise une certaine classe d'hommes
à vous demander la bourse ou la vie; je me familiarisai avec
toute la vileté de l'agiotage , et je parlai son argot. Sur les
traces des courtiers-marrons , je fis dans les huiles , les grains
et les savons, comme ils disent; je finis par ennuyer, par
fatiguer Palmire, et c'est ce que je voulais, en lui parlant
des marchés à terme, de report, de report sur prime, de
prime contre prime, de prime de 50 centimes, d'un franc,
d'un franc 50 centimes, de ferme contre prime et de prime
contre ferme. Enfin ce caprice, le plus étrange, le plus en-
nuyeux et le plus inconcevable que Palmire avait eu jus-
qu'alors, passa comme les autres; et bientôt, par une de ces
péripéties qui naissent de l'inconsistance des idées, de la co-
quetterie et du goût des contrastes chez les femmes , elle se
fit dévole , et tomba ou s'éleva toute en Dieu. Ce n'était
certes pas parce que le monde se relirait devant elle qu'elle
se retirait du monde, car elle avait à peu près vingt-lrois ans.
Madeleine, Palmire deSabran, jouissait de tout l'éclat de sa
beauté, ce n'étaient donc point les ruines de Palmire qu'elle
cachait dans la retraite , mais plutôt tous les charmes de sa
patrone repenlanle et pénitente. Son nom de noblesse réelle
ou équivoque; sa tenue pleine de grâce et de pudeur dans le
temple-boudoir d'un des plus beaux quartiers de Paris , la
firent surnommer sainte Lorette-d'Antin. Elle ne parlait plus
que du père Lacordaire , des abbés4[Iœur, Duguerry , de Ra-
vignan, de l'éloquence de la chaire enfin : on la vil monter
à l'orgue et rivahser les organistes de Paris en faisant en-
tendre sur ce bel instrument les chanls sensuels de Rossini ,
de Donizetti et jusqu'aux romances de M"° Loïsa Puget; et
puis lassée tout-à-coup de cette carrière d'hypocrisie dans
laquelle je l'avais suivie de bonne foi , la voilà s'éprenant de
l'équitation , montant à cheval tous les jours et n'allant plus
à la messe ; laissant son livre d'Heures et les Pères de l'Église
pour Laguérinière , pour le nouveau dictionnaire d'hippia-
trique et d'équitation du colonel Cardiui , et tout ce qui est
relatif au sport. Vêtue en amazone et chevauchant sur les
boulevards, en compagnie d'un bel écuyer du Cirque-Olym-
pique qui lui donnait des leçons , elle me forçait à la suivre
dans tous ses exercices; et j'eus plusieurs querelles avec quel-
ques uns de mes amis qui m'avaient dit que nous jouions une
comédie à cheval, dans laquelle il leur paraissait que je ne
remplissais pas le rôle principal.
Nous touchons à la fin de cette triste épopée de caprices ,
d'aventures, de foUes dont la variété, la rapidité, la forme
en quelque sorte intellectuelle que leur avait données celle qui
en était l'héroïne , m'avaient dérobé le fond. Ce n'était pas
impunément que Palmire avait eu des relations avec des gens
de bourse, des hommes d'argent; la déUcatesse de ses senti-
ments s'en était altérée; elle n'avait plus cette finesse de
lact et d'appréciation que la culture des arts avait d'abord fait
naître et développée ensuite dans son esprit et dans son cœur.
Elle se mit h parler avec son enthousiasme habituel du
talent d'un musicien qui jouait du cornet à piston de la ma-
nière la plus délicieuse, disait-elle. Comme cet artiste émi-
nent tient une place importante dans cette histoire, permet-
tez-moi , docteur, de vous en tracer aussi le portrait ; ce sera
le dernier.
X.
M. ®scav.
M. Oscar Plumet s'est engagé fort jeune dans les chasseurs
en qualité de trompette; il a souvent changé de corps sans se
trop préoccuper du consentement de ses chefs. En parlant
de ses exploits en Afrique , où il est resté quelque six mois ,
il ne manque jamais de dire : J'étais à Mazagran , où je vous
prie de croire qu'il faisait un peu chaud ! Agé de vingt-cinq
à ving-six ans , il peut être classé dans ce qu'on appelle les
jolis soldats , et fait ou faisait partie tout récemment d'un
régiment de hussards. Revêtu de son uniforme élégant qui
accuse et dessine au mieux ses formes , il se promène sur les
boulevards et dans les passages en se dandinant sur ses han-
ches, avec fatuité , fumant son cigare et astiquant ses mous-
taches du pouce et de l'index d'un air vainqueur. Doué de
talents multiples, il professe l'escrime et cumule ces fonctions
avec celles de cornet à piston à l'orchestre du Cirque-Olym-
pique. C'est là que Palmire l'entendit et que le son strident
de cet instrument à la mode fit sur elle une impression dont
je ne puis me rendre compte. N'osant pas se mettre à jouer du
cornet à piston elle-même , elle usa de tout l'empire qu'elle
exerçait sur moi pour m'engager à l' apprendre ; et moi ,
dans mon abnégation de toute volonté; que dis-je? de toute
dignité d'esprit et de cœur, je me mis à souffler quelques
heures par jour dans ce malencontreux instrument. Cette
femme, qui ne m'aimait pas , — et comment ne le voyais-je
pas alors! — me donna l'inimaginable désir de rivaliser cet
homme. Je pris de ses leçons dans les différents arts qu'il
exerçait d'une manière toute prétentieuse. J'appris donc
l'escrime : j'égalai, je surpassai même mon illustre professeur,
qui en vint à être jaloux de moi ; mais jamais je ne pus jouer
du piston aussi bien que lui , et c'était là mon désespoir.
Notre émulation à tous trois , car Palmire faisait aussi des
armes et même fumait son cigare comme un vrai lion , cette
émulation était chose déplorable et grotesque , mais curieuse
et piquante tout à la fois pour l'observateur de ces mœurs
exceptionnelles.
XI.
li®s giEÎtes sS'mbb galep.
Nous étions dans la saison du carnaval, et M. Oscar, qui
joignait à ses brillants avantages celui d'être un beau danseur,
profitait de toutes les occasions de développer ce nouveau
moyen de séduction. Palmire en fut éblouie , subjuguée, en-
traînée, enivrée; elle s'associa à l'orgie échevelée, comme
disaient les romanciers d'il y a dix ans , aux folies infernales
et révoltantes de ce temps où l'homme divorce avec la rai-
son, et se livre à la joie sauvage et brutale qu'il nomme les
plaisirs du carnaval.
Mon aveuglement égalant mon amour, je suivais Palmire
dans un de ces bals qu'elle voulait connaître , disait-elle, une
fois dans sa vie. J'espérais ainsi la garantir des dangers de ces
tumultes, atténuer la crudité des tableaux qui pourraient
frapper ses yeux ou ses oreilles en l'entraînant loin du heu
où s'étalait le cynisme de ces tableaux. Je la voyais curieuse ,
jetant un regard ardent, rapide , investigateur sur ce bouil-
64
REMJE ET GAZETTE MUSICALE
lonnement désordonné , mais en même temps craintive et
pure de ces excès. Cependant ce désir, ce besoin de locomo-
tion élrange qui naissent de l'atmosphère enflammée qu'on
respire là , de ce rhythme musical impérieux , d'une harmo-
nie stridente, de ces éclats d'une joie éclatante et féroce qui
finissent toujours par ce cri : Galop général ! tout cela frappe
de vertige , et comme de rage cette foule de lycanthropes hur-
lant. Alors coule rapide et brûlante la lave de ce volcan so-
cial , vomissant une jeune aristocratie qui se fait populaire à
sa façon , c'est-à-dire qui calomnie le peuple; alors l'audace
frénétique du langage se mêle au délire du mouvement; alors
on voit dans tous les yeux un désir immodéré de participer à
ce mouvement , un élan général de voix , de bras et de jam-
bes frémissants ; l'apostrophe impudente ne connaît plus de
sexes; la débauche se tord dans toute sa hideur
L'impulsion générale était donnée: les poitrines étaient op-
pressées , les corps se balançaient pantelants , les mains des
femmes se crispaient sur les épaules des danseurs, les regards
flamboyaient , les pieds étaient levés !. .. Comment se sous-
traire à ce fluide magnétiqi e , à cette commotion électrique
réitérée ? Je voulus emmener Palmire; il n'était plus temps :
nne sorte de fièvre , de tarentisme la dominait. Oscar l'avait
saisie par la taille, et au moment où je m'avançais pour la dé-
gager de cette insolente étreinte, cet homme dit à Palmire :
Viens donc, ma chère, ne l'écoute pas! puis il cria de sa voix
cuivrée comme celle de son cornet à piston : En avant le ga-
lop ! A ces mots, à cette injonction familière, une cruelle dés-
illusion m'étreignit et me mordit au cœur ; tout mon passé
m'apparut et se colora de lueurs rélrospectivcment sinistres.
Cette odieuse intimité si grossièrement dévoilée me découvrit
toutes celles qui l'avaient précédée, et sur lesquelles je m'étais
aveuglé ; et dans ce moment où toutes les fureurs de la jalou-
sie fermentaient dans mon cerveau , une femme colossale et
d'une force herculéenne me saisit moi-même par le milieu du
corps , me fait pirouetter et me force de participer au^alop
général. C'est en vain que je veux sortir du torrent, lutter
même contre son cours, il faut le suivre, il faut aller, rouler,
tourbillonner; et nies jurements se perdent étouffés dans les
hurlements de la joie générale. Exaspéré , ne me connaissant
plus, je saisis ma danseuse par le cou de manière à l'étrangler,
et par conséquent à lui faire lâcher prise ; nous tombons l'un
sur l'autre en luttant corps à corps. Tous les galopeurs qui
sont derrière, qui ne trébuchent pas sur nous et qui ne nous
suivent pas dans notre chute , nous foulent aux pieds impi-
toyablement. Enfin ce n'est qu'à ses vociférations, qu'aux cris
de sa voix enrouée et de taureau, que je m'aperçois que ma
danseuse n'est autre qu'un gros garçon boucher déguisé en
femme et qui voulait rire , me dit-il. Cette affaire ne pouvant
avoir de suites, je me mets à la recherche de Palmire, que je
trouve assise et se reposant, pendant que M. Oscar promenait
ses grâces dans le bal.
— Autorisez-vous , Palmire , la familiarité avec laquelle cet
homme vous a parlé ?
— Mais. .. il faut bien vouloir ce qu'on ne peut empêcher,
me répond-elle d'un air dégagé.
— Ainsi donc mon amour, mon dévouement à tous vos
goûts, à tous vos caprices; nos projets d'avenir, d'union....
— Oh ! dame , que voulez-vous? j'ai cru que vous n'y pen-
siez plus, moi. Il y a si longtemps de cela!... vous avez man-
qué tant d'occasions!... et d'ailleurs , mon cher Jules, vous
n'avez ni état , ni position , ni fortune.
— O Palmire ! est-ce à vous à me le reprocher !
— Est-ce que le rôle d'ami , de sigisbé si gentil , si com-
plaisant ne vous va plus? Vous étiez cependant si...
— Assez , madame , assez !
En ce moment Oscar, nous ayant aperçu , nous rejoignit.
— Eh bien , monsieur le philosophe , me dit-il , vous qui
voulez empêcher les autres de galoper, vous vous en êtes jo-
liment régalé à ce qu'on m'a dit. Et le voilà racontant, avec
une malice grossièrement ironique , ma mésaventure h Pal-
mire, qui en rit comme une folle. J'avais la rage dans le
cœur; mais j'eus assez de jugement pour ne pas faire d'esprit
concurremment avec M. Oscar, pour ne pas me livrer au
combat de plaisanteries que me présentait mon rival heureux.
Je lui dis seulement : Monsieur, j'irai vous voir demain pour
vous payer les leçons d'escrime que vous m'avez données.
Le ton avec lequel je lui dis cela fit qu'il comprit parfaite-
ment , car il me répondit d'un air rodomont : Monsieur mon
élève, je suis à vos ordres.
Ces paroles avaient été échangées si rapidement que Pal-
mire n'en saisit pas le sens. Je ne vous décrirai pas minu-
tieusement mon duel avec M. Oscar, docteur, comme on le
fait dans tout roman moderne. Il vous suffira de savoir que
l'élève donna une sévère leçon à son professeur. Après quel-
ques bottes rapides , aussi bien poussées que bien parées de
part et d'autre , je traversai le bras de mon adversaire , qui
oublia un instant la vive douleur qu'il éprouvait pour criti-
quer la manière dont il avait été touché. Le laissant sur le
terrain analyser le coup à ses témoins , je le quittai en lui of-
frant la revanche, quand cela lui plairait.
Le lendemain je reçus un coup au cœur plus terrible que
celui dont j'avais blessé mon rival. Dans une lettre , où se
montrait la douleur, l'anxiété et un grand desordre d'idées ,
Palmire me disait : « Vous êtes un homme affreux !. .. Je vous
» déteste!... et cependant je vous aimais comme une sœur,
)) comme une amie, et même plus qu'une amie... Eh bien !
» c'est lui maintenant que j'aime, car il souffre pour moi. Je
1) sais que vos projets de vengeance ne doivent point se borner
» là; mais j'emploierai tous les moyens possibles pour enem-
» pêcher la réalisation : le sacrifice de ma vie même me coû-
» tera peu pour sauver la sienne... etc., etc.
Inconcevable aveuglement de femme ! m'écriai-je avec fu-
reur en lisant cette lettre. Quelle abnégation de soi ! Et pour
un homme de cette valeur !
Je restai plongé pendam plus de quinze jours dans une mé-
lancolie profonde. Ayant résolu de ne plus revoir Palmire ,
auprès de qui, me dit-on, mon rival jouait le rôle intéressant
de blessé; aimant cette femme plus que jamais, ma tristesse
se changea en profond dégoût de la vie : je me dis qu'il était
temps d'en finir avec l'existence ; et cette pensée devint une
résolution invariable, lorsqu'il y a deux jours je reçus la lettre
dont vous m'avez parlé avant que je ne commençasse ce récit.
Cette lettre , dont l'envoi est sans dçute une sotte vengeance
de mon rival, cette lettre , qui ne contient qu'une vaine for-
mule, a pour moi quelque chose de plus significatif, quelque
chose d'atroce et de grotesque tout à la fois ; elle m'humilie
dans ce que je crois valoir, elle m'humilie pour la femme que
j'élevais si haut dans mon cœur, que j'ai tant aimée... et que
j'aime encore, docteur. Tenez, voici cette lettre :
« M. etM°° Plumet, marchands de brosses et autres objets
» en crins, rue aux Fers, 10, ont l'honneur de vous faire part
» du mariage de M. Oscar Plumet, professeur d'escrime et de
» cornet à piston, avec M"" Madeleine, Palmire de Sabran,
» artiste dramatique. »
Cette bravade , mélange d'insulte , d'esprit mercantile et
de ridicule, excita ma colère au dernier point. Je voulus d'a-
bord aller trouver celui que j'étais fondé à croire l'auteur de
cet insolent envoi , et lui donner une seconde et plus sérieuse
DE PARIS.
65
leçon que la première ; et puis je vis les craintes , les pleurs,
le désespoir de Palmire, sa haine , suite de raa vengeance...
Je méditai deux jours sur ma situation , et je vis qu'il n'y
avait que moi à punir dans tout cela pour m'être laissé do-
miner par une passion qui m'a fait mettre en oubli ma dignité
d'homme , et qui m'avilit sans doute à vos yeux comme aux
miens. Vous voyez bien, docteur, qu'il faut que j'en finisse
avec la vie.
Le docteur dit, après un long silence qui suivit ce récit:
Vous êtes en effet tombé bien bas, mon pauvre Jules; mais je
ne désespère pas de vous tirer du précipice : j'ai des moyens
rationnels et puisés dans la nature. Le premier et le plus
simple , c'est d'abord le repos indispensable après la longue
narration que vous venez de me faire. Ce que je vous dirai
demain à votre réveil vous ouvrira une vie, des idées, un
monde nouveaux dans lesquels il faudra bien que vous entriez
malgré que vous en ayez...; mais vous êtes trop agité mainte-
nant pour m'écouter, et subir mon traitement... A demain
donc, et bonne nuit.
— Soit , à demain , docteur.
XIL
Jules était^éveillé de bonne heure et debout lorsque le doc-
teur entra chez lui. Mon ami, dit celui-ci, je vais rapidement
au fait, et j'y suis d'autant plus obligé qu'on m'a remis hier,
lorsque je suis rentré chez moi, une lettre fort importante et
qui vous concerne. Par cela mèftie, il faut que je vous parle
un peu de moi.
Dans mon séjour en Amérique, j'aimais comme un fou,
comme un extravagant , comme vous enfin , une créole belle,
sensible, exaltée à l'excès, et pour qui je fis aussi toutes sortes
de folies. Elle mourut en me donnant un fils. Soit froideur
pour ce fds, dont l'existence me coûtait la vie de sa mère,
soit l'amour de la science, à laquelle je me hvrai tout entier
après cette perte cruelle, soit la crainte de tomber dans les
faiblesses paternelles que j'avafs toujours ridiculisées, soit
toutes autres raisons, peut-être condamnables, je confiai , je
donnai ce fils à un ami, qui n'avait pas d'enfant, et qui re-
venait en Europe , en lui remettant la moitié de ma fortune ,
pour l'employer comme il jugerait convenable de le faire. Ce
fils, Jules.... c'est toi.
— Jloi !
— Toi-même.
Pendant que Jules reste muet d'étonnement et ne sait que
penser de celte confidence, le docteur ajoute : — Le négo-
ciant aussi probe que hardi , l'honnête homme qui t'a élevé
et qui t'aimait peut-être trop raisonnablement pour le cœur
aimant que tu tiens de ta mère , pour que tu l'aimasses toi-
même avec la tendresse qui est en toi , cet honnête homme
remplit scrupuleusement mes intentions ; mais je vois avec
douleur que privé en naissant du bonheur de voir, de con-
naître, d'embrasser la mère , tu n'as pu même appuyer ton
cœur sur deux affections paternelles équivoques , et que je
porte ainsi moi-même la peine de ma singularité , de mon fol
amour de la science et de mes excentricités sociales.
— Ah! doct... ah! mon père , pardon ; mais la surprise
Et ce père et ce fils, si singulièrement réunis, restent si-
lencieusement dans les bras l'un de l'autre durant quelques
instants , après quoi le docteur reprend :
— La lettre quej'ai trouvée chez moi m'apprend que mon
excellent ami, que ton second père vient de mourir, laissant j
une fortune dont on soupçonnait bien l'imporlanec , mais j
qu'on n'aurait jamais crue aussi considérable. Sans famille et !
sans héritiers , il dit dans son testament que le principe de sa
fortune lui venant de la somme que je lui ai confiée et dont
je ne lui ai jamais demandé aucun compte, il croit juste de
me léguer la moitié de cette fortune qui se monte à quatre
millions ; et quant à toi, il te laisse également deux millions,
à la condition expresse cependant , car c'était un homme con-
séquent et qui tenait à ses idées , dit le docteur en souriant ,
que tu te feras recevoir avocat.
— Deux millions ! ah ! mon dieu , si je l'avais su avant le
mariage de Palmire !
— Et maintenant, continue le docteur, laissant passer
comme ne l'ayant point entendue l'exclamation échappée au
cœur si profondément blessé de son fils, nous devons penser
h honorer la confiance, l'affection et la mémoire d'un homme
laborieux , intègre , éminent , qui nous a traités en frère , en
fils chéris. Si je l'avais cru une âme semblable à celles des
jeunes gens de notre époque, je t'aurais annoncé tout d'abord
la nouvelle qui te rend possesseur d'une si brillante fortune ;
mais je pense que tu as en toi le noble désir de valoir quelque
chose par ton mérite personnel. Sous ce rapport , de grands
biens te sont venus d'un grand mal : c'est la condition de la
faible humanité; elle ne devient forte que par la lutte. Il y a
encore danger pour toi ; mais il disparaîtra si tu veux le bra-
ver, si tu l'attaques de front. Eh quoi ! la patience, des études
obstinées , profondes , fructueuses t'ont rendu apte aux
sciences, aux arts, même au barreau, dit en souriant le doc-
teur, et tu ne serais pas propre à faire un homme ! Allons ,
Jules , tu as dans ton cœur et dans ton esprit éclairé plus de
moyens qu'il n'en faut pour te guérir ; et si tu veux te laisser
guider par moi. . .
— Je ferai tout ce que vous voudrez , mon père.
— Fort bien. iN'est-ce pas au Cirque-Olympique C[ue , le
soir, cette belle si dangereuse a élu domicile ?
— On me l'a dit.
— Eh bien ! nous irons aujourd'hui ; je connais le direc-
teur de ce théâtre.
— Aller au Cirque , y pensez-vous?
— Eh pourquoi pas? oh ! songe que je veux carte blanche.
Je n'ai point d'ailleurs de projet arrêté, et nous agirons se'.on
les éventualités , comme on dit dans le langage politique à la
mode.
— Soit , je vous suivrai.
Le soir venu, le docteur et Jules vont à ce théâtre dont
l'intérieur offre à l'observateur une physionomie toute par-
ticuUère. Les acteurs à quatre pieds , mêlés aux groupes des
artistes bipèdes, montrent autant de débonnaireté dans l'inti-
mité dramatique qu'ils déploient d'ardeur simulée et d'adresse
dans les charges de cavalerie et dans les combats qu'ils
livrent devant le public. Il est sans exemple qu'un cheval
marche sur le pied d'un homme dans cette espèce de foire
théâtrale. Les vrais chevaux, pour la brutalité, sont moins dans
le Cirque et les écuries contiguës aux coidisses que parmi
ceux qui remuent les châssis, ou, pour parler d'une façon plus
technique , les portants ikc. ces coulisses. Aux cris du machi-
niste : Gare de là ! dans les entr'actes , se mêlent les chants
des acteurs, des actrices, les préludes des musiciens, les hen-
nissements des chevaux, et l'odeur des incongruités qu'ils
font sur les planches du théâtre , unie à celle de la poudre que-
l'on brûle dans chaque pièce en l'honneur de l'honneur fran-
çais. Le culte de la galanterie française n'est pas là très épuré
non plus , et il y règne presque un aussi mauvais ton que
dans les coulisses de l'Opéra.
Palmire avait déjà passé tour à tour de la coquetterie à la
dignité, de son ancienne familiarité aux agaceries; mais
66
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
grâce aux instructions du docteur, Jules gardait assez bien
son sang-froid devant ce manège, lorsqu'un accident trop
fréquent clans les théâtres, et dont un journal de spécialité
dramatique signalait utilement les causes il y a quelques
jours , vint donner un tout autre cours aux idées du docteur.
XIII.
Le'docteur et Jules venaient d'entrer sur la scène pendant
un entr'acte ; on changeait la décoration , lorsqu'ils entendent
un cri perçant de femme auquel répond un cri général. Cha-
cun s'élance vers le fond du théâtre d'oii est parti ce cri , et
l'on voit une femme , Palmire , car c'était elle , renversée ,
évanouie et couverte de sang. Un portant , échappé des mains
d'un garçon de théâtre , exécutant maladroitement un chan-
gement de décor, était tombé d'aplomb sur le front de Pal-
mire ; et , de ses saillies chantournées figurant les aspérités
anguleuses d'une ruine , avait déchiré la figure et l'épaule
gauche de la pauvre jeune femme. Une clameur d'indigna-
tion et de pitié générale s'éleva. La douleur profonde et mys-
térieuse de Jules ne se décrit pas. Son père la sentit ; mais
plus maître de son émotion , il prit lui-même la blessée dans
ses bras et la porta . dans sa voiture pour la conduire chez
elle. Son fils et le médecin du théâtre l'accompagnèrent seuls.
Transportée sur sou lit, elle revint à la vie, et tout l'amour
vivace, immense, que Jules ressentait pour celte femme de-
puis six ans , sembla revivre aussi , et tout les pleurs que
peut verser un homme coulèrent des yeux du pauvre Jules.
La malade souffrait horriblement. La fièvre se déclara , et
bientôt le délire la suivit. Jules , joignant et tordant ses mains,
implorait la science de son père ; il disait au médecin du
théâtre : Monsieur, je vous en supplie , sauvez-la , sauvez-la !
C'était chose triste h voir que le coup d'œil scrutateur, in-
quiet , impuissant, de ces trois hommes de l'art sur les phases
de cette fièvre qui devenait de plus en plus intense. Le jeune
médecin qui était là et qui professait les doctrines modernes ,
parlait de saigner fortement , de glacé sur la tête pour évi-
ter la congestion cérébrale; et Jules se rangeait à cet avis.
Son père , plus expérimenté , vit que la mort était imminente
en suivant ce traitement. Une pensée cruelle , diabolique ,
traversa le cerveau de cet homme , de ce père qui n'avait
pas su l'être. Il se dit mentalement : Celte femme a été fatale
à mon fils; sa vie est une erreur dangereuse de la nature.
Pourquoi prolongerais-je cette erreur quand les suites d'un
accident fortuit peut nous en délivrer ? Un médecin animiste
dirait à m.a place que ce fait , que cet accident est providen-
tiel ; et d'ailleurs ils sont deux contre moi , il y a majorité ,
comme parmi nos grands législateurs du jour. Pourquoi ar-
rêter cette justice mystérieuse , qui fait que la victime va
frapper son bourreau croyant la sauver?... Sophiste! vas-tu
le faire hypocrite devant ta propre pensée et dans ta religion
scientifique ?
Ces arguments , qui avaient traversé l'esprit du docteur
dans l'espace de quelques secondes , firent place à une pensée
plus philanthropique.
Et puis il hésite en«ore, et puis.... il laisse faire.
Et la pauvre jeune femme succombe sous les assauts d'un
traitement d'un système qu'on abandonne tous les jours ,
celui de l'extraction du sang dans les maladies aiguës , inflam-
matoires, système qui a tué Casimir Perrier, le général La-
marque , le prince de Castelcicala et tant d'autres.
Henri Blanchard.
ACADÉMIE ROY.ISJ:; OE MUSIQUE.
LADY HENRIETTE,
ou
BALLET EN 3 ACTES ,
par MM. de Saint-Geokges et Mazilier;
musique de MM. de FjlOTOW, Bdrgmuller et Deloevez;
décors de M. Ciceri.
(Première représentation.)
es grandes dames ont souvent des caprices , c'est
leur état. Vous connaissez le caprice que l'ennui
suggère à la marquise de Clainville dans la Ga-
^ genre imprévue : c'est aussi l'ennui qui inspire
à lady Henriette, première dame d'honneur de la
reine Anne , l'idée de se mêler à de jeunes servantes , de
prendre leur costume et d'aller avec elles au marché de
Greenwich , où les fermiers des environs viennent s'approvi-
sionner de cette espèce de denrée." Lyonnel aperçoit lady Hen-
riette et la trouve à son gré : le marché se conclut par devant
l'alderman. Voilà donc lady Henriette servante pour rire, et
le pauvre Lyonnel amoureux pour tout de bon , amoureux au
point de rompre avec sa fiancée et de s'engager dans les troupes
de sa majesté, quand lady Henriette juge à propos de quitter
brusquement son service.
Lyonnel , devenu soldat , sauve les jours de la reine et de-
vient officier de sa garde. En cette qualité , il entre au palais ;
il assiste au spectacle, danslequella reine et ses dames d'hon-
neur se sont distribué des rôles. Il reconnaît sa servante
fugitive dans la grande dame chargée du rôle de Vénus , et il
devient fou, comme cela ne pouvait manquer en pareille oc-
currence.
On arrête Lyonnel , on le met à Bediam , où nous le re-
trouvons en nombreuse compagnie d'aliénés de tout sexe , de
tout âge et de toute profession. Heureusement pour lui,
lady Henriette est bonne et tendre , quoique grande dame :
elle veut guérir le mal causé par son caprice, en reprenant
les habits de servante et en épousant Lyonnel , avec la per-
mission de la reine, qui ne peut rien refuser à son sau-
veur.
Tel est le cadre du ballet nouveau , ballet varié de . situa-
tions, de paysages, de costumes, ballet joyeux et pathétique,
ballet digne de l'auteur de la Gipsij et de la Jolie fdle-de
Gand. Puisque l'on voulait dessiner un rôle principal pour
M"" Adèle Dumilatre, on ne pouvait rencontrer mieux
que le personnage de lady Henriette, où il y a de la gentillesse
et de la dignité , de la grâce et du sentiment , de la coquette-
rie et de la décence. L'avènement de la jeune danseuse ne
portera nulle atteinte à la royauté de Carlotta Grisi, mais, après
Carlotta Grisi, vive Adèle Dumilatre! Avec le système des con-
gés, l'Opéra n'a pas trop d'une reine et d'une vice-reine.
IPetitpa s'est grandement distingué dans le rôle de Lyonnel ,
et Coralli fils dans celui d'un fou dansomane. ÉUe, Barrez ,
M"'= Maria et Mai-quet ont très bien rempli les autres
rôles.
Parlons de la musique et des trois compositeurs. Le pre-
mier acte est le plus riche en mélodies élégantes et fines : il est
de M. de Flotow. Le second tourne un peu trop autour de la
valse de Giselle et l'instrumentation laisse beaucoup à désirer :
il est de M. Burgmitller. Le troisième atteste la main exercée
d'un musicien qui connaît toutes les ressqurces de son art :
il est de M. Deldevez.
DE PARIS.
67
Ciceri a peint les décors à lui tout seul , et plusieurs de ses
tableaux sont ravissants.
P. S.
SUR
EUS COI?CS£lTS Itm £>A SEMAXDÎf.
ous les galops du carnaval ayant cessé , nous
pensons que les concerts vont , à leur tour,
arriver au galop, quoiqu'il s'en soit déjà donné
un assez bon nombre. Le dernier de la se-
maine dernière auquel nous avons assisté, et
dont nous avons dû ajourner le compte-rendu faute de place,
est celui qui a été offert aux amateurs de musique d'un joli
genre, dans les salons du facteur Rinaldi, boulevard Saint-
Denis. Celte séance musicale (/o?!Hee par M. Louis, composi-
teur-pianiste-violoniste, connu par la musique facile et agréa-
ble qu'il écrit pour ces deux instruments, avait pour but de faire
entendre quelques morceaux d'un opéra que ce compositeur
destine au théâire de Lyon. Ces morceaux seraient remarqués
sur notre seconde scène lyrique , s'il était permis à tous com-
positeurs sans précédents dramatiques d'y arriver. Nous avons
entendu un fort bon duo pour ténor et basse assez bien inter-
prété, quoiqu'un peu timidement, par SBl. Camille Delsarte
et Bussiue. Plusieurs mélodies gracieuses de M. Louis et de
M. Bérat ont été dites avec expression par M"" Iwens-d'Oen-
nin , qui a même chanté d'une façon remarquable un air de
la Reine de Chypre. Dans sa velléité dramatique, M. Louis
n'a pas déserté sa mission de compositeur instrumental, et il
nous a fait entendre, par l'intermédiaire de MW. Bernardin
et Montaubry , une fort jolie symphonie concertante pour
deux violons. Nous n'aurions que des félicitations à adresser
aux deux exécutants sur l'ensemble avec lequel ils ont rendu
ce moixeau , si le premier n'avait l'habitude de monter son
violon un peu haut et de jouer idem. Cela ne l'a pas empêché
de fort bien exécuter un trio pour piano, violon et basse de
M. Louis , dans lequel il a été on ne peut mieux secondé par
M. Viereck et M"° Rinaldi , pianiste craintive, mais de talent.
Si Titus avait pu assister à cette matinée musicale , il n'aurait
pas dit : J'ai perdu ma journée.
— M. Henry Cohen est un chanteur et un compositeur con-
sciencieux ; il a donné un grand concert vocal et instrumen-
tal dans la salle Herz, il y a quelques jours. On y a applaudi
une ouverture de sa composition , à grand orchestre. M"° Ju-
lie Vavasseur a dit dans de bonnes traditions vocales un air
d'ArioJant de Méhul. M. Mecatti s'est fait fort applaudir
dans un air délia Marianna d'Inghilterre, que le programme
nous a dit être de sa composition. M. Oiîenbach a chanté sur
son violoncelle sa suave prière et son gentil boléro, auquel on
désirerait assez qu'il donnât quelques successeurs; et puis
M°" Sabatier, la fleur de tout concert, est venue embellir
celui-ci de sa présence et de ses gentilles étincelles musicales,
qui en ont été comme à l'ordinaire le bouquet.
— Le violoncelliste à la manière large et puissante , M. Che-
villard , a donné aussi sa matinée musicale chez Pleyel ; et ,
bien que le pianiste Halle, annoncé sur le programme, ait fait
défaut, le public toujours bienveillant des concerts s'est
tenu pour satisfait de voir remplacer le brillant pianiste par
M"° Clara Loveday, la brillante pianiste. Le ténor Révial ,
qui a été renouveler sa voix et sa méthode en Italie , a chanté
dans ce concert de façon à se faire justement applaudir. Jl a
fait des progrès remarquables , et il serait à désirer qu'on
l'entendît plus souvent pour bien l'apprécier. Une heure après
cette séance d'assez bonne musique, nous avons assisté à une
autre séance de bonne musique donnée par M. Halle, le
manquant au concert ci-dessus, attendu qu'il en donnait un
le même jour chez lui , il que, suivant le vieux proverbe ,
charité bien ordonnée commence par soi-même.
— M. Halle a charmé son auditoire comme toujours par
la netteté , l'expression , le brio de son exécution ; mais sur-
tout en s'identifiant corps, àme et doigts avec Beethoven,
Mendclssohn et Hcllcr. La Truite de ce dernier, morceau
délicieusement transcrit de Schubert et arrangé pour piano
seul, et le feiâUet d'album extrait des Éludes de Hcllcr, ont
fait le plus grand plaisir. Quelques unes des -pensées fugi-
iices du même et d'Ernst pour piano et violon ont été dites
par MM. Ernst et Halle avec cet ensemble de verve et d'ex-
pression qui caractérisent ces deux virtuoses.
• — ' M"" la comtesse de Lucotle , dans la dernière soirée
qu'elle a donnée, a fait entendre pour la seconde fois la jeune
pianiste de douze ans qui a nom Borchard t, que le protc
nous a fait appeler une jeune actrice, au lieu de la quahfica-
tion de jeune artiste que nous lui avions donnée dans un de
nos précédents articles. Elle a joué le concerto de Weber avec
une sûreté , un sentiment du style de l'auteur, qui annoncent
un brillant avenir à celte précoce et charmante virtuose.
-— M. Alexis de Garaudé , M. ^César-Auguste Franck et
M"" Clara Loveday donnent aussi chez eux , d'une manière
toul-à-fail désintéressée , d'intéressantes matinées musicales
pour le chantetle piano, ces deux organesprincipauxde toute
musique en France , et d'une puissance si attractive. Nous
reviendrons sur ces séances , qui font faire plus ou moins
de progrès à l'art.
Henri Blanchard.
LA DOULKCR D'UNE MÈRE.
Sessia de Qavarni.
Il y a une loi sur le sacrilège pour protéger la majesté
des lieux saints. Il y a une censure pour empêcher que sur
le théâtre on ne tourne en ridicule les choses dignes d'admi-
ration et d'amour. Il n'y a ni censure ni loi qui défende à
certains chanteurs de faire rire dans les salons aux dépens
des sentiments les plus respectables. La Douleur d'une mire,
par exemple ! est-ce qu'il devrait être permis de s'en consti-
tuer l'organe quand la nature vous a doué d'une laideur gro-
tesque , et que l'on a pris à tâche d'exagérer prodigieusement
ce que l'on tient de la nature? La Douleur d'une mère avec
un visage affreux et une toilette bouffonne! La DovJenr d'une
mère avec une cravate à grandes pointes et un camélia à la
boutonnière ! Il était temps de mettre une glace devant la
physionomie de ce monsieur. S'il ne se tait pas , c'est qu'il
est aveugle, et alors je vous souhaite d'être sourd.
PROGRAMME DU CINQUIÈME CONCERT
offert auï :2lbonnés îic la ©ajctlc musifule
QUI AURA LIEU
VENDREDI, 1" ESAXLS,
DANS LA SALLE DE MM. PLKYEL ET C, 20, RUE EOCHECnOUART ,
h S fteus'es ifs'écise»,
1. Trente-quatrième Quatuor d'OnsIov:-, exécuté parSSEI. A!ar(',
Chevillard , Armiagaud et Croisilles.
es
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
i
2. Air de Tamerlan , dD 'Winter, clianlé par M. Flanque.
3. Semiramis, Fantaisie inédite pour le piano par Thalberg, exé-
cutée par Bï. Georges SSatbîas.
4 . Air de Clari , chanté par M™' CapdeviUe.
5. Fantaisie pour le \ioIoncelle , composée et exécutée par
Bï. Piatti.
C. Xes Adieux de Savid à sa harpe , scène biblique de M. A.
Sauiziet: n:usiquc de M. A.Merniet; chantée par Î3. SS-évial.
7. Fantaisie pour la flûte , exécutée par M. T. Eotgorsehek.
S. ï:e Moine, de Meyerteer, chanté par M. 3Planque.
9. Allegro du cinquième Coneerto de Beethoven , exécuté par
SI, Georges Mathias,
Le Piano sera tenu par M. Schimon.
■ *,' Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire à l'Opéra, les Hu-
guenots.— Demain lundi , lady Henriette , ballet en trois actes, pré-
cédé du Serment,
*.* La représentation de Guillaume Tell, donnée mardi dernier,
a été fort brillante. Duprez, Barroilhet, M"" Dorus-Gras,oiit chanté
à merveille. M"= de F.oissy, longtemps éloignée de la scène par une
grave indisposition , a reparu dans le petit rôle de Jemmy.
*.* M. HabenecU est retenu chez lui depuis quelques jours par une
indisposition douloureuse, qui heureusement touche à son terme.
*,' Au Théâtre-Italien, demain lundi, représentation extraordi-
naire au bénélice de M"" Persiani , composée du I" acte de Norma
et i'il Barbicre.
V Corrado d'AUamura, de Ricci , doit être représenté prochai-
nement.
V Le directeur du Théâtre-Italien est en procès avec Fornasari,
et demande la résiliation de son engagement , en se fondant sur ce
que cet artiste, dont les appointements s'élèvent à 35,000 fr., ne rem-
plissant pas les conditions de son traité , laisse constamment mettre
son nom sur l'affiche , et au moment de jouer, envoie un certificat
de maladie. Fornasari , de son côté , prétend justifier par des cer-
tificats de médecin de son état de soulTrance , et repousse la demande
du directeur. L'afi'jire, appelée cette semaine au tribunal de com-
merce , a été remise à quinzaine.
*,* Un autre procès va s'engager probablement entre le même di-
recteur et Ronconi , qui , par son absence et son refus de service , a
fait manqner la représentation du liarbier, annoncée pour mardi
dernier. VElisire d'amore a été donné à l'improviste.
,*, On parle encore delà prétention de l'un des auteurs du mélo-
drame delà Pie voleuse, réclamant sa part des .droits de la Cazza
ladru , qu'il ne porte pas à moins de 30,000 fr. Il est à désirer que
M. Vatel ne transige pas avec lui , comme il l'a fait avec les auteurs
ae.\i Grâee de Dieu , et qu'un arrêt vienne fixer la jurisprudence
sur ce point important.
%' Tandis que l'Opéra Comique est en veine de reprises brillan-
tes et productives , il ne saurait oublier un des plus heureux ou-
vrages de notre célèbre compositeur, Berton , cette charmante
Aime , dont le succès serait aussi jeune demain qu'il l'était il y a
plus de trente ans. Malheureusement le compositeur n'est pas aussi
jeune que son ouvrage , et il trouve qu'on le fait bien attendre. Le
public est de son avis.
V A Naples , le carnaval a été assez maussade. La direction de
San-Carlo a fait v\n fiasco complet avec la Catarina Cornaro de Do-
nizelti. Les journaux de Naples traitent ce nouvel ouvrage du maes-
tro fort sévèrement. Ce qu'il y a de plus piquant , c'est que , pour
atténuer les torts de Donizetti , on fait remSrquer que l'ouvrage
n'avait clé destiné primitivement qu'au public de Vienne , et nul-
lement à celui de Naples , primo pubblico del mondo , comme on sait.
C'est un fait généralement reconnu aujourd'hui que l'Opéra de
Rome vaut mieux que San-Carlo.
"," Nous apprenons <jue BIM. Meyerbeer, Rossini et Fétis père ,
viennent de commander à M. Adolphe Sax , pour l'usage des divers
établissements qu'ils dirigent, plusieurs des instruments inventés
ou perfectionnés par ce jeune artiste. Des faits si positifs , et des té-
moignages si honorables répondent victorieusement aux attaques de
la malveillance.
*,* Nous nous proposons de rendre un compte détaillé des inté-
ressantes séances du Cours gratuit d'histoire et de théorie de l'har-
monie de M. Fétis dès qu'elles seront terminées; mais nous ne
croyons pas devoir attendre notre prochain numéro pour en consta-
ter l'immense succès. L'élite des artistes , des amateurs , et beau-
coup de littérateurs et de savants , qui ont assisté aux deux pre-
mières séances , ont témoigné leur admiration pour la théorie aussi
neuve et originale que lucide et simple, exposée par le savant pro-
fesseur, et pour son élégante et facile élocution. Mous avons remar-
qué beaucoup de dames qui , sortant du cours, exprimaient leur
étonnement d'avoir compris sans difficulté une science que les mé-
thodes ordinaires environnent de tant d'obscurité, d'ennui et d'a-
rides spéculations. On assure que M. Fétis se propose d'invller les
personnes qui croiraient pouvoir élever des objections à présenter
contre quelques points de sa doctrine, à le faire dans une dernière
séance, où il se livrerait à leur discussion. Celte séance n'aurait
pas le caractère d'une leçon, mais d'une conférence. Nous rappelons
à nos lecteurs que les deux dernières séances du Cours de M. Fétis
auront lieu aujourd'hui 25 février et jeudi 29 , à midi , dans la salle
de M. Herz.
V Dans la dernière matinée musicale de M"" Polmarlin, une
sonate à quatre mains de la composition de cette éminente artiste
a obtenu le plus brillant succès. Le charme des mélodies, la distinc-
tion de l'harmonie , l'heureux enchaînement des idées , le caractère
consciencieux de l'œuvre , et surtout la chaleur soutenue de l'inspi-
ration, ont révélé dans l'habile pianiste un talent d'invention très
remarquable, et dont le public a droit de lui demander compte.
Un coup d'essai si digne d'attention ne saurait passer inaperçu.
V Dans une soirée donnée la semaine dernière par M. Ségalas ,
le célèbre médecin, et où se Irouvait l'élite de la société parisienne,
on a entendu , entre autres artistes , M. Georges Malhias , ci-devant
enfant remarquable, et qui maintenant , grandi de taille et de ta-
lent, va débuter brillamment dans le monde compositeur et pia-
niste. Il-a exécuté la magnifique fantaisie de Thalberg sur Sémira-
mide (encore inédite) , et qui remplacera certainement sa fameuse
fantaisie sur Moï^e ; et une char.Tiante polonaise-fantaisie de sa
composition, avec une finesse de toucher et une expression bien
rare aujourd'hui. On a également été charmé de la belle voix et de
la parfaite méthode de Goldberg, baryton qu'on a déjà entendu
dans les concerts de la Gazette musicale. Les honneurs de la soirée
ont élé pour ces deux artistes.
*,* La première séance du cours d'un nouveau genre , entrepris
par M. de Garaudé , s'est tenue lundi 19, avec un plein succès. Les
artistes-auditeurs ont pensé que l'idée en pouvait être fort utile à
l'art , et les arlistes exécutants , M. Ponchard , M™« Couraud et Os-
selin, qui ont chanté les morceaux destinés à servir d'exemp/es ,
se sont acquittés de leur tâche avec toute la.perfection possible.
',* La deuxième matinée donnée par M. Javault dans les salons
de M. Duport avait attiré bon nombre d'amateurs de musique de
chambre: aussi les bravos ne lui ont pas fait défaut dans le beau
quatuor en ta d'Haydn et le quintette en mi bémol de Beethoven.
Le huitième quintette de M. Onslow,qui devait terminer la séance,
et qui est venu en second, a été parfaitement rendu par MM. Ja-
vault, Boucher, Casimir Key , Lebouc et Gonflé , qui ont enlevé
tous les suffrages. La troisième séance aura lieu le dimanche 3 mars
à deux heures. On peut se procurer des billets chez M. Duport, rue
Neuve-des-Petits-Champs, 83, et chez M. Javault, rue d'Amster-
dam, 13.
,*, Un des admirateurs de M'"' Catalan! a fait graver le portrait
de la célèbre cantatrice , et en a envoyé un grand nombre d'exem-
plaires dans les principales villes de l'Europe. Les traits de M""Cata-
lani, qui ont encore delà distinction, malgré ses soixante-quatre ans,
vont être également reproduits parle célèbre médailleur Gerometli.
"," Le clergé catholique de Moorfield-Chapel a écrit à la veuve de
Weber, pour lui oITrir de faire transporter les cendres de l'illustre
compositeur à Dresde, et de payer les frais du transport. Nous ne
savons ce que M""» de Weber aura répondu; mais nous craignons
que , dans la position où elle se trouve , ce présent funèbre ne de-
vienne pour elle une charge de plus,
',* Dœhler , un des pianistes le plus justement célèbres de notre
époque, vient d'arriver à Paris, Le jour de son premier concert
n'est pas encore fixé, mais les amateurs et les artistes l'attendent
avec trop d'impatience pour qu'il puisse tarder à les satisfaire,
*,* M. Seligmann, l'habile violoncelliste, vient de publier une
DE PARIS.
69
rantaisie sous le litre de Souvenirs de Monpou, qui se distingue par
un certain cachet mélancolique et par des traits faciles et originaux.
V M. Lacombe, le célèbre planiste, est arrivé à Paris , après
avoir donné les concerts les plus brillants à Bordeaux et à Toulouse,
où il a obtenu les succès les plus complets.
*,* Un jeune artiste d'un talent remarquable comme composi-
teur donnera un concert le 1"^ mars à buit heures du soir, dans
la salle de M. Moreau-Sainti. Ce concert, presque exclusivement
consacré à l'exécution de ses compositions, ne peut manquer d'ex-
citer vivement la curiosité. MM. Hermann , Carreau , Mulder, Cor-
radi, MasinI, et M"" Lia Duport^Duvillard et Slrablbeim exécu-
teront un grand duo italien, une canlale religieuse, un air de
Salmandor, la Fiancée du Castillan , Ai tu m'aimais, V Andalouse , le
Joyeux Chasseur, et f^ivre pour souffrir, toutes compositions de
M. Mulder; puis une fantaisie pour violon et une autre pour vio-
loncelle, et l'ouverture li'Oberoa, arrangée pour piano et orgue,
et le célèbre Aria di Chiesa de Stradella, chaulé di^jà avec tant de
succès par M"= Lia Duport au dernier concert de la Gazette muii-
cale. Voilà plus qu'il n!en faut pour attirer beaucoup de monde.
*," M. Ermel donnera, le 3mars 1S'!4, un concert à grand orchestre
dans la salle de l'École lyrique , rue de la Tour d'Auvergne , n" IS ,
à deux heures. On entendra, pour la partie instrumentale, un trio
de Beethoven pour deux hautbois et cor anglais, exécuté par MM. So-
1er, Garimond et Triébert ; un solo de violoncelle , par M. OITen-
bach; une symphonie concertante à grand ochestre avec piano, par
M. Ermel, et, pour la partie vocale , M. Alberlini et M"' Lia Duport.
C'est un concert fort intéressant.
V Le concert de M"« Jenny Vény aura lieu dimanche 3 mars à
2 heures , dans les salons de M. Érard , rue du Mail , 13. Les noms
de MM. Dorus, Dancla frères, Rignault, Vény, Chaudesaigues,
jimes fi_ Potier, Chérie Couraud, figurent sur ce programme , et
assurent à ce concert un succès égal à celui précédent.
%' Dans un de nos précédents numéros, nous avons informé nos
lecteurs que M. Jelmini , facteur de pianos , rue Saint-Louis , 89,
au Marais, avait été breveté pour l'application qu'il a faite aux pia-
nos droits , des arjraj'es à chevalets en cuivre ; aujourd'hui que l'ex-
périence a démontré l'avantage de ce précieux perfeclioniicnient ,
nous venons rappeler au public une amélioration qui a pour but de
prévenir la rupture des cordes , conserver l'accord , et donner aux
pianos une supérieure qualité de sons.
",* ta Iberia musical rapporte comme un témoignage de son
succès un fait qui paraîtra bizarre dans nos mœurs , et que nous
citons pour marquer le degré d'en Ihousiasme qu'inspire l'art musical
en Espagne. Les rédacteurs de ce journal s'étaient réunis à un ban-
quet le 2 de ce mois. Tout-à-coup, au milieu du repas, ils sont
agréablement surpris par l'entrée de valets portant dus plats d'ar-"
gent. Sur l'un étaient des bonbons avec une devise que voici : 'i A
los redaclores delà Iberia Musical y literaria, varias suscritoras entu-
siasias de la Juventad itustrata. » L'autre plat d'argent contenait
divers présents offerts par les jolies abonnées à ces écrivains qui se
sont faits les champions de leur art favori. Ces objets si précieux par
leur origine, tels qu'un porte-crayon en or, un lorgnon d'or, un
souvenir en velours, une cravate brodée , etc., ont été tirés au sort
par les heureux donataires, qui ont ensuite porté un toast en l'hon-
neur des donatrices inconnues. Que dirait-on d'une pareille scène
dans notre pays, où il est convenu que l'enthousiasme est de plein
droit chose ridicule?
Cluroiïifjiiie ëts'aicgère»
*»' Berlin. — On ropète en ce moment le Chat botté, par TiecU ,
avec la musique de M. Taubert , pour le bal masqué du prince de
Prusse. M. Meyerbeer a eu ces jours-ci une audience du roi , qui
n'a pas accepté la démission offerte par l'illustre maestro. Sa Ma-
jesté lui a accordé un nouveau congé , afin de terminer à loisir la
cantate qui doit inaugurer l'ouverlure du nouveau théâtre de l'O-
péra. A l'avenir, la direction de cet établissement sera en dehors
des attributions de l'intendant des spectacles. Ainsi , jusqu'à nouvel
ordre , M. Meyerbeer restera à son poste , à la grande satisfaction du
public.
— La pièce les Grenouilles, d'Aristophane , a été exécutée derniè-
rement par l'Académie de chant. A Berlin, un journal dit que le
chanté par des femmes , a fait un singulier effet. Nous le croyons
yolontiers.
— L'ouverlure du? Jardin d'Hiver de KroU vient d'avoir lieu :
les salles sont très riches , et offrent surtout de magnifiques décors
en fleurs. Ce bel établissement a été inauguré par un concert, sous
la direction de M. Gaehriich, maître de chapelle, qui avait com-
posé une ouverture pour la circonstance.
',' Pleniie. — Voici une production tout-à-fait bizarre, au moins
quant au litre: le Joueur et le Fossoyeur, tableau romantique et co-
mique ; la musique est de M. le maître de chapelle Proch. Du reste ,
c'est tout ce qu'il y a de plus connu : un joueur veut en finir avec
la vie , et va se brûler la cervelle aux portes de la maison de jeu ;
son père , qui est fossoyeur, vient le sauver.
— Un compositeur allemand , M. Otto Nicolaï , qui avait obtenu
un brillant succès sur tous les théâtres d'Italie avec II Templario ,
vient de faire représenter un opéra nouveau , le Retour des bannis,
qui a obtenu aussi un immense succès. Depuis le 3jusqu'ausl4 février
cet ouvrage a eu quatre représentations , chose bien rare chez nous.
Le 10 mars aura lieu le sixième concert philharmonique, sous la
direction de M. Nicolai. On exécutera, entre autres choses remar-
quables, la symphonie en ut de Mozart , la symphonie pastorale de
Beethoven, et un air à'Accio et Galathea , qui sera chanté par
M. Staudigl.
*," Scliwerin (Mecklembourg). — On a représenté Lucie de Lam-
mermoor, de Donizetti : succès fort tiide ; Faust, avec la musique de
Lîndpaintner; le yampire, de Marschner. Ce dernier opéra a eu un
succès extraordinaire; presque tous les morceaux furent accueillis
avec des transports d'enthousiasme. Le Braconnier, de Lortzing, est
en répétilion.
— Spohr, le célèbre violoniste et compositeur, est enfin sorti de
l'apalhie où il semblait endormi à tout jamais; il a joué récemment
dans un concert donné à Hesse-Cassel par M«"» Willmann.
— On annonce un opéra nouveau de Marschner : V Empereur Ro-
dolphe il IVassau. Le texte est de SI. Rau.
*,* Leipzig. — Concert des sœurs Milanollo ; le prix des places
était presque doublé, la salle était comble. II y a chez ces jeunes ar-
tistes tout ce qui fait le virtuose, mais sur une petite échelle : ce
n'est ni grand ni imposant, mais c'est joli et gracieux. Elles exécu-
tent les plus grandes difficultés avec une facilité merveilleuse. A
Francfort on disait : Marie joue comme un enfant prodige, Thérèze
comme un ange.
'.'• Kiel{ Danemark). — Un violoniste, du nom de Bazzinî, a
donné ici deux concerts ; cette célébrité musicale, dont nous lisons le
nom pour la première fois, est placée par ses admirateurs à côté
d'Ernst.
*.* Hanovre. — On a exécuté Moïse, oratorio de A. Schmill, qui
a été fort applaudi. Il est question de mettre en scène la Fête de
Pâques il Paderborn , parle même compositeur.
'.* La Haye. — Au Théâtre-Français, on a donné récemment
l'Ambassadrice, d'Auber; au Théâtre-Italien , Béatrice di Tenda. La
Fille de l'Archer, opéra en 4 actes par Pedrolti , est en répétition.
Au Salon des Variétés, on joue une traduction hollandaise du yi-
comtede Létorières, qui a été métamorphosé en burgrave.
*,* Londres. — L'ouverture du Théâtre-Italien est chaque année
toujours aussi vivement désirée par Ufashion, les artistes et les
amateurs. — C'est qu'il faut dire que rien n'est négligé par l'/mpre-
Mrio , pour rendre son entreprise fructueuse, et plaire au public
dont le bon goût s'améliore chaque année davantage. Je suis content
de vous annoncer que M""^ Grisi , Persiani , arrivent le 3 avril , sui-
vies de Lablache , Mario , Fornasari, puis M"" Favanti , qui n'est
autre que miss Edwards , élève de Crevilli , de l'Académie royale
de Londres. Cette jeune cantatrice, qui ne s'était jamais fait enten-
dre parmi nous que comme amateur, a obtenu, dit-on, de très
beaux succès sur le continent. — Corelli débutera également cette
année sur noire scène. De grandes améliorations seront introduites
dans la direction de l'orchestre, si bruyant l'an passé , qu'à peine
les chanteurs pouvaient se faire entendre. On dit que le corps dn
ballet sera aussi brillant qu'à la saison dernière.
— Drury-Lane a monté la jolie Fille de Gand, avec M"= Fleury.
On attend Duprez incessamment , et l'on espère qu'il étonnera toute
l'Angleterre.
— Achard a terminé son engagement au Théâtre-Français , où il
a obtenu les succès les plus brillants , les plus mérités , non seule-
ment comme acteur parfait , mais comme chanteur. Bruno le fileur ,
le Brasseur'des Champs-Elysées , Furiiiclli et Stradella, lui ont per-
mis de déployer tour à tour sa verve et son talent. C'est L'Hérie qui
lui succède , et qui se fait applaudir à son tour dans VArt de ne pas
monter sa rjarde.
— Les concerts de Julien tirent à leur fin , et se termineront dans
70
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Une quinzaine; mais le hanii enlrepreneur n'en multiplie pas moins
tous ses efl'orls pour cliaimer fa nombreuse clientèle; il a dernière-
ment ofTert lin clioii heureux de: ihe. fall nf Pumpei [lachule :'.e
JPompéi) , avec un chœur de trois cents voit.
— M»» Dulcken a terminé ses charmantes matinées musicales. La
dernière a reçu un intérêt nouveau de la réapjiarition de M"" F. La-
blache, après une longue absence. Celte cantatrice a exécuté avec
talent un air de Kallivoda : ihc Cravedigger (le Fossoyeur).
V Florence. — Au théâtre de la Pergola, il Primo navigalore, le
Premier navigateur, action mythologique en deui actes par M- An-
tonio Cortcsi , chorégraphe , a été accueilli par d'unanimes ap-
plaudissements depuis le commencement jusqu'à la (in. A chaque
Teprésent.ition, l'auteur a l'honneur d'être rappelé sur la scène.
*,* Mod'ene. — La Muria d'Iiighilierrii de Pacini n'a eu aucun suc-
cès. La musique de Corrado d'Aliamurn n'a pas été plus heureuse.
*," Bergame. — L'opéra de Xubucco a été donné au bénéfice de
Biacchi , avec un égal succès pour la musique et pour, le bénélî-
ciaire.
".* Corfoii. — On a donné /e//'raio de Mercadanle, que le ténorForti
avait choisi pour son bénéfice; il s'y est fait vivement applaudir. On
dit beaucoup de bien des décors et du costumier.
*.* Madrid. — Le bel opéra de la Favorite va être monté avec la
plus grande rapidité au théâtre det Circo. Le ténor Carrion est chargé
du principal rôle. Il vient d'arriver à Madrid une cantatrice italienne,
Marietta Albini, qui a obtenu de grands succès à Valence. Deux chan-
teurs espagnols d'un mérite distingué, MM. Salas et OJeda Manli,
vont entreprendre une tournée artistique à Taris, Rbrdeaui et les
principales villes de France.
— La célèbre danseuse M"" Guy-Stéphan , qui est engagée pour
( ondres, doit donner pour sa dernière représentation ie ballet de?o
Sylphide.
*,* Lisbonne. Au théâtre San-Carlos on a donné , le S février,
/tnna Bolena avec le deuxième acte de Giselle et le grand air du
Domino noir par madame Rossi-Caccia. Celte cantatrice obtient ici
un succès d'enthousiasme; elle est rengagée pour l'année prochaine
moyennant une somme très considérable.
CO»rCERTS ANNONCÉS.
23
février.
2 bsures.
M. Ropiquet. Salons Bernhart.
le,
mars.
8
—
M. Mudier. Salle de lÉcole lyrique.
3
—
2
—
M'i' Yény. Salle Érard.
3
—
2
—
M. Ermcl. Salle de l'Ecole lyrique.
5
—
8
—
M"= ÉliseKrinilz. Salle Érard.
6
—
8
—
M'i' Boireux. Salle Érard.
9
—
»
—
M"" Sabatier. Salle Herz.
12
—
8
—
M>'« Korn Salle Herz.
IG
—
8
—
MM. A. Goria et Lac. Salle Pleyel.
f7
—
2
—
MM. Alard et Dorus. Salle Herz.
20
—
S
—
Mi'= I.oveday. Salle HeTZ.
20
—
8
—
M. Schad. Salle Erard.
Ee Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
4' JEailion. PERROTKV, éditeur, rue de IaFontaine>niolière, 41, au l""^. 4" EMiion.
MÉTHODE B. WILHEM. - DIANUEL MUSICAL
A L'USAGE DES COLLEGES, DES Ii\STlTl]TîOi\S, DES ÉCOLES ET DES COURS DE CHANT,
Comprenant, pour tous les modes d'enseignement, le texte et la musique en partilion des tableaux de la méthode de lecture
musicale et de chant élémentaire ;
Par B. W IZiBXïBff , — Ouvrage approuvé par l'Institut de France, approuvé et recommandé par le Conseil royal da l'instruction
f ubl-ique, cho:sx par le Cozriîté central d'instruction priniaire de la ville de Paris, adopté par la Société pour l'instruction
élémentaire.
Le 1" Cours, broché, 1 vol. in-8. 5 f. — Le 2" Cours, broché, 1 vol. in-8. h f. 50 c. — La MiiTHODE COMPLÈTE, 9 f. 50 c.
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Partitions.
HALÉVY. Charles VI. Grande partition. 400
— Orclie.stre. . . . 400
— Partition pour piano et
chant, Net. ... 40
— Piano solo , Net. ... 25
Piano.
CRAMER (J.-C. Conseils à mes élèves,
nouvelle méthode de piano,
2« é lition revue et auyiiieiilée,
dans laquelle se trouvent 55
morieauï cli'mentaires , 12
mon eaux à 4 mains nx-^Jucilex,
108 étude< préparatoires, cl 24
éludes nouvelles etprogresives
— Op. lOU. Sollege pour les doigts,
nouvelle école pratique du
piano, consistant en IiO exem-
ples d'unedilûculié progressive
et d unftgnin 'c variéié de for-
mes.servanl d'exerciC'-s prc pa-
ratoires à l'exé^uiioii des tom-
positions modernes et des
grandis éludes de l'auleur. . »
CZERNY ^C.). ÉtU'ie des études, ency-
clopédie des passages brillants
pour le piano, exlra'ts des œu-
vres des pianistes cél''t)res, de-
puis Scarlalti jusqu'à Thal-
bergetDoelher, 2 suites. Chaq. 15
— Le premier matlre de piano, étu-
des journalières, 4 livrais. Ch. 6
DOEHLER.50 grandes éludes de salon,
en 2 livres. Chaque
CHOPIN. Op. 50. 3 MazurUas. . . .
— Op. 51. 3' Impromptu. . . .
— Op. 52. 1V« Ball.ide. • . . .
— Op. 53. V1I1« grande polonaise,
— Op. 54. IV' Scherzo 9
DÉJAZET (E.).Op. 29. Mélodie et rondo
militaire tirés de Charles VI. . G
DOEHLER. Op. 44. 6 Romances sans
paroles, en 2 livres. Chaque.
— Op. 45. N.l et 2. 2 Eludes à 4 m.
N. 3. L'Adieu de Schubert,
transcrit ei varié. . 5 »
— 4. Le Tournoi. ... 6 »
— 5. Le Bohémien. . . G »
— 6. L'Hidalgo 6 »
DREYSCHOCR. Op. 22. Variât, pour la
main gauche. G »
— Op. 23. Andante 7 50
— 25. La Coupe 5 »
HELLER.Op.28.Capricesymphoni(}ue. 9 »
— Op. 29. Lâchasse 6 »
— 30. Dix pensées fugiti\es. . » »
1. Passé. G. Adieu.
2. Souvenir. 7. Rêverie.
3. R'omance. S. Caprice.
4. Lied. 9. Inquiétude.
5. Agilato. lU. Intel mezzo.
— 31. Fantaisie sur la Juive. . 6 »
— 32. Boléro d° . . 6 »
— 37. Fantaisie sur Charles VI. 7 50
— 38. Caprice d° . 7 50
— 39. La Kermesse 7 50
— 40. Aliscellanéc^ 6 »
— 41. Caprice .-ur le Déserleur. G »
HENSELT. Op 13.N. 3. Cavatine et bar-
carolle.- ........ G »
HERZ (J.). Op. 39. 3 Air< de ballet de
Charles VI, en rondeaux bril-
lanls. N. 1. La Pavaiine, N. 2.
La Mascarale. N. 3. La Bour-
rée, (haque 7 50
HUNTEN (W.). Mosaïque de Charles VI,
en 4 suites. Chaque. . . .
— Mosaï'iue du I)é>erieur. . . .
KALKBRENNER. Op. 165. Grande fan-
taisie de bravoure sur le duo
des cartes de Charles VI. . .
KOiNTSKI (A.). Op. GO. Fantaisie sur la
romance de Guido et Ginevra.
— Op. 61 . Fantaisie brillante sur la
Juive d'Halévy 7 50
LECARPENTIER. 3U'- et 37» Bagatelle
sur Charles VI. Chaque. . . 5 »
— 42 'Bagatelle sur des Romances
de l'Album de Mlle Lia Duport. 5 »
20 »
7 50
6 »
7 50
7 50
7 50
r 50
7 50
7 50
7 50
LISZT. 2" Marche hongroise '
— Canzone napolitana . . . . J
— Fantdisie sur Don Juan. . . . L
OSBORNE. Op. 48. Fantaisie sur Char-
les VI ■
REDLER. le livre d'or des jeunes
demoiselles , en G livxes :
— Op. 45. 1'' Bagatelles 1res faciles
et agréables sur Robert le-D.
— 4G.2'Cagalellesurl.xFavorite
— 47. 3' Bagateliosur la Juive. .
— 4.S. 4" sur les H iguenols. .
— 49. S'surla l'.einede Chypre.
— 5ii..G'BagatellesurCh.irlesVI
— 59.7* Bag.it siirle Déserleur..
ROSEI.LEN. Op. 64. L' aérienne, valse.
— Op. 50. F.inlaisie brillante sur
Charles VI
SCHUBERT (P.). Opi 39. Vari.itions sur
le chant national de CharlesVl.
STAMAÏY. Op. S. S\)nate
— Op. 9- Fanlaisio sur h Juive .
— Op. 10. Fanlaisie.Mir t.harles VI.
THALBEliG.Op 47. (i rondes valses bril.
— Op. 4S.Gr. cap lice sur CharlesVl.
— G Romances sans paroles, 1' et
2c recueil
— Op. 49. Fantaisie sur B.airice di
7'eii'fn
— Op. 51. Fantaisie sur ^éiniratnis.
WOLFF. Op 84. La Reine de Chypre,
2' valse originale
— Op. 83. 15= Nocturne
— Op. 88. Valse sur des m.olifs de
CharlesVl
.— Op. 95. La Mélancolie et l'Espoir,
deux morceaux de salon. . .
— Op. 97. L'Andalouse ; 3' valse
originale".
Qiiatlrilleg.
TOLBECQUE. Les Enfants terribles. .
— Le Gnnilolier delà Vi-tule. . .
— Le Bonhomme
— 3 Quadrilles sur Charles VI. Ch.
Les mêmes, à quatre mains. Ch.
WAGNER (P.). Le liai d'enfants aux
Tuileries , quadrilles faciles.
N. 1. La F.worite
2. Le Guitarrero
3. La Reine de Chypre. . .
4. Adelia
5. Une Nuit à Grenade. . .
G. Charles VI
LABITZRI. Op. 85. Les Kiéganles. .' .
— Op. 8G. LesSyrènes
— 87. Dublin
— 88. Edimbourg
— 89. La Grandc-Brctogne. .
— t)U. La saison de Londres. .
— 92. Charles VI
— 94. O.lette
— 95- Les Parisiennes. . . .
— 96. Charlotte
— 9S. La Réunion
LA-NNER. Op. 185. Les Adieux. . . .
— Op. 193. Les Idéales. . . . ,.
I — 195. Le Faubourg Saint-Ger-
; main
! — 197. LesTixjubadours. . .
— 198. Les Nayades. . . .
— 203 La Danse des Sorcières.
STRAUSS. Op. 1,:î2. La Débutante. .
— Op. 134. Egérie
— 135. Le Maître de danse. .
— 139. Les Fantastiques. . .
— 140. Les réunions musicales.
— 14 1. Les Ménestrels. . . .
— 143. Latone
— 145. Minos
— 146. Les Démons. . . .
— 150. Les Artistes
"WAGNER (P.). Le Bal d'enfants aux
Tuileries, valses:
— N. 1. Les mille fleurs. . . .
— 2. Les Boutons de roses. .
— .3. tes Fleurs d'oranger, .
G
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Valses à 4 mains.
STRAUSS. Op. lOG. Ma Patrie. ... 6
— Op. 109. Les Pliintes exotiques. 6
— 120. Sainte Cécile. ... 6
— 127. Chants du Danube. . 6
— 128. Apollon 6
— 129. Adélaïde 6
Piaiïo à 4 mains.
BEETHOVEN. Op. 13. Grande sonate
pathétique 9
CZERNY. Op. 716. Grand duo brillant
sur la Reine de Chypre. ... 9
— Op. 717. Grandes variations sur
la Favorite 9
DOEHLER. Deux études 7
— L'Adieu de Schubert, transcrit
pour piano à 4 mains. . . .
HERZ ( J.) 3 Airs de ballet à 4 m. Ch.
LECARPENTIER. Op. 79. Divertisse-
ment sur Charles VI. . . .
ROSELLE.\lH.). L'Aérienne, valse bril.
THALI'.ERG. Roniiincc sans paroles. .
— Felice Donzella , romance ita-
lienne de J. Dessauer, transe.
— Op. 5. Adagio cl r.ondo. . .
— 10. Capuleli
— 31. Scherzo.
— 26. Etude en la
THALBKRG. Op. 40. Donna del Lago .
— Op. 43. 2" Faut. Huguenots . .
— Op. 47. Grandes v:ilses brillantes.
— Op.48.Gr. caprice sur Charles VI.
— Op. 61. Grande fantaise sur la
Scniiramide
MOSÉ. Mi manca la voce
WOLFF. Op. 74 iiv. Grand duo sur
Robert-lc-Diablc
— Op.76. Gr.dnosur lesHuguenots.
— 79. J(l. surGuidoetGinevra.
— 80. Id. sur la Juive. . . .
— 8G. Jd. sur Charles VI. . .
Piano et Violom concertants.
HELLER et ERNST. Pensées fugitives.
N. 1. l>assé 5 »
2. Souvenir 5 »
3. Piomance 5 »
4. Lied 6 »
5. Agitalo 6 »
G. Adieu 6 »
7.. Rêverie 5 »
S. Caprice 6 »
9. Inquiétude 6 »
10. Prière pendant l'orage. 5 »
11. Intermezzo 6 »
12. Presto lapricioso . 5 »
KALKBRENNER et PANOFKA.Op. *.G4.
Grand duo bril. sur la Juive. 10 »
— Op. 160. Grand duo brillant sur
la Favorite 10 ■•
— Op. 167. Grand duo brillant sur
la Heine de Cliyiu'c. .... 10 »
— Op. IGS. Grand duo brillant sur
CharlesVl 10 »
LOUIS. Op- t:i7. Fantaisie héroïque sur
Charles VI .10 »
PANOFKA. .Mosaïque de Charles VI, en
2 suites. Ch que 9 »
THALBERG et PANOFKA.Op. 4 9 Grand
duo brillant sur des niolils de
Bealiice di Tenda , de Bellini. 10 »
'^'ioSon.
ERNST. Op. 19. Le carnaval de Venise,
25 varialionç burlesques, avec
accompagnement de piiins ou
quatuor 9 »
— Op. 20. IiilroducJon et caprice
sur le Pirate, avec accompa-
gnement do piano .... 9 »
ONSLOW. 34» Quatuor pour deux vio-
lons, alto et basse ". . . . 18 »
PANOFKA. Op. 3S. Grande scène dra-
matique , avec ace. de piano. 7 60
— 40. Grande valse de bravoure . 7 50
L'ouverture et les airs de Cliurles F l en
quatuor pour 2 violons , alto et busse ,
pour 2 violons et pour violon seul.
72
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IL SERA JOnVT A CHAQUE NUmÉRO m DESSIN INÉDIT DE 6AVARNI.
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SOMMAIRE. Des formules de mode dans le phrasé du chant et de la
musique instrumentale; par FÉTIS père. — Euphonia , ou la Ville
musicale ( suite ) ; par H. BERLIOZ. — Théâtre royal de l'Opéra-
Comique : Oreste ei Pylade (première représentation); par H.
BLANCHARD. — Cours d'histoire et de théorie de l'harmonie de
M. Fétis. — Société des concerts : Quatrième matinée; par STE-
PHEN HELLER.— Cinquième concert de la Hevue el Gazette
musicale; par H. BLANCHARD. — Correspondance particulière :
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L'ACTEUR DES PAROLES. Dessin de Gavarni.
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vant aux Abonnés de la province et de l'étranger les dessins
de Gavarni deux fois par mois , les 2'^ et 4"= dimanches.
DES FORMULES DE MODE
DANS LE PHRASÉ
DU CHANT ET DIÎ LA TMCSIQUE INSTRUMENTALE.
a mode , celte reine du monde , étend son
empire sur toutes choses. Rien ne se soustrait
à sa domination ; car ce n'est pas seulement
aux vêtements, aux parures, aux ameuble-
ments cju'on la reconnaît; le langage, les
arts , la science même sont soumis à ces caprices. Il y a de
la mode jusque dans la philosophie , et les commentateurs
quelque peu ridicules , dont le chef-d'œuvre d'un inconnu a
fait justice, n'étaient que les esclaves de cette fantastique di-
vinité.
On se souvient encore de notre goût pour l'antiquité; nous
étions Grecs ou Romains jusque dans les moindres ustensiles
de nos cabinets de toilette ; notre peinture semblait dater du
siècle d'Alexandre , et notre prédilection était si complète
pour les usages des temps les plus reculés, qu'il s'en fallut
de peu que les lionnes du Directoire ne missent en vogue le
costume dégagé du Romulus et de l'Hersilie du tableau de
David. La musique s'était faite austère et bruyante pour être
de son époque ; enfin , les tendres et spirituelles mélodies de '
Monsigny et de Grétry avaient fui de la scène , envahie par
les énergiques coBipositions de Méhul et de Cherubini.
On criait alors à l'Opéra ; on criait au théâtre Feydeau , et
M"" Scio ne succombait pas moins à la fatigue dans la Médée
de Cherubini, qu'Adrien et Lainez dans le Cosroès de Méhul.
Sous prétexte d'honorer l'Être suprême, ou, comme on disait
alors , de le reconnaître , on vociférait dans les temples de
bruyantes hymnes soutenues par un grand vacarme d'in-
struments, de crotales et de tambours. Dans les intervalles de
tout ce bruit , un seul homme chantait en France : cet
homme était Garât.
Aux derniers jours du xvra'' siècle , une réaction se fit à
l'improviste ; on la vit commencer immédiatement après la
révolution du 18 brumaire: car les idées de liberté, presque
inséparables du souvenir des Grecs et des Romains, n'étaient
pas du goût du héros d'Arcole et d'Aboukir. Si les allures
républicaines nedisparurent pas tout-à-coup sousle Consulat,
celui-ci prépara doucement la pompe de l'Empire. Aux hymnes
à l'Être suprême succéda la messe solennelle. Le maître n'ai-
mait pas le bruit en musique , on se le tint pour dit , et pour
essayer de chanter à l'Opéra , on y fit arriver Nourrit père ,
Roland , Éloy , M""' Branchu , et plus tard M"" Hymm , tous
élevés dans les traditions de Garât. L'affaire n'alla pourtant
pas si vite qu'on l'avait espéré, car on n'en finit pas aisément
avec les coutumes de l'Académie royale de musique. Chéron,
avec la belle voix dont il se servait assez mal ; Adrien , aux
vigoureux poumons; Lainez, de criarde et chaleureuse mé-
moire ; Lays , avec son chant de curé de village , et Clytem-
nestre Maillard, firent bonne contenance contre leurs jeunes
antagonistes, et disputèrent pied à pied aux chanteurs le ter-
rain des cris et deshoquets. De temps en temps les néophytes
du nouveau culte d'Apollon trouvaient à la vérité le moyen
de se faire applaudir dans Orphée ^ Didon et Armide ; mais
BUREAUX D'ABONNEMENT, RUE RICHEI.IEU, 97.
lu
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ce ne fut que plus de vingt ans après que la réforme put être
complète à l'Opéra , et qu'une nouvelle génération y fit
triompher l'art du chant , bienlôt après détrôné par le re-
tour aux vieilles traditions.
A rOpéra-Comique, les succès de Délia Maria et de Boiel-
dieu avaient préparé l'aliandon de la musique énergique, née
de la révolution; les auteurs de cette musique s'étaient eux-
mêmes modifiés. Bientôt la reprise des productions de Gré-
trf et de Monsigny, et l'enthousiasme qu'elles firent naître,
marquèrent la tendance de l'époque vers le chant et la mé-
lodie. Si Martin, Elleviou, n'étaient pas de grands chanteurs,
ils possédaient de belles voix et de l'intelligence musicale ; ils
commencèrent une réforme qui fut achevée par Ponchard et
jjmes jjuret et Rigaut. Mais n'anticipons pas.
Sous le Consulat et aux premières années de l'Empire ,
tout semblait concourir k donner enfin aux Français le goût
pur de l'art du chant , longtemps inconnu chez eux ; car l'O-
péra-Italien , alors rétabli sous le patronage du gouverne-
ment , leur fournit quelques modèles de cet art , inférieurs
sans doute à ce que Mandini , Viganoni, M"' Morichelli , ar-
tistes de la plus haute distinction , avaient fait entendre h
l'aurore de la révolution, mais beaux encore, et appartenant
à une école plus avancée que celle de la plupart des chan-
teurs français. Dans un ordre plus élevé apparurent ensuite
M°" Grassini, et surtout.Crescentini, modèles parfaits de l'ex-
pression la plus pathétique et du mécanisme le plus pur.
Alors commença la rïro^e tfa chant itafrcn , dont les progrès ont
été constanis jusqu'aujourd'hui, et qui nous a conduits pai
degrés à la possession d'une bonne école de chanteurs.
Toutefois ce même chant italien a été soumis lui-même à
diverses transformations qui n'ont pas été toutes des pro-
grès, mais que la mode a sanctionnées. Un examen sérieux de
ces transformations ne sera peut-être pas sans utilité pour
quelques uns de nos artistes les plus habiles, et surtout pour
les élèves qui suivent leurs traces ; c'est ce que je me suis
proposé de faire dans cet article.
Une influence réciproque se fait remarquer entre le style
des compositeurs sur les chanteurs, et les habitudes des chan-
teurs sur les ouvrages des compositeurs. Au temps ori les
opéras de Paisiello , de Cimarosa et de Guglielmi avaient la
vogue , les mélodies , larges et simples , expressives surtout ,
exigeaient peu de fioritures ; une belle mise de voix , un sen-
timent exquis, une glande intelligence du phrasé, étaient les
qualités par lesquelles un chanteur pouvait y briller. De là
les tendances des artistes exécutants dans le développement
de leur talent. Mais les compositeurs que je viens de citer
avaient eux-mêmes formé leur style dans l'école des chan-
teurs instruits par leurs prédécesseurs Jomelli , Majo , Pic-
cinni et Sacchini. Cette école du chant large, expressif, pa-
thétique, avait pris naissance au temps d'Alexandre Scarlatli
et de Porpora. Des virtuoses doués de facultés extraordi-
naires , tels que Farinelli , Cafi'arelli et la Gabrielli , avaient à
la vérité fait irruption dans le domaine du chant de bravoure
oii se déployait avec avantage la puissance de leur flexible
gosier ; mais ce chant d'agilité, dont tous les professeurs fai-
saient faire une longue étude à leurs élèves , ne trouvait en
général d'emploi que dans les cadences appelées points d'or-
gue. Dans tout le reste , quelques trilles , quelques groupes ,
quelques appogiatures composaient tous les ornements d'un
chant, dont les qualités principales étaient une belle mise de
voix et le phrasé rhythmiqne à grandes dimensions. Pour
posséder ce phrasé, une longue respiration était nécessaire ,
et les efforts des maîtres avaient pour but de développer cette
facidté chez leurs élèves.
C'est par la réunion de ces qualités , auxquelles chacun
ajoutait à un degré plus ou moins élevé les avantages de k
personnalité, que Paci hiarotti', Crescentini, Garât, Mandini,
Viganoni , la Morichelli , la Banti et plusieurs autres , méri-
tèrent le nom de gra-ids chanteurs à la fin du XYUI° siècle
et dans les premières années du xix°. Et qu'on ne s'y trompe
pas, il n'entre point dans ma pensée de relever par des éloges
exagérés une époque passée dans le dessein de rabaisser le
présent; loin de moi cette étroite conception qui n'admet-
trait l'art que sous une forme. Je me fais ici historien fidèle
àe choses qui sont encore dans ma mémoire et que je veux
comparer avec ce qui est aujourd'hui.
Une action réciproque est exercée par les compositeurs sur
les habitudes des chanteurs , et par ces habitudes sur le style
des compositeurs. C'est de celte action et de sa réaction que
naît le style de chaque époque ; c'est là que se ti'ouve anssi
l'origine des tendances du goût public en musique et de
ses nombreuses transformations. Lorsque le génie d'Alexandre
Scarlatti eut fait prédominer dans l'art le style d'expression,
toutes les écoles de chant se proposèrent en Italie la perfec-
tion d'exécution dans ce style, et la conséquence immédiale
de cette tendance des chanteurs fut que les compositeurs qui
succédèrent à Scarlatti, tels que Léo, Pergolèse, Durante,
Basse , JtmwïM et Majo , écrivirent aussi dans le style expres-
sif, et, n'innovèrent que dans la forme des morceaux, dans la
modulation et dans l'instrumentation.
Doué d'un génie particulier pour le style bouffe et léger,
Galupipi mit en vogue l'opéra de ce genre, vers 1750, et
quelques chanteurs très habiles se formèrent bientôt pour
son exécution ; à leur tête se plaça la fameuse Gabrielli, ini-
mitable dans le chant de bravoure. L'art eut alors deux gen-
res de phrasé dans le chant , le premier large et pathétique ,
pour l'opéra sérieux; l'autre élégant, agile, et brillant de
grâce et de gaieté, dans l'opéra bouffe. C'est sous cette in-
fluence c]ue Piccinni , Sacchini et quelques autres écrivirent
dans les deux genres. Mais bientôt une sorte de fusion s'opéra
entre les deux styles, pour composer celui qu'on désigne
par le nom de mezzo carattere. Mélange heureux du style
noble, expressif, et des ornements empruntés an style bril-
lant, ce genre nouveau devint celui de quelques belles
compositions de Paisiello et de Cimarosa, et sous leur in-
fluence se développa le talent admirable de chanteurs tels
que Pacchiarotti, Crescentini, Marchesi, Mandini, Viganoni,
la Banti, la Morichelli, et M""" Grassini.
L'influence réciproque des compositeurs sur les chanteurs,
et de ceux-ci sur les compositeurs, ne saurait donc être mise
en doute. On verra tout-à-l'heure qu'elle a continué de se
développer jusqu'à l'époque actuelle.
J'ai déjà dit que les qualités par lesquelles brillaient les
grands chanteurs que je viens de nommer étaient une admi-
rable mise de voix, une grande facilité de vocahsation, et une
parfaite justesse, d'intonation, fruits d'études longues et bien
faites. A ces qualités si importantes, ils ajoutaient une belle
articulation , l'art de respirer à propos dans le phrasé , et une
admirable exactitude dans le sentiment de la mesure et du
rhythme. Cette dernière qualité est digne de remarque et doit
fixer l'attention des chanteurs de notre époque , par qui elle
est trop négligée. Ils se persuadent que l'expression consiste à
ralentir certaines parties de phrases , à en presser d'autres , à
suspendre à chaque instant la mesure pour s'arrêter sur cer-
taines notes et les faire vibrer, en sorte que la signification
primitive du morceau qu'ils chantent et le sentiment du
rhythme s'anéantissent. Tous croient sincèrement que sans
ces petites manœuvres , il n'y aurait pas d'effet possible.
DE PARIS.
75
L'exactitude dans la mesure leur paraît devoir faire naître la
froideur. Mais leur erreur est évidente; car si le public de
l'époque actuelle, façonné qu'il est aux formules de fausse
expression par les artistes , les applaudit avec peu de discer-
nement , le public d'une époque où l'art était dans de meil-
leures conditions applaudissait aussi avec enthousiasme les
chanteurs qui montraient une expression plus vraie , unie au
respect invariable de la mesure et du rhythrae. Certes, Napo-
léoir n'était pas un damoiseau facile h émouvoir, et le par-
terre des Tuileries , composé de généraux et de colonels de la
grande armée, tous enivrés de gloire, d'honneurs, et dont la
sensibilité était au moins douteuse, ne se laissait pas attendrir
comme une assemblée de femmes: cependant, lorsque Cres-
centini exprimait la douleur de Roméo près du tombeau de
Juliette, et chantait d'une manière si touchante la célèbre
mélodie Ombra adorata, aspelta, sans rien changer à la me-
sure, au rhythme, sans ralentir ni presser, il pouvait voir les
yeux de l'empereur mouillés , et les rudes guerriers du par-
terre sous le charme d'une profonde émotion.
Garât, qu'il faut toujours citer lorsqu'il s'agit de l'art de
phraser daas le chant, car personne ne porta cet art plus loin
que lui, Garât, si plein de chaleur et de verve , était imper-
turbable dans la mesure , et avait le sentiment du rhythme le
plus exquis. Quoiqu'il semblât quelquefois chanter à tempo
rubato dans les choses d'expression , il exigeait de l'orchestre
et de l'accompagnateur au. piano une exactitude rigoureuse
de mesure , ayant l'art d'arriver toujours au temps frappé en
même temps qu'eux , lorsqu'il semblait s'abandonner à toute
la verve de l'expression dramatique. L'expression qui ne
s'obtient qu'aux dépens de la mesure n'est qu'une grimace,
disait-il , et n'a rien de vrai.
Ce défaut de mesure et de rhythme dont je viens de parler
n'est pas seulement celui des chanteurs de notre époque ,
mais de tous les instrumentistes. Rien de plus difficile aujour-
d'hui pour un orchestre que d'accompagner un des violonistes
à la mode. Les perturbations de mouvements sont si fré-
quentes dans leur jeu , que leur expression grimacière ne
laisse plus aucune signification à la musique qu'ils exécutent :
aussi les belles compositions de Viotti et de Rode leur sont-
elles interdites , et ne peuvent-ils se faire entendre que dans
leurs fantaisies ou airs variés. Mais revenons à l'examen de
l'influence réciproque de la musique sur le goût des chan-
teurs, et de ce goût sur la musique.
Crivelli et Tacchinardi brillaient au premier rang des
chanteurs qui avaient succédé aux grands artistes de la fin du
xviii° siècle. Déjà l'école de chant italien commençait à s'ap-
pauvrir par suite de la suppression d'un grand nombre de
chapelles et de conservatoires où les chanteurs se formaient
autrefois. Depuis la mort de Ciraarosa, plusieurs compositeurs
du second ordre , tels que Fioravanti , Niccolini , Federici ,
Mayer, et quelques autres, occupaient la scène par leurs ou-
vrages; ils n'exerçaient qu'une faible influence sur les chan-
teurs de leur temps. Dix années se passèrent ainsi : puis parut
Rossini, dont tout le monde sait l'histoire. Son règne dans l'art
marqua la fin de l'école du chant d'expression simple , et in-
troduisit dans le style dramatique le goût des • ornements
d'agilité et du chant brillante.
Dès lors tous les chanteurs se livrèrent à l'étude de ce style
nouveau , et leur passion pour les fioritures alla jusqu'aux
dernières limites de la profusion. On sait quelle influence
eut cette tendance nouvelle sur tous les compositeurs qui
marchaient à la suite de Rossini , et particulièrement sur
Carafa , Pacini , Mercadante , et plus tard sur Donizetti. Cette
. époque est la dernière où l'art du chant, malgré ses défauts,
a eu une existence réelle en Italie. Ainsi que je l'ai fait re-
marquer alors , la prodigalité des traits avait pour résultats
inévitables l'affaiblissement de l'expression dramatique , la
confusion des genres et la monotonie ; mais on ne peut nier
qu'il ne fallût une éducation vocale bien faite pour arriver au
degré d'habileté nécessaire dans l'exécution de cette multi-
tude de traits, et certes ce fut une réunion d'artistes bien re-
marquables en leur genre que celle où l'on entendit en même
temps à Paris la Malibran, M"" Sontag, M"'^ Grisî, Rubini,
Tamburini et Lablache.
L'influence de tels chanteurs se fit bientôt remarquer sur
l'école française , et le style de notre musique dramatique en
fut évidemment modifié. Leschanteurs voulurent entrer dans
la carrière du chant d'agilité, et y montrèrent du talent. Il me
suffit de rappeler ici l'époque où Rossini , écrivant pour l'O-
péra de Paris, avait pour interprètes M""= Damoreau, Adolphe
Nourrit et Levasseur.
Une transformation nouvelle commença esn 1827 par le
Pirata de Bellini , transformation dont nous voyons aujour-
d'hui les funestes conséquences. Ce jeune compositeur, con-
vaincu qu'il n'y avait rien à espérer pour sa renommée de
l'imitation simple de Hossini , ne vit de ressource que dans la
restauration du style dramatique, dont il emprunta quelque
chose aux formes de la musique française. Dirigé par cette
pensée , il fit disparaître peu à peu les fioritures de sa mu-
sique, cherchant ses effets d'expression dans l'expansion puis-
sante de la voix des chanteurs. C'est dans ce système que
furent écrites les partitions de la Straniera, des Capulcti, de
Béatrice di Tenda et de Norma. Les succès de ces ouvrages
jetèrent dans la même voie Donizetti et les plus jeunes com-
positeurs. C'est la môme direction dans laquelle la musique
est encore aujourd'hui , et c'est à elle que nous devons attri-
buer l'entier anéantissement de l'art du chant sur les théâtres
d'Italie ; car peu à peu les Italiens se passionnèrent pour les
sons poussés et vibres , pour certaines formules nécessaires à
ce système du chant qui venaient rompre à chaque instant le
rhythme et la mesure , enfin pour le bruit formidable d'une
instrumentation qui ne laissait de ressource aux chanteurs
que dans la force de leurs poumons.
Il arriva de là qu'une voix puissante fut considérée comme
la qualité principale d'un chanteur, et que ceux qui jouis-
saient de cet avantage se crurent dispensés d'aj;quérir le reste.
Dès lors il n'y eut plus réellement d'école de chant en Italie.
Ce furent des avocats, des artisans, des choristes, doués de
l'énergie d'organe nécessaire , qu'on vit arriver aux premiers
emplois du théâtre , après quelques mois de préparation , et
sans posséder même une connaissance élémentaire de la mu-
sique. Ne connaissant point l'art de phraser, aucun de ces
chanteurs ne sait ce que c'est que de respirer à propos. A
chaque instant ils hachent les phrases, et môme les mots, par
des reprises de respiration , rendues d'ailleurs nécessaires par
l'énorme dépense qu'il en font dans l'émission forcée des
sons. La mise de voix, la justesse des intonations, sont des
choses dont personne ne s'occupe plus , et pour lesquelles il
n'y a d'ailleurs plus de maîtres.
Le chant dramatique était engagé dans cette direction ,
quoique non encore arrivé à l'état actuel de dégradation,
lorsque Duprez obtint ses succès sur le théâtre de Naples.
Grand musicien, chanteur habile, et doué d'une intelligence
supérieure , il comprit facilement ce qu'il y avait d'avanta-
geux pour lui dans un système de chant qui lui permettait
de faire admirer la beauté de son articulation des paroles. Se
proposant de revenir dans sa patrie et d'y aborder la scène
de l'Opéra , il vit que le récitatif et le chaut large seraient son
76
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
lot, et l'on sait quel effet il y produisit lorsqu'il parut pour
la première fois dans Guillaume Tell. Ce succès a ramené
l'Opéra français à son point de départ , et en a fait bannir à
peu près le chant d'agilité. Si Jl"° Dorus-Gras n'était plus à
l'Opéra, on ne l'y entendrait plus. Malheureusement, ceux qui
suivent la route tracée par Duprez n'ont ni son art , ni sa
haute conception de la musique : ils ne savent point phraser,
et toute leur habileté consiste à pousser des sons.
A rOpéra-Comique , l'inhabileté des chanteurs nous ra-
mène aussi à la musique du temps où les Français ne savaient
pas chanter; mais qu'il y a loin, pour l'intelligence, des inter-
prètes actuels de cette musique à ceux d'autrefois !
FÉTis père.
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
OD
LA VILLE MUSICALE.
PREMIÈRE LETTRE.
(Suite 1.)
Sicile, 7 juin 2344.
XILEF A KOTCEH.
uel martyre notre ministre m'a infligé ! Res-
ter, comme je le fais , en Italie , retenu par
ma parole trop légèrement donnée de n'en
point sortir avant d'avoir engagé le nombre
de chanteurs qui nous manque ! quand le
moindre navire me transporterait en quel-
ques heures à travers les airs aux lieux oîi
est ma vie!... Mais pourquoi son silence?... je suis bien mal-
heureux ! Et m'occuper de musique dans cet état de brûlant
vertige , avec ce trouble de tous les sens , au milieu de cet
orageux conflit de mille douleurs!... il le faut cependant. O
mon ami , le culte de l'art n'est un bonheur que pour les
âmes sereines; je le sens bien à l'indifférence et an dégoût
que j'éprouve à l'égard des choses mêmes qui , pour moi ,
furent en d'autres temps des objets d'un si haut intérêt.
N'importe ! continuons ma tâche.
Sachant la mission dont je suis chargé et mes fonctions à
Euphonia , les membres de l'Académie sicilienne m'ont écrit
ce matin pour me demander des renseignements sur l'orga-
nisation de notre ville musicale ; ils ont beaucoup entendu
parler d'elle, mais aucun d'eux cependant, malgré l'exces-
sive facilité des voyages , n'a encore eu la curiosité de la vi-
siter. Envoie-moi donc , par le prochain courrier, un exem-
plaire de notre charte, avec une description succincte de la
cité conservatrice du. grand art que nous adorons. J'irai lire
l'une et l'autre à la docte assemblée; je veux me donner le
plaisir de voir de près l'étohnement de ces braves académi-
ciens qui sont si loin de savoir ce qu'est la musique.
Je ne t'ai rien dit des concerts et des festivals en Italie ,
par la raison que ces solennités y sont tout-à-fait inusitées ;
elles n'exciteraient parmi les populations aucune sympathie ,
et l'exécution , en tout cas , ne pourrait en différer beaucoup
de celle que j'ai observée dans les théâtres. Quant à la mu-
sique religieuse, il n'y en a pas davantage, eu égard aux idées
que nous avons et que nous réalisons si grandement sur l'ap-
(() La Reproduction de cette nouvelle est interdite. —Voir les
numéros 7 et 8.
plication de toutes lés ressources de l'art au service divin.
Les derniers papes ayant prohibé dans les églises toute autre
musique que celle des premiers maîtres de la chapelle Sixtine,
tels que Palestrina et Allegri , ont , par celte grave décision ,
fait disparaître à tout jamais le scandale dont se plaignaient
si amèrement , il y a quelques siècles , les écrivains dont l'o-
pinion nous paraît avoir eu de la valeur. On ne joue plus , il
est vrai , des concertos de violon pendant la messe , on n'y
entend plus de cavatine chantée en voix de fausset par un
homme entier, l'organiste n'exécute plus de fugues gro-
tesques ni d'ouvertures d'opéra buffa ; mais il n'en faut pas
moins regretter que cette expulsion , trop bien motivée, de
tant de monstruosités choquantes et ridicules , ait entraîné
celle des productions nobles et élevées de l'art. Ces œuvres
de Palestrina ne sauraient être pour nous, ni pour quiconque
possède la connaissance aujourd'hui vulgaire du vrai stylesacré,
des œuvres complètement musicales , ni absolument religieu-
ses. Ce sont des tissus d'accords consonnants dont la trame est
quelquefois curieuse pour les yeux ou pour l'esprit, en considé-
rant les difficultés dont l'auteur s'est amusé à trouver la solu-
tion, dont l'effet doux et calme sur l'oreille fait naître souvent
une profonde rêverie; mais ce n'est point là la musique com-
plète, puisqu'elle ne demande rien à la mélodie, à l'expression,
au rhythme ni à l'instrumentation. Et les savants de ce pays-
ci croient encore sincèrement que Palestrina écrivit ainsi à
dessein sur les textes sacrés et mû seulement par l'intention
d'approcher le plus possible d'une pieuse idéalité. Ils ne con-
naissent pas ses madrigaux , dont les paroles frivoles ou ga-
lantes sont accolées par lui cependant à une sorte de musique
absolument semblable à celle dont il revêtit les paroles saintes.
Il fait chanter par exemple : Au bord du Tibre , je vis un
beau pasteur dont la plainte amoureuse, etc., par unciiœur
lent dont l'effet général et le style harmonique ne diffèrent
en aucuiip façon de ceux de ses compositions dites reli-
gieuses. 11 ne savait pas faire d'autre musique, voilà la vé-
rité ; et il était si loin de poursuivre un céleste idéal , qu'on
retrouve dans ses écrits une foule de ces sortes de logogriphes
que les contre-pointistes qui le précédèrent avaient mis à la
mode et dont il passe pour avoir été l'antagoniste inspiré. La
messe de Palestrina, dédiée au pape Marcello, est écrite à
deux chœurs, dont l'un imite canoniquement l'autre du com-
mencement à la fin. C'est là une grande difficulté de contre-
point habilement vaincue; mais qu'en résulte-t-il de beau ou
seulement de convenable au sentiment religieux? En quoi
cette sorte de jeu harmonique, perceptible seulement pour
les yeux, puisque l'oreille ne saurait suivre des imitations ca-
noniques de notes aussi longues et sans dessin mélodique , en
quoi, dis-je, cette preuve de la patience du tisseur d'accords
annonce-t-elle en lui une simple préoccupation du véritable
objet de son travail? en rien à coup sûr. Il importe d'ail-
leurs aussi peu à l'expression du sentiment religieux de des-
siner deux chœurs en canon perpétuel que de les écrire en se
servant d'un morceau de bois au lieu de plume, ou gêné d'une
façon quelconque par une douleur physique ou un obstacle
matériel. Si Palestrina , ayant perdu les deux mains , s'était
vu forcé d'écrire avec le pied et y était parvenu, ses ouvrages
n'en eussent pas acquis plus de valeur pour cela et n'en se-
raient ni plus ni moins religieux. Les savants Siciliens seront
fort surpris , j'imagine, d'apprendre avec quel soin il est dé-
fendu dans nos écoles de considérer ces puérilités autrement
que comme des exercices , de les envisager comme le but et
non comme le moyen, et en les traitant ainsi sérieusement de
transformer les partitions en tables de logarithmes ou en
échiquiers.
DE PARIS.
77
En résumé cependant , s'il est regrettable qu'on ne puisse
plus entendre dans les églises que des harmonies vocales
calmes , au moins faut-il se féliciter de la destruction du style
effronté qui en a été le résultat. Entre deux maux, estimons-
nous heureux de n'avoir que le moindre. Les papes d'ail-
leurs ont permis depuis longtemps aux femmes de chanter
dans les temples, pensant que leur présence et leur partici-
pation au service religieux n'avaient rien que de naturel , et
devaient paraître inOniment plus morales que le barbare
usage de la castration que toléraient et encourageaient même
leurs prédécesseurs. 11 a fallu des siècles pour découvrir cela !
mais enfin on l'a découvert. Autrefois il était bien permis aux
femmes de chanter pendant l'office divin , mais à la condi-
tion pour elles de chanter mal ; dès que leurs connaissances
de l'art leur permettaient de chanter bien et de figurer en
conséquence dans un chœur artisiement organisé, défense
était faite aux compositeurs de les y employer. Il semble, en
lisant l'histoire, que dans certains moments notre art ait eu à
subir l'influence despotique de l'idiotisme et de la foHe.
Les chœurs des églises d'Italie sont eii général peu nom-
breux ; ils se composent de vingt à trente voix au plus , aux
jours des grandes solennités. Les choristes m'ont paru assez
bien choisis; ils chantent sans nuances, il est vrai, mais juste
et ensemble; et il faut évidemment les placer à part fort au-
dessus des malheureux choristes des théâtres dont je m'abs-
tiens de te parler.
Adieu , je te quitte pour écrire encore à Émillac ; serai-je
plus heureux cette fois, et me répondra-t-elle enfin !
Ton ami ,
XlLEF.
H. Berlioz.
{La suile au prochain numéro.)
TIIKATRE ROYAL DE L'OPKRA-COMiQUE.
ORESTE ET PYLADE,
OPÉRA-COMUJUE EN 1 ACTE,
Paroles de MM. Scribe et Dlpin ; musique de M. Thys.
(Première représentation.)
î\2r!^^^ans le monde musical comme nous l'a fait l'acte
^S^tf^/B législatif qui décréta , il y a quelque cinquante
«1/^45 3 ""'^ ' ^"® '^ France enverrait tous les ans un
YMj^^f^^jeune artiste de talent dans la capilale du
monde chrétien, afin qu'il en revînt homme de
génie , nous marchons sur des grands prix de Rome qui vont
quêtant partout des libretti. Comme ces lauréats, ainsi qu'on
les appelle, sont, pour la plupart , fabriqués, formulés par
des professeurs qui ont besoin de produire des élèves afin
d'entretenir leur renommée , et qui se passent entre eux la
casse et le séné, il en résulte qu'ils jettent dans la circula-
tion musicale des compositeurs pauvres qui sont aussi de
pauvres compositeurs , fort peu capables de charmer leurs
concitoyens , qui ont payé leur entretien à Rome et en
d'autres lieux, par des œuvres inspirées , attendu qu'on pré-
fère toujours dans les écoles les élèves patients , piocheurs
propres, seulement, à faire des hommes de métier dans l'art.
Cette thèse , qui demanderait de longs développements
auxquels je ne puis me livrer ici , touche plus qu'on ne pense
à l'avenir de l'art musical en France, qui est une des gloires
du pays ; c'est pourquoi on laissera les choses dans le déplo-
rable état où elles sont.
M. Thys est un de ces produits d'école dont nous venons
de parler. Il a dû harceler , comme l'ont fait ses prédécesseurs,
et comme le feront sans doute ses successeurs les grands prix
de Rome , toutes sortes d'auteurs dramatiques pour en avoir
vnpoëme. Ce poëme, qu'il a enfin obtenu de MM. Scribe et
Dupin , n'est autre chose que le vaudeville intitulé les Insé-
parables , joué fort longtemps au Gymnase , sous la Res-
tau ration. Pour dérouter les souvenirs du public et des
journalistes, les auteurs n'ont imaginé rien de mieux que
de donner à la pièce un titre à côté, un titre par allusion my-
thologico-historique , ainsi que l'a déjà fait M. Scribe dans
son libretto intitulé Actéon. Comme il s'agit ici d'un huissier
qui ne veut pas se séparer d'un débiteur qu'il tient sous le
coup d'une prise de corps , on a donné à ces deux insépa-
rables les noms d'Oreste et de Pylade , comme on aurait pu
les appeler Castor et Pollux. Ce dernier titre n'aurait pas été
moins piquant ; il aurait fait penser , par le. temps de res-
tauration musicale qui court , qu'on avait refait ou relouché
l'œuvre de Rameau , comme on a badigeonné celles de Gré-
• try et de Monsigny. Qui sait ? un trémolo sur le beau chœur :
tristes apprêts , pâles flambeaux ! serait peut-être un trait de
génie oublié par Rameau.
Pour en revenir à Oreste et Pylade , il faut convenir que
ce vaudeville n'avait rien de bien musical ; mais alors, comme
Dellamaria sur le libretto du Prisonnier, qui ne prêtait pas
non plus beaucoup à l'inspiration , on fait une musique vive ,
légère , spirituelle et mélodique surtout. M. Thys n'a pas cru
devoir procéder ainsi , ou peut-être ne l'a-t -il pas pu. M. Thys
sait: c'est le grand mot de l'école actuelle, qui croit qu'on
est un grand musicien quand on manie assez bien la synlaxe
harmonique et instrumentale. M. Thys, qui , à ce que nous
croyons, s'est essayé sur la scène de l' Opéra-Comique par un
ouvrageintituléjl/rfa, assez oublié, manque par l'invention
mélodique , le pire de tous les défauts dans un compositeur.
Son ouverture, morceau dans lequel tout jeune composi-
teur , tourmenté du désir de produire , a ses coudées franches
et peut prouver idée et science, son ouverture n'est qu'un
pot-pourri en ré, presque exclusivement en ré, de quelques
uns des motifs assez insignifiants de sa partition. A l'excep-
tion d'un petit bavardage syllabique qui sert de coda à un
trio et qui est déclamé assez vivement et d'une façon co-
mique, tout le reste de cette partition est sans couleur, sans
intention scénique , et , nous le répétons à regret , sans in-
vention mélodique , ce qui est déplorable pour un des tenants
ou teneurs de la romance et de la chansonneUe qui se font
applaudir au moyen des simples tra, la, la, de la gentille
et gracieuse M"= Sabatier.
Au temps où florissaient les Inséparables , au Gymnase , un
théâtre voisin donna VAmi intime, qui était absolument le
même sujet. Dans cette pièce, où Potier remplissait le rôle
de l'ami intime d'une façon ravissante , comme tons ceux
qu'il jouait , il y avait des couplets commençant et finissant
par ces mots : j'ai d' l'argent ! dont la mélodie franche et bien
rhythmée devint rapidement populaire comme beaucoup
d'autres du même compositeur. Cette mélodie, qui a servi de
pas redoublé dans la musique de la plupart de nos régiments,
passa le détroit et n'eut pas moins de vogue en Angleterre ;
elle fut chantée à Londres par Liston , qui était alors le co-
mique en vogue, le Potier anglais. Nous avons en noire
possession cette étincelle musicale avec la traduction anglaise :
/ hâve money que M. Doche , dirigeant alors l'orchestre du
théâtre français à Londres , a fait graver sous son nom.
Si la postérité, par suite de cette petite spohation, est em-
barrassée un jour de savoir quel étaii le véritable auteur de
78
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cette mélodie populaire, qui n'a pas réclamé contre cette
supercherie , et à qui la similitude des Inséparables, d'Oresle
et Pylade , et de VAmi intime l'a seule rappelée , elle pourra
recourir à la Gazette musicale et voir , en lisant cet article ,
qu'il se nommait
Henri Blanchard.
de M. FETIS.
Les dernières séances de ce cours ont en un intérêt plus
vif encore que les premières. Dans la troisième, M. Fétis a
fait connaître de nouvelles formtiles de modulations d'un ef-
fet piquant , inattendu , qu'il a déduites à priori de ses prin-
cipes aussi simples que féconds.
La dernière séance a été remplie par l'analyse des princi-
paux systèmes d'harmonie qu'on a essayé de faire prévaloir
depuis l'origine de la science jusqu'à l'époque actuelle. Le
professeur y a fait preuve de vues aussi profondes que jus-
tes, et d'une érudition qui a frappé d'étonnement toute l'as-
semblée.
Un incident a donné à la fin de cette séance une sorte d'in-
térêt dramatique inattendu. M. Fétis avait annoncé, dans sa
troisième leçon, que s'il se trouvait parmi ses auditeurs quel-
ques personnes qui crussent avoir des objections h présenter
contre les bases de sa théorie , il priait qu'on le lui fît con-
naître par lettre avant sa quatrième séance , afin qu'il pût en
annoncer une cinquième qui ne serait plus une leçon mais
une conférence sur les objections présentées. Un seul cham-
pion , M. Barbereau , professeur d'harmonie qui jouit à Paris
d'une certaine réputation et qui publie en ce moment un
livre sur cette science , s'est présenté. Dans sa lettre à
M. Fétis, il exposait sept objections principales; mais il dé-
clarait en terminant qu'il n'acceptait pas leur discussion en
séance publique , demandant qu'elle eût lieu seulement de-
vant une sorte de jury composé de vingt-quatre personnes
dont douze seraient choisies par M. Fétis , et douze par lui.
Après avoir terminé son analyse , M. Fétis a lu la fin de la
lettre de M. Barbereau , mais sans faire connaître son nom
et exprimant le regret qu'il ne lui fût pas permis de discuter
immédiatement les objections sans le consentement de leur
auteur. Sur cela , M. Barbereau , présent dans la salle , dé-
clara qu'il consentait à cette discussion par M. Fétis , mais
ajouta qu'il n'y prendrait point part. Une agitation très vive
se manifesta aussitôt dans l'assemblée , et l'attention redou-
bla dès les premières paroles du professeur.
Malgré l'intention déclarée de BL Barbereau de ne point
prendre part à la discussion de ses objections , il fut bientôt
entraîné à prendre la parole par les pressants arguments de
M. Fétis; mais l'évidence devint bientôt si patente en fa-
veur des principes du savant professeur , que l'assemblée
témoigna à plusieurs reprises son adhésion à ses paroles, et
que M. Barbereau prit le parti de garder le silence dans le
reste de la séance.
Après cette chaleureuse improvisation , dans laquelle
M. Fétis avait parlé d'abondance pendant près de trois
heures , l'estrade fut envahie par une multitude de personnes
parmi lesquelles nous avons remarqué les professeurs de
composition et d'harmonie du conservatoire, MM. Batlon,
inspecteur des écoles de musique de France, Zimmerman ,
Panseron et plusieurs autres artistes distingués. Tous témoi-
gnaient à M. Fétis leur admiration pour l'étendne de son sa-
voir, la nouveauté de ses vues , et la lucidité de son langage.
A la sortie de la salle , des groupes nombreux se formèrent
dans la vaste cour de l'hôtel de M. Herz ; "à cinq heures et
demie , on y discutait encore sur ce qu'on venait d'entendre.
Inutile de dire l'impatiente curiosité avec laquelle on at-
tend la prochaine publication du livre où M. Fétis a déve-
loppé sa savante et neuve doctrine.
M. S.
SOCIETE DES CONCERTS.
(iV»otrime MaAxwh.
e chef d'orchestre habituel de ces concerts,
M. Habeneck, n'était pas à son poste dimanche
dernier; une indisposition le retenait dans sa
chambre , et lui rendait impossible l'exercice de
ses fonctions. M. Tilmant aîné s'était chargé de
diriger le concert, qui commençait par la symphonie en si
de Beethoven. L'incomparable chef-d'œuvre a été parfaitement
rendu , et le sublime andante , le pétillant finale surtout , ont
excité les transports de l'auditoire.
Puis nous est venue une jeune cantatrice envoyée par la
perfide Albion , et l'on ne peut certes pas dire qu'elle nous
ait voulu jouer un mauvais tour en cela : bien au contraire.
Miss Hawes, douée d'une très belle voix de contralto, doit
être regardée comme une nouvelle preuve des bonnes et ami-
cales relations qui continuent d'exister entre les deux puis-
sances voisines. Elle a chanté deux airs de Hœndel avec une
méthode et un goût parfaitement appropriés au style sévère
et élevé de ce grand maître. Elle a surtout impressionné le
public par la pureté irréprochable de son intonation , par la
rapidité et l'égalité de sa cadence. Peut-être abuse-t-elle un
peu de ce dernier moyen ; mais est-il nécessaire d'économiser
lorsque l'on est si riche?
M. Léopold Dancia et son frère ont exécuté ensuite trois
études pour deux violons sans accompagnement. Ces mêmes
artistes se sont fait entendre , il y a deux ou trois ans , devant
le même public , et ont recueilli une riche moisson d'applau-
dissements. S'ils ont été moins heureux cette fois , le tort
doit en être imputé au choix des morceaux , peu convenables
pour le sanctuaire où l'on entend la parole divine des grands
maîtres. Les frères Dancia sont de jeunes artistes de beau-
coup de talent ; l'aîné même a donné des preuves d'une vo-
lonté plus sérieuse que celle de beaucoup de ses confrères ,
et il demandera sa revanche au public parisien en reparaissant
devant lui couvert de meilleures armes et d'un bouclier plus
propre à parer les coups de la disgrâce.
Après le chœur à'Eunjanthe, affranchissons notre pa-
trie , dans lequel Massol a chanté le solo beaucoup trop bas ,
arrivait le morceau final de la séance. C'était l'ouverture de
Lénore. Je n'ai pas besoin de dire le nom de l'auteur. Qui
de vous tous ne connaît le nom du chantre divin qui a ra-
conté la vie de l'épouse sublime?
Stephen Heller.
DE PARIS.
79
CSNQUIÈiVlE CONCERT
DE LA
REVUE ET GAZETTE BIUSICAIiE.
Tous les vieux amateurs se rappellent les soirées de Cicéri
qui donnaient la primeur des célébrités étrangères au peuple
artiste de Paris. C'est là qu'on entendit Moschelès pour la
première fois. Zimmernian succéda à Cicéri dans cet em-
ploi tout bienveillant de chercheur, révélateur, exhibeur de
talents inconnus ou exotiques , et nous en produisit plusieurs
dans ses brillantes soirées; mais comme tout passe, voilà que
ces soirées n'ont plus lieu depuis que celui qui les donnait est
devenu riche. La Gazette musicale s'est depuis longtemps
constituée l'héritière de cette intéressante mission en trans-
formant ces soirées en matinées musicales, dans lesquelles on
entend, comme chacun sait, de la bonne musique et des ar-
tistes étrangers qui viennent faire sanctionner leur réputation
d'artistes européens à Paris.
Le cinquième concert donné par la Gazette musicale n'a
pas été moins intéressant que les précédents. La séance s'est
ouverte par le trente-quatrième quatuor de M. Onslow, exé-
cuté pour la première fois à Paris par MM. Alard , Arrain-
gaud, Chevillard et Croisilles. Ce beau quatuor est un des
plus ingénieusement travaillés de l'auteur et l'un de ceux qui,
par conséquent, présente le plus de diflicultés dans l'exécu-
tion. Le ton à\it mineur, dans lequel il est composé , est tout
à la fois d'une mélancolie noble et d'un caractère brusque et
sauvage. Les instruments à cordes ne se meuvent pas fort à
l'aise dans celte tonalité , qui n'en est pas moins belle pour
cela. Le violoncelle , que l'auteur connaît si bien , y joue un
rôle charmant. Le menuet en vieux style est ravissant de
grâce , y adagio est d'une suavité qui vous berce de mille
pensées religieuses , et le finale qui renferme des traits d'une
difGculté ardue pour le violon , et que M. Alard a dits avec
sa prestesse accoutumée , est délicieux par une phrase imi-
tant le galop d'un cheval et qui est dialoguée entre les quatre
instruments d'ime façon charmante. Tout cela a été exécuté
de manière à enlever d'unanimes applaudissements.
BL Planque , avec sa belle voix de basse , est venu nous
chanter un air du Tamerlan de Winter, qu'il a dit avec son
excellente méthode et dans lequel il a su réunir l'énergie du
farouche conquérant à la douceur amoureuse d'un Pastor
fido ; et puis il nous a fait entendre l'élégie sombre et terrible
de Meyerbeer intitulée le Moine, avec toutes les intonations
passionnées que demande ce beau morceau.
M°" Capdeville est , comme chacun sait , aussi belle à voir
qu'à écouter ; elle nous a chanté deux airs italiens , le premier
de Clari , puis un autre d'un Torquato Tasso dans lesquels
la félicita et les fioriture n'ont pas manqué. La belle canta-
trice s'est tirée avec audace et bonheur de toutes ces félicita
en style fleuri. Nous aimons à constater ici qu'elle a fait de
tels progrès depuis sa sortie de l'Opéra-Comique , que l'on
peut la classer maintenant parmi nos meilleures cantatrices
de concerts.
M. Piatti, violoncelliste habile, est venu exécuter un air
italien dans lequel il a montré une profonde sensibilité qui
aura plus de portée quand il pourra faire entendre un son
plus nourri, plus rond et par conséquent plus puissant; mais
pour cela il lui faudrait un autre instrument que celui sur
lequel il a joué. Quoi qu'il en soit , il a impressionné l'audi-
toire; car ce jeune artiste chante on ne peut mieux , et joue
enfinsur les quatre cordes, n'imitant pas en cela, et il fait
bien , nos violoncellistes actuels. Un autre artiste étranger,
M. BotgQrscheli,H ollandais, s'est produit dans cette séance ;
il a dit sur la flûte une fantaisie dans laquelle il a déployé un
joli son , et a chanté sur son instrument avec expression en
y joignant de nombreuses et brillantes difficultés dont il s'est
bien tiré.
Un artiste d'un talent remarquable, et qui était naguère
un enfant précoce mais non encore célèbre, M. Georges
Mathias , peu connu du public , mais apprécié par les artistes
qui l'ont suivi dans les développements et les diverses phases
de ses études de pianiste, s'est fait entendre dans ce concert ,
s'est révélé enfin artiste comjjlet , artiste qui a pris toute sa
croissance physique, mécanique et intellectuelle : il a dit
une fantaisie non publiée de Thalberg, sur la Semiramide ,
et l'allégro d'un beau concerto de Beethoven , dans lequel il
nous a fait entendre , non seulement la partie de piano , mais
les effets de l'orchestre, suppléé par lui avec une rare habi-
leté. Il s'est montré le digne lieutenant de Thalberg , ce gé-
néralissime de l'armée des pianistes qui marche en ce moment
à la conquête du monde musical. Vigueur , parfois un peu
brusque , chaleur et netteté , style élégant et pur , chant bien
phrasé , bien nuancé et qui se colorera d'un peu plus de sen-
sibilité , de passion , dans quelque temps, telles sont les prin-
cipales qualités qu'a montrées M. Georges Jiathias , qui s'est
tout d'abord posé en lion de ce concert , concert brillant et
varié que le nombreux auditoire qu'il avait attiré a regretté
de voir finir trop tôt.
Henri Blanchard.
CorrespoudaiBce t>artici(lière.
Lyon, le 29 février 1844.
Monsieur,
Vous aviez été parfaitement renseigné, lorsque dans votre numéro
du 18 courant, ~ vous parliez de l'inhabileté de la direction de nos
théâtres. Si quelque chose peut égaler l'incapacité de M. Duplan,
c'est certainement la présomption dont il s'efforce de donner chaque
jour une nouvelle preuve. Sa manie d'écrire ne vous est peut-être
révélée que depuis cette curieuse réclame qu'il a fait insérer dans la
France musicale; mais pour les Lyonnais ce n'est pas la première
fois qu'ils ont souri de pitié en face de telles prétentions. La légèreté
avec laquelle ce préiendu directeur donne un démenti, pourrait en
imposer à quelques uns; mais pour tenir le public en garde
contre toutes ces arlequinades, il est bon de \ous affirmer quelques
faits.
M. le directeur fait grand bruit de la prospérité de son entreprise,
et cependant il inonde notre ville de mémoires tendant à prouver
à la municipalité qu'il est de toute justice et suriout de tonte néces-
sité qu'on lui permette d'augmenter le prix des places. Mais peut-
être n'est-ce là qu'un moyen d'entretenir le public de sa petite
personne, car cet honnête directeur ayant été SHtoi(«é à M. Sirand
qui n'était qu'un prêle-nom, il arrive aujourd'hui qu'il doit être fort
tranquille personnellement, malgré le triste état de nos théâtres;
car les hommes dont les capitaux sont exploités sont trop honorables
et trop solvables pour qu'il puisse éprouver la moindre inquiétude
sur les quelques mille francs qu'il peut gagner par année.
M. Duplan prétend être au mieux avec les artistes; pourrait-il
donc expliquer les nombreux procès entre lui et les pensionnaires
que les journaux enregistrent si souvent? Nous ne citerons que pour
mémoire M"» Desbrières, M°" Miro, M. Ambroise, le corps de ballet
presque entier, etc., et nous ne parlons pas d'autres difficultés sup-
portées par MM. Hilariot, Montassus et Delahaye. Il est vrai que ce
dernier n'est plus chuté depuis quelque temps, car on a décidément
besoin de lui.
Quant aux succès de certains ouvrages , pour ne parler que du
dernier, je puis vous assurer qu'à la seconde représentation de
Mina, il n'y avait pas quarante personnes aux premières, les au-
tres places étaient dans la même proportion. Si, de ce nombre, l'on
sort les abonnés et les billets de faveur, on pourrait demander à
M. Duplan s'il dirait à tous le chiffre de la recette, et s'il prouverait
par là que sa position est digne d'envie. La Part du Diable et le Puits
d'amour ont eu le même succès, et grâce à la manière dont ils ont
été montés, mieux vaudrait pour nous. qu'ils eussent aussi disparu
80
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
de l'affiche. Enfin, ce qui vous paraîtra incroyable, c'est que hi-
chard Cœu^-de-Lioii , qui aurait pu avoir ici de très bons interprètes,
est condamné à deux on trois représentations. Le répertoire marche
péniblement avec la Fia'nrUe, T.ucie et le Barbier. M. Raguenot est
malade, M"« Slorel ne joue presque pas, et dans la seconde ville de
France il n'y a point de ballet. Nous n'avons ni première, ni seconde
danseuse. Tout repose sur AI"' Valenline, première danseuse de
mi-caractère.
Quant à la durée de sa direction , avant d'en parler si haut M. Du-
plan devrait bien attendre le renouvellement de l'année.
Mainlenant, comme votre correspondant n'est ni /ou, ni prétendu,
ni de la Cochinchine, il vous tiendra, je vous le promets, au cou-
rant de cette habile administration.
Agréez, etc.
L'ALTELR DES PAROLES.
Dessin de Gavarni.
L'illustre marquis de Mascarille disait: « Que diable est ce
» là? Je fais toujours bien le premier vers, mais j'ai peine
" à faire les autres. « Voici un poëte de romance au moment
de l'inspiration , mais l'inspiration se trouve arrêtée chez lui
dès le début : sou imagination fermente , sa tête bouillonne,
ses idées roulent comme une avalanche , mais l'avalanche
rencontre pour obstacle un petit caillou ! Ce petit caillou ,
c'est le premier vers, que le poêle ne peut parvenir à tour-
ner. Et pourtant que d'efforts ! que de travail ! Le plancher
couvert des débris d'une rame de papier en porte témoi-
gnage. De sa brûlante flamme !... De son ardente flamme !..
De sa modeste l... De sa magiquel... De sa cuisante] ...
Desal ... De sotil... Le choix est embarrassant. Si l'on sa-
vait ce que coûtent souvent les paroles d'une romance , on
se hâterait moins de dire qu'elles ne valent rien.
nOUTSLIsES.
",* Aujourd'hui par extraordinaire à l'Opéra, Roberl-le-Diable. —
Demain lundi, Lady Henriette précédée du Guérillero.
",* Le succès du ballet nouveau , Lady Henriette, s'est établi par
cinq représentations consécutives; Coralli, si remarquable et si ori-
ginal dans le rôle du fou Dansomane, vient d'être élevé au rang de
premier sujeL C'est un grade conquis sur le champ de bataille.
',• Duprcz est parti jeudi dernier pour Londres, et doit débuter
demain sur le théâtre de Drury-Lane par le rôle d'Arnold de Guil-
laume- l'ell, qu'il chantera en anglais, après l'avoir chanté avec
gr.ind succès dans les deux langues, italienne et française. Il nous
reviendra dans un mois et demi environ.
*,• Barroilhct a profité d'un congé de huit jours pour aller chanter
à Rouen et à Amiens, où le succès ne pouvait manquer de le suivre.
',* Poultier va prendre un congé de deux mois : il se rendra d'a-
bord à Rouen , où, indépendamment des rôles qu'il a chantés à Paris,
et de celui de Fernand , de la Favorite , il doit aussi s'essayer dans
Robert-le-Diable. Des personnes qui l'ont entendu chanter les prin-
cipaux morceaux de cet ouvrage, assurent qu'il s'en acquitte fort
bien.
"," Le Lazzarone, ou le Bien vient en dormant, est annoncé pour la
seconde quinzaine de ce mois.
♦," Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, le Théâtre-Italien
donnera Otello.
*." La paix est faite entre la direction du Théâtre-Italien ctPion-
coni , qui est rentré lundi dans le Barbier, après une allocution
adressée au public dans l'intérêt de l'artiste. Quelques sifflets et
murmures ont protesté, mais les applaudissements ont bientôt ob-
tenu l'avantage.
V On annonce que la santé de Fornasari s'améliore, mais son
départ pour Londres étant fixé au 10 mars, Paris n'en profilera que
peu ou point du tout.
.", Jeudi dernier, M"'^ Nissen a remplacé M™» Persiani, indisposée;
elle a joué le rôle de Rosine, sans avoir eu le temps de répéter; elle
a mis beaucoup de finesse dans son jeu : le public l'a vivement ap-
plaudie , surtout dans la cavatine et dans la tyrolienne des Canta-
trici, qu'elle a chantées au deuxième acte.
*," La Syrène , opéra-cumique en trois actes, le Jabot, en un acte,
sont les deux ouvrages qui doivent être joués le plus prochaine-
ment.
V On lit dans la Gazette des Théâtres : « Deux personnes habitant
Paris ont reçu des lettres annonçant la mort de M-"» Rossi-Caccia,
actuellement première chanteuse aulThéâtre de Lisbonne. Cette émi-
nenle artiste aurait-suecombé à une maladie qui n'aurait pas duré
plus de trois jours; nous aimons à douter de ce malheur jusqu'à plus
ample information. »
' V M. Onslow, le célèbre compositeur, est depuis quelques jours
à Paris, où ses fonctions de membre de l'Institut le rappellent.
**,* Le premier concert de Doehler, ce grand et célèbre pianiste
qui fait école, aura lieu le 21 mars dans les salons d'Erard. Quel est
le pianiste qui ne voudrait y assister?
V On annonce une grande solennité musicale donnée par M Galli,
le mercredi € mars à deux heures, dans laquelle on entendra réunis,
pour la première fois, les premiers artistes de l'Académie royale de
musique et du Théâtre royal Italien , Mm" Stoltz , Grisi , Brambilla,
MiM. Barroilhet', Lablache , Ronconi , Mario, Salvi, Morelli et Galli.
S'adresser, pour la location des stalles, à la Salle des concerts, 38, rue
de la Victoire, et ebez les principaux marchands de musique.
",* M. Sudre, inventeur de la Langue musicale et de la Téléphonie,
donnera, dimanche prochain 10 mars, à deux heures précises, dans
la salle de Herz, un concert vocal et instrumental, dans lequel
M"= Joséphine Hugot, premier prix de déclamation lyrique du Con-
servatoire, chantera deux grands airs et deux romances nouvelles
inédites. M. Sudre fera connaître les différentes applications de sa
méthode, et transmettra à son élève, au choix des auditeurs, des
phrases en français, italien, espagnol , allemand, anglais, russe, grec
ou latin, qui seront répétées par l'élève avec la prononciation carac-
téristique àe. la langue dans laquelle ces phrases auront été écrites. Il
prouvera également la possibilité de faire communiquer des aveu-
gles avec des sourds-muets par les sceptiques ai la musique. Ce concert,
auquel concourront les artistes les plus distingués, se terminera
par des expériences de téléphonie ou télégraphie acoustique , prati- ,'
quée sur le clairon, au moyen de trois sons seulement ut, mi, sol, ■
avec lesquels on peut tout exprimer. Nous anonçons avec plaisir à
nos lecteurs que la téléphonie vient d'être approuvée tout récem-
ment, par deux commissions de généraux, nommées par M. le maré-
chal ministre de la guerre. Il n'est donc pas douteux que la foule ne
se porte à cette intéressante séance. On peut se p rocurer des billet
à l'avance, chez M. Sudre, rue Richelieu, 42.
*,* Le concert de M"" Krienitz, élève du cours de M. J.-B. Cra-
mer et J. Rosenhain, aura lieu mardi 5 mars, à huit heures du soir,
dans les salons de M. Érard. Le talent de M"= Krienitz et l'excellent
choix d'artistes qui la secpnderont sont de nature à attirer les ama-
teurs de bonne musique. On y entendra M."" Lia Duport , Montdu-
laigny, MM. Goldberg et Cossmann, et un quintetto pour les nou-
veaux instruments inventés par M. A. Sax et exécutés par MM. Dis-
tin, qui savent les jouer dans la perfection. On trouvedes billets chez
M. Schlesinger, 97, rue Richelieu.
cosrcxRTS AmroNTCxs.
3 mars. 2 heures. M. Javault. Salle Duport.
3 — 2 — M"= Vény. Salle Érard.
3 — 2 — M. Ermel. Salle de l'École lyrique.
5 — 8 — M"» Élise Krienitz. Salle Érard.
5 — S — M"'' JennyRossignon. Salle Pleyel.
6 — 2 — M. Galli. Salle Herz.
6 — 8 — M"= Boireux. Salle Érard.
9 _ » — M""» Sabatier. Salle Herz.
10 — 2 — M. Sudre. Salle Herz.
)0 — » — M"' Aglaé Massbn. Salle Érard.
12 — 8 — M"= Korn. Salle Herz.
12 — » — M. Gold. Salle de l'École lyrique.
15 — 8 — M. Gultmann. Salle Érard.
16 — 8 — MM. A. Goria et Lac. Salle Pleyel.
17 — 2 — MM. Alard et Dorus. Salle Herz.
17 — » — MM. Déjazetet Bessems. Salle Souffletot.
20 — 8 — M"' Loveday. Salle Herz.
20 — 8 — M. Schad. Salle Érard.
21 — 2 — M. Doehler. Salle Érard.
25 — » — M. Lacombe. Salle Érard.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
Imprimerie de BOURGOGNE et MARTINET, 30, rue Jacob.
an , 34 r.-. >:trangcr, 3Sr.
SOMMAIRE. La Polka. — Théàlrc-Ilalien : Con-ado d'AUamura
(première représenlalion ). — Coup d'œil musical sur les concerts
(le la semaine; par H. BLANCU.4RD.— Correspondance parti-
culière : Marseille , Londres. — Nouvelles. — Annonces
LA CHANTEUSE DES CAFÉS. Dessin de Gavarni.
LA polka!
*
N. B. — Ce qu'on va lire est extrait d'une lettre écrite par l'un
de-nos jeunes et élégants concitoyens à,*in ami qui stationne en ce
moment sur un vaisseau français dans l^faie de Papeili.
Maintenant que nous avons assez parlé poli-
tique, je laisse la reine Ponaaré, détrônée par vous, restau-
rée par nous , et j'arrive au chapitre des plaisirs de Paris
dont tu veux que je te rende comptç. Ce ne sera ni long ni
difficile : nous jouons au lansquenet e£ nous dansons la polka.
Le lansquenet ! vas-tu dire , un jeu qui faisait fureur il y a
plus de deux cents ans , et avec lequel se ruinaient les an-
cêtres de nos ancêtres ! un jeu particulièrement cher à tous
les aigrefins , à tous les chevaliers d'industrie , et finalement
chassé de toutes les bonnes maisons comme dangereux et im-
moral au premier chef! Tout cela est possible; mais nous
n'en avons pas moins restauré le lansquenet, comme la reine
Pomaré, deux puissances déchues, l'une depuis deux siècles,
l'autre depuis quelques mois. Le lansquenet se joue partout
avec une ardeur incroyable ; il se joue le matin , le soir, en-
core plus la nuit ; il se joue dans les salons , dans les cham-
bres à coucher, jusque dans les voitures publiques et les
wagons de chemin de fer. Dernièrement quatre jeunes gens,
ayant une assez longue course à faire, montent dans une cita-
dine à quatre places. Au détour delà première rue, l'un
d'eux descend, n'importe sous quel prétexte, et remonte
bientôt armé d'un jeu de cartes : « Voilà de quoi passer le
1) temps, dit-il; en avant le lansquenet! »
Cet engouement, cette frénésie, ne peuvent s'expliquer que
par l'extrême besoin de nouveauté qui nous dévore: nous
sommes tellement fatigués de la monotonie qui pèse sur nos
amusements que nous saisissons avec avidité tout ce qui peut
y jeter une variété quelconque. C'est aussi là ce qui justifie la
vogue de hpolha, et, avant la ^Jo/Zi», celle^de la valse h deux
temps , déplorable invention qui n'avait d'autre résultat que
de mettre les valseurs en combat perpétuel avec la plus gra-
cieuse de toutes les mesures. Je soupçonne les professeurs de
danse d'entrer pour quelque chose dans ces innovations d'un
goût plus que bizarre. Depuis que l'on marche au lieu de
danser, que veux-tu que les professeurs de danse montrent à
leurs élèves ? La valse à deux temps était venue à propos pour
rendre leurs leçons nécessaires et remplir leurs classes pen-
dant quelques mois; la piolha leur a procuré un nombre d'é-
lèves bien plus considérable encore.
Mais enfin qu'est-ce que la polka? Tu crois peut-être d'a-
près son nom , que c'est une danse polonaise? Du tout , c'est
une danse originaire de Bohême , une danse de paysans ,
adoptée d'abord par les salons de l'Allemagne et ensuite par
les nôtres. La polka se danse sur une mesure à deux quatre
plutôt lente que vive. Le cavalier et la dame tournent comme
dans la valse : ils partent du pied droit, et à chaque tour ils
s'arrêtent pour sauter deux fois sur le pied gauche , qui ce-
pendant quitte à peine le sol. Tu as vu cela dans toutes les
masoiirques et cracoviennes. Seulement tu as remarqué
que pour que ce double petit saut signifiât quehiue chose,
il fallait que les pieds du danseur et même de la danseuse
fussent armés d'éperons retentissants. La polka sans bottines
et sans éperons est une plaisanterie fort ridicule ; autant vau-
drait monter à cheval en culottes courtes et en bas de soie ,
ou bien faire l'exercice du fusil avec un bâton dénué de toute
espèce de capucines.
Ajoute à cela que tous nos danseurs français ne se distin-
guent ni par une légèreté aérienne, ni par une facilité extraor-
BVREAUX D'ABONNEMENT, RUE EICHEIÏEÎJ, 97.
82
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
dinaire de luouvemeut et de geste, ni par une imperturbable
sûreté d'équilibre. La poika n'est donc pour eux ni sans dan-
gers ni sans inquiétudes : il s'ensuit que la plupart se cram-
ponnent à leur danseuse, baissaut le front et relevant la crcupe
de la manière du inonde la plus grotesque , et si j'ose le dire
la plus otaïliciine. Il y en a qui ont l'air de vouloir enfon-
cer le plancher, d'autres qui semblent déterminés h écraser
un insecte ! La première fois que je vis danser la poika, j'en-
lendis quelqu'un dire un mot profondément juste , et ce mot,
le voici: « J'ai un frotleur gui en fait aidant. » Le mot peint
la chose en peu de mots : un mauvais danseur dejMUca, c'est
un bon frotteur, moins la Lrosse.
Si j'étais femme, et que je n'eusse plus précisément la
taille effilée d'une sylphide , je me garderais soigneusement
de hjmllia. ïu n'imagines pas combien le double soubresaut
est défavorable à certaines formes, dont l'embonpoint. s'ac-
cuse avec trop d'évidence !
Sous le point de vue moral , je n'ai rien à dire de la iwUca.
Quoique je ne nicpique pas d'une excessive pruderie, la valse
ne m'a jamais paru le complément d'une éducation de jeune
fille ; la j'olka me semble encore moins appelée à faire partie
d'un bon système d'éducation. Toutefois, je n'hésite pas à
déclarer que le sergent de ville le plus incorruptible pour-
rait la voir sans s'alarmer.
A propos , cette danse bohémienne a déjà produit un verbe
français; nous conjuguons cela, et nous disons : je police, tu
polkes, nous 2}olkoiis, vous jiolkez, ils polketit. En entrant
dans un salon , il est permis de demander si l'on a déjà^oZ/e.
Reste à savoir si l'Académie française adoptera le mot dans
son dictionnaire futur de l'année 1950 !
Sous le point de vue musical, la polka nous a valu des
compositions ravissantes ; la verve de tous nos musiciens s'est
enflammée , et les mélodies à deux temps ont coulé comme
la lave. Avec la présente , je t'envoie ce que j'ai trouvé de
mieux, la Cartoito de Strauss, la Cen-ito de Lanner, les
Camélias, la Caroline et quelques autres. Je t'enverrai peut-
être l'un de ces jours quelques dessins représentant la véri-
table polka, dansée par les paysans de Bohême avec l'énergie
d'accent qui me porte à croire que cette danse équivaut
dans le pays à celle que dans le nôtre la pudeur empêche de
nommer. Je t'enverai aussi l'esquisse de nos danseurs pris
sur le fait, et tu verras si tu es d'humeur à essayer quelque
chose d'approchant avec les dames d'honneurs de la reine
Pomaré, et, pour peu que l'étiquette ne s'y oppose pas, avec
la reine elle-même , le jour de sa restauration. Là-dessus , je
te laisse carte absolument blanche. Tout ce que je te recom-
mande , c'est de ne pas risquer le lansquenet avec M. Prit-
chard : ce diable de missionnaire me semble un peu trop
malin !
Ton bien dévoué de cœur,
Edmond Lae...
THUATRE-ITALIEN.
OPERA SERIA EN 3 ACTES,
musique de Ricci.
(Première représentation.)
a musique italienne , au sortir de la brillante
période que lui firent la verve exubérante et
le génie de Rossini , ressemble un peu à un
homme qui a passé la nuit dans l'exaltation des
joies du carnaval. Quand les fanfares éclatantes
se sont tues, et qu'à la lumière acre et chaude du bal a
succédé l'éclat plus pur et plus froid du jour, notre homme
sent le besoin du repos, tout en rêvant de ses plaisirs passés.
Sl' rejeter la nuit suivante dans le même paroxysme lui seu>
blerait impossible ; mais les préoccupations qui l'attachaient
jadis tous les jours ne réussissent qu'à l'ennuyer. Il lui faut
du calme , mais il aurait horreur de tout ce qui ressemblerait
de loin ou de près à une joie innocente. Il est mal à l'aise ,
impuissant a bien ou mal faire. Il a froid, et le feu ne lui rend
pas la vivacité de ses esprits vitaux. Il s'agite sans y trouver
de plaisiri et pourtant le manque absolu d'actioane lui cause
quedégoût. Enfin le temps seul peut refaire en lui ce que le
plaisir a défait.
La musique italienne nous paraît, quant à présent, dans une
situation encore pire. Chez l'homme, un repos suffisant et bien
entendu peut rendre la faculté de goûtermême les joies douces
et pures, Biais la musique italienne d'aujourd'hui a passé sa
jeunesse, et ne peut plus retrouver l'âge d'innocence. Elle se
repose de la perte de verve qu'elle a faite pendant la ravissante
orgie rossinicnne , et ne saurait retourner au temps de Paï-
siello et de Cimarosa. C'est un homme toujours spirituel et
aimable qui commence à s'ennuyer et qui le laisse seuth-
aux autres.
Les compositeurs italiens contemporains, ne pouvant plus
nous ramener aux fêtes rossiniennes, ont essayé avec Bellini
d'un peu de raison mitigée de pétulance et d'étourderie.
C'est grand dommage que cela sente le parti pris : car c'est
encore fort agréable.
Il nous serait difficile de dire si Ricci , le nouveau venu ,
s'éloigne plus de Donizetti, son modèle, que celui-ci ne s'est
éloigné de Rossini ; mais il nous semble que la double ten-
dance d'imitation et d'indépendance se fait sentir au même
degré chez tous deux. Ricci est évidemment un Donizetti dé-
naturé, tout en sortant comme lui de la souche rossinienne.
L'élégance et la distinction sont reaiarquables dans les deux.
L'originalité n'est pas non plus chez le dernier la qualité do-
minante. Enfin il emprunte à Donizetti les effets d'éclat dans
la même proportion que celui-ci les a empruntés à Rossini.
Son opéra de Corrado d'Altamura renferme un bon air chanté
au premier acte par madame Brambilla , un joli andante par
madame Grisi, un joli petit duo, ou plutôt une mélodie à
deux voix, entre Mario et madame Grisi, et un air plein d'une
expression fort juste très bien dit par Ronconi. Madame Bram-
billa a encor^i , au troisième acte , un air qui fait effet et ne
manque pas de mérite, et l'on entend après cet air un bon
duo entre Mario et Ronconi. Les deux morceaux les plus sail-
lants sont le finale du deuxième acte et la prière du troisième.
La mélodie de l'andante de ce final est noble , belle et bien
traitée. Le dialogue ou plutôt les réponses des bassons frap-
pant avec le dessin pizzicato des contre-basses produisent un
excellent effet au commencement. L'allégro est chaleureux et
d'un effet très juste. La prière est à trois voix, et débute par
une mélodie d'une chasteté et d'une onction ravissantes. Le
compositeur, craignant sans doute d'ennuyer en continuant
jusqu'à la fin ce caractère purement religieux , a changé le
travail dans un sens tout moderne, qui est pour nous une
contradiction. L'effet a d'ailleurs été généralement approuvé.
On peut encore écouter avec plaisir un petit chœur de reli-
gieuses et une ballade avec chœurs chantée par Mario ; mais
ce sont des parties assez faibles.
Cela constitue , en somme , pour M. Ricci , un bon début
à Paris; nous croyons toutefois que ce début eût été plus heu-
reux si l'on eût exécuté un de ses opéras bouffes. C'est un
genre dans lequel il réussit beaucoup.
DE PARIS.
85
Quant à la mise en scène de la Heine de Clnjprc , elle est irrépro-
chable et rappelle les magnificences de l'Opéra.
Je crois que le succès d'une pièce ainsi établie doit se soutenir
longtemps et dédommager les artistes sociétaires des pertes nom-
breuses qu'ils ont éprouvées depuis la retraite de M. Auzet.
Le succès de la deuxième représentation de la Ilcine de Chypre a
été plus grand encore que celui de la première; ces deux soirées ont
produit 6,000 fr.
G. EÉSÉDIT.
Londres, i mars lS'i4.
La Jolie Jllle de Gand continue d'attirer le public à Drury-I.anc ,
et les succès de M"' Fleury vont en grossissant comme la rccclle.
Kean de son côté soutient également la vogue de l'entreprise avec
Macbeth.— U"" Wood, qui dans /a iVoram avait obtenu de si grands
succès, n'a pas élé aussi heureuse dans Fra Diavolo que vient de
faire paraître Princess-Theatre. Par compensation, ihe l'oiinrj Scamp,
sorte de traduction ou d'arrangement du Gamin de Paris, a été reçu
avec satisfaction, et promet à l'entrepreneur une série de belles re-
cettes. — L'indisposition subile de Lhérie a forcé Aehard de re-
prendre un engagement nouveau. La famille du Fttmisic fait donc
les frais du théâtre français, dont Cartigny et Aehard font les hon-
neurs. C'est ce soir qu'a lieu le premier bal masqué de Julien à
Covent-Garden; on dit que l'on s'y écrasera. La moralité puritaine
vient d'ordonner que le cancan et autres danses de cette espèce ne
seraient pas tolérées. — La non arrivée de Lablache et de Ronconi ,
dont les noms figuraient sur l'affiche mardi dernier, a causé quelque
désagrément à l'imprésario du théâtre italien. Au lever du rideau
on est venu annoncer que les artistes , retenus malades à Paris , ne
pouvaient se présenter, et VElisire d'^more a remplacé // Tlarbitre.
— Les concerts Beuler ont eu beaucoup de succès.
LA CHANTEUSE DES CAFES.
Sessin de Gavarnî.
Comme elle est belle, nobic et toiichanlo ! Que de mélan-
colie dans ses giands yeux noirs, au-dessous desquels le cha-
grin et la fatigue ont marqué leur empreinte semi circulaire !
•La nature l'avait créée pour trôner dans un salon , sur des
coussins de soie et de velours, élincelanle de diamants, floris-
sante de paruie, de jeunesse etd'orgueil! Et la voilà, telle que
la société l'a faite, un peu flétrie, mais toujours fière, tenant
dans ses mains nu violon , an lieu de sceptre, et prodiguant
sa voix pour quelques pièces de monnaie! Il y a dans le livre
de notre ami Paul Smith un chapitre intitulé : Les virtuoses
de table d'/wle, dans lequel vous trouverez le type d'un de ces
anges déchus , dont la Chanteuse des cafcs\ous oïïve la poé-
tique image. Paul Smith et Gavarni se sont rencontrés.
M. S.
*,* Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, à l'opéra, L,adij
Henriette, ballet en trois actes, précédé dn Freyschiiiz. — 'Demiin
lundi , Charles VI : M. Jlenghis débutera dans le rôle du Dauphin.
"." Duprez a fait le trajet de l^aris à Londres en vingt-cinq heures :
il est arrivé à Drury-Lane au moment où l'on commençait une répé-
tition de Guillaume 'Tell, et aussitôt il s'est mis à chanter le rôle
d'Arnold de manière à étonner tous les assistants et à combler le
directeur, M. Bunn , d'espérances dorées. Il a dû débuter jeudi
dernier.
V Nous avons beaucoup de plans pour la construction d'une salle
d'opéra définitive; mais comme chez nous rien ne dure plus long-
temps que le provisoire, il s'est trouvé un architecte dont les études
se sont cuiicentrces sur un projet d'isolement et d'agrandissement de
la salle aclucUe ; de ces études est sorti un tra\ail tout-à-fait digne
d'attention, et satisfaisant aux diverses conditions de sûreté, de com-
modité, d'élégance, que l'on est en droit d'exiger. Quelques centaines
de mille francs qu'on retrouverait plus tard dans la plus-value des
terrains suffiraient à l'exécution , qui d'ailleurs n'entraverait nulle-
meii; la marche des représentations théàlrales.Ce projet mérite qu'on
l'examine sérieusement ; il concilie trop d'inléréts pour que son op-
portuniié puisse être contestée.
•," Demain lundi, au Théâtre-Italien, au bénéfice de Mario,
/ Paritani.
'.' Le tribunal de première instance de la Seine vient de décider
que le concessionnaire d'une loge à titre gratuit était tenu d'acquit-
ler de ses deniers le.droit des pauvres. La question s'agitait entre la
direction duThéùlrc-ltalien et les ayant-cause de M. Coursault, an-
cien propriétaire de la salle Ventadour.
,*, La ccur royale de Paris vient de juger que la taxe du cinquième
élablie par l'ordonnance du S décembre 1824 n'est pas un impôt,
mais une indemnité stipulée par l'anlorité au profit des théâtres de
premier ordre, à la charge des théâtres secondaires. En conséquence
clic a condamné le sieur Auccssy , directeur lies concerts Vivicnne ,
à payer au sieur Cliapiseau, directeur du théâtre de Versailles, une
somme de 400 francs, à laquelle elle a arbitré le cinquième de la
recette des concerts donnés par le premier dans cette ville.
"." Le concert, suivi d'un bal , donné >endredi par M. Erard a élé
une fè:e vraiment royale par son luxe et son élégance. Les arlistes de
premier ordre, tels que Doehier, Calfe, Lablache, Batla, M""SNissen
et Jourdan, ont chanté à ravir, et, au bal, on voyait, dans ces beaux
salons éclairés d'une manière magique, les plus jolies femmes de
Paris danser et valser, entraînées qu'elles étaient par le grand et ex-
cellent orcheslre dirigé par JL Tolbecque, qui pendant longtemps
encore sera le chef d'orcheslre de tous les bals de la haute fashion.
',' M. Amèdée Mereaux, qui habile depuis quelque temps P.ouen,
doit venir incessamment à Paris pour donner un grand concert his-
torique dont il destine le produit à la caisse de l'association des ar-
tistes musiciens. L'immense succès obtenu par M. Mereaux à Rouen
dans les quatre concerts historiques qu'il a donnés l'année dernière
en un très court espace de temps], ne permet pas de douter que le
consciencieux professeur n'en obtienne autant â Paris. Bientôt nous
annoncerons le jour et donnerons le programme.
'," Dans une brillante soirée donnée par M"' Louise Berlin , nous
avons entendu chanter, par M. Delsarte, d'une manière extrême-
ment remarquable et arlislique, différentes œuvres de LuUi et de
Gluck, ainsi que plusieurs morceaux composés par Jl''' Louise Ber-
lin. Il fallait un bien grand mérite à ces dernières compositions pour
êtrecnlciidues à côté de tels chefs-d'œuvre, et nous pouvons dire en
conscience que l'auteur de Fawii et d'Esmeralda s'en est tiré avec
bonheur. Ces morceaux, presque tous avec accompagnement de
chœurs, sont de premier ordre, et. si l'on en publiait la Prière avec
le nom de Mozart, Gluck ou Beethowen, beaucoup d'artistes ne dou-
teraient pas de son authenlicilé.
*,* Dimanche dernier on a beaucoup applaudi chez M. Orfila le
deuxième Trio de M. Osborne, parfaitement exécuté par MM. Léo-
nard, Selignian et l'auteur.
","' Thalberg arrivera à Paris à la fin do mars ; il doit donner im-
médiatement un concert , dans lequel il fera cnlendre ses fantaisies
sur Scmiramis, la Sluelte, Charles VI et Oiello , qui ont produit un
fanatisme indescriptible à Palerme, où le célèbre artiste a été porté
en triomphe à son domicile après avoir donné son dernier concert.
*,* Un jeune danseur, Hoguct Yestris, que nous avons vu débuter
récemment à l'Opéra , est en ce moment fort applaudi à Londres, et
réhabilite la danse masculine auprès des Anglais , séduits par sa
grâce, son aplomb, et la vigueur avec laquelle il s'enlève. Tous les
journaux de Londres retentissent de son éloge.
',* Le concert de .M. Doehier aura lieu, comme nous l'avons an-
noncé, le2l mars; le célèbre pianiste exécutera les morceaux sui-
vants : 1. Trio de Beethoven en ui mineur. 2. Grande fantaisie sur
des motifs de Saffo, opéra de Pacini. 3. Andanlo sur une romance
de Doni Sébastien. 4. La Dispute, grande étude. 5. Adieu, de
Schubert. 6. Tarentelle napolitaine.
"," La quatrième et dernière séance de quatuors et quintettes que
donneront â deux heures M5L Javault, Boucher, G. Ney, Lebouc
etGouffé dans les salons de M. Duport, ne peut manquer de piquer
vivement la curiosité des amateurs; on entendra un quatuor en sol
d'Haydn , un quintette en ré de Mozart, un qualuor inédit de M.
Onslûw et son dernier quintette, qui.a été redemandé généralement.
'/ M"" Thérés;! Wartel donnera le 'ih de ce mois une soirée mu-
sicale dans les salons de M. Delsarte; plusieurs arlistes d'un talent
distingué se joindront à la bénéficiaire, qui exéculcrade la musique
de Bach, Beethoven et Weber.
8«
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
*," M. Louis Lacombe donnera son concert le 25 de ce mois dans
les salons d'Erard; on y entendra plusieurs morceaux composés et
exécutés par le bénéficiaire, et MM. Revial , TagliaDco, Lefort , Hcr-
man, Seligniann, Triebert, Jancourt et M°" Sabatier. Voilà de quoi
occuper une soirée avec plaisir et Intérêt : aussi le public ne man-
quera pas à l'appel.
V M. et M™" Coche, professeurs au Conservatoire , donneront un
concert le mercredi 13 mars, à huit heures et demie du soir, dans les
salons de Pleyel. Avec les bénéficiaires, on y entendra M.M. Pon-
charJ, Massone, Corradi, Thys, M"" Sabatier, Chérie Courand,
Martin, et plusieurs artistes de talent qui contribueront à rendre
celle soirée très intéressante. M. Coche fera entendre deux mor-
ceaux inédits de sa composition.
",* Parmi les nombreux concerts qui sont annoncés , il faut dis-
tinguer celui que donnera , mardi soir, 12 mars, dans la salle Herz,
H"» Korn, pianiste de grand talent. Le programme promet MM. A.
Dupont, Lac, Dancla frères, Offenbach, Constans, M"» Sabatier,
M"" Korn et Vavasseur.
",' Il vient d'arriver tout récomment à Paris une famille anglaise,
dont le talent ne peut manquer d'exciter le plus vif intérêt, dans
les conceris, où elle a le projet de se faire entendre. M. John
Dislin, et ses quatre fils Georges, Henry, William et Théodore
Distin , exécutent avec un ensemble extraordinaire et beaucoup
d'effet plusieurs fragments d'opéras célèbres, arrangés très habile-
ment en quintette par le plus jeune d'entre eux. La cavatine de
Roben le Diable, la conjuration des Huguenott , le GodSave sont
leurs morceaux favoris , qu'ils exécutent avec un petit bugle mi bé-
mol , deux bugles-alto en si bémol , un bugle-allo en mi bémol , et
un trombone-ténor à cylindres. Tous ces instruments , d'une belle
sonorilé, sortent des ateliers de M. Adolphe Sax.
V M. Belke, que nous avons entendu à l'un des derniers concerts
du Conservatoire, a donné un grand concert à Francfort, où il a ob-
tenu un brillant succès.
*/Un violoniste d'un talent très remarquable , M. Eller, vient
d'arriver à Paris. A son passage à Lyon, il a joué au Cercle musical,
et les journaux de cette ville parlent de cet artiste comme d'un talent
de premier ordre.
*,* Les Méthodes de chant et solfège de M. Panseron obtiennent un
succès qui a surpassé toutes les espérances de l'auteur. Il sera donc
agréable au public d'apprendre que M. Panseron , pour les mettre à
la portée de tous, vient de publier son Solfège d' Artiste en petit
format, et qu'il doit publier, le 15 avril, dans le même format, son
Solfège de Basse-Taille et Baryton. Nous ne doutons pas que ces ou-
vrages ne soient adoptés dans toutes les écoles de musique.
V Voici une nouvelle publication musicale qui sera accueillie
avec joie par les amateurs de la musique de chant ; l'éditeur J.Meis-
sonnier vient de faire paraître plusieurs romances de nos grands
chanteurs :Duprez, Roger, Géraldy et Delsarte : elles sont gracieuses,
d'un style élégant, et bien écrites pour la voix. Déjà elles obtiennent
un immense succès dans les soirées et les concerts où elles sont in-
terprétées par M. Ponchard , M'"» Sabatier, M""^ Masson et par les
auteurs. Le même éditeur vient de mettre en vente la Méthode de
harpe de Th. Labarre, si impatiemment attendue par toutes les per-
sonnes qui s'occupent de cetinslrument.
V M"" Pouilley , l'une des plus célèbres cantatrices des théâtres
des départements , vient de mourir à Paris dans une maison de
santé de la rue de l'Oursine. Cette artiste est'universellement re-
grettée.
•," M. Charles Froment vient de mourir en laissant presque sans
ressources une veuve et deux charmantes petites filles. Aussitôt,
les artistes les plus distingués, artistes par le talent comme par le
cœur, se sont empressés de venir offrir leur concours pour composer
une magnifique soirée musicale, dont le produit sera destiné à sub-
venir aux premiers besoins de la veuve et des pauvres enfants.
Celte soirée aura lieu dans la salle de l'Ecole lyrique, rue delà
Tour d'Auvergne, 18, le lundi 18 mars, à huit heures du soir. On
y entendra MM. Moreau-Sainti , Mocker, Lac, Hoffmann, Rémusal,
Offenbach; M™" Castellan , Masson , de la Morlière , Clara Loveday,
Beltz. On exécutera les brilants quadrilles avec chœurs de la com-
position de Michaëli. Les billets sont de 5 et de 10 francs; on en
trouve chez M. de Villemessant, rue Taitbout, 2.
*/ Un artiste distingué, qui s'était d'abord signalé dans la car-
rière des armes , M. Valenlino Castelli, vient de succomber aux
suites d'une opération qu'avait rendue nécessaire une blessure
reçue en 1813. Ancien officier de dragons de' la garde du vice-roi
d'Italie , décoré, sur le champ de bataille, de l'ordre de la Couronne
de Fer, M. Castelli possédait, comme compositeur et comme maître
de chant , un talent remarquable. Il avait mis en musique plusieurs
méditations de Lamartine, donc quelques unes ont été publiées,
et d'autres sont encore inédites. Il était âgé de soiianle-deux ans,
et laisse un jeune fils qui cultive avec succès l'art de la peinture.
*/ Un accident qui aurait pu avoir les suites les plus funestes a
manqué interrompre le voyage triomphal que font en ce moment
M°" Cinli Damorcau et Artôt dans les Amériques. La veille de leur
départ de Charleslown, les chevaux qui conduisaient leur voiture s'em-
portèrent, et ce ne fut qu'au bout de trois minutes que l'on parvint
à les arrêter. Ils se trouvaient dans une de ces petites voitures lé-
gères dont on se sert dans la Caroline, et au moindre choc tout eût
été brisé. Aujourd'hui nos deux grands artistes sont à la Havane, où
ils obtiennent des succès prodigieux. Ils ont contracté avec le direc-
teur du Grand-Théâtre un engagement pour douze conceris, et ont
promis d'en donner un dans chacune des salles appartenant aux dif-
férentes Sociétés musicales de la ville. Le 9 février ils doivent s'em-
barquer pour le Mexique, d'où ils ont reçu aussi de magnifiques pro-
positions. Avant leur départ des États-Unis, la Société de bienfai-
sance de New-York, pour leur témoigner sa reconnaissance d'un con-
cert qu'ils avaient donné pour les pauvres français, leur fit remettre
â chacun une fort belle médaille en or du poids de 600 francs.
%" Le monument de Goethe, que Francfort , sa ville natale, lui
a voté, sera mis en place dans le courant de cette année.
*,* On écrit de Péra (Constanlinople): — L'Elisire d'Amore, à part
la malheureuse barcarola a due voci, bien mal chantée , a été bien
applaudi. Quel dommage ! tant de frais, d'étude cl de costumes pour
battre en retraite après trois représentations, trois fatales représenta-
tions qui ont quasi dévoré tous nos pauvres acteurs. Il faut leur ren-
dre justice pourtant; le courage ne leur a pas failli, mais tousse
sont retirés plus ou moins meurtris par les sifflets ou le silence du
parterre.
V Le festival donné cette année par la réunion musicale de la
Bavière rhénane aura lieu à Deux-Ponts le 30 juillet et le 1"'' août.
Le premier jour on exécutera l'oratorio : Paulits de Mendelssohn ; le
lendemain , une symphonie de Beethoven, un lied de Marschner.et
la nuit de VP^alpurgis , par M. Mendelssohn.
V Le carnaval est mort et enterré , mais il va renaître à l'Opéra
pour une seule nuit; celle de la rai-carême n'aura rien à envier à
celle du mardi-gras , car la résurrection promet d'être aussi brillante
et aussi joyeuse que possible.
CIsa'WHïîjiae éta'SîMgèa'e.
*.* Londres. — C'est dans la semaine qui vient de s'écouler que
le Queeii's- Théâtre, l'Opéra de Londres, a rouvert ses portes. — Le
Théâtre de la Princesse vient de représenter la Norma de Bellini.
Mislress Wood a fait sa rcntiée dans le rôle de la belle Druidesse.
Elle y a renouvelé l'enthousiasme qui l'avait fait surnommer autre-
fois la Heine da chant anglais. — On voit à ce théàlre , sous le titre
boulTon de général Thoraas-Thumb (pouce) un nain de douze ans,
très bien proportionné, et dont la taille est celle d'un enfant de six
mois. Les badauds de Londres, dignes émules de ceux de Paris,
courent en foule au spectacle de ce jeu de la nature. — Des artistes
aimés en Angleterre, M. et M'"" Puzzi, viennent d'y rentrer après un
vcyage de six mois en Italie. — A une soirée musicale de M. Holmes,
on a entendu une série de chansons sur les principaux sujets des
Mille et une A^!ii(s; elles ont pour auteur Macfarren , et pour inter-
prètes miss Dolby et miss Marshall. On y trouve du charme, mais
peu de rapport entre elles et de couleur locale. — Le grand festival
d'Oxford annonce, parmi ses éléments de succès, l'oratorio du Mes-
sie de Haendel, cl le concours de Mario, de Slaudigl , de M"'» Dorus-
Gras. — Le lied de Goethe à la Lune a été traduit en anglais sur
la musique de Tomaschek ; un journal anglais dit, à propos du
poème : » Celui qui a écrit ces vers à la lune n'était pas luna-
tique. »
— Carlotla Grisi est arrivée à Londres, ainsi que Perrol et Coulon.
On répèle le nouveau ballet à' Esmerulda. Cette œuvre chorégraphi-
que est emprunlée à la Notre-Dame de Paris de Victor Hugo,
qui a déjà chez nous inspiré une femme musicienne et poète d'un
talent supérieur, M"« Louise Berlin. Le ballet en question devait
être représenté l'année dernière et n'a été ajourné que par un fâ-
cheux accident arrivé à Perrol.— Achard va être remplacé au théâtre
de Saint-James par M"'' Albert, qui ajoutera à son répertoire du
vaudeville une excursion dans celui des grands drames, comme
VAngele, d'Alexandre Dumas.
— Les concerts sont en pleine activité. M. Philipps poursuit son
DE PARIS.
r85
L'exécution a été bonne et consciencieuse. Mario et
M"" Grisi méritent des éloges au même degré. M""= Brambilla
s'est fait chaleureusement applaudir pour l'esquise distinc-
tion de son style , comme Ronconi pour son excellent senti-
ment dramatique.
G. L. P.
rnmww m^mnmi mwmËm^m
XES CONCERTS 3>E ILA SSIfflAlNS.
ur le terrain brûlant de la politique où nous
ont conduits nos hommes d'état prétendus ha-
biles, les seules fusions sociales possibles, parmi
tant d'opinions divergentes, s'opèrent par la mu-
sique. C'est encore dans les sectateurs du culte
de la mélodie et de l'harmonie que vivent la bienveillance et
la politesse de l'ancien caractère français ; mais comme l'exa-
gération est inhérente à notre esprit national , nous tombons
dans le faux goût musical. La mélodie est tourmentée, l'har-
monie est recherchée , le style est maniéré : la fantaisie sans
originalité , la cavatine sans idée , l'air varié , ne varietur, le
caprice, aussi vague qu'impertinent, méprisant le savoir et la
méthode qui, seuls, peuvent donner l'unité delà pensée et la
clarté , sans lesquelles il n'y a point d'art possible , régnent
tyranniquement dans la plupart de nos concerts. Il résulte de
cet état de choses que nous faisons du bel esprit eu musique,
comme on en faisait en httérature dans le grand siècle, alors que
Molière , qui sera le philosophe le plus observateur de tous les
temps, faisait dire à l'une de ses précieuses : « Pour moi , ce
que je considère particulièrement , c'est que par le moyen de
ces visites spirituelles, on est instruit de cent choses qu'il faut
savoir de nécessité , et qui sont de l'essence du bel esprit. On
apprend parla, chaque jour, les petites nouvelles galantes, les
jolis commerces de prose ou de vers. On sait à point nommé,
un tel a composé la plus jolie pièce du monde sur tel sujet;
une telle a fait des paroles sur un tel air; celui-ci a fait un
madrigal sur une jouissance ; celui-là a composé des stances
sm- une infidélité; monsieur un tel écrivit hier au soir un sixain
à mademoiselle une telle, dont elle lui a envoyé la réponse ce
matin sur les huit heures; un tel auteur a fait un tel dessein ;
celui-là esta la troisième partie de son roman; cet autre met
ses ouvrages sous la presse. C'est là ce qui vous fait valoir dans
les compagnies ; et si l'on ignore ces choses , je ne donnerais
pas un clou de tout l'esprit qu'on peut avoir. » — Nous reve-
nons à ce bienheureux temps d'investigations minutieuses,
mais pour ce qui est relatif à la musique seulement. On ren-
contre dans le monde musical des diletlanti , de belles dames
qui vous apprennent avec une orgueilleuse satisfaction que
M. le prince de... est en train défaire un opéra, que M°"=P...
vient de terminer une grande sonate en vt dièze majeur, pour
le piano, que Thalberg va publier la sienne en fa mineur, que
M"'' la comtesse M... se dispose à lancer dans les salons, sans
nom d'auteur, un recueil de romances, dont elle a fait les pa-
roles et la musique , qui doit faire révolution dans le monde
musical, etc., etc., etc.
Historien obligé de tons ces petits faits harmoniques et mé-
lodiques,, parmi lesquels il en est cependant qui intéressent
l'art , nous vous dirons d'abord que MM. Péronet et Baumes-
Arnaud ont donné , chacun chez eux , une soirée musicale ,
dont le nombreux auditoire était composé par la plus grande
partie de leurs élèves , ce qui prouve que ces excellents pro-
fesseurs en ont beaucoup. Les amateurs de bonne musique
de piano n'ont pas manqué non plus dimanche passé à la ma-
tinée musicale de M. Halle , l'interprète poétique de toute
musique difficile et belle; admirable traducteur des pensées
des autres qu'il semble faire siennes parla manière dont il les
rend.
A propos de bonne musique, de musique sérieuse qui est
enfin de la musique réelle et non de fantaisie , nous signale-
rons la troisième séance de quatuors et quintettes donnée
par M. Javault dimanche passé, dans les salons de M. Duport.
Haydn , Mozart et Beethoven , parfaitement interprétés par
MM. Javault, Boucher, Casimir Ney , Lebouc et Gouffé, en
ont fait les frais, et, par conséquent, le charme; et le vingt-
sixième quintette cle M. Onslow , exécuté pour la première
fois à Paris, a terminé d'une manière heureuse cette inté-
ressante matinée musicale. L'auteur, qui était présent, a dû
être aussi heureux de s'entendre traduire que l'auditoire
était charmé d'écouter son œuvre, qui témoigne du mouve-
ment ascensionnel de ce beau talent , en voie de recueillir
l'héritage des idées oubliées par Mozart et Beethoven en ce
monde musical.
Ce programme sur papier rosé que je vois là sur mon bu-
reau me rappelle la bénéficiaire blanche et rose en jolie robe
bleue , M"" Jenuy Veny, qui a donné , le troisièmejour de ce
mois de mars, dans les salons de M. Érard, son concert comme
tant de pianistes, et qui s'est distinguée entre tant de pia-
nistes autrement que par une jolie figure et une jolie toilette,
c'est-à-dire par une méthode rationnelle, un touché fin , dé-
licat , une manière nette et brillante , et un bon sentiment
musical qu'a spontanément compris et non moins bien déve-
loppé son habile professeur, M. Henri Lemoine. Quand, avec
un peu plus de confiance en soi , 51"'= Veny aura acquis plus
de force , d'ampleur, et par conséquent de puissance de son,
elle sera une de nos bonnes pianistes.
M"" Krinitz et Boireaux sont aussi deux intéressantes
pianistes qui ont donné concert dans les salons de M. Érard
à un jour de dislance. M"" Krinilz est une jeune Saxonne qui,
sous les auspices de MM. Cramer et Ilosenhain, se produit
dans le monde musical : elle a dit d'une façon remarquable
un remarquable concerto de Mendelssohn , et puis des études
de ses deux patrons; entre autres la L'anse des sylphes de
M. Rosenhain , morceau gracieux , vaporeuse idéalité dans
laquelle M"" Krinitz s'est livrée à des évolutions digitigrades
(qu'on nous pardonne ce mot un peu recherché) qui peuvent
rivaliser avec celles de Carlotta Grisi , et qui semblent cares-
ser l'ivoire du clavier comme la charmante Péri effleure le sol
en se jouant. M"= Boireaux est plus passionnée dans son jeu ;
elle a ouvert son concert par le charmant duo de piano et
violon en la mineur d'Osborne et de Bériot qu'elle a dit avec
M. Charles Dancla d'une manière tout artistique, c'est-à-
dire une verve, une chaleur qui l'emporte quelquefois. Cette
ardeur s'est un peu modifiée dans un grand morceau où elle
a eu à lutter contre des difficultés plus sérieuses dont elle est
sortie assez victorieusement , si cet adverbe peut être accom-
pagné de l'autre adverbe modifîcatif qui le précède. Il appert
de tout ceci que M"° Boireaux est une charmante pianiste, et
qu'elle sera une bonne pianiste quand elle saura régulariser
son jeu.
Il nous reste à parler de deux manifestations de musique
sérieuse , réelle , de bonne musique enfin. La première est
celle de M. Richard Mulder, jeune compositeur, qui a vii
son programme renversé la veille de l'exécution par une
grave indisposition de M"= Lia Duport qu'il avait choisie pour
84
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
- principale interprète de ses morceaux de chant. Ceux qu'il lui
a été permis de nous faire entendre font augurer on ne peut
pas plus favorablement du talent mélodique, harmonique, et
même dramatique de M. Mulder. La scène suivie d'un air de
son opéra de Salmandor, chanté par M. Corradi , est un mor-
ceau remarquable par son expression et ses modulations pas-
sionnées, et le Joyeux chasseur, chanté par le même, a en-
levé tous les suffrages par l'entrain , la franchise et la verve du
rhythme. Le concert a commencé par l'ouverture d'Oberon ,
traduite pour orgue et piano par M. Rlulder, fort bien exécutée
par le traducteur et sa sœur, qui est une belle et bonne pianiste.
Elle a dit , avec M. Herman , un duo pour piano et violon ,
par Osborne et de Bériot , dans lequel elle ne s'est pas moins
distinguée que son partner. Celui-ci avait exécuté à la fin de
la première partie un caprice pour le violon de sa composi-
tion et d'un grand effet. M. Herman est un de nos jeunes
violonistes qui agit le plus vivement sur le public, parce qu'il
s'impressionne profondément lui-même. H n'est pas seule-
ment artiste par les doigts, mais jusqu'au bout des doigts en
commençant par le cœur. Que lui manque-t-il donc pour se
placer hors ligne ? ce qui manque à la plupart de nos artistes
de premier ordre , le fini , et quelquefois même la justesse
imperturbable , mais surtout ce fini dans le trait qui berce
l'auditeur délicat , à l'oreille exercée, de confiance et de sé-
curité, et ne lui offre même pas le prétexte de froncer imper-
ceptiblement le sourcil sur une intonation équivoque. A l'ex-
ception de cette qualité qu'il acquerra, Herman a le son
puissant, une sensibilité exubérante, de la distinction dans
le chant, de l'audace dans le trait, et une foule d'autres dons
précieux qui ne s'analysent point, mais qui constituent la
poésie de l'art.
L'autre tentative de sérieuse et de bonne musique que nous
avons à signaler aux véritables amateurs , c'est celle qui a été
suivie d'exécution , par M. Ermel , dimanche passé , et tou-
jours dans la salle Jloreau-Sainli. M. Ermel est, à ce que
nous croyons, de l'école belge. Les musiciens qui en sortent
ont généralement du talent , mais de ce talent solide et quelque
peu matériel, auquel il manque la haute inspiration, l'inven-
tion qui fait tout grand artiste. La fantaisie, la distinction,
le caprice, la poésie et l'originalité , sont quelque chose dans
les arts, et ce n'est point ces qualités précisément que re-
cherchent les Belges : leurs virtuoses manquent généralement
par l'esprit et la délicatesse ; mais ce qu'ils écrivent ou disent
est bien fait, solidement exécuté, consciencieusement écrit.
Telles sont les qualités que nous a montrées M. Ermel dans
l'ouverture et la symphonie qu'il nous a fait entendre il y a
huit jours. Son ouverture est belle, l'introduction en est bien
dessinée. Nous y avons remarqué une phrase des violons qui
font ut si et ut ré, legati en trémolo sur un dialogue d'in-
struments à vent qui n'est pas sans originalité. Les dessins
mélodiques sont un peu vagues , mais tout cela est vigoureu-
sement instrumenté.
La symphonie est une œuvre plus franchement accusée, et
qui montre de l'expérience dans l'art d'écrire. Nous ne sau-
rions trop dire si la partie obligée de piano qui se mêle aux
masses de l'orchestre est une bonne idée. Il nous a semblé ,
ainsi ciu'ii bon nombre d'auditeurs , que le piano ne joue pas
un rôle assez important et assez passionné dans ce drame in-
strumental , comme , par exemple , le violon dans le concerto
à grand orchestre attribué h M. Vieuxtemps. Quoi qu'il en
soit, le piano intervient souvent d'une façon délicieuse dans
l'œuvre de M. Ermel , notamment dans le premier morceau
où il dialogue avec les hautbois. Dans Vandante en mi bémol,
où l'on distingue un très joli effet de pizzicato, le piano pro-
cède trop en arpèges comme dans le premier morceau. Ici
revient encore un passage facile et brillant pour le piano, ac-
compagné par des tenues de hautbois ; puis vient dans l'or-
chestre une phrase à trois temps qui rappelle un peu celle de
l'Ambassadrice, sur ces paroles : Le sultan Misapouf , etc.
Lorsqu'on était prêt à se dire dans l'auditoire que la vie de
l'originalité manquait dans tout cela, le scherzo en canon, mé-
lodie franche et dans laquelle intervient le piano d'une ma-
nière heureuse, est arrivé; puis son trio délicieusement dia-
logué entre le piano et les instruments à vent ; et puis ces
instruments éclatant en pompeuse harmonie qui ont enlevé
d'unanimes applaudissements.
Le finale, quoique d'une excellente facture, a eu tort de
venir après ce scherzo brillant et de science inspirée ; et d'ail-
leurs, par l'atmosphère d'à peu près 25 degrés Réaumurqui
pesait dans la salle, les instruments à vent avaient cruellement
monté pour des oreilles un peu délicates. Malgré cet incon-
vénient de température, l'orchestre de l'Opéra-Comique ,
fort bien conduit par M. Merle, a chaleureusement inter-
prété l'œuvre de M. Ermel, œuvre de conscience et de sa-
voir dont les vrais amateurs de l'art musical se souviendront
quand le règne de la fantaisie et de l'air varié sera passé.
Le bouquet de tous ces concerts, feux d'artifices mélo-
diques et harmoniques, a été tiré au bénéfice du vieux chan-
teur Galli mercredi passé, dans la salle Herz. C'est lui qui a
mis en jeu cette brillante pyrotechnie italienne composée des
fusées vocales délia diva Grisi , délia bella BrambiUa , del
potente , pomposo e comico Lablache , del simpatico Bar-
roilhet, del energieo Ronconi e tutti quanti. Salvimême,
avec qui son directeur s'est brouillé, dit-on, a montré, dé-
veloppé dans ce concert une méthode pure, une émission de
voix pleine de charme qui ont été saluées par la nombreuse
et brillante assemblée présente à cette solennité musicale ,
par d'unanimes et justes applaudissements.
Henri Blanchard.
Coi'i'esinoiEdanee pnE'ticielière.
31arseille, le i mars 1844.
Je vous écris à la liàte pour vous annoncer le magnifique succès
obtenu par la Jleine de Clitjpre sur notre première scène. Dès cinq
heures du soir la salle était comble, l'impatience ïe manifestait
bruyamment au-dedans et au-dehors, et l'animation qu'offrait alors
l'enceinle du Ihéàlre était telle , qu'on aurait pu se croire aux plus
beaux jours de la Juive et de Robert.
Pourtant les journaux avaient annoncé la pièce nouvelle avec
beaucoup de réserve et sans avoir recours à ces réclames pompeuses
qui, le plus souvent, rappellent l'apologue si vrai etsi connu de la
montagne en travail; mais le nom d'Halévy était dans toutes les bou-
ches ; on savait d'avance que l'on allait entendre^un ouvrage de l'au-
teur de la Juive, et le public , plein de confiance dans le génie d'un
si grand musicien, élail admirablement bien disposé à recevoir ses
nouvelles inspirations.
Dès l'ouverture de la Heine de Chypre , la satisfaction de l'audi-
toire a éclaté de tous les points de la salle , et l'approbation chaleu-
reuse qui a accueilli ce morceau de symphonie d'un travail si re-
marquable a été la préface d'un succès général. Le beau finale du
premier acte, le chœur des gondoliers, le duo du troisième, l'orgie,
le chœur divine providence, et la belle marche du quatrième acte,
ont enlevé les applaudissements et les bravos de l'assemblée entière.
11 est vrai que l'opéra d'Halévy est fort bien interprété par Godfnho,
M">« Fabre, Junca etPauli. Ce dernier surtout, profitant des sages
avis de la critique, a trouvé dans les sons mixtes de' fort jolis
effets de voix et a été fort applaudi. L'orchestre, dirigé par M. Papin
d'une manière admirable, a prouvé qu'avec un chef d'un mérite
aussi èmincnt rien ne lui était impossible, car il est parvenu à jouer
la Reine de Chypre à la satisfaction générale, après trois ou quatre
répétitions d'ensemble seulement.
DE PARIS.
87
cours de mélodies hébraïques et attire toujours la foule. A la qua-
trième séance des musiciens anglais, Beethoven et Mozart se sont
trouves en compagnie d'un compositeur insulaire, M.Richard. —
M. Bennet a fait aussi entendre ses propres œuvres dans le troisième
et dernier concert de musique de chambre classique, — Les anciens
concerts dont la fondation remonte à soixante-huit années, vont
rouvrir sous la présidence du duc de Cambridge. — Le club dos mé-
lodistes établi en 1S25 , pour encourager la production des ballades ,
a fait une ample moisson d'applaudissements. Le duc de Cambridge,
prince mélomane, qui le préside,' a annoncé un prix de 10 liv. st.
(250 fr.) pour le meilleur duo, destiné au meeting du mois de mai.
— On cite parmi les artistes quT se succéderont à Londres dans la
saison cooran te , M'"" Dorus-Gras, buprez, Camille Sivori , Ernst,
Mendeissohn, Thalberg et Doelher.
*,* Vienne, 11 février. — Dans la matinée d'hier a été célébré le
mariage de la célèbre cantatrice. M"' Clara Novello (née à Londres),
prima donna du théâtre impérial et royal ilalieu de notre capitale,
avec M. le comte del Gigliuccr, palririen de Venise, chambellan de
l'empereur, et l'un des plus riches propriétaires fonciers de sa pa-
trie. La bénédiction nuptiale a été donnée par M. l'archevêque de
Vienne, et parmi la foule qui encombrait la vaste église, on remar-
quait les hauts dignitaires de la cour, un grand nombre de membres
de la haute noblesse et presque toutes les sommités artistiques et
littéraires de notre capitale. La jeune mariée quittera la scène pour
toujours. Elle ne doit y paraître encore qu'une seule fois, afin de
prendre congé du public : ce sera dans le rôle de donna Anna de
Don Juan , dans lequel elle lit, il y a environ dix-huit mois , son
premier début à Vienne.
V Berlin. Au Théâtre-Italien le signor Bendini , qui jusqu'ici
n'avait rempli que des rôles secondaires, s'est montre tout-à-coup
avec un éclat extraordinaire dans le rôle de Roméo da I^Capuleii
e i HJoniecchi. Bendini a partagé les honneurs de la soirée avec
la signera Malvani, qui a déployé dans le rôle de Juliette toute
l'énergie passionnée de son âme: malheureusement sa voix est en
baisse, elle paraît être fatiguée et aurait besoin de repos. On n'a
pas été content de l'orchestre, qui est mollement conduit par le maî-
tre de chapelle , le Buzzola.
— L'oratorio, Moïse, par M. Schmitt, a été ex-écuté une seconde
fois, à la demande générale du public qui remplissait la vaste salle.
*," Brunsiiick. — JNousavonseu un ballet nouveau intitulé: Lurley;
le sujet est emprunté aux légendes du Rhin. La pantomime et les
danses sont accompagnées de chants : M"= Fischer-Achtcn a chanté
le rôle de la sirène du Rhin avec une grâce , une expression remar-
quable. On vante également les décors , surtout un fond mobile,
qui fait passer successivement les plus beaux sites des bords du Rhin
sous les yeûi du spectateur.
*." Stuiignrt. — Le carnaval a fait peu de bruit : pas de mascarades,
pas de ces longs et joyeux cortèges traversant les rues comme on les
voit à Cologne et à Maycnce, villes toutes catholiques, jadis gouver-
nées par des archevêques et qui ont gardé les bonnes traditions. Le
hal donné par la bourgeoisie à Stuttgart a été le plus joyeux de
l'année; on est venu dans la salle en traîneaux; on y a représenté
la fameujc revue de Napoléon aus Champs-Elysées.
/, Inspruck. — On vient de donner un opéra nouveau : Les Mi-
neurs, par M. Hamm ; quelques morceaux ont été favorablement ac-
cueillis ; mais au lolal c'est un pasiiccio de nos grands maîtres.
',' Ofen (Hongrie ). — On a représenté un opéra nouveau : les
Brigands, libretto d'après Schiller: la musique, par Loeschenger,
n'a obtenu aucun succès.
*,' Prague. — Cendrillon , par Nicolo, a été remise à la scène, à la
grande satisfaction du public.
*.* Riga.' — Bramant, opéra nouveau par M. Pauwitz, a été re-
présenté avec succès.
*,* Anvers. — M. Gary, jeune baryton d'un mérite distingué,
vient de débuter avec grand succès dans le rôle d'Alphonse de la
Favorite.
V Siockliolin. — On vient de découvrir en Suède deux chansons
d'amour, composées en 1GI6 par le grand roi Gustave Adolphe.
",* Madrid. — On va donner l'opéra du Mosc à Madrid , pour le
début de deux jeunes artistes espagnols, Barba et la Senora Chimeno.
— On vient de représenter dans celte capitale, une production plus
récente, bien moins jeune de verve et de génie, il farioso, qui n'a
pas laissé d'obtenir un brillant succès, grâce aux chanteurs, Salva-
tori, Sinico, Alba, et les senoras Basso-Borio et Gariboldi. — Le
théâtre du Cirque va renoncer aux genres do l'opéra et du ballet,
pour se renfermer exclusivement dans la tragédie et la comédie,
ainsi que l'a fait chez nous l'Odéon , après avoir servi à populariser
plus d'un chef-d'œuvre musical, comme le FreyschiUz et Marguerite
a' Anjou. — 11 est question de fermer à Madrid les théâtres de so-
ciété qui opposent une concurrence fatale aux entreprises publiques
del Piincipe, de la Cruz, et del Circo. — La Panda Diable, ai les
Deux f'olems, joués en comédie au Museo matritensc, n'ont eu que
peu de succès, et sont jugés très sévèrement parla critique espa-
gnole.
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2 heures. M. Sudre. Salle Herz.
M''' Aglaé Masson. Salle Érard.
M"= Korn. Salle Herz.
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Le Directeur, Rédacteur en chef, MAUniCE SCHLESINGER.
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2' partie : Mélodie. — Son union avec l'harmonie.
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n parait deux livraisons par mois.
Indication sommaire des matières
Première série.
REALISATION ECRITE DES PARTIES SUPERIEURES , LA BASFE CHIFFREE
ÉTANT DONNÉE. — APPLICATION DE CETTE ÉTUDE AU PIASO.
LIVRE I'''. — Principes généraux. — Accords de trois sons. — ^Tpna-
lité. — Partie supérieure de l'harmonie. — Chiflrage
supérieur de la basse. — GhifTrage inférieur ou ana-
lytique- — Modulations. — Classification des voix.
— Progressions harmoniques.
LIVRE II. — Accords dissonants. — Résolution normale. — Résolu-
tions diverses. — Réalisation de ces accords dans les
progressions harmoniques.
traitées dans la première fiartie.
LIVRE III. — Suspensions. — Pédale. — Observations sur le chilTrage
supérieur de la basse.
Cette première série, composée d'environ vingt-quatre livraisons,
formera un traité completde la réalisation des partiessupérieures dans
l'Harmonie élémentaire, et de l'accompagnement de la base chiffrée.
* l>euxième série.
SUCCESSION DES ACCORDS. — CONSTRUCTION ET CHIFfRAGK DE LA BASSE.
LIVRE IV. — Succession des accords dans une même gamme,
LIVRE V. — Succession des accords dans les modulations.
iY. B. Afin de faciliter l'intelligence de celte partie essentielle de
l'harmonie, on a annexé au texte des tableaux synoptiques, disposés
pour chaque accord et donnant tous ses enchaînements possibles.
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'HISTOIRE ET DE THÉORIE DE L'HARMONIE.
FAlr DANS LA SALLE DE M. HERZ,
F.-l. FE'fl'IS,
ET ANALYSÉ PAU LL'I-MÊME.
ès l'âge de neuf ans , je remplaçais mon père
comme organiste du chapitre noble de ma
ville natale. En colle qualité il-me fallait ac-
compagner à l'orgue, sur la basse chiffrée,
la vieille musique d'église de Kraft et de
Fiala que faisait exécuter un non moins vieux maîlre de cha-
pelle , coiffé d'une perruque à trois marteaux et habillé d'un
pourpoint à l'ancienne mode espagnole. Je n'avais pas les
premières notions d'accords ni de chiffres destinés h les re-
présenter, mais je compris bientôt qu'un 3 indiquait la tierce,
que je trouvais fort bien accompagnée avec la quinte et l'oc-
tave , ce qui me donnait en effet V accord parfait. Il ne me
fut pas difficile de voir que le 6 indiquait l'intervalle de sixte,
et le 7 celui de septième. Mon oreille faisait le reste , et mes
mains allaient sur le clavier avec autant d'aplomb que si
j'eusse su ce que je faisais. Mon vieux maître de chapelle ,
qui n'était pas fort, assurait gravement que j'étais un très ha-
bile accompagnateur.
Dans le même temps , j'écrivais des concertos de violon et
de piano avec orchestre, sans avoir jamais vu de partition ;
tout cela -fourmillait d'incorrections ; mais on y remarquait
un certain sentiment d'harmonie : l'instinct y tenait lieu de
savoir. Je finis par devenir harmoniste de pratique; mais j'é-
tais complètement ignorant de toute théorie , lorsque je fus
admis comme élève au (Conservatoire de musique de Paris, h
l'âge de seize ans. J'y suivis le cours d'harmonie du vénérable
Rey , et j'y appris le système de la basse fondamentale de Ra-
meau. Dans le même temps parut celui de Catel, qui y était
coraplélement opposé, mais qui, ayant obtenu l'assenlimciit
de Cherubini , de Méhul , et des autres musiciens célèbii s
du Conservatoire , eut bientôt une grande autorité. Mes dis-
positions, mes progrès depuis mon entrée au Conscrvatniio ,
et mon penchant pour l'étude , me rendaient propre à l'ana-
lyse des deux systèmes que je comparai , en cherchant à m'é ■
clairer sur le degré de certitude de leur principe fondamenia'.
Le découragement fut le premier résultat de mes efforts ; car
si d'une part je trouvais une méthode plus philosophique
dans les écrits de Rameau, de l'autre je voyais dans le système
de Catel un ordre de faits plus conforme aux procédés pra-
tiques de l'art d'écrire l'harmonie.
Le hasard ayant mis successivement entre mes mains les
Traités d'harmonie de Roussier , de Langlé , du chevalier de
Liron , de Marpurg, de Kirnberger et de Sabbatini, je les
lus avec attention , et mes incertitudes augmentèrent. Je me
fis encore longtemps cette question : Quelle est la base
certaine de la science de l'harmonie? sans y trouver de solu-
tion satisfaisante. Un nouvel ouvrage de M. de Monsigny, qui
parut en 1806 , ne m'éclaira pas plus que les autres , malgré
les promesses et le ton dogmatique de son auteur.
Ce fut alors que je crus trouver plus de ressources dans les
écrits des mathématiciens relatifs à l'objet de mes recherches,
BUREAUX D'ABONNEMEKIT, RUE RICHEIIEU, 97.
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
et que je lus les ouvrages de Ballière , de Janiard , de Sure-
main-de-Missery , de Tarlini , l'Essai d'Euler , et la Gram-
matica-armonica fsico-matematica de Catalisano ; mais là
je me trouvai encore plus loin de mon but que dans les livres
de musiciens ; car ces géomètres ne m'offraient que des spé-
culations abstraites, sans application déterminée pour l'art.
Je parlais quelquefois à Jiéliul de mes perplexités; mais
loin d'en recevoir des encouragements , je ne trouvais en lui
qu'incrédulité sur la possibilité et même sur l'utilité d'une
théorie rationnelle de l'harmonie. « Tout ce qu'un musicien
doit savoir de cette science , me disait-il , se trouve dans le
Traité de Catel ; le reste est inutile. » Je ne partageais pas
son opinion , quoique j'eusse beaucoup d'estime pour le mé-
rite de la méthode de Catel , et que je la considérasse comme
très supérieure à toutes les autres, sous le rapport des ap-
plications pratiques. Sortant de chez Méhul un jour , après
une conversation sur le même sujet , il me vint une idée qui
fut un trait de lumière, et qui me mit sur la voie de la théorie
que je viens d'exposer dans le cours que j'ai fait à Paris, les
18, 22, 25 et 29 février, et dont on trouvera les développe-
ments dans le Traité de la théorie et de la pratique de Vhar-
monie, que je publie en ce moment. On a cherché (me
disais-je) le principe de l'harmonie dans des phénomènes
acoustiques , dans des progressions numériques de divers
systèmes, dans des procédés plus ou moins ingénieux d'a-
grégations d'intervalles, et dans des classifications arbitraires
d'accords ; mais il est évident, par l'examen des monuments
de l'histoire de la musique , que ce n'est pas par ces choses
que l'art s'est formé. Les phénomènes acoustiques de toute
espèce constatés par des expériences modernes ; les progres-
sions harmonique , géométrique et arithmétique ; les addi-
tions de tierces à d'autres tierces supérieures ou inférieures;
et les autres points de départ de théoriciens , n'ont point été
les guides qui , dès les premiers pas , ont dirigé les composi-
teurs, et tout cela a été lettres closes pour ceux-ci. Une
cause plus active , plus immédiate , a dû agir sur eux dans la
formation des accords et dans l'enchaînement qu'ils leur ont
donné. Cette cause , ou en d'autres fermes ce principe de
l'harmonie, et comme art et comme science, n'a pu être
autre que ce qui règle les rapports des sons et l'ordre où ils
se suivent dans la gamme des deux modes ; car il est impos-
sible qu'il y ait deux principes dans l'art, dont un régirait les
successions de la mélodie , et l'autre les agrégations de l'iiar-
monie , puisque ces deux choses sont étroitement liées l'une
à l'autre.
Or le principe régulateur des rapports des sons, dans
l'ordre successif et dans l'ordre simultané, se désigne en
général par Jle nom de tonalité. Tout ce qui , dans l'harmo- ■
nie , est une conséquence immédiate de la tonalité , et en
peut être considéré eu même temps comme l'expression ab-
solue, abstraction faite de toute circonstance étrangère, a
donc nécessairement une existence primitive et naturelle ,
tandis que ce qui n'çst pas conforme à cette tonalité |et ne
satisfait pas immédiatement l'oreille n'a qu'une existence ar-
tificielle.
On voit que par cette pensée je cherchais dans la musique
elle-même le principe de l'harmonie , et que j'en écartais
toute considération de phénomènes acoustiques, de divisions
de monocorde , de progressions numériques et de formation
mécanique d'accords, parce que ce sont des choses dont
nous n'avons pas conscience , et qui , conséquemnient , ne
sont pas des parties intégrantes de l'art , et n'ont pas contri-
bué à sa formation. Je me demandai quels accords notre
instinct musical admet comme^existants par eux-mêmes , in-
dépendamment de toute circonstance étrangère, et comme
des conséquences naturelles de la tonalité ; je n'en trouvai
que deux : le premier consonnant, c'est "a-dire V accord
l^arfuit , composé de trois sons ; le deuxième dissonant , à
savoir, l'accord de septième de la dominante , composé de
quatre sons. Je vis que le premier constitue le repos dans
l'harmonie , parce que lorsqu'il se fait entendre , rien n'in-
dique la nécessité de succession , et que l'autre , au con-
traire, est attractif par la réunion du quatrième degré , de
la dominante et de la note sensible , et conséquemment qu'il
a des tendances de résolution , et qu'il caractérise le mouve-
ment dans l'harmonie. Ces deux accords donc , et leurs dé-
rivés par le renversement de leurs intervalles , constituent
toute l'harmonie naturelle , c'est-à-dire celle qui , suivant le
langage des harmonistes , s'attaque sans préparation.
En vain cherchai-je quelque autre accord nécessaire pour
constituer la tonalité; je n'en pus découvrir, et j'acquis la
conviction que tous les autres sont des modifications de ceux-
là. Il ne me restait donc plus cju'à chercher la nature et le
mécanisme des divers genres de modifications ; ce fut à cette
recherche minutieuse que j'employai plusieurs années , jus-
qu'en 1816, où j'achevai le premier manuscrit du Traité
d'harmonie que je publie en ce moment. J'ai rapporté, dans
la Biograj)hie universelle des musiciens , les circonstances
qui en ont retardé si longtemps la publication. Toutefois j'en
fis connaître sommairement, en 1823, les bases dans ma
Méthode élémentaire et abrégée d'harmonie , dont il a été fait
depuis lors trois éditions, et qui a été traduite en plusieurs
langues étrangères.
Lorsque j'eus laissé refroidir l'espèce d'enthousiasme qui
s'empare presque toujours de l'auteur d'une théorie nouvelle,
je sentis le besoin de m'assurer d'une part que je n'avais
point été précédé par quelque auteur dans la voie où je m'é-
tais engagé ; et de l'autre, que les monuments de l'histoire
de l'art n'étaient point en contradiction avec mon système.
Pour lever mes scrupules sur le premier point , je ne négli-
geai rien pour m'entourer de tous les traités généraux ou
spéciaux dans lesquels il est traité de la science de l'harmo-
nie d'une manière plus ou moins directe , plus ou moins ap-
profondie. Le nombre d'ouvrages de ce genre , que j'ai lu
dans l'espace d'environ vingt ans, s'élève à plus de huit cents
A l'égard des compositions de toute espèce que j'analysai, je
les rangeai par époques et par catégories de transformations
de l'art. Il me serait difficile de donner une idée juste de la
source inépuisable d'instruction que je trouvai dans cette
étude persévérante , dont le résultat fut de me conduire à la
conviction de l'infaillibilité de mes principes.
Parvenu à ce point , il ne me restait plus qu'à faire la der-
nière rédaction de l'ouvrage que je livre au public comme
mon dernier mot sur cette partie de la science de la musique.
Avant qu'il parût , il m'a semblé nécessaire de fixer l'atten-
tion des artistes et des amateurs sur une théorie qui se dis-
tingue des autres, autant par sa simplicité que par la nature
de sa base , et de leur en expliquer le but : c'est ce qui m'a
conduit à Paris, pour y faire, dans le mois de février dernier,
un cours gratuit d'histoire et de théorie de l'harmonie, que
j'ai divisé en quatre séances. Voici l'ordre que j'y ai suivi.
Dans la première séance, j'ai d'abord fait connaître en quoi
consiste la différence de l'ancienne tonalité du plain-chant qui
a servi de base à toute la musique jusqu'à la fin du xvi' siècle
et de la tonalité moderne. J'ai fait voir que les différents modes
de cette ancienne tonalité sont le produit d'une gamme unique
prise à ses différents degrés , et qu'ils ne diffèrent entre eux
i que par la position des deux demi-tons de l'octave , par leur
DE PARIS.
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dominante ou note plus fréquente que les autres et par leur
finale; en sorte que leur caractère n'est point essentiellement
distinct da'ns l'harmonie , et qu'ils se confondent à l'audition
par la similitude des successions. Si je ne suis pas entré plus
avant dans l'analyse des formes de cette tonalité , c'est que
d'une part cela n'était pas nécessaire à mon sujet, et que, de
l'autre, j'ai traité à fond cette matière dans ma Méthode élé-
mentaire de plain-chant (1).
Il était bien plus important pour mon sujet de démontrer
que l'harmonie consonnante , inhérente à cette tonalité, et
dans laquelle apparaissent seulement çà et là quelques disso-
nances artificielles , produites par le retard des consonnances,
est essentiellement une harmonie de repos , étrangère à toute
tendance de modulatioii, et que les changements apparents de
tons qu'on y remarque quelquefois ne sont jamais les résul-
tats d'attraction, et qu'ils ne déterminent rien, n'y ayant ni
nécessité de transition , ni cadence de conclusion. J'ai terminé
mes observations sur cette tonalité en faisant remarquer à
mon auditoire que l'absence de cadences nécessaires et l'en-
jambement incessant des motifs par les rentrées successives
des voix dans les anciennes compositions, en excluaient ab-
solument tout sentiment de rhythme et de période.
Arrivant ensuite à l'époque importante de l'introduction de
l'accord dissonant naturel, danslamusique par le compositeur
vénitien Monteverde , j'ai démontré que cet accord attractif
changea tout-à-coup la tonalité, en donnant à la note sensible
son caractère ascendant, qu'elle ne peut avoir qu'harmonique-
ment par son union avec le quatrième degré et avec la domi-
nante; que les quatre notes de cet accord , ayant une position
déterminée, fixent aussi la position de la tonique et du troisième
degré par la- résolution des notes attractives dans la cadence
parfaite , et du sixième degré dans la cadence rompue ; que
par ce même accord , tous les degrés de la gamme des deux
modes acquièrent un caractère déterminé et une destination
spéciale ; et enfin , que par lui aussi , l'élément de la transi-
tion est introduit dans la musique, puisqu'il suffit de faire
entendre sans préparation l'accord dissonant naturel d'un
ton non encore entendu , ou l'un de ses dérivés , pour que ce
ton soit à l'instant connu , y eût-il même immédiatement après
une autre transition qui ne permît pas de faire la cadence.
A ce grand fait du changement de la tonalité par l'introduc-
tion dans la musique de l'accord dissonant naturel , j'ai
ajouté la démonstration , par des exemples qui ont excité l'in-
térêt de l'assemblée , que de lui est né l'accent expressif et
passionné qui n'existait ni dans l'ancienne tonalité, ni dans
rharmonie consonnante qui en était le produit : avec cet ac-
cent, ai-je dit, est né le drame musical véritable; et la can-
tate, autre sorte de petit drame à voix seule, accompagnée
d'un instrument , a succédé au madrigal à plusieurs voix , et
l'a fait disparaître en peu de temps.
Dans la seconde séance j'ai établi que l'harmonie naturelle
et la tonalité étant constituées par les deux accords conson-
naut et dissonant primitifs, tous les autres accords ne sont
que des modifications de ceux-là, et que les modifications sus-
ceptibles de combinaisons enlre elles sont de trois espèces ,
savoir : la substitution d'une note à une autre ; l'introduc-
tion d'une note étrangère dans les accords naturels ou dans
leurs renversements , par la prolongation d'une note d'un ac-
cord précédent , et enfin l'altération ascendante ou descen-
dante des notes naturelles par des lignes d'élévation ou d'a-
baissement.
La substitution , ai-je dit , s'opère par le sixième degré du
(1) Paris, 1843, in-8, chez M"» V' Canaux, rueSle-Apolline, 15.
mode majeur ou mineur, qui prend la place de la dominante
dans l'accord dissonant naturel ou dans ses dérivés. Ainsi ,
ce degré se substituant à l'octave, dans l'accord de septième
sol , si , ré , fa, sol , ou sol, si, fa, sol , produit sol , si , ré,
fa, la, ou sol, si, fa, la, si la substitution est du mode
majeur , et sol, si, ré, fa, la bémol, ou sol, si, fa, la bé-
mol , si elle est du mode mineur. Ces accords ainsi modifiés
prennent en général chez les harmonistes les noms de ne^l-
vième majeure et de neuvième mineure de la dominante. De
même , si la substitution du mode majeur se fait dans le
premier dérivé de l'accord dissonant naturel , si, ré , fa , sol
ou si, ré, fa, la, appelé septième de sensible, par quelques
théoriciens, et si la substitution est du mode mineur, on a si,
ré, fa, la bémol , appelé dans l'école accord de septième di-
minuée, etc., etc.
La substitution , ai-je dit, est toujours mélodique ; d'mi il
suit qu'elle appartient à la partie supérieure de l'harmonie.
Elle est facultative , n'est point une nécessité de la tonalité ,
et ne change rien à la destination de l'accord modifié. On en
peut faire à volonté la résolution avant celle du reste de l'ac-
cord , ou ne la faire que collectivement avec lui.
L'introduction d'une ou de plusieurs notes étrangères dans
les accords consonnants et dissonants naturels , par la pro-
longation des notes d'un accord précédent, y fait entrer sou-
vent des dissonances artificielles : dans ce cas , ces dissonances
doivent opérer leur résolution en descendant d'un degré ; car
la destination de toute dissonance est de descendre. Ainsi ,
dans la succession des deux accords si, fa, sol, ré et ut, mi,
sol, ut, si ré du premier accord est prolongé sur le second, il
retarde l'octave de l'accord parfait ut, mi, sol, ut, et produit
l'accord de neuvième artificielle ut, mi, sol, re,dont la disso-
nance doit faire sa résolution en descendant sur la note retar-
dée. De là se tirent les règles suivantes pour les limites de
l'emploi de la prolongation : 1" toute note descendant d'un
degré dans la succession d'un accord à un autre, peut être
prolongée; 2° une note prolongée ne peut se résoudre en
montant dans la succession de deux accords , que lorsqu'elle
n'introduit pas de dissonance dans le second.
De ce genre de modification des accords naturels résultent
beaucoup d'accords artificiels , qui jettent de la variété dans
l'harmonie, mais qui sont facultatifs , et ne résultent point de
nécessités tonales. Toute prolongation étant supprimée , il
doit rester une bonne harmonie naturelle qui ne perd rien de
sa signification.
FÉTis père.
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
( La suite à un prochaiji numéro.
92
BEVUE ET GAZETTE MUSICALE
ou
LA VILLE aiUSICALE.
(Suite'.)
( Un salon splendidement meublé à Paris. )
ELLIMAC (seule).
h çà , mais il me
semble que je vais
ni'enouyer! Est-ce
que ces messieurs
se moquent de moi !
^ , Comment! pas un
ï"^ d'eux n'a encore songé à me proposer
quelque chose d'amusant pour aujour-
d'hui ! Me voilà seule et abandonnée de-
puis quatre longues heures. Le baron lui-
'^ même, le plus attentif, le plus empressé de
tous, n'est pas encore venu!.. Peut-être ont-
ils bien fait , ma foi , de me laisser tranquille;
ils sont si cruellement sots tous ces beaux qui
m'adorent ! Ils ne savent jamais me parler que de
fêtes , de courses , d'intrigues , de scandales , de
toilette; pas un mot qui décèle l'intelligence ou
le sentiment de l'art, rien qui vienne du cœur.
Et je suis artiste avant tout, moi, et artiste par... l'âme,
par... le cœur. D'où vient que j'hésite à le dire? Suis-je bien
sûre, dans le fait, d'avoir un coeur et une âme?... Eh!...
qui sait ! Voilà déjà que je ne me sens plus le moindre amour
pour Xilef. Je n'ai pas même répondu à ses brûlantes lettres.
11 m'accuse, il se désespère, etje pense à lui... quelquefois,
mais rarement. Allons , ce n'est pas ma faute , si , comme dit
mon imbécile de baron , les absents ont toujours tort , et les
prc!:ents sont toujours acceplés. Je ne suis pas chargée de
refiiirc le monde. Pourquoi est-il parti? Un homme qui aime
bien ne doit jamais quitter sa maîtresse ; il doit ne voir qu'elle
au monde , et compter tout le reste pour rien.
EÉRISED (entrant).
Madame, voici vos journaux et deux lettres.
ELLIMAC ( ouvrant un journal).
Voyons!... Ah! la fêle de Gluck à Euphonia dans huit
jours! j'y veux aller, j'y chanterai. {Lisant.) <. L'hymne com-
posée par Rotceh occupe toute la ville, est le sujet de toutes
les conversations. On n'a jamais encore, pensons-nous , ex-
primé plus magnifiquement un plus noble enthousiasme.
Rotceh est un homme à part , un homme différent des autres
hommes par son génie, par son caractère, parle mystère de
sa vie. » Eérised , appelez ma mère.
EÉRISED (en sortant).
Madame , vous ne lisez pas vos lettres ; je crois qu'il y en
a une de votre fiancé M. Xilef.
ELLIMAC (seule).
Mon fiancé ! le drôle de mot. Ah ! que c'est ridicule un
fiancé ! Mais il peut aussi m'appeler sa fiancée ! je suis donc
ridicule ! Sotte fille , avec ses termes grotesques ! Tout cela
me déplaît, me crispe , m'exaspère. Et qui pis est, tout cela
est vrai. Elle n'a que trop bien deviné. Oui , cette lettre est
de mon fidèle Xilef. C'est cela... des reproches... des souf-
frances... son amour... l'art... toujours la même chanson...
(l)-Li reproduction de cette nouvelle est interdite. — Voir les
numéros 7, 8 et 9. I
Jeune homme ! tn m'obsèdes. Décidément, mon pauvre Xilef,
te voilà flambé ! Eh ! au fait , ils sont insupportalDles ces êtres
éternellement passionnés! Qui est-ce qui les prie d'être
constants? qui l'a prié de m'adorer ?... qui?... eh, mais c'est
moi , ce me semble ; il n'y songeait pas. Et maintenant qu'il
a perdu pour moi le repos de sa vie (phrase de romans)...
c'est un peu leste de le planter là ! Oui, mais... on ne vit
qu'une fois.
Voyons l'autre missive ! (Riant.) Ah ! ah ! voilà une épître
laconique ! un cheval , très bien dessiné ma foi , et pas un
mot. C'est à la fois un emblème , un portrait , une signature
et une phrase hiéroglyphique! Cela signifie que je suis atten-
due pour une course au bois par mon animal de baron. Il
courra sans moi. {M"" ElUanac s'avance pesamment.) Mon
dieu, ma mère , que vous êtes lente à venir quand je vous
appelle! je suis ici à me morfondre depuis plus d'une demi-
heure. Je n'ai pas de temps à perdre cependant!
M"»» ELLIANAC.
De quoi s'agit-il donc , ma fille ? quelle nouvelle folie allez-
vous entreprendre ? vous voilà bien agitée !
ELLIMAC.
Nous partons !
M"-» ELLIANAC.
Vous partez!
ELLIMAC.
Nous partons, ma mère!
M"" ELLIANAC.
Mais je n'ai pas envie de quitter Paris, je m'y trouve fort
bien ; surtout si , comme je le soupçonne , c'est pour aller
rejoindre votre pâle amoureux. Je vous le répète, Ellimac,
votre conduite est impardonnable , vous manquez à ce que
vous me devez et à ce que vous devez à vous-même. Ce ma-
riage ne nous convient en aucune façon , ce jeune homme n'a
pas assez de fortune ! Et puis il a des idées , des idées si
étranges sur les femmes! Tenez , vous êtes folle , trois fois
folle, pardonnez-moi de vous le dire, et même niaise , avec
tout votre esprit et tout votre talent. On n"a jamais vu
d'exemple d'un tel choix, ni d'une telle manie d'épousailles.
Je pensais pourtant que la société brillante que vous voyez
habituellement ici vous avait un peu remise sur la voie du
bon sens ; mais il paraît que vos caprices sont des fièvres in-
termittentes, et que voilà l'accès revenu.
ELLIMAC (s'inelinant avec un respect ex-igéré).
Ma respectable mère , vous êtes sublime ! Je ne dirai pas
que vous improvisez à merveille, car c'est, j'en suis sûre,
pour préparer ce sermon que vous m'avez tant fait attendre!
N'importe , l'éloquence a son prix. Mais vous prêchiez une
convertie. Or donc, nous partons; nous allons à Euphonia; je
chante à la fête de Gluck ; je ne pense plus à Xilef; nous
changeons de nom i)our nous mettre , dans le premier mo-
ment, à l'abri de ses poursuites; je m'appelle Nadira, vous
vous nommez ma tante Essam ; je passe pour une débutante
autrichienne , et le grand Rotceh me prend sous sa protec-
tion ; j'ai un succès fou ; je tourne toutes les têtes ; pour le
reste. . . qui vivra verra.
M"" ELLIANAC.
Ah ! mon Dieu , bénissez-la! je retrouve ma fille. Enfin la
raison... embrasse-moi, ma toute belle. Ah! j'étouffe de joie!
plus de ces sottes opinions sur de prétendues promesses! à la
bonne heure ! Oui , partons. Et ce petit niais de Xilef qui se
permettait de songer à mon Ellmiac et de vouloir me l'enle-
ver. Ah ! que j'aie an moins le plaisir de lui signifier son
congé ; à cet éjwuseur ; c'est moi que cela regarde , etje vais. ..
Morveux! une cantatrice de ce talent et si belle! Oui, mon
DE PARIS.
93
garçon, elle est pour toi, va, compte là-dessus. En dix lignes
je le congédie; dans deux heures nos malles sont faites, notre
navire de poste est prêt , et demain à Euphonia où nous
triomphons pendant que le petit monsieur nous poursuivra
dans la direction contraire. Ah ! je vais lui donner des nœuds
à filer. ( M"' Ellianac sort en soufflant comme une baleine et
en faisant des signes de croix.)
EÉRISED(qui esl rentrée depuis quelques instants'.
Vous le quittez donc, madame?
ELLIMAG.
Oui , c'est fini.
EÉRISED.
O mon Dieu , il vous aime tant , et il comptait tant sur
vous! Vous ne l'aimez donc plus , plus du tout?
ELLIMAC.
Non.
EÉRISED.
Cela me fait fait peur. Il arrivera quelque malheur , il se
tuera , madame.
ELLIMAG.
Bah!
EÉRISED.
Il se tuera , cela est sûr !
ELI.IMAC.
Assez, voyons!
EÉRISED.
Pauvre jeune homme !
ELLIMAG.
Ah çà, vous tairez-vous, idiote? Allez rejoindre ma mère
et l'aider à faire nos préparatifs de départ. Et pas de ré-
flexions , je vous prie , si vous tenez à rester à mon service.
(Eérised sort.)
ELLI.MAG (seule).
Il se tuera!... ne dirait-on pas quejesuis obhgée... D'ail-
leurs est-ce ma faute... si je ne l'aime plus!
Elle se met au piano et vocalise pendant quelques minu-
tes; puis ses doigts, courant sur le clavier, reproduisent le
thème delà première symphonie de Rotceh qu'elle a enten-
due six mois auparavant. Et elle murmure en jouant: « Réel-
lement c'est beau cela ! il y a dans cette mélodie quelque
chose de si élégamment tendre, de si capricieusement pas-
sionné!... » Elle s'arrête... Long silence... Elle reprend le
thème symphonique: « Rotceh est un homme à part!... dif-
» férent des autres hommes... par son génie, son carac-
» tère (jouant toujours) et le mystère de sa vie... (elle
» prend le mode mineur) il ne m'aimera jamais, au dire de
» Xilef ! >' Le thème reparaît fugué , disloqué , brisé. Cres-
cendo. Explosion dans le mode majeur. Ellimac s'approche
d'une glace, arrange ses cheveux en fredonnant les premières
mesures du thème de la symphonie... Nouveau silence. Elle
aperçoit la lettre du baron qui contient un cheval dessiné au
trait ; elle prend une plume , trace sur le col de l'animal une
bride flottante, et sonne. Un domestique en livrée paraît :
Vous rendrez ceci au baron , lui dit-elle , c'est ma réponse.
(A part.) Il est assez bête pour ne pas la comprendre.
EÉRISED (entrant).
Madame, tout est prêt.
ELLIMAG.
Ma mère a-t-elle écrit à... ?
EÉRISED.
Oui , madame , je viens de porter sa lettre à la poste d'I-
talie.
EI-LIMAC.
Montez toutes les deux dans le navire , je vous suis. » La
femme de chambre s'éloigne. Ellimac va s'asseoir sur un ca-
napé, croise ses bras sur sa poitrine et demeure un instant
absorbée dans ses pensées. Elle baisse la tête , un impercep-
tible soupir s'échappe de ses lèvres, une légère rougeur vient
colorer ses joues; enfin saisissant ses gants, elle se lève et sort
en disant avec un geste de mauvaise humeur : « Eh ! ma foi ,
qu'il s'arrange ! »
H. Berlioz.
(£a suite au prochain numéro.)
SUR
XES CONCERTS SE IiA SEMAISTE.
lions ! en véritable inspecteur aux revues musi-
cales, jetons nos regards scrutateurs dans les
rangs de la grande armée instrumentale et vocale,
dont les lignes occupent en ce moment les salons
de Paris. Des divisions de théoriciens , de pro-
fesseurs , de compositeurs , de virtuoses instrumentistes et
chanteurs opèrent avec une égale dextérité concertante , et
dans les principes de la stratégie harmonique, sur les oreilles
et le système physiologique de toutes les classes de la société.
M. Rigel, qui vient de publier un quatuor pour deux vio-
lons, alto et basse, œuvre de conscience et d'un excellent style,
a fait exécuter, un de ces jours passés, aux concerts Yivienne,
une belle ouverture également de sa composition , qui a été
appréciée par les amateurs de la bonne et sérieuse musique,
et qui est faite pour maintenir M. Rigel au rang des compo-
siteurs classiques, espèce d'artiste qui dégénère tous les
jours.
Le cours en trois séances auquel M. Alexis Garaudé a con-
vié les amateurs de chant a beaucoup plu aux nombreux
auditeurs qu'il avait attirés, et dont il a captivé l'attention par
la substance et la concision de ses préceptes, qualités rares
dans l'enseignement. Tout professeur trônant dans une chaire
est verbeux, abondant en définitions, sans pour cela être plus
clair. Le professeur expérimenté que nous citons ici, sachant
combien l'exemple ajoute de force au précepte, a fait appuyer
ses leçons sur l'art vocal de phrases , de morceaux exécutés
par nos plus habiles artistes , qui ont révélé ainsi tous les se-
crets physiologiques et artistiques de la voix ; la classification
de ses différents registres ; les moyens de bien phraser et
d'arriver ainsi par un travail mécanique et d'analyse à l'ex-
pression , à posséder enfin ce je ne sais quoi qu'on appelle
l'âme musicale. M. de Garaudé va participer au grand œuvre
delà décentralisation musicale, en portant dans les princi-
pales villes de nos départements sa méthode orale et simul-
tanément appliquée : elle y obtiendra sans doute le même
succès qu'à Paris.
Et puisque nous en sommes sur le chapitre de l'enseigne-
ment, nous devons citer M. Bodln, le professeur de piano ,
dont la patience et l'excellent mode d'enseignement obtien-
nent de bons et nombreux résultats. On a été à même de les
apprécier dans la matinée musicale qu'il a donnée chez lui , où
l'on a entendu ses élèves, puis après. M"" Pierson-Bodin ,
MM. Cuvillon et Lée, qui ont exécuté un fort beau trio de
jyjms Farrenc pour piano, violon et violoncelle, œuvre de con-
science et d'art, œuvre inspirée, dans laquelle les idées scien-
tifiques se fondent dans les Idées mélodiques les plus gra-
cieuses avec un bonheur qu'on ne rencontre que lorsqu'on
94
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
est profondément versé dans le grand art d'écrire comme
M°"= Farrenc.
Un public à manières aristocratiques , choyé , placé avec
toutes sortes d'égards , entourait il y a quelques jours , chez
Pleyel , l'estrade de la publicité, sur laquelle paraissait pour la
première fois, que nous sachions, une jeune cantatrice peu
connue dans le monde musical, M"= Jenny Rossignon. Nous
avions envie de laisser subsister 1'/ au lieu de l'n qui termine ce
nom, et que nos imprimeurs avaient mis là par mégarde, celte
erreur nous offrant d'ailleurs l'occasion de dire avec une galan-
terie typographique et toute française que la bénéficiaire avait
chanté comme son homonyme ailé; mais assez mal placé, re-
légué au bout de la salle par ce que les donneurs de concerts
appellent — Dieu le leur pardonne ! ' — un billet de faveur,
nous nous bornerons à dire que M'" Rossignon a chanté
d'une façon gracieuse , et en l'accompagnant d'un joli petit
sourire, l'air dit de la Prise de Jéricho, de Mozart, cet air si
noble et si plein de mélancolie : Eh! pourquoi me faire un
crime d' avoir plaint des malheureux? La bénéficiaire^a éga-
lement dit avec une gentillesse vocale mieux appropriée au
sujet , et secondée de son professeur Ponchard , un duo de
Valeniin par Berton. M"° Veny s'est distinguée dans ce con-
cert en jouant avec son père et M. Coken un trio pour piano,
hautbois et basson sur des thèmes de VElisire d'amore , dans
lequel M. Schad , l'habile pianiste , qui doit donner un con-
cert dans quelques jours , a intercallé uï\e variation pour le
piano du plus brillant effet.
Parlez-moi d'un concert sans façon tel que celui qu'a
offert à ses amis et connaissances un des jours de la semaine
passée la famille Beaucé , dans la jolie petite salle Moreau-
Sainti, rue de la Tour-d'Auvergne. Il s'agissait là d'une pe-
tite émission vocale et instrumentale toute de confiance, faite
comme qui dirait en famille. Le programme n'a pas été men-
teur , décevant comme tout programme politique , ou inter-
verti, et bouleversé comme ceux de plusieurs concerts, at-
tendu qu'il n'y en avait point. La séance a été ouverte
par un tout jeune Beaucé qui joue du violon et chante des
chansonnettes comme un virtuose fini , et qui a toutes les
quaUtés requises pour faire un enfant célèbre par l'aplomb
et la gesticulation. M"" Beaucé, probablement ses sœurs,
sont deux jeunes cantatrices intéressantes et fort agréables à
voir. L'une possède une voix de soprano un peu pâle , mais
dont elle se sert avec beaucoup d'agilité , et l'autre une voix
de mezzo-contralto mieux timbrée, plus caractérisée et dont
elle se sert également avec adresse et talent. Somme toute, ce
sont deux charmantes cantatrices ayant une bonne méthode
de chant, et qui n'ont qu'à suivre, pour être appréciées à leur
juste valeur et obtenir de la réputation qu'elles méritent , la
voie de la publicité , et faire retentir la voix de cette même
publicité en se produisant plus souvent en public.
M"" Sabatier, dont le gracieux talent, à peine à son aurore
— qu'on nous pardonne cette image quelque peu surannée ,
— a déjà conquis les sympathies de toutes les classes de la
société , a donné son concert samedi , 9 mars , dans la salle
de Herz ; et , bien qu'elle n'ait chanté que ce qu'elle chante
dans tous les concerts , elle a été applaudie par le nombreux
public qui était accouru à son invitation , comme s'il enten-
dait pour la première fois les morceaux qu'elle dit de sa jolie
et fraîche voix. Avec M"" Capdeville , qui s'est fait remarquer
aussi dans cette soirée par sa méthode pure et sa voix expres-
sive, en chantant un air italien, on peut citer M. Revial,
qui nous a dit d'une voix touchante, pure, expressive, une
scène intitulée : les Adieux de David a sa harpe , et M. La-
combe, qui a exécuté sur le piano, d'une manière irrépro-
chable, une jwnance , une 2^olonaise el le Torrent (har-
monie) , qui est plutôt un torrent de mélodie et de traits,
aussi difficiles que brillants.
L'Association des fabricants et artisans pour l'adoption
des or])helins des deux sexes , société estimable , fondée en
1839 , a consacré une soirée musicale au bénéfice de ses pe-
tits protégés. Au nombre des artistes qui se sont joints à cette
bonne œuvre , en prêtant le concours de leurs talents , il faut
citer MM. Triebert , Jancourt , de Courcelles, Aumont,
M°'° Iwens d'Hennin , qui a chanté de sa voix passionnée ,
M"" Elisa Christiani, qui n'a pas moins bien chanté sur le vio-
loncelle , et M"" Louise Guénée, qui a chanté aussi bien que
toutes les deux la fantaisie de Prudent, sur la Lucia , pour le
piano. Netteté , phrasé distingué, rectitude et abandon qui va
presque jusqu'à la sensibihté vraie, profonde et convaincue
dans la mélodie , telles sont les qualités, sinon nouvellement
acquises, du moins plus développées dans ce concert par
M"' Guénée, cette pianiste si distinguée que les nombreux
amateurs de piano désireraient entendre plus souvent.
M. Sudre a donné , dans la salle Herz , sa séance annuelle
de téléphonie ou télégraphie acoustique , avec ses expériences
de la langue musicale qui peut servir aux sourds-muets et aux
aveugles , qui est enfin une langue universelle. Tout cela est
fort curieux , et peut être même d'une haute utilité po,ur
donner des signaux en cas de guerre maritime ou de terre ,
ainsi que l'ont déjà constaté diverses commissions nommées
par le gouvernement. M. Sudre a pour interprète de la langue
pittoresque qu'il a créée M"' Joséphine Hugo, cantatrice
agréable , dramatique même , à prononciation un peu trop
feripe toutefois, et qui a traduit, qui a lu même avec une
exactitude vraiment surprenante, quoi qu'elle eût un ban-
deau sur les yeux, ces mots que nous avions tracés sur le ta-
bleau noir , pour rendre justice à la belle invention de son
professeur : De l'Epée, Sicard et Sudre, bieiifaiteurs de
l'humanité.
Et puisque nous en sommes sur les découvertes musicales,
c'est le cas de rendre justice ici à l'un de nos meilleurs fac-
teurs de pianos , M. Pape ,^qui est pour ainsi dire un diction-
naire vivant d'inventions appliquées ail perfectionnemeiit de
cet instrument, devenu un vrai besoin social. Dans une soi-
rée musicale que cet habile industriel a donnée chez lui di-
manche dernier, et dans laquelle on a entendu plusieurs ar-
tistes en renom, MM. Rosenhaia, AYolff, Osborne et Pixis
ont exécuté une grande fantaisie sur les Huguenots, à huit
mains, pour deux pianos, composée par le dernier de ces
compositeurs-pianistes. Ce morceau a produit le plus grand
efïet, par la manière dont il est écrit , par la brillante exécu-
tion de ces habiles interprètes, mais surtout par les effets de
sonorités nouvelles des pianos à huit octaves, dont M. Pape
vient d'enrichir le monde musical. Les cordes graves de ce
nouveau clavier vibrent bien , les sons n'en sont point vagues
ou confus, l'intonation en est positive et nette , et les notes à
l'aigu ont un son aérien des plus doux. Enfin on peut dire
que le piano à huit octaves est orchestral et symphonique , et
qu'il n'a point de rival parmi les instruments harmoniques.
En rendant compte du concert de M"° Krinitz , nous avons
oublié de parler de M"'" Capdeville ; mais on n'aime pas répé-
ter toujours la même chose, et cependant on est toujours
obligé de dire que M"'' Capdeville est une cantatrice déli-
cieuse et belle, et que sa place est marquée à l'Opéra.
M"" Polmartin a donné cette semaine, chez elle, sa matinée
annuelle et de musique intime , si l'on peut nommer ainsi
cette séance dans laquelle une foule d'amateurs se pressent
dans l'appartement de cette pianiste au style pur, élégant et
DE PARIS.
95;
gentil , qui ne fait jamais entendre à son auditoire que de
la bonne musique. Elle a dit avec MM. Bessems, Hamel et
Cossman le grand quatuor , œuvre 5 de Weber ; la sonate-
fantaisie, œuvre 27 de Beethoven , plus, une grande fantaisie
sur des motifs de Guillaume Tell, par Doehler, et tout cela
bien dans la manière de chaque auteur, avec ce fini précieux,
cette grâce facile, cette conscience musicale, qui remplacent
pour beaucoup d'auditeurs la verve , la fougue et la poésie,
que dans les arts il faut laisser au sexe masculin.
Secondé par deux guitaristes de l'antique Ibérie , MM. Are-
nas et Cièhra, par M"' Iwens d'Hennin, l'infatigable et im-
pressionnable cantatrice de concert, par M"° Blanche Mari-
cot, la jolie et blanche pianiste qu'on éprouve autant de plaisir
à écouter qu'à regarder, M. Gold, jeune violoniste russe de
beaucoup de talent, s'est fait entendre mardi pas é dans la
salle Moreau-Sainti. Nous prédisons un bel et richce avenir
d'artiste à M. Gold, s'il parvient jamais h chanter aussi bien
sur sou instrument, à dire aussi simplement la mélodie , qu'il
déploie d'audace et d'adresse à se tirer d'inextricables diffi-
cultés : il a obtenu du succès.
M. et i>l""= Coche ont concerté conjugalement mercredi,
chez Pleyel, et se sont fait justement applaudir; le chef de
la communauté en jouant de fort jobs morceaux de flûte , et
M°'° Coche en disant, comme un professeur du Conservatoire ,
d'excellente musique de piano : c'est-à-dire qu'à l'aplomb
d'une bonne musicienne, elle joint la précision, la grâce et
le brillant d'une soliste qui ne quitte pas l'estrade de la pu-
bhcité.
Autre pianiste du genre féminin qui a donné aussi une
brillante soirée musicale dans la salle Herz. M"° Eugénie
Korn est déjà connue des amateurs de concerts, qui se por-
tent enfouie à celui que cette jeune artiste donne annuelle-
ment. La séance s'est ouverte par un nouveau trio de Mayse-
der pour piano , violon et violoncelle , d'un beau caractère, et
qui a été dit avec un ensemble parfait par la bénéficiaire ,
MM. Léopold Dancla et Offenbach. Ce morceau , d'un style
remarquable, et qui n'avait pas encore été joué en public à Pa-
ris, a disposé favorablement les amateurs de nouvelle musique,
à qui l'on en donne si peu dans les concerts. M"= Korna fait
des progrès depuis l'année passée ; elle sent mieux la musique :
c'est toujours la pianiste au^touché net, brillant, qui se colore
maintenant , et qui finira par impressionner le public, der-
nier terme du talent pour l'artiste qui joue du piano.
Si M. Charles de Lisle n'en est pas tout-à-fait là encore,
il pourra y parvenir, car il est jeune et il a de l'ardeur, et il
a de la persévérance , et il est animé d'un grand amour de
l'art. Tant mieux, car il en faut beaucoup pour venir grossir
le nombre des artistes surtout qui exploitent le piano. M. de
Lisle a exécuté un morceau de Prudent avec talent, ainsi
qu'une jolie mélodie de M. Jacques Herz , son maître, dans le
concert qu'il a donné jeudi dernier dans la salle de M. Henri
Herz.
Le même jour, M. Van Nuffel, le producteur infatigable
de bonnes pianistes , a fait entendre une partie de ses char-
mantes élèves dans ses salons, et l'on a pu se convaincre des
excellents résultats de son mode d'enseignement.
Quelques jours auparavant, M. Érard, ainsi que nous
l'avons dit en quelques mots dans le dernier numéro de la
Gazette musicale, avait donné dans ses vastes salons une de
ces soirées splendides dans lesquelles il se plaît à réunir fas-
tueusement l'industrie , les arts et la noblesse , fusion dont
il résulte une société à physionomie originale , piquante et
des plus agréables. Là aussi on a encore entendu un pianiste
sur de beaux et bons pianos, mais un pianiste exceptionnel,
un pianiste vif , léger, expressif, pittoresque, limpide et bril-
lant, Doehler enfin; et puis Batta, chantant sur son violon-
celle un air de la Juive,, disant les frémissements paternels
d'Éléazar par la pression de son cachet , ayant des larmes- au
bout de chaque doigt; et puis Lablache avec sa verveuse
gaieté, et Balfe, et; Nissem nons berçant de leur enivrante
musique italienne. Tout cela faisait de cette brillante réunion
une de ces fêtes féeriques de la pompeuse Venise au temps de
son aristocratie répubhcaine, ou bien nous retraçait une de
ces nuits délicieuses où les Médicis , eux aussi qui avaient été
des industriels , conviaient toutes les aristocraties intellec-
tuelles de la belle Florence sur les bords enchantés de l'Arno.
Henri Blanchard.
Londres, le 12 mars 1844.
Le Théâtre Italien a ouvert avec un grand succès; mais malgré
cela nous regrettons que le prospectus ne nous laisse pas la perspec-
tive, de voir le vieux répertoire ravivé. On attend avec anxiété l'ar-
rivée des premiers artistes, que Paris retiendra jusqu'au 30 mars
Duprez, le grand ténor, le grand artiste , a débuté dans Guil-
laume Tell, mardi, à Drury-Lane , et malgré la série d'incidents
défavorables qui l'ont accompagné , il n'en a pas moins obtenu un
triomphe extraordinaire ; et son succès ne fera que grandir au fur
et à mesure de ses représentations. M. Lefler n'a pu, faute de moyens
sufflsanls, égaler miss Romer, qui, électrisée par le grand chanteur,
a été constamment au dessus de son talent dans le rôle de Mathilde.
L'orchestre, parfaitement dirigé par BenedicI, a grandement contri-
bué à la solennité de la représentation. L'administration est ap-
pelée à de belles recettes et trouvera une juste récompense aux dé-
penses énormes qu'elle fait pour satisfaire son public.
La bal masqué donné par Julien a élé magnifique; mais l'afduence
était si grande que l'on ne formait qu'à grand peine les quadilles.
Julien avait déployé un luxe de décoration extraordinaire. Jamais
Covent-Garden n'avait vu une fête si brillante. Tout ce que les
juifs de Londres ont pu fournir de costumes de fantaisie ou étran-
gers a été endossé par unel foule de jeune gens à la mode. Le sou-
per servi dans le foyer a été aussi animé que les amants qui s'y
étaient donné rendez-vous Cette fête , toute française par sa forme,
et qui ne laissera que le désir de la revoir avant la fin de la saison,
a fini avec l'arrivée du jour.
— Le Mariage'de raison, traduit pour Haymarket-Theatre, vient
d'y obtenir un grand succès.
— Achard termine cette semaine son engagement au Théâtre
Français. Madame Albert a débuté hier avec succès. Le public aime
beaucoup cette actrice,
MUSIQUE DES VOISINS.
3>essin de Gavarnî,
La Gazette musicale avait déjà traité , dans un chapi,tre
ex professa, de la Musique des Voisines; cette fois Gavarni
aborde le chapitre de la Musique des Voisins; son ingénieux
dessin pouvait être intitulé : Flageolet et Clarinette; mais
cela eût eu l'air de vouloir rappeler le fameux opéra de Pigeon
vole, qui avait pour second titre Flûte et Poignard. Con-
naissez-vous rien de 'plus naturel, de plus simple, de plus
vrai , que la figure , la tournure et le dialogue des deux inter-
locuteurs? Bientôt la Gazette musicale vous donnera la phy-
siologie d'une autre espèce de musique non encore explorée,
et qui lui a demandé de profondes études : la Musique des
Etudiants !.'.'
96
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
XTOUTEIalaES.
*,* Demain lundi à l'Opéra , lady Henrielle, ballet en trois actes >
précédé du Siège de Corinlhe.
V On a repris le Siège de Corinlhe, le premier des ouvrages ar-
rangés par Rossini pour la scène française. Massol est le seul artiste
qui ait reparu dans le rôle originairement créé par lui. Levasseur
avait déjà remplacé Dérivis lors d'une précédente reprise. Octave,
Brémont et M"' Dobré étaient entièrement nouveaux. On doit des
éloges à leurs efforts et au talent qu'ils ont déployé dans l'exécution
de cet ouvrage, qui, sans être au rang des chefs-d'œuvre de l'au-
teur, n'en porte pas moins l'empreinte d'un puissant et fécond génie.
*," M. Menghisa débuté dans Charles ^/ par le rôle du Dauphin.
Sa voix offre des qualités remarquables accompagnées de défauts
que le travail n'a pas encore fait disparaître. Il y a dans son chant
beaucoup d'inégalité, d'inexpérience; mais il y a souvent aussi du
charme et de l'expression. Pour le juger, d'autres épreuves sont né-
cessaires. Du reste, Barroilhet et M"" Stollz ont joué et chanté,
comme de coutume, les beaux rôles de Charles V( et d'Odette.
M""= Dorus-Gras n'a jamais dit avec plus d'art et d'éclat celui d'Isa-
belle : aussi la représentation a-t-elle été pleinement satisfaisante,
et ce grand ouvrage a-t-il produit tout son effet.
*,* La Polka va bientôt faire son début public et solennel à l'O-
péra dans un divertissement composé de plusieurs danses exotiques.
*.* Un accident grave est arrivé à M. Habeneck, l'habile chef
d'orchestre de l'Opéra, au moment où , remis d'une indisposition
assez longue , il venait de rentrer dans l'exercice de ses fonctions.
Samedi , 9 mars , en se rendant du théâtre à l'orchestre pour la rè-
pétiiion de Charles F'I , dans lequel devait débuter M. Menghis , il
est tombé dans un escalier étroit et obscur. Le résultat de cette
chute a été une fracture au poignet droit, une foulure au gauche et
une blessure à la bouche. On doit se féliciter de ce que les suites
n'en aient pas été plus terribles. L'état du blessé s'améliore de jour
en jour. Bientôt il pourra sortir, et avant un mois il pourra re-
prendre son poste, qu'en attendant M. Battu continue à remplir
avec autant de zèle que de talent.
•/Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, au Théâtre-Ita-
lien , représentation au bénclicc de Salvi.
",* M"' Nissen n'est pas réengagée pour la saison prochaine ; elle
doit partir, dit-on , pour l'Ilalie.
*,* Le maestro Ricci, auteur de Corrado d'AUamera , vient de
partir pour Trieste, où il va prendre la direction du Teairo-Grande,
en l'absence de son frère Luigi , qui se rend à Odessa pour mettre
un de ses opéras en scène.
",•' La recette du bal donné samedi , 9 mars , dans la salle de l'O-
péra-Comique , au profit de la caisse de l'association des artistes
dramatiques , fondée et présidée , comme celle de l'association des
anistes-musiciens, par M. le baron Taylor, s'est élevée à 33,000 fr.
•,• Mardi dernier, il y avait foule d'artistes et de gens de monde,
amis des arts, dans les salons de Zimmerman. L'objet principal
do la réunion , c'était d'entendre des fragments de musique sacrée ,
composés par l'un de nos chanteurs les plus célèbres , Géraidy. Un
Kijrie , un Agnux , un O Salularis et un Ave Maria ont été succes-
sivement chantés par l'auteur, Octave, de l'Opéra, MM. Tagliafico et
Segond. L'effet général de l'œuvre a été très heureux. Si ce n'est pas,
quant au sentiment et à la forme, de la musique vraiment reli-
gieuse, c'est toujours de la musique mélodieuse, doucement em-
preinte de tendresse et de mélancolie. Dans la même soirée,
M. Alkan, l'habile pianiste, a exécuté plusieurs de ses études et une
saltarclle délicieuse , dont la composition , non moins que l'exécu-
tion , révèle la main du maître. M"'^ Nissen et Calfe ont de plus
chanté quelques morceaux pour compléter la soirée , à laquelle,
comme en le voit, le talent ne manquait pas.
*,* La mort de M""^ Piossi-Caccia a été heureusement démentie par
un voyageur qui n'a quitté Lisbonne que le 20 février, et qui a
laissé la cantatrice dans le cours de ses brillants succès.
*," M. Berlioz donnera au théâtre de l'Opcra-Comique, le sa-
medi-saint, G avril, un grand concert spirituel dont le programme,
que nous publierons plus tard, est de nature à exciter vivement
l'intérêt et la curiosité du public. Ce qu'on apprendra avec plaisir,
c'est que la belle ouverture exécutée avec un si éclatant succès à
son dernier concert fera partie de ce programme.
*," Voici le programme du concert que M. Doehier donnera, le
31 mars à deux heures, dans la salle d'Érard. 1. Duo de Beethoven
en ut mineur, par MM. Alard , Seligmann et Doehier. 2. Rondeau
final de /o <S'o»ii;am/i(i/a , chanté par M""^ Castellan. 3. Adieu! de
Schubert; la Dispute, grande élude de Doehier. 4. Romance chantée
par Ronconi. 5. Fantaisie (Inédite) sur Sappho , de Doehier. G. L'ul-
timo sospiro , la Zingara . mélodie italienne de Doehier, chantée par
M""' Castellan. 7. Solo de violoncelle , de Seligmann. 8. Ali'.m' odi ,
Il Gandoliere fortunato , deux romances de Doehier, chantées par
M">= Castellan. 9. Andanle et tarentelle , de Doehier. Le nom de
l'artiste et le choix des morceaux justifient l'empressement du public
d'amateurs à ce concert.
*/ Ed. -H. Lindsay Slopcr, pianiste , donnera un concert dans la
salle Erard , le 26 mars , à deux heures.
",* Une famille anglaise fort inléressante , composée de M. Delisles
père et de ses quatre fils, donnera un concert dans la salle de M. Herz
le 26mars.Cfs messieurs exécutent avec une perfection et une justesse
rares des morceaux d'opéras , tels que Roben-le- Diable , Lucie et i
Piiritani , sur des instruments en cuivre perfectionnés par M. Sax ,
le fadeur le plus habile que nous possédions.
V Au concert de M. Guttmann, qui aura lieu demain lundi,
18 mars , on entendra MM. Alard , Seligmann et M""' Capdeville.
M. Adolphe Guttmann, jeune pianiste et compositeur d'un talent si
fin et si distingué, fera entendre son deuxième trio [ut mineur) des
fantaisies sur des motifs du Freyscliûiz et d'Oberon , un nocturne et
des études de sa composition.
*,* Composition musicale. — Premier essai : entrée en loges le
23 mars, sortie le 29, jugement le 30. Concours définitif : entrée
en loges le 5 avril , sortie le 30 , jugement préparatoire le 30 mai,
jugement définitif le 1"' juin.
',' Un de nos abonnés d'Italie nous écrit pour nous demander si
le Carnaval de f-^enise lie M. Ernst est le même ouvrage que celui qu'il
possède de Paganini. Nous^prions cet abonné de se procurer l'ouvrage
de M. Ernst, publié depuis quelques jours, et il s'assurera qu'il n'y
a que le thbnie qui soit commun à l'une et l'autre fantaisie.
Cltroniqiie dépai-teBt&esïtalle.
*,* Marseille. — La Reine de Chypre commence une série de
vogue bien prononcée. Les quatie premières représentations ont
produit 14,000 fr., et l'on s'est vu forcé de rendre l'argent aux bu-
reaux pour des billets de toutes places.
*,' Lille. — On a donné le Dom Sébastien , mis en scène avec un
luxe de décors et de costumes peu accoutumé chez nous; cet ou-
vrage a obtenu du succès dès la première représentation.
A VENDRE AUX ENCHERES, le 30 mars, à
midi, en l'étude de M" Outrcboii , notaire, à Paris', rue St-
Honoré, 354, uu FOiVDS D'ÉDITELK, suai-cliainal de
M iisifgue , avec mobilier et marchandises le garnissant, sis
à Paris, rue Neuve-Luxembourg, 10, en face l'Assomption.
Mise h prix : 8,000 fr.
CONCERTS AlSSSOtSCXS.
2 heures. M. Javault. Salle Duport.
2 — MM. Alard et Dorus. Salle Herz.
» — MM. Déja/et et Bessems. Salle Souffletot.
2 — M"' Duvillard. Salle Pieyel.
Société des concerts de musique vocale, sous
la présidence de M. le prince de la Moskowa.
Salle Herz.
M. Guttmann. Salle Érard.
M"' Loveday. Salle Herz.
M. Schad. Salle Érard.
M. Doehier. Salle Érard.
M. Ch. Halle. Salle Érard.
M">' Bonnias. Salle Pleycl.
M°" Th. Wartel. Salle Delsarle.
M. Lacombe. Salle Érard.
M. Delisles et ses quatre fils. Salle Herz.
M"«Stœpel. Salle Érard.
M. Osborne. Salle de l'Ecole lyrique.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maubice SCHLESINGER.
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Imprimerie de BOURGOGNE et MARTINET, 30, rue Ja«ob.
Pour Paris : un an , 30 fr. ; six
15 fr. — Annonces : 50 c. la ligne de 28 lettres — Départements : un an , 34 fr. Étranger, 38 fir.
GAZEHE MUSICALE
BËDIGÉB tkn
MM. ANDERS, G. BÉNÉDIT, BERLIOZ|, Henbi BLANCHARD,
MAUBICE BOURGES, F. DANJOU, DUESBERG, FÉTIS père, Édodabd FÉTIS, Stepben HELLER, J. JAMN,
G. KASTNER , LISZT, J. MEIERED , GEOBGE SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
JPaÊ'aiaaant toua Mea MUtnane/iea.
IL SERA JOINT A CHAQUE NimiÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVABNI.
Le i" et le 15 de chaque mois on recevra un morceau de miisiqae»
SOMMAIRE. Euphonia , ou la Ville musicale (suite) ; par U. BER-
LIOZ. — Les Luttes du compositeur; par J.MEIFRED.— Pianos
de M. Pape ; par FÉTIS père. — Coup d'oeil musical sur les con-
certs de la semaine ; par H. BLANCHARD. — Revue critique ; par
G. KASTNER. — École du violon ; par H. BLANCHARD.— Cor-
respondance particulière: Lyon. Londres. — Nouvelles. — Annonces.
LA TROMPE. Dessin de Gavarni.
^^â> 536^3^
9
ou
LA VILLE MUSICALE.
(Suite 1.)
ROTCEH A XILEF.
Euphonia, 6 juillet 2344.
oici , mon cher et
triste ami, la charte
musicale et la des-
cription d'Eupho-
nia. Ces documents
sont incomplets
sous quelques rapports; mais tes loisirs
forcés te permettront de revoir mon ra-
pide travail , et si tu veux consulter tes
souvenirs, tu pourras, sans trop de peine,
le rendre complet sous tous les rapports. Je
] ne pouvais l'envoyer simplement le texte de
nos règlements de police musicale ; il fallait
par une description succincte , mais exacte ,
donner à tes académiciens de Sicile une idée
approximative de notre harmonieuse cité ; il m'a
donc fallu prendre la plume et portraire Euphonia
tant bien que mal. Mais tu excuseras les incor-
(1) La reproduction de cette nouvelle est interdite. — Voir les
numéros 7, 8, 9 et 11.
rections et Vinfaii (le non fini) de mon œuvre, en appre-
nant les étranges émotions qui depuis quelques jours ont si
violemment troublé ma vie. Chargé , comme tu sais , de la
direction de la fête de Gluck, j'ai dû composer l'hymne des-
tinée à être chantée autour du temple. Il m'a fallu surveiller
les répétitions du premier acte d'Alceste qu'on a exécuté dans
le palais thessalien , présider aux études des chœurs de mon
hymne et te remplacer, en outre , dans l'administration des
instruments à cordes. Mais c'est peu ; les noires préoccupa-
tions, les cruels souvenirs, le découragement profond oii
m'ont plongé d'anciens et incurables chagrins ont au moins ,
en le dégageant de toute influence passionnée , donné à mon
caractère cette gravité calme qui, loin d'enchaîner l'activité,
la seconde au contraire , et dont tu es malheureusement si
dépourvu. C'est la souffrance qui paralyse nos facultés d'ar-
tiste , c'est elle seule qui par sa brûlante étreinte arrête les
plus nobles élans de notre cœur , c'est elle qui nous éteint ,
nous pétrifie, nous rend fous et stupides. Mais j'étais exempt,
moi , tu le sais, de ces douleurs ardentes ; mon cœur et mes
sens étaient en repos , ils dormaient du sommeil de la mort ,
depuis que... la... blanche étoile a disparu de mon ciel...
et ma pensée et mon cerveau n'eu vivaient que mieux. Aussi
pouvais-je utiliser à peu près tout mon temps et l'employer
comme la raison d'art m'indiquait qu'il fallait le faire. Et je
n'y ai point manqué jusqu'ici , moins par amour de la
gloire que par amour du beau , vers lequel nous tendons in-
stinctivement tous les deux sans aucune arrière-pensée de sa-
tisfaction orgueilleuse.
Ce qui m'a ému, troublé, ravagé ces jours derniers, ce
n'est pas la composition de mon hymne , ce ne sont pas les
acclamations dont notre population musicale l'a saluée , ni les
éloges du ministre, ce n'est pas la joie de l'empereur, que
ma musique , à en croire Sa Majesté , a transporté d'enthou-
siasme ; ce n'est, même pas l'effet vraiment très grand que
cette œuvre a produit sur moi , ce n'est rien de tout cela ;
BUREAUX D'ABONNEMENT, BUE RICHEI.IEU, 97.
EEVUE ET GAZETTE MUSICALE
il s'agit d'un événement bizarre, qui m'a frappé pins que je
ne croyais pouvoir être frappé d'aucune chose ^ et dont ï'iitt-
pression par malheur ne s'efface point.
Comme je respirais la fraîcheur du soir^ après nne longue
répétition , mollement couché dans mou petit navire , et re-
gardant, delà hauteur où je m'étais élevé, s'éteindre le jour,
j'entends sortir d'un nuage, dont je longeais les contours,
une voix de femme stridente , pure cependant, et dont l'agi-
lité extraordinaire , dont les élans capricieux et les charmantes
évolutions semblaient, en retentissant ainsi au milieu des
airs ,, être le chant de quelque oiseau merveilleux et invisible.
J'arrêtai soudain ma locomotive... Après quelques instants
d'attente , au travers des vapeurs empourprées par le soleil
couchant, je vis s'avancer un élégant ballon dont la marche
rapide se dirigeait vers Euphonia ; une jeune femme était de-
bout à l'avant du navire , seule et appuyée dans une pose ra-
vissante , sur une harpe dont , par intervalle , elle effleurait
les cordes avec sa main droite étiucelante de diamants.
Elle n'était pas seule, car d'autres femmes passèrent plu-
sieurs fois à l'intérieur devant les croisées du bord. Je crus
d'abord que c'étaient quelques unes de nos jeunes coryphées
de lame desSopraniqui venaient, comme moi, faire une pro-
menade aérienne; elle chantait, en l'ornant de toutes sortes
de folles vocalises, le thème de ma première symphonie , qni
n'est guère connue, pensais-je, que des Euphoniens. Mais
bientôt , en examinant de plus près la charmante créature
au brillant ramage , je dus reconnaître qu'elle n'était pomt
des nôtres, et que jamais encore elle n'avait paru à Euphonia.
Son regard , à la fois distrait et inspiré , m'étonna par la sin-
gularité de son expression , et je pensai tout de suite au mal-
heur de l'homme qui aimerait une telle femme sans en être
aimé. Puis je n'y songeai plus Les hautes cimes du Hartz
me dérobaient déjà la vue du soleil à l'horizon ; je fis monter
perpendiculairement mou navire de quelques centaines de
pieds pour revoir l'astre fugitif, et je le contemplai quelques
minutes encore , au milieu de ce silence extatique dont on
n'a pas d'idée sur la terre. Enfin , las de rêver et d'être seul
dans l'air, le vent d'ouest m'apponantles lointains accords de
la Tour qui sonnait l'hymne de la nuit, je descendis, ou plu-
tôt je fondis comme un trait sur mon pavillon, situé, comme
tu sais, hors des murs de la ville. J'y passai la nuit. Je dor-
mis mal ; vingt fois , en quelques heures , je revis en songe
cette belle étrangère appuyée sur sa harpe , sortant de son
nuage rose et or. Je rêvai même en dernier lieu que je la
maltraitais, que mes mauvais traitements, mes brutalités
l'avaient rendue horriblement malheureuse ; je la voyais à mes
pieds , brisée , en larmes , pendant qne je m'applaudissais
froidement d'avoir su dompter ce gracieux mais dangereux
animal. Étrange vision de mon âme, si éloignée de pareils sen-
timents ! ! ! A peine levé , j'allai m'asseoir au fond de mon
bosquet de rosiers, et, machinalement, sans avoir la con-
science de ce que je faisais, j'ouvris à deux battants les
portes de ma harpe éolienne. En un instant , des flots
d'harmonie innondèrent le jardin ; le crescendo , le foi'te , le
decrescendo , le pianissimo , se succédaient sans ordre au
souffle capricieux de la folle brise matinale. Je vibrais dou-
loureusement , et n'avais pas la moindre tentation cependant
de me dérober à cette souffrance en fermant les cloisons de
l'instrument méJancolique: Loin de là , je paraissais m'y com-
plaire , et immobile j'écoutais. Au moment où un conp de
vent , plus fort qne les précédents faisait sortir de la harpe ,
comme nn cri de donleur, l'accord de septième dominante,
et l'emportait gémissant à travers le bosquet, le hasard voulut
que du dtcrescendo sortît im arpège où se trouvait la sncces-
sioB mélodique des premières mesures du thème quej'avais
entendu chanter la veille à mon inconnue. Étonné de ce jeu
de la nature, j'ouvris les yeux que je tenais fermés depuis le
commencement du concert éolieu... Elle était debout devant
moi ; belle , puissante, souveraine , Deii ! Je me levai brus-
quement, a — Madame ! — Je suis heureuse , monsieur, de
me présenter à vous au moment où les esprits de l'air vous
adressent un si gracieux compliment; il vous disposera sans
doute à l'indulgence que je viens réclamer, et dont le grand
Piotceh , dit-on, n'est pas prodigue. — Qui a bien voulu , ma-
dame , venir si malin animer ma solitude? — Je me nomme
Nadira, je suis cantatrice , j'arrive de Vienne, je veux voir
la fêle de Gluck ; je désire y chanter, et je viens vous prier
de me donner place dans le programme. — Madame... —
Oh ! votts m'entendrez auparavant , c'est trop juste. — C'est
inutile , J'ai en déjà le plaisii- de vous entendre. — Et quand,
et où donc ? — Hier soir, au ciel. — Ah î c'était donc vous
« qui voguiez ainsi solitaire , et qne j'ai rencontré au sortir de
mon nuage, justement quand je chantais votre admirable
mélodie? Cette belle phrase était prédestinée sans doute à
servir d'introduction à nos deux premières entrevues. —
C'était moi. — Et vous m'avez entendue? — Je vous ai en-
tendue , je vous ai vue et admirée. — O ! mon Dieu , c'est
nn homme d'esprit , il va me persifler, et il faudra que j'ac-
cepte ses railleries pour des compliments ! — Dieu me garde
de railler, madame; vous êtes belle. — Encore! Oui, je
suis belle , et à votre avis je chante ? — Vous chantez. . . trop
bien. — Comment , trop bien? — Oui , madame ; à la fête de
Gluck le chant orné n'est point admis; le vôtre brille surtout
par la légèreté et la grâce des broderies, il ne saurait donc
figurer dans une cérémonie éminemment grandiose et épique.
— Ainsi vous me refusez ? — Hélas ! il le faut. — Oh ! c'est
incroyable , dit-elle en rougissant de colère et en arrachant
de sa tige une belle rose qu'elle froissa entre ses doigts. Je
m'adresserai au ministre... (je souris), à l'empereur. —
Madame , lui dis-je d'un accent fort calme , mais sérieux , le
minisire de la fête de Gluck , c'est moi ; l'empereur de la
fête de Gluck , c'est encore moi ; l'ordonnance de cette céré-
monie m'a été confiée , je la règle sans contrôle , j'en suis le
maître absolu ; et (la regardant avec la moitié de ma colère )
vous n'y chanterez pas. » Là-dessus la belle Nadira essuie en
tressaillant ses yeux , où le dépit avait amené quelques larmes,
et s'éloigne précipitamment.
Ma demi-colère dissipée, je ne pus m'empêcher de rire,
mais de rire aux éclats,- de la naïveté de celte jeune folle,
accoutumée sans doute à Vienne , au milieu de ses adora-
teurs, à tout voir plier devant ses caprices, et qui avait pensé
venir sans résistance détruire l'harmonie de notre fête et me
dicter ses volontés.
Pendant quelques jours je ne la revis point. La fête eut
heu. Alceste fut dignement exécutée ; après la représentation
les six mille voix du cirque chantèrent mon hymne , qne je
n'ai fait accompagner que par cent familles de clarinettes et
saxophones, cent autres de flûtes, quatre cents violoncelles
et trois cents harpes. L'effet, je te l'ai déjà dit , fut très grand.
L'orage des acclamations une fois calmé , l'empereur se leva
et me complimentant avec sa courtoisie ordinaire , voulut
bien me céder son droit de désigner la femme qui aurait
l'honneur de couronner la statue de Gluck. Nouveaux cris, et
applaudissements du peuple. En ce moment de radiemi en-
thousiasme , mes yeux tombèrent sur la belle Nadira , qui ,
d'une loge éloignée, attachait sur moi un regard humble et
attristé. Soudain l'attendrissement , h pitié , une sorte de re-
mords même , me saisirent au cœur, à l'aspect de la beauté
DE PARIS.ï
99
vaincue , éclipsée par l'art. Il me sembla que, vainqueur gé-
néreux , l'art devait maintenant rendre à la beauté une part
de sa glaire^ et je désignai Nadira, la frivole cantatrice vien-
noise , pour couronner le dieu de l'expression. L'étonnement
général ne peut se dépeindre; personne ne la connaissait.
Rougissant et pâlissant tour à tour, Nadira se lève , reçoit
des mains du prêtre de Gluck la couronne de fleurs, de
feuilles et d'épis , qu'elle doit déposer sur le front divin , s'a-
vance lentement dans le cirque, monte les degrés du temple,
et , parvenue au pied de la statue , se tourne vers le peuple
en faisant signe qu'elle veut parler. On se tait, on l'admire;
les femmes mêmes semblent frappées de son extrême beauté.
« Euphoniens , dit-elle , je vous suis inconnue. Hier encore
Je n'étais qu'une femme vulgaire , douée d'une voix éclatante
et agile , rien de plus. Le grand art ne m'avait point été ré-
vélé. Je viens , pour la première fois de ma vie , d'entendre
' Alceste , je viens d'admirer avec vous la splendide majesté de
l'hymne de Rotceh. Je comprends maintenant , j'entends , je
vis : je suis artiste. Mais l'instinct du génie pouvait seul le
deviner. Souffrez donc qu'avant de couronner le dieu de
l'expression , je prouve à vous , ses fidèles adorateurs , que
je suis digne de cet honneur insigne, et que le grand Rolceh
ne s'est pas trompé. » A ces mots , arrachant les perles et
joyaux qui ornaient sa chevelure, elle les jette à terre , les
foule aux pieds (abjuration symbolique), la main sur son
cœur, s'incline devant Gluck , et d'une voix sublime d'accent
et de timbre , elle commence l'air d'Alceste. « Ah ! divinités
implacables! »
Impossible , cher Xilef , de te décrire avec quelque appa-
rence de fidélité l'immense émotion produite par ce chant
inouï. En l'écoutant tous les fronts s'inclinaient peu à peu ,
tous les cœurs se gonflaient; on voyait çà et là les auditeurs
froids et lièdes joindre les mains , les élever machinalement
sur leurs têtes ; plusieurs de nos jeunes femmes se sont éva-
nouies , et à la fin , au le tour de l'immortelle phrase : « Ce
n'est pas vous faire une offense que de vous conjurer de hâter
mon trépas, » Nadira, accoutumée à l'enthousiasme bruyant de
ses Viennois , a dû éprouver vn instant d'angoisse horrible :
pas un applaudissement ne s'est fait entendre. Le cirque en-
tier s'est tu, terrassé ; mais après une minute, chacun retrou-
vant la respiration et la voix (admire encore une fois le sens
musical de nos Euphoniens), sans que le préfet des chœurs ni
moi nous ayons fait le moindre signe pour désigner l'har-
monie , un cri de dix mille âmes s'est élancé Spontanément
sur Vaccord de septième diminuée de fa dièze , suivi d'une
pompeuse cadence en vt majeur. Nadira , chancelante d'a-
bord, se redresse à cette harmonieuse clameur, et élevant ses
bras antiques , belle d'admiration , belle de joie , belle de
beauté, belle d'amour, elle dépose la couronne sur la tête
puissante de Gluck l'olympien. Alors inspiré à mon tour par
cette scène auguste , et pour adoucir un enthousiasme qui
tournait à la passion , déjà jaloux peut-être , je fis le signe de
la marche d'Alceste ; et tous à genoux , Euphoniens fer-
vents , nous saluâmes le souverain maître de sa poétique mér
lopée.
En nous relevant, nous cherchons Nadira : elle avait dis-
paru. A peine retiré chez moi , jela voisentrer. Elles'avance,
s'incline et dit :« Rotceh, tu m'as initiée à l'art, tu m'as donné
une existence nouvelle; je t'aime... Peux-tu m'aimer? Jeté
fais don de tout mon être ; ma vie , mon àme et ma beauté
sont à toi. » Je réponds après un instant de doute silencieux,
et en songeant à mon ancien amour qui s'évanouissait : « Na-
dira, tu m'as fait voir hors de l'art un idéal sublime... Sincè-
rement je t'aime. .. je t'accepte... Mais si tu me trompes , au-
jourd'hui ou jamais, tu es perdue. — Aujourd'hui ni jamais
je ne puis te tromper ; mais dussé-je payer par une mort
cruelle le bonheur de l'appartenir, je le veux ce bonheur, je
te le demande... Rotceh ! —Nadira!... » Nos bras... nos
cœurs... nos âmes... l'infini... Dieu...
Il n'y a plus de Nadira ; Nadira , c'est moi. Il n'y a plus de
Rotceh ; Rotceh , c'est elle.. .
J'ai honte , cher Xilef, de faire un tel récit à toi dont le
cœur saigne , déchiré par l'absence; mais la passion et le bon-
heur sont d'un égoïsme absolu. Pourtant mon bonheur a des
intermittences, et sa lumineuse atmosphère est traversée quel-
quefoispar d'affreux rayons d'obscurité. Je me souviens qu'au
moment où j'ai dit à Nadira : « Sincèrement, je t'aime ! »
trois cordes de ma harpe se sont rompues avec un bruit lu-
gubre... J'attache à cet incident une idée superstitieuse. Se-
rait-ce un adieu de l'art qui me perd?... 11 me semble en
effet que je ne l'aime plus. Mais écoute encore.
Hier, journée brûlante d'un été brûlant, nous planions ,
elle et moi , au plus haut des airs. Mon navire , sans direction ,
errait au gré d'un faible souffle du vent d'est; éperdument
enlacés, ivres-morts d'amour, gisants sur la molle ottomane
de ma nacelle embau.mée , nous touchions au seuil de l'autre
vie, un se*il pas, un seul acte de volonté et nous pouvions le
franchir ! « Nadira ! lui dis-je, en l'étreignant sur mon cœur,
— Cher ! ■ — Vois , il n'y a rien de plus pour nous en ce
monde , nous sommes au faîte , redescendrons-nous ? mou-
rons! » Elle me regarda d'un air surpris. « Oui, mourons,
ajoutai-je , jetons-nous embrassés hors du navire; nos âmes ,
confondues daùs un dernier baiser, s'exhaleront vers le ciel
avant que nos corps, tourbillonnant dans l'espace, aient pu
toucher de nouveau la prosaïque terre. Veux-tu ? viens ! —
Plus tard , me répondit-elle , vivons encore ! » Plus tard ! mais
plus tard, pensai-je, retrouverons-nous un semblable mo-
ment ?. . . Oh ! Nadira , ne serais-tu qu'une femme !. . . Je reste
donc puisqu'elle veut rester... Adieu, mon ami, depuis les
deux heures employées à l'écrire , je ne l'ai pas vue , et à cha-
que minute qui s'écoule maintenant loin d'elle je crois sentir
une main glacée m'arracher lentement le cœur de la poitrine.
Rotceh.
H. Berlioz.
{La suite au prochain numéro.)
LES LUTTES DU COMPOSITEUR.
( Premier article).
cintres qui vous plaignez de la rareté des com-
mandes , des mauvaises places assignées à vos
tableaux dans les expositions publiques, des
rigueurs de la critique , des froideurs du pu-
?^~~- blic et de mille autres choses encore ; poètes
qui lancez les foudres de votre éloquente indignation sur les
goûts bourgeois du siècle, sur la dureté des éditeurs et sur le
prosaïsme forcé de l'existence dans cette vallée de misère;
sculpteurs, architectes, danseurs, romanciers-feuilletonistes,
ténors, pianistes, basses, barytons, vaudevillistes, contralli
et tutti quanti , qui excitez des tempêtes en agitant l'air des
ondes sonores de vos clameurs et de vos plaintes !
Daignez me pardonner l'apostrophe que je vous adresse,
et jeter un coup d'œil de sympathie sur le récit à la fois la-
mentable et comique dont je vais dérouler devant vous les
véridiques pages; vous y puiserez, sans doute, un salutaire
enseignement , qui vous fera trouver votre existence douce,
100
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
heureuse, limpide et désirable, en comparaison de l'existence
rocailleuse, sombre et morose de votre confrère en Apollon ,
le compositeur de musique; être infortuné dont la vie est rem-
plie d'amertumes et de chagrins, et qu'on poursuit encore au-
delà du tombeau, en mettant sur sa conscience une foule
d'oeuvres posthumes, plus ou moins apocryphes, car la mort
est la plus belle des réclames!
Vous entendez de reste que, par le mot de compositeur, je
prétends désigner ici l'artiste poussé par de fortes études ,
par une opiniâtre volonté , par une ferme vocation , à la créa-
tion d'œuvres de longue haleine et de grande facture : un
opéra, une symphonie , une messe , un oratorio , et même un
quatuor instrumental. Quant à ceux qui , bornés dans leur
ambition, se contentent du cadre restreint de la romance et
du quadrille , qu'une jolie trouvaille suffit à remphr, sans
travail , sans études , je les nommerai d'heureux trouveurs
lorsqu'ils réussissent à bien rencontrer ; et s'ils n'y réussis-
sent pas, ou s'ils y réussissent à demi, ce qui est tout un à mes
yeux , alors.. . je ne les nommerai pas du tout !
Les misères du compositeur (et Dieu sait si elles sont
nombreuses) naissent de deux causes : d'abord de ce que son
œuvre est trop compliqviée , formée de trop de parties con-
stitutives pour qu'il se puisse rendre un compte exact du
véritable effet qu'elle produira au grand jour de l'exécution ,
ensuite de ce que les éléments de manifestation de cette
œuvre sont si nombreux , si difficiles à rassembler , si rudes
à mouvoir, si hostiles, tranchons le mot! au malheureux
compositeur, que la volonté la plus puissante , l'opiniâtreté la
plus tenace, la plus vivace ardeur, l'amour paternel lui-même,
cet inépuisable amour de l'auteur pour son œuvre, n'y sau-
raient suffire.
Que si , par fortune , vous trouvez le tableau trop sombre
et chargé outre mesure de teintes bistrées , je n'ai , pour
justifier cette peinture , d'autre moyen que celui , bien doux
à l'écrivain , de vous supplier, ô lecteur bénévole , de conti-
nuer la tant agréable et nourrissante lecture de ces lignes que
je trace à, votre intention!
Le peintre recule de quelques pas , regarde son tableau ,
el se rend compte avec la dernière exactitude de l'effet d'en-
semble de son œuvre; il se rapproche, examine attentivement
les lignes délicates , les nuances fines, les touches légères , et
peut ainsi critiquer son travail , le corriger, le polir, le per-
fectionner avant de le livrer aux regards du public; le sculp-
teur et le graveur sont placés exactement dans les mêmes
conditions ; l'architecte , au moyen de ses plans , sait à bien
peu de chose près ce que sera son monument, el le poëte
n'a qu'à lire ses vers à haute voix pour en élaguer les mots
rudes ou faibles, les liaisons défectueuses, les expressions ha-
sardées. L'auteur dramatique lui-même, bien que les ressorts
de son art soient plus nombreux et plus compliqués , met sa
pièce en scène dans sa tête , varie les inflexions de sa voix ,
joue ses divers personnages, et calcule, s'il a quelque habileté,
le degré d'émotion, d'élonnement ou d'hilarité qui doit ré-
sulter d'une situation, d'un mot, d'une péripétie; d'ail-
leurs, ne faisant parler qu'une personne à la fois, il doit
lui être toujours possible de savoir exactement ce qu'illul
fait dire.
Pour le compositeur, et surtout pour le jeune compositeur,
les choses ne vont pas ainsi ; son œuvre multiple emploie
mille moyens divers , qui tous concourent simultanément à
la création de l'unité; ce sont la mélodie, l'harmonie, les
cent instruments de l'orchestre avec leurs timbres variés à
l'infini , les voix du chœur et des principaux personnages , la
prosodie , le rhythme , la vérité de l'expression , le juste en-
cadrement dans la musique de tous les mouvements de la
scène , et pour ainsi dire de tous les gestes des acteurs , qui
i chargent l'immense palette sur laquelle il doit choisir ses
couleurs invisibles pour les placer heureusement sur la toile ,
pour en former le tableau vivant des sentiments et des passions
. qui agitent le cœur de l'homme.
Et à celui qui se flatterait d'avoir une tête assez forte , une
érudition assez vaste, un goût assez sûr, un génie assez pers-
picace, pour juger à priori, sur le simple examen d'une par-
tition, que toutes les conditions d'un bon ouvrage y sont con-
! tenues; à celui-làje dirais, s'il n'avait pour plaider en sa faveur
l'expérience d'un grand nombre d'ouvrages représentés.. . je
lui dirais, comme dans la tragédie : « Jeune présomptueux ! »
, D'ici je vois le lecteur impatient s'écrier : « Sans doute
» vous avez raison, un compositeur ne peut revoir et com-
I » pléter son œuvre qu'en l'entendant; eh bien! qu'il l'en-
; » tende, et pour Dieu ! que tout cela finisse... ! »
I Tout doux lecteur ! tout doux ! ne vous emportez pas.
I qu'il l'entende!... Mais savez- vous bien l'immense valeur,
I les conséquences infinies du mot que vous venez de pronon-
cer! Imaginez-vous d'une façon exacte ce qu'il faut pour
qu'un compositeur entende son œuvre? Non, mille fois non!
et je vais vous faire tressaillir à la simple énumération des
moyens d'action que doit réunir un compositeur pour arriver
à cette chose qui vous paraît si simple , si naturelle, si facile
et primitive , s'entendre ! !
Il faut : 1° un directeur de bonne volonté qui consente à
accorder un poëme au jeune compositeur; 2° un auteur de
bonne volonté qui consente à confirmer de son consentement
le consentement du directeur; 3' des chanteurs de bonne vo-
lonté (je supplie le Phénix de m'en faire connaître de tels)
qui consentent à se charger, sans exiger trop de changements
et de mutilations, des rôles qui leur sontdestinés; 4" un chef
d'orchestre , également de bonne volonté (cela se rencontre
s'il n'est pas compositeur lui-même), qui consente à faire
faire les répétitions avec soin et conscience; 5" un maître
des ballets assez charitable pour épargner au néophyte les
rudes épreuves auxquelles il est contraint de se soumettre.
Avec le concours de ces bonnes volontés, le compositeur
arrive enfin à s'entendre ! Il corrige son œuvre et la soumet
au public. Mais alors surgissent de nouvelles tribulations, des
embarras sans cesse renaissants : il faut encore appeler à soi
l'intervention de la cabale, qui doit diriger l'attention des au-
diteurs sur les endroits saillants et dominer les murmures de
la malveillance , négocier avec la presse et traiter avec un
éditeur.
Que vous en semble? Est-ce facile, agréable et commode,
el seriez-vous, d'aventure, tenté de consacrer votre jeunesse
à étudier une science cent fois plus difficile que les mathé-
matiques; de sacrifier votre cœur et votre âme, et toutes vos
passions et toutes vos pensées, au démon insatiable de l'inspi-
ration ; puis d'employer le reste de vos forces à cette lutte
ridicule contre des obstacles non moins ridicules, dans le
simple but de procurer un moment d'émotion ou d'agrément
à ce monsieur plus ou moins ganté, plus ou moins verni, plus
ou moins distrait et préoccupé, qu'on appelle le public?
Et encore ne voyez-vous qu'en bloc et superficiellement
les luttes du compositeur , et vous plaindriez bien davantage
cet être infortuné, si vous vouliez vous laisser conduire ,
comme le Dante par l'ombre de Virgile , dans la spirale sans
fin de cet enfer, que la gloire et le succès peuvent tout au
plus transformer en purgatoire , jamais en paradis !
J. Meifred.
( La suite à un prochain numéro.
SUPPLEMENT.
SUPPLEMENT.
DE PARIS.
101
PIANOS DE M. PAPE.
I y a quelque seize ou dix-sept ans que seul , ou à
peu près , contre ropinioii de la plupart des fac-
teurs et des artistes, j'établis dans la Revue musi-
Bj cale , que le principe du mécanisme placé au-
■=*^ dessus des cordes du piano , tel que l'avait conçu
M. Pape, présentait de grands avantages sous le rapport
de la simplicité, et conséquemment de la solidité. J'ajou-
tais qu'il est plus normal , plus rationnel , de frapper les
cordes dans le sens de leur point d'appui sur la table d'har-
monie , que de les soulever de ce point d'appui par la per-
cussion , comme on le faisait dans les anciens pianos, auprès
de la pointe sur laquelle ces cordes se coudaient ; car, disais-
je , c'est à cette fausse conception des anciens pianos qu'il
faut attribuer le ton sec et court de ces instruments , et le
peu de solidité des cordes.
On affectait alors de confondre les pianos de M. Pape avec
ceux du système analogue fabriqués parStreicher à Vienne ,
et les défauts de ceux-ci paraissaient , dans l'opinion que je
combattais , devoir se rencontrer dans ceux de l'habile fac-
teur de Paris. Les objections portaient sur ce que le marteau,
après avoir frappé la corde dans le mécanisme en dessus, doit
être ramené en haut par un contre-poids ou par un ressort.
Le contre-poids , disait-on , ne peut manquer d'allourdir le
toucher, et tout ressort mis fréquemment en action tend à
s'affaiblir. Mais ceux qui raisonnaient' ainsi n'avaient point
examiné avec attention le ressort en spirale concentrique ima-
giné par M. Pape, ressort à la fois énergique et souple , dont
la flexion s'opère dans un si coui t espace , et dont la réaction
Cit si rapide, qu'il est permis d'affirmer que le même ressort,
soumis a une action incessante pendant un siècle, ne perdrait
pas sensiblement de sa vivacité.
A l'égard du doute qu'on essayait d'élever concernant l'a-
vantage de frapper les cordes dans le sens de leur point d'ap-
pui , il est plus apparent que réel; car tout !e monde sait
que c'est cet avantage qui a fait chercher avec persévérance
les modes les plus avantageux de construction des pianos ver-
ticaux ou droits, et qui a fait faire tant d'essais pour renver-
ser la table et les cordes en laissant le mécanisme en dessous.
ÎS'est-il pas évident que l'obligation d'établir une solution de
continuité entre la table et le sommier, pour livrer passage
aux marteaux qui viennent frapper les cordes en dessous, est
une monstruosité dans la construction des pianos ordinaires ?
Quoi qu'on en ait dit, l'avantage de la percussion des cordes
dans le sens de leur point d'appui sur le chevalet est incon-
testable. Des expériences délicates faites par M. Savart ont
démontré d'ailleurs que la pression de l'air par le coup de
marteau dans ce sens imprime une vibration plus énergique à
la table d'harmonie, que lorsque cette pression n'est que le
résultat de la réaction de la corde frappée dans le sens con-
traire.
Mais il est bien d'autres avantages évidents qui sont le ré-
sultat de la disposition du mécanisme en dessus, tel que l'a
imaginé M. Pape , et surtout tel qu'il est devenu par les per-
fectionnements que ce savant mécanicien y a progressivement
introduits. Tous sont les conséquences nécessaires d'un sys-
tème bien combiné dans toutes ses parties. Par exemple , on
sait que lorsque le besoin de sonorité plus grande eut fait chan-
ger les proportions et les dispositions de l'ancien piano carré,
pour le monter de cordes plus fortes, et pour les faire attaquer
par un coup de marteau plus énergique , on aperçut la néces-
sité de contrebalancer le tirage des cordes , qui faisait fléchir
la caisse , par des moyens artificiels. On se rappelle encore
que les pianos de Pelzold , dont la qualité de son était sédui-
sante au sortir de l'atelier, perdaient insensiblement leur
moelleux et leur rondeur, parce que l'équilibre n'existant
point entre le tirage et la résistance, la table finissait par être
comprimée jusqu'au point de perdre une partie de son élasti-
cité. On a vu de ces pianos dont les deux angles correspon-
dant au s;ns du tirage se relevaient d'une manière très sen-
sible, de telle sorte que les pieds ne posaient plus à terre.
Pour obviera ce grave inconvénient, on ne trouva rien de
mieux que d'employer un appareil de barres de fer dans la
partie supérieure de l'instrument, cherchant ainsil'équilibre
dans la réaction de deux forces opposées.
Par son système de mécanisme en dessus, M. Pape a trouvé
une combinaison bien plus simple et bien plus rationnelle ;
car, ayant pu débarrasser la partie inférieure de la caisse de
l'instrument de tout l'appareil de l'ancien système , il a pu
abaisser la position de la table et le placement des cordes près
du fond solide de cette caisse, au heu de faire opérer la trac-
tion vers les bords opposés , oii les moyens de résistance na-
turelle n'existent pas. Dès lors , le tirage des cordes a été sans
danger pour la solidité de l'instrument, par l'effet de la résis-
tance naturelle, et sans avoir recours au formidable appareil
du barrage en fer des autres facteurs.
Un autre avantage de cette disposition consiste h faire frap-
per les cordes au point convenable pour obtenir une meilleure
qualité de son en éloignant le coup de marteau de ce point où
la corde fait un angle. Ce qui est surtout remarquable et digne
des plus grands éloges dans les instruments de M. Pape , c'est
la simplicité du mécanisme. On sait que le problème à résou-
dre dans les pianos est la réunion de la puissance d'attaque à
la rapidité de l'articulation de la note. Dans la construction
ordinaire, on obtient la force d'impulsion du marteau par la
longueur du levier de la touche; mais M. Pape ne voulait pas
user de celle ressource. D'ailleurs il s'était proposé c'e donner
à son mécanisme la plus grande solidité possible, en diminuant
le nombre de frottements, et pour cela il fallait que l'attaque
fût directe. Mais là se présentaient les conséquences de ce
principe de mécanique que ce qu'on gagne en vitesse on le
perd en force, et réciproquement. Cette difficulté a été le point
d'arrêt de M. Pape pendant plusieurs années ; et même après
avoir si bien conçu toutes les autres parties de ses instruments,
il lui resta longtemps à résoudre le problème de la plus grande
diminution possible de la longueur de son levier d'altaque,
pour avoir la légèreté du toucher en conservant la force d'im-
pulsion du marteau. Il n'y a que Dieu qui voie d'un coup
d'oeil le principe et la fin de toute chose; si habile , si ingé-
nieux que soit un homme, il y a des difficultés qui peuvent
l'arrêter longtemps, quoiqu'il ne les croie point insolubles
Telle fut la situation de M. Pape pendant quelques années.
Pendant ce temps, les artistes , qui ne s'informent guère du
principe des choses, et qui ne voient que les résultats , ne
trouvant pas dans les claviers de ses pianos toute la légèrelé
qu'ils désiraient , ne rendirent pas justice à la beauté d'une
conception dont ils ne comprenaient pas l'importance. Moi
seul je protestai constamment contre leurs préjugés, et à plu-
sieurs reprises, dans l'espace de dix-sept ans, j'analysai les
améliorations progressives que je voyais faire par l'habile et
persévérant facteur dans son système. Enfin , par une de ces
heureuses inspirations qui semblent destinées à donner un
démenti aux principes de la mécanique universelle, il est
parvenu à réduire la longueur de son le\icr à moins de huit
pouces , sans rien perdre delà force nécessaire d'impulsion ,
en proportionnant le poids et la course de chaque marteau ,
ainsi que la vitesse du ressort , au point d'équilibre du levier,
Î02
REVUE ET GiVZETTE MUSICALE
ettrouvanldaiis celle combinaison heureuse l'équivalent d'une
longueur proporlionnelle de ce même levier. C'est ainsi que
Winkcl, d'Amsterdam, a trouvé le moyen de remplacer la
longueur proporlionnelle du pendule astronomique pour là
mesure du temps en musique , par le court balancier du mé-
tronome attribué à Maclzel , au moyen du poids mobile qui
glisse sur ce balancier pour changer le ceulre de gravité , en
raison de la vitesse voulue. Ce sont là, il faut l'avouer, des
conceptions de génie dont les artistes qui se servent du piano
et du métronome ne comprennent guère la valeur, mais qui
n'en sont pas moins dignes de l'admiration des connaisseurs.
J'ai non seulement examiné avec soin les derniers produits
de M. Pape dans tous leurs détails , mais je les ai joués, et j'en
ai trouvé le mécanisme aussi facile que prompt , le son puis-
sant , moelleux et chantant. Ses pianos en forme de table
hexagone , de la dimension d'une table de salon , offrent dans
cette petite caisse de peu d'épaisseur les phénomènes d'une
puissance de son qu'on croirait sortir d'un grand instrument,
et de l'étendue des pianos ordinaires. Rien de plus ingénieux
que la disposition croisée des cordes de ce piano , et que celle
du clavier mobile , et du mécanisme. C'est en son genre un
chef-d'œuvre de simplicité dans sa conccplionet dans son exé-
cution.
A l'égard du grand piano de concert , devenu une nécessité
de notre époque , par l'importance que cet instrument a ac-
quise depuis quelques années, les artistes ont longtemps re-
proché à celui de M. Pape de manquer d'éclat dans sa sonorité
et de légèreté dans son mécanisme. Mais ces défauts, qui dis-
paraissaient en partie sous une main puissante, étaient le ré-
sultat de ce qui restait à faire pour que M. Pape atteignît
complètement son but, de la plus grande simplicité possible,
réunie à la plus grande solidité de l'instrument. Or, depuis
qu'il a trouvé son heureuse loi d'équilibre entre la force d'at-
taque et la rapidité de l'articulation des notes , ces défauts
ont complètement disparu , et le mécanisme de ces grands
pianos est devenu aussi léger que celui des autres instruments
du même facteur.
Sans être partisan de l'étendue toujours croissante que cer-
tains facteurs donnent à leurs pianos , M. Pape éprouvait le
besoin de fixer des limites telles que la variation continuelle
de ces instruments eût un terme. Pour cela , il a tracé en
dernier lieu le plan d'un grand piano de huit octaves com-
plètes , c'est-à-dire l'étendue que l'orgue le plus complet a
dans son plus grand développement , depuis sa note la plus
basse du son le plus grave jusqu'à lapins élevée du son le
plus aigu! Descendant une quinte plus bas que les grands
pianos ordinaires, c'est-à-dire au contre-/a grave, cet in-
strument monte jusqu'au contre-f« sur-aigu. Les dernières
notes graves ont une majesté imposante. Quant aux dernières
notes sur-aiguës, les cordes en sont si courtes et les vibra-
tions si rapides , qu'elles ont peu de sonorité par elles- mêmes;
mais lorsqu'elles sont harmonisées avec les notes de l'octave
inférieure , leur timbre devient beaucoup plus clair et d'une
facile perception. En cet état , on peut affirmer que l'étendue
du piano a atteint ses dernières limites. M. Pape, ayant com-
pris que lorsqu'on n'en fait point usage , cette étendue extra-
ordinaire peut être gênante pour l'exécutant, a combiné
des boîtes qui s'ajustent sur le clavier pour le réduire aux di-
mensions habituelles, mais dont on peut découvrir à volonté
une , deux ou trois notes.
Considérée en elle-même , l'énorme étendue de ces pianos
n'aura peut-être pas un grand intérêt aux yeux des artistes
qui cherchent avant tout une signification sérieuse à la musi-
que ; mais la puissance sonore qu'elle ajoute au reste de l'in-
strument ne saurait être contestée , et je ne crains pas de dé-
clarer que je ne connais pas de grand piano de concert dont
l'énergie soit comparable à celle des instruments de cette
espèce. J'ai entendu, pendant mou séjour à Paris, un très
bon morceau à huit mains, pour deux pianos à huit octaves,
composé par M. Pixis et exécuté par lui , MM. Osborne , Ro-
senhain et AVoIff , sur deux des nouveaux pianos de M. Pape ,
et jamais musique de ce genre ne m'a paru avoir produit Un
pareil effet. De plus, malgré cette grande puissance, le son
était clair, limpide , et dans la plus grande vélocité de mouve-
ment , toutes les notes parlaient avec une remarquable
netteté.
Depuis longtemps les pianos carrés de M. Pape s'étaient fait
une réputation par leur excellente sonorité et leur solidité à
toute épreuve : dans leur état actuel , ces instruments sont
réellement la réalisation complète de l'instrument le plus
simple et le plus rationnel. Le savant et ingénieux facteur
vient de mettre le comble à sa gloire en donnant les mêmes
qualités au grands pianos, réunies à la puissance sonore et à
la légèreté du mécanisme. Les grands artistes nomades qui
voyagent pour se faire entendre, et qui changent de pianos
comme de vêtements , n'attacheront peut-être pas une grande
importance à cette simplicité de construction dans laquelle
les frottements sont évités avec soin , ce qui est la condition
nécessaire pour la solidité ; mais le piano est un instrument
d'un prix si élevé , que le public n'aura pas la même indiffé-
rence.
Je crois devoir ajouter une considération très importante
en faveur des instruments de M. Pape. On sait que lorsqu'un
accident arrive à un piano construit suivant les principes du
mécanisme anglais , de celui de Petzold ou de tout autre , il
faut nécessairement cesser la musique jusqu'à ce qu'on ait
trouvé l'ouvrier nécessaire pour faire la réparation , ce qui
n'est presque jamais possible à l'instant même ; mais le mé-
canisme de M. Pape est si simple et de si peu de volume ,
que les touches , les marteaux , étouffoirs , tout enfin ne
forme qu'une boîte de la longueur du clavier, et d'environ
8 pouces de largeur. Or, les parties de ce mécanisme sont si
bien combinées, qu'on peut l'ôter d'un piano pour le poser
sur un autre où il s'adapte parfaitement. Il est donc facile
d'acheter deux mécaniques avec un seul piano , et si par ha-
sard il survient un accident , le changement pourra être ef-
fectué dans l'espace d'une minute environ , par la première
personne venue , et la musique ne sera point interrompue.
J'ai voulu , dans cet article, constater les importantes in-
ventions d'un artiste aussi persévérant dans ses recherches ,
qu'habile et consciencieux , et contribuer autant qu'il est en
moi à ce que justice soit rendue à de si utiles travaux. Il y
a toujours un temps où le vrai devient évident ; mais il n'est
pas sans importance que ce soit pendant la vie de celui qui a
découvert la vérité.
FÉTis père.
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
SUR
IiES CONCERTS DE IiA SEBSAIBTE.
1 y aurait un livre en deux volumes in-folio au
73 moins à faire sur le piano , sur l'art d'en jouer,
sur le rang qu'il tient dans l'Europe musicale et
sur l'influence que cet instrument humanitaire
exerce sur les mœurs , les habitudes intimes de
' la société actuelle et la civilisation en général. Eu attendant
DE PARIS.
m
qu'un philosophe acousticien entreprenne ce bel ouvrage, en
attendant de même le précis historique sur les pianistes, que
nous nous proposons de publier dans celte feuille ou dans
toute autre, précis biographique, physiologique, esthétique
et psychologique dont le besoin se fait vivement sentir en
France, comme dit tout prospectus de nouveau journal, nous
allons enregistrer ici les faits et gestes de quelques uns de ces
artistes dont le nombre , en ce moment à Paris , se monte ,
sans compter les deux chefs de secte , Liszt et Thalberg , à
près de cinquante du sexe masculin , et ving-cinq au moins
qui font partie de la plus belle moitié du genre humain. La
plupart, de première force, jette dans le monde musical tous
les ans une foule d'élèves professeurs ou amateurs qui pro-
pagent la science et le goût du piano d'une façon inquiétante
pour le repos des familles et des locataires. Ces pauvres lo-
cataires croient voir chaque mur mitoyen, chaque parquet se
transformer en statue de Slemnon , c'est-à-dire en corps so-
nore vous réveillant en sursaut par des gammes chroma-
tiques , des trilles et des études sans fin qui les frappent et
qu'ils vous renvoient : il y a des optimistes qui prétendent
que cela nous maintient dans la voie du progrès indéfini de
l'art ; nous voulons bien le croire.
Les concerts des pianistes ont été entremêlés celte semaine
de quelques matinées et soirées musicales données par des
chanteurs et des cantatrices. Au nombre de ces dernières
s'est montrée M"» Duviilard , qui a offert aux amateurs de
chant une exhibition de musique vocale , dimanche passé ,
chez Pleyel. Si, "a la qualité de bonne musicienne, M"° Du-
viilard pouvait joindre celles de moins chanter de la gorge et
de vocaliser le Irait avec un peu plus de facilité et de préci-
sion , elle deviendrait une cantatrice fort agréable; elle a dit
son premier air de Marina Faliero d'un bon style de chant
cl avec expression .
i\L Hercule Mecatti avait donné , la veille , dans la salle
Herz, une matinée musicale dans laquelle il s'est montré sous
la double qualité de chanteur et de compositeur. Ses amis
doivent lui conseiller d'opter pour l'un ou l'autre de ces deux
titres ; et quand il aura cessé de courir deux lièvres à la fois ,
il aura encore quelque chose à faire pour en attraper un. 11 a
dit cependant avec un vrai sentiment dramatique de chant,
ainsi que sa partner. M"'" Hénelle , un duo à' Anna Bolena ,
puis seul , une cavatine de l'opéra de Gemma di Vcrgy, et
puis un autre duo italien. M. Seligmann a fort bien chanté
aussi sur le violoncelle la romance de Dom Scbaslien, et sur-
tout sa belle fantaisie sur il Bravo.
La soirée musicale donnée le même jour par MM. Krie-
gelstein et Plantade , facteurs de pianos, dans leurs ateliers,
rue Laval , offrait un programme très varié dont nous garan-
tirions l'exacte exécution avec plaisir si , d'après les travers
actuels et à la mode dans ces sortes de solennités artistiques,
la séance ne s'était pas ouverte deux heures et demie plus tard
que ne l^indiquaient les lettres d'invitation , et s'il nous avait
été possible d'entendre plus de deux morceaux, fort bien
dits du reste par MM. Allard , Halle et Ponchard , qui sont
coutumiersdu fait, comme chacun sait.
La quatrième et dernière séance de quatuor et de quintetti,
donnée par i>L Javault , le 17 passé, n'a pas fait moins de
plaisir aux artistes et aux amateurs de bonne musique que les
trois dernières. M. Onslow s'est maintenu ferme et droit à
côté de Haydn et de Mozart , appuyé sur un nouveau quatuor
en si mineur, d'une difficulté diabolique , renfermant un
adagio délicieux , et sur le vingt-sixième quintetti en ut mi-
neur qu'on avait redemandé à MM. .lavault , Boucher, Ney,
Lebouc et Gouffé , et qui ont dit ce bel œuvre de manière à
contenter les auditeurs les plus difficiles. C'est comme un en-
gagement contracté par ces habiles exécutants derecommcncer
ces intéressantes séances l'an prochain.
Le concert européen dont les gens du pouvoir ont tant parlé
h la Chambre basse, la véritable entente cordiale entre les
niasses et les sommités sociales se préparent au moyen de
l'art musical. Semblable à la grammaire qui sait régenter
jusqu'aux rois, l'harmonie et le rhylhme finiront par réunir
dans un accord parfait, et faire marcher dans la même voie
peuple et aristocratie. Cette dernière a chanté toute seule
lundi dernier dans la.salle de M. Herz. Sous le patronage de
mesdames la maréchale duchesse d'Albuféra , la duchesse de
Coigny , la duchesse de Grammont , la duchesse de Massa , la
maréchale princesse de la Moskowa , la duchesse de Poix , la
duchesse de ïalleyrand , la princesse Charles de Beauvau , la
princesse de Craon, la maréchale comtesse de Lobau , la comtesse
Merlin, la vicomtesse de Noailles , la comtesse de Sandwich ,
et sous la direction de M. le prince de la Moskowa , la Société
djs concerts de miisiqne vocale , religieuse et classique nous
a fait entendre de la délicieuse* musique rétrospective.
MM. de la Ferronnais, de Yaraignc, Robert, Inchindi, ma-
dame la comtesse Polocka, madame la marquise de Lagrange,
madame Galoz, mesdemoiselles de Rupplin et de Thorn ont
dignement interprété le 'suave Palcstrina , Marcello, Arca-
delt, Haîndel, Orlando de Lassus, et surtout Clément Jan-
nequin, dont ils ont dit le fameux chœur composé à l'occasion
de la victoire remportée par François I" à Marignan. Ce mor-
ceau national a produit le plus grand effet. Un chœur popu-
laire sur les paroles de ce même François !"■ : Tout est perdu
fors l'honneur! n'aurait pas moins impressionné ce brillant
auditoire.
La veille de cette intéressante et curieuse séance de gothi-
que musique, deux instrumentistes en renom et de grand
talent , MM. Alard et Dorus, ont fait une ample moisson de
bravos dans la même salle; un public nombreux a rendu en
hourras enthousiastes le vif plaisir qu'il a reçu de ces deux ha-
biles artistes. M. Alard a dit le premier morceau d'un con-
certo de sa composition , classitjue par la forme et moderne
par le style et l'instrumentation. S'il trouve l'occasion de faire
entendre ce concerto en entier, à un public fatigué de fantai-
sies et d'airs variés, nous analyserons cette œuvre, dont la
première partie nous a paru remarquable, et d'une difficulté
d'exécution à laquelle visent un peu trop nos violonistes ac-
tuels. Quant à l'exécution , elle a été verveuse , fougueuse ;
mais pas toujours irréprochable sous le rapport de la clarté ,
de la limpidité d'intonation. Nous ne saurions trop le répéter
à nos violonistes, et à tous les instrumentistes en général :
le fini de l'exécution est le cachet d'un talent supérieur,
achevé; c'est le lien sympathique entre l'auditeur et l'exécu-
tant. M. Alard semblerait agir en vertu de cet axiome politique
qui dit : Le roi ne lâche que lorsque le peuple arrache. Le
véritable roi des artistes, c'est le public , roi blasé , auquel il
faut arracher des applaudissements , et M. Alard se fait peu-
ple vis-à-vis le roi des instruments. Qu'il mette, pour quitter
toute figure , un frein , ou un peu plus de sobriété dans la
saccade nerveuse de tous ces «(Vf* d'archet, et il sera plus
pur sans rien perdre de sa vigueur. Si cette vigueur, cette
rondeur, celte ampleur de son , manquent à M. Dorus sur la
flûte, que de grâce, de pureté , d'aplomb , de finesse dans
son exécution ! On ne peut mieux caractériser enfin ce déli-
cieux flûtiste , qu'en disant qu'il chante comme sa sœur sur
son instrument , c'est-à-dire qu'il réunit le sentiment musi-
cal le plus exquis au style le plus pur.
Et maintenant, pat suite de notre propension à affronter
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REVUE ET GAZETTE IMUSICALE
les clifficullés delà critique musicale, nous avons gardé pour
la fia le compte-rendu de toutes les matinées ou soirées mu-
sicales données par des pianistes , et rapprcciation sommaiie
de ces virtuoses qui semblent se multiplier à vue d'œil.
Dans la matinée donnée chez M. Souffleto, par MM. Dé-
jazet et Besscms, ce dernier s'est montré violoniste sage,
pur, possédant un beau son et une manière correcte , intel-
ligente , d'accompagner et de jouer le solo. Le premier, pia-
niste fin , délicat , gracieux , a exécuté, avec MW. lîesseras et
Seligman , un fort joli trio de sa composition qui renferme
un délicieux schcrso , puis des variations sur un thème tyro-
lien qui, avec une fantaisie de M. Bessems, ont obtenu les
honneurs de la séaiice.
M. Gutlmann est un pianiste au jeu net et quelque peu
froid; il a ce qu'on appelle des doigts et s'en sert avec beau-
coup de dextérilé. Sa manière procède plutôt de celle de
Thalberg, au dire des connaisseurs, que de celle du profes-
seur habile qui lui a donné des leçons. Il a fait plaisir aux
amateurs de piano, dans la soirée musicale qu'il a donnéelundi
passé chez M. Erard ;c'estsurtoutsafantaisiesur/c Freischûlz
qui a été assez applaudie. Celle offerte par M"° Clara Loveday
aux amateurs de France et d'Angleterre , qui affluent toujours
à ses concerts, aux amateurs de ces deux natioiîs, qui
s'aiment fort peu , mais qui ne s'en estiment pas moins ,
a été des plus brillantes par la coniposilion du programme
et le public distingué qui s'était rendu dans la salle de
M. Ferz. Le trio espagnol de Brod a ouvert la séance et a été
joué avec beaucoup d'ensemble par MM. Triébcrt, hautbois,
Blaizc, basson, et la bénéficiaire, qui a dit !a partie du piano
avec autant de \ivacité et d'entrain que d'élégance. La déli-
catesse du toucher, une neltelé charmante, et même parfois
une sorte de brio presque masculin , telles senties qualités
principales qu'on reconnaît dans le jeu de M"" Loveday et
qu'on rencontre à peu près en égale somme en M"'' Guénée,
sœur de M"' Loveday par la délicatesse , la netteté, hbrio,
et qui a donné aussi chez elle une soirée musicale dans la-
quelle elle s'est montrée pianiste aussi distinguée que maî-
tresse de maison aimable et polie.
Procédant aussi du Thalberg; essayant de chanter comme
lui; rêveur et rehgicux jusqu'au bout des doigts dans son
chant de Madone , dans son Te deiim allemand plein d'une
pompeuse harmonie, M. Schad, pianiste helvétien, adonné
son concert annuel chez M. Erard , mercredi dernier, et il a
fait plaisir aux partisans nombreux d'une méthode sage, pure
et de l'inspiration toujours élevée.
Comment ne pas se répéter en parlant de M. Doehier ?
comment ne pas redire ce que nous en avons dit les années
précédentes , il y a même quelques jours en parlant de la
soirée de M. Érard? Dans la matinée musicale qu'il a donnée
jeudi dernier, il s'est montré avec la même monotonie de
perfection ; et comme si les fièrcs paroles de la Médée de Cor-
neille: Moi! moi, dis-je , ei c'eut assez! ne lui suffisaient
pas, il nous a fait entendre dans son concert une charmante
cantatrice franco-italienne , M"" Casfellan, à la voix étendue ,
passionnée , éminemment dramatique cl possédant une ex-
cellente méthode dont elle doit les principes à noire célèbre
professeur M"'° Damoreau.
M. Halle, l'inlcrprôte chaleureux de toute bonne musique
sur le piano, le pianiste nerveux qui rend les idées des autres
comme un homme de génie compose , c'est-à-dire avec ins-
piration , avec amour; qui les fait siennes ainsi que nous
l'avons déjà dit , M. Halle a déposé dans le grand bazard des
pianistes et des pianos de M. Érard , vendredi dernier, une
foule de traits, de trilles , de doubles octaves , de difficullés
inextricables qu'il a jetés avec profusion h son auditoire
charmé, et que celui-ci a payés en applaudissements prodi-
gués avec une égale profusion. La fantaisie sur la Semiraniide
de Thalberg, qu'il a admirablement exécutée, et la Truite
de Heller, ont produit le plus grand effet, ainsi que les varia-
tions délicieusement dites par M. Alard.
Qui pourrait croire qu'il vient de surgir encore , parmi
tous ces pianistes de mérites si divers, quoique possédant tant
de qualités identiques, un pianiste à nouvelle physionomie?
C'est cependant un fait que nous devons constater. M. Ca-
vallo , jeune pianiste bavarois que nous avons déjà cité dans
la Gazelle musicale , est un de ces artistes de l'étoffe de
Huramel pour l'improvisation, avec plus de fougue toutefois.
Dans un concert qu'il se propose de donner bientôt, on pourra
apprécier la haute portée de son talent. Ce jeune artiste ne
s'enferme point pour composer à loisir un impromptu ou une
fantaisie, il vous traite l'idée que vous lui demandez en l'en-
richissant d'une foule d'idées accessoires. Le caprice n'est
pas médité chez lui ; il sort instantanément de son imagina-
tion. Dans la soirée musicale donnée par M. Pape, dimanche
dernier, M. Cavallo a improvisé, surplusienrs thèmes qui lui
ont été fournis, avec une facilité qu'on peut appeler la sœur
du génie. Ses inspirations avaient d'autant plus d'éclat que les
excellents pianos de M. Pape les renvoyaient riches de mélo-
dies et pompeuses d'harmonie aux auditeurs charmés du
brillant effet de ces beaux instruments.
Henri Blanchakd.
Revue critique.
Prière à la Sainte-Vierge pour deiixsoprani, ténor et basse.
— Valse pour h piano, par M. Lenvec. — Trois fan-
taisies pour le piano, par M. Lovel. — Rigolette, par
M'"' Ami5R0IS]NE Leroy. — La Fuga di Bianca Capella,
par M. Tadolini.
oilà un titre qui réunit des éléments nombreux
et variés; certes, ce n'est point la matière qui
manque, et nous ne serions nullement en peine
de commencer la tâche qui nous est confiée ,
s'il ne fallait d'abord aviser, entre tous cesmor-
ceaux de musique d'un genre si différent, celui qui aura la
préséance, en d'autres termes, celui qui viendra, le premier,
s'offrir â-notre examen. Pour ne point exciter de jalousie, le
mieux que nous puissions faire, ce nous semble, est de nous
placer à la suite de M. Lenvec sous l'invocation de la Vierge
Marie, ce choix étant suffisamment motivé par le sentiment do
déférence que doivent inspirer les choses saintes. Nous unis-
sant donc à M. Lenvec, nous adresserons à la mère du Christ
un chœur d'introduction, auquel succédera un solo de ténor
en la bémol majeur à 12/8 d'un caractère noble, d'un style
distingué et qui renferme des imitations fort heureuses; puis,
ayant fait rentrer le chœur, qui sert comme d'encadrement
aux parties principales, nous passerons à un solo de basse, le-
quel, pour ne rien taire, ne vaut pas à tous égards le précé-
dent , et oij nous avons cru remarquer certaines petites défec-
tuosités harmoniques, telles que deux quintes justes dans
l'accompagnement, ce qui, à vrai dire, n'est pas un bien gros
péché ; nous finirons d'ailleurs par la reprise du chœur cité
plus haut, morceau plein d'une harmonieuse onction , émi-
nemment capable de racheter une foule de peccadilles et
même au besoin de faire oublier quelques successions hasar-
dées de consonnances parfaites. — Quittant le sanctuaire, nous
DE PARIS.
105
suivrons encore M. Lenvec pour nous lancer avec lui dans le
tourbillon de la valse : la valse où il nous entraîne sera de
longue durée; elle marche, marche toujours et déroule co-
quettement son sinueux ruban , semé çà et là de diamants ou
de fleurs comme le Graziuso de la page 2 , et le Dolce en la
majeur de la page 5. Cependant le piano a frappé les derniers
accords, et comme étourdi de cette course rapide, c'est tout
au plus s'il nous reste assez d'haleine pour féliciter M. Lenvec
du (aient qu'il a déployé dans ces deux compositions. — De la
valse à la fantaisie il n'y a que l'espace d'une mesure; et à
propos du mot fantaisie , il nous est maintes fois venu dans
l'idée qu'après toutes les fadeurs et les platitudes qui se sont
produites à l'abri de ce titre, la fantaisie n'avait plus désormais
qu'une seule chance de réussite, c'était d'être, dans toute la
force du terme, l'enfant gâté de l'imagination, et comme
telle de nous impressionner, de nous ravir par le charme de
l'imprévu , le laisser-aller delà pensée, la grâce de l'expres-
sion , aussi bien que par les élans d'une verve impétueuse ,
d'un esprit en délire et par toutes les excentricités, en un
mot, que peut admettre la passion sans franchir les bornes de
l'art. Mais au lieu de cela, on ne nous donne le plus souvent
pour des fantaisies que de lourdes et indigestes kyrielles de
notes invariablement alignées d'après le même modèle. Il est
vrai que ces sortes de productions trouvent encore des audi-
teurs complaisants parmi les gens qui , n'étant pas en état de
saisir les choses du premier coup, appellent volontiers les re-
dites et les lieux communs au secours de leur intelligence pa-
resseuse ou débile. — Bien que la musique de M. Louël soit
agréable dans son ensemble , elle ne brille pas positivement
par l'originalité , et l'on constate à regret dans les trois mor-
ceaux que l'auteur intitule fantaisies, l'emploi incessant des
mêmes procédés pour arriver aux mêmes effets : ainsi le pre-
mier débute par une introduction en ré mineur, à laquelle
succède le thème en ré majeur, et se termine par des varia-
tions ; item pour le second : introduction en tit mineur,
thème en ut majeur et variations ; item pour le troisième :
introduction en sol mineur, thème en sol majeur... et varia-
tions. Malgré l'uniformité du plan , du style et des idées
mêmes qui ont toutes un air de famille , mais qui sont en gé-
néral douces et gracieuses, il y a dans ces trois compositions
jumelles de quoi satisfaire les dilettantes de salon , et surtout
l'auditoire de jeunes fdies auquel elles semblent plus particu-
lièrement s'adresser. — Nous avons encore de M. Louël une
mélodie expressive, intitulée Mon frère, où l'on trouve un
joli passage legato , mais qui du reste n'est pas très neuve
comme inspiration, ni bien extraordinaire comme facture.
Rigohtte est une chanson vive , accorle , joyeuse et pi-
quante ni plus ni moins que la fameuse héroïne des Mys-
tères de Paris , dont elle reproduit le type gracieux. Tout y
est bien dans le caractère du sujet, et le charmant dessin dû
au talent remarquable de M'"" Élise Boulanger, et la musique
de M'"" Ambroisine Leroy, et les paroles spirituelles dont cette
musique pleine de verve et d'entrain rend si fidèlement
l'expression. M"° Déjazet, notre célèbre et intelligente ac-
trice , a pris sous sa protection spéciale cette jolie chanson-
nette que tout le monde voudra lui entendre dire.
La Fvga di Bianca Capella , del signer Tadolini , n'est
point , comme on pourrait le croire , une fugue à un , deux ,
trois ou quatre sujets avec exposition , épisodes , répercus-
sions , strettes, pédale, etc. ; non pas que l'auteur ne soit
fort capable de résoudre les problèmes les plus compliqués
de la science, mais cette fois, il faut reconnaître que tout cela
ne lui eût été d'aucun secours, puisqu'il s'agissait simplement
d'una fuga amorosa (à deux sujets s'entend), genre de com-
position qui n'entre pas dans la catégorie des études classi-
ques, et ([u'on n'a pas encore enseignée aux élèves du Con-
servatoire.— Pour peindre la fuite de deux amants , la seule
chose qui fût nécessaire au maestro, c'était quelque cantilène
bien expressive, bien touchante, bien passionnée, sans oublier
un accompagnement plein d'intérêt et de couleur harmoni-
que; voilà, en effet, ce qui distingue l'œuvre de M. ïadolini,
qu'on ne manquera point d'apprécier comme elle mérite de
l'être.— Ce dernier morceau vient clore la liste des publica-
tions annoncées en tête de notre article; maintenant nous
pouvons quitter la plume: notre lâche est remplie.
Georges Kastner.
>lil PV W1&^@1
GKANDE MÉTHODE COMPLÈTE A l'uSAGE DU CONSERVATOIRE ,
Far M. GUICHARD.
n se demande comment il se fait que , dans le
mouvement musical qui règne en France, le vio-
lon , ce roi constitutionnel de la république in-
strumentale, soit pris en indifférence par la géné-
ralité des amateurs. Il est certain, il est évident
que cet instrument est négligé. Le violon est cependant l'in-
terprète essentiel , indispensable de toute musique d'ensem-
ble ; et comme organe soliste , c'est encore l'instrument qni
remue, impressionne et charme le mieux un auditoire. S'il
compte beaucoup moins de sectaires fervents dans le monde,
il faut convenir au reste que le nombre de ceux qui le culti-
vent par état ne diminue pas, car le concours du Conserva-
vatoire se montre chaque année plus nombreux et plus
brillant.
Quoi qu'il en soit, il faut être animé d'une noble courage
pour reprendre aô ovo les principes et l'enseignement de cet
instrument, et parfaire une méthode d'après toutes celles qui
ont été publiées. C'est cependant h ce travail utile que vient de
se livrer M. Guichard, ex-premier violon du Théâtre-Italien
de Paris. Sa Méthode complète et raisonnée à l'nsage du Con-
servatoire est l'ouvrage d'un professeur patient, logique et
tout dévoué au bel art de jouer du violon. M. Guichard n'a
jamais eu, que nous sachions, une grande renommée comme
soliste; il n'a pas promené son talent des bords du Tage aux
bords de la Neva ; mais cela n'est pas nécessaire pour faire un
bon ouvrage en ce genre. Les plus célèbres instrumentistes ne
sont pas ceux qui ont écrit les meilleures méthodes. Rode ,
Kreutzer et Baillot, aidés de Cherubini, en ont fait paraître
une, adoptée par le Conservatoire, pour servir à l'enseigne-
ment dans cet établissement, qui n'a jamais été adoptée par
aucun professeur ni aucun élève. Au reste, quand on a quel-
que expérience de l'enseignement , on acquiert la conviction
que toutes grammaires ou méthodes , quelque défectueuses
qu'elles soient, sont toujours bonnes avec un bon professeur.
Il y a même plus , une mauvaise grammaire , comme une
mauvaise méthode, offre quelquefois l'occasion au maître d'en-
seigner à son élève comment il ne faut pas faire , ce qui fait
partie aussi de tout bon enseignement. Nous ne pousserons
pas cependant cette assertion plus loin de peur de tomber dans
le paradoxe, et nous dirons ici avec franchise que M. Guichard
a rendu un véritable service à l'art du violon en colligeant ,
en résumant d'une manière claire, lucide, tout ce qui a été dit
et fait par les grands maîtres pour ce bel instrument.
Toute la partie élémentaire de cette méthode est traitée avec
M6
REVUE ET GAZETTE IMUSICALE
une conscicuce infinie, avec des développements qui attestent
l'expérience et la patience du professeur. Après les principes
de musique , commencement indispensable à toule méthode
inslrumeniale, l'auteur donne toutes les gammes à la première
position , en rondes ou blanches pointées , avec une partie
d'accompagnement d'un second violon, deslinée,à être jouée
par le professeur. Cette idi'e est prise à la méthode du Con-
servatoire, traitée dans celle partie par Chcrubini , qui a fait
d'admirables basses sur ces simples gammes par rondes aussi.
La partie de second violon employée par M. Guichard est
d'une harmonie correcte et pure ; puis viennent ensuite des
exercices élémentaires pour violon seul. Ces exercices sont
nombreux sans êlre trop décourageants pour les élèves ; ils
sont d'ailleurs progressifs et n'ont pas plus de huit pages, et
mettent l'élève en voie de se perfectionner dans l'art de se
servir de l'archet parTariiiii. Viennent ensuite, en une dou-
zaine de pages, 30 leçons progressives et chantantes dans
les ions les 2' lus usiiés , toujours avec accompagnement d'un
second violon. Ces petits exercices ingénieux et faciles peu-
vent tenir lieu de travail vocal préparatoire , si indispensable
à tous ceux qui veulent devenir sérieusement musiciens,
quoique l'auteur recommande plusieurs fois l'élude du solfège
comme point de départ absolument nécessaire à une bonne
éducation musicale.
Les traits d'agrément , le circolo-mezzo , le trille, les ap-
poggiature, les petites notes trouvent ici tout naturellement
leur place; et puis viennent trois duos progressifs qu'on pour-
rait peut-être trouver un peu naïfs, si la première condition ,
cjuand on parle à des élèves, n'était pas d'être simple. L'idée
de faire suivre ces petits duos par des exemples en double
corde est fort bonne, et surtout celle de leiu- donner une
forme harmonique, c'est-à-dire des principaux accords en
deux , trois et quatre sons superposés.
Troisduos concertants terminent la première parliede celte
méthode. Ces petits duos, qu'on aurait pu faire d'une forme
mélodique un peu plus actuelle , rappellent quelque peu le
style de ceux de Pleyel; mais par cela même ils sont chan-
tants, bien doigtés, et par conséquent faciles à jouer.
Le démancher, les gammes et exercices à toutes les posi-
tions ouvrent la seconde partie. Chaque gamme et chaque
exercice, à chacune de ces positions , sont suivis d'une leçon
mélodique en duo ; puis d'exemples du démancher dans les
sept positions, et sur chaque corde, chose oubliée dans
presque toutes méthodes, et qui est cependant d'une réelle
utilité.
Comme tout faiseur de méthode , M. Guichard traite de
l'expression dans son ouvrage; mais cela sans manière, sans
phrases, sans esthétique ridicule. Il donne en dix lignes, ap-
puyées d'une citation de J.-J. Rousseau fort bien choisie, une
concise et suffisante définition du goût , du sentiment et de
l'expression, en engageant avant tout l'élève à acquérir le mé-
canisme de l'instrument, qui, seul, peut le mettre à même de
rendre ce qu'il sent : voilà tout le secret de l'expression mu-
sicale de l'individualité.
Les exemples donnés par l'auteur des différents coups d'ar-
chet pris dans divers ouvrages de nos grands maîtres, paraî-
tront un peu courts selon nous ; mais ils sont suffisants. Dans
ces exemples, sont compris le legato , le grand détaché, le
tremolando , le martelé, le staccato, le ricochet, le détaché
léger, le détaché perlé, le détaché sautillé, les arpèges , le
coup d'archet saccadé, le trémolo, etc. Après ces aperçus
mécaniques de l'art de l'archet, l'auteur fait quitter à l'élève
le champ aride du mécanisme de l'instrument, et lui donne
encore l'occasion de dialoguer avec son maître en jouant trois
grands duos concertants tout empreints de la manière clas-
sique , le premier en mi mineur, le second en ré majeur, et
le troisième en mi bémol majeur. A la suite de ces trois duos,
qui auraient fort bien pu terminer la méthode , et laisser
l'élève sur la bonne bouche de suave mélodie et de pure har-
monie , l'auteur a mieux aimé finir par six études exclusive-
ment mécaniques pour violon seul ; puis viennent les moyens
factices, en dehors du caractère de l'instrument, les moyens
charlataniques enfin, si l'on peut s'exprimer ainsi, de pro-
duire de l'effet , tels que les sons harmoniques , le pizzi-
cato, etc. , dont ont beaucoup uséPaganini et ses imitateurs.
M. Guichard n'a rien omis dans sa méthode : tout y est
bien classé, bien traité, sans esprit trop étroitement scolas-
tique. Il a réuni , concilié ces deux problèmes : instruire et
amuser l'élève dans la tâche difficile d'enseigner à jouer du
violon, art utile, indispensable, et duquel dépendent les pro-
grès de l'art musical en France, où cet art prend depuis quel-
que temps un essor prodigieux.
Henri Blanchard.
Correspondance particiilière.
Lyon, 20 mars 1844.
Nous avons eu hier soir la première représenlatîon âeDom Sébas-
tien. Les merveilles que quelques amis de la direction avaient an-
noncées, cette mise en scène si pompeuse qui ne devait le céder en
rien à celle de l'Académie Royale, ont été réalisées par trois ou
quatre douzaines de soldats plus ou moins bien historiquement
vêtus, et par deux décors assez remarquables. Tout le reste a été
d'une pauvreté insigne. Cependant le directeur disait avoir vu l'ou-
vrage à Paris et ne devait, pour cette raison , recevoir de conseil de
personne; il est bien fâcheux qu'il n'ait pas suivi autant que possi-
ble~ce qui se fait à l'Opéra , car celte malheureuse idée de s'aban-
donner à ses propres inspirations n'aurait pas compromis, en la ri-
diculisant, une pièce qui ne pouvait avoir ici d'autre succès que
celui d'une féerie. La scène des funérailles a paru bouffonne; un
corbillard du genre de ceux que ^ous avez à Paris pour vos enterre-
ments de troisième c'a?se , une marche mal ordonnée, 'un peu de
cohue ; voilà ce qu'a été tout ce grandiose qu'on nous promettait.
Quant à l'exécution, je voudrais ne pas vous en parler encore , car
malgré les nombreuses répétitions générales, il n'y a pas eu le moin-
dre ensemble. De plus M. Delahaye était visiblement fatigué, et
c'est le seul qui probablement eût été bien placé d.ins son rôle. Celui
de Massol était rempli par le ténor d'opéra-comique, jeune homme
qui ne manque pas de latent , mais qui n'avait que faire au milieu
de tout ce tapage. Le rôle de Zaïda a été crié faux d'un bout à l'au-
tre. Le Camocns, M. Flachat jeune , a eu les honneurs de la soirée ,
on a applaudi sa jolie voix qui a fait passer un peu sur son inexpé-
rience de la scène et sa mauvaise méthode de cliant.
Maintenant le décorateur, qui s'attendait à une ovation, a eu deux
salves d'applaudissements au troisième et au cinquième acte. Tel a
été le plus clair de l'onlhousiasme. Dieu protège Dom ISébastien à
Lyon !
Londres , le 18 mars.
LAclelia de Donizetli a obtenu un brillant succès , qui se prolon-
gera pendant la saison. Le talent de M'"" Persiani a contribué beau-
coup aux applaudissements que cet ouvrage a obtenus. Demain nous
aurons le chef-d'œuvre d'Hérold. Ptien n'a été épargné pour faire de
Zampa un attrait vif, nouveau pour nos dilellanti. Samedi nous
verrons la tant vantée signorina Favanti , dans la Cenereniola. Nous
espérons avoir à proclamer vraie l'admiration qu'ont les Italiens
pour celle jeune cantatrice que l'Anglelerre a vue naître. Le ballet
Esmeralda est monté avec un luxe, un soin digne de l'Académie
royale de Paris, et obtiendra un grand succès de vogue, CarloUa
Grisi et Perrot en font les honneurs avec leur admirable talent. Les
décors sonl delà plus grande magnificence. Tout cela doil vous prou-
ver que l'habile Lumiey réussira aussi bien cette année que la der-
nière.
Le succès de Duprcz à Drnry-Lane est colossal, et, malgré la ré-
munération excessive qu'il reçoit chaque soir (2,500 francs), l'admi-
DE PARIS.
107
nistration y trouvera son compte. Duprez répète la Favorite, qui sera
représentée vendredi prochain. Nouvel attrait pour le public, cl nou-
veaux triomphes pour le roi des ténors de France , comme l'on dit
. ici.
Les concerts de Wilsonetde Beuler continuent toujours. On attend
les artistes étrangers , et principalement Thalberg , Liszt , Dohler et
Ernst.
LA TROMPE.
lïessia de Gavarni.
Le plus fort chasseur parmi les écrivains, et le plus habile
écrivain parmi les chasseurs , M. EIzéar Blaze , définit ainsi
la trompe : « Instrument de musique ; il sert aux chasseurs
» pour s'appeler dans les bois , pour faire connaître les divers
1) incidents de la chasse et pour célébrer la victoire , lorsque
)) victoire il y a. » Donc la trompe est tout à la fois un instru-
ment de musique et de guerre ; il sonne la charge , bat le
rappel , chante le Te Dmm ! Celui qui joue de la trompe est
un personnage important , une espèce de maître Jacques !
Mais comme on ne peut pas toujours tromper (est-ce que
irompéier vaudrait mieux? ) , attendu que les poumons se fa-
tiguent et que le gosier se dessèche, il faut boire, ou, si vous
voulez, jouer de la gourde, et Gavarni a saisi son trompeur dans
cette partie accessoire de l'exercice de ses fonctions. Cela
vous explique aussi pourquoi , en général , les leçons de
trompe ou de cor de chasse se donnent dans un cabaret.
M. S.
lie sixième Concert de la Gazette musicale aura ïieu le 1 <=' avril.
Nous donnerons le programme dans le prochain numéro.
nOTTTELLiBS.
%* Demain lundi, à l'Opéra, Stradella, suivi du Diable amoureux ;
au second acte M. Coralli et Al"» Maria danseront la Polka.
*,* Pendant toute la semaine on a répété généralement le Luzza-
rone, dont la première représentation est fixée à mercredi prochain.
Aujourd'hui dimanche aura lieu la dernière répétition générale.
",* IMardi prochain, la i'ijr'eiie doit être représentée à l'Opéra-
Comiquc.
V Deux danseuses célèbres à divers titres, M'"'* Cerrito et Lola
Montés, se sont trouvées ensemble à l'aris. La première est déjà partie
pour Bruxelles.
"/ Liszt a donné des concerts à Stettin. Il a été reçu à Berlin avec
enthousiasme; mais, malgré toutes les demandes et prières , il n'a
pas voulu donner de concerts , et sera à Paris le 25 mars.
*," Jeudi dernier, dans une brillante soirée donnée par M. Charles
Mévil, on a essayé le dliserere de Donizelti. L'exécution en était
confiée à dix-neuf chanteurs et cantatrices , parmi lesquels on
comptait JIJI. Octave, Inchindi, M'"" Capdeville et Masson.
M. Alary tenait le piano. A. une première audition , ce qui frappe le
plus dans celle composition, qui vise à une certaine austérité reli-
gieuse, c'est le défaut d'étendue et de grandeur. Si , comme on l'an-
nonce, le 31iserere doit cire exécuté à l'Opéra pendant la semaine
sainte , on aura l'occasion de se prononcer déflnilivement sur sa va-
leur.
V Rien ilcplus brillant que la soirée musicale donnée dernière-
ment par M. Arnaud-Baumes. Un auditoire d'élite, une réunion
d'artistes distingués, un choix de morceaux charmants, tout contri-
buait à l'intérêt de ce concert intime. M""" Sabatier, Lottin, MM. Al-
lard, Ponchard, De Courcelles, ont été fort applaudis. Jl"= Mondu-
laigny a produit surtout beaucoup d'effet en chantant l'air de Fer-
nand-Coriez, et deux romances très jolies , Ilerlhe la folle et Comte
et Comtesse. L'auteur de ces deux charmantes compositions, M. Ar-
naud-Baumes, a fait apprécier, comme toujours, sa voix gracieuse,
sa méthode pure , sa diction précise et bien nuancée. C'est un talent
complet.
*.* M. Tudor a donné mercredi dernier, dans ses magnifiques sa-
lons, une des plus brillantes soirées de la saison. On y a entendu
M^'sGrisi, Brambilla , MM. Lablache, Mario et Ronconi exécuter
les plus beaux morceaux de Rossiiii , Eellini, etc. Le fameux trio de
Guillaume 'Tell , chanté par Lablache , Mario et Ronconi , a été re-
demandé unanimement. La partie instrumentale de ce mémorable
concert a été confiée à M. Georges Malhias , pianiste qui a excité un
véritable enthousiasme par un morceau remarquable de sa compo-
sition sur des motifs du Freijschut-.
*,* L'archiduchesse de Parme, Marie-Louise, vient de nous si-
gnaler l'opinion qu'on doit se faire à Paris du talent perfectionné
de notre compatriote Dérivis, en lui faisant cadeau d'une superbe
épingle en diamants, distinction que cette souveraine, excellente
virtuose elle-même', n'avait jusqu'à ce jour accordée qu'à deux des
plus grandes gloires lyriques de ces temps-ci : c'est-à-dire Lablache
et Duprez. — Dérivis a mérité celte flalteuse distinction dans les
concerts de cour, et surtout en créant avec un latent sur lequel tous
les journaux italiens sont unanimes le nouvel opéra de Mercadante,
le liécjent (sur le livret de Gustave III , de Scribe). Trois saisons
consécutives à la Scala de Milan , deux à Vienne , ce dernier succès
à Parme , trois ou quatre partitions expressément composées pour
lui , voilà des titres qui doivent être plus que suffisants pour que
l'administration de l'Opéra songe sérieusement à nous rendre Dé-
rivis.
V Une grande fête vient d'être célébrée à Turin pour le 300" an-
niversaire de la naissance du Tasse. La poésie et la musique se sont
associées dans cette circonstance solennelle. Les plus grands poètes
vivants de l'Italie ont tour â tour célébré le génie de l'auteur de la
Jérusalem délivrée, et pour la clôture on à exécuté une cantate de
Rossini que l'auditoire enthousiaste a fait répéter jusqu'à trois fois.
*," Moriani est arrivé à Hambourg, où il donnera deux représen-
tations. Il se fera entendre dans les Puritains et dans Lucia.
V M. Doebler n'a pu résister aux demandes de l'assemblée élégante
qui se trouvait à son premier concert, et qui en demandait una-
nimement un deuxième. Le célèbre artiste le donnera donc mercredi
3 avril. La foule fashionable n'y manquera pas.
*»• Le programme du concert donné à l'Opéra-Comique le samedi
6 avril, par M. Berlioz, sera du plus vif intérêt. On doit, entre autres
choses piquantes, y entendre le concerto de violon de Beethoven
exécuté par Alard , cl un autre concerto de violon de Paganini, exél
cuté parSivori, qui viendra à Paris tout exprès pour ce concert. On
espère, déplus, que Liszt reparaîtra dans celle solennité musicale.
La place manquera donc à la foule des amateurs.
*/ il"" Ronconi , celle belle et expressive cantatrice, donnera un
concert lundi, l"' février, à huit heures du soir, dans les salons de
Herz. On entendra les morceaux italiens les plus à la mode chantés
par la bénéficiaire, M"'« Brambilla, Salvi, et M. Ronconi. MM. Piatti
et Herz exécuteront des solos de violoncelle et de piano.
*," Un des concerts les plus intéressants de la saison sera celui
donné par i\I. Delsarte, le 12 avril, dans ses salons. Voici le pro-
gramme qui fixera l'altenlion de tous les vrais amateurs de musique.
M. Delsarle chantera: 1. le Songe àTphigénie, de Gluck; 2. la scène
de la Révolte de Feniand-Cortez, deSpontini; 3. le Chant des saints,
de Gounod; 'i. l'air de Castor et Poilus , de Piameau; 5. une Gavotte
tendre du prologue, même opéra, de Rameau; (i. l'air Ah ! quel
tourment, de Roland , de Lully; 7. Stances de Malherbe , de Reber
S. air de Femdnd-Cortez, deSpontini; 9. grand air à'Alceste, de
Gluck. On trouve dos billets au prix de 15 fr. chez M. Delsarte, S, rue
Coquenard.
V Le concert de M. Seligmann, ce jeune violoncellisle d'un talent
si fin et si distingué, aura lieu le 9 avril, dans les salons d'Érard. On
y entendra MM. Doehier, Osborne, Mecalti, Ilermann et Seligmann,
et M""5 Castellane, Brambilla elBouIangé-Kunzé. Un morceau pour
deux pianos sera exécuté par MM. Doehier et Osborne.
*,* Le concert de M»" Pauline Jaurdan aura lieu jeudi 2S mars;
on y entendra un morceau nouveau pour la h/irpc , composé et exé-
cuté par la bénéficiaire, MM. Ofi'enbach , Triébert, Tagliaûco , La-
blache, Boulanger, et M"'« Lovedey, Brambilla, Sabatier et Va-
vasseur.
*," M. Louis Lacombe, de retour à Paris de sa brillante tournée
dans les principales villes de France, donnera un grand concert lundi
prochain , salons de M. Erard. Indépendamment d'un grand duo à
deux pianos sur Frciischniz de Wcber, exécuté par les célèbres pia-
nistes Dohler et Lacombe, voici les morceaux de sa composition que
doit exécuter le bénéficiaire : Quintette, fantaisie sur Béatrice di
Temltt (l'cdemandée) , Polonaise, le S'oir, une Etude et son duo sur
108
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
OA^ro'! avec le violonisle Herman. — M'"'^Sabalier, MM. TagliaCco,
Révial , Lcfort , Séligmann , Jancourt et Triéberl se feront entendre
dans ce concert.
*," M""' Sabatier et M. Tagliaflco sont de relour de leur voyage à
Reims. les journaux de celte ville ne tarissent pas sur le succès
d'enthousiasme obtenu par ces deux jeunes artistes. Notre gracieuse
cantatrice a su comme toujours , comme parîout commander l'ait-
roiration. M. Tagliatico a fait applaudir sa belle voix et sa méthode
sûre; la romance de Charles VI, qu'il a dite en mailrc, lui a été
redemandée.
*,* Dans un concert donné cette semaine, on a entendu et remar-
qué M. Wagner, jeune pianiste, dont le talent doiine beaucoup
d'espérance.
*,* M. César-Auguste Frank a été retenu pendant près de deux mois
par une grave maladie; ses nombreux amis apprendront avec plai-
sir que ce jeune artiste remarquable reprendra bientôt le cours de
ses leçons.
"." On lit dans le Courrier de Manchester : Le grand festival aura
lieu le S et le 9 avril. Les directeurs ont eu l'excellente idée d'enga-
ger pour celle solennité M. Ernst, le célèbre violonisle alleman'l, que
nous avons eu le bonheur d'applaudir l'année dernière pendant le
trop court séjour qu'il a fait en Angleterre. Le style de cet ;irtis'.e
est très élevé, et sa manière de jnucr ;iùm\ta.h\&(wonderJul), comme
qualité de son et comme expression. Son succès chez nous est assuré
d'avance.
*," Le Musical Examiner, journal anglais soi-disant musical, a Ira-
àu'\l\' Eiifhonia de Berlioz, et a indiqué comme journal dont il l'a
extrait le Figaro. Voilà une loyauté dont les Anglais ne se vante-
ront pas.
*." L'Arl de délier les doigts, tel est le titre d'un grand ouvrage
contenant bl) Eludes pour toutes les difficultés du piano, que Czerny
vient de composer, et dont le premier livre , renfermant 25 Etudes,
sera publié le ["avril. Nous fixons l'attention de tous les pianistes
sur cet ouvrage très remarquable , qui obtiendra certainement non
moins de succès que l'^ri de la vélocité du même auteur.
*.• M. Challamel fait paraître en ce moment Je Salon de 1844. Un
goût sévère et délicat préside à cette publication. Le Salon de 1844
obtiendra certainement le succès des Salons de IS'iO, 1S41, 1842 et
1843, publiés par le même artiste. Tous les premiers peintres de
France collaborent à cette belle œuvre , qui prendra rang dans les
bibliothèques des amateurs de beaux livres sur les aris. L'ouvrage
de M. Challamel se trouve chez tuusles libraires et marchands d'es-
tampes de la France et de l'étranger.
CIiuroniqHe déiiaftententale.
*,* Marseille. — L'éclatant succès do /a Reine de Chypre prouyc que
chaque fois qu'une administralion théâtrale se donne la peine de
monter les grands ouvrages avec tout le soin qu'ils méritent, le public
se charge de l'indemniser. La mise en scène de la Heine de Chypre a
été consciencieusement traitée par .M. Laverrière , qui a eu l'heu-
reuse idée de profiter de la présence à Marseille de M. GircI , ex-
administrateur du théâtre de Toulouse , et de réclamer ses conseils
pour l'exécution scénique d'un ouvrage que Toulouse joue depuis
deux ans, et que M. Girel snvait par cœur. Cette collaboration,
toute désintéressée, a porté fruit. La partie musicale, confiée à la
science éprouvée de M. Pépin , ne laisse rien à désirer. Il eût été im-
possible de mettre mieux en œuvre les éléments que cet habile chef
d'orchestre avait sous la mains C'est un pénible travail bien réussi.
Du reste, le nombreux personnel du Grand-Théâtre a rivalisé de
dévouement dans cette circonstance si décisive pour les intérêts de
tous. Chacun a plus ou moins droit à revendiquer une part de
succès.
.", Saint-Quentin. — La Société philharmonique vient do donner
un concert très remarquable au profit des indigents. Plus de cent
vingt exécutants ou chanteurs ont concouru. M. Courtois aîné, aussi
habile chef d'orchestre que violoniste distingué, a eu les honneurs
de cette soirée. Entendu deux fois, dans un duo avec sa fille, élève
très remarquable de M. Stamaty, et dans une fantaisie d'Arlût , il a
montré toules les ressources de son beau talent. la salle entière, par
une triple salve d'applaudissements, lui a rendu justice. L'ouverture
de Charles Vl doit êlre mentionnée particulièrement, car elle a été
dite avec autant de vigueur que de précision. Le beau chœur d'in-
troduction de Moïse, un chœur des Huguenots et le chant national do
Charles VI ont été dits également avec un ensemble remarquable.
M"« Obletz , Desamis et D..., amateur distingué , ont montré beau-
coup de talent. Cette dernière a fait valoir, dans une fantaisie bril-
lante dcHerz, un excellent piano nouveau modèle à 8 octaves de Pape.
*,• Orléans. — Le troisième concert de i'instilut musical a eu lieu
le I.") mars. On avait appelé de Paris MJl. ICrnst et Hellcr, qui ont
bien voulu venir nous faire applaudir leur magnifique talent et des
compositions d'un mérite de premier ordre. Ces messieurs ont exé-
cuté ensemble qualre pièces fugiiives. Romance , l'Inquiétude, l'A-
dieu et le Lied, qui sont depelitschefs-d'œuvre. Puis M.F.rnst a joué
seul une Romance et le Feuillet d'Album , et sa célèbre fantaisie sur
la romance d'C'(«Ho. llaproduit un enthousiasme universel. M. Hel-
ler nous a fait entendre des Eludes de sa composition et la Truite de
Schubert arrangée par lui d'une manière très brillante. Tout le
monde criait en l'applaudissant : M. Heller est un grand pianiste et
un grand compositeur.
*,* Valenciennes , 4 mars. — Vol d'un fa diize. — On s'était aperfu
depuis quelque temps que le carillon du collège avait des lacunes;
des recherches furent faites à cet égard, et l'on découvrit l'absence
d'un fa dièze et de plusieurs cloches. Une enquête judiciaire dé-
montra que la soustraciion provenait de l'horloger, chargé par
l'administralion de l'entrelien de l'horloge du collège. En consé-
quence, le tribunal correctionnel de Valenciennes a condamné,
vendredi dernier, le sieur Charles, horloger, à 8 jours de prison ,
50 fr. d'amende, la rcstitulion des objets volés et aux frais.
"." Avesnes. — Un concert a été organisé ici sous la direction de
M. Stavany, qui a fait exécuter les ouvertures d'Oiello et de la Cazza
Ladra , arrangées avec beaucoup de talent pour Irois pianos. Les
morceaux de chant , exécutés par M"= K*"', M"" G"' et M. L., ama-
teurs distingués , ont été couverts d'applaudissemenls.
Chronique étrangère.
*,* Londres. — Au Théâtre de la Princesse, on vient de donner,
avec succès, un ballet très bien monté qui a pour litre : Leola ,
ou The may-day bride (la Fiancée du jour de mai) ; [le sujet
repose sur une superstition irlandaise. — M. de Wilte, harpiste
de la cour impériale de Russie, vient de donner un très beau con-
cert où son rare talent, sur un instrument qui commence un peu à
passer de mode, n'en a pas été moins vivement apprécié. — Tonte
l'aristncralie anglaise , présidée par les ducs de Cambridge et de
Wellington, semblait s'êlre fait un point d'honneur d'assister à la
première séance des anciens concerts, parvenus à leur 6£° année. On
y a distingué un morceau du Samson de Haendel : Dead mardi.
•,* Jullien a reçu des artistes qu'il dirigeait dans ses concerts-
promenades un élégant bâton, comme témoignage de ses loyaux pro-
cédés à leur égard. — Le chanteur Phillips s'apprélc à partir l'au-
tomne prochain pour l'Amérique, où il compte donner des concerts.
— Mendelssohn vient d'être engagé pour conduire six concerts de la
société philharmonique, à partir du troisième de celte saison, qui est
fixé au 29 avril. — Les concerts de l'Académie royale ont commencé.
Les noms des plus grands maîtres et ceux des meilleurs cxécutanls
figurent sur le programme. W. Cramer les dirige.
*,* Berlin. — Lord Westmorelaiid , ambassadeur extraordinaire à
la cour de Pru.-se , vient d'être nommé membre honoraire du Con-
servatoire de musique devienne, et ses compositions ont été placées
dans la bibliothèque du Conservatoire. Il donne dans son palais des
matinées musicales, où des symphonies, des ouvertures, des
chœurs et des airs de sa composition sont exécutés sous sa direction
par l'orchestre de l'Opéra royal et par les artistes les plus distingués,
de manière à satisfaire les plus sévères critiques. Les symphonies se
distinguent par la suavité des mélodies et par une orchestration où
se rcconnaîi la main d'un véritable artiste.
— M. Bernhard Molique, maître de concert de la cour de Wur-
temberg, a donné deux conceris, dans lesquels il s'est montre l'un
des plus éminciUs virtuoses sur le violon et composiieur distingué.
Le public l'a applaudi avec fanatisme. M. Molique est parti pour
Saint-Pétersbourg.
— M. Sigismond Goldschmidt, pianiste de Prague, a donné un
grand concert où il a fait entendre plusieurs de ses composilions à
grand orchestre. Une ouverture et le grand concerto (Op. 32) de
Charles-Marie de Weber, qui n'avait été exécuté ici en public que
par le célèbre auteur lui-même , ont obtenu le plus grand succès. Ce
qui ajoutait à l'intérêt de ce concert , c'était l'exécution de l'ouver-
ture à'Ondine, opéra dont la musique a été composée par le cé-
lèbre romancier Hoffmann. La grande partition de cet ouvrage a
été brûlée en 18l7 dans l'incendie du théâtre, et depuis ce temps,
Ondiite a disparu de la scène. M. Goldschmidt est parli pour Var-
sovie.
— M. Vesque de Putllingen , le célèbre auteur des opéras de Tu-
DE PARIS.
109
randot et de Jeanne d'Arc , donnés sous le pseudonyme de J. Hoven,
et qui sont au répertoire de tous les théâtres d'Allemagne, a quitté
notre ville, où il était venu chargé d'une mission diplomatique,
pour retournera Vienne. Sa présence a eu pour effet de répandre et
de populariser parmi nous ses tieder et ballades , que l'on chante
presque dans tous les concerts. On croit que l'un de ses opéras sera
représenté l'année prochaine après la réouverture du théâtre royal.
— Le docteur Pirmanich vient de publier un recueil de tous les
idiomes de l'Allemagne sous le litre de Germanicus volker.slimmen.
Cet ouvrage, contenant beaucoup de poésies qui s'adaptent à la mu-
sique, est loué par tous les journaux. L'Alsace et la Bourgogne ont
aussi fourni leur contingent à l'ouvrage du docteur. En France , on
avait aussi conçu l'idée d'un ouvrage de ce genre; mais la chute de
l'empire en arrêta l'exécution.
— Carlo Broschi [la Part du Diable) vient d'être représenté à
l'Opéra-Royal. La musique d'Auber et le spiriluel libretlo de
M. Scribe ont obtenu beaucoup de succès. La charmante Léopol-
dine Tuczek , chargée du rôle principal , y a surtout contribué par
son talent.
— M""" Ronzi-Debegnis , une célébrité des théâtres de l'Italie,
vient de passer dans notre ville pour se rendre à Varsovie , et de là à
Saint-Pétersbourg. Tous les dilettanti regrctient vivement qu'elle
ait été trop pressée par son engagement , cl obligée de refuser l'offre
de chanter les rôles d'Anna Bolena et Lucia , que le maestro Do-
nizelti a écrits pour elle.
— Pour célébrer la fête de S. M. la reine , le roi avait arrangé un
grand concert spirituel ; une messe de Pergolèsc cl des airs de
Meyerheer, Mendefssohn el Kucken , composaient le programme :
l'excellent pianiste Th. ICullak tenait le piano.
— G mars. — Le système des excursions dans le domaine de l'an-
tiquité continue d'être en vigueur. Une réunion d'étudiants vient
de représenter au théâtre du Cercle dramatique, dit d'Uranie.la
comédie de Plaute, intitulée Captivi [les prisonniers), dans la
langue originale et réduite en 3 actes , au lieu de S avec le prologue.
Dans les entr'actes , vingt étudiants ont exécuté avec accompagne-
ment d'orchestre trois odes d'Horace , dont les deux premières
avaient été mises en musique pour celte occasion par M. le maître
de chapelle Christian Tauberl, cl la troisième l'était déjà par l'il-
lustre Meyerheer. Les décors, exécutés, d'après les dessins de
M. l'architecle Stank, par le célèbre peintre Grossius, ont excité l'ad-
miration générale , surtout celui qui représenle une rue de Pompéia.
Les costumes avaient élé donnés par le roi , qui les avait fait des-
siner sous la direction du célèbre archéologue Zimmerman. Le roi
est arrivé à l'hôlel du Cercle d'Uranie à huit heures précises, et a
été reçu par une dépulalion de cinq étudiants, avec lesquels il s'est
entretenu très longtemps. Pendant la représenlaiion , Sa Majesté
feuilletait de temps à autre un exemplaire de l'édition stéréotypée
des œuvres de Plaute.
V yienne. — La saison des concerts a commencé chez nous sous
les plus tristes auspices. Les salles sont presque vides. Le public est
las de ces sortes de solennités musicales. Le célèbre Briccialdi lui-
même s'est fait entendre devant des banquettes vides. L'aristocratie
se renferme dans ses salons , et les bourgeois vont écouler Strauss
et les autres virtuoses delà valse. L'opéra : le Retour des exilés , par
M. Nicolaï (auteur du Templario), a eu un grand succès bien réel.
La musique se ressent à la vérité des allures éclectiques de l'auteur;
mais elle a de véritables beautés. Le succès de C.uido ei Ginevra a
été bien éclatant, quoique l'on se soit permis d'écourter par des
coupures maladroites cette belle partition de M. Halévy. Les repré-
sentations des acteurs français sont toujours très suivies; elles al-
ternent avec l'opéra et le ballet.
"," Francfort. — Ces jours-ci , on a joué à notre théâtre le Bar-
bier de Séville , de Rossini. Ce qui donnait un piquant intérêt à cette
représentation, c'est que M. Hasselt paraissait pour la centième fois
dans le rôle de Bartolo. A son apparition il fut accueilli avec de
bruyants applaudissemenis. L'acteur remercia le public dans une
allocution un peu saugrenue, qui toutefois lui a parfaitement réussi.
On a remis à la scène l'opéra de Médée , de Cherubini.
"." La Haye , 22 février. — La Heine de Chypre renouvelle pour
l'administration de notre théâtre français le succès de la Juive et
des Huguenots. Chaque fois que ce bel opéra est représenté , la salle
est comble. Jeudi dernier, au grand déplaisir des abonnés , la hui-
tième représentai ion a eu lieu , abonnement suspendu , ce qui n'a
pas empêché que toutes les places ne fussent retenues quarante-
huit heures à l'avance.
V Vanovie. — L'opéra polonais est au plus bas; on a engagé
une troupe italienne. Parmi les virtuoses qui se sont tait entendre
chez nous , il faut citer MM. Haumann et de Meyer. Par malheur, la
majorité du public n'est guère en état d'apprécier le véritable la-
lent: aussi les artistes font-ils généralement chez nous de mau-
vaises affaires. Tout passionné que le Polonais soit pour la musique,
il n'y a guère que des airs de mazourka ou de krakowiaka qui aient
de l'attrait pour lui. Maria Taglioni , cette héroïne du ballet,
donne depuis quelque temps des représentations sur noire théâtre.
Je n'ai pas besoin d'ajouter qu'elle est accueillie chaque jour avec
des transports d'enthousiasme. A notre grand regret, la célèbre dan-
seuse doit nous quitter bientôt pour se rendre à Paris.
"." Milan. — A la Scala on annonce l'opéra intitulé l'Ebria , dont
la partition a été écrite expressément pour ce théâtre par le maestro
Pacini.
— Madrid. — On s'occupe au Lycée de mesures énergiques pour
couper dans la racine les abus de cet établissement, et le ramener à
sa destination, celle d'être, non une spéculation mesquine, mais le
sanctuaire des aris et de la littérature. — Voici comment est com-
posée définitivement l'entreprise lyrique del Circo : prime-donne ,
Mmcs Basso-Borio et Gariboldi ; seconde prima. M"' Moreno-Farro;
ténors, Confortini et Unanue; basses, Salvatori et Spech. M""« Mo-
reno, que nous venons de mentionner, vient de se faire connaître
avec succès à Madrid, dans un air de las Treguas de Ptolemaïde, du
maestro Eslaba, compositeur espagnol.
— On lit dans le journal el Casiellano : Nous avons devant nous
les premiers numéros de la Gazelle musicale et littéraire de l'Aca-
démie espagnole. Cette société, qui s'est constituée sous la protection
de S. M. la reine dona Isabelle II, a fondé un recueil uniquement
consacré aux questions musicales et littéraires, et qui compte les
premières notabilités de l'époque parmi ses rédacteurs. Le per-
sonnel de la troupe chantante du théâtre du Cirque à Madrid est
composé des senoras Basso-Borio, Gariboldi, Rocco, et des se-
nores Salvatori, Confortini et Unanue.
— Au dernier concert de la Iberia musical, le 29 février, on a re-
marqué, comme un symptôme de l'estime accordée à notre art,
que la princesse HobanofT de Rostotf a chanté un duo avec la senora
Borio , cantatrice du théâtre du Cirque. Nous applaudissons à cette
fusion du monde de l'aristocratie avec celui des artistes. Il est bon
que cet exemple, déjà donné en France, se propage en Espagne,
terre classique jusqu'ici de la morgue nobiliaire.
*,* Barcelone. — On a donné au théâtre de la Sanla-Cruz / due
Figaro , opéra bouffe en 2 actes , du maestro Speranza. La partition
manque d'originalité dans les motifs et de brillant dans l'instru-
mentation. L'exécution a été faible. La signora Goggi a mis pourtant
de la grâce dans un rôle de mnnola ( grisetle de Madrid), quoiqu'on
lui reproche de n'en avoir point copié les manières avec assez de
naturel.
CONCERTS ANNONCES,
mars. 2 heures. M»« Th. Warlel. Salle Delsarte.
— » — M. Lacombe. Salle Érard.
— 2 — M. Ch. de Lisie Salle Herz.
— 2 — M. Lindsay Sloper. Salle Érard.
— 8 — M. Delisles et ses quatre fils. Salle Herz.
— 8 — M. Osborne. Salle de l'École lyrique. "
— 8 — MM. Goria et Lac. Salle Pleyel.
M"»^ Slœpel. Salle Érard.
M. Vauldmuller. Salle Pleyel.
M"" Bonnias. Salle Pleyel.
M"' Pauline Jourdan. Salle Érard.
Mii= Cortez. Salle Pleyel.
M. Prumier fils. Salle de l'École lyrique.
M»' Deligny. Salle Pleyel.
Gazette musicale. Salle Pleyel.
M»" Ronconi. Salle Herz.
M. Porto. Salle Pleyel.
M. Doehier. Salle Érard.
M. Berlioz. Salle de l'Opéra-Comique.
M. Milhés. Salle Pleyel.
M"' de Dieiz. Salle Pleyel.
M"" Régnier. Salle Pleyel.
M. Herman. Salle Pleyel.
M"' Mattmann. Salle Pleyel.
M"" Alessi. Salle Pleyel.
M. Fridrich. Salle Pleyel.
M. Mereaux. Concert historique. Salle Pleyel.
— 2 —
— 2 —
— 8 —
— 2 —
— 2 —
— 8 —
avril 2 —
— 8 —
— 8 —
— 2 —
— 8 —
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— 8 —
— 2 —
— 8 —
— 2 —
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SGHLESINGER.
110
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Four paraître le 1" Mai chez nAITBlCE SCBIiESIHtîER, 97, rue Richelieu.
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reilsgymnastiques destinèsà donner de rea;(ens/on i
lamainetderécarf aux doigts à augmenteretàé^aïf-
ser leur force et à rendre le qualriéme et le cinquième
indépendants de tous les autres. Le Chirogymnaste
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112
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152. Iiss Caprices.
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LA RÉUIVIOIV,
Op. 90. lia Saison de Iiondres.
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11. Caroline.
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^Wâ®llî]La.lS îlOlErfMTO Bl W©111,
QUASniLLES BUILLAMTS.
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^e Retour du Croisé.
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Le 1~*' et le 15 de chaque mois on recevra on morceau de musique.
SOMMAIRE. Académie royale de musique: le T.az^arone. opère en
deux aclcs (première représentalion'i; par M/VUIUCE nOlJRGES.
— Tliéâlre royal de l'Opéra-Comique : la Airciie, opéra en trois
actes; par H. BLANCHARD. — Coup dœil sur les concerts de la
semaine; par II. BLANCHARD. — L'empereur Joseph II cl le
compositeur Ditlersdorf. — Correspondance particulière: Londres.
— Nouvelles.
LES DEUX MÉNÉTRIERS. Dessin de Gavarni.
lie sixième Concert de la Gazette musicale aura lieu le l*^*" Avril.
( Voirie Programme avant les Nouvelles.)
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
LE LAZZARONE,
ou
aïs S253SÎ "^2SSîîS S3SÎ t^<B^ms:i.it^»
, OPÉEA EN 2 ACTES.
Paroles deM. DESAiNT-GiiORGES; musique de JF. F. HaléW.
(Première représentation.)
ieii de moins décisif qu'une prcniièfe repré-
sentation , surtout h l'Opéra. Que de belles
inspirations, qui , depuis, ont fait fortune,
furent d'abord gauchement appréciées et re-
çues avec froideur ! Que d'ouvrages médio-
cres, portés aux nues dès leur apparition, tombèrent bientôt
dans le profond oubli , qui les réclamait ! Je ne sais donc rien
de plus contraire à l'expérience et à la raison , que de pronon-
cer en dernier ressort , aussitôt après une seule et unique
épreuve. Ces arrêts prématurés ne passent presque jamais
sans appel, car c'està peine si la critique consciencieuse peut
être bien assurée d'avoir saisi les passages les plus saillants.
Quant à l'ensemble , il est impos.sible de l'embrasser si rai)i-
)o dément. Que de motifs, au contraire, pour rendre la première
pv audition insuffisante ! Des acteurs , qui ne sont pas plus fami-
Ç' iarisés avec leurs l'ôles qu'avec leurs nouveaux costumes, des
chœurs qui n'osent pas attaquer rondement , un orchestre
dans lequel se manifeste un peu d'hésitation forcée, des lon-
gueurs qui ne sont sensibles que le rideau levé, point de
sympathie encore établie entre la scène et la salle , un public
qui ne sait ni qui parle ni de qui on parle , enfin une sorte de
défiance générale, de retenue singulière, qui ne disparaît
qu'après récidive : n'est-ce pas assez pour fausser de tous
points les jugements et donner le change aux esprits les plus
exercés? Comment se hasarder alors à décider lestement, je
ne dis pas d'un poëme, mais d'une musique compliquée ,
écrite avec art , semée d'intentions délicates , fugitives , peu
commune de rhythnie, d'instrumentation, de plan mélo-
dique, et, par conséquent, difficile à bien pénétrer de prime-
saut? Donc, point de conclusion absolue jusqu'à plus ample
informé, du moins pour la totalité de l'ouvrage sous le rap-
port musical.
La valeur précise du librctto est plus aisée à déterminer.
L'auteur, qui a fait preuve tant de fois d'esprit et d'habileté,
a voulu évidemment entrer dans une voie de réaction. Lassé
sans doute , comme tout le monde, de ce dédale de péripéties
romanesques, d'événements inouis, de moyens impossibles
accumulés dans le moindre opéra moderne , il a essayé d'en
revenir aux ressorts les plus simples Et en cela , il a jiarfai-
tement réussi. Peu de pièces sont moins intriguées que le
Lazzarone.
Beppo, le pêcheur insouciant de Naples, où le beau jou-
venceau se plaint de ne pouvuir plus dormir, sauve par ha-
sard la vie à un charlatan de première clas.se, h Mirobolante,
le pompeux improvisateur, un Pindare en herbe, que le peu-
ple, juge implacable en poésie, allait noyer sans façon pour
quelques méchants vers. Avis à bon nombre de nos poètes :
l'air de Naples leur serait dangereux. Mirobolante cependant
en est quitte pour la peur. Et puis, 'que ne braverait-il pas
pour atteindre la fortune, lui qui a couru si longtemps après
l'inconstante déesse, à travers tant de dangers? Mais la voici
BUREAUX D'ABOIJlffEMEHTT, RUE aiCHElIEU, 97.
114
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
qui semble tout d'un coup lui sourire. Un certain Josué,
oncle dénaturé, tuteur infidèle, moins ami de son; sang qjue de
sa bourse, a fait disparaître jadis l'enfant de sa sœur pour
empocher l'héritage. Or, ce neveu est sans doute le lazzarone
lui-même, Bcppo, qui porte une croix prudenmicnt attachée
à son cou, comme signe de reconnaissance. Jlirobolaiitc,
toujours h la piste desévénemcnts, démêle cette trame; Allons,
vénérable Josu<5, voici l'héritier légitime. Votre embarras vous
trahit ; l'improvisaleur vous ramène ce rejeton supprimé.
Cédez au repentir et à la tendresse : cela vaut mieux que la
potence ; et embrassez votre neveu. « — Jlon neveu ! mon
» neveu ! s'écrie le vieil usurier avec transport Eh ! c'était
» mie nièce. » Pauvre Mirobolante ! encore une partie per-
due. Pour Reppo, il chante , il rit , et se console en baptisant
je ne sais quelle cloche avec la fleuriste Baptista, sa commère
et son amoureuse. Mais le charlatan, qui aimerait cent fors
' mieux fondre la cloche qu'en être le parrain , ne se tieffit pas
pour battu. En un clin d'oeil, ses espérances sont relevées.
La croix providentielle appartient à Baptista, dont l'identité
est également prouvée par un acte de naissance en bonne
forme. Pour le coup, nous tenons l'héritière ; mais l'héritière
et Beppo ne se soucient guère de cette découverte-là. « Si tu
«deviens riche, dit en soupirant le lazzarone, je serai trop
» pauvre, moi! Plus de mariage; plus d'amour! — Non,
» non , pas de fortune à ce prix ! » et Baptista brûle l'acte au-
thentique. Où en serait , je vous prie, le malheureux et infa-
tigable Mirobolante , s'il ne parvenait à inspirer à Beppo de
graves scrupules sur le dévouement de sa belle , et à la belle
de sérieuses inquiétudes sur la fidélilé de Beppo ? Mais, grâce
au chevalier d'industrie , l'enfant du peuple se fait soldat , et
sa fiancée promet sa main par vengeance à l'improvisateur.
Grande indignation du vieux Josué ! Puisque son illustre ho-
monyme a pu arrêter le soleil dans sa course , il pourra bien,
lui, enrayer la marche de ce coureur de dots. Aussi, que fait
le barbon? Forcé de reconnaître une nièce dans Baptista, il
se propose à elle pour époux. Ce sera moi, s'écrie Mirobolante.
Ce sera moi , parbleu , réplique Josué. Ce sera lui, dit Bap-
tista , et elle tire par le bras le gentil Beppo, devenu dragon,
qui s'est enivré , ne vous déplaise , et dort au beau milieu
delà place, dans le temps même où la fortune et l'amour
Tiennent le prendre par la main.
Voilà tout le fond du livret. Le dialogue est en général spi-
rituellement écrit, pas assez vif cependant pour le genre
bouffe. Il y a dés scènes bien coupées ; plusieurs demanderont
de nombreux retranchements. Le sujet est trop léger pour
supporter des développements étendus.
Le défaut capital à mon sens , c'est l'absence de ténor. Les
quatre rôles sont écrits pour un soprano aigu , un mezzo-
soprano , un baryton et une basse. Il est fâcheux que la di-
sette de ténors ait obligé M. Halévy de renoncer à un timbre
de voix si nécessaire dans un opéra. Il en résulte une certaine
monotonie indépendante du talent de l'auteur , mais qui n'en
est pas moins nuisible.
Dans les cinq duos, les deux trios , les six morceaux-soli et
les quatre ou cinq chœurs , qui forment la partie musicale
du Lazzarone , on a retrouvé la facture élégante et distinguée
de M. Halévy. Les effets d'orchestre sont ménagés et propor-
tionnés au caractère peu bruyant du poëme. L'instrumen-
tation , pleine de goût , est partout expressive et bien entendue.
La couleur mélodique se fait remarquer en général par la
grâce et la fraîcheur naïve ; depuis l'Eclair , ouvrage qui
prêtait à la musique légère et facile , M. Halévy ne nous avait
point donné des mélodies aussi faciles à retenir. Il y aurait à
citer une foule de traits dans la déclamation , qui a semblé par-
ticulièrement soignée. Plusieurs passages sont empreints de
cette finesse franche , de cette charmante rondeur naturelle h
Grétry". Ce n'est pas la première fois que M. Halévy témoigne
de cette tendance. Parmi les morceaux qu'on aie plus applaudis,
on doit mentionner : l'Ouverture, dont le premier mouvement
à trois temps, puis l'allégro vif et piquant ont produit un heu-
reux effet ; la cavatine de Beppo , l'air bouffe et originalement
coupé de l'improvisateur , le duo du Lazzarone et de Miro-
bolante , dont les deux thèmes principaux sont vraiment dé-
licieux; les couplets^coquets de Baptista , le rêve de Beppo,
si bien accompagné par un effet de sourdines ; les deux trios,
du meilleur comique , et contenant des mélodies délicieuses ;
le chœur et les couplets du baptême , la chansonnette vive
et pétillante : Quand on n'a rien; l'ensemble expressif du
duo suivant entre Baptista et Beppo ; enfin le duo remarquaMe
de Mirobolante et du Lazzaroras au deuxième acte.
Voila certainement une somme de morceaux suffisante
pour assurer la fortune d'un ouvrage. Les représentations
suivantes mettront encore plus en lumière ce qu'il y » de
véritables beautés dans cette nouvelle partition de l'auDJeBr
de la Juive et de Charles VI. 11 serait bon cependant
qu'on y fît quelques coupures utiles à l'effet. La légèreD&-<}u
canevas ne comporte pas une si grande quantité de musique.
L'ensemble marchera plus lestement après quelques sup-
pressions intelligentes.
Deux mots encore sur les acteurs. iM"'= Dorus-Gras a
chanté avec ce goût exquis et cette voix délicate qu'on lui
connaît. La gracieuse fleuriste a mérité les bouquets de
fleurs qui sont[allés à son adresse. RI""' Stoltz , un charmant
garçon , ma foi, a joué avec verve le rôle de Beppo. Elle a
eu de très heureuses inspirations. Le costume de dragon
rhabille à ravir. Barroilhet a fort bien saisi son personnage.
Levasseur aurait pu ne pas donner au sien une allure de Cas-
sandre si marquée. Tous deux , du reste , ont très bien
rempli leur emploi de chanteurs.
Les deux dernières décorations ont été bien accueillies ,
quoique le modeste cabinet de la pauvre fleuriste ait toute
l'apparence de la serre la plus riche en arbustes rares et exo-
tiques. C'est une véritable succursale du Jardin des Plantes
avec des proportions trop gigantesques. A cela près , tous
les accessoires de mise en scène ont mérité l'approbation.
C'est donc un beau succès à constater, et qui sera produc-
tif pour le théâtre si la direction sait en profiter.
Maurice BOURGES.
THEATRE ROYAL DE L'OPERA-COMIQUE.
LA SIRÈNE,
OPERA-COMIQUE EN 3 ACTES,
Paroles de M. Scribe; musique de M. Auber.
(Première représentation.)
1 s'agit encore , dans ce nouveau librelto de
M. Scribe , de révolution , de restauration , du roi
Joachim Murât et d'un de ses infâmes et plats
courtisans qui espère ou craint son retour. Tels
sont les éléments, les- ressorts constitutifs de cette
machine dramatique dont l'avant-scène, le fonds de l'intri-
gue , les événements et les individus sont comme offerts en
holocaustes sur l'autel de l'Opéra-Comique. De l'intérêt à
petites doses, un comique du bout des lèvres, un cliquetis
charmant d'événements impossibles, un dialogue spirituel
comme toujours: tels sont aussi les moyens que l'auteur iné-
DE PARIS.
115
puisable, infatigable, a su employer avec autant d'adresse
que de bonheur, et qui out été couronnés d'un plein succès.
Un nouveau Fra-Diavolo , chef de voleurs ou contreban-
diers, nommé Marco ïempcsta , infeste avec sa troupe les
environs de Naplcs. Le duc de Popoli , aussi présomptueux
qu'imbécile, est envoyé par son gouvernement pour détruire
la bande de Marco Tempesta. Ce dernier entre en relation
avec le duc, qu'il a servi à Naples, et qui par conséquent ne
le connaît que sous le nom de Scopetto. Ils se rencontrent
tous deux dans le presbytère d'un vieux curé de campagne
nouvellement décédé, où ils sont venus demander l'hospitalité,
ainsi qu'un jeune officier de marine qui est entré dans le
presbytère pour se garantir de l'orage , et qui est aussi bien
reçu par la servante du défunt curé , qu'il l'est mal , ainsi
que Scopetto ou Marco Tempesta , par le signer Bolbaja, di-
recteur de spectacle , et presque homonyme du fameux Bar-
baja , imprésario des théâtres de Naples et autres, et connu
de toutes les ])rime donne et de tous les tenori du monde
musical. Scopetto a une sœur appelée Zerbina , surnommée
la Sirène à cause de sa jolie voix , et que son frère emploie à
tromper, attirer et charmer les voyageurs ou les douaniers.
Eu bon frère qu'il est, le jeune contrebandier n'aspire qu'à
voler le gouvernement napolitain pour doter sa sœur et la
marier. 11 parvient à ce double but en reprenant au duc de
Popoli (c'est-à-dire le duc des peuples) quelque cinq cent
mille piastres de marchandises que ce noble courtisan avait en-
levées aux contrebandiers commandés par Marco ïempesia, et
en unissant sa sœur au jeune officier de marine, quiestlepropre
neveu du duc , et que celui-ci a dépouillé de son titre etde sa
fortune. Il va sans dire que le jeune marin et Zerbina s'aimaient
déjà ; mais ce qui complique l'intrigue et paralyse le bon
vouloir du contrebandier à l'égard du jeune officier de ma-
rine , c'est que c'est ce dernier , commandant la tartane
VEUia, qui a enlevé la fortune du contrebandier et de ses
compagnons. Cependant avecune probité, une délicatesse, une
somme de vertus de famille enfin comme on n'en trouve que
chez les brigands d'opéra-comique , le chef de bandits abjure
tout ressentiment contre celui qu'il nomme déjà son beau-
frère , et le duc de Popoli est forcé de restituer une partie de
sa fortune à son neveu Scipion , l'officier de marine , de
crainte de voir publier sa correspoudance avec le roi Murât ,
et , qui plus est , il contribue à l'évasion du contrebandier,
qui va sans doute vivre sur une terre plus hospitalière où l'on
puisse apprécier ses talents d'émancipation sociale, com-
merciale , et où l'on sache récompenser enfin le vice vertueux.
Cette morale n'est pas neuve , mais elle est consolante en
matière d'économie pohtique, si difficile à réaliser.
Sur ce libretto , que les grands journaux peu lyriques nous
analyseront en une demi-douzaine de colonnes au moins ,
M. Auber a jeté sa broderie musicale habituelle , sa broderie
élégante ,- avec force paillettes de clinquant et d'or pur. Le
faire de ce compositeur ne vieilUt pas, parce que son style est
recherché , travaillé avec soin , avec conscience. Nous ne
voulons , pour preuve de cette conscience , que ce qui est
arrive à l'égard de l'ouverture , qui a provoqué un mot naïve-
ment maladroit de louange empressée , et assez plaisant par
la tournure d'involontaire épigramme qu'il a pris. L'auteur
ayant écrit et fait répéter une ouverture dont il n'était pas
content, dit : Il faut que j'en refasse uneautre qui, au reste,
sera peut-être aussi mauvaise. — Ah ! c'est impossible , s'écria
un auditeur-acteur, qui s'imaginait adresser un comphment
au compositeur. Quoi qu'il en soit , M. Auber a composé une
seconde ouverture , et , sans connaître la première , nous
pensons qu'il a bien fait. Celle que nous avons entendue, sans
être dans la forme classique de nos belles ouvertures de Me-
hul , de Cherubini et de Bertou , sert de préface à l'ouvrage
en empruntant plusieurs motifs de la partition , ce qni est un
moyen plus commode et plus facile que de créer une sym-
phonie analogue au sujet , et qui se distingue par l'unilé de
pensée. Le chant large des violoncelles sali, qui sert d'intro-
duction à celle-ci , est beau ; puis vient un mouvement de
valse plein d'élégance et d'entrain ; et puis une coda un peu
commune qui sent toujours le salon : tout cela , arrangé avec
coquetterie, esprit et beaucoup de goût, a été vivement et
justement applaudi par la généralité des auditeurs.
Les couplets chantés par M"" Prévost, après l'ouverture, et
auxquels viennent se mêler les accents lointains et mystérieux
de la Sirène, ont de la couleur et sont bien orchestrés. Le duo
entre Roger , qui joue le contrebandier, et Audrau , remplissant
le rôle du jeune officier de marine, s'annonce d'une manière
dramatique, mais ne finit pas aussi bien qu'il a commencé. Le
morceau d'ensemble dans lequel les instruments de cuivre
accompagnent les voix est le morceau capital de l'acte ; les
cors y sont on ne peut pas mieux traités, et interviennent
d'une façon délicieuse avec les trombones. Ce morceau a été
bissé, quoiqu'il n'offre rien de bien saisissant par l'invention ;
mais les voix y sont employées avec beaucoup d'art. Le finale
qui suit est commua par la mélodie , reproche que l'auteur
ne nous a pas accoutumé à lui adresser.
Le chœur ouvrant le deuxième acte n'a pas beaucoup de
caractère et d'originalité ; mais lorsque le chef des contre-
bandiers intervient et leur dit : Voyez-vous ce sombre nuage 7
l'orchestre est traité là avec beaucoup de goût, et les gammes
chromatiques qui se succèdent sont d'un effet tout-à-fait
pittoresque ; et puis la romance en ut majeur que chante
ensuite Roger, etqu'ildit déUcieusement, estd'un effet char-
mant. Après quelques fleurs de rhétorique et de poésie peut-
être motivées dans un contrebandier napolitain , et que doit
exaller le ciel inspirateur de la belle Italie , le chœur reprend,
et cette fois mieux traité que dans l'introduction de l'acte.
Des imilations dramatiques, et formant un bon dialogue
musical , terminent on ne peutplus heureusement ce morceau
pittoresque et d'un bel effet.
Les couplets chantés par la Sirène à son entrée en scène
sont délicieux. Ils sont dits par M"° Lavoye de manière à faire
répéter par toute la salle que cette jeune cantatrice était bien
faite pour continuer l'emploi des Sirènes, vacant à l'Opéra-
Comique depuis le départ de M°" Damoreau et Rossi-Caccia.
Après ce madrigal, qu'il nous soit permis de lui dire qu'il faut
autant que possible , après les tours de force et d'agilité du
larynx , montrer un peu d'âme musicale quand on en trouve
l'occasion, et quand on en a.
Un joli duo entre le contrebandier et sa sœur , et qui se
promène de fa majeur et la majeur d'une gracieuse manière,
aurait dû prendre sous la plume d'un compositeur aussi re-
marquable que M. Auber une extension plus largement mélo-
dique et surtout plus dramatique lorsque Marco Tempesta
apprend le nom de celui que sa sœur aime et dont il a préparé
la mort. Celte situation est belle; elle change la face du mor-
ceau. C'est une péripétie dramatique et par conséquent émi-
nemment musicale ; le compositeur ne s'est pas assez pas-
sionné là; chose , au reste, qui lui arrive rarement ainsi qu'à
son librettiste , qui enlève les suffrages i)ar la finesse du dialo-
que, la mesure et la rapidité de l'action; mais non par des
mois partant du cœur.
Dans une romance fort bien chantée par M"" Lavoye, nous
avons distingué sur le mot reviens , plusieurs fois répété , des
harmonies inattendues, pleines d'une élégante originalité.
116
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Cela s'enchaîne h des duos , des trios qui n'ont rien de bien
saillant; puis avec le chœur dans lequel Marco Tempcsla lutte
contre la révolte de ses gens, et qui offre de belles parties,
surtout quand il leur dit :
Qu'à sa vois la tempête
Doit cesser de gronder.
Le grand morceau d'ensemble dans lequel la Sirène in-
tervient comme prélcnduc prima donna de la troupe de
Bolbaja, offre des vocalisesdifficiles, hautes, sèches, et quel-
que peu dures par la manière dont M"' Lavoye les attaque.
Ces exercices font penser au joli air du Billet de loterie de
Nicolo : Non , je ne veux pas chanter , etc. , si plein de grâce
et de fine ironie. L'ensemble de ce final d'acte est d'un bel et
puissant effet; c'est une pompeuse et magnifique péroraison.
Dès le commencement l'auleur passe iVut mineur en ni ma-
jeur de la manière la plus logique et la plus naturelle , qui
étonne et plaît par la simplicité du moyen , et puis vient
un unisson général largement dessiné. Il est dommage que le
compositeur ail interrompu ce morceau de splendide har-
monie pour suivre son poëte qui lui fait atténuer ce bel effet
par le départ de ses personnages, espèce de coda inutile
comme scène et nuisible comme musique.
Le troisième acte , dans lequel il y a peu dciiuisique , com-
mence par un chœur de contrebandiers assezordinaire et qui ne
vaut pas le beau chœur des Pirates dans Zampa qu'il rappelle
par sa situation qui est h peu près pareille. Après ce morceau
vient un duo entre Zcrbina et Scipion qui a de la grâce. Les
appoggiaiuie n'y manquent pas ; mais ces dissonances mé-
lodiques sont bien allaquées par les deux récitants. Dans le
morceau d'ensemble très étendu qui termine l'ouvrage,
M"' Lavoye se livre à un luxe de vocalises d'une inextricable
difficulté , provoquant des applaudissements qui , en témoi-
gnant du plaisir qu'on éprouve à l'écouter, semblent aussi la
féliciter d'être sortie de cette lutte vocale plus ambitieuse que
gracieuse.
Duprez, à sonretourd'Angleterre, trouvera son audacieux
ut de poitrine éclipsé par le ré Hmpide, éclatant de M"" La-
voye. La pièce qui attache, excite la curio.sité comme tous les
ouvrages d'intrigue , est montée avec un grand luxe de décors ;
elle est jouée avec beaucoup d'ensemble par MM. Roger,
Henri, Audran et Ricquier. M"" Lavoye et Prévost y sont fort
bien placées aussi. C'est donc , ainsi que nous l'avons déjà
dit, un nouveau succès à enregistrer pour le théâtre de
l'Opéra-Comiquc.
Henri Blanchard.
SUR
IiES COBJCERTS DE EA SEBÎAIETE.
\îk ' ""^ ^'^'^''' ''"^ sans importance pour l'art musical
^^ de faire un relevé slatislique de toutes les socié-
jlés philharmoniques qui existent maintenant en
) France. Ces sociétés aident et poussent au pro-
grès de la décentralisation artistique , et c'est
un bien pour la civilisation. Paris a aussi sa société philharmo-
nique. Si cette corporation musicale est un peu dans le genre
de l'ancienne Académie de Marseille, qui, au dire de Voltaire,
semblable à une honnête fille, n'avait jamais fait parler d'elle,
elle n'en fonctionne pas moins tous les mois coram populo;
et dimanche passé elle a donné un grand concert dans la salle
Montesquieu. Cette société se compose d'amateurs , ce qui
n'empêche pas plusieurs artistes de s'y faire entendre. M. Loi-
seau, l'un des ex-premiers violons du théâtre de l'Opéra-Co-
niique , dirige cet orchestre d'amateurs avec talent , et lui
fait exécuter avec autant d'ensemble et d'aplomb que pos-
sible , les ouvertures de tous nos opéras modernes. S'il a
quelques rapports avec les employés subalternes de la société,
nous l'engageons à leur recommander d'être un peu plus
polis qu'ils ne le sont envers le public; qu'il leur dise, s'ils
ne le savent pas , qu'Orphée adoucissait l'humeur des ani-
maux les plus farouches au moyen de l'harmonie , et ces gail-
lards-lh s'humaniseront peut-être un peu.
Et puisque nous en sommes aux fictions mythologiques ,
nous dirons qu'il faut absolument que quelque nouveau
Cadmus ait semé les dents , sinon d'un dragon , du moins de
quelque démenti ou d'un Hummel , qu'il aura tué et dont il
naît une foule de pianistes qui se combattent et s'entre-dé-
truisent comme les soldats nés des dents du monstre vaincu
par le fils d'Agénor et de Théléphassa. Si , pour suivre notre
figure, il n'en restait que cinq pour bâtir ou rebâtir avec un
autre Amphion quelque nouvelle ïhèbes , ou cette cité har-
monieuse d'Euphonia que nous promet Berlioz , on pourrait
en prendre son parti ; mais ce qu'il y a d'inquiétant , c'est
que les pianistes ne se battent qu'à coup de langue, ce qui
fait qu'il n'en meurt pas. Ils semblent se multiplier comme
les doubles, les triples et quadruples croches qu'enfantent
leurs doigts; et l'on peut dire d'eux avec la Marseillaise :
La terre en produit de nouveaux
Contre vous tout prêts à se battre.
Le premier qui ait vaillamment combattu dans les premiers
jours de cette semaine pour conserver sans tache ses litres de
compositeur et de pianiste agréable et parfois énergique ,
c'est M. Osborne : il nous a fait entendre , dans la jolie salle de
M. Moreau-Sainli , le beau duo pour piano et violon'qu'il a
composé avec M. de Beriot , et qu'il a fort bien exécuté
avec M. Herman, ainsi que son joli caprice ornithologique
inlhuléï Hirondelle; puis la Tarentella; et puis un autre
grand duo pour deux pianos qui, exécuté par M. Dœhler et
l'auteur, a produit , ainsi qu'une belle étude en mi mineur,
le plus grand effet sur l'auditoire presque tout anglais, et qui
s'était empressé de venir entendre un compatriote, ou à peu
près , car M. Osborne est Irlandais.
Le lendemain, M. Distin et sa famille, également du
royaume-uni de la Grande-Bretagne, se sont fait entendre
sur les excellents instruments de M. Adolphe Sax, dans la
salle de M. Ilerz, et ont produit leur effet accoutumé. Les
morceaux: Robert, toi que j'aime, le final de la Lucia, mais
surtout le God save the king ont , fait le plus vif plaisir à
l'assemblée presque toute anglaise aussi , et qui a même eu
le plaisir d'ajiplaudir un pianiste anglais, M. Julien Adams,
qui a fort bien dit le concerto de Weber.
Le. même jour, M. Lindsay Sloper, autre jeune pianiste
anglais pur-sang, en compagnie de Roger de l'Opéra-Comique,
de notre jeune violoniste Herman, de la gentille M""" Sabatier,
de M''° Masson , la cantatrice poétique , et qui fait rêver,
M. Lindsay Sloper, concertait de sa personne pour un public
de bonne compagnie anglaise et française. Qu'on dise après
cela que nous entendons mal et ne pratiquons pas bien l'hos-
pitalité envers nos ennemis intimes de la perfide Albion ! Le
bénéficiaire est un pianiste fin , à manière féminine. Son jeu
net, brillant et pur a été apprécié dans la belle fantaisie sur la
Sémiramide de Thalberg , et dans le caprice intitulé la
Truite , charmante composition dans laquelle Ilellera si bien
interprété Schubert, et que M. Lindsay Sloper a dit avec
beaucoup de talent.
! 1
i I
DE PARIS.
117
M. Auguste Franck est un pianiste qui interprète, traduit,
franscrit aussi les mélodies de Schubert, qu'il joue fort bien ,
ainsi que sa musique qu'il ne joue pas moins bien. Il a déjà
donné plusieurs matinées musicales chez lui; elles ont attiré
une nombreuse société qui applaudissaient toujours sa brillante
exécution.
M. Albert Sowinski qui est pianiste comme un autre , aussi
bien qu'un autre, mieux qu'un autre même , a deux cordes à
son arc. 11 compose de la musique sacrée, et se donne le plaisir,
ainsi qu'à ses amis, de faire exécuter quelquefois ses inspi-
rations religieuscF. C'est ce qu'il a fait il y a quelques jours
dans l'église du couvent des Oiseaux, charmante serre de
fleurs mystiques et de voix suaves, qui ont dit, avec une grande
intelligence musicale, une messe solennelle à trois parties:
solos et deux chœurs, avec accompagnement d'orgue, de la
composition de M. Sowinski. Ou a surtout remarqué l'incar-
natus est, solo de contralto, trio et chœur, h crucifixiis ,
sextuor et chœur, \c bencdictus ,Vag)nts dci et le dona
nobis pacem.
Après avoir honoré l'Angleterre , la Belgique et la Pologne
dans la personne de ses artistes , qu'il nous soit permis de
parler un peu de nos artistes nationaux. M"'' Jourdan-Mar-
chal , élève de presque tous nos professeurs de harpe, et qui,
de plus, est elle-même harpiste de la reine des Français, a
donné un grand concert dans les salons de M. Erard. En
qualité de harpiste gouvernementale , elle a joué avec
M"" Lovcday le duo'du couronnement de la reine d'Angleterre
pour piano et harpe , composé par MM. Herz et Labarre ;
puis une fantaisie sur un thème original de sa composition.
Ces morceaux ont fait plaisir au nombreux pubHc de toutes
les classes de la société qui se coudoyait , se foulait quelque
peu pour entendre et voir les exécutants, et pour constater
que M"" lîourdon a fait depuis l'année dernière de notables
progrès, et qu'on peut hardiment la classer maintenant parmi
les harpistes de premier ordre.
M. Lacombe a donné précédemment, dans le même local,
une soirée musicale qui a réuni presque autant de monde. Il
a d'abord dit dans cette séance un quintette en fa dièze pour
piano, violon , violoncelle , hautbois et basse de sa composi-
tion. M. Lacombe ne s'est pas épargné dans celte soirée
comme compositeur et exécutant. Hommage à Tliaiberg
sur des motifs de Béatrice di tendu; àno pour deux pia-
nos, sur B.ohin des bois ; neuvième harmonie des harmo-
nies de la nature; étude en ««bémol mineur; Polonaise;
duo pour piano et violon sur des motifs d'Oberon , tel est le
menu du repas musical tjue le bénéficiaire a offert à ses con-
viés. Ils ont tout goûté d'un bon appétit. M. Lacombe est un
pianiste remarquable , à manière nette et brillante , au
style pur dans ses compositions et dans son exécution... Mais
nous nous arrêtons ici , car il faut bien se réserver quelques
adjectifs laudatifs pour deux pianistes charmantes , qui ont
aussi donné concert dans le courant de la semaine qui vient
de s'écouler
La première , M""= Wartel , jolie Française , et , de plus ,
jouant fort bien du piano , vient de parcourir l'Allemagne,
pays des bons pianistes et de la bonne musique , oi!i notre
charmante compatriote a été lithographiée , applaudie avec
enthousiasme : il y a eu plus et mieux que galanterie dans
les suffrages qu'on lui a si libéralement accordés, dans les ova-
tions qu'on lui a faites; il y a eu justice. M"" Wartel s'est
montrée pianiste classique et du progrès dans le concert
qu'elle a donné chez son beau -frère , M. Delsarte , excellent
professeur de chant. Un concerto de Bach, une belle eœuvre de
Beethoven , et le brillant morceau de salon de Weber lui ont
offert l'occasion de montrer un talent sévère , solide et même
masculin , sans que la force, l'éclat et la verve lui fassent ou-
blier la grâce inhérente à sa qualité de jolie femme. C'est aussi
à ce dernier titre qu'on peut parler de M™ Bonnias , pianiste
distinguée , qui joue de son instrument d'une manière expres-
sive et brillante. M»'" Bonnias s'est aussi expatriée ; elle a été
chercher des applaudissements et de la réputation en Angle-
terre, et puis elle nous est revenue, parce qu'elle a vu que la
réputation artistique que l'on conquiert dans notre capitale de
France est la réputation la mieux acquise , la moins contestée
ensuite; que les applaudissements que l'on vous adresse ne
sont accordés qu'avec discernement et goût , comme elle a
pu s'en convaincre dans le concert qu'elle a donné chez
M. Pleyel le 28 passé. La grande sonate pour piano et violon,
dédiée à Kreutzer par Beethoven ; une fantaisie de ïhalberg,
d'une difficulté diabolique , sur la Norma , et le joli trio es-
pagnol de Brod pour piano, hautbois et basse , ont montré le
talent de M°'= Bonnias dans toute son étendue et sa variété.
MM. Baumes-Arnaud , Lac , Triebert , Jancourt , comme
chanteurs et instrumentistes, se sont distingués dans ce con-
cert, ainsi que M"" Dobré et Chérie Couraud; mais c'est
surtout M. Alard qui a dit un solo de violon d'une manière
ravissante , pleine de verve , d'expression et d'éclat.
Henri Blanchard.
L'EMPEREUR JOSEPH II ET LE COMPOSIIECR DIITERSDORF.
1986.
ittersdorf, l'auteur
de quelques com-
positions légères ,
qui eurent dans le
temps une grande
vogue, avait écrit
un oratorio sous le titre de Job , qu'il vou-
;lait faire exécuter à Vienne, ainsi que
des symphonies sur les métamorphoses
d'Ovide , dans le local i>iAugarten. Pour cela
il lui fallait la permission de l'empereur, qui
la lui accorda sans difficulté. L'affaire termi-
née , le dialogue suivant s'établit entre le sou-
verain et le compositeur :
L'empereur. Vous avez un emploi en Silésie?
Biltersdorf. Oui, sire; je suis capitaine de
bailliage.
L empereur. Avez-vous toutes les connaissances
qu'exige un poste aussi important ?
Ditlersdorf. Né et élevé à Vienne , ce serait une honte
pour moi si je n'avais appris qu'à jouer du violon et à faire
un peu de musique.
r L'empereur. Vos réponses sont fort nettes.
Bittersdorf. On m'a dit que vous aimiez la franchise; s'il
y a quelque inconvenance dans mes paroles , je prie Votre
Majesté de me pardonner.
L'empereur. — On a eu raison , et vos paroles ne m'ont
nullement blessé. Avez-vous entendu jouer Mozart ?
Bittersdorf. Trois fois , sire.
L'empereur. Qu'en pensez-vous?
Bittersdorf Ce qu'en doit penser tout connaisseur.
L'empereur. Avez-vous aussi entendu démenti?
Bittersdorf Je l'ai entendu également.
L'empereur. Quelques uns le préfèrent à Mozart , que vous
en semble? répondez franchement.
116
BEVUE ET GAZETTE MUSICALE
Ditièrsdorf. Le jeu de démenti a beaucoup d'art et de
profondeur; chez Mozart on trouve ces deux qualités , et de
plus beaucoup de goût.
L'empereur. C'est mon avis. Je suis charmé de me rencon-
trer avec vous dans mon opinion sur le jeu de Mozart. Main-
fenant que dites-vous de ses compositions?
Dittersdorf. C'est, sans contredit, un génie original, et je
rie connais pas de compositeur chez lequel les idées neuves
jaillissent avec autant d'abondance; on pourrait même dire
qu'il en a trop. Mozart ne donne pas à l'auditeur le temps
de respirer. A peine on vient d'apercevoir avec transport
■quelque belle création, que soudain il en surgit une autre,
et ainsi de suite. On jouit au galop, et l'on regrette à la fin
de l'opéra tout ce que l'on a été obligé de laisser en chemin
pour suivre le compositeur dans l'élan de sa productivité in-
fatigable et inépuisable.
L empereur. C'est vrai. De plus , je trouve que sa musique
est surchargée de notes; les chanteurs eux-mêmes s'en plai-
gnent.
Dittersdorf. Ce n'est point là un défaut , pourvu que l'ac-
compagnement ne couvre pas la voix.
L'empereur. Et que dites-vous d'Haydn?
Dittersdorf. Je n'ai point entendu ses compositions pour
le théâtre.
L'empereur. Vous n'y perdez rien ; mais sa musique de
chambre, comment la trouvez-vous?
Dittersdorf Je trouve que c'est à bon droit qu'elle fait
partout grande sensation , et qu'il ne court pas risque de voir
jamais sa verve tarie , comme cela est arrivé à bien des com-
positeurs de nosjours. Haydn sait si bien régénérer et parer
l'idée la plus commune*! la pias osée, que le connaisseur
lui-même est trompé. .
L'empereur. Ne tombe -t-lps qoékfn^râs dans l'afTé-
terie?
Dittersdorf. Haydn sait être graci«us sans donner dans le
maniéré et sans profaner la dignité de l'art.
L'empereur. Votre remarque est juste. (Après un moment
de silence.) J'ai établi dernièrement un parallèle entre Haydn
et Mozart; établissez-en un de votre côté pour voir jusqu'à
quel point nos opinions s'accordent.
Dittersdorf (haussant les épaules). C'est là une question
fort épineuse.
L'empereur. Oh! je connais votre modestie , messieurs;
j'avoue que je ne m'attendais pas à la rencontrer chez vous
d'après le caractère décidé que vous avez montré jusqu'ici
Dittersdorf. Eh bien! puisqu'il le faut absolument, que
Votre Majesté me permette de lui adresser d'abord une ques-
tion.
L' empereur . Parlez.
Dittersdorf. Lequel des deux poètes Votre Majesté pré-
fère-t-elle, de Klopstock ou de Gellert?
L'empereur. Ce sont deux grands poètes , avec cette diffé-
rence qu'il faut s'y prendre à deux fois pour saisir toutes les
beautés de Klopstock , tandis que le mérite de Gellert vous
saute aux yeux de prime-abord.
Dittersdorf. Voire Majesté vient de résoudre elle-même la
question.
L'empereur. D'après vous , Mozart c'est Klopstock , et
Haydn serait Gellert?
Dittersdorf. Précisément.
L'empereur. Je n'ai pas d'objection à faire.
Dittersdorf. Maintenant oserais-je demander quelle est l'o-
pinion de Votre Majesté h l'égard de ces deux artistes?
L'empereur, Je comparais les productions de Mozart à une
tabatière faite à Paris , et Haydn à une tabatière faite à Lon-
dres: toutes deux sont belles. La première se fait remarquer
par l'élégance et le bon goût des ornements , la seconde par
la simplicité et le brillant du poli. Vous voyez que nous sommes
à peu près du même avis , et je suis enchanté de trouver que
vous ne ressemblez en rien au portrait qu'on m'avait fait de
vous.
Dittersdorf Comment cela , sire ?
L'empereur. On m'avait dit que vous étiez égoïste , que
vous ne rendiez justice à aucun virtuose ni à aucun compo-
siteur, que vous étiez vaniteux. Je viens de me convaincre
du contraire, et je serai enchanté de vous voir chez moi pen-
dant votre séjour à Vienne ; vous me trouverez toujours à
cette heure-ci.
Correspondance jtaE'dâeïalièn'e.
Londres , le 28 mars.
Zampa, que Fornasari annonçait pour son début, a été compromis
par l'indisposition de cet artiste. C'est avoir vraiment joué de mal-
heur; elle pius grand de tous, c'est qu'un certain F.elice, qui l'a
remplacé, ait été détestable; jamais nom n'a été moins vrai; la ré-
ception qu'il a reçue, ainsi que les ovulions, l'ont suffisamment
prouvé. Felice, le malheureux Felice, a fait pourtant ce qu'il a pu;
mais son talent est au-dessous d'un pareil rôle.M"'Persiania été comme
toujours admirable dans Camilla, et Corelli a fort bien représenté
Alfonso. On espère que Fornasari sera mieux portant , et que le ma-
gnifique opéra marchera avec plus d'ensemble. Le ballet à'Esme-
raliia obtient un succès extraordinaire et mérité.
jVjUc Favanti vient de nous apparaître dans la Cenereniola ; il est
impossible d'êlre mieux reçue qu'elle ne l'a été par ses compatriotes.
Son début doit être considéré comme un grand triomphe, qui en pré-
dit de plus grands encore. M^''^ Favanti possède une voix claire et
parfaitement timbrée; ses notes graves et celles du médium sont
pourtant préférables aux autres, et quoiqu'elle n'égale ni M""' Persiani,
ni M"' Grisi, M"' Favanti peut prend replace près de ces deux grandes
cantatrices. M"' Favanti a une figure charmante, et de plus elle est
bonne comédienne : voilà plus de qualités qu'il n'en faut pour se
faire une grande réputation. — Palloni a débuté dans le rôle de Dan-
dini ; c'est un baryton superbe qui chante avec goût , et son acqui-
sition, ainsi que celle do M"= Favanti, peut être d'un immense avan-
tage pour l'Opéra-Ilalien.
Drury-Lane était comble hier. Dupvez jouait dans Guillaume Tell.
Hier il a paru dans la Favoriie. Son succès a été immense, et la salle
ne pouvait contenir la foule qui voulait applaudir le grand artiste.
Comme l'engagement de ce célèbre chanteur expirera très prochai-
nement, nous pouvons prédire que l'on se boxera pour assister à ses
dernières représentations.
La Fille de Figaro obtient avec iM""" Albert un grand succès ^u
Théâtre-Français. Garligny remplit le rôle de Dupéron.
LES DEUX MEIVETKIERS.
Dessin de Gavarni.
11 y a des moments où l'imagination de l'homme s'exalte,
où les moindres objets prennent à ses yeux des proportions
gigantesques, où les sentiments de l'amitié disparaissent
devant les intérêts de l'art , où l'indignation s'élève jusqu'au
sublime de l'héro'isme, où le sacrifice se produit sous la forme
du plus impérieux des devoirs!... Les deux ménétriers de
Gavarni sont , à n'en pas douter, dans un de ces moments ,
qui peuvent être amenés par diverses causes : celle qui les y
a placés n'est pas la plus noble de toutes , mais ce n'est pas
non plus la moins commune. Leur discussion, née d'un
avant-deux , a passé sur le terrain de la musique savante :
comment reviendra-t-elle à son point de départ ? Et com-
ment eux-mêmes reviendront-ils à leur logis?
M. S.
DE PARIS.
119
PROGRAMME DU SIXIEME CONCERT
offert am abonnés îie la €>a]€iie mxmcaie
QUI AURA LIEU
DANS LA SALLE DE MM. PLKYEL ET C , 20 , RUE ROCHECIIOOART ,
i. Quintetto inédit de G. Onslow, eïccuté par MM. Alard,
Chevillard, Croisilles, Armicgaud et Goufië.
2. Air de Ezio de Haendel , charité par M"= Nissen.
3. Air italien ciianlè par M"»» Castellan.
4. Fantaisie pour le violon , composée et exécutée par M. Alaid.
5. Tyrolienne de Betly, chantée par M"= Nissen.
G. Buo de Iiucrezia Borgia, chanté par M. Saivi etM»' Castellan.
7. Ouverture du Carnaval romain, par H. Berlioz (inédite),
arrangée pour 2 pianos à 8 mains par M. Fixis, exécutée par
MM. lïoehier, Halle , Heller et E. 'WolS'.
Le Piano sera tenu par M. ScHlMON.
ïrOTTTSZaZaBS.
V Demain lundi à l'Opéra, le /lazzarone, suivi du Bal de Don
Jiiait.
".* La semaine n'a pas été féconde seulement en nouveautés mu-
sicales ; la danse a aussi fourni son contingent , et d'abord la Polka ,
qui continue à se répandre dans tous les théâtres et dans tous les
salons avec la fureur d'une avalanche , s'est montrée à l'Académie
royale de musique sous le costume national , fort bien représentée
par Coralli fils et M"* Maria. Ensuite la danseuse espagnole , qui a
fait tant de bruit dans les cours du Nord, Lola .Montés, a débuté sur
la même scène; mais la belle étrangère n'a pas reçu du public pari-
sien un accueil aussi favorable. La musique de ces pas abusait de la
permission accordée aux .mélodies espagnoles d'être monotones et
soporifiques.
V Aujourd'hui, dimanche , clôture du Théâtre-Italien.
*,* La question soulevée par l'un des auteurs du mélodrame la
Pie voleuse contre le directeur du Théâtre-Italien , a été résolue en
faveur du premier qui désormais touchera des droits d'auteur à
chaque représentation de la Gazza ladra. L'un des motifs du juge-
ment rendu par le tribunal de première instance , T chambre, c'est
que la représentation de l'ouvrage sur le Théâlre-Italicn a pu porter
préjudice aux auteurs de la pièce originale. 11 nous semble que c'est
tout le contraire qu'il faudrait dire ; sans la Guzza ladra, sans la mu-
sique de Rossini, la Pie voleuse et la prose de MM. Caignez, d'Aubi-
gny et Poujol ne seraient-elles pas dès longtemps oubliées?
*," Masset, de l'Opéra-Comique, part le ï" de ce mois pour Liège,
sa ville natale, où il va donner des représentations attendues avec
grande impatience.
V Les deux dernières matinées de la Société des concerts n'ayant
offert aucune nouveauté remarquable , nous croyons devoir nous
abstenir d'en rendre compte.
",* Au concert de vendredi, qui sera donné au Conservatoire,
M. Ilallé, le célèbre pianiste, jouera le concerto en mi bémol , cette
création sublime de Beethoven.
*,* Le concert spirituel de M. Berlioz aura lieu le samedi-saint,
G avril , au théâtre de l'Opéra-Comique. On y entendra , arec les
principaux chanteurs de ce théâtre, BIH. Salvi , Alexis Dupont et
Camille Sivori, gui vient de Bruxelles tout exprès. Voici le pro-
gramme : 1. Ouverture du Hoi Lear, de M. Berlioz; 2. Motet avec
chœurs, de Lesiteur; -3. Cavatine, de M. Berlioz; ^.Le 5 mai, cantate
avec chœurs, de M. Berlioz; 5. Solo de piano ; G. Air chanté par
iM. Salvi; 7. Morceau de Roberi-le-DiabU , exécuté sur 5 instruments
de cuivre de Sax, par SIM. Distin ; 8. Ouverture du Carnaval romain,
deM. Berlioz; 9. SaneUis,de M. Berlioz; 10. Concerto de violon de
M. C. Sivori; 11. Duo A'Armide, de niuckj 12. Symphonie funèbre
et triomphale, pour deux orchestres et chœurs, de M. Berlioz. Le solo
de trombone sera joué par M. Dieppo. Les exécutants, au nombre de
180, disposes en amphithéâtre sur la scène, seront dirigés par M. Ber-
lioz. On trouve des billets au buieira de locatio» de rOpérof-Co-
mique.
*,* Mercredi 10 avril, à huit heures du soir, dans les salons de
M. Erard, rue du Mail, 13, M. Alexandre Batta donnera un concert
dans lequel il exécutera, 1. Un duo nouveau pour piano et violon-
celle ; 2. Hommage à Duprez, fantaisie nouvelle sur la Juive ; 3. Ada-
ffîo pour violoncelle, exécuté pour la première fois; i^. Souvenirs du.
Béarn, chant des montagnes, transcrit pour violoncelle; 5. Grand
duo sur les motifs de la Favorite , pour piano et violoncelle, par
Wolffet A. Batta. Prix des stalles: 15 fr. Prix du billet: 10 fr.
*,* Le second concert de notre célèbre pianiste Doehler aura lieu
le 8 avril ; il se fera entendre six fois , dans un trio inédit de Mayse-
der, des romances sans paroles , des études de salon , des fantaisies
sur Moïse , la seconde valse , et un nocturne et tarentelle avec M. Al-
lard. La partie vocale sera remplie par M. Salvi et M»"> Brambilla. La
salle de M. Érard sera trop petite.
%* M. Cavallo, dont nous avons déjà plusieurs fois signalé le ta-
lent si remarquable, donnera un concert lundi, S avril, dans les
salons de M. Pape. Il se fera enlendre sur les nouveaux pianos à huit
octaves, et exécutera, outre un trio de Beethoven, plusieurs morceaux
de sa composition. A la fin du concert il improvisera sur des thèmes
que la société voudra lui fournir. Dans plusieurs salons où ce jeune
artiste s'est fait entendre, son exécution foudroyante, et surtout son
rare talent d'improvisateur, ont excité une vive admiration; nous
ne doutons nullement que dans son concert il n'obtienne un succès
aussi brillant que mérité.
*," Dans le concert pour les pauvres qui a eu lieu dernièrement à
Versailles , M. Gold , jeune violon de talent , et dont nous avons eu
l'occasion de parler lors de son concert donné dans la salle lyrique,
a obtenu un très brillant succès.
*,* Les journaux de l'Ile de Cuba sont remplis de détails qui té-
moignent du goût musical et éclairé de ce poétique pays. Le succès
obtenu par M"" G. Damoreau et par M. D. Arlôt dans leurs deux
premiers concerts, à la salle Santa-Cecilia et de la Société havan-
naise, a été prodigieux ; les directeurs ont l'intention de faire placer
dans les salles une plaque commémorative du passage de ces deux
artistes. Le troisième concert, donné le 1" janvier dans le Thealro-
principale, Ini a procuré de nouveaux triomphes. A Matanzas, le
signorMiro, pianiste, obtient également des succès en société de
Billet, jeune violoncelliste qui s'est fait connaître à New-York, et de
jjiies Deville, dont le journal l'Aurora compare les voix à celles de
deux anges descendant du ciel.
*,* A Berlin, comme à Vienne, des droils d'auteur vont être accor-
dés aux poètes et aux musiciens, ainsi qu'à leurs veuves et enfants.
V La Russie est exploitée en ce moment par quelques virtuoses
allemands ; M"' Clara Schumann, la célèbre pianiste, après avoir eu
de grands succès en dernier lieu à Dorpat , vient de partir pour
Saint-Pétersbourg où son époux compte faire représenter son orato-
rio la Péri. M"" Schloss, cantatrice, fait également une tournée dans
la Russie.
Clu'onlqiie départeiitentale.
*,' Toulouse, 23 mars. — La Bohémienne , opéra en trois actes,,
paroles de MM. Samazeuilh et Soutras , musique de M. Soubies, a
été représentée hier avec un plein succès sur le Ihéâtre du Capitule.
Plusieurs morceaux de cet ouvrage ont été vivement applaudis, et
la barcaroUe chantée par M""^ RouUc a obtenu les honneurs du bis.
',* ^ioc.— Mardi 19, notre théâtre a été témoin d'un scandale dont
la faute ne doit pas être imputée à la direction. Le public ayant de-
mandé les couplets de gC/iar/es f^l , l'autorité n'a pas voulu per-
mettre qu'on les chantât, quoiqu'elle eût laissé chanter l'avant-
veille la Marseillaise sur la scène. Le public a persisté; alors gen-
darmes et soldats, baïonnettes en avant, ont envahi le parterre et fait
évacuer la salle.
Chronique étrangère.
*' Liège. — L'administration du Théâtre-Royal a fait sa paix avec
M""" Laborde. Elle a généreusement payé à cette cantatrice le mois
d'appointements qu'elle était en droit de lui retenir, par suite delà
condamnation prononcée par le tribunal de commerce.
V Berlin.— H. Moeser, maître de chapelle de Sa Majesté le roi de
Prusse, et l'un des artistes les plus distingués de l'Allemagne, a en
l'honneur de recevoir de Sa Majesté le roi des Belges une belle mé-
daille d'or en témoignage de sa royale salisfaclion pour une grande
composition musicale dont il lui a fait hommage. M. Moeser est le
père du jeune violoniste dont nous avons'eu plusieurs fois l'occasion
d'applaudir le talent et que M. de Bériot compte au nombre de ses
plus brillants élèves.
120
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
•." T^iemie. — On vient de représenter au Théâtre de la Porte de
Carinthie l'opéra intitulé: Pascal Bruno, composé par M. Hatlon ,
maître de chapelle au service de Sa Majeslé la reine d'Angleterre.
Cette solennité musicale avait attiré toute li haute société de
Vienne; la partition du compositeur anglais n'a obtenu qu'un demi-
succès.
*," J^ienne. — Par ordre de l'empereur d'Autriche , les droits
d'auteur, abandonnés jusqu'ici au bon plaisir des directeurs de
spectacles, viennent d'être réglés de la manière suivante : pour
une pièce qui occupe toute la soirée, 10 p. c. de la recette brute;
C p. c. pour une pièce qui ne remplit que les deux tiers de la soirée,
et 3 p. c. pour les pièces de moindre dimension. Ces droits seront
perçus par l'auteur immédiatement après chaque représentation , et
sont assurés à ses héritiers pour disons. De plus, l'auteur a droit
dans la même proportion au produit des loges et stalles louées à
l'année, évalué à 35011. par soirée, et, en outre, il pourra être
payé des primes, qui toutefois ne pourront dépasser la somme de
■400 0., maximum des honoraires accordés jusqu'à présent. Du reste,
l'ordonnance impériale n'a point force rétroactive. 51. Halni, dont
la dernière" pièce est rétribuée depuis le nouveau tarif, a déjà touché
plus de C,000 fr., ce qui est inou'i dans les annales du théilre alle-
mand. Toute pièce reçue doit être joucc dans le courant de l'année ,
à partir du jour de la réception. Celte réforme, qui est d'une portée
immense pour la littérature de l'Allemagne dramatique , a été
provoquée par M. de Holbcin , directeur du Jliugihcaier, à Vienne,
et ne concerne que ce seul établissement. On espère décider les di-
recteurs de province à entrer dans cette voie de progrès.
'/ Londres. — M. Lover a commencé le 20 les concerts irlandais
qà il doit faire entendre les chants de la mélancolique Érin à ses op-
presseurs ; il a ouvert cette première séance par un discours sur la
musique et la musique de l'Irlande. Un nombreux auditoire alBuait
dans la salle de concerts du théâtre de la Princesse. — La Société
d'harmonie sacrée a fait entendre une seconde fois le bel oratorio de
Saiil , qui n'avait pas attiré une foule moins nombreuse qu'à la pre-
mière audition. Les chœurs ont été supérieurement exécutés, et les
masses de sons majestueux et sublimes dont ils remplissaient l'air
ressemblaient, dit un critique, aux accords d'un million de harpes
éoliennes caressées par le souffle de la brise. — John Parry chante
avec un brillant succès, au théâtre de HaymarUet, une scène d'opéra
intitulée JYorma.—Le comte de Westmoreland a fait une visite au roi
de Hanovre. Ce souverain a donné plusieurs soirées en l'honneur de
son noble hôte qui est un musicien des plus accomplis.
V Manchester. — Il existe ici une Uederiafel (académie de chant),
fondée, il y a quelques années, par des négociants de Hambourg
qui sont établis dans cette ville. Le 10 février, cette liedertafel a cé-
lébré son troisième anniversaire par un concert dont les journaux
anglais parlent avec un enthousiasme peu ordinaire chez nos
phlegmatiques voisins.
*," Madrid. — Rien de curieux comme le programme d'un concert
donné à Madrid et où assistaient la reine Isabelle II et sa sœur l'in-
fante. Chaque morceau s'y trouve coupé par une valse de Strauss, et
à l'exception même de l'ouverture de Guillaume TM, on n'y trouve
que des productions sans aucune renommée; ainsi les ouvertures
d'ismalia de Wercadante, de Fausia de Donizctli , une fantaisie na-
politaine, il Zampognaro, par Mercadanto déjà nommé. Il semble que
le morceau emprunté au chef-d'œuvre de Uossini soit là comme une
protestation comme tout le reste. — Un violoniste qui prend le titre
d'élève de Paganini, Robbio, vient d'obtenir un succès d'éclat à Ma-
drid. Le public, fou d'enthousiasme après un concerto , l'a rappelé
sur la scène pour lui en faire recommencer plusieurs passages. — Il
ne se présente aucun aspirant au concours pour les places de surnu-
méraires à la chapelle royale; singulier mode en effet d'encourage-
ment pour les artistes, leur accorder la faveur d'exercer leur talent...
gratis! — Une société dramatique qui devait s'ouvrir sous le titre de
ta Union , a suspendu ses apprêts ; la discorde est au camp d'Agra-
mant. — L'Opéra de cette capitale a été ces jours derniers le théâtre
d'un scandale, frois frères qui s'y sont présentés pour chanter sont
devenus le jouet du public. On blâme sévèrement l'entreprise d'avoir
accueilli trop facilement une prétention que rien ne justifiait, et qui
convertit une scène élégante en une espèce de cirque de taureaux.
— A Valladolid, la prima donna, Catalina M.is-rurcell, vient, grâce
à des inspirations heureuses , à l'aplomb et à la verve de son chant ,
d'obtenir un beau suocès dans Lucreiia Borjia. — On a donné sur le
théâtre de la même ville une représentation au bénéfice des reli-
gieuses ; des cantatrices du grand monde ont concouru avec celles
de la scène à augmenter l'intérêt de cette œuvre de bienfaisance.
".* Madrid. — Le directeur du Cirque , pour couper court au
système des traductions, se propose do former une société d'au-
teurs dramatiques dans le but d'obtenir d'eux des nouveautés pour
son théâtre. 11 leur oUrira comme honoraires 1,500 réaux (335 fr. )
par acte. On espère que l'opéra national ne sera pas négligé dans
cette combinaison, destinée à aiguillonner le génie espagnol.
— Une société dramatique intitulée el Cenio vient de .<e dissoudre.
Un critique spirituel de Madrid a la franchise de faire à ce sujet le
tristeaveu que le génie périt toujours en Espagne, et pourtant quel
pays est plus favorisé de la nature pour lui donner et naissance et
accroissement?
*,' Saini-Péiersboui-g. — Le célèbre violon M. Alexis Lwolf, co-
lonel dans l'armée russe , a été nommé général et aide-de-camp
( général-adjudant ) de S. M. l'empereur.
"," JYetc-Vork, 13 février. —Théâtre Palme. Il a été fait d'heu-
reux changements dans la distribution des places de ce charmant
théâtre. Les numéros n'expriment plus que le nombre des places
qu'il y a sur chaque banc, et les places ont été élargies d'un tiers.
Les améliorations ne feront qu'accroître le succès de ce théâtre. Les
recettes des Puritains ont été toujours en augmentant, comme le
triomphe des artistes. M"' Borghèse surtout est devenue la favorite
du public. — 15 février. — La représentation de Belisario a.V!i'\l
ailiro le monde fashionable. Si elle manquait d'ensemble, il faut
espérer que la seconde sera meilleure.
',* Meocique. — Vieuxtemps et sa sœur se sont embarqués le
I" février à la Nouvelle-Orléans pour le Mexique, où M. Artot et
j[nic Damorcau les ont précédés.
COKCSB.TS ANNOIffCZS.
mars. 2 heures. M. E. Pasquié. Salle Hcrz.
— 2 —
2 —
S —
M. Prumier fils. Salle de l'Ecole lyrique.
M"" Deligny. Salle Pleyel.
Gazette musicale. Salle Pleyel.
Mme Ronconi. Salle Herz.
M. Porto. Salle Pleyel.
M. Baerwolff. Salle Pleyel.
avril. Concerts du Conservatoire.
M. Berlioz. Salle de l'Opéra-Comiquè.
M. Doehler. Salle Érard.
M. Milhés. Salle Pleyel.
M. Cavallo. Salle Pape.
M. Secligmann. Salle Érard.
il"' Régnier. Salle Pleyel.
M. Herman. Salle Pleyel.
M'i^Matlmann. Salle l'ieyel.
M"'^^ Alessi. Salle Pleyel.
Cercle musical. Salle Herz.
M. C'oss.'iiann. Salle Erard.
M Vivien. Salle Érard.
S — M. Fridrich. Salle Pleyel.
2 — M. îlereaux. Concert historique au bénéfice
de la société formée pour venir au secours
des musiciens malheureux Salle Pleyel.
Le Directeur, Jiédacteur en chef, Mauhick SCIILESlNGEr..
3 —
2
.5, 14 et 21
avr
6 —
8
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2
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13 —
S
13 —
S
15 —
2
Le Chirogymnasle est un assemblage de neaf appa-
reils gymnasliqucs destinés à donner de l'ca;Iens_ion k
lamainetdel'écarî aux doigts à augmenter et à éffalf-
ser leur force et à rendre le quatrième et le cinquième
indépendants de tous les autres. Le Chirogymnwste
aété aussi approuvé et adopté par MM. Adam, Bertini,
de Beriot, Cramer, Herz, Kalkbreimer, Listz.Moschelès
Prudent, Sinon, Thalherg, Tulou, Zimmermann, etc.
Chaqge Chirogymnasle est revêtu de la signature
de l'inventeur el se vend place de la Bourse, n» 13,
hhuil appareils, 50fr.,àneufapp.e0fr., mélhode,5fr.
a-VMNASTIQIJE APPI.IQIJÊE A I^'ÉTCDE DU PIAWO, p«r MABITM, 3 Ir.
IM eVISMASTIQUE DES DOICTS, pmr H. BEBTIKI. Vnx net, 3 Cr. 7B •,
InventÉ par C. MARTIN
Factear do Pinmos,
BREVETÉ DU ROI
Place de la Bourse, tS.
Approuvé par rinaititnt
et adopté dans les elassps
desCOIUSERVATOIBES
de Paris et de Londres.
Les expéditions sont faites contre remboursement, i"^
Imprimerie de BOURGOGNE et MARflNET, 30, rue Jacob.
Pour Paris : un an, 30 fr. ; s^x mois, 15 fr. — Annonces : 50 c. la ligne de 28 lettres — Départements : un an, 34 Tr. Étranger, 38 fr.
QiP
REVUE
GAZEHE MUSICALE
BÉDIGÉE FiB
MM. ANFERS, (}. BÉNÉniT, BERLIOZ, Hf.NIll BLANCHARn,
MvUuiCE BOURGES. F. DANJOU, nUESHERG , FÉTrS pire, ÉDOtiiBD FÉTIS, STrpiiEN HEILER, .T. JA^IN,
G. KASTNER , LISZT, J. J E FRED , G'.CBGE SAiNO, L. RELLSTAB, Paul SMITH, A. SPECHT, etc.
M'aÈ'aiggattt foMS tes JOhnattches.
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
Le l" et lo IS de chaque mois on receii-u un luurc-uuu de imiisifiae.
SOMMAIRE. Cours gratuit d'histoire et de tJiéorie de l'iiarmonie
(deuxième article); par FÉTIS père. — Théâtre-Italien : Clôture.
Avenir; par A. SPECHT. — Coup d'œil sur les concerts de la
semaine; par H. BLANCHARD. — Nouvelles. — Annonces.
Un Sauvage de ii'îraijtorte où. Dessin de Gavarni.5
OOTTRS G-HATTTIT
L'
FAIT DANS LA SALLE DE M. HERZ ,
par
ET ANALYSÉ PAR LUI-MÊME.
( Second article" ).
près avoir établi commoiU se modifient les
accords naîui-els par la substitution et par la
prolongation , je suis arrivé à une harmo-
^ nie qui a été l'écueil de tous les systèmes et
® qui a donné la torture à tous les harmonistes;
je veux parler d'un certain accord que quelques uns appel-
lent septième du second degré , d'autres septième et tierce
mineure , d'autres encore , septième de seconde espèce , pour
distinguer cet accord de celui de septième de dominante,
qu'ils considèrent comme la première espèce. L'harmonie
dont il s'agit est celle qui , dans le ton d'a^ , par cvemple , est
composée des notes ré , fa , la , ut.
Parmi les théoriciens , les uns , et c'est le plus grand nom-
bre , la considèrent comme un accord qui a une existence
primitive, absolue, ainsi que l'accord de septième dominante.
La seule différence entre ces deux accords , disent-ils , c'est
(") Voirie numéro II.
que la dissonance de l'accord de septième du second degré ,
ou de deuxième espèce , doit être préparée. Mais quoi ! que
signifie ce mot de préparation}. , si ce n'est qu'il y a quelque
chose ([ui précède cet accord, et dont il dépend? Il n'est
donc pas primitif ! il n'existe donc pas par lui-même ! il n'est
donc pas une nécessité de la tonalité , c'est-à-dire de la mu-
sique ! Car, encore une fois, la tonalité, c'est la musique
en elle-même , telle qu'elle existe par la nature des choses ,
que l'homme n'a point inventée, mais dont il a découvert
tour à tour les divers phénomènes naturels. Ces phénomènes,
tels que l'harmonie consonnante de l'accord parfait et l'har-
monie dissonante de l'accord de septième dominante , nous
les acceptons comme primitifs et indépendants de notre vo-
lonté , par une conséquence de notre organisation , c'est-à-
dire sans qu'ils soient préparés, sans que rien les précède.
Au contraire, tout ce qui, dans l'harmonie, n'est pas une
conséquence immédiate de cette loi suprême , n'a qu'une
existence artificielle , et n'est que le produit de la volonté de
l'homme. Est-il donc nécessaire que j'insiste avec tantde per-
sistance sur l'évidence de ces principes?
Si , comme je le pense , ils sont incontestables , l'accord de
septième ré, fa, la, ut, n'étant point admis immédiatement et
sans préparation par notre sens musical , n'est donc que le
produit d'un artifice. Plusieurs théoriciens ont compris cette
vérité , et en ont fait une des bases de leurs systèmes. Catel ,
particulièrement, pose en fait que cet accord n'est qu'une
prolongation de la tonique sur un accord parfait du second
degré ( Traité d'harmonie, page 23). Mais son erreur est
évidente ; car toute prolongation qui introduit une dissonance
artificielle dans un accord coiisonnant a pour conséquence
que, si elle était supprimée , c'est-à-dire résolue sur la note
dont elle est le retard , l'accord consonnant, retardé par la
prolongation , apparaîtrait immédiatement : or, c'est ce qui
n'a point lieu , car si on résout ui , de l'accord ré, fa, la, ut,
SUT si (résolution nécessaire de la prolongation), on aura ré,
BUREAUX D'ABOSrSrEMEBJT, B.UE RICHEUEU, 97.
122
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
fa, la, si, c'est-à-dire un autre accord dissonant de quinte et [
sixte dont on ne trouve plus rorigine.
fliais , disent les partisans absolus de tout le système de ]
Catel , ce n'est pas sur l'accord parfait de ré, fa, la, que se !
fait la résolution de la prolongation ut ; c'est sur l'accord de \
septième sol, si, ré, fa, dans la succession des deux accords
de septième. Ah ! messieurs , vous n'y pensez pas ! Si la note .
prolongée ne peut pas se résoudre sur l'accord ré , fa, la,
c'est que ce n'est pas cet accord qui est modifié par cette pro- |
longation ; et si vous ne trouvez de résolution possible de 1
celle-ci que sur l'accord de septième dominante^o/, si, ré, fa,
c'est que c'est celui-ci , ou plutôt son dérivé ré, fa, sol, si, ':
qui est en réalité l'accord modifié; et je montrerai , en effet, i
tout-à-l'heure que c'est celui-là qui est l'accord retardé. j
Mais que faire du /a qu'on voit, dans cet accord, prendre
la place de sol .?Car, enfin , on comprend ré, fa, sol, ut, re- ]
tardant ré, fa. sol, si, et non ré, fa, la, si. C'est ici que se
présente une des nouveautés les plus remarquables de la
théorie que j'ai exposée dans mon cours.
On se souvient que j'ai démontré , par l'analogie de desti-
nation et de tendance , que les accords de neuvième majeure
et mineure de la dominante , ceux de septième de sensible ,
de septième diminuée , et les autres de même espèce , ne sont
que l'accord de septième dominante et ses dérivés par le
renversement , dans lesquels le sixième degré des modes ma-
jeur ou mineur prend la place de la dominante dans la note
supérieure de ces accords; substitution mélodique et attrac-
tive admise sans préparation dans notre sens musical. Or,
•c'est précisément cette substitution qui change ré, fa, sol, si,
en ré, fa, la, si, et c'est sur l'accord ainsi modifié que se fait
la prolongation d'où naît ré, fa, la, ut. Et ce qui prouve que
ce n'est pas autre chose , c'est qu'on peut faire une très bonne
résolution de la note prolongée sur l'accord affecté de substi-
tution, en ayant soin de mettre la note substituée à la partie
supérieure. Si on fait à la fois la résolution de la note pro-
longée et de la note substituée , on trouve l'accord de sixte
sensible, ré, fa, sol, si, ce qui prouve que c'est en effet cet
accord qui est doublement modifié dans l'accord ré, fa, la, ut.
J'ai démontré par des exemples très clairs , dans mon Traité
de la théorie et de la pratique de l'harmonie, que les succes-
sions où l'accord naturel , l'accord avec substitution , l'accord
avec prolongation sans substitution , et l'accord avec retarde-
ment et substitution , sont employés à volonté, accomplissent
les mêmes fonctions harmoniques , et ont les mêmes résul-
tats dans la tonalité.
Depuis que j'ai fini mon cours, un de mes amis, homme
d'une instruction solide dans l'harmonie et dans le contre-
point , m'a fait cette objection : « Ce n'est pas seulement sur
» le second degré qu'on fait un accord de septième avec la
» tierce mineure ; on en fait un aussi sur le sixième , en le pré-
» parant. Comment pourrait-on expliquer celui-là , puisqu'il
» n'y a point de substitution possible sur ce degré ? » Ma ré-
ponse a été celle-ci : « Dans mon traité , comme dans mon
» cours, j'ai fait voir qu'on fait quelquefois usage de progres-
» sions non modulantes dans lesquelles le même accord se fait
» sur tous les degrés de la gamme , par analogie de mouve-
» ment dans la basse et dans la marche des parties , parce que
» le sens musical suspend , dans ces progressions , tout senti-
» ment de tonalité jusqu'au moment de la cadence, où il s'en
» ressaisit. Or, c'est dans ce cas seulement que la septième
» mineure se fait sur le sixième degré.
» Il est vrai que quelques musiciens ont fait usage de la
» succession suivante : ut, mi, sol; la, ut, mi, sol; la, ut, fa;
» mais l'obligation où ils se sont trouvés de faire monter mi
« h fa , en même temps que sol descend à la même note ,
» dans la succession du troisième accord au second , prouve
» que ce second n'est qu'un retard de l'accord de sixte sira-
» pie, et que ces musiciens ont eu tort d'y introduire la
» quinte. Il y a des fautes contre la langue dans les œuvres de
» Racine et de Molière , mais l'autorité de ces grands hommes
» n'empêche pas que les règles de la grammaire ne soient très
» rationnelles et très certaines. »
On m'a demandé aussi s'il ne serait pas plus simple d'ad-
mettre un accord de plus que les deux naturels que j'ai recon-
nus; savoir, cet accord de septième avec tierce mineure,
cause de tant d'embarras. Mais quoi ! il ne s'agit pas d'ad-
mettre ou de rejeter de notre plein gré : nous n'en sommes
pas à nous passer un accord de plus ou de moins, comme ces
médecins qui consentaient à s'accorder la casse en faveur du
séné. Ce que nous avons à faire pour fonder une théorie
d'accord avec la pratique , c'est de rechercher avec toute la
rigueur de la méthode philosophique ce qui est vrai et ce qui
ne l'est pas : le vrai, une fois reconnu, ne nous permet pas
de transaction. Or, je dirai toujours à toutes les objections de
ce genre qu'on me présentera : « Trouvez un ou plusieurs
» autres accords qui soient nécessaires , comme l'accord par-
» fait et l'accord de septième dominante , pour fonder la to-
» nalité et accomplir des successions nécessaires de la musique,
» un ton étant donné, et je les admettrai immédiatement,
» parce que rien ne pourra empêcher de les prendre pour
» bases de la musique : mais toute agrégation de sons qui ne
» remplira pas ces conditions sera nécessairement une
» harmonie artificielle dont il faudra chercher le système de
» modification.
» — On répugne , me disait le même ami , à cette double
» opération de la substitution et de la prolongation pour ex-
« pliquer une harmonie ; il faut pour la comprendre plus
» d'attention et d'habitude d'analyse que n'en ont la plupart
» des jeunes gens qui se livrent à l'étude de la musique, et
» en particulier de l'harmonie. » J'avoue que je suis peu tou-
ché de cette objection. Jamais je ne pourrai croire que pour
rendre plus facile l'intelligence d'une science, il soit néces-
saire de la dénaturer , de la fausser, et de substituer à des
vérités qui exigent quelque attention , un enseignement em-
pirique de faits erronés , aussi nuisible à la pratique de l'art
qu'à la théorie de la science. D'ailleurs , pour répondre victo-
rieusement à cette objection , je n'ai pas besoin de chercher
d'autre argument que le succès obtenu dans le cours que je
viens de faire sous le rapport de la clarté ; car, parmi le grand
nombre de jeunes gens et de dames qui assistaient aux
séances de ce cours , plusieurs m'ont exprimé leur étonne-
ment de ce que cette science de l'harmonie, dont on leur
avait fait grand'peur , leur avait paru simple et facile. Les
préjugés d'écoles des hommes instruits par d'autres principes
que ceux d'une nouvelle théorie, me paraissent plus difficiles
à vaincre que l'ignorance et l'inattention de ceux qui en sont
encore au commencement de l'étude.
Si j'ai tant insisté, dans ce qui précède , sur cette partie de
la théorie nouvelle que je mets en lumière , et qui a été si
bien accueillie dans mon cours, c'est que c'est sur ce point
seulement que j'ai trouvé du doute dans l'esprit de quelques
artistes dont j'estime le savoir. Je passe maintenant au qua-
trième genre de modification dont les accords naturels sont
susceptibles.
Dans toute succession de denx accords, soit d'un disso-
nant à un consonnant , on d'un consonnant S un dissonant ,
tout mouvement de l'intervalle d'un ton peut être altéré par
le demi-ton intermédiaire , soit en montant , soit en descen-
DE PARIS.
123
dant. L'effet de ces altérations est d'introduire dans les accords
des notes étrangères au ton auquel ces accords appartiennent,
et conséquemmeut d'établir des tendances vers des tons nou-
veaux", bien que ces tendances n'aboutissent pas toujours à la
terminaison qu'elles semblent indiquer.
L'effet des altérations ascendantes est de donner aux notes
qui en sont affectées le caractère de notes sensibles acciden-
telles qui se résolvent en montant , lors même qu'elles se
transforment en dissonance , parce que le sentiment d'at-
traction de l'accent ascendant absorbe celui de la dissonance.
Pour donner des exemples de l'effet des altérations dans la
succession des accords , je fis voir à la troisième séance de
mon cours que l'altération de la quinte de l'accord parfait ,
dans la succession de celui de la tonique ut , mi , sol , a celui
du quatrième degré fa, ut, fa, la , produit un accord de quinte
augmentée ut, mi, sol dièse, et que cette altération établit
une attraction ascendante du sol dièse au la. De même , dans
la succession de l'accord de sixte du sixième degré du mode
mineur fa , la, ré, ii l'accord parfait de la dominante mi ,
sol dièse , si , mi , l'altération de la sixte ré en ré dièse pro-
duit une attraction ascendante qui oblige ce ré dièse à mon-
ter à mi, et engendre l'accord connu sous le nom de sixte
augmentée. De même encore , disais-je , dans la succession
de l'accord de quinte mineure et sixte, si, fa , sol , ré , à l'ac-
cord parfait avec tierce redoublée ut, mi, sol, mi, si l'on
altère ré du premier accord par un dièse , on aura une attrac-
tion ascendante qui devra se résoudre sur un mi du second.
Ici l'attraction sera double; car, tandis que l'altération de
ré devra monter en sa qualité de note sensible accidentelle ,
la dissonance fa devra descendre.
Quant aux altérations descendantes, leur attraction vers
une note inférieure n'est pas moins impérative que la ten-
dance à monter des altérations ascendantes. Par exemple,
disais-je encore , supposez la même succession de l'accord de
quinte mineure et sixte si, fa, sol, ré , à l'accord parfait ut ,
mi, sol, ut ; la , ré descend à ut; si on altère l'intervalle
d'un ton qui se trouve entre ces deux notes par le ré bémol ,
il en résultera un accord composé de tierce diminuée , quinte
mineure et sixte mineure ; or l'attraction descendante de ré
bémol est aussi irrésistible que l'attraction ascendante de la
note sensible si.
J'ai saisi l'occasion de cette théorie des altérations des ac-
cords naturels pour faire remarquer à l'auditoire qu'il n'y a
d'intervalles augmentés ou diminués que lorsque l'altération
d'une ou de plusieurs notes de ces accords met eu rapport des
sons qui appartiennent à des tons différents ; par exemple si,
fa, sol, ré bémol produit une tierce diminuée entre si bécarre
et ré bémol , parce qu'il n'est aucun ton dans lequel ré soit
naturellement bémolisé, tandis que si reste dans son intona-
tion naturelle. De même, si dans la succession de l'accord par-
fait mJ, mi, sol, ul, à l'accord de quinte mineure et sixte «i,
fa, sol, ré, on altère 1'»^ supérieur du premier accord par un
dièse, on aura l'octave augmentée ut — ?/< dièse; or, il n'existe
aucun ton dans lequel id soit à la fois dans sa situation natu-
relle et affecté d'un dièse. Augmenté signifie donc , pour les
intervalles, plus grand que la dimension naturelle, et diminué,
plus petit que la même dimension. D'où il suit que la situa-
tion naturelle des intervalles conformes à un ton quelconque
est qu'ils soKni justes, majeurs ou mineurs. Les auteurs qui
ont appelé diminuée la quinte mineure qui se trouve entre
la note sensible de la gamme et le quatrième degré , et aug-
mentée , la quarte majeure formée par le renversement des
mêmes notes, ont donc introduit de la confusion dans le lan-
gage de la science.
Les altérations des notes naturelles des accords sont une
source féconde de variété dans l'harmonie ; mais cette variété
devient plus riche encore en se combinant avec les modifica-
tions des accords naturels par la substitution et par la pro-
longation. J'en ai donné les exemples suivants dans la troi-
sième séance de mon cours.
1° Supposons la succession des accords de septième dimi-
nuée si, fa, la bémol, ré, et de l'accord parfait avec tierce
redoublée ut, mi, sol, mi; il est évident que le mouvement
de ré à mi pourra être altéré par un dièse au ré qui établira
une attraction ascendante de ré dièse à mi , tandis que la sep-
tième diminuée la bémol et la quinte mineure fa auront une
attraction descendante. 11 est remarquable que dans l'accord
ainsi modifié toutes les notes sont attractives, car la note sen-
sible du ton, qui en est la base, doit aussi se résoudi'e en mon-
tant.
2° La succession du même accord, si, fa, la bémol, ré, et
de l'accord parfait, ut, mi, sol, ut, donne lieu au mouve-
ment descendant, ré, ut, dans lequel ré peut être altéré par le
bémol accidentel , ce qui produit l'accord de septième dimi-
nuée avec tierce diminuée, si, fa, la bémol, ré bémol, et
donne naissance à une triple attraction descendante de fa , la
bémol , ré bémol , réunie à l'attraction ascendante de si vers
ut. Voilà pour les altérations réunies à la substitution ; voyons
maintenant la réunion des altérations aux prolongations.
3° Supposons la succession de trois accords , savoir : l'ac-
cord de sixte, mi, ut, sol, ut, l'accord de triton, fa, ré,
sol, si, et enfin le retour au premier accord, mi, ut, sol,
ut; il est évident que ut supérieur du premier accord des-
cendant à si du deuxième pourra être prolongé , et que ut
inférieur montant à ré, dans la même succession, pourra
donner lieu à l'altération de ré en ré bémol , d'où résultera
l'harmonie de fa , ré bémol , sol, ut , retardant fa , ré bémol ,
sol, si, altération de l'accord naturel de triton, qui, en défi-
nitive, fera sa résolution sur l'accord de sixte, suivant la loi
de tonalité. Ces cas suffisent pour faire comprendre le méca-
nisme de ces différents genres de modifications des accords
naturels.
Il en est un autre qui consiste à prolonger les notes alté-
rées sur la résolution des successions : celles-là , dont j'ai
révélé le premier l'existence , constituent un ordre de faits
absolument nouveau dans l'harmonie , qui consiste à établir
des relations multiples entre tous les tous. Je dirai plus loin
quelles conséquences j'en ai tirées.
Après cet exposé de la génération naturelle et artificielle
de toutes ces combinaisons harmoniques , j'avais à entretenir
mon auditoire de certains accords qui ne semblent point s'y rat-
tacher, et qui ont exercé une grande influence sur les erreurs
de tous les auteurs de système d'harmonie. Il s'agissait d'un
accord de tierce mineure , quinte et septième mineure , qui
se fait, en de certaines circonstances, sur le sixième degré
du mode majeur, et d'un accord de tierce majeure, quinte
juste et septième majeure , qui s'emploie dans les mêmes cir-
constances sur la tonique et sur le quatrième degré. Or, j'ai
fait voir que ces accords ne peuvent se rencontrer que dans
des progressions harmoniques non modulantes , où toutes les
successions se faisant symétriquement sur le modèle d'un
premier mouvement naturel , l'attention du sens musical se
fixe sur la symétrie , et suspend le sentiment de la tonalité
jusqu'au moment de la cadence , de telle sorte que tous les
accords de trois et de quatre sons se posent sur tous les de-
grés dans ces progressions , bien que dans Tordre de la tona-
lité chacun de ces accords ait une place déterminée. Ainsi ,
ai-je dit, dans une suite comme ut, mi, sol; ut, mi, la;
124
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ré , fa, la; ré , fa , si; mi, sol , si; mi, sol, ut, etc., l'ac-
cord parfait et l'accord de sixte se font entendre tour à tour
sur toutes les notes de la gamme, jusqu'à ce que toute
l'échelle étant parcourue , l'accord parfait se lasse entendre
de nouveau sur la tonique ; alors la formule symétrique est
épuisée , et le besoin de l'ordre tonal se manifeste de nouveau
au sens musical. Ainsi encore, après avoir fait entendre l'ac-
cord de septième sur la dominante , si la basse procède par
des mouvements réguliers de quarte et de quinte, et si sur
chacune des notes de cette progression un accord de septième
se fait entendre, à l'imitation de la première note , ces accords
de septième seront composés d'intervalles différents , suivant
les notes où ils seront placés; sur le second degré, sur le
troisième et sur le sixième , la tierce et la septième seront
mineures; sur la tonique et sur le quatrième degré , ces in-
tervalles seront majeurs ; sur le septième degré , la quinte
de cet accord sera mineure ; la dominante seule aura la tierce
majeure et la septième mineure ; or, cette constitution de
l'accord est la seule qui soit constitutive de la tonalité ; c'est
la seule qui pourra être attaquée sans préparation, tandis que,
dans la progression dont il s'agit, la septième de tous les au-
tres accords devra être préparée , preuve incontestable que
ce ne sont pas des accords naturels , et qu'ils ne sont admis
dans cette progression que parce que l'analogie de mouve-
ment et de succession absorbe le sentiment tonal, jusqu'au
moment où le retour à la dominante fait renaître ce senti-
ment , et provoque le besoin de cadence et de terminaison.
Telle est donc la théorie de la classification et de la géné-
ration des accords que j'ai développée dans les trois premières
séances de mon cours , théorie basée sur la nature des choses,
sur notre conformation , et qui , dans le développement des
faits , suit exactement la marche de l'histoire de l'art. Elle
se résume en ceci : tout accord admis immédiatement par le
sens musical , et sans aucune circonstance préalable , est un
accord naturel, au lieu que ceux qui ne peuvent être admis
sans le secours de la préparation sont des produits artificiels,
et n'ont point d'existence par eux ; d'où il suit qu'en les pré-
sentant isolément comme autant d'accords primitifs , comme
on l'a fait dans la plupart des théories , on les a transformés
en faits absurdes que le sens musical ne peut pas plus com-
prendre que l'intelligence ne peut saisir la conséquence d'une
proposition dont on lui cache les prémisses. Or, deux accords
primitifs seulement sont admis immédiatement par le sens
musical comme des conséquences de la tonalité : ce sont l'ac-
cord parfait et celui de septième de la dominante. Tous les
autres sont le produit d'artifices qui modifient ceux-là , et ces
artifices ne sont pas autre chose que la substitution , la pro-
longation, l'altération des intervalles , et leurs combinaisons.
FÉTIS père,
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
{La suite au prochain numéro.)
THÉÂTRE-ITALIEN.
CX.OT17R.I;. — ikVENIK.
e qui m'étonne, c'est que les ennemis du
Théâtre-Italien (car il a des ennemis comme
tout ce qui réussit bien , longtemps et à bon
droit) n'aient pas comparé l'Opéra- Italien à
ces fils de bonne famille dont le crédit survit à leur
ruine , et qui trouvent le moyen de mener un train
de priaces tout le reste de leur vie, quoiqu'on ne
leur connaisse plus depuis longtemps ni patrimoine ni
capitaux. La comparaison serait certes aussi juste
qu'une comparaison peut l'être. Pour une musique nationale
quelconque , pour une musique dramatique surtout , vivre ,
et vivre dignement, c'est avoir, en guise de fermiers, des
compositeurs qui cultivent incessamment le sol de l'art , et en
tirent chaque année des produits frais, nouveaux, jeunes
enfin , et dont la saveur succulente satisfait le goût général.
Si , par hasard, lesdits fermiers, par suite de paresse, négli-
gence , ou incapacité , ou amour peu consciencieux d'un gain
équivoque, visent h la quantité des produits au détriment de
la qualité , ils fatiguent et appauvrissent une terre généreuse,
et la propriété perd sa valeur si elle ne périt entièrement.
Les fruits d'un travail ainsi dirigé cessent de trouver du dé-
bit , et le propriétaire embarrassé , obéré , «inon ruiné tout-
à-fait j est forcé d'attendre que la terre ait repris l'énergie
qui l'enrichissait jadis. C'est tout comme s'il n'avait plus de
propriété.
Il est certain que l'Italie fournit chaque année sa moisson
d'opéras au moins aussi abondante qu'à aucune autre
époque; mais il ne l'est pas moins que ces opéras-là sont,
comme on dit , à&peu de garde, et que le plus grand nombre
ne peut se conserver au-delà d'une saison. Cette absence de
qualité a un autre inconvénient, c'est qu'on a peine à trou-
ver au-dehors le placement d'aussi pauvres denrées , et qu'il
en faut consommer à l'intérieur la majeure partie : ce qui se
fait très vite , vu qu'on gaspille beaucoup de cette plate mu-
sique en une très courte période de temps.
Les chanteurs italiens et les entrepreneurs de théâtre , qui
sont les commissionnaires et commis-voyageurs pour le débit
des marchandises musicales de l'Italie, semblent donc chaque
année menacés de manquer d'occupation , à raison de l'in-
suffisance de la production nouvelle et de la vétusté des an-
ciennes , qui se passent , ou dont le public ne veut plus guère.
Et pourtant , de même qu'en France , après plusieurs an-
nées de vendanges mauvaises , le bon vin est loin de manquer,
et qu'on y trouve toujours à récréer le palais et le cerveau,
que les vieux celliers s'ouvrent, et les réserves sont portées
sur la place, l'Opéra-Italien se maintient toujours sur les
places de l'Europe, même après de longues années de pro-
ductions détestables et de stérilité chez les compositeurs.
L'ancienne réputation explique la vogue qu'on soutient par
des emprunts à de la musique plus ancienne. L'habileté des
chanteurs fait le reste. Ce sont de redoutables courtiers dont
il faut se défier un peu , quelque agréable que soit leur art.
Ces admirables charlatans ont le talent de vous faire trouver
délicieuse la musique médiocre , et de vous faire supporter
assez volontiers la mauvaise.
Voilà ce qui explique la prospérité plus ou moins constante
du Théâtre-Italien , dont l'avenir, à chaque saison , semble
pouvoir être mis en question. E pur si muove! Et l'on y fait
de belles recettes ! et il est probable qu'on^en fera longtemps,
même avec des conditions semblables à celles de l'état de
DE PARIS.
125
choses actuel. Que sera-ce à l'avènement du génie qu'on at-
tend, et qui viendra tôt ou tard ? car la création peut se repo-
ser, mais elle n'est jamais stérile !
La saison de l'Opéra-ltalien vient de se fermer, après avoir
ouvert sous des auspices assez douteux. On n'avait en pers-
pective que des opéras nouveaux , Dieu sait à quel titre , et
deux nouveaux chanteurs pour remplacer Tamburini. Les
opéras se sont produits sans faire précisément tort h l'entre-
prise : seulement il en faudra essayer d'autres l'an prochain.
Les chanteurs ont réussi. Tamburini, virtuose beaucoup trop
semblable à lui-même, mais vccaliseur parfait, dont la per-
fection avait le grand4ort d'être sue par cœur depuis dix
ans , Tamburini no pouvait plus demeurer à Paris. Ses suc-
cesseurs ne l'égalent pas sous le rapport du chant d'école ,
mais on ne les connaît pas bien encore , et c'est un attrait
qui peut exister longtemps à leur égard , surtout en ce qui
touche Ronconi , remarquable par l'inspiration et l'imprévu.
Fornasari durera évidemment moins , en supposant que sa
position vis-à-vis de la direction permette de le faire revenir
à Paris. L'avenir ne peut faire moins en faveur du Théâtre-
Italien que de lui réserver des chances et des hasards de cette
nature, d'autant plus qu'il n'y a pas grande exigence à les
lui demander. On a donc en perspective une situation au
moins tolérable, et nous connaissons plus d'un théâtre qui
n'est pas italien auquel on pourrait en souhaiter autant. En-
core faudrait-il être en veine de bienveillance et de partialité.
A. Specht.
mww »®®ift
;pr^ 1.^,4,1;
3,ES OONCEaTS BE E.A SERÎAINF.
n ciel bleu, vaste et
pur, comme a dit
Béraiiger, un soleil
spicndide, la tiède
atmosphère d'un
printemps qui s'est
fait attendre et désirer, et qui versait dans
l'âme , dans l'esprit un secret et mysté-
rieux contentement , une prédisposition
la bienveillance, tels étaient les prolégo-
mènes, le prodrome du sixième et dernier
^concert donné par la Gazelle musicale a ses
abonnés, dans les salons de M. Pleyel, lundi
passé , 1" de ce mois , qui certes n'a pas été
un poisson d'avril musical , comme tant de con-
^^ certs de la saison.
\i^^ La séance s'est ouverte par le nouveau quintette
en lit mineur de M. Onslow, exécuté par M. Alard
et ses confrères en quatuors qui le secondent si bien et don-
nent une physionomie toute particulière, une allure excen-
trique à chaque ouverture des concerts de la Gazette musi-
cale. Dire les nombreuses mélodies , les finesses harmoniques,
les heureux artifices scolastiques , les choses inspirées que
renferment les quatre parties dont se composent le nouvel
œuvre de M. Onslow nous conduirait trop loin , et l'espace
nous manque. Nous rappellerons seulement aux personnes
qui ont assisté à cette intéressante séance de sérieuse et bonne
musique , certains que nous sommes de faire revivre en elles
d'agréables souvenirs , l'of/aj/o si remarquable de ce remar-
quable quintette. Le motif en est d'une suavité, d'une religio-
sité infinies ; il est interrompu vers le milieu de sa splendide et
noble carrière par une pensée xle vieille et bonne musique à
la Hœndel , à la Bach , procédant par imitations à la basse en
style fugué, manifestation, profession de foi de l'auteur qui
semble vous dire par là de quel temple il est prêtre , et qu'il
ne se jettera point dans les divagations du romantisme musi-
cal. Il rentre logiquement dans son thème après sa petite ex-
cursion dans le domaine scolastique , et , fidèle à l'uniié de la
pensée, il se promène dans son motif, berçant son auditeur
de rêveries délicieuses qui le transportent dans le ciel. On
doit reconnaître aussi que M. Alard a joué cet adagio avec
une sensibilité si profonde et si vraie, avec un tel sentiment
de la mélodie et des nuances harmoniques, qu'on ne savait
qui admirer le plus de l'auteur ou de l'exécutant.
Pour continuer cette émission de nmsique consciencieuse,
M"' Nissen , du Théâtre-Italien , est venue dire un bel air de
Hœndel, qu'elle a chanté de sa voix large et puissante, et dans
le vrai style de l'auteur, ce que beaucoup de nos brillantes
cantatrices d'airs à la mode , de romances et de petites chan-
sonnettes ne pourraient pas faire. Elle n'a cependant pas
moins bien chanté dans le genre moderne la charmante tyro-
lienne de la Betly de Donizelti.
M"= Méquillet, de l'Opéra, qui suppléait M""= Castellan,
indisposée , a dit , avec le sentiment dramatique qui caracté-
rise sa manière de chanter, la Religieuse , de Schubert , ce
drame mystique, cette belle peinture des orages d'un cœur
mêlant ses révoltes, ses gémissements à ceux d'un orage de la
nature , tableau poétique , passionné et éminemment musical
dont la cantatrice a parfaitement fait saisir toutes les nuances
aux auditeurs; elle a chanté ensuite avec M. Saivi , cet artiste
I remarquable que le public du Théâtre-Italien n'a pas encore
I été à même d'apprécier à sa juste valeur, un duo de Roherlo
Devereuœ qui a produit un grand effet. Méthode sage et pure,
1 sensibilité dans la voix , grâce et distinction dans l'émission
! de cette voix , qui n'excluent pas l'énergie et le dramatique ,
i telles sont les qualités de M. Salvi , qualités qui finiront par
! le placer au rang qu'il doit tenir au Théâtre-Italien , où , par
modestie et nécessité de sa position , il s'est laissé par trop
' effacer.
\ M. Alard , qu'il faudra bientôt nommer Alard tout court ,
! s'il continue à être le lion de nos violonistes actuels, a joué sa
! fantaisie sur des motifs italiens avec autant de fougue, d'ex-
! pression et d'audace heureuse qu'il en déploie toujours , et
' avec un progrès sensible dans le fini de l'exécution. II a chanté
délicieusement ; et cette verve , cette chaleur, cette profonde
expression, ont réagi sur l'accompagnateur, M. Schimon, qui
a fait de son rôle secondaire un rôle essentiel , inhérent à celui
du récitant, chose trop peu remarquée dans les concerts. De
cette confiance du soliste dans son fidèle Achate , il naît une
action saisissante, animée, un petit drame musical qu'écoute
religieusement l'auditoire et qui provoque d'unanimes suf-
frages : c'est ce qui est arrivé pour ce solo de violon , qui est
entré au fond des sympathies de toute l'assemblée. Après ce
morceau d'une exécution si remarquable est venue l'Ouver-
ture du Carnaval de Rome, ce drame instrumental exprimant
si bien la joie populaire de la folle Italie , ce poëme carnava-
lesque de IM. Berlioz plein de verve et d'originalité, que
M. Pixis a si parfaitement arrangé pour deux pianos, et à
huit mains, qu'on croit entendre un foudroyant orchestre. Il
a été exécuté par MM. Dœhler, Halle, Heller et AVolff avec
la perfection qu'on devait attendre de ces quatre virtuoses.
Tout était fini ; la Gazette musicale avait payé le tribut
qu'elle s'est imposé elle-même ; elle avait jeté ses torrents
d'harmonie sur ses lecteurs dont elle a fait de fervents audi-
126
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
teurs, quand d'insatiables amateurs, se souvenant d'avoir en-
tendu chez M. Érardla jolie Tarentelle deM. Dœhler, se sont
mis à crier : la Tarentelle ! la Tarentelle ! Et le complaisant
artiste de se rendre à cette invitation bienveillante , admira-
tive I et le public , après l'audition de ce délicieux morceau ,
d'applaudir, d'applaudir encore, et toujours, et quand celui
qui était l'objet de cette ovation ne pouvait plus l'entendre.
Ainsi s'est terminé triomphalement le dernier des concerts
donnés en cette saison par la Gazette musicale , exhibition
courte de musique bien choisie et qui doit avoir laissé un bon
souvenir d'art à ceux qui ont assisté à ce concert.
MM. Goria et Lac avaient aussi donné un concert de com-
pagnie dans le même lieu , quelques jours avant. M. Goria
est un fort bon pianiste qui sait tirer un beau son de l'in-
strument, qui fait avec calme d'inextricables difficultés, et qui
chante même avec beaucoup d'expression sur le clavier. Il a
dit la belle fantaisie de Thalberg sur la Semiramide d'une
manière remarquable ; puis un beau duo pour deux pianos
avec M. Ravina; puis deux études de sa composition, une
entre autres intitulée la Sérénade, pour la main gauche, qui
lui avait été demandée (bien entendu la Sérénade et non la
main gauche) et qui a été bissée. M. Lac, le second bénéfi-
ciaire , qui vient, au reste, de débuter avec quelque succès à
rOpéra-Comique dans la Dame blanche, a chanté avec quelque
succès aussi le duo du quatrième acte de la Favorite avec
M"° Masson. M. Herman le violoniste s'est distingué également
dans ce concert.
M. Célestin Tingry est un violoniste oui mérite une mention
de la presse musicale. L'un des bons élèves de Baillot , son jeu
est large et brillant; il a montré ces qualités et bon vouloir de
se placer au premier rang de nos violonistes actuels dans la
matinée musicale qu'il a doimée dimanche dernier, SI du mois
passé. On y a entendu pour la première fois une polonaise
de sa composition et son deuxième quatuor pour deux vio-
lons , alto et basse , qui ont été aussi vivement que justement
applaudis : M. Tingry est un jeune artiste d'avenir. Et puisque
nous en sommes aux jeunes artistes qui prennent leur art au
sérieux, nous devons citer ici M. Prumier, fils du professeur
de harpe au Conservatoire, et harpiste lui-même, qui a
donné concert, un de ces jours passés , dans la salle Moreau-
Sainti , rue de la Tour-d'Auvergne. Dans le programme , un
peu trop fourni de musique, M. Prumier est intervenu comme
exécutant et compositeur pour une fantaisie avec accompa-
gnement de quintette d'instruments à cordes, pour un duo
de harpe et violoncelle, et deux septuors pour flûte , hautbois,
clarinette , cor, basson , contre-basse et harpe. Le jeune au-
teur a fait , dans ces morceaux , de la musique sérieuse , trop
sérieuse peut-être, trop scolastique. C'est parce que nous
nous apercevons que M. Prumier se livre consciencieusement
à son art, que nous devons lui dire, bien que ce conseil soit
un peu rococo , qu'il faut sacrifier aux grâces ; que ce n'est
pas le tout de réunir, en sept lignes de partition, sept instru-
ments de différentes sonorités , et de leur faire dire : à toi , à
moi, en imitations plus ou moins régulières, jdIus ou moins
serrées, quelques petits traits de mélodie plus ou moins con-
nue, consacrée; que ces idées exclusivement scolastiques
ne suffisent pas à des auditeurs actuels. Sans donner dans
l'extravagance du romantisme en musique, il faut se garder
aussi de la monotomie classique. Avoir une idée mélodique
neuve , large , et savoir en tirer parti , voilà toute la question.
Nous avons , à propos de mélodie , remarqué un fort joli
andante en mi bémol dans le premier septuor de M. Prumier.
Ses dialogues d'instruments à vent prouvent qu'il connaît
bien le caractère de chacun de ces instruments. Son duo
pour violoncelle et harpe est gracieux : nous aimons moins
la fantaisie, dont l'accompagnement obligé n'est guère qu'un
lieu commun instrumental quelque peu suranné. Nous con-
seillerons enfin à ce jeune compositeur, si cela peut lui être
de quelque utilité , de rechercher un peu la mélodie , l'origi-
nalité , et plus de vigueur, plus de passion , d'éclat dans son
exécution.
Si nous disons que M. Petiton a joué d'une manière assez
agréable dans ce concert un solo de flûte un peu trop long ,
que M. Révial a dit la Religieuse, de Schubert, de manière
à inquiéter Wartel , qui n'a été en Allemagne , dit-il , que
pour y importer la vraie manière d'interpréter Schubert, nous
ne ferons que rendre hommage à la justice , et pour être juste
eii tout , nous ajouterons que ce n'est pas avec beaucoup de
justesse que M. Lefort et M"° Rossignon ont dit un assez mé-
diocre nocturne à deux voix de M. Thys , qui , lui-même , a
chanté ensuite une charmante valse de sa composition sur les
termes itahens employés en musique , et dont les paroles sont
aussi spirituelles que pleines de poésie.
M. Rosellen est fort heureux ; son nom est presque ho-
monyme, du moins pour l'oreille, de celui d'un pianiste-
compositeur de talent , M. Rosenhain. M. Rosellen a du ta-
lent lui-même, et du talent qui se vend beaucoup en leçons
et en productions d'une facile exécution. La vanité des ama-
teurs se lasse quelquefois d'acheter de la musique injouable.
Celle de M. Rosellen est accessible à toutes les intelligences,
à tous les doigts : c'est le compositeur-pianiste de la moyenne
propriété ; il n'a pas la prétention d'être un musicien in-
compris. Ses fantaifies , ses arrangements bien écrits , bien
doigtés, et dans lesquels prédominent toujours de jolies et
faciles mélodies , lui ont donné une sorte de vogue. Le Ro-
sellen enfin se vend fermé et à prime à la bourse musicale
de Paris. C'est le Henri Karr, le Hunten du moment. M. Ro-
sellen se donne aussi la joie de faire de la musique sérieuse,
des études, qui sont là sur notre bureau , et dont nous par-
lerons un de ces jours; des trios pour piano, violon et vio-
loncelle. C'est une œuvre de ce gem-e qu'il a exécutée , se-
condé par MM. Bernardin et Offenbach, dans le concert qu'il
a donné dernièrement chez M. Erard. Il y a des mélodies
faciles et gracieuses, une harmonie suffisante dans ce trio,
qui a fait plaisir à l'auditoire composé de la clientèle et des
amateurs de la musique légère de M. Rosellen : c'est dire
qu'il était nombreux. Le bénéficiaire a joué ensuite une
grande fantaisie sur Dom Sébastien, puis un duo pour deux
pianos de sa composition qu'il a exécuté avec M"° Mattmann,
la jeune pianiste, sérieuse et convaincue, qui semble rem-
plir une mission sacrée quand elle est au piano , et même
quand elle exécute de la musique de M. Rosellen. Au reste,
cette mission est douce, facile et agréable.
M"' Mondutaigny , cette jeune et grande cantatrice, à la
santé si fleurie , a dit dans ce concert l'air du Freischûtz
qu'elle redit un peu souvent , cet air dont la vague rêverie,
la haute poésie, le mystique amour, la mélancolie allemande,
vont aussi peu à sa nature, que la romance intitulée : Mon
•pauvre enfant, élégie fatigante d'une mère qui demande du
pain jusqu'à satiété. A cela près du sentiment pénible pro-
voqué par ce pauvre enfant mourant de faim , le concert de
M. Rosellen a été tout aussi brillant, tout aussi amusant et
tout aussi productif qu'un autre.
Henri Blanchard.
DE PARIS.
127
WTi» Sawvage gle ■n'imj^at'te au.
Dessin de Gavarni.
Ce sauvage de n'importe où fui longtemps populaire dans
le chef-lieu de la civilisation européenne. Il habitait un café
souterrain du Palais-Royal, et le soir, quand vous vous pro-
meniez dans la galerie du Perron, vos oreilles étaient frappées
des murmures et des éclats de son terrible instrument , en
même temps que votre nez était saisi d'une forte odeur de
bière et d'alcool. Le tout vous arrivait par un étroit soupirail ,
à travers lequel vous aperceviez les clartés rougeâtres d'une
douzaine de quinquets fumeux. Coucevez-vous le plnisir qu'il
y avait à s'enfoncer dans une caverne pour entendre jouer des
timbales à bout portant par une espèce de tambour-major
coiffé de plumes? Du reste l'enseigne était bonne , et les ama-
teurs s'estimaient heureux quand ils trouvaient un coin de
table et un tabouret au café du Sauvage.
L'exposition des produits de l'industrie française ouvrira dans
trois semaines, et, comme pour les expositions précédentes, 1»
Gazelle musicale donnera un compte-rendu Ijdèle et scrupuleux des
découvertes et des progrès qui ont signalé la dernière période. Cette
fois encore un écrivain, dont lesconnaissanccsspéciales font aulorilé
non moins à l'étranger qu'en France , a bien voulu se charger de ce
travail , qui se recommande à tous les lecteurs par.sa haute impor-
tance et son vif intérêt.
nOTTTELIaES.
V Demain lundi , à l'Opéra , le Lazzarone suivi du bal de Gus-
tave.
*/ Trois représenta lions on t consolidé le succès du nouvel opéra en
deux actes. Les charmantes mélodies dont le Lazzarone est rempli ,
sont parfaitement comprises. Les artistes, plus sûrs d'eux-mêmes,
ont aussi plus de verve et d'entrain. 11 faut en dire autant de l'or-
chestre dont la direction fait beaucoup d'honneur à M. lîattu.
*»* La santé de M. Habeneck s'améliore chaque jour; l'illustre
chef a déjà repris son poste au Conservatoire: il assiste aux examens
et préside aux répétitions.
*,* On répète Cendrillon , musique de Nicole, revue et corrigée;
M"' Darcier remplira le principal rôle.
\* M. Fétis , directeur du Conservatoire de Bruxelles, vient d'a-
dopter les Etudes de salon , de F. Le Couppey, pour servir à l'ensei-
gnement dans les classes de piano de cet établissement.
*,• M. Ernst, le célèbre violoniste , est parti pour l'Angleterre où
il est engagé pour plusieurs concerts philharmoniques et pour de
grands festivals.
*,* C'est demain , lundi, qu'aura lieu , à huit heures du soir, dans
les salons de M. Pape , le concert de M. Cavallo dont nous avons
parlé dans notre dernier numéro. Outre un trio de Reissiger, exécuté
pour la première fois à Paris , le bénéficiaire jouera plusieurs mor-
ceaux de sa composition. Cette soin'e, à laquelle concourront pour
la partie vocale M"" Sabalier et M. Tagliaflco , présentera encore un
attrait particulier; nos lecteurs se rappellent les éloges que nous
avons donnés à ce jeune pianiste qui s'est déjà fait entendre avec un
grand succès dans plusieurs salons. Demain le public le jugera ei
pourra mettre à l'épreuve son talent d'improvisateur qui a partout
excité l'étonnement et l'admiration. Il ne restera aucun doute sur la
réalité des improvisations de M. Cavallo, car, suivant le programme,
toute personne qui voudra proposer un motif est priée de le déposer
à l'entrée, écrit en notes et sous enveloppe cachetée. A la fin du con-
cert, on en tirera deux au sort que l'artiste recevra et décachètera au
momen t de se mettre au piano. Voilà , certes , de quoi piquer la cu-
riosité du public.
*.* Le second concert de notre célèbre Doehler, retardé par indis-
position, aura lieu mardi 9 avril, à deux heures, dans les salons
d'Érard. M. Doehler, dont le nom suffit pour attirer la foule fashio-
nable toutes les fois qu'il donne un concert , jouera un trio nouveau
de Meyseder, des romances sans paroles , des études de salons , une
fantaisie sur Maomeiio, une valse brillante et une tarentelle avec
M. Alard. La partie vocale est confiée à M. Morelli et à M°»" Bram-
billa et Hayes.
\» Le jeune et célèbre corniste Vivier donnera le lundi 15 avril ,
à huit heures du soir, un grand concert dans les salons d'Érard.
Cuire le bénéficiaire, on y entendra MM. Doehler, Mocker, M""" Ché-
rie Couraud et Anna Thillon. Le piano sera tenu par M. Adam. Prix
des billets, 10 et 15 francs.
*," M. Prume, le célèbre violoniste, qui vient du se faire entendre
au Conservatoire, donnera le mardi 9 avril 1844, dans la salle de
l'école lyrique, un concert dans lequel il jouera son deuxième con-
certino et plusieurs autres morceaux inédits de sa composition.
•." Après demain mardi, à huit heures du soir, dans la Salle Érard,
le magnifique concert de Séligmann avec le concours de Doehler,
Oshorne, H"" Brambilla, M"»» Castellan , MM. Herman , Boulanger-
Kunzé , Mecatti , Piatli, Cormann, etc. 11 y sera exécuté pour la pre-
mière fois un quatuor inédit de Mercadante pour 4 violoncelles.
*,* Au concert qui sera donné vendredi prochain dans l'hôtel de
M. de Laroche-Foucault-Doudeauville, 31 , rue de Varennes, au pro-
fit de l'église catholique de P.olle, on entendra le duo pour deux pia-
nos et à huit mains sur le choral des Huguenots, composé exprès par
M. Pixis pour les pianos à huit octaves de M. Pape. L'auteur et
MM. Oshorne, Rosenhain efWolITseront les interprètes de ce brillant
morceau.
*,* C'est le 20 avril prochain , à huit heures du soir, dans la salle
de M. Herz , que M. Jacques Olfenbach donnera son concert annuel.
Nous avons tout lieu de croire que cette soirée musicale réunira une
société aussi nombreuse que choisie, car ce jeune violoncelliste d'un
si beau talent a fait encore de notables progrés , et sa réputation est
grande aujourd'hui. Indépendamment du bénéficiaire qui exécutera
avec sa supériorité incontestable divers morceaux inédits de sa com-
position, on entendra Mi"" Brambilla, Osselin, MM. FiOger, Boulan-
ger, Albertini et Jules Offenbach.
V Le concert historique donné par M. Amédée Mercaux au béné-
fice de l'Association des artistes musiciens, aura lieu le 28 avril
dans les salons de Pleyel. Nous donnerons dans notre prochain
numéro le programme complet de cet intéressant concert dans
lequel on dira entre autres choses pour la première fois à Paris
les Cris de Paris, publiés par la Gazelle musicale dans les Archives
curieuses de la musique.
V M. A. de Kontslcy donnera son concert le 20 avril ; il fera en-
tendre plusieurs ouvrages nouveaux de sa composition, savoir: une
symphonie à grand orchestre et des fantaisies sur des motifs de ta
Juive, de Lucrèce et de lioberi-le-Diable. La réputation de l'artiste
suffit pour lui assurer un auditoire nombreux.
",* Lundi dernier, on a appelé à l'audience du tribunal de Com-
merce l'affaire de la direction du Théâtre-Italien contre M. Forna-
sari. Le tribunal n'ayant pas accordé la remise de la cause , deman-
dée par M. Vatel, celui-ci a été condamné par défaut.
*," Le célèbre scuplteur Thorwaldsen vient de mourir; ses restes
seront déposés à Copenhague dans l'église de Holm. Ohenstchlaeger
a écrit pour cette triste cérémonie une cantate funèbre qui a été
mise en musique par M. Glaeser. Thorwaldsen a légué toute sa for-
tune au musée qu'il a créé et qui porte son nom. Le jour de sa
mort il travaillait encore à un buste de Luther.
*,* M. le marquis de Louvois , pair de France, membre de la
commission spéciale des théâtres royaux et du comité de l'associa-
tion des arlisles-musiciens, est mort dans la matinée de mardi der-
nier. C'est une perte bien regrettable pour les arts et les artistes dont
il s'était toujours montré protecteur aussi bienveillant qu'éclairé.
CEu'onâtiiie dëjiafteitieiittïle.
V Marseille, 'i& mars. — Il ne fallait qu'une occasion pour que
les couplets si énergiques, si entraînants de l'opéra de Cliarles yi
prissent leur rang parmi nos chants nationaux, et cette occasion s'est
présentée. Dimanche dernier la foule était énorme au Grand-Théâtre
et remplissait même les corridors. Plusieurs voix demandèrent les
couplets avec une varianle dans les paroles du dernier vers , propo-
sée par un billet. Le régisseur désira savoir si le public approuvait
la variante demandée; un immense bravo fut la réponse de l'audi-
toire. C'est alors que Junca vint chanter les couplets au milieu d'un
silence profond, et lorsque l'artiste, de sa voix tonnante, eut lancé les
mots : Jamais en France, jamais Henri ne régnera, une tempête d'ap-
plaudissements, répétée trois fois, ne permit pas d'entendre le chœur.
Au second couplet, le même refrain reçut le même accueil.
*,» Bordeaux. — Charles Ff, d'Halévy, a été représenté pour la
première fois vendredi derniu- avec un immense succès. Les hon-
neurs de la soirée ont été sur;uut pour Kl-" Valgalier et M°" Wide-
mann. La direction a monté cet ouvrage avec un grand luxe de
décors , et le public a applaudi avec enthousiasme cette belle parti-
tion de M. Halévy.
Le Directeur, JUdacteur en chef, Maokice SCHLESINGER.
128
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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Les Bohémiens de Paris.
Grande fantaisie de concert sur Béatrice di Tenda, exécutée
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Puget 7 50
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de Mlle L. Puget 4 50
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BOIiOGNIBII. ^(î(ai«e, quadrille chevaleresque. ... 4 50
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L'Orientale. . . .
Les Vénitiennes. . .
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UNE OCCASION.
u'est-ce que le ta-
lent sans l'occasion ,
et l'occasioa sans
un peu d'audace ou
d'adresse? l'histoire
est là pour le dire ,
pet bien s'en faut que l'histoire ait tout dit.
'Combien d'hommes, vraiment rares, ont
passé inconnus , à qui il n'a manqué , pour
^surgir à la lumière , qu'un petit coup de main
de la fortune ! Que de beaux génies , ignorés
Il de tous et d'eux-mêmes, se sont éteints dans
les entrailles de l'oubli faute d'une issue, d'une
brèche soudaine ouverte devant eux par le ha-
sard ! Ecoutez ce qui advint à Granier, joueur de
viole du xvi" siècle , et niez après cela que le ca-
price des circonstances n'entre pas pour les trois
quarts au moins dans les succès de ce monde.
Né de parents obscurs et pauvres , le petit Granier n'était
à dix ans qu'un simple enfant de chœur à la cathédrale de
Moulins. Mais sa voix avait tant de fraîcheur et de justesse,
son intelligence tant de promptitude , son caractère tant de
douceur, que le bon vicaire Simon , passionné dilettante , prit
bien vite en affection le jeune choriste et travailla sans relâche
à l'initier dans les secrets mystères du plain-chant, de la com-
position sacrée, de la musique profane et même de la lutherie.
Aussi , dès l'âge de quatorze ans, Granier faisait des prodiges.
Soit qu'il chantât à l'office avec l'onction et la grâce d'un séra-
phin , soit qu'il improvisât sur le livre avec le savoir d'un
clerc passé maître, soit qu'il jouât sur la viola di gamba
quelque belle pièce écrite en signes de tablature, soit enfin
qu'il fît exécuter un motet tout hérissé de contrepoint et de
doctes réminiscences , c'était merveille de l'entendre et de le
voir. Tout Moulins ne parlait que du miraculeux enfant de
chœur, el le vieux vicaire humait pieusement une bonne part
de l'encens offert à son disciple.
Mais qu'y a-t-il de durable ici-bas? le temps s'en allait et
l'âge venait. Un certain jour de Pâques on s'aperçut que la
voix de Granier n'avait plus sa pureté première. A l'Ascen-
sion, déconfiture nouvelle; ce beau dessus avait perdu toute
une quarte dans le haut. La quarte était devenue sixte à la
Pentecôte. Bref, la fêle de Noël constata un enrouement com-
plet.
Rien ne s'oublie comme les services passés. Le chapitre ,
aussi vétilleux qu'un fort en état de blocus sur l'article des
bouches inutiles , jugea que celle du choriste n'était plus
bonne à grand'chose , et le raya sans pitié de la liste des
chantres. Seulement, grâce à l'intervention du vicaire, l'ex-
soprano garda ses entrées au chœur en qualité de batteur de
mesure, mais avec de minces émoluments. N'importe, c'était
conserver un pied sur l'échelle. Par malheur, un camarade
envieux vit un soir Granier sortir du prêche, et l'entendit au
cabaretse vanter imprudemment d'avoir fait la musique d'un
psaume de Clément Marot. Le bruit en courut; grand scan-
dale parmi les âmes dévoles. On en référa au terrible chapitre.
Le mot de huguenot fut lancé, et l'hérétique chassé delà ca-
thédrale comme un lépreux.
Encore si tout se fût borné là ; mais un malheur ne vient
jamais seul. En peu de mois Granier eut la douleur de voir
porter en terre son pieux protecteur, puis son père , puis sa
BUREAUX D'ABONNEMENT, B.UE B.ICHEI.IEU, 97.
130
REVUE ET GAZETTE IMUSICALE
mère. De farouches créanciers s'abattirent, comme de véri-
tables oiseaux de proie , sur les débris d'œie maigre succes-
sion qui s'ouvrait sous de si tristes auspices. Tout fut bien
vite dévoré. Quand l'orplielin, après les premiers accès de
chagrin , regarda autour de lui , il ne lui restait plus que
trente livres , sa jeuRe sœur .Marthe , ses chansons et sa
viole.
Mais ces chansons, cette viole, n'était-ce pas toute une
fortune? quel artiste , au début de sa carrière , doute jamais
de son avenir? Certains lambeaux d'érudition biographique
qui lui venaient du vicaire achevèrent d'exalter les espérances
de Granier. « Pourquoi , se disait-il , ne ferais-je pas comme
» tant d'autres qui sont partis de si bas pour aller si loin et
» s'élever si haut? Etaient-ils plus que moi, dès leurs pre-
» miers pas , ce Josquin Desprez , ce Jannequia , cet Adrien
» Le Roy, ce Corteley, ce Baltazarini , qui ont joui de la fa-
» veur des rois et des reines? Oui, mais il n'y a ni roi ni
» reine à Moulins ; c'est à Paris que vivent les princes et les
» grandes dames. Eh bien ! allons à Paris. Marthe, nous par-
» tirons demain. — Frère , où donc irons-nous ? — Dans une
» ville vingt fois plds grande que Moulins. — Où tu ne seras
» plus triste? où je ne pleurerai plus ? où nous ne serons plus
» si pauvres? — Oui , dans un pays où il y a de beaux châ-
» teaux et de grands seigneurs pour accueillir et fêter les
» musiciens. »
Marthe sauta de joie; mais ses larmes recommencèrent à
couler quand son frère lui dit que , pour ne pas toucher aux
trente Uvres avant d'arriver à Paris, il faudrait chanter dans
lès hôtelleries et sur les places durant le voyage. — Jamais je
n'oserai , répétait en sanglotant la pauvre petite ; jamais je
ne pourrai, toutes ces figures me feront tant de peur! — Mais
si personne ne te voit, si tu ne vois personne? s'écria Gra-
nier frappé d'une illumination soudaine. — Oh ! alors je ne
tremblerai pas, j'aurai du courage, je. chanterai.
Le musicien ne se doutait guère , en concevant une idée
des plus bizarres, qu'elle ferait plus tard sa fortune et sa re-
nommée. Quelques semaines lui suffirent pour réaliser son
plan. Enfin le joli mois de mai , tant célébré par les poètes
d'alors, vit cheminer vers la grande ville l'aventurier de vingt
ans, son énorme viole sur le dos, ses manuscrits sous le bras,
suivi de la petite Marthe qui portait le reste du bagage, c'est-
à-dire un paquet de bardes bien léger. A chaque bourg ,
dans chaque ville, devant chaque hôtellerie, Granier ne man-
quait pas de faire halte , puis d'entamer une ritournelle sur sa
basse de viole. Les sons de la musique attiraient la foule; les
badauds du lieu se groupaient autour du soliste. Mais quelle
n'était pas leur surprise , lorsque des flancs volumineux de
l'instrument s'élevait une voix argentine , délicieuse , ravis-
sante , qui dialoguait avec l'habile archet du virtuose ! On
murmurait, on criait déjà à la magie, à la sorcellerie; alors
la table postérieure de la viole tournait sur deux charnières
adroitement dissimulées dans l'ornementation , puis du fond
de cette armoire d'une nouvelle espèce bondissait une gentille
enfant de treize ans qui faisait une révérence gracieuse et
naïve à tous les assistants, et présentait au cercle ébahi un
petit plateau où tombaient assez de pièces de cuivre pour suf-
fire aux frais de route. Grâce à cette heureuse invention ,
Granier et sa sœur entrèrent dans Paris sans avoir rien dé-
tourné de leur précieux trésor. Quel bon augure pour l'avenir!
Mais là devait s'arrêter ou plutôt se suspendre le cours de
ces prospérités riantes ; le rayon de bonheur allait s'éclipser.
Soit à cause du changement de vie et de climat, soit par ex-
cès de lassitude , Marthe fut bientôt atteinte d'une maladie
de langueur. Adieu les espérances dorées! Les misères vinrent
nne à une promener fcur sombre cortège dans l'asile de ces
pauvres enfemts. Il fallut recourir au médecin, prendre un gîte
mieux aéré, une nourriture plus saine. Gomment les trente
livres n'auraient-elles pas fondu bien vite au souffle destruc-
teur de la maladie et dans l'inaction forcée? Garnier, exté-
nué de Teilles, allait bien, la mort dans l'âme, la larme à l'œil,
jouer de la viole au milieu des carrefours; mais son beau ta-
lent n'était pas à la portée des manants et de la populace ; la
voix mystérieuse et la magie de l'instrument à secret n'étaient
plus là pour faire merveille. On passait donc avec indifférence.
Vainement l'artiste aux abois essaya-t-il d'arriver jusqu'aux
seigneurs, jusqu'aux gens de cour; une nuée d'insolents va-
lets, de pages, d'écuyers l'accablait d'affronts, de mépris, de
rebuffades. Vainement un ministre huguenot lui promil de le
recommander à d'Andelot, à Cohgny; les chefs huguenots,
assez mal en cour alors, avaient bien d'autres affaires à dé-
mêler que celles d'un obscur musicien de province. Ainsi ce
Paris , rêvé naguère par Granier comme un paradis , ne lui
semblait plus qu'un abîme infernal où les cris de détresse se
perdaient dans le tumulte des intérêts privés et les rumeurs
de la politique. Cependant il y avait chaque jour grande
chasse royale, de belles cavalcades, de joyeuses mascarades à
travers la ville; chaque soir les lustres du bal faisaient flam-
boyer dans l'ombre les fenêtres du Louvre. Et Marthe se mou-
rait sur un misérable grabat , et son malheureux frère san-
glotait avec désespoir à son chevet; canle médecin refusait de
venir, le droguiste ne livrait plus rien faute d'argent , l'hôte-
her défiant grommelait. Mais qu'importaient tant de tortures à
Granier si Marthe lui était rendue ! Dieu la prit en pitié et la
voulut retirer à lui. Une nuit, après un court assoupissement
où la fatigue l'avait plongé , à son insu , au pied de cette
lugubre couche , le musicien s'aperçut en s'éveillant que
Marthe , les yeux fermés , les mains jointes , la sérénité sur
les traits , les lèvres empreintes du sourire des anges , ne re-
muait plus, ne se plaignait plus, ne respirait plus. Son cœur
avait cessé de battre, son corps était glacé. Le joueur de viole
tomba sans connaissance avec un affreux gémissement...
Deux jours après , un jeune homme pâle , défait , les vête-
ments en désordre , s'éloignait , par une matinée brumeuse ,
du charnier des Innocents ; il marchait à pas précipités et se
dirigeait vers la Seine. Lorsqu'il passa devant une porte bâ-
tarde d'où sortaient mystérieusement plusieurs hommes, le
nez dans leur manteau , et quelques femmes masquées selon
l'usage du temps , son nom, accompagné d'un cri de surprise,
retentit à côté de lui. Une main féminine l'arrêta, et décou-
vrant un minois agréable, lui laissa voir une ancienne con-
naissance ; c'était la petite-nièce du vicaire Simon , la com-
pagne d'enfance de Granier , jeune fille sans fortune que ses
parents avaient été trop heureux d'attacher à SI"" de Joyeuse,
grande dame soupçonnée de donner dans les idées de la ré-
forme uniquement pour plaire au frère du roi, le duc d' Alen-
çon. La jolie suivante , un peu entachée de l'épidémie à la
mode , venait elle-même d'un prêche clandestin. Cette ren-
contre sauva Granier. Il conta son infortune , il pleura ; on
s'attendrit, on promit de le servir avec zèle, d'intéresser
M"" la duchesse ; on lui confia même , mais tout bas , qu'on
pourrait par Madame obtenir l'appui du duc d'Alençon.
O merveilleux effet de l'espérance ! en quittant l'offi-
cieuse camériste , qui sut avec une amitié délicate anticiper
sur la générosité de sa maîtresse, Granier, malgré ses regrets
amers, oublia l'horrible dessein qui le menait droit au fleuve.
Il y courait pour mourir, il en revint avec un secret désir de
vivre. Maurice Boijkges,
(la suite au prochain numéro.)
DE PARIS.
lâl,
CONCERT DE M. OŒHLER.
près avoir parlé de tant de pianistes de tout
sexe, de tout âge, de toutes conditions,
qui uous aurait dit qu'il faudrait faire un ap-
pendice aux soirées musicales de la semaine ,
iet reparler d'un pianiste dont nous n'avons
cité que les actes d'obligeance dans les autres concerts ! C'est
pourtant un pareil oubli que nous avons à réparer ici , ayant
fait en cela comme cet architecte qui n'avait omis que l'esca-
lier dans une maison qu'il s'était chargé de faire construire.
Or, puisque nous voilà rentré dans la mine des pianistes , sui-
vons le filon de cette mine inépuisable , de cette mine d'or
pur et de diamants qui scintillent de raille feux brillants ,
quand ce sont les mains de Dcehler qui l'exploitent.
Dans le second concert qu'il a donné, mercredi 10, chez
M. Erard, les amateurs ont apprécié plus que jamais ses
charmantes compositions et son exécution vive, limpide et
sympathique à toutes les intelligences musicales : aussi le pu-
blic nombreux qui était accouru à l'annonce de son deuxième
concert l'a-t-il applaudi comme ill'avait applaudi naguère,
et comme ill'applaudira toujours. Ce pianiste exceptionnel,
brillant, qui a su se faire un jeu éclectique dans tant de fa-
çons déjouer du piano, a d'abord extrait capricieusement de
délicieux petits caprices qu'il a publiés sous le titre de Cin-
quante études de salon , pensées tout à la fois fugitives , et
qui restent dans le souvenir quand on les a entendues une
fois , et il les a jetées à son auditoire avec ce laisser-aller qui
caractérise les geus dont la conversation est riche et brillante.
Ces charmantes petites études , sœurs de cette si ravissante
Tarentelle provoquant la gaieté, la danse et le bonheur, ont
disposé le public on ne peut mieux.
Après ces étincelles, le bénéficiaire a dit sa Grande Fantai-
sie sur des motifs deMaometlo, drame instrumental qui rap-
pelle les mélodies les plus scéniques, les plus saillantes du
drame vocal de Rossini; puis est venu un nocturne pour
piano et violon , morceau d'un style large et gracieux tout à
la fois, et dans lequel notre habile violoniste Alard s'est uni,
âme et doigts, aux inspirations de Dœhler, d'où il est résulté
un dialogue musical plein d'intérêt et de charme.
Salvi, dans une cavatine de Robert- Devereiix, s'est fait
beaucoup applaudir ainsi que la gracieuse Irlandaise M"° Hayes,
qui chante d'une excellente méthode et d'une voix pure et
limpide l'air : Ah bel raggio lusinghierJ de la Semira-
mide.
Dœhler, le bénéficiaire désiré, est revenu dire sa Taren-
telle napolitaine , et sa deuxième grande valse brillante; et à
ce déluge d'inextricables difficultés dont il sort toujours vic-
torieux, de traits brillants, d'une netteté, d'une clarté irré-
prochable , a succédé un déluge d'applaudissements qui doi-
vent durer encore... du moins dans le souvenir de l'artiste
modeste et bon enfant qui en a été l'objet , et qui doit lui
prouver combien son talent est sympathique et admiré par le
public de Paris.
SOGIEl'i: BES GONGSRTS.
Soirée dst Veii«ti>edi-Siaiut.
amais on ne vit un ])ublic plus attentif, plus re-
cueilli qu'au premier concert spirituel donné le
Vendredi -Saint. Mais aussi quel programme
magnifique! la symphonie en la de Beethoven,
VAve veriim de Mozart , le concerto de piano
(cette autre symphonie avec piano obligé) en mi bémol de
Beethoven , un Agmis Dei de Cherubini , et enfin l'ouverture
de Fidelio.
Les honneurs de la soirée ont été pour la symphonie dont
l'andante a été redemandé , et pour le concerto de piano.
C'étaient les points lumineux du concert, et comme compo-
sition et comme exécution. Bien des gens ne citent de cette
symphonie que l'andante , comme si la merveilleuse beauté
de ce morceau n'était là que pour faire oublier l'infériorité
des autres. Encore l'autre soir j'ai entendu dire à quelqu'un
que la symphonie en la renfermait un andante bien remar-
quable. Je me retournai brusquement pour voir le malheu-
reux qui venait de prononcer ces mots , et je vis un jeune
homme que je soupçonne fort d'appartenir à la gent pianis-
tique, race fort nombreuse et fort répandue, qui désole le
pays. Mais si mon jeune homme est, en effet , de cette race,
il ne peut être de bonne souche. Un talent bien né et
bien élevé ne peut trouver l'andante en la, bien remar-
quable.
Cependant , c'est un fait : parlez à cent personnes de la
symphonie en la , et quatre-vingt-dix-neuf vous répondront
qu'elles aiment beaucoup l'andante. Quelques unes d'entre
elles iront plus loin , et en parleront avec enthousiasme (de
ce même andante), mais il faut de la chance. C'est surtout le
finale , cet admirable caprice , si plein de force et de puis-
sance, qui est loin d'être compris, et certes il n'est pas le
moins du monde inférieur aux autres parties de la symphonie.
Dans le finale Beethoven a montré une de ces mille faces de
son génie qui ne se trouve pas aussi développé dans les par-
ties précédentes. C'est ce que les Allemands appellent humor,
(les Anglais humour), qui n'est autre chose que ce qu'on
trouve dans les œuvres de Shakespeare, de Jean-Pauî-Fr.
Richter , et , à un degré bien inférieur, dans celles de Hoff-
mann. C'est à la fois de la sensibilité et de la moquerie , du
sérieux et du facétieux, du fantastique et du réel , de l'héroï-
que et même parfois du trivial ; car tous les grands auteurs
l'ont parfois introduit dans leurs œuvres comme élément co-
mique. Lisez une comédie de Shakespeare, et vous re-
connaîtrez cette même humour toute-puissante qui anime
chaque mesure du finale de la septième symphonie, et de celui
de la huitième en fa, qui est à mon sentiment la plus parfaite,
la plus merveilleuse et la plus fine comédie qu'on ait faite.
C'est un pendant aux chefs-d'œuvre des Shakespeare, des
Calderon et des Molière.
Et maintenant passons à cet autre chef-d'œuvre, le con-
certo en mi bémol de Beethoven.
Quel bonheur ! point de solo , de trombone ou de cor, ni
de basson ni de flûte, pas même de solo de piano , pas de fan-
taisie brillante , — le croirait-on ? mais bien un admirable
concerto avec accompagnement de grand orchestre ! A la
bonne heure ! on ne s'est point senti brusquement tomber
des hauteurs où le génie du grand maître vous avait élevé
en écoulant la symphonie en la.
Hâtons-nous de dire que Charles Halle a remporté un suc-
i ces magnifique l'autre soir , et , ce qui est plus , un succès
132
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
mérité par la grande et |large manière dont il a interprété
l'œuvre de Beethoven. |Bien souvent, en entendant Halle jouer
des sonates de Beethoven, je me demandais comment il était
possible que le même artiste pût jouer de ces morceaux
brillants et h effet , dont je n'ai pas besoin de dire les au-
teurs. Mais c'est là le propre de son talent. Halle joue des
fantaisies et autres morceaux avec des doigts de feu ; mais il
y associe une âme ardente, s'il joue du Beethoven. Qui n'a pas
été étonné de ce jeu si richement nuancé , si fin , si transpa-
rent , si énergique à la fois et si délicat et expressif quand il
joue la musique de^Chopin , de Mendelssohn , etc. , etc. ? Le
grand succès obtenu au Conservatoire a mis le sceau à la
réputation de HalIé ; il marche désormais l'un des premiers
dans cette imposante phalange des pianistes ; quand on vou-
dra citer les meilleurs noms d'entre eux , jamais on ne man-
quera d'y mêler le sien.
Stephen Heller.
SUR
Z.ES CONCERTS DE X.A SEMAINE.
1 y a eu de tout temps dans notre langue une phra-
MS\\\ néologie du jour plus ou moins prétentieuse , plus
ou moins fausse qui montre plutôt notre goût pour
^fej le nouveau qu'un amour , un besoin d'exprimer
^^ d'utiles vérités.
La langue musicale a ses formules , ses néologismes comme
celles de la politique , des sciences, de la littérature, comme
les autres parties de l'entendement humain.
Faire de l'art pour l'art est une de ces formules , un de ces
axiomes à la mode ; il ne signifie pas grand'chose, par le temps
qui court d'idées positives et matérielles , mais cela sonne
bien et sert aux faiseurs d'esthétique bourgeoise ou aux vir-
tuoses donnant concerts qui se soucient fort peu qu'on fasse
de l'art pour l'art pourvu qu'ils fassent , eux , de l'effet et par
conséquent de l'argent.
Ces musiciens exécutants , enfants de la sensation , voient
leur importance naître et mourir avec elle ; ils pensent donc
peu à faire de l'art pour l'art. Selon le degré de renommée
qu'on a su se faire , donner deux , trois , quatre concerts par
an à Paris , ou au moins un pour ne pas se laisser oublier ;
s'entourer d'un noyau d'auditeurs aristocratiques ; distribuer
à foison des billets d'antichambre , de foyer ou de corridor
portant le prix de 8 ou 10 francs qui fait sourire d'ironie ceux
qu'on en gratifie; commencer le concert une heure plus tard
que celle marquée sur le programme ; intervertir ce pro-
gramme à plaisir ou selon les exigences de tel ou tel artiste qui
ne veut ni commencer ni finir le concert, ni chanter ou jouer
après tel ou tel morceau ; porter dans toutes les solennités
musicales ses deux ou trois airs , ses deux ou trois romances ,
ses deux ou trois fantaisies dans lesquelles on imite depuis
deux ou trois ans la vibration tremblotante de Rubini, ou le
passage du pouce de Thalberg, ou ses gammes chromatiques par
triples croches sur un thème quelconque : telle est l'histoire
de toutes les matinées ou soirées musicales qui se donnent
depuis quelques années. 11 est évident que tous ,ces gens-là
font autre chose que de l'art pour l'art. Ce n'est pas ainsi
qu'ont procédé Mozart, démenti, Beethoven, Viotti, We-
ber , etc. ; c'est pourtant ce que ne croient point nos artistes
actuels. Habitués qu'ils sont h la louange banale et aux
lieux communs des salons , aux éloges d'une critique com-
plaisante ou endormie , ils ne songent pas qu'elle peut se
réveiller de son bienveillant sommeil et dire aux flots toujours
croissants de leurs mélodies sans mélodies , de leurs traits en
triples et quadruples croches: Quos ego !... Mais com-
ment déployer les rigueurs salutaires de la critique contre
M"° Louise Schibel , pianiste âgée de huit ans? Nous ne pen-
sons pas qu'il soit contre les intérêts de l'art pour l'art de dire
que cette jeune virtuose, élève de M"' Clara Loveday, a donné
le 8 de ce mois, dans la salle Moreau-Sainti, un concert ex-
traordinaire, ainsi que le stipulait le programme, dans lequel
on a entendu MM. et M"" Georges, Lutgen, Visconti,|Vireck,
Caceres , Monterau , Osselin , etc. , etc. , etc. Entre autres
morceaux de piano fort bien dits par la jeune bénéficiaire ,
l'Invitation à la valse de Weber, à quatre mains, a été exé-
cutée par M"' Loveday et sa jeune élève de manière à pro-
voquer d'unanimes applaudissements.
Si nous nous montrons bienveillant envers cette petite pia-
niste, malgré notre juste prévention contre les enfants préco-
ces, merveilleux phénomènes qui finissent toujours par faire
de médiocres artistes en grandissant, nous ne lancerons pas
non plus les foudres de la critique contre MM. Baerwolf et
Nicolo Martyns , compositeurs tous deux , qui , s'il n'ont pas
un talent de force à faire avancer l'art musical, ne paraissent
pas non plus capables de le faire reculer.
M. Baerwdlf (lisez ours-loup en français) nous a paru un
artiste d'expérience par les cheveux et le talent. M. Pasqué
et M"" Ney ont dit des morceaux de chant de ce compositeur,
qui ont été plus applaudis pour leur mérite intrinsèque que
pour la manière dont ils ont été exécutés. On a remarqué
dans cette matinée musicale qui a été donnée le 9 du mois
passé, chez Pleyel, un nouveau violoniste du nom de Kieswet-
ter, qui a devant lui de l'avenir, et M"" Calinka de Dietz,
pianiste de l'école clémentinienne et kalkbrennérienne au jeu
fin, délicat, limpide, qu'on a fort et justement applaudie
dans un quintette et un concerto de Hummel.
Dans la soirée de ce jour M. Nicolo Martyns , jeune compo-
siteur, a fait entendre dansle même local le Charme inconnu,
romance qui mérite d'être connue , un duo biblique et deux
mélodies intitulées : Fragoletta et la Terreur des mers,
qui montrent qu'il y a mélodie scénique en M. Nicolo
Martyns.
M. Goria a exécuté, dans cette séance, la fantaisie sur la
Semiramide par Thalberg , puis une étude de concert et la
sérénade pour la main gauche de sa composition qui ont pro-
duit beaucoup d'effet.
Dans les salons d'Érard et secondé par Dœhler et M"'' Gian-
pietro Castellan, la cantatrice de concert à la mode, à la voix
étendue, à la méthode hardie, au chant passionné , M. Sélig-
mann, le violoncelliste delà rêverie et du cœur, a aussi donné
son concert qui avait attiré une nombreuse et brillante so-
ciété. Le bénéficiaire a dit d'abord, avec tout le charme de
sa manière , des mélodies expressives de sa composition, in-
titulées : Souveniis de Monpou et Scène nocturne originale ;
et puis un "morceau pour quatre violoncelles , noble élégie
intitulé : Poesia, et composée par Mercadante, a été exécuté
par MM. Piatti, Cossmann, Marx et le bénéficiaire. Le choix
de ce morceau exceptionnel dans un concert est de bon goût.
Cela ne ressemble en rien aux machines à provoquer les
applaudissements qu'on appelle fantaisies; ou plutôt c'est
une fantaisie tout empreinte de suavité et d'un profond
sentiment religieux, une véritable fantaisie d'arlistes qui, avec
le capriccio pour le violoncelle , composé et délicieusement
dit par M. Séligman , puis un air d'Ida délia Torre , chanté
d'une manière ravissante par M"" Castellan , et la brillante
DE PARIS.
13$
tarentelle de Dœhler ont composé l'un des plus intéressants
concerts de la saison.
Un autre violoncelliste degrand talent, M. Alexandre Batta,
a fait également son apparition annuelle dans les salons Erard.
M°"' Brambilla et Castellan , MM. Savi et Dœhler ont figuré,
dans cette soirée, accompagnés, suivis des suffrages qu'ils
sont sûrs de recueillir dans tous les concerts. Celui-ci s'est
ouvert par un grand duo sur des motifs de Robert-Ie-Diable,
pour piano et violoncelle , écrit par Alexandre Batta et dit
par lui et son frère Laurent. Une nouvelle fantaisie sur la
Juive , un adagio pour violoncelle seul , et des chants pyré-
néens sous le titre de Souvenirs du Béarn, transcrits et exé-
■ tés par M. Alexandre Batta, ont complété cette soirée , dans
laquelle le bénéficiaire nous a révélé des progrès, s'est mon-
tré plus grave, plus solide, cherchant moins le suffrage des
gens du monde, des belles dames , que celui des artistes, qui
voudraient cependant encore l'entendre abuser un peu-moins
de la vibration, qui finit par donner au violoncelle une sorte
de similitude avec la voix cassée d'une vieille femme. Ce bel
instrument impressionne assez par lui-même , et M. Batta
a l'intonation assez pure et le son assez puissant pour n'em-
ployer que des moyens simples et naturels.
Par le temps de pianistes-machines qui courent les rues et
les concerts, il est doux, il est consolant de rencontrer, d'en-
tendre une pianiste consciencieuse comme M"' Louise Matt-
mann. Ce ne sont pas les leçons d'un professeur quelconque
qui donnent le sentiment exquis , la mesure d'expression
classique , cette chaleur , cette inspiration qui se communi-
quent à l'auditoire , et lui commandent le silence et l'atten-
tion , c'est la nature qui vous doue de ces brillants avantages,
et elle en a été prodigue envers M"' Maltmann. C'est ce que
cette jeune pianiste a prouvé dans le concert qu'elle a donné
jeudi passé dans le salon Pleyel en jouant d'une manière tout-
à-fait remarquable le concerto en ut de Beethoven , et la
sérénade de Schubert arrangée en fantaisie par M. Prudent.
M. Jourdain, que les sociétés philharmoniques de province
appellent à elles, et dont le journal de ïroyes chantait der-
nièremeiit les louanges, a chanté lui-même avec succès dans
ce concert son air favori des Deux familles, et quelques ro-
mances plus ou moins de sa composition.
Un concert en faveur de l'église catholique de Rolle , en
Suisse , a été donné avant-hier vendredi dans l'hôtel Laroche-
foucauld-Doudeauville, rue de Varennes. Cette manifestation
de musique religieuse s'est faite au moyen de la société cho-
rale dirigée par M. Antonin Guillot ; elle a dit avec beaucoup
d'ensemble le bel oratorio du Judas Machabée de Hœndel.
Le concert a commencé par le grand morceau sur le choral
des Huguenots , composé par M. Pixis pour deux pianos à
huit octaves de M. Pape, et exécuté par MM. Rosenhain,
Wolf, Osborne et l'auteur. Succès de compositeur, d'exécu-
tants et de facteur.
Et puisque nous en sommes toujours sur les pianistes et les
pianos , nous devons dire le grand effet produit par le concert
donné il y a quelques jours chez M. Pape par le pianiste im-
provisateur Cavallo. Pendant l'exécution d'une fantaisie libre
plus ou moins écrite que ce jeune virtuose bavarois disait sur
le piano , ayant vu entrer les aides-de-camp du prince Maxi-
miUen de Bavière, qui ne le cède en rien au prince Albert,
mari de sa majesté britannique, pour la composition, l'impro-
visateur a intercalé dans sa fantaisie une Polka composée par
le prince de Bavière lui-même, en l'enrichissant d'une foule
d'idées accessoires du plus brillant effet. Si ce trait sent un
peu son courtisan, on ne peut lui refuser le mérite d'un spi-
rituel à-propos.
Sa barcarolle du Gondolier de Venise est suffisamment
ondulée pour une barcarolle ; son nocturne de la Petite cloche
du cimetière fait rêver et rappelle le beau chapitre des clo-
ches de M. de Chateaubriand , dans son Génie du christia-
nisme; son Scherzo infernal est véritablement d'une infer-
nale difficulté ; mais c'est à l'improvisation promise qu'on
attendait le virtuose. Quatorze motifs ou sujets de fugues ont
été déposés dans les urnes qu'on avait mises à l'entrée des
salons. Le sort en a désigné deux , dont s'est emparé M. Ca-
vallo , et qu'il a traités d'abord séparément , en les réunissant
ensuite, les opposant l'un à l'autre d'une manière plus pi-
quante que scientifique , mais avec beaucoup de verve et
d'originalité. On peut dire qu'il n'a pas eu précisément l'in-
spiration large , qu'il a restreint à une proportion quelque
peu exiguë la phrase musicale proposée , et qu'il a laissé à
désirer de voir traiter le sujet en augmentation , en imita-
tions , en slretti; mais enfin ce n'en a pas moins été un tra-
vail fort curieux que celui de ces pensées instantanées ren-
dues surtout avec une verve , une netteté , une délicatesse
d'exécution qui ont provoqué d'unanimes applaudissements.
Si l'on ajoute qu'à la qualité de brillant pianiste il joint celle
d'être un excellent organiste, ce qui n'est certainement pas la
même chose , on conviendra que M. Cavallo est un artiste
éminent.
Henri Blanchard.
AH! BElMBIS-lflOI PHAOAI, OU JE IHEURS.
Dessin de Gavarni.
Voici encore un feuillet de l'immense Album destiné à re-
produire les variétés les plus saillantes des physionomies de
chanteurs, y compris les cantatrices. Rien n'est plus difficile
que de bien chanter, si ce n'est peut-être de ne pas chanter
d'une manière ridicule. Chaque salon, chaque salle de concert
en fournissent tous les jours la preuve. Ah! rends-moi
Phaon, ou je mewj's.' Quel homme de goût ne serait tenté
de prendre au mot la Sapho ci-présente , et de ne pas lui
rendre le Phaon demandé ?
nOTTTELLSS.
*,• Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, à l'Opéra, Robert
le Diable. M. Serda fera sa rentrée par le rôle de Berlrara. — De-
main, lundi, le Freischiilz et Lady Henrielle.
",* Les restaurations que l'Opéra est dans l'habitude de faire
pendant les vacances de la semaine sainte ont eu cette année plus
d'importance qu'à l'ordinaire. Non seulement les peintures et do-
rures de la salle ont repris leur éclat, mais on a rétabli l'ancienne
entrée de l'amphithéâtre, en la replaçant au milieu et en supprimant
les deux entrées latérales. L'administration gagne une loge déplus
par ce moyen.
V Le Lazzaroiie a àéfrayé les trois représentations données celle
semaine : à chaque soirée , le succès et la recette ont été en augmen-
tant.
V Duprez a dû partir hier de Londres chargé de couronnes et do
sacs de guinées. Les grands succès et l'or se séparent rarement. On
l'attend à Paris demain.
*," Poultier vient de chanter à Rouen la Juive et la Favorite , avec
un succès très brillant. Aujourd'hui même il doit êlre à Amiens ,
pour y donner deux représentations : il reviendra eusuilcà Rouen,
où il s'essaiera dans Robert le Diable.
*,* On a raconté diversement l'aventure d'un des chefs de chant à
l'Opéra, M. Dietsch , qui était allé à Milan favoriser l'évasion d'un
jeune ténor, en le faisant passer pour son domestique. Arrêté à la
frontière, M. Dietsch par une mesure de sévérité extraordinaire, a
134
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
n I
été mis au secrel pendant quelques jours, mais enfin il est libre et
doit revenir bientôt à Paris.
".* On annonce pour la fin du mois au Théâtre Italien rexéculion
d'UQ opéra espagnol en trois actes, !es Contrebandiers au Pott-
Sainte-A/nrie , de M. Bazili. Voici les noms des chanteurs et canla-
trices: M. Ojeda, ténor; Salas, basse-taille; M-" Amigo et Catala,
gnî arrive de Madrid. Les ciiœurs cl l'orchestre seront ceui du
Théâtre Italien.
',' Travaux des théâtres lyriciues pendant le mois de mars. —
Opéra: le Lazsarone , opéra en 2 actes (paroles de JI. Saint-Georges,
musique de M. Ilalévy). Début de Mengis par le rôle du dauphin
dans Cliarhs r-'I, et de M"<^ I.ola iUontès, danseuse espagnole.—
Opéra-Comique: la Sirène, opéra-comique en 3 actes (paroles de
M. Scribe , musique de M. Auber). Début de M. Lac par le rôle de
Georges dans la Dame blanclie. — Théà Ire-Italien : Corrudo d'Alla-
^mura, opéra en 3 acies (F. Ricci).
',* M. Dhennevillc, membre de la commission spéciale des théâtres
royaux, a été élu pour remplacer M. le marquis de Louvois comme
membre du comité de l'association des artistes-musiciens. Lors des
élections qui ont eu lieu dans la dernière assemblée générale , M.
Dhenneville était le candidat qui avait réuni le plus grand nombre
de sufi'rages.
V Liszt, à peine arrivé à Paris, donne un concert qui aura lieu
mardi prochain, 16 avril, à huit heures du soir, dans la salle du
Théâtre Italien. Le grand pianiste exécutera les morceaux suivants :
1. Andante final de Lucia di Lammermoor — 2. Piéminiscences de
Norma — 3. le Lae —i. Mélodies hongroises , fragment de l'album
d'un voyageur— 5. Fantaisie sur des motifs de JDon Juan— G. le
Roi des aulnes, lied de Schubert — 7. Galop chromatique.
V Dans le concert qu'il a donné cette année , M. Porto a réussi
comme les années précédentes. On n'a pas moins rendu jus-
tice à la beauté de sa voix, jeune, pleine et vibrante, qu'à l'excel-
lence de sa méthode. C'est un des barytons les plus distingués d'une
époque où il y en a beaucoup.
%■ Dans une soirée particulière donnée chez M. Pape pour faire
entendre ses beaux pianos, on a remarqué un grand morceau de
concert sur le choral des Hugucnois, composé par M. Pixis , exécuté
par MM. Alkan, Cavallo, Wolff et l'auteur lui-même. On a aussi beau-
coup applaudi M"'" Aubert, Dupont, Farrenc, Guénée, Stœpeket
Maricot, qui ont supérieurement joué l'ouverture de la Flûte en-
chantée.
*' M. et M"" d'Hennin viennent de faire encore une tournée triom-
phale en province, ils ont donné des concerts à La Flèche, Laval et
le Mans , et partout ils ont obtenu les plus brillanis succès.
*," M. Ponchard, le célèbre et excellent professeur de chant du
Conservatoire, donnera un concert, mardi IG avril prochain, dans
la salle Herz. Plusieurs choeurs exécutés par les élèves du Conserva-
toire, une grande scène de Grétry, le beau quatuor de Mu Tante
Aurore; enfin, le concours des célèbres artistes Dorus, Alard,
M"'" Sabatier, Castellan, et Géraldy : tels seront les éléments de
cette soirée,
*," M. Alkan aîné, ce pianiste d'un si beau talenl, dont le seul dé-
faut est un excès rie modestie , donnera un concert samedi 20 avril
dans les salons Erard , dans lequel il jouera des ouvrages de Bach ,
Scarlalti, Beethoven, et plusieurs morceaux de sa composition.
*.* M. Botgorschek, premier flûtiste de Sa Majesté le roi de Hol-
lande, que nos abonnés se rappellent avoir applaudi a un des concerts
delà Gazelle musicale, part sous peu de jours pour la Hollande. Cet
artiste remarquable s'est fait entendre, pendant son court séjour à
Paris, dans plusieurs concerts et soirées , et partout il a obtenu les
plus brillants succès.
"*,* M"" Maria Borchhardt donnera une matinée musicale jeudi
prochain, 18 avril, chez M. Érard. Elle jouera le concerto de Weber,
un duo pour violon et piano, et la Straniera , par Thalberg.
*,* Le troisième et dernier concert de notre célèbre Dœhler, avant
son départ pour Londres, aura lieu le 30 avril, dans les salons Érard,
au bénéfice de l'Association des artistes-musiciens ; nous donnerons
le programme dans notre prochain numéro.
V Le grand concert historique donné par M. Amédée Méreaux ,
au bénéfice de l'Association des artistes-musiciens, aura lieu le
28 avril , à deux heures, dans la salle Pleyel. Voici le programme :
Première partie. 149.8. Prière au tombeau du Christ, le Vendredi-
Saint, musique de Jean Mouton, maître de chapelle de François I",
chantée par les élèves de l'école de M. Pastou, avec accompagnement
d'orgue. — 1737. Renais plus brillante , prologue, et Tristes upprêls,
Castor et Pollux, de Piamcau, chantés par M. Delsarte. — 1695. 7'rois
pièces de clavecin, par François Couperin, de la musique de LouisXIV,
exécutées par M. Amédée Méreaux. — 1735. Secerca,sedice, air de
l'Olympiade, de Pergolèse, chanté par M. Charles Dumas.— 1530. La
Romanesca , air de danse du xvi= siècle, exécuté par M. Alard. —
1540. Les Cris de Paris sous François I«', par Clément Junnequin-,
chantés par les élèves de l'école de M. Pastou (sans accompagne-
menl). — 172C. Tioispiices de clavecin , par Fiameau , exécutées par
M. Amédée Méreaux. — 1550. Cliorul de Claude Goudimel , chanté
par les élèves de l'école de M. Pastou.— 1685. Ah ! quel tourment d'ai-
mer sans espérance , air de Roland, de Lulli, chanté par M. Delsarte.
— 1720. Grande sonate Juguée , pour piano et violon , de Jean-Sébas-
tien Bach, exécutée par MM. Amédée Méreaux et Alard.— 1737. Bri-
sons tous nos fers, chœur de Castor et Pollux, de Eameau, chanié par
les élèves de l'école de SI. Pastou. Deuxième partie. 1785. Grand
Concerto en ré m'meuv, de Mozart, avec accompagnement d'or*
chcslre, exécuté par M. Amédée Méreaux. — 1779. De noirs pres,-
senliments , air de Thoas , û'Iphigénie en Tauride , de Gluck, chanté
par M. Delsarte. — 1700. Cantundo un di, duo madrigalesque de Clari,
chanté par M'"» Dorus-Gras et M. Cliarles Dumas. — 1730. Air varié
pour le clavecin, de Ilaendel, exécuté par M. Amédée Méreaux. —
1G20. Romance de Guedron, maître de chapelle de Louis XIII, chan-
tée par M"" Dorus-Gras. — 1741. Alléluia du Messie, de Ha;ndel,
chanté par les élèves de l'école de M. Pastou, avec accompagnement
d'orchestre. L'orchestre sera dirigé par M. H. Berlioz;, le piano sera
tenu par M. Schimon. — Prix des places: stalles, 10 fr.; parquet, 6 fr.
On trouve des billets chez MM. Schlesinger, rue Richelieu, 97; et
Pleyel, rueRochechouart, 20.
*,* Les représentations de Morîani à Hambourg ont offert celte
particularité assez bizarre que|Moriani et M"' Rozctti chantaient en
Italien, tandis que les autres artistes s'en : tenaient tout simplement
à la langue de leur pays, d'où résultait un charivari très peu flatteur
pour les oreilles hambourgeoises; mais on voulait entendre Moriani
dans les Puritains et surtout dans la Lucia, et le temps n'aurait pas
permis de répéter ces deux pièces en italien. A la rcprésentalion des
Diamants de la Couronne , il y a eu un petit scandale à propos de la
prima donna , M"= Jazède , dont le départ prochain avait indisposé
une partie du public. L'affaire s'est terminée à l'amiable, mais
M"= Jazède n'en quitte pas moins le théâtre delà ville de Hambourg.
Morîani se trouve en ce moment à La Haye , où il a débuté le 3 avril
dans Lucrèce liorjia avec M"" Rozetti, première chanteuse du théâtre
impérial de Vienne; Moriani prend le titre de « Artiste ;chanteur de
la cour de l'empereur d'Autriche, du grand-duc de Toscane, et pre-
mier ténor de tous les théâtres impériaux et royaux de l'ItaliCi » Le
ballet de Ciselle a été donné au théâtre hollandais de La Haye.
-"J" Tout ce que la Belgique compte à Paris de gens honorables, soit
artistes , soit industriels , soit écrivains , entre lesquels on peut citer
MM. Gérard , Soubrc , P.Iassart , Batta, Robberechts, Mengal, Vaëz,
Messcmaekers, Franck, etc., viennent, sur la proposition de M. Col-
soal, de demander au roi Léopold la croix deson ordre pour M. Adolphe
Sax , inventeur d'instruments à vent du plus haut mérite. Cette pé-
tition est appuyée de lettres et attestations écrites par MM. Meyer-
beer, Halévy, Berlioz, Kastner, Spontini, Ambroise Thomas, Nieder-
meyer, etc. Les appréciateurs du grand talent de M. .\dolphe Sax
applaudiront à cette noble et généreuse manifestation.
*,* AI. Sainton, violoniste de beaucoup de talent, vient d'arriver
de Toulouse; cet artiste donnera un concert incessamment.
*,* Notre collaborateur Georges Kastner vient de terminer deux
suppléments à son limité général d'insirumeniation , comprenant les
propriétés et l'usage de chaque instrument , précédé d'un résumé jur les
voix , et à son Cours d'instrumentation considéré sous les rapports poé-
tiques et philosophiques de l'art ; approuvés par l'institut de France et
adoptés pour l'enseignement dans les classes du Conservatoire. Ces
ouvrages ont obtenu parmi les artistes un succès qui a déterminé
leur auteur aies compléter et à les enrichir de plusieurs invcDitiOBS
nouvelles et de plusieurs perfectionnements imporlants, introduits
dans celle branche de l'art, depuis l'apparition des premiers traités.
De celte manière, le travail de M. Kastner sera le plus intéressant
et le plus complet qui ait jamais été écrit sur ce sujet. L'importance
des matières contenues dans les suppléments annoncés, et qui
doivent paraître très prochainement, les rendent d'ailleurs indis-
pensables à toute personne possédant déjà le Traité ou le Cours d'in-
strumentation.
"," La romance favorite de Scudo, Le fil de la Vierge , romance
qui obtient de jour enjonrplus de succès, vient d'inspirer à M. Kalk-
brenner une fantaisie brillante pour le piano qu'on peut à juste lilre
citer comme l'une de ses plus remarquables productions. Nul doute
que celte fan^piisîe n'obtienne autant de vogue que la mélodie qu'elle
reproduit sous des formes aussi piquantes que variées.
*," A l'occasion des fiançailles de la grande duchesse Alexandrinc
etde sa soeur Elisabeth, on a représenté une pièce, I-Iarounul Ras-
child, qui a été entièrement jouée par des princes. M"" de Rossi
DE PARIS.
d35
M"" Sontag), a chanté un iiilermède dans ce curieux divertisse-
ment. L'art théâtral fait d'immenses progrès, puisqu'il a su péné-
trer parmi l'aristocratie moscovite.
*," Le Diorama vient d'augmenter son exposition d'un troisième
tableau que M. Bouton appelle modestement rideau d'intermède. Ce
tableau qui représente la vue intérieure d'une des arcades du Colysée
à Rome, résume à lui seul toutes les qualités du talent de son auteur,
et vient se placer dignement entre les deux tableaux que le public
alTectionne.
V Bordeaux. — Cliarlss Kl vient d'êire représenté avec un im-
mense succès. Justice pleine et entière, à l'opéra nouveau. Jamais
nous n'avions rien vu de si beau, de si riche que le magnitique
cortège du troisième acte. La musique a été appréciée dignement,
et a soulevé des tonnerres de bravos. Pour l'exécution qui a été par-
faite, citons avant tout M"= Widemann, notre sublime Odette; il
faudrait trop de mots, trop d'éloges pour rendre ce que tout le
monde en pense, et l'espace comme le temps nous manque; ad-
mirée, applaudie, elle a obtenu un triomphe aussi rare, aussi
beau qu'il était mérité. Payen-Charles VI s'est animé de l'ardeur
de ceux qui l'entouraient, et ce beau rôle n'a rien perdu à être
chanté par lui. Valgalier-le Dauphin, M"»" Elian-IsabcUe et Lacroix-
Raymond ont fait valoir les parlres qui leur étaient conQées. Nous
reviendrons plus longuement la prochaine fois sur chacun de ces
artistes et sur ceux quenous pouvons oublier en ce moment. Aux
représentations suivantes le succès a été plus grand encore. Depuis
longtemps le théâtre de Bordoattx n'avait obtenu un succès pareil à
celui de Chartes VI.
*/ yiiignon, .31 mars. — La Heine de Chypre s'est montrée avec
éclat sur notre théâtre. La mise en scène a été bien entendue : on
avait convoqué le ban et l'arrière-ban des musiciens des régiments
pour remplir ce double orchestre , dont les voix se marient si admi-
rablement. Les acteurs ont rivalisé de zèle : Giraud , Margaillan et
surtout M"= Annette Lebrun ont fait preuve d'un talent remar-
quable.
ClBfonique étrangère.
*,* Londres. — C'est le S qu'ont fait leur rentrée au Queen's-
Thealre dans I Puriiani Lablache et W"' Grisi, renforcés de Forna-
sari, enfin remis dosa longue indisposition. — Dans le second des trois
concerts qu'il a promis, M. Chatterton, harpiste d'un rare talent, a
exécuté un remarquable morceau de sa composition. Une débu-
tante, M'" Miller, a chanté avec quelque seccès le fameux air;sac»é
de Haîndel: « From mighty kings » (Des pnisfants rois).
V Francfort. — Le troisième concert de M. Rosenhain avait at-
tiré la plus brillante société , et l'artiste a eu le même succès qu'il
obtient chaque fois que nous avons le plaisir de l'entendre. On a
beaucoup applaudi le beau trio de M. J. Rosenhain et le quatuor de
Mozart.
*.* Wiesbade. — Notre Opéra possède quelques talents remar-
quables, et pourtant il est rare qu'une seule représentation soit sa-
tisfaisante pour l'ensemble. Le théâtre a perdu dans M. le baron de
Breidbach un directeur aussi intelligent que zélé, el il exigerait une
réforme complète.
",* Varsovie. — Le danseur ïarczynowitz et sa femme, qui ont
quelque réputation en Allemagne, viennent d'être engagés pour le
théâtre dirigé par M. Taglioni.
CO^CURTS ABrsrOBrCES.
14, 21 ayril. 2 heures. Concerts du Conservatoire.
M. Amat. Salle de l'Ecole lyrique.
M. Vivier. Salle Érard.
F. Liszl. Théàtre-rtalîen.
M. Ponchard. Salle Herz.
M. A. Carreau. Salle Pleyel.
M"» Clara Woislin. Salle Bemha'rdt.
M. Fridrich. Salle Pleyel.
M"« Borchhardt. Salle Érard.
M. Alkan. Salle Érard.
M. A. Kontsky. Salle de l'École lyrique.
M"« Péan de la Roche-Jagu. Salle Bernhardt.
M"= Julie Vavasseur. Salle Herz.
M. Scavarda. Salle Bernhardt.
M. Tagliafico. Salle Herz.
M. Méreaux. Concert historique an bénéfice
de l'Association des artistes-musiciens.
Salle Pleyel.
Troisième concert de DœWer , au bénéfice
de l'Association des artistes-musiciens.
Salle Érard.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
■^7 mSTRUMEMTS BREVETES.
POUR
CENT
PAR AN
sont 'assitréis dès aiijoiird'Iiui à HIITI. les Actîoiinaîi-es. On
pourra -visiter tous les jours, de une Ueure à quatre IteureS;
la falirique de M. tiAJL, en plein rapport.
10, B.UI: NEUVE-SAINT-GEORGES, A PARIS.
Pour l'Exploitation de tous les Instruments de musique , à vent , en cuivre
et en bois, et de ceux qu'a inventés 51. AU. S .^S , qui sont adoptés
par les Régiments, les principaux Conservatoires et Théâtres de France et
de l'Étranger.
"msAS. SAX, pour satisfaire aux demandes qui lui sont adressées de toutes parts, se croyant obligé de donner une plus grande exten-
sion â sa fabrique , vient de fonder une Société par actions de 250 fr. el de 500 fr. Dès aujourd'hui, M. SAX assure aux actionnaires un
bénéfice de 10 pour 100 par an, et une part proportionnelle dans les bénéfices. Les instruments nouveaux de M. AU. SAX, approuvéspar
IffilH. Rossini, Spontini, Auber, Malévy, Berlioz, Oarafa, Ad. Adam, A. Thomas, 6. Kastner, doivent remplacer une grande partie
des instruments dont on se sert aujourd'hui dans les Régiments, les principaux Théâtres el Conservatoires. Il n'est pas besoin d'insister sur
la moralité et le résultat d'une pareille entreprise.
Lesaclions sont au porteur, de 250 et de 5no fr. Les personnes de la province, en envoyant un bon à vue sur Paris, pour la somme d'ac-
tions qu'elles désireront, recevront l'Acte de Société et les litres en échange par le courrier. On souscrit à Paris, 10, rue Neuve-St- Georges.
lATION
&?7 GYMNASE OT^DOICTS A LUSAGE />i'S PIANISTES
Le Chirogymnaste est un assemblatîedeneafappa-
reilsgymnastiques deslinésà donner de rea:(ension à
iamaiuetderécarï aux doigts â aiigmenteretàégoi(-
ser leur force et à rendre le quatrième el le cinquième
indépendants de tous les autres. Le Chirogymnaste
aétéaussi approuvé et adopté parMM. Adam,Dertini,
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SOMMAIRE. Une occasion (suite et fin); par MAURICE BOURGES.
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la semaine. — Correspondance parliculière : Lyon. Bruxelles.
— Nouvelles. — Annonces.
Dans la galère Capitaiic ,
Ils étaient quatre-vingts rameurs.
Dessin de Gavarni.
UNE OCCASION.
(Suite et fin.')
ien en prith Granler, car la nièce du vicaire tint
I parole. Elle fit tant et si iiien, que la duchesse
consentit à entendre le virtuose inconnu. Aussi,
I la semaine suivante , sa protectrice l'introdui-
sit-elle , par un escalier dérobé , dans un élé-
gant cabinet voisin de la chambre à coucher de M"" de
Joyeuse.
C'était un charmant »-«<raif , un délicieux boudoir, comme
on dirait aujourd'hui, où la caraérisle le laissa avec sa viole.
«Prenez patience, lui dit-elle, madame n'est pas encore
I) levée ; mais elle vous recevra ce malin , et seule , car M. le
» duc suit la chasse royale à Fontainebleau. Mais, ajouta-t-
i> elle plus bas et en sortant , vous ne perdez rien à ne pas
-> voir ce vilain seigneur grondeur et jaloux, qui n'a jamais
» su chanter ni par bémol ni par bécarre. »
Granier eut donc tout le temps d'admirer à loisir ces boi-
series sculptées et dorées , ces vitraux coloriés , ces meubles
à l'italienne, ces riches tentures ^ ce demi-jour mystérieux,
qui laissait dans une pénombre discrète plusieurs points de
ce lieu enchanteur. Puis il tendit les crins de son archet , re-
monta les sept cordes de son instrument , auquel l'étrange
(") Yoirle numéro 15.
invention du large buffet intérieur avait donné une sonorité
siugulière, et pour chasser les tristes souvenirs qui l'obsé-
daient, chercha à se remettre dans l'esprit les meilleurs mor-
ceaux de son répertoire.
Tout-à-coup il croit entendre un léger bruit dans l'escalier
dérobé. On monte, on marche avec précaution. La clef crie
en dehors dans la serrure. On la retire ; on s'éloigne comme
on est venu. Que signifie ce mystère ? La petite porte se trouve
fermée à double tour. Est-ce méprise? Est-ce dessein pré-
médité? Granier s'étonnait, se perdait en conjectures, lors-
qu'un tumulte subit attira de nouveau son attention du côté
de la chambre voisine. On courait , on remuait des meubles ,
on semblait parler avec agitation
Enfin la porte qui donnait passage de la chambre dans le
cabinet tourna rapidement sur ses gonds.
— C'est lui, c'est le duc, dit une voix émue. Ah! cher
prince , je tremble pour vous. Si mon mari vous irouvaii chez
moi , à cette heure !. . . Sortez , de grâce. Fuyez par ici. Dans
ce cabinet une porte ouvre sur l'escalier dérobé. Vous serez
dans le jardin avant que le duc ait pu monter à mon appar-
tement. Si vous m'aimez, échappez à sa jalousie.
Un tendre adieu résonna sur le seuil. La porte fut close.
La portière, jusqu'alors baissée, se leva, et un jeune cava-
lier de seize à dix sept ans, blond, joh , leste, élégant,
s'élança , plus rapide que l'éclair, vers l'issue indiquée.
— Fermée! murmura-t il en secouant la serrure inutile-
ment. Fermée!... et le duc qui est là, chez sa femiUe ! le
duc qui peut me surprendre !
Et le galant cavalier serrait convulsivement la poignée
d'une petite dague qu'il avait tirée de son pourpoint. Et ses
yeux erraient à travers la chambre pour y chercher une autre
voie de salut. Tout-à-coup ils tombèrent sur Granier, immo-
bile et muet dans l'ombre. Qu'on s'imagine la surprise du
jouvenceau et l'embarras du virtuose.
Saisir une bourse dans sa poche et courir au musicien ,
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138
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
qui lui sembla un espion placé sur son passage , ce fut pour
le damoiseau l'affaire d'un instant.
— Vingt carolus pour toi , si tu m'ouvres cette porte.'
— Hélas! monsieur, je ne le puis.
— Tu en veux trente; tu les auras.
— Impossible.
— Quoi! le duc t'a-t-il payé plus cher? tu abuses de ta
position ; mais à tout prix j'achète tes services.
— Pensez-vous que je songe à les vendre?
— Mais que veux-tu alors?
— Vous les offrir en homme de cœur.
Le cavalier recula étonné. — Qui es-tu ? reprit-il.
— Un simple joueur de viole , un musicien de province.
— Me connais-tu ?
— Non ; mais qu'importe? Vous êtes en péril, cela suffit.
— Eh bien ! finissons- en. Tire-moi de ce lieu , et tu n'au-
ras pas à t'en repentir.
— Entrez donc ici , dit Granier en ouvrant sa viole.
— Dans cette boîte! Comment, misérable! voudraisHo
me livrer sans défense comme un ours encagé?
— Monsieur, vons êtes libre de taire à votre guise.
Et Granier allait refermer 1« battant de sa viole , quand un
bruit de voix plus distinct se fit entendre dans la chambre de
M""' de Joyeuse.
— C'est le duc, reprit le damoiseau ! Advienne que pourra.
Ménétrier, je me fie à ta parole. Ta fortune est dans tes
mains. Sauve-moi. Le duc d'Alençon t'en récompensera au
Louvre.
Le mince et leste cavalier venait à peine de se blottir dans
les vastes flancs de la viole , que le maître du logis , le visage
animé par la colère , la menace à la bouche , l'épée à la main ,
se précipita dans le cabinet. Le joueur de viole cependant se
tenait impassible et calme tout auprès de son instrument ,
comme s'il n'attendait qu'un ordre pour commencer.
Le duc s'arrêta étonné. — Madame , s'écria-t-il , quel est
donc cet homme ?
— Un homme! répondit une voix tremblante partie de la
chambre à coucher ; et la duchesse , pâle de terreur, parut
aussitôt sur le seuil. Granier s'inclina.
— Ce n'est, dit-il, qu'un pauvre joueur de viole qui at-
tendait la faveur de se faire entendre à madame de JoyeuTse.
— Ah ! fit la duchesse avec crainte ; vous étiez ici ?
— L'ignoriez- vous, madame? reprit le mari, qui venait
d'examiner inutilement la fenêtre trop élevée pour servir
d'issue, la porte secrète toujours bien fermée , et jusqu'aux
tapisseries , aux rideaux et aux moindres meubles. Par où ce
ménétrier est- il donc entré?
— Par ce petit escalier, monseigneur.
— Mais la porte en était close, j'en suis sûr.
— Je l'ai entendu fermer en dehors après mon arrivée.
Voici une heure que j'attends.
— Une heure ! s'écria le duc ; mais alors tu as dû voir la
personne qui est entrée ici ?
— Quelle personne ? hors vos seigneuries , je suis le seul
qui ai pénétré dans ce cabinet.
La duchesse, qui avait affreusement pfdi à la dernière
question de son époux, jeta sur Granier un regard de vive
reconnaissance , mêlée d'inquiétude et de surprise.
— C'est étrange , murmurait M. de Joyeuse en marchant
d'un pas agité. Il est clair qu'on m'a trompé.
Alors l'embarras de sa position et le ridicule d'une scène
de jalousie inutile lui montèrent à l'esprit et se peignirent
sur son visage. Il voulut effacer une impression fâcheuse.
— Allons r madame , dit-il en donnant à ses traits une grâce
un peu contrainte , et en tendant la main à sa femme , excu-
sez-moi d'avoir interrompu le calme de cette solitude. Voyons,
ménétrier ; puisque madame veut bien t'écouter, joue-nous
quelque chose de galant , une pavane , une bourrée , tout ce
qui plaît à la cour. N'est-il pas vrai, chère duchesse?
Mais la duchesse sentait l'avantage inespéré de sa position ,
et par un vague instinct de cœur venait aussi de comprendre,
au regard intelligent et inquiet que lui lança Granier, qu'il
y avait là un dangereux mystère. En femme habile et sûre de
son pouvoir , elle appela à son aide les grandes ressources de
la ruse, les reproches de l'innocence accusée, les plaintes,
les larmes, les sanglots d'une victime; elle finit par les va-
peurs. Le duc était tout hors de lui , appelant, jurant, priant
et criant. Les suivantes accoururent. On porta M"'° de
Joyeuse sur son lit; on jeta sur elle toutes les essences ima-
ginables ; mais rien n'y faisait.
— Ah! par Dieu ! dit tout-à-coup le duc, M. de Brantôme
assurait l'autre jour que la musique produisait d'étonnants
effets sur les nerfs. Appelez le joueur de viole , qui est là dans
le cabinet. Qu'il vienne, et nous exécute , s'il le sait, l'air qui
calma les fureurs d'Alexandre et que Claudin prétend avoir
retrouvé.
A ces mots, la duchesse se trémoussa de plus belle et bon-
dit à faire trembler les colonnes et le ciel empanaché de son
ht. Mais sa fidèle camériste vint dire que pendant le tumulte
le musicien s'en était allé par discrétion , emportant sa viole
sur le dos. Peu après cette nouvelle et deux mots que la sui-
vante lui glissa dans l'oreille , la duchesse se trouva calmée ,
rouvrit doucement ses beaux yeux , et sourit languissamment
à son époux , qui demandait merci d'une voix attendrie.
Le soir même, tous les familiers du jeune duc d'Alençon, et
le duc lui-même, racontaient au Louvre qu'il venait d'arri-
ver un joueur de viole merveilleux, un véritable prodige.
Les courtisans , pressentant la faveur du prince , renchéris-
saient à l'envi sur ce talent encore inconnu. Mais trois jours
après, dans un concert chez la reine-mère , Granier fut dé-
claré le premier virtuose de son époque, le Servais, le Baita,
le Franchomme de son temps. Sa réputation était faite; sa
fortune suivit deprès. Elle alla même si vite et si loin , que
bientôt l'aimable reine de Navarre , la spirituelle et galante
Marguerite amena Granier en Béaru, tant sa viole mystérieuse
avait pour elle de prix et de valeur. Toute la cour regretta
le grand artiste et surtout l'admirable instrument, que les
comtesses et les duchesses se disputaient, dit-on , pour leur
petit-lever.
Maurice Bourges.
CONCERT DE F. LISZT.
liC premier Concert de F. Usât a c» lien le iG aTvn
an Théâtre-Italien. Personne ne dcuuuidera si le plus
grand et le plus predigiettK pianiste du inonde avait
attiré la foule , et s'il 'y a eu manifestation d'enthon-
■iasme unanime de la part de l'élégante assemblée.
DE PARIS.
139
XES CONCERTS DE I.A SEBIAIIffE.
ette fois nous procé-
derons sans préam-
bules , vu la recru-
descence, le redou-
blement d'intensité
du choléra-concert
qui nous envahit, nous étreint et laisse par
conséquent peu de place aux digressions :
c'est d'ailleurs un moyen facile d'être
agréable une fois, parun capricede journaliste,
à ces esprits étroits qui croient que la musique
ne touche pas à la morale, à la religion, à la
politique, atout. Sans préambule donc, nous
féliciterons M. Delsarte sur l'effet du concert
qu'il a donné chez lui , vendredi 12 avril , dans le
salon où il fait son cours de chant. ^On n'a guère
entendu là que de la musique rétrospective exha-
lant un parfum classique , émolliant les sens au-
ditifs endurcis , blasés par toutes les fantaisies fantastiques et
sataniques de nos instrumentistes plus ou moins à la mode par
leur-excentricité. M. Delsarte , fidèle à son culte pour Gluck ,
a dit plusieurs morceaux de ce grand compositeur et entre
autres un air A'Alceste, mais surtout un duo à'Iphîgénie avec
Massol de l'Opéra, qui a produit le plus grand effet. M°" Thé-
résa Wartel a exécuté, en provoquant les mêmes applaudisse-
ments par son jeu tour à tour énergique et gracieux , un
fragment du concerto en ré mineur de Sébastien Bach et le
Stuck-concert de AVeber.
Le Cercle musical des amateurs , qui en est à sa septième
année d'existence, a donné son concert annuel samedi 13
dans la salle Herz. Cette Société , qui est tout aussi philhar-
monique qu'aucune autre de France ou de Navarre , est ani-
mée du même bon esprit rétrospectif que M. Delsarte. L'or-
chestre, composé en grande partie d'amateurs, est dirigé par
M. Tilmant, qui s'acquitte de cette mission comme chacun
sait. Là sont aussi en honneur les exhumations de notre vieille
musique nationale. Ces messieurs ont fort bien dit les belles
ouvertures de la Stratonice de Méhul et celle de Roméo et
Julietteipar Steibelt. Et d'abord, pour ouvrir la séance, la sym-
phonie en M« mineur de Beethoven a été exécutée avec verve,
ensemble et chaleur. M"' Iweins d'Hennin, M"'' Mondutai-
gny et M. Saint-Denis , de l'Opéra , ont fort bien chanté , et
MM. Alard et Dorus n'ont pas moins bien chanté, le premier
sur le violon et le second sur la flûte. Tels étaient les éléments
de ce concert, qui avait réuni une société brillante et d'une
intelligence assez apte à saisir les beautés réelles de l'art , ce
qui n'arrive pas toujours dans Paris. Le Cercle musical est en
voie de donner un éclatant démenti à la seconde partie de cet
impertinent axiome : Dieu nous garde d'un dîner d'amis et
d'un concert d'amateur.
M. Vivier, le cor exceptionnel, le cor harmonique, ainsi
que nous l'avons nommé assez justement lors de ses appari-
tions dans quelques uns des salons de Paris ; M. Vivier .'qui
s'était fait entendre dans le dernier concert de Dœhler, a
donné le sien lundi passé chez Érard. Un adagio joué par lui
sur le cor avec la voix naturelle de cet instrument , lui a offert
l'occasion de développer dans ce morceau son talent de cor-
niste simple , chantant avec expression et noblesse ; puis sont
venus les effets du cor double, triple, quadruple, dont les
acousticiens, les oreilles les plus exercées ne peuvent se rendre
compte logiquement , et dont il faut accepter les résultats
comme chose curieuse, extraordinaire, et qu'on ne peut ana-
lyser. M-" Anna Thillon de l'Opéra-Comique , qui ne figure
jamais dans les concerts , a chanté dans celui-ci son air de la
cantatrice de l'opéra de Cagliostro. M"" Thillon , qui a la
figure aussi mobile que jolie, ce qui n'est pas peu dire, abuse
un peu trop de cette mobihté et enjoué comme une coquette
fait decelle qu'elle'a dans le cœur. Dans ce quatrain si court et
qui ne rend guère qu'une pensée :
C'est le caprice
Qui rend propice
La cantatrice
Au cœur changeant,
M"" Thillon croit-elle qu'il faut changer quatre fois l'ex-
pression de sa figure parce que ce petit couplet contient le
mot changeant 7 Elle aurait tort. Elle dit le premier vers en
souriant , le second d'un visage triste , le troisième d'un air
insignifiant, air qui doit lui être difficile à se donner, et le
dernier vers en ressouriant. Nous lui conseillons d'appliquer,
au concert comme au théâtre , son sourire fin et intelligent ,
qui lui va si bien , au sens des paroles , dût-elle étudier ses
morceaux de chant et le sens exact de ses paroles, pour l'ex-
primer avec vérité, devant une glace , ce qui lui procurerait ,
au reste, un fort agréable vis-à-vis. M. Dœhler a produit
l'effet accoutumé; on lui a demandé la piquante tarentelle
que l'on ne se lasse jamais d'entendre.
M. Prume est un violoniste de talent qui s'était laissé ou-
blier dans Paris, où l'on oublie tant de choses plus graves,
plus essentielles qu'un violoniste ; il est venu se faire entendre
cette année au Conservatoire , et il y a fait plaisir ; puis il a
donné un concert dans la salle Moreau-Sainti , rue de la
Tour-d'Auvergne , où il a joué un nouveau concertino de sa
composition , des mélodies champêtres par M. le comte Pil-
let-Will, un andante suivi d'un rondeau composés par lui,
et la fantaisie de Lafont sur la Muette de Portici, qu'il a
exécutée de manière à rappeler le jeu sage, pur, élégant et
classique de l'avant-dernier représentant de la belle école
française. M. Prume joint h ces qualités l'énergie et la passion
qui caractérisent les virtuoses actuels.
Le pianiste bénéficiaire n'a pas trop fonctionné dans cette
semaine. Deux violoncellistes de talent , après Batta et Selig-
mann, se sont fait entendre : ce sont MM. Bernard Cossmann
et Adrien Carreau. Le premier, qui porte, ce qui est d'un
bon augure, le prénom de Romberg, a , comme son illustre
devancier, un beau son et un bon sentiment musical. Il est
musicien de conscience, et joue de la bonne musique autant
que cela lui est possible; il a dit l'Attente et VAm Maria de
Schubert , mélodies transcrites pour le violoncelle, une fan-
taisie sur Robert-le-Diable, composée par M. Lée, et une
autre fantaisie sur le Freischiitz, composée par lui, et qu'il
a jouée comme un violoncelliste qui aspire au premier rang,
où il est bien capable de parvenir. M"'° Wartel a exécuté sur
le piano le concerto de salon par Weber, avec accompagne-
ment de quatuor, de manière à se faire beaucoup et justement
applaudir.
M. Guerreau est aussi un violoncelliste de talent ; il a joué
avec une expression profondément sentie sa fantaisie sur la
Lucia, par laquelle il a ouvert le concert qu'il a donné mer-
credi passé chez Pleyel ; mais cette fantaisie sur la Lucia est-
elle bien la sienne? N'est-ce pas la fantaisie de tout le monde?
Comme le poëte disant d'une manière si comiquement origi-
nale :
Qui nous délivrera des Grecs et des Romains !
1^0
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
nous nous écrierons en \ile prose : Qui nous délivrera de celte
mélodie vibrante , tremblante et chevrotante par laquelle on
nous continue, on nous parodie assez inutilement, depuis
trois ou quatre ans , M. le colonel Rubini ? A cela près de ce
travers général dans lequel il a donné , comme tant d'instru-
mentistes de talent , M. Carreau a fait plaisir dans un solo sur
la Juive , et par ses Souvenirs suisses tout empreints d'un
parfum helvétien.
M. Piatti, qui nous revient en mémoire, est un antre vio-
loncelliste qui chante avec beaucoup d'expression sur son in-
strument , et qui a donné aussi sa matinée musicale chez
M. Érard ; il en avait le droit, et il en a usé de manière à se
faire justement applaudir dans plusieurs morceaux remarqua-
bles de sa composition. Nous reviendrons sur ce concert.
Ponchard, dont l'obligeance chante au bénéfice de tout le
monde artiste, a chanté au sien mardi passé, dans la salle
Herz. M""^ Sabalier y a dit gentiment la gentille romance inti-
tulée le Rêve d'un page. Quelques élèves du Conservatoire ont
fort bien interprété et nuancé le beau chœur des chasseurs
à' Etiriante, deWeber, et celui des Deux Avares, de Grélry.
Les honneurs de la soirée ont été pour le bénéficiaire et Gé-
raldy , qui ont dit à ravir l'auditoire le joli duo de Picaros et
Diego, de D'Aleyrac, et puis pour Dorus, qui a joué d'une
manière délicieuse un charmant solo de flûte composé par
Kuhlau.
M. Visconti est un excellent professeur de chant qui a donné
un concert chez Pleyel le 15 avril , qui laissera des souvenirs
beaucoup plus agréables que le ministère de cette date, et dans
lequel on a entendu les célébrités du moment. Le bénéficiaire
a chanté et joué du piano en homme de talent. M"' Delphine
Beaucé a été la lionne musicale de cette matinée. La veille ,
M. Léopold Amat s'était montré l'agneau bêlant la naïve ro-
mance , la tendre villanelle et le piquant sirvente , dans une
matinée musicale qu'il a donnée dans la salle Moreau-Sainti.
La feuille et le serment est un charmant lai qui a fait rêver
les jolies boutiquières du faubourg Montmartre, qui assis-
taient en majorité à ce concert. Dans ce même faubourg ,
chez M. Bernhardt , l'excellent facteur de pianos. M"' Clara-
Voislin , qui a conquis le premier prix de piano cette année
au Conservatoire , a donné une matinée musicale dans la-
quelle elle a joué plusieurs morceaux de son maître, M. Herz,
et dans lesquels elle s'est fait justement applaudir. M"" Vir-
ginie Bernhardt, son élève, a exécuté avec elle, et d'une ma-
nière remarquable , des variations et un rondo brillant à deux
pianos.
M"' Maria Borchhardt , de Bruxelles, âgée de douze ans, et
dont nous avons déjà dit quelques mots dans la Gazette mu-
sicale, s'est fait entendre jeudi dernier chez M. Érard. Élève
de son père et un peu de tout le monde , cotte jeune virtuose
a vivement intéressé l'auditoire, qui l'a applaudie avec justice,
comme s'il entendait une pianiste de vingt ans qui a du talent.
M"' Recio a dit dans ce concert , avec une grâce et une ex-
pression toute castillane ou toute andalouse , et dans la langue
ibérienne, une charmante séguidillede Gomis; puis le Cor-
saire, mélodie de M. Concone , agréable par sa contexture et
par la manière dont elle a été chantée.
Rechercheur de toutes les manifestations musicales, nous
devons signaler au monde dilettante la séance donnée par
M"' la comtesse Péruzzi , femme de l'ambassadeur du grand
duc de Toscane , et digne de prendre le titre d'artiste par la
manière dont elle interprèle la bonne et sévère musique. La
première partie d'un quintette de Spohr, les deux morceaux
du premier concerto de Chopin et la fantaisie sur la Liicia ,
de Prudent, lui ont donné l'occasion de montrer un talent |
de premier ordre. Enfin la tarentelle de Rossini , chantée par
M'"^ Ungher-Sabatier , la grande artiste qui ne chante plus
que pour son plaisir et toujours pour celui des autres ; le duo
d'il Barbiere , dit par Balfe et M""" la comtesse de Sparre ;
mais surtout le bel air de Guido et Ginevra, admirablement
chanté par cette dernière , ont donné à ceux qui l'ont en-
tendue l'idée la plus avantageuse du bon goût de la haute
fashion musicale.
Et maintenant,
Comme à tous ses lecteurs la Gazette doit plaire,
Passons du concert noble au concert populaire.
Si nous vous transcrivons ici le programme bien fourni d'un
concert donné le 14 avril passé dans la salle du Tivoli d'hi-
ver de la rue de Grenelle-Saint-Honoré, sous la direction de
M. Isidore, vous verrez que ce programme contient les noms
de MM. Clodomir, Landry, Gourlay, Pierné, Isidore, Clé-
ment, Janilon, Xélor, Lahau, Noirol et M"'" Zudrel, Del-
phine Garde, Desguimées, etc., etc., noms qui ne sont guère
plus connus dans le monde musical que celui de M. Soumis,
par qui le piano était tenu , et que celui de M. Jelmini, par
qui il a été fabriqué. Au reste, entre autres bonnes choses que
contenait le programme de cette solennité musicale , il était
dit en nota qu'il y serait fait une quête pour les indigents, et
qu'il n'y aurait point d'entr'acte, ce qui paraissait assez né-
cessaire vu les vingt-un morceaux de musique composant le
susdit programme. C'était vraiment le cas de désirer que ce-
lui-ci fût menteur comme tous les programmes politiques.
Esclave du devoir que nous nous sommes imposé d'assis-
ter à toutes les matinées et soirées musicales , nous pouvons
dire que nous avons consciencieusement et avec une noble
résignation accompU notre mission , que nous avons digne-
ment porté ce faix de monotonie , d'ennui et de sommeil , ou
plutôt rempli ce travail de nègre : aussi combien de fois ,
comme le pauvre noir , n'avons-nous pas rêvé de liberté ,
d'affranchissement dans toutes les acceptions de ce dernier
mot , même à l'égard de ces nombreuses missives qui , en
échange de la faible somme de quinze centimes que chacune
d'elles nous coûte, nous gratifient de billets à prix fabuleux
avec invitation, prières, supplications, d'aller entendre et
louer les mêmes artistes, les mêmes morceaux et par consé-
quent les mêmes concerts !
Corre^ltoiidauce particulière.
Lyon.iOavriHHi.
Nous terminons notre année théâtrale au milieu d'une avalanche
de concerts, qui, rapprochés du genre de spectacle dont on nous
sature tous les soirs , devraient nous faire passer pour les gens les
plus mélomanes du monde. Il n'en est vraiment rien pourtant,
car, à ce régime de croches et de doubles croches , tout le monde
est harassé d'ennui, et le théâtre n'est plus maintenant qu'un
rendez-vous pour concerter le plan de l'affaire importante, je
veux parler du renouvellement de l'année. Rien de plus curieux que
ces intermédiaires cherchant à désarmer la susceptibilité du vérita-
ble public, et â lui imposer par avance MM. tels ou tels. Nous avons
été si continuellement leurrés qu'on résiste énergiqucment , et qu'on
peut se dire déjà : Les débuis seront fort orageux. En attendant, et
comme je vous l'ai dit, concerts et grands opéras se succèdent tous
les jours avec une désespérante monotomic; et au milieu de tous je
voudrais déjà pouvoir vous parler du concert de Georges Haml que
nous enlendrons samedi , et qui sortira probablement de l'ornière
par sa belle composition. Celui de M"" Miro-Camoin, notre ex-prima
donna, a été vraiment le plus remarquable. L'immense talent de la
bénéficiaire défrayait presque seul cette matinée musicale, et cepen-
dant jamais programme n'a été plus réellement agréable. M"'' Miro
nous élait revenue avec celte puissance d'organe, cette coquetterie si
DE PARIS.
llil
gracieuse et celte méthode si pure qui lui ont valu à un si haut de-
- gré la sympathie des diletianles : aussi l'accueil le plus flatteur,
c'est-à-dire l'enthousiasme des Lyonnais, ne lui a pas manqué.
M"= Nau, grâce à Vhubikié de la direction, sans doute, ne nous fait
entendre sa jolie voix et ses charmantes vocalises que dans un bien
petit nombre d'ouvrages; et c'est dommage, vraiment, car on semble
déjà s'accoutumer à toutes ces jolies choses, et la beauté de son la-
lent ne produit plus autant d'effet. Toute l'attention se porte du côté
des débuts que l'on attend, et, d'après ce que l'on en dit, je puis
vous promettre une correspondance qui ne manquera pas d'intérêt.
Bruxelles.
L'administration des théâtres royaux de cette ville est prodigue de
traduction ; à Linda de Chamouny a succédé le Furieux de l'île de
Saint-Domingue. Donizetti, toujours Donizetti ; nous apprécions au-
tant que qui que ce soit le mériie de ce maître , mais ses amis eux-
mêmes doivent convenir que peu de compositeurs sont moins variés
que lui et font un égal abus de certaines formules. On se lasse de
tout, même de la perfection ; à plus forte raison neconserve-l-on pas
un goût éternel pour les choses dont les défauts balancent au moins
les qualités. // Furioso a été traduit et arrangé pour la scène fran-
çaise par un jeune littérateur belge et par un musicien italien atta-
ché au Conservatoire en qualité de professeur de chant d'ensemble.
Le littérateur a encore enchéri sur la profonde stupidité du poëme ;
on n'imagine rien de plus complètement absurde que cette pièce
quant au fond et quant à la forme; le style est digne de l'intrigue.
Le rôle du Furieux est écrit pour un baryton dans la partition origi-
nale; les arrangeursenont fait un ténor a la demande de M. Laborde,
le Rubini , ou si vous aimez mieux , le Duprez de notre troupe.
Un nègre, qui joue dans la pièce le rôle du niais de l'ancien mé-
lodrame, s'est également trouvé transformé de basse en ténor de
par l'autorité privée de ces messieurs. Vous comprenez que ces bou-
leversements produisent un singulier effet sur l'économie de la par-
tition ; Donizetti lui-même aurait peine à reconnaître sa musique. Il
n'y aurait pas de mal si elle était devenue meilleure, mais c'est le
contraire qui a eu lieu. La Furieux , exécuté d'une façon médiocre,
n'aura pas six représentations. Le public ne proteste pas contre cet
opéra en le sifllant, par considération sans doute pour le nom du
compositeur; il proteste en n'allant pas le voir, ce qui est beaucoup
plus fâcheux pour l'administration.
On a représenté dernièrement pour la première fois, et le même
soir, deux petits opéras-comiques, Friire el Mari et Mademoiselle de
Mérange ; \\s onl été favorablement accueillis, grâce- à leur mérite
assurément, mais grâce surtout à la manière agréable dont Couderc
et M"" Guichard y remplissent les principanx rôles. On s'occupe en
ce moment de la mise en scène d'un opéra intitulé le Moine , paroles
d'un écrivain indigène, musique de M. Willent, le bassoniste que
vous connaissez.
Après un séjour de plus de deux mois en Belgique, où il a donné
de nombreux concerts et obtenu de brillants succès, Dreyschock va
nous quitter. Il s'est fait entemlre il y a quelques jours pour la
dernière fois dans une soirée dramatique et musicale donnée par
M. Mira. Cette séance, qui avait attiré urï assez bon nombre de
curieux, a eu lieu dans la salle de spectacle de M. de Bcriot. Vous
allez me demander sans doute comment il se fait que H. de Bériot
ait une salle de spectacle : le voici. L'habile violoniste s'ennuyait de
son inactivité , il regrettait de n'avoir plus d'autre occupation que
celle de manger paisiblement sa fortune ; il communiqua à quelques
amis, qui s'associèrent à ses idées, le projet de fonder un théâtre de
société. Sur un terrain contigu à sa maison, il fit contruire une salle
de spectacle communiquant à ses appartements pur une galerie
couverte. Doué d'une adresse singulière en toute chose, il fut lui-
même l'architecte el le décorateur de son théâtre, et il établit des
machines fort ingénieuses pour remplacer celles dont on se sert sur
de plus vastes scènes. Il est inutile, je pense, d'ajouter que rien n'est
grandiose dans cette salle composée seulement d'une galerie et d'un
parterre garni de stalles. Sur le pourtour de la galerie sont peints
dans des médaillons les portraits des principaux maîtres des diffé-
rentes écoles. L'inauguration de ce petit joujou dramatique a eu lieu
il y a quelques jours par un concert dans lequel l'impresario-pro-
priétaire a dirigé l'orchestre en personne. Les représentations vont
bientôt commencer. En attendant, M. de Bériot prêle obligeamment
sa salle aux artistes qui veulent y donner des concerts. La séance
organisée par M. Mira se composait de trois actes de Tartufe récités
par lui et de morceaux joués par Dreyschock. Ce dernier part pour
la Hollande, où il a contracté des engagements pour quelques con-
certs; de là il se rendra à Paris. Vous l'entendrez donc avant son
départ pour Londres , et vous trouverez que son talent a encore
grandi.
La saison musicale est sur le point de se clore , et c'est à peine si
elle a commencé pour nous. Dreyschock et Sivori sont les seuls ar-
tistes étrangers qui soient venus nous visiter, les seuls du moins dont
on parle, car nous en avons encore vu passer quelques uns de plus
obscurs dont les noms ne nous sont point présents à la pensée. Les
concerts des Sociétés particulières, qui avaient rendu les concerts
publics impossibles, ont éié peu nombreux cette année. En se mul-
tipliant, ces Sociétés se sont affaiblies; leur situation financière n'est
pas brillante, et elles ont été obligées de faire des économies sur
leurs soirées de musique, pour lesquelles elles n'ont plus engagé,
comme les années précédentes, des artistes célèbres. A la vérité une
concurrence redoutable pour elles comme pour les artistes isolés
s'est établie depuis peu sous un puissant patronage : je veux parler
des concerts donnés dans un but ou pour mieux dire sous un pré-
texte de philanthropie. Ces concerts ont eu lieu tout l'hiver, deux fois
par semaine, dans deux établissements où l'on était admis moyennant
un droit d'entrée qui variait de 2 francs à 50 centimes. Les protec-
teurs de ces établissements , où se tenaient des bazars et des loteries
au profil des pauvres, n'hésitaient pas à s'adresser aux artistes pour
obtenir leur concours gratuit. Il faut vous dire, du reste, que la
haute société ne fréquente pas ces concerts à dix sous , et que ceux
du Conservatoire sont les seuls auxquels on juge convenable de se
rendre.
Nous avons eu la Cerrilo ; elle a joué deux fois la Sylphide avec un
immense succès. Ce n'est pas que le public fût très favorablement
prévenu pour elle; encore tout plein du souvenir d'EIssIer, il n'était
pas disposé à lui accorder des applaudissements de complaisance.
Cerrilo n'a même complètement vaincu sa froideur qu'après le pre-
mier acte du ballet; alors la réserve a fait place à l'enthousiasme, et
le reste de la représentation a été un long triomphe pour la sédui-
sante danseuse. On lui a redemandé la Gituna, danse espagnole
qu'elle a introduite dans un divertissement à la fin de la soirée. Ce
n'est pas Elssler! murmuraient encore en sortant du théâtre quel-
ques amateurs fidèles à leurs souvenirs. Ce n'est pas Elssler, mais
tant mieux, c'est autre chose, c'est Cerrito; Elssler n'était pas Ta-
glioni. Nousavons trois artistes célèbresau lieu d'une, y a-t-il là de
quoi nous plaindre? Cerrito est petite , Julie, bien faite et gracieuse;
de toutes les danseuses remarquables qu'on peut citer, elle est la
seule dont le buste ait de l'embonpoint. Sa légèreté est merveilleuse,
elle voltige littéralement sur la scène; il est probable qu'elle touche
parfois la terre , mais c'est à l'insu du spectateur. Elle n'est pas , elle
ne sera peut-être jamais actrice comme EUsler dans les rôles drama-
tiques, elle n'a pas non plus celle coquetterie savanle qui parle aux
sens du public un langage irrésistible ; mais la perfection de chacun
de ses pas est inimiiable, el tout ce qu'elle fait porte un cachet par-
ticulier. Elle arrive de Paris ; comment se fait-il qu'elle n'ait pas été
engagée à l'Opéra? Bruxelles aura eu seize représentations de Cer-
rito, et Paris pas une. Vous n'accuserez plus les Belges de ne savoir
qu'imiter ce qui se fait en France.
Dans la galère Capîtane ,
Us étaient quatre-vingts rameurs.
Sessîn de Gavarni.
Ce monsieur serait sur le point de monter à l'abordage
qu'il n'aurait pas l'air plus déterminé. Quelle bouche il ouvre
pour répéter avec toute l'énergie dont il est capable son re-
frain retentissant : Dans la galère capilane , etc. Règle gé-
nérale : le chanteur de salon doit s'abstenir soigneusement
des excès d'humeur entreprenante et belliqueuse , de même
que la cantatrice des excès de tendresse et de passion.
142
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
irO'CJTBlaLBS.
",* Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, à l'Opéra , les Hu-
guenots pour la rentrée de Serda , et la continuation des débuis de
M. Mcngis. — Demain le Lazzarone , suivi du ballet de Lady Hen-
riette.
V Duprez a fait sa rentrée avant-hier |dans le rôle de Dom Sé-
bastien. Il y avait foule , et le grand chanteur a pleinement justifié
l'empressement du public : M""" Slollz et Barroilhet ont aussi chanté
d'une manière admirable. Au quatrième acte, Levasseur, saisi d'un
enrouement subit, a été remplacé parBramond.
V Serda n'a pas fait sa rentrée dimanche dernier dans Robsrt-
Ze-i?iaWe; c'est Levasseur qui remplissait ce rôle, et M"" Dorus-
Gras celui d'Alice , créés si admirablement par l'un et l'autre artiste,
*,* Un concours aura lieu le mercredi 24 avril, à l'Académie
royale de musique, pour des places de premier, second dessus et
ténor, dans les chœurs. Les personnes qui désireraient se faire en-
tendre sont priées de se faire inscrire au secrétariat de l'Opéra, rue
Grange-Batelière, 3.
V A l'Opéra-Comiqne, Moreau-Sainti vient de prendre le rôle
d'Alexis du Déserteur, avec beaucoup de talent et d'effet. M"" Casi-
mir s'est aussi essayée dans le rôle d'Henriette, de V Ambassadrice ,
et sa belle voix y a déployé toute sa puissance et toute son agilité.
",* A la fin de ce mois, M°>= Anna Thillon va profiter d'un congé
de six semaines pour aller chanter à Londres, sur le théâtre de la
Princesse , les Diamants de la couronne , Lucie de Lammermoor, le
Puits d'Amour et l'Eau merveilleuse.
*,* Pour le commencement de l'année théâtrale à Bruxelles on va
monter la Reine de Chypre, d'Halévy, et la Sirène, d'Auber.
*»* Dans l'exercice qui doit avoir lieu au Conservatoire le diman-
che 28 avril, les élèves exécuteront : 1» le second acte du Mariage
de Figaro, de Mozart ; 2° une grande scène à'Armide, de Gluck. Le
dimanche suivant , 5 mai , aura lieu le second exercice, dans lequel
on exécutera un opéra nouveau de M. Bousquet, ancien premier
prix de Rome.
%* On parle beaucoup en ce moment en Italie d'une jeune canta-
trice française qui fit ses premiers pas à Paris , il y a quatre ans,
dans la représentation donnée par des amateurs, dans la Salle Ven-
tadour, au bénéfice des Polonais. Depuis celte époque, M"" Anna de
Lagrange a quitté Paris pour aller se perfectionner dans le pays
qu'on appela longtemps la terre classique du chant. Cette jeune ar-
tiste, non moins remarquable par son talent de pianiste que par la
beauté de sa voix , s'est fait applaudir sur les théâtres de Novare ,
Plaisance , Parme et Modène. Elle est maintenant à Bologne, d'où
elle se rendra à Rome; un fort bel engagement lui était offert pour
le Théâtre Valle.
*," M°" Miro-Camoin est arrivée à Paris. Nous espérons que cette
cantatrice si dramatique ne partira plus , et que l'Opéra ou l'Opéra-
Comique la compteront parmi leurs pensionnaires.
*.* Le deuxième concert de M. F. Liszt aura lieu, au Théâtre-Ita-
lien, jeudi, 25 avril. Le célèbre artiste exécutera les morceaux sui-
vants: 1. Ouverture de Guillaume TcH; 2. Tarentelle de Rossini;
3. Sérénade de Schubert; 4. Valse infernale, réminiscences de Ro-
berl-le-Diable ; 5. Fantaisie sur la cavatine de la Niobé {Iiuoifre-
quenii palpiti ) ; 6. Marche triomphale des Tscherkesses ; 7. Mélodies
hongroises.
*,* Le grand concert historique donné par M. Amédée Méreaux ,
, au bénéfice de l'Association des artistes-musiciens , aura lieu le
28 avril, à deux heures, dans la salle Pleyel. Voici le programme:
Première partie. 1498. Prière au tombeau du Christ, le Vendredi-
Saint, musique de Jean Mouton, maître de chapelle de François I",
chantée par les élèves de l'école de M. Pastou, avec accompagnement
d'orgue. — 1737. Remis plus brillante , prologue, et Tristes apprêts.
Castor et Pollux, de Rameau, chantés par M. Delsarte. — 1695. Trois
pièces de clavecin, par François Couperin, de la musique de LouisXIV,
exécutées par M. Amédée Méreaux. — 1735. Se cerca , se dice, air de
l'Olijmpiçide, de Pergolèse, chanté par M. Charles Dumas.— 1530. La
Romanesca, air de danse du .\vi= siècle, exécuté par M. Alard. —
1540. Les Cris de Paris sous François I", par Clément Jannequin ,
chantés par les élèves de l'é oie de M. Pastou (sans accompagne-
ment). — 1726. Trois pièces i.c clavecin , par Rameau , exécutées par
M. Amédée Méreaux, — 1550. Choral de Claude Goudimel, chanté
par les élèves de l'école de M. Pastou.— 1685. Ah! quel tourment d'ai-
mer sans espérance, air de Roland, de Lulli, chanté par M. Delsarte.
— 1720. Grande sonate fuguée, pour piano et violon , de Jean-Sébas-
tien Bach , exécutée par MM. Amédée Méraux et Alard. — 1737. Bri-
sons tous nos fers, chœur de Castor et Pollux, de Rameau, chanté
par les élèves de l'école de M. Pastou.— Deuxième partie. 1785. Grand
Concerto en ré mineur, de Mozart, avec accompagnement d'or-
chestre, exécuté par M. Amédée Méreaux. — 1779. De noirs pres-
sentiments, air de Thoas, à'Iphigénie en Tauride , de Gluck, chanté
par M. Delsarte.— 1700. C(!H(flHdo!(Hdi,duomadrigalesque deClari,
chanté par M"»» Dorus-Gras et M. Charles Dumas. — 1730. Air varié
pour le clavecin, de Haendel , exécuté par M. Amédée Méreaux. —
1620. Romance de Guedron, maître de chapelle de Louis XIII, chan-
tée par M"* Dorus-Gras. — 1741. Alléluia du Messie , de Hœndel ,
chanté par les élèves de l'école de M. Pastou, avec accompagnement
d'orchestre. L'orchestre sera dirigé par M. H. Berlioz; le piano sera
tenu par M. Schimon. — Prix des places : stalles, 10 fr.; parquet 5 fr.
On trouve des billets chez MM. Schlesinger, rue Richelieu , 97; et
Pleyel , rue Rochechouart, 20.
V La troisième et dernière matinée musicale donnée par M. Th.
Dœhler, avaut son départ pour Londres, au profit de la caisse de
l'Association des artistes-musiciens, aura lieu, dans les salons
d'Érard, le 20 avril. M. Dœhler exécutera les morceaux suivants :
1 . Grande sonate de Beethoven pour piano seul ( ut majeur, op. 53);
2. Souvenir (sicilienne), la Plainte , l'Heureux gondolier, romances
sans paroles; 3. Grande fantaisie sur la Somnambule (manuscrit);
4. la Truite , de Heller, Ballade , Tarentelle napolitaine. Nous don-
nerons le programme complet dans notre prochain numéro. Prii
des places : stalles, 15 et 10 fr.; billets d'entrée, 5 fr.
",'■ M'!': Julie Vavasseur dounera le mardi 23 de ce mois , à huit
heures du soir, dans la salle de M. Henri Herz, un grand concert
dans lequel on entendra, pour la partie vocale. M""" Sabatieret Va-
vasseur, MM. Boulanger-Runzé et Tagliafico; pour la partie instru-
mentale, MM. Henri Herz, Offenbach, etc. La bénéficiaire chantera
une cantate sacrée composée pour elle par M. Nicou-Choron , avec
chœur et quatuor.
*,* Au dernier concert de la Société des amateurs, on a vivement
applaudi une jolie scène dans le genre bouffe, intitulée: le Piteux
Jaloux, dont M. Bousquet a écrit la musique. Cette gracieuse com-
position fait honneur au jeune artiste , qui paraîtra bientôt sans
doute sur la scène de l'Opéra-Comique.
*,* On lit dans les journaux de la Nouvelle-Orléans: La location
des loges pour la représentation deM"" Daraoreau, qui jouait YAm-
bassadrice , a été mise à l'enchère ; la plupart des loges avaient été
prises à 12, 15 et 18 piastres. Malgré une pluie battante , la foule la
plus brillante et la plus nombreuse se pressait à tous les étages du
théâtre: les loges étaient trop petites pour les dames; le parquet,
le parterre trop étroits pour les dilettanti. Le succès et l'enthou-
siasme ont été en proportion de l'affluence du public.
*,* Voici encore un témoignage en faveur du chirogymnaste, cette
ingénieuse invention si utile aux pianistes commençants et aux pia-
nistes les plus experts , ainsi que le constate la lettre que l'on va lire,
et qui explique la popularité toujours croissante que le chirogym-
naste acquiert en France , en Allemagne et en Angleterre :
« MonsiEUR, Après avoir examiné avec beaucoup d'attention lechi-
rogymnaste que vous m'avez soumis , je crois faire un acte de justice
en ajoutant mon entièreTadhésion à toutes celles que vous avez réu-
nies relativement à l'utilité incontestable de cet instrument. Par suite
de votre ingénieuse invention, vous aurez rendu un service signalé
aux personnes qui se destinent au piano comme à celles qui ont déjà
acquis sur cet instrument un certain degré de perfection, et ce sera,
j'en suis certain, grâce au chirogymnaste que les phalanges du qua-
trième doigt, ordinairement si rebelles , seront domptées sans tour-
menter les oreilles du pianiste ni celles de ses voisins. Je n'énumère
pas tous les avantages qui résulteront de l'usage du chirogymnaste;
je ne puis cependant m'empècher de vous félicitersur le procédé elle
mécanisme propre à l'étude des notes également répétées; je veux
parler de l'appareil que vous désignez par le n" 9. Je trouve en somme
pleinement justifiée l'approbation que le public artistiquea donnée à
votre invention que je trouve éminemment utile.
« Veuillez agréer, etc. Tn. Doehler. »
V U«s fêtes brillantes ont eu lieu à Wiesbaden à l'occasion du
mariage de S. A. le duc de Nassau avec une princesse russe , fille de
l'empereur Nicolas. Le bal du 28 mars a été magnifique; toutes les
classes de la population y étaient représentées. On y voyait l'élite
des jeunes paysannes; elles ont eu le plus grand succès. L'une de ces
beautés agrestes s'écria : « Au théâtre je croyais être au ciel , mai»
voici le véritable paradis. » La cour lit son entrée à dix heures et
prit place sur l'estrade qui lui avait été réservée ; alors commença
le défilé du cortège allégorique , composé ainsi qu'il suit: héraut
d'armes , deux bannières , Nassovia , le Rhin , le Main , Gérés , Bac-
chus, Hygiéia, Vulcain, Diane, le château de Weilbourg, bourgeois
de Weilbourg costume du moyen-âge, vendangeurs, chasseurs, tem-
DE PARIS.
m
pliers, etc. La façade du Kursaal était illuminée ainsi que les rues et
places de la ville.
*,* Lucrèce, Iragédie de M. Ponsard, traduite en allemand par
M. Gabriel Seidl, vient d'être représentée pour la première fois avec
un grand succès à Vienne ; à la fin de la représentation , M. Seidl a
été appelé sur la scène , ce qui est honorable pour un traducteur.
V Opéras et ballets représentés au Théâtre royal de Berlin , dans
le courant du mois de mars. Ballets : le 2 mars. Première représen-
tation de Vite d'Amour, on la Loi inexécutable, ballet-pantomime,
par M. Taglioni , qui a été donné en tout sept fois. Le second acte de
la Laitière suisse, tes Aventures galantes, Robert et Bertrand. —
Opéra : les Caputels et les Montaigus , le Freiscinilz , la Fille du Ré-
giment, les Huguenots, Raoul, Barbe bleue, If Ingénie en Tauride,
Fidelio. L'opéra de Burbe bleue a été représenté au bénéfice de
M"" Schroeder Devrient, qui quitte Berlin, et qui a fait ses adieux
au public dans le rôle de Fidélio.
*,* Le directeur du théâtre de Brunn, en Moravie, a mis au con-
cours un prix de 20 ducats pour le meilleur drame qui aurait pour
sujet le siège de cette ville par les Suédois dans le courant de la
guerre de trente ans. De plus , il y aura des accessits, l'un de 16,
l'autre de 12 ducats. Les ouvrages couronnés restent la propriété
des auteurs.
|^\" M""= Gontier, veuve du célèbre acteur de ce nom, et qui,
avant de jouer sur des théâtres de vaadeville, s'était montrée à
rOpéra-Comique sous le nom de Rosette Gavaudan, vient de mourir
à l'âge de soixante ans.
V Bordeaux. — Le concert donné par le Cercle philharmonique
le 22 mars dernier a excité le même empressement et le même intérêt
que les précédents de la saison. Pouvait-il en être autrement lorsque
le beau talent de M. Dorus sur la flûte devait concourir à l'éclat et
aux plaisirs de cette soirée." Venu exprès de Paris pour cette circon-
stance, M. Dorus nous a permis de constater a combien juste titre il
avait acquis la haute réputation dont il était précédé parmi nous,
et qui nous a fait si longtemps désirer de le connaître. Quoi de plus
correct et de plus gracieux que sa manière de phraser? quoi de plus
pur et de plus suave que ses sons? quoi de plus net et de plus intel-
ligible que la difficulté sous ses doigts? tqut est dans son talent d'une
perfection admirable. C'est le beau idéal de la flûte , et personne,
sans contredit, n'a mieux joué et ne jouera jamais mieux de cet
instrument que M. Dorus. Le troisième concerto de Tulou , les airs
en mi et en ut de Boëhme nous ont tour à tour captivés et saisis d'un
charme inexprimable, et ont valu à l'artiste les applaudissements et
les bravos nombreux qu'il est habitué à moissonner. Nos chanteurs
solistes et choristes ont eu occasion de se faire applaudir dans la
prière et la cavatine de la Juive, dans plusieurs chœurs de Guillaume
Tell, et dans le finale du troisième acte de Lucie. L'orchestre a exé-
cuté avec aplomb et vigueur l'andante delà symphonie en «(mineur
de Beethoven , l'ouverture de lu Pie voleuse et celle de Zampa.
M. Alard, le violoniste, est attendu pour le prochain concert.
Charles FI, d'Halévy, continue d'attirer la foule; c'est un grand
succès d'enthousiasme.
Cltronique étrangère.
*,* Londres. — Le Queen's Théâtre a montré à la fois Lablache,
Fornasari, Mario et M"'^ Grisi dans le chef-d'œuvre de Bellini/PM-
rimji! ; dans Don Pasquule, Mario seul , par suite d'une indisposition,
manquait à cet ensemble attractif; il a été remplacé par Corelli, qui
a obtenu les honneurs du bis dans la sérénade. Le ballet {ait fana-
tisme avec Esmeralda et la Polka.- — Duprez a terminé ses représen-
tations à Drury-Lane, en chantant encore une fois l'Arnold de Guil-
laume Tell, au milieu d'un enthousiasme qui démentait le phlegme
britannique. Pour essayer de remplacer l'influence de son nom et
de son talent, on va donner un opéra nouveau de Bénédict, et on
annonce les débuts de la charmante danseuse. M"" Lucile Grahn,
qui vient d'obtenir tant de succès en Italie. — La troupe française
du Théâtre Saint-James est allée donner trois représentations très
brillantes àBrighton. M»» Albert vient déjouer Joset dans les Deux
Petits Savoyards. Le Théâtre de la Princesse attire en ce moment
l'affluence avec une féerie tirée des contes de M'"'d'Aulnoy,F<i!is(ar
{la belle étoile];U. James y a jeté une très agréable musique. La danse
y tient une large place, et au premier rang la Polka, qui est aujour-
d'hui la monomanie de Londres comme celle de Paris: la vogue eu-
ropéenne de cette vieille bourrée d'Auvergne justifie le mot si fin de
Rivarol : « Il n'y a de nouveau que ce qui est oublié. » — Encore une
Polka au petit théâtre du Lyceum. Celle-ci s'est glissée au milieu
d'un conte des Mille et une Nuits , ajusté en forme de pièce sous le
titre de Morgiane ; elle est dansée par les quarante voleurs d'Ali-
Baba, titre qui, chez nous, rappelle un glorieux et triste souvenir,
celui du dernier chef-d'œuvre donné par Cherubini à notre première
scène lyrique. — Le comte de Westmoreland , grand protecteur de
l'art musical, un de ces amateurs qui seraient dignes d'être artistes,
vient d'envoyer son présent habituel à la Société royale des musi-
ciens, qui s'apprête à célébrer son cent sixième anniversaire. — Le
compositeur Hatlon, qui a fait représenter avec succès à Vienne un
opéra dont il est l'auteur, est de retour à Londres, où sans doute il
fera entendre bientôt son œuvre nouvelle. — M. Lover continue à
faire entendre avec le plus grand succès son choix de mélodies ir-
landaises. L'Angleterre en use avec l'Irlande comme Mazarinavec la
France : qu'ils chantent; ils paieront.
*/ Milan. — Le 27 mai, Fanny Elssler a dansé ici pour la dernière
fois dans une représentation au bénéfice des pauvres. On donnait le
ballet de Giselle. Nulle langue humaine ne saurait exprimer l'en-
thousiasme qu'excitait le moindre pas, la moindre pirouette de la
célèbre danseuse ; c'étaient des cris , des trépignements , des tempêtes
d'applaudissements et de bravos qui faisaient trembler les voûtes
retentissantes de l'immense édifice. A la fin du ballet , la fille bien-
aimée de Terpsychore fut couronnée par les Grâces. Un déluge de
bouquets et de sonnets vint déborder sur la scène : des fleurs magni-
fiques lui furent présentées dans des vases et des corbeilles d'argent
du travail le plus exquis. On demanda le Zapaïadeo , et cette danse
tout aérienne, dans laquelle Fanny Elssler est parvenue à se sur-
passer elle-même , vint clore dignement cette brillante solennité
théâtrale.
*/ Stuttgard. — Le 8 avril , on a donné au Théâtre-Royal les
trois premiers actes de la Juive , de M. Halévy. La salle, richement
décorée, resplendissait des feux de mille bougies. On célébrait la
convalescence du roi, qui, depuis sa maladie, paraissait pour la
première fois au théâtre. Les décors et les costumes étaient d'une
magnificence éblouissante. Le grand cortège, à la fin du premier
acte, offrait une circonstance assez curieuse; les seigneurs et les
nobles de Souabe, qui dans le temps accompagnèrent l'empereur à
son entrée à Constance , y étaient représentés , tels que les barons de
Woelhvarth, Seckendorfl', etc. Un écuyer portait derrière eux le
casque et l'écusson avec leurs armes.
Le tirage de la Loterie au bénéfice de la Société des artis-
tes-musiciens, dans laquelle il sera gagné un Piano à queue,
neuf , à' Erard , et 1030 morceaux de musique et opéras
célèbres , aura lieu dans les premiers jours de mai. Les per-
sonnes de la province qui n'auraient pas placé les billets qui
leur ont été adressés par le comité , sont priées de les ren-
voyer immédiatement à M. Thuillier, caissier de la Société.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
GRAND QUATUOR
POUR DELX VIOLONS, ALTO ET BASSE,
composé et dédié à son ami VIDAL ,
de la musique parliculiôre du roi,
PAR M. RIGEL,
membre de rlnslitut d'EgypIe et de l'ordre de la Lêgiaa.d'HoDDCur.
Op. 51. Prix: 12 fr.
Paris , chez M. Richautet M"" Lauuer.
Immense rabais au comptant.
QUARANTE-DEUX PIANOS
DROITS ET CARRÉS ,
EN PARFAIT ÉTAT|, DE
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S'adresser à M. Panseron , 95 , rue Richelieu,
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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PIANO.
TH. DOHliER. Op. 43. Grande fantaisie sur Maometto de
Kossini ,,• " '
Op. iG. Souvenirs de Naples , larenlelle pour
piano solo
— I.a même à 4 mains
Ou. 47. Deuxième grande valse brillante. . . .
H. HERZ. lie Mouvement perpétuel. N. 3 des Morceaux
de salon ", .; ■
II. CHIiEDO'WSK.T. les trois Polka dansées au Ihealre
des Variétés
Violon.
BERNARDîN. Caprice sur la Bénédiction d'un père et
les Yeux d'une mère, avec accompag. de piano.
Violoncelle.
SEIiIGMAH'ia'. Souvenirs de Monpou , fantaisie avec
accompag. de piano
7 50
9 »
y »
I.. CHLEDO'WSKY'. lia Polka, exécutée au cours de
BS. Cellarius , avec l'explication du pas. . . .
I.E CARFEMTIER. Op. 92. Trois Polka : N. 1. La Polo-
naise.—N. 2. La Française.— N. 3. La Hongroise.
Chaque
Les Irois réunies
— Op. 93. Polka favorite, variée
A. IiEDUC. Op. 14. Fantaisie sur la Ronde des Bohémiens
de Paris
II. CXiAPISSON. Teresa, valse
4 50
2 50
6 »
6 »
C •
4 50
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FORESTIER. Caprice surGastibeIza et lambert Simnel ,
avec accompag. de piano
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RÉMUSAT. Fantaisie sur Eambert Simnel, avec acc. de
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La Prière du Matelot. — Ma Jlarguerite. — Le Page et la Bachelette. — Le Lis et le Papillon
NOUVEAUX PROGRES
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londres, 106, Neve-Bond-StreeW — Bruxelles, 85, rue de la Madelaine.
PIANOS A HUIT OCTAVES.
Les nombreux perfectionnements introduits par M. Pape dans la
fabrication des pianos ont apporté des améliorations importantes
dans cette branche d'industrie; l'une des plus remarquables est sans
contredit le systèmede mécanisme en dessus, à l'aide duquel M. Pape
est parvenu à résoudre les problèmes de réduction des formats avec
augmentation de son et de simplification des m(*canismes. Plusieurs
des nouveaux instruments de M. Pape , tels que les pianos-consoles
elles pianos-tables, démontrent de la manière la plus évidsnie les
avantages de ce système. Ces pianos réunissent , dans la dimension
la plus réduite, une puissance et une qualité de son telles qu'aucun
piano du système ordinaire ne peut leur être comparé.
Une fois arrivé à faire de bons pianos dans de petits formats, il
devenait facile pour M. Pape de le faire dans de grandes dimen-
sions; c'est ainsi qu'il a pu porter les claviers des pianos à queue à
huit octaves en obtenant une parfaite sonorité dans toute leur éten-
due. Ces claviers prennent de Vui le plus grave de l'orgue (32 pieds)
jusqu'au neuvième ai sur-aigu, ou du/a au /a; on peut affirmeravec
M. Fétis que l'étendue du clavier doit avoir atteint par là ses der-
nières limites. Ce nouveau perfectionnement, qui fournit tant de
ressources pour l'art, est déjà apprécié par desavants compositeurs,
et il ne tardera pas à devenir d'un usage général.
Les pianos à queue à huit octaves réunissent à une construction
simple une infinité d'autres avantages, qui sont détaillés dans des
notices explicatives contenant aussi la nomenclature des brevets de
M. Pape, et qui seront publiées incessamment.
27 I]\STRUME]^TS RREVETÉS.
POUR
GEMI
PAR AN
10
ASSOCIATION
sont assui'és iSè>@ issejosard'iiuï à MM. les Actionnaires. On
posaa'a-a -«'isiteB' Soies les Joni-s, de nne Ssens-e à quatre Kenres,
la fal9a*à«|«iie de M. SA'^, en iileSeï s-apiiort.
10, RUE rjEUVE-SAINT-GEORGES , A PARIS.
Pour l'Exploitation de tous les Inslrumeiits de musique, à vent, en cuivre
et en bois, et de ceux qu'a inventés M. AU. S.'ît.X , qui sont adoptés
par les Régiments, les p-.-incipaux Conservatoires et Théâtres de France et
de l'Étranger.
M. AD. SAX, pour satisfait eaux demandes qui lui sont adressées de toutes parts, se croyant obligé de donner une plus grande exten-
sion à sa fabrique, vient de fonder une Société par actions de 2.50 fr. et de.500 tr. Dès aujourd'hui, M. SAX assure aux actionnaires un
bénéfice de 10 pour 100 par an, et une part proportionnelle dans les bénéfires. Les instruments nouveaux de M. AD. SAX, approuvés par
MM. Ros.sini, Spontini, Auber, Halévy, Berlioz, Carafa, Ad. Adam, A. Thomas, G. Kastner, doivent remplacer une grande partie
des instruments dont on se sert aujourd'hui dans les Régiments, les principaux Théâtres et Conservatoires. Il n'est pas besoin d'insister sur
la moralité et le résultat d'une pareille entreprise.
Les actions sont au porteur, de 250 et de 51)0 fr. Les personne? de la province, en envoyant un bon à vue sur Paris, pour la somme d ac-
tions qu'elles désireront, recevront l'Acte de Société et les titres en échange par le courrier. On souscrit à Paris, 10, rue Neuve-St- Georges.
Imprimerie de BOURGOGNE et MARTINET, 30, rue Jacob.
Pour Paris
30 fr.
: mois 15 fr. Annonces : 50 c. la ligne de 28 lettres — Départements : un an , 34 fr. Etranger, 38 fr.
TE MUSICAL
UÊDIGEE PIB
MSI. ANDERS, G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, HE-ini BLANCHARD
MAliiiCE BOURGES, F. DANJOU, DUESBERG , FÉTIS pire, ÉdU'J.bd FÉTIS, STrpiiEN HELLER, J. JAMN
G. KASTNER, LISZT, J. MEIFRED , GEOBGE SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, (te.
Paraissant tous tes tHvnancFte»»
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
Le f"' et lo 15 de chaque mois on recevra on morcean de mnsiqne»
SOMMAIRE. Euphonia nu la Ville musicale (suite); par H. BER-
LIOZ.— Cours gratuit d'histoire et de Ihcorie de l'harmonie
(troisième et dernier article); par FÉTIS père. — Kccrnlogie :
Berlon (Henri-Montanj ; par l'AUL SMITII.— Coup d'oeil musical
sur les concerts de la semaine. — Nouvelles. — ,\nnonces.
LE MARCHAND DE ROBINETS. Ursiin de Gav.irni.
MM. les Abonnés reçoivent avec le présent numéro : IiA
PETITE CI.OCHE DU CIMETIÈRE , étude pour le Piano,
par CAVAXiîiO.
ou
LA VILLE MUSICALE.
(Suite '.)
a lettre de M"'» Ellianac , dans laquelle cette
respectable matrone, en déclarant cynique-
ment à Xilef que sa fille le dégageait de sa
promesse et renonçait à lui, annonçait aussi
le départ d'Elliraac pour l'Amérique où l'ap-
pelaient les offres avantageuses d'un directeur de théâtre et
Vamiiii: d'un riche armateur. L'idée d'une vengeance rapide,
immédiate, fut celle qui se présenta la première à l'esprit du
jeune homme outragé dans ses sentiments les plus intimes et
les plus chers. Xilef résolut donc départir pour l'Amérique,
où il se flattait de découvrir bientôt sa perfide maîtresse.
Il brisait ainsi tous les liens qui l'attachaient à la direction
d'Euphonia, il perdait sa place, il anéantissait du même coup
son présent et son avenir! Mais que lui importait après tout!
(1) La reproduction de cette nouvelle est interdite. — Yoir les
numéros 7, 8, 9, 11 et 12.
restait-il pour Xilef dans la vie un autre intérêt que celui de
sa vengeance ? Il partit donc silencieux et .sombre , comme
ces nuages porteurs de la foudre qui se meuvent sans qu'il
fasse de vent. La lettre de Rotceh , et avec elle la descrip-
tion d'Euphonia, parvinrent à Xilef au moment où il allait
quitter Palerme, et il n'eut que le temps d'adresser ce docu-
ment à l'Académie sicilienne, avec quelques lignes expliquant
pourquoi il ne venait pas le présenter et le lire lui-même ainsi
qu'ill'avait promis.
Voici le manuscrit de Rotceh tel que le président de l'A-
cadémie le lut en séance publique; Xilef n'y avait rien ajouté.
]9$esci*i|>li09s <V£sagtIioiaîfl.
Euphonia est une petite ville de douze mille âmes, si-
tuée sur le versant du Hartz, en Allemagne.
On peut la considérer comme un vaste Conservatoire de
musique, puisque la pratique de cet art est Vubji't unique des
travaux de ses habitants.
Tous les Euphoiiiens, hommes, femmes et enfants, s'oc-
cupent exclu.sivement de chanter ou de jouer des instru-
ments.
La plupart sont à la fois virtuoses et chanteurs. Ceux qui
n'exécutent point se livrent à la fabrication des instruments,
à la gravure et à l'impression de la musique. Quelques nus
consacrent leur temps à des recherches d'acoustique et à l'é-
lude de tout ce qui, dans les phénomènes physiques , peut
se rattacher à la production des sons. Les joueurs d'instru-
ments et les chanteurs sont classés par catégories dans les
divers quartiers de la ville.
Chaque voix et chaque instrument a une rue qui porte son
nom, et qu'habite seule celte partie de la population affectée
à la pratique de cette voix ou de cet instrument. Il y a les
rues desSoprani, des Basses, des Ténors, des Contralti, des
Violons, des Cors, des Flûtes, des Harpes, etc., etc.
Il est inutile de dire qu'Euphonia est gouvernée militaire-
BUKXAT7X D'ABONNEMENT, B.trE RICHEXIEU, 97.
L&e
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ment, et soumise à un régime dospoii<|np. De là l'ordre par-
fait qui règne dans les éludes, et les résultais merveilleux que
l'art on a obtenus.
L'empereur d'Allemagne fait tout , d'ailleurs , pour rendre
aussi heureux que possible le sort des Euphoniens. 11 ne leur
demande en retour que de lui envoyer deux ou trois fois par
an quelques milliers de musiciens pour les fêtes qu'il donne
sur divers points de l'empire. Rarement la ville se meut tout
entière.
Aux fêtes solennelles dont l'art est le seul objet, ce sont
les auditeurs qui se déplacent, au contraire , et viennent en-
tendre les Euphoniens.
Un cirque, à peu près semblable aux cirqiiesde l'antiquité
grecque et romaine , mais construit dans des conditions d'a-
coustique beaucoup meil eures, est consacré à ces exécutions
monumentales. Il peut contenir d'un côté vingt mille audi-
teurs et de l'autre dix mille exécutants.
C'est le ministre des beaux-arts qui choisit dans les popu-
lations des différentes villes de l'Allemagne les vingt mille
auditeurs privilégiés qui assisteront à la fête harmonique. Ce
choix est toujours déterminé par le plus ou moins d'intelli-
gence et de culture musicale des individus. Malgré la curio-
sité excessive que ces réunions excitent dans tout l'empire ,
aucune considération étrangère à l'art n'y ferait admettre un
auditeur reconnu, par son inaptitude, indigne d'y assister.
L'éducation des Euphoniens est ainsi dirigée : les enfants
sont exercés de très bonne heure à toutes les combinaisons
rhythraiques ; ils arrivent en peu d'années à se jouer des dif-
ficultés de la division fragmentaire des temps de la mesure ,
des formes syncopées, des mélanges de rhythmes inconci-
liables, etc. ; puis vient pour eux l'étude du solfège, parallè-
lement à celle des instruments , un peu plus lard celle du
chant et de l'harmonie. Au moment de la puberté, à cette
heure d'efflorescence de la vie où les passions commencent à
se faire sentir , on cherche à développer en eux le sentiment
juste de l'expression et par suite du beau style.
Cette facultési rare d'apprécier, soit dans l'œuvre du com-
positeur, soit dans l'exécution de ses interprètes , la variété
d'expression, est placée au-dessus de toute autre dans l'opi-
nion des Euphoniens.
Quiconque est convaincu d'en être absolument privé ou
de se complaire à la production d'ouvrages d'une expression
fausse , est inexorablement renvoyé de la ville, eûl-il d'ail-
leurs un talent éminent ou une voix exceptionnelle, à moins
qu'il ne consente à descendre à quelque emploi inférieur, tel
que la fabrication des cordes à boyaux ou la préparation des
peaux de timbales.
Les professeurs de chant et des divers instruments ont
tous sous leurs ordres plusieurs sous-niaîlres destinés à en-
seigner des spîcialités dans lesquelles ils sont reconnus supé-
rieurs. Ainsi , pour les classes de violon , d'alto , de violon-
celle et de contrebasse , outre le professeur principal qui
dirige les éludes générales de l'instrument, il y en a un qui
enseigne exclusivement le pizzicato , un autre les sons har-
moniques, un autre le staccato, ainsi de suite. Il y a des prix
institués pour l'agilité, pour la justesse, pour la beauté du
sou et même pour la ténuité du son. De là les nuances de
piano si admirables cjue les Euphoniens seuls en Europe
savent produire.
Le signal des heures de travail et des repas, des réunions
par quartiers , par rues , des répétitions par petites ou par
grandes masses , etc. , est donné au moyen d'un orgue gigan-
tesque placé au haut d'une tour qui domine tous les édifices
de la ville. Cet orgue est animé par la vapeur, et sa sonorité
est telle qu'on l'entend sans peine à quatre lieues de distance.
Il y a cinq siècles à peine , quand l'ingénieux facteur A. Sax ,
à qui nous devons la précieuse famille d'instruments de cuivre
h anche qui porte son nom, voulut émettre l'idée d'un orgue
pareil destiné à remplir d'une façon plus musicale l'olTre des
cloches, on le traita de fou comme on avait fait auparavant
pour le malheureux qui parlait de la vapeur appliquée à la
navigation et aux chemins de fer, comme on faisait encore il
y a deux cents ans pour ceux qui s'obsiiuaient à chercher les
moyens de diriger la navigation aérienne, art sublime qui a
changé la face du monde. Et cependant l'orgue à vapeur est
aux ancieunes orgues comme le trombone est au flageolet. Le
langage de l'orgue de la tour, ce télégraphe de l'oreille , n'est
guère compris que des Euphoniens; eux seuls connaissent
assez bien la téléphonie, précieuse invention, dont un nommé
Sudre eulrevil , au xix"^ siècle , toute la portée , et qu'un de
nos préfets de l'harmonie a développée et conduite au point
de perfection oii elle est aujourd'hui. Ils possèdent aussi la
télégraphie, et nos préfets directeurs des répétitions n'ont à
faire qu'un simple signe avec une ou deux mains et le bâton
conducteur pour indiquer aux exécutants qu'il s'agit de faire
entendre, fort ou doux, tel ou tel accord suivi de telle ou telle
cadence ou modulation , d'exécuter tel ou tel morceau clas-
sique tous ensemble, ou en petite masse, ou en crescendo,
les divers groupes entrant peu à peu successivement. Quand
il s'agii d'exécuter quelque grande composition nouvelle,
chaque partie est étudiée isolément pendant trois ou quatre
jours; puis l'orgue annonce les réunions au cirque de toutes
les voix d'abord. Là, sous la direction des maîtres de chant ,
elles se font entendre par centuries formant chacune un chœur
complet. Alors les points de respiration sont indiqués et pla-
cés de façon qu'il n'y ail jamais plus de cent chanteurs qui
respirent à la fois au même endroit , et que les points de res-
piration du grand ensemble soient ainsi cachés pour l'audi-
teur. L'exécution est étudiée, en premier lieu , sous le rap-
port de la fidélité littérale, puis sous celui des grandes
nuances , et enfin sous celui du style et de I'expression.
Tout mouvement du corps indiquant le rhvthme pendant
le chant est sévèrement interdit aux choristes. On les exerce
ainsi au silence, au silence absolu et si profond, que trois
mille choristes Euphoniens réunis dans le Cirque , ou dans
tout autre local sonore, laisseraient entendre le bourdonne-
ment d'un insecte, et pourraient faire croire à un aveugle
placé au milieu d'eux qu'il est entièrement seul. Ils sont par-
venus à compter ainsi des centaines de pauses, et à attaquer
un accord de toute la masse après ce long silence , sans qu'un
seul chanteur manque son entrée.
Un travail analogue se fait aux répétitions de l'orchestre;
aucune partie n'est admise à figurer dans un ensemble avant
d'avoir été entendue et sévèrement examinée isolément par
les préfets. L'orchestre entier travaille ensuite seul ; et enfin
la réunion dos deux niasses vocale et instrumentale s'opère
quand les divers préfets ont déclaié : u'elles étaient suffisam-
ment exercées.
Le grand ensemble subil alors la criti(]ue de l'auteur, qui
l'écoute du haut de l'amphithéâtre que doit occuper le pu-
blic; et quand il se reconnaît maître absolu de cet immense
instrument intelligent, quand il est sûr qu'il n'y a plus qu'à
lui communiquer les nuances vitales de mouvement qu'il
sent et peut donner mieux que personne , le moment est
venu pour lui de se faire aussi exécutant , et il monte au
pupitre-chef pour diriger. Un diapason fixé à chaque pupitre
permet à tous les instrumentistes de s'accorder sans bruit
avant et pendant l'exécution; les préludes, les moindres
DE PARIS.
147
bruissements d'orchestre sont rigoureusement prohibés. Un
ingénieux mécanisme qu'on eût trouvé cinq ou six siècles
plustôt, si on s'était donné la peine de le chercher, et qui
subit l'impulsion des mouvements du chef sans être visible au
public, marque, devant les yen.r de chaque exécutant, et
tout près de lui , les temps de la mesure , en indiquant aussi
d'une façon précise les divers degrés de forte ou de piano. De
cette façon, les exécutants reçoivent immédiatement et instan-
tanément la communication du seniiment de celui qui les
dirige, y obéissent aussi rapidement que font les marteaux
d'un piano sous la main qui presse les touches ; et le maître
peut dire alors qu'il joue de l'orchestre en toute vérité.
H. Berlioz.
{La suite au prochain numéro.)
)'lilSTOIRE ET DE THÉORIE !)E L'HÂRl!0\iE.
FAIT DANS I.A SALLE DE M. HEKZ,
par
W.-S. FÉ'I'IS,
ET ANALYSÉ PAR LUI-MÊME.
( Troisième et dernier arlicle" ).
arvenu, dans la troisième séance de mon cours,
I à la constitution complète de la théorie de
l'harmonie , en raison du principe de tonalité
que j'avais posé, il ne me restait plus qu'à ex-
poser les lois de la modulation , lois négligées
par la plupart des auteurs de syslônies d'hainiùiiie ; car, plus
ou moins dirigés par la nKihodc empirique , ils i!c l'ont con-
sidérée que dans l'analyse do cas particulirrs. Au surplus,
ils sont excusables , car ces lois ils ne pouvaient les trouver
en dehors du principe de tonalité , qu'aucun d'eux n'a connu.
On se souvient que j'avais élabli d'abord que l'ancienne
tonalité, base de tonle musique jusqu'à la fin du xvi' siècle ,
ne présente, dans ses d.fférenls modes, qu'une gamme
unique commençant par l'un ou l'antre de ses degrés, et une
harmonie consonnanle toujours en repos; d'où il suit que,
n'y ayant jamais d'aliraciion dans les agrégations harmoni-
ques de celte tonalité , il n'y a pas de modulation possible, et
que toute musique émanée de ce système tonal est nécessai-
rement înîtfofn'çMe , c'est-à-dire d'un seul ton. En vain, di-
sais-je, Nicolas Vicenlino, .^larcnzio, et plusieurs autres
musiciens célèbres du xvi' siècle, blessés de la monotonie
harmonique des compositeurs de leur temps, essayèrent-ils
de l'éviter en faisant succéder à l'accord parfait d'un ton les
accords parfaits de plusieurs autres tons : chacun de ces ac-
cords parfaits affectant le sens musical de l'idée de repos, le
sentiment de la modulation ne pouvait naître de leur succes-
sion, mais seulemem la sensation désagréable d'accords qui
se succédaient sans points de contact.
Au contraire , ajoufais-je , après que l'accord dissonant na-
turel eut été introduit dans la musique , et eut fait naître
immédiatement notre tonalité actuelle par l'attraction de ses
notes principales , la transition , c'est-à-dire le passage d'un
ton dans un autre par attraction , eut un organe infaillible;
car il suffit de cet accord, de quelque ton que ce soit, et si
éloigné que soit le ton où l'on passe de celui qu'on quitte,
pour qu'à l'instant le nouveau ton soit connu , et que le pas-
(") Voir les numéros 11 et 14.
sage de l'un à l'autre soit clairement établi dans notre esprit.
Supposons , en effet , qu'à l'accord parfait de la tonique du
ton d'ut nous fassions succéder l'accord de triton si bémol,
ut, mi, sol; dès ce moment, et avant que nous entendions
la résolution des notes attractives sur un accord consonnant,
il ne reste plus de doute , nous savons tous que nous sommes
en fa. Dira-t-on qu'il était plus simple et plus facile de
prendre immédiatement l'accord parfait de fa après celui
d'ut? Mais là je serai en doute si la musique a passé réelle-
ment du ton d'w^au ton de fa, ou si l'accord parfait de cette
dernière note n'est pas simplement celui du quatrième degré
du ton d'ul. Un ton n'est caractérisé dans la musique mo-
derne que par le rapport harmonique du quatrième degré et
de la note sensible; quand ce rapport se fait entendre, il n'y
a plus de doule possible concernant le ton nouveau. Encore
un exemple pour un ton plus éloigné : supposons qu'après
l'accord parfait delà tonique vt on entende immédiatement
l'accord de sixte sensible si bémol , ré bémol , nu" bémol , sol;
aussitôt le sens musical sera saisi invinciblement du senti-
ment du ton de la bémol , avant que la résolution des notes
attractives soit faite.
La conclusion que je tirai de ces fails et que je pré.senlai à
mon auditoire , c'est que l'accord dissonant naturel n'est pas
seulement constitutif de la tonalité moderne, mais qu'il est
en même temps l'élément de la iransilion , et qu'il a créé le
genre Irarsitoniquc , seconde phase de la musique harmo-
nique.
Passant erisuile aux substitutions du mode mineur, dans
l'accord dissonant , j'ai fait remarquer que la propriété de ces
substitutions est de créer des harmonies dont chacune des
notes a deux tendances, l'une ascendante, l'autre descen-
dante; en sorte que le même accord est susceptible de plu-
sieurs résolutions dans des tons différents. Supposons, ai-je
dit, l'accord de septième diminuée, si, ré, fa, la bémol,
substitution du premier dérivé de l'accord de septième, si,
ré, fa, sol , il est évident que la bémol pourra être considéré
comme sol dièse , et que par ce changement l'accord devien-
dra celui du second degré du ton de la , savoir : si, ré, fa,
sol dièse, substitution de si, ré, mi, sol dièse; en sorte
qu'au lieu de faire la résoinlion sur la tonique du ton A'iit,
on pourra la faire sur celle du ton de la , ou majeur, ou mi-
neur. Supposons maintenant que la note fa du même accord
soit changée en mi dièse , l'accord sera si, ré , mi dièse , sol
dièse , subslitué de si , ul dièse , mi diè.se , sol dièse , et la ré-
soinlion se fera dans le ton de fa dièse, majeur ou mineur.
Supposons enfin que dans ce même accord, si, ré. fa, la
bémol , sise change en vt bémol, en .sorte que l'accord soit
vt bémol , ré , fa , la bémol , subslituticm de l'uccord de sep-
tième dominante , si bémol , ré, fa , 1 1 bémol , et la résolu-
tion se fera dans le ton de mi bémol.
Les substitutions du mode mineur, ai-je dit, ont donc la
propriété de créer des tendances vers divers tons, d'exciter
la sensation de surprise dans la modulaiion , et de donner
naissance au genre phiriloniqne , troisième phase de la mu-
sique harmonique. Dans cet état de choses, deux phénomènes
très importants se manifestent , à savoir : l'affaiblissement
du besoin d'unité tonale, et l'apparition de l'échelle chroma-
tique dans la musique , comme une nécessité de sa constitu-
tion lorsqu'elle sort de cette unité.
Bien que je fusse entré , par ces analyses, dans la théorie
transcendante de la science , les nombreux exemples et les
morceaux que je fis entendre , à l'appui des propositions di-
verses de cette théorie si nouvelle de la tonalité et de la mo-
dulation , saisirent mon auditoire d'un tel caractère d'évi-
UR
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
dence , que les artistes et les amateurs qui assistaient à ces
séances m'assurèrent qu'aucun doute ne restait dans leur es-
prit à ce sujet.
Poursuivant mon examen des diverses phases par où l'art a
passé, et de la voie où il s'est engagé relativement à la modu-
lation , j'analysai les effets des altérations des notes naturelles
des accords sous ce rapport , et je fis voir, par de nombreux
exemples , qu'elles engendrent des relations tonales multiples
par leurs attractions ascendantes et descendantes , simples et
doubles, résolues ou évitées. Pour atteindre, ai-jedit, aux
dernières limites de cet ordre de faits harmoniques, il ne
reste plus qu'à prolonger les notes altérées sur les accords
qui appellent leur résolution. Alors, ai-je ajouté, nous serons
parvenus à la solution de ce problème : Trouver des formules
telles, qu'une noie étant donnée , on puisse la mettre en re-
lation immédiate avec tous les tons et leurs modes. Et pour
ne laisser aucun doute à cet égard, je fis entendre un certain
nombre de formules nouvelles (en prenant un seul accord
pour point de départ) , dont aucune n'a été employée jusqu'à
ce jour, et qui sont aussi satisfaisantes que neuves et singu-
lières. Arrivé à ce point, la musique est dans le genre omni-
loniqiie , dernier ternie de la modulation , anéantissement de
l'unité tonale, et création absolue et complète de l'échelle
enharmonique.
Je ne pouvais abandonner ce sujet sans faire remarquer que
l'usage immodéré des formules harmoniques de ce système
est unedégénéralionde l'art, qu'il tend à substituer à la jouis-
sance pure do l'uniié tonale et de la transition bien réglée la
jouissance nerveuse de l'inccriiludc et delà surprise ; qu'il a
pour effet inévitable d'affaiblir le sentiment du beau mélo-
dique en enlevant à celui-ci son caractère de simplicité; en-
fin, que la musique, devenue éminemment sensuelle |)ar cet
abus, doit avoir pour résullat d'énerver la sensibilité phy-
sique trop fréquemment excitée. Il en est, ;ii-je dit , des re-
lations pluritoniques et omnitoniques des agrégations de l'har-
monie comme de toute autre partie de l'art. Considérées
comme des formes de la pensée, elles ont une destination
spéciale déterminée par la pensée elle-même; mais transfor-
mées en objet essentiel de l'art par la fréquence de leur em-
ploi , comme elles le sont dans les œuvres des musiciens de
l'époque actuelle , ce ne sont plus que de vaines formules qui
causent plus de fatigue que de plaisir.
Là s'est terminé dans mes leçons l'exposé du système de la
science tel que je l'ai conçu. Il ne me restait plus, pour ache-
ver ma lâche, que de faire connaître à mon auditoire les autres
systèmes qui l'ont précédé , en les classant dans de certaines
catégories , à raison du principe qui les domine ; ce fut l'ob-
jet principal de ma quatrième leçon. Dans cette séance, dont
la durée a été de près de trois heures , j'ai fait voir que tous
les systèmes de génération et de classilication des faiis har-
moniques se rapportent à l'un de ces principes: 1° phéno-
mènes acoustiques; 2° division du monocorde et proportions
harmoniques des intervalles; 3° progressions arith]néti<|iies;
4° formation mécanique des accords par agrégation arbitraire
d'intervalles; 5° choix arbitraire d'un certain nombre d'ac-
cords fondamentaux. Ayant traité ce sujet avec beaucoup de
développement dans mon Esquisse de l'histoire de l'harmo-
nie, insérée dans la Revue et Gazette musicale, en ^8/i0, je
ne crois pas devoir répéter ici ce que j'en ai écrit alors, ayant
suffisamment démontré dans ce travail ce qu'il y a eu de vrai
et de faux dans les travaux des théoriciens pour la création de
la science de l'harmonie.
Ayant parcouru , dans le rapide exposé de mes quatre
séances, le cercle de connaissances dont se compose cette
science, je ne me dissimulais pas qu'jyant posé la base de ma
théorie sur un point d'appui absolument différent de celui de
tous les autres systèmes , je devais rencontrer de l'opposition
chez les partisans de l'un ou de l'autre de ces systèmes, et je
me rappelais involontairement à ce sujet ce que l'illustre phi-
losophe De Schelling écrivait à léna, au mois de mars 1800,
dans la préface de son Système de l'idéalisme transcenden-
tal. Voici la traduction du commencement de cette préface :
« Un système qui change entièrement et renverse le point
» de vue dominant sous lequel on envisage les choses non
» seulement dans la vie commune, mais encore dans la plu-
1) part des sciences , rencontre une contradiction constante
1) chez ceux qui sont à même de saisir et d'apprécier réelle-
» ment l'évidence de sa démonstration. Cela tient à l'im-
» puissance où l'on est de faire abstraction de la masse de
» problèmes particuliers que l'imagination préoccupée, à
» l'annonce d'une révolution semblable , suscite de tous
» points de la sphère de l'expérience et qui viennent troubler
» le jugement. Est-il impossible de nier la force de la dé-
» monstration? Sans avoir rien de certain ni d'évident à
» mettre à la place des principes sur lesquels elle s'appuie ,
» on recule néanmoins devant le caractère eœtraordinaire
» des conséquences qu'on en voit sortir, et l'on désespère de
1) résoudre toutes les difficultés que les principes doivent in-
» failliblement rencontrer dans l'application.
1) Mais comme on a le droit d'exiger de quiconque prend
)> part aux études philosophiques d'être capable de cette ab-
» straction et de savoir comprendre les principes dans leur
» généralité la plus haute, il est naturel, en posant les pre-
» mières assises du système , d'écarter les recherches qui
» descendent au particulier, et de se borner à établir les pre-
1) miers principes dans toute leur pureté en les élevant au-
» dessus de tous les doutes. D'ailleurs la pierre de touche la
» plus sûre de la vérité d'un système, c'est que non seulement
n il résolve avec facilité les problèmes auparavant insolubles ,
» mais qu'il en suscite lui-même d'entièrement nouveaux
» auxquels on n'avait pas songé jusqu'alors, et que de l'é-
» branleinent général qu'il imprime à tout ce qui était ad-
» mis pour vrai il fasse sortir une vérité d'une nature nou-
» velle. »
Cette position, je venais de la faire à ma théorie, je me
l'étais faite à moi-même. Sans me préoccuper de tous les
faits particuliers qui se manifestent dans l'expérience de l'art,
je m'étais attaché aux principes généraux et j'en avais dé-
duit un système coordonné, cherchant à leur donner un ca-
ractère d'évidence par leur généralité même. Toutefois je
comprenais la nécessité de mettre les principes nouveaux qui
forment la base de mon système à l'abri de fausses interpré-
tations en sollicitant les objections qu'on croirait pouvoir leur
opposer. C'est ce qui m'a déterminé à inviter ceux de mes
auditeurs qui ne seraient pas saisis par l'évidence des prin-
cipes de cette théorie, à m'informcr deleursdoutespar écrit,
afin que j'en fisse l'objet d'une discussion publique dans une
dernière séance.
Un seul, entre les harmonistes qui assistaient à mon cours,
RI. Barbereau , ancien élève de Reicha , aujourd'hui profes-
seur d'harmonie et de composition, répondit à mon appel. Je
reçus sa lettre dans la soirée qui précéda ma dernière séance,
et elle parut dans un journal le jour même. Depuis lors, elle
a été répétée sur plusieurs autres. Dans cette lettre, M. Bar-
bereau formulait sept objections contre ma théorie ; mais il
déclarait ne vouloir point accepter la discussion publique ,
où, disait-il, l'attention et l'intérêt s'amoindrissent en face
de discussions hérissées de termes et de détails techniques. Il
SUPPLEMENT.
SUPPLEMENT.
DE PARIS.
H9
terminait en me proposant de composer, pour la discussion ,
une sortede jury formé de vingt-quatre personnes, dontdouze
à mon choix et douze au sien.
Sans nommer M. Barbereau , je fis connaître à l'auditoire
de ma dernière leçon l'objet de la lettre , exprimant le regret
qu'il n'ettt pas accepté la discussion publique devant une as-
semblée où se trouvaient réunis tous les professeurs de com-
position et d'harmonie du Conservatoire , outre une multi-
tude d'artistes tous initiés au langage de la science et à la
pratique de l'art. La discussion publique , dis-je , et le juge-
ment d'une académie, lorsqu'on le sollicite, sont les seules
choses que puisse accepter l'auteur d'une théorie nouvelle.
Toute autre discussion, toute autre appréciation est sans por-
tée , quel que soit d'ailleurs le mérite des artistes pris pour
juges; car, choisis par l'auteur du système ou par son adver-
saire , ils portent dans leur examen des opinions toutes faites
que la discussion parvient rarement à modifier. D'ailleurs
j'avais proposé de dissiper des doutes et non point demandé
des juges; car, qu'il me soit permis de le dire sans être ac-
cusé d'une vanité qui est loin de moi , ce n'est point à celui
qui, suffisamment initié dans la connaissance de l'art et doué
d'un esprit méditatif, a fait une étude longue et approfondie
de tous les systèmes d'harmonie, qui s'est attaché à en péné-
trer l'esprit et à en distinguer les qualités et les défauts; qui,
enfin, en possession depuis trente ans de la doctrine qu'il
publie aujourd'hui , a passé ce long espace à en vérifier la
solidité , l'infaillibilité par tous les moyens que la science et
l'art pouvaient lui offrir, ce n'est point à celui-là, dis-je,
qu'on peut imposer un jugement quelconque sur une théo-
rie dont les juges ne pourraient prendre qu'une connaissance
sommaire. Lorscjue je me suis décidé à publier mon Traité
d'harmonie et à en expliquer l'objet dans un cours ', j'avais la
certitude de l'infaillibilité des principes qui m'ont dirigé;
celte certitude , rien ne saurait l'ébranler. Et , encore une
fois, qu'on ne croie point que je suis en cela sous la domina-
tion d'un sentiment de vanité; car je sais très bien que le
mérite de cette théorie, qui m'inspire tant de confiance , ne
m'appartient pas en propre ; d'une part, j'en ai trouvé les pre-
miers élémenls au sein de la multitude d'erreurs qui four-
millent dans les autres systèmes; de l'autre, l'esprit phi-
losophique qu'on y peut remarquer est celui de mon siècle.
Après cette digression, je viens aux objections de M. Barbe-
reau.
Je venais d'exprimer le regret qu'il n'eût pas accepté la
discussion publique, et là allait se terminer mon cours, lors-
que M. Barbereau se levant déclara qu'il acceptait l'analyse
qu€ je voudrais faire de ses objections. Malgré la fatigue de
l'assemblée, après l'audiiion d'une leçon où j'avais parlé pen-
dant plus de deux heures, je commençai immédiatement celte
analyse , après avoir donné lecture des objections de mon
contradicteur.
Les principaux sujets qui paraissaient à M . Barbereau n'a-
voir pas été envisagés sous leur véritable point de vue étaient
ceux-ci :
1» L'appréciation de la tonalité antérieurement au
xvii* siècle.
Ma réponse consiste à démontrer de nouveau que cette
tonalité a pour principe une gamme unique, diversifiée
seulement à ses différents modes par les notes qui lui ser-
vent de limites, par la doniinanie et par la finale. Au reste,
la couàtitution des tons du plain-cliant avait été examinée
à fond dans mon Traité du pUnn-chant (r) , et c'est préci-
(I) Paris, M»' veuve Canaux, rue Ste-Apolline, 15, 1843, in-S". |
sèment la tieXteté et ■!« nouveauté de l'exposition que j'en
ai faite qui a été i'objt t des éloges des savants en cette ma-
tière, à Rome.
2° La détermination des tonalités dans le système mo-
derne, attribuée trop exclusivement à Montevevde ; car
Zarlin, qui lui est antérieur d'environ un demi-siècle, en-
seignait comme un fait déjà acquis de son temps la néces-
sité de ce que nous appelons aujourd'hui la note sensible.
Réponse : Ce que M. Barbereau prend pour la note sen-
sible dans le passage de Zarlino dont il parle, avait été
expliqué longtemps avant cet écrivain dans les trente-
sixième et trente-septième chapitres du troisième volume
du Recanetum de musica aarea , de Vanneo : c'est la néces-
sité d'employer quelquefois le dièse pour éviter les rela-
tions de quarte majeure dans les successions du chant;
tandis que le caractère de la note sensible de la tonalité
moderne est purement harmonique , et réside précisément
dans ce rapport de quarte majeure , qui ne se trouve
qu'entre le quatrième degré de la gamme et le septième.
3° Le rôle indispensable attribué à tort à l'accord de sep-
tième dominante dans la fixation du ton , puisque cet ac-
cord (qui d'ailleurs n'indique pas le mode) n'a sur les ac-
cords de trois sons que l'avantage de donner, en une seule
percussion [sol, si, ré, fa), .un certain nombre de notes
déterminantes , ce qu'on obtient d'ailleurs d'une manière
bien plus complète en deux accords de trois sons [Ja, la,
ut; sol, si, ré; ou ré, fa, la; sol, si, ré) ; d'où il résulte
qu'en supprimant l'intervalle de septième de tous les ac-
cords de dominante dans les exemples soumis par vous à
l'auditoire , les modulations sont aussi positivement éta-
blies par les accords parfaits qui restent que par les accords
primitifs de quatre sons.
Réponse : J'ai dit que l'accord de septième de la domi-
nante détermine la tonalité, et M. Barbereau oppose à ce
principe des formules de successions d'accords parfaits.
Mais quel rapport peut-il y avoir entre un accord qui seul
constitue la tonalité et une succession d'accords ; et qui ne
voit que l'avantage est pour le premier? Il y à d'ailleurs
une réponse accablante à faire à M. Barbereau contre sa
proposition : c'est qu'il y a des milliers d'exemples des
lieux successions qu'il indique dans la musique composée
dans l'ancienne tonalité, d'où il résulte évidemment
qu'elles ne sauraient constituer la tonalité moderne.
4° La théorie si commode de la substitution et de la pro-
longation, expliquée par ce principe non moins étrange :
la fantaisie ou la volonté du compositeur, sans indiquer
les limites dans lesquelles ces expédients peuvent être em-
ployés à former l'agrégation des sons.
Réponse : Que la théorie de la substitution et de la pro-
longation soit commode ou ne le soit pas , la question n'est
pas là ; il suffit qu'elle soit vraie , et je crois avoir démoa-
tré que c'est la seule qui le soit pour l'explication des ac-
cords que ces modifications engendrent. Quant à l'explica-
tion de ces phénomènes par la seule volonté du con>.posi-
teur, elle est inattaquable, car ils ne résultent pas de né-
cessités tonales ; et partout où les accords nnlurels peuvent
être employés, leurs modifications peuvent l'être aussi.
5° L'admission sans critique des détestables successions
d'accords conservées par certaines écoles, quoique rejetées
dans la pratique, dans les progressions unitoniques, etc.
Réponse' : CfS progressions ne sont pas tellement bannies
de la pratique qu'on ne les voie souvent employées avec
les modifications du retard des intervalles. Elles seules
IjO
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
peuvent expliquer la position des accords parfaits, de sixte,
de septième, etc., sur toutes les notes de la gamme.
6° L'absence complète de lois indiquant les limites dans
lesquelles les altérations sont praticables. Faute d'une
théorie à ce sujet, que dire à l'élève qui, dans une suite
d'harmonie en la mineur, par exemple , emploierait l'agré-
gation j-i , 7e' bémol , /a , ou celle-ci, mi bémol, sol, si?
Les notes ré bémol et mi bémol ont évidemment une ten-
dance vers ut et ré naturels , et cependant sont insoute-
nables dans le ton dont il s'agit ici.
Réponse : Il n'est pas exact de dire que je n'ai pas indi-
qué les lois des limites dans lesquelles les altérations sont
praticables , car je les ai données positivement , en disant
que dans toute succession tonale ou modulante , tout inter-
valle d'un ton peut donner lieu à f altération ascendante ou.
descendante par le demi-ton intermédiaire. Des deux exem-
ples donnés par M. Barbereau, rien de plus facile que
d'employer l'altération du premier dans cette succession :
ré, ré bémol, ut.
sol dièse , la.
fa , mi.
si, - ut.
Quant au second , il n'est pas dans le ton de la mineur.
Pour qu'il le fût , il faudrait que sol fût diésé ; dans ce cas ,
rien ne serait plus facile que de faire descendre mi bémol
à ré, pendant que sol dièse et si seraient soutenus. L'erreur
de M. Barbereau est manifeste comme sur tous les autres
points. L'assemblée marqua du reste , d'une manière non
équivoque , son adhésion à toutes mes réfutations.
7» On aurait désiré , monsieur, de votre esprit investi-
gateur, quelques recherches analytiques sur la place oc-
cupée par les demi-tons dans la gamme, plutôt que de
vous entendre accepter celle-ci comme un fait indémon-
trable.
Ma réponse à cette dernière objection fut que s'il ne
s'agissait que de démontrer la nécessité de la position de
ces demi-tons pour la constitution de la tonalité sous les
rapports harmoniques et mélodiques , rien ne serait plus
facile , mais que découvrir le principe absolu qui a fait la
gamme ainsi ne nous est pas donné. Cette forme de la
gamme nous la sentons, et nous en saisissons les rapports
pratiques par une conséquence de notre conformation;
nous en avons conscience, mais nous ne pouvons aller au-
delà.
Ici doit se terminer l'analyse de mon cours; mais un nou-
veau champion vient d'entrer dans la lice par un travail inséré
dans la France musicale sous ce titre : Sur le principe phi-
losophique du système d'harmonie de M. Fétis. J'aime , je
l'avoue , à voir porter la question dans ces hautes régions , et
je me propose d'y suivre mon nouvel antagoniste. Mais je
dois attendre qu'il ait achevé son travail; car si j'ai vu jus-
qu'ici comment , en dénaturant mes paroles , il attaque ma
doctrine , je ne vois point encore ce qu'il se propose de mettre
à sa place.
FÉTIS père,
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
IVécroIosie.
BERTON (BEHTRI-MONTAN).
undi dernier , à
neuf heures et de-
mie du soir, s'est
éteinte une de nos
plus belles illustra-
tions , une de nos
^'^' gloires nationales et européennes, le der-
nier grand musicien d'une grande école
et d'une grande époque. Nous n'entre-
prendrons pas en ce moment une biographie
détaillée d'un homme de génie qui fut notre
collaborateur, notre ami , et dont le nom se
retrouve dans tant de pages de ce journal ,
joint à des souvenirs pleins d'intérêt pour
l'histoire de l'art et des artistes. Nous ne rouions
que rappeler quelques dates , et retracer quel-
ques traits de celte physionomie , tout à la fois si
vénérable et si aimable , que la mort vient de
frapper de son éternelle immobilité.
Henri-Montan Berton naquit à Paris le 17 septembre 1767 ;
il était le fils de cet autre Berlon, grand musicien aussi, qui
se distingua surtout comme chef d'orchestre et directeur de
l'Opéra, en prêtant à Gluck un concours si intelligent et si
puissant pour la représentation de ses chefs-d'œuvre sur la
scène française. Le père mourut en 1780 ; quatre ans plus
tard, le fils débutait dans la carrière comme premier violon-
solo à l'Opéra. En 1787, il remplissait dans l'orchestre du
même théâtre les fonctions de deuxième maître de musique;
en 1796, il entrait comme professeur de composition dans
l'institution naissante du Conservatoire. Enfin, sous l'Empire,
il fut successivement nommé directeur de l'Opéra buffa (1807) ,
premier maître de chant à l'Académie royale de nnisique
(1811) , décoré de la Légion-d'Honneur et appelé à l'Insti-
tut (1815). Voilà de quoi se composa sa vie publique et'offi-
cielle.
Quant à la liste de ses ouvrages, elle ne contient pas moins
de quarante partitions, auxquelles il faut en ajouter dix
autres, la plupart de circonstance, composées en société, et
la musique de trois ballets. Berton écrivit encore plusieurs
messes et morceaux religieux, plusieurs morceaux de musique
instrumentale, des marches militaires, des cantates, des ro-
mances, plusieurs recueils de canons. Il publia un Traité
d'harmonie, un Dictionnaire des accords, concourut à l'^n-
cyclopédie moderne et au nouveau Dictionnaire de l'Acadé-
mie française, pour la partie mu.sicale. Tels sont les travaux
qui occupèrent une existence de soixante-dix-sept années;
car si l'on en excepte les derniers temps, Berton ne cessa de
travailler, de tenir sa place au Conservatoire, à l'Institut, soit
en formant des élèves, soit en dictant des rapports.
Et pourtant, dès sa première jeunesse, Berton avait souf-
fert d'un mal qui tourmenta cruellement son âge mûr. Avant
l'âge de vingt ans, il ressentit des attaques de goutte qui, à
plusieurs reprises, le privèrent pendant des mois, pendant des
années, de l'usage de ses membres, sans rien ôter au calme et
à la liberté de son esprit. C'était durant ses accès les plus
violents qu'il composait ses canons les plus burlesques. Lors-
que Picard, le célèbre auteur comique, fut sur le point de
donner M. Musard, il vint trouver son ami Berton qui gisait
perclus dans un lit de douleur, et lui dit qu'il avait besoin de
lui pour des couplets qu'il voulait faire chanter à la un de sa
DE PARIS.
151
pièce. «Montre-moi tes paroles, » lui répondit Berton; et, dès
qu'il leseut parcourues, « Prends mon bras, ajoutat-il, pose-
» le sur le papier ; mets une plume entre mes doigts, et tu
» Tas avoir ta musique. » C'est ainsi que fut composé le joli
air des couplets : En affaire, comme en voyage. A la
même époque , Berton logeant près de l'Opéra , c'était sa
femme qui le portait elle-même de sa maison au théâtre,
pour qu'il lui fût possible de surveiller les répétitions.
Il y a environ trois ans que Berton célébrait la cinquan-
taine de son mariage avec cette bonne et tendre épouse, qui
était à peu près de son âge , qui ne l'a pas quitté un seul
instant, et dont le dévouement alla souvent jusqu'au sublime.
Il eut au moins cette grande consolation, cet immense bon-
heur, de conserver auprès de lui cette compagne chérie, lui
qui avait vu mourir l'un après l'autre tous ses enfants, ses
deux fils, Pierre et Henri, l'un à vingt ans, déjà peintre cé-
lèbre, l'autre à quarante, excellent musicien, compositeur,
chanteur, pianiste, et sa fille Stéphanie, douée de tant de la-
lent, d'esprit et de grâce ! Henri a laissé deux fils, tous deux
Voués à l'art dramatique, l'un qui joue en ce moment l'opéra-
comique à Alger, l'autre, qui joue la comédie et chante aussi
l'opéra à Vienne. Quelle famille d'nriisles! quel héritage de
vocations, d'inspirations, à défaut de tout autre héritage !
Ainsi que beaucoup d'hommes de génie, ses contemporains,
ses confrères, Berton ne lègue à «a veuve, à ses petits-enfants
que la gloire de .son nom !
Il avait commencé, trop tard pour pouvoir l'achever, une
œuvre qui promettait d'être infiniment curieuse et instructive,
les Mémoires de sa vie, entièrement consacrée à l'étude de
l'art et si bien placée pour en saisir tous les points de vue. Il
nous en avait communiqué les premiers chapitres, écrits avec
tout le charme qui naît de l'alliance de l'esprit et de la bonté.
En anticipant sur l'ordre des temps, il avait écrit exprès pour
nous le chapitre relatif à Monlano et Stéphanie, d'où nous
avons tiré V Histoire d'un chef-d'œuvre (1). Là s'arrêta sa
plume, que les années rendaient paresseuse, et nous y avons
perdu un livre qui aurait fait le pendant des Essais, de Gré-
try, son protecteur, son modèle, dont nous avons raconté,
d'après lui-même, la touchante et poétique fin (2).
Ce quixaractérise Berton, comme artiste, c'est la facilité,
l'abondance, la franchise, le tour naturel et spirituel de la
mélodie. Bien qu'il connût toutes les ressources de son art, il
ne se soutenait pas par l'effort d'un labeur pénible et minu-
tieux : il travaillait vite et ne cherchait jamais à sauver la fai-
blesse de l'idée principale sous la magnificence des accessoires.
De là vient que jamais il n'a fait un de ces ouvrages qu'on est
convenu d'appeler estimables, parce qu'en effet il est juste
que l'estime, sinon l'admiration, récompense le soin, la pa-
tience, avec lesquels leurs auteurs les ont mis au monde.
Berton était inspiré ou n'était rien : de là aussi la distance
énorme qui sépare ses chefs-d'œuvre du reste de ses produc-
tions, dislance qu'il avouait lui-même avec une sincérité par-
faite. Il y a quelques mois, on lui apporta l'une de ses pre-
mières partitions, le Nouveau d'Assas, qui manquait à la
collection de ses œuvres, et qu'il avait oubliée depuis long-
temps. Enchanté de la retrouver, il se mit à la relire, mais
l'enchantement se changea bientôt en surprise : « Je ne sais
)i pas ce que j'avais, disait-il, quand j'ai écrit cette musique !
» C'est qu'il n'y a rien du tout, absolument rien, depuis
» l'ouverture jusqu'au finale ! »
Comme artiste et comme homme, ce qui distinguait encore
Berton, c'était l'absence presque totale de ce sentiment d'en-
(i) Voy. Gazette niitsicale , année 1841, numéros 57, 58 et 59.
(2) \oy. Gazelle musicale, année 1842, numéro 9.
vie que font naître les succès d'autrui. Berton était aussi peu
jaloux que la nature humaine le comporte : il comprenait, il
admirait les ouvrages de ses rivaux; il leur rendait pleine jus-
tice; il était le premier à les applaudir. De même il encoura-
geait les tentatives des jeunes gens , qu'ils fussent ou non
ses élèves : il ne se montrait pas ombrageux et craintif en
présence des générations nouvelles. Une fois seulement il fut
injuste, ou plutôt il se trompa, en protestant contre l'avène-
ment de la musique Rossinienne, qui lui semblait offrir le
caractère d'une invasion funeste ; mais il ne tarda pas à chan-
ger d'opinion, et à replacer l'auteur du Barbier, de la Gazza,
de Guillavtne Tell, au rang suprême que lui assignait son
génie. Berton ne comptait guère que des amis, et ce qu'il
serait impossible de compter, c'est le nombre des services
qu'il a rendus pendant le cours de sa longue carrière, c'est
celui des artistes qu'il a formés, protégés, servis de tout son
crédit, de tout son zèle. Par une justice providentielle, sa
mort a été douce comme sa vie ; il s'est affaibli par degrés, et,
quand il s'est aperçu que le dernier moment approchait, il
n'a témoigné ni effroi ni colère ; il a lui-même réclamé la
visite d'un digne ecclésiastique, M. l'abbé Coquereau, et il a
terminé chrétiennement une existence toute mondaine, mais
à laquelle le sentiment religieux n'était jamais resté étranger.
Ses obsèques se sont célébrées avec la seule pompe
digne d'un artiste et d'un homme tel que lui. Au mi-
lieu d'une foule considérable, dans laquelle se pressaient
des notabilités de tout genre , les artistes de l'Opéra , de
rOpéra-Comique et du Conservatoire s'étaient réunis pour
exécuter, dans l'église de Saint-Roch , une messe composée
de divers morceaux : un Requiem de M. Deldevès , un Agniis
Dei de M. Bienaimé , tous deux élèves de Berton ; dans le
Pie Jesn , M. Panseron , qui est aussi l'un des élèves du
grand maître , avait eu l'heureuse idée d'introduire le pre-
mier motif de l'air célèbre : Oui, c'est demain.' En entendant
cette mélodie céleste , des larmes ont coulé de tous les yeux,
et le morceau tout entier a produit un excellent effet. M. Le-
febure-Wely, aussi élève de Berton, a supérieurement touché
l'offertoire. A l'entrée du corps dans l'église , l'orchestre a
joué la marche funèbre de Virginie, grand opéra de Berton;
les autres morceaux de la messe étaient empruntés à son
illustre émule et ami , Chérubini , qui l'avait précédé de deux
ansdans la même enceinte.
Sur la tombe de Berton, M. Raoul-Rochette a porté la
parole au nom de l'Institut; MM. Panseron et Dancla au
nom des élèves du maître ; M. Bureau , comme secrétaire du
comité de l'association des artistes-musiciens , dont Berton
faisait partie ; M. Elwart a aussi prononcé un discours. Pen-
dant que les orateurs parlaient, le soleil rayonnait de tous
ses feux, les oiseaux chantaient dans les arbres fleuris, l'air
était embaumé de parfums. Jamais immortalité mieux ac-
quise ne commença sous de plus riauls auspices.
Paul SSQTH.
@@p^ n^eii) ^9^!E@^Ë
IES concerts de I.A SEMAINE.
n n'a point encore, que nous sachions, apprécié
à sa juste valeur la connexité qui existe entre la
métaphysique et la physiologie; on n'a pas assez
recherché , à propos des hommes d'art , des vir-
tuoses , de quels organes vient plus directement
la sensibilité , si du cœur , si des nerfs , et par conséquent du
152
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cerveau , siège de la pensée et de l'esprit ; si de l'aponévrose ,
d'où naît l'expansion esthétique réagissant sur les hommes
assemblés et réveillant en eux des sensations douces ou vio-
lentes, C'est-à-dire de mélancolie et de tendre sympatliLe, ou
d'enthousiasme frénétique provenant des commotions impri-
mées aux systèmes nerveux par un artiste dont l'inspiration
vient de la tête ou du cœur. Celte étude serait curieuse à
faire sur l'art de jouer du piano que, le premier, nous avons
assez justement appelé le pianisme, travers qui nous circon-
vient, nousenvahit, nous étreint et menace de dominer toutes
les classes de la société. Nous pourrons nous livrer un de ces
jours à un travail amusant sur ce nouveau culte musical , sur
ce saint-simonisme instrumental dont M. Liszt est au moins
le grand-prêtre s'il n'en est le Mahomet.
Sans analyser ici le principe de l'inspiration et de l'en-
thousiasme qui est en lui et qu'il inspire à son auditoire ,
constatons d'abord que M. Liszt provoque et entrelient cet
enihousiame du public pendant près de trois heures par la
seule puissance de son talent d'exécution, chose jusqu'à pré-
sent sans exemple dans la carrière d'un pianiste. Le concert
qu'il a donné jeudi dernier , a commencé par l'ouverture de
Guillaume Tell, qui a été écoutée avec assez de tranquillité
par la nombreuse et brillante assemblée qui s'était empressée
de se rendre à l'invitation du pianiste exceptionnel. L'intro-
duction de la belle préface du chef-d'œuvre de Rossini, le
chant si suave des violoncelles , l'orage qui parcourt et bruit
dans les montagnes et les vallées de l'Helvélie, toutes ces har-
monies frémissantes de la nature agitée ont manqué de puis-
sance pour les oreilles habituées à les entendre clamer par
les puissantes voix de l'orchestre. Le itanzdes Vaches, chanté
dans l'ouverture par le cor anglais, a cependant été dit avec
beaucoup de charme et de puissance de son. En reconnaissant
le mécanisme foudroyant qui a présidé à l'arrangement et à
l'exécution de l'allégro final , il est quelques partisans du
rhythme de l'original qui auraient voulu ne pas voir transfor-
mer en triolets-croches un passage du trait en huit doubles
croches que Rossini a mis aux violons et qu'il n'abandonne
plus jusqu'à la fin. Après ce morceau est venue la tarentelle
du même autepr et transcrite par M. Liszt. Vivacité, préci-
sion, brio ravissant, mais également rhythme par trop souvent
brisé.
L'artistique et rêveuse Germanie, et le génie mélancolique
et tendre de Schubert nous ont bercé de toutes leurs suaves
idéalités, évoquées qu'elles ont été avec un charme infini par
leur traducteur ; il a rendu la Sérénade , cette mélodie du
cœur, ce chant nocturne qui aspire au ciel avec le cœur plus
qu'avec les doigts; ensuite est venue la capricieuse fantaisie
sur liobert-le-Diable, puis celle sur l'air de la Niobé dont
toute l'introduction repose trop obstinément sur les quatre
premières notes du thème.
Nous ne dirons rien d'un petit morceau circassien , géor-
gien, caucasien, plus bizarre que piquant et plus tourmenté
qu'original, qui a précédé une charmante mélodie, ou marche
hongroise arrangée avec esprit , et qui a fait grand plaisir , à
ce point qu'on a demandé le bis obligé aux concerts du béné-
ficiaire. Celui-ci a fait preuve de goût en donnant en échange
du morceau redemandé une charmante fantaisie sur les déli-
cieux motifs : Là, ci daretn la mono elFinch'han dal Vino,
du Don Juan de Mozart , morceau bien composé , heureuse-
ment coupé, et exécuté de manière à faire envie à tous les
pianistes de France et de Navarre , d'Allemagne, d'Europe e
de mille autres lieux. Somme toute, ce concert , auquel a as-
sisté toute la haute fashion musicale et autre , a été des plus
brillants et k jilus productif de tous ceux de la saison.
Notre horizon s'épure, comme dit l'auteur des Mystères
de Paris, en avançant. dans la carrière. L'atmosphère musi-
cale se raréfie à la fin de da saison des concerts ; et quelques
artistes, moins pressés d'arracher des applaudissements quand
même au premier auditoire venu que de plaire aux connais-
seurs, nous ont fait entendre quelques beaux fragments de
musique sérieuse, faite dans l'intérêt des progrès de l'art.
De ce nombre est M. Antoine de Kontski. €et artiste , qui
ne s'en tient pas seulement à son talent d'excellent pianiste-
compositeur et de pianiste-exécutant, a voulu prouver qu'il
savait écrire aussi pour l'orchestre ; il a fait exécuter, dans la
salle de M. Moreau-Sainti , rue de la Tour-d'Auvergne ,
20 avril , un premier morceau , une marche funèbre et un
scherzo d'une symphonie en ut mineur de sa composition.
Ces trois parties du grand œuvre à la mode, de la symphonie
«nfin , témoignent dans l'auteur plus d'expérience d'écrire
de la musique large qu'on ne lui en connaissait.
La première partie écrite en mouvement d'allegro risolulo ,
entre en matière par un dessin formé d'une blanche et de
croches en six pour quatre qui est bien caractérisé; puis un
second sujet mélodique vient se mêler à celui-là, et plaît par
le travail complexe et clair qui en résulte, travail classique,
mais qui n'en est pas plus mauvais pour cela. La marche fu-
nèbre qui suit , et qui tient lieu d'adagio , est d'un beau ca-
ractère. Les instruments à vent y sont bien traités, et les effets
de timbales ménagés d'une manière pittoresque et dramati-
que. S'il n'était pas un peu trop consacré de dire que tout
scherzo est plein de verve et d'originalité , nous dirions que
celui de la symphonie de M. de Kontski possède éminemment
ces qualités ; mais nous nous bornerons à dire qu'il a l'entrain
et la vivacité voulus , en laissant désirer, toutefois , cette
teinte de caprice fantasque qu'on trouve dans ceux de Beet-
hoven. Quoi qu'il en soit, ces trois morceaux et le finale, qui n'a
pas étéexécuté mais que nous connaissons, forment une œuvre
reiaarquable qui assigne nue belle place à M. de Kontski
parmi les compositeurs de haut style. Une fort jolie fantaisie
sur les motifs de Liicrezia Borgia, une autre belle fantaisie
sur la Juive, et un brillant morceau de concert inspiré par
Robert-le-Diable , morceaux auquelsnous réservons une ana-
lyse qui les fera apprécier à leur juste valeur, ont fourni l'oc-
casion à leur auteur de manifester d'une manière splendide
un beau talent d'exécution auquel il ne manque que de se
produire plus souvent pour .se mettre en première ligne. Ara-
pleur de son , énergie , délicatesse du toucher, égalité parfaite
dans le.i doubles octaves, art de chanter d'une suavité char-
mante, jtelles sont les qualités de M. de Kontski sur le
piano.
M. Beaulieu e.st un aulre compositeur consciencieux qui
fait à de trop longs intervalles des apparitions dans la ca-
pitale des beaux-arts. Élève de Méhul , ex-pensionnaire de
l'académie des Beaux-Arts à Rome, il habite la province, et
vient parfois essayer ses forces musicales dans Paris. Il a
donné , le 23 avril, dans la salle Herz, une séance de mu-
si([ue vocale des plus intéressantes. Il a fait exoculer un
Miserere à grand chœur avec solo , ainsi qu'un Oratorio in-
titulé : Hymne du Matin; maissintout une ballade traduite
de Schiller par M. Vinati, qui avait déjà été exécutée à Paris
et que nous avons entendue de nouveau avec le plus grand
plaisir. Cette mélodie, fort bien chantée au reste par Alexis
Dupont , est accompagnée par trois flûtes obligées et un piano
qui produisent un effet ravissant. Tout cela, qui a été aussi
vivement que justement applaudi, devrait engager M. Beau-
lieu à renouveler ses excursions artistiques plus souvent; ce
nous serait une douce compensation à l'envahissement du
DE PARIS.
153
quadrille el du galop qui retentissent même sur nos scènes
lyriques.
M. Sticgler, jeune compositeur bavarois, pour faire oublier
le canon brûlai qui a brisé la façade de l'église Saint-Méry
dans l'une de nos récentes guerres civiles, fait entendre par-
fois de plus doux canons, des canons, fils de la fugue, dans
cette gothique basilique. Il a fait exécuter une bonne misse
en musique en celle église, dans le courant de la semaine
passée, elles amateurs de ce beau genre de musique ont pu
apprécier le style correct de ce jeune compositeur.
M. Waldmuller a donné chez Pleyel, il y a plusieurs jours
de cela, un concert dans lequel il a joué deux fantaisies de sa
composition sur VElisir d'amore et la Nonna , qu'il a très
bien exécutées ; il a dit de plus celle qu'un de nos meilleurs
pianistes français, M. Prudent, a faite sur la Lucia , et il y a
montré un véritable talent.
Dans le concert qu'elle a donné chez Ilerz, le 23 avril
passé. M"" Julie Vavasseur, cantatrice expressive et qui pos-
sède une belle voix de presque contralto qui doit finir par se
caractériser, a chanté avec succès un duo de la Scmiramide
avec Tagliafico, puis une cantate sur les Prestiges de l'har-
monie composée par M. Nicou Choron, puis un air italien
<VJ Capulettiedi Monlecchi, de Bellini, morceaux dans les-
quels elle a fait plaisir à l'auditoire extrêmement nombreux
qui était venu à son concert; et, dans ce même concert,
M. Boulaiiger-Kunzé a chanté de sa voix gracieuse, 1M"'° Sa-
batier de sa voix délicieuse, et le petit lîoverie a exécuté sur
le violon avec justesse et aplomb un concerto de M. deBériot.
Une élève de liotre illustre collaborateur, Bcrton, qui vient
de mourir, M"' Péan de la Rocbejagu, a donné une soirée
musicale le 22 avril, dans le salon de M. Bernhardt. De jolies
romances de la bénéficiaire, celle entre autres intitulée le
Garde de nuit, dont les paroles .sont de M. Olivier Lcgall,
puis la /latelière, des mêmes auteurs ; une cantatrice, qui se
révélait à nous pour la première fois, M"'' Martin, qui a fort
bien dit un ak de Piquillo, tout cela accompagné de la jolie
voix de M""' Sabatier, a produit une soirée agréable et pro-
ductive, nous l'espérons, pour M""^ Péan de la Rochejagu, car
le public français est toujours galant et obligeant pour toutes
les dixièmes nuises qui se consacrent à ses plaisirs. Ce j)nblic
français et galant et de plus philanthropique n'a pas manqué
non plus à l'ajipel que lui ont fait de philanlhropiques artistes
qui ont donné un concert dimanche passé, dans la salle Mo-
reau-Sainti, au bénéfice de la veuve el des enfants de Charles
Froment, directeur du journal l'Echo des théâtres, qu'une
mort prématurée vient d'enlever h sa famille, dont il était le
seul soutien.
(Je n'est pas seulement par leur bienfaisance que les artistes
qui ont joué dans ce concert se sont distingués, c'est aussi par
le talent. Une bonne action vous donne toujours de nobles et
belles inspirations : M"' Masson n'a jamais mieux chanté le
duo de la Favorite, les mains de W. Dœhler n'avaient jamais
volé plus légères et plus brillantes sur le clavier ; le violoncelle
de M. Piatti n'avait pas encore rendu des sons plus touchants;
et, dans le duo qu'il a chanté avec le violon de M. Panofka, il
a semblé, au public charmé, entendre les voix douces et con-
solantes de la religion et de la charité. M. Panofka a joué aussi
une très jolie valse de sa composition qui a obtenu les hon-
neurs du bis.
LE MAr.CIÎA\D DE IlOBIXETS.
Sessin de Gavarni.
Vous entendez dans la rue une fanfare militaire , qui excite
les aboiements furieux , les gémissements plaintifs de tous les
chiens du quartier ; vous mettez la têle à la fenêtre , et vous
apercevez un simple industriel, un marchand de robinets!
Je vous demande un peu quelle est l'analogie naturelle entre
la trompette elle robinet? Si tous les marchands nomades se
mettaient à jouer de quelque instrument , que deviendrait le
repos public? Il me semble que ceci regarde la police et
qu'elle ferait bien de s'en occuper.
HOTTTELLBS.
*.* Demain lundi , à l'Opéra, la Juive , chantée par Duprez.
",' La rentrée de Serda et le second début de M. Mengis ont eu
lieu dimanche dernier dans les Iiu(jueno(s. Serda s'est montré à nous
Ici que nous le connaissions; seulement il a apporté au costume de
Marcel une modification qui ne nous semble pas heureuse, en se
couvrant la tète d'un casque au lieu d'un chapeau. M. Mengis a bien
chanté quelques parties du rôle de Baoul; mais il a été Taible dans
l'ensemble , et surtout dans la grande scène du quatrième acte, qui
exige un artiste consommé.
*," La représentation de Guillaume Tell a été fort brillante : Du-
prez a chanté le rôle d'Arnold avec la perfection qu'on lui connaît,
et qu'on est heureuï de lui retrouver après quelque temps d'absence.
Barroilbet et M" = Dorus-Gras ont aussi mérité des bravos enthou-
siastes,
"." PouUier a obtenu beaucoup de succès à Rouen dans le rôle de
liobert-le-Diablc , qu'il a récemment abordé.
V Massel, de l'Opéra Comique, a obtenu un succès complet à
Liège , sa ville natale , dans Zampa , d'Hérold ; il doit jouer ensuite
la Heine d'un jour.
*.' M"' Julian vient d'obtenir un magnifique succès au concert
de la Société philharmonique de Bruxelles, à laquelle la jeune canta-
trice était allée prêter .'on concours désintéressé. Après le concert,
l'orchestre lui a donné une 1res belle sérénade. M"' Julian va venir
passer quelques jours à Paris , d'où elle repartira pour Lille où l'at-
tend un brillant engagement.
*," M°" Caslellan, cette charmante cantatrice qui a obtenu de
grands succès à Paris dans tous les concerts où elle s'est fait entendre
cet hiver, vient de partir pour Londres.
*/ Dans une brillante soirée donnée jeudi dernier par M""» Aguado,
marquise de Las Marismas, on a entendu les chanteurs espagnols
venus à Paris pour donner des représentations d'opéra espagnol , qui
n'auront pas lieu à cause de l'absence d'une primadonna. M. Dœhler,
qui est cette année lornenient obligé de tontes les soirées fashiona-
bles, a joué quelques nocturnes, et il a fini par tarenteller aux ap-
plaudissements unanimes de l'élégante assemblée.
".'■ La troisième et dernière matinée musicale donnée par M. Th.
Dœhler, avant son déiiart pour Londres , au profit de la caisse de
l'Association des arliïlcsmusiciens, aura lieu, dans les salons
d'Érard, le 30 a\ril. M. Dœhler exécutera les morceaux suivants:
1. Grande sonate de Beethoven pour piano seul [ut majeur, op. 53);
2. Souvenir (sicilienne), la Plainte , l'Heureux gondolier, romances
sans paroles; 3 Grande fantaisie sur ta Somnambule ( manuscrit);
4. la Truite, de Heller, Ballade, Tarentelle napolitaine.
V Le grand concert historique donné par M. Amédée Méreaux,
au bénéfice de l'Association des artistes-musiciens , est remis à di-
manche 5 mai , et aura lieu au Conservatoire. Voici le programme :
Première partie. 1493. Piicre au tombeau du Christ, le Vendredi-
Saint, musique de Jean Mouton, niaitre de chapelle de François I",
chantée par les élèves de l'école de M. Pastou, avec accompagnement
d'orgue. — 1737. 7'risles npprôts, Castor el Pollux, de Rameau, chan-
tés par M. Delsarte. — 1695. Trois pièces de clavecin, par François
Couperin.dela musique do LouisXIV, exécutées par M. Amédée Mé-
reaux.—1779. Songe d'iphiijciiie , chanté par M. Delsarte. — 1686.
Air A'Armide, de Lulli, chanté par M. Eoulanger. — 1530. La
Ilomuncsca, air de danse du xvr siècle, exécuté par M. Alard. —
1 j40. Les Cris de Paris SOUS François 1", par Clément Jannequin ,
cUanlés par les élèves de l'école de M. Pastou (sans accompagne-
njjnt). — 172C. Trois pièces de clavecin , par Rameau, exécutées par
M. Amédée Mereaux. — 1550. Choral de Claude Goudimcl, chanté
154
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
par les élèves de l'école de .V. P sloa.— !fi>^5. -Ih '. que' l i::nnc:ii d'di-
mei-xiiiis espiiunce, air de Roland, de Liilli, chaulé par M. Oelsarle.
— 17211. Cranile soiiaie fugiiée, pour piano et violon , de Jcan-Séljas-
tien r.aih , exécutée par MM. Amédée Méraux et Alard. — Deuxième
partie. 1785. Grand Concerto en ré mineur, de Mozart , avec accom-
pagnement d'orchestre, exécuté par M. Amédée Mércaux. — 1770. De
noirs prestetniineiil-9, air de Thons, à'ipl.içjéine en J'amide, de GlucU,
chanté parM. l^elsarle. — 1700. Cuntamio un di, dao madrigiilcs;]uedc
Clari, chanté par M'"" Uorus-Gr.s et .M. Boulanger. — n:iO. yJirvirié
pour le clavecin, de Ilœndcl , exécuté par iM. Amédée Mércaiix. —
1G20. Jiomanie de Gneriron , maître de chapelle de Louis XIlI , chan-
tée par M"'= Dorus-Gras. — 1741. Allduia du j)/e^sie , de Ha>ndel ,
chanté par les élèves de l'école de M. l'aslou , avec accoriipagncmi'iit
d'orchestre.— Prix des places : stalles, 10 fr.; parquet 5 fr. On trouve
des billets chez M.AI. Sclilcsinger, rue P.ichelieu, 97; et IMeycl, rue
r.ochechouart, 20.
*." M. Prudent, de retour de Bruxelles , où il a joué avec des ap-
plaudissements unanimes au concert philanthropique , donnera ,
mardi 7 mai , un conceri au ïhéJlrc-ltalien , dans lequel il fera en-
tendre les morceaux suivants : Siuvcnirs de Beethoven, trio de
Guilluiirne Tell, And. nie exprissif, la Ron.ie de nuit, cl le caprice
sur les Uwjuenols.
V Les journaux de la Nouvelle-Orléans contiennent les détails
les plus brillants sur le triomphe obtenu par M"" Cinti-l amorcau
dans la représentation qui a eu lieu à son bénéfice le l5 mars der-
nier : « La leçon de chant du Barbier, dit l'.-JbciUe, où M"" Danio-
reau a introduit ce merxeillcu\ air du Henneni, qui semble sa créa-
tion et sa propriété , s'est tern.inée par une pluie de bouiiucts lancés
avec un tel enthousiasme , que l'un de ces énormes paiiuets de fleurs
est venu frapper la prima-donna sur l'épaule, de façon à lui causer
une assez vive douleur. A la fin de cet air, le chef-d'orchestre, au nom
des musiciens, lui a passé une couronne d'une élégance et d'une
richesse remarquables, sur les rubans de laquelle se trouvaient en
lettres d'or ces mots : A M"" C. Jjamoreuu t'orcliesne du théâtre
d'Orléuns. Après le spectacle, les artistes du théâtre ont poursuivi
M"" Damoreau jusqu'à son hôtel pour lui donner une sérinade,
après laquelle ils ont été invités à un souper , dont les honneurs ont
été faits par l'héroine de la soirée et par son compagnon de voyage
et de triomphe , M. Arlôl , qui , nous n'avons pas besoin de le dire ,
a eu sa bonne part dans les succès de cette solennité.
*.* Dans l'espace de huit jours , H. cl U"" Coche , si avantageuse-
ment connus , l'un par son talent sur la flùlc , cl l'auire-siir le piano,
viennent de donner deux concerts à Arras et un à Lille, accompa-
gnés de 1M"= Morize, jeune cantatrice, élè\e du Conscivatoire de
Paris, auquel ils sont tous deux altacliés comme professeurs. L'exé-
cution supérieure de M. Coche, habile cl ingénieux propagateur do
la flûte dite de Bohm, l'élégance et la correction de son jeu, l'expics-
sion a\ec laquelle il chante, le slyle pur et correct de sa femme, qui,
à son exem|ile, ne cherche pas à éblouir par un vain luxe de dil'ti-
cultés, ont obtenu des succès de bon aloi et des bravos beaucoup
plus flatteurs que ceux qu'on enlève à force de moyens mécaniques.
Mii= Morize, qui compte à peine ,dix-sept ans, et qui appartient à la
classe de Bordogni, a révélé des dispositions qui présagent un bel
avenir au théâtre.
•,* La semaine dernière, une espèce d'émeute a eu lieu au Théâtre
de la r.eine, à Londres. Après la représenlation de £>on Pasqunle ,
deux particuliers, M. H. Hanwcll, icnam l'hôtel de Waterloo, et John
Freire, un de tes employés, ont je;é des galeries au milieu du par-
terre plusieurs paquels de billets imprimé- ainsi conçus : « Pour-
quoi n'a-t-on pas engagé Salvi, le premier ténor de l'Opéra-Ualien
à Paris? 11 faut demander compte au directeur de celte négligence,
et au besoin renouveler la mémorable démonstration qui a été faite
à l'égard de ïamburini en 1840, et crier do toute la force de nos
poumons: Sihi! .SaM ! l'rgagerrz-vous Sal>i,oui ou non?» Le
|)ublic du parterre n'a pas failli à cet appel. Les cris : Salvi ! Salvi ! »
ont retenti de toulcs parts; le régisseur s'est présenté pour balbutier
quelques excuses, on n'a pas'voulu l'écouter ; on a lancé sur lui une
grcle de pièces de monnaie de cuivre, et on a fini par arracher les
bauqueltes et démolir les barrières de séparation. Les distributeurs
de celte provocation, qui ne portait point de nom d'imprimeur, ont
été conduiis au bureau de police de Malborough-slreei. M. I.umley,
directeur de l'Opéra-Ualien, a déclaré porter une plainte an compi-
racij , c'est-à-dire de complot imaginé pour nuire à son entreprise
théâtrale. MINL llanvvell pi Freire n'ont obtenu leur liberté provi-
soire qu'en fournissant caution de se présenter à la prochaine ses-
sion correctionnelle; le cautionnement csl , jiour chacun d'eux, de
100 livres sterlings, et encore à la charge de faire recevoir deux cau-
tions folvables de 60 livres sterlings chacune; en tout 5,IH)0 fr..ncs
pour chaque délinquant.
*," f.onlrjs. — le 17 on a donné au Queen's-'Ihcatre la Sémira-
nii'le avec une distribution magnifique. M"'' FaNanti , dont la belle
voix de conlralio/ni(/aHn/i«ne à Londres, remiilistait le rôle d'Ar-
sace. M"' Grisi a reirouvé dans plusieurs passages du rôle de la reine
les inspirations de son beau temps. Fornasari chantait Assur, Corelli
Idreno, etenlin, pour compléterce rare ensemble, Lablache n'avait
pas dédaigné le petit rôle du grand-prélre Oroé — A Drury-I.ane le
ballet de /.ady Henriette n'a eu qu'un succès tiès douteux , et les an-
(;lais se demandent ce qui a pu le fuiic réussir à Paris, lin revanche,
W"« Lucile Grahn est toujours 1 1 favorite des amateurs, nonobstant
le grand éclat que vient de jeter Carlolta Grisi. — Le grand tragé-
dien Macready excite l'enthousiasme dans les représen-ations qu'il
donne en ce moment aux États-Unis. Les rôles d Hamiet , de Virgi-
nius, de Fiichelieu, ont été pour lui autant de triomphes. — Uuprez,
dans son court séjour à Londres, a gagné 1,200 liv. sterl. (30,000 fr.).
Son engagement lui assurait l.OOJ liv. sterl. (2.5,000 fr.), et son béné-
fice a réalisé le cinquième de cette somme. — On joue aux États-
Unis une pièce empruntée aux événements qui agitent l'Angleterre.
Elle a pour titre The repeal. — Au second concert de la Société har-
monique, John Parry doit chanter une de ses scènes d'opéra. —
Ernst est parti pour Dublin ; il s'y fera entendre à deux concerts de
la Société philharmonique. — Salvi , dont le nom a servi dernière-
ment de drapeau à une espèce d'émeute dilettante contre la direc-
tion du Queen's-Theatre, vient d'arriver à Londres.
"," Vienne, 18 avril. — Avant-hier a eu lieu la première repré-
sentation du Biirbiere di Siiiglia. ce'te création du génie de Ros-
sini , qui sera ce.core fraîche et adorable lorsque toute la musique
boul'i'e d'aujourd'hui sera depuis longtemps fanée et oubliée,
jimc- pauline-Yiardol , Honconi et Ro>ere ont été, comme dans la
saison dernière, Rosine, Figaro et Barlolo; Gardoni et Marini nous
étaient nouveaux comme Almaviva et Basilio La Rosine, également
parfai e par le chant et par le jeu, est maintenant la propriété ex-
clusive de M"" Viardot. Où en trouver une seconde qui réunisse à
la fois le sang espagnol , le feu italien , la finesse française, un goût
incomparable , la plus étonnante souplesse de gosier, et, dans l'ac-
tion, la naïveté la plus charmante? Si M'"' Viardot a jamais eu une
Rosine rivale , ci'e était de même sang: c'était sa sœur. Les deux
sœurs pouvaient seules se dî.-puter la palme dans ce rôle. Nous
n'avions jamais entendu tant de grâce et de facilité dans l'exécution
des traits les plus hardis. Les fleurs du chant les plus brillantes et
les plus suaves se déroulent de cet admirable organe sans que jamais
on découvre un effort, ni le moindre mouvement pénible La plus
pirfaite méthode et les plus riches dons de la nature sont ici confon-
dus. On pourrait dire que M"" Viardot pnrle le chant de bravoure.
Le Directeur, Jlédacicu
chef, WAur.ici; SCill.ESINGER.
Wil
on CTMNASE bj'^ DOIGTS A L USAiiE DES PIANISTES
lXrcv<;ié en France 1 Le C/nroyt/înnûsic est Un assemblable lie ticafappa-
et en Angicierre. reîls gymnastiqucs destinésà donnerde Yexlcnsion à
la main et de Yéoart aux doigts à augmenter et à ériall-
Inventa par C. MABTIN «cr leur force et ù rendre le (/unineœe et \ecinqtdàme
Facteur tie'piano», indépendanla de tous les autres. Le Chirogymnaste
BREVETÉ mj BOI aètèaussi approuvé et adopté parMM.Adam,Dertini,
Place de la Boui-se,_JS. „c Jlcriot, Cramer, Uerz, Kalkbrenner, Listz, iloschelùs
et^'Ké'danVicV^îLïiîaU^»'»"'' Sivon,Thal])erg, Tulou, Zimmcrmann.tlc.
deaCo^scBVATOiBEis Chaque Chirogymnaste est revêtu delà signature
de Paru et de Londres, de l'inventeur et SB Vend place de la Bourse, n° 13,
U/iKiIa;)pore!l!, 50/'r.,oneii/'app.00/'r., métbode.Zfr.
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DE PARIS.
155
|l0ur paraître le 20 Û\aï prorijatm
MORCEAUX DE CHACT DE L'OPÉIIA
Ouverture.
. 1. Cavaline chanlcc par M»' Slollz.
2. Air de l'improvisateur, chanté par M. Barroilhet.
3. Duo chanté par M"" Stoltz et M. Barroilhet.
4. Cliansori de la Bouquetière, chantée par M"" Dorus-Gras.
5. Duo chante par M"" Dorus-Gras et Stoltz.
6. Trio, par MM. Barroilhet, Levasseur et K"" Dorus-Gras.
7. Couplets du baplêrtie de la cloche, chantées par M"" DoruS'
Gras.
Paroles de M. us Saint-Geoecrs.
N. S. Duo chante par M. Barroilhet et M" ' Dorus-Gras.
9. Chansonnette chantée par y."" Stoltz.
10. Duo chanté parM"'" Stollzel Dorus-Gras.
1 1. Duo chanté i>ar M. Barroilhet et K""' Stoltz.
Il bis. Cavaline extraite, chait'e par M. Barroilhet.
11 1er. Romance extraite, chantée par M"»' Stoltz.
1?. Trio chanté jiar MM. Levasseur, Bai roilhet et M™
Gras.
13. Couplets chantes par M"' Stoltz. '
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Les nombreux perfectionnements introduits par M. Pape dans la
fabrication îles pianos ont apporté des améliorations importantes
dans celte branche d'industrie; l'une des plus remarquables est sans
contredit le systèmede mécanisme en dessus, à l'aide duquel M. Pape
est parvenu à résoudre les problèmes de réduction des formats avec
augmentation de son et de simplification des mécanismes. Plusieurs
des nouveaux instruments de M. Pape , tels que les pianos-consoles
et les p'anos-tables , démontrent de la manière la plus évidenle les
avantages de ce système. Ces pianos réunissent , dans la dimension
la plus réduite, une puissance et une qualité de son telles qu'aucun
piano du système ordinaire ne peut leur être comparé.
Une fois arrivé à faire de bons pianos dans de petits formats, il
devenait facile pour M. Pape de le faire dans de grandes dimen-
sions; c'est ainsi qu'il a pu porter les claviers des pianos à queue à
huit octaves en obtenant une parfaite sonorité dans toute leur éten-
due. Ces claviers prennent de l'u( le plus grave de l'orgue (32 pieds)
jusqu'au neuvième m sur-aigu, ou du/a au/o; on peut aflîrmeravec
M. Fétis que l'étendue du clavier doit avoir a teint par là ses der-
nières limites. Ce nouveau perfectionnement, qui fournit tant de
ressources pour l'art, est déjà apprécié par desavanis compositeurs,
et il ne tardera pas à devenir d'un usage général.
Les pianos à queue à huit oclaves réunissent à une construction
simple une infinité d'autres avantages, qui sont détaillés dans des
notices explicatives contenant aussi la nomenclature des brevets de
M. Pape, et qui seront publiées incessamment.
27 mSTRUMENTS RREVETES.
POUR
CENT
PAR AN
10
ASSOCIATION
soa&t s&sssEi'és «lès aiajoiii'd'Iiiii à lUITI. les Actionnaires. Oii
ItOBsiffa. '«'Igâtes° S(9ïss îes josars, de giste iieiire tt quatre lieiires,
1» faSsi-iasEse «Se M. SAX, eus îjleiai ragiiioa't.
10, RUS KrEUVZ:-SAINT-G£OB.GES , A PARIS.
Po'dr l'Exploitation de tous les Inslruments de musique , à vent , en cuivre
et en bois, et de ceux qu'a inventés M. AU. SAX , qui sont adoptés
par les Régiments, les principaux Conservatoires et Théâtres de France et
de l'Etranger.
M. AD. SAX, pour satisfaire aiix'demandes qui lui sont adressées de toutes parts , se croyant obligé de donner une plus grande exten-
sion à sa fabrique , vient de fonder une Sociélc par actions de 2,'>() fr. et de otiO l'r. Dès aujourd'hui, ES. SAX assure aux actionnaires un
bénéfice de 10 pour tOO par an , et une part proportionnelle dans les béncfiies. Les inslruments nouveaux de M. AU. SAX, approuvéspar
MM. Kossini, Spontini, Auber, Halévy, Berlioz, Carafa, Ad. Adam, A. Thomas, G. Elastner, doivent remplacer une grande partie
des instruments dont on se sert aujourd'hui dans les Régimenls, les principaux Théâtres et Conservatoires, tl n'est pas besoin d'insister sur
la moralité et le résultat d'une pareille entreprise.
Les actions sont au porteur, de 250 et de .!iiio fr. Les personnes de la province, en envoyant un bon à vue sur Paris, pour la somme d'ac-
tions qu'elles désireront, recevront l'Acte de Société et les litres en échange par le courrier. On souscrit à Paris, 10, rue Neu\e-St Georges.
Mnsi^ue ttauvette )>t*btiée en 18JI-M t*n»' MTAirMeMCJE SCBMéEStI¥CiM:Ml, 99, wte ItieheMief.
Ouvrages théoriques.
FÉXIS. Tiaili; coiiiplet Je la tlu-orie et
lie la pratiiiiie rie l'Iiarmonie,
) beau vol. inSo. Prix net. 10
Partitions.
HALÉVy. Charles VI. Grande parti-
tion. 400
— Orchestre. 400
— Partition pour piano et chant, net. 40
— Piano solo , net. 23
Piano.
CRAMER (J.-B.). Conseils à mes élevés,
nouvelle mélhode île piano.
2= édition revue et augnienlic,
dans laquelle se trouvent 33
morceaux éJémentaires, 12 mor-
ceaux à 4 mains Iré.i faciles ,
lOS éludes préparatoires, et 24
études nouvelles et progressives. 20
— Op. 100. Solfège pour les doigts,
nouvelle école pratique du piano,
consistant en 100 exemples d'une
dlfncnlté progressive et d'une
grande variété de formes , ser-
vant d'exercices préparatoires à
l'exécution des compositions
modernes et des grandes études
de l'auteur. 20
— Exercice journalier, consistant en
gammes dans tous les tons , en
exercices calculés pour donner
aux mains la position convena-
l)le , et servant d'introduction
auxÉtudes de Clémenti, Cramer,
Moschclés, etc. 9
— 23 Études caraclérislijqnes j)our ^
servir de suite à ses Études. 13
— Etudes de délassement, coUeclion
de pièces doigtées et classées
progressivement. 12
CZERN Y (C. j. Etude des études, ency-
clopédie des passages brillants
pour le piano , extraits des a u-
vres des pianistes célèbres, depuis
Scarlalli jusqu'à Tlialberg et
Docllier, 2 suites. Chaque. 13
— Le premier maître de piano , étu-
des journalières, 4 livrais. Chaq. 6
— Op. 699. l.'ai-t de délier les doigis,
30 Études de perfectionnement
en 2 livraisons. Cha>|ue. |g
CHOPIN. Op. o;). 5 Maiin-kas. 7 J
— Op. 51. 5= Impromptu 6
— Op. 32. i' Ballade. 7 i
— Op. 33. S' Grande polonaise. 7 £
— Op. 54. i' Scherzo. 9
DÉJAZET (E.). Op. 29. IMélodie et
rondo militaire tirés de Char-
les VI. 6
DOEHLER. 0(1. 44. 6 Romances sans
paroles, en 2 livrais. Chaque. 7 ^
— Op. 43. N- I et 2. 2 Études à 4 m. 7 c
N.3. L'AdicndeSchubert, trans-
crit et varié. 3
— 4. I.e Tournoi. 6
— S. Le lioliémien. 6
— 6. L'Udalgo. 6
— 30 grandes (■Indes de salon, en
2 livraisons. Chaque. 20
DREYSCHOCK. Op. 22. Variations
pour la main gauche. 6
— Op. 2.'). Andunic. 7 £
— 23. La Coupe. S
ilELLER. Op. 2S. Caprice symphoni-
(|uc. 9
— 29. La Chasse 6
— 30. Dix lîeusî'-cs fngiiives. »
1. l'.lSSI'.
2. Sonv
5. IKiin
A:;iti
Prix
0. Adieu.
7. Uéverie.
S, Caprice.
9. Inquiélnde.
10. Intermezzo,
ehaipic : 3 fr.
sie ïur la Juive.
— Op. 31.
— 32. Biih'ro. d»
— S7. I'',inlaisii' sur Charles VI.
— ns. Ciprice d"
— .->9. I..iKLTnics?e.
— M. Jliscellanérs
— 41. Caprice sur le Pi)serteur.
lïENSEI.T. Op. !.■;. N. 3. Cavatine et
heuz
dIIc
r.9. .3 Airs de ballet de
1. on rondeaux bril-
. la Pavanne. N. 2 , la
. N. 3 , la Bourrée.
riUNTK.N. (V\\). Jliisaïqnc de Charles VI,
en 'i suiles. Chaque. 7 I
— Mosaïipie du Déserteur. ^ 7 i
KALKBUENNER.Op. 163. Grande fan-
taisie de hr.ivoure sur le duo des
cartes de Charles VI. 9'
KONTSKI (A.). Op. 00. Fantaisie sur
la romance deGuidoet Ginevra. 7 50
— . Op. fil. Fantaisie brillante sur la
Juive d'Halévv. 7 50
LECARPENTIER. ôè= et 57' Bagatelle
sur Charles VI. Ch.'Hjue. i
— 42e Bagatelle sur des romances de
l'Album de iMl:e lia Duport. I
LISZT. 2e Marche hongroise. :
— Canzone napulilana. !
— Fantaisie sur Don Juan. 11
OSBORNE. Op. 48. Fantaisie surChar-
les VI.
REDLER. Le Livre d'or des jeunes de-
moiselles, en 6 livres :
— Op. 43. i" Bagatelle Iros facile
et agréable sur Robert-le-Diab. I
— 46. 2'= Bagatelle sur la Favorite. I
— 47. 3i- Bagatelle sur la Juive. I
— 48. 4' sur les Huguenots. 1
— 49. 3e sur la Reine de Chypre. I
— 30 6e Bagatelle sur Charles VI. i
— 39. 7» Bagatelle sur le Déserteur. I
ROSEL LEN. Op. 34. L'Aérienne, valse. I
— Op. 36. Fantaisie brillantesnr Char-
les VI. :
SCHUBERT (P.). Op. 59. Variationssur
le chant national de Charles VI. (
STAMATY. Op. S. Sonate. !
— Op. 9. Fantaisie sur la Juive. ',
— 10. Fanlaisie sur Charles VI. :
THALUEKG. Op. 47. Grandes valses
brillantes. !
— Op. 48. Grand caprice sur Char-
les VI. !
— 6 Romances sans paroles, l^'ct 2«
recueil. ;
— Op. 49. Fantaisie sur Béatrice ii
Ten'la. i
— Op. 31. Fanlaisie sur Sémiramis. 1(
WOI.FF. Op. 84. I.a Reine de Chy|irc,
2"^ valse originale. (
— Op. 83. 13'^ Nocturne. f
— Op. 88. Valse sur des motifs de
C.liarlcsVI. {
— O]!. 93. La IMélancolie et l'Espoir ,
deux morceaux de salon. (
— Op. 97. L'Andalouse, 3e valse ori-
ginale. {
S'iano ù 4 mains.
BERLIOZ. Ouverture du Carnaval ro-
main par Pixis. i
BEETHOVEN. Op. 15. Grande sonate
pathétique. *
CZERNY. Op 716. Grand duo brillant
sur la Reine de Chypre. î
— Op. 717. Grandes variations sur la
Favorite. !
DOEHI.EIl. Deux études. ;
— L'AdicndeSchubert, transcrit pour
piano à 4 mains. {
HERZ (J.). 3 Airs de Ballet à 4 mains.
Chaipic. i
LECARPENTIER. Op. 79. Divertisse-
menl siu" Charles VI. (
ROSELLEN (H.). I,' Aérienne, valse
brillanle. (
THAl.BtRG. Romance sans paroles. (
— FeliceDonzella, romance italienne
(le J. Dessauer, Iransc. '
THALBEUG. Op. 3. Adagio cl Rondo, t:
— Op. 10. Capnicli. i
— Op. 20 Étude en la. ;
— Op. 31. Scherzo. ;
— Op. 40.Donnadcl Lago. 1(
— Op. 43. S' Fantaisie des Huguenots. V.
— Op. 47. Grandes valses brillanles. K
— Op. 48. Gr. caprice sm- Charles VI. K
— Op. 31. Grande fantaisie sm- la Sé-
miraniide. K
— Mi inanca la voce de Mosé. ;
WOLFF. Op. 74 bis. Grand duo sur
Rohert-le-Diable. !
— Op. 73. Gr. duo sur les Huguenots. !
— 79. ïd. sur Guido et Ginevra. 1
— 80. lil, sur la Juive. !
— 86. Id. sur Charles VI. !
Quadrilles.
LEDUC. La Mule. 4 30
TOLBECQUE. I es Enfants terribles. 4 30
— Le Gondolier de la Vislnle. 4 60
— LeBoidionune. l
— 3 Quadrilles sur Charles VI. Ch. i
\VAGiVER(P.). Le Bal d'enfanls aux
Tuileries, quadrilles faciles.
— 1. La Favorite. i
— 2. Le Guitarrero. J
— 3. La Reine de Chypre. '
— 4. Adelia. '■
— 3. Une Nuit à Grenade. l
— 6. Charles VI. i
— La Danse des fantômes. '
— Le Retour du croisé. ■!
WAGNER (P.). Le Diable rouge.
— La Noce de Lénore.
— Le Lac bleu.
— La Grotte des fées.
Quadrilles à -S mains.
LEFEBURE WELY. Trois quadrilles
sur Charles VI. Chaque.
Polkas.
STRAUSS. La Carlolta.
LANNER. La Cerrilo.
— La Duchesse.
WOLFF. Polka des princes.
— Polka de la cour.
— Le Faubourg Saint-G("rmain.
— Le Faubourg Saint-Hunoré.
— Les Camélias.
— Les Eaux d'Ems.
— Les Rayons du soleil.
— Caroline.
— Le Bal de la reine.
LABITZKI. Les Anémones.
— Les Tubéreuses.
— Les Roses de Bengale.
DUC n. DE BAVIERE. Améhe.
WOLFF. La Maréchale.
— La Favorite.
— L'Amazone.
— La Biihéniienne.
STRAKA. La Couronne de lis.
— Le Bouquet d'immortelle.
— La Branche d'aecacia.
— Pcilka favorite de Paris.
.(OACHYM. La Course.
Valses.
DUC M. DE BAVIERE. Les Phalènes.
— Souvenirs de Paris.
LABITZKI. Op. 83. Les Elégantes.
— Op. 80. LesSyrènes.
— 87. l'ublin.
— 8S. Edindiourg.
— S9. La Grandc-Brelagne.
— 90. La saison de Londres.
— 92. Charles VI.
— 9'i. Odelte.
— 93. Les Parisiennes.
— 90. Charlotte.
— 98. La Réunion.
LANXER. Op. 183. Les Adieux.
— O.
. 193. Les Idéales.
Le Fan bon r
4 50
St-Germain. 4 30
197. Les Troubadours.
198. Les Nayades.
203. La danse des Sorcières.
STRAUSS. Op. 132. LaDcbulanle.
011.134. Egéric.
153. Le Maiire de Danse.
1.39. Les Fantastiques.
140. Les Réunions musicales.
141. Les Ménestrels.
113. Latone.
4 50
4 30
4 30
4 30
4 30
4 30
4 30
4 30
4 30
4 30
. Mil
— 146. Les Démons. 4 S
— 130. Les Artistes. 4 5
— 130. Les Caprices. 43
— 134. Valses du Rhin. 43
— 133. Les Jeunes folles. 4 6
WAGNER (P.). Le Bal d'enfants .lUx
Tuileries, valses faciles.
— N. 1. Les Mille Heurs. 45
— 2. Les Boutons de roses. 4 3
— 5. Les Fleurs d'oranger. 4 5
Valses si 4 mains.
STRAUSS. Op. 100. Ma Patrie. 6
— 109. Les Piaules exotiques. 6
— 120. Saiide Cécile. 6
— 127. Chants du Danube. 6
— 128. Apollon. 6
— 129. Adélaïde. 6
Pîano et Violon concertants.
HELLER etERSST. Pensées fugitives
N. 1. Passé. 3 » 9. Inquiétude. 5
2. Souvenir. S » 10. Prièrepen-
5. Romance. 5 » dant l'o-
4. Lied. 3 > rage. 3
5. Agitalo. S » 11. Intermezzo. 3
6. Adieu. 3 » 12. Presloca-
7. Rêverie. 5 » pricioso. 5
8. Caprice. 5 »
KALKBUENNERelPANOFKA. Op. 164.
Grand duo brillant sur la Juive. 10
— Op. 166. Grand duobrillant sur la
Favori le. 10
— Op. 167. Grand duo brillant sur la
Reine de Chypre. 10
— Op. 168. Grand duo brillant sur
Charles VI. 10
LOUIS. Op. 137. Fantaisie héroïque
sur Charles VI. 10
PANOFK A. Mosaïque de Charles VI, en
2 suites. Chaque. 9
THALBERG et PANOFK A. Op. 49. Gr.
duo brillant sur des motifs de
Béatrice di Tenda , de Bellini. 10
Piano et Violoncelle.
DOTZAUER. Adélaïde de Beethoven ,
la Rose de Spuhr, la Sérénade
de F. Schubert, en 2 livres. Ch.
HELLER et LEE. 12 Pensées frigitivcs.
N. 1. Passé.
2 Souvenir.
3. Romance.
Lied.
9. Inquiétude. S
10. Prière pen-
dant l'o-
rage. 5
ll.lntèrmezzo.5
12. Presto ca-
pricioso. 5
3. Agitato.
6. Adieu.
7. Rêverie,
8. Caprice.
MENDELSSOHN.Op. 19.Six romances
sans paroles. 1" livre.
— Op. 30. M. 2e livre.
LEE. Op. 52. Grande Fantaisie sur
Charles VI , avec ace. de piano. 7 50
KALKBRENNER et LEE. Grand duo
sur les Huguenots. 9
— /(/. la Juive. 10
— /(/. la Favorite. 10
— Id. la Reine de Chypre. 10
— M. Charles VI. 10
THALBEUG et LEE. Grand duo sur les
Huguenots. 10
— Gr. duo sur Benlrlce di Teiida. 10
WOLFFctBATTA. Duo sur la Favorite. 9
— Id. la Reinede Chvpre. 9
WOLFF et LEE. W. Uohert-lc-Diable. 10
Piano et S''lùte.
GREGOIRE et VIEUXTEMPS. Fantai-
sie surlegr. duo des Huguenots. 10
KALKBRENNER et WALCKIERS.
— Op. 164. Grand diio sur la Juive. 10
— 166. Id. sur la Favorite. 10
— 167. Id. SurlaReinedeChypre.lO
— 167. Jd. sur Charles VI. 10
WOLFF et WALCKIERS. Grand duo
sur la Favorite. 10
— Id. ■sur la Reine de Chvpre. 10
THALBERG et WALCKIERS. Duo sur
les Huguenots. 10
sur Béatrice di Tetido. 10
Violon.
E!\NST. Op. 19. Le Carnaval de Venise,
23 variations burlesques , avec
accompagnement de piano ou
quatuor. 9 •
— Op.'20 Intioductionet caprice sur
le Pirate, avec accompagne-
mrnl de piano. 9 >
GUICH A R D. Ecole d u violon ; nouvelle
méthode complète. 23 •
ONSI.OW. 34e Quatuor pour deux vio-
lons, alto et basse. 15 »
PaNOFKA. Op. 38. Grande scène dra-
matique, avec ace. de piano. 7 50
— 40. Grande valse de bravoure. 7 50
I/ouverture cl les airs de Charles VI
en quatuor pour 2 violons, alto et
basse , pour 2 violons et pour vio-
lon scitl.
Flûte.
WALCKIERS. Op. 8-2. Fantaisie sur
Charles VI , avec accompagne-
ment de piano-
fj'ouverture et les airs de Charles VI
en quatuor pour fli'tle, violon, alto
et basse, pour 2 flûtes et pour flûte
seule.
Cornet il Pistons.
GUICIIARD. Airs de Cliarles VI pour
2 cornets, 2 suites. Chaque.
Les mèmiîs pour cornet seul. 7 30
SCHILTZ. Vive le plaisir! 100 mélodies
et airs favoris des opéras célè-
bres de Meyerbeer, Halévy , Do-
nizeiti , Weber, Spohr et Mozart
pour carnet seul. 4 suites. Ch.
— Amusons-nous. 100 morceaux favo-
ris de Meyerbeer, Rossini , Ha-
lévy , Donizetli , Mozart, We-
ber, etc., pour cornet seul. 4
suites. Chaque.
— Les Plaisirs du cornetiste. Cent
duos ]iour 2 cornets à pistons.
4 suiles. Cha pie. 7 30
SIi!*SOILLIEZ. Douze ipiatuors pour 4
cornets à pistons sur Robert. 9 1
Collection des Duos progressifs.
SCHILTZ. Op. 1 1 0. 1 er livre. 6 duos très
faciles. 7 50
— Op. m. 2e livre. 6 duos, 51= force. 7 50
— 112. 3e livre. 5 grands duos,
2« force. 7 SO
— Op. 113. 4e livre. 5 grands duos,
2e force. 7 50
— Op. 1 14. 5" Uvre. 5 grands duos,
l'e force. 7 59
— Op. 115. 6e livre. 5 grands duos
1" force. 7 30
Paris.— Imp. de Bourgogne et tVlailinet, rue Jacob, 3o.
Pour Paris : un an , 30 fr. ; six mois, 15 fr. — Annonces : 50 c. la ligne de 28 lettres — Départements : un an , 34 fr. Etranger, 38 fr.
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Ptei'eeissamt l&MS tes SShaimMcSies.
IL SERA JOIXT A CHAQUE NUMÉRO UIV DESSIN INÉDIT DE GAVARXI.
Le i" et Ec IS de cliaciiic mois on recevra on morecati de masiqne»
SOMMAIRE. Conservatoire royal de musique et de déclamation :
Exercice dramatique et lyrique; parPACL SMITIl. — Coup d'oeil
musical sur les concerts de la semaine et de la saison. — Revue
critique; par G. KASTNER. — A la mémoire de Berton;par
ANTOIVI DESCHAMPS. — Nouvelles. — Annonces.
IL SIGIVOR SMORFIO. Dessin de Gavarni.
CONSERVATOIRE ROYAL DE MSIftUE ET DE DÉCIAMATION.
EXERCICE DRAMATIQUE ET LÏRIQLE.
e programme se
composait de la pe-
tite comédie d'A.
Duval , les Héri-
tiers , du second
acte des Noces de
Figaro , de Mozart , de fragments d'Ar-
mide, de Gluck. Pas de tragédie cette
fois, comme si le Conservatoire eût
voulu faire une allusion polie au repos forcé
que garde ]>]"'= Rachel, la grande tragédienne.
La comédie n'offrait pas de diûcultés trop sé-
rieuses à des élèves qui ont pu souvent la
voir jouer par leurs maîtres, et se former à
leur exemple encore mieux qu'à leurs leçons, car
l'exemple est et sera toujours le plus efficace des
enseignements. Voilà pourquoi mon indulgence
pleine et entière était d'avance acquise aux jeunes
gens courageux qui allaient affronter les terribles écueiis de
la musique de Mozart , et surtout de celle de Gluck. J'aurais
autant aimé voir partir pour les brûlants déserts de l'Afrique
de téméraires voyageurs qui n'auraient pas même eu le temps
de jeter un coup d'œil sur la carte générale du pays.
Certes , je n'ai pas la moindre envie de contester l'utilité
des études classiques pour former de bous musiciens, de vrais
artistes; j'irai même, si l'on veut, jusqu'à l'archéologie la
p; ■s reculée, mais ce sera sous certaines réserves. Je me de-
maiide si ce n'est pas exiger beaucoup d'élèves dont la plu-
part ne comptent pas deux années de classes que de leur impo-
ser l'interprétation d'ouvrages admirables, il est vrai, mais
qui s'éloignent tout-à-fait des habitudes actuelles. Ce qu'il y
a de plus aisé pour tout le monde, c'est de parler la langue de
son temps , c'est de comprendre et d'exprimer les idées qui
sont à l'ordre du jour. En musique, cela est encore plus vrai
qu'en littérature et en poésie. Un jeune homme, une jeune
personne découvrent qu'ils ont une belle voix et viennent au
Conservatoire pour apprendre à s'en servir; ils ont lu le nom
de Gluck écrit en lettres d'or sur quelque toile de théâtre ; ils
ont même passé devant sa statue , mais où ont-ils entendu sa
musique? on ne l'exécute nulle part. Leurs maîtres leur disent
que cette musique est sublime, et je suis sûr qu'il y en a beau-
coup qui ont de la peine à le croire. Faites lire à un jeune
collégien une page de Montaigne ou de Saint-Simon , il trou-
vera leur style détestable. Ce n'est pas tout : on les oblige ,
non seulement à admirer, mais à rendre admirablement des
beautés dont ils n'ont pas la conscience intime. Il faut con-
venir que la tâche n'est pas commode , et que leurs maîtres
eux-mêmes , tout pénétrés qu'ils sont d'une foi vive et ro-
buste, ne s'en tireraient pas sans danger.
La musique de Mozart est bien moins effrayante que celle
de Gluck. Quoiqu'il n'y ait que huit ans d'intervalle entre
la composition d'Armide et celle des Noces de Figaro , il y
en a cinquante entre les deux manières ainsi qu'entre les
procédés d'exécution qu'elles nécessitent. Un chanteur né
d'hier n'a pas besoin d'éducation préalable pour aborder Mo-
zart; tandis que, pour remonter jusqu'à Gluck, illui faudra
de longues préparations. La seule chose qui rende Mozart
difficile , c'est que rien n'y est écrit précisément et unique-
BUREAUX D'ABONTIVEMENT, B.1TE RICHELIEU, 97.
158
REVUE ET GAZETTE MUSICAUE
ment en vue de l'effet : tout y est d'expression et de scène
comme dans les productions de l'an aux époques où le goût
n'est pasencore blasé. Quoi de plus contraire à notre
système d'aujourd'hui que l'air de la comtesse au se-
cond acte , que le petit duo de Suzanne et de Chérubin , se
terminant sans un trait, sans une note , qui mette l'auditoire
en disposition d'applaudir ? Dans la fameuse romance , Mon
cœur soupire, on peut enlever des bravos, mais à quel prix?
en se condamnant à l'abstinence la plus sévère de toute fio-
riture et agrément de même espèce. Le finale est un incom-
parable morceau, composé par le maître de telle façon que le
talent des chanteurs n'y puisse servir qu'à mettre en relief
son propre génie.
Au Conservatoire, ce finale a été rendu avec un ensemble
très satisfaisant par tous les élèves qui avaient un rôle dans
la pièce, MM. Chaix, Gassier, Guignot, Montauriol, Garcin-
Brunet; M"" Mondutaigny, Morize, Duval, Leclerc, qui
jouaient les rôles du comte Almaviva, de Figaro, de Bartholo,
de Basile , d'Antonio, de la comtesse , de Chérubin , de Su-
zanne et de Marceline, en dépit des affreuses paroles soi-di-
sant françaises que la traduction les contraignait de broyer à
grand renfort de lèvres et de mâchoires. M"° Duval a péché
par excès d'intention en chantant la romance , et elle a trop
oublié qu'au fond le page sentimental est un mauvais sujet
et un hypocrite. Si l'on n'avait entendu M"' Morize que dans
le petit duo, dit de la fenêtre , on ne se douterait pas qu'elle
possède une des plus charmantes voix de l'école. Son débit et
ses allures ont quelque chose d'un peu commun , mais il y a
aussi de la verve et de l'à-propos. Je lui conseille, ainsi, qu'à
M"° Mondutaigny , de faire grande attention à sa manière de
chanter.
Même recommandation à M"" Beaussire, qui jouait le rôle
d'Armide , et qui n'a pas l'air de se douter des premiers prin-
cipes de la locomotion théâtrale. M°" Beaussire est douée
d'une très jolie figure et d'une très belle voix. Nous la verrons
bientôt à l'Opéra , sans doute , mais dans un tout autre per-
sonnage que l'enchanteresse, qui est évidemment au-dessus
de ses forces , comme celui de Renaud dépasse celles de Ma-
thieu , qui n'est pas encore parvenu à mettre ses bras et ses
jambes en rapport avec sa voix; comme celui de la Haine
écrase M'"' Moisson , qui crie au lieu de chanter, et diminue
le volume de sa voix en voulant le grossir outre mesure. Ce
qu'il y a eu d'admirablement rendu dans ces fragments, d'un
immortel chef-d'œuvre , ce sont les chœurs , dans lesquels ,
ainsi que dans l'orchestre , éclatait une verve juvénile, con-
tenue et réglée dans ses plus fougueux élans. Pour la pre-
mière fois , Habeneck avait repris son archet magistral qu'il
agitait tantôt de sa main droite , encore faible et souffrante ,
tantôt de sa main gauche , et qu'il déposait de temps en temps
quand la fatigue se faisait trop sentir.
Ceux qui viennent aux exercices du Conservatoire ne doi-
vent pas oublier qu'ils sont dans une école et non dans un
théâtre. Les élèves eux-mêmes doivent se souvenir qu'ils sont
des élèves, et c'est peut-être ce qu'ils se rappellent le moins.
Il nous revient quelquefois d'étranges nouvelles de ces artistes
en herbe , dont l'amour-propre grandit plus vite que le talent.
Jeunes gens , jeunes gens , prenez garde ! on cultive , on en-
courage, on caresse en vous des espérances, et l'on ne vous
en demande pas plus ; mais le public vous demandera du ta-
chose , et si vous ne lui montrez que des prétentions , autre
gueil, le sifflet en fera justice! Vous rêvez des millions , des
châteaux , des voitures , et vous aurez un pauvre engagement
de province, avec banqueroute au bout de trois mois !
Pour le prochain exercice du Conservatoire , on annonce
le Comte Ory; c'est un choix excellent qui fera une diversions
utile aux études de musique rétrospective.
Paul Smith.
SUR
I.XS CONCERTS DE I.A SEMAim: ET BE IiA SAISON.
els que les Dots de l'Océan qui reviennent
sans cesse battre et rebattre encore, mais sans
intensité , sans fureur, le rivage après la tem-
pête , ou tels que les sanglots de ces enfants
qui ont été la proie d'un violent chagrin , et
qui poussent encore de temps en temps des soupirs irrégu-
liers , les traits , les cris et les hoquets des instrumentistes et
des chanteurs s'affaiblissent par degrés, et ce n'est plus que de
loin en loin qu'ils viennent bruire à notre oreille : c'est-à-dire
que la furia musicale s'apaise , et que la saison des concerts
touche à sa fin.
Nous allons quelque Tpenstatistiquer, si l'on peut s'exprimer
ainsi , l'armée des concertants , et désigner nominativement
ceux qui ont mérité les honneurs du souvenir.
La composition largement instrumentale a eu pour repré-
sentants, cette année , MM. Onslow, Berlioz, Beaulieu, Er-
niel , Konlski et M"" Farrenc : on a regretté de ne pas voir
réapparaître M. Douay dans les manifestations de ce beau
genre musical.
Les ministres du roi des instruments ont été MM. Alard,
Herman, Dancla , Sivori, Prume, Tingry, Gold et Sainton.
Autant par esprit de justice que par esprit national, nous
pensons que le premier de ces artistes est digne de la prési-
dence de ce conseil, qui jette plus d'harmonie en Europe que
celui qui préside à nos destinées constitutionnelles.
L'instrument élégiaque , qui chante avec mélancolie , dont
la voix grave , noble et triste impressionne l'auditeur comme
une nuit d'Young ou des vers de Lamartine sur la mort de
leurs enfants, le violoncelle enfin, a eu pour interprètes cette
année MM. Batta, Séligmann, Piatti , Cossmann, Offenbach
etGarreau. Ils ontnoblement dit et chanté leurs diverses ira-
pressions.
Les chanteurs et cantatrices qu'on a entendus le plus fré-
quemment et toujours avec un nouveau plaisir, selon la for-
mule officielle , sont M"'" Gianpietro Castellan , Brambilla ,
Sabatier , Nissen , Iweins d'Hennin , Delphine Beaucé ,
Hawes , Vavasseur, Dorus , Lia Duport , MM. Lablache ,
Salvi, Ponchard, TagliaCco , Géraldy, Alexis Dupont, Ercole
Mecatii, Roger, Révial et Planque.
Les instrumentistes à vent ne se sont pas trop , ne se sont
même pas assez montrés dans cette saison de manifestations
harmoniques. MM. Klosé, Dorus, Jancourt, Vivier, sur la
clarinette, la flûte, le basson et le cor, sont à peu près les
seuls , avec la famille Distin , sur les excellents instruments
de M. Sax , qui ont donné signe de vie et de talent.
Il y a eu beaucoup d'exhibitions de musique aristocratique
parmi lesquelles il faut citer en première ligne celles dirigées
par M. le prince de la Moskowa , à qui l'on doit savoir beau-
coup de gré d'avoir exhumé, entre autres beaux morceaux
de musique classique, le chœur si pittoresque de la Bataille
de Marignan, qui a produit taut d'effet. Les soirées d'ex-
cellente musique de M"" Ungher-Sabatier, devenue artiste-
amateur, etde M°" la comtesse Peruzzi, dont nous avonsdéjà
parlé dans la Gazette musicale , ont été trèj brillantes. On
DE PARIS.
159
regrette , dans le monde musical fashionable , que la littéra-
ture et la théologie aient enlevé aux amateurs de l'harmonie
sévère et grandiose M"'° la princesse de Belgiojoso , qui en
est une des plus éloquentes interprètes.
C'est surtout la division de pianistes des deux sexes qui
s'est couverte de gloire dans les diverses batailles musicales
qui se sont livrées cet hiver et ce printemps. Il faut citer en
tête celui qui est venu le dernier, M. Liszt; puis MM. Dœh-
1er, Kontski, Halle, Cavallo, Prudent, Goria, Mathias, Al-
kan , Lacombe , Osborne , Herz , Schad , Lindsay-Sloper ; et
parmi les dames pianistes, M""" et M"" "Wartel, Polmartin,
Bonnias, Guénée,Loveday, Peruzzi, Dietz, Mattmann, Korn ,
Pierson-Bodin, Veny, Mulder, Boireaux, Krinitz, et les deux
petites merveilles Maria Borchardt et Louise Scheibel, quoi-
que , heureusement, les enfants précoces n'aient pas trop
donné cette année. Les trois cents doigts de ces trente vir-
tuoses ont opéré sur les excellents pianos de MM. Érard,
Pape , Pleyel , et plusieurs autres sur les instruments de
MM. Bernhardt, Souffleto, Kriegelstein, Montai, Rinaldi et
autres facteurs de mérite.
Parmi ces artistes qui ont montré plus ou moins d'inspi-
ration , de talent et d'individualité , qu'on nous permette de
rappeler les noms de Rubini, de Damoreau, de Vieuxtemps,
de Servais et de Thalberg, qui ne sont pas venus celte année
à Paris, et qui ont brillé par leur absence, comme dit Tacite,
dans nos solennil es musicales; on assure cependant que le
dernier vient d'arriver à Paris.
Un des derniers concerts, et qui n'a pas été le moins bril-
lant de la saison , est celui donné par M. Jacques Offenbach
dans la salle Herz , vendredi 26 du mois dernier. Ce jeune
violoncelliste, qui sait ce qu'il faut pour réveiller les sympa-
thies du gros public musical , n'a pas négligé cette fois de
plaire également aux gens délicats , aux artistes. Sa fantaisie
intitulée: Hommage à Rossini, dans laquelle il a su réunir
on ne peut plus heureusement des motifs de Guillaume Tell
et de Moïse , a produit beaucoup d'effet , surtout par la ma-
nière dont il a su amener et attaquer Y allegro de l'ouverture
du premier de ces ouvrages. Son élégie , sa musette et sa
danse bohémienne contiennent des effets divers de composi-
tion qui assurent à l'auteur de ces différents morceaux un
succès brillant dans les soirées qu'il va donner à Londres.
M. Dœhler a donné aussi, avant son départ pour Londres,
une matinée musicale fort intéressante chez M. Érard , au
bénéfice de l'association des artistes musiciens. Ces actes de
philanthropie artistique sont bien entendus de la part des vir-
tuoses exploitant la célébrité, et leur portent bonheur. L'ha-
bile pianiste a ouvert la séance par la grande sonate de Bee-
thoven pour piano seul {tit majeur, op. 53); il l'a dite avec
la netteté , le brio et la vigueur que réclame la musique du
grand maître. La Fuga di Bianca capello, mélodie de
M. ïadolini , a été chantée par M. Ciabatti , jeune Romain
amateur, dit-on, qui, dans les deux apparitions publiques
qu'il a faites à Paris, s'est fait remarquer par sa manière ex-
pressive et craintive de chanter, mais surtout par la régula-
rité noble et belle des traits de son visage. Qu'il donne un
peu d'animation à ses traits et h son chant, si cela est possi-
ble, et il y gagnera autant que le public. La charmante
M"° Sabatier a dit un air fioriturata, et l'un de ces jolis fa-
bhaux qu'elle raconte à ravir de sa voix naïve, fraîche et déli-
cieuse. M. Piatti a exécuté sur le violoncelle un solo de sa
composition plein de charmantes mélodies ; il a été aussi
généralement que justement applaudi. Le pianiste intermé-
diaire entre Thalberg et Liszt , le Lépide de ces Auguste et
Antoine du piano, Dœhler, est revenu, et a dit trois jolies ro-
mances sans paroles de sa composition : le Souvenir (sici-
lienne), la Plainte, et l'Heureux Gondolier ; 'puis il a dit une
Grande fantaisie sur la Sonnambula ; et puis trois autres
étincelles, trois autres perles musicales ayant nom : la
Truite de Heller, la Ballade, et la Tarentelle napolitaine,
dont tout concert dans lequel figure Dœhler ne peut plus se
passer.
M. Tagliafico, le chanteur infatigable de l'époque, et qui a
dévoué son âme et sa voix à tous les artistes, a chanté pour son
propre compte dans le concert qu'il a donné la semaine pas-
sée chez M. Herz, qui, lui-même, a exécuté avec M. Dœhler
un beau duo pour deux pianos. Le bénéficiaire a dit roraauces,
ballades, airs, duos et quatuor de sa voix belle et timbrée ,
de sa bonne méthode, qui lui ont valu de nombreux et vifs
applaudissements. M°'= Iweins-d'Hennin l'a secondé de sa
voix impressionnable et passionnée , M"" Sabatier de sa voix
riante et brillante^ M. Herman de son violon exp essif, et
Ponchard de sa méthode expérimentée; et tout cela s'est ter-
miné h la satisfaction générale, qui s'est fréquemment mani-
festée en bravos unanimes.
Le théâtre de l'Opéra-Comique, cédant à l'impulsion géné-
rale, a aussi voulu donner un concert, un intermède musical
qu'il a encadré entre deux opéras, et qui a été suivi d'un pas
dansé par deux époux espagnols, portant le nom assez peu
ibérien de M. et M™= Finart, Nous voudrions pouvoir dire
qu'ils ont autant brillé par leur talent chorégraphique que
par leurs costumes couverts de paillettes. Ils n'ont guère of-
fert au public qu'une repi'oduction des pas dansés par Dolo-
rès et Camprubi. La partie musicale de cet intermède a été
plus intéressante. Deux morceaux de chant à quatre voix, in-
titulés : les Gardes françaises et le Sabbat, composés par
M. Josse, ne nous ont pas paru sans intérêt. Le premier,
avec accompagnement de petite flûte et de tambour, est mo-
dulé avec assez d'originalité et d'une mélodie franche. Le
second, fort bien dit par Roger, Grignon, Audran, Laget,
doublé par quatre autres voix du lieu, appartenant à des ar-
tistes dont nous ne nous rappelons pas les noms, est accom-
pagné par des instruments de cuivre qui donnent une sorte
de couleur satanique à ce morceau, qui n'est pas sans poésie
et sans inspiration. L'accompagnement a été fort bien exécuté
par MM. Baneux père et fds, Urbin et Azimont.
M. Sainton , violoniste , dit-on , des bords de la Garonne ,
a figuré dans cet intermède d'une façon assez brillante ; il a
joué un concerto de sa composition , morceau d'une forme
classique et bien écrit pour l'instrument , et , cependant ,
d'une difficile exécution. M. Sainton a dit ensuite un air va-
rié également de sa composition , dont le thème ne manque
pas d'élégance , mais qui , par les variations , ressemble à
tous les morceaux de ce genre. Son exécution est aisée , son
archet a de l'élégance , il est très rapide et brillant ; mais il
ne tire pas un grand son de l'instrument; quant à l'intona-
tion , elle est souvent au-dessus du ton. Nous conseillons à
cet artiste de veiller à cela. Du reste , il a été généralement et
justement applaudi.
M. Duchemin-Boisjousse est aussi un professeur qui a
quitté la province pour venir enseigner les éléments de la mu-
sique aux enfants de Paris. Ce n'est peut-être pas une idée
bien neuve , bien hardie , et par conséquent bien heureuse ;
mais puisque J.-J. Rousseau a quitté la Savoie pour venir à
Paris proposer à l'Académie des sciences un nouveau système
de musique qui n'a pas été adopté , il est vrai , M. Duche-
min-Boisjousse avait bien le droit d'en faire autant. Nous
avons assisté à une séance d'enseignement musical que ce
professeur a donnée à l'Athénée de Paris , et tout ce que
iêO
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
nous pouvons dire de celte méthode, c'est que s; elle ne fait
pas avancer l'art de l'enseignement, elle ne le fera pas recu-
ler; partant, si ce n'est guère utile, c'est encore moins nui-
sible. Que de musique qui se compose et s'exécute en France
et qui n'a pas d'autre résultat!
Retiie critique.
OFFICE COMPLET DU MATIN
POUR LE SERVICE DE l'ORGUE ,
Collection de Mess.es danstousleslonsà l'usage des églises de France,
par PATRICE VAIiENTIN.
i l'orgue est le plus
noble, le plus com-
plet, le plus majes-
I tueux des instru-
ments; si nul autre
ne saurait lui être
comparé pour la variété , la richesse et la
puissance ; s'il peut à lui seul remplir les
fonctions de tout un orchestre ; s'il con-
tribue enfin pour une si large part à l'éclat et
à la solennité de nos cérémonies religieuses,
; n'est qu'à la condition de garder son carac-
tère de grandeur et sa destination primitive.
Plus il y a de sainte gravité dans ses accents,
plus ils paraîtront déplacés , nous dirons même sa-
crilèges, toutes les fois qu'ils rappelleront les plai-
sirs mondains et les frivolités de la terre. L'orgue
doit inspirer le recueillement, inviter l'âme à la
prière, la transporter, au moyen d'une harmonie expressive
et sublime , dans les hautes régions où elle sera tout en Dieu.
Cet instrument est en quelque sorle le médiateur des fidèles
auprès de la divinité; lorsqu'il a servi d'interprète aux chants
pieux où sont exprimés leurs douleurs , leurs vœux et leurs
espérances, il leur apporte d'en haut, organe digne et impo-
sant , de puissantes exhortations , de célestes accords qui sem-
blent avoir pour note fondamentale la voix même de l'Éter-
nel. Vous le voyez, son royaume n'est guère de ce monde;
laissez-lui en partage les ferventes extases et les saintes aspi-
rations, mais banissez les folles mélodies et les bruits pro-
fanes ; ne souillez pas la majesté du temple par des ressouve-
nirs de fête , en un mot ne transportez pas l'Opéra dans le
sanctuaire. Telles sont les réflexions que les gens sensés
émettent souvent de nos jours et que l'on a déjà faites dans
un temps bien antérieur à notre époque. Sans pousser le ri-
gorisme jusqu'à exiger que la musique sacrée dépouille en-
tièrement l'expression dramatique et se purifie de tout con-
tact, avec les passions humaines, on ne peut s'empêcher de
reconnaître les résultats déplorables d'un système qui com-
promet au plus haut point les destinées de l'art religieux. En
France , les organistes semblent avoir oublié et méconnu si
complètement le but auquel ils devraient tendre , qu'il n'est
presque plus permis d'entrer dans une église sans se voir
poursuivi par les airs de danse à la mode ou le motif favori
du dernier opéra. Plusieurs causes ont déterminé cette fu-
neste déviation des saines doctrines ; d'abord le mauvais goût,
puis le désir de plaire , enfin et par-dessus tout , l'ignorance.
Sans doute il serait chimérique de prétendre exiger que
chaque organiste fût un docte musicien et un habile impro-
visateur, qu'il connût toutes les ressources dés combinaisons
harmoniques, des contre-points doubles, triples, quadruples,
du style fugué et de l'emploi des différents registres de son
instrument; mais il y a plus d'un degré entre ce profond sa-
\oir et certaines connaissances élémentaires indispensables
à celui qui exerce une pareille profession. A défaut d'ins-
truction personnelle, il faut du moins prendre avis de plus
savants que soi , et M. Valentin était pénétré de cette vérité
quand il conçut le projet d'offrir aux organistes dans l'em-
barras le fruit de ses propres inspirations, de son propre tra-
vail et peut-être de ses propres veilles , quoiqu'il s'agisse de
l'Office du matin.
L'ouvrage qui porte ce titre renferme cinq messes à l'u-
sage des églises de France, tant pour les dimanches ordi-
naires que pour les grandes fêtes ; plus une collection des
principaux plain-chants et proses de l'année. L'espace nous
manque pour suivre pas à pas et analyser, numéro par nu-
méro , l'œuvre de W. Valentin. En conséquence nous n'en-
trerons "point dans les détails techniques qu'exigerait une
appréciation minutieuse, reconnaissant volontiers qu'une ana-
lyse de ce genre est difficilement applicable à un travail aussi
étendu , bien qu'en tout autre cas il vaille cent fois mieux y
recourir et mentionner à propos tel ou tel accord , telle ou
telle modulation, afin de légitimer l'éloge et de justifier !a
critique, que de s'en tenir aux formules prétentieuses et dé-
clamatoires d'une esthétique banale procédant à grand ren-
fort de points admiratifs , formules qui , le plus souvent, ne
prouvent rien si ce n'est l'arrogance d'une opinion tout ar-
bitraire.
Pour en revenir au livre de M. P. Valentin , avouons qu'il
décèle chez son auteur de grandes connaissances musicales
unies à une longue pratique de l'instrument auquel il est
destiné ; qu'on y remarque des progressions originales , une
harmonie pleine de douleur, l'habitude des développements
dans la manière fuguée , et enfin une grande abondance d'ir
dées mélodiques. A l'appui de nos éloges, nous pourrions in-
diquer au besoin de nombreux passages qui ne laisseraient
aucun doute sur les mérites de cette production. Mais après
avoir rendu justice à la valeur en quelque sorte matérielle de
l'œuvre , nous ne pensons pas qu'il soit superflu d'examiner
si le but qu'on s'était proposé a été parfaitement atteint. Voici
les termes du prospectus : « Nos églises sont transformées en
» salles de bal et de spectacle. Contredanses, valses, airs d'o-
i> péra de toute espèce, telle est la musique sacrée qu'on exé-
» cute et qu'on entend dans le saint lieu aux fêtes et diman-
» ches. Cette déplorable innovation vient de la disette des
» compositions musicales destinées à l'orgue ; il n'en existe
» aucune qui soit en rapport avec le culte en usage dans le
» nord de la France , et les sentiments religieux des popula-
» tiens de ces contrées ! etc. , etc. »
La musique de M. P. Valentin vient-elle remplir cette la-
cune? Voilà ce qu'on est en droit de vérifier. Sans doute elle
est de beaucoup préférable à tout ce qu'on exécute et ce qu'on
entend habituellement; mais réunit-elle au degré voulu ce
style sévère , ce sentiment profond, ce caractère élevé, cette
facture large qui conviennent à la véritable musique d'église?
IN 'a-t-on pas lieu de dire qu'elle est encore un peu trop coquette,
un peu trop mondaine ; qu'elle conserve une certaine saveur
de fruit défendu , et que l'amour profane , comme dans le li-
vre de Thomas A-Kempis, V Imitation de Jésus-Christ, y tient
souvent la place de l'amour divin? nous n'en voulons pour preuv e
quelen" 7 (6/8 andantino quasi allegretto) du Gloria de la
première messe en ré mineur. N'est-ce pas là, en effet, un joli
motif de contredanse, qui se prête à ravir aux balancements
voluptueux de la Poule ? — Quant aux airs d'opéra , plus d'un
DE PARIS.
161
compositeur dramatique se fût estimé heureux de trouver
dans son propre fonds quelques uns des motifs que M. Va-
lenlin a employés pour l'élévation et pour le morceau qui suit
immédiatement le Domine salvtim et Vile missa est. — Il est
si difOcile de renoncer complètement à Satan , à ses pompes
et à ses œuvres !
L'une des messes les plus remarquables , après celle en fa
majeur, est la cinquième en ré mineur et sol mineur. Nous y
avons particulièrement observé un Gloria qui est composé en
partie dans le goût de la musique imilative et descriptive.
L'auteur semble avoir eu l'intention de peindre le réveil de
la nature , le couccrt matinal où les mille voix de la création
s'unissent pour célébrer les louanges du Très-Haut. A une
phrase en accords plaqués et à un prélude brillant succède
un canon à l'octave , ou plutôt une suite d'imitations cano-
niques; probablement à cet endroit les ombres de la nuit se
dissipent, le jour vient par degré, le soleil se montre à l'ho-
rizon. En tête du N" 4 , nous lisons ces mots : Dans le genre
montagnard. C'est une sorte de pastorale en sol mineur d'un
effet agréable et pittoresque, qui prépare fort bien le N° 5.
Ce dernier morceau , tant par le rhythme que par la mélodie,
affecte la couleur des airs espagnols; s'agirait-il d'une aubade
donnée par un montagnard des Pyrénées à sa maîtresse ? Cela
ne ressemblerait pas tout-à-fait à une prière du matin; mais
après tout n'est-ce pas encore une manière d'honorer le créa-
teur que de s'enflammer pour sa créature ? Dans le N° 7 nous
trouvons un duo fort brillant confié aux registres de hautbois
et de trompette ; nous n'en cherchons point la signification ,
pour arriver plus vite au N" 8 , le plus curieux de tous ; celte
officieuse annotation : Imitant k ramage des oiseaux, nous
en fait connaître l'objet. Ce n'est rien moins qu'une volière
musicale dont les hôles gazouillent à qui mieux mieux. On
croirait entendre des artistes italiens, des chanleurs de haute
volée. La caille, le coucou, la poule et le coq, qui furent
jadis l'objet de la sollicitude du père Kircher, n'ont pu figurer
ici comme étant de trop basse extraction.
Bornant là nos commentaires , nous dirons que les autres
parties de la cinquième messe sont fort bien traitées , et que
cette composition , dont l'auteur a offert la dédicace à notre
célèbre facteur d'orgues , M. Aristide Cavaillé, présente des
qualités réelles. On ne saurait le nier, M. Patrice Valentin a
fait un pas utile vers la réforme qu'il appelle lui-même de tous
ses vœux , et nonobstant les restrictions un peu sévères que
nous nous sommes permises dans l'intérêt de son talent et
dans le but d'assurer pour l'avenir h ses vues généreuses une
réalisation plus complète, nous sommes persuadé que YOf-
fice du malin aura un grand succès, et que cet ouvrage de-
viendra le vade-mectim de tous les organistes de province.
N'oublions pas d'ajouter que la seconde partie contenant les
proses et plains-chants des principales fêtes, plus, d'excellents
conseils sur la manière de les exécuter, offre une utilité in-
contestable, aussi bien qu'une introduction indiquant les di-
vers mélanges des jeux de l'orgue. L'auteur promet sous le
titre d'Office du soir une suite à ce premier travail. Un com-
positeur aussi distingué ne peut manquer de rendre tôt ou
tard d'importants services à la musique religieuse ; mais pour
cela il ne doit point perdre de vue les chefs-d'œuvre de l'an-
cienne école d'Italie , ou les productions moins austères mais
plus sympathiques des grands maîtres allemands.
Georges Kastner.
Z la mémoire î>e ^exion.
Aui cieiix supérieurs, au sein des belles (lammes ,
Tu vas écrire enfin la musique des âmes
Avec Cherubini, MéhuI et Coïeldieu ,
Et l'auslère Lesueur, dans la cité de Dieu ;
Mais tu nous laisseras Aline et Stéphanie,
Ces deui charmantes sœurs , filles de ton génie.
Ton corps est déposé près des sacrés autels ,
Ton corps n'est plus, Berton , tes chants sont immortels 1
Antoni Descuamps.
IL SIGIVOR SMORFIO.
Dessin de Gavarnî.
Vous voyez dans il signor Smorfio le frère jumeau du gri-
macier dont la renommée fut grande à Paris pendant le der-
nier siècle , et dont nous vous avons raconté l'histoire en
vous parlant du second tome des Chansons populaires de la
France (voy. Gazette musicale , 1843, n° 36). Il signor
Smorfio ressemble à son frère par le talent plutôt q»e par la
physionomie. L'un et l'autre se servaient du même instrument
pour accompagner leur pantomime grotesque : mais ni l'un
ni l'autre ne paraissent avoir laissé de postérité. La grimace
est-elle donc un art qui se perd? ou bien a-t-elle changé
d'expression comme de but? Nous n'empêchons personne
d'adresser à l'Académie des sciences un mémoire sur ce sujet
important.
aJOITTlSlalaES.
•." Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, à l'Opéra,
Charles VI chanté par Duprez , Barroilhet , Levasseur et M»" StoKz.
*,' La représentation de la Juive , donnée lundi dernier , et celle
de la lîeine de Chypre , donnée vendredi , n'ont pas été moins pro-
ductives que brill.mtes. Les beaux jours de l'hiver sont effacés par
eeui du printemps.
".* Poullicr vient encore de chanter avec beaucoup de succès à
Rouen le rôle d'Edgard de Lucie de Lammermoor.
*." Dans la même ville, M"" Brambilla , chantant au bénéfice de
M"* Fleury , a ausM enlevé une large part de bravos , surtout à
cause de sa belle méthode.
*,* On écrit de Londres, 26 avril : Salvi avait promis son con-
cours à M. Bénédict, directeur de la musique du théâtre royal de
Drury-Lane, et il lui a tenu parole en chantant hier, dans la repré-
sentation à son bénéfice, l'air du troisième acte de Lucia. A. son en-
trée sur la scène où Duprez vient de laisser de si beaux souvenirs ,
Salvi a été salué par les applaudissements universels. Dans le réci-
tatif et à chaque phrase du laryo, des frémissements, des bravos,
des trépignements multipliés interrompaient l'habile ténor. L'air
achevé, l'enthousiasme a été porté jusqu'au délire ; d'un cri unanime
le public a demandé bis et Salvi a dû se rendre à ce vœu si flatteur.
Salvi a déjà chanté dans quelques beaux concerts. Il est demandé
par S. A. R. le prince Albert, et il sera, personne n'en doute, le
lion musical de la saison. Du reste il est faux qu'à son occasion une
espèce d'émeute ait eu lieu au Théâtre de la Reine : tout s'est borné
à la distribution d'un petit écrit à la porte et dans les escaliers du
théâtre , et bien entendu sans que l'artiste y fiit entré pour rien.
",* Les représentations données parMasset, de l'Opéra-Comique,
à Liège, sa ville natale, sont une suite de triomphes. Il a chanté
successivement dans Zampa, la Reine d'un jour, la Dame blanche
et Richard. Outre les applaudissements qu'on lui prodigue, on lui
donne des sérénades et des banquets.
*.* M. de Vatry, membre de la Chambre des députés, remplace
M. le marquis de Louvois, comme membre de la Commission spé-
ciale des théâtres royaux.
V Le grand concert historique de M. A. Méreaui aura lieu au-
jourd'hui à deux heures, au Conservatoire.
V Le comité de l'association des artistes-musiciens a pris l'initia-
tive en l'honneur de notre illustre compositeur, Berton , que la mort
vient d'enlever. Une souscription pour l'érection d'un monument à
162
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sa mémoire est ouverte chez M. Thuillier , caissier de l'association ,
et chez M. Réty, au Conservatoire.
*«* M. Antoine de Konlsliy, compositeur et pianiste, donnera dans
la Salle du Conservatoire un grand concert au bénéfice de la respec-
table veuve de l'illuslre Berton, membre de l'Inslilut. Toutes les
sommités musicales ont bien voulu promettre leur concours à cette
solennité musicale. Dimanche prochain nous annoncerons le jour et
la composition du programme, qui sera des plus attrayants.
V Les personnes qui désireraient des billets pour la loterie au
bénéfice de l'association des artistes-musiciens, dans laquelle il sera
gagné un piano à queue, neuf, d'Érard . et 1030 morceaux de mu-
sique et partitions, sont prévenues qu'il en reste encore un petit
nombre , et que le tirage aura lieu dans le courant de mai. On peut
se procurer des billets chez M. Thuillier, caissier de l'association , et
chez M. Maurice Schlesinger, 97, rue Richelieu.
",* M. Tagliafico, dont la belle voix de basse a été souvent ap-
plaudie dans nos concerts parisiens, vient d'être, dit-on, engagé
au Théâtre-Italien pour la saison prochaine.
*,♦ M"" Rossi-Caccia a continué ses brillants succès , à Lisbonne,
dans Marie Sliiart, de Donizetti. La réussite de cette partition a été
complète. Les chanteurs ont été rappelés quatre fois sur la scène.
Quant à f,l<"' Rossi-Caccia , elle a été redemandée avec enthou-
siasme, et inondée de bouquets et de couronnes.
V II est question de nommer M. Donizetti directeur du théâtre
de l'Opéra de Vienne, capitale de l'Autriche.
*/ Alexandre Batta souffre toujours de sa foulure à la main
droite ; une inflammation s'y est déclarée depuis l'inauguration de
la salle de l'Hôtel-de-Ville, où l'artiste a voulu jouer, au bénéfice de
la colonie de Petit-Bourg, malgré le conseil des médecins.
*,* A Rome il est question d'élever un monument à Palestrina; le
régénérateur sera le créateur de la musique religieuse au xvi" siècle.
*,* M"'^ Lilla Loewe, sœur de la célèbre cantatrice de ce nom , a
donné une suite de représentations au Théâtre Royal de Hanovre;
le succès qu'elle y a oblenu a décidé le directeur à lui offrir un bril-
lant engagement.
\* Belisario, opéra de Donizetti, vient de faire fiasco au théâtre de
Francfort.
•,* Le directeur du théâtre de Cologne a eu recours à un assez
singulier expédient pour peupler la salle ; il a mis les places en lote-
rie; 4,000 actions à 2 thalers{7fr. 50) ont été distribuées, et avec quel-
que chance on peut gagner un abonnement tout entier. Il est fâcheux
pour nos directeurs de province que les loteries soient prohibées
en France.
'»* Les sœurs MiianoUo ont donné plusieurs concerts à Berlin ; ces
charmants enfants ont enchanté leurs nombreux auditeurs. Les con-
structions de la nouvelle salle de spectacle s'avancent rapideînent;
on espère qu'elle pourra être livrée au public dans le courant de
l'année, et il est probable que l'ouverture aura lieu au mois d'oc-
tobre.
*,* Une troupe dramatique française a obtenu la permission de
donner quelques représentations à Madrid. |
*»• M. Offenbach, ce jeune violoncelliste qui a obtenu à Paris,
pendant tout l'hiver, des succès si brillants , vient de partir pour
Londres.
*/M. J. Raab, le meilleur compositeur de Polka, et maître de
danse à Prague, doit arriver à Paris d'ici à peu de jours; nous
connaîtrons donc enfin la véritable Polka!
*,* F. Stall, guitariste de Vienne, vient d'arriver à Paris.
*,* Castelli , un des plus aimables et des plus spirituels' poètes de
l'Allemagne, nous apprend dans un article publié parle journal les
Greiizboteti ; o Que le texte de l'opéra la Famille suisse lui a rapporté
en tout huit florins , soit dix-sept francs vingt centimes. » La Famille
suisse a fait la fortune de je ne sais combien de théâtres, et le livret
de M. Castelli a eu six éditions. Sur ce pied-là un auteur n'aurait
qu'à écrire quatre libretti d'opéra pour aller à l'hôpital.
V II se publie à Bruxelles, depuis six ans, un élégant annuaire
dramatique qui renferme sur les auteurs , les compositeurs, les ar-
tistes de théâtre et les instrume» listes des notices pleines d'intérêt
et rédigées avec autant de goùi et d'impartialité que d'esprit. Cet
ouvrage est la continuation heureuse et perfectionnée des anciens
almanachs de spectacles, qui commencèrent vers le milieu du siècle
dernier et se sont continués en France sous divers titres. Cette en-
treprise, qui eut longtemps une certaine vogue, est, si nous ne nous
trompons, abandonnée aujourd'hui. Un spirituel littérateur belge
s'en est emparé très habilement en lui donnant un nouvel attrait par
les biographies dont nous venons de parler, et qui en feront un do-
cument précieux pour l'histoire des arts à notre époque. Puisque la
Belgique contrefait si souvent nos bons livres , ce serait bien ici le
cas d'user envers elle de représailles.
C!Etta=®Eaîqstc tlépstfienieutale.
*,* Toulouse, i(i avril. — Les /'rai/iiieHW de Charles Vt ont obtenu
hier un succès complet, etdonnent l'envie de voir ce bel ouvrage non
aiTfljigi; (style d'aHiche). Les honneurs de la soirée ont été pour la
bénéficiaire, M^'RouUe, dont Odette est une des plus belles créa-
tions. Les couronnes et les bravos pleuvaient de toutes parts.
MM. Laurent, Périlhès etEspinasse ont eu part à ces derniers. L'air
national : Guerre aux tyrans! a été bissé et applaudi frénétiquement.
•„" i^'flHcy. — Au dernier concert de la Société philharmonique,
M. Michel Lévy, violoncelliste de talent, s'est fait applaudir dans la
fantaisie de Séligmann sur la Sonnambula.
".* Strasbourg. — Des actes de bienfaisance nous ont valu le 13 et
le 22 mars deux beaux concerts très suivis , dans lesquels les ama-
teurs et les artistes ont rivalisé de zèle. Dans le premier, notre vio-
loniste Schwederle a brillé dans un septuor en mi bémol de Mayse-
der et dans un andante et rondo russe de Bériot ; des variations de
Pixis sur un air du Barbier exécutées sur le piano par une amateur,
et un solo de harpe composé et exécuté par M. Stockhausen, ont en-
levé tous les suffrages ; la partie vocale n'a pas été moins brillante ,
tant par le choix des morceaux que par l'admirable talent des ama-
teurs qui ont bien voulu concourir à l'acte de bienfaisance que la Société
exerçait. Le duo de la Juive, pourdeux soprano; un aulredeZîici-esîa,
pour contralto et ténor; des chœurs d'hommes sans accompagne-
ment ; la f^cnezia et V Orgia , nocturnes pour deux voix égales , et
pour contralto et ténor; l'air de la Juive, pour ténor avec accompa-
gnement décor anglais, et un air pourmezzo soprano, de Bériot, ont
reçu des applaudissements mérités et unanimes. — Dans le second ,
donné au profit des pauvres de la Société de Saint-Vincent de Paul
et dirigé par M. Wackenlhaler, maître de chapelle et organiste delà'
cathédrale , nous avons été agréablement surpris d'abord par la pré-
sence d'un orchestre complet et nombreux, remplacé dans le précé-
dent par un quatuor et un piano, ensuite par un choix de morceaux
intéressants et nouveaux , tels qu'une ouverture â grand orchestre
très bien écrite, une scène pour voix de basse, et un impromptu pour
physharmonica , chant religieux d'enfants de chœur placés dans une
pièce voisine, et à grand orchestre, composés par M. Wackenlhaler; le
rondo d'un concerto de piano de Herz, exécuté par U"' W,; la scène
des tombeaux de Lucie, exécutée sur le violon par M. Schwederle,
composition d'Arlôt ; les variations sur l'air de la Niohé pour le piano,
par Sowinski , jouées par une amateur avec une grande supé.riorité.
Parmi les morceaux de chant , un duo pour deux voix de basse , de
Marina Faliero, chanté par les frères SchIo>Yer, un trio de Stra-
della, et la prière de Moisc à grands chœurs, ont fait le plus grand
plaisir; enfin n'oublions pas la belle ouverture d'OieroH, dont l'exé-
cution parfaite a été accueillie avec enthousiasme. Notre Académie
de chant poursuit toujours ses exercices avec une louable persévé-
rance par l'étude d'ouvrages classiques; une partie des Saisons
d'Haydn a eu son tour. Nous sommes à la fin de l'année théâtrale,
presqu'au moment où la troupe d'opéra, après quatre débuts infruc-
tueux de premiers ténors, s'était complétée par l'acquisition de
M. Maurin , jeune élève du Conservatoire de Lyon , possédant une
voix fraîche et bien agréable. Les seules nouveautés montées dans
le courant de cette année théâtrale sont : la Part du Diable , Scara-
mouche et Don Paviuale. Pour la nouvelle année théâtrale, dont
l'ouverture est fixée au 1" juin prochain , le privilège a été concédé
à M. Mutée, venant du Havre; dès lors notre théâtre restera fermé
du 1" avril au 1" juin.
Cliiroiaiqiïe étvsMtgivB.
V Londres. — On a donné au théâtre de Drury-Lane la première
représentation d'un opéra intitulé : The Bridesof F^enice [les i^i'an-
ciics de F'eHî'.se), dont le sujet semble emprunté d'un peu loin au
romande George Sand, l'Uscoque. La musique de Bénédict a eu
beaucoup de succès ; plusieursmorceauxontété bissés. On cite parmi
ceux qui sont appelés à une vogue populaire, un chœur de femmes,
Good morrow , lady fair; une ballade, Jf a lear should repose; une
chanson The smile that plays on woman's cheek ; un duo Like llie
storm now died away, etc. Les principaux chanteurs ont été rappelés
après l'ouvrage, où le compositeur a fait preuve de science, c'est
beaucoup : de conscience, c'est plus encore, et a bien mérité de l'art
et du public— Au théâtre Saint-James, M"" Albert continue ses suc-
cès dans Arthur, Seize ans après, la Dame de l'empire, etc. Elle a fait
reprendre avec quelques changements un vaudeville qui date du
commencement de ce siècle , le Procès du Fandango, ressuscité et
rajeuni comme tant d'autres vieilleries par un nouveau titre, le Pro-
cls de la Polka.
DE PARIS.
163
— Mendelssohn est attendu poDr|diriger, le 13 mai, le 4' concert de
la Société philharmonique. — Il existe à Londres une Société royale
des dames musiciennes (o//ema/e m«sicîaHs), elle va donner son
concert annuel. Quel exemple pour nos brillantes virtuoses qui n'ont
pas encore songé à former entre elles une association ! — M"" Dorus-
Gras et Staudigl vont se trouver réunis à Londres, où Thalberg doit
retourner aussi à la fin de mai. Rien ne peut donner une idée de
l'activité musicale qui règne dans la capitale de l'Angleterre pendant
cette saison, où elle commence en France à se ralentir , pour passer
pendant cinq ou six mois à un état de silence presque absolu.
— On a repris la Worma au Queen's-Thealre. Ce qui donnait un
intérêt de nouveauté à cette partition si connue, c'est que M""" Fa-
vanti, l'idole des Anglais et leur compatriote, s'était chargée du rôle
d'Adalgise. Celte physionomie douce, tendre, un peu effacée, con-
venait moins à son jeu vif et énergique que les beaux loles de Cene-
rentola et de l'Arsace de Semiramide : aussi n'a-t-elle pu y produire
le même effet, et il y a lieu de retourner en cette occasion le fameux
vers de Voltaire, et se dire : Tel brille au premier rang qui s'éclipse au
second.
— Rien de nouveau à l'Opéra-ltalien. On attend Liszt, Doebler,
Thalberg, pour les concerts aristocratique qui,serontdonnés enhon-
neur de l'empereur de toutes les Russies.
*,* Berlin. — Jl Mairimonio segreto au théàlre de Kocnigsstadt.
Les librettistes italiens du siècle dernier faisaient tout comme font
leurs successeurs : quand un drame ou un roman avait quelque part
un grand succès, ils se ruaient dessus et le travaillaient, le déchi-
quetaient et le défiguraient en en extrayant des situations musicales.
On sait que le livret du 3/alrimonio segreto n'est qu'un extrait d'une
comédie de Garrick : « Tlie clandesline mnrriage, » qui fut donné à
Drury-Lane en 1766. Le texte italien avait été traduit par Herkiols;
la traduction fut consumée par les flammes lors de l'incendie du
Théâtre royal: elle a été faite de nouveau par Cb. Lebrun. L'opéra
de Cimarosa a été représenté le 10 avril à Berlin à la grande satisfac-
tion des connaisseurs : une signora Eandini a chanté avec succès la
partie de Fidalma, dans laquelle on se rappelle sans doute avoir vu
paraître M°" Malibranà l'apogée de sa gloire.
*,* Breslatt. — La Part du Diable a été donné à notre Grand-
Théâtre avec le plus brillant succès. L'opéra de M. Thomas,/» Double
échelle , est un ouvrage assez remarquable dans la partie musicale ,
mais il exige de la part des exécutants une q^taine dose de finesse et
de prestesse, et, sous ce rapport, les exécutants laissent beaucoup à
désirer.
%* Zurich. — Notre théâfre a terminé sa saison d'hiver et restera
fermé à partir du 1" avril. Parmi les dernières pièces qui ont eu du
succès , nous citerons : la Flûte enchantée , de Mozart ; le Braconnier,
le Serment , de Mercadante, qui a été accueilli assez froidement;
les Deux archers, de Lortzing; et les Diamants de la couronne,
d'Auber.
*,* Copenhague. — Le directeur de notre Théâtre-Italien , M. More-
sini, a renoncé à son privilège. L'exploitation de l'entreprise passe
entre les mains de M»" Forconi , prima donna. Les deux dernières
représentations de la troupe ont été fort orageuses. Les engagements
expiraient le 20 avril; toutefois on s'était entendu pour jouer en-
core deux fois avant la clôture au bénéfice de MM. Tilly et Biaggi.
Les billets étaient placés, la salle commençait à se remplir, lorsque
MM. Rossi et Torri parurent sur la scène et déclarèrent qu'ils ne
joueraient pas. Là-dessus, grand esclandre, violenls articles dans les
journaux. Le lendemain soir, MM. Rossi et Torri firent des excuses
au public, et les choses en restèrent là. M""= Secci-Corsi nous quitte;
elle est engagée pour deux ans au théâtre d'Odessa.
•/ Saint-Pétersbourg. — Nous avons tous les jours des concerts
qui sont plus ou moins fréquentés selon que l'artiste bénéficiaire est
plus ou moins recommandé soit par sa renommée, soit par des pro-
tecteurs haut placés. Après les fêtes dispendieuses du carnaval, il
reste encore à la haute société des fonds suffisants pour récompenser
les virtuoses qui, la plupart, habitent notre capitale; par contre les
fournisseurs elles ouvriers sont renvoyés les mains vides. Les grands
seigneurs russes sont les plus mauvais administrateurs du monde;
ils confient leur fortune à des maîtres d'hôtel étrangers qui savent
très bien faire leurs affaires. L'Opéra allemand n'est pas en voie de
prospérité; il a passé la saison d'hiver à Moscou, où, l'année dernière,
on l'avait accueilli avec tant de bienveillance et de faveur; cette an-
née-ci, il en a été autrement. On croit généralement que les repré-
senlalions de l'Opéra allemand à Pétersbourg vont cesser. Nous sa-
vons de bonne source que trente-deux acteurs du théâtre allemand
ont été congédiés, ainsi que tout le personnel de l'Opéra allemand.
C'est la troupe italienne qui a la vogue: pendant l'hiver qui vient
de s'écouler, la salle était presque entièrement envahie par les abon-
nés, et il était très difficile au reste du public de trouver à se placer.
M"' Viardot-Garcia, MM. Rubini et Tamburini sont réengagés pour
la saison prochaine. C'est M""^ Viardot-Garcia qui est la prima donna
assoluta. Cette cantatrice est en grande faveur; ceux qui ne l'ont en-
tendue qu'à Paris, à Londres ou en Allemagne seraient bien étonnés
s'ils l'entendaient aujourd'hui. Son talent s'est développé d'une ma-
nière vraiment miraculeuse.
*," Xew-york. — Théâtre Palmo. La représentation au bénéfice
de M"' Borghèse avait attiré la plus grande foule que le théâtre ait
encore vue depuis son ouverture. Les Italiens ont eu l'heureuse idée
de donner encore trois représentations : c'est un dernier adieu au-
quel le public ne fera pas défaut, nous l'espérons. M">= Heilberg,
cantatrice qui vient de Suède, était arrivée à New- York, où elle se
proposait de donner un concert.
V Valence. — La prima donna Mugnoz remplace la segnora Man-
rochi, laquelle a rompu son engagement, parce que l'entreprise
n'apas voulu engager Rom'i avec elle. Cette compagnie lyrique pos-
sède aussi la segnora Toral, qui a laissé de brillants souvenirs au
théâtre des Capucins à Barcelonne.
*/ Madrid. — Un jeune poète et compositeur de Madrid, Rubi,
vient d'y obtenir un grand succès avec une œuvre dramatique inti-
tulée : Bandera negra [le Drapeau noir). — On s'occupe avec une grande
activité de former des chœurs pour les opéras del Circo et delaCruz,
ainsi que pour les troupes de province.— Un artiste distingué, Juan
Confortini, est engagé comme premier ténor à l'Opéra del Circo. —
Parmi les ballets où la danseuse Guy Stephan obtient la vogue , on
cite ce titre curieux pour une œuvre chorégraphique : los Imjleses
en cl Indostan ( les Anglais dans l'Inde). Se figure-t-on nos flegma-
tiques voisins traduisant leur tyrannie sanguinaire en pirouettes et
en jetés-battus?— Unanue, jeune ténor espagnol, revient se faire en-
tendre à Madrid après avoir couru la province, où il a fait de grands
progrès.
— On a entendu à la chapelle royale quelques lamentaciones com-
posées par Tedesma, chef de cet établissement. On y a exécuté aussi
les Sept paroles d'Haydn. — Le théâtre de la Cruz prépare, dit-on,
un opéra tout espagnol intitulé Dona Maria Molina. — Au moment
où il se disposait avec une troupe lyrique , composée de toute sa fa-
mille, à aller exploiter Malaga et Gibraltar, Villô-Remos vient de
mourir subitement; c'était le mari d'une cantatrice très aimée en
Espagne. — Un chanteur que nous avons entendu à Paris, Oller, est
nommé chef des chœurs au théâtre de la Cruz. — La reine-mère et sa
fille Isabelle II ont assisté dernièrement à un concert donné au
Lycée. On y a exécuté un Miserere et un Stabat Mater du maestro
Saldoni.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
Le Chirogymnasle est un assemblage Je neuf appa-
reils gymnastiques destinés à donner de V extension à
lamaiuelderécarl aux doigts à augmenter et à é^a/f-
ser leur force et à rendre le quatrième et iecinquiéme
indépendants de tous les autres. Le Chirogymnasle
Pété aussi approuvé et adopté parMM. Adam, Bertini,
ne Bciiot^ Cramer, Herz, KaUihrenner, tistz, Moschelés
Pruaifrtl. Sivon, Thalberg, Tulou, Zimmermann, etc.
(Chaque Chirogymnasle est revêtu de la signature
de ^'inventeur et se vend place de la Bourse, n° 13,
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164
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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DE LÀ THÉORIE ET DE LÀ PRATIQUE
DE
L'MARliOIfflS
PAU
F.-J. FETIS,
MAÎTRE DE CHAPELLE DU KOI DES BELGES , ET DIRECTEUR DU CONSERVATOIRE DE BRUXELLES.
Prix de souscription : DIX FRANCS, net.
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est l'ouvrage le plus complet qui ait paru jusqu'à ce jour sur l'étude de l'Harmonie.
|l0ur parottre le 20 Mai ftoc\}axn.
MORCEAUX DE CMKT DE L'OPÉRA
lAÏi£¥Y.
Paroles de M. de Saint-Georges.
Ouverture.
N: I. Cavaline chantée par M""' Sloltz.
2. Air de l'improvisateur, chanté par M. Barroilhet.
3. Duo chanté par M"" Stollz et M. Barroilhet.
i. Chanson de la Bouquetière, chantée par M"'« Dorus-Gras.
5. Duo chanté par M""" Dorus-Gras et Stoltz.
6. Trio, par MM. Barroilhet, Levasseur et M"" Dorus-Gras.
7. Couplets du baptême de la cloche, chantées par M™' Dorus-
Gras.
8. Duo chanté par M. Barroilhet et M°'« Dorus-Gras.
9. Chansonnette chantée par M"" Stoltz.
10. Duo chanté par M"" Stollz et Dorus-Gras.
11. Duo chanté par M. Barroilhet et M"' Stoltz.
1 1 bis. Cavatine extraite , chantée par M. Barroilhet.
II ter. Romance extraite, chantée par M""' Stoltz.
15. Trio chanté par MM. Levasseur, Barroilhet et M°"
Gras.
13. Couplets chantés par M""= Stoltz.
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PÏMOS A HUiT OCTAVES.
Les nombreux perfectionnements introduits par M. Pape dans la
fabrication des pianos ont apporté des améliorations importantes
dans cette branche d'industrie; l'une des plus remarquables est sans
contredit le système de mécanisme en dessus, a l'aide duquel M. Pape
est parvenu à résoudre les problèmes do réduction des formats avec
augmentation de son et de simplification des mécanismes. Plusieurs
des nouveaux instruments de M. Pape , tels que les pianos-consoles
elles pianos-tables, démontrent de la manière la plus évidente les
avantages de ce système. Ces pianos réunissent , dans la dimension
la plus réduite, une puissance et une qualité de son telles qu'aucun
piano du système ordinaire ne peut leur être comparé.
Une fois arrivé à faire de bons pianos dans de petits formats, il
devenait facile pour M. Pape de le faire dans de grandes dimen-
sions; c'est ainsi qu'il a pu porter les claviers des pianos à queue à
huit octaves en obtenant une parfaite sonorité dans toute leur éten-
due. Ces claviers prennent de !'«( le plus grave de l'orgue (32 pieds)
jusqu'au neuvième la sur-aigu, ou du/a au /a; on peut afRrmeravec
M. Fétis que l'élendue du clavier doit avoir atteint par là ses der-
nières limites. Ce nouveau perfectionnement, qui fournit tant de
ressources pourl'art, est déjà apprécié par de savants compositeurs,
et il ne tardera pas à devenir d'un usage général.
Les pianos à queue à huit octaves réunissent à une construction
simple une infinité d'autres avantages , qui sont détaillés dans des
notices explicatives contenant aussi la nomenclature des brevets de
M. Pape, et qui seront publiées incessamment.
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REVUE
GAZETTE MUSICALE
BÈDIGÉE riB
MM. ANDERS , G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, HENRI BLANCHARD,
MiUniCE BOURGES, F. DAJVJOO, DUESBERG , FÉTIS pÈre, Édouabd FÉTIS, Stephen HELLER, J. JANIN,
G. KASTNER, LISZT, J. ME1FRED , GEORGE SAND, L. RELLSTAB, PABL SMITH, A. SPECHT, etc.
JPfiraiasaMt totts tes ItimancFtea,
tt SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
Le fi'"' et lo tS de ehaijHc mois on recevra nn morceaa de musique*
SOMMAIRE. Les lutles du compositeur (deuxième article); par
J. MEIFllED. — Théâtre royal de l'Opéra-Comique ; Le Bal du
sous-préfet ( première représentation ) ; par H. BLANCHARD. —
Concert de M. Berlioz au Théâtre-Italien; par H. BERLIOZ. —
Concert historique donné par M. Mcreaux, et concert de M. Emile
Prudent ; par H. BLANCHARD. — Correspondance particulière :
Londres. — Nouvelles. — Annonces.
Rcndez-lnî son léger bateau. Dessin de Gavarni.
LES LUTTES DU COMPOSITEUR.
(Deuxième article.")
maginez un jeune homme à peine échappé de la
géhenne du collège , des agréments de la rhétori-
que, des délices de la philosophie éclectique, des
émotions des concours, et des déceptions de la
W distribution des prix : dans ses courts moments de
loisir, il a émaillé son existence toute hérissée de latin , de
grec, d'objectif et -de subjectif, des rêves sans bornes de
quelque amour idéal ; ignorant , l'écolier qu'il est , ce que
sont les passions de ce monde , et la prodigieuse distance qui
sépare l'amour naïf , rêveur, dévoué jusqu'à la folie, qu'il
nourrit dans sa tête et daus son cœur, de l'amour réel avec
ses amertumes, ses soupçons et ses mésalliances. De retour
dans la maison paternelle , il avise aa fond du jardin une pe-
tite fenêtre à double grille , à triple jalousie , et derrière ces
obstacles, une forme vague , indécise , animée par deux yeux
à la fois tristes et passionnés. Il ne lui en faut pas davantage :
toutes les puissances de son organisation se réunissent en un
faisceau briilant , et se dirigent vers l'objet inconnu ; puis ,
avec cette force d'induction si naturelle aux passions de la
jeunesse , il bâtit un roman , et un long roman , je vous as-
sure , dans lequel il fait entrer comme réalité infaillible tous
(") Voirie numéro 12.
ses rêves d'amour, de bonheur, de dévouement et de succès.
Sans doute , la belle inconnue ( elle doit être belle ) est quel-
que Rosine, tendre et passionnée , victime des plans intéres-
sés d'nn tuteur vieux et laid; sans doute elle aimera le jeune
homiiv. ! que dis-je? elle l'aime déjà! Mais les obstacles? Eh
bien , il les détruira par la force , les tournera par la ruse !
En une minute, cette fleur d'honnêteté, ce parfum de can-
deur, cette auréole de probité que chacun porte sur sou
front en entrant dans la vie , s'effaceront pour faire place à la
hardiesse d'un don Juan , à la fourbe d'un vieux diplomate :
l'amour fait de plus grands miracles. Mais , en attendant le
succès de toutes ses tentatives, que ne donnerait pas notre
brûlant adolescent, pour voir de près les traits à la fois spiri-
tuels et doux de l'objet de sa passion , ses yeux dont les feux
sont tempérés par quelque larme furlive , et surtout pour en-
tendre sa voix harmonieuse dire entre deux soupirs : OhJ
comme je t'aime!... Son sang, sa vie, son bonheur dans ce
monde , son salut dans l'autre , sa famille , son avenir, ses
rêves de fortune , d'ambition ! Non , tout cela n'est pas assez
pour payer l'ineffable jouissance de ce moment suprême.
Eh bien ! cet amoureux passionné , c'est notre jeune com-
positeur: dans les études rocailleuses de la fugue et du con-
trepoint, dans les travaux de l'école, parsemés de sujets , de
contre-sujets, de réponses, de canons, d'imitations , de
slrettes , etc. , etc. , et douze lignes d'etc. , il a rêvé qu'un
jour son génie tirerait de la forme indécise d'une harmonie
rêveuse quelques unes de ces mélodies expressives, autour
desquelles tous les cœurs viennent se grouper comme par
une irrésistible attraction ; et lorsqu'il est enfin débarrassé des
entraves scolastiques , il fixe , dans sa fougue , tous les ca-
prices de son imagination , tous les chants qu'elle lui fournit
sans choix , sans examen , sur la froide surface d'un cahier
à dix-huit portées.
Ses idées , il les aime jusqu'au déhre ! et c'est avec un
indicible amour qu'il se plaît à les vêtir d'une riche et somp- ,
BUREAUX B'ABOI^NEDIENT, RUE RICHEI.IEU , 97.
166
BJEVUE ET GAZETTE MUSICALE
tueuse harmonie , à les parer des bijoux d'une exubérante
instrumentation. Mais il ne les peut voir qu'à travers l'épais
grillage des ligues de son papier, sous la forme cabalistique
des signes de la notation ; tout au plus leur donnera-t-il uu
simulacre de vie, une existence factice en les essayant au
piano , ce squelette de l'orchestre et des voix , cette pile de
Volta du galvanisme musical ! Hélas ! ce n'est pas sous cette
forme anguleuse et froide qu'il les avait rêvées , et pour les
voir de près, pour entendre , par le secours d'habiles inter-
prètes, leur douce voix lui dire : Je t'aime comme tu m'aimes !
il sacrifierait tout ce que le compositeur sacrifie à son
œuvre!
Laissant les rêves poétiques créés par sa jeune imagination,
il entre dans la vie réelle avec une profonde conviction , une
foi robuste , une volonté à toute épreuve. Il n'a qu'un but ,
le succès, qu'un moyeu, le théâtre; et comme il sent bien
que l'emploi de la force ne servirait qu'à lui en fermer les
issues , il se jette tout entier dans les voies d'une diplomatie
cauteleuse, mille fois plus habile et plus clairvoyante que celte'
avec laquelle on parvient à gouverner des royaumes , à domi-
ner l'Europe. Richelieu, Mazarih, Talleyrand, Metteruich,
seraient des enfants en comparaison de ce jeune homme de
vingt ans, qui ne débat pas froidement les intérêts de peuples
ou de monarques , mais qui sait concentrer une immense
passion, cacher une aspiration brûlante, sous un masque im-
passible que nul regard ne saurait pénétrer.
C'est merveille de voir comme notre Machiavel lyrique va
changer sa nature primitivement franche, et même un peu
brutale, pour une nature d'emprunt, factice et composée. Le |
plus habile, le plus expérimenté d'entre les comédiens, lui j
envierait ce sourire tour à tour caressant; flatteur, appro-
bateur, ou seulement insignifiant; ce regard parfois vif,
animé, perçant, plus.souvent terne et sans direction, dont il
se sert avec une présence d'esprit incroyable, selon qu'il faut
louer ou blâmer ; et le paysan écossais lui-même , si célèbre
pour la réserve et la prudence qu'il met à ne dire que les
paroles indispensables , pourrait recevoir d'excellentes leçons
de notre futur triomphateur. Ne craignez pas que jamais il
compromette la plus légère de ses chances de succès par une
parole indiscrète , par une critique , même la mieux fondée ,
sur l'ouvrage d'un homme influent au théâtre ! Tout est bien ,
tout est bon, Pangloss ne saurait mieux dire ! Que si , d'a-
venture, le directeur d'un théâtre lyrique distingue ■parti-
culièrement l'une de ses pensionnaires , il faut admirer
comme notre jeune compositeur la trouve belle , comme il
devient passionné pour son chant, pour ses gestes, pour son
débit! M"' Mars doublée de M"" Rachel; toutes deux addi-
tionnées avec M"'' Catalani , Damoreau , Grisi, Malibran et
Sontag , forment à peine un total digne d'être comparé au
nouvel astre qui vient de se lever à l'horizon.
Et nul n'oserait le blâmer de violer ainsi sa pensée , ses
sentiments , de dérober à l'œil des curieux , des malveillants
et des rivaux, ce qui se passe dans son for intérieur. Dépen-
dant de tout le monde, il doit ménager tout le monde; ne
pouvant faire sa carrière qu'en flattant une piiis.san'ce absolue,
sans contrôle , il devient courtisan. Ainsi armé de la cuirasse
sans défaut d'une impénétrable diplor.îatie, notre jeune ar-
tiste fera le blocus de la place et tâchera de s'en rendre maî-
tre ; sa foi robuste, sa forte croyance en lui-même le soutien-
dront pendant cette longue et douloureuse stratégie. Mais au
premier pas qu'il voudra faire dans la carrière, il sentira la
froide main de l'isolement se placer sur son épaule d'un geste
familier; il verra clairement que rien ne lui est encore possi-
ble, car il ne tient à rien : ses amis ne sont que des camarades.
aussi impuissants que lui et courant d'ailleurs la même voie ;
ses parents ne sont ni riches ni répandus; ils fondent le plus
clair de leurs espérances sur son talent, sur son avenir. Et
si, passez-moi la parenthèse, le mot de M"" Staël : « Pour le
» génie , les barrières sont des appuis , » est une vérité , il
faut convenir que les familles des jeunes artistes sont les plus
fermes appuis qu'on puisse imaginer. Notre compositeur ne
peut donc compter ni sur ses parents ni sur ses amis. Il n'a
plus de relations , pas de coterie , et le besoin de s'entourer
devient son idée fixe, sa passion dominante. Par tous les
moyens, il' cherche à entrer dans le monde des salons, et en-
fin, iii'eçoiC, après bien des efforts, la lettre d'invitation qui
lui ouvre les portes de cette société privilégiée dont il veut,
dans son ambition , faire le premier échelon qui doit le con-
duire an succès.
I.
Xi'eiitfrëe d'ans le laaonde.
Enfin, après un nombre infini de tentatives avortées, de dé-
marches vaines, d'essais infructueux, notre ambitieux fait sooi
entrée dans cette société de convention qu'on appelle le
monde , et il la fait par la bonne porte. Déjà très habile dans
l'art de discerner ce qui peut le servir d'une manière efficace,
il a vu, avec cette lucidité qu'une sensibilité très vive déve-
loppe chez le véritable artiste, que d'un bon commencement
dépend un bel avenir. Puis observant que malgré le prosaïsme
de notre benoite époque , le protectorat est encore une des
prétentions des personnes haut placées , il cherche à se faire
protéger, et accepte avec reconnaissance , mais non sans pro-
lester à part lui , la singulière mission de représenter abso-
lument et sans partage la composition musicale dans un salon
d'élite.
Chaudement recommandé par le maître et surtout par la
maîtresse de la maison, sa première apparition est entourée
de toutes ces questions bienveillantes, de toutes ces adorables
cajoleries, de ces paroles d'espérance, de ces prophéties de
niais, dont les gens d'une certaine éducation n'ont pas en-
core pendu le secret,, et son cœur s'épanouit doucement à ce
murmure si harmonieux pour son amour-propre. Sa musi-
que, chantée con amore par de belles et nobles personnes ,
douées de voix fraîches et pures , et pour le moins aussi bonnes
musiciennes que beaucoup de cantatrices de profession, est
religieusement écoulée, applaudie avecfureiu-. Dans une soi-
rée, il est devenu l'oracle, le maître de chapelle et l'ordonna-
teur de3 fêtes musicales de la maison, et s'il touche du piano,
l'engouement dont il est l'objet croîtra jusqu'au délire, car
il fera danser avec une complaisance sans bornes cette bril-
lante jeunesse qui a si bien accueilli sa musique, et qui,
disons-le franchement, aime autant l'applaudir avec les pieds
qu'avec les mains.
Mais la cruelle nécessité de se prêter avec le sourire sur les
lèvres aux plaisirs des invités n'est pas la seule charge de
la nouvelle position du jeune compositeur; de tous les côtés
vont lui pleuvoir des vers (et quels vers !) échappés à la verve
de ses nouvelles connaissances, qu'il lui faudra mettre en
musique. 11 devra s'évertuer à faire venir des artistes exécu-
tants pour les grandes solennités; il écrira des cantiques à
trois voix pour la vieille marquise, des valses pour la jeune,
des fadeurs pour sa fille, des polkas pour les habiles danseurs,
des airs variés pour les pianistes, et même , triste sort ! il sera
chargé , par une duchesse chrétienne et philanthrope , de la
direction musicale des séances de quelque œuvre de charité,
ou du mois de Marie, dans une église bien obscure. Joignez
à cela les cartes de visites à remettre, les dames à reconduire
DE PARIS.
167
à l'issue des soirées et des bals , le chapitre des habits , des
gants, du vernis, et autres menues dépenses qui écrasent son
modique budget (nous supposons qu'il a un budget), et ju-
gez si l'infortuné paie avec usure la protection qu'on lui laisse
espérer.
El cet affreux métier, il faut qu'il le fasse, non dans une
seule maison, mais dans plusieurs; on se l'arrache, et c'est là
son succès... Mais du même coup on lui arrache son temps ,
sa force; plus d'heures pour la méditaiion solitaire, plus
d'instants pour la poétique recherche du beau. Que si , par
fortune, l'inspiration frappe doucement à la porte , il faut
qu'elle attende son tour d'audience , et la fée impatiente re-
gagne le ciel à tire d'ailes, ne voulant rien avoir à démêler
avec toutes ces duchesses , comtesses et marquises qu'elle ne
connaît pas, et qui peut-être ne la voudraient pas recevoir.
Pour prix de tant de soins, en échange de tant de supplices,
le jeune compositeur obtient enfin de puissantes recomman-
dations, et, tremblant de crainte et d'espérance, il va sollici-
ter d'un directeur ce qu'on appelle en langage technique tme
audition, ce qui signifie une répétition d'essai, dans laquelle
les exécutants, mal préparés, n'entendent pas ce qu'on veut
qu'ils expriment , et oii les auditeurs chargés de décider du
mérite de l'œuvre daignent à peine écouter ce qu'on veut
leur faire ouïr.
J. Meifked.
( La suite à un prochain numéro. )
THEATRE ROYAL DE L'OPERA-COMIQUE.
LE BAL DU SOUS-PRÉFET.
Librettode MM. Paul Duport et Saint-Hilaire;
partition de .M. Boilly.
(Première représentation.)
es travers, les ridicules des habitants de la
province , que , le premier. Picard à si bien
observés et stéréotypés dans sa charmante co-
^^ médîe de la Petite ville, font le sujet de l'opéra-
comique en un acte représenté mercredi passé
au thealie Favart. Ce fonds est inépuisable et toujours amu-
sant , car le chapitre des cancans tient la plus large place dans
la vie départementale. Joignant à ce genre de comique la
surdité simulée, employée avec tant de bonheur par Desfor-
ges dans sa comédie intitulée le Sourd ou l'Auberge pleine ,
et tout cela arrangé avec l'esprit, la connaissance de la scène
que possèdent si bien MM. Paul Duport et Saint-Hilaire, il
en est résulté un petit acte agréable, qui devait d'abord s'ap-
peler le Jabot , et qui s'est naturalisé à l'Opéra-Comique
sous le titre du Bal chez le sons-préfet.
Un vieux garçon , rentier , désire se marier , et pour cela
faire, il s'adresse au receveur dos domaines delà ville de
Meaux , premier cancanier de France et de Navarre qu'on ne
trouve jamais à son bureau , attendu qu'il a élu domicile chez
M"'" Mairet ou Moiré , marchande de modes , ayant pour la
représenter une demoiselle de boutique digne du receveur
pour médire du prochain.
Le rentier , que son ami fait passer pour sourd afin de lui
fournir les occasions d'étudier les caractères des demoiselles
qu'il veut épouser, ébauche deux ou trois mariages, et a le
bonheur d'échapper au joug de l'hymen que subit avec joie
et plaisir une de ses prétendues , M"" Agathe, si nous ne
nous trompons de nom, avec M. Alfred, jeune commis voya-
geur qui était venu faire l'article commercial dans la ville de
Meaux.
Cette petite aciion , suffisamment fournie de scènes comi-
ques et de mots spirituels, a tenu en^haleine le public, qui a ri
et applaudi. Que diable pouvait-on exiger de plus de sa part?
Il s'est montré bon prince même en associant au succès , dont
il dotait les paroles, la musique de M. Boilly, ancien lauréat
de l'Institut qui a dormi un peu longtemps sur sa couronne
de laurier , croyant sans doute , comme la plupart des grands
pris de Rome , qu'il pouvait se reposer sur ses lauriers. Ces
lauriers que l'on obtient trop souvent par des sollicitations
de famille, par suite de conventions, de concessions de pro-
fesseurs à professeurs qui doivent fournir à tour de rôle leur
contingent de premier prix , ces lauriers se fanent, tombent
en poudre, ou en romances, quand un lauréat veut bien com-
poser en ce petit genre , et prouvent qu'ils sont plus utiles et
d'un meilleur goût en sauce , ou autour d'un jambon, qu'au-
tour de la tête d'un compositeur médiocre... Nous ne plar
çons pas M. Boilly dans cette catégorie; mais nous croyons
bon de protester contre cette complaisance académique, pour
nous servir d'un mot bienveillant, qui proclame régulière-
ment tous les ans , par ce complément pompeux d'éducation
musicale insuffisante , un compositeur soi-disant d'avenir.
La musique de M. Boilly est facile et scénique ; elle est
assez dans la manière d'HéroId, moins la distinction et la
mélodie si bien accusée en tous ses ouvrages par l'auteur de
Marie et du Pré-aux-Clercs. C'est dans cette partie si es-
sentielle de l'art musical qu'est l'infirmité de l'école actuelle.
L'instrumentation est assez bien maniée dans l'ouverture : ce
morceau a de la vivacité , de l'entrain ; et un duo chanté par
M"° Prévost et Grignon nous a paru d'un bon style drama-
tique. Nous pensons que la romance mystique , dite par
M"° Boulanger, aura disparu à la seconde représentation.
Avec cette coupure , et quelques autres encore , l'ouvrage
prendra droit de bourgeoisie à l'Opéra-Comique et sera
entendu avec plaisir. Bien des auteurs ne débutent pas au
théâtre aussi heureusement.
Henri Blanchard.
AU THiÉATIlE-lTALIEN.
^'^ '^ e ne puis pas souf-
frir cet homrae-là!
c'est un des carac-
tères les plus mal
faits, un des esprits
les plus mal venus,
'"i'C^A"'"" des imaginations les plus absurdes
M^T^ qu'on puisse rencontrerdans notre monde
si clair-semé de bons esprits, de caractères
heureux et d'imaginations riantes. Et c'est
précisément moi qu'on vient choisir pour
écrire sur lui. — Faites, faites, me dit-on, cela
sera agréable à celui-ci , désagréable à celui-
là, et d'autant plus original que vous vous ap-
pelez comme lui. On croira qu'il a rendu compte
lui-même de son concert, on glosera, on disputera,
c'est tout ce qu'il faut. — Très bien ! à merveille!
il ne dépendrait dinc quede moi d'en dire un bien
immense pour le compromettre et le couvrir de ridicule.
Mais comme il y a des gens assez simples pour prendre mes
les
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
éloges au sérieux et que d'aulre part je ne puis en dire Ijeau-
coup de mal, puisque je viens de le déclarer un être à moi
profondément antipathique, je n'ai rien de mieux h faire que
de n'en pas parler du tout. Liszt jouait à ce concert , il jouait
le concerto de "Weber avec orchestre , sa fantaisie sur Don
Juan , le Bal de la symphonie Fantastique , et ses Mélodies
hongroises. Grand enthousiasme, grands applaudissements du
public et de l'orchestre, cela se devine. Mais on ne saurait
vraiment rien deviner au sujet de la manière dont Liszt a
rendu l'admirable et charmant concerto de AVeber ; il n'y a
de points de comparaison dans le jeu d'aucun autre virtuose
pour donner une idée de cette prestesse, de cette grâce, unies
à tant de grandeur, de force et de puissante sonorité ! c'est la
flèche qui vole , c'est l'éclair qui fracasse , c'est l'étincelle
diamantée d'une noire prunelle qui brille et frappe le cœur !
Et quelles ravissantes coquetteries entre le piano et l'or-
chestre ! le premier se faisant petit et modeste parfois pour
grandir ensuite, enlacer le second, le dominer, l'étrcindre,
le submerger sous un déluge de perles harmonieuses ! Pauvre
Weber ! n'avoir pu entendre un de ses chefs-d'œuvre exé-
cuté de cette façon !
Quant au morceau sur Dun Juan et aux mélodies hon-
groises, tout a été dit, je crois; et je ne puis que répéter à
leur sujet les expressions admiratives de nos confrères de la
grande et delà petite presse. .l'ajouterai seulement qu'on n'a
pas fait assez ressortir les inventions de toute espèce que con-
tiennent ces morceaux au point de vue de la composition et
du mécanisme. Ce sont des œuvres que les harmonisles au-
ront à étudier tout autant que les pianistes; et pour ne citer
qu'un seul passage pris au hasard, je prierai les savants de
médire si l'on avait entendu quelque part auparavant, et
avec un pareil effet , la seconde note du ton altérée , placée
dans la basse et répétée aussi souvent sans rien ôter de sa
foice à la tonalité. Cette harmonie est magnifique et d'un ca-
raciùre entièrement neuf.
Liszt , en exécutant après l'orchestre le Bal de la sympho-
nia Fantastique, a fait un tour de force , non point dans le
sens qu'on pourrait le croire , c'est-à-dire en obtenant du-
piiiiio des masses de sons orchestrales, mais en chantant les
mciodies avec une grâce, un abandon, un voluptueux ca-
price que l'orchestre le plus souple, le plus exercé, le plus
un dans sa complexité ne pourra jamais atteindre. Une autre
luite non moins curieuse a été celle de Dœhler contre Liszt
au duo ûnal, l'Hexameron. Dire que Dœhler l'a soutenue
vaillamment, n'est-ce pas faire de son talent un éloge qui
(.dispense de tout autre?
W' Zerr n'était point encore connue à Paris; elle ne pou-
vait trouver une occasion plus belle ni plus solennelle de s'y
produire. Elle a figuré seule cantatrice dans ce concert, où
elle s'est fait entendre trois fois avec succès. On a donc pu
étudier à loisir sa voix et sa méthode. Sa voix est pure et éten-
due , sans avoir une très grande force ; M"' Zerr a du goût ,
sa vocalisation ne manque pas d'agilité , son style est sobre
d'ornements. On l'a applaudie dans un air italien composé
par Ch. Bériot pour M"" Viardot. Le lied de Lachner, très
bien accompagné sur le violoncelle par M . Cossmann , a laissé
l'auditoire un peu froid. La raison en est sans doute dans
l'impossibilité où se trouvait un auditoire français d'apprécier
!(• mérite d'expression d'une œuvre de cette nature chantée
(il langue allemande. L'air d'Agathe du Freyschûtz était éga-
lement chanté en allemand, il est vrai ; mais tout le monde
connaît le sujet de celte scène immortelle, et il a été facile
de reconnaître le sentiment avec lequel la cantatrice a su la
rendre.
Maintenant parlons de l'orchestre , de ce malheureux or-
chestre que M. Berlioz brise, tord, souffle, gonde et crève de
tant de déplorables façons. Il était composé de l'élite des
instrumentistes de Paris, formant un total de soixante-dix
instruments à cordes, avec tous les instruments 'a vent grou-
pés par quatre , savoir : k (lûtes , k hautbois , h clarinettes ,
h bassons, k cors, k trompettes, k trombones, plus k instru-
ments de percussion, 2 cornets à pistons, 2 harpes et 1 ophi-
cléide.
Je crois fermement que cet orchestre est le plus admirable
qu'on puisse trouver en Europe; c'est celui que l'impitoyable
compositeur s'est plu à torturer depuis dix ans dans ses con-
certs du Conservatoire, en le façonnant aux mille extrava-
gants caprices de ses œuvres bizarres et que diverses causes,
existant dans l'hiver seulement, ne lui permettent pas tou-
jours de réunir intégralement. Cette fois il était au grand
complet et sans mélange ; on y trouvait la fleur de nos jeunes
violons conduits par ïilmant l'aîné, des violoncelles et des
contrebasses ayant en tête de colonne MM. Desmarest, Che-
villard, Tilmaut jeune, Rignaut, Durier. Pourlesiustrumenls
à vent , il faudrait les citer tous ; les instruments de cuivre
surtout n'ont pas de rivaux. Ils sont à la fois énergiques et
agiles, ils ont une sonorité puissante , mais pure et belle, et
leur ensemble est fort sans rudesse, et ne laisse rien à désirer
pour la justesse ni la précision. L'entrée des trombones et
ophicléides AiXii l'introduction de l'ouverture des Francs-
Juges a été rendue d'une manière admirable: c'était bien là
le caractère de majesté terrible du tribunal secret. Les vio-
lons auraient besoin de travailler encore avec soin, pour l'u-
niformité des coups d'archet , le thème en fa mineur de
l'allégro de cette ouverture. Ils excellent dans tout le reste.
M. Veny a joué avec un sentiment et un goût exquis le
solo de cor anglais du Carnaval romain. MM. Dufresne et
Forestier ont largement chanté le thème de i'inlroduction
d'Ilarold; mais les instruments de cuivre, cornets et trom-
bones n'ont éclaté nulle part avec autant de fougue que dans
l'orgie qui termine celte symphonie. Ce morceau, le plus dif-
ficile peutêlre qui existe pour l'orchestre, à cause du style
chromatique dans lequel certains traits sont écrits, des ca-
prices du rhythme , de la violence et de la soudaineté des ac-
cents, a été dit comme il ne le fut jamais. L'orchestre s'y est
montré sans peur et sans reproche.
M. Berlioz doit une grande reconnaissance à son alto solo ,
à M. Urhan, qui, toujours fidèle, toujours attentif et soigneux,
donne aussi toujours à cette partie fort difficile tant de mé-
lancolique poésie , un coloris si doux , une rêverie si reli-
gieuse.
Quant à lui, quant à M. Berlioz chef d'orchestre, il a tou-
jours l'air de mauvaise humeur, et nous avons vu le moment
où il allait jeter son bâton à la tête de deux dames , fort res-
pectables cependant, qui causaient assez haut dans une se-
conde loge d'avant-scène pendant l'exécution de la Marche
des Pèlerins. Ne voilà t-il pas en effet un beau sujet de co-
lère! et peut-on exiger d'une salle entière une attention ab-
solue quand il ne s'agit pas d'écouter un ballet? Il y avait
en outre plus de dix minutes que ces bonnes dames n'avaient
rien dit, et le silence élait profond partout ailleurs.
Le théâtre , hermétiquement fermé par une décoration
double de châssis appliqués l'un sur l'autre, élait fort bien
disposé pour l'aspect et la sonorité. En somme, c'est une
splciidide soirée où tout le monde a dû trouver son compte ,
les artistes, le public, les auditeurs attentifs, les vieilles fem-
mes bavardes et les marchandes de fleurs.
Quant aux compositions de mon ennemi intime , j'ai déjà
DE PARIS.
169
dit que je n'en dirais rien. Cependant. .. Eh bien , non ! tant
pis, que le diable l'emporte!
H. Berlioz.
donné par Tfl. Amédée Méreaux,
AU BÉNÉFICE DE L'ASSOCIATION DES ARTISTES-MUSICIEKS.
I n'est pas si facile qu'on croit de faire de la
w philanthropie par le temps d'égoïsme et devanilé
■■^^qui court: on se persuade difficilement qu'un
' ! individu fait le bien pour le plaisir de le faire ;
c'est cependant le seul sentiment qui ait animé
M. Méreaux dans le concert qu'il a donné dimanche passé
au Conservatoire. Cette solennité de musique rétrospective a
été des plus intéressantes. Agir ainsi, c'est faire l'histoire de
l'art, non par des livres, par l'archéologie , la numismatique,
sciences froides et décolorées, fût-on fanatique de vieilles
chroniques, de monuments antiques et gothiques, ou de mé-
dailles , comme le sont les Thierry , les Champollion ou les
Perrier ; c'est l'histoire de l'art par des accents animés, dra-
matiques; c'est l'évocation mimique, accentuée, passionnée
de l'homme, de nos ancêtres se manifestant par la voix, par la
musique telle qu'ils l'aimaient , qu'ils l'écrivaient , de cet art
qui fut et sera toujours une religion tout à la fois sensuelle
et mystique , innée en nous et qui nous vient du ciel.
Ainsi que nous l'avons dit plus haut, faire delà philanthro-
pie musicale n'est pas chose facile. Le programme artislico-
rétrospectif si soigneusement composé par M. Méreaux a été
tout aussi interverti, tout aussi modifié qu'un programme
politique. Et d'abord, on aurait pu lui donner cette couleur
s'il ne l'avait eue déjà par la date du 5 mai qu'il portait, et qui
est l'anniversaire de la mort de Napoléon , en exécutant les
strophes de Béranger mises en musique par M. Berlioz, qui
devait diriger ce concert, mais que des circonstances dépen-
dantes ou indépendantes de sa volonté, son indifférence pour
Mozart, peut-être, dont on devait exécuter un concerto, ont
empêché de s'associer à cette bonne action.
La ferveur religieuse de M. Urhan , mêlée à son devoir et
à ses scrupules d'organiste , lui ont également fait négliger la
promesse qu'il avait faite à ses camarades de vouer quelques
sons d'alto et de violon , pendant quelques instants , au culte
de la bienfaisance, qui est la plus noble fdle de tous les cultes
possibles, et l'acte de la dévotion la mieux entendue et la
plus estimable. Le public a donc été privé de la Romanesca
et d'une Grande sonate fugitée pour piano et violon, de Jean-
Sébastien Bach , qui devait être exécutée par MM. Méreaux
et Urhan , qui a été privé , lui aussi , des applaudissements
que lui aurait sans doute valus son incontestable talent.
M"" Dorus-Gras, forcée de partir pour Londres , a été di-
gnement suppléée par M"" Anna Zerr, jeune et jolie canta-
trice allemande, qui a chanté dans sa langue maternelle, d'une
manière expressiie et avec une excellente méthode, un air
de Mozart, ce chef des compositeurs médiocres, ainsi que l'a
nommé un publiciste , avocat et pianiste distingué , qui n'en
est pas moins resté notre ami malgré cette sacrilège profes-
sion de foi artistique , tant il est vrai que la transaction est la
divinité du jour.
La séance a commencé par un chœur intitulé : Prière au
tombeau du Christ le Vendredi-Saint, par Jean Mouton,
maître de chapelle de François I". La date de lZi98, que le
programme donnait à ce morceau tout empreint de religiosité ,
le faisait remonter deux règnes plus haut que celui de Fran-
çois I", c'est-à-dire à celui de Charles VIIL Quoiqu'il en
soit, il a été dit avec beaucoup d'ensemble et autant de
nuances qu'on en peut mettre dans" la musique de cette
époque , par les élèves de M. Pastou. Cet habile professeur a
fait exécuter ensuite VAllduia du Messie, de Hœndel ; puis
les Cris de Paris, par Clément Jannequin , morceau vocal
pittoresque, original, mais dont la péroraison est un peu lon-
gue. Le public n'en a pas moins applaudi cette curieuse ex-
humation musicale, cette pièce originale, et au talent de celui
qui la fait si bien exécuter.
M. Delsarte, autre habile professeur, étonnant toujours
l'auditoire qui ne le connaît pas par les accents de sa voix
terne et voilée , l'étonné encore plus par le profond senti-
ment dramatique , l'àrae musicale et la diction si vraie qu'il
déploie dans les œuvres de nos vieux compositeurs. L'air :
Ah .' quel tourment d'aimer sans espérance 1 du Roland de
Lulli ; Plusj'observe ces lieux , de l'Armide du même auteur ;
le songe de VIphigénie de Gluck , mais surtout l'air de Thoas :
De noirs pressenlimenls , mon âme intimidée, de ce giand
compositeur , ont produit le plus puissant effet par la manière
dont ils ont été chantés.
Au milieu des prestiges, des prodiges digitigrades que nous
font entendre et voir nos pianistes modernes, il est curieux
et agréable d'écouter la musique de piano ou de clavecin des
xvii" et XTIII" siècles. Il n'est pas moins curieux et tout aussi
rare de trouver des virtuoses qui sachent rendre cette mu-
sique dans son véritable style. Cette qualité, M. Méreaux,
bien qu'artiste moderne , la possède au plus haut degré ; il a
dit d'abord dans le vrai style , avec la couleur du temps et
d'une simplicité charmante, trois pièces de clavecin intitu-
lées : la Voluptueuse , les Bergeries et le Réveil-matin , par
François Couperin , de la musique de Louis XIV , et datées
de 1695, qui ont fait le plus vif plaisir; puis trois autres
pièces de clavecin par Rameau , de l'année 1720, ayant pour
titres : Gavotle variée, Pastorale et Tambourin. Le premier
de ces morceaux a produit une surprise générale par les
traits tout actuels que renferment quelques unes des varia-
tions dans lesquelles les doigts s'enchevêtrent et se croisent à
la manière moderne. Mais le morceau qui a réuni tous les
suffrages, qui a provoqué tous les applaudissements, c'est,
dussions-nous déplaire à quelques détrôneurs des royautés
musicales passées qui ne passeront pas quoi qu'ils en disent ,
c'est le magnifique concerto en ré mineur pour piano par
Mozart. Quelle sobriété, quelle élégance d'instrumenta-
tion! quel orchestre simplement savant! mais surtout quelle
logique dans la mélodie! L'andante est un chant suave, cé-
leste, ravissant, frère d'il mio tesoro intanto du Don Juan,
de la belle mélodie de la Prise de Jéricho et d'une foule
d'autres chefs-d'œuvre mélodiques dont Mozart avait en lui
une source inépuisable. L'exécutant a été à la hauteur delà
mission qu'il s'était donnée; il a dignement interprété l'au-
teur. Les vrais amateurs de la vrais musique conserveront un
long souvenir de ce beau concert, quia été aussi une bonne
action.
COi^CERT DE M. EMILE PRLDEIMT
DONNÉ AU TIIÉATBE-ITALIEN.
L'individualité dans les arts est ce qu'il y a de plus rare parm i
les artistes : elle se compose d'une originalité native, d'unefoule
de qualités excentriques et souvent étrangères à leur talent
acquis; de longs cheveux, d'une jolie figure ou d'une laideur
phénoménale; de l'indépendance que donne la fortune, ou
d'une noblesse dépendante, ou de toute autre chose aussi fu-
J.70
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
,tjle , mais surtout de l'absence de toute iniitalioii. Or, don-
ner seul ou presque seul un concert dans lequel on entend
• un morceau depiano seul, puis un autre morceau pour piano
sejjl , et ainsi de suite , cela n'est pas de l'individualité , c'est
de la personnalité, c'est moins que cela, c'est imiter ce qui a
été déjà fjit et qui n'a été justifié que par la priorité, par
l'axiome latin : Audaces fortitna juvat. Eh bien ! quoique
JVI. Prudent se soit fait imitateur, on ne peut pas dire qu'il
ait trop présumé de ses forces. Le concert qu'il a donné mardi
passé au théâtre Ventadour avait attiré une nombreuse et
brillante assemblée. Quoiqu'il n'y ait fait entendre que des
morceaux déjà connus , à l'exception de sa fantaisie sur les
Huguenots , ces morceauxont fait plaisir, surtout l'introduc-
tion large et belle de son Souvenir de Beethoven , l'Hiron-
delle, petite fantaisie aérienne, et son grand morceau sur la
Lucia, arrangement on ne peut mieux exécuté, mais d'une
sensibilité imitée et conventionuelle dont tous les solistes ont
cruellement abusé depuis trois ou quatre ans.
La confédération germanique de pianistes qui se partage
comme un gâteau l'admiration européenne , trouve , dit-on ,
M. Prudent imprudent, car elle exploite aussi le jeu de mots
et le calembourg français, de venir prendre sa paTt de ce gâ-
teau dans son propre pays, où elle sait qu'on n'est pas pro-
phète. Le jeune artiste pleiii d'ardeur laisse dire , et con-
quiert sa place au soleil de la célébrité. Sous le rapport de
l'exécution, il a gagné. Son jeu a moins d'afféterie et plus de
légèreté que par le passé ; il pose mieux le son , s'écoute , et
par conséquent se fait écouter quand il chante , qualité qui
vaut bien , si ce n'est mieux, tout ce qu'il y a d'éblouissant
dans le prodigieux mécanisme d'un pianiste prestidigitateur.
Si M. Prudent a conservé quelque chose de sa pantomime
un peu maniérée , il a moins de mouvement de tête : ce n'est
plus l'orgie harmonique échevelée siégeant au piano , c'est
l'artiste qui a médité sur tous les effets qu'il peut tirer de son
instrument, qui s'impressionne profondément, cl qui ren-
voie ses impressions à son auditoire qu'il remue, étonne , en-
traîne. Les suffrages, l'admiration, l'enthousiasme, comme
on voudra , se sont manifestés en fleurs lancées à l'artiste ;
et par suite du débordement de provinciaux inondant Paris en
j ce moment , nous avons vu une dame qui doit être de Car-
pentras, de Carcassonne , ou de la patrie de M. de Pourceau-
gnac, qui s'est approprié un fort beau bouquet qu'une main
débile ou craintive sans doute n'avait pas pu faire parvenir
jusqu'à l'heureux bénéficiaire. On voit que rien n'a manqué
au succès de W. Prudent, pas même le désir, dans une johe
spectatrice, de posséder un bouquet qui lui était destiné.
Avec un peu de présomption, il serait permis d'en tirer
vanité.
M"" Brambiila a chanté dans ce concert d'une manière ex-
quise, d'une méthode parfaite et d'un sentiment musical
aussi profond que plein de finesse. Géraidya fort bien chanté
aussi; mais ou aurait voulu qu'il eût un peu plus réfléchi sur
ce que c'était que le roi de Thèbes poétiquement et musica-
lement parlant. OEdipe , connne l'a compris, l'a peint Sac-
chini, est le type de la douîeur noble, triste et grandiose;
c'est la victime de lafalalilé qui lire les accents les plus lou-
chants du fond de son cœur pour exprimer tout à la fois son
amour à sa fille, et pour hun; lier le fils ingrat, l'usurpateur
qui l'écoute, par le retentit; cment de ses adjurations à la
justice éternelle des dieux. Ce n'est pas un capitaine, un gro-
gnard, un troupier du temps de Napoléon qui a reçu un coup
de feu dans les yeux , et qui grommelé contre les Prussiens
ou les Russes auxquels il doit son infirmité , c'est un per-
sonnage des temps héroïques , une personnification du mal-
heur, c'est la voix du malheur lui-même, voix pleine de la
plus haute poésie : il faut que le chanteur , que l'interprète
de ce personnage et de sa douleur profonde pense à Homère, à
Bélisaire, ces illustres aveugles, à Milton, qui ayant aussi
perdu la clarté des cieux, en voyait, en décrivait cependant
les beautôA|Jes anges aux blanches ailes , aux harpes d'or,
aux châritSWaves et divins. Si le poêle, le compositeur, doit
être d'une nature choisie, élevée, l'acteur et le chanteur ne
doivent pas être doués de sens moins exquis.
Henri Blanchard.
C©n'esj»»B»«la,BBce BBS6i"tîciBlâèa*e.
Londres, le (i tuai.
La gracieuse CarloUa Grisi vient de nous quitter. La représenta-
tion donnée mardi dernier à son bénéfice a produit autant d'argent
que d'applaudissements. CarloUa Grisi esl fort aimée en Angleterre.
Un train spécial a été mis à sa disposition. Un bateau à vapeur l'at-
tendait à Folkeslone, et vingt-deux heures après son départ de Lon-
dres elle arrivait à Paris traînée par quatre chevaux. Cérito, que
nous possédons sous condition , et qui n'en est pas moins la seconde
danseuse d'Europe, ne voyagerait pas plus vite. Ses succès dans
Ondine sont extraordinaires.
— Don Giovanni a été repris; mais Fornasari n'est pas ce qu'il
pourrait ou devrait être. Nous n'en dirons pas autant de donna Anna,
d'Elvira et de Zerlina, représentées par M™" Grisi, Favanti et Persiani.
— Les Diamants de lu Couronne ont obtenu, grâce à M"" Thillon,
un succès complet à Princess's-Theatre. Après la représentation, cette
chanteuse a été rappelée et inondée de bouquets.
— Le Théâtre-Français est toujours en faveur, conséquemment
M"" Albert aussi. La Polka s'y danse tous les soirs. Une Femme rai-
sonnable est la pièce à la mode; puis/es Demoiselles de Saini-Cyrs'y
font applaudir avec M"' Plessy, de la Comédie-Française.
— On attend toujours les rois du piano, Liszt, Thalberg, Dœhler,
et l'empereur de Russie.
KENDEZ-LUI SOIM LEGER BATEAU.
JSeasîn de Gavarni.
Encore une physionomie précieuse! ciicore un type! On
est certainement bien coupable de r.i; pas lui rendre son léger
bateau, si, tant qu'on ne le lui aura pas rendu, il est invaria-
blement décidé à répéter la même chose. C'est qu'il la répète
depuis bien longtemps! -
Kiiszt et Itœliler dolninei'oiBt sin concert ensemble,
Jeudi proeSsaisi, £iei 'S'£téàtire-Stif&&ies5. ^'oeïs emtCiBdroiis
S Huos poui- deu:ï pianos , et 4 Morceaux exéeutés par
ces deux gi-ssinds pianistes. Coraililcn de pcrsoraracs le
caissier rcmierra-t-Jl î
*," Aujourd'hui dimanche , à l'Opéra, par extraordinaire , le
Freyscliiiiz , suivi de Ladij Uenrieiie , ballet dans lequel débuteront
M. et M"" Bretin. — Demain lundi, la Favorite.
\* L'Opéra conlinue de faire des recettes magnifiques; chaque
fois qu'il ouvre ses portes, la foule s'empresse d'accourir.
V Carlotta Grisi a fait sa rentrée lundi dernier dans Giselle, et
vendredi elle a joué la Péri avec tout le talent et tout le charme
qu'on lui connaît. Jusqu'ici rien ne confirme les bruits qu'on avait
répandus, et la danseuse n'a rien perdu de sa légèreté naturelle.
*,"* M"» Taglioni est arrivée à Paris, pour y donner plusieurs
représentations.
"," M""> Dorus-Gras est en congé : comme les années précédentes,
elle se rend en Angleterre , et doit chanter à Londres et à Dublin ;
c'est M"" Nau , qui la remplacera dans le Lazzarone , que l'on de-
vait donner vendredi , mais auquel on a substitué la JCacarilla ■
M"' Nau a reparu dans cette dernière pièce.
DE PARIS.
171
V Nous voyons avec plaisir les efforts de M"= Dobrée couronniîs
d'un plein succès. Celle semaine encore cette jeune et remarquable
artiste a'chanlé le rôle d'Isabelle do Bavière, de Cliarles FI, et celui
de la comtesse dans le Comte Ory, et elle a reçu les applaudisse-
ments d'un public nombreux qui remplissait la salle de l'Opéra.
"," Albert , le célèbre danseur et maître de ballels , vient d'être
chargé par le directeur de l'Opéra de la direction supérieure des
éludes relalives à la chorégraphie avec le litre spécial de maître de
la classe de perfcclionnemenl. ,4f.
*,* Aucun' lecteur sérieux n'a pris sérieusement l'annonce d'un
opéra de Jeunne d'Arc, que Rossini serait en train de composer. Ce
n'est pas la première fois que le nom de l'illustre héroïne sert de
prétexte à une mauvaise plaisanterie.
*„* Charles /''/d'Halévy obtient un très grand: succès à Toulouse.
L'ouvrage est fort bien joué cl chanté par MM. Laurent, Herman,
Léon, Espinasse etiU"-» Roulle. L'air national: Guerre aux tyrans
obtient toujours les honneurs du bis et soulève l'enthousiasme pa-
triotique du parterre.
V Aline, l'u» des chefs-d'œuvre de Berlon , doit être bientôt
donnée à l'Opéra-Comique , pour la rentrée de M"» Miro-Camoin.
*»* On répèle aussi Gulistan avec musique retouchée.
*,* M. Vivier, dont le beau talent sur le cor a été justement ap-
précié dans les concerts de cet hiver, part sous peu de jours pour
Londres; il débutera dans le concert que Thalberg y donnera le 29
mai.
",' m. Valenlino, le célèbre chef d'orctelre, vient d'être nommé
membre du comité de l'association des artistes-musiciens , en rem-
placement de M. Berlon.
V L'école lyrique et dramatique fondée par MM. Moreau-Sainti ,
Henri Potier el Daudé , a tenu récemment une séance composée de
comédie, dopera-comique et de grand opéra, dans laquelle la'
plupart des élèves se sont présentés avec avantage. Le second acte
de la Juive a surtout fait valoir les deux chanteurs principaux,
MM. Duc et Garras, M"° Stœpel et une autre jeune personne , qu'on
dît nièce de Mocker.
*,* Ernst obtient d'immenses succès en Angleterre; le célèbre vio-
loniste a complètement éclipsé M. Sivori, dont on ne parle pas celte
année à Londres, quoiqu'il y soit déjà depuis près d'un mois.
V Le succès de Dreyschock en Belgique el en Hollande est prodi-
gieux; à la Haye , où ce grand et habile pianisie a joué devant la
cour, le roi; a été tellement enthousiasmé de son exécution si
parfaite, qu'il l'a nommé chevalier de l'ordre de la Couronne de
Chêne.
*,* Après avoir parcouru la Belgique, le grand-duché de Bade,
une partie de l'Allemagne et donné vingt-six concerts à Vienne, les
deux sœurs Milanollo sont en ce moment à Berlin, où elles ont déjà
donné douze concerts. C'est avec un bien vif plaisir que nous enre-
gistrons les succès de Teresa et de Jlaria, qui parleur beau talent et
leurs excellentes qualités laissent partout des amis heureux de leurs
triomphes el avides de les revoir.
V C'est mardi prochain, 14 mai, que Géraldy donnera son con-
cert, à huit heures dusoir, danslasalle de Henri Herz. On y entendra
Hlmcs Brambilla el Sabatier, MM. Ponchard, Poullier, Dorus, Henri
Herz et Herman. Géraldy et Poullier doivent dire ensemble le beau
duo de la Heine de l.hypre.
%* M"'' Catinka de Dietz, la pianiste distinguée que les amateurs
ont applaudie cet hiver dans les salons de M. Pleyel, va partir pour
l'Angleterre, où elle est appelée par la reine Victoria à passer deux
mois.
*,* On attend à Paris, sous peu de jours, le célèbre organiste de
Breslau, Ad. Hess, qui vient en France pour assister à l'inauguration
de l'orgue de Sainl-Euslache, et se faire enlendre sur ce magni-
fique instrument que la maison Daublaine-Callineft termine en ce
momenl.
*»* On a publié à Milan, dans le mois d'avril dernier, les mor-
ceaux de musique d'un opéra nouveau du maestro Verdi, Ernani, nui
n'a obtenu qu'un succès 1res conleslé eu Italie. Voilà donc encore
un ouvrage tombé dans le domaine public ; mais nous ne savons si
cet opéra n'aura pas le sort du plus gr.ind nombre des ouvrages soi-
disant nouveaux qui se donnent sur les théâtres de l'Italie, c'esl-à-
dire qu'ils ne sont pas publiés en France , quoique le droit en soit
acquis.
*.* Maria Corini (Constance Janssens ), dont les succès en Italie
comme cantatrice ont élé très brillants, est en Hollande pour quel-
ques semaines. Elle a chaulé le 25 avril dans un concert de la cour,
el la famille royale lui a donné les marques les plus flatteuses de sa
satisfaction.
'.* On n'a pas oublié la fin tragique d'un artiste , le malheureux
Pamel, qui, atteint subitement d'aliénation mentale, tua sa femme,
un de ses enfants, blessa plusieurs personnes el finit par se suicider.
La charité publique vint au secours des trois orphelins qui survé-
curent à celte scène de meurtre. Le tuteur de ces trois enfants nous
écrit aujourd'hui que les souscriplions ouvertes par la Gazette des
Théâtres , MM. Susse el M. Dumesnil, ont produit une somme to-
tale de 8,060 fr. 21 cent., qui sera placée de façon à permettre un jour
l'élablissemenl des malheureux orphelins, dont deux ont élé adoptés
par M. Daniel, leur tuteur, et M. Lespigue , son beau-frère; et le
troisième, Louise-Amélie Pamel , âgée de quatre ans, par M'i" Des-
préaux de Saint-Sauveur, directrice de la poste aux lettres de Fiers,
prés Amiens. Celle dernière, après avoir souffert longtemps des pri-
vations résultant de la gène horrible de ses parents , a recouvré sa
santé, grâce aux soins tout maternels de sa bienfaitrice.
AVIS ESSEWTIEI.. — Le Comité de l'Associalion des artistes-
musiciens a fixé le 23 de ce mois comme terme de rigueur, pour
le règlement de compte avec les personnes qui ont pris des billets de
la loterie composée d'un piano d'Érard et de 1,030 partitions et
morceaux de musique. Tous les billets dont le prix n'aura pas élé soldé
à celle époque seront annulés. Le tirage aura lieu le 2 juin prochain.
*,* tienne, le 25 avril. — Nous nageons en pleine musique : ce
sont tous les jours des concerts , etc. Le Théâtre-Italien a commencé
le cours de ses représentations, qui font les délices de la haute so-
ciété. M"= Elssler vient d'arriver, et nous consacrera dix soirées ;
elle a débuté par le rôle de Giselle, aux bruyantes acclamations de
la salle, qui était comble. Jl™»' Viardot-Garcia el Tadolini, MM. Ron-
coni, Rovère, Marini , sont d'anciennes connaissances; parmi les
nouveaux venus, nous cilerons les dames Monténégro, Albani, Cat-
laneo, les sieurs Fereli, Gardoni el Ivanolî. La plupart de ces artistes
jouissent d'une grande réputation en Italie. Nous verrons bientôt
jusqu'à quel point elle est méritée. Quelques uns ont assez mal dé-
buté dans I\'oi-ma. On nous promet trois opéras nouveaux, enlr'au-
Ires, I IVormanni a Parigi. VioaizeUi restera à Vienne pendant la
durée de la saison. Le monde musical et artistique vient de faire une
perte dans la personne de M. de Mosel , qui a rempli jadis les fonc-
tions de sous-direcleur du théâtre de la cour, Burglhealer. Il s'est
fait connaître avantageusement comme écrivain et comme compo-
siteur. On a de M. de Jlosel une Histoire de la musique, traduite de
l'anglais; un Essai sur l'esthéliquc de la composition mflsicale; une
Notice biographique sur Salierî; de plus il a fait insérer un grand
nombre d'articles sur la musique dans difl'érents journaux. Parmi
ses compositions les plus importantes nous cilerons deux opéras :
Su'em el Cyrus et Asiyage ; il a laissé Irois recueils de Lieder et
des choeurs. M. Mosel naquit à Vienne le â avril 1772; en 1818,
l'empereur François lui conféra des titres de noblesse.
Le Directeur, liédacteur en chef, Maukice SCHLESINGER.
Wil
C. DIABTIN
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Le Chirogymnasle est un aseemblage de neuf appa-
reils gymnastiques destinés à donner de Vexlension à
la main et de Vécart aux doigts à augmenter et à égalt'
ser leur force et à rendre Iq qualriéme et iecinqîiième
indépendants de tous les autres. Le Chirogymnasle
oMé aussi approuvé et adopté parMAf. Adam, Bertini^
de Heriot, Cramer, Herz. Kalkhrenner, Listz, Moscheîès
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ouvrages; par PAUL SIMIXII. — La musique des comédies de
Molière; par ÉD. FÉTIS. — Concerts ; par H. BLANCHARD. —
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Prague; et dans quinze jours, Une Étude de 'fliallterg.
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siteurs célèbres, elle est terminée, et sera livrée à
Sm. les Abonnés le l'i^ juillet.
SOUVENIRS ANEGDQTIQUES
SUR BKRÏON
ET PLUSIEURS DE SES OUVRAGES.
ous ne lui avons pas encore fait nos derniers
adieux , à ce grand musicien , à ce composi-
teur illustre dont la mémoire nous sera tou-
jours plus chère et plus présente que celle de
tout autre par la raison bien simple qu'il fut
la première gloire dont les rayons frappèrent notre regard
d'enfant. La première fois qu'il nous apparut, c'était en plein
théâtre, il y a bientôt trente-quatre ans, conduit triomphale-
ment sur la scène après la représentation jmr ordre de son
Montana , qui concourait avec le Joseph de MéhuI pour le
prix décennal. Vers le même temps il nous fut donné de le
voir de plus près , au milieu de ses amis , de sa famille, et par
conséquent de l'aimer. Notre admiration pour son talent ,
notre attachement h sa personne n'ont cessé de s'accroître
jusqu'au dernier jour de sa vie, et maintenant que la mort
nous l'a enlevé, nous le retrouvons à toute heure ; nous nous
rappelons ses derniers travaux auxquels nous avons assisté ,
ses dernières confidences , ses dernières causeries si spiri-
tuelles et si bonnes, d'oii le sentiment d'aigreur si naturel à
la vieillesse était toujours banni, et nous ne pouvons résister
au plaisir de consigner encore ici quelques unes des choses
qui nous reviennent à la pensée, comme on reprend une con-
versation interrompue avec un ami dont on a peine à se sé-
parer.
Le philosophe marchait pour prouver le mouvement: Ber-
ton prouva qu'il était né musicien en composant d'excellente
musique, et pourtant sa vocation lui fut niée plusieurs fois. Il
est à croire que son père , si habile à juger le mérite, ne se
serait pas trompé sur son avenir, mais il n'avait que treize
ans lorsqu'il le perdit, et Rey, le chef d'orchestre , sous les
ordres duquel il passa quatre ans plus tard, lui signifia qu'il
ferait bien déjouer du violon toute sa vie, attendu qu'il n'avait
pas la moindre disposition pour composer. Ce qu'il y a de cu-
rieux , c'est que le docteur Gall fut du même avis à une épo-
que où Rey lui-même en aurait changé , s'il ne fût mort au-
paravant. Un jour, Berton, se trouvant dans un cercle avec le
célèbre phrénologue , qui ne le connaissait pas , on pria ce
dernier de lui tâter le crâne et de dire ce qu'il y remarquait.
Le docteur déclara qu'il lui trouvait l'organe très prononcé de
la poésie. — Et celui de la musique? demanda quelqu'un. —
Pas le moins du monde, répondit le docteur. Or, en sa qua-
lité de poëte, Berton n'avait fait que de petits vers de société
plus que médiocres; en sa qualité de musicien, il avait Mon-
tano, le Délire et Aline.
Voici le procédé qu'employa Berton pour savoir au juste à
quoi s'en tenir sur la réalité de l'instinct qu'il sentait en lui-
même. Il prit une partition de Paisiello, ta Frascatana , et
BITREAIJ:^ D'ABON'NESIXH'T, TiVE RICHEIiIEIT , 97.
174
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
se mit à la parodier sur un livret français de genre analogue,
que lai avait confié Moline et qui s'appelait la Dame invisible.
Berton se fit un devoir d'imiter jusque dans leurs moindres
détails le style et la facture de Paisiello. Là où celui-ci avait
mis des hautbois , il mettait des hautbois ; là où il voyait des
bassons, il niellait des bassons, et de même pour tout le reste.
Il voulait que la Dame invisible fût exactement sœur ju-
melle de la Frascatana. Quand sa partition fut faite, il la
montrai Sacchini par le conseil et l'entremise d'une célèbre
actrice de l'Opéra , qui aimait beaucoup le jeune musicien ,
qui croyait aux promesses de son génie. Sacchini confirma
l'opinion de M"" Maillard et adopta le petit Berton pour soa
élève. Pendant trois ans, il lui donna des leçons, qui ne ces-
sèrent qu'à sa mort , et dont nous avons retracé ailleurs le
simple et touchant tableau (1).
Cette Dame invisible fut jouée la même année que les¥r&-
mcsses de mariage , ouvrage par lequel Berton , âgé de vingt
ans, débuta au théâtre (1787). Plusieurs autres opéras ou
opérettes se succédèrent dans l'espace de cinq ans; celui qui
mérita et obtint le plus de succès fut les Rigueurs du
cloître, donné en 1790. Pendant la terreur, Berton fut obligé
de s'exiler de Paris, et de se réfugier à la campagne , chez la
tante de sa femme , M"'° Dufresnoy. Là , dans une solitude
profonde, il n'avait d'autre moyen de se distraire que de se
promener, de lire et de composer. Les chants lui arrivaient
en foule, mais il n'avait pas de paroles, pasdepoëme : il
était dans la position de nos jeunes lauréats de l'Institut qui
reviennent de Rome, avec cette différence toutefois qu'il
n'était pas libre d'aller frapper à la porte de tous les libret-
tistes de l'époque. Que faire en pareil cas? Devenir poëte soi-
même , et c'est à quoi se résigna Berton. Il avait trouvé dans
la bibliothèque de sa tante les romans de M"'" de Gomez : en
lisant Ponce de Léon, il lui avait semblé que c'était un excel-
lent sujet d'opéra bouffe ; il s'était amusé à en esquisser le plan ;
il en avait écrit les morceaux , en les liant par une espèce de
dialogue. Quand les jours d'orage et de sang furent passés ,
Berton quitta sa retraite et n'eut rien de plus pressé que de
remettre à Hoffmann le canevas qu'il s'était permis de bro-
cher, en le priant de vouloir bien l'arranger de manière à le
rendre digne du public. Deux jours après , le musicien ren-
contre son poëte, qui lui dit : « Eh bien ! mon ami, tu as lec-
» turepour demain.— Comment, répond l'autre étonné, lec-
» ture de quoi ? — Lecture de ton ouvrage. — Tu l'as donc
» arrangé déjà? — Je n'y ai pas changé une syllabe. C'est très
» bien comme cela : tu liras, tu seras reçu et tu auras du suc-
» ces: que te faut-il davantage? » La prédiction d'Hoffmann
se vérifia de point en point: Ponce de ie'ow réussit très bien,
paroles et musique. La pièce était jouée par Michu , Gavaii-
dan, Chenard, Dozainville, et M"" Gontier. Mais quel admi-
rable trait de conscience, de désintéressement littéraire que
celui d'Hoffmann, refusant les avantages d'une collaboration,
qui lui aurait coûté si peu de peine , et que pourtant il pou-
vait accepter avec honneur ? Quel contraste avec les mœurs
et coutumes de nos jours, oti tant d'auteurs n'ont pas rougi
de toucher des droits pour d'insignifiantes corrections, pour
le changement d'un titre, pour la substitution de deux points
à un point et une virgule !
Ponce de Léon marqua un progrès notable dans la carrière
du jeune compositeur , qui travaillait déjà depuis dix ans , et
dont c'était le dixième ouvrage exécuté sur la scène ( 1797 ).
Montana, qui fut le treizième et qui vint deux ans après
(1) Voy. Gazelle musicale, 1S43, n" 57. Sacchini et son chef-
d'œuvre.
( 1799 ) , eut encore une plus grande importance et plaça
son auteur au premier rang des maîtres. Le Délire suivit à
peu de distance Montano , et cette fois il y eut non seule-
ment succès, mais vogue prodigieuse, engouement, frénésie.
Cependant, à l'honneur du bon sens des comédiens , il faut
dire que la pièce avait été refusée cinq ou six fois, et qu'elle
ne fut jouée que parce que GavauJan furieux déclara que
si on ne la jouait pas , il quitterait le théâtre. — Eh bien!
joue-la donc, et sois sifflé! lui dirent tout d'une voix ses
camarades. Il arriva ce qui arrive souvent au théâtre , c'est-
à-dire qu'au lieu de la chute prévue on eut un succès co-
loasal , «t que le bon sens se trouva dans -son tort. Si le
théâtre est fait à l'image du monde, avouons que cela est hu-
miliant pour la raison.
Dans une autre circonstance du même genre,, les mêmes
comédiens se trompcrentencore et l'événement le lenrprotrva
par des arguments irrésistibles. Du temps que Berton était
vidlon-solo à l'Opéra , on avait donné à ce théâtre une Aline,
paroles de Sedaine , musique de Monsigny. Le succès en fut
médiocre , et le jeune instrumentiste, qui avait pro^bible-
ment lu le conte de Boafllers, trouva que les auteurs avMent
mal profité des ressources de leur sujet et que l'ouvrage
restait à faire. Dès lors, iKentrevit la charmante idée de
jeter une Provence en plein royaume de Golconde , et de
réaliser sous forme dramatique un conte des Mille et une
nuits. Quelques années plus tard, toujours préoccupé d'^Z»ne,
il confia son idée à Favières , qui l'exécuta. La pièce fut lue
et refusée : il y manquait de la grâce , de la légèreté , de
l'esprit , sans compter l'intérêt , la vraisemblance , tout ce
qui manque enfin aux pièces refusées. Berton n'en garda pas
moins sa conviction et son amour pour Aline : seulement il
jugea nécessaire de s'adjoindre un troisième collaborateur ,
et ce fut Vial qu'il choisit. Vial refit le second acte : la
pièce fut relue et refusée une seconde fois, refusée une troi-
sième : c'était toujours la même chose , disaient les fortes
têtes du comité; toujours la même pièce absurde, impossible.
Et Berton n'en restait pas moins toujours convaincu, toujours
amoureux.
L'été de 1803 se signala par une de ces chaleurs brûlantes
que le ciel envoie à la terre quand il a ses motifs pour punir
les directeurs de spectacle et récompenser les limonadiers.
Les recettes de l'Opéra-Comique étaient presque tombées à
zéro , tant à cause de l'élévation de la température que de
l'absence d'Elleviou et Martin , qui avaient profité du moment
pour aller courir la province. Les acteurs sociétaires et pen-
sionnaires se divisaient alors en trois catégories, qui s'appe-
laient troupe dorée , troupe d'argent, et troupe ée fer-blanc.
Comment lutter contre l'influence d'une zone torride avec
des troupes de métal inférieur, quand la troupe dorée même
eût eu peine à faire un peu d'argent? Le comité, siégeant en
permanence, opinait donc pour la clôture momentanée, lors-
qu'un des membres , regardant par la fenêtre si quelque gros
nuage chargé de pluie n'arrivait pas, aperçut Berton , et lui
fit signe de monter. — Que dis-tu du projet ? lui deraanda-
t-on. — Je dis qu'il est admirable , répondit le compositeur,
et je vous conseille même d'afficher que le théâtre de
MM. Elleviou, Martinet autres sera fermé jusqu'à ce qu'il
leur plaise de revenir. — Tu en parles bien à ton aise; mais
que veux-tu que nous fassions ? — Montez un ouvrage nou-
veau. — C'est bientôt dit; mais nous n'avons rien. — Montez
Aline! — Ah! te voilà encore avec ton Aline!., tu y tiens !..
— Au fait, dirent Juliet et Lesagc, pourquoi n'en essaierions-
nous pas? Berton s'y connaît autant que nous; il croit la
pièce bonne ; il espère un succès : tenions la chance. — Eh
DE PARIS.
175
bien! soit, nous ne demandons pas mieux, répondirent les
autres, apporte-nous ta partition. — Ha partition!., je n'en
ai pas écrit une note! — Alors de quoi viens-tu nous parler?
Comment veux-tu qu'on songe à quelque chose qui n'existe
pas? — Wa partition est dans ma tête; en quinze jours je la
couche sur le papier. —Si l'on te prenait au mot? — Fai-
sons mieux , signons un dédit. Je me mets ù travailler aujour-
d'hui même : demain on commence à répéter.
La proposition fut acceptée : le compositeur et les comé-
diens rédigèrent un acte par lequel l'un s'engageait à livrer
sa musique , les autres à jouer la pièce dans le délai de trois
semaines , sous peine de six mille francs à titre de dom-
mages intérêts. Sans perdre une minute , on fit venir les co-
pistes, le décorateur, le costumier, le metteur en scène; Ber-
tonleur expliqua de quoi il s'agissait, leur communiqua ses in-
tentions; puis il courut se renfermer chez lui , et k dix heures
du soir il envoyait deux morceaux a la copie. Il continua de
même jusqu'à la conclusion de l'œuvre : chaque jour il écri-
vit deux morceaux, tout en s'occupant des répétitions, et,
dans le délai fixé , la partition fut faite , la pièce apprise , re-
présentée, applaudie; la foule reprit le chemin de l'Opéra-
Comique , et le répertoire de l'Europe entière compta un
chef-d'œuvre de plus.
Cette soudaineté d'inspiration , cette promptitude de tra-
vail , Berton les conserva tant qu'il écrivit. Nous l'avons vu,
pendant les répétitions des Créoles, son dernier grand ou-
vrage , et la veille même de la représentation, itnproviser des
morceaux charmants : les couplets populaires , que chantait
si bien Tilly , Je suis maître cTèqvipage , furent ainsi com-
posés d'un seul jet , sans autre peine que celle de prendre la
plume et de mettre du noir sur du blanc.
Le seul chagrin de la vieillesse de Berton lui fut commun
avec tous les compositeurs, qui arrivent au tombeau chargés
d'années, avec Monsigny, Grétry, Cherubini et tant d'autres.
Il s'affligeait de ne plus voir ses ouvrages au théâtre et de se
sentir inconnu de la génération nouvelle. Il n'aurait pas voulu
que son nom fût accepté sur parole , et demandait encore à
faire ses preuves , quand ce n'eût été que pour réduire au
silence quelques blasphémateurs obscurs , quelques insul-
teurs des anciennes gloires , qui , n'ayant pu parvenir à
clouer quatre notes de leur misérable musique dans la mé-
moire de personne , voudraient à toute force en effacer qui-
conque a joui du bonheur d'entendre ses chants répétés de
bouche en bouche et d'échos en échos.
Berton est mort sans avoir la consolation d'assister à la
reprise de cette Aline, qui fut jouée si souvent, si longtemps,
mais qui ne fut jamais reçue, et qui doit bientôt reparaître à
l'Opéra-Comique. Montano aussi reparaîtra quelque jour :
ce sera une justice tardive , mais enfin ce sera une justice,
une protestation légitime faite au nom du génie contre l'aban-
don et l'oubli.
Paul Smith.
UMUSIOUEDEHOMËDIES DE MOLIÈRE.
n lisant dans la Gazette musicale l'annonce d'un
' nouveau quadrille de M. Tolbecque intitulé :
les Femmes savantes , et d'une valse à laquelle
M. Burgmuller a donné le nom de Pourceau-
gnac , nous nous sommes demandé si ces deux
artistes avaient pris pour thèmes de leurs compositions des
fragments de la musique qui fut écrite jadis pour les diver-
tissements de Molière, ou s'ils avaient feulement donné par
fantaisie ces titres à des ouvrages sortis tout entiers de leur
imagination. A tort ou à raison , et ne pouvant pas vérifier le
fait, attendu que ni l'un ni l'autre de ces deux morceaux n'a
encore franchi la frontière de Belgique, c'est à la dernière
supposition que nous nous sommes arrêté.
Les éléments de la musique sont essentiellement vagues;
dans l'impossibilité où senties artistes d'appliquer à celles de
leurs compositions instrumentales dont ils n'ont pas tiré les
principaux motifs de quelque opéra nouveau , des titres qui
offrent avec la nature de leur pensée une analogie que chacun
puisse apprécier , ils sont libres, pour les baptiser d'une ma-
nière quelconque, de leur donner des noms de fantaisie. As-
surément un peintre n'aura jamais l'idée de placer sous son
tableau une inscription qui soit sans rapport avec l'action
qu'il a représentée, car le premier venu serait en mesure de
constater l'erreur et de lui en demander compte ; mais la mu-
sique et la peinture ne peuvent se comparer sur ce point.
M. Tolbecque serait peut-être fort embarrassé de démontrer
le rapport qui existe entre son quadrille des Femmes savantes'
et la comédie de Molière ; mais on le serait bien plus encore
de lui prouver qu'une autre désignation eût mieux convenu à
ce morceau ; et les dessins dont ce dernier est orné établi-
raient dans tous les cas une forte présomption en sa faveur.
Ce même témoignage donnerait encore plus sûrement gain de
cause à M. Burgmuller, car Monsieur de Poiirceaugnac aàes
attributs auxquels on ne peut le méconnaître.
Les deux artistes distingués dont les récents ouvrages nous
fournissent ces réflexions savent-ils que des partitions origi-
nales furent composées pour les divertissements des comédies
de Molière? Telle est la question que nous aurions dû poser
d'abord avant de demander s'ils ont tiré de ces mêmes parti-
tions les motifs du quadrille et de la valse qu'ils viennent de
faire paraître. Il est pcrriiis d'en douter sans que cela porte
aucun préjudice à l'estime qu'on a pour leur mérite. Les
monumenls de la musique sont malheureusement bien plus
périssables que ceux des autres arts ; ce qui a cinquante ans
d'existence n'est plus guère connu que des érudits, et les pro-
ductions sur lesquelles un siècle entier a passé sont enseve-
lies dans un oubli profond. Or, deux cents ans se sont écoulés
depuis que les chefs-d'œuvre du prince des comiques fran-
çais ont fait leur première et mémorable apparition. On n'a
pas publié toute la musique des divertissements que l'illustre
écrivain ajouta à quelques unes de ses comédies ; il n'existe,
croyons-nous , pas de traces de certaines partitions dans les
archives de l'Opéra ni de la Comédie-Française. Par une heu-
reuse pensée de Louis XIV, qui voulait laisser de son règne
des monuments de toute espèce , les travaux des musiciens
dont Molière avait réclamé l'aide ne se sont pas perdus. Le
grand roi chargea Philidor aîné, artiste de sa chapelle et garde
de sa musique, de recueillir en aussi grand nombre que pos-
sible d'anciens monuments de l'art. Philidor commença par
rassembler les airs populaires des anciennes provinces de
France , ceux qui avaient été composés à l'occasion d'événe-
ments remarquables des règnes de Henri III, de Henri IV et
de Louis XIII, et les productions des anciens rois des violons,
dont on a cru longtemps que rien n'avait été conservé. Vint
ensuite la musique des ballets dansés à la cour de France. Les
airs composés par les violons de la grande bande des vingt-
quatre, sous Louis XIII et Louis XIV, ceux qu'on attribuait
à des personnages illustres, la partition A' Orphée, de Rossi,
le premier opéra qui ait été représenté en France, et jusqu'à
la musique des ballets dansés au collège des Jésuites, firent
partie de cette volumineuse collection, dans laquelle on trouve
176
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
également la musique des divertissements des comédies de
Molière, dont Lully composa la plus grande partie.
Il y avait autre chose que des airs de danse à composer
pour les divertissements exécutés à la cour : des morceaux de
chant , des chœurs remplissaient une partie des intermèdes.
Dans le Sicilien, ou L' Amour peintre , comédie-ballet qui ne
se joue plus depuis fort longtemps , se trouve, par exemple,
une scène entière d'opéra que Molière a fait précéder d'une
dissertation très plaisante sur le bécarre et le bémol. Hali
amène des musiciens pour la sérénade qu'Adraste, son maître,
veut donner h la belle Isidore. — Que chanteront-ils? demande
Hali.
— Ce qu'ils auront de meilleur.
— Il faut qu'ils chantent un trio qu'ils me chantèrent l'autre
jour.
— Non , ce n'est pas ce qu'il me faut.
— Ah ! monsieur, c'est du beau bécarre!
— Que diantre veux-tu dire avec ton bécarre?
— Monsieur, je tiens pour le bécarre. Vous savez que je
m'y connais. Le bécarre me charme. Hors du bécarre, point
de salut en harmonie. Écoutez un peu ce trio.
— Non , je veux quelque chose qui m'entraîne dans une
douce rêverie.
— Je vois bien que vous êtes pour le bémol ; mais il y a
moyen de nous contenter .l'un et l'autre. Il faut qu'ils vous
chantent une certaine scène de petite comédie que je leur ai
vu essayer. Ce sont deux bergers amoureux tout remplis de
langueur, qui, sur un bémol , viennent séparément faire leurs
plaintes dans un bois, puis se découvrent, l'un à l'autre, la
cruauté de leur maîtresse; et là-dessus, vient un berger
joyeux avec un bécarre admirable , qui se moque de leur
faiblesse.
Deux musiciens , habillés en bergers , se mettent, en effet,
à déplorer en mineur les rigueurs de leurs belles, cl sont
interrompus par un troisième qui leur chante en majeur :
Pauvres amanis, quelle erreur
D'adorer des inhumaines, etc.
La musique de cette scène , parfaitement en harmonie avec
les paroles , plut beaucoup au roi , disent les Mémoires du
temps , et fut , par conséquent , applaudie de toute la cour.
Lully en retira honneur et profit. On loua aussi les airs du
ballet de la fin , dans lequel Louis XIV parut sous l'habit
d'un Maure de qualité.
Le Mariage forcé fut représenté au Louvre, le 29 jan-
vier 1664 , sous le titre de Ballet du roi; cette pièce était
en trois actes , avec des intermèdes mêlés de chants et de
danses , dont Lully avait composé la musique. Lorsqu'elle
fut jouée dans cette forme , Sganarelle s'endormait h la cin-
quième scène du premier acte , et divers personnages lui ap-
paraissaient. Les figures allégoriqu.es de la jalousie , des cha-
grins , des soupçons plaisants ou goguenards ; des égyptiens,
des magiciens et des démons passaient successivement sous
ses yeux ; venaient ensuite un maître à danser enseignant une
courante à l'ombre de Sganarelle; un concert espagnol com-
posé de six exécutants des deux sexes, un charivari grotesque,
auquel prenaient part des personnages de toute espèce , pen-
dant que des galants serraient de près la femme du pauvre
époux, terminaient ces divertissements, qu'exécutèrent le roi,
monsieur le Duc , le comte d'Armagnac , le duc de Saint-
Aignan , le marquis de Villeroy et d'autres personnes de
qualité.
Lully n'était pas seulement l'auteur de la musique de la
plupart de ces divertissements, il y remplissait un rôle au
besoin. Dans la pièce de Pourceaugnac, pour laquelle il avait
écrit des intermèdes mêlés de chants , et qui fut représentée
pour la première fois à Chambord , le 6 octobre 1669, il
dansa , chanta et joua du violon sur la scène. « Tous les
grands talents étaient employés au service du roi , fait obser-
ver l'écrivain qui constate le fait ; et tout ce qui avait rap-
port aux beaux-arts était honorable. » L'abbé de La Porte ,
dans ses Anecdotes dramatiqties , prétend que Lully joua un
jour devant le roi le rôle de Pourceaugnac ; voici dans quelles
circonstances. Le grand artiste avait eu le malheur de dé-
plaire à Louis XIV ; c'était une infortune sur laquelle il était
impossible qu'on prît son parti , et dont on s'efforçait de dé-
tourner les conséquences au prix de toute espèce de sacrifices.
Lully voulut essayer de rentrer dans les bonnes grâces du
maître par une plaisanterie. Il joua donc le rôle de Pourceau-
gnac , et se livra h toute l'exagération de sa verve italienne.
Après chacune de ses bouffonneries , il regardait du coin de
l'œil la figure du roi , et il avait la douleur de voir que le mo-
narque conservait son sérieux. Il résolut de tenter un der-
nier effort. A la fin du premier acte , quand les apothicaires
le poursuivirent , armés des instruments de leur métier ,
Lully , après avoir longtemps couru sur le théâtre pour les
éviter , sauta sur le clavecin qui était dans l'orchestre et le
mit en pièces. La gravité du roi ne put pas tenir contre cette
folie , et l'artiste rentra en grâce. Lully avait risqué de se
rompre les jambes ; mais que n'eût-on pas fait pour plaire au
plus grand roi de la terre ?
Edouard Fétis.
{La suite au prochain numéro.)
CONCERTS.
Soirée musicale donnée au bénéfice des orphelines recueillies
par les sœurs du Gros-CaîUou. — Quatorziènae séance annuelle
de la Société libre des Beaux-Arts. — Soirée musicale de
BI. Geraldy.
Pour tout esprit délicat et progressif, la louange n'ade prix
que mêlée à la critique consciencieuse et bien formulée; et
nous , qui n'avons ni préventions d'école , ni système arrêté ,
ni poétique musicale à fonder , à faire prédominer , nous
nous croyons bien posé pour dire la vérité h tous et sur tout.
Par exemple , oubliant les excentricités tout-à-fait en dehors
de leur talent et qui vous agacent les nerfs dans de certains
artistes , nous aimons à reconnaître ce talent , à lui rendre
justice; et pour preuve, nous demandons à tous ceux que
nous rencontrons depuis quelques jours : Avez-vous entendu
Liszt samedi passé? et sur leur réponse négative, nous ra-
contons ce fait qui est resté gravé dans notre souvenir. Talma,
l'éloquent interprète de Corneille , de Racine et même de
Sliakspeare , avait joué certain soir YHamlet de Ducis , cette
pâle imitation de l'Eschyle anglais; elle lendemain, tous ceux
qui se rencontraient se demandaient avant toute formule de
politesse : Avez-vous vu Talma hier dans Hamlet ? et sans
attendre la réponse à cette question, ils s'écriaient : Ah ! qu'il
a été beau ! que d'inspirations soudaines et terribles ! quelle
touchante mélancolie, quelle variété, quelle richesse d'in-
flexions ! quels cris de l'âme inattendus , quels accents som-
bres et déchirants ! Jamais il n'a été si loin dans son art , si
supérieur à lui-même, et il est impossible qu'il rencontre en-
core tant de force, de profondeur et d'éclat.
Ceux qui n'avaient point assisté à cette solennité drama-
tique se le reprochaient et en manifestaient leurs regrets. Eh
DE PARIS.
177
bien ! il en est de même de la soirée musicale donnée au pro-
fit des orphelines recueillies par les sœurs dcSaint-Vincent-
de-Paule , et placées sous le patronage de M"'" la marquise
de Bedmar, la princesse de Belgiojoso, la comtesse de Beu-
ret, la princesse Czartoryska, la comtesse Obrescoff, Réca-
mier, la comtesse des Roys, la marquise de Tracy. Le pianiste
exceptionnel, le pianiste à la mode s'est trouvé là dans son
centre, entouré de ce qui l'exalte, de ce qui l'inspire, d'une
aristocratie de femmes aussi bienfaisantes qu'artistiques; il
était le lion de ce concert , de ce concert non comme en
donnent ces musiciens soi-disant extraordinaires aux idées
fort ordinaires, pour gagner de l'argent, mais pour en jeter à
de pauvres filles placées sous l'invocation du plus grand de
tous les saints, c'est-à-dire du premier de tous les philoso-
phes pratiques, qui aurait sans doute fort mal défendu les
privilèges du clergé et plus mal attaqué ceux de l'Université.
Liszt a parlé là de ses dix doigts qui sont comme dix voix
éloquentes. Inspiré par la philanthropie, heureux de se mani-
fester tout entier, lui el ses œuvres , il a dit ses réminiscen-
ces de la Sonnambula , sa Fantaisie sur la Lucrezia Bor-
gia, sa Marche hongroise suivie d'une improvisation amenée
par le bis que provoque toujours cette mélodie hongroise ; et
tout cela d'un feu , d'une prestesse, d'un brio , d'un mépris
de toute difficulté qui a commotionné toul le système physio-
logique du public.
La partie vocale de ce concert n'a pas été moins curieuse
et moins intéressante que la partie instrumentale. Après l'ou-
verture du carnaval romain dite sur deux pianos par 51M. Liszt,
Pixis, Heller et Halle, un terzeito con cori, de la composition
de M. Kuken , a été chanté par MM. Mengis , Ciabatta et
M"" Juva-Branca. Ce morceau , ingénieusement modulé et
bien écrit pour les voix, a donné une idée des plus favorables
du talent scénique de son auteur: il a été on ne peut mieux
chanté par les trois récitants et les choristes de la Société de
chant allemand, fort bien dirigés par M. Slern. M. Mengis
est un chanteur d'avenir ; mais qu'il se rappelle ce vers de
Milton dans son Paradis perdu :
L'ange aspire à monter, il résiste à descendre,
et il se gardera alors de sa tendance à baisser d'intonation.
M. Ciabatta , dont la voix de basso-bai-itono pleine d'expres-
sion a été appréciée dans quelques concerts de la saison , a
figuré d'une manière remarquable dans ce trio, avec M°'° Juva-
Branca, dont les accents ambitieux, et ils ont le droit de
l'être, ont dignement interprété ensuite le dramatique In-
flammatus du Stabatde Rossini. La sœur de cette cantatrice
distinguée a fort bien dit aussi un duo italien avec M. Cia-
batta.
Le pianiste lion ne s'en est pas tenu aux manifestations de
sa royauté instrumentale , il a voulu se révéler aussi compo-
siteur de musique vocale et dramatique. Il y a de l'originalité
dans son faire qui relève un peu de celui de Weber. Son
chœur des étudiants , de Fausl : Es leht einc Ralte im Kel-
lernest, est surtout dans la manière et la couleur de l'illustre
auteur du Freyschiitz. Ce morceau a été précédé d'un autre
chœur fort joli de M. Stern , offert galamment au pubUc ,
comme supplément au programme, par M. Liszt , avant l'exé-
cution de son chœur d'étudiants. Son morceau d'ensemble
intitulé Reiterlied , texte de Herwegh , dit également par la
société de chant allemand , a produit un effet d'étonnement ,
et demanderait à être entendu quelquefois pour être mieux
apprécié, ainsi que le lied, ou la romance française en une
forme nouvelle : Il m'aimait tant, dans laquelle il y a tout
à la fois passion et prétention harmonique et dramatique.
Et quand toutes les émotions du virtuose et du compositeur
semblaient épuisées par le bénéficiaire, c'est-à-dire bénéfi-
ciaire de gloire , il est venu nous dire la charmante fantaisie
concertante pour deux pianos, parThalberg, avec une belle
fllilanaise, planiste des plus distinguées, sœur de M°" Juva-
Branca , et portant, de par les lois de l'hymen, le nom de
M. Cambiasi , critique musical fort distingué lui-même de la
presse italienne. M""= Cambiasi possède un jeu tout plein de
vigueur et de grâce , pur et brillant , tout-à-fait digne enfin
de l'interlocuteur qu'elle s'était choisi ou que le hasard lui
avait donné; aussi son succès a-t-il été complet.
M°' la princesse de Belgiojoso faisant preuve de goût,
d'obligeance et de talent, dont elle possède un inépuisable
fonds , a tenu le piano , dans cette séance de musique philan-
thropique , en véritable artiste , remplissant son rôle de mo-
deste et intelligente accompagnatrice , ce qui n'est pas aussi
aisé que beaucoup de personnes le pensent , avec modestie et
plaisir, nous en sommes sûr, car c'était en même temps un
acte de bienfaisance.
La quatorzième séance annuelle de la société fibre des
beaux-arts a eu lieu dimanche passé à l'Hôtel-de-Ville , dans
la salle Saint-Jean. On a fait là , comme dans beaucoup de
sociétés académiques que possède Paris , de la musique entre-
mêlée de vers et de prose plus ou moins littéraires. M. Jac-
quart ou Jacquemart, nous ne nous souvenons plus lequel de
ces deux noms a été prononcé par l'honorable président ,
M. Jacob , un jeune membre donc , portant l'un ou l'autre de
ces noms, autorisé qu'il était par la société libre des beaux-
arts, a exprimé librement son opinion sur la critique du sa-
lon faite par les journaux. Il est revenu si souvent sur les in-
convénients, les injustices de la presse, qu'on pourrait bien
critiquer la critique de ce critique de la critique , malgré
l'ignoble exemple et l'appréciation grossièrement immorale
qu'il cite d'un feuilleton de la Presse sur le tableau exposé
cette année sous le titre de l'Or, doctrine sociale et artistique
dont la presse en général n'accepte point la solidarité , bien
qu'on paie et qu'on décore de notre temps les propagateurs
de pareils principes; mais nous n'avons ni le temps, ni l'es-
pace pour répondre aussi longuement qu'il le faudrait au jeune
interprète de la société libre des beaux-arts.
M. Mirault a jeté d'éloquentes fleurs de rhétorique et de
souvenir sur la tombe de Redouté , célèbre peintre de fleurs
de l'empire ; M. Calemard de Lafayette a dit des vers agréables
sur une amphore antique; puis le président a distribué des
médailles d'argent à M. Denuelle, pour des études sur l'art
décoratif qu'il a faites en Italie ; à M. Lesueur, pour sa col-
lection de dessins d'histoire naturelle exécutés pendant un
voyage autour du monde ; à M. Cavalier, pour les améliora-
tions introduites dans la facture des orgues , etc. ; et puis on
a passé à la partie musicale de la séance dans laquelle se sont
distingués M. Armingaud par un solo de violon qu'il a dit
avec beaucoup de justesse et de sentiment quoiqu'avec un peu
trop de timidité ; M. Pastou et ses choristes enfants ; M"" Korn,
dans une grande fantaisie sur des motifs de Guillaume Tell
pour le piano ; M""= Arlhémise Duval , dans un air de YÉli-
sabette de Rossini qu'il a introduit depuis dans le Comte Ory;
enfin MM. Audran , Gary et Chaudesaigues : mais les suf-
frages de la partie la plus musicale du public ont été pour la
famille Distin qui a exécuté des morceaux de Robert-le-
Diable et le final de la Lucia avec un ensemble admirable ,
une justesse parfaite dus en partie aux excellents instru-
ments de M. Adolphe Sax.
Le concert donné mardi dernier dans la salle Herz par
M. Géraldv avait attiré une nombreuse assemblée , tant il est
178
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
vrai que si les donneurs de concerts se lassent, le public ne
se fatigue pas de venir les entendre. Il est à remarquer que
les auteurs dont les noms figuraient sur le programme sont
ceux dont s'honore le plus l'école française: Sacchini,
Méhul, Monsigny, D'Aleyrac , Auber, etc. Le bénéficiaire a
dit l'air d'OEdipe avec un sensible progrès de noblesse, d'onc-
tion paternelle et de style élevé; il a délicieusement chanté,
comme toujours , et avec Ponchard , le duo de Picaros et
Diego, l'air de Fontanarose du Philtre, le duo de l'Irato:
Jurons! puis une mélodie triste et jolie: le Petit mousse
noir; et puis, par un caprice d'artiste, la Petite bergère, ce
fabliau si gentiment dit , raconté dans tous les concerts, par la
gentille M"'° Sabatier qui , elle aussi , par une rare complai-
sance d'artiste, a consenti à faire ombre au tableau en faisant
précéder la Petite bergère qui est son bien , sa chose par
droit de conquête, d'une vocalise sur M"° Philomèle d'un ef-
fet h-peu-près nul. Cela n'a pas empêché le concert de SI. Gé-
raldy d'être un des plus agréables de la saison , et le petit
Boverle , et Ponchard , et M"' Brambilla , et le premier flû-
tiste de l'époque, Dorus, d'y chanter, d'y jouer avec le ta-
lent qui les distingue et d'être applaudis comme à l'ordi-
naire, c'est-à-dire comme des enfants chéris et gâtés par
le public.
Henri Blanchard.
LE FLAGEOLET.
Dessin de Gavarnî.
Le flageolet est l'ami de l'homme , mais l'homme n'est pas
toujours l'ami du flageolet : cela dépend de la manière de
s'en servir. Il est certain que la musique des rues, à l'usage
et au bénéfice des pauvres diables , qui demandent l'aumône ,
n'a pas uniquement pour but de flatter l'oreille. En général
cette musique aspire aux propriétés distinctives du cri per-
çant de la victime que menace le poignard et qui appelle du
secours. 11 en résulte que vous payez le musicien pour qu'il
s'éloigne et vous affranchisse d'un supplice. Mais comme rien
n'est absolu dans ce monde , ce qui paraît insupportable à
celui-ci semble quelquefois délicieux à celui-là, de sorte qu'il
n'est pas hors d'exemple que vous rencontriez des gens qui
ne soient pas moins les amis du flageolet que de l'homme et de
l'homme que du flageolet.
nOTTTBIaZaSS.
*,* Aujourd'hui, dimanche, à l'Opéra, Guillaume Tell, chanté par
Duprez, Barroilhet. — Demain lundi le Lazzarone suivi de Ladij
Henriette.
*," \ux deux représentations de la.Favorite données celte semaine,
la- recette a dépassé 10,000 trancs.
*,* Les ouvrages que l'on monte en ce moment sont d'abord
Othello, pour la représentation au bénéfice de Barroilhet, la Bohé-
mienne, opéra en trois actes, musique de Balte (sur le même sujet
que la Gipsy), liichard en Palestine, opéra en deux actes.
V Les représentations de M"» ïaglioni commenceront le 1" juin
prochain, et se poursuivront les S, "9, 14, 21 et 29 du même mois. La
dernière sera au bénéfice de la danseuse.
%" Le Conservatoire doit donner dans hait jours l'exercice com-
posé d'un ouvrage nouveau de M. Bousquet, ancien pensionnaire de
Rome, et du Comte Ory.
*,* Dans le numéro prochain, nous commencerons la série des ar-
ticles consacrés à l'examen des produits de l'industrie. Jusqu'ici rien
n'étant complet dans l'exposition, les retards des exposants nous ont
forcé nous-méme à ajournemotre revue.
"." Thalberg et Dœhler sont partis cette semaine pour Londres.
Liszt-nous reste; malheureusement le grand artiste est gravement
malade , mais tout fait espérer une prompte guérison.
V MM. Thalberg, Dœhler et Pixis, ont visité samedi dernier à
l'exposition, le nouveau piano de Boisselot de Marseille, qui a la
propriété de produire les octaves avec un seul doigt. — Cette remar-
quable innovation a été l'objet d'un examen attentif delà part des
trois illustres artistes , qui en ont paru très satisfaits, et ils ont ac-
cordé les plus grands éloges à MM. Boisselot.
*," L'inventeur du système de la téléphonie musicale, M. Sudre,
vient de rfcevoirdeM.le président du conseil, ministre de la guerre,
une mission qui aura pour résultat une expérience des plus curieu-
ses. Il s'agit de former cent clairons pour les répartir ensuite dans les
divers régiments, qui marcheront de divers côtés sur la ville de
Metz, et ferontle simulacre d'un siège. Ces régiments correspondront
entre eux au moyen du système, dont l'inventeur a été fort bien
traité dans celle circonstance par l'illustre maréchal cl ministre, à
la suite d'une séance donnée en son iiôtel. Nous avons assisté nous-
même à l'une des dernières séances particulières de M. Sudre, et
après avoir admiré l'intelligence extraordinaire de son élève et in-
terprète, M"= Hugol, nous avons élc charmé de la belle voix dont
celte jeune personne est douée, ainsi que de la belle méthode qui
lui sert à la diriger. Il est difficile de chanter avec plus d'accent,
plus d'âme et plus de goût. L'influence des leçons de Duprez se re-
connaît aux progrès de la jeune cantatrice.
V La Société philanthropique de Troyes, en Champagne, a donné
son troisième concert de l'année lundi dernier. Notre célèbre vio-
loniste Alard s'y eslfail entendre avec le succès qui lui eslordinaire.
On y a aussi beaucoup applaudi l'ouverture et le chœur national de
Charles FI.
",' M. et M"" Iweins d'Hennin , le couple mélodieux, ont recueilli
une belle pari de bravos dans le dernier concert delà Société phil-
harmonique de Tours, en chantant le grand air des 31ijslcres d'Isis,
le duo de Don Sébanien, l'air de la Favorite et des romances de di-
vers auteurs.
V Fanny Elssler doit donner une suile de représentalions au
théâtre de Peslh.
V Le grand festival des chanteurs du Taunus aura lieu le 28 mai
prochain dans les salies du vieux château de Kœnigstein, sous la di-
rection de M. Just , à Francfort. Ce sera une fêle brillante pour les
vingt-quatre sociétés de chant du Taunus.
*,* Depuis longues années la Polka, celle danse favorite des Pari-
siens, n'était dansée que par les paysans de la Bohème. Il y a quel-
ques années que le professeur de danse le plus distingué do Prague,
M. Raab, eull'idée de moderniser cette danse et de l'introduire dans
les salons. Nous avons le plaisir d'annoncer à nos lecteurs que
M. Raab est arrivé à Paris, et que, grâce à lui, nous connailrons en-
fin la véritable Polka telle qu'on la danse à Prague et à Vienne, et
qui a été tant parodiée cet hiver à Paris.
*,* On sait que le tombeau de Mozort est perdu , et qu'il a été im-
possible, malgré les rechcrchcsios plus minutieuses, de le retrouver.
Mais ces perquisitions n'ont pas été tout-à-fait inutiles; elles ont
servi à fiire découvrir le tombeau de Gluck dans le cimetière de
Watzleinsdorf , à Vienne. La pierre tumnlaire, entièrement couverte
de mousse et fendue parle milieu, se trouve derrière un magnifique
mausolée appartenant à unricheiianquicr, dont le fils a fait banque-
route, en plongeant dans la misère un grand nombre de veuves et
d'orphelins. Surcelte pierre on lit la simple épitaphe que voici: » Ci-
gît un honnête homme allemand, un bon chrétien el un min fidèle,
Christophe , chevalier de Gluck , maître dans l'an de la musique, mort
le 16 novembre 1787. i>
V La société élégante de Paris possède enfin un digne représen-'
tant de son goût, de ses manières et de sa toilette ; toutes ces choses
précieuses pour la bonne compagnie des départements et de l'étran-
ger sont fidèlement reproduites par les Modes parisiennes , joumaX'-
album que publient MM. Aubert el C, fondateurs du piquant Cha-
rivari el de tant d'autres publications célèbres à difl'érenls titres. Les
Modes parisiennes ne donnent pas , comme la plupart des feuilles de
leur spécialité, des gravures mal dessinées et dont les toilettes sont
exagérées à ce point qu'elles ne peuvent servir de modèles qu'aux
gens de mauvais goût; leurs dessins sont exécutés par les premiers
artistes, gravés sur acier par les graveurs en réputation, el les toi ;
lettes sont choisies dans le monde par une femme du monde au lieu
d'être prises dans les boutiques des pacotilleurs. Ajoutons que , par
un perfectionnement non moins important, chaque objet de toilette
dont la coupe présente quelque nouveauté on quelque ditBculté, est
DE PARIS.
179
accompagné d'un patron de grandeur naturelle qui rend son exécu-
tion facile à tout le monde. Enfin, comme si tous ces avantages leur
avaient encore semblé trop peu de chose pour soutenir la lutte avec
les concurrences , MM. Aubert et G" font présent à toute personne
qui souscrit pour un an (28 francs) d'une collection de 300 grands
dessins de broderies pourrobes— voiles— écharpes — fichus — canezous
— bonnets— collerettes, etc. Aussi les Modes parisiennes ont-elles ob-
tenu un succès prodigieux autant que mérité.
*.* /jandres.. — Voici la magnifique distribution 4s Zampa -su
Queen's-Thsaitr*. Fornasari , Zampa ; Lablache, Dandolo ; M">« Per-
siani, Oamilla; Corelli , Alfonso ; F. Lablache, Daniele. C'est un
digne hommage à la gloire d'Hérold. Inutile d'ajouter que le
succès d'un tel chef-d'œuvre a répondu au talent de ses nouveaux
interprètes. — La rentrée de M"" Gerrito au théâtre de la Reine, la
vogue de M"= Lucile Grahn à Drury-Lane se disputent, ou , comme
dit Figaro, se partagent la foule et l'enthousiasme. — On prépare au
théâtre français de Saint-James le Mariage de Figaro. — M. Lover
fait entendre avec succès dans la salle de concert du 'Fhéàtre de la
Princesse un nouveau morceau intitulé: ihe Irisitbrigader. — En gé-
néral , les concerts font à Londres en ce moment comme un effort
désespéré pour s'enlever l'un à l'autre le public indécis entre tant
de séductions. Parmi les grands artistes qui s'apprêtent à en donner,
nous distinguons avec intérêt le nom si honorable de Gramer. Au
moment de finir, la saison musicale jette , comme la bougie prête à
s'éteindre, une clarté plus brillante.
— On a donné au Queen's-Theatre, pour le bénéfice de M"» Gar-
lolta Grisi , le chef-d'œuvre de Mozart , Don Giovanni, avec une dis-
tribution digne d'une telle musique; Dona Elvira avait pour Inter-
prète M"= Favanti; dona Anna, M"' Grisi; Zerllna, M°" PersIanI ;
Fornasari chantait don Giovanni ; Mario , Ottavio ; Lablache , Lepo-
rello, et son fils , Mazetto. — Les solennités musicales continuent;
nous avons à enregistrer celle Aesancieijs concerts et celle des mélo-
distes , qui ont été fort brillantes.— M. Glarlte , l'habile organiste de
la cathédrale deWorcester, est mort subitementla semaine dernière.
— Salvi est engagé pour chanter à Manchester, dans quelques villes
du nord de l'Angleterre et à Dublin. — M"« Gerrito a reçu de l'ex-
impératrice Marie-Louise un riche présent avec une lettre, où cette
souveraine déchue exprime à la danseuse le plaisir qu'elle a trouvé à
jouir de son talent, qui lui rappelait le temps où sa présence était,
à Paris, un encouragement pour les artistes de l'Académie Impé-
riale de Musique.
— Le théâtre royal de Manchester a été la proie des flammes :
il n'existe plus. L'incendie, qui a ooraimencé à six heures du ma-
lin, atout réduit en cendres dans l'espace d'une heure. Malgré les
efforts des pompiers et le jeu actif de la puissante pompe dite Nia-
gara, tout est brûlé. On a sauve une partie des costumes. L'édifice
était assuré pour 4,000 livres sterling. Pendant que le théâtre de
Manchester brûlait, le feu a failli prendre au Ihcàtrc royal de Li-
verpool. Pendant la représentation, il y a eu une panique, le feu
avait prisàquelques décors. Le public s'est précipité vers les portes:
heureusement l'accident n'a eu aucune suite.
•,* Vienne, \" mai. — La célèbre cantatrice Jenny Luizer, actuel-
lement engagée au théâtre impérial et royal delà Porto de Carinihie,
vient d'épouser M. Gharles Dingelstadt , jeune poêle très distingué,
et qui appartient à une des premières familles de robe. Le jour même
où leur union a été célébrée, S. M. l'empereur a conféré à M. Din-
gelstadt le litre de conseiller aullque , dignité qui donne de plein
droit entrée à la cour. La nouvelle mariée se retire du théâtre.
*,* Darmstadt. — Belisario a été représenté avec un éclatant suc-
cès. MM. Pischek etMayr ont été rappelés sur la scène, à la fin de la
représentation. Nous avons entendu également M. Mayr dans Norma
et dans la Fille du régiment. Ce jeune artiste possède une belle voix
de ténor, et est d'un extérieur agréable : aussi vient-il d'être engagé
aiB théâtre de la Cour, àDannstadt.
",* Dresde. — Un jeune ténor, M. WHtiim<nyeT, vient de d^toter
avec un succès marqué dans Dmi Juanel duBsOtello.
*,* Wiirzbourg. — La Part du Diablen fait fureur.
*,* Stuttgart. — Le roi a donné cent cinquante mille florins pour
la construction d'une nouvelle salle de spectacle ; mais , comme on a
l'intention de le construire sur une grande échelle , cette subvention
est regardée comme insuffisante, et il est probable qu'elle sera aug-
mentée.
".* Soleure. — Le grand festival de la Fédération suisse aura lieu
cette année, dans notre ville, sous la présidence de M. lelandamman
Munziger. Le comité se compose de MM. Charles de Haller, maître
de chapelle, Lack et Wis wald ; l'orchestre sera dirigé par M . Schnyder
de Wartensée, de Francfort; M. le chapelain Wohlgemulh dirigera
les chœurs,
"," Stockholm. — Le théâtre Lindeberg a repris le cours de ses re-
présentations par suite d'une permission spéciale. Quant au théâtre
royal , il reste clos définitivement , tout le personnel de la troupe a
été congédié; cet établissement ne subsistait qu'à l'aide d'une sub-
vention qui avait des adversaires acharnés dont les protestations
se produisaient tous les ans aux Étals. Stockholm est en ce mo-
ment la seule résidence royale qui n'ait pas de théâtre national.
*.* Madrid. — Ramon Carnicer vient de renvoyer despotiquement
du théâtre de la Cruz trois chefs de chœurs, dont le crime était
d'avoir prêté leur concours à un concert du journal de musique la
Iberia; la mesure n'est pas d'une générosité chevaleresque , comme
on le lui reproche amèrement dans la patrie de Don Quichotte. Dans
les arts, comme dans la politique , on retrouve encore le vieux sang
afriwn qui bouillonne partout en Espagne. Non moins sensibles ,
peut être, à la critique , les directeurs parisiens ont le bon goût de
ne pas la traiter ainsi de Turc à Maure.
•/ Triesie. — Le théâtre allemand fait très bien ses affaires,
malgré deux redoutables concurrences. Au Teatro grande , \ai so-
ciété du théâtre de la cour de Parme ,va^ec la prima donna Ris-
tori , une des plus belles et des plus brillantes cantatrices de l'Italie,
donne des représenlallons fort suivies ; les comédies de Goldoni ,
jouées en dialecte vénitien, au Teatro Mauroner, attirent également
la foule. Mais l'élfte de la société seporle au Teairo fllodrammatico,
petite salle fort élégante , qui a été ouverte le lundi de Pâques ; on y
représente les produelions les plus remarquables de l'art dramatique
en Allemskgne.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
27 mSTRUMENTS BREVETES.
POUR
CENT
PAR AN
10
ASSOCIATIOH
sont assurés dès aiijoiird'lHÛ à 9191. les Actionnaires. On
pourra visiter tous les jours, de une lieure à quatre Iteures,
la falirique de M. SAX, en plein rapport.
10, R1XEirEirVE-SAINT-GEOB.GES, A FAIUS.
Pour l'Exploitation de tous les Instruments de musigae , à vent , en. cuivre
et en bois , et de ceux qu'a inventés M. AD. SAX , qui sont adoptés
par les Régiments , les principaux Conservatoires et Théâtres de France et
de l'Étranger.
M. A». SAX, pour satisfaire auxdemandes qui lui sont adressées de toutes parts , se croyant obligé de donner une plus grande exten-
sion à sa fabrique, vient de fonder une Société par actions de 2,S0 fr. et de 500 fr. Dés aujourd'hui, M. SAX assure aux actionnaires un
bénéfice de 10 pour 100 par an, et une piut proportionnelle dans les bénéfices. Les instruments nouveaux de M. A». SAX, approuvéspar
MM. Rossini, Spontini, Auber, Halévy, Berlioz, Carafa. Ad. Adam, A. Thomas, G. Kastner, doivent remplacer une grande partie
des Instruments dont on se sert aujourd'hui d.ms les Régiments, les principaux Théâtres et Conservatoires. Il n'est pas besoin d'insister sur
la moralité et le résultat d'une pareille cnlrepriscV,
Lesactions sont au porteur, de 250 et de 500 fr. Les personnes delà province, en envoyanliun bon à vue sur Paris, pour la somme d'ac-
tions qu'elles désireront, lecevronl l'Acte de Société el les titres en échange par le courrier. On souscrit a Pan», 10, rue Neuve-St- Georges.
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MiUniCE BOURGES, F. DANJOU, DLESBERG, FÉTIS père, Édoumd FÉTIS, Stfpben HELLER, J. JANIN,
G. KASTNER, LISZT, J. MEIFRED , GeOBGE SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
Paraissant tons Mes JOitnattches.
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVABNI.
Le 1*' et lo 15 de chaque mois on recevra nn morceau de musique»
SOMMAIRE. La musique des comédies de Molière (suite et fin); par
ED. FETIS. — Picci:erclies et considérations sur la Polka et les
Polkistes; par H. BLANCHARD. — Concerts ; par H. BLAN-
CHARD. — Revue critique ; Le SoUége des doigts , de Cramer;
par A. MÉREAUX. — Nouvelles. — Annonces.
le Cornet du Paslcur dans les Pyrénées, nessin de Gavarni.
MM. les Abonnés reçoivent avec le présent numéro :
BAAB-FÛI.1£A, par j.-f. fzxis.
LA MUSlOllE DES COMÉDIES DE MOLIERE.
(Suite et fini.)
I eus avons vu comment LuIIy s'associa au gé-
nie bouffon de l'auteur de Poiirceaiignac.
Dans une autre circonstance, il prêta en-
core à Molière l'appui de son double talenl
de compositeur et d'acteur. Ce fut à l'occa-
sion du Bourgeois gentilhomme. Lullyjoua dans cette pièce,
à Saint-Germain , le rôle du muphti. Louis XIV loua le co-
mique qu'il y déploya; mais malgré le succès qu'il obtint
ce soir-là auprès du roi, cette démarche faillit l'empê-
cher d'obtenir une charge de secrétaire du roi qu'il ambi-
tionnait depuis longtemps. Ceux qu'il considérait déjà comme
SCS collègues allèrent trouver M. de Louvois , et le prièrent
d'adresser des représentations à qui de droit , au sujet de
cette nomination de Lully, dont le bruit s'était répandu.
M. de Louvois portait aussi le titre de secrétaire du roi;
l'idée d'avoir pour confrère un homme qui, par ses bouffon-
(■) Voirie numéro 20.
neries, venait de se donner en spectacle à toute la cour, blessa
sa vanité. Il dit tout haut qu'il espérait bien qu'on respecterait
assez la compagnie dont il avait l'honneur d'être membre ,
pour ne pas l'obliger à recevoir Lully dans ses rangs ; mais
Louis XIV, qui montait lui-même sur la scène, et qui avait
déclaré qu'en participant aux jeux du théâtre un gentilhomme
ne dérogeait pas, n'eut aucun égard aux réclamations de ses
secrétaires , et Lnlly fut nommé.
Louis XIV voulait que ses désirs fussent satisfaits aussitôt
qu'exprimés , et ne laissait pas toujours à Molière le temps
de composer les intermèdes qu'il lui commandait pour les
fêtes de la cour. C'est ainsi qu'ayant conçu le projet d'inter-
caler deux pastorales , l'une héroïque, l'autre comique, dans
le Ballet des muses, de Benseiade , il accorda , pour les écrire,
si peu de temps au grand poète , que celui-ci put à peine es-
quisser deux actes de la première. Ce fragment fut exécuté à
Saint-Germain sous le titre de Mélicerte. Plus tard, Guérin,
fils du comédien de ce nom , qui avait épousé la veuve de
Molière, termina la pastorale héroïque, à laquelle il ajouta
un troisième acte de sa façon, en vers libres. C'était déjà une
grande impertinence ; mais il n'en resta pas là ; il mit égale-
ment les deux actes de Molière en vers libres et se permit
d'y introduire des changements assez notables. La pièce ainsi
bouleversée fut jouée le 10 janvier 1699, sous le titre de Mir-
til et Melicerte , avec un prologue et des intermèdes dont
Lalancle avait composé la musique.
Molière écrivit aussi avec |Une grande rapidité la pastorale
comique, qui forme la troisième entrée de ce même Ballet
des muses. Il est probable qu'il fut lui-même peu satisfait de
son ouvrage, car il ne voulut pas le livrer à l'impression. On
n'en aurait rien conservé , si les vers des morceaux de chant
n'avaient été imprimés avec la musique de Lully, que publia
Robert Ballard en 1666. Toutes les scènes parlées ayant été
supprimées par Molière , il est assez difficile de suivre , dans
ces seules parties de chant , le développement du sujet. Ce-
BURXAUX D'ABONNEBIEKrT, RVE HICHEIiIEU, 97.
182
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
pendant on croit comprendre qu'il s'agit de la rivalité de trois
bergers, dont l'un, moins riche que les autres, est cependant
préféré par la bergère à laquelle il adresse ses vœux.
La Fontaine venait de publier son roman de Psyché, qui
faisait les délices de la cour et de la ville. Louis XIV pensa
qu'une pièce composée snr le même sujet donnerait lieu à un
vaste déploiement de pompe théâtrale , et il pria Molière de
s'en occuper sans délai. Molière obéit aux ordres du grand
roi; mais il ne pouvait consentir à être l'imitateur de per-
sonne , pas même de La Fontaine , et il s'écarta de la roule
qu'avait suivie ce dernier. Il traça un plan qui répondait
parfaitement aux vues de son royal maître; puis, le temps le
pressant, il sollicita et obtint la collaboration de Corneille,
qui écrivit les vers de quatre actes entiers dans l'espace de
quinze jours. Quinaull composa les intermèdes , à l'exception
de celui du premier acte, qui est rempli par des dialogues
italiens, dont les paroles sont attribuées à Lully, auteur en
même temps de toute la musique. La salle des machines , aux
Tuileries, où cette tr»gédie-ballet fut exécutée, avait été con-
struite et décorée , par ordre du roi , avec une magnificence
qui étoima même les personnes accoutumées à voir se réaliser
comme par enchantement les somptueuses fantaisies du mo-
narque.
D'après l'avant-propos qui précède la comédie des Amanls
magnifiques , dans la première édition , le plan de cette pièce
fut presque dicté par Louis XIV, qui , « voulant donner à la
cour un divertissement composé de tous ceux que l'art théâ-
tral peut fournir, conçut l'idée de deux princes rivaux qui ,
dans la vallée de Tempe , où l'on doit célébrer les jeux Py-
thiens, régalent à l'envi une jeune princesse et sa mère de
toutes les galanteries dont ils peuvent s'aviser. » On sait com-
ment Molière a traité cette donnée. Les intermèdes furent
remplis par des scènes liées à l'action principale, où l'on vit
paraître des divinités célestes, terrestres et marines qui chan-
tèrent et dansèrent des airs et des pas appropriés à leur ca-
ractère. On exécuta une pastorale en musique ayant pour
sujet des amours champêtres de la vallée de Tempe, et en-
suite la fête des jeux Pythiens. Le roi , le duc de Villeroy et
d'autres seigneurs de la cour y dansèrent avec les danseurs et
les danseuses ordinaires des ballets.
Lully composa la musique de la Princesse d'Elide , pièce
qui avait été commandée à Molière par Louis XIV, pour
servir aux fêtes que le grand roi donna, sous le titre des
Plaisirs de l' I si e enchantée, aux deux reines, son épouse et
sa mère, et qui remplirent sept journées. On lui doit égale-
ment celle des intermèdes de Georges [Dandin , de l' Amour
médecin, de la Comtesse d' Escarbagnas et du Malade ima-
ginaire. Une partie des airs à chanter et à danser qu'il écrivit
pour les ouvrages du grand poêle a été imprimée h Paris chez
Ballard ; mais une autre portion n'a jamais été publiée , et se
trouve manuscrite dans la collection de Philidor.
Les divertissements des comédies de Molière avaient été
spécialement et uniquementcomposéspour les représentations
des théâtres de la cour. On les retranchait à la ville , et ce qu'il
y a de bizarre, c'est que Lully, qui en avait composé la
musique , s'opposait énergiqucment , en vertu du privilège
qu'il avait pour l'Opéra , aux tentatives que firent les comé-
diens français pour les introduire sur leur théâtre. Plusieurs
ordonnances furent rendues à ce sujet, et la dernière est si-
gnalée de cette façon dans des mémoires du temps : « Les
comédiens français s'estant avancésdc meslerdans des repré-
sentations du Malade imaginaire tl de la Princesse d'Elide
des danses, des voix, et d'avoir dans leur orqucstre un plus
grand nombre d'instruments qu'il ne leur est permis par les
ordonnances, sur les plaintes des intéressés au privilège de
l'Opéra , il intervint un arrest du Conseil-d'Eiat qui obligea
les comédiens h se conformer auxdites ordonnances , à peine
de cinq cents livres d'amende par chaque contravention , dé-
clarant l'amende encourue pour les représentations du Ma/ade
imaginaire et de la Princesse d'Elide. » Ces ordonnances
auxquelles il est fait allusion sont celles qui fixèrent. à » deux
voix et à six violons ou joueurs d'instruments , » le personnel
musical des autres théâtres que l'Opéra.
« Si j'étais roi de France » est une vieille formule à l'usage
de ceux qui ont quelque souhait important à former. Si nous
étions roi de France , ou roi des Français , pour parler un
langage plus constitutionnel, nous voudrions nous donner le
plaisir de faire jouer sur le théâtre de Versailles une comédie
de Molière avec les intermèdes , la musique de Lully et les
costumes du temps. Ou nous nous trompons fort , ou celte
restitution complète de la physionomie de la scène française
à l'époque la plus glorieuse de son histoire, offrirait le plus
piquant intérêt. N'étant nullement en mesure de réaliser cette
pensée pour notre propre compte, nous ne pouvons que
former des vœux pour qu'elle soit adoptée et mise en pra-
tique par qui de droit.
Edouard Fktis.
RECHERCHES ET CONSIDERATIOIVS
HISTORIQUES, PHYSIOLOGIQUES ET CHORÉGRAPHIQUES
IiA FOI.KA & I.ES FOIiKISTES.
es romantiques pourraient bien avoir raison
lorsqu'ils disent , dans leur poétique en forme
de préfaces, que le bouffon et le grotesque sont
inhérents au pathétique et au tragique. C'est
surtout en France qu'on aime cette union, ces
rapprochements, ces contrastes du terrible et du plaisant.
Napoléon le sentait bien , lorsqu'il proclamait cet axiome so-
cial que nous a transmis l'archevêque de Malines; Du sublime
au ridicule il n'y a qu'un pas. Il semblait deviner qu'après
l'incendie de la seconde capitale de la Russie , le Français né
malin porterait des habits cendres-de-Moscou. Quelques an-
nées avant, pour se procurer le plaisir de danser au bal des
victimes , il fallait avoir eu un ami on un parent de guilJoliné.
De même que don Gucvara nous montre le malin démon
Asmodée se reformant de la fumée sortie de la fiole brùsée
par l'étudiant Cléofas, dans le Diable boiteux , les barricades
de juillet nous ont fait voir , sortant des fumées de la guerre
civile, le grotesque Mayeux armé de ses bons mots , de ses
plaisanteries cyniques qui ont enfanté Robert Macaire, per-
sonnification de la floueiie effrontée, du vol naïvement gros-
sier, et que la censure a empêché de se reproduire sur la
scène , parce que cela donnait lieu à de mauvaises allusions.
Allusions à qui, à quoi?... ma foi , cherchez.
D'après ces précédents et ces antécédents, comme on dit
en langage assez peu français dans notre fabrique législative,
il est rationnel, naturel, qu'en présence des questions qui
touchent à l'honneur et à l'intégriic du pays, à sa dignité
et à ses plus chers intérêts, on s'occupe exclusivement de
la polka dans toutes les cjasses de la société. C'est le mot de
M. de Salvandy en action : Nous dansons sur un volcan ; C'est
Jeannol ou les battus paient l'amende, faisant déserter les
chefs-d'œuvre de Voltaire; c'est le singe de Nicolet arrachant
DE PARIS.
183
ses spectateurs el ses admirateurs au célèbre comédien Mole,
qui avait la faiblesse de s'en affliger profondément. Or, puis-
que la vapeur ne suffit pas au besoin de locomotion qui tra-
vaille tant de gens, publicisle de toutes les choses musicales
sérieuses ou légères, nous allons faii'C part à nos lecteurs de
nos investigations sur cette maladie qui préoccupe et fait
sauter en ce moment les lionnes et les lions, même ceux du
Jardin des Plantes, qui ont gagné h cet exercice une épi-
zootie , à ce que disent les grands journaux.
D'où vient donc cette danse qui est la manie du jour? Les
petits journaux, qui ont fait tantôt de si spirituelles plaisan-
teries sur la polka, seraient fort embarrassés de nous le dire.
Voici son origine, dont nous pouvons garantir l'authenticité.
M. Raab , de Vienne , et dansem- dans un petit théâtre du
faubourg de la capitale de l'Autriche, fut appelé à Prague,
il y a quelques années, pour diriger les ballets du théâtre de
cette ville. En allant se promener dans les délicieux environs
de cette métropole de la Bohême , l'artiste observateur vit des
hulans ou lanciers polonais, cantonnés dans un village, qui
invitaient déjeunes Bohémiennes h danser; et comme celles-ci
ne savaient que la danse de leur pays, et que les Polonais
voulaient s'en tenir à la leur, des deux parts on convint que
chacun danserait comme il l'entendrait, comme, dans le
Déserteur, le grand cousin entame sa complainte pendant
que Montauciel dit joyeusement sa chanson militaire : de là ,
deux danses nationales en présence, se modifiant, se faisant
quelques concessions, se fondant l'une dans l'autre, et dont il
est résulté la polka prise sur nature par M. Raab. Cette danse
lui parut pittoresque; il la mit sur le théâtre de Prague, oii
elle produisit beaucoup d'effet avec le costume polonais et
bohémien combiné ; puis il lui prit la fantaisie de nous la faire
connaître. Il vint donc à Paris; mais le temps de la polka n'é-
tait pas encore venu , car personne ne se souvient de l'avoir
vu danser dans notre belle capitale de France et de toutes les
danses. Les affiches du théâtre de l' Ambigu-Comique de I8/1O
peuvent cependant le certifier. Mais voilà qu'après quatre ans
on prend à M. Raab sa chose, sa polka, sa propriété chorégra-
phique , qu'on dénature, qu'on arrange ou qu'on dérange,
dont on fait un mélange adultère de passes allemandes , de
I galop hongrois , de pas styrien. Indigné de ce sacrilège clio-
I régraphique, M. Raab quitte de nouveau les bords de la
I Moldau , accourt encore dans Paris, oîi il trouve les Coralli ,
1 les Laborde, les Celarius enseignant une polka, ou plutôt des
i polkas plus ou moins de convention, plus ou moins théâtrales,
j plus ou moins styriennes, cracoviennes, cacliuchiennes; et
I il vient, dit-il, pour rendre à cette jolie danse son caractère
complexe et primitif, et la décence dont elle s'est un peu
j trop écartée. On voit que la mission que s'est donnée M. Raab
j est digne des Bathyle et autres célèbres mimes de l'anti-
quité. Que notre terre lui soit hospitalière autant qu'il est
léger lui-même sur cette terre des polkas et des beaux-arts!
Sous le rapport musical, la polka est bien aussi d'une ori-
gine équivoque, bâtarde. La polka que l'on danse tous les jours,
en un mot, n'est pas la polka vraie, authentique ; ce sont de
ces polkas fabriquées à Paris comme le rhum de la Jamaïque,
comme l'esprit national français qui nous vient tout fait de
Londres, etc., etc., etc., et encore une foule d'etc. De même
que les libraires du temps de Montesquieu disaient à tous les
auteurs : Faites-nous des Lettres persanes , les éditeurs de-
mandent des polkas à tous les compositeurs; et ceux-ci cèdent
facilement , avec grâce, avec plaisir même à celte invitation.
■Wollîen a fait de charmantes, Kontski de délicieuses, Thal-
berg de voluptueuses, Pixis de radieuses. Danser ou compo-
ser la polka va devenir une obligation, un devoir, comme celui
de payer son terme, ses contributions, de monter sa garde, et...
encore une infinité d'etc. Celui qui trace ces lignes, comme
disent les critiques préientieux, vient d'interrompre cet ar-
ticle instructifpour écrire, cédant à une inspiration soudaine,
une polka qu'il publiera peut être, et que, dans tous les cas,
il dédie à la postérité. Qu'on se le dise !
On sait que la polka est toujours en mesure à deux-quatre;
mais ce que tout le monde ne sait pas, même bon nombre de
musiciens qui en composent, c'est que celle mélodie ne doit
avoir nullement le caractère du galop. Et d'abord elle n'en a
pas la vivacité : le mouvement se prend beaucoup plus large-
ment afin de laisser développer aux danseurs une sorte de
majesté chorégraphique; et puis les deux doubles croches,
au lieu d'être sur la fin du premier ou du dernier temps de
la mesure, comme dans les galops ordinaires, doivent se
trouver au commencement du second temps ; ainsi que l'a
dit un de nos plus grands poètes modernes, Victor Hugo ou
Lamartine :
A ce deuxième temps on doit, dans tous les cas,
Keconnaiire le rtijthme el le chic des Polkas.
La Cerilo et la Duchesse de Lanner sont bien dans ce ca-
ractère; r Amélie, composée par le duc Maximiliende Bavière
et dédiée à M"'" la duchesse de Berghcs, si elle n'est pas une
polka pur sang, n'en est pas moins fort jolie. Stiaka en a com-
posé plusieurs, parmi lesquelles il faut distinguer /e Bouquet
d'immortelles, qui pourrait bien lui donner l'immortalité tout
le temps que les polkas jouiront de la vogue; et pour sa
polka intitulée : les Camélias, qui procède hardiment par tran-
sitions enharmoniques, on devrait donner à Beyerun camé-
lia rouge, qui, placé à sa boutonnière, ferait absolument l'effet
de la croix d'honneur, moins l'ennui du serment à prêter, ce
qui n'engage à rien, il est vrai. On peut signaler encore la
Course de Joachym, les Anémo7if s deLahilaki, elles Rayons
du soleil de Kliegel un peu pâle de mélodie, mais qui ne
laisse pas que d'avoir la couleur et l'entrain de la vraie
polka.
Vainement nos chorégraphes de théâtre et de salons, vaine-
ment les bohémiens de Paris ont dénaturé la polka bohé-
mienne, M. Raab est revenu à temps pour la rendre à sa di-
gnité première, pour rassurer les mères et les maris inquiets
devoir tournoyer les objets qui leur sont chers dans les bras
du premier polkcur venu. La polka restaurée de M. Raab a
déjà reçu la sanction de l'Académie des sciences morales, et
mérité un rapport hygiénique des plus favorables de la Faculté
de médecine de Paris.
Henri Biarxhard.
C0NCE51TS.
M"'° Anna Zerr, qui avait chanté au concert de M. Berlioz
et à celui donné au bénéfice de l'association des musiciens, a
donné, pour son compte, une soirée musicale le 18 mai dans
la salle Herz. M"" Zerr est Allemande, et ce n'est pas préci-
sément par une manière rationnelle et brillante de chanter
qu'on se distingue dans son pays; maison voit que cette
cantatrice s'est fait initier à tous les mystères de la méthode
italienne. Après la famille Dislin, qui a dit avec sa perfection
accoutumée un morceau de Rohert-le- Diable sur les nou-
veaux instruments de M. Adolphe Sax, M"' Zerr a chanté un
grand air de la Liicia di Lammermoor a\cc une passion , une
expression qu'on ne s'attendait pas à lui voir déployer , car
dans ses précédentes apparitions elle s'était montrée canta-
184
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
trice correcte , mais froide. Dans ce concert , elle a montré
tout d'abord des facultés éminemment dramatiques, et nous
ne serions pas étonné qu'elle revînt quelque jour d'Italie
prima donna au théâtre Venladour. M. Giilmann, pianiste
distingué comme il en abonde, a joué sa grande fantaisie,
trop grande peut-être, sur les motifs du Frexjschiilz, qui a
semblé aussi longue que bien faite. Balfe, suppléant }d"" Sa-
batier, qu'une indisposition subite a empêchée de participera
ce concert où elle avait promis de se faire entendre , Balfe,
l'homme toujours prêt à chanter comme h composer, est venu
dire avec son entrain ordinaire plusieurs morceaux qui ont
offert au public l'occasion d'applaudir son obligeance et son ta-
lent. Cossmann, le violoncelliste à la manière large, pure, au
son puissante! qui impressionne ses auditeurs, a dit un solo
d'un excellent style et qui a fait le plus vif plaisir; et puis, la
famille Distin a reparu ; et puis M. Gattermann a exécuté un
solo de flûte qui n'a pas trop rapjjelé le mot de Cherubini sur
cet instrument; et puis M. Gutniann est revenu nous jouer
du piano; et puis lajbénéficiaire, qui est aussi revenue nous
dire plusieurs jolies choses vocales , entre autres morceaux
une charmante tyrolienne et l'air de Bériot : Prcndi Vanello,
dans lequel elle a produit des effets brillants, a été aussi
vivement que justement applaudie, et elle a dû être satisfaite
de l'hospitalité artistique comme on l'entend en France.
— Autrefois la musique était un accessoire des séances lit-
téraires, accessoire qui faisait souvent supporter le principal;
maintenant dans les comptes-rendus des travaux de la société
de n'importe quoi, les lectures, les vers impressionnent peu
l'auditoire impatient de voir passer à d'autres exercices :
aussi le concert lient autant de place , si ce n'est plus , sur
tout programme des solennités académiques. lien a été ainsi
de celui de la Société philotechnique qui a célébré , diman-
che dernier, la quarante-neuvième année de sa fondation dans
la salle Saint-Jean, local qui ne figure pas mal un corps-de-
garde du moyen-âge, et qui est aussi triste que peu sonore.
Les jetons de présence que se distribuent les hommes de
mérite composant ces réunions littéraires et musicales sont des
iichcs de consolation pour la plupart de ceux qui n'espèrent
pas arriver h l'Inslltut. Le concert, qui se composait de huit
numéros, a été précédé de huit lectures, parmi lesquelles figu-
rait la Lyre et le piano, apologue de M. le Baron Roger, qui,
par l'harmonie des vers, pouvait passer pour un morceau du
concert. Il y a aussi de la musique dans la poésie chantée par
M. Constant Berryer. M. Achille Comte a dit d'abondance
d'esprit et de cœur quelques mots sur les nids d'oiseaux ,
observations minutieusement investigatrices et curieuses sur
les touchants mystères de l'ornithologie. Après cela et quel-
ques autres pièces en vers de MM. Dessains, Lavallette et
Berville , M"° Lavoye de l'Opéra-Coraique a chanté une jolie
polonaise de M. Concone, puis un air de Nitocri de Mer-
cadante; M"" Iweins-d'Hennin a fort bien chanté aussi de
jolies choses ; et puis M"" Bonnias, la pianiste chaleureuse ,
nette et brillante, a dit, avec cette élégance, ce fini qui distin-
gue sa manière déjouer du piano, la belle fantaisie de Thal-
berg sur la Norma, qui lui a valu les applaudissements com-
plexes des littérateurs, des artistes et des amateurs.
— C'était quelque chose de curieux que la soirée musicale
donnée hier soir au Théâtre-Italien, par MM. Ojeda cl Cavnl-
lini. Premier ténor des théâtres de Madrid, M. Ojeda possède
une voix un peu faible, mais pleine d'expression; il a dit
avec une méthode d'excellent musicien de la musique
ibérienne, d'un caractère original et piquant. C'était une
Halle de contrebandiers chantant, trinquant et buvant à la
santé de leur chef et de leurs exploits futurs ; puis un duo
espagnol et italien dans lequel se trouvent réunis par une
sorte de contrepoint libre lacavatine Costa diva de la Norma,
et plusieurs airs populaires de l'Espagne. Ce travail est cu-
rieux et intéressant , surtout sur le beau canlabile du mor-
ceau de Bellini. Il a dit encore avec M. Cacéres , M°" Lozano
et M"' Masson une grande scène espagnole (la Sérénade et la
Contrebande) avec chœurs qui a produit beaucoup d'effet.
M. Cavallini, premier clarinettiste du théâtre impérial et royal
de la Scala , à Milan , et que nous avons déjà entendu à Paris,
a fait de notables progrès comme exécutant et surtout connue
compositeur. Si l'on peut trouver quelque chose à redire sur
la prodigieuse quantité de notes qu'il fait entrer mathémati-
quement dans une mesure quelconque, et qui nuisent peut-
être un peu à ce qu'on appelle le style , cette chose qui ne
peut pas trop s'analyser en musique, c'est-à-dire cette me-
sure, cette sobriété, cette élégance mélodique qui fait qu'on
s'abstient parfois, souvent même, de toutes les difficultés
dont on est sûr de triompher sur un instrument qu'on a sou-
mis à son pouvoir, il n'en est pas moins certain que M. Ca-
vallini est le Paganini , le roi de tous les clarinettistes , non
seulement de France et de Navarre , mais encore de l'Europe
et de raille autres lieux. Sa fantaisie sur divers motifs de la
Somnambule et ses autres morceaux offrent une mine iné-
puisable de mélodies charmantes , d'harmonies ingénieuses et
piquantes qui le placent au premier rang des solistes-compo-
siteurs de l'époque. M°" Brambilla , Lozano et Masson se sont
fait justement applaudir dans ce concert : la dernière surtout
a dit d'une excellente méthode et d'une voix qui impressionne,
la suave cavatine : Costa diva. On pense bien que tout ce
que Paris contient de réfugiés Espagnols en ce moment s'é-
taient réfugiés hier dans la salle du Théâtre-Italienj- Décidé-
mentParis est le centre du concert européen.... musicale-
mentparlant.
Henri Blanchard.
Beime critique.
LE SOLFÈGE DES DOIGTS,
parJ.-B. CRAMER.
c cœur ne vieillit pas, dit-on, et le bon La Fon-
taine a dit : C'est le cœur qui fait tout. Le vrai
talent ne vieillit pas plus que le cœur, car le
vrai talent vient du cœur. Si cette vérité est
applicable à un artiste, c'est bien à notre cé-
lèbre Cramer, ce dernier représentant de la grande école de
démenti. Pour ceux qui ont eu le bonheur de l'entendre
dans ces derniers temps, rien n'est plus remarquable, sans
contredit , que la jeunesse , la fraîcheur, la verve spirituelle
du jeu de ce grand pianiste. L'égalité de ses doigts, la pureté
de son exécution , la délicatesse de son toucher sont autant de
modèles précieux que lui seul peut offrir à la fois et au plus
haut degré de perfection à toute cette jeunesse ardente et
laborieuse qui consacre tant d'efforts à l'étude du piano.
Heureux les élèves qui , guidés par leur bonne organisation
ou par les sages conseils qu'ils veulent bien écouter et suivre,
sont portés à l'imitation de ce style élevé , de ce mécanisme
parfait. C'est avec les éléments fournis par cette école toute
logique, toute musicale, qu'un pianiste peut acquérir ce fond
de jeu qui décide de tout son avenir d'exécutant. Quand on
possède ce fond solide , qui est la source et la base de tout
bon talent, on peut emprunter à l'école moderne ses res-
sources neuves, piquantes et fécondes; on peut s'approprier
DE PARIS.
185
les riches développemenls qui, de nos jours, ont agrandi le
domaine de l'exécution ; mais, grâce à une première éduca-
tion classique, on ne risquera pas de s'égarer dans les excur-
sions d'un éclectisme qui sera toujours guidé par le tact et le
jugement sûrs qu'on aura puisés aux principes de la raison
et du sentiment.
Sous ce point de vue sérieux de l'étude du piano'. Cramer
est l'artiste, après Clementi toutefois, qui a le plus travaillé
dans l'intérêt des jeunes artistes. Ses immortelles études sont
depuis quarante ans le rudiment de tous les pianistes ; mais il
faut qu'un élève soit déjà arrivé à un certain degré d'habi-
leté pour les aborder et les travailler utilement. On a toujours
reconnu le besoin d'un ouvrage élémentaire et pratique qui
pût servir d'introduction h ces excellentes études. Il apparte-
nait à Cramer de remplir cette lacune importante dans la pre-
mière éducation du pianiste, et c'est ce qu'il vient de faire,
de la manière la plus complète , en publiant le Solfège des
doigts.
Ce titre , exprimant si bien une tendance vraiment utile ,
est pleinement justifié par la composition consciencieuse de
l'œuvre qui atteste la longue et fertile expérience du grand
maître. En effet , les cent exercices que renferme ce recueil
intéressant ont pour but d'assouplir les doigts à toutes les
formes techniques du mécanisme, et de les rendre habiles à
exécuter sans peine toutes les difficultés musicales des com-
binaisons les plus varices du rhythme. C'est en même temps
dresser les doigts et former la tête; c'est assurer aux élèves le
talent si précieux de la lecture en donnant aux doigts la fa-
culté d'agir librement sous les ordres d'une intelligence bien
dirigée. C'est donc, dans toute l'acception du mot, l'étude
du Solfège appliquée aux doigts.
Ces petites études de peu d'étendue et destinées "a être ré-
pétées deux, trois ou quatre fois, ainsi que l'indique l'auteur,
d'après le degré d'importance qu'il leur a donné , sont clas-
sées dans un ordre parfaitement entendu de difficulté pro-
gressive. Le style sévère, le style gracieux, le style f/t bramira,
le style expressif, tous les styles différents y sont reproduits
avec leurs nuances propres, leur cachet particulier, leurs
formules caractéristiques. Les gammes, les arpèges, les trails
à l'unisson, le mouvement semblable, le mouvement con-
traire, les notes syncopées, les notes tenues, les doubles notes,
les passages à plusieurs parties rcclies, les trilles siniples,
doubles ou accompagnés d'un chant, les octaves, les écarts
de doigts, les notes répétées, le Icgato, le staccato, enfin
tous les éléments essentiels de l'exécution , distribués alter-
nativement entre les deux mains , y sont développés avec le
plus grand art et toujours présentés musicalement sous la
forme la plus attrayante. Le succès le plus général nous
paraît assuré à cet ouvrage remarquable , dans lequel l'il-
lustre auteur a su, comme dans toutes ses élégantes com-
positions, unir au charme de l'étude la solidité de l'instruc-
tion.
Amédée MÉREADX.
gommage à iileuï>els50l)n,
APRÈS LA KEPBÉSESTATION d'aNTIGONE.
Aux lieux supérieurs, vers le ciel des poètes,
Oj sont (les grands pensers les sacrés interprètes,
Mercure messager, ouvrant ses ailes d'or,
Frères, prendra bientôt un lumineux essor.
Sopiiocle, dira-l-il , reçois celte couronne ,
Car Paris a pour toi tout l'amour d'Antigone.
Soptiocle tout entier, Sophocle tout vivant,
Vient d'apparaître enfin dans ce monde mouvant;
11 n'est plus, il n'est plus dans le royaume sombre.
Jusque là les Français n'aviiient vu que son ombre.
Et vous , qui nous rendez la Grèce et ses douleurç.
De sa palme, pour vous, détachez quelques fleurs;
Et loi, chantre divin de cette belle fête,
Mendelssohn , qu'une fleur couronne aussi la lête.
Oui , la plus belle fleur, car de l'antiquité
Ta lyre nous transmet la sévère beauté.
Antoni Deschaiips.
LE CORSET m PASÎEIR DANS LES PYRENEES.
Zïessin de Gavarnx.
Ceci n'est plus de la caricature; c'est de la vérité pure et
simple : c'est la nature prise sur le fait, et rendue avec une
scrupuleuse exactitude. Si le cornet du pasteur pyrénéen
n'est pas le plus mélodieux des instruments, c'en est peut-
être le plus utile. Il envoie à travers les airs des sons qui
n'ont pas pour unique but de flatter l'oreille : il donne des
avis , des signaux , il rapproche les distances, et ramène les
égarés dans le bon chemin. S'il n'a pour lui tout le charme
de la société , il a , par compensation, toutes les vertus de la
solitude.
BiC Siragc 4e la ï^otcrîc au bénéfice de l'association
des as-tistes-nîMsEcJcns aura lieu le dimanche 2 JIJIIS,
:i tO heures du matin, dans la salle de l'École lyrique,
rue de la 'ffour-d'Auvergne. — Nous rappelons qu'il y
aura IffiSi l.O'ÏS gagnants, savoir s Un magnifique
Pîasio à qucnc, mouvean, d'Ërard, et 1030 Morceaux
de iunsi<iiue et Fartitions. — l.es billets non vendus
sont déposés, et se trouvent au Magasin de musique
de TIS. Maurice gehicsinger , 99 , rue Richelieu. —
Prix du billet : DM FKANC,
ITOTJTiULiIiSS.
•.' Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, à l'Opéra, Z)ont
Séb.islien de Portugal. — Demain lundi, le Comte Ortj et Giselle.
V Les recettes continuent de se maintenir à leur maximum. Le
Lazzarone, donné deux fois cette semaine et suivi d'un ballet, n'a
pas produit moins qu'un opéra en cinq actes.
"," Indépendamment des trois ouvrages que monte en ce moment
la troupe lyrique, on prépare Calypso , ballet mythologique, dans
lequel M"" Adèle Dumilàlre remplira le rôle d'Eucharis : la musique
en est confiée à M. Deldevez.
•," Les représentations de M"= Taglioni auront lieu pour une moi-
tié les jours ordinaires de l'Opéra, c'est-à-dire les lundi, mercredi,
vendredi ; et pour l'autre les jeudi , samedi et dimanche. Elles com-
menceront samedi prochain.
",' Le tribunal de première instance a rendu son jugement dans
la conteslalion survenue entre le directeur de l'Opéra et M. Robin ,
locataire d'une loge à l'année. Il s'agissait de fixer les droits respec-
tifs du directeur et du locatiiire; c'est le directeur qui a gagné sa
cause.
*,* M"' Drouart vient de réussir complètement à Brest dans la
Favorite.
*,' Aujourd'hui au Conservatoire, à une heure, exercice des élèves.
On 'jouera le quatrième acte de Mahomet de Voltaire, l'Hôtesse de
Lyon, opéra-comique eo un acte (première représentation), musique
de G. Bousquet, et le premier acle du Comte Onj.
*," Il y a eu ce'.te semaine à l'Odéon une véritable solennité lit-
téraire et musiralo. VAntigouc, de Sophocle, i!o:is a été donnée avec
les chœurs de Mendelssohn, et le public d'élite qui assistait à ce
curieux spectacle a témoigné par sa religieuse attention, par ses
186
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
bravos inlelligcnis, el quelquefois aussi par son enlhousiasmc, qu'il
en comprenait lout l'inlérêl, toute lu grandeur. L'espace nous man-
que aujourd'liui pour parler dignement de cette tentative rélros-
peclive ainsi que du mérite d'une traduction qui fait honneur à
MM. Merrio et Vacqucrie. Nous en rendrons compte dans le numéro
prochain.
*,* la chambre des députés vient de prendre en considération la
proposition de MM. Vivien et Berville tendant à ce que le droit de
propriété garanti par le décret «le tSiO à l'auteur d'écrits imprimes
et à sa veuve pendant leur vie, à leurs enfants pendant vingt ans, soit
étendu à la veuve et auï enfants des auteurs d'ouvrages représentés
»ur le théâtre.
"," Aujourd'hui, à dix heures précises , dans l'église de Saint-
Germain-l'Auxerrois , on eiéculera, pour la première fois, la troi-
sième messe solennelle de M. Julien Martin , maître de chapelle de
cette paroisse.
"," Le bruit court que Tamburini perd 550,000 fr. dans la faillite
de M. Caccia, le banquier italien.
"," On annonce la mort de M"" Caroline Benda, pelitc-fille du
célèbre composileur de ce nom ; c'était en son temps une actrice dis-
tinguée qui a brillé sur la scène allemande à côté de IfQand et Ess-
laer.
*." Samedi dernier, après le conrert de M. H. Berlioz, les artistes
anglais, engagés pourjoucr des iiistrunienls de M. A. Sax, aux eaux
de Baden, ont donné une brill.mtc sérénade à MM. Berlioz et Liszt.
On dii que le direetcur des eaux de Raden, M. Benazet, qui se plait
àeniouragcr partout les arts, ay.mt reconnu le mérite supérieur des
instruments de M. Sax, est sur le point de devenir l'un des princi-
paux intéressés de ce jeune et habile artistCT
'," Son Altesse Royale le prince Miiximilien de Bavière , avant de
quitter Paris, a fait remetire à M. Schad , le pianiste bavarois, un
précieux souvenir accompagné d'une lettre aulographe.
",* Le double début de M. Thierry, jeune basse, chanteur de
grande espérance , aux cuncerts'Vivienne, pendant cette semaine,
doit contribuer à entretenir la vogue mfrilée qui s'attache à ces con-
certs. Cet établissement bien dirigé peut, en effet, être un utile auxi-
liaire pour les jeunes artistes composileurs et exécutants qui ont,
aujourd'hui , tant de peine à se produire.
"„* Louis Lacombe, le jeune et célèbre pianiste, vient d'obtenir
successivement à Mulhouse, Besançon et Dijon, tous les succès qu'il
avait droit d'attendre. On lit à celte occasion dans le Journal de la
Côte-d'or : « Nous avons entendu Liszt, Thalberg, Doehier, et nous
>i n'hésitons point à placer M. Lacombe à côté de ces artistes si aimés
» du public. S'il nous était permis de comparer entre eux ces pia-
» nistes, nous dirions que, comme Talberg, M. Lacombe est puissant
» sans exagération, grand sans emphase, inspiré sans charlatanisme ;
» comme Liszt, il domine la monotonie de l'instrument p^r la va-
» riété des sensations et des sentiments qu'il éveille; cnmme Dœhler,
» il cache les difficuliés sous le charme de l'exécution. — Il chante,
» il pleure, il frémit, il bondit, il marche, il court; il nous rappelle
0 nos plus doux souvenirs en musique, et Wcber, HummeP, comme
» Piossini, noiis apparaissent sous ses doigts avec leurs sentiments
» comme avec leur génie. » Parmi les artistes distingués qui ont se-
condé M. Lacombe dans les concerts qu'il a donnés à Dijon, il faut
citer d'abord M.Waldteufel , qui s est placé au premier rang comme
violoncelliste. Dans un duo à deux pianos, exécuté avec .M. Lacombe,
M. Hustache n'a pas mérité moins de suffrages qiic M"" Hustache
par sa manière agréable de chanter.
*,* On prépare des fêtes brillantes à Postdam en l'honneur de l'im-
pératrice lie Bnssie, qui y est prochainement attendue. Le Fauat de
Goethe, mis en musique par le prince de Radziwill, sera représenté
devant l'impératrice. 1,'ouvrage a été mis en répétition.
*,* Le paquebot «le l'Etat, VEurolas, qui vient de quitter Mar-
seille, emmène à Constantinople une cargaison complète de dan-
seurs et un corps de ballet tout organisé, avec vingt figurants et
autant de Ijguranles. A ce personnel se joindront quatre premiers
sujets russes. On fera une halte à Constantinople, où l'on donnera
un échantillon de la danse française; les bayadères d'Occident pour-
ront y faire assaut avec celles d'Oriem. La troupe se rendra ensuite
au théâtre d'Odessa, pour lequel elle est engagée.
".• Dans la biographie de M. Liszt, que G. Schilling vient de faire
paraître à Slullgard, on trouve l'énuméralion suivante des titres du
célèbre pianiste: a Conseiller aulique du prince Iloenzell-Hechingen,
maître de chapelle du grand-duc de Saxe-Weimar, docteur en phi-
Ioso)ihie , beaux-arts el sciences , décoré de l'ordre royal de Prusse
pour le mérite , chevalier de l'ordre du Lien de Belgique, du Faucon
du grand duc de Weimar, de l'ordre du duc Ernest de Saxe et de
celui de la chapelle du prince de Hoenzooll, de la royale Médaille
d'Or pour le mérite dans les arts et sciences de Wurtemberg, et aussi
de celle impériale de Prusse, etc. ; citoyen d'honneur de Pesth et
d'autres cités hongroises, membre de l'Académie royale de Prusse
pour les aris et les sciences, et membre, soit réel , soit honoraire, soit
correspondant, de diverses autres Sociétés savantes et artistiques. »
*," Vieuxtemps ne se félicite guère de son voyage à Mexico; il n'y
obtient qu'un succès médiocre, et fait peu d'argent. A son concert
d'adieu , les musiciens d'orchestre lui ont joué le mauvais tour de ne
pas venir, et il a été condamné par la police à payer une amende
de ,W dollars pour n'avoir pas rempli la promesse de son programme.
Ce qu'il y avait de pis dans ce malheur, c'est que M. Vieuxiemps ne
pouvait se plaindre, car il avait donné lui-même, en d'autres temps
et en d'autres lieux, l'exemple d'une défection pareille, el le chef
d'orchestre n'a pas manqué de le lui rappeler.
"," Le maire de Bordeaux vient de prendre un arrêté qui mérite
de figurer parmi les documents les plus curieux de l'histoire du
théâtre; en voici la teneur: «Tout signe d'approbation ou d'impro-
bation qui serait de nature à troubler la représentation pendant les
débuts ou lors de la rentrée d'un artiste , est formellement interdit.
Aucune manifestation contraire ou favorable a l'artiste débutant ou
rentrant ne pourra lui être adressée que pendant les dernières scènes
de son rôle, lors de chaque début ou rentrée. Il est fait délense ex-
presse de se servir, pour manifester son improbation , de sifflets â
plusieurs trous, ou de tout autre instrument de nature à fatiguer les
speclaleurs. » Au moment même où celte décision était prise par
l'autorité municipale, une déplorable catastrophe en attestait l'op-
portunité. Un jeune artiste venait d'être impitoyablement sifflé
aprJs son début sur la seconde scène de Bordeaux ; désespéré de cet
accueil, il s'enfuit du théâtre, cuurl à son hôtel, écrit quelques
lellres, cl s'empoisonne avec trois grands verres d'eau-de-vie. Ce
jeune homme, qu'on n'a pas l'espoir do sauver, ne manque pas de
talent; par malheur, il se montrait pour la première fois dans un
rôle que son prédécesseur jouait avec une supériorité réelle.
%* MM. Kriegelslein et Charles Plantade, facteurs de pianos du
roi , dont les instruments jouissent aujourd'hui d'ui'C réputation si
justement méritée, vont, dit on , produire au concours de l'I'^xposi-
lion plusieurs pianos consiruits d'après des procédés nouveaux. On
citeentr'aulres deux pianos à queue, l'un à sept octaves et à double
échappement, l'autre à système de frapper en dessus, qui paraissent
destinés à oblenirun grand succès dans le mon'de musical. Nous par-
lerons plus longuement de ces instruments dans notre compte-rendu
de l'Exposition.
Chronique dépaftenientale.
*,* Bemnron. — Les deux ouvrages en possession d'altirer le pu-
blic, blasé comme partout ailleurs sur les concerts et les speclacles,
ce sont les JJngnenoti et la Juive. L'exécution musicale laisse beau-
coup à désirer sans doute , surlout dans le premier de ces deux ou-
vrages; dans le second, le chœur des buveurs, la scène de laPâque,
le trio de l'anathème, le grand air d'Éléazar produisent un admi-
rable effet. La mise en scène étonne par sa richesse; au finale
du premier acte, plus de cent vingt personnes paraissent sur le
théâtre.
ClH'oniqiie étrangère.
',* Bruxelles, 17 moi. — le premier début de M. Laurent, baryton
et basse chantante, a eu lieu sous les auspices les plus favorables.
C'est dans la rôle d'Alphonse de tu Favorite que cet artiste a fait sa
première apparitiiin. Le public n'a pas été longtemps indécis sur
l'attitude qu'il devait garder vis-à-vis de lui. Après Vandanle de l'air
qu'il chante à son entrée en scène, les sympathies des spectateurs
lui étaient acquises; à la fin de Vatlegro du même morceau , il avait
gagné son procès. M. Laurent est un jeune homme bien bâti et d'une
figure agréable. Il possède une belle voix, chante en artiste intelli-
gent, comtirend et rend fort bien la portée scénique de ses rôles.
Pour son second début, il a chanté le rôle d'Arthur de Lucie de Lam-
mermoor avcc un égal succès.
*,* Londres.— Vn malentendu au sujet d'un costume léger comme
l'air, mince et diaphane comme pourrait le lisser l'araignée ellS^
même , a privé les amateurs britanniquas de voir dernièrement
M"' Cerito dans le Pas de l'ombre. La salle a élé en émoi comme les
coulisses; il a fallu que Perrol vînt haranguer. Où étaient les sténo-
graphes .i' une harangue de danseur !— Fornasari, supérieur dans le
rôle de Zampa, n'a pas su atteindre aussi bien à la hauteur du sé-
ducteur par excellence. On le Irouve inférieur, dans le Don Giovanni,
DE PARIS.
187
aux souvenirs brillants laisses par Ambrogelll. L'ensemble étail
du reste admirable; M"' Fav.inti, la lionne musicale de [.oiidres,
jlnits persiani ei Grisi, les deux Lablachc, Mario, disliibulion digne
du chef-d'œuvre de Mozart.
— Ernst condnue à obtenir les plus brillanis succès; sous peu de
jours il doit donner un grand concert avec Mo<chelés. On y entendra
ce soir-là le fameux concerto deEach, pour trois pianos, eicculé par
MM. Moschelès , Mendclssohn et Thallierg. La fantaisie sur le Pimle
et te Carnavul de f^eiiise, de M. Ernst , font toujours fureur ; ce sont
des morceaux obligés de chaque concert. On ne parle pas de Sivori ;
beaucoup jle personnes le croient même parti de Londres, quoique
la saison ne soit que commencée.
— "Wilson continue ses concerts à Store-street, M. C.Horn ses lec-
tures musicales dans Polclechnic-Institution.
— Le TI]éàtre-Français(King-Theater)a élémis en vente hier parle
commissaire-priseur Firebrolher. Les hausses ont fini à 9, ono /ii"cs
slerliiig , prix auquel il a été adjugé aux propriétaires, qui en de-
mandaient 25,000 livres.
— On lit dans le i)yoraiH5(-/*oi( du 16 mai: Nous sommes heureux
de confirmer l'opinion favorable que nous avons donnée hier de
M. Jacques Offenbach. Ce jeune artiste n'est pas seulement un vio-
loncelliste d'un mérile extraordinaire, mais aussi un compositeur
très distingué. Les morceaux qu'il a joués, prière et boléro, sont,
comme Its titres le font supposer, d'un genre bien différent. Le pre-
mier est remarquable par la largeur et la pureté du style, et le se-
cond par l'originalilé et te charme de ses mélodies. Son jeu est
aussi pur que vrai, et les diflicultés, on pourrait diie les tours de
force qu'il exécute, sont d'une admirable netteté. Plusieurs passages
en sons harmoniques ont été applaudis avec un véritable enthou-
siasme.
— A la soirée de M""' la comtesse de Saint-Aulaire on remarquait
parmi les arti.stes distingués, Meccati, et le jeune et déjà célèbre vio-
loncelliste Offenbach.
— Le théàlre de Saint- James vient déjouer le Mariage de Figaro.
Cette débauche d'cspiit, qui dure quatre heures, a paru aux fleg-
matiques Ariglaisintîuiment trop prolongée. On reproche à IM"" Plessy
de n'être pas assez soubrelle dans Suzanne. Voinys a manqué de cha-
leur et de verve dans le comte. Carligny n'a que le défaut d'avoir
depuis vingt ans loules les qualités de son talent. La transfuge
du Palais-rioyal, M"' Pernon , jouait la comtesse; M"'' Fargeot,
du Gymnase, le l'henibiiio di ntnore! Peut-on s'étonner que le chef-
d'œuvre de Bcaumarcliais ait paru trop long.' au bon temps de la
Comédie-Française, il paraissait court.
— On a reçu du comte de Westmoreland des lettres où 11 annonce
qu'il ne peut se rendre en Angleterre. Le prince Albert a obligeam-
ment consenti à diriger le concert de sa seigneurie, fixé au 29 de ce
mois. Voilà les hauts et puissants seigneurs briguant la gloire d'aller
de pair avec les artistes.
*," Coloyne. — La grande félc musicale annuelle du Bas-Pihin aura
lieu celle année dans notre ville , le premier et le second jour de la
Pen ecôtc. Il y aura plus de deux mille exécutants. La direction de
ce/ejià'u/ a été confiée à iM. Henri Dorn , premier maître de cha-
pelle de la cathédrale. I.e premier jour, on exé. ulera Jepliié, orato-
rio de Ha;ndel , d'après la partition oiiginalc, c'est-à-dire avec ac-
compagnement d'instruments à cordes et d'orgue, et le second jour:
Jo messe solennelle en ré majeur de Beethoven ; 2° ouverture des
/•'ruiics-Juijes de Ji. Beilioz; 3» deux hymnes de Cherubini ; 4° sym-
phonie en M( majeur, avec fugue, de Mozart.
*,* Berlin. — On a fêté la quarantaine de la Flûte enchantée le
12 mai dernier. La soirée a élé une des plus brillâmes de la saison ;
tous les premiers sujets y éiaient occupés. Un épisode touchant vint
ajouter à l'intérêt de cette solennité théâtrale: M. de Kiistner, l'in-
tendant général des théâtres royaux, avait eu la galanterie d'inviter
M'"" Hellmuth, Mulleret Baranius, qui avaientchantcà la première
représcnlation de l'opéra de Mozart il y a cinquante ans; ces dames
furent accueillies avec de bruyants applaudissements quand elles
parurent dans la loge de M. de Kustner.— La mise en srène du Chat
botté, de M.Tieck, a coûté 20,000 francs; l'actrice qui a joué le rôle
du chat a reçu une gratification de cent francs !! ! I e célèbre poëte
dramatique Gi illparzer, à Vienne, a écrit un poëme lyrique sur l'an-
ticomaniedes Berlinois, sous le titre de: Euripideii llerlin. Le poëme
n'a pas été livré à l'impression , les censures de Berlin et de Vienne
s'y sont opposées; les journaux en donnent des extraits.
".* /^'eimar. — On a représenté un opéra nouveau de M. Chelard
intitulé les Enseignes de marine ; le texte est de M. Sondershausen.
On vanle l'originalité de la musique, dans laquellcon trouve, dit-on,
bon nombre de motifs faciles et mélodieux, ce qui prouverait que
M. Chelard a singulièrement modifié sa première manière.
'.* Brunswick. — Deux opéras nouveaux!, qui ne sont ni des Ira»
ductions ni des imitations , texte et musique, viennent d'être
représentés. Le premier p.orle le titre de Pino di Porto, librelto
passablement ennuyeux, bonne musique, succès éclatant pour le
compositeur, M. G. Aluller, qui a été rappelé sur la scène. Le second,
le Jiempluçant , musique de M. Wernthal , sujet fort divertissant,
mélodies gracieuses et succès complet.
•.* Fienne. — I>e mariage de M. Dingelstadt avec M"" Jenny Lut-
zer a donné lieu à une scène scandaleuse et révoltante. M. Dingels-
tadt est ]irotestant: c'était un mariage mixte. La cérémonie achevée,
le prêlre se tourne vers la jeune mariée, et d'une voix courroncée lui
adresse les reproches hs plus virulents sur l'alliance impie qu'elle
vient de contracter; il ajoute que son mari est hérétique, qu'elle-
même va mettre au jour des enfants hérétiques voués à la répro-
bation éternelle. La pauvre jeune femme se mit à sangloter et fondit
en larmes. Cet exemple de stupide fanatisme est d'autant plus in-
explicable et d'autant plus révoltant, que ce ministre furibond d'un
Dieu de paix venait de prononcer les mots sacramentels qui ren-
daient l'union indissoluble, et que , dans son sens, le mal était irré-
parable. Malgré les énergiques observations de M. Dingelstadt, le
prêtre refusa la bénédiction nuptiale à la mariée.
",* Lisbonne. — M"" Rossi-Caccia est réengagée à Lisbonne pour
une année. Les succès qu'elle y obtient sont immenses; couronnes ,
sonnets, sérénades, rien ne lui manque. .4.ussi son nouvel eagage-
ment s'élève-t-il au prix énorme de 2O,(i0Op;a.v(iCï(l00,0flO fr») pour
l'année théâtrale, qui ne se compose à I/isbonne que de huit mois.
*,'■ New-York. — La troupe italienne a terminé son engagement
devant cent cinquante personnes; la part du diiecteur a été de 2 dol-
lars. Tous les élémcnls, le froid, le vent, la pluie, la neige, s'étaient
conjurés contre cette soirée d'adieux. Les artistes n'en ont pas moins
chanté avec une verve qui n'a élé interrompue que par deux ou trois
accidents d'intonation. Aiirés les Italiens, nous aurons la troupe
française de la Nouvelle-Orléans, dont le répertoire se compo-e du
Domino noir, des Diamanls de la Couronne, de la /'ille du /légimenl,
du Dieu et la Uatj idère. Les artistes seront ici au commencement
de juin, et il faut espérer qu'ils feront de meilleures affaires qu'à la
Nouvelle-Orléans. D'après les journaux de cette ville, leurs repré-
senlationsy éiaient si peu suivies, que la com|iagnie a émigré. Le
Théâtre-Italien vient de recevoir un grand renfort dans la personne
de sijiuor San Quirico, basso bul'l'o qui a chanté dernièrement avec
succès à côté de M"" Damorcau. — Le concert doné au 7'abernacle au
bénéfice des veuves et orphelins pauvres de la ville a eu un résultat
satisfaisant. M"' Borghèse a admirablement chanté; elle a été par-
faite de goût, et le public enthousiasmé l'a écrasée d'applaudisse-
ments.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
wn
OF GYMMSE BfisDOBiTS A liUSAGE 2>£'5 PIANISTES
Le C/nroj/ymnasie est un asàemblutreileneiirappa-
reilsgvrnnastiqiics destinés à donner de Yexlcnsion à
lamaitictderécari aux doigts à augmenter Pt à éga/(-
ser leur Torce el à rendre le nualriéme et le cinquième
indépendants de tous les autres. Le Chirogymnaste
3été aussi approuvé et adopié parMM.Adam, Bertini,
ae lieriot. Cramer, Uerz, Kalkbrenner, Lislz,Moschetès
fruiicTi?, Siron, Thallierg, Tulou, Z/mmcrmann, etc.
\"baque Chirogymnaste est revêtu de la signature
de î'i.nvenïeur el se vend place de la Bourse, n" 13,
à huit appareils, 50 fr., à neuf app. GO fr.,méihode,Zfr,
Inventé par C. MARTINI
Facteur dv Pîano.v,
nutEVETC DU ROI
Fta<.-c de la UoiirNo, ÀG.
et ailontâ dans Icn clasM^n
drKCOKSrR%'ATOI RES
du Pari.« £t do Londreu.
Les expéditions sont faites contre remboursement.
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N° 13. Pour écrire la musique. Cette plume convient aussi aux
personnes qui n'écrivent pas l'anglaise. — N" 13 bis. Pour copier la
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
PubUcations de MAURICE SGHLESIXGER, 99, rue Kicbelien.
LA 14' ET «EMiÈRE LIYRAÏSOIV
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paraîtra le î*^'^ 3uin*
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N° 1. Variations sur Quant' efiùbeUo.
2. Variations sur Rule Brilannia.
3. Variations sur le Sacrifice interrompu.
4. Variations sur un llième de l'opéra
Fal.-^la^.
5. Variations sur un thème original.
Z^ Ijivraison.
N» 7. Variations sur un air allemand.
S. Variations.
9. Variations.
3° liiTraison.
N" 10. Variations sur une danse russe.
1 1 . Variations sur un air de ballet.
12. Variations sur JYel cor più.
13. Variations sur God save the King.
1 4. Variations sur une Fièvre brûlante.
4" Ijîiralson.'
N» 15. Variations.
IG. Trenle-lrois variations.
5° ^livraison.
Op. 33. Bagatelles.
77. Fantaisie.
112. Nouvelles bagatelles.
35. Andanle.
Rondo posthume.
6° liîvraîson.
Op. 16. Quatuor pour piano, violon, alto et
violoncelle, et les instruments à
vent à part pour former Quintette,
tel qu'il a été composé.
9° EiiTraison.
Op. 4'). Quatorze Variations pour piano,
violon et violoncelle.
121. Adagio, Variations et Rondo pour
piano, violon et violoncelle.
8° liivi-aîsoD.
Rondo en sol pour piano et violon.
Variations pour piano et violon sur
l'air : Se vuol ballare.
Variations pour piano et violoncelle
sur l'air : Je vais revoir l'amant que
j'aime.
Variations pour piano, violoncelle ou
violon sur l'air : La vie estunvoyage.
Variations pour piano, violoncelle ou
violon sur un thème de Haendel.
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45. Trois Marches à 4 mains.
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GAZEHE MUSICALE
BiDIGÉE PiB
MM. ANDERS , G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, Henbi BLANCHARD,
MAOniCE BOURGES, F. DANJOU, DCESBERG, FÉTIS père, Édodabd FÉTIS, Stephen HELLER, J. JANIN,
G. KASTNER, LISZT, J. MEIFRED , GEOBGE SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
M'araisgant tous tes BitnancHea»
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
l>e l*' et le 15 de chaque mois on receiva an morceau de mnsiqae»
SOMMAIRE. Euphonia ou la Ville musicale (suite); par H.
BERtIOZ. — Théâtre de l'Odéon : Amigone , de Sophocle , avec
choeurs de Mendelssohn. — Conservatoire : Exercice dramatique
et lyrique. — Troisième messe solennelle de M. Julien Martin ;
par H. BLANCHARD. — Messe de Palestrina ; par F. DANJOU.
— Correspondance particulière: Marseille, Bruxelles. — Nou-
velles. — Annonces.
LA MUSETTE. Dessin de Gavarni.
5Ë^â>Sî©Sïa^,
LA VILLE MUSICALE.
(Suite du manuscrit de Rotceh contenant la description des usages
et des mœurs musicales des Euphoniens *)
es chaires de philosophie musicale occupées
par les plus savants homtnes de l'époque
servent à répandre parmi les Euphoniens de
saines idées sur l'importance et la destina-
tion de l'art, la connaissance des lois sur les-
quelles est basée son existence , et des notions historiques
exactes sur les révolutions qu'il a subies. C'est à l'un de ces
professeurs qu'est due l'institution singulière des concerts de
mauvaise musique où les Euphoniens vont , à certaines épo-
ques de l'année , entendre les monstruosités admirées pen-
dant des siècles dans toute l'Europe, dont la production même
était enseignée dans les Conservatoires d'Allemagne, de France
et d'Italie , et qu'ils viennent étudier , eux , pour se rendre
compte des défauts qu'on doit le plus soigneusement éviter.
Telles sont la plupartdes cavatines et finales de l'école italienne
du commencement du xix" siècle, et les fugues vocalisées des
(1) La reproduction de cette nouvelle est interdite. — Voiries
numéros 7,8,9, 11, 12 et 17.
compositions plus ou moins religieuses des époques anté-
rieures au xx°. Les premières expériences faites par ce moyen
sur cette population dont le sens musical est aujourd'hui
d'une rectitude et d'une finesse extrêmes, amenèrent d'assez
singuliers résultats. Quelques uns des chefs-d'œuvre de
mauvaise musique, faux d'expression et d'un style ridicule,
mais d'un effet cependant, sinon agréable au moins suppor-
table pour l'oreille , leur firent pitié ; il leur sembla entendre
des productions d'enfants balbutiant une langue qu'ils ne
comprennent" pas. Certains morceaux les firent rire aux éclats,
et il fut impossible d'en continuer l'exécution ; mais quand
on en vint à chanter la fugue sur Kyrie eleison de l'ouvrage
le plus célèbre d'un des grands maîtres de notre école alle-
mande, et qu'on leur eut assuré que ce morceau n'avait point
été écrit par un fou mais par un très grand musicien qui ne
fit en cela qu'imiter d'autres maîtres et qui fut à son tour fort
longtemps imité, leur consternation ne put se dépeindre. Ils
s'affligèrent sérieusement de cette humiliante maladie dont
ils reconnaissaient que l'esprit humain pouvait subir les at-
teintes ; et le sentiment religieux s'indignant chez eux en
même temps que le sentiment musical de ces ignobles et in-
croyables blasphèmes , ils entonnèrent d'un commun accord
la célèbre prière Parce Deus , dont l'expression est sublime ,
comme pour faire amende honorable à Dieu au nom de la
musique et des musiciens.
Comme tout individu possède toujours une voix quelcon-
que, chacun des Euphoniens est tenu d'exercer la sienne et
de posséder les notions de l'art du chant. Il en résulte que
les joueurs d'instruments à cordes de l'orchestre , qui peu-
vent chanter et jouer en même temps , forment un second
chœur de réserve que le compositeur emploie dans cer-
taines occasions et dont l'entrée inattendue produit quel-
quefois les plus étonnants effets. Les chanteurs à leur tour
sont tenus de posséder le mécanisme de certains instruments
h cordes et à percussion, et d'en jouer au besoin, tout en chan-
BVREAUX D'ABONNEMENT, RUE HICHEI.IEU, 97.
190
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tant. Ils sont ainsi tous harpistes, pianistes , guitaristes. Un
grand nombre d'entre eux savent jouer du violon , de l'alto ,
de la viole d'amour , du violoncelle. Les enfants jouent tous
du sistre moderne et des cymbales harmoniques , instrument
nouveau , dont chaque coup frappe un accord.
Les rôles des pièces de théâtre , les solos de chant et d'ins-
truments sont toujours donnés à ceux des Euphoniens dont
l'organisation et le talent spécial les rendent les plus propres
à les bien exécuter. C'est un concours fait publiquement et
patiemment devant le peuple entier qui détcrniine ce choix.
On y donne tout le temps nécessaire. Lorsqu'il s'est agi de
célébrer l'anniversaire décennal de la fête de Gluck , on a
cherché pendant huit mois , parmi les cantatrices , la plus
capable de chanter et de jouer Alceste ; près de mille
femmes ont été entendues successivement dans ce but.
Il n'y a point à Euphonia de privilèges accordés à certains
artistes au détriment de l'art. On n'y connaît pas de premier
sujet, de droit en possession de tous les premiers rôles, lors
même que ces rôles ne conviennent en aucune façon à leur
genre de talent ou à leur physique. Les auteurs, les ministres
et les préfets , précisent les qualités essentielles qu'il faut
réunir pour remplir convenablement tel ou tel rôle , repré-
senter tel ou tel personnage; on cherche alors l'individu qui
en est le mieux pourvu , et fût-il le plus obscur d'Euphonia,
dès qu'on l'a découvert il est élu ; quelquefois notre gouver-
nement musical en est pour ses recherches et sa peine. C'est
ainsi qu'en 2320 , après avoir pendant quinze mois cherché
une Eurydice, on fut obligé de renoncer à monter l'Orphée
de Gluck , faute d'une jeune femme assez belle pour repré-
senter cette poétique figure et assez intelligente pour en
comprendre le caractère.
L'éducation littéraire des Euphoniens est soignée ; ils peu-
vent tous plus ou moins apprécier les beautés des grands
poètes anciens et modernes. Et ceux d'entre eux dont l'igno-
rance et l'inculture à cet égard seraient complètes ne pour-
raient jamais prétendre à des fonctions musicales un peu
élevées.
C'est ainsi que, grâce à l'intelligente volonté de notre Em-
pereur et à son infatigable sollicitude pour le plus puissant des
arts , Euphonia est devenue le merveilleux conservatoire de
la musique monumentale.
Les académiciens de Palerme croyaient rêver en écoutant
la lecture de ces notes rédigées à la hâte par l'ami de Xilef ,
et se demandaient si le jeune préfet euphonien n'aurait point
eu l'intention de se jouer de leur crédulité. En conséquence
il futdécidé, séance tenante, qu'une députationde l'Académie
irait visiter la ville musicale , afin déjuger par elle-même de
la vérité des faits inouïs qui venaient d'être exposés.
H. Berlioz.
( La suite à un prochain numéro. )
THÉÂTRE DE L'ODÉOIV.
ANTÎGOÎ^E,
tragédie de Sophocle ,
traduite par MM. Meurice et Vacquerie,
avec des chœurs mis en musique par Mendelssohn.
Il est déjà bien tard pour parler de cette résurrection d'un
chef-d'œuvre dont la fortune remonte à plusieurs siècles ; et
dans cette résurrection nous n'avons fait que suivre l'exemple
donné par la Prusse. La fantaisie d'un monarque ami de la
littérature et des arts nous a valu cette belle et curieuse ex-
périence, consistant à relever, autant que faire se pouvait, le
théâtre grec, à en reconstruire la simplicité, la majesté, la
grandeur. A l'heure qu'il est, tout Paris, toute la France, et,
peu s'en faut, toute l'Europe, savent que l'Odéon s'est chargé
de cette tâche, où il n'y avait pas moins de gloire que de
danger. Le danger s'est évanoui , la gloire lui reste, et, avec
la gloire, l'argent lui arrive abondamment. Messieurs les
jeunes auteurs, faites-nous du Sophocle, faites-nous de l'Es-
chyle, allez même jusqu'au Thespis, si la prime offerte au
génie rétrospectif vous encourage !
C'est un travail remarquable à tous égards que la traduc-
tion d'Antigone, accomplie en société par MM. Meurice et
Vacquerie, remarquable surtout par l'intelligence et le senti-
ment dramatique. Écoutez ces vers, où plus d'une tache se
rencontre assurément, vous leur trouverez toujours une al-
lure franche et naturelle, une vérité d'accent qui laisse
croire à la liberté, à la spontanéité des deux poètes. Dans
les parties du dialogue, où les répliques se croisent, s'entre-
lacent et se serrent corps à corps, il y a beaucoup de vers que
nos meilleurs poètes ne désavoueraient pas. Sophocle a d'ail-
leurs trouvé dans Bocage et quelques autres acteurs, dont les
noms nous échappent, dans M"""' Bourbier et Volet des inter-
prètes dignes de lui : M"\Bourbier, quand on l'entraîne à la
mort, et qu'eJle se débat sur les marches de l'autel; Bocage,
lorsqu'il rapporte dans ses bras le corps de son fils inanimé,
sont tous deux admirables de pantomime tragique et pathé-
tique.
Ce qu'il y avait de plus neuf dans ce retour au théâtre
ancien , c'était l'intervention du chœur , dont Racine lui-
même n'a usé qu'avec tant de réserve et de timidité dans
Eslher et Athalie. A Mendelssohn est échu l'honneur bien
mérité , bien légitime d'écrire la musique des chœurs A'An-
tigone. La première fois qu'on entend cette musique , on n'y
trouve rien de très saisissant , de très original ; mais à une
seconde audition la pensée du compositeur se révèle, et l'on
finit par lui savoir gré de n'avoir pas cherché davantage à
briller aux dépens du poète et de l'œuvre; plusieurs de ces
morceaux ont d'ailleurs autant de vigueur et d'éclat que le
comportaient le genre et le texte. V Invocation à Bacchus est
toujours applaudie et redemandée avec transport. Disons que
pour arriver à ce résultat il a fallu improviser un orchestre
et des chanteurs : M. Auguste Morel , qui a rempli cette
mission , a donc bien mérité de l'Odéon , comme l'Odéon a
bien mérité de l'art grec , allemand et français , également
intéressés au succès d'Antigone.
Z.
€omexx>aïoiïe îïe iîtusique et î)e Bédamation.
EXERCICE DRAMATIQUE ET LYRIQUE.
ne innovation a été tentée dimanche dernier
au Conservatoire ; un opéra nouveau , com-
posé par un lauréat de l'Institut , a été exé-
cuté par les élèves. Si ce n'est là qu'une chose
faite en passant et qui ne doive pas tirer à
conséquence, si M. Auber n'a voulu que procurer à un jeune
compositeur , qui n'a pas encore profité du droit que lui as-
surent les règlements de se faire jouer à l'Opéra-Comique ,
l'utile plaisir de s'entendre exécutera grand orchestre et de se
juger lui-même, nous n'avons rien à dire et nous ne récla-
mons pas contre la faveur accordée à M. Bousquet; mais s
DE PARIS.
191
c'est un principe qu'on veut poser, un usage qu'on veut in-
troduire, nous demandons à le discuter.
Presque tous les ans l'Institut couronne une cantate dont
l'auteur s'en va parcourir l'Italie, l'Allemagne, et revient à
Paris avec son brevet de compositeur en poche. Faudra-t-il
désormais que ce brevet soit remis en question et subisse un
second contrôle ? nous le voulons bien , mais que les lauréats
y prennent garde. En ce moment la cantate couronnée est
pour eux un titre suffisant ; quand ils ont accompli leur pè-
lerinage, ils peuvent se présenter chez M. Crosnier et récla-
mer de lui un poëme en un acte. S'il leur faut en outre un
opéra joué an Conservatoire, ce sera une épreuve ajoutée à
une autre épreuve, et voyons un peu dans quelles conditions.
A moins de prendre quelque ancien libretlo , jamais le musi-
cien n'aura pour s'exercer une pièce supportable, parce que
les auieurs qui savent faire de bonnes pièces sont infiniment
rares et ne s'amusent pas à en faire pour rien. Il sera joué par
des élèves qui n'ont aucune habitude de la scène, et il ne sera
joué qu'une fois. Or, nous savons tons combien la qualité des
pièces indue sur le sort de la musique, combien le jeu des
acteurs influe sur celui dps pièces, et combien il y a d'exem-
ples qu'une jolie musique ait été trouvée mauvaise le premier
jour !
Toutes ces réflexions et bien d'autres encore nous venaient
à l'esprit, en écoutant l'ouvrage de M. Bousquet. M. Auber
avait-il lu la pièce, entendu la musique, avant de les mettre
à l'étude ? Dans ce cas , et à sa place , voici ce que nous
aurions dit au lauréat : « Vous avez du talent , et votre mu-
» sique même le prouve , mais elle ne prouve pas plus que
» votre cantate : il est donc prudent de vous y tenir. D'ail-
» leurs le canevas sur lequel vous avez travaillé est trop in-
» forme. Je ne puis donner au Conservatoire une pièce
» qu'on refuserait chez M. Comte : cela ne serait convenable
» ni pour moi ni pour mes élèves , et il n'y aurait aucun
» avantage pour vous. Ne perdez donc pas votre temps ici ,
» en nous le faisant perdre à nous-mêmes, et allez à l'Opéra-
« Comique : je vous recommanderai à M. Crosnier , qui
» vous donnera ce qui vous manque , une pièce et des ac-
» teurs. » Voilà notre avis en peu de mots : croyez-vous que
M. Bousquet n'eiit pas fait sagement de le suivre ?
Le sujet de la petite pièce qui lui a servi de texte était
emprunté à l'histoire de ce Carie Dujardin , peintre hollan-
dais , qui , faute de pouvoir payer son écot dans une au-
berge de Lyon , se vit forcé d'épouser une hôtesse vieille et
laide. Dans la pièce , l'hôtesse est jeune et jolie , cela va
sans dire; mais l'intrigue est menée avec tant d'inexpérience,
l'artiste passe si brusquement et si gauchement de l'amour
d'une cantatrice à l'hymen d'une maîtresse d'auberge , que
son caractère n'en paraît pas moins vil et moins triste au
dénoûment. L'ouvrage n'est donc pas plus intéressant que
musical. Le meilleur morceau , c'est celui dans lequel le
musicien devait tirer de lui même toutes ses inspirations, c'est
l'ouverture , qui se recommande par un heureux enchaîne-
ment de mélodies faciles et légères. Les couplets que chante
l'hôtesse sont aussi très agréables , mais elle n'aurait dû
en chanter que deux. Dans les autres morceaux , il y a peu
de choses saillantes , et les réminiscences abondent : l'entrée
del'huissier, par exemple, rappelle trop celle du comte Alma-
viva , au second acte du Barbier : Pace e gioja per mille
anni. Les réminiscences et les imitations sont une espèce
d'hommage que tous les débutants rendent à leurs devanciers.
Ce procédé n'a rien de mal en soi, pourvu qu'il ne dégénère
pas en habitude.
Un ancien élève du Conservatoire , que nous avons vu à
l'Opéra-Comique , Laget s'était chargé du rôle de Carie
Dujardin ; Chaix et Montauriol, M""' Mondutaigny et Leclerc
jouaient les rôles du financier , de l'huissier , de la canta-
trice et de l'hôtesse, Chaix a montré surtout les allures et le
ton qui convenaient à son personnage; il a de la voix, de la
physionomie , du geste : c'est un élève tout prêt à monter
sur la scène et qui peut réussir également dans le comique
et dans le sérieux.
Le premier acte du Comte Ory venait après la pièce nou-
velle : l'exécution de ce chef-d'œuvre a été complètement
satisfaisante , souvent même supérieure à ce que nous en-
tendons partout ailleurs. Les chœurs se sont distingués par
une vigueur , une verve et une chaleur entraînante : le fa-
meux morceau d'ensemble à quatorze voix a été dit parfaite-
ment. Dans le rôle du Comte Ory , Mathieu a prouvé que sa
voix grande et belle pouvait s'assouplir à force de travail;
Obin a très bien chanté l'air du gouverneur. M"" Vaillant ,
qui jouait celui de la Comtesse , avait de la peine à dominer
son émotion ; cependant elle a enlevé des bravos légitimes.
M"= Rouillé , dans le rôle du page , a fait preuve d'un ta-
lent décidé de comédienne : sa voix, qui est d'une qualité
charmante , a le défaut de monter un peu ; l'émotion , la
peur y sont pour quelque chose. On ne reconnaissait guère
la jeune et jolie M"" Morize sous le costume de la vieille
Ragonde mais; heureusement sa voix n'était pas déguisée et
on la retrouvait toujours avec plaisir.
La séance avait commencé par le quatrième acte du Ma-
homet, de Voltaire, dans lequel jouaient MM. Chotel, Quélus,
Ponchard , Arnault , Gubian et M"= Potel.
Maintenant trêve d'exercices : c'est d'examens et de con-
cours que le Conservatoire va s'occuper.
P. S.
TROISIÈME MESSE SOLEMVELLE
de M. JUXiIEN MARTIN.
exéculée en l'église de Sainl-Germain-l'Auxerrois , le jour de la Pentecôte.
ous ne savons trop si l'art musical, si le style sa-
cré a quelque chose à gagner dans le mouvement
tout mondain que se donne le clergé pour res-
saisir toutes ses anciennes prérogatives : quoi
qu'il en soit, on écrit beaucoup de musique d'é-
glise, mais est-ce bien de la musique religieuse? Cette ques-
tion demanderait, pour être traitée avec frhit, de trop longs
développements pour l'espace dont nous pouvons disposer ici.
Il est au moins singulier que les prêtres et les membres des
fabriques de nos églises, qui ont des doctrines rétrospectives,
ouvrent un champ si vaste aux idées nouvelles en musique,
à l'harmonie retentissante et aux petites mélodies sensuelles.
Comme les autorités dont ils dépendent et dont ils prétendent
cependant ne pas ressortir, ils n'ont qu'un but, le pouvoir,
et ils se sojucient fort peu des intérêts de l'art.
La plupart de nos compositeurs qui font exécuter de la
musique sacrée dans nos temples le font presque toujours à
leurs frais , attendu que les fabriques, qui font argent de tout
et qui en gagnent beaucoup, arguent toujours de l'insuffisance
de leurs moyens pour remettre en honneur les manifesta-
tions de la vraie musique religieuse.
Nos compositeurs en style sévère ne sont pas nombreux ;
mais les organistes jouant du Rossini , du Bellini , du Doni-
zetti abondent, ainsi que les faiseurs d'embarras, les hommes
doublés de cuivre et de mépris pour la musique qui se fait
192
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
écouter paisiblement, pour cette musique qiy ne vous ébranle
pas le système nerveux et vous berce au contraire de conso-
lations et d'oubli des tristes choses de la terre.
Entre le scolastique sec , monotone , et le compositeur à
idées indigestes qui n'en a pas une bonne dont il sache tirer
parti par un heureux mélange d'imagination et de savoir, il y
a l'écrivain qui recherche surtout la mélodie régulière et gra-
cieuse. M. Julien , ainsi que Paisiello, qui a fait des messes
charmantes et .pas d'un style trop rigoureux, est dans celte
catégorie. Sa troisième messe solennelle, qu'il a fait exé-
cuter dimanche dernier à Saint-Germain-l'Auxerrois, est une
œuvre agréable et d'un bon style. Le Kyrie est d'un beau ca-
ractère. Le Gloria , à grand chœur avec solo de soprano ,
ténor et basse, est un morceau entraînant et d'un effet drama-
tique, ainsi que le Sanctus,' dans lequel toutes les parties, ex-
cepté la basse, procèdent en harmonie plaquée en crescendo
sur laquelle les basses et les contrebasses se dessinent par une
marche rapide qui produit le plus bel effet. VO salutaris,
qui a été dit solo par une fort belle voix de baryton , est de
la plus suave mélodie. Enfin YÂgnus, pastorale religieuse dans
laquelle trois voix de différents caractères viennent tour à
tour, comme pour implorer l'agneau de Dieu, et auxquelles
le chœur répond par un formidable unisson qui s'enchaîne
au dernier motif du Kyrie , est un morceau des plus remar-
quables et qui complète dignement l'unité de la pensée de
l'œuvre. On annonce du même auteur, comme devant être
exécuté bientôt et dans la même église, un Requiem qui serait
dit à grand orchestre et chanté par les artistes de l'Académie
royale de musique.
Henri Blanchard.
MESSE DE PALESTRINA
exécutée aux funérailles de M. 3. liaflitte.
La messe de Palestrina, exécutée aux obsèques de M. La-
fitte, a produit beaucoup d'impression sur l'auditoire d'élite
qui assistait à cette triste cérémonie. Cette musique, si douce,
si vague, d'un style si pur, d'une harmonie si distinguée,
d'un caractère si touchant, est vraiment celle qui convient le
mieux à la gravité du culte et à l'expression de la prière. 11
serait bien à désirer qu'au lieu d'être reléguées dans les sa-
lons de M. le prince de la Moskowa, ces compositions fussent
fréquemment exécutées dans nos églises, et surtout dans celles
qui peuvent réunir un grand nombre de voix.
M. Dietsch, l'excellent maître de chapelle, dignement se-
condé par MM. Trevaux et Masson , a parfaitement dirigé
l'exécution de cette messe, confiée à cent voix choisies.
M. Lefébure Wely a touché sur l'orgue quelques préludes et
introductions d'un effet religieux et solennel. Nous voyons
avec plaisir ce jeune et habile artiste s'adonner au vrai style
de l'orgue, et y déployer un réel talent.
Nous n'avons pas les mêmes éloges à donner à l'exécHtion
du plain-chant, qui remplissait nécessairement une partie de
cet office funèbre. M. Alexis Dupont a dit avec beaucoup
d'art et d'effet les solos de la prose Dies irœ; mais le Depro-
fundis et les chœurs de la prose ne nous paraissent pas avoir
été dits avec le sentiment convenable. C'est, à notre avis,
faire un contre-sens, que de chanter pianissimo les versets
de la prose, Quantus timor est futurus , lacrymosa dies
illa, etc. C'est un cri d'effroi et de terreur, des accents la-
mentables, que j'aurais voulu entendre à ce moment, et non
pas les chants calmes et doux qui ont accompagné ce récit
terrible d'un événement si redoutable. L'arrangement du
faux bourdon de la prose laisse aussi beaucoup à désirer.
Dans le Pie Jesu^ les soprani font succéder un ut naturel à un
ut dièse, ce qui produit un effet détestable.
L'Introït, Requiem, a été chanté par les basses à l'unisson,
ainsi que certains versets de la prose. Ce plain-chant a été
exécuté d'une manière lourde, pesante, martelée, suivant
l'ancienne méthode parisienne, qu'il serait temps de bannir de
nos églises. Le chant de la prose, Dies irœ, est noté dans la
liturgie romaine d'une manière infiniment plus correcte,
parce que les brèves y sont indiquées, ce qui répand dans le
chant la variété, le mouvement et la vie; tandis que le
chant, tel qu'on le comprend dans la plupart des paroisses,
transforme le chœur de nos églises en un atelier de forgerons,
où l'on entend tomber tour à tour sur l'enclume de lourds
marteaux. Quoi qu'il en soit, l'exécution de cet office funèbre
a été majestueuse, solennelle, lugubre et bien conforme à
son objet. Nous espérons que désormais, en pareille circon-
stance, on reviendra à cette musique suave et sublime que
Palestrina semble avoir écrite sous la dictée des anges.
F. Danjou.
Correspondance particnlière»
Marseille , 24 mcti 1844.
Voilà bien longtemps que vous n'avez reçu de moi des nouvelles
de notre Ihéâlre. Au moment où je me disposais à vous annoncer le
beau succès de la Reine de Chypre, vous reçûtes de M Bénédit une
lettre qui vous donnait sur celle première représentation des détails
fort intéressanls ; et comme ce que j'aurais pu vous dire touchant le
même fait n'aurait rien ajouté aux éloges du critique marseillais, je
crus devoir renvoyer à une procbaine occasion de vous entretenir de
îa Heine de Clujpre.
Cet ouvrage qui, grâce à son mérite d'abord, et à la manière dont
il a été représenté, esi venu si puissamment en aide aux artistes so-
ciétaires, a vu son succès interrompu par suite d'une indisposition
assez grave du baryton Parly. 11 est vrai que Junca, toujours prêt à
se dévouer à l'inlérèt commun , s'était chargé du rôle de Lusignan ;
mais cet artiste dont le zèle est au-dessus de tous éloges avait ac-
cepté depuis plusieurs mois un service si pénible, qu'il n'a pu sou-
tenir longtemps la fatigue d'un rôle écrit dans un diapason trop
élevé pour sa voix. Junca est tombé malade à son tour : dès lors
l'administration s'est vue forcée d'ajourner les représentations de /a
Reine de Chypre. Mais la reprise de cet ouvrage aura lieu prochai-
nement avec les artistes de la nouvelle troupe, et tout porte à croire
que le public ne perdra rien à ce changement. Déjà les choeurs
viennent d'être augmentés d'un grand nombre de voix, et le person-
nel de ces masses chantantes se compose aujourd'hui de 35 hommes
et 26 femmes, en tout fiO choristes.
Les débuts de l'opéra sont à peu près terminés. En première ligne
des sujets connus jusqu'à ce jour, la justice nous fait un devoir de
placer M""» Morel-Scott, première chanteuse qui tenait l'emploi à
Lyon l'année dernière, et dont vous avez naguère encouragé les
premiers essais à l'Académie royale de musique. M""' Morel-Scott a
déjà paru dans Rachel de la Juive , Alice de Robert et I-éonor lie la
Favorite. Comme vous voyez, c'était aborder franchement la ques-
tion. Or, dans ces trois rôles si Importants et si difliciles. M'"» Scott a
complètement réussi. La voix de celte chanteuse, malgré de cho-
quantes inégalités, rend avec beaucoup de succès les situations les
plus fortes et les plus pathétiques des grandes créations de Meyer-
beer, d'Halévy et de Donizetti. De plus, M"' Scott a une intelligence
remarquable de la scène. Ses gestes, ses poses, sa physionomie sont
toujours d'accord avec l'intention dramatique de ses rôles. En un
mol, M">" Scott est une précieuse acquisition pour le théâtre de Mar-
seille; le jour de son troisième début, elle a dit son duo du qua-
trième acle de la, Favorite avec un entraînement si chaleureux,
qu'elle a été couverte de fleurs et rappelée après la chute du rideau.
Et pourtant, malgré celte ovation , M""' Scott doit comprendre que
l'art du chant ne lui a pas encore révélé tous ses secrets, et qu'il lui
reste bien des choses à acquérir pour rendre son talent irréprocha-
ble. Nous nous arrêterons aujourd'hui à cette simple observation ;
plus tard nous expliquerons toute notre pensée.
DE PARIS.
193
M. Scott époux de notre première chanteuse s'est fait accepter dans
les deuxièmes ténors en jouant Léopold, Raimbault, Daniel du
Chalet et Horace du Domino noir. .
Mais hélas ! les débuts se suivent et ne se ressemblent pas: té-
moin ceux de M. Cornelis (emploi des ténors légers). Le public s'est
plu à reconnaître dans ce jeune homme de la tenue , de la distinc-
tion , et une habitude de la scène que l'on ne rencontre pas toujours
chez les artistes de province. Mais en revanche , il a été médiocre-
ment satisfait de la voix et de la méthode de M. Cornelis, dont l'im-
portante préoccupation est de reproduire avec une exactitude dé-
plorable les défauts les plus saillants du style de ChoUet, sans avoir
de ce chanteur la science, l'adresse et l'intelligence musicale. M. Cor-
nelis a donc rencontré une opposition assez vive le jour de son
second début dans la Part du Diable. Visiblement contrarié de ne
pas trouver dans le public marseillais les sympathies sur lesquelles
il avait fondé ses espérances , M. Cornelis commençait à se décou-
rager. Au sang-froid qu'il avait montré d'abord , l'on a vu succéder
bientôt une irritation nerveuse qui a failli lui devenir funeste; car
arrivé à la scène du troisième acte où Raphaël cherche partout le
démon invisible qui est censé poursuivre Casilda, M. Cornelis trou-
blé par quelques marques d'improbalion, au moment où il fouillait
le dessous de la table à coup d'épée, au lieu de frapper dans le vide,
s'est traversé la jambe gauche avec l'arme qu'il tenait à la main. La
douleur occasionnée par cette blessure a été telle que M. Cornelis est
tombé sur le théâtre en poussant un grand cri ; aussitôt le spectacle
a été interrompu ; on a baissé le rideau , le régisseur a été mandé ,
le public s'est précipité sur la scène par toutes les issues et ne s'est
retiré qu'après avoir acquis la certitude que l'état de M. Cornelis
n'inspirait aucun danger, et que cet artiste pourrait bientôt repren -
dre son service.
Le parterre n'est pas un tribunal de sages ,
Et la beauté souvent a ses premiers hommages.
Ces vers de l'auteur de Bnœys et Palaprat viennent de trouver
leur juste application dans le début de M"' Vetipa, chanteuse légère,
qui s'est produite pour la première fois sous les traits d'Isabelle de
Roberl-le-Diable , et a mis en émoi notre public, beaucoup plus im-
pressionnable que connaisseur; ce n'est pas que la débutante ne jus-
tifie sous plusieurs rapports le succès qu'elle a obtenu : sa voix est
fraîche, agréable, étendue, d'une bonne émission , et d'une agilité
suffisante. 11 est dommage que cette voix , dont les notes élevées sont
toujours posées d'une manière irréprochable , n'ait pas la même fer-
meté dans le médium, qui est faible et chevrotant. A la vérité,
M"» Petipa mérite des éloges pour sa vocalisation, qui décèle de
bonnes études ; mais à travers une foule de qualités et de dispositions
brillantes, on sent toute l'inexpérience d'une élève à peine sortie
des mains du professeur, ce qui n'empêche nullement M"' Petipa
de changer et de remanier un air, et de remplacer le dessin musical
du compositeur par des variantes, qui loin d'ajouter à l'éclat du
morceau, nuisent essentiellement à son effet. C'est ainsi que le bel
air d'Isabelle, si admirablement tissu et brodé par Meyerbeer, a subi
certains changements, qui , à notre avis, sont autant de prorana-
tions.M"' Petipa, trouvant apparemment que le morceau d'Isabelle
n'était pas assez difficile pour son talent, en a compliqué les traits
de manière à faire de cet air si léger, si fin, et de si bon goût, la
chose la plus lourde et la plus prétentieuse du monde. Forcée de ra-
lentir constamment la mesure pour introduire quelques notes addi-
tionnelles au milieu de gammes et d'arpèges, déjà fort difficiles à
exécuter dans le mouvement rigoureux du compositeur, M"" Petipa
a détruit en plusieurs endroits le caractère et la physionomie de cette
belle cavaline de Meyerbeer ; mais le public a applaudi avec enthou-
siasme... Et puis ce même public qui absout de telles licences se
plaint de voir diminuer chaque jour le nombre des artistes de mé-
rite ! Que le public ne s'en prenne donc qu'à lui-même du mauvais
goût de notre époque; il recueille ce qu'il a semé.
Une basse-taille et une chanteuse légère du théâtre de Toulon
sont venus à Marseille la semaine dernière pour s'y faire entendre,
et faciliter en même temps la marche du répertoire, en attendant le
rétablissement de Junca et l'arrivée de M"" Petipa. M. Brouard , tel
est le nom de la basse-taille, a chanté avec succès le rôle de Baltha-
zar de la Favorite , et celui du roi Ferdinand dans la Pan du Diable.
La voix de M. Brouard ne manque ni d'ampleur, ni d'étendue; seu-
lement elle ne nous a pas paru fort exercée. M. Brouard est dans la
catégorie de ces chanteurs qui n'ont jamais pris l'art au sérieux,
font leur affaire tant bien que mal, et se tiennent prudemment entre
le blâme et l'éloge. M"" Billiard , la chanteuse légère, n'est pas pré-
cisément dans ce cas, bien qu'elle ait encore beaucoup de choses à
apprendre et plus encore à oublier; mais elle a de si bonnes inten-
tions, sa voix est si agréable, elle joue avec tant d'intelligence,
qu'on aime parfois à oublier ses imperfections pour ne lui tenir
compte que de ses qualités.
Voilà pour les débuts. Quant aux concerts , nous en avons eu cette
année un nombre considérable. Les plus remarquables ont été ceux
de M. Bénédit, de M. Millont, de M"' Maglione et de M°« fabre,
notre ex-première chanicuse.
Cette année , à l'occasion du 1" mai , la messe impériale de Haydn
a été faiblement exécutée à la cathédrale. Le Conservatoire avait pré-
paré, pour la même circonstance, la messe de Ilummel en rni bé-
mol ; mais, par suite d'un malentendu entre l'autorité ecclésiastique
et l'autorité municipale, cette exécution n'a pu avoir lieu.
Bruxelles , 29 mai 1844.
Le renouvellement de l'année théâtrale amène toujours des chan-
gements dans la composition des troupes qui exploitent les théâtres
placés, comme les nôtres, sur le même pied que ceux des villes de
province en France Les débuts de la troupe lyrique ont eu lieu jus-
qu'ici sans accidents pour les artistes et pourl'adminislration. Quel-
ques uns des chefs d'emplois de l'année dernière sont restés; ce sont :
M. Laborde, premier ténor; M. Zelger, première basse; M"'" Julien
et Laborde, première /or/e chanteuse et chanteuse à roulades (vous
savez que ces dénominations barbares sont usitées en province). Ali-
zard se retirait, il fallut lui trouver un successeur, et l'on crut que
cela ne serait pas facile , parce que ce transfuge de l'Opéra jouissait
à un haut degré de la faveur du public de Bruxelles. L'administra-
tion eut le bonheur de mettre la main sur un baryton doué d'une
jolie voix et d'un talent fort distingué. Vous avez , du reste , annoncé
dans le dernier numéro de la Gazette les heureux débuts de M. Lau-
rent dans la Favorite et dans Lucie de Lammermoor ; cet artiste a de-
puis lors joué Guillaume Tell et Figaro du Barbier de Séville avec le
même succès. Voyez la fragilité des choses humaines : Alizard qu'on
tremblait hier de ne pas pouvoir remplacer est aujourd'hui si par-
faitement oublié, qu'on dirait qu'il n'a jamais existé. Il est vrai que
M. Laurent a une véritable voix de baryton, tandis que son prédé-
cesseur, avec sa basse-taille bien caractérisée , était obligé de faire ,
dans les régions supérieures, des efforts tels, qu'on s'attendait à
chaque instant à le voir frappé d'une attaque d'apoplexie ; il est en-
core vrai que M. Laurent daigne chanter, tandis qu'Alizard criait
comme on le faisait jadis à l'Opéra , où la basse-taille en litre n'était
reçue dans son emploi que si elle pouvait, par la vibration de sa
voix, briser les vitres d'un appartement.
Nous avons aussi une nouvelle deuxième chanteuse, première Du-
gazon. M"= P.ouvroy, élève du Conservatoire de Paris et de lU"'^ Da-
moreau, qui fut pendant quelque temps, je crois, à l'Opéra-Comique,
où elle joua peu , et qui passa ensuite un an au théâtre de Toulouse,
vient remplir cet emploi, dont la dénomination bizarre a lieu de
surprendre ceux qui ne sont pas initiés à l'argot de nos affiches de
spectacle. M"' Rouvroy était l'idole du public de Toulouse ; à la der-
nière représentation , elle fut inondée d'une pluie de fleurs , cl ses
admirateurs lui firent hommage d'une couronne d'or sur chacune
des feuilles de laquelle est inscrit le titre d'une des pièces de son ré-
pertoire. De tels succès, obtenus dans un pays qui n'est point bar-
bare, garantissaient en quelque sorte le mérite de la cantatrice, et
disposèrent admirablement nos dilettantes en sa faveur; mais ainsi
qu'il arrive trop souvent, les éloges exagérés qu'on avait prodigués
d'avance à la jeune artiste lui furent plus nuisibles qu'utiles.
M"' Rouvroy est une fort jolie personne , un peu maniérée , mais
gracieuse et très séduisante au demeurant, qui possède une voix
agréable et de la facilité. Elle paraît avoir malheureusement en elle
une confiance excessive; elle hasarde beaucoup de traits extrême-
meul hardis, en réussit quelques uns, et manque les autres, non
sans préjudice pour la justesse et la mesure. Elle a reçu le premier
joir, dans l'ambassadrice, des applaudissements qui étaient plus à
l'adresse de ses beaux yeux que de son talent de cantatrice; dans les
Diamants de la couronne , le public , en garde contre la séduction du
joli visage de la débutante , l'a accueillie plus froidement. M"= Rou-
vroy a choisi le Domino noir pour son troisième début; elle fera sans
doute en sorte de réparer dans cet opéra l'espèce d'échec qu'elle a
subi lors de sa seconde apparition.
Bruxelles va être en possession d'un nouveau théâtre, construit par
un amateur dans le but d'y faire l'essai d'une quantité de machines
de son invention, et qui certes, si ce qu'on en dit est exact, ferait en
peu de temps à Paris la fortune d'un imprésario. Première innova-
tion , il n'y a pas de lustre dans le théâtre dont je vous parle ; la lu-
mière est projetée dans toute la salle par le moyen de réflecteurs,
au travers d'un plafond transparent. Deuxième innovation, les toiles
de fond sont supprimées , grâce à un mécanisme très ingénieux qui
194
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
a du rapport avec celui d'après lequel sont combinés les eJfets du
Diorama; des lableiiux mouvants viennent se peindre sur le mur en
hém'cyele qui termine le théâtre. On verra les arbres s'agiter, les
nuages changer de place , et les différents jeux de lumière, du jour
et de la nuit, se succéder avec une vérité d'imilation parfaite. 11 n'est
p.is jusqu'iux garçons machinistes employés au placement et au
déplacement des décnrations, que l'auleur de toutes ces innovations
n'ait en l'idée de supprimer.
Les décoralions, préparées dans le plancher du théâtre, monteront
et se placeront d'elles-mêmes, par l'effet d'une petite machine à va-
peur. Tout ceci n'est pas un rêve, croyez-le bien; ce spectacle singu-
lier, auquel on a donné le lilre de Théâtre des Nouveautés, titre
qu'il justifie incontestablement, ouvrira dans quinze jours , et cha-
cun sera appelé à venir contrôler l'exailitude des merveilleux récUs
qu'on en fait. On y jouera la comédie, le mélodrame, le ballet,
voire le petit opéra, mais si petit, si petit , que ce n'est pour ainsi
dire pas la peined'en parler. L'entrepreneur annonce, et ce n'est pas
une des moindres nouveautés de son théâtre, qu'il accordera des
droits a'iuiteurs aux écrivains et aux musiciens belges, dont les ou-
vrages , soumis à l'examen d'un comité de lecture, auront été jugés
dignes de la représentiition , et joués en effet.
La direction des théâtres royaux s'émut à l'idée d'une concur-
rence ; elle ré.solut de se préparer vigoureusement à la lutte. Vous
croirez ppiit-êire qu'elle songea à attirer le public par de beaux et
bons opéras dont son répertoire, passablement épuisé, a d'ailleurs
besoin de se remonter. Point du tout; sachant que le nouveau
théâtre avait l'inlention de donner les Pilules du Diable pour son
jnaugurition , elle acheta les décorations et les machines qui ont
servi aux cinq cents représentations de ce mélodrame au Cirque-
Olymiiique , les lit rafraîchir tant bien que mal , et se mit en devoir
de gagner de vitesse son concurrent. La première représentation
aura lieu samedi ; on ne sait pas encore comment le public prendra
cette espèce de profanation d'un théâtre royal , d'un théâtre où se
produisent habituellement des œuvres respectables , et s'il avalera
sans grimace les susdites pilules.
On a d(mné ici , il y a environ un mois , un opéra-comique en un
acte qui n'avait été joué sur aucun théâtre. Cet opéra était intitulé
le Moine; un écrivain national était l'auleur du poëme; M. Willent-
Bordogni, le professeur de basson du Conservatoire de Bruxelles, en
avait composé la musique. N'était le respect qu'on doit aux morts
(le Moine est tombé à la seconde représentation ) , je dirais que ja-
mais public n'eut à subir une pareille monstruosité littéraire. Pour
ma part je ne connais rien d'aussi profondément absurde que cette
pièce, rien d'aussi complètement étranger aux règles non seulement
de l'art , mais de la grammaire. Ce beau chef-d'œuvre est dû 41a
plume d'un jeune homme qui s'obstine à suivre la carrière des let-
tres, bien que Pégase lui soit furieusement rétif. Notez qu'un des
journaux de Paris, le Corsaire, pour nommer le coiipable, désignait
dans un de ses derniers numéros ce même jeune homme comme l'es-
poir de la littérature belge. 'Voilà cependant comme vous écrivez
l'histoire, messieurs les critiques parisiens. Le poëme du Moine a.
entraîné la partition dans sa chute, et r'est dommage, car la musique
de M. Willent contenait de fort jolies choses ; les idées n'y faisaient
pas défaut et les formes de l'instrumentation indiquaient un compo-
siteur instruit.
LA MUSETTE,
Dessin de Gavarni,
Nous sommes encore en pleine nature! La musette, non
plus que la trompe , n'a rien à démêler avec les instruments
|)erfeclionnés , qui figurent dans une exposition des produits
de l'industrie , mais elle est la joie et la consolation de popu-
lations entières, pour qui le violon n'existe pas, pour qui le
piano-forte n'est pas inventé encore. Dès que son chevrote-
ment nasillard se fait entendre , toute l'Auvergne se met à
danser, et elle ne s'arrête que quand la musette se tait. L'or-
chestre de Musard et de Strauss ne produirait pas des effets
plus extraordinaires. Par exemple, en écoutant les sons d'une
musette, accompagnés du retentissement des coups de pied
de vingt danseurs vigoureux , l'idée ne m'est jamais venue
de chanter la fameuse romance :
O ma tendre musette,
Musette , mes amours !
K<e comité de l'association des artistes-masiciena
annonce ik toutes les pet'sonncs qui ont pris des billets
pour la EiOtcrie , que le tirage est forcément remis an
dimanche 9 JUEN , parce que la salle de l'École lyrique,
où il devait avoir lien le 3 da même mois , sera consa-
crée ce jour-là au Concert de charité donné au bénéfice
des incendiés de la rue Coqucnard. — IVous rappelons
qu'il f aura S031 LOTS gagnants, savoir : Un n>agni-
fiqne Piano ùl qnene, nouveau, d'Erard, et 1030 Mor-
ceaux de musique et Partitions. Les billets non vendus
sont déposés, et se trouvent au Magasin de musique
de M. Maurice Schlesinger, 99, rue Bichclien. —
Prix du biUet : inV FRA1VC.
ITOTTTELIaBS.
V Demain lundi, à l'Opéra , les Huguenots.
*," Les recettes de l'Opéra , pendant le mois de mai , ont dépassé
tous les chiffres connus jusqu'à présent et se sont élevés à la somme
énorme de 150,000 francs.
*,* Bl"« Taglioni a reparu hier soir avec tout le succès qu'on pou-
vait lui présager, dans lu Sijlphide. Voici comment se composeront
les représentations qu'elle doit donner encore : 2. le Dieu et la Baya-
d'ere; 3. le second acte de la Fille du Danube; i. la Sylphide; 5. une
scène nouvelle, suivie d'un pas espagnol ; 6 le premier acte du Dieu
et la Bayadhre , suivi du pas espagnol. Il y aura de plus une repré-
sentation au bénéQce delà célèbre danseuse, mais on ne dit pas en-
core quels eu seront les éléments.
%* M. Menghis est engagé pour deux ans, en qualité de troisième
ténor.
V M"*" Dorus-Gras excite en Angleterre le même enthousiasme
qu'à ses voyages précédents. Elle est allée à Dublin où elledoitchan-
ter six fois. Elle en reviendra le 10 de ce mois pour prendre part aux
derniers grands concerts, et elle terminera sa tournée par Te grand
festival d'Oxford.
*,* C'est une erreur de croire que M. Léon Pillel ait sollicité la per-
mission de donner des représentations extraordinaires à cause de
M"« Taglioni. D'après son cahier des charges, il a le droit d'en don-
ner six par année.
",* Voici deux considérants du jugement rendu dans l'affaire de
M. Léon Pillet el de M. Robin ; nous les transcrivons ici parce qu'ils
sont d'un intérêt général : « Attendu que le directeur d'un théâtre a
le droit de disposer des loges qui en dépendent de la manière qu'il
croit la plus avantageuse pour son exploitation , pourvu qu'il ne dé-
passe pas les difTérents tarifs qui sont fixés suivant la durée et le
genre de la location ; qu'ainsi on ne peut le contraindre à renouveler
un bail qui lui parait contraire à ses intérêts; Attendu que s'il est
énoncé dans les baux que, faute d'avoir payé d'avance, en cas de
renouvellement, l'administration pourra disposer de la loge, il n'en
résulte pas que le bail sera nécessairement renouvelé si l'on offre de
payer d'avance le loyer, cette éuonciation ne contenant point une
obligation de louer, mais un simple avertissement de la formalité à
remplir pour renouveler la location ; autrement le bail ne serait pas
fait pour une seule année, comme le prescrivent les règlements, qui
ne permettent pas de dépasser la durée de la location annuelle; il
pourrait se prolonger à l'infini au moyen d'offres successives de payer
d'avance, etc., etc.
\* M. Saint-Denis de l'Académie royale de musique est engagé au
théâtre de Bordeaux. Le premier rôle qu'il jouera est celui du roi
dans l'opéra de Charles yi. Cet ouvrage a été représenté à Bordeaux
quinze fois en trente jours; aucun opéra n'avait obtenu un pareil
succès jusqu'à présent.
*," La Heine de Chypre d'Halévy est en répétition en ce moment
aux théâtres royaux de Berlin et de Bruxelles.
*,* Gulistan sera bientôt rejoué, à l'Opéra-Comique, avec un air
emprunté à la partition d'Azémia , qui est aussi de Dalayrac.
*," Un élève du Conservatoire, qui avait récemment obtenu une
audition à l'Opéra , M. Jourdain, vient de contracter un engagement
avec le théâtre de Versailles, où il chantera tout le répertoire de
Barroilhet. Le succès qui l'y attend n'est pas douteux, si l'on en juge
par l'effet qu'il a produit cet hiver dans différentes soirées, et no-
tamment chez M. le vicomte Decazes, à Villeneuve-l'Ëtang, enchan-
tant le beau duo de la Heine de Chypre.
DE PARIS.
195
V M. Edouard Wolff, le pianiste el compositeur à qui nous devons
de si belles études, vient de se marier avec une jeune et jolie per-
sonne , M''" Mélanie Maas , qui elle-même a un très beau talent sur
le piano.
"." Notre collaborateur Georges Kastner, dont les nombreux ou-
vrages ont rendu de si émineiits services à l'art musical et obtenu
parmi nous des succès si marqués, vient de partir pour l'Allemagne
où ses productions sont l'objet d'une faveur non moins grande et où
sa présence a été fêlée de mille manières, lors de son dernier voyage.
M. Kastner se propose d'y faire exécuter un grand oratorio drama-
tique allemand qu'il a composé à cette intention et dont il doit sur-
veiller lui-même les répétitions.
",* M. Deslandes, acteur de l'Opéra-Comique et auteur de plu-
sieurs pièces, entre autres du IVociambule , ayant, en compagnie de
M. Thirion. son bailleur de fonds, accepté les conditions de la muni-
cipalité de Rouen , et de plus versé le cautionnement de 30,000 fr.,
M. Deslandes a élé nommé directeur du théâtre de cette ville.
M. VizentinI, ex-régisseiir au Vaudeville, est admis en cette même
qualité au théâtre des Arts; M. Duvinage , second chef d'orchestre
de l'Opéra-Comique, est nommé chef d'orchestre du Grand-Théâtre
de cette même ville.
*,' Lundi dernier , le roi , la reine , le duc de Nemours el le prince
de Joinvilleont visité l'Exposition. LL. HM., conduites par M. le mi-
nistre du commerce, ont manifesté le vif désir d'entendre les nou-
veaux instruments de M. Sax, qui , parles perfectionnements nom-
breux dont ils ont été ^l^bjl't, sont appelés à faire une révolution dans
les musiques militaires et dans les orchestres. L'ingénieux inventeur,
assisté de M. Distin , a improvisé un concert dont LL. MM. ont té-
moigné la plus complète satisfaction. Le roi s'est longtemps entre-
tenu en anglais avec MM, Distin , et a félicité M. Ad. Sax sur ses in-
téressantes découvertes.
V Le même jour, nous avons remarqué que LL. MM. se sont ar-
rêtées aux pianos de M. Bernhardt; M"= Virginie Bernhardt a exécuté
sur un excellent piano droit un morceau que LL. MM. ont écoulé
avec attention. S. M. la reine a même daigné féliciter la jeune pianiste
tant sur la force et la précision de son jeu que sur la pureté et l'am-
pleur des instruments.
*," M. Hesselbein est du petit nombre de nos habiles facteurs prés
de qui le roi s'est arrêté dans sa visite de lundi passé, 27, à l'exposi-
tion des produits de l'industrie; et, pendant que Sa Majesté s'entre-
tenait avec lui , la reinea paru écouteravec plaisir la Grande janiai-
sie .sur h Heine de Chypre, composée par M. Rosenhain, et dite d'une
manière aussi brillante qu'expressive par M"' Emma Collard sur le
beau piano de M. Hesselbein. En se retirant, la reine a bien voulu
adresser des paroles flatteuses à la jeune artiste qui venait d'inter-
préter avec un talent plein d'avenir l'œuvre d'un compositeur di-tin-
gué, et de faire apprécier dans tous li-s eflets de sa puissante sonorité
l'instrument du consciencieux indusitriel.
*,• Le violoni.-te Prume vient de recevoir du duc de Cobourg le
titre de maître des concerts.
*.* Plusieurs morceaux de musique de Le Sueur ont été exécutés à
Sainl-Roch le jour de la Pentecôte. Nous citerons principalement le
Kyrie, le Gloria, le Credo et l'O salutaris , morceaux magnifiques
que tous les assistants ont justement admirés. L'Offertoire et le Do-
mine salviim étaient d'un autre compositeur.
*,* M"' Fanny Goldberg, une des meilleures prime donne de l'ita-
)ie. et sœur de .M. Goldberg, baryton de beaucoup de talent qui ha-
bite Paris, vient (lèse marier avec il signor Charini, et se retire du
théâtre. Voilà déjà la troisième grande cantatrice italienne , ei toutes
trois allemandes , qui ont quitté le théâtre après un riche mariage:
M»' Sonlag comtesse Rossi, M»= Ungher Sabatier, et M»' Goldberg-
Charini.
*,* M"' Lutzer est partie avec son mari pour Stuttgard où elle
restera quelques mois ; elle reviendra ensuite à Vienne , où son en-
I gageraent avec le théâtre de la Porte-de-Carinthie dure encore deux
I ans.
Chronique étrangère.
■ ",* Londres. — Rien de très nouveau au Queen's-Theatre. La reine
et le prince Albert y ont paru pour la première fois de la saison à
j une représentatiou de Zampa , ce chef-d'œuvre d'Hérold , qui a fini
i par triompher de son poëme. On a repris il Mairimonio seyreto de
I Cimarosa pour le bénéfice de Lablache, qui a, selon sa coutume,
I soulevé dans don Geronimole rire homérique d'im auditoire anglais.
! — On a donné au théâtre d'Haymarket une petite pièce sur i'^A-
I sentéisme. Elle est conçue dans un esprit tout irlandais. — A Saint-
[ James, la jolie figure et le jeu coquet de iU"" Plessy sont à la mode.
I — Un bas bleu britannique , M'" Sey ton , a lu dans la salle de con-
j cert du Théâtre de la Princesse une dissertation sur la coméd'e. Une
autre femme a mieux fait encore , elle a remporté le prix de 500 liv.
proposé par M. Webster pour la meilleure comédie originale. Son
ouvrage est intitulé: ta Journée des dupei. — Les concerts ne se ra-
lentissent pas; M'"« Dorus-Gras et Staudigl y font toujours fureur. On
y a entendu avec admiration un virtuose allemand , M. Mangold,
nouvelle étoile qui s'élève sur l'horizon déjà si brillant des pia-
nistes.
— La comtesse douairière d'Essex, ancienne cantatrice , qui a eu
cette singulière destinée de figurer au couronnement de Georges IV
dans l'exercice professionnel de son art, comme disent les Anglais,
puis d'assister comme une des premières pairesses d'Angleterre au
couronnement de Guillaume IV, le prédécesseur de la reine ac-
tuelle, a le bon esprit, sur la scène aristocratique où elle s'est élevée,
de ne pas oublier celte gloire d'un autre théâtre qui lui a servi d'é-
chelon. Elle donne, dans sa résidence de Belgrave-square, une série
de représentations dramatiques qui ont un puissant attrait pour la
société fashionable convoquée lour-à-tour pour les rôles si diffé-
rents d'acteurs et de spectateurs. Elle vient de faire jouer .«ous le
litre de Catherine de Clèves une traduclion anglaise du drame de
Henri III, el elle s'était chargée elle-même du personnage de Cathe-
rine de Médicis.
*,** fViesbaden. — La saison dfs eaux a commencé. Le Cursaal est
ouvert; c'est peui-êlre la plus magnifique salle de bal qui existe. Les
représentations du théâtre pendant la saison d'été ont commencé
avec Fra-Diavolo; puis on a donné le Maçon, le Barbier deSévUle ,
Jean de Paris, et enfin Othello, qui a éié joué le 27 mai. A partir
du mardi de la Pentecôte, il y a tous les jours musique d'harmonie
dans les bosquets du Cursaal. Le 20 il y a eu soirée musicale dans
la grande salle de l'hôtel de l'Aigle, donnée par M. Schmidt. On y a
entendu entre aulres la symphonie concertante de Weber, et une
Cunzonelta religiosa de Cirnarosa.
"/ Munich. — Dans un cours de musique, il a été chanté derniè-
rement une romance en langue sanscrite sur un air qui a deux ou
trois mille ans de date, et qui, dans sa contextiire, présente beau-
coup d'analogie avec les procédés mélodiques en usage de nos jours.
»,* Bdle. — Le théâtre est en désarroi : le directeur Zoller avait fait
banqueroute, et le directeur actuel, M. Schmits,n'a pu faire face à
ses engagements , qu'en prenant dans sa propre bourse. Cette cala-
mité est attribuée surtoutaux menées des piélistes, qui sont en grand
nombre dans la ville, et qui ont une grande influence sur toutes les
classes de la société.
*,* Madrid. — Barrez met en scène au théâtre del Girco la Hermosa
Uijn de Gand. Il est question d'y introduire une Polka dansée par
l'aérienne Guy Slephan.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
Publications de E. CHAIiIiIOT, rue Saint -Honoré, 336.
KOIÏEIIE ÉDITION PAUFillTE des 24 ÉILIDES de
Le C/tirogymnasle est un asseniblajfe de neaf appa-
reils gymnastiques destinés à donner de Vexlension à
la mam et de l'écart aux doigts à augraenlerelà égalt^
ser leur force el à rendre le quatrième et \ecinqnième
indépendants de tous les autres. Le Chirogymnœste
i>été aussi approuvé el adopté par MM. Adam, Dertini,
ne Bcriot, Cramer, Herz. Kalkbreuner, Listz, Moschelès
PrufXtnti^ Sivon.ThalbeTg, T ulou, Zimmermann, elc,
v"haque Chirogymnasie est revêtu de la signature
de L*invenleur et se vend place de la Bourse, w 13,
àhuitapparsils, 50fr.,àneufapp,G0(r., méthode,^fr.
Les expéditions sont faites contre remboursement, ^rir» franca*
Inventé par C. MAnTÏN
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196
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS,
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LES BELLES DU NORD, - SIX POLKA
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La belle Bohémienne 3 5013. La belle Hongroise 3 5015. La belle Suédoise
La belle Polonaise 3 5ol4. La belle Allemande 3 5o|g. La belle Moscovite,
Musique nouvelle pour le Piano.
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3 50
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Nocturne 6 »
Gigue et Air de ballet, étude dans le style ancien .... 8 »
Alléluia 4 »
ffl. ROSELIiEN.
Fantaisie de concert sur 3>oni Sébastien 9 »
Fantaisie sur Mina 8 »
Fantaisie sur Son Fasquale 9 »
Fantaisie sur le Code Noir 8 »
n. BERTIIVI.
Fantaisie sur la sérénade de Don Pasquale 8 »
Fantaisie sur Maria diRohan . . . . . . .... 7 50
C OSBORl«E.
Grande fantaisie sur Dom Sébastien 9 »
Ad. lECARPEWTIER. (Facile.)
Bagatelle sur Mina 6 »
Bagatelle sur Maria di Rohan . . ' (3 »
Bagatelle sur Dont Sébastien 6»
Bagatelle sur Don Fasquale 6 »
Cavaline de Don Basquale , variée 6 »
Fantaisie sur Dom Sébastien 7 50
Bagatelle à quatre mains sur Dom Sébastien 6 »
Fantaisie sur Maria di Rohan 6 »
Bagatelle sur le Code Noir 7 50
Fantaisie sur le Voile Blanc 7 50
C. CZERIKV.
Marche funèbre de Dom Sébastien 5 o
La même , à quatre mains 6 »
Ci. DOl^IIZETTI.
Trois cahiers de Mosaïque sur Maria di Rohan, chaque. . 8 »
Valse de Dom Sébastic
Amb. THOSIAS.
Suite de valses de Mina 6
E. PREDE1KT.
La Sérénade, souvenirs de Schubert
Souvenirs de Beethoven
L'Hirondelle , étude
La Ronde de Nuit, étude
Quatuor de Don Fasquale, varié
Andante. 1 Op. 9
H. BERZ.
Fantaisie de salon sur Don Fasquale
Trois divarlissements sur Dom Sébastien, chaque
La Dansante , valse
Ed. WOEFF.
Grand caprice sur Dom Sébastien
Grand duo à quatre mains sur Dom Sébastien.
Boléro sur Maria di Rohan
Boléro sur Mina
Boléro sur Don Fasquale
B. PAIVOFKA.
Six rêveries poétiques et originales
E. BEJAZET.
Petite fantaisie sur Dom Sébastien
Ad. ADAM.
Deux divertissements sur Cagliostro , chaque
F. BEReMLXEER.
Valse de Cagliostro
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Musique (Je AD. ADAM. — P"'' n^' = '^^ fr^"*^^-
Partitions Piano et Chant.
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Donizetti. Net 40 »
B®^" PASQEAEE. Opéra-bouffe en 3 actes , musique de
G. Donizetti. Net 30 »
— Opéra-bouffe en italien. Net . ... 30 »
BinVA. Opéra-comique en 3 actes , musique d'Amb.
Thomas. Net 24 »
MARSADI ROBA1V. Opéra-séria en 3 actes, musique de
G. Donizetti. Net 24 »
— Opéra-séria en italien. Net ... 24 »
MISERERE de G. Donizetti, à une et plusieurs voix et
choeurs. Net 15 »
ASifflÉElQEE ET MÉïiOR. Opéra-comique en 1 acte ,
musique d'Amb. Thomas. Net. 15 »
Musique iiouf ITlùte et Piauo.
E. EEPEES. 4 petites fantaisies sur Don Fasquale. Chaq. 4 »
— Fantaisie sur Don Fasquale 7 50
— Mélodie sur la barcarolle de Dom Sébastien. 6 »
E. caKNIX. 2 fantaisies sur Mina, chaque 8 »
Musi(|ue pour Piauo <S; Tiolon.
«I. EOEIS, Souvenirs de Dom Sébastien. 2 cahiers, chaq.
— 2 Mosaïques sur Mina, chaque . . .
— Divertissement sur Don Fasquale . .
— Divertissement sur Maria di Rohan .
— Souvenirs du Code Noir
— Xi' Amitié , Fantaisie pour deux violons
H. PAKOFHA. 2 Nocturnes, piano et violon, sur Mina.
— Fantaisie brillante, piano et violon. .
Ch. DAMCEA. lies Bagueraises , valses, piano et violon.
iriusique pour 3 Cornets.
CORN'ETTE. Les Airs de Mina , 2 suites , chaque . .
— Les Airs de Cagliostro, 2 suites , chaque.
— Les Airs de Dom Sébastien, 4 suites, chaq
— Les Airs de Maria di Rohan. 2 suites , ch,
FESSY. Les Airs de Don Fasquale
J. FORESTIER. Fantaisie pour cornet et piano sur Don
Fasquale
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8 »
9 »
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DEUX PARTITIONS ITALIENNES DE VERDI : I LOIUBARDI ET HËMAM.
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REVUE
AZEHE MUSICALE
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MiDBlCE BOURGES, F. DANJOU, DUESBERG, FÉTIS père, EDOUARD FÉTIS, STEPBEN HELLER, J. JANIN,
G. KASTNER, LISZT, J. MEIFRED , GEOBGE SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
Paraissant tous Mes nhnanches»
IL SEBA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GATABNI.
lie t" et le 15 de chaque mois on recevra on morceaa de mnsiqne»
SOMMAIRE. Exposition des produits de l'Industrie { premier ar-
ticle) ; parG.-E. ANDERS. — Les luttes du compositeur (tioi-
sième article) ; par J. MEIFRÈD.— Audi tion de l'orgue Daublaine-
Callinet et matinée musicalede M"» Nordet;parH. BLANCHARD.
— Conseils à mes élèves, de J.-B. Cramer; par FÉTIS père. —
Nouvelles. —Annonces.
LA TROMPETTE DE PAILLASSE. Dessin deGavarni.
HïM. les Aboonés rcçoîvcBit avec le prissent nuiu^'i'o :
La Cloolie des Agonisants , de F. Scbubert , transcB-itc
pour le piano par Steplien HeUer.
€ïpo5xti0n ics IproÎJuits "in Tînîiustne.
PREMIER ARTICLE.
oici la dixième fois
que les produits de
l'industrie françai-
se , réunis dans un
seul et vaste local ,
se trouvent étalés
aux yeux d'un public immense accouru
de toutes parts pour contempler ce spec-
tacle vraiment unique. Cette fois encore,
comme aux expositions précédentes, le nom-
bre des exposants s'est considérablement ac-
|cru. En 1839 , il s'élevait à 3,348; aujour-
d'hui il a atteint à peu près 4,000, ou, si
l'on aime mieux le chiffre exact, il est de
3,963.
Nous laissons à d'autres le soin de faire des rap-
prochements statistiques et des réflexions sur la
prospérité toujours croissante des manufactures et
de l'industrie en général. Ce que nous avons à constater ici ,
' c'est la part que la fabrication des instruments de musique et
' de tout ce qui concerne l'art musical a prise à ce grand mou-
; vcment de progrès industriel. Cette part est assez considé-
I rable ; elle se fait surtout remarquer depuis vingt ans.
I En effet , les quatre premières expositions furent presque
j nullespour les objets relatifs à la musique (1). Ce ne fut qu'à la
! cinquième (en 1819) que les facteurs d'instruments parurent
en nombre, et encore ce nombre était-il très restreint , ne se
' montant en tout qu'à 13. La sixième (1823) réunit 37 expo-
: sauts pour la musique, entre lesquels on distribua quinze mé-
! dailles. L'impulsion était donnée , l'émulation excitée , et
! l'industrie musicale prit des développements aussi brillants
j que rapides. A la septième exposition (1827) parurent 57 fac-
I leurs et luthiers; à la huitième (1834) ils étaient 94; en y
i ajoutant les fabricants de cordes et d'autres objets relatifs à la
I musique , le nombre des exposants se montait à 105. A la
neuvième (1839) ce chiffre, déjà considérable, s'élevait à 157.
Aujourd'hui nous comptons sur le catalogue officiel 167 fac-
teurs d'instruments qui , réunis aux fabricants de divers ob-
jets relatifs à notre spécialiaté , forment un nombre total de
181 exposants. Quelle progression ! que sera-ce à l'exposi-
tion prochaine? Alors peut-être les facteurs de pianos, qui
se multiplient prodigieusement , formeront à eux seuls ce
chiffre forraidab'c , à moins que le jury d'admission ne se
montre plus sévère qu'il ne semble l'avoir été cette fois.
On conçoit que tout le monde brigue et sollicite l'honneur de
figurer dans ce vaste bazar national ; mais l'exposition étant
principalement destinée à marquer les progrès des diverses
branches de l'industrie, on en devrait exclure tout ce qui ne
présente rien de neuf ou de remarquable, et sous ce rapport
les pianos surtout mériteraient un examen particulier avant
d'être admis. A quoi bon entasser là une multitude de ces
instruments qui , sans être précisément mauvais , sont au
(1) Voy. la Gazelle musicale de 1839, n» 19, où nous avons donné
un aperçu historique sur les diverses expositions.
BUILEA1TX D'ABOHNEMENT, RUE RICHEX.IEU, 97.
198
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
moins très ordinaires, et dont l'admission n'a d'autre résultat
que de priver de la place sufiTisante des facteurs de mérite
qui ont tenté des innovations heureuses et réellement fait
progresser leur art?
Du reste , si les industriels montrent beaucoup d'empres-
sement à se faire inscrire sur les rôles d'admission , ils ap-
portent une lenteur impardonnable à la confection et à l'en-
voi des objets destinés h participer au grand concours. Cette
fois plus que jamais tout le monde a été en retard. A l'ouver-
ture rien n'était prêt , le désordre régnait partout , et c'est à
peine si à l'heure qu'il est l'exposition (nous ne parlons que
de l'exposition musicale) se trouve complète en apparence.
Nous disons, en apparence, car elle ne l'est pas encore
réellement. Beaucoup de pianos ne remplissent toujours
que provisoirement la place qu'on avait hâte d'occuper,
crainte de la perdre. Peu à peu ils la céderont aux véritables
instruments de concours, qui, commencés trop tard, s'achè-
vent en ce moment dans les ateliers. Nous connaissons des
facteurs qui arriveront juste avant la clôture , si toutefois ils
arrivent, ce qui n'est pas encore certain.
Espérons qu'un pareil état de choses ne se renouvellera
pas la prochaine fois , et qu'à l'avenir on saura prendre des
mesures pour que l'exposition soit complète dès le commen-
cement, dût- on en exclure des objets remarquables, mais
apportés trop tard.
En général , la faculté accordée aux exposants de changer
continuellement leurs objets et d'en apporter de nouveaux
jusqu'à la fin de l'exposition présente des inconvénients,
d'abord pour le visiteur, qui se trouve désappointé en vou-
lant examiner un objet qu'il a remarqué la veille et qu'il ne
retrouve plus le lendemain; puis, ce qui est plus grave, elle
nuit aux exposants mêmes : nous voulons parler de ceux qui ,
exacts à l'appel , se sont efforcés d'être prêts dès l'ouverture.
Ceux-ci, loin d'être récompensés de leur exactitude par
quelque avantage, n'en éprouvent, au contraire, qu'un
préjudice plus ou moins réel. En effet , un facteur <vt-il fait
quelque découverte importante , introduit dans un instru-
ment une amélioration utile, la jalousie s'en émeut, la riva-
lité s'en empare. D'autres facteurs se hâtent de mettre à
profit cette idée ou de la reproduire ; et comme ils ont devant
eux deux mois pour construire un instrument, ils ar-
rivent aisément au concours décisif avec une invention à
laquelle ils n'auraient pas pensé. Le brevet, dites-vous, est
là pour empêcher la contrefaçon ; mais le brevet ne garantit
que les procédés employés pour obtenir un résultat. Si ce
résultat peut s'obtenir avec d'autres moyens , tout le monde
est libre de le faire. Ainsi le facteur qui eût été le seul à faire
valoir devant le jury telle ou telle découverte se trouvera en
face d'un concurrent sur lequel il ne comptait pas, et auquel
il a fourni lui-même les armes. Si celte émulation tourne au
profit des arts, elle est préjudiciable à l'industriel qui par-
ticipe à grands frais au concours, et ne manquera pas
d'exercer une influence fâcheuse "sur l'exposition suivante,
si l'on n'adopte des mesures telles que nous les réclamions
plus haut ; car tous ceux qui auront quelque chose de neuf
à montrer le cacheront soigneusement, et attendront la fin
de l'exposition; en sorte que cette exposition n'existera pas
pour le public, mais uniquement pour le jury, qui, seul,
aura devant lui l'ensemble des objets. Déjà en ce moment
cette influence se fait sentir. Nous pourrions citer un facteur
dont l'instrument vient d'être terminé, mais qui refuse de
le faire voir, craignant les indiscrétions et les imitateur.s.
Nous n'avions donc pas trop à nous presser pour commen-
cer notre compte-rendu ; nous commencerions même aujour-
d'hui encore trop tôt , si nous persistions à vouloir suivre
dans notre examen une marche régulière, méthodique et
c'était là notre intention. On avait annoncé des découvertes im-
portantes ; on parlait de procédés analogues , d'innovations
semblables appliquées au même instrument. Nous aurions dé-
siré avoir sous les yeux simultanément ces diverses tentatives,
pour les rapprocher, les comparer entre elles. Mais nous n'at-
tendrons pas plus longtemps les retardataires; et puisque
nous ne pouvons faire autrement, nous irons au hasard , en
prenant isolément ce que nous aur ions voulu réunir.
Nous ne dirons rien sur l'arrangement des salles ni sur la
distribution des cases ; nos observations ne changeraient
rien à l'état actuel des choses ; mais nous exprimons pour
l'avenir un vœu, qui sera partagé par tous les visiteurs, c'est
qu'on adopte pour le casement un mode plus convenable et
propre à faciliter la recherche d'un objet que l'on désire
voir de préférence. Sous ce rapport rien ne vous guide dans
ces vastes galeries , où il est souvent impossible de découvrir
le numéro que vous indique le catalogue. Vainement vous
vous adressez aux gardiens , qui ne peuvent connaître l'em-
placement de chaque objet. C'est le catalogue seul qui de-
vrait fournir l'indication que vous désirez ; et rien ne serait
plus facile que d'obtenir ce résultat. Voici comment :
Les numéros d'ordre donnés aux exposants lors de leur
admission ou inscription devraient n'être que provisoires.
Après l'organisation de la salle et la distribution des cases , ils
seraient changés contre des numéros définitifs que l'on ferait
suivre à la file, et d'après lesquels on rédigerait le catalogue;
de cette façon il serait aisé de s'orienter dans chacune des
galeries comme dans une rue, et de se diriger vers l'em-
placement que l'on cherche.
Puisque nous parlons du catalogue , nous y signalerons
une lacune qui nous semble importante. Pour atteindre entiè-
rement son but d'utilité , il devrait contenir une table mé-
thodique , présentant les objets classés par catégories , "en
sorte que l'on pût embrasser d'un coup d'œil ce qui appar-
tient à chaque branche de l'industrie. Nous avons entrepris
ce travail relativement à notre spécialité , et le résultat que
nous allons en présenter ne sera pas sans intérêt pour nos
lecteurs.
Nous avons dit plus haut que la partie musicale se compo-
sait de 181 exposants. En voici le relevé d'après les diverses
catégories :
Pianos
Orgues d'église
Orgues expressives
Instruments à vent
Luthiers
Instruments et appareils nouveaux.
Cloches , timbres , carillons. .
Cordes
Objets d'acoustique
Impression de musique. . . .
89
7
10
29
18
6
5
5
U
U
177
En y ajoutant l'auteur d'un tableau pour la facture cle
l'orgue, et (pour ne pas oublier des choses de moindre im-
portance, mais qui s'adressent toujours aux musiciens) deux
exposants de pupitres, ainsi que l'inventeur des chaises rec-
tofjrades, adoptées par le Conservatoire de musique, on aura
le chiffre que nous avons indiquét.
On s'étonnera peut-être de trouver ici des chaises classées
parmi les objets de musique; mais ces chaises , adoptées par
le Conservatoire, ont trouvé, il y a quelques mois, place
DE PARIS.
199
dans la Gazette musicale où une longue annonce faisait va-
loir leur haute utilité , leur usage indispensable pour les pia-
nistes et les harpistes. Pouvions-nous les passer sous silence
et encourir ainsi le reproche d'une grave omission? D'ail-
leurs la chaise va de plus en plus se rattacher à l'industrie
musicale ou à certains instruments; car dès que le piano sera
parvenu à neuf octaves , on ne pourra se passer de chaises
horizonlalogvades dont plusieurs mécaniciens, dit-on, s'oc-
cupent déjà sérieusement.
Dans les cinq années qui se sont écoulées depuis la dernière
exposition, la fabrication des instruments a fait de grands
progrès. Les pianos ont reçu d'importantes améliorations , les
orgues se sont enrichies de précieuses découvertes , et plu-
sieurs instruments à vent, tant en bois qu'en cuivre, ont
subi une réforme presque complète.
Quant à l'invention de noms nouveaux el bizarres dont les
facteurs ne sont que trop prodigues pour désigner des modi-
fications, souvent peu importantes, apportées aux instru-
ments , il nous semble qu'il n'y a pas eu de progrès. On peut
même dire que; sous ce rapport, le présent pâlit devant le
passé. En ISSa nous avions un piano apythménolamprolé-
rique ; aujourd'hui nous ne trouvons qu'un piano harmono-
mctre, et un piano trémolophone. Toutefois, l'accordéon, ce
véritable Protée , qui se transforme de mille manières , se
présente déguisé de nouveau sous un nom qui nous a frappé,
moins cependant par sa longueur que par son harmonieuse
combinaison. On jouera à l'avenir (supposé qu'on adopte
l'instrument ) du Mélo-Courtier ou bien de VEolie-Cmtr-
tier, comme on voudra , car on a le choix entre les deux
noms : l'un se trouve inscrit au catalogue , l'autre est indi-
qué sur l'écriteau placé devant la case de l'exposant. Mais
laissons-là les mots pour nous occuper des choses.
A chaque exposition on voit paraître quelque instrument
nouveau , quelque découverte étrange , productions éphé-
mères dont les auteurs se promettent monts et merveilles ,
mais qui , en dépit de nombreuses et ronflantes réclames, ne
tardent pas à tomber dans- un oubli profond. Toutes les ten-
tatives de perfectionnement qu'on nous présente aujourd'hui
ont-elles été heureuses ? toutes les innovations sont-elles réel-
lement neuves? voilà ce cju'il s'agit d'examiner. Ici notre
tâche commence ; nous chercherons à la remplir avec l'im-
partialité dont nous croyons avoir fait preuve dans nos tra-
vaux précédents.
G-.E. Ajvders.
LES LUTTES DU OOSHPOSITEUR.
(Troisième article*.)
II.
£<'..'& asditioii.
I eus avons défini Y audition «. une répétition
» d'essai faite par des exécutants qui , faute
» de préparation suffisante , n'entendent pas
» ce qu'ils sont chargés d'exprimer, et où les
» auditeurs qui doivent décider en dernier
ressort du mérite de l'œuvre et du sort du compositeur ,
se donnent rarement la peine d'écouter ce qui est offert à
leur appréciation. »
(") Voiries numéros 12 et 19.
Un récit abrégé mais fidèle des circonstances tragi- comi-
ques qui se présentent régulièrement à chacune de ces céré-
monies singulières , dont le mot audition donne une idée si
peu claire , va justifier d'une éclatante façon l'exaclitudc ri-
goureuse de cette définition , en apparence fantasque et para-
doxale, en réalité positive comme l'algèbre.
A force de peines, de soins, de ruses, de recommandations et
d'obsessions, l'être infortuné dont nous avons tâché d'esquis-
ser les luttes obtient d'un directeur quelconque la permis-
sion de faire exécuter quelques morceaux de sa composition,
par les artistes du théâtre soumis à l'autorité de ce directeur ,
à condition, toutefois, que les artistes daigneront'concourir,
de leur plein gré, à cette œuvre de bienfaisance : le directeur
ne voudrait, pour rien au monde, que l'audition fût considé-
rée comme une affaire officielle, et que ceux qui s'y em-
ploient pussent alléguer la fatigue qu'elle leur a occasionné,
pour se dispenser de jouer ou de chanter. Il s'agit simple-
ment de re?i(/re vn service; mais non, comme on dit en termes
de théâtre, de faire son service. Je prie ceux qui veulent bien
me lire de pardonner à cet exécrable jeu de mots, dont je
ne pourrais me passer pour .signaler l'abîme énorme qui sé-
pare l'audition , d'où doit dépendre l'avenir de toute une
existence , de la plus mince répétition du plus chélif ouvrage
reçu d'une manière quelconque par le directeur.
Au fait, pour qui se gênerait-on? pour un compositeur qui
commence sa carrière ! cela n'en vaudrait véritablement pas
la peine. On l'entendra comme on pourra, comme on voudra;
peiit-êlre ne l'entendra-t-on pas; après tout, où est le mal?
pour un compositeur de plus ou de moins, le privilège ne
finira pas un jour plus tôt, lesclaqueursne produiront pas un
succès de plus. Oh ! s'il s'agissait de juger un parricide pris en
flagrant délit, un voleur saisi la main dans le sac , ou même
quelque honnête escroc déçu dans ses spéculations par l'in-
différence du siècle , les choses se passeraient de tout autre
façon. On assemblerait des juges, on convoquerait des jurés,
on armerait la garde municipale , on distribuerait aux per-
sonnes du beau sexe avides d'émotions des billets de parquet,
des loges de galerie , des stalles de prétoire; le procureur du
roi répandrait à pleines mains les fleurs de rhétorique sur le
réquisitoire accusateur , et la société , dans sa sollicitude,
nommerait un défenseur d'office au coupable... Mais, entou-
rer un jugement d'où doit dépendre le sort d'un honnête
jeune homme , plein de talent peut-être, de quelques garan-
ties, quand ce jeune homme n'a ni volé, ni assassiné, ni même
escroqué ! quand tout son crime se réduit à avoir travaillé
comme un galérien pour apprendre une science inabordable
et à tâcher de tirer quelque fruit de ces études si longues et
si pénibles! en vérité cela serait puéril, niais, ridicule, et ne
vaut pas la peine qu'on y pense !
Aussi n'y pense-t-on pas.
Mais le jeune compositeur, tout fier d'avoir arraché cette
faveur inespérée , cette promesse d'audition qu'il sollicitait
depuis long-temps, y pense pour tout le monde , lui ; et con-
naissant la vaste étendue des devoirs qui lui sont imposés,
n'ignorant pas que son activité, son infatigable ardeur, peu-
vent en cette solennelle occasion lui donner de précieux avan-
tages, il va, vient , sourit, supplie, sollicite, et reçoit, pour
prix de tant d'efforts , la promesse que lui font quelques
chanteurs et tous les instrumentistes de l'orchestre, de se
rendre au théâtre et d'y exécuter son œuvre au jour fixé. En
ceci, comme en beaucoup d'autres choses, le zèle des artistes,
leur bonne volonté, un vif sentiment des liens qui les unissent
en une grande et noble famille, suppléent autant que possible
à la défectueuse organisation des affaires musicales.
200
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Dans les heures d'angoisses que le jeune compositeur passe
. de la promesse d'audiiion à l'accomplissement de cette pro-
messe, pas une minute ne s'écoule sans qu'il soit plongé dans
les plus vives inquiétudes. Tout le monde viendra-l-il? les
chanteurs seront-ils prêts? aurai-je le temps d'orchestrer
mes morceaux? la copie sera-t-elle terminée? et enfin réussi-
rai-je à obtenir un poëme ? Questions puériles, niaises ou ri-
dicules pour des indifférents, mais qui reçoivent des circon-
stances un caractère d'anxiété , de terreur , qui les élève à la
hauteur d'un problème terrible, d'où va dépendre ou la
gloire ou la honte, le renom ou l'oubli , ce linceul de l'ar-
tiste, plus redouté par lui que le pâle suaire du tombeau.
Il arrive enfin ce jour trois fois terrible qui porte dans ses
flancs la redoutable énigme, leto be or not to 6e, du pâle com-
positeur, qui, rassemblant ses forces, ranimant son audace, se
présente dans l'arène avec la puissance intérieure, l'air sou-
riant et calme du gladiateur romain ; mais il n'a pu, comme
le prudent alhlète, se préparer de longue main au dangereux
exercice du cirque. Pris à l'improvistc , averti trop tard et ne
voulant pas laisser échapper une occasion précieuse , il ne
vient pas au combat avec toutes ses armes; quelques mor-
ceaux composés sans but déterminé, orchestrés à la hâte,
écrits dans le diapason naturel des voix, mal écrits peut-être
pour la circonstance; de la musique faite sur des paroles in-
signifiantes, dues à la verve de quelque poète incompris , ou
à celle — horrendum ! — des amateurs qui le protègent,
telles sont les pièces de conviction du grand procès qui va se
juger.
A l'heure indiquée , tous les exécutants sont à leur poste,
où ils se sont rendus avec cette ponctualité que la discipline
des théâtres fait passer à l'état d'habitude.
La rampe s'allume, les chanteurs paraissent sur la scène
avec leur cahier à la main , et le juge suprême, le directeur,
fait son apparition dans quelque coin de la salle, au milieu
d'un groupe d'amis qui sont censés former un comité, mais
qui , en dernière analyse , se garderaient bien d'émettre une
opinion ou de porter un jugement contraire à l'opinion ou au
jugement de l'aulorilé dramatique. Enfin le chef d'orchestre
donne le signal, et Vandilion commence.
C'est surtout dans ces occasions rares et curieuses qu'on
peut apprécier les beaux résultats de l'éducation musicale
donnée aux artistes parisiens par le Conservatoire. Sauf les
chanteurs qui ont eu lu temps de jeter un rapide coup d'oeil
sur la partie qui leur est confiée, tout le monde lit à première
vue, et c'est merveille d'entendre cette exécution pourain.si
dire improvisée, rendre avec la dernière exactitude les formes
matérielles do la pensée des compositeurs, et souvent les in-
tentions plus secrètes, les nuances, les accents, les tours du
style, les finesses de l'expression.
A la fin de chaque morceau les amis du compositeur frap-
pent sur leurs instruments ou sur leur pupitre, pour l'applau-
dir et l'encourager, et ses ennemis, s'il en a, viennent lui
montrer les fautes de copie qui peuvent se trouver dans les
cahiers, ou même, — ceci est le irait le plus noir qu'ils puis-
sent inventer, — lui signaler, cemme fautes de copie, quelques
hardiesses harmoniques sur lesquelles l'infortuné récipien-
daire comptait pour manifester sa haute science, son génie
des combinaisons musicales, et son horreur pour les formes
banales et épuisées par un usage trop fréquent.
A ce bruit d'applaudissements, à ces mouvements divers,
le groupe directorial interrompt la conversation à laquelle il
se livrait avec une attention religieuse, et tâche de se rendre
compte du véritable effet produit sur les exécutants par la
musique qu'ils viennent de jouer; et lorsqu'un nouveau mor- !
ceau commence, la conversation , si malheureusement inter-
rompue , suit son cours naturel jusqu'à une nouvelle inter-
ruption , occasionnée par les mêmes motifs.
Le programme s'épuise enfin , et l'audition est achevée.
Les amis du compositeur le félicitent, les indifférents lui font
quelque léger signe d'approbation , les ennemis s'enfuient ,
emportant leurs instruments, et le directeur, suivi de sa cour,
à la faveur de tous ces incidents s'éclipse par quelque issue
.secrète que, par une attention délicate, le régisseur a^ait eu
soin de lui ménager.
Et le jeune compositeur, venu là pour se faire juger, at-
tend son arrêt; fatal ou favorable, il veut à toute force que
son jugement soit prononcé. Mais les juges ont disparu , et
dans la salle déserte, il ne voit plus que le pompier protec-
teur, éteignant soigneusement les quinquets ; il n'entend plus
que le garçon de théâtre lui offrant le fil d'Ariane qui doit
le guider pour sortir de ce labyrinthe de trappes, de corridors,
d'escaliers démantelés, de détours inextricables dont se com-
pose tout théâtre un peu complet; et tout absorbé par sa rê-
verie, il se laisse conduire machinalement jusqu'à la porte
extérieure, où la vive lumière du soleil, en le frappant avec
violence , le fait sortir de sa torpeur.
Et voilà précisément , de point en point, sans omission,
surcharge ni altération d'aucune espèce , ce qu'en termes de
théâtre on appelle une audition.
.1. MlîIFRED.
AUDITION DE mm immmmum
A l'EXPOSri'IOÎt DES PRODUITS DE L'INDUSTRIE.
Matinée musicale de MUe 3^orclet chez PS. ?ape.
ne nombreuse société d'artistes, dejourna»-
listes et d'amateurs s'était rendue un jour et
une heure réservés de cette semaine, sur l'in-
vitation de la maison Daublaine-Callinet.dans
une des galeries do l'Exposition des produits
de l'industrie , à l'effet d'entendre un orgue touché par
M. He.sse , habile organiste de Breslau. Cette audition offrait
le double attrait de vous faire coimaître un des plus parfaits
instruments de la fabrication française et de vous faire re-
trouver le vrai style de l'orgue, qui se perd tous les jours de
plus en plus dans ce pays-ci, où l'on se vante d'aimer la bonne
musique. M. Hesse nous a d'abord fait entendre une fantaisie
en style fugué, puis le God save ihe king varié par Spohr,
et enfin une admirable fugue en sol mineur de Sébastien Bach
qui a permis d'entendre ce magnifique instrument dans toute
la richesse de ses jeux, dans toute sa puissante sonorité, dans
toute la perfection enfin dont il a été doté par les fadeurs de
talent qui l'ont confectionné. C'est à celte audition qu'on a pu
apprécier l'égalité du son provenant du nouveau mode de
soufflerie empruntée aux facteurs anglais , auquel on a ajouté
comme perfectionnement un appareil qui neutralise les se-
cousses du vent et donne la facilité de soumettre ce vent à
différenles pressions dans le même réservoir, et permet d'ob-
tenir par ce moyen plus de variété et d'expression. C'est à
fi!. Barker que l'on doit celte amélioralion ou , pour mieux
dire , celte inléressante découverte pour laquelle il a pris
brevet. Le mécanisme invenlé par M. Barker a pour résul-
tat, indépendamment d'une foule d'autres avantages, d'avoir
adouci singulièrement le toucher de l'orgue à ce point qu'un
pianiste peut maintenant jouer de ce bel instrument sur le-
DE PARIS,
201.
quel, avant cette précieuse découverte, le plus habile pianiste
était fort gêné, paralysé même par la résistance que lui op-
posait chaque touche du clavier de l'orgue. Nous ne décri-
rons point ici les moyens mécaniques employés pour arriver
à ce beau résultat, ne voulant pas effaroucher les lecteurs de
la Gazelle musicale et surtout ses lectrices par des termes
trop techniques; nous ne leur parlerons pas plus longue-
ment des accouplements d'octaves, richesse et puissance
d'unissons qui résultent de la découverte de M. Barker;
nous ne nous étendrons pas davantage sur les jeux expres-
sifs par la pression de l'air sur des jeux à anches
libres , invention due à un Français , M. Grenié, et perfec-
tionnée par MM. Cosyn et MuUer, pensant qu'il vaut mieux
laisser jouir le public des beaux résultats obtenus par des
hommes patients, chercheurs, consciencieux, que de lui don-
ner mathématiquement les raisons du plaisir qu'il éprouve
en écoutant ce puissant et solennel instrument.
Après la pensée classique et logique de M. Hesse, après
son style pur et toujours puisé dans la fugue, ce qu'il faut
admirer le plus dans son exécution , ce sont les évolutions de
ses pieds, qui, au dire des organistes, manœuvrent d'une mer-
veilleuse manière. Talma trouvait que dire , jouer, réciter,
déclamer un rôle étaient des expressions insuffisantes pour
bien exprimer une création dans son art; et il prétend,
dans ses mémoires, que le verbe anglais to act (agir) est plus
énergique, plus significatif, plus logique, plus expressif qu'au-
cun de nos mots français. D'après cela l'on peut dire, en voyant
agir le savant artiste allemand , que si l'orgue de la maison
Daublaine-Callinet est parfait de la base au faîte, M. Hesse
est un organiste complet de la tête jusqu'aux pieds.
— M"' Clara Nordet est une jeune cantatrice qui vient d'en-
trer pour la première fois dans la carrière des concerts au
moment oîi la saison des concerts finit : elle a donné diman-
che passé, dans les salons de M. Pape, une matinée musicale
qui avaitencyre attiré un assez nombreux auditoire. M"'' Clara
Nordet possède une bonne et belle voix de soprano dont elle
se sert avec art. Dans le duo de la Liicia, qu'elle a dit avec
M. Corradi , dans un autre morceau de Donizetti et l'air
à.'OEdii>e : Dieux , ce n' esl pas pour moi que ma voix vous
implore , la jeune bénéficiaire a montré que les deux mé-
thodes italienne et française lui sont familières ; et quand elle
aura su se faire, par l'habitude de chanter en public, une in-
dividualité, qu'elle pourra payer sans crainte un tribut à l'ex-
pression , à l'inspiration , M"' Nordet prendra place , et ce
moment n'est pas loin , parmi nos plus remarquables canta-
trices. Elle a été fort bien secondée dans cette tardive exhi-
bition musicale par le jeune Bernardin, qui n'est plus le petit
Bernardin, qui monte toujours sa chanterelle un peu trop
haut , et qui accorde un peu trop souvent son violon sur les i
ritournelles de son accompagnateur, ce qui est peu agréable
pour les oreilles de ses auditeurs. M. Vautier a exécuté une ;
fantaisie sur le mélophone, sorte de viole d'amour qui a de la j
peine à se faire adopter par la grande famille inslruracnlale, ',
et qui cependant prête à des effets expressifs et nouveaux. i
IM"« Blanche Maricot est une jeune pianiste dont nous '
avons déjà parlé dans la Gazette musicale : elle est en pro- '
grès. En payant quelques petits tributs à l'art de phraser , à
l'expression, aux nuances, au fini, sa netteté , sa fermeté |
d'exécution , sa vigueur, et tout ce qu'il y a de brillant dans i
son jeu n'en ressorliront que mieux , et M"= Blanche Maricot !
sera une fleur de plus à joindre au bouf|uet de jolies et bonnes \
pianistes que Paris admire tous les ans. La manière dont j
elle a dit le peu facile Andante final de la Lncia de Liszt, et i
l'Ave Maria ainsi que la Sérénade de Schubert, a prouvé 1
que si elle sait faire la difficulté , elle sait aussi comprendre
la poésie de l'art ; aussi l'a-t-on fort applaudie ainsi que
M"° Nordet, qui n'a qu'à se féhciter de son premier concert.
Henri Blanchard.
CONSEILS A MES ÉLÈVES.
NOUVELLE MÉTHODE COMPLÈTE DE PIANO,
par J.-B. CRAMER-
2" édilioi).
orsque j'entrepris la Méthode des méthodes de
piano (1), un seul motif me guida dans ce des-
sein; ce fut de dissiper les apparentes contra-
dictions qu'on rencontre dans la multitude
d'ouvrages élémentaires composés pour l'ensei-
gnement de cet instrument , particulièrement en ce qui con-
cerne le doigter , et de poser , pour celte partie difficile de
l'art, des règles logiques inattaquables reposant sur une ana-
lyse exacte de toutes les combinaisons qui peuvent se ren-
contrer dans la musique de piano. Et d'abord je crus devoir,
exposer, d'une manière succincte et lucide , les principes des
auteurs de méthodes les plus célèbres; puis les comparant,
les discutant, je fis voir que les contradictions apparentes ré-
sultent de ce que ces auteurs ont manqué de clarté dans l'ex-
position de leurs préceptes ou de ce qu'ils ont eu en vue des
résultats différents.
C'est après avoir rempli cette tâche que j'ai posé à priori
des règles positives par la méthode philosophique, c'est-à-dire
par le raisonnement et par l'analyse. Par cette méthode, je
crois avoir porté la lumière sur ce qui était auparavant incer-
tain ou obscur, et j'ai la certitude d'avoir fait un ouvrage qui
sera utile aux professeurs et aux élèves studieux aussi long-
temps que l'art de jouer du piano sera cultivé. Cet ouvrage ,
composé originairement pour l'enseignement au Conserva-
toire que je dirige , y a opéré depuis quelques années un
progrès extrêmement remarquable dans l'école du piano, qui
n'était pas auparavant à la hauteur de celle des autres instru-
ments. Depuis la publication de la Méthode des méthodes de
piano, quelques jeunes artistesd'une haute espérance se sont
formés au Conservatoire de Bruxelles; ils tirent de l'instru-
ment des sons plus puissants et plus moelleux que leurs de-
vanciers ; ils ont plus d'indépendance dans les deux mains ,
plus de slireté et de hardiesse dans le doigter. La théorie a
donc été justifiée par la pratique.
Toutefois, je dois l'avouer, le succès de l'ouvrage n'a pas
répondu à mon attente , en tant que le succès se constate par
le débit. Il est bien vrai qu'il a été traduit en allemand , en
anglais , et qu'il en a été fait deux traductions italiennes dont
une publiée par Riccordi, à Milan, et l'autre à Florence, par
Cipriani. J'ignore si ces traductions se sont vendues , mais il
est certain que mon éditeur français n'a pas vu se réaliser mes
espérances ni l'opinion de quelques artistes célèbres qui
avaient été consultés avant la publication. Étonné de l'in-
différence du public au sujet de ma Méthode, j'en ai parlé à
de grands pianistes, particulièrement à Liszt, ïhalberg et
Dœhler ; leur réponse a été à peu près identique. « Votre ou-
» vragc est très bon, m'ont-ils dit, trop bon même, trop sé-
» vère dans sa forme , trop consciencieux. Dans un espace
» resserré vous l'avez rendu plus substantiel , plus fondamen-
» tal nue de très volumineuses méthodes telles que celles de
1) M"'" de Montgcroult et de Hummel. La Méthode des mé-
(1) Paris, Maurice Schlesinger, 97, rue Richelieu.
102
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
» thodes serait donc dans les mains de tous les professeurs de
» piano , surtout dans les provinces , s'ils lisaient , s'ils étu-
» diaientsérieusement; mais qiiicst-ce qui lit? qui est-ce qui
» étudie? D'ailleurs votre méthode est trop sérieuse pour les
» élèves commençants : ceux-ci sont en général incapables de
» réflexion et d'analyse; il leur faut un guide court, simple,
» uniquement empirique et pratique. Enfin , vous n'avez pas
» un nom de pianiste. La plupart des pianistes qui en ont un
» ont fait leur méthode bonne ou mauvaise , et chaque édi-
» teur a la sienne qu'il prône et qu'il vend. Le temps des
1) succès universels de solfèges et de méthodes est passé , et
» l'on ne verra plus se renouveler la vogue qu'ont obtenue
» Adam et Rodolphe. »
Ce langage de mes illustres amis me paraît très raisonna-
ble. Je me consolerais facilement d'avoir fait un bon ouvrage
qui ne s'achète ni ne se lit, si les intérêts de la bourse de mon
éditeur n'étaient pas compromis en même temps que ceux
de mon amour-propre. Heureusement M. J.-B. Cramer est
venu lui offrir une compensation de sa mésaventure avec moi
en lui cédant la propriété d'une autre méthode dont le suc-
cès n'est pas douteux , car en peu de temps la première édi-
tion a été épuisée , et voici venir la deuxième. Ici rien ne
manque aux conditions de ce succès : un nom dès longtemps
célèbre entre ceux des princes du piano, et les formes brèves,
simples , empiriques et pratiques d'un ouvrage destiné à l'in-
struction des commençants.
Il y eut autrefois en France un détestable rogaton de mé-
thode de piano intitulé Y Art de toucher le piano-forte , ou
méthode facile pour cet instrument ; divisé en quatre suites ,
par B. Viguerie. Ce titre était un mensonge , car jamais l'art
de toucher le piano n'eut rien de commun avec la rapsodie de
B. Viguerie. Toutefois, depuis la première édition, qui pa-
rut en 1798 , on a vendu un si grand nombre d'exemplaires
de celte prétendue méthode, qu'on en pourrait faire des mon-
tagnes ; peut-être en vend-on encore, car le mérite de beau-
coup de maîtres, surtout dans les petites villes, esta la hau-
teur de l'ouvrage.
Sauf la différence du talent d'un grand artiste et de celui
d'un pauvre croque-note ; sauf la distance qui sépare un ou-
vrage bien pensé et' bien fait d'une misérable guenille , la
nouvelle méthode de M. J. B. Cramer me paraît destinée à
remplacer , dans l'éducation élémentaire des pianistes fran-
çais , l'ouvrage de Viguerie. Simplicité , brièveté d'exposi-
tion des principes ; exercices bien gradués , petits morceaux
d'une mélodie facile et d'une bonne harmonie , destinés à la
fois à exercer les élèves à l'exécution des choses différentes
par les deux mains , à former leur oreille , et à les récréer ;
leçons progressives à quatre mains pour leur donner l'habi-
tude de l'ensemble et de l'aplomb en exécutant avec le
maître ; enfin remarques également progressives , placées en
notes au bas des pages , pour donner aux commençants l'ex-
plication d'une multitude de signes et d'effets employés dans
l'exécution. Cette première partie de la méthode, ou plutôt
la méthode proprement dite , est terminée par un appendice
oii l'auteur explique la transposition, la manière d'exécuter
les accords , l'accent musical , et l'usage de la pédale. L'ou-
vrage est terminé par vingt-quatre études progressives pour
des difficultés spéciales.
Dans ce, plan , comme dans les détails , on reconnaît la
grande expérience d'un maître qui ne s'est pas seulement
rendu célèbre par le talent le plus pur et le plus suave d'exé-
cution, et par une multitude le compositions entre lesquelles
ses deux premières suites d'études se sont distinguées par un
succès universel ; mais qui a formé aussi une quantité innom-
brable d'excellents élèves et de pianistes d'un grand mérite.
S'il était permis de tirer des horoscopes en ce qui concerne
la vogue, cette déesse inconstante et capricieuse comme la
fortune , je la prédirais à l'œuvre de M. Cramer ; car tout ce
qui peut inspirer de la confiance au public , et la justifier ,
s'y trouve réuni.
Fi'.TiS père.
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
LA TROMPETTE DE PAILLASSE.
Dessin de Gavarni.
La trompette de paillasse n'a rien de commun avec celle
du jugement dernier. Cependant nous ne dirons pas que ceux
qu'attirent ses fanfares sont, en général, dépourvus de tout
jugement; car nous avons été souvent des preiniers à nous
rendre à son appel ; mais nous affirmerons qu'un paillasse
sans trompette n'est pas plus de ce monde qu'un escamoteur
sans gobelets , un aveugle sans bâton , un jambon sans laurier,
une représentation à bénéfice sans fleurs, un chanteur sans
orgueil , un chef-d'œuvre moderne sans réclames , un journal
sans malice , à moins qu'il ne soit sans abonnés.
*,* Aujourd'hui dimanche, à l'Opéra, par extraordinaire, et pour
la troisième représentation de M"" Taglioni , le second acte de la
Fille du Danube , précédée du Comte Onj. — Demain lundi Guil-
lawne-Tetl.
V Hier au soir il y a eu spectacle au château de Versailles, sur le
théâtre de la cour, à l'occasion de l'exposition des produits de l'in-
dustrie française. I-es artistes de l'Académie royale de musique y
ont joué le second et le troisième acte d' OEdipe à Colone, le second
et le troisième acte de la âiueiie de Poriici , et le quatrième acte de
la Favorite.
VM"" Taglioni a reparu samedi , 1" juin , dans la Sylphide et
mercredi , 6 , dans le Dieu et la Uayadère. Pour ces deux représen-
tations , la recette s'est élevée au chiffre le plus haut que les 11-
miles de la salle lui permettaient d'atteindre, et pour les représen-
tations annoncées, il y a déjà plus de demandes que de places. La
célèbre danseuse nous a toujours paru la même ; c'est ce que nous
avons vu de plus gracieux, de plus moelleux et de plus chaste. Quel-
ques personnes lui trouvent quelque chose d'un peu moins aérien
qu'autrefois : cela est possible; mais cela n'ôte rien ni au mérite ni
au succès.
*,* On annonce la réception d'un grand ouvrage en deux actes ,
dont M. Niedermeyer doit écrire la musique.
•,* Poultier esta Paris : il se propose, dit-on, d'étudier pendant
trois mois la langue italienne, pour aller continuer ses succès par-
delà les monis.
V Les dimensions de la salle du château de Versailles n'ont pas
permis d'inviter tous les exposants au spectacle royal. On assure que
l'un d'eux, lîdèle à ses habitudes de province, disait : « Je ne suis
» pas invité, mais ça m'est égal , j'achèterai unecontremlirque. »
*,* Il est question d'un nouveau voyage de Rossini à Paris; peut-
être veut-il savoir où en est sa statue, et se demande-t-il pourquoi
on l'a fait poser.
V Le tirage de la loterie au profit de la caisse de l'association
des artistes-musiciens aura lieu aujourd'hui dimanche à dix heures
du matin, dans la salle de l'Ecole lyrique, rue de la Tour- d'Auvergne.
*,* Un grand concert, destiné à réunir toutes les sympathies des
artistes et du public, aura lieu dimanche prochain, 16 juin, dans
la salle du Conservatoire, au profit de M"" Berton , la veuve de l'il-
lustre composieur, que la mort vient de nous enlever, et qui n'a
laissé d'autre fortune que son nom et ses œuvres. M. Habeneck di-
rigera cette solennité , dans laquelle on entendra une des belles sym-
phonies de Beethoven , que le premier 11 nous a fait connaître. Ce
sera un événement musical dans cette saison , et à une époque où
Paris renferme tant d'étrangers qui n'ont jamais pu assister aux
DE PARIS.
203
célèbres séances de la société des concerts. Autour de ce digne chef,
se groupera le bataillon des auxiliaires qu'il a formés. Plusieurs ar-
tistes éminents, M. Ponchard , H"« Nau , de l'Académie royale de
musique, M. Antoine de Kontski , le célèbre pianiste , M. Alard , le
violoniste pur et hardi, ont généreusement offert leur concours.
Tous les morceaux de chant seront tirés des Opéras du maître, et
M. de Kontski a composé expressément pour ce concert une fantai-
sie sur des motifs de son chef-d'oeuvre. EnOn la Dernière pensée de
Berton , mélodie charmante, qui fut le chant du cygne, sera dite
par sa petile-Iille, M"» Adolphe Berton, jeune et belle personne,
qui depuis peu de temps s'est consacrée au théâtre, et qui par une
circonstance heureuse se trouve en ce moment à Paris. Voici au sur-
plus le programme de ce concert auquel la foule ne manquera pas
d'accourir: 1. Ouverture àe. AJoninno ei Stéphanie , de Bertun; 2. Solo
de violon , composé et exécuté par M. Alard ; 3. Air des Maris-Gar-
çons, de Berton, chanté par M. Ponchard ; 4. Grande fantaisie sur
Robeno Devereux, composée et exécutée par M. Antoine de Kontski ;
5. Duo de Montana et Stéphanie , de Berton , chanté par M. Ponchard
et M"« Nau ; 6. Dernière pensée de Henri Berton , chantée par
M'"' Adolphe Berton; 7. Fantaisie sur des motifs de Montana et
Stéphanie, par M. de Kontski; 8. Air de Maniano et Stéphanie,
chanté par M"« Nau ; 9. Symphonie de Beethoven. Le bureau de
location est ouvert tous les jours chez M. Réty , au Conservatoire,
rue du Faubourg Poissonnière, II. Le prix des places sera le même
que pour les concerts ùu Conservatoire.
•„* M. F. Kalkbrenner, dont la santé est si altérée depuis plus
d'un an, vient de partir pourCavlsbad. Nous espérons que les eaux
contribueront au rétablissement du célèbre professeur, et qu'il sera
bientôt rendu à ses élèves ainsi qu'à ses nombreux amis.
*«* Un jeune chanteur français, dont nous avons toujours apprécié
le mérite, Revial , joue en ce moment un rôle très distingué dans
les concerts de Londres. La presse anglaise le traite avec une dis-
tinction que justifient pleinement le charme de sa voix et la pureté
de sa méihode.
',* M. Jourdain, le baryton, dont nous annoncions dans notre
numéro dernier l'engagement au théâtre de Versailles , vient d'y dé-
buter avec beaucoup de succès dans Lucie de Lammermoar. 11 y
paraîtra bientôt dans la Favorite. Le 30 du mois précédent, il pre-
nait part à un brillant concert qui se donnait au Havre, et y chan-
tait plusieurs morceaux de genres divers , entre autres les couplets
nationaux de Charles VI avec chœurs, qui ont produit un admi-
rable effet.
*,* Le roi et la reine ont donné à M. Pleyel une marque de l'inté-
rêt que leurs Majestés portent aux établissements qui, comme le
sien, assurent en France et à l'étranger la prééminence des produits
français, en s'arrêlant longtemps sur l'estrade où sont placés les
pianos de cet habile fabricant. M. Pleyel a joué avec à-propos un
morceau favori du roi et un andante d'I. Pleyel son père, sur un
nouveau piano à queue à double percussion; cet instrument, d'une
grande puissance de sonorité, a valu à M. Pleyel les témoignages réi-
térés de la satisfaction de leurs Majestés.
*,* M"' Cinti-Damoreau et Artôt se trouvaient encore dernière-
ment à la Nouvelle-Orléans, obtenant sur le théâtre américain d<s
triomphes aussi complets que ceux qu'ils avaient obtenus sur le
Théâtre français; à la suite d'un concert pour les pauvres et les or-
phelins, dont le produit net a été de 1 ,426 dollars, deux médailles
en or ont été affectées à M™' Damoreau et à M. Artôt.
',* Un mariage a été célébré mardi , à l'église de la Madeleine,
entre M"' de Ségur et M. le duc de Lesparre. Plusieurs morceaux
religieux de la composition de M. Bessems ont été chantés et parfai-
tement interprétés par M. Emile Fleury. Un hymne accompagné
sur la viole par M. Bessems a produit un grand effet.
Clu'onkjue <lé|iai*tesBieiataIe.
"," Lijon. — Nos théâtres sont dans une singulière voie; l'inhabi-
lelé de notre directeur devient déplus en plus compromettante pour
nos plaisirs, et nous serons bien heureux encore si d'ici à quelques
jours nous ne sommes pas lout-à-fait privés de spectacle. Encore
mieux vaudrait peut-être une fermeture dès à présent, que le régime
brutal auquel nous sommes soumis. Les repré-entalions se terminent
presque toutes avec l'intervention de M. le commissaire de police,
dont les nombreux agents encombrent les couloirs. C'est qu'il faut
vous le dire, la direction a eu l'heureuse idée de faire passer ses ar-
tistes à l'aide de cinq ou six cents claqueurs, et surtout en faisant
faire les débuts les plus importants les dimanches ou jours de fête.
Le véritablepublic, qui ne peut accepter une telle dérogation à toutes
les habitudes du théâtre, proteste maintenant; mais, sous le pré-
texte que les débuts sont terminés, les premières, qui sont le centre
de l'opposition, ont été mises en état de siège; et en vous parlant d'ar-
restations et de brutalités inouïes, je ne ferai que vous indiquer le
motif de l'irritation de tous les esprits. Ce qu'il y a de plus certain ,
c'est que nous avons une troupe excessivement médiocre ; que nous
avons des relâches deux et trois fois la semaine, et que les choses ve-
nant à reprendre leur cours ordinaire, la monotonie du théâtre en
chassera tout le monde. M"'- Bouvard n'a été reçue que sur deux ou
trois notes assez belles , et mieux encore sur la recommandation de
sa jeunesse et de sa beauté. M. Poitevin commence à chanter faux;
ainsi jugez ce que doivent être nos représentations d'opéras. M. et
M^'Cuillemin ont résilié; M"" Humbert, deuxième chanteuse, est
toinbée, ainsi que M™' Vérillet, première Dugazon, et MM. Cefolelli
et Tournade, seconds ténors. Comparez ces résultats avec les éloges
gagés de quelques journaux, et vous saurez comment on écrit l'his-
toîre à présent. En somme, l'état de nos théâtres est pitoyable, et
on ne parle de rien moins que d'une prochaine fermeture. Grâces
en soient rendues à la capacité deM. Duplan.
Clisi'ouitjtse «ti°ai!ii;èi'e.
*,• Londres. — On a donné au théâlrs de la Pveine deux représen-
tations de suite du chef-d'œuvre de Cimarosa, le Mariage seeret :
la reine et le prince Albert ont assisté à la seconde. La Jledowa a
détrôné la Polka, qui n'en est, dit-on, qu'une imitation dégénérée.
— Thalberg a donné, dans les salons d'Hanover-Square, un bril-
lant concert, ou l'on a entendu un fds de Lablache qui promet de
marcher sur les traces paternelles.
— Une indisposition de Standigl a fait abréger un concert où ce
grand artiste avait promis de se faire entendre.
— Un compositeur et pianiste allemand du plus grand mérite ,
M. Muhlenfeldt, a donné une charmante soirée musicale dans la
salle de concerts du théâtre de la Princesse. En un mot, l'activité
des grands artistes que Londres possède en ce moment semble par-
venue à son apogée, au moment où déjà à l>aris, en dehors de ses
deux scènes lyriques, les chants ont cessé.
*,* Colayne, 29 mai. — Les trois journées de notre grand festival
ont répondu à l'attente générale. L'oratorio Jep/îï^ , le Messie, de
Beethoven , ont surtout été admirablement exécutés. Toutefois l'af-
fluence , aux deux grands concerts , n'a pas été aussi grande que les
années précédentes. La troisième journée s'est terminée par une fête
brillante dans une île du Rhin nommé Rheinau, avec Illumination
et feu d'artifice.
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indépendants de tous les autres. Le Chirogymnaste
3éléaDssi approuvé et adopté par ^f M. Adam, Berlini,
ne Heriot, Cramer, Herz, Kalhbrenner, Listz, Moschelès
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204
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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4 mains.
Imprimerie de BOURGOGNE et MARTINET, 30, rue Jtcob.
-X9^_ _____
REVUE
GAZETTE MUSICALE
UEDIGÉE FIB
MM. ANDERS, G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, HEMII BLANCHARn,
MAUIUCE BODRGES, F. DANJOU, UUESBEBG, FÉTIS père, Édouaud FÉTIS, Stfphen HELLER, J. JASIN,
G. KASTNER , LISZT, J. MEIFRED , GcOKGE SAND, L. BELLSTAB, PAUl SMITH, A. SPECHT, etc.
Pat'aissttnt iowa Mes IHtnaneftes.
IL SERA JOIINT A CDAQUE NUMÉRO tIV DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
Le 1" et lo IS de chaque raioîs on recevra nn morceau de mnsiciae.
SOMMAIRE. Histoire de la musique ( premier article) ; par FÉTIS
père. — Concert des jeunes aveugles; par H. BLAIMCHARD. —
Etienne Soubre ; par A. GATHY. — Nouvelles. — Annonces.
LE TSING. Dessin de Gavarni.
TXSS.. les Abonnés recevront avec le prochain numéro : B.ITA
X'A7J2ÎAIi01TSE , musique de M. R. Slûlder, illustrée par
B3. Gavarni.
HISTOIRE DE LA MUSIQUE.
snK I.A uroTATSON rausicAiii:
doiil sVs! soni sainl Grégoire-lc-Grand pouf le chani de son .ïiiliiilioiiiiiro.
(Premier article.)
i l'on jette les yeux
sur la notation de
la musique grecque
dont Aljpius, Aris-
tide (Quintilien ) ,
Gaudence le philo-
sophe , Bacchius et Boèce ont donné des
tables avec les explications nécessaires ,
on remarque que les signes de cette nota-
tion sont isolés , et que chacun d'eux ne
représente qu'un son. De plus, on voit que
ces signes de sons ne tirent pas leur signifi-
cation tonale d'une position plus ou moins
élevée sur une échelle ou portée , comme
ceux de la musique moderne, mais qu'ils en ont
une absolue résultant de leur forme.
S'il est vrai , comme l'affirme Aristide ( Quin-
tilien ) , que cette notation est due à Pytha-
gore (1), elle a dti pénétrer en Italie lorsque l'illustre philo-
sophe y institua son école. Toutefois, l'obscurité qui envi-
ronne l'histoire de la situation de la musique dans cette
co; irée, avant que les Romains eussent fait passer la Grèce
sous leur domination , nous laisse dans l'incertitude sur
l'existence d'une notation musicale chez les T.atins dans ces
temps reculés. Les persécutions auxquelles Pythagore et ses
disciples furent en butte, la mort violente de plusieurs
d'entre eux , et la haine qu'on portait à tout ce qui apparte-
nait à une secte considérée comme impie, nous autorisent à
croire qu'on n'attacha pas grand prix à une notation musi-
cale née dans son sein. Longtemps après, lorsque Rome opu-
lente se fut peuplée d'artistes grecs, particulièrement de
musiciens, nul doute que la notation grecque ne s'y soit éta-
blie , n'y soit devenue d'un usage habituel parmi les artistes,
et ne s'y soit conservée même après le démembrement de
l'empire d'Occident : nous en avons une preuve irrécusable
dans le Traité de musique du sénateur Boèce , infortuné mi-
nistre de Théodoric.
Slais une question se présente : les Romains n'avaient-ils
pas de notation latine proprement dite ? Et chez eux , la mu-
sique ne se transmettait-elle que par tradition , avant que les
musiciens grecs leur eussent fait connaître les signes de Py-
thagore? Pour résoudre cette difficulté , souvenons-nous que
les titres des comédies de Térence nous apprennent que Flac-
cus , fils de Claudius , avait réglé le ton des flûtes pour la dé-
clamation de ces pièces (2) ; or, il paraît qu'on ne peut en-
tendre ce règlement du ton des flûtes pour la déclamation
qu'en supposant que Flaccus, musicien qui vivait au temps
de Térence et de Paul Emile, notait les intonations par des
signes en usage h Rome, avant que les arts de la Grèce y
[\) De Mnskâ , lib. I , p. 28, ex cdit. Meibomici.
fj) Vi)yez , sur ce sujet , les notes de M"'« Dacier, dans sa traduc-
tiori des coii'\édies de TOrence ; et mes deux premiers articles mr tes
diverses espèces de pûtes , dans le VI' volume de la Hevue musicale.
BUREAUX D'ABOIVNEMENT, B.XTE RICHEI.IEU, 97.
206
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
fussent introduits ; d'où il faudrait conclure qu'il y avait une
notation latine de la musique.
Nous avons la preuve de l'existence de cette notation en
des temps postérieurs dans l'inscription et dans le contenu
du troisième chapitre du quatrième livre du traité de musique
composé par Boèce. Le titre de ce cliapitre est : Musicarum
per grœcas ac lalinas litteras notarttm descripUo. Meibo-
mius à considéré les mots ac latinas comme ayant été ajoutés
à tort par les copistes, et les a condamnés (1). Forkel, sans
plus d'examen , s'est rangé à l'avis de Meibomius (2) ; mais
il est facile de démontrer que leur opinion n'a pas de fonde-
ment solide. Le manuscrit imparfait dont s'est servi Glaréan,
pour son édition du traité de musique de Boèce, est la seule
cause de leur erreur. Tous les bons manuscrits , notamment
ceux de la Bibliothèque Royale de Paris (n°^ 7199 , 7200,
7201, in-folio), tous du \V siècle, le beau manuscrit de la
Bibliothèque Ambroisienne de Milan , qui paraît être du ix",
et celui de la Bibliothèque Royale de Bruxelles (n°10116), du
xir siècle), ont non seulement l'inscription du chapitre avec
les mots ae latinas , mais les lettres latines correspondantes
aux notes grecques dans le tableau.
Voici le tableau de ces quinze lettres , avec leur traduction
en lettres modernes.
abcdefghI, KLMNOP
m
Une notation latine par les quinze premières lettres de l'al-
phabet, pour la désignation de quinze sons diatoniques for-
mant deux octaves, existait donc avant Boèce; car cet écrivain
n'en donne pas d'explication, la supposant suffisamment con-
nue de ses lecteurs , et s'en servant , au contraire, pour ex-
pliquer la signification des signes de la notation grecque.
C'est un fait qu'il est important de constater , comme on le
verra plus loin. On verra aussi que celte même notation s'é-
tait conservée en diverses localités plusieurs siècles après
Boèce.
Les deux notations dont il vient d'être parlé ayant été con-
temporaines, il est vraisemblable qu'on employait l'une et
l'autre à Rome et dans les diverses provinces de l'Italie. Que
saint Arabroise et saint Augustin aient écrit des hymnes et
des antiennes en notation grecque, comme le disent quelques
auteurs, cela est exactement possible , quoiqu'on n'en ait pas
la preuve; mais l'erreur de Meibomius est manifeste lorsqu'il
ajoute que Boèce , venu un siècle après saint Augustin , ne
parle que de cette notation. {Quif'pe Boelhius, qui intégra
seculo Aiigustino fuit posierior , solas has notas recen-
set (3) ).
Le 3 septembre 590 , c'est-à-dire quatre-vingts ans après
la mort de Boèce , saint Grégoire-le-Grand monta sur le siège
apostolique : bientôt après il s'occupa de la réforme du chant
de l'église, pour en rendre l'usage uniforme. Avant lui, la li-
turgie chorale n'était point fixée d'une manière invariable :
chaque église avait ses usages, et de certaines pièces de chant
qui n'étaient point adoptées dans d'autres lieux. Il n'est pas
de mon sujet d'examiner si saint Grégoire a composé une
partie des mélodies du graduel et de l'antiphonaire connues
aujourd'hui sous le nom de chant grégorir.n, ainsi que l'af-
(1) Dans les notes sur le 3° chapitre du 4« livre de Boèce , en tête
de l'inlroduction à la musique d'Alypius, p. 7,
(2) JUgem. Geschichte der Musik, t. H, p. 178, § 84.
(.3) Averlissemcnt au lecteur du Traité de musique d'Aristoxène
(p. uhim ).
firme Bernon (1) , ou (ce qui est plus vraisemblable) s'il a
composé son antiphonaire d'un choix de chants déjà connus
dans diverses églises , ainsi que l'indique le titre de cento-
nien (composé de fragments ) donné à cet antiphonaire , sui-
vant le témoignage de Jean Diacre, prêtre napolitain qui a
écrit la vie de ce pape (2). La question que j'ai à examiner
est relative à la notation de l'œuvre de saint Grégoire , et à la
part qu'il eut dans le système de cette notation.
On a vu précédemment que les quinze premières lettres de
l'alphabet latin servaient chez les Romains à noter les sons
diatoniques de deux octaves , depuis le la grave de la voix
d'homme jusqu'au la du médium de la voix de soprano. Ce
système de notation avait l'inconvénient de ne pas faire aper-
cevoir la corrélation des sons à l'octave par la similitude des
signes. Plusieurs auteurs, parmi lesquels on distingue Gafori
et Kircher, attribuent à saint Grégoire la réforme qui con-
sista à rendre sensible cette corrélation, en n'empruntant à
l'ancienne notation latine que les sept premières lettres capi-
tales, pour représenter les sept sons de la gamme; puis répétant
ces lettres en caractères minuscules pour la seconde octave, et
redoublant celles-ci pour l'octave aiguë, à l'usage des enfants
de chœur. Le tableau général des signes se trouva ainsi porté
jusqu'au nombre de vingt et un. Le voici avec sa traduction
en notes mordernes.
h c
A r> C D E F G a
^-(5>- d e f s aa l)b ce dd
■±z:xrltl
^^œ:
-17-&
^^EE
Il est vrai qu'aucun témoignage contemporain ne prouve
d'une manière évidente que saint Grégoire soit l'auteur de
cette réforme, et que nous n'avons à ce sujet qu'une Iradilion
d'autant plus incertaine que ceux qui nous l'ont transmise
n'ont pas fait connaître leurs autoriiés. Si l'on retrouve quel-
que jour le petit traité de musique composé par le saint pon-
tife pour l'instruction des chantres romains, ce problème in-
téressant pourra être résolu. Jean Diacre et d'autres écrivains
nous ont laissé des renseignements sur cet ouvrage, dont
Guido d'Arezzo a cité un passage, dans son traité concernant
la correction de beaucoup d'erreurs qui s'étaient introduites
dans le chant grégorien (3).
Quoi qu'il en soit de la part que saint Grégoire peut avoir
eue dans la réforme dont il s'agit , il est hors de doute que la
notation qu'on vient de voir remonte aux temps anciens du
chant ecclésiastique, et vraisemblablement au temps où vécut
le saint personnage; car non seulement on trouve l'emploi de
ces lettres expliqué par Hucbald et par Odon de Cluni , écri-
vains des IX' et X'' siècles, mais Guido, parlant (dans le
deuxième chapitre de son Micrologue) de l'addition du gamma
au-dessous de la première lettre de cette notation pour ex-
primer le sol grave ,
dit que cette addition a été faite par les modernes (c'est-à-
(1) Sicut sapienlissimus papa Gregorius llbrum sacramentorum
diligentissime ad verilalis lineam correxil, ila music» quoquc mo-
dulationis harmoniam salis uliliter composuit ac ordinavit. [De
quibusdam rebits ad JlJiss, périment , c. 1 .)
(2) Gregorius in domo Domini, more sapientissimi Salomonis,
propter musicse compuiiclionem dulcedinis, Antiphoncirium canlo-
nem cantorum studiosissinius nimis ulilllcr compilavit, etc. {f^ila
suncù Gregorii, lib. II, cap. 6.)
(3) Pluresetenim Iropos vel modos vocant tonos, quos Gregorius
in suo libelle musicie redarguil dicens : Abusivum esse iropos lonos
vocare, etc.
DE PARIS.
îll
— 8 juin. — Jeudi , au retour des courses d'Ascolt , la reine a
ofTerl un grand banquet à ses hôtes couronnés; un concerta terminé
la soirée. En têle des artistes qui ont captivé les suffrages, il faut
encore citer Jacques Ofl'enbach, le célèbre violoniste de Paris dont
le talent a fait là , comme partout, prouesses et merveilles. Jacques
Offenbach a aussi été invilé au dîner annuel donné, sous la prési-
dence du duc de Cambridge , par la Société des mélodistes qui a ac-
cueilli avec enthousiasme et fait répéter deux fois une des plus gra-
cieuses compositions de ce jeune artiste, intitulée: Muselle.
— Une indisposition de Mario a fait substituer i'emiramide à la
tucia, Rossini à Donizetli; c'était pour le public jouer à qui perd
gagne. Fornasari a été très beau dans Assur. M"" Favanti, dont la
vogue continue , n'a encouru qu'un reproche, celui de s'être dans le
rôle d'Arsace coiffée d'un casque qui rappelait, non l'armet deMan-
brin, comme celui de Don Quichotte, mais la tour de Babel.
— M. Wilson. qui charme à Londres les antiquaires en fait de mu-
sique par le charme des vieilles mélodies écossaises , \ient de sus-
citer un Sosie qui a usurpé son nom pour se faire applaudir à Glo-
cester.
— Le théâtre d'Haymarket vient de jouer un nouveau drame inti-
tulé ilie Sempslress {la Lingere), qui n'a eu qu'un médiocre succès.
L'auteur, M. Mac Lemon, partage avec Jerrold le sceptre de la petite
comédie anglaise-
— Une petite actrice assez obscure à Paris, M"» Prosper, qui n'a
guère acquis de célébrité qu'en le quittant, par le scandale de sa
fuite, est devenue, en passant la Manche, un talent d'importance, et
on vient de faire tout exprès pour elle au théâtre de la Princesse un
nouveau drame inlitulé lilanche de f^olmy. Cet ouvrage qui, dit-on,
est l'oeuvre originale d'un M. Bernard, a été accueilli avec faveur.
Nous en dirons autant de ihe Initrumenl o.f lorUtre, or tltc Needle and
ils yiclrme {l'Inslntment de torture , ou l'Aiguille ohm fic/ime ), autre
drune joué au théâtre de Surrey.
— I.e théâtre d'Astlcy vient d'ajouter un succès d'éclat à son ré-
pertoire : llie JVari)! Cliina {la Guerre en Chine ). Si le sujet est em-
prunté à la guerre que viennent d'y faire les Anglais , l'auteur a eu
besoin d'imagination pour y trouver des traits d'honneur et de cou-
rage propres à flatter son public.
— Au théâtre Adelphi on a formé un petit concert , en engageant
une M"« Rossini, jeune personne très remarquable sur le violon ,
M. Collini, violoncelliste et flûtiste; et deux dames du même nom
à titre de cantatrices.
— Deux lêies valent mieux qu'une, tel est le titre d'une nouveauté
jouée au Lyctum , et dont le sujet est l'anecdote si connue des deux
amants qui s'étaient cachés dans la tète de la statue colossale de
Mars, ouvrage de lienvenuto Cellini. Rien de plus pauvre que le
dialogue.
*,• Berlin. — 11 parait que le Ckal-Houé a trouvé une opposition
très vive à la cour; la princesse de Prusse ne l'a nullement trouvé
de son goût II est question de mettre le Faust de Goethe à la scène,
avec la musique de Radzivvil. On dit aussi que Spohr a composé un
opéra nouveau dont le libretto serait tiré des Croisés delioizebue.
— M. Tierk n'ayant pu, par suite d'une indisposition , assister à la
représentation du Cttat-Boiié, le roi a eu l'attention de faire jouer la
pièce une seconde fois après le rétablissement du poète ; ce qui don-
nait un grand intérêt à celle solennité théâtrale , c'est que l'illustre
vieillard y assistait en société du célèbre poëte OEhlenschlaeger, l'au-
teur ài'Aladin ou la Lampe merveilleuse.
*,* Leipsiek. — A la salle du Gewandhaus, M. Brendel fait un cours
de musique très suivi ; c'est une suite d'observations plus ou moins
vraies, plus ou moins ingénieuses sur l'opéra moderne, sur Beetho-
en. Ce que ces cours offrent de plus remarquable, c'est qu'on y en-
' tend de temps à autre des morceaux d'anciens maitres exécutés par
des artistes de talent. Un cours complet d'histoire musicale fait dans
ce sens aurait certainement du succès.
*,* Vienne. — A l'occasion du mariage de l'archiduc Albert d'Au-
triche avec la princesse Hîldegarde de Bavière, il y a eu de brillantes
fêtes dans celte ville. Quand le nouveau couple parut pour la pre-
mière fois dans la salle du Burgthealer, accompagné de l'archiduc
Charles , père du jeune marié , ces augustes personnages furent ac-
cueillis avec des démonstrations de joie et d'enthousiasme. Il y a eu
un concert à la cour dans lequel on a entendu plusieurs notabilités
du Théâtre-Italien dont les représentations commencent à perdre de
leur vogue. A propos de ce mariage, je vous citerai un calembourg
que vous trouverez un peu auiriclucn , mais on en fait tous les jours
sur nos théâtres de Paris qui ne le valent pas ; au surplus le voici :
«La plus belle garde que nous ayons en Autriche, c'est Hilde-
garde. »
— Un témoin oculaire rapporte ce qui suit sur une des dernières
représentations de Fanny Elssler à Vienne. l,a célèbre danseuse avait
été rappelée sur la scène plus de trente fois pendant le ballet; à la
fin du spectacle, elle fut encore rappelée vingt fois au moins sans
exagération. Le théâtre ressemblait à un jardin où les fleurs gisaient
éparses par monceaux, entremêlées de pièces de vers écrites sur des
rubaos ou sur des bandes de papier de couleur; et des vivats et des
bravos sans fin, et des transports qui tenaient de la frénésie. Tout
cela vous parait outré, incroyable, et pourtant mes paroles sont en-
core au-dessous de la réalité; Csurez-vous plus de quatre mille per-
sonnes dans le paroxisme d'un enthousiasme voisin de la démence. A
la sortie du spectacle, ce fut cent fois pis, la foule s'était amassée aux
portes du théâtre; elle était là compacte, immobile, impénéirable ,
attendant la Diva au passage: la Diva ne paraissait pas, elle espérait
fatiguer la curiosité de ses admirateurs. Onze heures étaient son-
nées , M"' Elsslerne venait pas encore. Enfin on appelle letocber de
M"« Elssler, on ouvre la portière et on la referme brusquement; la
voiture se met en mouvement, on arrête les chevaux, on ouvre, elle
était vide. Cris, rires, applaudissements, vociférations bruyantes.
Deux commissaires de police s'élaient postés à la porte; je me trou-
vais à l'extérieur. Enfin la danseuse paraît environnée de la plus
haute noblesse de Hongrie; un magnat lui donnait le bras. Elle
franchit le marche-pied aux acclamations delà foule tellement com-
pacte que les chevaux ne pouvaient aller qu'au pas; les plus enra-
gés escaladèrent la voiture, se suspendirent aux portières, et c'est
ainsi que Fanny Elssler rentra chez elle aux cris mille fois répétés:
Vive Fanny! vive la divine, vive la céleste Fanny!
*^' New-York,'i^avril. — C'est demain ou après-demain qu'a lieu
la réouverture du Théâtre-Italien dont les premiers succès ont été
trop légitimes pour qu'il y ait lieu de douter que les douze repré-
sentations auxquelles est limitée la nouvelle campagne ne soient
douze rendez-vous pour le public fashionable de notre ville, douze
triomphes pour les artistes; les chances de réussite sont même cette
fois beaucoup plus grandes. L'opéra-buffa, qui va remplacer l'opéra-
sério étant beaucoup mieux adapté que ce dernierà l'éducation mu-
sicale et au goût des dileltanli américains. Ce seront les mêmes ar-
tistes, à l'exception de Valtelîna , dont nous regrettons que la mau-
vaise tête nous ait fait perdre le magnifique talent; en revanche nous
aurons Sanquirico et Sanlini.
*,* Valladolid. — On vient de donner au théâtre du Lycée un ou-
vrage qui doit être piquant s'il l'est autant que son titre: « Derrière
la croix, le diable. » Que dirait chez nous d'un titre pareil la cen-
sure si chicanière et si méticuleuse? et on accuse l'Espagne d'être ar-
riérée !
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESIINGER. j
wn
ryf GYMMSE BJ'.S DOIGTS iL'USl(iEW5. PIANISTES
FraBce 1 Le C/uTOfji/mnasIe est UD asscnibla^'e Jeneorappa-
eicm. reîl&çymnastiques destinésâ donner d&rexlfinsion à
i^ la main et de l'écart aux doigts à augmenter et à égali-
Invenii pur c. KianTraïUe'" leur force et à rendre le ^ualriéme et te cinijiH'éme
Fadeur de Pianos, indépendants de tous les autres. Le C/iirojymnasle
BREVETE DU ROI aélc aussi opprouré el odoplé par4/Jl/. yldam, Bcrlmt,
Place de la nourse.^f. „g nciiol, CramcT, Herz, Kttlkbreuner, Listz, Moschelèt
«« JIE,'pi" dnnYie.cIn'wM.U'"''»"''- SiroTi, ThalUorg, Tulau, Zimmermann.elc.
desCOKSERVATOiRES Chaque Chirogymnosie est revêtu delà signature
de Paris et de Londreii. de î'inventeur et se Vend pldcc de la BouTse, n* 13,
\i huit apparaît, &Ofr., àneafapp.eO fr., mélhode.Zfr.
crvitiniASTioiJE ArriAvvtx: a l'étude du rtAXO.v'r Martin, a b,
La WIlilVAS^riQijE DES DOIGTS, par H. RERTIIVI. Pnx net. 3 fr. tUmm
Lflt expéditions sont faites contre remboursement. Éeri»« Irane*.
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212
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
Publications de MAURICE SCHLESINGER, 99, vue Riclielieu.
|30ur parottrc le î'' 3uUlet procijatm
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IiES LAZZARONES b'maléty.
Paroles de M. de Saint-Georges.
Ouverture.
N. 1. Cavaline chantée par M"»' Stollz.
2. Air de l'improvisateur, chanté par M. Barroilhet.
3. Duo chanté par M«" Stollz et M. Barroilhet.
4. Chanson delà Bouquetière, chantée par M"" Dorus-Gras.
5. Duo chanté par M»"^' Dorus-Gras et Stoltz.
e. Trio, par MM. Barroilhet, Levasseur et M»« Dorus-Gras.
7. Couplets du baptême de la cloche, chantées par M'"" Dorus-
Gras.
N. 8. Duo chanté par M. Barroilhet et M"'» Dorus-Gras.
9. Chansonnette chantée par M™» Stollz.
10. Duo chanté par M"'" Stollz et Dorus-Gras.
1 1. Duo chanté par M. lîarroilhet et M"" Stollz.
11 bis. Cavatine extraite, chantée par M. Barroilhet.
11 1er. Romance extraite, chaulée par M"' Stollz.
IJ. Trio chanté par MM. Levasseur, Barroilhet et M"" Dorus-
Gras.
13. Couplets chantés par M"" Sloltz.
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Le 1*' et le 15 de chaque mois oo recevra un morceau do musique.
SOMMAIRE. Histoire de la musique ( second article) ; par FETIS
père. — EiBosition des produits de l'industrie (second article) ;
par G.-E. AIMDERS. — Un revenant; par H. BLANCHARD. —
Inauguration de l'orgue de Saint-Euslache. — Nouvelles. — An-
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teurs dramatiques modernes, contenant les portraits de
TXBI, Auber, Berlioz, Berton, Bonizetti, Ealévy, Mendelssofan,
Meyerbeer, Onslow, ILossini, Spontinî. .
HISTOIRE DE LA MISIOIIE.
SUB. I.A NOTATION MUSICAI.!:
dont s'est servi saint Grégoire-le-Grand pour le chani de son Aniiphouaire.
(Second article '.)
ai. le conseiller Kiesewetter, qui avait publié, en 1828,
dans la Gazette musicale de Leipsich , un travail sur un ma-
nuscrit dont il sera parlé tout-à-l'heure, et qu'on prétend
renfermer l'antiphonaire de saint Grégoire, a faitinsércr dans
le même journal , en 18^3 , une assez longue diatribe contre
moi , à l'occasion d'une lettre sur mon voyage en Italie , pu-
bliée dans la Gazette musicale de Paris, où j'ai parlé d'un
graduel du vjir siècle noté en notation lombarde, que j'avais
vu dans le trésor de l'église de Monza, et dans laquelle j'ai
parlé succinctement de certains travaux que je me propose
de mettre au jour, concernant des sujets analogues. Suivant
M. Kiesewetter, j'ai rêvé les notations lombarde et saxonne.
Les Lombards, dit-il, étaient païens lorsqu'ils envahirent l'I-
(") Voirie numéro 2i.
talie , et après leur conversion à la religion chrétienne , plu-
sieurs de leurs rois furent ariens ; enfin , ils se livrèrent sou-
vent à des violences , à des pillages sur les biens de l'église.
Par ces motifs, M. Kiesewetter ne peut croire qu'ils aient eu
une notation de la musique , et qu'on s'en soit servi pour les
chants de l'église. J'avoue que je n'aperçois pas bien la liai-
son logique de ce raisonnement; d'ailleurs , remarquez que
ce n'est pas moi qui veux qu'on se soit servi de cette nota-
tion pour les premiers antiphonaires et graduels , puisque je
soutiens précisément le contraire.
M. Kiesewetter ajoute : « On peut bien trouver des neu-
» mes Longobards (Lombards) ; il y avait bien une écriture
1) longobarde; mais les Longobards n'avaient certainement
» pas inventé pour cela l'écriture latine. » En vérité, je n'ai
jamais commis l'énormité de dire que les Lombards eussent
inventé l'écriture latine. Continuons nos citations du pam-
phlet de Kiesewetter contre ce qu'il appelle mon idée fixe et
mes illusions. « La notation lombarde, dit-il, n'est en déû-
I) nitive rien autre chose que l'écriture liturgique des Neumes
» en usage chez plusieurs autres peuples , quoiqu'elle se pré-
» sente avec de nombreuses variétés. Elle est seulement plus
n forte et ressemble à une écriture dont les caractères ont quel-
» que ornement à la fin. » Que m'oppose là M. Kiesewetter,
si ce ne sont mes propres paroles ? N'est-ce pas moi qui ai
dit le premier : « L'analogie de plusieurs formes de la nota-
» tion lombarde avec celles de la notation saxonne est sensible;
» la différence de leur aspect tient principalement à ce que
» les formes anguleuses de l'écriture des Lombards dominent
» dans la notation de ceux-ci. Ces formes sont aussi plus dé-
» terminées, moins vagues que les formes saxonnes. Delà
» vient qu'elles ont exercé plus d'influence que celles-ci sur la
» formation de la notation latine du plain-chant, etc. (1)?
» Du reste (dit encore M. Kiesewetter), la plupart des notes
(1) llésumé pliilosophique de l'histoire delà musique, p. CLXIV.
BUREAUX D'ABOHTNEMEM'T, K.U3: K.ICHEIjIEU, 97.
214
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
» que l'on trouve encore dans ce genre appartiennent à une
» époque qui ne vit plus l'empire lombard, et ce qu'on ap-
11 pelle Longobard veut dire quelque chose qfli appartient à
i> l'Italie du nord, » En vérilé, nioacher crUique, je ne sais
h quoi vous pensez, ojr c'est encore moi qui ai dit : « La do-
1) miuation des Lombards eu Italie fut détruite en IIU par
» Charlemaguo; mais ni récriture de ce pruplc, ni sa nota-
» tion musicale ne disparurent après eux des pays qui avaient
» composé leur royaume; les bibliothèques de l'Italie sont
» remplies de monuments de cette écriture et de cette nola-
» tion , qui portent des indications certaines desix", K', xi*,
» et xii° siècles (1). »
Pour ne laisser à l'écart aucune des singulières difficultés
qui me sont opposées par M. le conseiller Kiesewetter, je con-
tinue mes citations : « Les bibliolbécaiies parlent augsi d'une
» écriture anglo-saxonne, plus communément encore appelée
» écossaise. On la trouve dans les écrits des moines bénédic-
» tins qui furent envoyés en grand nombre sur le continent
•) par l'Angleterre et l'Ecosse, etc.; » et plus loin, il ajoute :
« il est inutile de rappeler à quiconque ne se plaît pas dans
» les chimères, que la dénomination d'écriture écossaise ou
» anglo-saxonne dont se servent les bibliothécaires , se rap-
» porte aussi peu à une notation que les bénédictins auraient
1) inventée qu'à un alphabet imaginé par eux. » Je demande
en conscience à M. le conseiller Kiesewetter oii il a vu dans
ce que j'ai écrit un seul mot à quoi répondent les passages.
Qui parle de bénédictins et d'écriture écossaise? Il s'agit bien
de cela! l'origine des notations lombarde et saxonne se trouve
dans les contrées de l'Allemagne que j'ai indiquées. La variété
connue en Espagne sous le nom de gothique, a été portée
dans ce pays au iv" siècle par les Suèves (2); une des variétés
saxonnes a été introduite en Angleterre par les conquérants
de la Bretagne au y siècle. La langue de ce peuple dérivait
du mœsogothique, suivant le témoignage du savantHickes (3);
mais arrivé en Angleterre , il y modifia son alphabet par le
latin qui y avait été importé par les Romains , en conservant
toutefois les formes anguleuses de quelques uns des carac-
tères primitifs de son écriture, dont on voit les types dans le
Nouveau traité de diplomatique des bénédictins (4). L'écri-
ture des Saxons ainsi modifiée est celle du Psautier saxon noté
du viii" siècle, qui se trouve au Musée britannique; elle est
semblable à celle du diplôme d'Édouard-le-Confesseur qui
est aux Archives du royaume de France (K. 19, o/im 36). De
même que les Saxons , les Lombards , qui firent la conquête
d'une grande partie de l'Italie au viP siècle , adoptèrent l'al-
phabet latin , mais en lui donnant les formes brisées , angu-
leuses de leur écriture primitive; c'est à ces caractères qu'on
reconnaît l'écriture désignée sous le nom de lombarde , et ce
sont ces mêmes caractères qui conservent à la notation du
même peuple sa physionomie originelle jusqu'aux derniers
temps de son usage , ainsi que le prouve le fragment noté
d'un recueil lombard d'Homélies et d'Hymnes publié par
M. Silvestre , dans son admirable recueil paléographique ,
d'après un manuscrit de la fin du xii" siècle , qui existe au
monastère de la Gava , près de Naples.
Suivant M. Kiesewetter les signes des notations dont je
(1) lOid., p. cLxni.
(•2) CciiHus EiKjcniani seu vielodici explanalio facla à D. Hieron-
Romero S. ecclesiœ Tolelnnœ Hispaniarum primatis porlionario , el
camus melodici magistro , in Breviarium goiliiciitn secundum regulam
beadssimi Isidori, etc., ad usum sacelli mazaruùum. (Malrili, 1775,
in-fol., p. .\xvi-xxx.
(3) Imiilutionca rjrammalicœ aiirjlo-saxomcœ et mœsogothicœ, etc.
Oxonii, 1689, in-'i.
(4) Tom. I, p. 712, pi. XIV.
parle seraient ceux de la notation romaine, et de là les accu-
sations d'idée fixe, d'illusion et de chimère qu'il me jette ca-
valièrement à la £ace , quand je parle de notations lombarde
et saxonne, filais quoi? à toutes choses j'ai l'habitude de
chercher une cause. Or , je voudrais bien que M. Kiesewetter
m'expliquât ce qui aurait pu donner naissance , chez les La-
tins, à ces notations bizarres , qui sont pour moi si évidem-
ment originaires du Nord, et dans lesquelles je trouve les
signes des anciens alphabets des peuples septentrionaux,
commG je le prouverai ailleurs. La musique des anciens Ro-
mans fut évidemment semblable à celle des Grecs. La no-
tatioB de ceux-ci avait pénétré en Italie après ia conquête de
la Grèce par ces dominateurs du monde. Qu'ils eussent donc
une notation latine ou grecque, analogue à deux langues dont
r une était t>ariée par toute la population, et dont l'autre était
connue de tous les hommes distingués , cela se conçoit; cela
paraît même une nécessité logique ; mais par quelles circon-
stances veut-on que les Romains aient été conduits à l'inven-
tion de signes qui auraient été complètement arbitraires pour
eux? En vérité , c'est vouloir mettre à toute force l'absurde à
la place de la raison !
Je conçois toutefois qu'après avoir affirmé, comme l'ont
fait M. Kiesewetter (en 1828) et ses copistes , que l'usage des
lettres , pour la notation de la musique , n'exista que posté-
rieurement au dixième siècle, d'une manière exceptionnelle
et assez rare , il est désagréable d'être obligé d'abandonner
un fait établi en termes si formels : aussi M. Kiesewetter re-
pousse-t-il , dans sa verte critique de mes assertions, ce que
j'ai dit dans ma lettre du 3 février î8/i3 , concernant la nota-
tion par les quinze letti-es latines de Boèce. « Boetius (dit-il)
» n'enseigne pas une telle notation {avec des caractères ro-
» mains] ; il ne fait dans son livre qu'expliquer le système et
» la notation particulière de la musique grecque ; ilnepensait
» à rien moins qu'à une notation pour la liturgie grecque. »
J'ai prouvé dans mon précédent article que l'opinion de Mei-
bomius et de Forkel à cet égard est erronée. M. Kiesewetter,
qui n'a peut-être pas eu sous les yeux de bons manuscrits du
traité de musique de Boèce, est excusablede l'avoir partagée:
mais j'avoue que je ne le comprends pas lorsqu'il dit que Boèce
nepensait à rien moins qu'à une notation pour la liliirgie la-
tine! Qu'est-ce à dire ? Faut-il donc une notation particulière
pour chaque genre de chant? S'il y avait, longtemps avant
Boèce, des signes pris dans l'alphabet latin pour représenter
des sons, ces signes ne pouvaient-ilspas aussi bien s'appliquer
à des chants chrétiens qu'à des cantilènes païennes?
Mais voici qui est plus positif: les quinze lettres latines pla-
cées par Boèce en regard des signes de la notation grecque
pour les expliquer existaient encore au x« siècle, et servaient
à noter le plain-chant. Ici il ne s'agit plus de manuscrits in-
connus, mais de livres imprimés qui sont entre les mains de
tout le monde. Hucbald en donne la disposition en deux
octaves dans sa Musica encbiriadis (1). Un manuscrit du
Yiir siècle, qui contient tout l'office propre de saint Thu-
riave ou Thuriaf , évêque de Dol, en Bretagne, est noté tout
entier avec ces quinze lettres. Le P. Juraillac, auteur du livre
intitulé La science et la pratique du plain-chant , en a extrait
l'antienne Aspirante Deo avec le chant ainsi noté (2) , d'a-
près le manuscrit qui était de son temps à l'abbaye Saint-
Germain, et qui est aujourd'hui à la Bibliothèque royale de
Paris. Or, ce saint Thuriave , mort en 7/i9, fut canonisé
en 751 par le pape Zacharie , et son office, composé en 7/i3,
(1) ^pud script, ecclesinst. de musicd, éd. Gerbcrlo, t. I, p. 209.
(2) Pag. 318.
DE PARIS.
215
fut chanté pour la première fois le 13 juillet de la même an-
née. Vers 850, lorsque les Normands ravagèrent la Bretagne,
les reliques du saint furent transportées avec le manuscrit
original de son office à l'abbaye Sainl-Germain-des-Pris , où
ce livre est resté jusqu'à l'époque de la révolution. Le même
auteur rapporte aussi un Exsultct noté avec les quinze lettres
d'après un manuscrit de l'abbaye de Jumièges en i\orman-
die (1), dont l'âge remonte jusque vers l'an 1000. Ainsi cette
notation romaine véritable , dont Boèce se servait près de
cinq cents ans auparavant pour expliquer la notation grecque,
n'avait pas cessé d'être en usage concurremment avec d'au-
tres. Voilà ce que j'ai à répondre à M. le conseiller Kiese-
wetter qui nie cette notation, et qui me porte le défl de pro-
duire des livres de chant notés en lettres appartenant à l'époque
du manuscrit de saint Gall , dont je parlerai tout-à-l'heure.
Poursuivons l'examen des assertions de mes adversaires et
particulièrement de M. Kiesewetter.
Saint Grégoire , à qui l'on attribue à tort , dit-il , l'usage des
lettres, n'employa que les neiimes pour la notation de son an-
tiphonaire, déposé par lui sur l'autel de Saint-Pierre, et dont
le fac simile est à la bibliothèque de Saint-Gall , en Suisse.
Or, je crois avoir démontré dans ce qui précède que non
seulement la notation par les lettres n'est pas postérieure aux
notations improprement appelées netunes par M. Kiesewet-
ter (2) , mais que son origine remonte jusqu'aux anciens
temps de la république romaine. J'ai fait voir aussi, je crois,
que saint Grégoire n'a dû se servir que de cette notation des
lettres pour son antiphonaire. Quant à l'assertion que cette
notation n'a été employée que d'une manière exceptionnelle,
il suffit, pour la réfuter victorieusement , de faire remarquer
que Hucbald, Odon de Cluni, Guido d'Arezzo-, Bernon
d'Ange, Hermann, surnommé Contract; Guillaume, abbé
d'Hirschan, ïhéotgerde Meiz, Aribon, Jean Cotton et beau-
coup d'autres auteurs du moyen-âge n'ont expliqué le sys-
tème de l'art qu'à l'aide des lettres , quoique les copistes de
leurs ouvrages aient écrit, suivant les temps et les lieux, les
exemples de chant au moyen de notations plus ou moins ré-
pandues par l'usage, plus ou moins particulières, plus ou moins
modernes. Enfin, pour démontrer que l'usage des lettres était
généralement répandu , il suffit de rappeler qu'on aplanissait
les difficultés des notations lombarde et saxonne en mettant
ces lettres au commencement des pièces de chant pour déter-
miner la valeur des signes de ces notations et leur position,
ce qui rend évident qu'on apprenait la musique par les lettres;
que cette notation fut contemporaine des autres après les
avoir précédées et que l'usage des notaiions lombarde et
saxonne ne fut plus général dans les livres de chant d'é-
glise, que parce qu'elles offraient les moyens de représen-
ter plusieurs sons par un seul signe ; avantage que les lettres
n'avaient pas, mais qu'elles rachetaient par le mérite de la
clarté.
Il y a d'ailleurs une autorité qui serait décisive à ce sujet,
(1) Jbifl.
(2) Neuma, quLvient du grec TtvEÙpa ( soulBe, respiralion) s'est
dit originairement des récapitulations des Ions du plain-chant qu'on
plaçait sur les mots barbares noioenne, enonae , etc. Plus tard on a
étendu la signification du nom de neume aus signes représentatifs
de plusieurs sons liés , c'est-à-dire à plusieurs sons qui peuvent se
faire par une seule respiration. C'est ce que dit positivement Gafori
dans le huiiième chapitre du premier livre de sa Practicu miisica.
Voici ses paroles : Ncuma enim est vocum seu notalarum iinica respi-
ralione cotigrue pronunciandurum aggre'jndo. Les notes ou signes de
sons isolés n'étaient donc pas des neur,tes ; on les désignait par le
nom générique de noiœ. C'est donc à tort que du Cange a dit :
Neuniœ prœlerea in musicâ dicunlnr noice quas musicales dicimiis. (Gloss.
med, et infim. latinat. Voc. Pneiima.)
lors même qu'on n'aurait pas celle des faits qui viennent
d'être rapportés; elle se trouve dans un passage d'un traité
de la division du monocorde d'après les principes de Boèce,
attribué à Guido d'Arezzo, et dont le manuscrit est à la bi-
bholhèque Laurenlicnne de Florence. Il n'est pas certain que
cet opuscule appariienne en effet à Guido , mais on peut af-
firmer qu'il a été écrit de son temps; or, le passage prouve
que les lettres étaient alors d'un usage général. L'auteur,
parlant des lettres employées par Odon, abbé de Cluny, au
connnencement du x' siècle , s'exprime en ces termes : His
utimur litteris vel notis seciindtim Hcnchiridion , Lilteras
(Litteris) autem secundum commimem «Sî/m.' L'usage des
lettres pour la notation de la musique était donc commun ,
vulgaire déjà au temps où vivait Odon !
A l'égard de l'anecdote du dépôt de l'antiphonaire de saint
Grégoire sur l'autel de Saint-Pierre , et du fac simile de cet
antiphonaire trouvé à Saint-Gall, il est facile de prouver que
ce sont des faits dénués de fondement. Examinons ce qu'on en
rapporte.
L'abbé Gerbert a signalé, dans la relation de son voyage
et dans son trailé De cantis et miisica sacra, l'existence d'un
manuscrit de l'ancienne abbaye de Saint-Gall qui passe pour
être une copie de l'anliphonairc de saint Grégoire , supposée
faite dans le Yiir siècle. M. Kiesewetter a publié un extrait
de ce manuscrit dans le travail cité précédemment, et cet ex-
trait a été copié par MM. Bottée de Toulmon et Coussema-
ker. Ce dernier a voulu étayer l'authenticité de ce morceau
et de l'historiette du dépôt de l'antiphonaire sur l'autel de
Saint-Pierre de Rome , en y ajoutant diverses circonstances;
par exemple, celle de la demande d'un antiphonaire authen-
tique adressée au pape par le roi de France Louis-le-Débon-
naire, et de l'impossibilité qu'il y eut de le satisfaire, aucun
livre de ce genre n'existant plus à Rome , parce que le der-
nier avait été remis à "Walla , ministre de Charlemagne (1) . A
tout cela voici ma réponse :
Le fragment copié par M. Kiesewetter n'appartient point
à l'antiphonaire , car c'est le dernier verset du graduel du
premier dimanche de l'Avent. Osiende nobis , Domine, mi-
sericordiam tuam^ et salularc tuum da nobis. Le manuscrit
de saint Gall n'est donc pas un antiphonaire, mais un gra-
duel. On objectera peut-être que les anciens livres de chant
qui remontent au dixième siècle , au onzième siècle, renfer-
ment souvent tous les chants de l'office du matin et du soir ,
et cela est vrai ; mais n'oublions pas qu'il s'agit d'une préten-
due copie de l'antiphonaiie de saint Grégoire, déposé sur
l'autel de Saint-Pierre , à Rome : Or, nous avons l'antipho-
naire de saint Grégoire, publié dans la collection de ses œu-
vres (t. 3 , p. 737-878) par les bénédictins Denis de Sainte-
Marthe et Guillaume Bessin , d'après un manuscrit du neu-
vième siècle, qui avait appartenu à l'église de Comi)iègiie.
On trouvait ces mots en tête du manuscrit qui a servi pour
celte édition : In nomine Damini Jesu-C/m'sti incipivnt
responsaria sive Antiphonœ par anni circiihim. Ce livre est
un véritable Antiphonaire, qui ne contient que les antiennes
et les répons de l'office divin et des matines. On n'y trouve
pas un introït, pas un graduel , pas une offertoire , pas ui'.c
seule pièce qui appartienne à la messe. Voici les premiers
mots de tout ce qu'on y lit pour la première semaine de
l'Avent :
DE VIGIUA DOMINICyE I DE ADVENTU DOMINI.
AD VESPKRAS.
y/iil. Ecce nomen Domini.
(I) Mémoire sur Hucbald et sur ses Traites de musique.
216
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
AD INVITATOBIUM.
Ani. Ecce véniel rex.
Ani. Regem venturum Dominutn.
Ant. Angélus Domini nunciavit Marise.
Am. Jérusalem, respice ad Orientem.
FEBIA TERTIA.
Ani. Antéquam convenirent.
TEnlA QUARTA.
Ain. De Sion exivit lex.
FEEIA QUINTA.
Ani. Benedicta in mulieribus.
Ani. Expeclabo Dominum.
FERIA SEXTA.
Ani. Ecce veniet Deus.
SABBATO.
Ani. Sion, noli timere.
On voit qu'il n'y a pas là un mot de ïOstende nohù. Je
répète donc avec certitude que le manuscrit de saint Gall
n'est pas un antiphonaire , et surtout que ce n'est pas celui de
saint Grégoire ; je répèle, enfin , qu'on ne peut s'appuyer sur
ce manuscrit connue d'une preuve que ce pape s'est servi des
notations du Nord pour son recueil de chants de l'Église ca-
tholique , et pour établir un fait de cette importance , con-
trairement à ce que nous enseigne l'histoire. On voit enfin ce
que devient le superbe démenti qui m'est donné par M. Kie-
sewetter dans ces paroles : « Le manuscrit de saint Gall est
» (qu'on écoute ! ) un antiphonaire véritable , et même l'an-
» tiphonaire de saint Grégoire, celui même dont le texte est
"[contenu sous ce titre dans la collection que M. Fétis nous
« présente. » On croit rêver en lisant cela ! Au surplus je ne
suis pas au bout des preuvesque j'ai à apporter à M. le con-
seiller Kiesewetter.
FÉTIS père,
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
(La suite mi prochain numéro.) (l)
€ïp0sitiou ÎIC9 IJJroîiwits î)c l'3nî>Hstne.
SECOND ARTICLE.
Pianos. — M. Pape.
n commençant la revue des pianos , donnons
le pas au géant de l'espèce , au piano-monslrc,
comme on l'a appelé , au piano à huit octaves
enfin.
Le piano à huit octaves , que l'on aurait cru
une chimère il y a quelques années, est aujourd'hui une réa-
lité, un fait accompli. Cette innovation, comme tant d'autres,
rencontra de prime abord des critiques, souleva des adver-
saires et des détracteurs tout prêts à formuler leur opinion
sans même avoir vu l'instrument. M. Pape n'en continua pas
moins son œuvre , et après avoir construit plusieurs de ces
pianos, il les fit entendre dans quelques soirées qu'il donna
dans ses salons vers la fin de l'hiver dernier. Les personnes
(1) ERRATA du premier arlicle— Pag. 205, 2« col., noie 1, au
lieu de : ea; cdi(. yi/eiionu'ci; lisez: Meibomil. — Pag. 207, l"col.,
lig. 16, au lieu de : vi'^ siècle ; lisez : x'' siècle. — Même page, 2= col.,
noie 2, au lieu de : Anliplionarium cwuoiiem ; lisez : Aiuiplionarium
centonem. — Pag. 207, 1" colonne, note, au lieu de : grœsum ; lisez :
graecum. — Même page , 2= col., lig. 7 en remontant , au (lieu de :
Ludolp, lisez : Ludolf. — Même page , 2« col., noie 2, au lieu de :
Sijnclarjmaia musicum , lisez ; A'ijmagma musicum. — Même page,
2' col., noie i, au lieu de : Hanburgische Kirchen Geschiehte, lisez :
Hamburrjische Kirchen-Geschichle. — Même page, noie 8, au lieu de :
Uuebald, lisez : Hucbald. — Même page, Dol. 10, au lieu de : Allge-
melm , lisez : AUgemeinc.
qui assistèrent à ces soirées n'ont sans doute pas oublié l'effet
imposant que produisit un grand morceau à huit mains, com-
posé par un musicien célèbre et exécuté sur deux des nou-
veaux pianos par quatre artistes distingués. On admira la
puissante sonorité des instruments, on apprécia les ressources
que présente l'étendue de ce vaste clavier, et dès ce moment
le piano à huit octaves compta des partisans. Aujourd'hui il
obtient mieux encore ; grâce à l'Exposition, qui semble, cette
année surtout, singulièrement exciter l'émulation des fac-
teurs de pianos, il vient d'avoir un rival. Voilà donc son
succès complet , son avenir assuré , car d'autres facteurs ue
voudront pas rester en arrière, et, tout en maudissant cet ac-
croissement du clavier, ils chercheront à l'établir dans leurs
instruments. Constatons que c'est M. Pape qui, en cette
circonstance comme en beaucoup d'autres, a pris l'initia-
tive.
Depuis cinquante ans, le piano a successivement vu s'aug-
menter son clavier; maiscen'est que petit àpetitqu'onenà re-
culé les limites. On ajouta timidement une ou deux touches,
tantôt dans le haut, tantôt dans le bas, et c'est ainsi que le
clavier fut porlé à sept octaves , où il s'arrêta. Tous les pianos
n'arrivèrent même pas jusque là. Ajouter à ce clavier déjà
énorme, d'un seul coup, une octave entière, c'était une
tentative aussi hardie qu'inattendue : aussi ne sommes nous
pas étonné que ce soit M. Pape qui en ait conçu l'idée. Per-
sonne plus que lui n'était à même de la réaliser ; d'ailleurs son
système de construction lui venait]en aide pour surmonter les
difficultés.
On sait que le système de ce facteur est l'inverse du sy.s-
tème ordinaire , c'ost-à-dire qu'au lieu de placer le méca-
nisme au-dessous des cordes , il le place au-dessus. Cette
disposition , qui lui permet de faire passer les cordes en
dessus des touches et de fixer les chevilles sur le devant du
clavier, lui fait gagner pour les cordes de la basse 25 centi-
mètres de longeur; en outre la table d'harmonie n'étant pas,
comme dans les pianos ordinaires, coupée pour laisser pas-
sage aux marteaux , conserve toute la longueur de l'instru-
ment et sert à en augmenter la sonorité. Si ces avantages ne
levaient pas tous les obstacles qui s'oppo.saient à l'innovation
dont il s'agit , ils en facilitaient au moins l'exécution. Elle ne
pouvait manquer de réussir entre, les mains de l'habile et
persévérant facteur.
En 1839 M. Pape exposa sept pianos; aujourd'hui sa case
plus étroite n'en contient que trois. Toutes ses réclamations ,
toutes ses insiances, pour obtenir un emplacement plus spa-
cieux, plus convenable, ont été inutiles. Ajoutons que sa place
est encore désavantageuse sous le rapport de l'acoustique. Vou-
lant compléter celte exposition plus qu'insuffisante pour faire
apprécier la variété et le mérite de sa fabrication , M. Pape
a eu recours à un moyen bien simple: il a exposé avec les
trois instruments un tableau contenant les dessins de douze
pianos divers ; au bas de ce tableau se lit un avertissement
qui invite les personnes désireuses de voir les instruments
mêmes, à se rendre chez lui tous les jours de quatre à cinq
heures. C'est donc dans un de ses salons que se trouve sa
véritable exposition ; c'est là que nous avons examiné les pia-
nos qui suivent :
Piano à queue , à huit octaves. \
Piano à queue , petit format.
Piano ovale nouveau.
Piano-table, 80 notes [A'vt à sol).
Piano hexagone , à six octaves et demie.
Piano-console , à sept octaves.
DE PARIS,
217
Piano-console , 94 notes.
Piano vertical , nouveau modèle.
Piano vertical organisé.
Piano sans cordes.
Piano sténographe.
Harmonica à clavier.
L'espace nous manquerait si nous voulions faire une des-
cription ou une analyse détaillée de tous ces instruments ;
nous nous bornerons aux indications que nous jugerons né-
cessaires en engageant les amateurs à visiter eux-mêmes
cette riche collection.
Le PiaBio h Iiuit octaves est un instrument magni-
fique dont le mérite ne se borne pas à l'énorme étendue de
son clavier, mais qui se distingue par des qualités bien plus re-
marquables. C'est dans ce piano que M. Pape a introduit sa
nouvelle mécanique établie cette année , et qui semble être
son dernier mot dans cette partie de la facture , car elle est
arrivée à une simplicité qu'il paraît impossible de pousser
plus loin. C'était là le problème dont l'infatigable facteur
cherchait la solution depuis de si longues années. Tout se
réduit à quelques pièces dont l'ingénieuse combinaison doit
frapper les connaisseurs. Nous pouvons nqus dispenser d'en-
trer dans de plus longs détails à ce sujet, la Gazette musicale
ayant consacré h ces nouveaux pianos un article spécial sorti
de la plume savante d'un célèbre écrivain qui a analysé et
démontré les qualitésde ces superbes instruments (1). Parlons
seulement d'une [modificalion que le facteur a apportée de-
puis à son clavier en retranchant quelques notes du haut pour
en ajouter dans le bas.
On sait qu'on avait reproché aux dernières notes du des-
sus une certaine sécheresse ou absence de vibration ; les
basses, au contraire, avaient été trouvées magnifiques. Le cla-
vier, tel que iM. Pape l'a établi dans le dernier piano que
nous avons examiné, nous semble devoir réunir tous les suf-
frages. Au lieu de partir du fa , il part de Vvt au-dessous et
va jusqu'à Vut suraigu , et comprend ainsi huit octaves bien
complètes et bien sonores. C'est là, ce nous semble , que l'on
devrait s'arrêter. Mais qui sait? Peut-être M. Pape reprendra-
t-il un jour ses notes du dessus , lorsqu'il sera parvenu à leur
donner une sonorité suffisante au moyen des lames métal-
liques dont il médite depuis longtemps l'application. Du
moins oserait-on affirmer que huit octaves sont la dernière
limite possible du clavier?
Le Péauo à agiieue , i>etl4 format, tel qu'on nous
le présente aujourd'hui, est une création de 18l\U. Réduit à
sa plus petite dimension, il n'a qu'un mètre ^iS centimètres
de longueur, et cependant le son est d'une force et d'une
ampleur telles, qu'on croirait entendre un instrument de
grand format. Quant au mécanisme, il participe aux per-
fectionnements dont nous venons de parler; c'est le même
que celui du piano précédent.
Le Piano ovale nouveau créé par M. Pape, et ex-
posé pour la première fois en 1834 , réunit à l'élégance de la
forme l'avantage précieux d'un emplacement facile dans cer-
tains appartements trop exigus pour contenir un piano carré
ordinaire, dont il possède, du reste, les qualités. Le clavier à
tiroir reste dans la caisse, ce qui diminue la largeur de l'ins-
trument. Nous ferons observer en passant que ce clavier mo-
bile a la qualité particulière de rendre le toucher plus ou
moins dur, suivant la position qu'on lui donne.
Les premiers pianos ovales n'avaient que six octaves , et le
clavier rentrait sous les cordes; aujourd'hui toute la méca-
(I) V. la Gazette musicale du 24 mars dernier.
nique passe en dessus des cordes, et l'étendue du clavier est
de 80 notes, qu'on est étonné de trouver dans un instrument
de si petite dimension. Ce qui étonne peut-être plus encore,
c'est sa belle sonorité. Quant au mécanisme, établi sur celui
des pianos à queue, il a été également simplifié.
Le PiaBiffl-tatoîe se présente sous deux formes : il est ou
carré à coins arrondis, ou hexagone.
Voilà un meuble vraiment curieux : à le voir , on ne se dou-
terait pas que c'est un instrument. Vous croyez avoir devant
vous une table de salon. Ouvrez-la , tirez le clavier en dehors ,
et vous toucherez un piano dont la sonorité vous surprendra ;
car elle rivalise avec celle des pianos à queue de petit for-
mat. Ce n'est pas tout. Vous voulez jouer avec accompagne-
ment , faire un quatuor. Eh bien ! la fausse table ( placée,
comme on sait , en-dessus des cordes) se divise en plusieurs
parties qui se relèvent , et forment autant de pupitres devant
lesquels les musiciens se rangent autour de ce meuble en-
chanteur.
L'invention de ces pianos date de cinq à six ans. Dans l'o-
rigine , M. Pape leur donna la forme d'une table ronde , et
comme il était difficile de faire sonner les cordes de la basse,
en raison de leur peu de longueur , il les remplaça par des
ressorts sonores ; mais étant parvenu , après de nombreux •
essais, à faire sonner ces cordes d'une manière satisfaisante,
il abandonna ces ressorts et adopta la forme hexagone comme
plus avantageuse pour le plan de l'instrument. Plus tard , il
construisit des tables carrées à coins arrondis. Ces deux
formes sont celles qu'il expose aujourd'hui.
Quant à la construction , il y a une différence pour les deux
formes. Dans le piano hexagone, les cordes sont sur un plan
uniforme comme dans les pianos à queue , tandis que dans
l'autre les cordes se croisent, c'est-à-dire que les cordes de
la basse sont placées diagonalement par dessus les autres ;
disposition ingénieuse déjà employée antérieurement par
M. Pape pour ses pianos verticaux , et qui servait puissam-
ment à renforcer les sons graves par le placement des cordes
basses sur une partie de la table d'harmonie autrefois inoc-
cupée.
Le mécanisme des pianos-tables a participé au perfection-
nement de celui des pianos à queue dont nous avons parlé
plus haut.
Ces instruments vraiment remarquables ont obtenu, en
Angleterre, un grand succès; ils ne tarderont pas à se ré-
pandre en France, et nous semblent destinés à un usage gé-
néral à cause de leur double utilité comme meuble et comme
instrument.
Le Piano-eoMSoIe, ainsi nommé à cause de sa forme,
et qui ne présente pas plus de volume qu'une console ordi-
naire, fut créé en 1838 et figura à l'exposition de l'année
suivante, où il attira les regards des visiteurs. Tout le monde
fut frappé de la brillante sonorité qui sortait de ce petit ins-
trument. C'est un joli meuble qui se place aisément partout:
aussi eut-il une vogue rapide , un succès décidé.
Le mécanisme du piano-console, qui a subi quelques mo-
difications, est aussi simple qu'on peut le désirer;] comparé
à celui du pianino, on n'y trouve que la moitié des pièces. Les
cordes sont disposées en éventail , méthode nouvelle d'un
avantage notable pour cette espèce de piano, en ce qu'elle
permet d'espacer les cordes dans le dessus comme aux pia-
nos à queue, et de les incliner dans les bas.ses de manière à
fournir la plus grande longueur possible. Quant à la solidité,
elle est parfaite. Un châssis de fonte en arc-boutant forme la
partie résistante de la caisse; la table d'harmonie est placée
derrière ces barrages , de telle sorte que le tirage des cordes
318
KEYUE ET GAZETTE MUSICALE
au lieu de la refouler ou de lui être défavorable , la consolide
au contraire et sert à améliorer sa qualité sonore.
Deux de ces pianos sont exposés cette année : l'un à sept
octaves , étendue déjà étonnante pour un instrument de pa-
reille dimension ; l'autre à 94 notes (du fa au ré) ce qui fait
huit octaves moins trois notes !
Le Piasïo vei'tical, nouveau modèle créé en 1842,
se rapproche par sa forme des pianos droits ; il est cependant
plus bas , car il n'a pas même un mètre de hauteur. L'admi-
nistration des postes ayant chargé M. Pape de faire des pianos
pour les paquebots de la Méditerranée , cet habile fabricant
établit ce format si commode.
Piaito -seï'tîsaï à oi'giie (ou organisé). Il y a en-
viron une douzaine d'années que M. Pape commença à con-
struire ces instruments , auxquels il appliqua son système des
cordes croisées. Ce système, qui a des avantages incontesta-
bles pour la sonorité des cordes basses , lui procure en même
temps des avantages pour l'application du physharmonica. Le
soufflet occupant le devant de la caisse, les cordes basses se
trouvent ajustées par derrière , ce qui donne en outre la faci-
lité de les remplacer lorsqu'elles viennent à se rompre. Les
autres cordes occupent toute la table de devant. Les lames
vibrantes ou anches libres dont se sert ce facteur sont en
acier écroui , et tiennent l'accord d'une manière remarqua-
ble.
FiaiBO sans cordes. Dans cet instrument , qui a le
mécanisme du piano , les cordes sont remplacées par des
lames métalliques , dont la vibration s'obtient, non par le vent
(comme dans les physharmonicas) , mais par les coups de
petits marteaux. Il a une étendue de six octaves; le son , qui
tient à la fois du piano et de la harpe , est agréable et harmo-
nieux; les notes élevées sont plus pleines et plus pures que
celles du piano ; mais les sons graves laissent à désirer sous
le rapport de la rondeur et de la puissance. C'est là que se
trouve la difiSculté de perfectionner cet instrument. Cepen-
dant M. Pape , qui ne cesse de faire des expériences à ce sujet,
ne désespère pas d'arriver à un résultat satisfaisant. Une autre
idée l'occupe : c'est de réunir l'action du vent au coup de mar-
teau , pour produire des sons soutenus. On sait qu'un procédé
analogue a été essayé sur les cordes du piano ; mais le piano
ainsi construit est loin de produire un bon effet , les cordes
frappées et soufflées rendant un son disparate et désagréable.
L'instrument tel que l'a conçu M. Pape nous semble plus
rationnel , et doit présenter des conditions de réussite qui
manquent au piano ordi naire.
Piano sto?EBOjss"êa|BBïe. Il y a longtemps qu'on s'est mis
à la recherche de moyens mécaniques pour conserver les
iraprovisalions des pianistes, en les faisant noter par une ma-
chine appliquée à l'instrument. M. Pape aussi s'est livré à la
solution de ce problème difficile ; il est même allé plus loin ,
car son piano sténographe doit non seulement noter la mu-
sique, mais ensuite la répéter tout seul. Nous ne pouvons rien
dire du système sur lequel cet instrument est conçu , son
auteur n'ayant pas encore jugé à propos d'en révéler le se-
cret.
Il nous reste à parler d'un joli petit instrument que M. Pape
appelle BïaB'iM©iiâca à œlavùer. Il consiste en une série
de timbres frappés par des marteaux au moyen d'un clavier;
le son en est très doux, et les notes se détachent nettement
sans se confondre , grâce aux étoufloirs dont les timbres
sont munis. C'est un petit meuble élégant qu'au premier
abord on ne prendrait guère pour un instrument de mu-
sique.
Voilà l'exposition de M. Pape , telle qu'il l'a organisée chez
lui. Nous Jie saurions trop engager les amateurs à s'y rendre ;
car c'est là qu'ils pourront à leur aise examiner ces beaux
instruments.
En terminant cet article , n'oublions pas de mentionner
une brochure que M. Pape vient de publier sur ses inven-
tions et perfectionnements. Dans cet écrit simple et modeste
on trouve une foule de détails que nous n'avons pu donner
ici. En le lisant, on est vraiment frappé de cette activité in-
fatigable , de cette persévérance peu commune qui ne fléchis-
sant devant aucune difficulté , ne reculant devant aucun ob-
stacle , marchent toujours en avant. On ne saurait se figurer
ce qu'il a fallu de patience et de travaux pour arriver au point
où M. Pape a amené sa fabrication. Mais si la lutte a été pé-
nible, la victoire est d'autant plus douce , et le célèbre fac-
teur doit se féliciter d'avoir persisté dans sa voie, car il aat-
dirigés tous vers lequel , pendant de longues années , se sont
teint le but ses efforts.
G-.E. Anders.
UN REVENANT,
lexandre Boucher, qu'on proclama dans le
temps l'Alexandre des violonistes et qui s'en
disait lui-même le Socrate, en ajoutant qu'il
en était le Napoléon par le physique ; Alexan-
dre Boucher, que l'empereur Alexandre ai-
mait beaucoup par cela même , et pour son talent aussi ;
Alexandre Boucher, le violoniste exceptionnel qui provoqua si
longtemps l'étonnement, l'admiration... et le rire de toutes les
capitales de l'Europe et de mille autres lieux par ses excentri-
cités musicales; Alexandre Boucher qui se fit autrefois le
courtisan d'une royauté déchue et qui continue encore cet
emploi désintéressé ; Alexandre Boucher, l'artiste expansif, qui
vient de se remarier à une jeune et noble demoiselle bien
accueillie à la cour de Bourges ; Alexandre Boucher , le vieux
lion , vient de raiguiser ses griffes et de secouer sa crinière ,
il se fait le lion musical du moment. Confiant dans sa fougue,
dans ses caprices , dans son originalité, disons tout, dans ses
folies , sa bizarrerie , son inégaUté , ses extravagances, qui ,
comme les éclairs précédant toujours la foudre, annoncent
aussi les manifestations du génie de l'exécution musicale,
pressé par le caprice et comme obéissant à l'instantanéité qui
est sa muse à lui , ce violoniste qui avait pour pairs Rode ,
Kreutzer , Lafont , Baillot , qui a précédé Paganini et lui a
donné l'exemple des exercices sur la corde, ou les cordes, avec
l'archet seul pour balancier ; Boucher enfin , le créateur du
sautillé , du staccalo en tirant, en poussant; du frémissement
et du tremblement chromatique d'un seul doigt glissant sur
la corde soit en montant soit en descendant; Boucher, qu'on
croyait mort ; Boucher , non rajeuni mais transfiguré , nous
est réapparu , quand toutes les soirées musicales sont termi-
nées, dans une soirée musicale donnée par un autre artiste
de talent, M. Colson , peintre distingué et fervent amateur de
musique. Il s'agissait là, non de fantaisies , d'airs variés, de
romances; mais bien de quatuors, de quintettes, de ce genre
de musique le plus vrai, le plus pur, dans lequel ont excellé
les grands maîtres de l'art instrumental , et qu'on négfigc
beaucoup trop de nos jours.
M. Boucher, connu de tout le monde comme habile exécu-
tant, ne s'était guère manifesté, que nous sachions, comme
compositeur : il peut réclamer ce litre en vertu des quatuors
qu'il nous a fait entendre. Cela sent son parfum des grands
maîtres : il y a méthode, unité de la pensée, logique, carrure
DE PARIS.
219
mélodique sans monotonie. Si le thème du premier quatuor
en la majeur est suranné et quelque peu dans le style des
concertos de violon de Jarnovick , l'adagio dans lequel le
compositeur s'est inspiré de VEndymion de Girodet, ou plu-
tôt a refait ce suave tableau plein de charme, de mystère et
de fraîcheur, cet adagio est ravissant. Le violoncelle, l'alto et
le second violon, par leur plastique harmonie, nous peignent
les rayons paisibles de la chaste Phébé , tandis que le premier
violon frémit comme l'haleine et les ailes de Zéphire, écar-
tant le feuillage pour donner coraplaisamment passage aux
regards amoureux de la déesse.
Le second quatuor de M. Boucher en mi bémol est vrai-
ment remarquable. Le thème du premier morceau est simple
autant que noble j il est travaillé en piquantes imitations, et
revient toujours avec une estimable obstination, sans fatigue
pour l'auditeur. L'adagio est plein de mélodie , et le violon-
celle y chante et fait entendre avec le premier violon un dia-
logue plein d'un charme infini: c'est gracieux et distingué,
d'un style suffisamment sévère et mélodieux tout à la fois. Le
menuet à la vieille manière française est tout empreint d'élé-
gance et d'esprit. Il appartient à M. Boucher mieux qu'atout
autre compositeur d'écrire des boléros, lui pour qui l'Espagne
fut une seconde patrie. C'est un morceau de ce genre qui sert
de finale à son quatuor en mi bémol. Rien de plus vrai , de
plus national, de lAus guitarisé , castagnettisé que ce rondo :
c'est quelque chose de charmant, de délicieux.
M. Alexandre Boucher est de ces fortes et bonnes natures
d'homme qui luttent victorieusement contre le temps. Comme
Félix Peretti , il simule les infirmités, se courbe , se met le
bras en écharpe; puis comme ce maUn cardinal qui est de-
venu Sixte-Quint, il jette ses béquilles pour ramasser les clefs de
saint Pierre. De même l'artiste narquois s'élance, au moment
où on le croit mourant ou mort, dans le paradis de l'art ; il y
plane, il y chante ; ses doigts et son archet évoluent dans le
domaine de la fantaisie , et réunissent dans ses audacieux ca-
prices la belle école classique au genre romantique dont il fut
le promoteur.
Tel est encore Alexandre Boucher, qu'on ne croyait plus de
ce monde artistique, et qui vient de fondre sur les principales
villes du midi de la France , où il a versé des torrents d'har-
monie sur ses obscurs blasphémateurs, comme il s'élançait
autrefois dans les cités de la froide Germanie, qui s'enthou-
siasma souvent , et applaudirait encore ce talent tout excep-
tionnel.
Henri Blanchard.
INAIGIRAÎKIN DE L'ORGIE DE SAINT-EISTACUE.
L'inauguration de l'orgue de Saint-Eustache a eu lieu
mardi dernier. Cette solennité avait attiré dans cette église
une aflluence immense d'artistes et d'amateurs. Le pro-
gramme de la séauce était varié et piquant. Les organistes les
plus habiles dans des genres différents se succédaient au cla-
vier, et dans les intervalles on exécutait au chœur, sous la
direction de M. Diescht, quelques motets de divers auteurs
et entre autres quelques excellents morceaux de sa compo-
sition.
Nous consacrerons à cette solennité intéressante un article
spécial et étendu du magnifique orgue qui était le motif de la
fête. Nous nous bornerons aujourd'hui à constater le succès
obtenu par nos organistes français , malgré la comparaison
redoutable de M. Hesse, organiste de Breslau, et le plus grand
virtuose de l'Allemagne surl'orgue. Cet artiste a obtenu dans
cette circonstance un grand et légitime succès ; mais à côté
de lui , M. Benoît , professeur d'orgue au Conservatoire de
Paris, a vivement impressionné l'auditoire par deux morceaux
qui réunissaient à la fois la science la plus profonde , le goût
le plus pur , les motifs les plus heureux. Avec M. Benoît ,
MM. Boely , Sejan , Lefébure-Wely et Fessy , ont su tirer
de cet instrument des effets variés ; M. Boely par une belle
fugue, Lefébure par un chœur d'euphones et de contrebasse,
M. Fessy par une délicieuse pastorale , ont tour à tour, pas-
sant du grave au doux , du plaisant au sévère , enchanté les
nombreux amateurs et artistes que cette solennité avait
rassemblés.
Le prochain numéro de la Gazette contiendra une analyse
détaillée de l'orgue , qui est incontestablement le plus beau
qui existe , et une appréciation raisonnée du style et du ta-
lent des divers artistes qui se sont fait entendre dans cette
circonstance. N.
nOUTEIiLiES.
V Demain lundi, à l'Opéra, pour la sixième représentation de
Mlle Taglioni , la Sylphide , précédée du Philtre.
*," C'est samedi prochain que doit avoir lieu la représentation au
bénéfice de M"" Taglioni, après quoi la célèbre danseuse nous quit-
tera, non pour se retirer, comme on l'avait dit, dans une villa prés
du lac de Côrae , ni dans la propriété qu'elle vient d'acheter à
Naples, mais pour aller faire ses adieux à toutes les villes qui l'ont
applaudie. On estime que ce pèlerinage pourra bien durer deux
ans.
V Barroilhet doit partir en congé le 6 juillet, et revenir à Paris
vers le 16 août.
•/L'engagement de Poultier avec l'Opéra est renouvelé pour une
année, pendant laquelle l'artiste pourra prendre plusieurs mois de
congé. Il en profitera pour se faire entendre dans diverses villes, qui
ne le connaissent encore que de nom , et pour en revoir d'autres où
il a déjà obtenu des succès.
%* Une conleslalion s'était élevée entre le directeur de l'Académie
royale de musique et M. le marquis de Saint-Mars, qui a fourni le cau-
tionnement de ce théâtre, relativement au droit que ce dernier s'est
réservé de demaniler un certain nombre de loges par année, et au
désir par lui manifesté d'en avoir trois pour les représentations
données par M"" Taglioni. Le directeur a repoussé cette prétention
par le motif que les premières représentations étant exceptées du
traité, les représentations de M"« Taglioni devaient leur être assi-
milées, attendu leur caractère extraordinaire. La.cause ayant été
mise en délibéré, M. le marquis de Saint-Mars a été débouté de sa
demande.
*,* Alizard va décidément se fixer en Italie; il se rend à Milan en
passant par Lyon . Toulouse , Montpellier et Marseille, où il donnera
des représentations. Son répertoire, composé des rôles de baryton
et basse, lui permettra de montrer son talent dans toiite sa variété
et toute son étendue.
%• M"' Drouarl a donné à Brest de brillantes représentations,
dont la clôture s'est faite par une œuvre de bienfaisance.
*," C'est aujourd'hui dimanche, à deux heures précises, que le
concert au profit de M""^ veuve Berton sera donné au Conservatoire.
La foule y sera sans doute, puisqu'a tous les attraits qu'offrait déjà
cette solennité, il faut joindre celui d'entendre Liszt encore une
fois. Le grand artiste s'est montré, dans cette occasion , ce qu'il est
toujours : il a retardé son départ pour se donner encore le plaisir
d'une belle action et venir prendre sa part dans l'œuvre si noblement
commencée par des artistes généreui- Liszt quiltera Paris le soir
même.
V La vente de la bibliothèque et des manuscrits de feu Berton a
eu lieu cette semaine. Le manuscrit de Maniano a été acheté par
M. Panseron, l'élève et l'ami du célèbre compositeur.
'.* La famille Dislin part demain pour se rendre à Bade. Hier
samedi, le père et les quatre fils se sont fait entendre chez M. Saxct
sur les nouveaux instruments que cet habile facteur a construits ex-
près pour eux. On ne saurait imaginer un ensemble plus parfait,
une sonorité plus belle , plu» délicate et plus puissante. C'est un or-
chestre complet.
218
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
*,* M. Strocken, pianiste de la reine , vient de partir pour Nantes,
et se propose de visiter une partie de la Bretagne dont les habitants
auront du plaisir à l'entendre.
".' M. Louis Laoombe a donné dcui concerts à Lyon , qui ne lui
ont pas moins rapporté d'applaudissements et d'argent que tous ceux
qu'il a donnés depuis son départ de Paris.
*,* Le village de Montgeron , près Paris, vient d'èlre le témoin
d'une série de solenniiés musicales à l'occasion de la Fête-Dieu.
L'inauguration des orgues avait attiré des châteaux d'alentour une
foule élégante. Deux fois la messe et le salut ont clé chanlés en mu-
sique par des amateurs du plus grand talent.
V La polka vient d'être importée à New-York; elle y est telle-
ment en vogue, dit le Courrier des Étals-Unis, que ladies et gentle-
men accourent en foule chez le Hongrois Korponay pour se faire
inoculer la polkamorbus.
Clu'onîtiiie «lépai'temeiitale.
'.' Lille, IG juin. — Nous venons d'assister à la représentation la
plus importante et la plus belle que nous ayons eue depuis longtemps,
celle de Lucie de Lammermoor. M"» Julian remplissait , pour la pre-
mière fois sur notre scène, le rôle de Lucie; elle l'a chanic et joué
avec une telle supériorité de talent, que nous renonçons à décrire
tous les passages qui nous ont impressionné. Elle a constamment
chanté avec une justesse irréprochable, elle n'a rien hasardé; toutes
les roulades , les traits difficiles , elle les a exécutés avec une pureté
et une précision sans égales , et sa voix, jusqu'à la fin , n'a trahi au-
cune fatigue. EnËn elle eût été admirable, dans toute l'acception du
mot, dans la scène de la folie, si elle avait eu le regard perdu, le
geste plus désespéré, si elle se fût abandonnée davantage. Un ton-
nerre d'applaudissements et des bouquets jetés sur l'avant-scène ont
témoigné du plaisir indicible qu'éprouvait tout l'audiloire. Après cet
acte, les cris de la salle entière ont redemandé M"« Julian.
",* Lyon. — M"'Élian, cette jeune cantatrice dont le gosier est ra-
vissant, avait à effacer parmi nous les souvenirs de M"" Miro et de
M"" Nau. M"" Elian a triomphé de ce double obstacle. Dans Rosine,
du Barbier de Séville , dans Guillaume Tell, notre nouvelle canta-
trice a fait preuve d'une grande habileté de vocalise et a pu dévelop-
per à son aise une voix pure, bien timbrée et d'une grande étendue.
fiï *»* Bordeaux. — Les deux théâtres sont fermés depuis deux jours;
on assure que M. Uevéria, directeur, a quitté la ville, L'autoriié ne
peut s'empêcher de prendre des mesures actives pour que le cours
des représentations ait la plus courte interruption possible. Une foule
de pauvres familles se trouveraient réduites à une bien triste po-
sition si les théâtres n'étaient pas ouverts dans quelques jours. D'un
autre côté, on parle du départ des premiers ariistes, qui resteraient
peut-être à Bordeaux si l'administration se prononçait dans la crise
qui s'est déclarée.
%* Strasbourg. — Les journaux de cette ville sont d'accord pour
louer la bonne gestion de M. Boigemutée, qui a faitia réouverture
du théâtre d'une manière fort brillante; la Favorite a obtenu un
grand succès , grâce aux artistes que M. Boigemutée a su s'atlacher,
JMM. Portehaut, baryton du plus grand mérite; Giraud , ex-artiste
de rOpéra-Comique, et Dowgh , première basse, élève de M. Fé.is;
ces trois chanteurs promettent de faire passer d'agréables soirées aux
Strasbourgeois et de bonnes receltes au directeur.
dirusii(g«iie éti''aaBgèir'e.
*,* Londres. — Grand bruit dans la presse anglaise sur la repré-
sentation du Quecn's-Thealre, où assistaient la reine et ses augustes
visiteurs. — On a donné une représentation au bénéfice d'un violon
distingué, M. Saint-l.éon, qui a joué dans l'entr'acte un concerto de
sa composition surles motifs de Guillaume Tell. M"« Déjazet et Le-
vassor tiennent le dé au théâtre Saint-James, et se partagent les ap-
plaudissements. — On joue au Théâtre de la Princesse une farce
ultra-bouffonne sous ce titre: Taken by surprise {Pnspar surprise) ;
une autre au Lycée, les Trois Fra-Diavolos. — Dans la masse des
concerts qui se succèdent à Londres , nous distinguerons celui de
M. Benedict, qui a été des plus brilliinls, grâce au concours de
jjme Dorus-Gras , de Staudigl , Salvi , Offenbach , etc.
— Un pianiste espagnol d'une grande espérance, Antonio Alvares
y Bedesktain, vient de mourir à l'âge de vingt-quatre ans.
*,* Bruxelles. — C'est à peu près vers la fin du mois de juillet
qu'aura lieu ici la première représenlation de la Jieine de Chypre.
*,* JMons. — Il y a quelques jours toute une colonie d'artistes dé-
barqua dans cette ville, arrivant de Bruxelles par le chemin de fer.
U. Adolphe Fétis venait y donner un concert, secondé par M. Blaes,
M"» Eonduel , M. Cornelis , M. Uiccio et plusieurs autres sympho-
nistes de l'orchestre du Conservatoire. Une brillante société assista
à cette séance musicale.
**,* Berlin. — Les artistes du Théâtre-Ilalien Itœnigstadt ont
donné un concert lors de leur passage à Leipzig. L'auditoire était
peu nombreux ; on a trouvé que la troupe est de beaucoup inférieure
à celle de l'année dernière.
— Dans la séance annuelle de l'Académie des arts de Berlin, on a
exécuté comme d'habitude les compositions de quelques élèves.
Dans le nombre on a remarqué un finale tiré de l'opéra tes Mineurs,
par M, Herzberg, texte de Koerner. Une traduction allemande de
le Caporal et la Payse, a eu un succès de fou rire au théâtre Kœnig-
stadt. Au même théâtre, les ballets d'enfants sous la direction de
jime Weiss, maîtresse de ballet au théâtre Josephstadt à Vienne ,
ont été très bien accueillis par un auditoire assez nombreux.
%* Vienne. — Depuis que les droits d'auteur ont été réglés d'une
manière un peu plus large, six cents manuscrits ont été présentés
au Burg-Theater; sur ce nombre, dix tout au plus pourront être
joués.
*,* Dresde. — Encore une nouvelle salle de spectacle sous le titre
de Théâtre d'été. Elle a été inaugurée le 27 du mois dernier. Ce
théâtre, d'une construction simple et élégante , s'élève dans le jar-
din dit Reisewitz : on y représente des pièces de circonstance , des
vaudevilles, des comédies, etc.
— 1 juin. — Il s'est formé un comité pour recueillir et inhumer
les cendres de Marie de Weber ; on les fera venir d'Angleterre aux
frais du clergé catholique de Moorfield Chapel , qui a demandé à la
veuve du grand compositeur de lui accorder cet honneur. Le 10 cou-
rant, le fils aîné de Weber, ingénieur fort habile, au service de
Prusse, s'est rendu en Angleterre pour se faire remettre les ossements
de son père, et les amener ici. Après la cérémonie funèbre , le co-
mité tournera son activité vers l'érection d'un monument qu'exécu-
tera sans doute l'un de nos sculpteurs les plus distingués.
*,* Munich. — M. Koll , artiste-musicien de la cour, a écrit la
partition d'un opéra intitulé les Corses, qui doit être représenté in-
cessamment au Théâtre-Royal.
*,* Calcutta, 10 avril. — Lucie de Lammermoor \ienl d'être repré-
sentée chez nous avec le plus grand succès, et devant 14,000 francs
de recette. Grâce à l'habile directeur, M. Minard, les ouvrages nou-
veaux se succèdent chez nous comme sur les théâtres de l'Europe.
Au premier jour, on nous promet les Diamants de la Couronne de
M. Auber. Une souscription vient d'être ouverte dans le pays pour
avoir une troupe française au grand complet, à l'époque du 1" no-
vembre 1844.
Le Directeur, Bédacleur en chef, Maurice SCHLESINGER.
mî
r>p(;YMMSE DBsmmvK 1 LUSAliE MS PIANISTES
Le Chirogymnasle est un assemblage de nenf appa-
reils ^ymnastiques destinés â donner de V extension i
lamainetderécarf aux doigts à augmenter et à é(;al<-
ser leur force et a rendre le quatrième et le cinquième
indépendants de tous les autres. Le Chirogymnaste
aété aussi approuvé et adopté parMM. Adam, Bertinî,
ne Beriot, Cramer, Herz, Kalkbrenner, Listz, Moschelès
Ptuavnti Sivon, Thalberg, Tulou, Zimmermann^ elc»
Chaque Chirogymnasle est revêtu de la signature
de ^inventeur et se vend place de la Bourse, n» 15,
h huit appareils, ftOfr.,àneufapp.GOfr., méï/ïode,3/K
Inventé par C. MABTIIII
Facteur de Pianos,
BREVETÉ DU ROI
Place de la Bourse, i S.
Approuvé par l'inatitnl
«t adopté dans les dasios
desCO\SERVA.TOIRES
de Paris et de IjondreSi
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MM. ANDERS, G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, Henhi BLAN'CHARD,
MilimcE BOURGES, F. DANJOU, nuESBEUG, FÉTIS père, ÉDOtlABD FÉTIS, Stepiien HELLER, J. JAXIN,
G. KASTNER , LISZT, J. MEIFRED , GEOBGE SAND , L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
Faraissant tous tes Ikinnattehe».
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
Le- t" et le iS de chaqne mois on recevra on morceaa de masiqae»
SOMMAIRE. Exposition des produits de l'Industrie (troisième ar-
licle) ; p,irG.-E. AKDERS. —Histoire delà musique (troisième
cl dernier article ) ; par FÉTIS père. — Cdnecrt au béntQce de
jlme V» Berton. — Nouvelles. — .Vnnonces.
LA FLUTE. Dessin de Gavarni.
€3Ep0siti0ii îles |j)roî)uit5 îic rînîmstvie.
TROISIÈME ARTICLE.
enefutqu'eiil83Zi,
à la huiiième cxpo-
silion , que les fac-
teurs (le province
envoyèrent pour la
première fois des
pianos au grand concours. Jusqu'alors la
capitale seule y avait représenté cette
branche de l'iiiduslrie musicale ; la pro-
vince s'était contentée d'y apporter dos violons
et des instrutnenls à vent, provenant, les uns
de iUirecourt, les autres de La Couture, lieux
depuis longtemps renommés pour la fabrica-
tion de ces produits.
I.c début de ces pianos, sans être brillant, fixa
4 '0>.* l'allenlion publique ; c'était une nouveauté, un
Oj commencement de progrès qui donnait des espé-
rances pour l'avenir. Ces espérances ont été réali-
sées depuis; des facteurs, bien qu'en petit nombre, se sont
établis dans plusieurs villes départementales , mais c'est sur-
tout Marseille qui s'est mis à la tète de ce mouvement et pos-
sède aujourd'hui une inanufaclure de pianos qui se place di-
gnement à côté des fabriques de Paris. On devine que nous
parlons de MM. Boisselot.
Nous avons eu plus d'une fois l'occasion de signaler les ef-
forts que CCS actifs et intelligents facteurs ne cessent de faire
pour le perfectionnement de leur art. Encouragés en 1834
par une mention honorable, récompensés en 1839 parla
médaille d'argent , ils ont redoublé de zèle et apportent au-
jourd'hui deux inventions remarquables qui nous semblent
destinées à un grand succès, car elles augmentent les res-
sources du piano en fournissant à l'exécutant des moyens que
refusait jusqu'ici le clavier ordinaire.
Les pianistes de l'école moderne ont complètement changé
le jeu de l'instrument. Ce que l'on veut aujourd'hui , c'est
d'abord la plus grande force, la plus grande sonorité pos-
sible, carie piano doit représenter ou résumer tout un or-
chestre ; de là ces accords si pleins à intervalles doublés et
triplés qui exigent des écarts de doigts accessibles seulement
aux mains gigantesques de nos virtuoses ; de là ces traits en
octaves extciiiés avec la rapidité de l'éclair et une foule de dif-
ficultés qui ne sont pas à la portée de l'amateur. D'un autre
côté on s'efforce à faire chanter l'instrument en accompagnant
des cantilènes soit d'arpèges détachés, soit d'une fusée de
notes qui se groupent alentour. Mais les traits en octaves
exigent une main vigoureuse , une force physique que ne
possède pas tout le monde; quant aux passages chantants, ils
se produisent , conmic on sait , au moyen de la pédale qui
laisse aux cordes toute la durée de leur vibration. Mais cette
pédale, en levant tous les élouffoirs à la fois, â l'inconvénient
de laisser vibrer ensemble toutes les notes indistinctement,
d'où il résulte quelquefois de la confusion ou une harmonie
peu agréable , et qui d'ailleurs gène souvent l'artiste en le
forçant d'abandonner la tenue de quelques notes pour éviter
celte cacophonie.
Frappés de ces inconvénients , MM. Boisselot se sont pro-
posé deux problèmes, celui de pouvoir exécuter les octaves
BUREAUX D'ABOKTKrEMEMT, RUE RICHELIEU, 97.
220
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
(ou en général plusieurs notes ensemble) en ne frappant
qu'une seule touche , et celui de pouvoir soutenir à volonté
chaque note indépendamment des autres, c'est-à-dire de pou-
voir produire une phrase chantante, entourée soit d'arpèges ,
soit de notes détachées. Ces deux problèmes, ils les ont
résolus d'une manière très satisfaisante , l'un dans le piano
octavié, l'autre dans le piano à sons soutenus à volonté.
Le piano octaviése construit d'après deux systèmes , dont
l'un consiste dans l'emploi de la pluralité des cordes, l'autre
dans la combinaison de leviers obliques. C'est d'après le pre-
mier système qu'est construit le piano à queue qui se trouve
au palais de l'industrie. En voici le mécanisme ;
Chaque note, au lieu d'avoir irois cordes comme dans les
pianos ordinaires, en a cinc], dont trois sont accordées à l'unis-
son , et les deux autres, placées à gauche , sonnent l'octave
inférieure. Lorsque le clavier est dans sa position naturelle,
le marteau ne frap[»e cjue les trois cordes de l'unisson. Pour
obtenir l'octave, on se sert d'une pédale , qui, faisant mar-
cher latéralement le clavier de droite à gauche , amène le
marteau au point voulu pour frapper les cinq cordes à la fois.
MJl. Boisselot ont prévu le cas où l'on ne voudrait produire
l'octave que dans une partie du clavier, soit seulement pour
la basse, soit pour le dessus. A cet effet la barre des marteaux
se trouve divisée en deux parties, dont chacune est mue par
une pédale particulière. Si cette disposition a des avantages
dans certains cas , elle a aussi dans certains autres des incon-
vénients; car il peut arriver qu'un passage en octaves dépasse
la limite de la division dont nous parlons. D'ailleurs la multi-
plicité des pédales est un embarras pour l'exécutant.
Le second système consiste, comme nous l'avons dit, dans
l'emploi de leviers obliques , et ici l'octave s'obtient avec le
nombre ordinaire des cordes. Vers le centre de chaque touche
se trouve placé un de ces leviers qui est mis en mouvement
par l'impulsion de la louche même au moyen d'un petit cro-
chet fixé sur elle, et qui correspond par son extrémité au
marteau d'une autre touche à l'octave. Ainsi , en frappant
une seule touche, deux marteaux frappent simultanément
les deux notes.
Lequel des deux systèmes est préférable ? Nous n'hésitons
pas à nous prononcer pour le second; d'abord parce qu'il
n'exige pas l'augmentation des cordes , dont le tirage exces-
sif pourrait être nuisible à la solidité de l'instrument, puis
pour la raison que voici:
L'instrument étant plus souvent joué dans son état natu-
rel, c'est-à-dire sans l'emploi de la pédale d'octaves, le mar-
teau, qui s'use plus vite du côté où il ne frappe que les trois
cordes , perdra , après un certain temps, l'égalité primitive
pour l'attaque simultanée des cinq cordes. Il est vrai que cet
inconvénient ne sera sensible que lorsque l'instrument sera
fatigué ; mais c'est toujours un inconvénient qui n'existe pas
dans le système à leviers. Du reste, hâtons-nous de le dire, les
deux systèmes sont exécutés avec la précision qui distingue
tous les pianos de ftlM. Boisselot.
Il n'a été question ici que d'une seule octave obtenue par
le même mouvement. Le système à leviers va plus loin : il
peut en faire entendre deux , c'est-à-dire, le levier étant dou-
ble et opérant des deux côtés, peut faire résonner avec la note
de la touche môme que l'on frappe la note de l'octave infé-
rieure et de l'octave supérieure. Ce n'est pas tout : les deux
systèmes peuvent se combiner dans le même instrument ,
en .sorte qu'avec un seul doigt attaquant une seule touche on
fait sonner quinze cordes à la fois ! Que l'on juge des masses
sonores qui doivent sortir d'un piano ainsi construit , lorsque
l'exécutant prodigue à pleines mains les accords. Car un ac-
cord de quatre notes fait entendre soixante cordes ; si vous
le doublez de l'autre main, vous obtenezjles sons simultanés de
cent vingt cordes. C'est à donner le vertige à l'auditeur.
Un piano à queue , réunissant les deux systèmes , était
destiné à faire partie de l'exposition ; il n'a pas été terminé
à temps ; mais nous avons vu le modèle établi sur cette com-
binaison, et qui fonctionne parfaitement.
Avant de quitter cette invention , disons quelques mots à
ceux qui voudraient la contester à MM. Boisselot. Que ces
habiles facteurs aient puisé leur idée dans les anciens clave-
cins, où, comme on sait, on obtenait l'octave avec un seul
doigt par l'accouplement des touciies de deux claviers , c'est
possible; il se peut même qu'ils aient eu connaissance de
l'essai d'un célèbre facteur allemand qui , en 1824 , pro-
duisit un piano sur lc(]uel on faisait entendre l'octave avec
une seule touche; mais le procédé est-il le même? là est la
question.
Il nous semble que le procédé de MM. Boisselot, la manière
surtout dont ils ont combiné les divers mécanismes, leur ap-
partient. Du reste, si néanmoins on voulait les priver de ce
mérite, ils pourraient facilement se consoler , car l'autre dé-
couverte, dont nous allons parler maintenant, ne saurait leur
être disputée; et celle-là est, suivant nous, bien supérieure
et sera préférée par tous les vrais amis de l'art. L'ne inven-
tion qui donne au piano des qualités chantantes, du charme,
de la grâce, vaut mieux que des procédés qui, en augmentant
la force sonore, à l'aide du redoublement d'octaves, prêtent
facilement aux abus et peuvent devenir, sous des mains trop
fougueuses, des moyens de bruit et de tapage trop fréquent
déjà dans l'exécution sur les pianos ordinaires.
Nous arrivons au piano à sons soutenus à volonté.
Comme on l'a vu plus haut, il ne s'agit pas ici de moyens
propres à prolonger le son des cordes au-delà de leurs vibra-
tions naturelles produites par le coup du marteau, tels que
l'emploi du vent ou d'une espèce d'archet, que l'on a plu-
sieurs fois appliqué au piano , mais qui dénature entière-
ment son caractère. Il s'agit seulement de laisser vibrer ,
au gré du pianiste, chaque note en levant séparément son
étouffoir, tandisque dans les pianos ordinaires, tous les étouf-
foirs se levant ensemble, les cordes que l'on frappe, conti-
nuent à vibrer indistinctement. Ce résultat, MM. Boisselot
l'ont obtenu par le procédé que voici :
Une pédale particulière fait agir un levier à échappement,
qui lève l'étouffoir et le lient en celte position à l'aide
d'une bascule. L'étouffoir reste ainsi levé autant que l'on
tient le pied sur la pédale, sans qu'il soit besoin de laisser le
doigt sur la touche. Celle-ci conserve toute son indépendance
et peut être frappée de nouveau pendant que la pédale re-
tient l'étouffoir. Il est à remarquer que la pédale agit sur une
ou plusieurs touches, à la volonté de l'exécutant.
A voir ce mécanisme si simple , on est étonné que l'idée
n'en soit venue à personne et qu'un semblable instrument
n'ait pas été fait plus tôt. Cette invention précieuse, dès
qu'elle se sera répandue, exercera une grande influence sur
la manière d'écrire pour l'insirument favori de nos jours.
On conçoit quelle variété d'effets nouveaux les compositeurs,
les pianistes improvisateurs pourront obtenir désormais.
Le chant , au lieu de se confondre ou de s'embrouiller avec
les notes qui l'entourent , se dessinera nettement , distincte-
ment , et l'on croira souvent entendre un morceau joué par
deux artistes sur deux pianos différents.
Parlerons-nous des autres pianos , exposés par les mêmes
facteurs ? du piano en ébène , incrusté de nacre et de co-
rail , instrument de luxe digne de fixer les regards des pas-
DE PARIS.
221
sauts ? d'im piano droit, plus petit , moins riche , mais d'une
sonorité non moins éclatante ? d'un piano à queue avec le
mécanisme ordinaire , et des pianos carrés , qui ont succes-
sivement pris leur place au palais de l'industrie ? JNous les
passerons sous silence , car quelles que soient leurs qualités ,
ils sont éclipsés par les deux pianos nouveaux , dont nous
avons entretenu nos lecteurs. Ces deux instruments forment,
à nos yeux , la véritable exposition de MM. Boisselot. Ils ont
réuni les suffrages d'artistes tels que Tlialbei'g , Liszt , et
Doehler ; que pourrions-nous ajouter à des éloges aussi flat-
teurs que compétents ?
G-.E. Anders. (1)
HISTOIRE DE LA MUSIODE.
SUR UL NOTATIOBT DÏUSICAI.Î:
dont s'est servi saint Grcgoire-le-Grand pour le chanl de son Anli|)lioiiaire.
( Troisième et dernier firlicle' ).
i le manuscrit de Saint-Gall était l'antiplionaire
iLSf de saint Grégoire, nous posséderions une partie
^. du chant de l'office divin dans sa pureté prirai-
ir^â ^'^®' mais le fragment même publié comme e\-
'/' trait de cet antiphonaire, par MM. Kiesewetter,
Botée de Toulmon et Coussemaker, est évidemment entaché
d'altérations déjà signalées par Guido d'Arczzo, au commen-
cement du XI' siècle, dans son traité des fautes introduites
dans le chant ecclésiastique (2). L'altération indiquée par cet
écrivain, dans l'Ostende nobis , est sur les mots misericor-
diam tiiam. Il fait remarquer avec beaucoup de justesse que
ce verset est du deuxième ton, et que la forme défectueuse
introduite dans le chant par l'usage sur la dernière syllabe de
misericordiaip n'est pas conforme à la constitution de ce ton,
parce que la médiante ti remonte à la dominante G , et y fait
une terminaison incidente qui appartient plus au septième ton
qu'au second. Or, ce défaut, et d'autres encore, sont préci-
sément ceux qu'on remarque dans le fragment du manuscrit
de Saint-Gall. Ce manuscrit, loin de nous offrir la tradition
pure des premiers temps do chant grégorien , est donc enta-
ché d'altération; c'est même un des plus défectueux que je
connaisse à cause du désordre de sa notation. Je m'engage à
donner la preuve de cette assertion dans la publication de
mon travail sur la prose du manuscrit de Montpellier qui sera
faite définitivement dans le cours de la présente année. J'y
donnerai les fac siniile de VOstende nobis du manuscrit de
Saint-Gall, mis en regard du même morceau, d'après le missel
de Saint-Hubert en notation saxonne, dont je suis possesseur,
et d'un autre fac simile d'après un giaduel du xii° siècle ap-
partenant à la bibliothèque de Bruxelles, avec la traduction
en notation du plain-chant. Déjà ces planches sont gravées. Je
reviens à mes démonstrations actuelles.
Jean Diacre, biographe de saint Grégoire, ne dit pas un
mot du dépôt de l'antiphonaire sur l'autel de Saint-Pierre à
Rome ; il nous apprend même une circonstance qui prouve
(1) ERRATA du second article. — Pag. 216, 2" col., lig. 33, au
lieu de : en dessus; lisez : en dessous. — Pag. 217, 1" col., lig. 57,
au lieu de : reste; lisez : rentre. — Quant à la dernière phrase de
l'article, défigurée par une transposition de mots, les lecteurs au-
ront pu la rétablir ainsi qu'il suit : Il a atteint le but vers lequel ,
pendant de longues années, se sont dirigés tousses efforts.
(") Voir les numéros 24 et 25.
(2) y.Seriptores eccles. de Musicà, t. II, p. 52, col. 2.
que ce dépôt n'a point été fait , que le précieux livre n'a pas
été attaché à l'autel par une chaîne de fer, et que ce qu'en
ont dit des écrivains postérieurs n'est point exact. Ce prêtre ,
qui écrivait environ 256 ans après la mort de saint Grégoire,
dit que de son temps, c'est-à-dire vers 870 , on conservait
encore avec grande vénération dans l'école de chant, près de
Saint-Jean-de-Latran , le siège sur lequel le Saint-Père s'as-
seyait pour donner ses leçons , la verge avec laquelle il châ-
tiait les enfants , et son anlip/ionaire authentique (1). Cet an-
tiphonaire n'était donc pas perdu, etRome n'était pas réduite
à une simple tradition verbale du chant grégorien , comme
il fut dit à Amalaire Symphosius, envoyé de Louis-le- Débon-
naire à Rome, sans doute pour se débarrasser d'une demande
importune; car il ne faut pas oublier que Jean Diacre écri-
vait environ trente ans après la mort de Louis-le-Débon-
naire.
Mais une question se présente et doit donner lieu à l'exa-
men d'un fait important; la voici; saint Grégoire n'a-t-il
réglé que le chant de l'antiphonaire, et n'a-t-il pas pris le
même .soin pour le graduel? Au premier aspect, la solution
paraît facile ; car Jean Diacre, le moine de Saint-Gall, celui
d'Angoulênie, enfin tous les auteurs anciens, à l'exception de
Walafrid Strabon , ne parlent que de l'antiphonaire. D'ail-
leurs le manuscrit de Conqjiègne , celui de la Bibliothèque
royale de Paris (n° 1087, ancien fond) , deux manuscrits de
la bibliothèque Laurcntienne de Florence, le manuscrit du
X' siècle qui est à la bibliothèque du Vatican , et plusieurs
autres présentent l'antiphonaire avec le nom de saint Gré-
goire , tandis que toutes les copies manuscrites du graduel
connues jusqu'à ce jour ont simplement pour tilre Gradtiale
romanum. Walafrid Strabon, le seul des anciens écrivains qui
ait fait mention du soin qu'aurait pris saint Grégoire de ré-
gler le chant de la messe comme celui des heures canoniques,
n'en parle que comme d'une tradition (2). Cependant il pa-
raît peu vraisemblable que le Saint-Pontife ait négligé le chant
de la messe , ayant donné tant de soins aux autres parties de
l'office divin , à moins que le chant des iniroils , graduels ,
offertoires et communion n'aitété si bien réglé avant lui qu'il
n'y ait rien trouvé à changer.
A ce sujet , je suis obligé de rappeler que la messe et son
chant ont été réglésoriginairementdans l'église d'Orient. Saint
Jacques, saint Basile et saint Jean Chrysostôme en sont les
premiers auteurs. De toute la liturgie attribuée à saint Jac-
cjues le mineur par Léon Allatius et le cardinal Bona , mais
qui lui est évidemment postérieure, il ne reste aujourd'huif
dans la messe que le Symbole des apôtres , la Préface , le
Sanctits et la Commémoration , quoique cette messe soit
beaucoup plus longue que celle de la liturgie actuelle. Saint
Basile et saint Jean Chrysostôme, qui furent les lumières de
l'église d'Orient dans le iv° siècle , modifièrent cette litur-
gie et introduisirent dans la messe le Kyrie eleison, mais dis-
posé autrement que dans notre messe latine, et répété souvent
comme une exclamation par le peuple; le Gloria divisé en
plusieurs versets qui , plus tard , ont été réunis ; enfin , plu-
sieurs prières dont on a fait , dans la liturgie romaine , des
introits, graduels, offertoires, etc. , et dont une partie est
(1) Ubi (Laleran. eccles.) usque hodie lectus ejus, in quo recu-
bans modulabatur, et flagellum ipsius, quo pueris minabalur, ve-
neratione congrua, cum auihentico antiplionurio reservatiir. (Job.
Diac, in vilâ Grerjor., lib. II, cap. vi.)
(2) Traditur denique, beatum Gregorium, sicut ordinationem
Missarum et consecrationum , lia etiam canlilina; disciplinum
maxima ex parte in eani, quœ haclenus quasi docenlissima observa-
lur, dispositionem pcrduxisse. {De OjJ'iciis divinis, cap. 22.)
22A
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
î !
en entendant Tulou, Dorus et même le petit Altès, ont pu
s'imaginer qu'ils descendaient, eux aussi , de race britan-
nique.
SS^. les Abonnés recevront avec le prochain numéro la
feuille des Compositeurs dramatiques modernes, par SI. ïttaurin,
sur grand-aigle, contenant les portraits de MM. Auber, XSerlioz,
Berton , l>onizetti , Halévy, Mendelssobn , Meyerbeer, Onslow,
Rossinï, Spontini.
ITOTTTELLBS.
*,* Demain lundi , à l'Opéra , Don Juan.
*,' M""= Dorus-Gras esl de retour à Paris.
"."•Duprez et Barroilhet vont partir en congé sous peu de jours.
",• Outre l'engagement à l'Opéra du ténor Gardoni et du baryton
Latour, on annonce celui de Slaudigl , la fameuse basse allemande,
pour la prochaine année théâtrale.
"," Le Baron de Bemonanoir , ou les Quatre fils Aijmon , opéra-
comique en trois actes, doit être représenté prochainement. On an-
nonce comme devant êlre joué ensuite un ouvrage en un acte in-
titulé les Deux gentilshommes, dont la musique est de M.Justin
Cadaux, compositeur, qui s'est déjà fait connaître par plusieurs par-
titions applaudies à Toulouse.
*,* Dans sa séance de samedi, 23 juin, la section des beaux-arts
de l'Institut a procédé au remplacement de M. Berton, l'Illustre com-
positeur. Les candidats étaient MM. Adolphe Adam, Batton et Tho-
mas. Voici le résultat du dépouillement du scrutin. Volants: 31,
majorité absolue .• 16. Dès le premier tour, M. Adolphe Adam a ob-
tenu 17 voix ; M. Batton, 9, et M. Thomas 4 ; il y a eu de plus 1 billet
blanc. En conséquence, M. Adolphe Adam a été proclamé membre
de l'Institut.
'*,* M"« Lia Duport , la jeune cantatrice que le public a si sou-
vent applaudie dans les concerts, vient de se mai-ier avec M. R. Mul-
der.
*,* Comme on pouvait le présumer, l'annonce du grand festival
qui se prépaie pour le mois prochain au palais de l'Industrie, sous
la direction de M. Hector Berlioz, a mis en émoi tout le public mu-
sical, non seulement de Paris, mais des villes environnantes, et
même à une assez grande distance. Ainsi, les artistes de Lille vien-
nent d'écrire à M. Berlioz pour lui offrir généreusement leur con-
cours. Une députalion de musiciens lillois se rendra à Paris pour
prendre part aux dernières répétitions et à l'exécution du festival.
D'autres villes suivront bientôt cet exemple. La plupart des premiers
sujets de nos théâtres lyriques et les premiers professeurs de chant
de Paris veulent aussi y prendre part. Nous pouvons citer comme
s'étant déjà fait inscrire : .M!M. Duprez, Poiichard, Bordogni, Bande-
rali, Poullier, Octave, Grard, M"" Gras-Dorus, etc.
*,• Vivier, Me jeune et célèbre virtuose sur le cor, (Jui a obtenu
beaucoup de succès en Angleterre, où l'on apprécie non seulement la
nouveauté de ses effets, mais la belle expression de son style, est de
retour à Paris.
*,* Une association musicale s'est formée à Caensous les auspices
de la Société philharmonique; elle réunira tous les amateurs du
Calvados, de l'Orne et de la Manche. Son premier festival aura lieu
à la fin de juillet prochain. M. Barroilhet doit, dit-on , s'y faire en-
tendre.
*,*La nouvelle salle de l'Opéra, à Berlin, aura quatre rangs déloges
et pourra être comptée parmi les plus grandes et les plus riches qui
existent. La loge de la cour, en face de la scène, coupe les loges du
second rang et monte jusqu'au troisième ; elle repose sur huit co-
lonnes d'ordre corinthien. Dans toutes les loges il y aura des fau-
teuils mobiles.
*,* OEhlenschlaeger, le célèbre poëte danois, vient de recevoir du
roi de Prusse l'Ordre pour le mérite. On s<iH que l'on doit à OEhlensch-
laeger une excellente composition dramatique : Aladin, ou la Lampe
merveilleuse.
*/ M. Alexis LvolT, général et aidc-de-camp de l'empereur Nico-
las , s'est fait entendre à Dresde sur le violon dans des réunions pri-
vées; il a fait également exécuter divers morceaux de sa composition.
Comme compositeur et comme virtuose, le général russe s'est fait
applaudir; on a distingué surtout les morceaux tirés de l'opéra S/aîica
e Gunlierio, qui doit être représenté à Saiiit-Pétcrsbourg.
*,• Le concert annuel donné à Londres par Benedict offrait une
composition aussi prodigieuse qu'à l'ordinaire. Le programme ne
comprenait pas moins de quarante morceaux, exécutés par les chan-
teurs et les instrumenlistes les plus célèbres. Nous avons peine à
concevoir que le tempérament admiratif de nos voisins puisse résister
à une épreuve quatre fois plus forte que toutes celles qu'on a jus-
qu'ici tentées sur nous.
*,* Dans le concert donné à Londres par la Societa armonica, Ré-
vial a chanté un air composé en 1680, par Stradella. Son succès a été
complet, tant par sa voix que par sa nicthode.
*.* Le directeur d'un théâtre cher à l'enfance , M. Séraphin , est
mort dernièrement. A cette occasion , un journal a publié les parti-
cularités suivantes qui ne sont pas sans intérêt pour,l'histoire de
nos théâtres. « Les ombres chinoises furent inventées par Dominique-
François Séraphin. Louis XVI, qui les vit à Versailles, en fut si
content qu'il lui octroya, sur sa demande, le privilège exclusif des
ombres chinoises, et, de plus, le titre de Théâire des Enfants de
France; la salle fut ouverte, dans le Palais-Royal à peine achevé, le
8 septembre 178i. Il n'y avait alors chez Séraphin que des ombres
chinoises et des feux arabesques. En 1788, Dominique-François Sé-
raphin fit venir de Metz son neveu Joseph-François Séraphin, âgé
de vingt ans. Celui-ci inventa les marionnettes, et en 1800 il succéda
à son oncle. Une patiente sollicitude pour son théâtre, pendant qua-
rante-quatre ans a porté haut la célébrité de cet établissement , au-
quel il avait joint des points de vue mécaniques. Frappé, il y a trois
mois, d'une attaque d'apoplexie , il esl mort dimanche, IC juin ; le
chagrin de ne pouvoir aller à son cher théâtre a troublé ses derniers
moments et hâté sa fin. 11 avait 76 ans. »
V Gisors. — L'inauguration du nouvel orgue , restauré par la
maison Daublaine-Callinet, a eu lieu mardi dernier. MM. Dietsch ,
Lefébure-Wély et Danjou ont, en présence d'un nombreux audi-
toire, fait ressortir les effets de ce bel instrument, qui compte cin-
quante-deux jeux et environ trois mille tuyaux. Comme à l'inaugu-
ration de l'orgue de Saint-Eustaclie, on avait eu l'heureuse idée de
faire exécuter alternativement avec l'orgue des morceaux de chant.
M. Boulanger, organiste de la cathédrale de Beauvais, avait conduit
à Gisors, pour cette solennité, environ soixante élèves des cours
gratuits de musique que cet artiste a fondés à Beauvais. Ces jeunes
gens ont exécuté avec un ensemble remarquable et un goût parfait
des morceaux de divers auteurs, et entre autres des cantiques et un
chœur de M. Neukomm.
Cliretnique étr£»iigèi*e.
*,* Londres. — Don Carlos, opéra nouveau de Costa, vient d'ap-
paraître enfin sur le Queen's-Theatre. On le dit de beauioup supérieur
à Malek-yldhel, autre opéra du même compositeur. L'ouvrage est
chanté par Lablache, Mario, Fornasari et M''^ Grisi. La Reine et le
prince Albert assistaient à la première représentation.
*,* Vienne, 1 juin. — On vient de nous donner Lucia di Lammer-
moor; et si nous n'avons pas retrouvé Moriani tout entier dans le nou-
vel Edgardo, nous avons eu en revanche une Lucia telle que nous
n'en connaissions point encore. M"" Pauline Viardot a chanlé ce rôle
par complaisance pour le directeur. Puisse-t-elle avoir souvent de
pareilles complaisances! Elle a montré cette fois, d'une manière
encore plus éclatante que dans la semi-sérieuse Ninetta, que son art
et sa manière de concevoir un rôle se développent avec autant de
magnificence dans l'opéra sérieux que dans l'opéra comique. Du
rôle de Lucia, à demi-languissant, à demi énergique. M'"' Viardot
a fait une création pleine de noblesse et de poésie. Dans Vandante dix
finale, l'expression et la couleur de son chant sont incomparables;
elle vérifie les paroles du chœur : Corne rosa inaridiia , ella sta fra
morte e viia. Il y a un véritable génie dans l'exécution de la grande
cantatrice. Elle a également conçu la scène de folie d'une manière
originale, tout en tressant les fleurs musicales de son air de bravoure
avec la grâce et la vigueur que nous sommes habitués à trouver en
elle. Mais ce qui distingue encore notre artiste si richement douée,
c'est le doux charme de modestie répandu sur son chant magnifique.
Elle ne demande point, comme les autres, aux endroits à effet : « Eh
bien ! qu'en dites-vous? » Elle ne commande pas à certains passages :
o Applaudissements ! Portez armes ! » Il semble qu'en chantant, elle
ne pense nullement au succès; et c'est justement ce dédain de tout
effet, cette continuelle et fixe pensée de la recherche du vrai beau,
DE PARIS.
225
qui peut quelquefois diminuer son mérile aux yeux de certaines gens
de la niasse; mais le connaisseur sait bien apprécier sa grandeur
arlistii|ue, et il sent l'énorme dillerence entre son génie inspiré et la
méitwdc à éclat des autres. M"'" Viardol a reçu pour récompense
riiommage d'applaudissements r.éiiélii|iies et de nombreux rappels.
%" Barcelone. — On a joué l'opéra A'Oiello, où le premier ténor
Verger s'est permis de dénaturer des mélodies consacrées par une
Yogueeuropéennc. Un second ténor, Olivirri, débulaitdans le même
opéra et a complètement éclioué. La prima donna, M"" Colleone
Conti, quiétaitaussi une débutante, a été plus heureuse et s'est fait
applaudir dans le beau rôle de Desdemona. — On a donné un ballet
mythologique, .4 polo y Dafiie, dont la musique assez agréable est
du premier violoniste de l'orchestre, Don Antonio Pa.'ari'll. — Parmi
les nouveaulcs dramatiques qui viennent d'èlre jouées, nous signa-
lerons et Eapc'jo de ti-f venguiizas {le Miroir des veiiaeances) et /os
Très enetnirjos de l'aima [les Trois ennemis de l'unie).
%* Barcelone.— On vient de donner avec succès au théâtre de Sanla-
Cruz le Nabucodonosor de Verdi.
*." Madrid. — Le s-cond opéra ofi'ertau public parla nouvelle com-
pagnie lyriqu" du théâtre del Principe ou de la Cruz, a été la Gemma
di Feriji, de Donizetli. On y a, pour la première fois , entendu une
Jeune cantatrice, la senora Anna Brizzi , fort timide, mais dont la
voix est d'Ufie bonae qualité. Sinico est l'âme de celte troupe, qui se
trouve jetée en grand ilcsarroi par un.fail heureusement assez rare
dans le monde dramatique, où la probité est plus commune que dans
toute autre profcs-ion. La virlunse, engagée comme prima donna,
la senora Rocca , ne s'esi pas rendue a son poste ; on ignore si ce re-
tard esi accidentel ou définitif, et quelques uns prétendent qu'elle a
cscumofé son enga:.;enieiit ei la somme qui, selon l'usage, lui avait
été avancée pour frais de voyage.
— Le Lycée prépare de grands prix pour toutes les classes d'ar-
tistes. O.i parle de l'engagement d'un chanteur espagnol de première
volée, Salas, qui fera sa première apparition dans l'opéra de Scara-
tnuccia, après lequel on se propose d'exécuter l'un des chefs-d'œuvre
de l'école française, le plus beau legs fait par Hérold à son art,
Zampa.
— Avant de partir pour la Russie, le ténor Unanue doit chantera
Madrid ta Favoriie.
— L'ouverture ia JFreijschûiz^i été entendue pour la première fois
dans cette capitale, au théâtre del Circo, dont le brillant orchestre
l'a exécutée avec beaucoup de verve sous la direction habile de
son chef, M. Benoît. Celle belle œuvre a obtenu un succès d'enthou-
siasme.
— La Iberia musical parle en termes magnifiques d'une messe de
yïequiem nouvellement composée par le maestro Uamon Vilanova,
et qui, suivant ce journal , ne saurait être comparée qu'au Jlequiem
de Mozart. »
*,' F'aleiice. — Un poè'te de la ville vient d'y faire représenter un
drame original en cinq actes: et Duque de Gol. Celte œuvre, qui a
réussi en lîspagne, tomberait chez nous sous le discrédit dont nous
frappons maintenant l'école romantique, dont elle renouvelle les
froides atrocités. Ce duc de Gol est le lils bâtard d'un giaud et d'une
courtisane qui lui a transmis son caractère et ses vices : elle a assas-
siné l'épouse de son père; il veut, lui, assassiner son frère, parce
qu'il lui dérobe la tendresse maternelle; il dirige mal son coup, et
tue sa propre mère. Ce qu'il trouve a faire de mieux au déuoùment,
c'est do mourir de rage dans les bras du frère doni il a voulu être le
meurtrier. Si nous enregistrons cette rapide analyse, ce n'est que
comme ronseignement curieux sur l'état moral de la littérature ac-
tuelle par-delà les Pyrénées.
*,' Saini-PéieYsboarrj. — Pour la prochaine saison d'hiver, ma-
dame Viardot-Garcia touchera environ 26,000 roubles , y compris
les feux et cadeaux.
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in-foL, net: l fr. —A Paris, chez l'auteur, passage Colberl, e^ca-
lier A. et chez hs marchands de mi siqiie.
A ■VERTBR.E. — Un manuscrit de C.-M.-V. Weber, intitulé:
Scena ed uria d'Alalia , composta per uso délia signora Beijermann , da
Carlo-Maria de ff'eber. Grand solo pour soprano avec accompa-
gnement d'orchestre. Le propriétaire de ce manuscrit est en mesure
de prouver authentiquement que Weber a achevé cette œuvre au
château de Jogensdorf, près de Berbe , où la célèbre cantatrice
jjmc Beyermann s'était retirée après avoir quitté le théâtre de Saint-
Pétersbourg.
Pour les renseignements , s'adresser à M. Duran , directeur de la
musjque du pensionnat de Fribourg, en Suisse, {.affranchir.)
iDTcnté pitr C. MARTHV
Approuvé par l'iiuuîl
•t Mopté dan» les cla ,
draCoSlSEBVATOIBES
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Le Chirogymnasie est un assemblat'eilenenfapp»-
reilsgyinnastiqu6s destinés à donner de l'exïens^ion à
la main et de l'écar: aux doigts à augmenter et à égalt-
ser leur force et à rendre le quatrième elle cinquième
indépendants de tous les aiitres. Le Chirogymnatu
a été aussi approuvé et adopté parMM. Adam. Bertini,
ne Bcriol, Cramer, Herz, Kalkbreuner, Listz, Moschelèt
Pruamt, Siron, Thalberg, Tulou, Zimmermann, etc.
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OPERA DE F. HALEVY:
Ouverture.
N. 1. Cavatine chantée par M"' Stoltz.
2. Air de l'improvisateur, chanté par M. Barroillict.
3. Duo chant,é par M™» Stollz et M. Barroilhel.
4. Chanson de la Bouquetière, chantée par M"" Dorus-Gias.
5. Duo chanté par M""* Dorus-Gras et Sloltz.
C. Trio, par MM. Barroilhet, Levasseur et M"»» Dorus-Gras.
7. Couplets du baptême de la cloche, chantées par M"".Dorus
N. 8. Duo chante par M. Barroilhet et M"" Dorus-Gras.
9. Chansonnetic chantée par M'"" SloUz.
10. Duo ehanlé par il""" Stollz et Dorus-Gras.
11. Duo chanté par .M. Barroilhet et M"'« Sloltz.
11 tiis. Cavatine extraite, chantoe par M. Barroilhet.
11 1er. Romance extraite, chanlée par M"" Slollz.
lî. Trio chanté par MM. Levasseur, Barroilhet et M"'« Dorus.
1-3. Couplets chantés par M"" Slollz.
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PAR
GUICHARD
Ex-preniier vâoioei: cIeî 'lïiéàlE'« royal ttffilieu.
Piiix : lOfr., net.
LISZT.
i Marche héroïque dans le slyle hongrois.
1 Galop russe
■WOS.PF.
lia Bohémienne, grande Poll<a de salon 7 ^o
Sia Varsovienne, grande Mazurka 7 iQ
£,a Polka, grand morceau de salon 7 50
Sa tarentelle napolitaine 7 50
Se^xiiramide , grande fantaisie 10 •
Béatrice di Tenda, grande fantaisie. ........ 10 »
j .V grand orchestre. . îi
i Kl) partition ... 54
Gr.ANDE ODVF.nTURE C\n4LCTÉni5TIQUE
TAR
H" BERLIOZ.
('!&^ <!^T-)
rijuipiai.uà i mains, IJ
Pou! (tf'i!\ pianos. . 15
Imprimerie de tOURGOGNE et M.\fiTI>'ET, 30, rue Juob.
Pour Paris : uo an, 30 fr. ; six mois, 15 Er. — Annonces : 50 e. la ligne de 28 lettres — JDcpartentents : un an, 34 fr. Étranger, 38 fr.
GAZETTE MUSICALE
BÊDIGÉE riB
MM. ANDERS , G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, Henri BLANCHARD,
MAUnicE BOURGES, F. DANJOO, DL'ESBERG, FÉTIS père, Edouard FÉTIS, Stepber HEILER, J. JANDî,
G. KASTNER, LISZT, J. MEIFRED , Geobge SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
Paraiggattt loua les BitnaneheH»
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARM.
Le 1*' et le IS de chaqne mois on reeevra on morceau de mosiqae»
SOMMAIRE. Joseph Eaini (premier arliclcj; par J.-A. DE
. iAFAGE. — Matinées musicale! j par H. BLANCHARD. — Inaii-
guration de l'orgue de St-Eustacliî ; par STEPHEN aiORELOT.
— Galerie de la Gazelle musicale -. Compositeurs dramatiques mo-
dernes. — Nouvelles. — Annonces.
LA SÉRÉNADE MAURESQUE. Dessin de Gavarni.
jVous publions aujourd'hui pour 'SiTH. les Abonnés la
3° feuiUc de la Galerie de la Gazette musicale : Compo-
siteurs dramatiques modernes , contenant les portraits
de fum. Auber , Berlioz , Berton , Donizctti , Halévy,
iUcndelssoIin , Meyerbeer, Onsloiv, Rossini, Spontini.
AGn de ne pas froisser cette belle feuille , due au
cra J on de in. IHaurïn , et tirée sur grand-aigle , Iflitl. les
Abonnés ù l'année , de Paris , sont priés de la faire re-
tirer an bureau de la Gazette contre présentation de
leur quittance d'Abonnement ; jflll. les Abonnés de la
province la recevront par la diligence.
JOSEPH BAINI.
(Premier article.)
1 est une cérémonie pratiquée dans les églises ca-
tholiques trois fois chaque année aux Ténèbres des
jeudi, vendredi et samedi-saints, et qui, dans mon
enfance, faisait toujours sur moi une vive impres-
sion. Voici en quoi elle consiste : on place sur un
candélabre unique autant de ciergos qu'il y a de psaumes à
chanter dans la soirée, et l'on en éteint un à la fiu de chaque
psaume ; enfin, lorsqu'il ne reste plus que celui qui était placé
au sommet, on l'emporte derrière l'autel et l'on chante dans
l'obscurité le Miserere ou, dans d'autres rites, des prières
analogues qui terminent l'office.
Le souvenir de cette cérémonie m'est revenu à l'esprit en
apprenant la mort du savant et si respectable abbé Baini, di-
recteur de la chapelle Sixtine à Rome. Il était le dernier re-
présentant d'une école qui n'eut jamais d'élèves que dans la
capitale de la chrétienté , mais qui depuis Pierluigi de Pales-
trina, son immortel fondateur, avait compté un nombre infini
de maîtres dont la renommée ne sortait guère du pays qu'ils
habitaient, dont le mérite éminent n'était apprécié que d'un
petit nombre de connaisseurs , et dont les productions, dignes
d'un meilleur sort , ensevelies , oubliées , étaient finalement
détruites dans les archives des églises et des couvents aux-
quels ces modestes et laborieux artistes avaient consacré leurs
veilles. L'école napolitaine si longtemps parfaite de grâce et
d'aisance, de goût et d'expression, abondante en charmes de
tout genre, semblait avoir vaincu sa mère parce qu'elle lan-
çait ses heureux et brillants élèves dans la séduisante carrière
du théâtre, tandis que l'école roriiaine, grave et réfléchie,
inébranlablement attachée à ses anciens principes, imposait
tout d'abord h ses élèves son allure noble et posée, ses formes
sévères, sa majestueuse simplicité, les cenfermant dans l'en-
ceinte des églises et leur rappelant qu'il ne devait exister
pour eux d'autre musique que celle qui élève l'âme des fi-
dèles vers le Très-Haut , vers le grand artiste de l'éter-
nité.
Mais
On ne sut pas longtemps à Rome
Celle musique entretenir ;
elle dégénéra singulièrement pendant le xsilV siècle: cepen-
dant quelques musiciens fidèles au culte musical de leurs
pères conservèrent le feu sacré et transmirent les secrets
pour Tenlretenir. C'était entre les mains du pieux et savant
artiste sur lequel je vais offrir quelques renseignements que
devait s'éteindre le foyer antique et sacré, malgré les efforts
qu'il fit, plus que personne, pour lui rendre l'éclat dont il
avait brillé à une autre époque.
Joseph Baini naquit à Rome le 21 octobre 1775; sa fa-
BVREAUX D'ABONNEMENT, RUE RICHELIEU, 97.
22S
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
mille était originaire de Venise où son oncle, Laurent Baini,
s'était fait connaître avantageusement comme compositeur.
Joseph , ayant perdu sa mère de bonne heure , reçut sa pre-
mière éducation à l'hospice des Orphelins d'où, se destinant
à l'état ecclésiastique, il sortit pour entrer au seminario ro-
mano. Là il fit ses études de belles-lettres, de philosophie et
de théologie , s'attirant l'estime générale par son application ,
sa piété et même par la gravité de son caractère , dès lors
habituellement sérieux et réfléchi. Il étudiait en même temps
le plain-chant sous don Etienne Silveyra , prêtre portugais
fort habile en cette matière. Aux jours de sortie, l'unique
pensée du jeune Baini était de courir aux églises où l'on fai-
sait de la musique ; il aurait bien voulu que Silveyra lui ap-
prît à la lire , mais la règle du séminaire le défendait expres-
sément. Pour contenter ses désirs , il dut donc avoir recours
à d'autres moyens et ne chercher de ressources qu'en lui-
même. S'étant procuré quelques livres , il se mit à étudier
conjointement avec un de ses camarades qui parlageait son
goût musical et se sentait arrêté par les mêmes obstacles. A
force d'essais et de tâtonnements, ils parvinrent sans autre
guide que la connaissance du plain-chant à se rendre compte
des figures rhythmiques et à lire aisément toute espèce de
musique. Parmi les livres prêtés à Baini se trouvait de la mu-
sique de Palestrina ; l'onction de ces chants tout pleins de la
divine essence, le rapport d'un grand nombre de motifs avec
les mélodies grégoriennes, les artifices multipliés qui donnent
à ces emprunts la valeur de compositions originales frap-
pèrent vivement l'imagination du jeune séminariste; bientôt
il voulut savoir quel avait été le musicien dont les composi-
tions produisaient sur son âme des effets si puissants. De cette
époque datent ses recherches sur le grand homme à la gloire
duquel celle de Baini s'unira désormais comme ces élégantes
incrustations qui s'assortissent si bien avec les meubles dont
elles sont l'ornement, que' elles semblent enfaire partie.
Arrivé enfin au but qu'il se proposait , capable de lire la
musique sans difficulté et doué , au sortir de la mue , d'une
voix magnifique, Baini éprouvait un vif désir d'aller faire sa
partie dans quelqu'un de ces morceaux de Palestrina dont son
imagination se nourrissait depuis longtemps. L'occasion ne
tarda pas à se présenter; un jour que la chapelle Sixtine of-
ficiait dans une des églises de la ville , ainsi qu'il arrive assez
souvent, les chapelains-chantres devant toujours être pré-
sents quand le pape assiste , le jeune séminariste , alors âgé
de dix-huit ans , s'enhardit jusqu'à monter à la tribune; et se
plaçant en arrière, il se joignit hardiment à la partie de basse,
attaquant les entrées avec autant de franchise qu'aurait pu le
faire un lecteur consommé , et mariant sa belle voix à celles
des chapelains de la chapelle pontificale où l'on était alors de
la plus grande sévérité sur les admissions , les recrues ne se
faisant que parmi les voix les plus parfaites et souvent aussi
parmi les chanteurs les plus habiles de l'Italie. On ne man-
qua pas de complimenter Baini , de le questionner et de
prendre sur lui des informations; le résultat de l'enquête fut
de l'engager à se présenter lors de la prochaine vacance , et
de venir en attendant se joindre au collège des chantres toutes
les fois que bon lui semblerait. Une place s'étant trouvée dis-
ponible en 1794, il fut reçu au concours en qualité de ba-
ryton , car bien que, doué d'une puissante voix de basse qui
donnait aisément le mi bémol au-dessous de la portée de clef
de fa, il montait avec une semblable facilité au sol du ténor
sans que le volume vocal cessât d'être proportionné.
Baini acheva ses études de philosophie et de théologie au
séminaire romain , et fut ordonné prêtre aussitôt qu'il eut at-
teint l'âge fixé par les canons. Il s'adonna dès lors à l'étude
sérieuse du chant sous Xavier Biauchini , chantre pontifical,
et commença en 1802 celle de la composition sous Joseph
lanacconi, compositeur des plus instruits et des plus labo-
rieux , tout imbu des principes de l'ancienne école romaine
dont il avait profondément étudié toutes les ressources. On
sent quels progrès pouvait faire un élève tel que Baini ; aussi
lanacconi avait-il coutume de dire : « L'écolier en sait
plus que le maître. » Mais Baini n'acceptait aucunement un
tel éloge , et parvenu au plus haut degré parmi les composi-
teurs du style antique, il n'hésitait pas à dire et à imprimer
longtemps après la mort de lanacconi cette phrase aussi glo-
rieuse pour l'un que pour l'autre : « Je conserve plusieurs de
ses compositions, et plus je les examine, plus elles augmentent
en moi le sentiment de mon insuffisance. Je ne méritais pas
le bonheur de l'avoir pour maître... »
En 1804, Baini s'était déjà fait connaître par plusieurs
compositions dans le style palestrinien , le seul qu'il ait ja-
mais cultivé. Ces premiers travaux furent si bien accueil-
lis à Rome et excitèrent surtout parmi ses confrères les cha-
pelains-chantres une si vive admiration, qu'une des places de
directeur de la chapelle s'étant trouvée vacante, il y fut élu
d'un commun avis. Dès lors sa situation ne changea plus
jusqu'à sa mort, excepté pendant le temps où les papes furent
éloignés de Rome par le gouvernement français, époques
auxquelles il éprouva quelques embarras que la simplicité
de ses goûts et par conséquent la modicité de ses dépenses
lui firent peu sentir. On a imprimé « que Napoléon l'avait,
en 1810, nommé maître de la chapelle impériale, puis direc-
teur-général de la musique ecclésiastique de tout l'empire
français, emplois que Baini aurait refusés; que l'empereur
irrité avait dit alors en partant pour la Russie: A mon re-
tour de Pélersbourg , je veux que Baini soit à Paris, etc. »
Rien de moins exact que toutes ces as.sertions. Voici simple-
ment ce qui arriva : Napoléon s'étant brouillé avec le pape ,
parce que celui-ci paraissait se soucier peu de céder ses États
à un souverain qu'il se rappelait avoir couronné, il fallut s'oc-
cuper de la formation d'une église de l'empire français à la
tête de laquelle devaient être placés les cardinaux Fesch et
Maury. Le ministre des cultes , Bigot de Préameneu , fut
chargé du travail à faire; ce qui concernait la musique. devait
être préparé par Choix>n. Ge dernier fit à cet égard diverses
propositions et présenta Baini comme l'homme le plus propre
à mettre à la tête de la direction en quelque sorte matérielle
du chant ecclésiastique. Choron écrivit deux fois à Baini , mais
en son nom personnel , l'engageant simplement à se rendre à
Paris sous la promesse que le ministre l'indemniserait et lui
procurerait immédiatement mie position convenable. Baini ré-
pondit qu'il ne pouvait accepter, d'abord parce que son père,
vivant encore,ilneconvonaitpasqu'ils'éloignâtde lui ; ensuite
que son goût, sa santé et des arrangements particuliers lui
faisaient préférer le séjour de Rome ; il ajoutait même que de-
puis quelque temps il ne s'occupait plus de musique, c'est-
à-dire de composition. En effet , ce ne fut qu'après les événe-
ments de 1814 et le retour de Pie VII que Baini se remit à
écrire pour l'église. On perd naturellement le goût de com-
poser quand: on n'a plus l'occasion de faire exécuter ses pro-
ductions. A combien de cojnpositeurs cela n'est-il pas ar-
rivé !
Mais si Baini avait suspendu ses travaux en ce genre, il
n'avait pas cessé de s'occuper d'érudition musicale , et il s'en
occupa constamment jusqu'à sa mort, autantdu moins que sa
santé et les devoirs de sa profession le lui permirent.
En 1806 , il avait publié sa Lettre sur le motet à quatre
chœurs de l'abbé Marco Santucci, couronné à Lucques par
DE PARIS. 6
2'29
l'Académie napoléone comme travail d'un genre nouveau.
Il n'est que trop commua de voir les académies accorder
leurs récompenses de la manière la plus maladroite et même
la plus ridicule ; mais il était vraiment inouï et révoltant de
voir celle de Lucques signaler comme nouveaux les chœurs
quadruples , tandis que dès le xv siècle l'on trouve de la
musique à 8, 12, 16, 20, 2i, 36 et jusqu'à 48 parties divi-
sées en 2, 3 , 4, 5, 6 , 9, et 12 chœurs. Tel est l'objet de
cette lettre instructive qui indique un grand nombre de pro-
ductions en ce genre, et prouve même que Santucci en avait
eu connaissance.
En 1820, parut l'Essai de Baini sur l'identité des
rhythmes musical et poétique , ouvrage publié en réponse à
seize questions adressées sur ce sujet par Louis Bonaparte.
Quelques personnes peuvent savoir qu'une idée particulière de
l'ancien roi de Hollande fut de débarrasser les vers français
de la rime; il a publié lui-même un gros volume à cet effet
ainsi que des pièces nombreuses en vers blancs de différentes
mesures; il proposait de substituer à la rime une disposition
qui , en faisant reparaître constamment les syllabes fortes au
même rang, devait selon lui donner à la versification une
certaine cadence négligée dans l'usage ordinaire et compen-
ser suffisamment l'absence de la rime. Cette idée , depuis
longtemps mise en avant et rejetée, n'eut pas plus de succès
alors, mais elle a du moins eu l'avantage de faire naître trois
bons livres , savoir : Les vrais principes de la versification ,
par Scoppa, le Rapport sur cet ouvrage par Choron, et
l'Essai de Baini. Malgré l'érudition, l'ordre et la saine
critique qui régnent dans ce dernier, plus d'un point ne
semble pas suffisamment éclairci , et l'auteur est depuis con-
venu avec moi que pour traiter un tel sujet comme il l'au-
rait désiré, il lui eiit fallu plus de pratique de la langue fran-
çaise dont il pouvait lire assez couramment les écrivains, mais
qu'il ne parlait presque pas.
Ces opuscules et quelques aulres fragments furent le digne
prélude de ses Mémoires sur la vie et les ouvrages de Pales-
trina, donnés en 1829 (1). Là se déploya tout son mérite, là
il montra la plus vaste érudition , jetant une vive lumière sur
les questions obscures , tirant de l'oubli une foule de musi-
ciens distingués , expliquant mille difficultés par la présence
jusqu'alors inconnue de particularités théoriques ou prati-
ques qui n'avaient été aperçues de personne. Ce n'est pas
seulement dans les livres qu'il a puisé ; une foule d'archives
publiques ou privées ont été visitées par lui; il a découvert
des richesses que personne ne connaissait, et qu'il ne soup-
çonnait pas lui-même. Souvent il a dû faire des études spé-
ciales pour arriver à résoudre une difficulté secondaire ; rien
ne l'a effrayé, rien ne l'a rebuté. A l'occasion de Palestrina ,
il trace l'histoire de la musique pendant les premiers siècles
de l'Église ; il pénètre dans les ténèbres du moyen-âge ; enfin
l'on assiste avec lui au spectacle enchanteur de la renaissance,
en lisant la vie de l'illustre chef de l'école romaine , de ce
grand Palestrina , auquel Baini avait voué un véritable culte,
le considérant comme le musicien par excellence qui devait
seul être étudié; admiré et révéré. En élevant un monument
à la gloire de ce grand génie, il s'en est élevé un à lui-même,
monument qui ne périra pas , car les bases sur lesquelles il
repose sont solides comme la vérité.
J. -Adrien de La Fage.
{La suite au prochain numéro.)
(I) Le frontispice porte 1828, année où fut achevée l'impression
du premier volume.
iii,W'iPii® mwûË'ëA-&WÉ-m
Mme 3Parrenc. ■
Xie frère Charles et le Mont-Carmel. —
9f . Saint-Saëns.
ien que la fièvre , qu'on appelle la saison des
concerts, soit passée depuis longtemps, on peut
appliquer à ces exhibitions musicales cette lo-
cution populaire, hyperbohque et peu consé-
quente : quand il n'y en a plus , il y en a tou-
jours! Ces séances retardataires ont l'avantage de n'être pas
identiques en airs variés et fantaisies comme toutes celles qui
les ont précédées. Ce sont des essais plus artistiques , et par
conséquent plus intéressants, plus piquants par cela même
qu'ils sont exceptionnels. Et par exemple, la matinée musi-
cale donnée, il y a quelques jours, chez M. Erard par M""' Far-
renc , est un de ces concerts inattendus qui surprennent tou-
jours agréablement un auditoire, quelque bienveillant qu'il
soit. M™" Farrenc , comme on sait , comme nous l'avons dit
souvent, et comme elle en donne fréquemment de nouvelles
preuves, est un docteur en bonne et sévère musique , ce qui
ne l'empêche pas de payer tribut aux grâces, comme on di-
sait en style Pompadour,|et d'unir enfin l'inspiration mélodique
aux recherches neuves et ingénieuses de la science harmoni-
que. Non contente de marcher sur les traces de nos grands
maîtres dans la composition instrumentale , elle se reproduit
comme excellente pianiste dans la personne de M"' Victorine
Farrenc, sa fille, qui a dit deux études charmantes de sa
mère, et avec elle des variations militaires pour deux pianos,
de M. Pixis , qui ont fait le plus grand plaisir. La première
fantaisie de Thalberg sur Do7i Juan (œuvre 14) a offert à la
jeune artiste l'occasion de prouver que , quoique nourrie de
la musique de nos pianistes classiques , elle comprend et in-
terprète fort bien la musique moderne. Elle avait dit précé-
demment, et avec un aplomb de bonne musicienne et un pro-
fond sentiment du maître , l'allégro de la sonate en fa mineur
de Beethoven , œuvre 57.
Après un fort joli solo de hautbois sur la Part du Diable ,
délicieusement exécuté par M. Verroust , et la belle fantaisie
sur la Norma , dite sur le violon par M. Alard avec sa supé-
riorité accoutumée, les amateurs de bonne musique d'en-
semble ont applaudi le deuxième quintette de M°" Farrenc
dit de verve par MM. Alard , Croisilles , Chevillard , Gouffé et
l'auteur. Un beau trio inédit pour piano , violon et violon-
celle en mi bémol , également de M"" Farrenc , avait ouvert
la séance , et avait disposé au mieux la société nombreuse et
choisie qui était venue applaudir au beau talent de M"" Far-
renc et de sa fille.
— Les noms illustres et historiques , les mots sacrés de la
Palestine, de la Ïcrre-Sainte , du Mont-Carniel , de Jérusa-
lem et de Chateaubriand , de Lamartine et du tombeau sacré
retentissaient lundi passé dans la salle de l'Odéon. Il s'agissait
d'une tombola dont le produit doit servir à la réédification du
temple du Mont-Carmel , de ce couvent où Walter Scott nous
fait assister à une procession mystérieuse de charmantes re-
ligieuses, dans son beau roman de Richard en Palestine.
Qui n'a encore dans le souvenir ce tableau gracieux qu'offre
au lecteur Edith voilée de blanc comme toutes ses compa-
gnes, et laissant tomber aux pieds du chevalier Kenneth un
bouton de rose pour s'en faire reconnaître ?. . . Donc, pour en
revenir au tirage de la loterie du Mont-Carmel, ce jeu a
servi de prétexte à un concert qui avait réuni dans la salle
de l'Odéon le public le plus aristocrate qu'il soit possible
de désirer pour ceux qui désirent ce genre de public.
Ce n'étaient que comtesses , ducliesses et princesses , que
230
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
marquis et pairs ; on marchait sur les chevaliers et les barons.
Le frère Charles , agent provocateur de cette philanthropie
religieuse, a produit un très grand effet à son entrée sur la
scène en costume de son ordre : on l'a presque applaudi. Les
dames patronnesses ont ensuite pris place , et le concert a
commencé. Les choristes de l'Odéon ont chanté en faveur
du culte catholique le beau chœur à Bacchus de Mendelssohn.
M. Charles Dumas , le frère du poêle, a dit deux morceaux
de Donizetti avec une voix fraîche et flexible; M"" Recio s'est
fait applaudir à trois salves dans la romance du Corsaire ; Mo-
relli et Nicoli, jeune ténor de grande espérance , et M. An-
toine de Kontski , le vigoureux et brillant pianiste qu'on rencon-
tre partout où il y a une bonne action à faire, ont à leur tour
charmé l'auditoire, que les trois Espagnols Ojeda, Caceres et
1VI°" Lozano ont électrisé par leur trio sur l'air de la cachucha,
applaudi déjà au théâtre Italien. Enfin la cantate finale sur
le Mont-Carmel, dont les paroles ont été écrites par M. Emile
Deschamps sur l'air populaire du Masaniello de Carafa , a
obtenu les honneurs du bis. Cette cantate a été chantée avec
un esprit et un charme infinis par M"" Recio. Les progrès de
cette jeune cantatrice sont sensibles, et font regretter qu'on
l'entende si rarement. Par ce concert, sa réputation ira jus-
qu'en Terre-Sainte , ainsi que celle de tous les artistes de ta-
lent qui ont joué, chanté, dessiné, écrit, sculpté pour le
Mont-Carmel.
— M. Saint-Saëns, dont le nom se prononce comme celui
d'un billet de banque représentant la moitié de mille francs,
est un artiste de huit ans qui a commencé à jouer du piano à
trente mois : historique.
Nous avons, avec quelques bons esprits, lancé plus d'une
fois les foudres de la critique et d'une indignation philan-
thropique sur les personnes qui produisent dans le monde
musical des enfants précoces, prodiges, et voués forcément à
toutes les éventualités et les fatigues d'une célébrité future :
il est cerlain que ces Mozarts en herbe excitent une sorte d'ad-
miration mêlée de commisération. Ce sont de jeunes plantes
étiolées par le soleil ardent de la civilisation, qui n'ont que ]c
parfum d'une science fernientée et trop hâtive , et qui trop
souvent ne sont que des perroquets ou des marionnettes mu-
sicales. Il est juste de reconnaître cependant que le jeune
pianiste dont nous venons de parler fait une heureuse excep-
tion parmi ces enfants déplorablement merveilleux qui don-
nent déjà des concerts à l'âge de trois mois, comme Gavarni
nous l'a si spirituellement fait voir il y en a bientôt six dans
le troisième numéro de la Gazette musicale de cette année. Le
jeune Sainl-Saëns est évidemment né pour jouer du piano.
Nourri des œuvres de Sébastien Bach, de Haendel, de Mozart,
il sait par cœur la musique de ces illustres maîtres de l'art.
Dans la matinée musicale qu'il a donnée , mercredi dernier,
sous les auspices de son professeur , M. Stamaty, il a com-
mencé par se délier les doigts en jouant la première partie du
second concerto en la bémol majeur par Field, morceau
d'un style élégant et d'un caractère gracieux ; puis est venue
la sonate en m mineur de Mozart pour piano seul ; puis des
préludes et des fugues de Bach et de Haendel; et enfin un
concerto de Mozart avec accompagnement d'orchestre. Tout
cela a été dit par le jeune artiste en artiste expérimenté. Si
la force physique lui manque pour attaquer et faire vibrer les
cordes basses, par compensation il chante avec beaucoup de
grâce, et en musicien qui sent bien ce qu'il dit. Ses légères al-
térations du rhythme et de la mesure sont toujours heureuses
et résultent du bon sentiment musical qui est inné en lui. Son
jeu est net et suffisamment ferme ; si son trille est un peu
mou, il le perfectionnera par l'étude de cette partie de l'art de
jouer du piano qui donne tant de brio à l'exécution. Ses pe-
tites mains sont bien placées sur le clavier , il y a de l'égalité
dans ses sons et de l'expression sans manière dans son jeu.
Et maintenant, mon petit ami, avec tous ces avantages na-
turels et développés par l'habile professeur que vous avez ,
n'allez pas vous croire un Thalbeig. Laissez-vous choyer, em-
brasser , caresser par de jolies dames ; mais ne croyez pas le
public, quel qu'il soit , trop heureux de vous entendre et de
vous applaudir, car vous vous feriez ranger tout d'abord, ou
plus tard , dans la catégorie des petites ou des grandes ma-
rionnettes artistiques que la mode brise d'un coup de sa ma-
rotte, et qui retombent dans la nulhté sociale dont elles
auraient mieux fait de ne jamais sortir. Tels sont les conseils
que nous croyons devoir donner à ce jeune et intéressant
artiste dont, au reste , et d'après ce qu'elle nous a dit, le
sens droit et l'intelligence éclairée de sa mère sauront faire
profit.
Henri Blanchard.
êeavix-2.vt$.
E L'ORGUE DE SAINT-EUSTACHE,
MARDI, 18 JUIN.
^/^^ a solennité inaccoutumée qui rassemblait, le
m^ï^ 18 juin dernier, dans l'église de Saint-Eusta-
Tf'^fA '^^ 1 "" public nombreux et empressé , est un
/,y.. j^.j. ^^^. jijj^j.gggg ^j,Qp ]'3j.{ musical dans une de
ses branches les plus élevées, pour ne laisser
aucune trace dans un recueil qui en a toujours soutenu les
intérêts. Chargé d'entretenir pendant quelques instants les
lecteurs de la Gazette musicale de nos souvenirs et de nos
impressions, nous éprouvons quelque embarras à le faire
d'une manière qui ne soit point à charge à un public généra-
lement étranger aux spécialités de la matière , en même temps
qu'elle satisfasse aux conditions d'un compte-rendu exact et
consciencieux. Que cet aveu soit notre excuse, si la séance
de Saint-Euslache ne paraît pas aussi intéressante d;fns nos
colonnes, qu'elle a pu l'être en réalité pour plusieurs de nos
lecteurs.
Nous ne croyons pas que jamais orgue ait été inauguré
d'une manière plus solennelle : publicité extraordinaire, con-
cours nombreux d'artistes , présence d'un virtuose renommé
que l'on fait venir ad hoc du fond de l'Allemagne , exécution
de musique vocale et de chants analogues à la circonstance ,
rien n'a manqué pour en relever l'éclat, disons mieux, pour
rendre le succès difficile , si la confiance des facteurs dans
leur œuvre n'avait pas dû être , en définitive , pleinement ra-
tifiée par l'opinion publique. Ceci soit dit en passant pour
l'édification de ceux qui voudraient à l'avenir se risquer aux
chances d'une épreuve solennelle.
Renfermée, par la force même des choses , dans l'enceinte
d'une église, la solennité n'en avait pas moins un caractère
purement artistique. Un tact prudent commandait cette ré-
serve , et nous ne pouvons qu'y applaudir. Nous regrettons
néanmoins qu'une bénédiction spéciale n'ait pas été donnée
à l'orgue nouveau , ainsi que le pratiquent plusieurs églises
du midi, fidèles à l'esprit (Je l'Église universelle qui sépare
ainsi de l'usage commun chacun des objets employés à son
culte.
Nous n'avons d'ailleurs que des éloges à donner au goût
judicieux et éclairé qui a présidé à l'organisation de cette
séance. L'idée d'interrompre la longue série des pièces d'or-
DE PARIS.
231
gue par des morceaux de musique religieuse , généralement
bien choisis, el parfaitement exécutés, est une de celles qui
frappent par leur opportunité , et dont il faut rapporter l'hon-
neur à M. Danjou. On sait d'ailleurs la part qui revient à cet
artiste dans le mérite de l'orgue de Saint- Eustache, recon-
struit sous son intelligente direction.
Mais disons tout d'abord un mot de cet orgue qui , trans-
féré de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés , dont il porte
encore les glorieux insignes , dans l'église de Saint-Eustache,
dont il est devenu la propriété, vient en ce moment d'être
refait par les soins de la maison Daublaine-Calliuet , et enrichi
de tous les perfectionnements de la facture moderne. Ses
jeux, au nombre d'environ quatre-vingts, dont plusieurs n'ont
encore figuré dans aucun orgue; ses six claviers, dont deux
de Tpédales ; ses accouplements , qui en décuplent facultati-
vement la puissance ; et enfin le mécanisme ingénieux dû h
M. Barker, qui , malgré tant de complication , en rend le tact
plus léger que celui d'un piano , en font un instrument de
premier ordre , qui dépasse, par ses proportions inusitées,
la plupart des travaux exécutés jusqu'à ce jour, et qui, s'il
peut encore rencontrer des rivaux, n'en figurera pas moins
avec honneur au milieu de tout ce que la France et l'étran-
ger ont produit de considérable en ces derniers temps. La
riche variété de cet orgue, la pureté de ses sons, la puissance
de ses grandes masses, sont choses déjà appréciées, et qui le
seront encore davantage ; aussi nous abstiendrons-nous d'en
parler plus ionguemenl. Félicitons pourtant spécialement les
facteurs du beau caractère de sonorité qu'ils ont su donner
aux jeiix d'anches, que leur orgue renferme en si grande
abondance, et que notre ancienne facture française avait déjà
portés à un si haut point de perfection. Félicitons-les encore
et surtout du développement considérable qu'ils ont donné à
la partie des jeux de fond, trop négligée dans notre pays, et
pour laquelle ils ont dignement rivalisé avec ce que l'Alle-
magne peut offrir de plus riche en ce genre. Enfin n'oublions
pas dans nos éloges ce qui leur appartient en propre et par
voie d'initiative dans ce grand nombre de jeux de détail ,
source de variété piquante et inespérée.
Les artistes convoqués à cette solennité ont su faire ressor-
tir avec beaucoup de goût et de talent toutes les ressources
de l'instrument qu'ils avaient sous la main. Le jeu élégant et
facile de MM. Lefébure-Wely et Fessy a rencontré dans l'au-
ditoire ses sympathies accoutumées. Depuis longtemps ce
genre de mérite est devenu propre à notre école française ,
surtout depuis qu'elle a cessé d'être visitée par des hommes
tels que les Couperin et les Rameau. La grâce flatteuse des
détails , la distinction des motifs , la variété des effets forment
le caractère de celte école , qui paraît dédaigner les graves
combinaisons de la science. Heureusement pour les véritables
traditions du style de l'orgue, cette tendance a toujours ren-
contré des contradicteurs, bien que ce soit un rôle difficile
et généralement peu applaudi que celui des hommes qui ré-
sistent au torrent du goût dominant. Nous devons donc
rendre un hommage particuUer à M. Boély pour la persévé-
rance avec laquelle, délaissant les sentiers de la foule, il a su
se tenir, sans jamais dévier, sur les traces de l'école repré-
sentée en France par Couperin , et en Allemagne par J.-S.
Bach. La fugue d'Albrechtsberger que M. Boély nous a fait en-
tendre, appartient à ce grand style dont il cultive les traditions
dans le secret de sa modestie qui se trahit trop rarement pour
le public.
Une autre fugue, conduite avec beaucoup d'intérêt et de
clarté , a révélé au public l'immense talent de M. Benoit ,
professeur au Conservatoire, et ancien organiste de la cha-
pelle royale. En écoutant les deux morceaux que cet artiste a
exécutés, et qui se faisaient remarquer par une grande pureté
de style et une rare distinction de formes , nous avons re-
gretté vivement qu'un talent si bien fait pour l'église n'y ait
pris jusqu'ici aucune place. Les organistes de la force de
M. Benoit sont-ils donc si communs parmi nous qu'un artiste
de ce talent puisse, sans préjudice pour l'art, restreindre une
si belle spécialité aux limites du professoral ? Et ce professorat
lui-même ne gagnerait-il pas à se produire au grand jour en
se mettant en rapport avec la pratique liturgique , au lieu de
régner confiné dans l'enceinte sans échos d'une école offi-
cielle?
Si ce compte-rendu ne devait pas avoir des bornes res-
treintes, ce serait le cas de faire ressortir ici la différence de
style qui apparaît dans les deux classes d'artistes dont nous
avons parlé , c'est-à-dire ceux qui cherchent l'effet dans les
diverses combinaisons de l'instrument et ceux qui le placent
dans l'intérêt de la composition elle-même. Nous dirons bien-
tôt quel parti M. Hesse a su prendre entre ces deux sys-
tèmes; mais auparavant, si le temps nous l'eût permis, nous
aurions essayé de caractériser la théorie des effets dans l'orgue
en recherchant jusqu'à quel point il est permis de s'aban-
donner à cette tendance qui envahit aujourd'hui l'art musi-
cal tout entier, la tendance à user de contrastes extraordi-
naires que les développements nouveaux de la facture
instrumentale ont mis au service des compositeurs ; nous au-
rions recherché aussi jusqu'à quel point cette tendance est
conciliable avec la spécialité liturgique, considération im-
portante qui doit , selon nous , dominer toute cette question.
Il est pourtant un de ces effets que la facture moderne
prodigue depuis quelque temps avec trop de persévérance et
qui frappe trop vivement le public par sa nouveauté pour que
nous ne devions pas le toucher plus particulièrement ; nous
voulons parler de la tentative de rendre l'orgue expressif au
moyen d'une ja/oH^îc qui s'ouvre et se ferme à volonté. Di-
sons d'abord quelles ressources réelles ce mécanisme ingé-
nieux a apportées dans les combinaisons générales de l'orgue.
Il est incontestable que, par le caractère d'éloignement qu'il
donne à certains jeux, tout en leur permettant de recouvrer
tout leur éclat , il accroît notablement la somme de variété
dont l'orgue est susceptible. Comme il nous est interdit d'en-
trer dans l'exanien détaillé de ces effets , nous en appelons
aux souvenirs de la séance de mardi. lAlais c'est là toute l'im-
portance que nous pouvons attribuer à cette innovation, puis-
qu'au lieu de l'expression qu'on lui attribue elle ne produit
d'autre effet que celui d'un bâillement; comme si l'expres-
sion , qui procède du sentiment, pouvait jamais être le résul-
tat d'un mécanisme plus ou moins perfectionné, toujours
étranger à la nature intime de l'instrument auquel on l'ap-
plique.
L'événement de la séance a été l'apparition que l'école al-
lemande y a faite en la personne de M. Hesse , organiste de
Breslau. Cet héritier des traditions de l'école de Bach , dont
il a joué avec tant de verve la fameuse toccate en fa , brille,
comme exécutant, par l'habileté avec laquelle il traite la par-
tie de pédale , que l'on a regardée si longtemps chez nous
comme un accessoire sans importance. La difficulté vaincue
n'est pas ce qui se fait remarquer le plus dans ce talent si
rare de faire des pieds comme une troisième main au service
de l'organiste ; elle se cache presque entièrement derrière le
goût avec lequel M. Hesse en sait user. Les effets que l'on
obtient, par le mélange de sonorités diverses, paraissent ne le
préoccuper que d'une manière secondaire , el cependant il
est loin de se priver de ce genre de ressources , ainsi qu'il l'a
232
EEVUE ET GAZETTE MUSICALE
prouvé dans plusieurs de ses morceaux , entr'autres dans ses
Variations , genre de musique dont on a fort abusé et qui
apparaît ici avec le genre d'intérêt que les anciens composi-
teurs lui avaient donné. En général, ce qui domine dans l'é-
cole représentée par M. Hesse, c'est l'intrigue harmonique se
déroulant dans l'unité de la pensée, Et poussée même jusqu'à
l'abus lorsqu'elle n'est pas contenue par un goût aussi pur
que celui de cet artiste. On pourrait, au contraire, repro-
cher à nos organistes l'intérêt exclusif qu'ils donnent à une
seule partie sans y faire presque jamais participer les autres.
Il ne faudrait point s'excuser ici par le besoin dominant de
la mélodie et de la clarté de l'harmonie , car nous ne voyons
pas que ces deux principes si essentiels aient reçu aucune at-
teinte dans les compositions des grands organistes allemands.
On trouverait difficilement une cantilène plus suave et en
même temps plus dépourvue de ces formules banales dans
lesquelles le goût qui règne presque exclusivement cliez nous
pour les productions du théâtre , semble faire consister la
plus grande beauté du chant. S'il faut attribuer une part de
ce mérite à la nationalité qui imprime son cachet sur les
œuvres d'art , on ne doit pas moins y reconnaître la pensée
d'une séparation intelligente qui assigne à chaque genre ses
limites au lieu de les laisser se confondre dans un monstrueux
amalgame. Pour l'orgue en particuher, rien ne serait plus
désastreux qu'un tel système d'assimilation. Là , en effet , où
l'accent passionné n'a point de place, toute formule de chant
qui ne reçoit de vie que par le souffle de la passion n'est plus
qu'un lieu commun et , qui pis est, une inconvenauce.
L'école allemande, si peu connue parmi nous, et qui nous
envoie un si digne interprète , paraît avoir atteint à une per-
fection qui sera difficilement dépassée. Est-ce à dire que rien
ne reste plus à faire? Nous sommes fort éloigné de le croire.
S'il ne faut plus espérer de donner aux grandes formes scien-
tifiques, exclusivement cultivées par les anciens maîtres,
l'éclat merveilleux qu'elles ont reçu des Bach , des Haendel ,
le style plus mélodique dont nous trouvons de si ravissants
modèles dans un autre ordre de compositions est loin d'avoir
produit tout ce qu'on est en droit de désirer. Nous devons
reconnaître que M. Hesse est , sous ce rapport, dans une voie
de progrès , puisque , sans répudier les traditions du style
fugué , il a su créer, dans un autre genre, des compositions
pleines de largeur et de sentiment mélodique , travaillées
néanmoins avec l'ingénieuse subtilité d'un talent exercé à la
forte gymnastique du contrepoint. Il suffit de citer pour
preuve le trio exécuté par M. Hesse dans la première moitié
de la séance.
Un autre progrès bien plus désirable , et qui se fait encore
attendre , est celui qui rattacherait plus étroitement l'orgue
au culte dont il est un si bel ornement. L'Allemagne est restée
en arrière sous ce rapport , au moins en ce qui concerne le
culte catholique ; et les causes en sont faciles à reconnaître ,
si l'on cherche dans quel bercail ont vécu les grands artistes
qui élevèrent si haut , au point de vue de l'art , la spécialité
de l'orgue. L'esprit éminemment pratique de notre nation ne
fera point défaut à cette tâche , aussitôt qu'elle lui sera mon-
trée; nous l'espérons du moins, en présence des symptômes
si consolants de renaissance de l'art religieux qui se mani-
festent. Mais il ne faut pas perdre de vue que les éléments de
tout progrès doivent être puisés dans les faits déjà accomplis.
En conséquence, la liturgie doit rompre forcément avec tout
un ordre d'inspiration purement capricieuse et mondaine,
pour se rattacher aux habitua s sérieuses et aux chastes con-
ceptions d'un art dont les mod :es n'ont pas manqué jusqu'ici.
A ces conditions seulement , l'école française peut ajouter à
ses titres de gloire une couronne qu'elle ne paraît point avoir
encore obtenue.
Stephen MOREtOT.
GALERIE DE LA GAZETTE MUSICALE.
N" 3,
Compositeurs dramaliques moderaes.
Les voilà tous ces grands musiciens , ces illustres artistes
que le monde entier connaît par leur nom, par leurs œuvres,
par leurs succès! Les voilà réunis en un même cadre afin que
chacun puisse les contempler à loisir, les comparer entre eux,
et rechercher dans l'expression de leur visage le caractère de
leurs inspirations.
Les voilà tous , comme en un congrès , comme en un Pan-
théon , et avec eux voilà la musique moderne représentée
sous toutes ses faces ; l'opéra sérieux , l'opéra-comique , la
symphonie , le quintetto , le quatuor !
Hélas ! la mort a été plus prompte que le crayon du dessi-
nateur ! Avant que la planche ne fût terminée, l'une de ces
dix puissances a été frappée, suivant la loi du temps, dans
son existence passagère. Berton est allé s'asseoir à côté de
Cherubini, deBoïeldieu, dePaër, de Méhul et dotant d'au-
tres que notre siècle a vus briller et s'éteindre.
Mais les neuf autres sont là, et suffiraient à la gloire comme
au plaisir de plusieurs siècles :Spontini, Meyerbeer, Rossini,
Halévy, Auber, Onslow, Berhoz , Donizetti, Mendelssohn!
quelle pléiade de talents ! quelle variété de genres , et chez
ceux même qui ont le plus produit , quelles richesses encore
non exploitées ! Chez les plus jeunes , quel avenir , quel es-
poir !
Notre galerie s'achève et se complète peu à peu. Nous
avons déjà donné en deux tableaux les portraits des grands
violonistes et des grands pianistes de notre époque ; dans
l'ordre hiérarchique, ceux des compositeurs auraient dû ou-
vrir la marche , mais ils n'ont rien perdu pour attendre. Le
génie créateur reprend sa place de lui-même : dès que les
qualités sont connues , .il passe partout et toujours le pre-
mier.
LA SERENADE MAURESQUE.
S>essin de Gavarnî.
Ceci vous représente une chose dont vous avez beaucoup
entendu parler, et que peut-être vous n'avez jamais vue. Pour
mon compte j'avoue qu'un amoureux chantant sous les fe-
nêtres de sa belle me paraît un être aussi chimérique, aussi
fabuleux qu'un berger du Lignon en habit de soie , gardant
ses moutons avec une houlette ornée de ruhans couleur de
rose. Nous sommes galants , nous autres Français , mais nous
ne sommes amoureux ni comme des Espagnols ni comme
des Turcs. Le Turc , ou plutôt le Maure , dont Gavarni a
dessiné les traits, soupire et chante langoureusement pour une
belle Castillane, et, si vous le permettez, j'ajouterai que sa
chanson plaintive a été notée par Kûcken , l'Amédée Beau-
plan , Loisa Puget ( moins le sexe ) de l'Allemagne. Ainsi
donc il y a dans la sérénade mauresque de quoi satisfaire à
la fois vos yeux , vos oreilles et votre cœur.
DE PARIS.
232
UOITTSIalaSS.
*,* Demain lundi, à l'Opéra, le Comte Onj, suivi de Lady Hen-
riette.
V La représentation au bénéfice de M"' Taglioni a produit une
somme de 21,000 fr. Jamais la célèbre danseuse ne s'était montrée
plus charmante et plus infatigable que dans cette soirée d'adieu, qui
s'est terminée par un déluge de fleurs.
*." Une indisposition de Barroilhet a empêché la reprise de Don
7Ha)î,qui devait avoir lieu cette semaine, et qui maintenant se
trouve ajournée d'un mois environ par le congé de l'artiste. C'est à
Caen que Barroilhet se rend d'abord.
",* Duprez va prendre quinze jours de congé , pendant lesquels
il paraît ne devoir songer qu'au repos.
*," M""^ Dorus-Gras prendra le mois de congé qui lui reste à par-
tir du 1" septembre prochain.
",* Poultier doit jouer deux fois, d'ici au 2.S de ce mois, le rôle de
Robert-le-DIable dans lequel il s'est essayé à Rouen avec succès.
",* Les répétitions d'O^AeHo sont suspendues. La première nou-
veauté qui doit apparaître, c'est le ballet de Calypso, dont le titre se
transformera peut-être en celui ù'Eitcharis.
** Les répétitions de Richard en Palestine ne recommenceront
que le mois prochain.
V La Cour royale, dans son audience du 27 juin dernier, a con-
firmé le jugement de première instance rendu au profit de M. Dau-
bigny, l'un des auteurs de la Pie voleuse , contre le directeur du
Théâtre-Italien.
*," Rien de nouveau à l'Opéra-Comique , si ce n'est le départ de
Roger, qui va profiter d'un congé de deux mois ; et le retour de
M"" Anna Thillon, qui a reparu dans Cmjliostro.
V On annonce que la santé d'Henri s'est rapidement améliorée.
*," Voici les noms des jeunes nmsiciens admis par l'Académie des
beaux-arts à concourir pour les grands prix de composition musicale:
MM. Massé , élève d'Halévy et de Zimmerman ; Duvernoy, élève
d'Halévy ; Gau thier , élève du même maître ; Laurent , élève de Ca-
rafa; Renaud de WillbacU, élève d'Halévy; Martins, élève de Ca-
rafa. M. Renaud de Willback est aveugle de naissance, et n'a re-
couvré que jusqu'à un certain point l'organe de la vue. L'hiver der-
nier, on a exécuté chez Pleyel des fragments d'un opéra de sa
composition.
*," Les deux journées du grand festival des Champs-Elysées sont
décidément fixées aux jeudi, l"août, et dimanche, 4. Tous les
principaux artistes des théâtres lyriques se sont empressés de se
faire inscrire pour chanter dans les chœurs. Ce sera bien certaine-
ment la plus magnifique solennité musicale qui ait jamais eu lieu.
*,* Le petit pianiste Angelo Russo a donné avec succès des con-
cerls à Postdam et à Breslavv.
%" Le célèbre Louis Spohr est à Paris depuis quelques jours.
*,' M. Sudre , inventeur de la téléphonie, est parti, par ordre du
ministre de la guerre, pour le camp de la Moselle, où il va former
des clairons, et instruire des officiers d'état-niajor à la pratique de
sa méthode.
%* Un de nos violoncellistes distingués , M. F. Battanchon , à
peine de retour de son brillant voyage dans l'Ouest, s'éloigne encore
de Paris pour quelques mois. Il se propose de donner à Dieppe, aji
Havre , à Boulogne et dans les villes voisines plusieurs concerts où
l'attend sans doute un succès égal à celui que lui ont déjà valu à
Cherbourg , à Piennes , à Lorient son talent d'exécution et des com-
positions aussi gracieuses que son boléro , ses ^irs bretons et sa fan-
taisie sur de jolies romances de Goullé.
*." Les affaires des théàtr«s de Lyon ne sont rien moins que satis-
faisantes. Le public n'ayant aucune sympathie pour la direction, ne
se rend au spectacle que pour siffler, et s'en acquitteavec une persé-
vérance qui fait concevoir de graves inquiétudes. Ce qui est très
fâcheux en cette circonstance , c'est que des artistes d'un mérite re-
connu nesont pas plus épargnés que les autres. Il est question delà
résiliation de plusieurs des premiers sujets.
V L'invention de W. Isoard dont M. Herz vient de faire l'appli-
cation à SCS pianos, et- qui cnnsisle dans la prolongation des vibra-
lions par l'action du vent, n'est pas, comme on le croit généralement,
une découverte entièrement neuv«. Jean-Jacques Schell, facteur de
clavecins, établi à Paris en 1777, y inventa un instrument nommé
j4n émocorde, dans lequel les louches ouvraient des soupapes qui
donnaient passage au vent d'une soufflerie pour faire résonner les
cordes. La cour lui accorda des récompenses pour celte invention, qui
fit assez de bruit à celle époque. U se peut que M. Isoard n'ait pas
eu connaissance de V^némocorde, et que pour lui ce soit réelle-
ment une invention ; mais l'histoire est inflexible et doit révéler de
tels faits.
*,* On vient de publier l'exposé des principes historiques de la
musique de M. Bergerel , ouvrage adopté par la Société royale pour
l'instruction élémentaire pour être donné en prix dans les écoles de
Paris.
*«" Moriani, le célèbre chanteur, vient de débuter au théâtre royal
de Londres dans la Liicia di Lammermoor avec un immense succès.
Le directeur l'a dit-on engagé tout de suite pour l'année prochaine, il
doit chanter pendant cette saison encore dans Belisario , Anna Bo-
lena et Norma.
'' M"« Sabine Heinefetter se trouve en ce moment à Wiesbade,
où elle vient de débuter avec succès au théâtre de celte ville dans le
rôle de Lucrèce Borgia.
%" Lors de la dernière représentation del'Opéra-Ilalien, à Berlin,
comme allait s'achever le troisième acte des Montecchie Capu-
leii, le ténor, placé à côté du cercueil de sa chère Juliette , chanta
sa tirade et attenJitque sa bicn-aimée se relevât pour chanter à son
tour son grand air de mort. Point de réponse. Juliette ne remue pas.
Le ténor répète sa phrase et se penche doucement à l'oreille de Ju-
liette en lui disant : « Levez-vous, M"'= Kaiser. « Alors le ténor fait
signe à un homme de la coulisse, on appelle le directeur, on craint
un malheur, et le public est sur les charbons. Le directeur arrive ;
un ronflement sorti des profondeurs du cercueil annonce au public
que M"" Kaiser était endormie d'un profond sommeil. Le public
partit d'un éclat de rire inextinguible, la toile tomba et tout fut dit.
V La Société allemande sous la direction de MM. Schmidt et
Ramberger a donné des représentations à Genève, Chambéry et
Grenoble. Dans le courant de juillet et d'août, elle viendra à Mar-
seille pour y faire entendre les principaux chefs-d'œuvre de l'opéra
allemand.
*,■" M"= (le Dietz, pianiste de la reine de Bavière , a été appelée
dernièrement au château par la reine d'Angleterre, et elle a joué
avec une grande supériorité plusieurs morceaux qui ont été unani-
mement applaudis.
*»" Une grande soiréo musicale a été donnée le 3 juillet à Buc-
kingham-Palace. S. M. la reine Victoria et S. A. R. le prince Albert
en ont eux-mêmes composé le programme. Salvi , le célèbre ténor,
de retour à Londres, après de nombreux triomphes dans les provin-
ces, y a figuré en première ligne.
*,* Lyon. — M. Lacombe a donné avec un succès complet deux con-
certs très brillants, le second au bénéfice des incendiés des Brotteaux.
Le prix des [jlaces n'avait pas été fixé, dans l'espoir que chacun, mù
par un sentiment de charité, paierait largement sa place. Malheu-
sement il n'en fut rien, car il y avait plus de neuf cents personnes
dans la salle, et la recette s'est élevée à peine à sept cents francs. En
revanche on a beaucoup applaudi le beau talent de M. Lacombe au-
tant comme exécutant que comme compositeur.
*,* Bordeaux , 27 juin. — Sans le bon vouloir de notre adminis-
tration municipale, nous eussions été longtemps privés de tout spec-
tacle. La ville a autorisé les artistes à se réunir et à donner des
reprrsrntations au ihéâlre des Variétés; le ballet, la comédie, le
vaudc-. ille et le drame peuvent se montrer. Une subvention jour-
nalière de la ville est attribuée à ce théâtre, en sorte que les artistes
travaillant pour eux-mêmes ont intérêt à bien composer et bien
jouer les spectacles. Hier a eu lieu au Grand-Théâtre une représen-
tation promise par JL le maire au bénéfice de MM. et M"" des
chœurs. Cette représentation , dont le but était de secourir tous les
malheureux artistes que la faillite du directeur a jetés dans la mi-
sère, a été grande et solennelle. Aucun de ceux auxquels les béné-
ficiaires se sont adressés n'a voulu faire défaut à une si noble tâche.
Nous en étions sûrs d'avance. MM. Saint-Denis, Duprat, Châtcaufort,
jlmes Hébert et Widemann, M"= Martin, jeune et habile pianiste,
élève de Zimmerman, que Bordeaux possède en ce moment, Mézeray
et;] son ancien orchestre, tous ont voulu concourir à soulager beau-
coup d'infortunes, et nous avons appris de source cfcrtaine que le
public avait compris l'appel qui lui était fait.
** Marseille, 2S juin. — L'apparition de Dom Sébastien, de
MM. Scribe et Donizetti, a mis fin aux sifflets qui , depuis quelque
temps , ternissaient nos représentations dramatiques. Les méeon-
234
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
lents ont été désarmés; et, il faut en convenir, le grand ouvrage ,
promis depuis l'an dernier, a été monté avec un soin digne d'é-
loges. Godinlio et M"" Morcl-Scolt se sont particulièrement distin-
gués dans les deux rôles prinripaui. L'orchestre et les chœurs ont
fait merveille.
V Toulouse. — La troupe italienne vient de quitter celle ville;
c'est décidément par la Juive que l'opéra français commencera ses
représentations.
"," Lille. — L'association lilloise a donné une grande séance mu-
sicale; on a exéLUté le scherzo et le rondo d'une symphonie de
Watlier, de Lille. L'orchestre était faible ; il y avait plus de vigueur
et d'ensemble dans les Souvenirs de Mazagran, de M. Lavainne, qui
ont obtenu un éclatant succès. Les honneurs du concert ont été pour
un jeune violoniste, M. A. Moeser, qui a joué en maître un concerto
inédit de Bcriot.
Clai'Oiiiqvae étriuigère.
♦," Cologne. — Le célèbre pianiste Dreyschock vient de partir
pour Bonn après avoir donné ici un magnifique concert, qui a
produit une somme considérable destinée à l'achèvement de la ca-
thédrale de cette ville. Dreyschock s'est fait eniendre deux fois à
Bonn, une fois à son bénéfice, et en dernier lieu afin de venir en aide
aux malheureux habitants de Medebach , village incendié récem-
ment. Ces deux concerts ont excité un enthousiasme difficile à dé-
crire: le second a produit net une somme de 1,500 francs. Après cette
soirée , les personnes notables de la ville ont offert au généreux ar-
tiste un magnifique banquet pour lui témoigner leur reconnaissance.
Dreyschock, après avoir reçu une sérénade vocale, offerte et exécu-
tée par des étudiants au nombre de quatre cents , est retourné à Co-
logne, d'où il est reparti pour Prague, après avoir donné un nouveau
concert, afin de se reposer auprès de sa famille de toutes les fatigues
qu'il a essuyées.
• * Cologne. — Un nouveau journal de musique sera publié ici
incessamment. Il aura pour litre : Organe musical des provinces
rhénanes et de la Westphalie.
*,* Hambourg. — M. Richard Wagner, maître de chapelle à Dresde,
est venu ici pour diriger l'exécution de son opéra: Carlo Rienzi.
L'orchestre se trouvant trop faible pour les foriissimi , dût élre aug-
menté ainsi que les chœurs; de plus, M. Wagner appela la mu^ique
delà garnison àson aide. Carlo liienziesl une partiliou d'une grande
dimension. A la représcnlalion elle preiu' une heure de plus que les
plus longues partitions connues. C'est en outre, une musique as-
sourdissante, écrasante, foudroyante. Au sorlir de lliéàtre , les
oreilles vous linlcnl. La nouvelle product't n de M. Wagner annonce
une originalité proiluctivc: c'est une pièce à grand spcclacle, avec
force marches, évolutions et parades militaires: c'est une partition
qu'il faut entendre plusieurs fois pour la juger.
•,* AUona. — Snnison, oralorio de Haendel, a été exécuté dans
l'église luthérienne sous la direction de M. Pctersen. La partie de
Samson a été distribuée à deux chanteurs.
*,• Berlin, iZ']uin. — M. le comte de Redern, intendant général de
la musique de la cour et directeur en chef des travaux de reconstruc-
tion de l'Opéra de cette ville, a reçu un ordre du cabinet d'après le-
quel l'ouverture solennelle du nouveau théâtre n'aura lieu que le
7 décembre prochain. C'est aussi le 7 déccnihie 174i qu'avait eu
lieu l'inauguration de l'ancien théâtre devenu la proie des flammes,
en sorte que ce jour a pour la scène royale une signification histo-
rique. On suppose que le soir de l'ouvcrturc Sa Blajesté le roi don-
nera une fêle dans celte salle aux persoimes qui sont admises à la
cour. L'opéra que M. Meyerbeer écrit pour celte fêle est déjà si avancé
que le compositeur espère le finir avant de se rendre aux bains de
Schwalbach.
— 25 juin. — Par ordre du roi , la tragédie des Euménides d'Es-
chyle sera représentée au théâtre de la résidence royale de Posldam
avec une mise en scène imitée du théâtre grec, comme l'ont déjà été
VAniiijone de Sophocle et la Médée d'Curipide. Les Euménides se-
ront traduites en allemand par le célèbre helléniste M. Donner.
C'est l'illustre Meyerbeer qui s'est chargé d'en composer la mu-
sique.
*.* yienne. — M. G. Preyer vient d'élre nommé directeur du
Conservatoire : son opéra JV'alladmor sera incessamment représenté
au théâtre de la Josephstadt.
— L'opéra de Verdi , iErHoni , n'obtient qu'un succès contesté;
nos dandjs et lions sont inconsolables du départ de M"=Elssler; ils
se promènent lentement sur le bord du Danube les yeux fixés sur
les ondes trop heureuses qui ont pu transporter la danseuse à Peslh.
Ses admirateurs dans cette ville ont encore renchéri sur les excen-
tricités des Viennois; on ne parle que de marches triomphales, pluies
de fleurs, de chevaux dételés; et à son arrivée, le directeur M. Forst
lui baisa la main, prit un flambeau et accompagna la voiture qui
ramena la diva chez elle. Devant son hôtel on briila un feu qui dura
trois quarts d'heure et coûta 1,000 florins. Une chaise sur la-
quelle elle s'était assise fut vendue aux enchères.
— Au théâtre Josephstadt, M™' Gunthera eu un éclatant succès
dans la Fille du régiment.
V £eipi(3. ^ Un marchand de cuir, dilettante quand même,
M. Schwedt, a donné un concert dans lequel il a joué plusieurs
morceaux sur le piano et sur le violon. Par dessus le marché,
M. Schwedt possède une fort belle voix de ténor !
",* .S'tuttgnrd. — On se propose de construire un nouveau théâtre
d'après le plan de celui de Dresde. Le roi a donné comme premier
versement une somme de 350,000 florins (876,000 fr.).
".* Brunswick. — Deux opéras allemands nouveaux viennent d'être
représentés : Pino di Porto, musique de Georges Mûller, et le Rem-
f laçant, musique de Wernthal : tous les deux ont été beaucoup ap-
plaudis.
%" Prague. — L'académie de Sainte-Sophie a donné un grand
concert. V Alléluia du Messie de Haendel , le Gloria de la messe en
ré de Beethoven, cl un chœur d'hommes en langue bohème, ont été
admirablement chantes et reçus avec enthousiasme.
*,* Weimar. — Un opéra nouveau de Chelard, l'Émancipation des
femmes, a élé représenté avec succès.
*,* Madrid. — On vient de représenter au théâtre du Cirque un
drame politique en cinq actes deD.-J.-Maria Liaz. Cet ouvrage, inti-
tulé Unu rciiia no conspira {Une reine ne conspire pas), repose sur une
intrigue de cour dont la scène est en Portugal. Grâce à plusieurs si-
tualions animées et saillantes , et malgré la faiblesse du quatrième
acte, qui n'a pour tout ressort qu'une révolution populaire, le succès
a été éclatant et relève nos voisins d'aU-dclà les Pyrénées du servi-
lismc littéraire qui les condamnait depuis longtemps à de simples
traductions de nos œuvres dramatiques , si amèrement insultées en
lYance , mais accueillies par une telle vogue dans toute l'Europe. —
Un autre auteur, el senor Asquerido, a aussi fait applaudir une
comédie originale sous le titre flatleur pour la nation: Espanoles
sobre todo [Espagnols pardessus tout). — Le ténor espagnol Unanue vient
de signer un engagement avantageux pour aller faire partie de la
troupe italienne rassemblée et dirigée par Rubini à Saint-Péters-
bourg.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
Inmité par C. KIAKTIN
Facteur de PîanoB,
_BHEVETÉ DU ROI
B de la Bourse, f S.
Approuvé par rinsiïtuC
•I adopté dana les elaawt,
4esCOItlSEBVATOIItES
les elaava
ATOIBl
de Paris ei de l.ondrei
Le Chirogymnasle est un assemblage de nenfappa-
reilspymnastiques destinés à donner de l'exfension i
la main et de l'écart aux doigts à augmenter et à é^alf-
ser leur force et à rendre le quatrième et le cinquièmt
indépendants de tons les autres. Le Chirogymnasle
a été aussi approuvé et adopté par MM. Adam, Berlini,
de Bcriot, Cramer, Herz, Katkhrenner, Listz, Moschelèi
Prudent, Sivon, Thalberg, Tulou, Zimmermann,ele.
Chaque Chirogymnasle est revêtu de la siguatur*
de l'inventeur et se vend place de la Bourse, vfi IS»
khuit appareils, 50fr„àneufapp.S0fr., méthode,ip;
Lei expéditions aont faitei contre remioureeœent. écrire iruwa.
PLUMES MÉTALLIOEES POlJR ÉCRIRE LA MCSiOUE.
N° 13. Pour écrire la musique. Cette plume convient aussi aux
personnes qui n'écrivent pas l'anglaise. — N" iZ bis. Pour copier la
grosse musique telle que parties séparées, cl écrire, en gros et en
ronde. — N^IG médium Plus fine que le N° 13, 1res bonue pour
l'écriture expédiée.— Prix : la douzaine, 50 c. ; la grosse, 4 francs.
ChezZiARS-ESIS'AUIiT, Papetier ) rue Feydeau , 23, àParis.
Spécialité pour la reliure de musique ; papier réglé pour musique
de tous formats, soit ordinaire, ou de fantaisie, ainsi que des
albums pour écrire la musique.
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néduclionde prix. Garantie de 2 années. On peut, avant de conclure
un marché, comparer cesinslruments avec ccuï de loutautre facteur.
Imprimerie de BOURGOGNE et MARTINET, 30, rue Jacob.
Four Fariis : uo an , 30 fir. ; six mois, 15 fr. — Annonces :. 50 c. la ligne de 28 lettres — Départements : iin an , 34 fr. Étranger, 38 fir.
GAZEHE MUSICALE
BÊDIGÈB PIB
MM. ANDERS , G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, Henbi BLANCHARD,
MiUmCE BOURGES, F. DANJOU, DUESBERG, FÉTIS père, Édodabd FÉTIS, Stepben HELLER, J. JANIN,
G. KASTNER, LISZT, J. MEIFRED , GEOBGE SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
Paraissant tous tes MKtnancIies.
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
Le t*' et le t5 de chaque mois oo receifa nn morcean de mnslqao»
SOMMAIRE. Joseph Baini (suite et fin) ; par J.-A. DE LA FAGE.
— Esposition des produits de l'industrie (quatrième article ) ; par
O.-E. ANDERS. — Revue critique; par H. BLANCHARD.—
Variétés : Les Beautés de l'Opéra. — Correspondance particulière :
Londres. — Nouvelles. — Annonces.
1/e Piano rue IVotre-Dame-dc-Lorctte. Dessin de Gavarni.
L'abondance des matières nous oblige à remettre au pro-
chain numéro la Première Lettre à M. Zimmermann , par M. F.
Fétis, père. Nos lecteurs liront cette lettre avec un grand in-
térêt; c'est un des articles les plus remarquables sortis de la
plume de notre célèbre collaborateur.
JOSEPH BÂINI.
( Suite et fin *. )
insi que je l'ai dit, Baini s'occupa de cet ou-
vrage (1) dès sa première jeunesse ; mais après
sa sortie du séminaire, il s'y consacra tout
entier, et y travailla sans interruption durant
i trente années. Il avait projeté une Histoire
de la chapelle jyontificale , pour laquelle de nombreux ma-
tériaux étaient réunis, et dont, je crois, la rédaction avait été
commencée. Il serait bien à désirer que l'on imprimât tout
ce qui , dans les papiers de Baini, mérite de voir le jour ; on
y trouverait une foule de renseignements précieux et absolu-
ment inédits.
Ses travaux d'érudition musicale ne l'avaient pas empêché
de composer un grand nombre de morceaux de musique sa-
crée , le plus souvent pour des circonstances particulières ,
parce qu'ils lui étaient demandés expressément , soit par le
pape , soit par diverses églises , soit enfin par des souverains
(*) Voir le numéro 27.
(1) Mémoires sur la vie et les ouvrages de Paleslrina.
OU des particuliers. C'est ainsi qu'il a enrichi le répertoire de
la chapelle pontificale de psaumes et hymnes à 4 , 5 , 6 , 8 et
12 parties; etla plupart de ces morceaux s'entendent au milieu
des plus belles productions de Palestrina sans éprouver la
moindre atteinte d'un si dangereux voisinage. Celles de ses
compositions, en ce genre, qui ont été les plus remarquées
sont : un Te Deum à 8 , et l'admirable Miserere\ 10 voix,
qui s'exécute pendant la semaine sainte avec ceux d'Al-
legni et de Bai. Je n'hésite pas à dire que je trouve l'ouvrage
de Baini de bien loin supérieur à ces deux compositions si
justement renommées; et je n'en parle pas seulement pour
l'avoir entendu, mais aussi pour en avoir examiné la partition,
faveur que l'abbé Baini n'accordait pas aisément, car, disait-
il , les morceaux de ce genre perdent à être analysés. Sur
moi l'effet a été tout contraire.
Baini a composé pour la chapelle du roi d'Espagne, Char-
les IV, un service musical de toutes les fêtes de l'année , à /i,
6 et 8 voix. A la suite de ce grand travail, contenu dans plu-
sieurs volumes , se trouvent deux Acclamations en l'honneur
de Ferdinand VII, formant canon à 64 parties, divisées en 16
chœurs réels.
Ce dernier morceau fait assez comprendre que le directeur
de la chapelle pontificale n'avait pas seulement imité Pales-
trina et les auteurs de son école dans l'expression douce et
calme des sentiments religieux, qui, jointe à une tonahté
spéciale , caractérise la musique de ce genre ; il avait aussi
étudié profondément ce style sous le rapport purement scien-
tifique et artificieux. Il s'en était pénétré à tel point, que les ca-
nons énigmatiques les plus singuliers n'étaient qu'un jeu pour
lui ; après une inspection de quelques instants, il en découvrait
immédiatement le nœud et la solution. Chose plus étonnante
encore, je me rappelle m'être amusé à lui présenter un canon
énigmatique dont, par le dérangement d'un passage pratiqué
à dessein, j'avais cru rendre la solution impossible; l'ayant
examiné avec attention , il me demanda si j'étais bien sûr de
BUREAUX D'ABONNEMENT, RUE RICHEI.IEU, 97.
236
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ne ni'ètre pas trompé, et si le canon fermé que je lui présen- |
tais ne contenait pas de faute. Voulant pousser la chose jus- j
qu'au bout, je lui dis que je ne le pensais pas ; alors il me |
promit de l'examiner à tête reposée. Quel fut mon étonne- i
ment, lorsqu'en rentrant chez lui, le surlendemain, il entama :
la conversation par ces mots : Era fina , fratello , era fina
(elle était bonne, frère, elle était bonne); et, me disant cela, :
il me montre une solution des plus élégantes, et toute diffé- |
rente de celle à laquelle j'avais songé. Je lui avouai ma super- j
chérie, dont il plaisanta longtemps , me disant que j'aimais à
connaître mon monde et que je ne serais pas facile à tromper. :
Il avait acquis celte grande habitude en mettant en partition
de l'ancienne musique, et à cet égard il n'était aucune de ces ,
diflicultésde notation, si communes dans les vieux auteurs, qui ,
l'arrêtât. Aussi venait on souvent le consulter à cet égard , et j
lui écrivait-onde fort loin pour obtenir des renseignements j
qu'il donnait avec autant de plaisir que d'empressement. |
Je n'ai jamais connu d'homme dont la vie ait été plus ré- j
gléeet plus uniforme que celle de l'abbé Baini. A sa sortie du
séminaire, il adopta un régime dont il ne se départit plus : il
se levait de grand matin, et disait la messe à cinq heures le
plus ordinairement ; il vaquait pendant la journée à ses di-
verses occupations, n'acceptait jamais de repas hors de chez
lui, où il vivait avec la plus grande sobriété ; il était toujours
rentré à VAve Maria , c'est-à-dire au coucher apparent du
soleil. Cette régularité de vie lui conserva longtemps une
santé robuste et l'aptitude à des travaux prolongés que sa
forte constitution supportait sans la moindre fatigue. Malheu-
reusement il en ressentit beaucoup d'un autre genre de tra-
vail qui , dès sa jeunesse , absorba une très grande partie de
son temps. Il n'était pas moins exact à remplir ses devoirs de
prêtre qu'à exercer ses fonctions musicales, et sa piété tendre,
la pureté inattaquable de ses mœurs, son parfait désintéresse-
ment , l'avaient fait rechercher comme directeur par beau-
coup de personnes de toute condition ; pendant la plus grande
partie de sa vie, l'abbé Baini passa chaque jour plusieurs
heures, et très souvent des journées entières à son confes-
sionnal, sans que rien le détournât jamais de ce devoir sacré
de son ministère. Sa persévérance à cet égard devint funeste
à sa santé, qui, vers l'âge de cinquante ans, s'altéra tout
d'un coup et de la manière la plus sensible. Sa belle voix s'é-
teignit en peu de temps , et les médecins lui interdirent de se
servir de ce qui lui restait de son admirable organe , pres-
cription qu'il ne suivit pas toujours, se laissant entraîner,
lorsqu'il dirigeait, à chanter avec le chœur. Sa parfaite so-
briété ne conserva pas non plus son estomac ; il avait de
bonne heure pris un embonpoint naturel en harmonie avec
sa haute taille; son ventre s'affaissa , et les fonctions digestives
devinrent pénibles ; il arriva pis encore : il perdit le som-
meil si indispensable aux travailleurs, et passa toutes les nuits
dans un état convulsif des plus fatigants, auquel se joignit
bientôt une affection catarrhale qui achevait de lui ôler ses
forces. Il supporta tous ces maux avec la plus parfaite rési-
gnation, mais ils lui firent sentir la nécessité de mettre
promptement en ordre une partie de ses travaux d'érudition
musicale, et de s'occuper de leur publication.il imprima
donc à ses frais sa belle Monographie de Palestrina , ne cher-
chant pour ce grand ouvrage de protecteurs que dans le ciel,
comme le prouve la dédicace qu'il en fait à la vierge Ma-
rie (l).
Depuis cette publication , Baini , forcé de restreindre ses
(I) (D«i para") virgini Mari*, sine labe coneeplaî, JosephusBainius
quidquid id estoperis dicat et consecrat.
heures de travail auquel il substitua des pratiques de dévo-
tion , ne s'attacha plus à un travail suivi et, selon toute appa-
rence , renonça définitivement à terminer son ouvrage sur la
chapelle pontificale. Cependant ses souffrances avaient quel-
ques intermittences qui n'ont pas dû être complètement in-
fructueuses; elles lui ont du moins permis de ne pas inter-
rompre ses fonctions de directeur. Cet état s'est prolongé
pendant dix-huit années jusqu'au 21 mai dernier; dans la soi-
rée de ce jour, le plus savant des musiciens, le plus respec-
table des ecclésiastiques est allé dans un autre monde , dans
un monde meilleur, rejoindre l'artiste immortel dont il a
célébré et surtout imité les talents et les vertus. Le 21 mai ,
le dernier cierge du candélabre de la semaine-sainte a dis-
paru ; on l'a éteint derrière l'autel.
Ainsi que la plupart des artistes savants, Baini n'avait
d'autre richesse et d'autre capital que sa bibliothèque ; il l'a ,
je crois, laissée aux Jésuites de Santa-Maria-sopra-Minerva
ou du Collegio romano. Elle se compose de quantité d'ou-
vrages précieux sur la théorie, l'histoire et la pratique de l'art
musical ; elle renferme la collection unique mais que cin-
quante ans de recherches n'ont pu rendre complète , des édi-
tions de Palestrina imprimées de son vivant et après sa mort ;
Baini la forma en réunissant de tous côtés les parties isolées
qu'il put rencontrer et acquérir, ou qui lui furent données
par les établissements qui les possédaient. On y trouve aussi
une quantité considérable d'auteurs de la même époque. Tout
ce que notre auteur a pu trouver d'utile sur le plain-chant y
est rassemblé ; les didacticiens antérieurs et postérieurs à Pa-
lestrina s'y trouvent aussi en très grand nombre. Elle n'est
pas moins riche en pièces manuscrites de compositeurs dis-
tingués dans le genre d'église. Mais le plus grand prix de
cette partie de la collection consiste dans les manuscrits de
Baini lui-même , ce qui s'entend non seulement de ses pro-
pres ouvrages mais de ceux de tous les auteurs mis en parti-
tion pat lui , et dont la collection remonte à l'époque des
premières compositions importantes en contre-point. Là on
retrouve , partitionnés avec le plus grand soin , divers ou-
vrages de Du Fay, d'Okeghem , de Josquin, de Goudimel et
de quantité d'autres ; là on admire la collection complète de
l'œuvre de Palestrina en partition, formant trente-six recueils
entièrement de la main de Baini. Son intention était dç pu-
blier cette collection , et il ne serait pas impossible qu'il eût
pris à cet égard quelques dispositions. Il dépendra dans tous
les cas de ses héritiers de remplir pour leur propre compte la
volonté bien connue du testateur.
Il me reste à dire un mot sur la manière d'enseigner de
l'abbé Baini , puisque j'ai eu , moi aussi , en celte occasion un
bonheur que je ne méritais pas et dont j'aurais dû mieux pro-
fiter. En général il donnait fort peu de leçons proprement
dites; c'étaient bien plutôt des conseils sagement motivés et
nés de l'examen du travail de l'élève. Connue on ne se pré-
sentait à lui qu'avec une connaissance avancée de l'har-
monie et des éléments du contre-point, c'était principa-
lement sur la fugue ou pour mieux dire sur le genre fugué
qu'il exerçait ses élèves. Il donnait un motif de quelques me-
sures dont il fallait tirer le meilleur parti possible sans toute-
fois s'astreindre à la forme scolastique; on devait écrire
alla Palestrina , c'est-à-dire pour vo'x seules et en se rap-
prochant autant que possible de la manière du grand maître
dont Baini avait si profondément étudié le style , pénétré les
secrets, deviné les artifices. Tout en faisant cet exercice, le
professeur permettait de composer des morceaux d'église qu'il
examinait et corrigeait. En général il ne s'écartait pas de l'an-
cien système d'enseignement italien qui , quoi que l'on fasse ,
DE PARIS.
237
sera toujours au fond le meilleur en musique. Peu de pré-
ceptes, beaucoup d'exemples, telle était sa maxime. Au reste,
en entrant à l'école de Baini , on devait se déprendre des
formes modernes et de la musique instrumentale ; il ne con-
naissait, disait-il, rien de tout cela et n'y voulait effectivement
rien connaître. C'est qu'il avait trouvé de quoi nourrir son
âme dans l'étude des anciens maîtres et des anciennes formes.
Il ne concevait pas que l'on pût leur préférer ou même leur
comparer quelque chose. Sans doute c'était une erreur ; mais
dans sa position de directeur de la chapelle pontiQcale , celte
erreur lui fut salutaire puisqu'elle lui fit porter toutes ses
forces sur le genre unique qu'il lui importait de cultiver.
Baini a offert le spectacle singulier d'un coraposiieur du
xix" siècle écrivant précisément comme on le faisait au xvi°.
11 a su retrouver les plus fortes , les plus biillanles , les plus
aimables couleurs du grand style créé à cette époque , et il
s'est fait comprendre en parlant une langue morte pour le
plus grand nombre. Une semblable circonstance, fort rare en
littérature, ne s'était jamais offerte dans la musique; elle suf-
firait pour donner à l'abbé Baini une place très honorable et
tout-à-fait à part parmi les compositeurs d'église. Mais ce qui
lui vaudra par-dessus tout la reconnaissance de la postérité, ce
qui fera toujours citer son nom avec éloge , c'est son beau
travail sur la vie et les ouvrages de l'illustre compositeur
qui fut son unique modèle , œuvre de la plus vaste et de la
plus sincère érudition oii , plus encore qu'ailleurs , il a dé-
posé ses vrais titres à l'immortalité.
J. -Adrien de La Fage.
€jpositi0n î>es proîîuits î)e r3nî)U9trie.
QUATRIÈME ARTICLE.
Pianos. — M. ff*leyel.
a maison Pleyel
jouit d'une répu-
tation européenne
justement acquise
par l'excellence de
ses instruments qui
'se sont répandus dans toutes les parties du
monde. Cette réputation , elle la doit
moins à des inventions marquantes qu'au
soin extrême qu'elle a toujours apporté à sa
■/\ fabrication. Loin de se livrer à la recherche
d'un nouveau système, elle s'est contentée de
perfectionner ce qui existait, et c'est ainsi
qu'elle s'est élevée au rang qu'elle occupe.
Adoptant, en 1825, le mécanisme anglais, elle
lui fit subir de notables changement qui en mo-
difièrent la nature , et relevèrent au plus haut
degré de perfection.
On sait que le mécanisme anglais , renommé pour sa soli-
dité, pour la force qu'il imprimait au marteau, avait le grave
inconvénient de rendre le toucher trop lourd , et de se re-
fuser souvent h la répétition rapide de la note , défauts qui
le faisaient repousser des artistes français et allemands.
M. Pleyel est parvenu à lui donner une facilité , une préci-
sion qui ne laisse rien à désirer. Tous ses claviers obéissent à
la moindre pression du doigt , et se prêtent également à la
délicatesse et à l'énergie de l'exécution. Ajoutez à cela que
la solidité de ses instruments est parfaite, qu'une qualité de
son chantante , sans cependant exclure la force , leur donne
un charme particulier, et vous comprendrez la vogue qui s'y
est attachée , et qui semble devoir s'augmenter tous les jours.
L'exposition de M. Pleyel se compose de huit modèles,
depuis le piano à queue du plus grand format jusqu'au piano
droit et carré de la plus petite dimension. L'insuffisance de
la place n'ayant pas permis de les ranger tous ensemble , ils
ont passé successivement sous les yeux du public. C'est en
visitant la manufacture même que nous les avons vus réunis ,
et que nous avons pu mieux les apprécier en les comparant
entre eux. Cette comparaison , loin de leur être défavorable ,
en a fait au contraire ressortir le mérite.
Deux grands pianos à queue de sept octaves (de la en la)
ont tout d'abord fixé notre attention. Rien de plus beau que
ces deux instruments destinés aux salles de concert. Nous
croyons inutile de nous arrêter ici à l'un des deux qui ne
présente rien de nouveau relativement au mécanisme ou à la
construction. Occupons-nous plutôt de l'autre qui se dis-
tingue par une innovation remarquable ayant pour but de
doubler le son.
Depuis plusieurs années le piano , en général , a beaucoup
gagné sous le rapport de la sonorité. Les efforts de tous les
facteurs se sont dirigés sur ce point; c'est en apportant des
modifications soit au système de barrage, soit à la table d'har-
monie , c'est en allongeant les cordes , en augmentant leur
grosseur qu'ils ont obtenu des résultats plus ou moins heu-
reux. M. Pleyel n'est pas resté étranger à ces tentatives; ses
instruments le prouvent assez pour que nous n'ayons pas be-
soin dinsister. Mais dans le piano dont nous parlons, il ne
s'agit pas de semblables changements de construction; il
s'agit d'un moyen mécanique mis à la disposition de l'exécu-
tant, et à l'aide duquel celui-ci peut doubler le son de chaque
note en faisant entendre à la fois l'octave. Par suite d'iin mé-
canisme particulier , une seule et même touche mettant en
mouvement deux marteaux, celui de sa note et celui de l'oc-
tave inférieure, l'instrument a reçu le nom de piano à double
On a vu dans notre dernier article une invention analogue
appliquée au piano par MM. Boisselot, nommé par euxpiano
octavié. Mais si les idées de deux facteurs se sont ren-
contrées dans la recherche du même résultat, les procédés
pour l'obtenir diffèrent essentiellement. On se rappelle que
MM. Boisselot ont établi deux systèmes, et qu'ils obtiennent
l'octave dans l'un par un seul marteau en multipliant les
cordes , dans l'autre par l'action de deux marteaux frappant
simultanément leurs cordes respectives , et mis en mouve-
ment par des leviers obliques. Le système de M. Pleyel n'a
rien de commun avec le premier ; il se rapproche du second
en ce qu'il repose également sur l'emploi de leviers obliques ,
mais la combinaison de ces leviers avec un second échappe-
ment et la manière d'effectuer le coup de marteau, constituent
une différence qui en fait une invention nouvelle.
Voici la description de ce mécanisme :
Chaque touche porte un échappement additionnel que la
pédale met en état de fonctionner, ou qu'elle neutralise en le
! reculant. Quand il fonctionne , cet échappement soulève une
extrémité d'un levier oblique, dont l'autre extrémité en s'a-
baissant entraîne avec elle , par l'intermédiaire d'une tige de
laiton , un appendice en forme de queue qui est ajouté à la
noix du marteau : ce mouvement fait basculer le marteau
qui va frapper la corde. L'idée de faire basculer le marteau
au lieu de le soulever par devant , est peut-être la partie la
plus ingénieuse de l'invention , en ce qu'elle simplifie consi-
238
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
dérablement la transmission du mouvement. Chaque marteau
est susceptible d'être soulevé de deux manières : devant son
centre , par sa propre touche-; derrière son centre , par le
levier de la touche de l'octave. Un système tout-à-fait ana-
logue fait lever les étouffoirs.
Du reste , comme dans le piano de MM. Boisselot , la pé-
dale qui met en mouvement ce mécanisme se divise en deux
parties, c'est-à-dire que l'on peut, à volonté, produire
l'octave dans une partie du clavier soit seulement pour le
dessus , soit pour la basse. Nous nous sommes exprimé sur
l'inconvénient que peut avoir cette division lorsque l'ar-
tiste en dépasse la limite sans y songer, de même que sur
l'embarras causé par la multiplicité des pédales. Cet em-
barras, M. Pleyel y a pourvu par une idée fort simple
mais très heureuse en arrangeant ces deux pédales de ma-
nière qu'elles puissent s'accrocher par un mouvement du
pied, comme cela se fait aux pédales de la harpe. De cette
façon les pieds deviennent libres pour pouvoir employer en
même temps les deux autres pédales , celle qui fait lever les
étouffoirs et celle que l'on nomme umcorde. On conçoit la
variété des effets que cette disposition permet de produire.
Nous avons entendu cet instrument sous les mains habiles
de M. Goria qui , familiarisé avec toutes les ressources qu'il
présente , en a su tirer un grand parti. Nous ne doutons pas
qu'à la prochaine saison , dès que ce piano sera joué dans les
concerts, il n'obtienne un grand succès.
On connaît les pianos à queue de petit format ( appelés
ordinairement pianos demi-queue ) , dont M. Pleyel a com-
mencé la fabrication en 1838 , et qui ont été accueillis par
le public avec une faveur marquée. Ils ont reçu depuis quel-
ques perfectionnements de détail, qui contribueront à en
augmenter le succès. Celui qui fait partie de l'exposition,
nous a paru réunir toutes les qualités désirables de ce genre
d'instrument.
Nous passons aux pianos droits et verticaux.
On sait qu'en 1830 M. Pleyel importa d'Angleterre une
espèce de piano vertical , appelé dans ce pays piano piccolo à
cause de sa petite dimension , et auquel il donna le nom plus
court et plus harmonieux depianino. Ces jolis instruments ,
qui n'avaient que la largeur du clavier, une hauteur et une
profondeur proportionnée , et qui se distinguaient en outre
par une qualité de son pure , moelleuse et chantante , eurent
bientôt la vogue, et se répandirent avec rapidité. Tout en
continuant la fabrication de ces pianinos , M. Pleyel a établi
deux nouveaux modèles de pianos verticaux , de dimensions
un peu plus grandes, l'un à cordes verticales, l'autre à cordes
demi-obliques. Parmi les nombreuses améliorations appor-
tées à ces instruments , il faut citer l'allongement des cordes
de la basse, qui ont beaucoup gagné pour la sonorité. Il est
encore à remarquer qu'en diminuant l'obliquité des cordes ,
M. Pleyel a trouvé moyen d'introduire la pédale imicorde ,
qui ne se trouve pas dans les pianos à cordes entièrement
obliques. On connaît le charme particulier produit par l'em-
ploi de cette pédale , qui donne au son quelque chose de cé-
leste.
Un piano droit de sept octaves nous a paru mériter une at-
tention particulière. Indépendamment de sa puissance de son
qui rivalise avec celle d'un piano à queue de petit format, il
se distingue par des améliorations apportées au mécanisme
qui donnent au clavier une égalité et une docilité remar-
quables. Au moyen d'une équerre allongeant l'échappement,
l'impulsion donnée à la touche se communique au marleau
avec une grande précision. Le marteau, réglé de manière
que la moindre impulsion le mette en mouvement, reste
très près de la corde , et permet de répéter rapidement la
note par la plus faible pression du doigt laissé sur la touche.
On conçoit les avantages que présente un pareil clavier pour
une exécution rapide et brillante.
Il nous reste à parler des pianos carrés.
Depuis quelques années le piano carré s'est ressenti de la
terrible concurrence du piano droit et vertical. Peut-être
faut-il s'en prendre aux architectes : les appartements des
nouvelles constructions devenant de jour en jour plus exigus,
il est tout naturel qu'on donne la préférence aux instruments
qui occupent le moins de place. Aussi quelques facteurs ont-
ils renoncé à la fabrication des pianos carrés , pour s'en tenir
uniquement à un genre plus commode dont le débit est as-
suré. Toutefois le piano carré ne saurait être abandonné en-
tièrement ; il convient mieux pour l'étude : les professeurs
sont d'accord sur ce point. M. Pleyel, pianiste distingué
lui-même , ne pouvait manquer de faire des efforts pour sou-
tenir le piano carré. Il fallait pour cela diminuer son volume
tout en lui conservant ses qualités ; c'est ce que le célèbre
facteur a fait en établissant un petit format fabriqué avec un
soin particulier. Tout récemment il y a apporté des amélio-
rations , parmi lesquelles nous citerons une nouvelle combi-
naison de barrage , qui , en assurant la solidité de l'instru-
ment, a permis d'augmenter la grosseur des cordes. Au
nombre des pianos qu'il expose , nous en avons remarqué un
à deux cordes , dont le son se distingue non seulement par
l'intensité , mais encore par une rondeur égale dans toutes
les parties du clavier.
Telle est l'exposition de la maison Pleyel.
Nous ne terminerons pas la revue de ces instruments , sans
ajouter quelques mots sur cette grande manufacture qui
compte quarante années d'existence. Fondée, en 1805, par
le célèbre compositeur Ignace Pleyel , elle marcha d'abord
sans grand éclat. Réorganisée, en 1825, par M. Camille
Pleyel , le chef actuel , elle prit un développement aussi bril-
lant que rapide, et parut pour la première fois à l'exposition
de 1827, où elle obtint la médaille d'or. Depuis cette époque
elle n'a cessé d'être en progrès , et aujourd'hui elle est deve-
nue un des établissements les plus considérables qui honorent
l'industrie française placée en première ligne pour la fabri-
cation des instruments.
G-.E. Anders.
REVUE CRITIQUE.
KM. Rosenhàin , — Seligmann , — Heller, — Stamaty,
- K.alkbrenner, Panofka et Tbalberg. — M""_ Clara Ffeifier.
ar le temps de pianisme qui court , ce ne serait
peut-être point une question indigne d'occuper
les Académiesde musique, les Sociétés philanthro-
piques ou philharmoniques que celle de savoir
si c'est chose possible à un pianiste d'être tout
à la fois soliste, professeur et compositeur. Plusieurs ont la
prétention d'avoir ce triple talent; mais justifient-ils cette
prétention? Cette seconde question n'est pas moins délicate
à résoudre que la première. On peut répondre à cela que
c'est une question complexe de temps , de facilité et d'ac-
tivité. En attendant la résolution de ces problèmes qui inté-
ressent l'harmonie de l'Europe , nous nous occuperons de
ce que produisent les pianistes-compositeurs, parmi les-
quels figure d'une manière honorable M. Rosenhain. Cet ha-
DE PARIS.
239
bile artiste , en payant tribut, comme tous ses confrères, au
goût du jour et au besoin commercial des éditeurs , en écri-
vant des fantaisies sur les opéras à la mode, compose, comme
pour se dédommager, de la musique plus sérieuse.
Il a déjà fait paraître depuis quelque temps un trio en ré
mineur pour piano , violon et violoncelle , œuvre d'un excel-
lent caractère et tout-à-fait dans la manière de Beethoven ,
quoique empreint cependant de l'individualité de l'auteur.
L'andanle et les cherzo sont deux perles musicales qui scin-
tillent dans cet écrin de charmantes mélodies et de spirituelles
harmonies. Le final est un morceau d'école savamment travaillé
en style fugué et qui témoigne du bon et vrai savoir de M. Ro-
senhain. Ses deux fantaisies sur iaflei'nerfêC/ji/pre, l'une à deux
mains et l'autre à quatre mains, sont aussi deux œuvres d'art
autant que d'arrangement. Rien de mieux coupé pour l'effet,
de mieux arrangé que ces deux œuvres dont le premier est
intitulé : Morceau de concert, ou variations brillantes sur
la Reine de Chypre. Après une introduction pleine d'entrain
en mi bémol, vient un thème de l'opéra, suivi de deux va-
riations sur ce thème , puis sur celui de Triste exilé , chanté
dans les cordes basses de l'instrument , ce qui conserve bien
la teinte de mélancolie qui distingue cet air ; et puis quand
l'auteur s'est promené capricieusement et avec une pompeuse
harmonie dans ce thème , il compose chaleureusement sa pé-
roraison de deux autres motifs de l'opéra en mesures à deux-
quatre et à trois-huit en mouvement de valse, terminant ainsi
cette jolie fantaisie d'une manière brillante et pleine d'éclat
qui est fort justement intitulée Morceau de concert. Celui
qui porte le titre de Grande fantaisie dramatique est égale-
ment fait sur des motifs de la Reine de Chypre; c'est un
œuvre plus curieux. Ce morceau pour piano à quatre mains
est plein d'harmonies ingénieuses et de mélodies accompa-
gnées délicieusement. C'est un dialogue vif, animé et des
plus dramatiques entre quatre mains sur le même clavier, qui
plaît autant à ceux qui se livrent à cette conversation savante
et spirituelle qu'à ceux qui l'écoutent.
— M. Séligmann, l'un de nos bons violonceUistes, vient de
lancer dans la circulation musicale Six études caractéris-
tiques pour le violoncelle avec accompagnement de piano.
Ce recueil est tout à la fois scolastique et gracieux , c'est-à-
dire que ce sont des morceaux pleins de mélodie et qui tous
résument, par un excellent travail , les principales difficultés
de l'art si difficile déjouer de la basse. On \oit qu'une pensée
poétique s'est alliée à la pensée d'école qui a présidé à la com-
position de ces études. Il semble entendre dans la seconde
un vent frais , une brise matinale caressant les flots de la mer,
le feuillage des bois , ou balançant les tiges et les têtes do-
rées des innombrables épis de bled qui murmurent en se
courbant et vous bercent des suaves harmonies de la fécon-
dité. La troisième élude en sol majeur exprime en double
corde et par le staccato sautillé de l'archet , les palpitations
d'un cœur agité; et la quatrième fait succéder à cette agita-
tion le calme par un chant large et lié qui se promène dans
le ton doux et tendre de la majeur ; car le choix de la tona-
lité est plus important qu'on ne le pense généralement pour
la peinture des impressions de l'âme en musique. Le n° 5 en
fa majeur à trois temps et en triolets semprc legali est bien
modulé et peint, comme l'auteur en a eu l'intention, une
douce rêverie ; et puis la dernière de ces jolies études est
comme une pastorale au milieu de laquelle intervient un
agitato appassionato tout empreint d'une couleur drama-
tique se terminant d'une manière large et pompeuse , qui
complète on ne peut mieux cette demi-douzaine de char-
mantes pensées musicales auxquelles l'auteur fera bien de
donner un pareil nombre de sœurs au nombre de six , certain
qu'il peut être qu'on ne dira point que ce sont des études à
la douzaine.
— Malgré les justes critiques que l'on fait des arrange-
ments en musique, critiques auxquelles nous joignons sou-
vent les nôtres, cela ne nous empêche pas de reconnaître qu'un
motif pris dans une belle partition et spirituellement travaillé
par un compositeur qui sait bien , ne soit une chose fort
amusante. Or, en fait de belles partitions, celle de la Juive
n'oifre que l'embarras du choix pour y puiser des motifs.
C'est dans ce chef-d'œuvre de M. Halévy que M. Stephen
Heller a pris ceux de deux fantaisies qu'il vient d'écrire. Cela
est mélodieux, d'une harmonie recherchée, élégante et d'une
exécution facile; cela convient à toutes les intelligences mu-
sicales , à tous les doigts et qui plus est à'toutes les bourses.
Le boléro pris dans le même opéra , est un délicieux caprice
que tous les amateurs voudront lire. La partition de Char-
les VI n'a pas moins bien inspiré M. Heller qui a aussi tiré
de cet ouvrage une fantaisie sur le motif de la romance : En
respect mon amour se change , et un caprice sur le joli thème :
Avec la douce chansonneile , etc. C'est toujours le même
faire spirituel, mélodique, facile et provoquant l'exécution
comme l'audition.
— Et pour en revenir à la Juive, disons que M. Stamaty,
pianiste élégant , de l'école de M. Kalkbrenuer, qui professe
plus qu'il ne compose , a écrit cependant aussi sur la Juive
une fantaisie dramatique d'un style un peu recherché,
tourmenté, mais qui n'en est pas moins un morceau bien
conçu , bien attaché dans toutes ses parties et qui dénote de
l'avenir dans ce jeune compositeur.
— Son maître , ainsi que nous venons de le dire, M. Kalk-
brenuer puisant aux mêmes sources a composé, en société de
àl. Panofka, un duo pour piano et violon, excellent morceau de
musique iniime et de concert. Si ceux qui ont bien présent au
souvenir l'œuvre de M. Halévy peuvent trouver étrange que les
douleurs paternelles d'ÉIéazar : Dieu m'éclaire, fille chère,etc. ,
soient interprêtées en petites notes et en notes de passage sur le
piano dès la première variation , ils reconnaîtront avec quel
art tout ce qui est mélodie a été placé au violon qui chante
délicieusement dans ce duo , et notamment le thème en me-
sure à douze-huit : Rachel quand du Seigneur, etc. Le final
en polonaise de ce grand duo est du plus brillant effet et as-
sure, ainsi que nous l'avons déjà dit, à ce morceau un succès
de chambre et de concert. Un grand duo , également pour
piano et violon , sur la Béatrice di tendu de BelUni , a été
composé par MM. Thalberg et Panofka. Ce morceau est, de
même que le précédent, parfaitement écrit dans le caractère
des deux instruments par ces deux habiles instrumentistes et
est destiné à un égal succès. C'est bien dialogué, c'est chau-
dement mené et c'est brillant sans être trop difficile, car tout
cela est empreint de cette belle mélodie italienne dont Bellini
surtout savait faire un mélange de drame et de chant.
— M""= Clara Pfeiffer est une pianiste dont le jeu est net ,
pur, dont le phrasé est tout empreint d'élégance et de sen-
sibilité: elle sent profondément la musique, et comme elle
s'est familiarisée à tous les styles par l'exécution , elle a voulu
s'essayer à en avoir un qui lui fût propre; elle a donc écrit
de charmantes études et vient de laisser tomber de sa plume
facile deux jolis nocturnes tout pleins de distinction et de
grâce, de mélancolie et de naïveté : cela se dit, se redit et se
redit encore , et l'on en conserve un doux souvenir; et l'on
regrette que M°' Pfeiffer n'ait écrit que ces deux nocturnes,
et l'on voudrait qu'elle en eût jeté vingt, quarante, cent sur
le papier... Pourquoi M°'= Pfeiffer ne se ferait-elle pas un
2A,0
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
nom par ses mille et un nocturnes , comme l'abbé Gallaud
par ses Mille et une Nuits?
Henri Beanchakd.
'Variétés.
1" et 2' livraisons.
Les Beautés de l'Opéra ! ! ! quel titre et quel sujet pour le
dessinateur, pour l'écrivain , pour le typographe ! quel char-
mant ouvrage ne doit pas enfanter cette triple émulation, en-
flammée par le juste désir de ne pas rester au-dessous de
l'attente du public ! Eh bien ! cet ouvrage on l'a entrepris, on
le publie , on nous en a déjà donné deux livraisons , et nous
sommes obligé de le dire sans exagération , sans flatterie ,
c'est un petit chef-d'œuvre de luxe et de bon goût , de co-
quetterie et d'élégance. Le crayon, le style et la typographie
s'y escriment à l'envi. Les beautés y sont aussi belles , plus
belles peut-être qu'elles ne nous apparaissent à l'Opéra , pays
des illusions , et leur conquête n'y offre pas ces grandes diffi-
cultés , leur possession ces terribles périls qui font trembler
les plus intrépides.
Autant de livraisons, autant de beautés. La première de
toutes , c'est Giselle ou plutôt Carlotta Grisi , costumée en
reine de la vendange et reproduite avec une fidélité si par-
faite qu'on ne saurait dire lequel des deux doit être le plus
jaloux , le portrait de l'original ou l'original du portrait? Et
puis en quelques lignes , M. Théophile Gautier, son bio-
graphe et son poëte , nous raconte d'où venait Carlotta lors-
qu'il lui plut d'effleurer notre sol de la pointe de son joli
pied. Il nous apprend qu'elle est née en l'an de grâce 1821 ,
à Visinada , petit village de la haute Istrie , dans un palais
désert où l'empereur François II avait passé quelques nuits,
et qu'elle vint au monde dans le lit même honoré du sommeil
impérial. Elle ne marchait pas encore , qu'elle dansait déjà ,
mieux qu'une simple fille de la terre, et, comme elle portait
le nom de Grisi , elle chantait aussi de toute sa voix , de toute
son âme , si bien que M"" Malibran , qui la rencontra en An-
gleterre , lui conseilla d'abandonner la danse pour le chant.
Si M""= Malibran se fût appelée Taglioni ou Ellsler, le conseil
eût été suspect ; tout sincère qu'il était, Carlotta ne le suivit
pas. Une fois seulement , au théâtre de la Renaissance , dans
le Zingaro , elle chanta et dansa le même soir, mais depuis
ce temps elle comprit que c'était assez d'une Julie Grisi pour
toute une famille, et elle garda la danse pour son lot; ne pen-
sez-vous pas qu'elle fit bien ?
La seconde beauté , c'est une beauté lyrique , c'est la Ro-
sine du Barbier de Sëville , sous les traits de M"'" Persiani ,
qui en effet s'embellit dans ce délicieux rôle de toute la grâce
fine et mutine dont Beaumarchais et Rossini ont pétri la pu-
pille du docteur Bartolo, qui s'y pare du flot de diamants,
du réseau de perles , que son gosier magique laisse échapper
avec chaque note. Ici néanmoins pas de doute possible :
l'original doit être jaloux du portrait.
N'allez pas croire que le travail du dessinateur se borne à
retracer l'image des beautés dansantes et chantantes. Chaque
livraison renferme un texte consacré à l'analyse du ballet ou
de l'opéra dont la beauté est l'héroïne. L'analyse de Giselle
et celle du Barbier sont dr.es à la plume abondamment spi-
rituelle de M. Théophile C autier ; et à mesure que le drame
se déroule , le dessinateur en saisit les principales scènes
qu'il se hâte d'esquisser dans des vignettes ravissantes. La
plume et le crayon marchent donc toujours d'intefligence , et
font des Beautés de l'Opéra un livre sans pareil qui trouvera
naturellement sa place partout où l'on s'intéresse à l'Opéra
et à la beauté.
P. S.
Correspondauee particulière.
Londres , 6 juillet.
Ernst , le célèbre et grand violoniste , que l'Europe admire égale-
ment pour ses éminentes qualités d'artiste et d'homme , vient de
donner son concert d'adieu dans les salons d'Hanover-square, en
présence du duc de Cambridge et d'une foule d'amateurs d'élite. On
se souvenait de sa généreuse conduite envers la Société royale des
musiciens et de la délicatesse de ses procédés en toute circonstance.
Ernst ne ressemble nullement à cet artiste qui , venant en Angle-
terre et sollicité de prendre part à une œuvre cbaritable, répondit :
« Je viens en ce pays jouer pour les riches et non pour les pauvres, o
Au contraire il s'est Tait, ainsi que Liszt, une réputation de libéra-
lité à toute épreuve ; jamais il n'a refusé de jouer au bénéfice de
personne. Quant à ce qui le dislingue et le caractérise particulière-
ment comme artiste, c'est la poétique élévation de son style, c'est
le profond sentiment musical qui , chez lui , s'allie à l'étendue de
l'intelligence. Jamais peut-être il n'en a donné de preuves plus ma-
nifestes que dans son dernier concert où, se trouvant en rapport
avec un auditoire plein d'enthousiasme et de sympathie , il a pu dé-
ployer tout ce qu'il sentait en lui de puissance avec une liberté, une
chaleur, une énergie dont les effets ont été prodigieux. Le concert
commençait par le quatuor de Mendeissohn en mi mineur pour deux
violons, alto et basse, délicieusement interprété par Ernst, Goffrie,
Hill et Haussmann; le scherzo eut les honneurs du bis ainsi que l'an-
dante dont le canlabile fut rendu par Ernst avec un charme inex-
primable. Ce dernier joua ensuile une nouvelle fantaisie intitulée
par luiin7/aH(e e( dramatique , et il l'exécuta de manière à prouver
que ces épithètes n'avaient rien de trompeur. Cette fantaisie , avec
accompagnement d'orchestre, a pour thème principal un motif de
Ludovic, opéra d'Hérold. Ernst l'a travaillé avec toute la grâce et
toute l'élégance possible. Les amateurs n'auraient pas demandé
mieux que de faire répéter toutes les variations l'une après l'autre ;
celle qui se compose de traits d'une extrême difficulté mêlée d'arpèges
et de pizzicato excita de tels transports qu'il n'y eut pas moyen de
ne pas la redire. Après la fantaisie, Ernst joua la fameuse sonate de
Beethoven, dédiée à Kreutzer, en la mineur, avec Moscheles, et mal-
gré sa longueur, ce morceau fut salué de bravos frénétiques. C'était
entre les deux artistes une lutte magnifique de grandeur, d'origina-
lité, de maestria. Le chef-d'œuvre de Beethoven ne pouvait être rendu
avec une plus complète intelligence du sentiment qui l'avait inspiré.
Ernst revint jouer la ballade de Schubert, le Hoi des Aulnes, trans-
crite pour violon: il faut renoncer à décrire l'impression qu'il
produisit, mais il est bon de dire qu'immédiatement avant que la
ballade fût jouée par Ernst, miss Dolby l'avait supérieurement
chantée, accompagnée sur le piano par Mendelssohn avec une per-
fection admirable. La traduction donnée par Einst, toute palpitante
d'émotion, de passion combinée avec l'habileté matérielle, offrait le
nec plus ultra de la vigueur, de la précision , de l'élégance. Enfin le
grand artiste couronna sa longue et laborieuse tâche en exécutant
son caprice sur les thèmes du Pirate. Ce qu'il y eut encore de vrai-
ment remarquable dans cette séance , c'est le triple concerto de
Bach pour trois pianos arrangé par Moscheles et exéculé parlai,
Mendelssohn et Doehier, c'est la Tarentelle napolitaine exécu-
tée par Doehier, ce sont en outre les morceaux chantés par miss
Dolby et Staudigl pour faire diversion à la partie instrumentale
si griinde et si imposante qui formait la base de ce beau con-
cert.
LE PIANO RUE NOTRE-DAME DE LOKETTE.
l^essin de Gravarni.
Le seul commentaire possible de cette excellente figure de
femme, qui réunit toutes les conditions du genre, vérité
DE PARIS.
mi
d'expression, d'attitude, de costume, ce sont les deux vers
que l'auteur de VIrato a mis dans la bouche de sa charmante
Isabelle :
Et quand je ne fais pas l'amour,
Je fais au moins de la musique.
*,* Demain lundi , à l'Opéra, Roben-le- Diable , chanté parPoul-
tier.
*," Deux débuis ont eu lieu cette semaine dans la danse, celui de
M. Toussaint, qui a joué le rôle de Lionel dans Lady Henriette , et
celui deM"« Smirnof, première danseuse du Théâtre impérial de
Russie. M. Toussaint , mime et danseur de bonne école, est engagé
pour doubler Petitpa ; M"» Smirnof, qui est venue à Paris pour tra-
vailler son art, n'a voulu que nous montrer un échantillon de son
talent.
%* M"" Bretin a aussi fait son second début dans un pas de deux
avec Mabille : elle a été fort applaudie , et méritait de l'être.
*," Poultier s'est essayé mercredi dernier dans le rôle principal de
Jtoberi-te-Diable. Hâtons-nous de dire que cette épreuve, sollicitée
par le jeune artiste, et qui pouvait d'abord sembler téméraire , a
été couronnée d'un plein succès. Poultier ne s'est trompé ni en
comptant sur lui-même ni en se fiant aux sympathies du public.
La foule est venue ; la recette a dépassé 7,000 fr., et il y a lieu de
croire qu'à la seconde épreuve il y aura encore plus de monde. La
voix de Poultier, sauf la force, ne manque pas d'analogie avec celle
d'Adolphe Nourrit : il attaque facilement les notes de tête que son
célèbre devancier donnait avec tant d'éclat. Poultier a donc rétabli
le rôle du prince normand lel que l'a écrit Meyerbeer : il l'a chanté
tel qu'on le lit dans la partition. Dès le premier acte, on a remarqué
la netteté, la légèreté avec laquelle il a dit la sicilienne; au troi-
sième , il s'est très bien tiré du trio sans accompagnement; il n'a
bronché que dans un seul passage du duo : Des chevaliers de ma pa-
trie , celui où les modulations s'enchaînent sur les paroles : Conquis
par ma valeur, ce rameau redouté, etc.; mais bientôt l'artiste a repris
ses avantages, et enlevé les bravos les plus légitimes tant au qua-
trième qu'au cinquième acte. Poultier a fait un pas en avant comme
chanteur et comme acteur; il a conquis un rôle qui sera le plus beau
de son répertoire. M"»" Dorus-Gras, Levasseur et M"= Dobré con-
couraient à l'attrait de cette intéressante représentation.
",* Duprez était le 9 de ce mois à Bruxelles ; il se rendait, di-
sait-on , à Spa , comme simple voyageur, et pour se reposer de ses
fatigues.
*,* Barroilhet n'a pas encore quitté Paris. Le mal de gorge dont il
souffrait.a eu plus de durée et d'intensité qu'on ne devait le croire.
Le voyage du célèbre artiste à Bayonne , sa ville natale , est encore
incertain.
*," L'arrivée du ténor Gardoni a suivi de près celle du baryton
Latour ; on n'attend plus qu'une basse italienne dont le nom a été
confondu avec celui du célèbre chanteur allemand, Staudigl. Ce
dernier n'est nullement engagé à l'Opéra : il en avait été question
l'année dernière, mais à raison de divers obstacles tous les projets
sont actuellement rompus.
V Dérivis est à Paris en ce moment.
V Demain lundi, l'Opéra-Comique doit donner la première re-
présentation des Quatre ftls Aymon , dont la musique est de
M. Balfe.
V Chaix, qui devait débuter à ce théâtre dans Actéon , s'y mon-
trera d'abord dans l'Eau merveilleuse.
'," Tous les théâtres ont été fermés hier, samedi , à l'occasion de
l'anniversaire de la mort de S. A. R. le duc d'Orléans.
*,* M»» Viardot-Garcia et sa belle-sœur. M""» Eugénie Garcia ,
sont arrivées ici, l'une venant d'Allemagne, l'autre d'Angleterre.
".* Le texte de l'opéra que Meyerbeer écrit pour l'ouverture du
théâtre de Berlin est de MM. Tieck et PiCllstab.
',* La commission nommée pour juger les instruments de mu-
sique qui avaient été admis à l'Exposition, est composée de MM. Au-
ber, Habeneck, Gallay, Séguier, membre de l'Académie des sciences,
et de M. Savait. On compte deux cents pianos, plus de cent violons,
basses et contrebasses, cent vingt instruments en cuivre de toutes
les dimensions, et autant de flùles, clarinettes, hautbois et bassons.
V Comme nous l'avons annoncé, le grand festival de l'Industrie,
qui aura lieu au palais de l'Exposition, sera partagé en deux jour-
nées. Le programme de la première journée se'compose de l'ouver-
ture de la f^estate (Spontini); de la scène du troisième acte d'Armide
(Gluck); de la marche au supplice (Berlioz); de la prière de Moïse
(Rossini) ; de l'ouverture du Freysclmlz (Weber) ; de l'hymne à la
France, 'exécuté pour la première fois (Berlioz) ; de la prière de la
Muette (Auber); de Vadagio Qnal delà symphonie en ut mineur (Bee-
thoven); de la bénédiction des poignards des Huguenots (Meyerbeer) ;
de l'hymne à Bacchus (Mendelssohn;; de la symphonie funèbre (Ber-
lioz). L'orchestre, conduit par M. Berlioz, comptera 863 exécutants.
Les choristes seront au nombre de 400. Le second jour du festival .
M. Strauss dirigera un nombreux orchestre de bal. Jamais fête mu-
sicale n'aura réuni d'aussi nombreux, d'aussi puissants éléments de
succès.
*,* VAntigone de Sophocle, telle que l'a représentée l'Odéon ,
avec la mise en scène antique et les chœurs de Mendelssohn, a com-
mencé ses excursions départementales , et vient d'obtenir un grand
succès à Rouen.
V Les cendres d'Elleviou , mort à Paris il y a deux ans , ont été
rapportées dans sa résidence de Rouziéres , près de Lyon , par sa
veuve. On sait que cet artiste distingué était maire de sa commune
depuis un certain nombre d'années.
",* La troupe allemande qui a obtenu de si beaux succès à Gand
doit quitter cette ville du 1-3 au 15 de ce mois pour aller donner des
représentations à Anvers.
*,* M. Derre vient de faire un buste extrêmement ressemblant
de M. Prudent; nous ne doutcns pas que les nombreux amis de
l'habile pianiste ne s'empressent de se le procurer au prix modique
de cinq francs.
Clu'oniiiue départementale.
*/ Versailles. — Notre théâtre vient de fermer jusqu'au mois de
septembre , et pour la représentation de clôture on a donné la Favo-
rite, dans laquelle M. Jourdain a fait son second début. Aucune
pièce du répertoire n'a été montée avec plus d'ensemble. M. Jour-
dain nous était connu comme chanteur, mais comme acteur il nous
a étonné. Une bonne tenue, une belle diction et une charmante voix
senties qualités qu'il a su puiser au Conservatoire, dont il tait encore
partie. Les applaudissements d'une salle comble lui ont souvent té-
mQigné la sympathie du public.
Clïi'oiaicjsae «tï'angèi'e.
V Badcn.-Baden— On pense que cette année le nombre des étran-
gers dépassera trente mille. Les soirées musicales alternent avec les
bals. De grandes fêtes se préparent. Roger, l'excellent ténor de
l'Opéra-CoMiique, en représentation à Strasbourg, se fera entendre
à Baden , ainsi que la Tadolini et d'autres artistes célèbres des
grands théâtres lyriques. Enfin, on prépare un festival-monstre dont
M. Berlioz doit venir diriger l'exécution.
*,* Vienne, 21 juin. — Avant-hier a eu lieu la représentation à
bénéfice de M""= Pauline Viardot. On donnait la Lucia et l'admi-
rable troisième acte d'Otello. S'il nous fallait encore des preuves que
jlme viardot est une cantatrice vraiment grande, une artiste comme
il s'en est peu montré sur la scène, sa Desdémona viendrait nous les
fournil-. Nous ne devons pas juger cette merveilleuse création d'un
talent lichement doué, original et mûri par les plus solides éludes,
d'après ii mesure ordinaire avec laquelle nous évaluons la taille
des premières cantatrices. Dans son profond sentiment de l'art,
jimc Viardot est tellement éloignée des banalités acclimatées sur nos
scènes lyriques, que la partie du public â qui n'est pas donnée une
haute sensibilité pour le beau , ne peut reconnaître de prime abord
la différence qui sépare le faux brillant de la réelle valeur. Voilà
seulement comment je m'explique pourquoi le talent rare et pri-
vilégié de cette artiste n'est pas aussi généralement apprécié que
l'exigerait l'honneur du goût de notre public. Elle aspire à quelque
chose de plus haut, de plus noble que d'être seulement cantatrice
à effet. Rosine, M incita, Lucia, rôles si différents, le démontrent as-
sez. Celui qui a vu M">= Viardot seulement en Rosine, en jeune fille
vive, espiègle, pleine de grâce et de naïveté, la reconnaîtrait à peine
en Desdémona brûlant du feu de la passion. Il y avait un monde de
douleurs dans le chant de la romance. Récitée dans un style solennel
et religieux, la prière fut un admirable passage â la dernière scène
avec Otello , jouée et chantée par M"» Viardot dans le style le plus
22(2
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
grandiose, avec une vérité saisissante, avec toute la puissance de
l'art. Quant à l'exécution de la Lucia, nous pouvons dire qu'elle est
encore plus admirable que le premier jour.
V Francfort. — Fernatid Cortex vient d'être remis à la scène sur
notre théâtre. L'orchestre et les chœurs n'ont rien laissé à désirer ;
quelques rôles ont été fort bien rendus : au total la représentation a
fait le plus grand plaisir. Le public de Francfort a dignement ac-
cueilli cette partition où le grandiose du style s'allie ù l'originalité
des motifs d'une mélodie si expressive.
*," Mayence. — M™" Stockel, née Hcinefetter, a donné une soirée
musicale ; M"« Sabine et Katinka Heinefetter ses sœurs y assis-
taient. La troupe de l'Opéra de Mayence était dernièrement à Gand
où elle a joué le Ca7iip de Grenade, de Kreutzer, sous la direction du
compositeur.
V Berlin , 19 juin. — Sur la proposition de M. Sponlini, inten-
dant et directeur général de la musique du roi , Sa Majesté le roi de
Prusse , la reine et S. A. R. M"« la duchesse royale de Prusse vien-
nent d'agréer le diplôme d'agrégé honoraire à l'Académie pales-
trienne de Sainte-Cécile dePiome. Sur la proposition du même com-
positeur. Sa Majesté le roi vient de commander à un artiste romain
le buste de Palestrina, qui doit être placé dans la galerie du Capiiole
où l'on a réuni tous les bustes des grands hommes qui se sont illus-
trés dans les sciences et les arts , soit dans l'antiquité, soit dans les
temps modernes, et qui étaient dispersés dans les différents monu-
ments de Rome avant que l'on eût formé ce nouveau muséum dans
l'aile droite du Capitole.
',' Hambourg. — La célèbre improvisatrice allemande , M"" Leon-
hard Lyser, donne des soirées où elle fait preuve d'une facilité et
d'une présence d'esprit vraiment extraordinaire. Ces séances sont
entremêlées de chant et de musique-instrumentale, et paraissent
intéresser vivement le public esthétique de notre ville.
ERRA TA du 3« article sur la Notation dont saint Grégoire s'est
servi pour son Aniiphonaire.
Pag. 222, col. 1, lig. 3«, au lieu de : ocioéckos{ les huit tours); li-
sez : (les huit tons). — Même colonne, lig. 30, au lieu de : Tbéodo-
linde ; lisez : Théodelinde. — Même colonne, lig. 8 { en remontant ),
au lieu de : le plus ancien monumetit jusqu'à nos jours; lisez : le plus
ancien monument connu jusqu'à nos jours.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
Publications de MAURICE SCHLESINGER, S9, rue Kichelieu.
|j0ur pûraftre le 13 3uiUet pr0r|)atn.
MORCEAUX DÉTACHÉS DU
LAIZARONE
OPERA DE F. HALEVY:
Ouverture.
N. 1. Cavaline chantée parM"« Slollz.
2. Air de l'improvisateur, chanté par M. Barri/ ! ■.
3. Duo chanté par M""= Stollz et M. BarroilhCv
4. Chanson de la Bouquetière, chantée par M»:- rus-Gras.
5. Duo chanté par M"" Dorus-Gras et Stoltz.
6. Trio, par MM. Barroilhet, Levasseur et M"" uorus-Gras.
7. Couplets du baptême de la cloche, chantés par M"" Dorus.
8. Duo chanté par M. Barroilhet et M"»= Dorus-Gras.
9. Chansonnette chantée par M""« Stoltz.
10. Duo chanté par M'"^' Stollz et Dorus-Gras.
1 1 . Duo chanté par M. Barroilhet et M">' Stoltz.
11 bis. Cavaline extraite, chantée par M. Barroilhet.
U ter. Romance extraite, chantée par M"' Stoltz.
12. Trio chanté par MM. Levasseur, Barroilhet et M"
13. Couplets chantés par M™' Stoltz.
Dorus.
A grand orchestre. . 24 ■>
En partition . . . 24 »
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T
Le Chirogtjvnnaste Q^X un assemblage denenfappa-
reils ^ymnastiqaes destinés à donner de Vexiensxon i
la main et de Vécart aux doigts à augmenter et à êgalu
ser leur force et à rendre le quatrième et lecingutèms
indépendants de tons les autres. Le Chirogymnaste
aété aussi approuvé et adopté parMM. Adam, Berlini^
deBeriot, Cramer, Herz,Kalhhreuner,Listz,Moschelè9
Pruâmt, Sinon, Tkalberg, Tulou, Zimmermann, etc.
Chaque Chirogymnaste est revêtu de la signature
de rinventeur et $e vend place de la Bourse, n» 13,
àhuitappareilê, b(ifr.,àneufapp,GOfr., méthode^Zfr.
MAttlTO, S fih
Lee expéditions sont faites contre remboursement. Ëciin i
EnTenté par C. MABTIIV
Facteur de Pianos,
BREVETÉ DU BOI
Place de la Bonrae» 18.
ApprouTé par l'Iiutitot
el adopté dans les clasv.cs
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REVUE
ET
GAZEHE MUSICALE
BiDIGÉE PÀB
MM. ÂNDERS , G. BÉNÉDIT, BERLIOZ , Henri BLANCHARD ,
MiUniCE BOURGES, F. DANJOC, DLESBERG, FÉTIS père, Édouabd FÉTIS, Stephen HELLER, J. JANBS,
G. KASTNER, LISZT, J. MEIFRED , Geobge SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, elc.
Paraissant tous tes Mtitnane/tes.
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
lie t*' et le 15 de chaque mois on recevra un morccaa de maslqae*
SOMMAIRK. Première lettre à M. Zimmerman; par FÉTIS père. —
Théâtre royal de l'Opéra-Comlque : les Quatre fih ylymoii ( pre-
mière représentation) ; par H.BLANCHARD.— I.a musique et
les théâtres à Vienne. — Nouvelles. — Annonces.
L'ORGUE DE BARBARIE. Dessin de Gavarni.
Rendons grâces au ciel , ami , qui nous a fait dignes de
connaître la véritable amitié : peu d'hommes ont joui de ce
bienfait.
Dans celte longue suite d'années oii notre attachement ne
s'est pas démenti, nous avons pu nous apprécier tous les deux,
et, f^ii.-nnt avec prudence la part des faiblesses de l'humanité,
nous avons acquis la conviction réciproque qu'il existait en
nous des qualités assez belles pour les faire excuser. Au nom-
bre de celles-ci, nous avons reconnu dans chacun de nous un
amour pur de l'art que nous cultivons, un dévouement sincère
à la recherche de la vérité dans la science de cet art. Nos
opinions, psrfois opposées, se sont toujours manifestées sans
réserve dans nos entretiens , parce que nous nous estimions
assez pour ne pas nous faire le sacrifice de nos penchants d'ar-
tistes , de nos docirincs de professeurs. Tel je t'ai toujours
ous étions bien jeunes tous deux lorsf|ue nos | connu à cet égard, tel tu m'es apparu dans l'analyse de mon
AI9I. les Abonnés recevront avec le présent numéro :
u» GALOP RUSSE , par F. MSÏT.
jprcmièrc Cfltie il i\\. 3iinmcrman.
Bruxelles, 2.5'juin 18i4
mains se serrèrent pour la première fois dans
l'école où notre bon génie nous avait fait en-
trer ; où tes succès commençaient tandis que
j'étais encore obscur ; où nous avons payé
notre dette en y enseignant ce que nous avions appris ; où tu
traité complet de la science et delà pratique de l'harmonie {\)
que tu as fait insérer dans la France musicale du 26 mai
dernier. Cette fois encore tu t'es dit ami de l'Iiomme , mais
bien plus ami de la vérité !
Et moi aussi , cher Zinimerman , je viens à toi dans cette
brilles encore parmi les hommes d'élite dont les noms hono- | polémique tel que tu m'as vu dans tous les temps ; incapable
de rien imaginer qui puisse blesser le cœur d'un ami , mais
ardent à défendre des théories devenues les objets de ma foi,
ou plutôt de mes convictions. Ce n'est pas d'aujourd'hui
qu'elles divisent nos opinions : peut-être n'as-tu pas perdu
le souvenir d'une vive discussion qu'elles firent naître entre
nous, il y a environ vingt-cinq ans, lorsque je t'exposai les prin-
cipes qui sont les bases de mon nouveau livre. Les mêmes
arguments que tu m'opposais alors, je les retrouve dans ton
' analyse. ïu m'as donc rencontré dans les mêmes voies , et
pourtant, qued études, que de recherches, que de méditations
depuis ce temps , pour arriver à la certitude de la réalité, de
I8i4, chez Schlesinger, rue Hichelieu, 97, un vol. grand
rent la France ! Depuis ces premiers jours de notre amitié ,
que d'événements ont agité le monde et nous-mêmes ! Après
les dernières saturnales du directoire, nous avons vu la régé-
nération de la société sous les austéritésdu régime consulaire;
puis les gloires de l'empire ; puis les revers succédant aux
concjuêies ; puis le repos , puis enQn de nouvelles agitations
auxquelles nous n'avons pu rester indifférents, et qui ont mis
parfois dans notre esprit des nuances d'opinions diverses. La
fortune nous a fait connaîire ses caprices , et le sort ne nous
a pas même épargné des rivalités ! Cependant, après quarante-
cinq années d'épreuves de tout genre , nous retrouvons en
nous le même sentiment ; non plus pur , car ceux de la jeu-
nesse sonttoujours bons ; mais éprouvé, solide , indestructible.
(IJ l'a ri
in-8'.
BUREAUX D'ABONNEMENT, RUE RICHEI.IEU, 97.
244
EEVUE ET GAZETTE MUSICALE
l'infaillibilité de mes principes ! Dans mon livre , dans sa
préface , dans le cours que j'ai fait naguère à Paris pour en
faire connaîtrela théorie, et que tu as suivi avec une assiduité
qui m'honore, j'ai cru prévenir ces objections, ou y répondre
d'une manière satisfaisante : ton analyse me prouve que je
n'ai point fait entrer la conviction dans ton esprit. Serai-je
plus heureux dans cette lettre? Je l'ignore , mais mon devoir
est de l'écrire, car ton nom donne de la valeur à ta critique.
II ne s'agitici ni de l'esprit de système, ni de la vanilôd'auteur,
mais (permets ce langage à mes croyances intimes) de la
création d'une science véritable et complète de la musique ,
que je dois protéger autant qu'il est en mon pouvoir , après
avoir fait tant d'efforts pour lui donner l'existence.
En commençant ta critique , tu dis : « II ne fallait rien
» moins que le nom de M. Fétis pour exciter l'attention des
» artistes par la publication d'un traité d'harmonie : « Je
pense , moi , que l'intérêt reporté sur l'homme par ta bien-
veillance, appartient tout entier à la chose. N'en doute pas ,
ami, si je ne fusse venu exposer et développer avec plus ou
moins de lucidité l'une ou l'autre des anciennes théories , ou
quelque hypothèse simplement ingénieuse, je n'aurais pas
triomphé de la fatigue et du découragement où les artistes
avaient étéjetés précédemment par tant de doctrines contra-
dictoires. Ce qui a saisi l'auditoire de mon cours, dès la
première séance, et depuis lors le public, averti par la discus-
sion des journaux, c'est un caractère d'évidence qui ne peut
être que le résultat d'une science bien faite , philosophique
dans son principe, logique dans ses déductions. Pour la pre-
mière fois , les artistes ont vu sortir la science de l'harmonie
des classificaiions arbitraires d'accords, des voies stériles du
calcul , et des expériences d'acoustique sans portée , pour
chercher une base plus solide dans le sentiment et dans la
conception de l'homme. Pour la première fois , la mélodie ,
l'harmonie, l'art tout entier s'est offert aux artistes comme
un tout homogène dont les diverses parties étaient unies entre
elles par la force invinciblede la tonalité, au lieu de présenter
à l'intelligence peu satisfaite des phénomènes divers et isolés.
Tu dis , mon cher Zimmerman : « M. Fétis , qui a fondé
1) sa théorie sur l'attraction du quatrième degré de la gamme
» avec le septième , aurait dû apporter sa sagacité ordinaire
» dans l'appréciation de celte attraction , dont la découverte
» a valu à Monteverde le surnom de Newton de la musique. »
J'ignorais, je l'avoue, C{u'on eût appelé Monteverde le Newton
rfc /aimusîÇMe, et je suis d'autant plus étonné qu'on lui ait donné
cette épilhète , que ce pauvre Newton musical ne s'est pas
douté de ce qu'il faisait. Guidé par son instinct d'artiste , il
s'est mis un jour à écrire un accord de septième mineur avec
tierce majeure sans préparation, uniquement parce que cette
harmonie plaisait à son oreille, mais sans imaginer qu'il venait
de changer la tonalité, et créer celle de notre temps. Attaqué
par les harmonistes contemporains pour avoir osé faire de
l'harmonie dissonnante sans préparation, il se défendit assez
mal dans les préfaces de ses ouvrages, où l'on voit qu'il ne
comprenait pas mieux que ses adversaires ce qu'il avait fait.
Mais il y a quelque chose de plus remarquable : c'est que
personne n'avait dit un mot de la détermination delà tonalité
moderne par le rapport attractif du quatrième degré et du
septième réunis à la dominante avant que j'eusse signalé ce
fait dans l'introduction du deuxième livre de mon traité du
contrepoint et delafvgue, publié en 1824.
Ouvreet compulse toutes leshistoires de lamusique, tous les
traités des principes de cet art , tous les livres didactiques
concernant la mélodie et l'harmonie , tous les journaux et
recueils de critique musicale antérieurs à cette publication ,
tu n'y trouveras pas un mot relatif au fait dont il s'agit , et
tu acquerras la conviction que personne ne savait exactement
en quoi consiste la différence de l'ancienne tonalité et de la
moderne. Personne n'avait compris que l'harmonie conson-
nante , avec l'usage de quelques dissonnances artificielles de
prolongation, inhérente à la première de ces tonalités , la reud
nécessairement unitonique , et en bannit la modulation , ou
plutôt la rend impossible, tandis que l'harmonie dissonnante
naturelle , qui constitue la tonalité moderne par sa double
attraction, a donné naissance immédiatement à la transition
des tons. La première de ces harmonies a le caractère du
repos, l'autre, celui du mouvement. Avec l'une, on ne pou-
vait avoir que de la musique religieuse et calme ; avec l'autre
sont venus l'accent expressif, passionné, et le drame sous tou-
tes ses formes.
Tout se tient , comme tu vois , dans cette distinction des
tonalités, et de ce qui les constitue ; cependant je ne fus pas
compris quand je posai ces faits pour la première fois , et ce
ne fut qu'après, les avoir reproduits cent fois et de vingt ma-
nières différentes dans les diverses éditions de ma Méthode
élémentaire, d'harmonie et d' accompagnement , dans mes
cours , dans mes livres historiques ou critiques et dans les
journaux, que j'ai fait enfin pénétrer ces idées dans la tête de
quelques musiciens. ïu vois donc, mon ami, queni Monteverde,
ni personne jusqu'à nos jours, ne s'était douté de l'immense
transformation de l'art produite parla fantaisie spontanée de
. ce grand homme. Si j'insiste sur cela, c'est pour bien établir
ce qui distingue mon traité d'harmonie de tous les livres du
même genre , et pour faire voir que son but est la démons-
tration scientifique de toutesles conséquences de cesprincipes.
Si on voulait le considérer uniquement comme une exposi-
tion didactique de ce qui était auparavant connu, sauf quelques
modifications partielles , nées d'une manière particulière de
coordonner les faits, on serait exposé à le juger mal , car ce
livre ne va pas à moins qu'à une réforme complète de toute
la théorie de la science et de l'art. Je crois, d'ailleurs , avoir
démontré suffisamment ce but dans la critique analytique que
j'y ai faite des autres systèmes précédemment publiés ; ce
serait perdre son temps que de m'opposer ce que j'ai déjà
réfuté. C'est en lui-même , c'est dans ses principes fonda-
mentaux qu'ilfaut attaquer mon ouvrage , non dans des faits
particuliers, à moins qu'on ne fasse voir qu'ils sont en contra-
diction avec ces principes auxquels j'ai voulu les rattacher
tous par les déductions rigoureuses d'une logique inexorable.
Je reviens maintenant àla phrase de ta critique que j'ai citée
tout-à-l'heure.
c< M. Fétis, qui a fondé sa théorie sur l'attraction du
» quatrième degré de la gamme avec le septième , aurait dû
» apporter sa sagacité ordinaire dans l'appréciation de cette
)) attraction. » Si je n'ai pas fait cela , cher Zimmerman , dans
un livre qui n'avait pas d'autre objet , non seulement tu es
en droit de dire que j'ai manqué de sagacité, mais tu dois
même ajouter que je suis le théoricien le plus maladroit qui
se soit jamais donné la mission de formuler un système. Mais
j'avoue que je ne comprends pas comment j'aurais pu fonder
une théorie sur une chose que je n'aurais pas appréciée con-
venablement; car, ou mes déductions sont conformes au
principe, et dans ce cas j'ai dû apprécier celui-ci pour les
en tirer; ou elles n'en découlent pas , et dès lors je serais en
contradiction avec moi-même , ce que tu ne m'as point re-
proché; ou, enfin, le principe est faux, et les conséquences,
rigoureusement déduites, sont fausses aussi : or, dans cette
supposition , j'aurais encore apprécié avec justesse la portée
du principe ; seulement j'aurais erré h l'égard de la réalité de
DE PARIS.
2&5
celui-ci. Voyons quelle est ton opinion concernant l'attraction
des quatrième et septième degrés :
« Au lieu d'attribuer h je ne sais quel contact du quatrième
» degré et du cinquième la propriété de faire admettre sans
«préparation la septième dominante, M. Fétis aurait dû
» reconnaître que cette septième , qui contient la quinte dimi-
» nuée, lui est redevable du privilège de se faire entendre
>) sans être préparée. C'est le principe vivifiant de l'atiraclion
» qui manifeste ici sa puissance. »
Ainsi tu glorifies l'attraction des deux noies de la gamme,
qui , seules , peuvent la faire naître ; dès lors tu es d'accord
avec moi sur ce qui constitue la tonalité moderne. Je prends
acte de cette déclaration de ton opinion à ce sujet , car elle
simplifie beaucoup la discussion concernant la valeur de ma
théorie. Ce que tu me reproches , c'est d'avoir admis une
dualité de principes pour l'harmonie dissonante naturelle de
l'accord de septième dominante, c'est-à-dire, non seulement
l'attraction du quatrième degré et du septième , mais aussi
je ne sais quel contact du quatrième et du cinquième. Tu
ajoutes, pour expliquer toute ta pensée : « Comment M. Fétis
» n'a-t-il pas constaté avec bonheur que ce principe fécond
» (l'attraction des quatrième et septième degrés) étend et
» transporte sa prérogative aux septièmes mixte et diminuée
» qui contiennent aussi cette quinte diminuée? La substitution
» n'a que faire là. Cet élément nouveau et iiiutile ne ferait
» qu'embrouiller et remettre en question un fait désormais
» acquis à la science. »
<i Depuis deux siècles, la quinte diminuée nous révèle son
» importance ; ne soyons pas ingrats , ne la dépouillons pas
Il de son privilège , et reconnaissons ce que notre art lui doit. »
Je te demande beaucoup d'indulgence, ami , pour les longs
développements où je dois entrer pour répondre à ces lignes.
La critique a bientôt fait quand elle attaque un principe : il
lui suffit de quelques mots pour le nier ; mais il faut de
longues analyses pour lui rendre ses droits. Et d'abord je te
ferai remarquer que dans tes habitudes de dévouement entier
à la théorie de Catel, résultat inévitable de ton éducation
harmonique par cette théorie , tu n'as pas cru nécessaire de
discuter la partie de mon livre où j'ai établi la réalité du genre
de modification de l'harmonie naturelle que j'appelle substi-
tution , et tu m'opposes simplement les erreurs de cette même
théorie que je crois avoir à jamais anéanties par une analyse
scientifique où rien n'a été oublié. C'était particulièrement
aux disciples dévoués de Catel que je m'adressais lorsque j'ai
écrit dans l'introduction du chapitre où j'ai traité ce .sujet (1) :
« Nous touchons à l'une des questions les plus délicates de la
» théorie de l'harmonie, à l'un des faits les plus singuliers de
» l'art dont la science ait à rendre raison. Je dois ici redou-
o) bler de soins pour exposer avec clarté les conséquences de
» la loi de tonalité dans le phénomène dont il s'agit; mais je
» ne puis espérer d'atteindre le but que je me propose, qu'au-
» tant que le lecteur, m'accordant une attention soutenue ,
» se dépouillera des préoccupations de théories basées sur
» d'autres considérations que sur celles de la tonalité. » Or, il
me paraît que tu ne t'es pas dépouillé de ces préoccupations,
et que tu ne m'as pas accordé toute l'attention que je deman-
dais; car tu m'opposes simplement ce que j'ai réfuté comme
si je ne l'avais pas compris , ou comme si je l'avais négligé.
Qu'avais-je établi avant d'aborder le sujet de la substitution
et des autres modifications des accords naturels? J'avais dé-
montré qu'avec l'accord parfait , celui de septième de domi-
(I) Traité complet de la théorie et de la pratique de l'harmonie,
livre 11% chap. 5, pag. 46 et suivantes.
nante et leurs dérivés, toute la tonalité moderne est constituée ;
qu'eux seuls sont nécessaires ; qu'ils suffisent à tous les cas de
successions mélodiques , et que les autres combinaisons har-
moniques ne sont que des combinaisons de celle-là ; modifi-
cations nées de la fantaisie et du besoin de variété que nous
éprouvons dans nos sensations. Voilà , cher Zimmerman , ce
qu'il faut commencer par mettre au néant avant d'attaquer
ce que j'appelle ta substitution. Mais le moyen , après m'avoir
accordé que Montevrede a constitué la tonalité moderne en
pratiquant sans préparation l'accord de septième mineure avec
tierce majeure , c'est-à-dire le double contact attractif du qua-
trième degré de la gamme, du cinquième et du septième?
Le moyen, d'ailleurs, de se refuser à l'évidence que toute
musique peut être ramenée à l'harmonie des accords naturels
dont j'ai parlé , en la dépouillant des divers genres de modi-
fications dont les accords sont susceptibles; tandis que, si
l'on supprimait un seul de ces accords, elle serait anéantie à
l'instant même ? C'est une vérité dont chacun peut acquérir
immédiatement la preuve par l'expérience. Je crois te l'avoir
déjà dit; je suis un logicien obstiné : après qu'on m'a concédé
un principe , il faut qu'on en accepte les conséquences. Or,
si la tonalité moderne est complète avec l'accord parfait, celui
de septième de dominante et leurs dérivés , toutes les autres
harmonies ne sont que des modifications de celles-là : il ne
S'agit plus que de découvrir de quels genres sont les modifi-
cations. Pour me servir de la langue philosophique , je dirai
que les premiers accords sont le général et le nécessaire de la
musique, et que les autres n'en sont que le contingent.
Suivant toi , ou plutôt suivant Catel, dont tu adoptes les
opinions , les accords que tu appelles avec lui septième mixte
ou septième diminuée, c'est-à dire si, ré, fa, la, et si, ré
fa, la bémol , sont des accords aussi naturels que celui de
septième de dominante sol, si, ré, fa, puisqu'ils s'attaquent
comme lui sans préparation ; et tu penses qu'ils sont rede-
vables de cette prérogative à la relation attractive du quatrième
et du septième degré qui existe dans cet accord de septième
que tu appelles mixte , et dans celui de septième diminuée.
La substitution, ajoutes-tu, n'a que faire là. Examinons
ces propositions.
D'abord , n'inférons pas de ce qu'un accord peut être en-
tendu immédiatement et sans préparation qu'il est primitif et
nécessaire ; car les accords altérés sont dans le même cas
quoiqu'on ne puisse certainement dire qu'ils sont ni néces-
saires ni primitifs ; ils anéantiraient même le sentiment de la
tonalité si l'intelligence musicale neportait un jugement rapide
sur la nature de la modificalion, et ne rétablissait par la pensée
la note ou les notes altérées dans leur état normal.
Ensuite, tu attribues trop exclusivement le caractère at-
tractif à la relation du quatrième degré et du septième : ce
caractère d'attraction n'est complet, impérieux, que lorsque
ces deux notes sont réunies au cinquième degré. Rappelle-toi
ces successions que tu as cent fois employées toi-même :
si, — ut,
fa, — sol, ou
ré, — mi.
C fa, — sol,
\ ré, ut, si,
\ si, ta, sol.
Tu dis, en parlant du rapport du quatrième degré et du
cinquième, que j'ai considéré comme nécessaire pour dé-
terminer l'attraction tonale : Je ne sais quel contact , etc.
Qu'entends-tu par cela? Que tu ignores quelle loi de la nature
a établi ce contact? Eh ! mon digne ami, je n'en sais pas plus
que toi à cet égard; notre ignorance à tous est égale; car
nous ne connaissons les phénomènes qui affectent nos sens
que par leurs effets; les substances et les causes premières
seront un éternel mystère pour nous. Mais si ces mots : Je ne
246
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sais quel contact du quatrième degré et du cinquième, ont un
sens négatif, je me trouverai vis-à-vis de toi dans la situation
de ce philosophe à qui l'on niait le mouvement et qui mar-
chait; je te renverrai au phénomène lui-même, à l'accord
de septième de la dominante , et ma réponse sera victorieuse;
car il s'agit d'un fait dont je prouverai l'existence par le fait.
Maintenant, qu'est-ce que lasubstitution, et quelle garantie
avons-nous de sa réalité? La substitution, tu l'as vu dans
mon livre, est la faculté de faire entendre dans l'accord de
septième de dominante et dans ses dérivés le sixième degré au
lieu du cinquième , en vertu d'une loi qui ne nous est pas
plus connue que celle des autres phénomènes harmoniques,
mais dont notre organisation accepte les effets , et dont notre
intelligence saisit le mécanisme. Lorsque l'accord de septième
dominante est accompagné de l'octave du son principal (sol,
si, ré, fa, sol, ou sol, si, fa, sol], si on substitue le sep-
tième degré du mode majeur au cinquième , on a un accord
de neuvième majeure de la dominante [sol, si, ré, fa, la,
ou sol , si, fa, la). La même substitution dans le premier
dérivé de l'accord de septième {si, ré, fa, sol ) donne un
accord de septième {si, ré, fa, la,) que j'appelle septième
de sensible à cause de la note qui lui sert de base. La même
substitution dans le second dérivé {ré, si, fa, sol) produit
un accord de quinte et de sixte sensible (ré, si, fa, la);
enfin la même substitution dans le troisième dérivé (fa, si,
ré, sol) engendre un accord de triton avec tierce majeure
(fa, si, ré, la). Chacun de ces accords ainsi modifiés a la
même destination tonale , et remplit les mêmes fonctions que
les accords primitifs, car ces successions :
i «, -
y a, —
la, — 50/, {la, — .toi.
,to,
— sol.
.ta, — >in, \ja, — mi,
xi, — ut, "" » ré, — mi.
ou
]si.
— mi.
sol, — ul, •si, — ni.
Kré,
— 1)1!
résentent celles-ci :
sol, — sot, 'soi, — sol.
,'SOt,
— .wl,
fa, — m!, \ fa, — mi.
\la.
— VI i,
si, — ul, i ré, — mi,
sol, — ul, \si, — ul.
(Si,
\ré.
— ul,
— IHi,
sol.
.loi
ré,
—
mi.
SI,
—
!«,
\fa.
Une différence pourtant existe entre les accords affectés de
substitution et les accords primitifs; car les intervalles de
ceux-ci sont agréables à l'audition dans toutes leurs positions
respectives, et l'on peut entendre avec autant de plaisir le
même accord sous ces formes ré , fa, sol, si, ou ré , sol , bi,
fa, ou»-e, si, fa, sol, tandis que les deux notes dissonantes
si, la des accords affectés de substitution blessent l'oreille,
si elles ne sont tenues à la dislance d'une septième , ce qui
ne permet qu'une forme pour ciiaque accord , et limite con-
séquemnient l'emploi de ces accords modifiés à un petit nom-
bre de cas. Par le môme motif, la substitution ne peut être
employée au son grave de l'accord descplièmo de dominante
pour remplacer sol, si, ré, fa par la, si, ré, fa; car les
deux notes dissonantes y seraient à l'intervalle de seconde.
C'est ici que se fait voir avec évidence la vérité , la rectitude
d'une théorie d'harmonie basée sur la loi de tonalité, et l'in-
suffisance , la source d'erreurs multipliées qu'on trouve dans
les systèmes établis sur des considérations d'accords isolés.
Catel, n'ayant pas vu que les circonstances qui donnent nais-
sance à l'accord de neuvième majeure de la dominante et à
celui de septième de sensible sont les mêmes, et qu'elles
dérivent du même principe , en a fait deux accords fonda-
mentaux ayant chacun leurs dérivés. Or, le second de ces
dérivés (si, ré, fa, la) a, dit-il, pour dérivés, ré, fa, fa,
si , fa , la , si, ré , et !a , si , ré , fa ; mais trop bon musicien
dans la pratique pour ne pas savoir que ces accords ont sous
ces formes une harmonie dure et désagréable qui ne permet
pas d'en faire usage , il établit tout d'abord une première ex-
ception dans ces mots : « Pour employer le premier et le
» deuxième dérivé de cet accord d'une manière plus agréa-
1) blc , il faut que l'intervalle de seconde qui s'y trouve soit
» présenté sous le renversement de septième. » Son embarras
est plus grand à l'égard du dernier dérivé, qui, suivant la
doctrine de la loi tonale , résulterait de cette substitution du
sixième degré à la note grave de l'accord de septième domi-
nante. Ce dernier dérivé (la , si , ré, fa ) n'est (dit-il) pas
d'usage sans la préparation {dehnote inférieure) (1). Ainsi
voilà un prétendu accord fondamental dont deux dérivés ne
peuvent trouver d'emploi qu'en renversant leur forme , et
dont le troisième ne participe pas de la nature du fonda-
mental , puisqu'il doit être préparé , et que le fondamental
est rangé par Catel dans la classe des accords naturels , c'est-
à-dire qui n'ont pas besoin de préparation ! Vit-on jamais un
oubli plus complet de toute logique ?
Mais nous ne sommes pas au bout de la confusion d'idées
qui se fait remarquer dans cette partie de la théorie de Catel,
car tu te rappelles, ami, ce passage de son Traité d'harmonie
(page 15) : « L'accord de septième de sensible n'appaftient
« pas exclusivement au mode majeur : il est des cas où on
« l'emploie sans ■préparatioii sur la seconde note du mode
« mineur relatif. Alors il se nomme accord de seconde note
« du mode mineur. Il fait sa résolution sur la dominante.
« C'est ce double emploi qui a fait donner à cet accord le
n nom de septième mixte.
« Comme ( attendu que) dans le mode mineur cet accord
« s'emploie beaucoup plus .souvent en préparant la septième
« que sans préparation, ce n'est plus qu'un accord de qxiinte
« diminuée { quinte mineure ) qui reçoit une prolongation
« du septième. Aiiîsi, il entre dans lasériedes accords simples
« qui reçoivent la prolongation d'une note étrangère. »
Qu'est-ce à dire? Si cet accord est le produit d'une pro-
longation, son emploi sans préparation n'est donc admissible
dans aucun cas ; et s'il n'a pas la même origine que l'accord
artificiel de septième de sensible, il n'est donc pas le même ;
et l'idée d'un accord mixte , appartenant à deux tons et à
deux modes différents , ayant deux origines et deux emplois
contradictoires, est donc absolument fausse ! ïu vois donc ,
mon cher Zimmerman , que les objections contre la lucide
théorie que j'ai présentée de l'origine de deux accords que
Catel a mal à propos confondus en un .seul, étant puisées dans
celle conception dépourvue de toute logique , tombent avec
cette malheureuse conception dont j'ai rendu les contradic-
tions palpabicsdaiisles chapitres 5° et 6° du deuxième livre de
mon Traité complet de la théorie et de la pratique. Une seule
chose m'étonne, c'est que tu aies passé sons silence , dans ta
critique de mon principe de la substitution , cette analyse
d'un fait important par laquelle je répondais d'avance à tes
objections, et de manière, ce me semble , à ne pas laisser de
réplique raisonnable possible.
Mais ce principede la substitution, qui te semble un élément
nouveau et inutile , quoique j'aie démontré qu'il dérive né-
cessairement de la loi de lonalilé, et que sans lui la construc-
tion d'un système rationnel et complet d'harmonie, conforme
aux faits delà pratique, est impossible, ce principe , dis-je ,
a été présenté et reconnu par Catel lui-même, quoiqu'il n'en
ait vu ni le mécanisme. ni la portée, car il a dit en parlant des
accords de septième de la dominante et de neuvième : « La
« similitude (jui existe entre ces deux accords prouve leur
Traité d'hurmonie , page 14.
DE PARIS.
247
'< ideniité, et dénionlreclairemenlqu'ils ont la même origine.»
Or, si la similitude d'emploi de ces accords démontre l'iden-
litédeleiirorigine, quoique leur forme ne soit pas exactement
semblable , il ne s'agit plus que de découvrir la circonstance
qui opère la modification, et l'on n'en saurait trouver d'autre
que la substitution du sixième degré à la dominante dans la
note supérieure de l'accord. Continuant l'examen , on voit
que lit même circonstance se reproduit dans tous les dérivés
de l'accord de septième, et l'on trouve ainsi l'origine de l'ac-
cord de septième de sensible et de tous les autres du même
genre. Enfin, l'accord de septième dominante ayant dans le
mode mineur la même constitution que dans le mode majeur,
on voit que c'est encore la même circonstance , c'est-à-dire
la substitution du sixièmedegrédumode mineurau cinquième,
qui donne naissance aux accords de neuvième mineure de la
dominante , de septième diminuée sur la note sensible , etc.
De plus, on acquiert la conviction que cette substitution est
mélodique , ce qui indique suffisamment le motif de la néces-
sité de tenir la note substituée à la distance de septième de la
note sensible , et nous fait éviter l'anomalie oîi tombe Catel
d'une substitution dans la note grave de l'accord et de contra-
diction monstrueuse d'un accord dérivé qui n'a pas la même
nature que le fondamental. Dans ma théorie, qui est celle de
la nature et de l'art, tout est général et régulier; dans celle
de Calel, dont tu as entrepris la défense , tout est rempli de
contradiclions. d'exceptions et de pétitions de principes.
Dans une lettre prochaine , je continuerai l'examen de ta
critique CM ce qui concerne les conséquencesdelasubstitulion.
Ton tout dévoué,
Fiiïis père,
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
THSvlTRK ROYAL DE L'OPÉRA-COMIQUE.
LES QUATRE FILS AYMON,
Libretto en 3 actes de MW. de Leuven et Brunswick;
partition de M. Balfe.
(Première représentation.)
unique nous allions
par notre spécialité
à rencontre des
feuilletonistes qui se
plaisent à dévelop-
per leurs poétiques,
? leurs doctrines littéraires ou dramatiques
■à propos d'un libretto d'opéra-comique,
si faut-il bien encore , pour nous servir
al'unc de ces vieilles locutions épandues dans
le nouvel opéra afin de lui donner une cou-
cur du temps de la chevalerie, faire connaître
sommairement l'action, les scènes et situations
plus ou moins musicales que les auteurs ont
imaginées dans rintérêi du compositeur.
Et d'abord, d'après une vieille et bonne plaisan-
teiie, nous pourrions demander aux auteurs quel
était le père des quatre fils Aymon ; et ils en se-
raient peut-être réduits à nous dire, pour tous renseignements
biographiques, qu'il s'appelait comme ses fils , et que ses fils
se nommaient comme lui. Quoi qu'il en soit de l'origine de
ces preux chevaliers chevauchant tous les quatre sur le même
destrier, ce qui doit autant et plus illustrer ce noble animal
que ses cavaliers, toujours est-il que rien ne s'opposait à
ce qu'ils devinssent les héros d'un opéra-comique , malgré
l'obscurité de leurs faits et gestes, et MJl. Brunswick et de
Leuven l'ont victorieusement prouvé.
Le ducAymon, seigneur de n'imporlequoi et de pasgrand'-
chose, est mort en lais.saiit, pour tout héritage à ses quatre fils,
un testament philosophique faisant pressentir la fable de La
Fontaine qui devait venir plus tard, et dont la morale est :
Travaillez , prenez de la peine,
C'est le fonds qui manque le moins.
Une clause de ce testament envoie promener chacun de
son côté, et pendant un an, les quatre jeunes gens, qui partent
et laissent Yvon , vieil intendant du défunt duc , habiter le
manoir paternel, dans lequel il vit comme il peut en atten-
dant le retour de ses jeunes maîtres. Ce bon vieux ser-
viteur , gardien de l'orgueil de la famille , est un person-
nage calqué sur le Caleb de Walter Scott déjà mis à la scène
et fort bien joué par Bouffé.
Lès quatre frères revieiment aus.si pauvres que devant, afin
d'assister à l'ouverture d'un coffre que leur a laissé leur
père, et dans lequel ils trouvent , non de l'or, comme ils
l'espéraient, mais, comme danslo trésor supposé, d'Hoffman
et de Méhul, un écrit qui leur dit à peu près , ainsi que dans
ce petit et joyeux opéra-comique : le plus beau trésor est....
de savoir s'en passer. Désappointement général que le vieil
Yvon dissimule plus ou moins adroitement devant les étran-
gers ; et, par un effort de son Imaginative , lé voilà disant à
qui veut l'entendre et le croire que le coffre du duc défunt
renfermait beaucoup d'or, ajoutant que l'aîné des fils Aymon
hériteseul, attendu que sestroisautres frères sontmorts. Celte
histoire, il la fait surtout pour le baron de Beaumanoir , sei-
gneur voisin, possesseur de grands fiefs et d'une jolie fille,
qui est venu au château d'Aymon un peu par curiosité, puis
pour demander à déjeuner , mais surtout pour lâcher d'y
marier sa fille Hermine de Beaumanoir avec le jeune duc
Aymon. Les renseignements fournis par le vieil intendant ne
font qu'affermir le baron dans sa résolution. Un seul obstacle
s'oppose à ce projet, etcetobstacle c'est sa fille qui a fait vœu
de ne se marier que lorsque ses trois cousines seront mariées
elles-mêmes. Or, le baron de Beaumanoir , leur oncle , tient
beaucoup à ce que ses trois nièces se fassent religieuses pour
s'approprier leur fortune ; mais comme Hermine sa fille a déjà
vu l'un des quatre fils Aymon et qu'elle l'aime , elle vient à
bout de marier ses trois cousines aux trois frères du jeune
duc, à qui elle s'unit de son côté. Cette quadruple intrigue
fait le nœud de la pièce, qui se termine par ces quatre ma-
riages. Toutcela, consciencieusement travaillé, manque un peu
de naturel et de saillie dans le dialogue, de ces mots cherchés,
maniérés, faux même, mais piquants, dont M. Scribe sait si
bien assaisonner son dialogue , et qui font oublier tant d'in-
vraisemblances au spectateur. Si les situations n'ont pas de
développements fortement dramatiques, ou même comiques,
elles sont musicales et servent bien le compositeur. Celui-ci
en a-t-iltiré bon parti? That 's Ihc question.
M. Balfe est un excellent accompagnateur , un bon chan-
teur, un agréable compositeur, toujours prêt à remplir l'un
de ces trois rôles au théâtre, dans le salon, ou dans le cabinet.
M. Balfe est un charmant artiste, bon enfant, obligeant , tra-
vailleur ; mais M. Balfe est ce qu'on appelle un faiseur, un
de ces compositeurs qui n'hésitent jamais à jeter ce qu'ils
appellent leurs idées sur le papier ; qui vous mettrait en mu-
sique, pour peu que cela pût vous faire plaisir, la Gazelle de
Leyde ou à'AïKjsbourg. Ces homraes-là sont toujours con-
m
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tents de ce qu'ils trouvent, ou de ce qu'on a trouvé avant eux;
ils ne connaissent pas les chagrins que donnent les momenls
d'impuissance, car ils sont toujours puissants, ou puisant
dans le domaine des idées générales, émises et en circulation.
La musique de M. Balfe a pourtant du mouvement, de la vie,
de l'entrain ; elle n'est précisément pas commune ; sou in-
strumentation est animée , brillante et bruyante ; cela sent le
luxe italien, mais un luxe sans véritable richesse : c'est bien
de la mélodie peu inspirée ; elle est sans originalité, comme
son harmonie. On l'a déjà dit : M. Balfe a trouvé moyen de
créer une musique juste-milieu entre celle de MM. Adam et
Donizetti.
L'ouverture manque d'abord de distinction et de couleur
du temps. La polonaise qui intervient au milieu de cette ou-
verture est surannée et trop développée. L'air : Sentinelle !
prenez garde à votts ! qui ouvre la scène est plus" en har-
monie avec l'époque où se passe l'action , et la couleur en est
assez gothique. ■ Le quintette dit par les quatre frères et M.
Yvon n'est pas sans charme ; mais cela semble écrit pour
cinq premiers ténors; et une modulation qui semble pro-
mettre quelque chose d'inattendu, tourne court, et rentre
dans le lieu commun harmonique pour les voix et l'orchestre.
Après cela le jeune Aymon chante une jolie romance qui doit
revenir plus tard. Ici se trouve encore un quintette assez
médiocre, et puis un quatuor entre le baron de Beaumanoir,
sa fille , un des fils Aymon et le vieil intendant. Ce morceau
a des parties charmantes, entre autres un délicieux dessin des
premiers violons ; mais cela aboutit au finale du l" acte, sur
un rhythme à trois temps d'un style commun.
L'air con cori du baron de Beaumanoir : Que le faste et que
l'opulence, qui commence le second acte, est bien déclamé. Il
y a encore là, sur la mélodie principale, un dessin des violons
qui est assez mal accompagné par les cors qui in terviennent lour-
dement. Encore un quintette insignifiant entre Hermine , ses
trois cousines et Yvon, qui chantent beaucoup et longtemps
sur un rhythme en six-liuit sans distinction. Ici se trouve ,
entre Beaumanoir et Yvon, un duo comique, d'un genre qui
produit toujours de l'effet. C'est le vieil intendant corrobo-
rant son premier mensonge par l'énumération de vastes do-
maines que possède son jeune maître en Lombardie. Ce duo
est delà famille des duos bouffes et syllabiques de la Fausse
magie, d'il Matrimonio Segretto , delta Ccnerentola, voire
même de celui de Maison à «enrfre dans lequel les deux amis
s'extasient sur les bois , les champs et les prés qu'ils vont
posséder. Ce morceau, d'un bon caractère du reste , ne fera
pas oublier ses devanciers.
Après un joli canlahile dit par le baron , vient un air du
jeune duc Aymon qui n'a rien de saillant , puis un duo avec
la fille du baron dans lequel, sur ces mots : Je la voyais , le
cor fait entendre une sorte de petit canon ou imitation d'un
fort joli effet. La phrase sur ces paroles : Ltii dit tout bas
ne partez pas, se termine par un joli point d'orgue ; puis la
romance entendue au premier acte est rappelée ici heureu-
sement; et puis encore une coda à trois temps d'un genre
commun. Le quatuor nocturne : De ce bosquet ne sortez pas
est aussi brodé de jolies imitations de cor, embellies d'une
phrase des premiers violons d'un style élégant , distingué ; et
ces deux vers comiques par la situation :
Afin d'être à vous,
Je viens de prendre trois époux ,
s'enchaînent à un sextuor .'l'un effet doux , mystérieux et
fait avec presque rien, ce q; i est un mérite par le système de
formidable instrumentation qui court. Là finit le second acte.
Le troisième commence par une romance du vieil intendant
qui dit qu'ayant assuréle bonheur de sesjeunes maîtres, il peut
mourir. Le chant en est expressif et vrai. Le duo entre
Hermine et le jeune duc sur lequel on entend les trois cloches
des trois ermites annonçant qu'ils viennent de marier les trois
frères aux trois cousines estd'un effet pittoresque connu, mais
toujours piquant , surtout par l'accord parfait que font en-
tendre les trois clochettes. Dans le sextuor qui vient ensuite,
car il y a force morceaux d'ensemble dans l'ouvrage, peut-être
même un peu trop , Hermine, comme la Késie du Calife de
Bagdad, dit à ses cousines, dans un air d'un style varié, tout
ce qu'elles ont à faire pour plaire à leurs époux. Ce morceau
fort joli est fait évidemment pour donner à la cantatrice-actrice
l'occasion de briller. Enfin vient un trio charmant, morceau
d'une naïveté enchanteresse , et le meilleur de la partition.
Tout cela a été fort bien dit et fort bien chanté. M"" Darcier
a le rôle le plus brillant de l'ouvrage, et elle s'en acquitte à
merveille ; elle y met de la grâce et moins de manière que
par le passé. Elle a dit plusieurs mots avec esprit et de ma-
nière à se faire applaudir, entre autres cette phrase : Il faudrait
trois maris pressés. Chollet joue le rôle du baron de Beau-
manoir en comédien aussi vrai que cela lui est possible, et
toujours en chanteur excellent. On peut en dire autant de
Mocker. Hermann-Léon débutait à l'Opéra-Comique par le
rôle d'Yvon. Cet acteiu- a l'habitude de la scène, et ne la laisse
jamais languir. Il a su mêler avec talent le comique et la sen-
sibihté dont est nuancé son rôle. Sa voix de baryton , peu
étendue, est juste et bien posée; il a dit spirituellement le
duo bouffe du second acte, et chanté avec expression la ro-
mance du troisième. M"" Potier, Mélolteet Ste-Foy ont été
jolies comme à leur ordinaire dans des rôles presque muets,
et les trois frères du jeune duc Aymon ont été suffisamment
plaisants. Il n'est pas jusqu'à Duvernoy qui a joué un rôle de
Tartufe air petit pied avec tout le soin, la conscience et la
vérité qu'il apporte dans le trop petit emploi qu'il remplit à
l'Opéra-Comique. La pièce est bien décorée et non moins
bien costumée, ce qui n'a fait qu'eu corroborer le succès.
Henri Blanchard.
La Musique el les îliéâtres
A VIENNE {•).
ans une capitale comme Vienne on doit trou-
ver un grand nombre d'artistes en toutgenre,
cela se conçoit ; il y a de bons compositeurs ,
descritiques fort capables; il y a tout ce qu'il
faut enfin pour élever l'art musical au plus
haut degré de splendeur, et cependant l'art musical y est aux
abois.
On regrette que la grande ville impériale tolère un pareil
état de choses et qu'elle se prête au charlatanisme qui l'ex-
ploite. Rien de plus afOigeant pour l'artiste consciencieux que
de voir gaspiller ainsi le talent ; nulle part on ne remarque
quelque noble tendance, quelque aspiration vers un but
élevé ; on ne vise qu'à flatter les sens , qu'à chatouiller les
oreilles, et encore n'y parvient-on pas toujours avec des ta-
lents très ordinaires qui touchent de 10 à 15,000 florins
(*) Cet article est tiré de la feuille de Conversation liuéraire de
Francfort; l'auteur allemand est M. Guhr, maître de chapelle à
Francfort. Les détails en sont d'autant plus curieux que les jour-
naux de Vienne sont soumis à une censure très sévère , et que, par
conséquent , on apprend rarement la vérité.
DE PARIS.
249
pour chanter pendant trois mois dans cinq ou six méchants
opéras.
Le théâtre de la Porte de Carinthie est administré par un
Italien auquel on accorde une subvention annuelle de
72,000 florins sans compter les 10,000 florins pour l'abon-
nement de la loge impériale, à partir du l" avril jusqu'à la
fin de juin. Le directeur de la Porte de Carinthie s'appelle Ba-
lochino ; d'abor J costumier de théâtre , il a rempli pendant
quelque temps les fonctions d'imprésario en Italie ; il ne sait
pas un mot d'allemand, et dans la plupart des transactions il
est obligé de se servir d'interprètes. On dit que Balochino se
relire prochainement des affaires.
C'est aux mains de cet homme qu'est confiée la prospérité
d'un établissement d'une telle importance, qui a un excellent
orchestre , des chœurs excellents et d'excellents maîtres de
chapelle parmi lesquels nous citerons Nicolaï. Les artistes at-
tachés à l'orchestre sont mal payés et accablés de besogne :
« Encore , me disait un de ces messieurs , nous ferions nos
corvées de bon cœur s'il ne fallait pas jouer toute l'année
cette crème fouettée qui nous vient d'Italie. C'est à peine
si une ou deux fois par an il nous est donné de raviver par
les accords de nos instruments quelques chefs-d'œuvre de
Mozart ou d'un autre maître allemand. La saison du théâtre
est-elle terminée , au Théâtre - Allemand on reprend la
Norma , etc., et nous terminons à la fin de l'année par les
Puritains, les Montecchi, etc. » Des compositeurs de renom
me prièrent de faire exécuter leurs symphonies à Francfort,
ce genre de musique n'étant pas exécuté à Vienne !
Le 25 mai j'ai été à la Porte de Carinthie ; je pris un bil-
let pour mes 6 francs, c'est le prix d'une place au parterre,
une loge à l'année coûte 1,120 florins. J'assistai à un soi-
disant grand opéra , Maria di liohan; j'eus de la peine à en
croire mes oreilles ; je ne sais s'il faut admirer la bonté pa-
tiente des Viennois, ou s'indigner de leur faiblesse. Ne croyez
pas que j'exagère : ce que je vous dis là , c'est la vérité pure.
Pour votre divertissement je vais vous décrire la soirée avec
quelques détails , pour que vous sachiez ce que c'est qu'un
grand opéra italien à la Porte de Carinthie.
A mon entrée dans la salle , je lus sur un chiffon de papier
une réclame en faveur de M"° Tadolini : la signora était
indisposée , mais elle ferait son possible ; ou priait le pu-
bhc d'user d'indulgence. La représentation était annoncée
pour sept heures : j'entendis sonner le quart , la demie , puis
huit heures, la toile ne bougeait pas.
Enfin voici l'ouverture. C'est toujours chose peu amusante
qu'une ouverture de Donizetti ; mais quand par dessus le
marché elle est aussi démesurément longue que celle de Marie
deRohan, c'est tout-à-fait intolérable. Figurez-vous quel dut
être le martyre d'un maître de chapelle allemand cloué à sa
place , et obligé d'assister à l'audition de ce morceau ! Iva-
noff entra le premier en scène : c'est un bon ténor , il chanta
fort bien sa cavatine. Ce fut pour moi d'un bon augure , je
m'attendais à une série de jouissances , vous allez voir que
j'étais loin de compte.
La signora Tadolini paraît : applaudissements étourdissants
qui interrompent la représentation. La signora salue d'abord
de la lète, ou bat des mains; puis avec une inclination du
buste, cris forcenés; puis elle incfine tout le corps , rugisse-
ments.
Cependant la tempête se calme, les masses soulevées s'a-
paiscni; seulement elles viennent clapoter çà et là contre les
bords de la galerie : puis s'établit un silence complet, on veut
voir respirer la diva , on veut voir son sein se soulever :
« Voyez, me dit un voisin, voyez cette divine ouverture de
bouche , voyez ces dents blanches comme les perles. »
J'étais tout yeux et tout oreille. La bouche était ouverte ,
mais il ne sortait pas de voix : le chant ne vint pas. « Elfe
est souffrante , pauvre enfant ! » disait-on à côté de moi. La
pauvre enfant compte au moins trente-six printemps.
A dater de ce moment mon parti était pris : j'étais venu
pour m'amuser , je voulus m'amuser, et je ré.solus d'ap-
plaudir à tort et à travers et à outrance , je battais des mains
à chaque intonation fausse , à chaque son manqué, à chaque
roulade avortée. La Tadolini ne chanta aucun de ses airs;
imaginez ce que devait être Maria di Rohan, sans les scènes
capitales de la prima donna assoluta !
Voici venir Ronconi, le duc : c'est un duc fort méchant ,
mais d'une figure débonnaire ; applaudissements absolument
comme à l'entrée de la Tadolini , répétition de la même co-
médie. Si Ronconi avait un chant plus pur, il n'y aurait rien
à dire ; surtout vers la fin de son air , il s'anime et cela va
très bien ; je conçois que pour un amateur cela vaille les
11,000 florins que touche Ronconi , sans la représentation à
bénéfice. Le duc n'a pas de sortie dans la pièce : mais de
temps à autre il allait dans les coulisses , pour donner un
prétexte de l'appeler, et le stratagème réu.ssit complètement ;
ce furent des cris , des hurlements , des trépignements fu-
rieux , puis la diva prima donna sans voix revient , et le
célèbre duo commence par une voix ; la signora ne chante
que du bout des lèvres ; la pauvre enfant!
La toile tombe : tous les deux, Ronconi et la Tadolini, sont
rappelés trois fois ; mais on ne lève plus la toile , ce serait
trop long; les artistes paraissent sur le proscenium; ils entrent
tantôt par la droite, tantôt parla gauche. Cesontlà les heures
les plus ennuyeuses de ma vie artistique , ou bien aussi les
plus amusantes à cet égard. Ce qu'il y a de sûr , c'est qu'on
ne me reverra pas au théâtre de la Porte de Carinthie , tant
que ces italiens y chanteront.
La signora Tadolini est d'ailleurs une artiste distinguée ,
qui jouit d'une haute estime; c'est même, je crois, une ar-
tiste de premier ordre ; mais elle a ses caprices. La salle était
horriblement déserte, et il n'était pas nécessaire de se mettre
en frais devant des banquettes vides. Il y a une autre prima
donna assoluta à la Porte de Carinthie , c'est Jl"'= Viardot-
Garcia , excellente cantatrice , qui est sans égale dans le
Barbier et la Gazza ladra.
Ce n'est guère qu'au Burg-Theater que l'art est encore en
honneur ; dans le personnel de la troupe on trouve des ar-
tistes de premier rang ; on y joue surtout la comédie en per-
fection , et ce que l'on appelle en Allemagne pièce de con-
versation. Dans ce moment M. Emile Devrient y donne ses
représentations qui sont pour lui une suite de triomphes.
Les théâtres des faubourgs ont donné en plein dans le dé-
vergondage obscène : plus un mot est graveleux, mieux il est
reçu ; et les applaudissements les plus bruyants accueillent
les plaisanteries les plus grossières.
Voilà où en est l'art à Vienne : rien qui satisfasse , qui
console , rien qui promette un meilleur avenir. On détourne
ses regards avec douleur d'une ville qui a tant de ressources ,
et qui en fait un si triste usage. A ce qu'on m'a dit , il en est
de même de l'opéra allemand , qui a des chanteurs distingués,
mais qui n'en sait pas tirer parti, et qui laisse périr les
bonnes traditions.
250
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
L'ORGUE DE BARBARIE.
Dessin de Gavarni.
Connaissez-vous un instrument dont on dise plus de mal ,
que l'on charge de plus d'anathèmes , et qui. pourtant jouisse
d'une plus couslante popularité? Ne soyons pas ingrats :
l'orgue de Barbarie est le premier degré de l'initiation mu-
sicale; c'est le Grand-Opéra du pauvre , qui , sans lui , ne
connaîtrait ni l'ouverture de la Caravane , ni l'ouverture
à'Ifhigénie , ni l'ouverture du Jeune Henri. Et croyez-vous
que les compositeurs soient de bonne foi , quand ils se plai-
gnent de ce que l'orgue de Barbarie s'installe sous leurs fe-
nêtres, et les empêche de travailler? Ils se plaindraient bien
moins si l'orgue ne jouait jamais que leur musique ! Mais
n'est pas joué qui veut par l'orgue de Barbarie ; et si c'est un
honneur difficile que celui d'être exécuté par la Société des
concerts , que celui d'être admis dans les salons, c'en est un
aussi, quoi qu'en disent ceux qui ne l'obtiennent pas, que de
courir les rues.
UOTTTSIiZaSS.
',* Demain lundi, à l'Opéra, la Juive.
',' Poullier a ctianté, pour la seconde fois, le rôle de Robert,
lundi dernier, avec un progrés remarquable dans la partie mu-
sicale et dramatique. Demian , il doit jouer le rôle d'Kléazar, de
la Juive, ia.ns leq.icl il s'est rnoiilré avec succès à l'époque de ses
débuis.
•," Une audition particulière de Gardoni , le nouveau ténor, a eu
lieu chez le directeur de l'Académie royale de musique, en pré-
sence de quelques juges compétonts. Nous devons dire que l'é-
preuve a élé complètement favorable à l'artiste, qui ne compte guère
plus de vingl-deux «ns, et possède une jolie figure, une taille élevée.
Sa voix est d'une qualité charmante et uc manque nullement de
force ;ii e est accentuée, sympathique, et c'est beaucoup plus qu'une
voii de ténor léger. En outre le jeune chanteur parait doué de beau-
coup d'intelligence et d'une excellente organisation musicale.
*," Les concours à huis-clos commenceront demain au Conserva-
toire et auroi-.t lieu dans l'ordre suivant: mardi, 2o juillet, harmonie
seule, harmonie et accompagnement pratique; mardi 30, solfège,
mercredi 31, orgue, contrebasse, contrepoint et fugue, l.cs con-
cours publics cominenceronl le 1" aoiU.
*,« l>our rendre un juste hommage au célèbre compositeur de
l'Alicmagne, f.ouisSpohr, la société de» concerts a exécuté dimanche
dernier en sa présence et sous si direction , la symphonie qu'elle
avait déjà essayée dans une de ses séances , sous le titre de lu nais-
sance des ^ons. Mais ce titre n'était pns exact et ne répondait nulle-
ment à l'idée de l'auteur, qui a voulu reproduire musicalement toute
une existence d'homme depuis sa naissance jusqu'à sa mortel même
l'apollièose, en passant par les combats, la victoire, le Tedeum, etc.
M. Spohr, qui siégeait à côté d'Habeneck , lui a communiqué lui-
même toutes ses intentions. Après la symphonie , rendue avec un
soin religieux et dont toutes les beautés ont été vivement senties, M.
Spohr est allé prendre place dans la salle avec sa famille, etHabeneck
a fait exécuter la symphonie pastorale de Leelhoven avec autant de
perfection que devant le public ordinaire. Le célèbre compositeur a
quitté Paris lundi soir, se rendant à Berlin, où l'appellent les répé-
titions d'un grand ouvrage qu'il vient de terminer. Une députation
de la société des concerts est venue lui offrir, au moment de monter
en voiture, la médaille d'argent , qui consacre l'époque à laquelle
cette institution a été fondée, et le grand artiste a paru fort touché de
ce témoignage d'admiration et d'estime.
',* Voici le programme exact du grand festival qui aura lieu au
palais de l'Iîxposition, sous la direction de M. Berlioz: 1. Ouver-
ture de la /-^esfo/e (Spontini); 2. scène du troisième acte d'Armide
(Gluck), chœurs et airs de danse; 3. marche au supplice, fragment de
la Symphonie fantastique (Berlioz ) ; 4. prière de Moïse ( Rossini ) ;
5. ouverture du Freiischiuz (Weber) ; 6. hymne à la France, choeur,
(Berlioz), paroles d'Auguste Barbier, composé pour cette solennité,
et exécuté pour la première fois; 7. prière de la Muette (Auber);
S. chœur national de Ctiarles P"l (Halévy); 9. chant des travailleurs
français, chœur (A. Méreaux), paroles de M. Adolphe Dumas, com-
posé pour cette solenni té , et exécu té pour la première fois ; 1 0. ada-
gio et finale delà symphonie en ui mineur (Beethoven); II. chœur de
la bénédiction des poignards du 4' acte des Huguenots (Meyerbeer) ;
12. hymne à Bacchus à'Amigone (Mendelssohn); 13. oraison funèbre
et apothéose, finale avec chœurs et deux orchestres , de la Sympho-
nie funèbre et triomphale (Berlioz). Le nombre des exécutants sera
porté à 950 : tous les artistes des théâtres de l'Opéra et de l'Opéra-
Comique en feront partie.
V Après avoir obtenu a Lyon les succès d'enthousiasme qui l'at-
tendent partout, Liszt a dû se rendre à Marseille.
',* On annonce queWartel vient de contracter avec l'Italie un
brillant engagement.
'." On annonce comme prochain le mariage de Dérivis, l'ex-basse-
laille de l'Opéra, avec M"' Janssens , cantatrice qui s'est fait con-
nailre dans ces derniers temps en Italie sous le nom de Maria Corini.
',' A travers les orages qui ont signalé les débuts de la troupe ly-
rique à Toulouse, M"' Masson , dont nous avons pu apprécier le
talent à l'Opéra-Comique de Paris, est parvenue à se distinguer par
la beauté de sa voix et de sa méthode , dans la Favorite et la Dame
blanche.
*,* L'Espagne suit l'exemple de la France. On achève d'arrêter à
Madrid les bases d'une Société de secours mutuels entre tous les ar-
tistes-musiciens du royaume. La Société aura principalement pour
but d'assurer l'existence des veuves et des orphelins.
".* Jacques-Franco Mendès, le célèbre violoncelliste, vient d'être
nommé membre associé étranger de l'Académie de Sainte-Cécile à
Rome.
",* On parle en Allemagne d'une nouvelle cantatrice du premier
rang qui surgit à l'horizon dramatique; c!est une demoiselle Emilie
Waltcr, Autrichienne de naissance. L'hiver dernier elle vint à Stult-
gard, elle était à peu près inconnue. .\près d'heureux débuts, elle
fut engagée au Théâtre Royal , et depuis, chacune de ses représen-
tations a été pour elle un nouveau triomphe. M"» Emilie 'Waltera
joué dans Norma , les Huguenots, luctece Borgia , Roméo, Don
Jium, Bélisnii-e , la T-^estale , etc. Quelques journaux allemands en
font un éloge emphatique et qui nous paraît tant soit peu exagéré.
•." La haute librairie et la littérature ont fait récemment une
perte douloureuse en la personne de M. Charles-Louis-Fleury Panc-
koucke , officier de la légion d'honneur, décédé en sa maison de
campagne de Fleury-sous-Meudon. M. Panckoucke , fils du fonda-
teur et l'un des propriétaires actuels du Moniteur, éditeur des f'ic-
loires et conquêtes, du Dictionnaire des sciences médicales, de la Biblio-
ih'eque latine-française , traducteur de Tacite , était né le 26 décem-
bre 1780.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHI.ESINGER.
Le Chlrogymnasle est un assemblage Jenenfappi-
rcilsgymnastiques destinés à donner de l'exlension à
la main et de l'écart aux doigts à augmenter et à égali-
ser leur force et à rendre le quatrième et le cinquième
indépendants de tons les autres, he Chirogymntute
aélé aussi approuvé et adopté par MM. Adam, Bertini,
ne Beriot, Cramer, Herz, KalUbretmer, Listz, Moschelét
Pruamt. Sinon, Thalberg, Tulou, Zimmermann.elc.
Chaque CJiirogsmnosle est revêtu de la signature
de l'inventeur et se vend place de la Bourse, n° 15,
à/i«iIoppareil», 50fr.,àncufapp.60/'r., mélhoie.Zfr,
CVMIVASTIQIIE APPLIOIJÉE A L'ÉTUDE DU PIANO, y .r MAR'nN, S fah
!,• CVnNASTIQUE DES DOIGTS, par B. BEBTINl. Pn« net, 3 Ir. 7E a.
Le> expèditiODS sont faites contre remboursement. Ecrtr» ir»^».
InTenté par G. MARTm
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MM. ANDERS, G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, Henbi BLANCHARD,
MiUBiCE BOURGES, F. DANJOO, DUESBEUG , FÉTIS père, Édocabd FÉTIS, Stepben HELLER, J. JANIN,
G. KASTNER , LISZT, J. MEIFRED , GEOECE SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
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IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GATARNI.
Le I" et le 15 de cliaqnc mois on recevra an morcean do musique*
SOMMAIRE. Exposition des produits de l'industrie {cinquième ar-
Xicle); par G.-E. ANDERS. — Euplionia , ou la Ville musicale
(suite el fin ) ; par II. BERLIOZ. — Nouvelles. — Annonces.
JEUNE FILLE AUX ÏEUX NOIRS. Dessin de Gavarni.
€ïj,ui5ittDn îïes IJJrnÎJuite ïic rinïmstric.
CINQUIÈME ARTICLE.
^*Ç toujours eu un
charme partictilier
pour les ariistes de
génie; c'est là qu'ils
peuvent se livrer à
_- ''^ toute la fougue de l'inspiration , sans être
^^^^^ gênés ou arrêtés par le travail souvent fas-
^^ ' ' lidieux qu'exige l'écriture d'un morceau.
Mais les notes fugitives s'envolent; l'improvi-
sation finie , il n'en reste qu'un vague souve-
nir, et c'est souvent en vain que l'on voudrait
reproduire une idée heureuse, un motif ra-
vissant que le bonheur du moment a fait éclore,
et que l'artiste a perdu sans retour. Ce serait donc
une chose très précieuse qu'un moyen mécanique
propre à fixer sur le papier toute musique au mo-
ment même où on l'exéciHe. Aussi y a-l-il long-
temps qu'on s'est occupé de cette idée ; mais le problème
était difficile à résoudre, el les tentatives faites jusqu'ici
n'ont obtenu qu'un résultat peu satisfaisant. IM. Guérin,
qui présente un nouvel essai de ce genre , a-t-il été plus heu-
reux que ses devanciers , l'appareil qu'il a montré à l'ex-
position atteint-il entièrement son but? C'est ce que l'on va
voir par l'analyse que nous allons en faire.
Disons d'abord quelques mots sur les essais qui ont pré-
cédé le sien.
Ce fut un ecclésiastique anglais nommé Creed qui , le pre-
mier, imagina une pareille machine sans cependant l'exécu-
ter. Il se contenta d'en démontrer la possibilité par un écrit
qui fut inséré dans les Transactions philosophiques de l'an-
née 1747.
A la même époqiie , un savant allemand , Jean-Frédéric
Ungor, s'occupa de la solution du même problème; mais
n'ayant pu , faute d'un facteur habile, faire construire son
instrument tel qu'il l'avait conçu , il en adressa , en 17/i9, à
l'Académie de Beriin la description accompagnée de dessins
et d'une lettre oii il exprimait le désir de le voir exécuté par
quelque artiste de la capitale. Sulzer, le célèbre auteur du
Dictionnaire dcs-Beaux-Arls, venait de faire la connaissance
d'un mécanicien fort distingué nommé Hohlfeld , homme de
génie, né pour les arts mécaniques, qui lui doivent plusieurs
inventions remarquables. Il lui parla de l'instrument en ques-
tion et l'engagea à le construire. Hohlfeld , sans avoir vu les
dessins envoyés à l'Académie, inventa lui-même et exécuta en
peu de temps un appareil applicable au clavecin, et au moyen
duquel toute musique jouée sur celui ci se trouvait marquée
par des signes que l'on traduisait ensuite en notation ordi-
naire. Ce fut là la première machine de ce genre. Dans sa
nouveauté, elle lit une grande sensation ; les savants et les
artistes l'accueillirent avec éloges; mais le succès ne fut pas
durable, et l'inventeur n'en tira aucun bénéfice, si ce n'est
une somme de 25 thalers (environ cent francs!) que l'Aca-
démie lui accorda à titre d'encouragement.
Ou'cst-elle devenue, cette machine? Les auteurs qui en
ont parlé ne sont pas d'accord sur ce point. Suivant les uns
elle fut détruite dans un incendie; suivant les autres, Hohl-
BVRXAUX B'ABONKrEMEBTT, RUE RICHEIIEU, 97.
252
tREVUE ET GAZETTE MUSICALE
feld lui-même , qui vécut pauvre et mourut dans la misère ,
l'aurait brisée dans un accès de désespoir. Les deux asser-
tions sont également fausses. L'inventeur conserva sa ma-
chine, qui fut vendue après sa mort, arrivée en 1771 ; alors
l'Académie de Berlin en fit l'acquisition et la plaça dans son
cabinet des niacliines. Nous ignorons si elle y a été conservée
jusqu'à présent; elle y était encore en 1806.
Quant à celle qui avait été imaginée par Unger, et qui dif-
fère de celle de Hohlfeld, elle ne fut pas exécutée ; mais il en
existe une description faite par son auteur et publiée en 1774.
Nous avons appuyé sur ces détails pour rétablir des faits rap-
portés diiïéremment. L'histoire des inventions est entachée
de beaucoup d'erreurs qu'il est bon de rectifier lorsque l'oc-
casion s'en préseule.
La machine de Hohlfeld, d'une construction fort simple,
était destinée au clavecin , alors (en 17Zi9) plus répandu en-
core que le piano, qui ne parvint que plus tard à détrôner
son rival. Elle se plaçait au-dessus de l'instrument et pouvait
s'y adapter ou en être ôtée à volonté; elle avait deux cylindres
sur l'un desquels était roulé le papier, qui se déroulait sur
l'autre. Lorsqu'elle était fixée à sa place, de petits paralléli-
pipèdes de bois se trouvaient au-dessus des sautereaux de ma-
nière que chaque sautereau , en s'élevant par l'abaissement
de la touche , faisait lever un de ces parallélipipèdes qui , au
moyen d'un fil d'archal très fort, poussait un levier de bois
à l'extrémité duquel était attaché un crayon ou pointe de
plomb. On verra plus bas quelle était la notation que cette
pointe imprimait au papier.
Ce mécanisnre , comme on voit, laissait à désirer pour la
solidité et la précision ; car, pour ne parler que des pointes ,
elles devaient être sujettes à se casser ou à s'émousser, in-
convénient grave qui ne pouvait manquer d'empêcher le
succès de cette machine.
En 1770, un mécanicien de Londres, nommé Merlin,
construisit un appareil analogue, qui fut vendu au prince
Galitzin, et envoyé h Pétersbourg. On manque de renseigne-
ments sur sa construction; mais la machine ne répondit pas
à l'attente de l'acquéreur, et la difficulté qu'on rencontrait à
traduire les signes de notation y fit bientôt renoncer. On
ignore ce qu'elle est devenue.
En France, le père Engramel, connu par un ouvrage sur
la Tunotechnie ou VArt de noter les cylindres, publié en
1775, fut le premier qui appliqua au clavecin un appareil
pour noter la musique. Son invention présentait une combi-
naison différente; car il n'employait qu'un seul cylindre, et
au lieu de faire marquer les signes de notation sur du papier
qui se déroulait, il les faisait tracer sur le cylindre même,
couvert de deux papiers, l'un blanc, l'autre noirci. Le cylin-
dre, mis en mouvement par une manivelle, était disposé de
manière qu'à chaque tour il dérivait de côté. La révolution
totale était de quinze tours, et durait trois quarts d'heure.
Quant au mécanisme qui servait à faire les signes de notation ;
on n'en connaît pas les détails. On sait seulement qu'il y
avait un clavier de rapport dont les touches répondaient à
celles du clavecin.
Au moyen de son procédé, le père Engramel obtenait non
seulement la notation des pièces jouées sur l'instrument, mais
il pouvait les faire exécuter ensuite avec la plus grande exac-
titude parla même mécanique, en pointant le cylindre, c'est-
à-dire, en remplaçant les marques imprimées au cylindre par
des pointes, comme on fait pour les cylindres des serinettes,
ou orgues à manivelle. S'il en faut croire une anecdote rap-
portée par Laborde , le moine ingénieux se servit un jour de
ce moyen, à la grande surprise d'un virtuose étrauger, qui
après avoir joué plusieurs morceaux dont il refusait la com-
munication, les entendit quelques jours après reproduits avec
la plus grande précision.
Comme il le dit lui-même, dans sa l'onotechnie, le père
Engramel s'occupait d'un ouvrage sur la facture des instru-
ments, dans lequel il se proposait de traiter de l'application
des cylindres à toutes sortes d'instruments, et de plusieurs
inventions curieuses. Il est à regretter que cet ouvrage, s'il a
été fait, n'ait pas vu le jour; car nous aurions eu des détails
plus complets sur l'invention dont nous venons de parler.
En 1783, un nommé Gattey annonça, dans le Journal de
Paris, une machine propre à écrire les improvisations exé-
cutées sur un instrument à clavier ; mais il ne donna pas suite
à son projet.
Vers le même temps, Riedler, facteur de pianos , établi à
Bonn , construisit une machine semblable ; on ignore quel
était son procédé.
En 1801, un facteur d'orgues à Stuttgard, nommé Pfeiffer,
annonça un nouveau piano mélographe de son invention. Au
dire des journaux , cet instrument devait différer de tout ce
qu'on avait fait jusqu'alors dans ce genre. Nous ignorons quel
en a été le résultat.
Nous passons sous silence les tentatives faites à Londres
par Stanhope , Vinnicorabe et autres , sur lesquelles on n'a
également que des renseignements vagues et incomplets.
En 1827, M. Careyre présenta à l'Académie des beaux-
arts de l'Institut un piano mélographe , et fit des expériences
devant une commission nommée pour faire un rapport sur
son instrument. Il paraît que la commission ne fut pas satis-
faite, car le rapport ne parut point. L'instrument consistait
en un mouvement d'horloge qui faisait dérouler d'un cylindre
sur un autre une lame mince de plomb, où s'imprimaient,
par l'action des touches du piano , les signes dont on opérait
ensuite la traduction en notes ordinaires.
Un autre piano mélographe a été imaginé par M. Baudouin,
qui en présenta à l'Académie les dessins , dont il donna l'ex-
plication par la lecture d'un mémoire. L'Académie s'est
abstenue de se prononcer sur le mérite de cette invention, et
nous ignorons ce qu'il peut y avoir eu de particulier.
En 1838, M. Wetzels, facteur de pianos à Paris, s'occupa
d'un instrument semblable qu'il destinait à l'exposition de
l'année suivante. IMais cet instrument n'y a point paru :
achevé à moitié , il fut abandonné par le facteur qui rencontra
dans la construction des obstacles dont il ne put triompher à
son entière satisfaction.
Dans un de nos précédents articles, où nous rendions
compte de l'exposition de M. Pape, nous avons mentionné
un piano sténographe, qui semble être construit sur un prin-
cipe nouveau. Nous espérons pouvoir en parler plus tard avec
détail , lorsque le célèbre facteur aura levé le secret , qu'il a
gardé jusqu'ici sur la construction de cet instrument.
Ces nombreuses tentatives, dont aucune n'a complètement
réussi, prouvent l'immense difficulté que rencontre la solu-
tion d'un pareil problème. Aussi, comme l'a dit un auteur
dont le nom nous échappe , le piano mélographe a-î-il été le
rêve des artistes et le désespoir des mécaniciens. Voyons
maintenant quel résultat M. Guérin a obtenu , et s'il a atteint
le but qu'il se proposait dans la construction de son piano-
graphe. C'est ainsi qu'il a nommé son instrument ; ne nous
arrêtons pas à la critique du mot , pour passer tout de suite
à la chose.
L'appareil, contenu dans une caisse rectangulaire qui se
place sous le piano auquel ou l'attache par deux vis , se com-
pose de trois parties principales :
DE PARIS.
2S3
1" D'un mécanisme destiné à mettre en action la pointe
qui trace les signes de notation;
2° D'un système de cylindres au moyeu desquels se dé-
roule le papier qui doit recevoir ces signes ;
3° D'un mouvement d'horlogerie servant à régler la rota-
tion de ces cylindres.
Quant aux détails de chacune de ces parties, il n'est pas
aisé de les faire comprendre sans le secours d'un dessin ;
nous essayerons toutefois d'en donner sommairement une
explication.
Lorsque l'appareil est bien fixé, une rangée de pilotes se
trouve placée au-dessous du clavier, de manière que chaque
touche correspondu un de ces pilotes auquel elle communique
son mouvement. Celui-ci exerce à son extrémité inférieure
une pression sur le bout d'une des branches d'une équerre
pivotant verticalement sur son angle. A l'extrémité de l'autre
branche de l'équerre se trouve attaché un fil , qui , après avoir
tourné sur une poulie , se dirige vers le système des cylindres
placé sur le côté droit de l'appareil. Là le fd aboutit à la par-
tie supérieure du noteur, espèce de règle en cuivre. Cette
règle, placée dans une situation verticale, a son point d'appui
vers le milieu; un peu au-dessous, et vers le bord qui fait
face à un des cylindres , elle est munie d'une pointe qui sert
à tracer les signes de notation.
On conçoit maintenant que la pression du doigt sur la
touche fait pivoter l'équerre au moyen du pilote , et le fil at-
taché à celle-ci, en tirant la règle, lui imprime un mouve-
ment qui fait agir la pointe sur le papier. Dès que le doigt
abandonne la touche, et qu'elle se relève , le noteur, poussé
par un ressort, revient dans sa position naturelle.
Les cylindres, places horizontalement, sont au nombre de
quatre. Le papier roulé sur le premier se déroule sur celui
qui fait face au noteur, et après en avoir reçu la notation
(qui se marque au moyen de noir de fumée dont ce cylindre
est enduit) passe entre les deux autres cylindres qui font
oEQce de laminoir.
Le déroulement du papier devant s'effectuer avec une vi-
tesse uniforme , exige la plus grande régularité dans la rota-
tion des cylindres, et celte régularité s'obtient par le mouve-
ment d'horlogerie que nous avons indiqué plus haut, et dont
il serait inutile de donner les détails.
Ce mécanisme, habilement combiné, est exécuté avec une
grande précision et fonctionne parfaitement. Au moment où
l'on frappe la touche, sa note est marquée sur le papier.
Mais quelle est cette notation ? On présume bien qu'elle doit
consister en des signes fort simples, tels que les permet la
nature de l'appareil.
Comme on vient de le voir, la pointe du noteur reste ap-
puyée sur le papier tant que l'on lient le doigt sur la touche,
et elle le quitte dès que la touche se relève. Or, le papier se
déroulant avec une vitesse toujours égale , il s'ensuit que
toutes les notes se marquent par des traits plus ou moins
longs , et dont la longueur est proportionnelle à la durée ou
valeur de la note; en sorte que le trait qui représente une
ronde sera le double de celui qui désigne une blanche , et
ainsi de suite.
Tous les inventeurs d'appareils mélographes ont adopté ce
système de notation, c'est-à-dire qu'ils ont représenté la
valeur des notes par des traits de diverses longueurs. Mais il
reste à désigner l'intonation , ou la position que la note occupe
dans l'échelle musicale; et là, les systèmes ont varié. Les
uns ont adoplé la portée ordinaire de cinq lignes, d'autres se
sont servis de portées particulières avec plus ou moins de lignes
groupées arbitrairement. Ainsi, par exemple, Creed proposa
des portées disposées alternativement par deux et par trois
lignes, et il s'arrangeait de manière que les notes naturelles
se trouvassent partout sur les lignes, les notes altérées dans
les interlignes. D'autres enfin se passaient entièrement de
portées ; c'était le système de Hohifeld. Lorsque dans sa ma-
chine on déroulait le papier pour traduire la notation, on ne
voyait que des traits, dont les distances se mesuraient difficile-
ment à l'œil. Pour trouver la position des notes, on se servait
d'une règle parallèle que l'on passait sur le papier. Ce déchif-
frement était long et fastidieux.
Dans le pianographe de M. Guérin , la bande de papier est
réglée à deux portées ordinaires de cinq lignes, largement es-
pacées, et les traits viennent se placer exactement sur et
entre ces lignes comme les têtes des notes usitées. Ceci est
très bien. Mais les deux portées n'embrassant que trois oc-
taves, et l'appareil étant établi pour six octaves , il a fallu un
nombre considérable de lignes postiches marquées , il est
vrai, par de petits points, mais qui deviennent un embarras
pour la lecture. Déjà , comme on sait , dans la notation
ordinaire les lignes postiches, lorsqu'elles sont trop nom-
breuses, embarrassent l'œil de l'exécutant; mais ici on a un
expédient fort simple, c'est d'écrire les notes une octave plus
bas et de les distinguer par les mots aW 8". Le pianographe
ne permet pas cet expédient , car il faut que la mécanique
mette le signe de chaque note à sa véritable place. Com-
ment voulez-vous que l'œil du lecteur, déjà sulfisamment
occupé par le travail difficile de mesurer les diverses lon-
gueurs des traits, ne s'égare pas dans ces lignes postiches?
L'exécution à vue sera impossible, et la traduction demandera
de la patience et du temps.
Dans un mémoire descriptif sur le pianographe, M. Gué-
rin a donné un exemple de musique notée en signes sténo-
graphiques et traduite en notation ordinaire. Ce sont huit
mesures d'un morceau fort simple; nous aurions désiré un
exemple plus compliqué. Tant que l'improvisateur se tiendra
dans le miheu du clavier et n'exécutera que des choses fa-
ciles, la lecture ou la traduction ne souffrira aucune diffi-
culté. Mais que Liszt ou Thalberg viennent jouer un de leurs
morceaux , qu'un improvisateur tel que Cavallo, se livrant à
toute la fougue de son imagination, fasse voler ses doigts
sur toute l'étendue du clavier, et l'on verra quel travail il
faudra pour traduire cette notation sténographique , si toute-
fois on parvient à la débrouiller entièrement.
Telle est sur le pianographe notre opinion, que nous avons
cru devoir émettre franchement. Toutefois on se tromperait
si l'on croyait que cet instrument nous paraît inutile. Il
pourra rendre des services, mais restreints; car s'il est in-
suffisant pour recueillir les grandes improvisations des vir-
tuoses, il ne sera pas sans utilité pour les compo.siteurs. En
eiïet, on sait que les compositeurs se plaisent souvent à pré-
luder pour s'inspirer ou pour aller à la recherche d'idées
nouvelles. Dans des moments heureux dos motifs se présen-
tent sous leurs doigts, on ne sait comment; ils s'enchaînent,
la verve s'échauffe; mais pour les noter, il faudrait s'inter-
rompre, et l'iaiagination se refroidirait. En écrivant une pen-
sée, on en perd plusieurs autres. Grâce au pianographe, le
compositeur n'aura pas besoin de s'interrompre ; ce qu'il
joue est à l'instant fixé sur le papier, il pourra plus tard le
revoir et choi.sir entre ces idées qui lui sont venues et qui se
trouvent conservées pour toujours. De même que le peintre
a ses livres de croquis, sur lesquels il jette toutes les heu-
reuses rencontres du hasard, esquisses qui plus lard trou-
veront place dans ses tableaux, de même le compositeur
aura les bandes de papier qu'il retirera de son pianographe ,
254
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
et qui formeront son album d'idées musicales. Ce mérite de
l'instrument, tout borné qu'il est, n'est pas à dédaigner , et
nous souhaitons à M. Guérin que tous les compositeurs
soient de notre avis.
G-.E. Anders.
ou
LA VILLE MUSICALE.
( Suite el fin *. )
ous avons laissé Xilef ne respirant que la
vengeance , et prêt à monter eu ballon pour
aller h la poursuite de sou audacieuse maî-
tresse, en Amérique, oii il croyait naïvement
qu'elle s'était rendue. Il partit en effet , silen-
cieux et sombre comme ces nuages porteurs de la foudre qui
se meuvent i-apidement au ciel à l'instant précurseur des
horribles tempêtes. Il dévorait l'espace; jamais la locomotive
n'avait fonctionné avec -une si furieuse ardeur. Le navire
rencontrait-il un courant d'air contraire, il le fendait intré-
pidement de sa proue, ou , s'élevant à une zone supérieure,
allait chercher soit un courant moins défavorable, soit même
cette région du calme éternel où nul être humain avant Xilef
n'était sans doute encore parvenu. Dans ces solitudes presque
inaccessibles, limites de la vie, le froid et la sécheresse sont
tels, que tous les objets en bois contenus dans le navire se
tordaient et craquaient. Quant au pilote sinistre , quant h
Xilef, il demeurait impassible, à demi mort par la raré-
faction de l'atmosphère , regardant tranquillement le sang
lui sortir par le nez et la bouche , jusqu'à ce que l'impossi-
bilité de résister plus longtemps à une douleur pareille le
forçât de descendre chercher l'air respirablc et voir si la
direction des vents lui permettait de ne le plus quitter. L'im-
pétuosité de sa course fut telle , que, soixante heures après
son départ de Paleruie, il débarquait à Ne\v-\ork. Impossible
de dire toutes les recherches auxquelles i! se livra , toutes
les fouilles qu'il fit faire non seulement dans les villes , mais
dans les villages, dans les hameaux même dos États-Unis,
du Canada, du Labrador, puis dans toute l'Amérique du
Sud , jusqu'au détroit de Magellan , et dans les îles de l'Atlan-
tique et de l'Océan Pacifique. Ce ne fut qu'après un an de ce
labeur insensé qu'il en reconnut l'inutilité et que l'idée lui
vint enfin d'aller chercher les deux scélérates en Europe, où
elles étaient i)cut-èlre restées pour le dépister plus aisément.
Il avait d'ailleurs besoin de revoir son ami llotceh pour lui
demander les ressources qui bientôt allaient lui manquer.
On se doute bien en effet que dans cette furibonde exploration
du ciel , de la terre et des eaux , l'argent n'avait pas été mé-
nagé. Il se décida, en conséquence, à retourner à Euphonia, où
il arriva après trois jours de navigation, précisément un soir
où Nadira et Uotceh donnaient une fête dans leur villa. Les
jardins et les salons étaient somptueusement illuminés. Xilef,
ne voulant se montrer qu'à son ami , attendit, caché dans un
bosquet , l'occasion de le rencontrer seul , et de là , écoutant
les bruits de la fête , tressaillit aux accents d'une voix qui lui
rappelait celle d'Ellimac. « Imagination , délire ! « se dit-il.
Rotceh sortit enfin , et en apercevant l'exilé qui s'offrait
brusquement à ses yeux : « Dieu ! c'est toi ! quel bonheur !
(1) La leproduction de cette nouvelle est interdite. — Voiries
numéros 7,8, 9, H, ] 2, 17 et 22. I
Ah ! rien ne manquera donc à notre fête , puisque le voilà.
— Silence, je t'en prie, Rotceh ; je ne puis me montrer. Je ne
suis plus Euphonien ; j'ai perdu mon emploi ; je viens seule-
ment t'entretenir d'une grave affaire. — A demain les affaires
sérieuses , répliqua Rotceh ; ton emploi te sera rendu , j'en
réponds; tu es toujours des nôtres. Suis-moi, suis-moi; il
faut que je te présente à Nadira, qui sera ravie de te con-
naître enfin. » Et avec celte cruelle légèreté des gens heureux,
incapables de comprendre chez autrui la souffrance , il en-
traîna bon gré mal gré Xilef vers le lieu de la réunion. Le
hasard voulut qu'au moment où les deux amis entraient dans
la salle où se trouvait Nadira , celle-ci , occupée sans doute
de quelque coquetterie , ne les aperçût point. Elle n'eut pas
le temps d'être préparée à la foudroyante apparition de Xilef.
Quant à lui , il avait en entrant reconnu sa perfide maîtresse ,'
mais la haine et la souffrance avaient , depuis un an , donné
à son caractère une telle fermeté , il était devenu tellement
maître de ses impressions, qu'il sut à l'instant même dominer
son trouble et le cacher entièrement. Xilef et Nadira furent
donc mis en présence brusquement et de la façon la plus
propre à déconcerter deux êtres moins extraordinaires. La
belle cantatrice, en rencontrant l'amant qu'elle avait si indigne-
ment abandonné et trompé, et voyant au premier coup d'oeil
qu'il ne voulait pas la recoimaîlre, pensa qu'il n'y avait rien
de mieux à faire que de l'imiter, et le salua d'une façon polie ,
mais froide, sans le plus léger symptôme de surprise ni de
crainte : telle était la prodigieuse habitude de dissimulation
de cette femme. Rotceh n'eut donc aucun soupçon de la vé-
rité , et s'il remarqua une certaine froideur dans la manière
dont Xilef et Nadira s'abordèrent , il l'attribua d'un côté it
une sorte de jalousie instinctive capable de faire voir de mau-
vais oeil à Nadira quiconque pouvait lui enlever la moindre
part des affections de son amant, et de l'autre au douloureux
retour que Xilef n'avait pu manquer de faire sur son malheur,
en contemplant à l'improvisle l'ivresse et le bonheur d'autrui.
î.a fête continua sans que le moindre nuage vînt en ternir
l'éclat. Mais longtemps avant sa fin l'œil pénétrant de Xilef
avait reconnu à certains signes imperceptibles pour tout autre
observateur, à certains gestes, à l'accentuation de certains
mots , la vérité irrécusable de ce fait : Nadira trompait déjà
Rotceh. Dès ce moment l'idée d'une résignation stoïque à
laquelle Xilef s'était d'abord arrêté pour ne pas détruire le
bonheur de son ami et le laisser dans l'ignorance des anté-
cédents de Nadira , cette idée généreuse , dis-je , fit place à
des pensées sinistres qui illuminèrent tout d'un coup les plus
sombres profondeurs de son âme, et lui dévoilèrent des ho-
rizons d'horreur encore inconnus. Son parti fut bientôt pris.
Déclarant le lendetuain à Rotceh qu'il renonçait à continuer
son voyage, qu'il était inutile en conséquence de l'entrelenii'
de l'affaire dont il avait d'abord voulu lui parler , il lui an-
nonça qu'il se décidait à rester à Euphonia, mais caché,
mais obscur, mais inactif. Il le pria de ne tenter aucune dé-
marche pour lui faire rendre sa préfecture , le calme et le
repos étant les seuls biens nécessaires à sa vie maintenant.
Nadira , malgré sa pénétration , se laissa prendre à ce faux
semblant de douleur résignée, et n'eut pas de peine à faire sa
leçon à sa mère, en lui enjoignant d'imiter sa réserve à l'égard
de Xilef, qui paraissait vouloir oublier un secret qu'elle et lui
connaissaient seuls à Euphonia.
Pour rendre celte situation moins dangereuse, Xilef, sor-
tant rarement en apparence de la retraite qu'il avait choisie ,
ne voulut voir son ami qu'à certains intervalles peu rappro-
chés, s'accusant lui-même d'une sauvagerie que d'incura-
bles chagrins pouvaient faire excuser. Mais caché sous divers
DE PARIS.
255
déguisements, et avec la prudence cauteleuse du chat dans
ses expéditions nocturnes , il épiait les démarches de Nadira ,
la suivait dans ses plus secrets rendez- vous, et il parvint ainsi,
au bout de quelques mois, à tenir le fil de toutes ses intrigues
et h mesurer l'étendue de son infamie. Dès lors le dénoûment
du drame fut arrêté dans son esprit. Rotceh devait être arra-
ché à tout prix à une existence ainsi souillée et déshonorée;
sa mort même dût-elle être la suite de son désillusionnement,
il fallait que le grand amour, l'amour noble et enthousiaste ,
le plus sublime sentiment du cœur humain, qui avait embrasé
deux artistes éminents pour une si indigne créature, fût vengé,
et vengé d'une manière terrible, effroyable, à nulle autre pa-
reille. Et voici comment Xilef sut remplir ce redoutable
ministère.
Il y avait alors à Euphonia un célèbre mécanicien dont les
travaux faisaient l'étonnement général. Il venait de terminer
un piano gigantesque, qu'un seul individu pouvait jouer néan-
moins, et dont les sons variés étaient si puissants qu'il lut-
tait sans désavantage avec un orchestre de deux cents musi-
ciens. De là le nom de piano -orchestre qu'on lui avait donné.
Le jour de la fête de Nadira approchait ; Xilef persuada sans
peine à son ami qu'un présent magnifique à faire à sa belle
aimée serait le nouvel instrument dont chacun s'entretenait
avec admiration, n Mais si tu veux compléter sa joie, ajouta-t-il,
joins-y le délicieux pavillon d'acier que le même artiste vient de
construire et dont l'élégance originale ne saurait se comparer
à lien de ce que nous connaissons eu ce genre. Ce sera un
ravissant boudoir d'été, aéré, frais, sans prix dans notre
saison brûlante ; tu pourras même l'inaugurer en y donnant
un bal d'amis intimes que Nadira radieuse présidera. » Ilotceh,
plein de joie, approuva fort l'idée de son ami, et le chargea
même de faire l'acquisition de ces deux chefs-d'œuvre. Celui-
ci n'eut garde de retarder sa visite au célèbre mécanicien.
Après lui en avoir faitconnaître l'objet, il lui demanda s'il se-
rait possible d'ajouter au pavillon un mécanisme énergique et
spécial dont il lui indiqua la nature et l'effet, et dont l'exis-
tence ne devait être connue que d'eux seuls. Le mécanicien,
étonné d'une telle proposition , mais séduit par sa nouveauté
et par la somme considérable que Xilef offrait pour son accom-
plissement, réfléchit un instant, et, avec l'assurance du génie,
répondit : Dans cinq jours cela sera. — Il suffit, répondit Xilef.
Et le marché fut conclu.
Cinq jours après, en effet, l'heureux Rotceh put offrir à sa
maîtresse le double présent qu'il lui destinait.
Nadira le reçut avec des transports de joie ; le pavillon sur-
tout la ravissait ; elle ne pouvait se lasser d'admirer sa struc-
ture à la fois élégante et solide , les ornements curieux , les
arabesques dont il était couvert , et son ameublement exquis
et sa fraîcheur qui le rendait si précieux pour les ardentes
nuitscaniculaires. «C'est uneidéecharmantedeXilef,s'écria-t-
elle, de l'inaugurer par un bal d'amis intimes, bal dont mon
cher Rotceh sera l'âme en improvisant de brillants airs de
danse sur le nouveau piano-géant. Mais ce magique instru-
ment est d'une trop grande sonorité pour rester ainsi rappro-
ché de l'auditoire , Xilef aura donc la bonté de le faire enle-
ver du pavillon et porter à l'extrémité du jardin dans le grand
salon de la villa d'où nous l'entendrons encore à merveille. Je
vais faire mes invitations. » Cet arrangement , qui paraissait
naturel et entrait d'ailleurs parfaitement dans le plan de Xilef,
fut bientôt terminé. Le soir même, Nadira parée comme une
fée, et .«on énorme mère couverte de grotesques oripeaux, re-
cevaient dans le pavillon les jeunes femmes, bien dignes sous
tous les rapports de l'intimité dont Nadira les honorait, et les
jeunes hommes qu'elle avait distmgttes. Le piège était tendu;
Xilef voyait avec un sang-froid terrible ses victimes venir
s'y prendre successivement. Rotceh , toujours sans méfiance,
leur fit le plus cordial accueil , mais il se sentait dominé par
un sentiment de tristesse singulier en pareille circonstance ;
et s'approchant de Nadira : « Que tu esbelle, chère, lui dit-il
avec extase. Pourquoi ce soir suis-je donc triste? je devrais
être si heureux ! Il me semble que je touche à quelque grand
malheur, à quelque affreux événement C'est toi, mé-
chante péri, dont la beauté me trouble et m'agite ainsi jus-
qu'au vertige. — Allons , vous êtes fou , trêve de visions !
Vous feriez mieux d'aller vous mettre au piano , le bal an
moins pourrait commencer. — Oui sans doute , ajouta Xilef,
la belle Nadira a raison comme toujours , au piano ! chacun
brûle ici d'en venir aux mains. » Bientôt les accents d'une
valse entraînante retentissent dans le jardin , les groupes de
danseurs se forment et tourbillonnent. Xilef, debout, la main
sur un bouton d'acier placé dans la paroi extérieure du pa-
villon , les suit de l'œil. Quelque chose d'étrange semble se
passer en lui ; il paraît hésiter ; ses lèvres sont pâles, ses yeux
se voilent; il porte de temps en temps une main sur son cœur,
commepouren contenir les rudes battements. Il hésite encore.
Mais il entend Nadira, passant près de lui au bras de son val-
seur, jeter à celui-ci ces mois rapides : « Non , ce soir, im-
possible, mais attends-moi demain. » La rage de Xilef à cette
nouvelle preuve de l'impudeur de Nadira ne se peut contenir,
il appuie de tout son poids sur le bouton d'acier en disant : « De-
main ! misérables, il n'y a plus de demain pour vous ! » et court
à Rotceh , qui , tout entier à ses inspirations, inondait la villa et le
jardin d'harmonies tantôt douces et tendres^ tantôt d'un carac-
tère farouche et désespéré:» Allons donc Rotceh! lui crie-t-il,tu
t'endors, on se plaint de la lenteur de ton mouvement. Plus
vite! plus vite ! les valseurs sont très animés! à la bonne
heure! Oh! la belle phrase, l'étonnante harmonie! comme cette
pédale menaçante semble broyer ces accords diminués! comme
il grince et gémit ce thème dans le mode mineur ! on di-
rait d'un chant de furies! tu es poëtc , tn es sublime , lu es
devin. Entends leurs cris de joie; oh! ta Nadira est bien heu-
reuse ! » Des cris affreux parlaient en effet du pavillon ; mais
Rolceh, toujours plus exalté, tirait du piano-orchestre un
orage de sons qui couvrait les clameurs et pouvait seul lui en
dérober le caractère.
Au moment où Xilef avait pressé le ressort destiné à faire
mouvoir le mécanisme secret du pavillon, les parois d'acier
de ce petit édifice de forme ronde avaient commencé à se
rouler sur elles-mêmes lentement et sans bruit; de sorte que
les danseurs voyant l'espace où ilss'agitaientmoinsgrand qu'au-
paravant, crurent d'abord que leur nombre s'était accru. Na-
dira étonnée s'écria : Mais quels sont donc les nouveaux ve-
nus? évidemment nous sommes plus nombreux, on n'y tient
plus , on va étouffer , il semble même que les fenêtres plus
étroites donnent maintenant moins d'air ! — Et madame El-
iimac, rouge et pâle successivement : mon Dieu, messieurs ,
qu'est-ce que cela , emportez-moi hors d'ici ! ouvrez , ou-
vrez ! » Mais au lieu de s'ouvrir , le pavillon se roulant sur
lui-même par un mouvement qui s'accélère tout-a-coup, les
portes et fenêtres sont à l'instant masquées par une muraille
de fer. L'espace intérieur se rétrécit rapidement , les cris re-
doublent ; ceux de Nadira surtout dominent; et la belle can-
tatrice, la poétique fée se sentant pressée de toutes parts re-
pousse ceux qui l'entourent avec des gestes et des paroles
d'une horrible brutalité , la bassesse de sa nature dévoilée
par la peur de la mort se montrant alors dans toute sa laideur.
Et Xilef qui a quitté Rotceh pour voir de près cet infernal
spectacle, Xilef pantelant comme un tigre qui lèche sa proie
256
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
abattue, tourne autour du pavillon en criant de toute sa for-
ce : Eh bien Elliniac, qu'as-tu donc, chère belle, à t'empor-
ter de la sorte ? ton corsel d'acier te serrerait-il trop? prie un
de ces messieurs de le délacer ; ils en ont l'habitude ! Et Ion
hippopotame de mère comment selrouve-t-e!le?je n'entends
plus sa douce voix ! » En effet aux cris d'horreur et d'an-
goisse sous l'étreinte •toujours plus %'ive des cloisons d'acier,
vient desuccéderun bruit hideux de chairs froissées, un cra-
quement d'os qui se brisent, de crânes qui éclatent; les yeux
jaillissent hors des orbites, des jels d'un sang écumant se font
jour au-dessous du toitdu pavillon, jusqu'àce quel'atroce ma-
chine s'arrête épuisée sur cette boue sanglante qui ne résiste
plus. Rolceh cependant joue toujours , oubliant la fête et les
danses, tout entier à l'ardente inspiration , quand Xilef l'œil
hagard l'arrache du clavier, et, l'entraînant vers le pavillon qui
vient de se rouvrir en laissant retomber sur les dalles ce char-
nier fumant où ne se distinguent plus de formes humaines :
Viens maintenant, viens malheureux, viens voir ce qui reste
de ton infâme Nadira qui fut mon infânaeEllimac, ce qui reste
de son exécrable mère, ce qui reste de ses dix-huit amants.
Dis, si justice est bien faite — Regarde! » A ce coup d'œil d'une
horreur infinie, à cet aspect queles vengeances divines épar-
gnèrent aux damnés du septième cercle, Rotceh s'affaisse sur
lui-même. En se relevant, il rit, court éperdu au travers du
jardin , chantant, appelant Nadira , cueillant des fleurs pour
elle, gambadant, il est fou.
Xilef s'était calmé au contraire , il avait repris tout d'un
coup son sang-froid. « Pauvre Rotceh! il est heureux, dit-il.
Ah ça, mais il me semble que je n'ai plus rien à faire, et qu'il
m'est permis maintenant de me reposer. » Et respirant un
flacon de cyanogène qui ne le quittait jamais, il tomba foudroyé.
Six mois après cette catastrophe, Euphonia encore en deuil
était vouée au silence. L'orgue de la tour élevait seul au ciel
d'heure en heure une lente harmonie dissonante , comme un
cri de douleur épouvantée.
Rotceh était mort vingt-quatre heures après Xilef, sans
avoir heureusement retrouvé un seul instant lucide ; et aux
funérailles des deux amis dont la terrible histoire demeura
inconnue de la ville entière , la consternation publique était
telle, que non seulement les chants , mais même les bruits
funèbres furent interdits.
H. Berlioz.
FIN.
crédit? Non sans doute, et pourtant ils commettent absolu-
ment le même délit envers des personnes qui n'ont eu d'au-
tre tort que celui de se dévouer à leurs plaisirs. Le talent
d'un artiste est son seul bien , sa seule fortune : le condamner
sans l'entendre, c'est un attentat, c'est un crime, bien que
les lois ne les punissent pas; c'est un acte de barbarie indigne
de toute nation civihsée. Ht quelles terribles conséquences
ne dérivent-elles pas de cet acte révoltant! Que d'existences
menacées par la clôture d'un théâtre , que des étourdis trai-
tent comme une plaisanterie, dont ils se font un jeu cruel!
Que di3 misères on jette sur toute une classe, dont le théâtre
est la seule ressource! que de larmes amères on lui fait ré-
pandre! 11 est temps que la raison mette un terme à ces exé-
cutions, dont le vandalisme répugne 5 nos mœurs, à nçtre
probité , à notre politesse : l'honneur national y est intéressé.
E:s.écïatîons «li'aBiiatlques et lyriques. — Il
se passe en ce moment sur les principaux théâtres de nos
départements des scènes d'un genre beaucoup trop violent
pour n'être pas odieux. A Toulouse, à Lyon, à fliontpellier,
à Nantes, une certaine partie du public semble avoir juré la
ruine des directions théâtrales, et, pour arriver à ses lins,
elle accable sans pitié de ses persécutions, de ses sifflets, tous
'les chanteurs, toutes les cantatrices et autres artistes, qui se
présentent. L'autorité n'a jusqu'ici trouvé aucun moyen de
protéger des intérêts, qui méritent toutes ses sympathies, et
nous convenons que la chose n'est pas facile , car il s'agit
moins d'opposer la force à la force que d'éclairer et de con-
tenir. Ces mêmes jeunes gens, qui ne se font nul scrupule de
siffler un artiste , non parce qu'il est mauvais , mais parce
qu'ils en veulent un autre, ou seulement parce qu'ils croient
avoir des griefs contre : a directeur, oseraient-ils porter
atteinte à la propriété de l ir ennemi le plus mortel, mettre
le feu à sa maison, le bleaser dans sa réputation, dans son
JEUNE FULLE AUX YEUX NOIRS.
IDessin de G-avarni.
Vous remarquez sans doute que noire galerie pittoresque
de chanteurs de salon, de chanteurs des rues, s'enrichit peu
à peu de toutes les antithèses plus ou moins bouffonnes, plus
ou moins tristes, dont les modèles frappent continuellement
nos yeux. Voici aujourd'hui celle de la décrépitude et de la
laideur chantant la jeunesse et la beauté, celle de la misère
sans pain professant le mépris des richesses, et les ijnmolant à
l'amour. Cela rappelle ce Pauvre diable si énergiquement
esquissé par Voltaire :
Que faisais-tu sur le Parnasse ? — Hélas !
Dans mon grenier, entre deux sales draps.
Je célébrais les faveurs de Glycère,
De qui jamais n'approcha ma misère ;
Ma Iriste voix chantait d'un gosier sec
Le vin mousseux, le Fronlignan, le Grec,
Buvant de l'eau dans un vieux pot à bière;
Faute de bas , passant le jour au lit ,
Sans couverture, ainsi que sans habit.
Je fredonnais des vers sur la paresse;
D'après Chaulieu je vantais la mollesse.
ITOITTELiLiSS.
*/ Demain lundi , à l'Opéra , le Diable amoureux et /a Polka.
*,* Avant de quitter l'Opéra pour un temps plus ou moins long,
Poullier a chanté, lundi dernier, le rôle d'Éléazar dans la Juive, l'un
des ouvrages qu'il avait joués lors de ses débuts, et il y a obtenu un
succès vraiment remarquable, un des plus beaux sucrés que puisse
envier un artiste, car il n'y avait là rien de factice, rien de com-
mandé. Apres l'air du quatrième acte , toute la salle l'a couvert de
bravos, l'a rappelé pour l'applaudir encore. Evidemment, depuis
quelques semaines, Poullier a fait preuve d'immenses progrès : sa
voix a beaucoup gagné en puissance, sans rien perdre de son charme
et de sa pureté sympathique. Nous l'avons toujours pensé, toujours
dit : il y a dans cet artiste , quelque imparfait qu'il ait pu souvent
paraître, quelque chose de rare et d'cminent qui le distingue de la
foule des chanteurs vulgaires; c'est une organisation d'élite dont
l'intelligence et les soins peuvent tirer un excellent parti. Poullier a
débuté le2 octobre 1841, seulement après dix-huit mois d'études.
Le travail excessif devait avoir fatigué sa voix naturellement déli-
cate ; aujourd'hui qu'elle s'est fortiOée par le repos, par la confiance,
par l'habitude et le métier, elle a sulli au rôle elTrayant de Robcrt-
le-Diable. Elle s'est développée encore mieux dans celui d'Éléazar ,
quejaraiiisnous n'avions entendu chanter avec plusd'âme, plus d'onc-
tion paternelle. Celle soirée d'adieu laissera donc un souvenir dans
l'histoire du chanteur, et le théâtre ne l'oubliera pas non plus.
*,* Barroilhet est parti pour le festival deCaen; il en reviendra
à la fin du mois , et , par suite d'un arrangement qui repore à l'an-
née prochaine les quinze jours de congé auxquels il avait droit, il
sera à la disposiliua du directeur de l'Opéra.
DE PARIS.
25^
V Duprez a fait sa rentrée vendredi dans Guillaume Tell avec
son succès arcoulunié.
".* Ze Maçon, opéra de MM. Scribe et Auber, devait cire repris
jeudi dernier sur le théâtre (lu cbàleau de Saint-Cloud , devant le
roi et la faniille royale; mais celle n'iircsentation a été ajournée
jusqu'après la délivrance deM"'" la princesse de Joinville, dont l'état
de grossesse est lort avanc c.
%* f.ts répétiiions de GuU^lan sont reprises : Masset et M"'« Casi-
mir en remplissent les principaux rôles.
%* Voici le résultat des concours qui ont eu lieu cette semaine au
Conservatoire. Harmonie seule ; ce comours a été encore jjIus bril-
Jant celle année que l'année dernière ; il y avait quinze concurrents;
dix appartenaient à la classe de M. Hippolyle Colet , et cinq à celle
deM. AiMoine Ehvart. Le jury, composé de AIM. Aubér, Halévy,
Carafa, Zimmerman , Panseron , Thomas, Adam, liarbereau,
Fessy et Lcborne, a donné un premier prix à l'unanimité, deux se-
conds prix à l'unanimité, et trois accessils, A^oici les noms des lau-
réats: 1'' prix, M. Lcbouc, élève de M. Colet ; 2" i rix, iMM. Man-
geant et Crèvecœur, élèves de M. Colet; I" accessit, M. Cohen;
2'^ accessit, M. Pasta, également élèves de M. Colet. M. Douin, élève
de M. Colet, ayant obienu un accessit l'année dernière, n'a pu con-
server celui qu'on lui a décerné celte année. — Uarmonie et accom-
pagnement pratique. Classe des hommes : point de l^' prix; 2» prix,
M. Testard, élève de M. I.ecouppey ; uccesiit, M. Coniard, élève du
même professeur. Classe des femmes : I" prix , M"" Deisuc, élève
deM. Dienaimé; 2" prix, M"= Rifaut, élève du même professeur;
l"' accessit, M"= Martainvillc , élève du même; 2'= accessit,
M"' Louetle , élève du même. — Les élèves de AlM. Halévy et Ca-
rafa, pour la fugue, seront jugés mercredi prochain.
*,* Dans une de ses dernières séances la Chambre des députés a
voté la loi qui proroge à vingt ans après leur moi't , au lieu de dix ,
les droits des auteurs el composileurs dramatiques au profit de leurs
veuves et enfatils. L'argument qui a paru faire le plus d'impression
sur la Chambre , c'est que , si la loi n'élait pas votée, dans quelques
semaines, au mois d'octobre prochain , tout le répertoire de Boïel-
dieu tomberait dans le domaine public , et que les fruits de cet ai-
mable génie seraient perdus pour sa veuve et son lils. C'est donc un
bienfait de plus que l'art musical va devoir à l'auteur du Calife et
de lu Dame blunclic.
',' Le dimanche 4 août, à 10 heures très précises, on exécutera
dans l'église lie Saint-Germain-l'Auxerrois , à l'occasion de la fête
patronale, une nouvelle messe solennelle de la composition de
M. Julien Martin.
*,* On lit dans les journaux anglais du 19 juillet : On a enlevé les
restes de Weber de la chapelle de Moorfields à Londres : ces restes
seront confiés au fils aine de Weber qui se truuve en ce moment en
Angleterre ; il les portera à Hambourg, et île la, par l'Elbe, à Dresde.
Une souscription est ouverte à Londres pour venir en aide à la
souscription d'Allemagne destinée à lui ériger un monument.
*,* Lyon. — Avant le départ de Liszl pour Marseille , ses admira-
teurs, et le nombre eu est grand ici comme ailleurs , ont voulu lui
offrir un banquet splendide. Un buste fort ressemblant du célèbre
artiste modelé pour la circonslanee, par un professeur de l'école de
la Martinière, s'élevait au centre de la salle du fcslin, où la table
avait été dressée en fer-à-cheval. Chaque convive a pu, du reste, em-
porter une image de l'arlisle fè c; son profil en plaire était placé
sous toutes les serviettes. A un signal donné, un rideau qui couvrait
le trumeau de la cheminée est tombé et a laissé voir un portrait-
bronze de Liszt, peint par Bonnclbn , et entouré d'un feuillage
de lauriers, exécuté par M. Thierriat. Cette œuvre, offerte au hé-
ros de la fête comme un souvenir de son passage à Lyon , est, dit-
on, fort remarquable et fait honneur aux deux artistes qui y »nt
coopéré.
Clu-onique étrangèi'e.
",* Bade. — La série de concerts de MM. Panofka et P,osenhain a
I commencé le 20 juillet. Cette première réunion était des plus brillan-
tes, autant sous le rapport du nombre d'audileurs que du choix des
morceaux el du lalent des exécutants. Le délicieux talent de M. Pa-
noflia nous a déjà souvent rempli d'admiration , et aujourd'hui ,
comme toujours, il aeiitrainé son auditoire par uneexpression noble,
grandiose et passionnée. Le jeu de cet habile violoniste est large, son
chantemprunlé d'une douce mélancolie, et les difficultés qu'il exé-
I eu te avec une légèreté et une grâce extraordinaires, sont toujours dans
I la nature du bel instrument dont il est maître, ce dont nous lui sa-
I vons gié. JI. Panofka a vivement impressionné son auditoire par sa
i fantaisie fijrnlienne, ses nocturnes sur l'opéra Mina, de Thomas, et
une valse de bravoure pétillanle d'esprit et de grâce. Il nous reste à
parler du beau talent de M. Rosenhain. Voilà un pianiste sérieux et
gracieux à la fois, qui dédaigne les tours de force, tout ce tapage in-
fernal, qui nous chaule de la charmante musique sur son piano. Son
jeu produit surtout un délicieux efi'et, lorsqu'il emploie les pédales
dans le pianissimo de la Danse îles sylphes , et il nous fait regretter
la courte durée de cette composition originale. Ces deux grands ar-
tistes ont été chaudement applaudis, et cet accueil, rare à Bade,
doit les engager à donner bientôt un second concert.
*,■* Madrid, \h juillel. — La Jolie fille de Gand vient de faire son
apparition sur le théâtre del Circo. C'est le premier ballet monté par
les soins de Barrez, l'excellent mime fiançais que l'Espagne nous a
enlevé pour une année, et qui a donné une preuve éclatante de son
habileté chorégraphique. L'administration l'a parfaitement servi en
déployant un luxe de décorations et de costumes inconnu jusqu'ici.
M"" Guy-Stéphan joue le rôle de Béatrix, entourée de plusieurs ar-
tistes dont les noms sont connus à Paris, tels que M. Marius Petitpa,
M"» Galby el quelques autres. Le' succès a dépassé les espérances:
malgré des chaleurs écrasantes, la salle s'est trouvée trop petite pen-
dant les trois premières représentations.
'„* Londres IS juillet. — On se rappelle peut-être encore la singu-
lière manoeuvre pratiquée au commencement de la saison pour obli-
ger le directeur du Théâtre-Italien à engager le ténor Salvi. Des
arrestations s'ensuivirent , et le grand jury déclara qu'il y avait lieu
à jugement. Néanmoins l'affaire vientdese lermiper, sans coup férir,
mais non sans bourse délier , au moyen d'une lettre écrite par les
prévenus au directeur, et dans laquelle, en reconnaissant leurs torts,
dont ils déclarent n'avoir pas prévu les sérieuses conséquences , ils
le remercient d'avoir consenti à. se désister sous condition d'une
somme de cinquante livres sterling , qui sera versée dans la caisse
de dix hôpitaux.
— Les succès de Moriani ont dii nécessairement exciter l'émula-
tion de Mario, et l'on a pu en juger à la manière dont ce dernier a
chanté récemment le lôle à'Oiello. Des témoins qui s'y connaissent
affirment que dans cette circonstance le jeune chanteur a péché par
excès d'ambition, qu'il a voulu trop montrer d'énergie, et que ce serait
le cas de lui rappeler la maxime que souvent le mieux est l'ennemi
du bien.
V Hambourg.— \,sl saison est des plus brillantes aux eaux de noire
ville. Le dimanche il y a des tables d'hôle de deux cents personnes;
dans le jardin du Kursaal , il y a musique d'harmonie sous la direc-
tion de M. Garvé. M. Baldenecker, pianiste , devait donner un con-
cert incessamment.
Le Directeur, Rédacteur en clief, Maurice SCHLESINGER.
ïïilMyTOîï
ry^rCYMNASE J9J?.'ï DOItVTS i LUSA<iE ms PIANISTES
lû en France Le ChiTOQymnasle QsX una5seniblat>eileiiearappa-
1 Angleterre. reîls ^ymnastiques deslinésà donnerde Vexlension à
la main et de Vécart aux doigts à augmenter et à êgali-
Inventé par C. MARTIN scT leuF force et à rendre le quatrième el le cinquième
Fadeur fie pianoM, indépendants Ub tons les autres. Le Chirogymnaste
RREVCTE DU ROI a été aussi approuvé et adopté par MM . Adam, Dertini,
Place de la KoiirNe, iS. ^c UcHot, Cramer. lIcrz.Kalkbrenner, listz,Moschelèt
•t aT'pié dan"''irN ciftNw^s iVuuCTir Sû'on, Tballerg. Tuhu, Zimmermann.elc.
deMCOKSERVATOiRES Cfaaque Chirogymnaste est revêtu de la signature
de PaHs el de Londres, de «'inventcuT et SB vend place de la Dourse, n® 13,
— ^^— à huit appareils, SOfr.,àneufapp,ijOfr., méthode,Zfr,
GYnnVASTIQIJK APPLIQUÉE A L'ÉTL'DE RU PIA:V0. par MARTIN. 3 fr.
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258
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SEULE COLLECTION CODIPLÈTE
DES OEUVRES DE
POUR LE PIANO.
Première série formant les 1", 2% 5* et 4" volumes.
Op. 1.
1'° Iiivraisoii.
Trois grands trios pour piano, violon
et violoncelle , en )»; bémol, sol, ut
mineur.
Op
12.
2.3
G" B/iia-aigoii.
Trois sonates, dédiées à Salieri, en ré,
la, mi bémol.
Sonale , piano et violon , la mineur,
dédiée au comte de Pries.
Op
13.
14.
22.
26.
27.
fil' liivE-aisOH.
Sonate pathétique, ut mineur.
Deux sonates, mi, sol.
Sonate en si bémol.
Sonate, la M arche funèbre.
Deux sonates fantaisies, vu bémol, ui
dièze mineur.
S' Iiivraison.
Trio pour piano, violon et violoncelle
ou clarinette, en si bémol,
io posthume en mi,
stbume.
Op
24.
30.
'S^ liîwaisou.
Sonate en Al, dédiée au comtede Fries.
Trois sonates , la , ui mineur, sol, dé-
diées à l'empereur Alexandre.
Op. 11.
Petit tr
Trio po
Op
28.
31.
33.
49.
1!S° liivraison.
Sonate pastorale en ré.
Deux sonates, .soi, ré mineur.
Op
69.
8° Iji«i-aisoii.
Grande sonale, à Kreutzer, la.
Grande sonale , piano et violon ou
violoncelle, en la.
Sonate en mi bémol.
Deux sonates, sol, sol mineur
3° liivi'aison.
Deux trios pour piano, violon et vio-
loncelle, en ré, mi bémol.
Op. 70
Op
53.
54.
57.
78.
79.
81.
£3° liivraison.
Sonale en «(.
Op
96.
102.
9° Siivraison.
Sonate en sot, piano et violon.
Deux sonates, piano et violon ou vio-
loncelle, ut, ré.
— en fa.
Op. 97
38
4° Ijivvaison.
Grand trio pour piano, violon et vio-
loncelle, en si bémol.
Grand trio.
— en fa mineur.
— en /a dièze majeur.
Sonatine en sol.
Les Adieux, sonate en la.
SOÎVATES POUR PIANO SEUL.
nr liivi-aisoit.
Op. 2. Trois sonates, -dédiées à Hajdn, fi
mineur, la, ni.
7. Sonate en mi bémnl.
10. Trois sonates en ut mineur, fa, ré.
Op
90
101
106
109
110
111
Op. 6.
17
5* Eiivraîson.
Deux sonates pour piano , violon ou
violoncelle, fa, sol mineur.
Sonate, piano cl violon ou violon-
celle, ou alto, ou cor, en fa.
Sonale en mi mineur.
. Grande sonate en si bémol.
. Grande sonale en si bémol.
. Sonate en mi.
— en la bémol.
— en mi bémol.
Deuxième série formaiu les 5' et 6' volumes.
1" K.iTraisoii.
N* 1. Variations sur Quaiil'e più bello.
2. Variations sur Ilulc Sriianiiia.
3. Variations sur le Sacrifice interrompu.
■i. Variations sur un thème de Falsiaff.
h. Variations stir un lli'cme orirjinal.
N» 7. Variations sur un air allemand.
S. Variations.
9. Variations.
3' Bjïvraison.
10. Variations sur nna danse russe.
11. Variations sur un air de ballet.
12. Variations sur IVcl cor più.
13. Variations sur God save tlie King.
14. Variations sur une Fièvre hrûlanic.
■S' ILsvraÊsoH.
N° 15. Variations.
16. Trente-trois variations.
.">« B..îvpaî.son.
Op. 33. Bagatelles.
77. Fantaisie.
112. Nouvelles bagatelles.
35. .4ndanle.
Rondo posthume.
(>° E^ivraison.
Op. 16. Quatuor pour piano, violon, alto el
violoncelle, et les instruments à
voiil a part pour former Quintette,
til qu'il a élé composé.
Op.
'S'' ILivraîsoH.
Quatorze Variations pour piano,
violon et violoncelle.
Adagio, Variations et Rondo pour
piano, violon et violoncelle.
S'^ K/ivraison.
Rondo en sol pour piano et violon.
Variations pour piano el violon sur
l'air : Se vnol bullare.
Variations pour piano el violoncelle
sur l'air : Je vais revoir l'amant.
Variations pour piano, violoncelle ou
violon sur l'air : La vie est un voyage.
Variations pour piano, violoncelle ou
violon sur un thème de flaendel.
Op
Les \.h livraisons de la première série sont pul)liécs. Prix : 5 fr. chaque livraison.
deuxième série avant le 20 août ne paieront cliaquc livraison que 3 Tr. Passé celle
porté à 5 fr.
9' K.ii'raSson.
G. Sonate à 4 mains.
45. Trois Marches a 4 mains.
87. Variations à 4 mains sur un ihhme de
Tf^allcnstein.
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Variations à 4 mains.
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époque, le prix de souscription sera
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Pour ?aris : ua an , 30 fr. ; six mois, 15 fr. — Annonces : 50 c. la ligao de 28 lettres — Départements : un an , 34 fr. Étranger, 38 fr.
TE MUSICAL
BEDIGP.E PIB
MM. ANDERS, G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, HENIll BLANCHARD,
MiïiiiCE BOrRGES. F. DAN'JOC, DLESBERG , FÉTIS père, Edouard FÉTIS, Stephen HELLER, J. JANIN
C. KASTXER , LISZT, J. MEIFRED , GEORGE SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
Paraissant tous tes Mtitnanclies.
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GATARNI.
Lo 1" et le 15 de cliaqnc mois on recevra nn morceau de masi(|ae«
SOMMAIRE. Les lullcs du compositeur (quatrième article); par
J. MEIFRED. — Exposition des produits de l'induslrie (sixième
article); par G.-E. ANDERS. — Grand festival de l'industrie
aux Champs-Elysées, première journée ; par H. BLANCHARD.
— Conservatoire de musique et de déclamation. — Nouvelles. —
Annonces.
LE TAMTAM DE L'ILE MAURICE. Dessin de Gavarni.
■S LUTTES 00 CQiPOSITEUB.
(Quatrième article'.)
III.
lie Poëiiie.
ar sa singulière perspective , par son étonnant
mirage, lelliéâlre change la forme et l'esprit
de tout ce qu'il présente aux regards surpris.
Les jolies femmes y paraissent ravissantes ;
les laides, passables; les passables , laides; les
intentions les plus spirituelles des auteurs y passent inaper-
çues , et quelquefois de grosses bêtises, qu'on n'oserait dire
sans rougir partout ailleurs , y obtiennent un succès d'en-
thousiasme. L'habitude de voir ainsi tout changer au théâtre
s'imprime si fortement dans l'esprit de ceux qui fréquentent
ce lieu d'illusions, que les choses les plus stables, les plus
solidement établies sur leur base, perdent, pour les acteurs
et même pour les auteurs, leur signification naturelle et pri-
mitive. J'ai pris ce détour, trop long sans doute, pour arri-
ver à la définition de ce qu'on décore, en termes de coulisses,
du nom pompeux de Poëmc. Si , comme je l'ai dit , tout
change au théâtre, les mots les mieux définis peuvent bien
y changer d'acception ; et le mot poëme en est un éclatant
exemple.
(') Voiries numéros 13, 10 et 23.
Qu'est-ce en effet qu'un poëme , dans le sens naturel du
mot? sans doute un ouvrage de poésie d'une certaine éten-
due ! Et qu'est-ce encore que la poésie? sans contredit une
façon harmonieuse d'arranger les mots et les idées dans une
forme cadencée, à condition pourtant que ces mots soient de
nature à donner aux idées qu'ils représentent le plus de relief
possible, et que les idées représentées par eux méritent par
leur beauté, par leur énergie, par leur grâce, par leur
finesse , d'être mises dans cette forme , belle entre toutes les
formes, qu'on appelle la j'oésie. Mais le théâtre qui travestit
tout , s'empare du mot foeme, et s'en sert pour désigner, ■ —
je frémis de le dire ! — cet assemblage singulier de bouts ri-
mes et de prose , ce canevas scénique , ce prétexte à musique,
dont le plus grand mérite consiste à présenter dans son plan
de gros effets, des situations outrées; et dans son style , s'il
est permis d'appeler cela un style, à choisir les mots sonores,
en petit nombre dans notre langue, qui contiennent beaucoup
d'A , d'E , d'O , et d'I , et à éviter tous les autres comme s'ils
étaient atteints du choléra , fussent-ils cent fois plus propres
que les premiers ii rendre la pensée de l'auteur, car il arrive
quelquefois que l'auteur a une pensée !
! Les Italiens ont moins d'esprit que les Français , ils appel-
I lent cela un libve.Uo ; les Français ont plus d'esprit que les
! Italiens, ils décorent cela du nom àe poëme! Yanitas vani-
! talumJ
I Vous croyez 4)eut-ê(i'c , cher lecteur, que la profanation
! du mot prëme se borne à [son application à des canevas où
l'on rencontre à peine une trace légère et fugitive de ce qui
est bien réellement la vraie poésie! Eh bien ! détrompez-
vous ! Les acteurs, enchérissant sur les librettistes, appellent
poëme cette partie des opéras-comiques traitée en simple
prose ; et bien dire le poëme est pour eux l'équivalent de bien
réciter le monologue ou le dialogue écrit dans la forme la
moins poétique dont l'univers ait connaissance.
iN' y a-t-il pas de quoi se casser la tête , de désespoir, contre
BUREAVX D'ABONNEMENT, RVE RICHEUEU, 97.
260
IREVUE ET GAZETTE MUSICALE
un portant de coulisse, quand on voit les plus beaux mots de
la langue française, devenir, dans quelque affreux argot,
l'expression de choses , qui , à coup sûr, n'ont rien de beau
par elles-mêmes ?
J'avais besoin , je l'avoue , de manifester la vive indigna-
lion dont mon cœur est rempli à l'endroit du mot poème ap-
pliqué si mal à propos. Sans doute , cette dissertation philo-
logique sort de mon sujet ; sans doute , elle est longue , peut-
être est-elle peu amusante , mais en la faisant je me suis dit :
« Ceux qui la trouveront ennuyeuse , diffuse , inutile, use-
ront de la précieuse faculté qui leur appartient, du droit de
ne pas la relire; et ceux qui la jugeront , comme je l'espère,
utile , bonne , agréable et bien faite , auront pour toujours
des titres à mon inaltérable sympathie. »
Mais revenons à nos moutons , ou , pour mieux parler, à
notre mouton , à ce jeune et infortuné compositeur dont nous
avons entrepris de raconter les luîtes. Pauvre mouton , en
effet, qui, lorsqu'il parvient d'aventure à n'être pas dévoré
tout vif par les ours de messieurs les faiseurs de poèmes , se
voit tondu, dépecé, partagé par les directeurs, les chanteurs,
les claqueurs , les éditeurs, les épilogueurs, les rieurs et les
bâilleurs !
Le lecteur suit avec une attention trop assidue cette belle
et mirifique narration , pour ne pas se souvenir cjue nous
avons laissé notre malheureux héros à la porte du théâtre ,
où il avait obtenu une audition non écoutée , de laquelle il
espérait voir ressortir un prompt et glorieux jugement sur son
rare mérite, jugement qui n'a pas eu lieu , les juges ayant
eu l'attention délicate de fuir par des issues secrètes sans lui
dire un traître mot. Ahuri, stupéfait, asphyxié d'étonne-
ment après cette singulière cérémonie , notre pauvre compo-
siteur rentre chez lui, plutôt dirigé par l'instinct de l'habi-
tude, que par une vision bien nette du chemin qu'il doit
suivre. Il monte l'escalier, sans savoir ce qu'il fait; et sa
mère, dont le cœur bat d'anxiété, vient lui ouvrir la porte ,
lui épargnant ainsi le désagrément de grimper jusqu'au gre-
nier, et peut-être jusque sur les toits, tant sa profonde
préoccupaiion lui ôte la conscience de toutes choses.
Je vous laisse à deviner, ô lecteur perspicace, les questions
précipitées dont cette tendre mère s'empresse de l'accabler :
— As-tu obtenu du succès? — Je n'en sais rien! — As-tu
éprouvé une chute? — Je n'en sais rien! — Auras-tu un
poème? — Je n'en sais rien ! — ■ Le directeur est-il content
de toi ? — Je n'en sais rien ! • — Ah çà ! serais-tu devenu im-
bécile? — Je n'en sais rien ! — Mais qu'est-ce donc qu'une
audition? — Je n'en sais rien! — On m'avait dit pourtant
que c'était une belle et secourable institution ! — Très belle
et très secourable! Donne-moi six verres d'eau sucice ! j'en
ai la fièvre chaude de ton institution secourable!....
A l'abattement des premiers jours succède enfin une légère
lueur d'espérance : les amis du jeune compositeur ii|i disent
tous que son audition a été taillée sur l'invariable patron de
toutes les auditions , et qu'il a tort de s'affecter; puis arrive
un autre ami plus gai que les premiers , lequel lui explique à
peu près en ces termes sa situation vis-à-vis de la direction
du théâtre : — Tu n'as jamais été reçu franc-maçon ? Eh
bien! si tu avais eu l'honneur de te présenter à cette sainte
confrérie , après t'avoir bandé les yeux , ou t'aurait fait gravir
les degrés d'une échelle de corde placée sur des poulies; à
chacun de tes pas, ta pesanteur aurait fait descendre l'échelle,
et lorsque tu te serais cru à cent mètres de hauteur, on t'au-
rait précipité sur le plancher très rapproché de tes pieds;
enfin apiès cette épreuve dont ton courage eût triomphé, tes
yeux étant rendus h la lumière, tu te serais trouvé membre
de la corporation. Or, je tire de ceci une haute morahté ;
l'audition , c'est l'échelle ; on croit monter, mais on ne s'é-
lève pas; on a peur quand on en tombe , mais on tombe de
très bas ; puis le bandeau s'enlève , on y voit clair, et la con-
frérie vous adopte.
Ces belles explications et le réveil naturel de l'amour-
propre rendent toutes ses forces au jeune compositeur ; il
va, vient, court, sue, s'essouffle, persécute le directeur,
talonne ses protecteurs , aiguillonne se srecommandeurs ,
gourmande les jaloux, monte la tête à ses partisans, et finit
par arracher de l'autorité lyrique la promesse formelle d'un
poëme .'
POÈME, puisqu'il faut l'appeler par son nom!
Mais entre la promesse de ce poëme , objet de ses plus ar-
dents désirs, et le poëme lui-même , il y a un abîme : je vais
décrire l'abîme.
Un directeur ne fait pas les poëmes , lors même qu'il est
censé les faire ; et lorsqu'il est censé les faire , il ne les donne
pas aux débutants compositeurs : 1° parce qu'il désire un
succès à peu près siir ; 2° parce qu'il éprouve le besoin bien
nature! de toucher des droits d'auteur un peu considérables.
11 se borne donc , dans sa sollicitude pour le jeune composi-
teur, à le recommander à quelque auteur plus ou moins re-
nommé , lequel tient au néophyte à peu près ce langage :
« — Jeune homme, je vous estime beaucoup, et j'ai une
confiance illimitée en votre talent; je dois cependant vous
dire que je suis depuis longtemps en collaboration avec des
compositeurs en renom , dont la musique a toujours un suc-
cès plus ou moins grand , et qui sont en relation avec des
éditeurs auxquels la partition est, pour ainsi dire, vendue
avant que d'être faite. J'aurais, vous n'en doutez pas, le
plus grand plaisir à vous confier un poëme , mais si vous
n'êtes pas assuré de vendre votre partition , je risque , en cas
de chute , de perdre une grosse somme. Vous avez le cœur
trop bien placé , vous êtes un jeune homme trop généreux ,
trop noble , tiop bien élevé , pour vouloir me faire courir
cette chance : assurez-moi la vente de la partition , arrangez
cela pour qu'il me revienne un billet de mille francs , et je
suis prêt à vous livrer un petit acte vraiment délicieux. »
Je vois d'ici le lecteur donner les marques les plus évi-
dentes d'incrédulité, et pourtant je ne fais , historien trop
fidèlfe, que raconter les choses dans leur horrible réalité! Il
n'y a pas six mois de cela , un infortuné compositeur, dont je
dois taire le nom , a payé sept cents francs , et même plus ,
je crois, le droit de mettre en musique le plus abominable
l)etit ours de poëme qu'on puisse imaginer, lequel , sous
forme de vaudeville , avait été , sans doute , refusé au Théâtre
du Luxembourg!
Notre héros malheureux fera comme les autres, il passera
sous les fourches caudincs de messieurs les librettistes. A
force de sollicitations et d'emprunts, il parviendra à réunir
la somme exigée , et la jettera courageusement à son avide
collaborateur ; en échange , il recevra de lui quelque mé-
chante anecdote dialognée, ornée de couplets , de duos, de
trios; point de morceaux d'ensemble , de finale encore moins,
le directeur n'eu voudrait pas , ses choristes ont besoin de
repos.
C'est avec ce beau canevas que notre héroïque jeune
homme va se présenter dans la lice, privé de l'élément inspi-
rateur, et désarmé de ses meilleurs moyens de succès , de
tout ce qui pouvait enfin mettre en évidence son savoir mu-
sical... Que Dieu lui prête assistance !
J. MlîIFRED.
( La suite à un prochain mimera. )
DE PARIS.
261
(iïpoeition ies Jproîiuits t>e rînbustrie.
SIXIÈME AKTICLE.
DistribiKion des récouipenses. — Observations.
a dislribulion des récompenses décernées aux
PÎST exposants a eu lieu lundi dernier. Lenombredes
LaBili médailles, y compris les rappels, est de 1,703,
^ dont 66 pour la partie musicale. Il y a eu , en
outre, 31 croix de la Légion-d'Honneur,dont
une est accordée à un célèbre facteur de pianos. Le chiffre to-
tal des récompenses s'élève donc à l,73/i, dont 66 pour la
musique. Voici en quelle proportion elles se trouvent réparties :
ctoul: pourlamuM<lue :
Croix d'honneur 31 . . 1
Rappels de médailles d'or. . . 142 . . 4
Médailles d'or 126 . . 9
Rappels de médailles d'argent. . 177 . . 1
Médailles d'argent 428 . . 15
Rappels de médailles de bronze . îilO . . 6
Médailles de bronze 690 . . 31
Quant aux mentions honorables, elles ne sont pas encore
connues.
Nous donnons ici la liste complète des lauréats qui appar-
tiennent à notre spécialité, et que nous rangeons par ordre
alphabétique pour la commodité de nos lecteurs :
Cfoix. aie I(a Eiégioii-d'Honiieiir.
M. Roller (pianos).
KRi»g>eIs (le niétlailles d'or.
MM. Érard (pianos).
Pape (*V/. ).
Pleyel {ici.).
méiiailles tl'oi*.
MM. Boisselot (pianos).
Cavaillé-Coll (orgues).
Duverger (typographie musicale).
Girard (le chevalier) , (piano trémolophone),
Herz (Henri) (pianos).
Kriegelstein et Plantade îid.).
Raoux (instruments à vent en cuivre).
Vuillaume (instruments à archet).
Wolfel et Laurent (pianos).
Raj^Eieis de ittédaiBIes d'ar§:eiit.
M. Chanot (instruments à archet).
MéalaiSles d'argent.
MM. Bernardel (instruments à archet).
Domény (harpes).
Gaidon jeune (pianos).
Giesler (claviers pour pianos).
Girard et C'" (maison Daublaine) (orgues).
Guichard aîné (instruments à vent en cuivre).
Hatzenbuhler (pianos).
Mercier {id.).
Rambaux (instruments h archet).
Rohden (mécaniques pour pianos).
Schœn (pianos).
Sax et G'" (instruments à vent).
Soufleto (pianos).
Tantenstein etCordel (typographie musicale).
Tulou (instruments à vent en bois).
XSssgt|teEs de iné<lailles de bronze.
MM. Busson (pianos).
Hildebrand (cloches).
Koska (pianos).
Lacote (guitares).
Roger (cordes métalliques) .
Weizels (pianos).
lUédailles de bronze.
MM. Adler (instruments à vent en bois).
Alexandre (orgues expressives) .
Bernhardt (pianos).
Bollée (cloches).
Bord (pianos).
Breton (instruments à vent en bois).
Buffet-Crampon (irf.).
Buffet jeune {id.).
Debain (orgues expressives).
Dussaux (pianos).
Eslanger {id.).
Faure et Roger {id.).
Fourneaux (orgues expressives).
Godefroy aîné (instruments à vent en bois).
Hesselbein (pianos).
Lacoux (harpes).
Leroux aîné (instruments à vent en bois).
Martin, à Provins (orgues expressives).
Mermel (pianos).
Montai {id.).
Millier (orgues expressives).
Mullier (pianos).
Niederreitlier {id.).
Pancera-Duchavany (cordes).
Peccate (archets).
Poirot (orgues).
Sangtiinède (cordes d'acier trempé).
Savaresse fds (cordes de boyaux).
Suret (orgues).
Sylvestre frères, à Lyon (instruments à archet).
Thibout et C" (pianos).
A la vue de cette liste, nous sommes étonné d'y trouver
deux fabricants qui n'ont pas pris part à l'Exposition, et
dont on chercherait en vain les noms sur le catalogue officiel.
Comment se fait-il que ces deux industriels, n'ayant pas
exposé, aient été compris dans la distribution des récom-
penses? Nous serions curieux d'avoir des explications à cet
égard. Il nous semble qu'en faisant une pareille exception ,
le jury a établi un précédent qui pourra avoir des consé-
quences fâcheuses pour l'Exposition prochaine. En effet, cette
solennité occasionne aux fabricants des frais et des pertes de
temps considérables; sacrifices qu'ils s'imposent volontiers
dans l'espoir d'en être récompensés. Mais si l'on peut obtenir
ces récompenses sans se déranger, n'y aura-t-il pas beaucoup
d'industriels qui préféreront rester tranquillement chez eux,
attendant que la victoire leur arrive sans combat ?
Nous n'en voulons nullement à MM. Giesler et Rohden,
dont les produits ont été l'objet de cette exception. La mé-
daille d'argent qui leur a été accordée à chacun , ils la méri-
tent par le soin extrême qu'ils apportent dans leurs fabrica-
tions. Mais nous nous élevons contre la détermination qui a
prévalu en leur faveur, et qui nous paraît contraire au but
de l'exposition.
262
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
II ne nous appartient pas de contrôler les décisions du jury
qui , nous n'en doutons nullement , a rempli sa mission avec
conscience; mais le principe sur lequel s'appuient ces déci-
sions est-il bien posé ? est-il suffisant pour établir un juge-
ment complet sur les instruments et pour apprécier le mérite
de chaque facteur? nous ne le pensons pas, et c'est sur cette
question importante que nous nous permettons de faire quel-
ques réflexions.
De tous les objets admis à l'exposition, ce qu'il y a de
plus difficile à juger , ce sont les instruments de musique,
et parmi ceux-ci l'examen des pianos présente des diflicul-
tcs particulières, à cause delà grande différence qui existe
dans les systèmes de leur coui-truclion. Une oreille fine et
exercée suffira pour apprécier la sonorité ; des mains habiles
pourront essayer le clavier ; ici le pianiste est le juge le plus
compétent. Mais pour les nombreux détails relatifs à la cons-
truction et au mécanisme, ainsi que pour la solidité, soit en
général, soit des diverses parties, on ne saurait porter un
jugement motivé sans être au fait de la facture, ou, en
d'autres mots, sans être du métier. Il n'y a que le facteur
qui puisse faire les investigations nécessaires à cet égard. La
commission qui, pour s'éclairer, s'est adjoint quelques il-
lustrations musicales et des artistes chargés de faire enten-
dre divers inslrunients, aurait dû admettre dans son sein
quelques facteurs capables de la guider dans sa tâche diHicile.
On ne l'a pas fait. Qu'en est-il résulté? C'est que le jin-y,
sentant son insuffisance, a éludé la difficulté, en s'abslenant
de l'examen c'es détails de construction, et en se bornant à
juger les effets de sonorité. C'est sous ce rapport que les di-
verses espèces de pianos ont été comparées entre elles et que
leur mérite a été classé.
Nous ne saurions approuver cette manière de juger. Nous
dirons plus: pour que ce jugement partiel fût complet, il
aurait fallu recourir à quelques pianisies de talent. Car, pour
essayer un piano, il ne suflit pas de plaquer quelques accords
ou d'exécuter quelques traits, il faut savoir faire valoir toute ;
les ressources de l'instrument; et tel piano qui paraît infé-
rieur sous des doigts faibles ou peu exercés, remporterait
une victoire éclatante s'il était attaqué d'une manière conve-
nable.
Cette fois, comme eu 1839, le jiu-y a cru donner une
preuve éclatante d'impartialité en faisant soigneusement ca-
cher les noms des facteurs dont il allait examiner les instru-
ments. Nous avons , dans le temps , fait voir tout ce qu'il y a
de ridicule dans un pareil procédé. En elTeî , sans parler des
pianos d'Erard ou de Pape, que tout le monde reconnaîtra au
premier- coup d'œil , nous croyons qu'il sera facile de distin-
guer ceux d,'s autres facteurs, à (juelques exceptions près ,
i^i on les a déjà vus à la salle de l'Exposition. Si le jury tient
à juger les pianos sans en connaîlrc les auteurs, il fau-
drait employer un moyen de dérober à sa vue les instru-
ments mêmes, soit en les cachant entièrement, soit en les
essayant dans l'obscurité. Mais nous demanderons pourquoi
les examinateurs des instruments de musique se croiraient-
ils seuls obligés de s'imposer une précaution qui n'existe pas
pour les autres branches d'industrie? Tous les autres objets
admis à l'Exposition sont examinés dans la salle même par le
jury qui doit les juger et qui a sous les yeux , inscrit sur les
cases, le nom de chaque fabricant avec lequel il s'entretient
même pour en obtenir des renseignements utiles ou néces-
saires. Ce juiy en sera-l-i! moins impartial? Que l'on cesse
donc, à l'avenir, d'user, à l'égard des instruments, d'une j)ré-
caution tout-à-fait inutile.
Le principe de classer les pianos uniquement d'après le
mérite de sonorité, a encore un autre inconvénient que
nous croyons devoir signaler.
Il est prouvé qu'en sacrifiant la solidité de l'instrument ,
on peut obtenir une intensité de son bien plus forte. Si l'on
considère maintenant qu'il est permis aux facteurs de chan-
ger continuellement pendant toute la durée de l'Exposition
leurs instrumeuts, et d'en envoyer même au concours défi-
nitif qui n'ont pas été au palais de l'industrie, mais qui ar-
rivent tout frais de l'atelier devant le jury , on comprendra
qu'il sera facile au fadeur peu consciencieux de remporter
la victoire , pourvu qu'il fasse le sacrifice d'un ou de plu-
sieurs instruments construits pour la circonstance. Sachant
qu'il ne s'adresse qu'aux oreilles de ses juges, et qu'il n'a
pas à redouter un examen sévère relativement à la construc-
tion , il donnera à ces pianos beaucoupde son aux dépens de la
solidité. Jugés supérieurs pour le moment , ils seront au bout
de quelque temps mauvais, et ne pourront guère servir; mais
qu'importe au facteur ? ils ont rempli leur destination qui n'é-
tait autre que de lui valoir une récompense.
Terminons en peu de mots.
Pour que la lutte des facteurs fût égale, il faudrait que
leurs pianos fussent envoyés à l'Exposition dès le commence-
ment, qu'ils y restassent pendant toute la durée de cette Ex-
position , et que le jugement du jury ne portât que sur ces
mêmes instruments. 11 faudrait, en outre, que l'examen se fît
non seulement d'après les qualités sonores , mais aussi sur
l'ensemble et les détails de construction ; c'est alors qu'on
serait sûr d'apprécier le mérite à sa juste valeur et de le ré-
compenser selon son droit.
G-.E. AiNDERS.
GRAUD FESTIVAL DE L'INDUSTRIE
l'RI:;MIÈr.E JOCRNÉF..
eci est une puissante manifestation dans l'art
et rappelle les temps héroïques de la répu-
blique française , alors que les MéhuI , les
Berton , les Lesueur, les Catel et les Cheru-
bini, brillantd'un vif éclat, mettaient leurgénie au
service de la patrie et créaient notre école musi-
^^^Fcale. La Marseillaise démontrait tous les jours que
'l dans la musique réside une grande puissance poli-
tique, et qu'un hymne vraiment national vaut autant
et sou\cnt |)Ius qu'une demi-douzaine de généraux. Il nous
souvient d'avoir entendu dire au dernier des grands compo-
siteurs que nous venons de citer, comme quoi , malgré sa
qualité d'étranger, il se mit à enseigner aux dames de la
halle, violon en main et dans le lieu même de leur commerce
journalier, ce fameux chant national qui poussait nos soldats
à la victoire, ou les faisait mourir gaiement pour la gloire du
pays. In étranger ou même un régnicole qui se livreiail , à
l'époque de civilisation oij nous sommes parvenus , à un pa-
reil enseignement, passerait pour avoir bien mauvais ton , et
courrait même les risques d'être logé par la police. Au reste,
on conçoit que le Chant du départ, de notre grand MéhuI,
Veillons an salut de l'empire , et cette mélodie de Rouget de
LisIe (pii , par son formidable unisson, remue tant de choses
en nous, déplaisent au pouvoir, ;i l'autorité, à la police, à
lotit ce qui a sous la main enfin un municipal ou un sergent
de ville pour mettre à la raison les amateurs de ces belles et
DE PARIS.
263
patriotiques inspirations musicales, lorsqu'il nous a été dé-
fendu à nous qui. Dieu merci , avons jeté dans la circulation
plus de cent mélodies, dont la plupart sont encore populaires,
lorsqu'il nous a été interdit, disons-nous, de faire entendre
un chant assez inspiré dont les paroles disaient :
Noble amour du pays où l'on reçut la vie,
Viens remplir tous les cœurs et charmer les esprits :
Fais à rinJifférenl redouter le mépris;
Porte une sainte foi dans son âme ravie.
11 est vrai que ces paroles avaient pour refrain :
Ardent foyer de toutes gloires.
Pays d'éclatantes vicioires,
O France! lu peux dire en t:i juste ficr'é :
Mon sol est la pairie
Desarls, del'iniluslrie,
El de la liberté!
Et qu'on ne croie point que ceci soit une plaisanterie; nous
avons voulu avoir un titre qui pût constater que refus nous
avait été fait de proclamer par le chant des choses aussi sé-
ditieuses, et nous avons reçu , par l'intermédiaire de M. le
directeur des beaux-arts, une lettre du ministre de l'inté-
rieur en 1840, qui est venue paralyser cette manifestaiion
provoquant à l'anarchie et , probablement dans la pensée de
ces messieurs, contraire ii l'ordre public. Ce document, que
nous conservons curieusement, pourra servira l'histoire de
la censure depuis 1830 que nous pourrons bien nous mettre
h écrire un de ces jours.
M. Berhoz aurait bien pu, lui-même, avoir maille à partir
avec celte illustre dame , si elle avait prévu l'effet électrique
produit par le chant national de M. Halévy :
Guerre aux tyrans ! Jam.iis en France,
Jamais l'Anglais ne régnera.
Après avoir constaté le tri])le effet, mélodique, harmoni-
que et patriotique, de cette belle inspiration musicale, nous
allons procéder par ordre dans la classification du programme
de ce vaste concert.
L'ouverture de la Vestale, par laquelle a commencé cette
solennité, fut, est, et sera toujours une élégie instrumen-
tale passionnée et dramatique, pleine de beaux effets d'or-
chestre qui n'ont pas vieilli. La scène mêlée de chœurs et
d'airs de danse de VArmide de Gluck a quelque chose de
frais et d'enchanteur; cela est on ne peut mieux dessiné pour
les voix de femmes, qui ont fort bien nuancé tout ce qu'il y a
de suave et de délicat dans ce joli tableau de genre du père de
notre tragédie lyrique. Le fragment de la symphonie fantas-
tique de M. Berlioz, la Marche au supjjlice, est venue en-
suite , et l'orchestre a dit avec un profond sentiment toutes
les affres, tous les épouvantements de la mort si bien exprimés
par le compositeur dans ce dernier jour d'un condamné ; et
puis la Prière du Moïse s'est déroulée large , puissante ,
grandiose : c'est tout le peuple hébreu plus grand, plus élo-
quent qu'il n'a jamais été, parce qu'il implore la miséricorde
éternelle par la voix de Rossini, qui n'a jamais été mieux in-
terprété lui-même: aussi le public a-t-il crié bis d'une voix
unanime ; et cette voix immense digne d'être entendue de
Dieu , s'est élevée de nouveau vers le ciel. L'ouverture du
Freyschùlz de Weber a produit son effet ordinaire, effet
d'enthousiasme, pour cette sombre et terrible préface d'un
drame salanique.
L'Hymne à la France en chœur, avec un refrain qui de-
viendra sans doute proverbe national, fait le plus grand hon-
neur à M. Berlioz. Ce morceau capital est d'un beau calcul
scénique. Les strophes que donnait le programme sont de
M. Auguste Barbier. La poésie en est élevée et musicale. Les
entrées successives en solides tenori, des soprani,Aesbnssi
avec les chœurs, et V unisson de toutes ces voix sur la strophe :
Etioigrand Dieu I toi qui , du liant descieux, etc., 'est d'un
effet immense, et on ne peut mieux couronné par le beau
refrain : Dieu protège la France! dont nous avons parlé plus
haut; cela résume bien d'ailleurs l'esprit artistique de l'épo-
que , car ce sont les mots sacramentels qui figurent autour
des pièces de vingt francs et de cent sous. Celte belle compo-
sition, exécutée pour la première fois, a été trouvée digne du
pays et du nombreux et brillant auditoire qui était là. La
prière de la Muette a été écoulée assez tranquillement; puis
est venu léchant national de Charles VI par iM. Halévy, dont
nous avons dit l'effet magique sur l'assemblée ; puis le Chant
des travailleurs, paroles de SL Adolphe Dumas, musique de
M. AmédécMéreaux. Cette cantate, composée aussi pourcctie
solennité musicale, est d'une mélodie franche, et d'un slyle
harmonique, large et pur. 11 appartenait à M. Jléreaux, qui
habile Rouen, la cité industrielle par excellence , et qui nous
a donné Corneille, Poussin et Boieldieu , de chanter l'in-
dustrie et les arts. Voilà déjà , en peu de temps , deux fois
qu'il s'associe honorablement à deux manifestations artisti-
ques. Le public l'en a récompensé par de nombreux applau-
dissements.
Le finale de la .symphonie en itt mineur, de Beethoven, a
produit moins d'effet que dans la salle du Conservatoire.
Aprèsie cliœurde la bénédiction des poignards du quatrième
acte des Huguenots , qui a été bien dit et bien apprécié,
quoique ces formidables liuilements du fanatisme perdent
de leur horrible beauté , dépouillés ainsi de leur costume dra-
matique; après l'Hymne à liacchus, de VAntigone de Men-
delssohn, qui n'a pas fortement ému l'auditoire , déjà un peu
fatigué de tant de richesses de musique d'ensemble , est
arrivée VOraison funèbre et apothéose des victimes de juil-
let. Celle grande élégie nationale dont l'exorde est si bien
déclamé par le trombone de M. Dieppo ; cette'marche si bien
rliylhmée, qui s'est enrichie depuis qu'elle a été composée
d'un chœur général clamant le triomphi; des héros popu-
laires, tout cela forme un drame national du plus saisissant
et du plus pompeux effet.
L'n ordre parfait a régné pendant cette fête musicale sans
précédent dans Paris. Les sommités vocales et inslrumen-
talesqiii ont concouru à ce magnifique concert; les choristes
dames toutes vêtues de blanc ; le public généralemenl bien
composé qui a écouté religieusement celte musique si riche,
si pompeuse , de styles si variés, tout cela, et mille autres
choses qu'il serait trop long de détailler ici, ont donné à
celte cérémonie quelque chose d'étrange , de curieux , d'é-
mouvant qui restera longtemps dans le souvenir de ceux qui
ont pu y assister. L'Allem<ignc , la Belgique et même quel-
ques uns de nos départements avaient pris l'iniliative de ces
belles fêtes musicales. Paris s'est dignement associé à ces
mouvements intellectuels qui ont pour résultats de favoriser
le commerce, les arts, et de fusionner parfois ou d'adoucir
les aspérités qui naissent de la différence des opinions.
Henri BLANCHAiîn.
Consevumoiic ï>c illusiquc et îic ïllcclamiition.
Voici le résultat des concours de cette semaine, sur les-
quels nous reviendrons avec détails dans le numéro pro-
chain.
Solfège. — Classes d'hommes. Premier prix partagé entre
26&
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
MM. Sautiquet et Garcin , élèves de M. Paslou. Deuxième
prix partagé entre MJl. Blanc, élève de M. Pastou ; Barton-
neuf, élève de M. Groharé; AUès2', élève de M. Tariot.
Accessit : MM. Chéri , élève de M. Pasdeloiip ; Gaix de Man-
sour, élève de M. Tariot; Mariscotti et Dollingen, élèves de
M. Marmontel. — dusses de femmes. Premier prix partagé
entre M"" Delalanne , élève de M. Pastou; Migueret, élève
de M"" Lorotte; Mercier, élève de M. Gobliu ; Devisme, élève
de M"' Ruestenhollz. Deuxième prix partagé entre M"*" Het-
zel, élève de M"« Klotz; Testard, élève de M°"= Mercié-Porte ;
Charron, élève de M"'' Raillard; Biard, élève de M"'^ Rail-
lard. Accessit: M"=' Morel , élève de M"'" Mercier-Porte;
Vallet , élève de M. Pastou ; Couder , élève de M°" Robin ;
Gonnaud, élève de M"° Klotz.
Contrepoint et Fugue. — Pas de premier prix. Second
prix : iM. Guerreau , élève de M. Halevy. Premier accessit :
M. Le Bouc, élève du même. Second accessit : M. H uot,
élève de M. Le Borne.
Contrebasse. — Premier prix : M. Bouché , élève de
M. Chaft. Second prix : M. Cogniard, élève du même. Pre-
mier accessit : M. Sicot, élève du même. Second accessit :
M. Verrinst , élève du même.
Orgue. — Premier prix : M. Renaud de Wilback. Second
prix : M. Hocmelle , élève de M. Benoist.
Piano. — Classes des hommes. Premier prix : M.Philippot.
élève de M. Zimraerman. Second prix : M. Mariscotti , élève
du même. Premier accessit : M. Scola, élève du même. Se-
cond accessit: M. Gunsselmann, élève de M. Laurent. —
Classes des femmes. Premier prix partagé entre M'"" Diette,
élève de M. Herz, etFarrenc, élève de M"" Farrenc. Second
prix: M"= Marchand, élève de M. Herz. Accessit partagé,
entre M"°' Aulagnier , Ausseur et Moulin.
Chaînt. — Classes des hommes. Pas de premier prix. Se-
cond prix: M. Gassier. Accessit partagé entre MM. Jour-
dan, Sarniguet et Bussine. — Classes des femmes. Premier
prix partagé entre M"'' Mondutaigny et Tabon. Second prix
partagé entre M"" Morange et Morize. Premier accessit:
M"" Courtot. Deuxième accessit partagé entre M""^' Sisung,
RouUié et Grime.
Hier samedi ont eu lieu les concours d'instruments à vent ;
demain lundi se feront ceux de violoncelle et violon ; mardi ,
celui d'opéra-comique; mercredi , celui de déclamation spé-
ciale; jeudi , celui de grand opéra.
I.E TAMTAM »E IÎI.E mAURICE.
llessin de Gavarnî.
Ce qui distingue esssentiellement ce musicien à peau noire
jouant avec ses mains d'une espèce de tambour appelé tam-
tam, de tous nos musiciens à peau blanche, c'est qu'il en
joue la pipe à la bouche, usage qui ne s'est pas encore établi ,
même dans nos orchestres villageois, malgré la popularité
toujours croissante du cigarre, de la pipe et du brûle-gueule.
Nos Abonnés reçoivent avec le présent numéro : E.A
SËRÉIVAnE MAURESQUE, paroles de IH. Maurice
Bourges, musique de M. Hucken.
irOITTSIiIiES.
*," Demain lundi, à l'Opéra , Dom Sébaslien.
*»* Vendredi dernier la reprise de Otaries VI avait attiré beau-
coup de monde. M"" Stoltz et Barroilhet faisaient leur rentrée dans
les rrtles d'Odelle et du roi. Le chant national , Guerre aux lyraiis ,
mainlenant placé au Iroisième acte, a été redemandé et applaudi
avec enthousiasme.
*,' Le nouveau ballet, Eucharis, est annonré pour mercredi pro-
chain.
*,* Le jeune ténor, Gardoni , ne débutera que dans le grand opéra
nouveau qu'on prépare pour cet hiver, et dont M. Niedermeyer
compose la musique.
*,• M"' Nau va profiter d'un congé de quinze jours pour aller
chanter à Reims et à Sedan.
V Aujourd'hui, à une heure, aura lieu au palais de l'Exposition,
la deuxième journée du grand festival de l'Industrie. En voici le
programme. Première partie : l. La Gazza ladra, ouverture (Rossini).
2. Le Diamani, valse (Strauss). Z. La Sirène, quadrille (Musard).
4. Amélie, valse orchestrée (Strauss), à. Sémiramis , ouverture (Ros-
sini). G. Po/to(Labitzki). — Deuxième partie : l.La Chasse du jeun»
Henri (MéhuI). 8. Souvenirs de Gênes, valse (Strauss). 9. La Polka,
quadrille (Musard). 10. La Médaille d'or, valse (Strauss). 11. Le
Déserteur, quadrille (Musard). 12. AsaieWe, polka (Strauss). Lesexé-
ciilants, au nombre de 400. seront dirigés par M. Strauss. Prix d'en-
trée, 2 fr. Oa trouve des billets chez les principaux marchands de
musique; à l'administration, rue Montmartre, 154, et aux bureaux
du palais de l'Exposition.
',* Avant son départ du château de Saint-Point, où il est allé vi-
siter M. de Lamartine, Liszt a fait verser une somme rie 6,000 fr.
pour les pauvres de Lyon. Sur celte somme, 500 fr. ont été remis à
la commission de l'incendie des Brotteaux. Celte somme de 5,000 fr.
est le produit du dernier concert donné au Granii-fhéàtre par le
célèbre pianiste.
•,* M. SlrocUen, l'habile pianiste, vient de faire à Nantes el dans
quelques parties de la Bretagne un voyage, qui lui a valu de brillants
succès. Il se dispose à partir pour l'Allemagne.
*," Une cantatrice française, qui jouit d'une grande réputation
dans les salons de Paris, M""" Hennelle, n'a pas trouvé un accueil
moins flatteur dans ceux de Londres. Durant toute la saison der-
nière, elle a obtenu beaucoup de succès dans celte ville, notamment
au concert donné par Brizzi, et à celui qu'elle a donné elle-même
avec Mccatli. On sait que M™« Hennelle professe avec tout le talent
possible. Formée par les meilleurs maîtres, elle a résumé les prin-
cipes de son art dans un pelit traité, ayant pour titre : liudimeni des
chanteurs ou Théorie du mécanisme du chaut. C'est un guide excel-
lent pour les élèves, qui ne peuvent manquer de profiter en le sui-
vant.
',* MM. Cavaillé-Coll, père et fils, les habiles facteurs de l'orgue
de Saint-Denis, qui ont obtenu la médaille d'or à l'exposition de
cette année, viennent d'être chargés par le roi de construire un
orgue pour la chapelle royale de Dreux.
*,* Parmi les prisonniers faits par nos troupes sur les Marocains
se trouve , dit-on, un ancien souffleur du théâtre Feydeau, qui,
ayant perdu son emploi , était allé s'établir à Tanger, et s'était laissé
prendre un beau jour par les Maures nomades. Le pauvre homme
n'avait eu rien de plus pressé que de parler à ses maîtres de Martin,
d'Elleviou, de Gavaudan , les dieux du chant de son époque, et
d'essayer de leur en donner une idée. Par malheur il avail la voix
fausse; il est vrai qu'en revanche les Marocains ont l'oreille dure.
Dominique , c'est son nom , ne veut pas revenir en France ; à quatre-
vingts ans , il a été fort surpris et fort affligé d'apprendre que le
théâtre FeyJeau n'existait plus, et que Martin , Elleviou , Gavau-
dan avaient disparu , comme le théâtre.
*,* M. Guilbert.de Pixérécourt, le célèbre auteur de mélodrames,
qui fut pend.mt quelques années directeur de l'Opéra-Comique ,
vient de mourir à JVancy, âgé de 71 ans.
".* L'Allemagne vient de perdre un de ses plus féconds poètes dra-
matiques , M. Charles Blum , mort à Berlin, à l'âge de soixante ans.
Ses œuvres s'élèvent au nombre incroyable de cinq cent quatre-vingt-
neuf, dans lequel figurent â la vérité un grand nombre de tra-
ductions, surtout de vaudevilles français; car c'est lui qui a popula-
risé ce genre de pièces en Allemagne. Plusieurs de ses ouvrages
originaux, quoique ayant plus de vingt ans de date, se maintiennent
encore au répertoire de toutes les scènes allemandes. M. Blum s'est
DE PARIS.
265
aussi distingué comme compositeur : on a de lui cent soiiante-deux
ouvrages de musique vocale et instrumentale, dont plusieurs opé-
ras-comiques. Il a aussi exécuté beaucoup de décors pour les théâtres
de Berlin. Il avait fait ses études à l'Université de Creslau; il apprit
la composition musicale sous Hiller elSalicri: de 1820 à 1831, il fut
engagé au théâtre national de Berlin, comme premier comique, et
depuis 1839 il était régisseur en chef de cette scène.
Cliroiaiqite déftai-teBisentale.
*.* Caen, ï'd juillet. — Le festival que la presse parisienne et la
presse locale annonçaient depuis quelques mois, vient d'avoir lieu
dans notre ville. Cette fêle à laquelle avaient été conviées nos som-
mités artistiques a été des plus brillantes. Le louable empressement
avec lequel les sociétés philharmoniques voisines ont répondu à l'ap-
pel qui leur avait été fait, a permis d'exi^cuter différentes œuvres de
nos grands maîtres avec une perfection que l'on ne connaissait pas
encore a Caen ; l'orchestre, en effet, habilement dirigé par M. Ger-
vais, l'un de nos jeunes professeurs de musique, a exécuté avec tout
l'ensemble et toute la précision désirables les ouverlures à'Oberon,
du Freijschaiz, de Guillaume Tell et la symphonie en ui mineur de
Beethoven. Plusieurs chœurs de Rossini, d'Haendel et d'Halévy ont
aussi été très bien chantés par les amateurs de notre société philar-
monique. Toutefois, si l'orchestre a droit à des éloges, on en doit
encore de plus grands à MM. Barroilhet, Alexis Dupond, Bernardin
et à M"= Nau , qui s'étaient réunis pour donner à notre festival tout
l'éclat qu'il pouvait désirer. De longs et unanimes bravos ont, en effet,
accueilli les duos de Bélisaiie et de la Reine de Chypre, chantés par
Alexis Dupond et Barroilhet, l'air de la Favorite et le Bluletier de
Caslille, si bien dits par ce dernier, l'air du Serment, et la cavaline
de la Muette, chantée par M"= Nau. L'enthousiasme a été tel qu'au
second concert, on a redemandé à la cantatrice Va\r Au Serment ,
ainsi qu'à Barroilhet la Venta d'Halévy, qu'il dit avec une verve
exIraorJinaire. Le jeune violoniste Bernardin a dignement rempli
la tâche qu'il s'était imposée, et le public lui a manifesté toute sa
sympathie pour la pureté de ses sons, la gracieuseté de ses chants et
la légèreté de son archet. En un mot, cette fête, à laquelle chacun
s'était empressé de se rendre, a été très billlante,et elle sera pendant
longtemps pour les amateurs de musique un de leurs plus agréables
souvenirs.
*,* Marseille, 15 juillet. — Le 20 juin a été pour les artistes du
Grand-Théâtre le signal d'une désertion générale. Semblables à ces
oiseaux voyageurs qui, à certaines époques de l'année, prennent
leur vol pour des climats lointains , les sociétaires de M. Laverrière
sont dispersés à cette heure dans plusieurs villes pour y uliliser les
deux mois de vacances que leur accorde leur engagement. Notre pre-
mier ténor Godinho doit partir demain pour la capitale. M'"« Scolt
et son époux vont donner des concéris à Nice. Une partie du bal-
let joue depuis une semaine en représentation à Toulon. Le Vau-
deville à peu près tout entier, réuni à quelques danseurs, exploite
à cette heure Ajaccio, la patrie de Napoléon. Enfin les emplois les
plus modestes vont faire aussi leur petite excursion en se rendant
bientôt aux vœux empressés de Cavaillon et de Pézenas, où ils comp-
tent jouer pour pièces de début, les Premières amoiirx et la Tour de
NeUe. On ne dit pas si l'opéra sera joué à Pézenas, ville célèbre qui
a eu l'honneur de voir représenter sur son théâtre Hohert-le-Diable.
Il est vrai que le jour de la première représentation du chef-d'œuvre
de Meyerbeer l'affiche, dont les dimensions extraordinaires cou-
vraient une partie des murs de la ville, contenait celte simple ob-
servation : Vu l'arrêté de iM. le maire sur les théâtres, et pour se
conformer aux règlements de police qui prescrivent à la direction de
finir le spectacle avant dix heures, la musique de Robert-le-Diable
sera supprimée pour cause de longueur. N'importe, le titre de
ROBERT-LE-DIABLE avait paru sur les affiches de Pézenas. Quel-
ques jours auparavant, l'ouverture de Robin-des-Bois, arrangée pour
flûte et guitare, venait d'être enhvéc parles trois meilleurs musi-
ciens de l'orchestre, et le public flatté de cette attention délicate s'é-
tait montre satisfait des efforts que l'administration avait dû faire
pour monter ers deux ouvrages. Bref, nos orcheslres courent en ce
moment la province; ce n'est pas que la plupart d'entre eux soient
enchantés de ces pérégrinations dont le résultat parait extrêmement
chanceux , mais les deux mois qui viennent de s'écouler ont été si
peu lucratifs pour la troupe qu'elle cherche à se dédommager par
tous les moyens possibles des pertes qu'elle a été forcée de subir de-
puis le i" mai. — Nous avons en ce moment une troupe allemande
qui exploite notre Grand-Théâtre. Les artistes de MAI. Schmidt et
Banberger, directeurs, ont débuté par Videlio avec peu de succès,
mais ils se sont relevés plus tard dans le Freyschïiiz. M"" Marquard-
Segatta , première cantatrice de cette troupe, est une actrice distin-
guée qui chante et joue le drame lyrique avec beaucoup de talent.
A c6lé d'elle nous avons remarqué de belles voix de basse-taille. Quant
à M. Sorvade, premier ténor, il se relèvera difficilement de son échec
de Fidetio; heureusement Liszt arrive sous peu de jours, et sa pré-
sence, nous l'espérons encore, ramènera au théâtre le public qui
s'en éloigne depuis deux mois pour les plaisirs champêtres.— M. Léo-
pold Amat, chanteur de romances, a donné un concert au théâtre
Chave, et a fait, presque à lui seul, les frais de la soirée. Les romances
qui ont réuuf le plus de sympathie sont: Sur le lac, d'Auguste Mo-
rel ; Mon lit, de Clapisson , et f.a feuille et le serment , de M. Amat.
M. Darboïille a joué dans la première partie, avec beaucoup de suc-
cès, une fantaisie deThalberg. La société Trolebas figurait aussi sur
le programme. Il nous est pénible de dire que le chœur de Fidelio,
exécuté par ces jeunes gens d'une façon déplorable, n'a plus été re-
connu, même par ceux qui savent celte musique par cœur; il est vrai
que les élèves de M. Trotehas ont dit avec plus d'ensemble le chœur
de Charles FI et la Fiancée du briijand.
Cîï»i*OB»î«jiBe éta'asBgère.
','* Bruxelles, Zd juillet. — La troupe allemande, qui est en ce
moment dans cette ville, vient d'y donner une nuit à Grenade, opéra
de Conradin Kreutzer: c'est l'auleur lui-même qui dirigeait l'or-
chestre. Quoique la saison des concerts soit passée, plusieurs artistes
célèbres, le clarinettiste Cavallini, Piatti, le violoncelliste, Doehier
et Géraldy, qui se trouvaient ici, se sont fait entendre avec un grand
succès dans une soirée improvisée.
— A l'occasion de la kermesse on fêle de Bruxelles , la société
d'harmonie, l'Union, a donné sous la direction de M. Snel un grand
festival. La Belgique est le pays du monde où J'on cultive avecleplus
de goût et de succès les instruments à vent: aussi les sociétés d'har-
monie y sont-elles nombreuses, et la rivalité qui existe entre elles
entretient le progrès. — M. Snel , violoniste renommé, compositeur et
pendant longtemps chef d'orchestre du théâtre de Bruxelles , s'est
adonné spécialement à laformation, au développementet au progrés
de ces sociétés d'harmojiie. — Après avoir, pendant plusieursannées,
dirigé la Grunda fiarmonie de Bruxelles, il a fondé une nouvelle asso-
ciation qui s'est proiluite en public pour la première fois dans le fes-
tival de dimanche dernier— Il est juste de dire que le succès a été
complet et que nous n'avons rien en France qui puisse soutenir la
comparaison avec ces réunions d'instrumentistes exercés, habiles, et
surtout passionnés pour ce genre d'étude.
',* i?er//H. — M. Otto Nicolaï est ici; son opérait Templario sera
joué l'hiver prochain par les Italiens. Un opéra allemand : le Retour
du proscrit a été accepté par l'Opéra-royal : S. M. le roi a décoré le
jeune compositeur de l'ordre de l'Aigle rouge.
— M. Théodore Hullah, l'excellent pianiste, et professeur des prin-
cesses royales, va se rendre à Copenhague pour y donner des con-
certs : son Carnaval de Venise est une des plus gracieuses et origi-
nales compositions des temps modernes. M. Ernst doit prendre garde
pour qu'il ne soil pas éclipsé.
*,' Bonn. — L'espoir de voir le monument de Beethoven mis en
place cette année ne sera pas réalisé; ce retard tient à diverses cir-
constances qu'il serait trop long d'cnuméier ici. L'inauguration
a été fixée au printemps prochain ; ce sera une véritable fête pour le
pays : il y aura un grand festival qui durera trois jours. Le lieu
choisi pour l'emplacement de la statue du grand compositeur est la
place Munster, entourée d'une double allée de tilleuls et située dans
un des quartiers les plus fréquentés de la ville.
".' Lubeck. - La fête de chant de l'Allemagne du Nord a été
célébrée ici avec un grand éclat. Le concert a eu lieu à l'église
de SaiiUe-Calherine; le nombre des exécutants s'élevait à quatre
cents.
*,* Cologne. — La réunion de chant de cette ville a remporté le
prix au concours ouvert à la grande fêle de chant à Gand. Cette lutte
musicale a été sans doute la plus remarquable parmi toutes celles
qui ont eu lieu en Belgique jusqu'à ce jour. Plus de deux mille per-
sonnes y assistaient: vingt-trois réunions de chant, parmi lesquelles
six appartenaient à des communes rurales , se disputaient le prix.
Elles chantèrent chacune à son tour ; celle de Cologne complaît qua-
rante-huit membres. La tâche était d'autant plus difficile que les
réunions Roland de Tattre , de Bruxelles, et les chœurs de Bruges
avaient eu de grands succès. Un profond silence s'établit lorsque la
réunion de Cologne entonna L'approche du printemps , de Conradin
Kreulzer, qui fut salué par une explosion d'applaudissements. Envi-
ron six cents chanteurs prirent part au concours. Le prix consistait
en une médaille d'or avec 200 francs comptant; cette somme fut de
suite transmise aux pauvres de la ville, au bénéfice desquels les
chanteurs de Cologne ont donné un concerL
266
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
Bàle. — Nos concerts sont en bonne voie , et attirent beaucoup de
monde; il n'en faut pas conclure que le goût des jouissances musi-
cales soit liés répandu chez nous : la Salle de concert est le seul en-
droit public où nos daines puissent étaler le luxe de leurs toilettes
qui sont d'une richesse élilouissantc. Des connaisseurs assurent que
l'orchestre de Bàle est le meilleur de la Suisse: le directeur et la
plupart des membres sont Allemands.
*.* Fiui'cfort. — !,es opéras qu'on a représentés dans ces derniers
temps à Francfort sont: Fernaiiil-Cvrlcs, les Deux journées, liéli-
suire et Fiitelio. Dans llélisaire, M. Giiiidy, qui remplace Pischek, a
débuté avec succès.
%* Hamelii. — Sur la place du marché, on a dressé sous une lente
une table de 700 couverls pour les nombreux convives qu'on at-
tend. Parmi les morceaux qui seront exécutés, on remarque quatre
morceaux d'une messe par .M. Klein et le lied de Luther: Honneur
à madame la musique [Uallei Frau Musica iii Eliren).
".* Breslau. — M"' Tuczek a de brillants succès I ns U Fille i '
réijimeni et dans le rôle d'Antoinette, de V Ambassadrice ; mais les
honneurs de la soirée sont pour la Société équestre Cuzem-Lejars.
Leur cirque est comble tout le jour; les membres de la Société hip-
pique ;mglo-silésienne cl nième les olTicicrs de cavalerie de la gar-
nison prennent des leçons d'équitation chez M"" Pauline Cuzent, et
M"" Lejars a été nommée proiectrice de l'Association pour les courses
de chevaux de Silésie.
".* fflcbjde. — Au Cursaal de cette ville a eu lieu le premier
concert de la saison, arrangé par M. et M"" Uccelli, de Florence ; cci
artii'cs se sont fait uvantageuscnicnt connaître dans une soirée mu-
sicale donnée nu théâtre de l'Odéon à Munich. On a représenté au
théâtre de Wicsbaden la Fille du régiment et Lucrèce Borgia. Les
13, 14 et 15 juillet doit avoir eu lieu le grand festival de chant
[Liederfcst).
r.e Directeur, Rédacteur en chef, Maubice SCHLESlNGliPi.
PHb!i€»tions de itIAIJRICE SCHLESIKGEil, »9, s-scv ÎSicItelie».
Edition populaire
DU CHAMT MATIOIVAL
CHAIiL
, D'HALÉYY.
JAMAIS EN FRANGE,
JAMAIS L'AM^ÎcAIg ME BÈ&KEîlA.
Prix ïiet : 25 ceiilinies.
MMÂH DÉT⌠i)U
LAZZARONE,
OPERA DE l HALEVYi
Ouverture.
N. 1. Cav:itine chantée par M"" Sloltz.
2. Air de l'improvisateur, chanté pir M. D; rroilhct.
3. Duo chanté par M'"= Stuliz et M. Barroilhet.
-:. 4. Chanson delà Bouquetière, chantée par M"" Dorus-Gras.
5. Duo chanté par JI'"<^'Dorus-Gras et Slo:ti.
6. Trio, par MM. Barroilhet, Lcvasseur et Mm-^ Dorus-Gras.
7. Couplets du baptême de la c'ocie, chantés par M"" Doics.
8. Duo chanté par M. Barroilliet et M"" Dorus-Gras.
9. Chai'.sonncllc chantée par M'"' Stoltz.
10. Duo chanté |!arM"'« Stollz et Dorus-Gras.
1 1 . Duo chanté par M. Barroilhet et M°'= Stoltz.
1 1 bis. Cavatinc extraite, chantée par M. Barroilhet.
II ter. Uoinance extraite, chantée par M'"' Stoltz.
r?. Trio chanté |iar MM. Levasseur, Barroilhet et M™
13. Couplels chaules par M"" Stoltz.
GRAXDE OUVEr.TUnE CAnACTÊIlISTIQl'E
A grand orchestre. .21»
En partition . . . i4 »
BERLIOZ.
Pour piano à4 mains, 12
Pour deux pianos. . 15
Le CUirogymnasie est un assemblage do nenfappa-
reils^ymnastiques destinés à donner de Vexlension i
iamainctdel'écarr aux doigts à augmenter et à C(7al<-
ser leur force et à rendre le quatrième et lecfn^Hièmc
indépendants de tons les autres. Le Chirogymnaste
a été aussi approuvé et adopté par MM . Adam, Bertini,
ne Beiiot, Cramer, Herz, Kalkbreuner, Listz, Moschelèt
Pruàmt, Sicon, ThaWerg, Tulou, Zimmermann, etc.
Chaque Chiroji/mnasle est revêtu de la signatur«
de l'inventeur et se vend place de ta Bourse, n" 13,
0 huit appareil», 50 fr„ !i neufapp. 60 fr., méthode,Zfr,
«VMNASTIQVE APPLIQUÉE A I.'feT(JDE DU PIAKO. par MARTIIV, 3 Cr.
La U VMNASTIQIJE DES DOIGTS, p>r II. BEUTINI. Prix ncl. 3 fr. 1S •,
Les expéditions sont faites contre remboursement. Écrire franco.
InrcntA pur C. MAnTIIV
Fadeur du Pianos,
BIIEVETÉ DU UOI
PUcr de la Iluurse, IS.
.Ippruiiv par l'InHlitot
e* adopté dan» les elasNm
dcsCOtVSEKVATOIRES
Ho PariK et de l.ondrcii.
PLUIES MÉTALLlQliES POUR ÈIM LA MUSip.
N" 13. Pour écrire la musique. Celte plume convient aussi aux
persiinnes qui n'écrivent pas l'anglaise. — N" 13i/s. Pour copier la
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de tous foriiiatï , soit ordinaire, ou de fantaisie, ainsi que des
albums pour écrire la musique.
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un marché, comparer ccsinsirumenis avec ceux de loutaulrefiicleur.
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Pour Paris : ua an, 30 fr. ; six mois, 15 fr. — Annonces : 50 c. la ligne de 28 lettres — Départements : un an , 34 fr. Étranger, 38 fr.
lr32 m
REVUE
GAZEHE MUSICALE
BEOIGEE PiB
MM. ANDERS, G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, HENni BLANCHARD,
MiOniCE BOCRGES, F. DANJOU, DUESBERG, FÉTIS père, EDOUARD FÉTIS, Stepben HELIEU, J. JANIN,
G. KASTNER , LISZT, J. MEIFRED , GEOBGE SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
Paraissant taua les MUtnatucHes.
IL SERA JOINT A CHAQUE NUIVIÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GATARM.
Le 1*' et le 15 de cliaque uiois on recevra un morceau de musique»
SOMMAIRE. Deuxième lellrc à M. Zimmerman ; par FÉTIS père.
— Académie royale de musique : Eucharis , ballet en 2 actes ( pre-
mière représentation). — Conservatoire de musique et de décla-
mation. — Grand festival de l'industrie aux Champs-Elysées,
deuxième journée ; par H. BLANCHARD. — Nouvelles. —
Annonces.
.%UX ARMES! CITOYENS! Dessin de Gavarni.
IDfUïième Cettre à iïl. Simmennan.
Bruxelles, IG juillet 1844.
Cher Zimmerman,
e t'ai démontré dans ma première lettre la con-
fusion d'idées et de langage où Catel s'est laissé
entraîner à l'égard de l'accord de septième de
sensible du mode majeur, et de celui du se-
cond degré du mode mineur : pour arriver à
l'évidence de cette confusion , je n'ai eu besoin que de rap-
peler ses propres paroles. Une seule chose m'a étonné, je
l'avoue : c'est d'avoir été dans la nécessité de faire de nou-
veau celle démonstration , pour défendre contre ta critique
ma théorie de la substitution , si simple , si régulière , si con-
forme à la nature des choses , après avoir traité ces questions
avec la même clarté, la même logique, et avec bien plus de
développement, dans mon Traité complet de l'harmonie.
Préoccupé de tes habitudes de la doclrine de Calel , tu as ou-
blié , en me posant les objections , que je les avais déjà réso-
lues et mises au néant, dans la critique que j'avais faite de
celte doctrine
Tu vois donc bien , ami , pourquoi j'admets sans prépara-
tion l'accord de seplième si, ré, fa, la, sur le septième de-
gré du mode majeur, tandis que je ne puis l'accepter sur le
second degré du mode mineur qu'avec la prcparaiiou de la
dissonance! Tu vois donc bien aussi qu'il ne faut pas, comme
tu le prétends , considérer dans ce dernier accord , suivant
ma théorie, la septième la comme la substitution de la note
sensible sol dièse , mais comme «ne prolongation , et que la
véritable substitution y est, comme toujours et sans excep-
tion , le sixième degré mis à la place de la dominante, c'est-
à-dire , fa au lieu de mi.
Tu ajoutes, il est vrai , à ce que tu dis sur ce sujet, une
observation bien singulière : « On prépare la dissonance de cet
» accord quelquefois, il est vrai, aussi bien en majeur qu'en
» mineur, pour rendre son effet plus agréable; mais, parfois
)) aussi, la quinte de l'accord parfait se trouve préparée: il
1) ne s'ensuit pourtant pas que celte quinte ait besoin de pré-
» paralion. » Il se peut que quelque compositeur ait préparé
la dissonnance de l'accord de septième de sensible du mode
majeur; mais il n'y était cerlainement pas obligé , car les ten-
dances tonales le dispensaient de ce soin. Sois assuré que, loin
de le rendre plus agréable par cette préparation , il en a affai-
bli l'effet. Quant à la dissonance de l'accord de septième si,
ré , fa, la, du deuxième degré du mode mineur , ce n'est pas
quelquefois , ni pour le rendre phis agréable , qu'on prépare
la dissonance, mais toujours, et par cela même que sans celte
préparation l'accord n'existerait pas. Rappelle-toi les paroles
de Catel lui-même à ce sujet. Ne faisons pas d'équivoque :
L'accord si , ré ,fa,la, sur le second degré du mode mineur,
n'existe que par les mêmes circonstances qui donnent nais-
sance à l'accord /-c, fa, la, ut, sur le second degré du mode
majeur. Si la quinte de l'accord si, ré, fa, la, est mineure,
ou , comme tu dis , diminuée , cela lient uniquement h ce que
le sixième degré du mode mineur est un demi-ton plus bas
que dans le mode majeur.
Ne disons pas non plus, ami, qu'on prépare la quinte d'un
accord parfait; ces fausses locutions sont irès nuisibles à la
science, parce qu'elles la rendent obscure et semblent la
mettre en contradiction avec elle-même. Une note entendue
dans un premier accord peut devenir la quinte de l'accord
BUREAUX D'ABONNEMENT, KtJE RICHEUEP, 97.
268
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
suivant ; mais ce u'est pas une préparation , car toute prépa-
ration suppose la nécessité d'une résolution sur une note re-
tardée: or la quinte d'un accord parfait ne retarde aucune
autre note. Il n'en est pas de même de la septième dont tu
parles, car cet intervalle est le produit d'une prolongatfon qui
retarde la sixte ; d'où il suit évidemment qu'elle est préparée.
Prolongation et préparation sont synonymes, en ce sens que
toute dissonance préparée suppose la prolongation d'une note
précédemment entendue en l'état de consonnance. Tu vois
donc, cher Zimmerman,que ta comparaison manque d'exac-
titude, car il s'agit de choses absolument différentes. Conti-
nuons toutefois l'examen de tes objections.
» Obscurité pour obscurité (dis-tu ) , s'il fallait absolument
» subir le mode de substitution, je me résignerais aussi bien
» au luxe de deux substitutions qu'à la complication du re-
)> tard et de la substitution. » Plus loin , tu ajoutes : « M. Fétis
" n'a fait qu'effleurer le mode de substitution qu'il propose.
>> Nous venons de faire remarquer que , dans le mode mineur,
» on peut arriver à faire concevoir deux substitutions simul-
» tanées; puisque la route était frayée, cramponné à sa
» substitution , M. Fétis aurait dû aller encore plus loin et
>) tirer toutes les conséquences de cette nouvelle doctrine;
» au moins, il aurait eu un système complet en obtenant la
» formation des divers genres de septième qui se présentent
I) sur les degrés de la gamme ; exemple :
» MODE MAJEUR :
» l"subslitulion. 2« substitution. 3« substitution, i'substilution.
» la, — sol. ttl, — si. mi, — ré. sol, — fa.
o Ja. — » la, — iol. iil, — si. mi, — ré.
11 ré. — » fu. — 11 l„, — sol. m, — si.
11 si. — i> ré. — 11 fa. — » la, — sol. »
Cher Zimmerman , les curieux passages que je viens de
rapporter me jettent , je l'avoue, dans un profond étonnement.
Tu es trop grand musicien pour qu'il me soit permis de pen-
ser que tu n'as pas compris ce que j'ai établi avec beaucoup
de clarté. D'autre part, tu as l'esprit trop sérieux pour avoir
fait seulement une plaisanterie. Enfin , il n'est pas possible de
croire que tu m'aies voulu combattre par une forme d'ironie !
Qu'est-ce donc, et que prétends-tu par cette phrase i¥. Fétis
cramponné à sa substitution? Ai-je une substitution, moi?
Ai-je (comme tu le dis) proposé ce\.\.e substitution? Eh ! mon
ami , il n'y a personne au monde qui , sans mettre en révolte
notre sentiment et notre intelligence , puisse proposer de
mettre dans l'harmonie ce qui n'y est pas contenu depuis la
création. Nous ne faisons que découvrir les phénomènes
des relations des sons , et constater leur identité avec les opé-
rations de notre faculté de concevoir. Cette substitution , ce
n'est pas moi qui la veux ; c'est Catel , c'est toi , c'est tout le
monde : j'en ai seulement découvert et analysé le mécanisme.
Mais si j'avais voulu faire naître les accords que tu donnes
pour exemples de la réunion de plusieurs substitutions, dans
ta manière de comprendre ce genre de modification des ac-
cords naturels , j'aurais tenté l'impossible, car j'aurais voulu
mettre un système arbitraire à la place de la vérité , et le sen-
timent universel aurait repoussé ma folle prétention. Tu fais
certainement usage de l'accord si , ré, fa, la, sans prépara-
tion sur le septième degré du mode majeur, conmie tu fais si,
ré , fa , sot ; mais tu n'as jamais employé de la même manière
les accords ré, fa, la, ut; fa, la., ut, mi; la, ut, mi, sol :
dans tous ceux-ci , tu as préparé la dissonance. Cette circon-
stance est décisive et suffit pour démontrer que ces accords
ne naissent pas du mécanisme de la substitution , mais de
certaines autres circonstances harmoniques dont je vais parler.
J'ai dit que le second genre de modification de l'accord
dissonant naturel est le retard d'une de ses notes par la pro-
longation d'une note précédente : or , la note retardée est
toujours la note sensible par la prolongation de la tonique.
Au lieu de ces successions naturelles :
/
T=^
n
— (9— -
-n~
//
n
(
^
-^■
-=m
—TT^-
\^
~¥^-
f)
on a donc celles-
fj — -=r4 L
./L f/ CL /d.
T-^
- fi
^^f=4
--. — jcr
j
~e^T^
fe
^no-
-~^rtz
ir
:32r
V
V
— €>
J^'
Tu ne nies vraisemblablement pas ces harmonies qui se
trouvent dans toute musique ! il n'y a pas moyen , car c'est
la nécessité des tendances tonales. Or (et remarque que nous
voici parvenus au grand point de discussion soulevé de tout
temps entre nous), j'ai constaté avec certitude, autant par la
puissance du raisonnement que par une analyse persévérante
des faits de pratique , que les divers genres de modifications
introduits dans les accords naturels sont indépendants les uns
des autres , et qu'ils accomplissent chacun l'objet de leur
destination, sans préjudice des phénomènes des autres modi-
fications : d'oii résulte la faculté de les réunir sans qu'ils se
nuisent. Cela se voit fréquemment dans les altérations qui ac-
compagnent les piolongations, ou dans les altérations doubles
dont les unes sont ascendantes, et les autres descendantes.
Pourquoi donc , dis-moi , la réunion de la substitution et de
la prolongation te ré))ugne-t-elle davantage? N'y a-l-il pas
évidence, au contraire, que toutes les successions suivantes
ne sont qu'un seul et même fait tonal ?
12 3
S
S
f Y.
=r
ï
^^
r f
-f f
L'accord de septième mineure avec tierce mineure sur le
deuxième degré , qui est le produit de la réunion de la sub-
stitution à la prolongation , est présenté par Catel comme le
résultat d'une prolongation de septième sur un accord parfait
déjà complet. Tu appuies cette théorie par l'observation sui-
vante : «Ces prolongations, ainsi que toutes celles de la même
1) nature, trouvent leur résolution dansl'accord suivant. Cette
» dernière circonstapce apporte une grande différence entre
11 la prolongation ajoutée à un accord déjà complet , et le re-
» tard , dont le nom seul indique la mission de retarder une
» des notes de l'accord qui en est affecté. Ce procédé de
11 la prolongation produit toutes les septièmes avec quinte
« juste. Cette théorie si lumineuse doit son adiiission à son
11 admirable simplicité. Cela est moins neuf; mais cela est vrai.»
Chose singulière, ami, que la puissance des principes sur
DE PARIS.
la direciioii de notre esprit ! Ce qui te paraît être doué de vé-
rité irréfragable et d'une admirable simplicité , dans la théorie
de Calel , est précisément ce qui m'en a révélé les défauts ,
et ce qui me semble l'écneil oii elle périt. Examinons donc
attentivement cette difficulté.
La différence essentielle qui se trouve sur ce point entre
la théorie de Catel et la mienne est qu'il fait venir l'accord de
septième mineur avec tierce mineure, sur le second degré de
la gamme, d'une modification de l'harmonie consonnante,
et que je tire son origine de deux modifications de l'harmonie
dissonante naturelle; d'où il résulte, suivant le principe de
tonalité que tu as adopté conformément à ma théorie, que
cet accord , ainsi que tous ceux de septième avec quinte juste
(autres que celui de septième de dominante) ont dû précé-
der l'introduction de celui-ci dans la musique; car tu te rap-
pelles ce que j'ai établi et ce que tu as admis, à savoir, que
l'harmonie consonnante avec ses modifications compose toute
la musique de l'ancienne tonalité , et que la tonalité moderne
est le fruit de l'harmonie dissonante naiurelle. Gela étant,
nous devrions voir apparaître dans la musique ancienne (qui
a précédé l'accord de septième de la dominante) l'accord de
septième mineur du second degré ainsi que les autres accords
de septième avec quinte juste , et conséquemraent l'accord de
quinte et sixte , celui de tierce , rjuarteet sixte, et enfin celui
de seconde avec quarte et sixte : or, n'est-ce pas un fait plus
que singulier que ces accords , nés, selon Catel et toi, de
l'harmonie consonnante, ne se rencontrent pas dans la mul-
titude de messes , de motets et de madrigaux écrits pendant
plus de deux siècles avant l'introduction de l'accord de sep-
tième dominante dans la musique, tandis qu'on les voit ap-
paraître après que cet accord a changé la tonalité ? Et ne va pas
croire que ceci soit l'effet du hasard : il n'y a point de hasard
contre les principes des choses ; ceux-ci doivent épuiser toute
leur virtualité avant que d'autres principes se produisent.
D'ailleurs , toi , élève de Cherubini dans l'art d'écrire ,
rappelle-toi ses leçons, et souviens-toi de ses préceptes con-
cernant l'exclusion de la septième avec la quinte, de la quinte
et sixte, et des autres harmonies de cette espèce dans le
contre-point. Ces règles, présentées d'une manière empirique
par Cherubini , n'étaient en lui que des traditions d'école
dont on ne lui avait point expliqué l'origine dans sa jeunesse,
parce que sou maître, parce que tous les maîtres de l'Italie
n'eu savaient pas plus que lui à cet égard ; mais lorsque, guidé
parla loi de tonalité , j'eus, démontré, dans mon traité du
contre-point, que ces harmoniesen sont bannies parce qu'elles
ne résultent point de modifications de l'harmonie consonnante,
Cherubini , bien qu'il n'aimât pas les idées nouvelles en matière
de doctrine, fut saisi de l'évidence de cette déduction , et me
loua précisenjent là-dessus dans son rapport à l'Institut sur mon
ouvrage. Encore une fois, mon cher Zimmerraan, le principe
de tonalité étant posé et admis^ il en faut accepter toutes
les conséquences. Il n'y a , il ne peut y avoir dans toute mu-
sique basée surl'harmonie consonnante et sur ses modifications
que des septièmes retardant des sixtes , accompagnées de la
tierce et sans quinte; il n'y a de prolongation possible sur
un accord parfait déjà complet que celle qui produit neuvième
par le retard de l'octave; enfin une prolongation qui n'est
point un retard est absolument incompréhensible , et n'a ja-
mais eu d'existence que dans la tête de Catel. Comraentfait-
il , d'ailleurs , la résolution de cette prétendue prolongation
sur un accord parfait complet? N'est-ce pas sur l'harmonie
de la septième de la dominante {Traité d'harmonie, p. 23)?
Et ce fait ne démontre-t-ii pas invinciblement que c'est cette
harmonie qui est retardéeparla prolongation? Voilà pourtant,
ami, la théorie dont tù loues l'admirable simplicité! Il y en
a une bien plus simple que j'ai analysée dans mon livre ; elle
consiste à placer sur tous les degrés des gammes majeure et
mineure l'accord de tierce et quinte , l'accord de septième et
l'accord de neuvième comme existant par eux-mêmes , et
différant seulement par la nature de leurs intervalles. Rien de
plus simple que cela , rien de plus clair ! seulement cela est
faux, car le plus grand nombre de ces accords n'a pas d'exis-
tence à priori. J'ai donné de justes éloges à Catel pour le
service qu'il a rendu en France , en faisant disparaître la con-
sidération des accords isolés, la remplaçant par un grand
nombre d'accords par les faits de succession , et faisant inter-
venir particulièrement dans la formation des groupes harmo-
nieux les retards et les altérations. Ce fut un grand pas de
fait vers une théorie rationnelle et complète de l'harmonie;
malheureusement les forces intellectuelles de ce musicien
distingué ont failli devant certaines difficultés, et ne lui ont
permis d'atteindre qu'une partie du but qu'il s'était proposé.
Pour achever d'éclaircir le fait important sur lequel nous
sommes divisés , il ne me reste plus qu'à répondre à l'objec-
tion que tu as élevée contre la réunion de la substitution et
de la prolongation qui donne naissance à l'accord de quinte et
sixte. ïu dis : « Il faudrait se résoudre à admettre que l'accord
n de quinte et sixte a pour origine cet accord de triton :
M
^^^
B C'est au moins embarrassant. »
Mon ami , il n'y a pas le moindre embarras à cela , et je
m'étonne qu'il te soit resté des doutes à ce sujet, après avoir lu
les paragraphes 15^1 et 155 de mon livre, où j'ai expliqué,
ce me semble, de la manière la plus claire comment la substi-
tution réunie à la prolongation fait disparaître la cause de
l'obligation de résoudre en descendant le quatrième degré dans
l'accord de septième du second degré et dans l'accord de
quinte et sixte. A'oici ce que je dis à cet égard :
« La disparition de la double dissonance de seconde entre
Il le quatrième degré et la dominante , et entre le sixième
» degré et la note sensible , qui est le résultat de la réunion
1) de la substitution avec la prolongation, est cause aussi que
» la basse , devenue libre dans les accords du second degré et
» du quatrième, peut faire des mouvements qui placent la
» résolution des accords modifiés sur d'autres notes que celles
» qui devraient se faire dans l'état naturel , ou avec la simple
)) substitution. »
Les deux genres de résolutions suivantes sont donc égale-
ment admissibles :
2
270
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Les exemples 1 et 3 offrenl les résolutions des modifica-
tions sur les accords primitifs; les deux autres continuent les
résolutions évitées par les mouvements de la basse, devenue
libre dans son mouvement.
Ami , je crois devoir in'arrêter ici , car je ne pourrais que
me répéter , ayant je crois réfuté solidement toutes les objec-
tions possibles contre le double phénomène des modifications
des accords dissonants naturels , et ayant démontré que là
seulement est la vérité de la théorie de l'harmonie. J'arrive
maintenant à tes dernières observations sur mon livre.
« Pour en finir (dis-tu) avec mes critiques, je reprocherai
» à M. Fétis de ne pas justifier entièrement le titre de son
» ouvrage ; pour que son livre fût tout-à-fait complet , je
» voudrais y trouver les progressions harmoniques nommées
" marches. » Cher Zimmerman , je soupçonne que pendant
que tu lisais cet ouvrage , il se faisait près de toi quelque in-
téressante conversation qui te préoccupait et t'apportait des
distractions. S'il en était autrement, tu aurais vu que non
seulement je n'ai pas négligé les progressions harmoniques ,
mais que je suis le premier théoricien qui en ait expliqué la
nature , les autres ne les ayant présentées que d'une manière
empirique. Permets-moi de te citer le paragraphe oii j'ai
établi la théorie rationnelle de ces séries non modulantes
(p. 26).
« J'ai tâché de démontrer, dans ce qui précède , que la
» position déterminée de l'accord parfait sur certaines notes
» de la gamme est la conséquence nécessaire des lois de la
» tonalité; mais un phénomène se présente dans certaines
» formides harmoniques appelées dans l'école marches de
» basse , et plus exactement progressions , car les mouve-
» ments de la basse ne sont qu'une partie du phénomène.
» Dans ces progressions^ deux accords se succèdent sous la
» forme d'un mouvement ascendant ou descendant. Celte
» succession et ce mouvement fixent l'attention de l'esprit ,
i> qui en saisit d'autant mieux la forme qu'aucune anomalie
» de tonalité ne s'y fait remarquer. Or, la succession étant
» accomplie , si le mouvement recommence entre deux notes
» situées à des degrés plus hauts ou plus bas, et continue une
» série semblable, par une progression ascendante ou des-
» cendanle sur tous les degrés de l'échelle , l'esprit , absorbé
» dans la contemplation de la série progressive, perd inomen-
» tanément le sentiment de la tonalité , et ne le retrouve qu'à
» la cadence finale , où se rétablit l'ordre normal.
» Il suit de ceci que dans les progressions il n'y a point de
» degrés déterminés, et que les intervalles et les accords qui,
» par leur nature, appartiennent k telle ou telle note de la
» gamme, perdent leur caractère spécial; qu'il n'y a plus de
» gamme proprement dite , et que les mêmes accords peuvent
» se placer sur toutes les notes de la série progressive. » Après
cet exposé de l'origine des progressions , tu trouveras quatre
pages, - 7 , 28, 29 et 3o, remplies de l'analyse et des exemples
des progressions d'accords parfaits. Les pages 34 et 35 ren-
ferment les progressions de sixtes ; les progressions de sep-
tièmes et d'autres accords produits par les modifications des
harmonies dissonantes naturelles sont aux pages 81 et 82 •
enfin les progressions sur la gamme sont aux pages 88 et 89 ;
car j'ai traité de chaque chose à sa place et dans un ordre
logique.
Tu dis encore : «On y chercherait en vain un chapitre qui
» traitât des cadences. » II est certain , mon cher Zimmer-
man , que je n'ai pas suivi les formes habituelles des traités
d'harmonie, parce que j'ai une autre méthode d'exposition
que leurs auteurs. Ainsi que je l'ai dit tout-à-l'heure , je
mets chaque chose à sa place, et je n'aime pas ces divisions
qui font rejeter à la fin de l'ouvrage, comme des appendices,
des choses qui se lient logiquement aux autres faits de la
science. Dans le quatrième chapitre du premier livre de mon
ouvrage, concernant la succession des intervalles considérée
dans leurs a/finilés et dans la détermination de la tonalité ,
chapitre important et neuf, j'ai dit (pages 18 et 19) ce qui
caractérise les cadences parfaites et rompues, et je les ai con-
sidérées dans les résbiutions de l'accord de septième (pag. 38
et 39) , ainsi que la suspension de cadence : or , c'est là tout
ce qu'il y a de réel dans cette matière. La cadence interrom-
pue de Rameau est une faute d'harmonie , et les cadences
évitées sont des actes de modulation , comme je l'ai fait voir
en traitant de cette partie de l'art.
Enfin , tu termines ta critique par ces mots : «J'ajouterai
» aussi qu'un traité pratique devrait contenir des basses et
•> des chants chiffrés et non chiffrés , etc. » Loin de partager
ton avis, j'ai la complète conviction que ces basses et ces
chants sont parfaitement inutiles , car un élève ne peut cor-
riger lui-même les fautes qui lui échappent en écrivant de
l'harmonie sur des basses données. C'est au maître qu'il ap-
partient d'écrire ces exercices , et d'en régler l'étendue et les
difficultés , en raison de l'intelligence de ses élèves. Les basses
chiffrées ne sont bonnes que pour les exercices d'accompa-
gnement sur le clavier , parce qu'elles doivent être jouées
souvent pour donner aux doigts l'habitude du mécanisme
d'harmonie. J'ai mis à cet égard tout ce qui est nécessaire à
la suite de ma Méthode élémentaire d'harmonie et d'accom-
pagnement.
Non seulement , mon cher Zimmerman , mon livre est com-
plct dans le sens que tu attaches à ce mot , mais il embrasse
dans son ensemble des parties de la science et de l'art absolu-
ment neuves et qui n'avaient pas même été aperçues par les
autres théoriciens. Tu chercherais en vain dans un autre
traité d'harmonie quelque chose qui répondît au 9" chapitre
du second livre, concernant h prolongation des notes alté-
rées. Les trois chapitres suivants, sur les notes étrangères à
l'harmonie naturelle oti modifiée sur la pédale , et stir les
signes des accords et la basse chiffrée renferment des aper-
çus nouveaux et des développements très étendus. Le troisième
livre , qui traite de la tonalité et de la modulation dans l'har-
monie , est basé sur les considérations les plus élevées- oii la
science soit parvenue jusqu'à ce jour , et pénètre dans l'ave-
nir de l'art. Enfin, après avoir appris par ma théorie, dans les
trois premiers livres, les vrais principes de la science, con-
formes à la pratique de l'art, le lecteur trouve dansie quatrième
une analyse complète de tous les autres systèmes mis' en lu-
mière depuis la création de la science, et en saisit le principe,
de manière à pouvoir porter avec certitude un jugement vrai
sur tout système qui serait proposé dans l'avenir.
Après cela , je crois sincèrement qu'il ne me restait plus
rien à faire ; et c'est cette conviction qui m'a fait dire dans
le dernier paragraphe de mon livre : » Parvenue à ce point ,
« la théorie de l'harmonie est au dernier terme de l'art et de
» la science : elle est complète , et rien n'y peut être ajouté.
1) C'est cette théorie que j'ai développée dans cet ouvrage.
>■■ Rameau , Sorge , Schrœter , Kirnberger et Catel en ont
« trouvé successivement les premiers éléments, et je l'ai com-
» plétée en la posant sur la base inébranlable de la tonalité. »
Ton tout dévoué ,
FiJTis père.
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
DE PARIS.
271
ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE.
BALLKT-PANTOMIME EN 2 ACTES PAR M. CORAILI ;
MUSIQUE DE M. DeLDKVEZ.
(Première représen talion.)
n a repris Sophocle , pourquoi ne reprcndrait-
' on pas Fénélon , dont le poétique roman a joui
depuis longtemps du privilège d'inspirer la
chorégraphie? Toutefois, je voudrais bien savoir
de quel œil le cygne de Cambrai eût jamais pu
voir sa prose traduite en pirouettes. C'est un désagrément
que l'aigle de Meaux s'est épargné en écrivant le Discours
sur rkistoire universelle; mettez cela en ballets, si vous
pouvez !
L'Académie royale de musique s'est donc laissée aller au
plaisir d'endosser encore un peu le costume antique , d'en
revenir aux traditions de la mythologie, d'emprunter quelque
chose à Fénélon, à Homère , et même à Virgile. Au milieu
de Calypso et de ses nymphes, elle a placé l'Amour, qui, sous
les traits d'un petit matelot, jouele rôle du faux Ascagne dans
l'Enéide. Minerve a beau faire et beau dire, sous la figure
austère de Mentor, le petit matelot se moque de son élo-
quence , et détourne Télémaque de la bonne voie , au point
de lui faire danser un certain nombre de pas de deux avec
Eucharis, au nez de Calypso et à la barbe de Mentor, jusqu'à
ce qu'enûn la Sagesse l'emporte, en se jetant à la mer la tète
la première, exemple que le vertueux Télémaque s'empresse
noblement d'imiter.
L'imagination de M. Coralli s'est moins appliquée, dans
cette entreprise rétrospective, à combiner une action sérieuse,
qu'à broder de danses séduisantes la fable telle quelle que le
sujet lui fournissait. Il en est résulté une série de pas de
deux, de pas de trois , de pas de cinq , et autres pas de tout
chiffre et de tout genre , qui s'enchaînent d'un bout à l'autre
du ballet. M"" Adèle Dumilàlreen est l'héroïne, et M. Petitpa
le héros ; M"" Maria joue l'Amour déguisé en petit matelot;
M"' Pauline Leroux et M. Élie , chargés des rôles de Calypso
et de Mentor, ne servent guère qu'à leur donner la réplique.
Mais tout cela n'est pas de notre compétence : dansez, val-
sez, trémoussez-vous : peu nous importe comment ni pour-
quoi. Ce que nous avons à juger, c'est la musique , et celle
de M. Deldevez nous a paru généralement bien écrite et bien
faite : il y a même , de temps en temps, quelques inspirations
d'un style distingué, soutenues d'une instrumentation ingé-
nieuse et habile, comme, par exemple , la phrase qui accom-
pagne l'entrée de Calypso dans la grotte au second acte , et
que le compositeur a fait entendre dans l'introduction qui
précède le lever du rideau. M. Deldevez avait débuté par le
troisième acte du ballet de Lady Henriette : il avait droit à
écrire seul la musique d'un ballet en deux actes; maintenant
il a droit à un opéra quelconque ; le nombre d'actes n'y fait
rien.
C.
Consevuatoire îie iHusique et î)c acclamation.
I ous avons enregistré dans notre dernier nu-
méro le résultat des concours de l'autre se-
maine , à l'exception de celui des instruments
à vent , qui avait lieu samedi même. Avant
d'entrer dans les détails , nous devons dire ,
sans aucune flatterie pour personne , que si la partie instru-
mentale de l'enseignement s'est maintenue à son niveau or-
dinaire, la partie vocale et dramatique s'est considérable-
ment améliorée , ce qui tient à plusieurs causes, au soin tout
spécial que le directeur du Conservatoire apporte à ce genre
d'études, à la création de nouvelles classes, à l'admission
d'un plus grand nombre d'élèves, et par conséquent au re-
doublement d'émulation paimi ceux qui donnent et ceux qui
reçoivent les leçons.
Le concours de piano s'est signalé , comme toujours , par
l'embarras des richesses. Les hommes avaient à exécuter un
concerto de Mayer , les femmes un concerto de M. Henri
Herz , l'un des professeurs de l'école. Un élève de M. Laurent,
le jeune Ferdinand Croze , avait été forcé par une indisposi-
tion de se retirer de la lice. Un autre élève du même maître,
M. Gunsselmann, a mérité un accessit par son exécution
précise, énergique : toutes les autres distinctions, premier et
second prix , premier accessit, sont échues aux élèves de
M. Ziinmerinan, MM. Philippot, Mariscotti et Scola. Le
jeune Lazare, qui aux examens paraissait avoir de grands avan-
tages, s'est éclipsé au concours, et n'a rien obtenu : c'est une
revanche à prendre. Pour les classes de femmes , le combat
s'est livré entre les élèves de M"'° Farrenc, de M'"" Coche et
de M. Henri Herz. Chose remarquable , les élèves de la pre-
mière ont en généra! mieux joué le concerto de M. Herz que
les élèves de l'auteur , dont plusieurs péchaient par une sorte
d'afféterie et de manière; nous ne parlons ici ni de M"" Diette,
qui a partagé le premier prix avec M"" Farrenc, ni de
M"^ Marchand, qui a victorieusement enlevé le second prix,
ni de M"" Moulin , si étonnante pour son âge. M"" Farrenc a
particulièrement glorifié l'école de sa mère : de l'accessit qui
lui avait été décerné l'année dernière, elle a tout-à-coup
passé au premier prix : M"" Aulagnier et Ausseur, qui ont
l'une et l'autre obtenu des accessits , marchent dignement
sur ses traces et parviendront sans doute au même but.
La classe de M. Norblin pour le violoncelle a produit un
premier prix très brillant, M. Jacquard, qui ne compte
encore que dix-sept ans : M. Baumann , qui a mérité le se-
cond prix, en compte vingt-trois; c'est un élève du même
professeur : M. Millet , l'accessit , est élève de M. Vasiin.
La classe de M. Habeneck , riche encore des débris de
celle de Baillot, et qui par conséquent envoie au concours
un nombre d'élèves double de celui qu'envoient les autres
classes, a remporté deux premiers prix, l'un décerné à
M. Briard (second prix de 18i3) , l'autre à M. Boulard, (ac-
cessit de 1842). Le second prix a été donné à M. Berou (ac-
cessit de 184 3),, et l'accessit à M. Dumas, élève de M. Alard.
Parmi les concurrents demeurés sans récompense , il faut
distinguer MM. Montaubry et Boverie, qui l'année dernière
avaient tous deux partagé l'accessit avec M. Berou, et qui
sont élèves de M. Habeneck; MM. Champenois et Amyon,
élèves de M. Massart. Le dernier, qui se distingue surtout
par une qualité de son belle et puissante, après avoir obtenu
une voix pour le second prix , n'a plus rien obtenu pour l'ac-
cessit : c'est une bizarrerie à relever entre quelques autres.
Le concours de harpe a brillé d'un certain éclat. Sur sept
concurrents, M"° Vernay (second prix de 1863) a mérité le
premier prix de cette année; M"' Nollet le second. M"" Locré
et Rançon l'accessit.
Plusieurs instruments , tels que le basson, la clarinette, le
trombone , la trompette, continuent d'être en progrès. Nous
allons donner les résullats du concours de tous les instruments
de cette famille dans l'ordre où le concours a eu lieu.
Trombone. — Premier prix : M. Venon. Second prix :
M. Guimbal, tous deux élèves de M. Dieppo.
272
IREYUE ET GAZETTE MUSICALE
Basson. — Preaiier prix : M. Masurel. Accessit : M. Linof,
tous deux élèves de M. Barizel. Il n'y . a pas eu de second
prix.
Co)- ordinaire, — Premier prix : M. Boulcourt. Second
prix : M. Bardey. Accessit : M. Guérin , tous trois élèves de
M. Gallay.
Trompette. — Premier prix : M. Dubois. Second prix : |
M. Arban. Accessit : M. Cerclier, tous trois élèves de RI. Dau-
verné. i
Cor à fiston. — Premier prix : W. Gillette. Second prix : \
M. Halary, tous deux élèves de M. Meifred.
Hautbois. — Premier prix : M. Gras. Second prix : ;
M. Castagnier. Accessit : MM. Degouy et Hubant, tous quatre
élèves de M. Vogt. • î
Flûte. — Premier prix: M. Lemou, jeune élève à peine \
âgé de seize ans, et à qui l'on en donnerait tout au plus douze, \
qui a commencé par être mousse, et n'est que depuis deux
ans au Conservatoire. Second prix : M. Alrit, tous deuxélè- !
vesdeM. Tulou. î
Clarinette. — Premier prix: M. Soualle. Second prix:
M. Sourilas. Accessit: M. Lecerf, tous trois élèves de M. Klosé.
Il est juste d'ajouter que les morceaux composés chaque an-
née, suivant l'usage, par M. Klosé pour le concours de ses
élèves, se font remarquer par l'élégance de la mélodie, par
leur coupe heureuse et par la distinction des accompagne-
ments.
Nous arrivons à la voix humaine, tantôt livrée à elle-même,
tantôt mêlée à l'action dramatique , et c'est ici que se mani-
feste positivement la supériorité actuelle du Conservatoire.
Nous nous rappelons des concours d'une date peu ancienne,
où il se trouvait à peine deux ou trois voix, deux ou trois es-
pérances. Aujourd'hui les voix abondent , les espérances se
multiplient. Dans le concours du chant, il n'y avait pas moins
de quinze hommes et de vingt et une femmes. Admettons
qu'on eût pu , sans trop de rigueur, retrancher dix concurrents
sur le chiffre total de trente-six , et nous aurons encore vingt-
six chanteurs et cantatrices, pouvant tous aspirer à une men-
tion quelconque. Le jury n'a pas cru devoir accorder de
premier prix aux classes d'hommes, et il a bien fait , parce
que le premier prix doit être réservé aux élèves qui possè-
dent, non seulement une belle voix, mais encore une éduca-
tion assez avancée , un talent assez complet pour se passer
désormais d'études sévères et soutenues. Le second prix s'est
balancé d'abord avec chances presque égales entre MM. Jour-
dan et Bussine, élèves de M. Garcia, Sarniguet, élève de Du-
prez, Gassier, élève de Banderali , et qui , l'année dernière ,
avait obtenu l'accessit. La majorité s'est fixée , après deux
tours de scrutin, sur ce dernier, à qui d'autres concours pré-
paraient d'autres palmes : l'accessit s'est partagé entre les
trois autres. MM. Obin et Lucien avaient en outre obtenu
quelques voix perdues.
Dans les classes de femmes, la prééminence s'est fixée avec
plus de promptitude. M"' Morange, et M"' Tabon, qui toutes
deux concouraient pour la première fois , ont d'abord frappé
l'attention du jury et de l'auditoire, l'une en chantant la ca-
vatine à'Elisabetta , de Rossini , d'une voix puissante et sym-
pathique , l'autre en disant l'air du Serment , le triomphe de
M"'° Damoreau , en digne élève de cette cantatrice célèbre ,
momentanément remplacée par M"° Duflot. M"' Courtot,
élève de Duprez, a suivi l'exemple de M'"" de Sparre , en di-
sant dans un style large et ; .thétique l'air de Guido écrit pour
voix de ténor. M^'' Morize ., vocalisé très purement la cavatine
de la Muette. Les suffrages se partageaient entre ces dames,
lorsque M"° Mondutaigny, élève de Bordogni, est venue dire
l'air de la Reine de Chypre , avec une voix moins belle que
ses rivales, mais avec plus d'art et de savoir. Le premier prix
lui était donc légitimement acquis; mais le jury a cru devoir
le partager entre elle et M'^" Tabon. Le second prix a été
accordé à M"" Morange et Morize. Un premier accessit a été
décerné à M"" Courtot, et un second accessit partagé entre
M"" Sisung, élève de Banderali; Grime, élève de Panseron;
et Rouillé , élève de Pouchard, M"«' Dameron, Chevallier,
Moisson et Brocard avaient aussi réuni quelques voix : d'autres,
qui avaient montré du talent, étaient restées forcément à l'é-
cart , entre autres M"" Delannoy , Lehoucq , Vaillant , Beaus-
sire , car il est impossible que le jury accorde des mentions
à tout le monde : force lui est de choisir parmi les concur-
rentes , qui produisent le plus d'effet et lui laissent l'im-
pression la plus vive.
Dix-huit concurrents et concurrentes se mesuraient dans
l'opéra-comique. Disons en passant que des scènes telles que
celle de la prison dans la Pie voleuse et celle d'Anne de Bou-
len ne devraient pas figurer sur un programme de ce genre.
Nous savons bien que le drame lyrique entrait dans le réper-
toire de Feydeau , comme il entre encore dans celui de Ven-
ladour; mais puisqu'au Conservatoire il y a deux concours
bien distincts , l'un pour la comédie , l'autre pour la tragédie
chantée , l'im pour le sourire , l'autre pour les larmes , nous
ne voyons ni raison ni avantage à confondre ce qu'il est si
facile de distinguer. Quoi qu'il en soit , dans ce concours ,
; Gassier a obtenu le premier prix , en jouant une scène du
Valet de chambre , M"' Morize le second prix , en jouant une
! scène de la Sirène ; M"" Leclerc , Morange et RouUié ont
I partagé le premier accessit. M"' Chevalier a obtenu seule le
j second.
j Le grand opéra comptait douze concurrents et concurrentes.
I M. Gassier a cette fois encore remporté le premier prix î
M"'s Moisson et Mondutaigny ont partagé le second; MM. Beaus-
! sire , Filathieu , Guignot et Garcin-Brunet , l'accessit. Plu-
i sieurs personnes ont pensé que M™' Beaussire méritait quel-
I que chose de plus brillant , et en effet cette élève est douée
! d'une figure charmante, d'une voix magnifique : en outre
elle a l'avantage d'être élève de Duprez. Il ne lui manque plus
pour atteindre aux grands succès de la scène que de régler
les éclats de sa voix , l'élan de son jeu : en faisant un peu
moins, elle obtiendrait bien davantage, et l'avenir, qui l'at-
tend , se réaliserait tout, de suite. Nous l'engageons de tout
notre pouvoir à ne pas perdre courage, et à ne pas s'éloigner
de son maître ni de son pays. C'est la mode maintenant par-
mi les élèves du Conservatoire , qui se croient mal jugés , ou
qui trouvent que les directeurs de Paris ne leur ouvrent pas
assez promptement leur porte, que de dire : «Je vais en Ita-
lie. » Hélas! ... pourquoi donc ceux qui ont pris ce chemin
desirent-ils si ardemment reprendre au plus tôt celui de la
France ? Pourquoi les ténors italiens se laissent-ils enlever
par l'Opéra de Paris? C'est que l'Italie théâtrale est beaucoup
plus belle de loin que de près , et qu'au lieu d'y exercer un
art honorable, les artistes y sont condamnés au plus pénible
des métiers.
La déclamation spéciale est aussi en progrès : les concours
de tragédie et de comédie l'ont prouvé. Dans le premier,
M. Chotel a obtenu le second prix (on n'en a pas décerné de
premier ) ; M"-^^ Rimblot, M. Gubian , M"" Loyaux et Jamini
ont obtenu les premier, second , troisième et quatrième ac-
cessits. Dans le second concours, M. Roger, qui avait fort bien
joué une scène de l'Avare, a obtenu le premier prix à l'una-
nimité; M"" Loyaux et Potel ont partagé le second prix;
MM. Truflier et Chotel , l'accessit.
DE PARIS.
273
Une innovation qui peut s'attribuer aux causes par nous si-
gnalées en commençant , savoir : l'accroissement du nombre
des concurrents et l'élévatiou des études , a marqué les con-
cours de cette année. Malgré l'interdiction prononcée par le
règlement nouveau du Conservatoire, le partage des prix s'est
reproduit en diverses circonstances. Le nouveau règlement
réformait un abus , mais peut-être risquait-il de tomber dans
un autre. Il est des cas oîi deux élèves se présentent" avec
une dose tellement égale de qualités naturelles ou acquises,
qu'il y a impossibilité absolue à ne pas les traiter de piême
et à distinguer entre eux. Cela est vraisemblable et possible.
Mais il y a aussi d'autres cas, et ceux-là ne sont pas les plus
rares, où le partage des prix pourrait ne servir qu'à dissimu-
ler une transaction entre la conscience et la faveur, qu'à sa-
tisfaire des amours-propres aux dépens de la justice , et voilà
pourquoi il faut bien prendre garde à ce que ce partage
n'ait jamais lieu sans une nécessité tellement palpable, qu'elle
justifie d'elle-même le directeur et le jury d'avoir forfait au
règlement qu'ils sont chargés de maintenir.
P. S.
GRAND FESTIVAL DE L'INDUSTRIE
AUX CÏB&MIPS-ÉI.ÏSÉE^'.
DEUXIÈME JOURNÉE.
a petite pièce après la grande; après le drame
vocal et instrumental à larges proportions, ayant
pour éléments constitutifs des chants natio-
naux, des prières pompeuses, des fragments
de symphonies , est venue la comédie instru-
mentale composée d'ouvertures , de quadrilles , de valses , de
polkas, etc., tout ce qui pouvait satisfaire enfin notre goût
prononcé pour le rhythme bien marqué, puissamment accen-
tué par le tambour et le canon même au besoin , signe évident
que si le Français né malin forma le vaudeville, il n'est pas
moins né pour la guerre, la gloire et la musique bruyante.
La seconde fête festivalienue a donc eu lieu, ainsi qu'elle était
annoncée , dimanche dernier , U août. Il est juste de recon-
naître cependant que cette seconde séance n'avait pas attiré au-
tant de monde que la première. Oui, malgré notre prédilection
pour la musique physiologique et de locomotion , c'est-à-dire
pour cette musique transformant en quelque sorte les chapeaux
de nos dames en balanciers de pendules qui marquent chaque
temps fort de la mesure d'une contredanse, pour cette musique
qui pousse la plupart des auditeurs à se promener autour de
l'orchestre afin de se montrer en public, voir les jolis éléments
dont il se compose , et appuyer d'un mouvement de tête , ou
d'un coup de talon de botte le rhythme du morceau qu'on
exécute , la musique psychologique , celle qui frappe l'âme ,
commence à avoir plus de partisans que l'autre, ce qui nous
semble indiquer une amélioration du goût artistique de la so-
ciété. Néanmoins, il faut convenir que l'ouverture de la Gazsa
ladra , celle de la Semiramide , et surtout la chasse dujeune
Henri, qui a ouvert la seconde partie du concert, ont été
dites par les quatre cents musiciens promis et présents avec
un ensemble , une verve et. un accord d'instruments dignes
des plus grands éloges.
Ce n'était point, comme la plupart des auditeurs l'ont cru,
le Strauss de Vienne , l'auteur, le créateur des valses aux
rhylhmes capricieux , brisés , bizarres même, mais gracieux
et pleins d'originalité, qui conduisait ce formidable orchestre,
mais bien son homonyme, un musicien du Théâtre Italien de
Paris , compositeur de valses aussi , et -de valses fort jolies.
On a remarqué celles portant le titre de la Médaille d'or ,
Amélie, le Diamant ; puis de charmantes polkas plus ou moins
bohémiennes , polonaises , fiançaises , espagnoles : mais ce
qu'il fallait voir, entendre, admirer dans ces polkas, ces
valses, ces quadrilles brillants, bruyants, retentissants, c'est
le brillant , le bruyant , le retentissant , l'étourdissant Saint-
Jean ! Auditeurs locomotionnés par le rhythme puissant dont
nous venons de parler, vous ne vous doutez pas que c'est à M.
Saint-Jean , à Saint-Jean tout court même , comme on dit en
nommant les gens célèbres qui s'avancent au pas redoublé vers
la postérité , vous ne vous doutez pas que c'est à ce même
Saint-Jean que vous devez vos émotions les plus vives; car
Saint-Jean est le premier tambour de France et de Navarre,
et de toute la garde nationale de Paris , un tambour — on de-
vrait peut-être dire un tambouriste, mais nous reculons de-
vant la hardiesse de ce néologisme — un tambour devant qui
tous les autres ne sont , comme on dit , que de la Saint- Jean.
C'est que Saint-Jean , voyez-vous , est artiste ; c'est qu'il a
le sentiment de sa puissance , de sa force irrésistible ; il sait
qu'il peut mettre au pas tout retardataire dans une armée de
quatre ou cinq cents concertants et plus, et il vous fait aller
musiciens, chef d'orchestre et public , comme il lui plaît.
Quand il est lancé dans un roulement crescendo , il semble
chanter victorieurément ce rondeau de Zampa ■■
11 faut cédera mes lois.
Et comment s'en défendre ?
Saint-Jean est le despotisme du son incarné ; il aime , il
adore son art ; et comme il en est dominé, il domine tout ce qui
l'entoure. Nous l'avons vu sur les derrières de l'armée com-
mandée par M. Strauss , à la tête de sa division de tambours
à l'arrière garde. .. qu'est-ce à dire, de l'arrière-garde! il
était à lui seul l'avant-garde, l'arrière-garde, l'aile droite,
l'aile gauche, le centre, centre de toute harmonie et de toute
mélodie; nous l'avons vu plein du feu sacré se Hvrant avec
délire et délice au bonheur de préparer, de filer, de fermer
avec toutes les nuances et la précision voulues ses rrrrras
et ses fias. On a bien pu voir quelques jeunes violonistes ses
voisins s'enfoncer avec force le doigt dans l'oreille comme
pour se soustraire au voisinage de cette terrible audition ;
mais qu'est-ce que cela prouve? que ces jeunes musiciens ne
sont pas dans la voie du progrès, car le tambour dit toujours :
En avant ! marche ! Cet instrument interprète , résume par-
faitement l'esprit de l'empire et de ses hommes-soldats qui ,
lorsqu'ils croyaient raisonner, ne faisaient que résonner; et
l'on ne peut disconvenir que les mots de gloire et de dignité
nationale .résonnaient aussi dans le cœur de tous. Honneur
donc à Saint-Jean et à M. Strauss, qui possèdent la puissance
de réveiller quelques nobles souvenirs !
Henri BLANCHARD.
Al'X- ARMES !, CIlOïE^iS !
Sessin. de G-ËL-vacni;
Rien qu'en voyant cet homme, on l'entendl:. le cri qui
s'échappe de sa poitrine est dessiné d'après nature. C'est l'an-
cien cri français, si poétiquement noté par Rouget de Lisle :
ce sont les mots fameux qui ont conduit tant de bataillons à la
victoire et tant de braves à la mort. Aujourd'hui nous avons
une autre Marseillaise, une autre inspiration nationale ; on
ne dit plus : Aux armes , citoyens ! mais on chante : Guerre
aux tyrans; jamais en France, jamaisV Anglais ne régnera.
274
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
^I^n coup de canon venait à être tiré, ce serait le belliqueux
j^frain d'flalévy qui volerait de bouche en bouche. Autre
^Jemps, autre musique.
ITO-CTTELIaBS.
",' Demain lundi, à l'Opéra, Stradella, suivi i'Euckaris, ballet
en deux actes.
*.' Les répétitions d' Othello sont reprises depuis plusieurs jours :
on annonce l'ouvrage pour la Qn du mois. Ce sont toujours Duprez,
Barroilliet, Levasscur, M"' Stollz et M"' Méquillet qui doivent
en remplir les principaui rôles.
"," M"' Taglioni assistait mercredi à la première représentation
A'Euchuris : la célèbre sylphide se propose , dit-on , de remonter à
Bordeaux, où elle doit se rendre, l'ancien ballet de 7'élémaque.
V Wartel quitte Paris pour se rendre à Milan, où il est engagé
pour l'hiver prochain. En attendant, il va travailler avec les célèbres
maitres d'Italie.
*,*M'"' Miro-Camoin doit rentrer la semaine prochaineà l'Opéra-
Comique dans C Ambassadrice et la Part du Diable.
*»* Thalberg donnera un grand concert à Boulogne le 14 de ce
mois.
*/ M. et M"' Iweins-d'Hennin sont partis pour le Nord : ils doi-
vent se faire entendre dans les fêtes de Courlray , Boubaix et
Tournay.
*,' Dimanche dernier , «ne nouvelle messe de M. Julien Martin ,
exécutée à Saint-Germain-l'Auxerrois, a produit un effet remar-
quable à tous égards, par la composition et par la manière dont
elle a été rendue. Les divers morceaux qu'elle renferme mériteraient
une analyse plus élendue que celle qu'il nous est possible de leur
consacrer. Le A' ./ne porte le caractère d'une prière onctueuse, hum-
ble d'abord , adressée au ciel par une seule partie , pui« répétée par
les autres, et dont l'élan s'augmente peu à peu jusqu'à une explo-
sion de voix , qui demandent avec confiance la pitié de l'Éternel. Le
Gloria commence par un choeur triomphal , qui revient plusieurs
fois et toujours avec un surcroît d'énergie. VAdoramus qui fait
partie du Gloria , ainsi que le Graiias et le Qui tullis , était dit par
un ténor dont la voix est magnifique , M. Soler , et accompagné
par les violoncelles et l'orgue. Le Qui lollis, solo de baryton , avait
aussi un interprète habile , M. de Ch"", qui a chanté également bien
les solos du Credo et \'0 salutaris. Tous ces morceaux, en y joi-
gnant le Crucifixus, Y Et resurrexit, et l'iil rapec(o, ont vivement
impressionné l'auditoire , dans lequel les artistes se mêlaient aux
amateurs. Les premiers donnaient la préférence au Sancius et à
X'Agnus Dei, les seconds au Gloria et à V O Salutaris. Toas étaient
d'accord pour assigner un rang élevé à cette manifestation reli-
gieuse et pour féliciter celui qui l'avait tentée avec un incontestable
succès.
*,* Les deux premiers concerts donnés par Liszt à Marseille ont
produit dix mille francs.
V Jacques Franco-Mendès, le célèbre violoncelliste , vient d'of-
frir la dédicace de son troisième quatuor pour deux violons , viola
et violoncelle, à S. A. B. le prince Albert, qui a daigné l'accepter
de la manière la plus flatteuse.
*,* On parle d'une sédition qui aurait éclaté au théâtre de Lis-
bonne pendant l'absence de M. Porto , le directeur. On ajoute que
AI""^ Bossi-Caccia se trouve compromise dans cet événement, qui
d'ailleurs n'offre rien de politique.
*,' La troupe allemande continue ses représentations à Bruxelles :
la Flûte eiicltantée , le Freiscliùtz, Don Juan et Eidelio ont été
donnés successivement. Il parait que la musique de Beethoven a
produit un grand effet sur le public bruxellois, dont l'attitude révé-
lait une sensation de plaisir mêlée de surprise. On s'attendait à de
la science et on trouvait du génie : de là l'émotion et l'enthou-
siastne.
dti*ontïf|»e dé|iarteHtentaIe •
*," l'rouville-siir-mer. — La soirée musicale , donnée le 4 août ,
par MM. Battanchon et De Liste dans les brillants salons de l'hôtel
Belle-Vue , récemment ouverts , avait attiré l'élite de la société pari-
sienne réunie aux bains de mer, qui ont maintenant le plus de
vogue. Celte solennité, était unesorie d'inauguration artistique d'un
splendide local, éminemment propre à favoriser les pérégrinations
des virtuoses. Le succès des bénéficiaires a été complet. VEneni-
cos, charmante fantaisie pour le violoncelle, a valu à M. Battanchon,
son auteur, des applaudissements aussi vifs que ceux qu'il a obtenus
dans les concerts donnés au Havre et à Cherbourg.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
PiiMications de MAURICE SCHLEStlVGER, 9'?, rue Kiclielieu.
^n îiente.
Edition populaire
DU CHAMT I¥ATIO]^AL
CHARL
, DHALEYY.
. . . i . JAMAIS EN FRANGE,
JAMAIS L'ANGLAIS NE REGNERA.
Prk lîel : 25 ceiilinies.
Le Chirogymnaste est un assemblage de nenrappa-
reils ^ymnastiqnes destinés à donner de l'exlension i
lamametde Vêcart aux doigts â augmenteretà éj;al<-
ser leur force et à rendre le quatrième et le cinquième
indépendants de tous les autres. Le Chirogymnasle
aété aussi approucé et adopté parilit. Adam, Berlini,
lie Beriot, Cramer, Ueri, KaVibrenner, Listi, Moschelii
PrudKM, Sinon, Thalherg, Tulou, Zimmermann, etc.
Chaque Chiroqymnaste est' revèlu de la signatura
de l'inventeur et te vend place de la Bourse, n° 15,
ahuit appareil», 50 fr.,àneiifttpp, 60 fr., mélliode,?/)'.
î'*5î!A5'"iy^ APPUOUKE A L-ÉnrUDE DU PIANO. •» MARTIN, S bt
I.> e-VnniASTlQUE DeI^ DOICSTS, par H. BEBTIIMI. P^ ■■•>. 3 Cf. 76 m.
laventé par C. MABTUV
Facteur de PîanoB.
BBEVETÉ DU BOI
Place delà Bonrae, I S.
Approuvé par l'IiutitaC
et adoplé dans les classes
deaCONSEBVATOIBES
de Paris et de Londres.
Les expëdhions sont faites contre remboorsemeat. Écrira franao*
PLliilES IIÉTALLIQIJES POL'R ÉCRIRE LA MlJSip.
N' 13. Pour écrire la musique. Celte plume convient aussi aux
personnes qui n'écrivent pas l'anglaise. — N" i3 bis. Pour copier la
grosse musique telle que parties séparées, et écrire, en gros et en
ronde. — N» IG médium Plus fine que le N" 13, très bonne pour
l'éirilnrc expédiée. — Prix: la douzaine, 50 c. ; la grosse, 4 francs.
CtiezIiARS-ESNAUIiT, Papetier, rue Feydeau , 23, à Paris.
Spécialité pour la reliure de musique ; papier réglé pour musique
de tous formatv , soit ordinaire, ou de fantaisie, ainsi que des
albums pour écrire la musique.
A. BOUD, rue du ^teiiticr , tl.
.«ÏPÉCÎAI.ITÉ POUR LES PIANOS A QUEUE.
Piéduciionde prix. Garantie de 2 années. On peut, avant de conclure
un marché, comparcrcesinsirumenis avec ceux de loutautre facteur.
Imprimerie de POUBGGGNE et MARTINET, 30, rue Iftcob.
Four iParis : ua an, 30 fr. ; six mois, 15 fr.
Annonces : 50 c. laligcie de 2S lettres — Xïépartements : un an, 34 fr. Étranger, 38 fr.
_XCK _ _
REVUE
ET
GAZEHE MUSICALE
MM. ANDERS , G. BENEDIT, BERLIOZ, Henbi BLANCHARD,
MAUlllCE BOURGES, F. DANJOU, DLESBERG , FÉTIS père, EDOUARD FÉTIS, STEPDEN HELLER, J. JANIN,
G. KASTNER, LISZT, J. MEIFRED , GEOBGE SAND, L. RELLSTAB, PAUt SMITH, A. SPECHT, etc.
Pafnigaant lows Mes MUmandtea,
IL SERJV JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVABNI.
Le 1*' et le t5 de chaque mois on recevra un morceau de musique*
SOMMAIRE. Le vaudeville et l'orgue de Barbarie ; par A. SPECHT.
— Théàlre royal de l'Opéra-Comlque : Reprise de GuUsian; par
H. BLA\CIIAIU). — Conservatoire de Bruxelles. — Lellic à
M. le directeur de la Gazelle musicale : La musique religieuse en
Belgique; par F. DANJOU. — Correspondance particulière; par
G. KASTIVEB. — Nouvelles. — Annonces.
LA CHANTEUSE CHINOISE. Dessin de Gavarni.
LE VAUDEVILLE ET L'ORGliE DE R\RB\IUE.
is-moi ce que tu en-
tends, je lu dirai ce
que lu chantes!
Ceci vous pi'ouvc
en passant que Ba-
sile a bien fait de
nous apprendre à inetlre en variaiioiis les
sproverbes, et qu'il faut emprunter partout
les bonnes méthodes , même à certaines
gens, sauf à Iciu- rendre la justice qu'ils
mt'ritent.
Depuis longtemps je veux rendre au vau-
deville et il l'orgue de Barbarie la justice qui
leur appartient, et je commence en conseil-
lant aux musiciens de ne jamais rien leur em-
prunter.
Malheureusement cette dernière prescription
n'est pas facile à suivre , car il s'agit surtout ici
d'emprunts involontaires en fait de musique , et c'est le mal
que je déplore, la maladie nationale dont le remède est en-
core h trouver. J'ignore si l'on y a fait attention avant moi ,
et si je mérite l'honneur d'avoir signalé et classé le pre-
mier une infirmité contagieuse. Cet honneur, j'y tiendrais
fort peu , mais je tiendrais beaucoup à être délivré de la soi-
disant musique que nous font l'orgue de Barbarie el le vau-
deville , et de l'influence délétère qu'ils exercent sur l'art
musical.
S'il est une vérité physique et morale bien prouvée , c'est
que les choses retiennent toujours quelques unes des qualités
bonnes et surtout mauvaises du milieu dans lequel elles sont
plongées, et que les individus tendent trop souvent à s'assi-
miler les défauts de ceux avec lesquels ils vivent , quand ces
défauts ont un côté qui flatte leurs sympathies. C'est ce qui
donne naissance aux écoles dans les arts et les lettres, et l'es-
prit d'école n'est autre que l'esprit d'imitation. On u'a pas
besoin de parti pris pour suivre cette pente imitatrice. Le
plus souvent , la tendance de l'époque vous y pousse. Sou-
vent encore , c'est l'influence de l'esprit de coterie ; mais ceci
n'est qu'une exception dans la grande niasse. Le mobile le
plus puissant et le moins aperçu, c'est la fréquence des im-
pressions produites sur les jeunes artistes par les productions
qu'ils voient ou entendent. C'est donc souvent une question
de persistance insensible et de sensation ressentie involontai-
rement, au milieu des distractions qui sembleraient devoir
être les plus fortes. En un mot, c'est l'éducation qui résulte
des habitudes et non d'une étude spéciale. Et ce ne sont pas
seulement les écoles artistiques qui se forment ainsi, car ces
écoles ne sont que des coteries relativement h la masse des
artistes, ou, si l'on veut parler plus poétiquement, que les
branches d'un même arbre. Ce sont les arts nationaux qui
résultent surtout du caractère et des habitudes des nations
qu'ils représentent.
J'aime h croire que le vaudeville et son enfant mal élevé,
l'orgue de Barbarie , représentent fort peu l'école musicale de
la France. Mais je répète , parce que j'en suis convaincu ,
qu'ils exercent une influence déplorable sur la production de
cette école, c'est-à-dire sur le caractère général de l'art, sauf
de rares exceptions en faveur du génie.
Tour voir de quelle nature peut être cette influence, il est
BUHEAUX D'ABONNEMENT, KUE BICHEMEP, 97.
276
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
nécessaire de savoir quels sont ces agents si puissants et si
hostiles à la bonne musique.
Boileau a dit :
Le Français né malin créa le vaudeville.
Et ce vers a servi longtemps de charte , de parchemin , de
lettre- patente au'seul théâtre qui exploitât le genre de spec-
tacle où s'intercalait le chant des vaudevilles. Je ne dis pas
que Boileau ait tort, et je suis loin de nier le mérite litté-
raire de la chanson appelée vaudeville. Ces malices rimées :
conviennent à tout le monde en certaines circonstances don- }
nées, et constituent on délassement dont prennent leur part j
les gens même qui dcdaignoraienl de faire des vaudevilles. Ce
plaisir facile est même si attrayant, que les gens superficiels
et vulgaires , c'est-à-dire la très grande majorité , en viennent
à le préférer à tout autre amusement intellectuel. Et cela se
conçoit parfaitement. La malice n'est trop souvent que la
vengeance exercée à l'égard des supériorités , quelles qu'elles
soient. Elle constitue alors les représailles et la fête de la mé-
diocrité. Les chansons par lesquelles les goujats de l'armée
romaine insultaient au triomphateur dont le génie leur avait
donné la gloire, n'étaient que des vaudevilles. C'est par ce
caractère médisant et envieux que le vaudeville s'est nationa-
lisé en France, quand notre pays était la célèbre monarchie
tempérée par des chansons. Le vaudeville se prenait alors,
souvent avec raison , aux puissants et aux heureux du siècle.
C'était le retour offensif du faible contre le fort, du pauvre
diable contre le favori du destin. Riais aussi cette vengeance
n'était pas toujours généreuse ni juste, parce que, malgré
toute sa grâce, son esprit et son apparente bonne humeur,
elle prenait sa source dans les deux plus méprisables passions
de l'humanité , l'envie et la haine. Combien de fois le vaude-
ville s'est-il attaqué h l'intégrité disgraciée, aux infortunes
irréparables , aux tentatives nobles et généreuses ! On sait
que l'enthousiasme n'a pas d'ennemi plus redoutable que ce
ricanement positif et prosaïque. C'est pourquoi Benjamin
Constant a dit, dans sa notice sur Aristophane, que le rire
était mauvais. L'arrêt était bien absolu; mais le rire, consi-
déré de ce point de vue, devait exciter l'indignation d'un es-
prit aussi élevé.
Malheureusement les esprits élevés sont l'exception dans
l'humanilé, et il est certain que le vaudeville, avec ses allures
bourgeoises, ses méchancetés de commère, ses perfides insi-
nuations dignes d'un portier nar(|uois, réunit toutes les con-
ditions voulues pour plaire à l'immense majorité. Il compte-
rait encore bien plus de partisans, s'il n'avait choisi pour
auxiliaire obligé une musique comprise ou exécutée de ma-
nière à lui donner pour ennemis tous les vrais amis de l'art
musical, assez nombreux de nos jours.
On sait quelle musique crée le vaudeville et ce qu'il fait
de la musique qu'il emprunte. Il lui faut, pour répondre à
sa vocation populaire , le rhythme trivial el facile , le tour
commun et vulgaire, et la bonne grâce d'une femme de
chambre qui contrefait sa maîtresse. Il n'est jamais plus dé-
testable que lorsqu'il veut farder ses banalités mélodiques à
l'aide du style de l'école ou quand il vise à l'original et h
l'étrange. Par exepjple, l'inspiration du musicien de génie ou
de talent brise le rhythme pour lui donner plus de saillie, de
piquant ou d'éclat , pour le tailler â facettes; la trivialité du
vaudeville le tord pour l'aplatir et l'annuler, pour n'avoir pas
la peine d'eu suivre les contours. Le peuple en France n'ayant
pas besoin de chanter , comme les oiseaux mélodieux des
cKmals méridionaux , et n'étant pas encore façonné musica-
lement comme la rêveuse Allemagne, aime à chanter avec le
moins de frais possible. Il veut bien ne pas épargner ses pou-
mons , mais il lui en coûte de dépenser en recherches déli-
cates et en innovations qui réclament quelques soins. Don-
nez-lui à répéter une mélodie d'une grande finesse , et vous
verrez comme il l'allongera d'une part et la rognera de l'autre
pour la ramener à quelque type habituel , et toujours plus ou
moins trivial. Demandez-lui de chanter dans le style de la
contredanse, il vous comprendra dès la première mesure.
Le vaudeville, essentiellement marchand, sert ses pratiques
suivant leur gotlt , et va même au-devant de leurs désirs.
Comme on se flatte dans ce monde-là de suivre exactement
la mode musicale, on y débite la desserte des théâtres lyriques
plus ou moins réchauffée, mais à coup sûr frelatée et sophisti-
quée au dernier degré. Ces ramassis de niusique ne peuvent
se comparer qu'à Y arlequin des Mystères de Paris. Dans
quel théâtre de vaudeville n'entend-on pas encore chaque soir
la valse du Freyschiitz formant piteusement l'accompagne-
ment d'un chœur buslesque trop connu ? el cette profanation
se fait pour la plus grande gloire de pensées aussi ingénieuses
que celles- ci :
Allons goùlcr ce plaisir délectable
Que le bon vin réserve aux vrais amis.
Près d'un bon feu, le verre en main , à table,
Qu'ils sont heureux de se voir réunis !
Sans doute on ne saurait faire trop de sacrifices à une pa-
reille hauteur d'esprit et de poésie. Aussi leur sacrifie-t-on
Meyerbeer , Rossini , Auber , Halévy et tous les musiciens
qui obtiennent un renom quelconque. On écourte , on mu-
tile , on dénature sans pitié. Le .public et les chanteurs le
veulent. Les chanteurs de vaudeville sont encore une curieuse
espèce d'instruments vocaux ; nous ne dirons pas de tubes
sonores , car la sonorité est ce qu'on trouve le moins chez
eux. Ils méritent une bonne part del'anathème que Ks amis
de la musique doivent lancer sur le vaudeville. De leur sys-
tème de chant que chacun connaît , nous ne signalerons cjue
le principe du chant parlé , précieuse découverte tant pri-
sée par les auteurs, et qui consiste h lancer, au moyen d'une
sorte d'aboiement cadencé , les soi-disant traits d'esprifqu'on
veut faire remarquer au public. Sous prétexte d'esprit et de
finesse , chacun parle selon son caprice. Enfin, ce simple
contre-sens: chant parlé, en dit plus que tous les commen-
taires du monde.
A. Specht.
{La suite au prochain numéro.)
THEATRE KOYAL OE L'OPKU.'i-COMIQUE.
' Reprise é
n se préoccu])e fort , on parle beaucoup de res-
tauration : ce mot est h la mode dans' un certain
monde. La restauration des vieux tableaux rap-
porte assez d'argent à ceux qui s'en occupent, et
celle des anciens opéras est assez productive aussi.
La partition du GuHstan de d'Aleyrac vient donc d''être restau-
rée comme celles de Grétry et de Monsigny, ainsi que le seront
bientôt celles de Méhul,deBertonetdeBoieldieusansdoute,et
peut-être celles de Rossini et de Weber qui, du reste, l'ont
été déjà. Le premier des restaurateurs de ce genre a fait sa
fortune dans ce métier; ses continuateurs y glanent encore
assez agréablement après la moisson du grand arrangeur. Le
compositeur qui se livre à ce travail touche trois pour cent sur
la recette à l'Opéra-Comique. En supposant que l'ouvrage ne
DE PARIS.
277
soit joiiéqu'uiie fois par seaiaiiic, les dimanches, par exemple , -.
c'est lui donner cinquante représentations par an, dont la ,
moyenne peut être évaluée à trois mille francs. C'est donc, au j
moins , une somme de ZioOO francs que touchera l'arrangeur j
au bout de l'année , pour avoir passé deux ou trois matinées
à cuivrer l'orchestre de ce pauvre d'AIeyrac, qui n'usa que
fort médiocrement des instruments dans la confection de ses
partitions, lui qui recherchait surtout et rencontra souvent
dans tous ses ouvrages la simplicité mélodique et harmoni-
que. Supposons maintenant que la pièce obtienne , comme
Richard Cœur-de-Lion, un succès de rcslauralion , ce
mot pris dans un autre sens que celui d'un arrangement ou
dérangement musical, les droits d'auteur vont à près de
20,000 fr. pour les deux cents représentations au moins qu'a
obtenues le chef-d'œuvre de Grétry. Beaucoup de gens com-
prennent alors qu'un compositeur se fasse arrangeur dans
l'intérêt bien entendu de l'instrumentation moderne^ et
peut-être un peu en vue aussi de cette misérable somme de
20,000 francs.
Après avoir envisagé la question dans sa partie linancière ,
qui, dans le temps où nous sommes , prime toutes les affaires
de la vie , même les questions artistiques , ce qui fait que
l'art est devenu matérialiste , prosaïque , marchand , il faut
reconnaître que M. Adam a fait sa spéculation avec adresse,
avec une sorte de respect du texte , avec une retenue classi-
que que lui a sans doute imposée son nouveau titre de membre
de l'académie des beaux-arts.
D'AIeyrac a ia mélodie aimable, douce, facile et vraie , la
modulation claire et peu ambitieuse : son instrumentation a
de l'éclat sans recherche inutile de difficultés ; il est toujours
scénique. La tranquille satisfaction qu'on éprouve à l'audition
de ses ouvrages ressemble au plaisir que vous donne le style
coulant de Lesage dans son délicieux roman de Gilblas.
M. Adam n'a pas trop entravé tout cela ; il a même emprunté
à d'autres ouvrages du même auteur deux morceaux qu'il a
placés dans le rôle de Madame Casimir, entre autres la douce
mélodie : Rien, tendre amour , de l'opéra intitulé : Gulnare
ou l'Esclave jJersane; puis, pour la même, un grand air dit de
bravoure , dans le genre de ceux de VAma^ït statue, de
Y Amant jaloux, de la Fausse magie, de la Relie Arsène, etc. ,
espèce de casse-cou vocal, sorte de tribut qu'il fallait que tout
compositeur payât à la prima donna du temps, et que Grétry
avait déjà eu le bon goiit d'improuver dans son livre intitulé :
Essai sur la musique. La romance : Ecoutez la ■prière du
pauvre voyageur, et celle : le Point du jour à nos bosquets,
sont devenues des proverbes mélodiques qui rappellent de
■vieux et charmants souvenirs, et qui paraissent encore pleins
de fraîcheur à la génération présente. Le chœur du premier
acte : Que fais-tu là? sors, misérable! est plein d'effets
contrastés de forte et depiano que lès choristes de l'Opéra-
Comique devraient bien faire un peu mieux sentir, et mimer
avec plus de vérité. Le finale du premier et du second acte
sont des morceaux de scène on ne peut mieux conçus, et le
duo mystérieux d'amour du troisième acte , dit par Gulistan
et Dilara, est ravissant d'expression scénique et de mouvement
passionné dans l'orchestre.
Le libretto de LachabeaussièreetdeM. Etienne, et auquel,
a-t-on dit dans le temps, le duc de Bassano avait mis la main,
est aussi gai qu'amusant , à cela près de quelques traits d'un
comique un peu vieilli ; il a fait généralement plaisir. On ne
peut donc que féliciter le théâtre Favart de la reprise de Gu-
listan, ouvrage bien digne de figurer dans l'intéressante revue
rétrospective que la Revue musicale a toujours conseillée à
l'administration de l'Opéra-Comique, à commencer par celle
Ac Richard Cœur-de-Lion, dont elle avait repris ella-même
plusieurs morceaux dans ses concerts annuels.
La pièce est montée en costumes etendécorsavecun véri-
table luxe asiatique : c'est comme une féerie orientale. Mad.
Casimir attaque la partie vocale comme à son ordinaire, d'une
façon hardie et brillante dans le rôle de Dilara. W. Adam, qui
s'est fait poète pour elle dans le grand air à roulade qu'elle
chante si bien, aurait dû changer un vers dans le duo du se-
cond acte lorsque Gulistan dit qu'il entrevoit dans l'obscurité
une raille élégante, ce qui a provoqué quelques rires d'incré-
dulité d'un public peu galant, mais concevables en voyant la
bonne santé de M'""= Dilara. Moreau-Sainti dit fort bien le
rôle du sultan inconnu : nous l'engageons , si elle n'est pas
involontaire , à ne pas abuser d'une sorte de vibration qui
revient un peu trop souvent dans son chant, comme nous con-
seillons aussi à Grard de veiller et de faire la guerre à sa triple
vigueur de diction , de voix et de démarche dans le person-
nage du vieux Taher , dont il est chargé. Masset joue très
convenablement le rôle principal de Gulistan , et en dit la
partie lyrique en excellent musicien qui devient non moins
excellent chanteur de jour en jour. Pour être homme complet
en ce genre, il ne lui manque plus que d'avoir pleine confiance
en son savoir , ce qui donne à l'artiste l'inspiration ou du
moins l'apparence de l'inspiration qui vaut mieux que la réelle.
Qu'iUiseàce sujet le paradoxe du cojnedu'n par Diderot; il y
trouvera le moyen de dominer son émotion en faisant naître
celle de l'auditeur , et de faire jouer tous les ressorts de la
physiologie avec autant de sûreté que d'art. Gulistan sera
alors uu des bons rôles de Masset, qu'on désirerait voir plus
souvent dans des ouvrages nouveaux ou même anciens.
Henri Blanchard.
C©ar§E<:îSVAT®MBlBS S9E BISÎJXIEM-ES.
es concours du Conservatoire de Bruxelles ont
été plus brillants cette année que dans les pré-
cédentes. Dans toutes les branches de l'ensei-
gnement, le public cl les connaisseurs ont con-
staté de nouveaux progrès obtenus par cette
école devenue célèbre.
Pour commencer par ce qu'il y a de plus élémentaire, nous
dirons que le concours du solfège a offert ce fait singulier ,
qu'une leçon composée expressémentpour être lueàpremière
vue, et remplie de difficultés de tout genre et de changements
de clefs fréquents, a été exécutée sans une seule faute, sans
un moment d'hésitation, par sept élèves à qui il a fallu parta-
ger le premier prix. Ceux qui n'ont obtenu que des seconds
prix , des accessits même , sont aussi de grands lecteurs ,
quoique la plupart soient des enfants de 1 . à 1 3 ans.
Parmi les instruments à vent , deux premiers prix de cla-
rinette ont été décernés à MM. Saeghers , de Ruremonde , et
Goll, de Bruges, tous deux élèves deM. Blaes. Deux premiers
prix de flûte ont été aussi obtenus par MM. llotiier et Depon-
tières , tous deux élèves de M. Demeur, jeune professeur de
beaucoup de mérite. Dans le concours de basson, deux enfants,
trop pauvres pour se procurer de bons instruments, ont joué
sur de misérables morceaux de bois mal façonnés avec un
beau son, une justesse, une netteté d'articulation , qu'on au-
rait pu croire impossible, si leur professeur n'était M. Wil-
lent. Lin de ces élèves, le jeune Nuemans , sera certainement
un artiste très distingué.
Le cor , longtemps dans une situation peu florissante au
Conservatoire de Bruxelles, s'est élevé à la hauteur des autres
278
REVtJE ET GAZETTE MUSICALE
instrumentsdepuisqueM. Artôt enaéténommé le professeur.
Quoiqu'il n'ait point été décerné de premier prix à ses élèves,
on a remarqué le beau son, la sûreté d'attaque et la belle ma-
nière de chanter de la plupart d'entre eux. M. Artôt mérite
aussi des éloges pour avoir fait abandonner dans sa classe le
faux système du cor mixte, pour adopter franchement la divi-
sion naturelle du cor-alto et du cor-basse.
La trompette , dont l'enseignement est confié depuis dix-
huit mois seulement à M. Zeiss , l'un des premiers artistes
de l'Europe , en son genre , a présenté aussi de belles espé-
rances pour l'année prochaine. Le jeune Van Ackère , qui a
obtenu le second prix , tire de l'instrument un son pur , et a
beaucoup de netteté dans l'articulation des traits.
L'état prospère et progressif des classes de violoncelle et
do violon se soutient toujours au conservatoire de Bruxelles.
Le professeur du premier de ces instruments , M. Dé-
munie, qui se place avec Servais au premier rang des violon-
cellistes, a présenté cette année de beaux résultats de son en-
seignement. Le jeune Possoz, qui a obtenu le premier prix ,
-est un peu froid dans son style ; mais il a un beau son , une
justesse irréprochable, l'archet parfaitement bien placé à la
corde , et a une sûreté remarquable dans les traits les plus
difficiles. M. Dubois, fort jeune aussi, et frère du violoniste
de ce nom, a obtenu le second prix. Bien que son mécanisme
soit moins fini que celui de M. Possoz, il y a en lui un senti-
ment d'expression, une chaleureuse exécution, qui décèlent
pour l'avenir un de ces artistes d'élite dont la Belgique a été
prodigue depuis un certain nombre d'années. On a entendu
avec intérêt le jeune Deswert, âgé de 14 ans , exécuter avec
une remarquable habileté pour son âge , le concerto très dif-
ficile de Stiasny qui avait été choisi pour le concours.
Les élèves de M. Murts pour le violon se sont fait remar-
quer par un beau mécanisme et par la largeur du style, dans
le premier concerto de Rode ( en ré mineur ). Beau son ,
justesse et sûreté , archet souple et varié , telles sont les qua-
lités par lesquelles s'est distingué M. Lehrmann, à qui le pre-
mier prix a été décerné. MM. Schreurs, Thevis, Vogels et
Aerts ont aussi donné par leur exécution de belles espérances
pour l'avenir.
M. de Bériot, à qui, malgré l'avis de M. Fétis, des amis
imprudents ont fait faire par le gouvernement une position
exceptionnelle et fausse, en le faisant nommer professeur de
perfectionncwent, en a éprouvé les inconvénients h ce pre-
mier concours où se sont présentés ses élèves. Il ne pouvait
être décerné dans ces concours qu'un prix d'honneur, et par
cela mênie, le jury avait compris que ce n'était pas seulement
un élève distingue , mais un maître à qui ce prix pouvait
être accordé. Or, bien qu'on ail rendu justice aux qualités
des concurrents , le jury n'a pas cru qu"il y eût lieu de décer-
ner de prix.
Depuis trois ou quatre ans , le piano, longtemps stalion-
naire au conservatoire de Bruxelles , a pris un élan remar-
quable ; il est permis de croire qu'on citera quelque jour
l'école des pianistes belges comme on cite celle des violonistes
et des violoncellistes. M"'= Failly , élève de M""^ Lambert, est
douée de la plus heureuse organisation ; son jeu est à la fois
brillant, ferme, expressif Le premier prix lui a été décerné.
M"' Derathy, qui a obtenu le second prix , a montré dans
son exécution de l'élégance et de la correction. Le jeune
Lassen , âgé seulement de 13 ans, a obtenu le premier prix,
et le second a été partagé entre MM. Vauden Heuvel et Wesen.
Tous sont élèves de M. iMiclielot , et font honneur à ce pro-
fesseur par leur exécution à la fois correcte , brillante et
chaleureuse. Le public et le jury ont aussi remarqué leur
linbileté comme lecteurs , par la manière dont ils ont joué à
première vue le morceau écrit pour le concours.
Les résultats progressifs de l'excellente école de chant
fondée au conservatoire de Bruxelles par M. Géraldy se sont
fait encore remarquer cette année. Les premiers succès de
ce grand professeur commencèrent il y a trois ans par M Cor-
nelis, aujourd'hui professeur de vocalisation au conservatoire,
qui conlinue dans cette école les traditions de son maître , et
par M"'" Van Praeg Hillen , qui brille depuis deux ans au
théâtre de Gand comme première chanteuse, et qui est des-
tinée il se faire applaudir partout. L'année dernière, M. Gé-
raldy a présenté un produit non moins remarquable de son
enseignement dans le talent de M"" Bonduel, dont la vocali-
sation approche de la perfection de M"" Damoreau. Deux
autres de ses élèves, MM. Mathieu et d'Hooghe, occupent
avec succès l'emploi de première basse aux théâtres de Lille
et de Strasbourg. Cette année, M. Géraldy, secondé par
M. Cornelis, a présenté au concours dix élèves, savoir, quatre
hommes et six femmes. Il n'a point été décerné de premier
prix aux hommes, mais deux seconds prix ont été accordés à
MM. Goosens et Ornelli. Le concours des femmesa été beau-
coup plus brillant, car un premier prix a été décerné à
M"" Delteure, qui possède une belle voix et un beau sentiment
dramatique, et M"" Kevers, jeune et jolie personne, qui a
de l'intelligence et un sentiment fin et délicat , a obtenu le
second prix. On a remarqué aussi M"° Verweine , dont la
voix étendue, pleine, sonore, et l'accent expressif , promet-
tent une cantatrice distinguée.
Un premier prix et deux seconds prix d'harmonie, enfin un
second prix de composition , complètent la série des distinc-
tions décernées dans ces brillants concours.
LeKre à M. le Directeur de la Gazette musicale.
I.A MUSIQUE REIiIGIEUSi: Elff BEI.GIQUE.
Mon cher monsieub ,
Je suis depuis quelques jours dans la patrie de Roland de
Lassus , d'Ockegem , d'Arcadelt, de Goudimel , d'Hobrecht ,
et de tant de maîtres qui , à la fin du xv siècle et au com-
mencement du xvi" , régnaient sans rivaux dans l'empire
musical Ces artistes, dont le vulgaire ne connaît plus les
noms, ont joui de leur vivant d'une immense célébrité; leurs
ouvrages sont le point de départ de la musique moderne ;
c'est à leur école que se sont formés les grands compositeurs
de l'école italienne, en un mot, ils ont été les précurseurs de
la révolution accomplie dans l'art musical, révolution qui
commence à Monteverde et s'arrête à Berlioz.
Ainsi, le génie de la musique moderne est né dans le Nord,
tandis que le génie de l'éloquence, de la poésie, de la sculpture
moderne nous est venue de l'Orient; l'un a vu le jour dans
les cathédrales gothiques ; l'autre a été sauvé du pillage de
Constanlinople, et apporté en Italie par quelques Grecs fugi-
tifs. — La musique s'inspira alors du catholicisme; les autres
arts prirent pour règles l'étude et l'imitation des œuvres du
paganisme.
Enfin, il semble que les arts, au commencement du
xvr siècle, soient sortis de deux sources différentes, et aient
formé comme deux grands fleuves; l'un descendant du Nord
au Midi, l'autre de l'Orient à l'Occident, pour venir aboutir
à la ville éternelle, à la ville de Michel -Ange et de Pales-
trina.
Mais ces sources ont bien vite tari dans les contrées qu'elles
DE PARIS.
279
fécondaient. La Grèce est devenue la proie des Barbares; et
les révolutions, les guerres civiles, ont éteint en France et
en Belgique l'enthousiasme qui y brillait. Il n'est rien resté
de celte antique gloire musicale de la Belgique , et aujour-
d'hui c'est le dernier pays du monde sous le rapport du chant
religieux. Je vais essayer de tracer le tableau exact de l'état
de la musique sacrée dans ce pays. D'abord , bien que le
plain-chant romain ait été conservé , il n'est pour ainsi dire
d'aucun usage. La musique a tout envahi ; on chante en mu-
sique toutes les parties de la messe, et voici comment cela a
lieu. Vous voyez arriver dans la tribune où est placé l'orgue
une demi-douzaine d'enfants , quelques chanteurs, un ophi-
cléide, deux violons, deux violoncelles, une contrebasse,
quelques instruments à vent. L'office commence par un pré-
lude de l'organiste, prélude fait sans attention , sans mélodie,
sans plan; c'est une suite d'accords sans ordre , sans motif,
sans distinction : le style des organistes belges ne sort pas de
ce genre. Une idée suivie, un morceau développé, ce sont
là choses complètement inouïes sur l'orgue en Belgique.
Après le prélude de l'organiste, commence le Kyrie. La
musique adoptée est généralement empruntée aux auteurs
allemands du siècle dernier et à ceux qui se distinguent par
le style le plus rococo , le goût le plus détestable. Bulher ,
Dreyer, Ohrevald, Dédier, Rousseau et autres auteurs de
dernier ordre sont les seuls dont la musique sacrée soit con-
nue en Belgique. Si, par hasard à quelques occasions, on sort
de cette routine pour aborder quelques compositions des
grands maîtres , c'est une exception trop rare pour en tenir
compte.
Cet état de choses dure depuis un demi-siècle au moins ,
et personne ne s'en étonne ou ne s'en plaint. Le cardinal ar-
chevêque de Malines a, il est vrai, publié un mandement
où il recommande l'emploi du plain-chant, et trace les règles
de son exécution; mais ce mandement n'est mis nulle part
en pratique, et à la cathédrale de Malines précisément, j'ai
entendu l'abomination de la désolation en fait de chant et de
liturgie. Il y a surtout un usage incroyable , et qui devrait
rendre impossible l'assistance aux offices pour toute personne
douée du moindre sentiment musical. Je veux parler de l'ac-
compagnement du plain-chant par l'orgue. Quand on exécute
quelques pièces du chant grégorien , l'organiste en prend
occasion pour se livrer à un dévergondage de gammes chro-
matiques, de traits de piano, d'arpèges; enfin de passages
mélodiques ou harmoniques, qui n'ont aucun rapport avec
le chant qui s'exécute. Il n'est pas jusqu'à la mélopée grave
et sublime de la préface qui ne soit ainsi défigurée par l'ac-
compagnement de l'orgue.
Qu'on imagine un tableau de Rubens et de Raphaël sur
lequel celui qui serait chargé de le montrer aux curieux,
s'appliquerait chaque jour à jeter de la boue ou des immon-
dices , et on se formera une idée exacte de l'effet que produi-
sent ces belles pièces de chant déguisées, coiffées, masquées
de toutes les fantaisies de MM. les organistes belges.
Pour être juste , je dois dire que je n'ai pas entendu com-
mettre ces énorniités par M. Ladous, organiste de Sainle-
Gudule, ni M. Sirebelle, organiste de Tournay.
A Sainte-Gudule, à Bruxelles, il y a un maître de chapelle
de beaucoup de mérite, M. Snel , qui gémit amèrement sur
le goût dépravé qui règne autour de lui , et qui s'efforce de
le combattre. Ainsi, sous son habile direction, on a déjà fait
quelques tentatives heureuses de restauration du plain-chant;
mais aucune mesure décisive, aucune résolution formelle,
n'a été prise pour changer le système détestable qui préside à
l'exécution du chant religieux dans les églises belges.
M. Fétis s'est occupé depuis longtemps de préparer une
édition correcte del'antiphonaire et du graduel romain. Un tel
travail, entrepris par un homme d'un goût aussi pur, d'une
érudition aussi vaste, aurait dû exciter l'attention du clergé
belge. Cependant, je crois pouvoir avancer que M. Fétis n'a
reçu à cet égard aucun encouragement. En revanche , j'ai vu
la partition d'un Te Deitmùe M. Jasparou Gaspard de Liège.
Cette composition , qui a été officiellement recommandée aux
évoques par le ministère belge , est l'œuvre d'un écolier ,
œuvre mal écrite pour les voix, et d'ailleurs dépourvue d'idée
et de talent. Quand un gouvernement entend de cette façon '
la protection qu'il doit aux arts, il faut s'attendre à la déca-
dence et la ruine du bon goût.
Je ne connais dans la Belgique que l'abbé Jenseus , à Lou-
vain, MM. Snel et Henry à Bruxelles, l'abbé Rénier à Tour-
nay, qui essaient de réorganiser l'exécution du chant reli-
gieux sur des bases meilleures. J'espère que leurs efforts
seront couronnés de succès, et qu'ils arracheront le clergé
belge à l'indifférence dans laquelle il est plongé sous ce rap-
port.
En France , le clergé s'éveille depuis quelques années , et
bien que beaucoup de ses membres sommeillent encore , ce-
pendant il y a des améliorations incontestables apportées dans
l'exécution du plain-chant, et les offices de Notre-Dame de
Paris, de Saint-Eustache , ou de la métropole de Lyon, tout
imparfaits qu'ils sont, attestent cependant un progrès réel.
La Belgique n'a pas fait un pas à la suite de la France dans
cette question ; elle en est restée au charivari que je viens
d'entendre et que je n'ai dépeint que très incomplètement.
Je ne puis rien vous dire de la musique profane, il m'a
paru qu'elle était cultivée avec plus de succès, et que l'étude
des instruments à vent y était surtout répandue Les sociétés
d'harmonie y sont' nombreuses, et leur rivalité entre elles
assure le progrès. Qu'on reporte un peu de ce goût pour
la musique instrumentale vers le chant religieux , et bientôt
la Belgique aura regagné une partie de son ancienne gloire,
bientôt on n'apprendra plus avec tant de surprise qu'à une
époque plus reculée la Belgique avait tenu le sceptre de la
musique en Europe.
Agréez.
F. Danjou.
Correspondance itarticiiliève.
Robert-le-Diable, la Tavorite , la Juive et B.oger à Strasbourg.
Bertjzaberii, ce 3 aofil 1844.
Mon cher Maurice ,
Le mois dernier, me trouvant à Strasbourg, j'eus l'occasion d'as-
sister à quelques représentations de la troupe française , fort habile-
ment dirigée par M. Mutée. L'intérêt qu'elles me parurent offrir, me
fit supposer que les lecteurs de la Gazette musicale seraient bien aises
d'en avoir sous les yeux le compte-rendu. Si vous partagez cette opi-
nion, mon clier Maurice, il ne tiendra qu'à vous île publier mon ar-
ticle dans l'un des plus prochains numéros de voire journal.— C'est
toujours avec un sentiment de curiosité mêlé d'inquiétude que je
vois aborder sur une scène de province les opéras de Meyerbeer : il
faut tant de qualités réunies pour exécuter convenablement des
œuvres si complètes, que de pareilles tcnlatives seiublent devoir
être rarement heureuses. Aussi en est-il beaucoup déjà qui ont
échoué; la nullité et la médiocrité présomptueuses nous ména-
geaient'en ce genre bien des spectacles grotesques, bien des essais
ridicules. Mais les plus belles choses ne sauraient être à l'abri de ces
profanations; ellesy sont même plus exposées que d'autres. Il ne
peut donc y avoir aucun déshonneur pour la musique du grand
maître à devenir ainsi la proie d'inlerprétes inhabiles, puisque c'est
encore là une conséquence naturelle de la célébrité dont elle jouit.
Fort heureusement, nul mécompte^de celle nature ne nous attendait
280
{REVUE ET GAZETTE MUSICALE
au théâtre de Strasbourg. Il est vrai que Strasbourg est une ville de
province du premier ordre, qui aime les bonnes productions musi-
cales, qui juge sainement les artistes et qui ne se contenterait pas
de peu. M. Mutée savait probablement cela, car il s'est consciencieu-
sement appliqué à réunir les éléments d'une bonne troupe lyrique.
Touchés de ce louable zèle, la foule des dillellanti lui en témoigne
sa gratilude par son assiduité, et les représentations se succèdent
aussi agréables pour le public que lucratives poifr le directeur. —
Celle de Roberl-le-Biabte, à laquelle j'assistai, avait attiré beaucoup
de monde. M. Giraud, premier ténor, dans le rôle de Robert, a trouvé
moyen de faire apprécier en lui des qualilés réelles, bien qu'il eût
un peu de peine à se tirer jusqu'au bout avec honneur de ce rôle
difficile, que les chanteurs les plus expérimentés méditent longue-
ment et n'abordent pas sans crainte. Jl. Dowghe a bien saisi les
principaux traits du caractère de Bertram. Cet artiste a de l'aplomb,
une voix juste, assez flexible même. Pourquoi ne met-Il pas à profit
ce dernier avantage, en observant avec plus de soins les nuances,
de manière à éviter ia froideur et la monotonie." M"' Begrez (Alice)
possède un soprano remarquable par le volume, l'étendue, la fraî-
cheur et la pureté. Du reste, cette jeune personne a besoin d'acqué-
rir l'habitude, de former son goût, et d'étudier ses rôles , non seule-
ment sous le rapport de la difficulté vocale, mais aussi sous le rapport
des exigences scéniques. Sa panlomime demande à c(re réglée; ses
gestes sont peu naturels et parfois disgracieux; enfin, dans son jeu
comme dans son chant, elle croit souvent mettre de l'àme quand elle
ne met que de l'exagération, mais ces défauts sont faciles à corriger,
surtout quand ou a du zèle et de la persévérance. Que M"= Begrez
travaille assidûment, qu'elle se dirige d'un pas courageux vers la
bonne voie, qu'elle prèle une oreille attentive à la critique impar-
tiale et n'écoute qu'avec défiance les propos de la flatterie, et elle
parviendra, sans nul doute, au rang des cantatrices les plus distin-
guées. Si M"' Begrez est encore un peu novice, M"'" Saint-Ange nous
offre le type de l'actrice faite, habituée à se présenter au public avec
une assurance digne, et une grâce décente. Outre que M"" Saint-
Ange est une belle personne, son excellente tenue et ses bonnes ma-
nières préviennent tout de suite en sa faveur; elle a une méthode
élégante, une voix double et flexible, mais serait-il juste d'ajouter
qu'elle ne chante jamais faux? — Hélas ! pour être véridique, on est
contraint d'ajouter ce fâcheux correctif aux précédents éloges, et
d'avouer que M"" Saint-Ange a laissé surgir dans sa brillante voca-
lisation quelques notes douteuses, ce qu'on observai lie mieux quand
un instrumenta vent, soit une flûte ou une clarinette, doublait la
partie vocale à l'unisson ou à l'octave. A part celte imperfection,
M""' Sainl-Ange s'est acquittée du rôle d'Isabelle en artiste de ta-
lent. Inutile, je pense, de liécrire l'erfet que la musique de Mcyer-
beer a produit sur les auditeurs. Les mots admiration, enthou-
siasme, etc., reviendraient maintes fois sous ma plume qu'ils n'ap-
prendraient rien qn'on n'eût déjà prévu, touchant l'accueil qui est
et sera de tout temps réservé à cette immortelle conception du génie.
Content de ma soirée, je m'étais promis de revenirau théâtre pour
la Favorite, d'autant plus que je n'avais pas encore entendu deux
artistes dont on s'entretenait beaucoup dans toute la ville et qui de-
vaient paraître dans cet ouvrage. Je savais que l'un d'eux M. Joan-
nès Portéhaut avait été engagé comme baryton dans la troupe de
M. Mutée, et que l'autre n'était rien moins que Roger, Roger en
personne, notre Pioger de l'Opéra-Comique 1!! — J'étais curieux, je
l'avoue, de voir ce charmant ténor quitter sa sphère habituelle pour
les vastes régions du grand opéra. L'entreprise avait quelque chose
d'aventureux, de chevaleresque, c'est dire qu'elle n'était pas sans
péril. Plus on aime un artiste, plus on craint qu'il ne compromette
d'un seul coup, sa gloire acquise et celle que lui promet un avenir
sur pour courir étourdiment les chances d'une carrière nouvelle.
Mais Pioger a bien vite dissipé toute fâcheuse appréhension. Sorti
victorieux de l'épreuve, il a été couvert de lauriers, d'applaudisse-
ments et de pompeux dithyrambes. C'est parle rôle de Fernand qu'il
s'est placé sur le terrain du grand opéra et qu'il a donné l'essor à
toute la puissance de ses moyens, retenus trop souvent captifs dans
le cercle étroit qui leur avait été assigné jusqu'alors. Il est impos-
sible de rendre avec plus d'art qu'il n'en a montré, ni d'une voix
plus suave, plus expressive, la romance du premier acte ; comme
aussi dans le quatrième acte le morceau ^iige si pur. Les auditeurs
étaient ravis; et le duo final, où Roger s'est vraiment surpassé, est
venu mettre le comble à son triomphe. Pourtant, ceci n'était rien en
comparaison des succès qui l'allendaient dans la Juive; là, on a pu
voir que Roger, à l'exemple de Nourrit, n'étudie pas seulement ses
rôles comme chanteur, mais q il s'en pénètre aussi comme tragé-
dien. L'anathème du deuxième cte a provoqué les applaudissements
de la salle entière, et cependani Roger n'a pas eu recours aux grands
éclats qui manquent si souvent leur effet; il lui suffisait que son
chant, profondement senti, fût tout à la fois énergique et harmo-
nieux. Dans le morceau Dieu m'éclaire, il n'a pas fait moins d'im-
pression sur l'auditoire, car il a exprimé d'une manière admirable
par son jeu plein d'âme et de chaleur, et ses accents empreints de
tendresse, de pitié cl de .desespoir, le combat qui se livre dans le
cœur du pauvre Israélite à la pensée de perdre Rachel, et de se ven-
ger du cardinal. Toutes les autres scènes de la pièce, il les a com-
prises et rendues avec le même bonheur; soutenu par une forcesur-
humaine, qui ne peut être que le génie de l'art, il n'a pas faibli un
seul instant, et maints auditeurs résumant leurs éloges, sur son
compte, d'une manière aussi flatteuse que laconique, se sont écriés
dans le transport de leur enthousiasme, qu'il était vraimentsublimc.
Roger a donc prouvé que la nature de son talent lui permet de figu-
rer avec honneur dans le grand opéra aussi bien que dans l'opéra^
comique. A coup sûr, un pareil événement est d'une grande portée
pour l'avenir de ce chanteur. Cela dit beaucoup et n'a pas besoin
de commentaire.
M. Joannès Portéhaut a dignement secondé Roger. Je n'étais pas à
Strasbourg lorsqu'il y débuta, mais j'ai su depuis que, dés le pre-
mier jour, il y fit sensation et fut considéré tomme un artiste d'ave-
nir. Il possède non seulement une belle voix de baryton pleine,
sonore, étendue, mais il est encore bon musicien, et il a fait d'excel-
lentes études sous la direction d'un maître savant et éclairé. Main-
tenant la province par ses encouragements, ses conseils et l'expé-
rience qu'elle permet d'acquérir, hâtera le développement de ces
heureuses facultés, et quand la fleur de ce talent sera épanouie,
quand elle exhalera tout son parfum et jettera son éclat le plus vif,
Paris alors, la ville jalouse, la ville privilégiée, s'en emparera et en
conservera pour elle seule la jouissance.
L'exécution instrumentale des trois opéras qui viennent d'être
cités a été en général satisfaisante. L'orchestre, qui se compose en
grande partie d'artistes nourris à la bonne école et parfaitement ini-
tiés au style dramatique, n'a manqué ni d'ensemble ni de vigueur.
Malheureusement une juste proportion n'y est point gardée entre
les instruments à vent et les instruments à cordes ; ces derniers sont
trop peu nombreux relativement aux premiers. Un autre inconvé-
nient, non moins grave, s'y lait remarquer par rapport au diapa-
son ; l'orchestre de Strasbourg est à peu prés un quart de ton plus
haut que celui de l'Académie royale de musique. Rien ne saurait
causer plus d'embarras et de fatigue à un chanteur qui n'a pas eu
le temps de se familiariser avec une pareille anomalie. Qu'est-ce en-
core, lorsque indépendamment de cet obstacle, il faut triompher des
inexactitudes du chef d'orchestre? Ah! malheureux compositeurs,
on ne vous plaint pas assez; que celui-ci par négligence ou par in-
capacité méconnaisse vos intentions, qu'il imprime à un morceau
trop de lenteur ou trop de vitesse, qu'il substitue un adagio à un
andante, ou, pour comble de malheur, un 3/4 à la Strauss à un 3)4
cantabile; la critique montant sur ses grands chevaux et invoquant
les lois de l'esthétique musicale, vous reprochera indubitablement
d'avoir mal compris les exigences de la situation, le caractère du
personnage et le sens des paroles. Dans lu Favorite et dans la Juive
tous les mouvements n'ont pas été observés avec une précision rigou-
reuse, ce qui nous a fait penser que le chef d'orchestre du théâtre
de Strasbourg n'avait pas eu recours au métronome, ou qu'il n'a ja-
mais été assez heureux pour entendre exécuter ces mêmes ouvrages
au Grand-Opéra, alors que noire illustre Habeneck avec cet tact,
cette énergie, et cette haute intelligence qui le caractérisent, dirige
son imposant et formidable orchestre.
Tout à vous, etc.
Georges Kastneb.
LA CHANTEUSE CHIiVOISE.
Vous voyez que cette chanteuse est jolie , bien qu'elle ait
vu le jour au pays des Magots. Sans mentir , si son plumage
ressemble à son ramage, les Chinois, qui l'entendent ne
sont pas malheureux. Du reste , pour vous édifier com-
plètement sur cette matière, nous vous renvoyons à uu
livre curieux, qui doit paraître demain , et dont l'auteur est
notre collaborateur M. Adrien de La Fage (voir les Nouvelles).
Vous y trouverez sur la musique chinoise, ainsi que sur celle
des autres peuples de la terre, tous les renseignements et dé-
tails que vous pourrez désirer.
DE PARIS.
281
",* Demain lundi, à l'Opéra, le Comte Onj, suivi d'Eucliaris,
ballet en 2 actes.
',* Lapremièreicprésenlation d'Oihcllo cstannoncéepourlelundi,
26 août. Celle de Richard en Pa'e.uiiie doit avoir lieu le mois pro-
chain.
*,* La basse toille, que l'on attendait et qui est arrivée , a nom
Milrowilch : c'est un jeune Polonais, qui a chanté pendant une an-
née ou deux en Italie.
".* Gassier, l'élève, qui cette année a remporté deux premiers pris
et un second au Conservatoire, est engagé pour trois ans à l'Opéra-
Comlque. On voit que M. Crosnicr, qui avait déjà engagé Chaix,
autre élève dislingué, n'est pas homme à laisser échapper les jeunes
sujets qui donnent des espérances.
;;;-/,* L'Académie des beaux arts a jugo hier, samedi, le concours do
composition musicale. Premier grand prix: M. Massé, élève de
M. Halévy et de M. Zimmeimann. Second, premier grand prix:
M. Renaud de Wilbaih, qui concourait pour la première fois, et qui,
cette année, a remporté le premier prix d'orgue au Conservatoire.
Second prix : M. Mertens, élève de M. Carafa. L'Académie a pu don-
ner deux premiers grand prix cette année, parce qu'il n'y en avait
pas eu l'année dernière, et qu'il restait une place vacante à Rome.
V On écrit de Versailles (13 août); «Le choix que M"'' iHerlin
a fait d'une maison de campagne dans notre localité nous a valu
aujourd'hui, dans l'église de Monlreuil, une messe en musique très
remarquable, et qui laissera de longs souvenirs dans notre ville.
M. le prince de la Moskovva en a conduit une partie; MAI. Alary et
Halévy se sont partagé le reste des morceaux qui avaient été écrits
par eux. MM. Habeneck, Ad. Adam , Dietsch et une partie de l'or-
chestre de l'Opéra concouraient à celte exécution. Des amateurs de
la société du prince, des élèves du Conservatoire et des choristes de
l'Opéra formaient la partie chantante qui emplissait le chœur de
l'église. M"" Merlin et M"" dé Bergue se sont parfaitement acquit-
tées de leurs solos. — Pour terminer cette solennité, organisée parles
soins de M'"' Merlin pour secourir l'infortune , cette dame est allée
se placer à la porte de l'église pour recevoir l'offrande des nombreux
fidèles qui avaient à répondre à son invitation.
"/ le troisième et le quatrièmeconcerl donnés par LisztàMarseille
n'ontéténi moins brillants ni moins productifs que les deux premiers.
Le produit du quatrième était consacré aux pauvres de la ville. On y
a vivement applaudi la société des chœurs, si habilement dirigée
par M. Trottebas. Au nombre des chœurs qu'elle a chantés, il s'en
trouvait un de la composition de Liszt, qui a produit le plus grand
eftet. La ville de Toulon ne se trouvait pas sut l'itinéraire que le
grand artiste s'était tracé. Mais les habitants de cette ville n'ont pas
voulu qu'elle fût déshéritée de la présence du roi des pianistes, qui
a bien voulu, en homme généreux, se rendre à d'aussi pressantes
instances, et qui s'est mis en route pour Toulon , où il a donné
concerne lendemain même, afin de ne pas retarder trop longlemps
son arrivée dans les villes de Kîmes, Montpellier, Toulouse et Ror-
deaux, où il est impatiemment attendu et où de nouveaux triomphes
lui sont réservés.
*,' Thalberg , après avoir fait les délices des habitants de Londres
pendant la dernière saison , se repose en ce moment à Boulogne-sur-
Mer, et, pour se délasser, il a donné le 14 août un concert monstre,
dans lequel il a joué plusieurs de ses nouvelles compositions. On
parle surtout de l'immense succès obtenu par ses fantaisies sur
Charles VI , la Muette et Sémiramis. A la fin de septembre, ce grand
artiste sera de retour à Paris, où il se propose de passer l'hiver; il
veut surveiller lui-même la publication de sa grande sonale réputée
son chef-d'œuvre.
V Dœhler, le pianiste favori des dames , vient de donner deux
concerts brillants à Hombourg, ce bain fashionable, qui attire la
société la plus élégante par la variété des plaisirs qu'il offic. Il est en
ce moment a Ems , où déjà il a donné un concert dans lequel sa
Turenialle et sa Polka de salon ont été bissés. Son second concert aura
lieu sous peu di' jours, et M. Dœhler doit se rendre de là à Cologne,
à Aix-la-Chapelle et à Bade.
•," MM. Antoine et Charles de KontsUi ont été donner un concert
à Dieppe dimanche dernier. Leur succès a été des plus brillants :
l'élégant etvigoureux violoniste Charles a vaincu comme Charles XII,
et en écoutant le foudroyant pianiste Antoine, chacun a désiré lui
voir éprouver une nouvelle tentation de revenir à Dieppe.
'.■• Le célèbre violoncelliste, Max Bohrer, est de retour du voyage.
qu'il vient de faire en Amérique. Les succès qu'il a obtenus partout,
maisnolamment à la Havaneetà Mexico, tiennent du prodige. Dans
celte dernière ville, il n'a pas donné moins de six concerts. A la fin
du dernier, il a reçu nn hommage tout-à-fait dans le goût du pays,
dont la terre produit le plus riche des métaux. Une douzaine de
jeunes personnes magnifiquement vêtues sont venues placer sur sa
tête une couronne d'or massif, tellement lourde que le poids en a
gêné l'exécution du virtuose, à qui la salle entière avait redemandé
l'un de ses morceaux favoris.
",' Artôt et Jl^i'^Damoreau sont arrivés le 9 de ce mois au Havre,
et depuis trois jours ils sont à Paris,
',* M. Pioger, le ténor favori du public de l'Opéra-Coniique , et
qui par son talent s'est placé avec avantage sur notre première scène
lyrique, vient de donner six représentations au théâtre de Stras-
bourg, où il a obtenu le plu.s brillant succès auquel son talent lui
donnait droit de prétendre. Il s'est rendu de là à Bade, où il a donné
un concert avec MM. Rosenhain et Panofka , il y a excité comme
partout l'enthousiasme par sa belle voix si sonore, et l'excellence et
la pureté de sa méthode.
*,* Nous croyons faire plaisir à tous les chefs de musique de la
garde nationale et de l'armée , en leur annonçant que le grand pas
redoublé de M. V. Roxas, sur le chant national de Charles VI,
vient d'être publié. M. Roxas est le chef de l'excellente musique du
47' régiment de ligne, dont le réperloire est le plus riche et le plus
varié de France.
*/ Le Roi vient de faire l'acquisition, pour le palais des Tuileries,
du beau piano à queue à frappement en dessus que MM. Kriegelstein
et Charles Planlade avaient mis à l'Exposition, et que S. M. avait
entendu avec intérêt. Le piano droit de ces facteurs, qui a été classé
le premier au concours, et leur a niéiilé la médaille d'or, a été
acheté par M. le baron Séguier, membre du Jury Central.
*," S. A. R. M. le duc de Montpensier, après avoir assisté au festi-
val de l'industrie, donné par M. Hector Berlioz, vient d'envoyer à cet
artiste distingué, en témoignage de sa haute satisfaction, un magni-
fique vase de porcelaine.
*," Un nouvel opéra de M. Netzer, ISIara, vient d'obtenir un grand
succès à Berlin. Un autre opéra du même compositeur, la Cmiqnêle
de Grenade, paroles de Robert Griepenkerl , y sera mis en scène au
mois de janvier 1845; on l'attend avec la plus vive impatience.
*." Dragonetti, le célèbre contrebassiste, qui ne compte pas
moins de 79 ans, n'a pas encore perdu son talent extraordi-
naire. Tout récemment dans un concert donné par le duc de Wel-
lington, il a produit une sensalion égale de plaisir et de surprise.
*/ M"' Masson a obtenu beaucoup de succès à Toulouse dans le
rôle de Valenline des /i«<;«e)iO(i-. L'ouverture de Charles /</ exécutée
au théâtre de celle ville a été l'objet d'un enthousiasme très vif.
"," Le Comité de l'association des artistes dramatiques vient de
recevoir de nouvelles preuves de la sympathie dont il est l'objet. Les
progrès de l'association sont remarquables, et l'on peut déjà consi-
dérer celte institution comme une des plus utiles garanties de l'ave-
nir de tous les comédiens. M"' Crécy, du théâtre impérial français de
Moscou, a fait un don volontaire de 100 francs. — Une somme de
400 francs a été remise par M"= Déjazet, qui, selon sa louable habi-
tude, continue à donner chaque année de nouvelles preuves de son
dévoutment. — Enfin, le Comité a reçu 100 francs de M. Bunn, di-
recteur du théâtre de Drury-Lane, à Londres; M. Bunn a voulu
prouver qu'il sait reconnaître les bons rapports qu'il a eus constam-
ment avec les artistes français paraissant sur son théâtre.
%" Plusieurs artistes de Paris, réunis en société, viennent de faire
l'acquisition des instruments de M. Ad. Sax , et ils se proposent de
les faire entendre prochainement au public. C'est en présence de cet
ingcnif ;x fadeur que les répétitions ont déjà commencé et qu'elles
se continueront encore pendant quelque temps.
*,* On vient de mettre en vente chez Jules Labitte, un curieux
ouvrage de notre collaborateur, Hector Berlioz, sous le litre de
Voyage musical en Allemarjne et en Italie,
*," Demain, lundi, paraîtront au comptoir des imprimeurs-unis
quai Malaquais, 15, les deux premiers V(jlumes d'un ouvrage depuis
longtemps désiré, et dont l'apparition ne peut manquer d'exciter un
vif intérêt dans le monde musical. L'Histoire générale de la musique
et de ta danse a trouvé un digne interprète dans la personne de
M. Adrien de Lafage, artiste distingué, que sescoimaissances littérai-
res, ses voyages et ses travaux antérieurs rendaient éminemment
propre à l'exécution d'un semblable Iravail, dont nous rendrons par
la suite un compte détaillé.
",* M. Boieldieu, père de l'illustre com|iositeur , vient de mourir
à Paris, à l'âge de quatre-vingt-neuf ans.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maukice SCHLESINGER.
282
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
En vente chez MAURICE SCHLESIl^GER , 97, rue Richelieu.
PAR F. CHOPIN.
^^©33 ^^^^^^^@
dédiées à Mlle C. Maberly.
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dédiés à Mlle J -W. Stiriing.
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SUR SES MOTIFS OE
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^our Paris : un an, 30 fr. ; six mois, 15 fr. — Annonces : 50 c. la ligne de 28 lettres — Sépartcmcnts : un an, 34 fr. Etranger, 33 fr.
OiP
GAZETTE MUSICAL
BtDIGÉE PIB
MM. ANDERS , G. BÉNÉDIT, BERLIOZ , Henhi BLANCHARD ,
MitlBICK'BOURGES, F. DAN.IOD, DLESBERG, FÉTFS père, Édouabd FÉTLS, Stfpiien HELLER, J. JASIN
G. KASTNER, LISZT, J. MEIFRED , GEORGE SAND, L. UELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, e(c.
Faraiaaawt iott» les JDitnancheg,
n. SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
Ii« 1™ et le IB de chaqne mois on recevra on morceau de mnsiqae*
SOMMAIRE. Eïposilion des produits de l'industrie (septième ar-
ticle) ; par G.-E. AADERS.— le vaudeville et l'orgue de Bar-
barie (suite et On); par A. SPECHT. — Théâtre royal de l'Opéra-
Comique : Les deux Ceiuilshommes (première reprèsenlalion);
par H. BLANCHARD. —Les chanteurs pyrém'ens à Nolre-Uame;
par H. TBLANCHARD.— Nouvelles.— Annonces.
niPROVISATiONS MÉLANCOLIQUES. Dessin deGavarni.
Exposition Î1C6 produits îic ^3u^llstl•ic.
Sl'PTIÈME ARTICLE.
Piaiiesi. — ]Vf . Sïeiiri Hei'z.
arini les pianos que W. Henri Herz a exposés
successivement, deux surtout ont attiré l'at-
tention du public : nous voulons parler du
petit piano à queue , dont l'extérieur a quelque
chose d'étrange, puisqu'il est l'inverse de la
forme usitée jusqu'ici pour ce genre d'instruments , et du
piano droit, dont les sons se prolongent au moyen du veni.
C'est ce dernier qui nous a intéressé plus particulièrement, et
par lequel nous allons commencer.
L'idée d'appliquer le vent au piano pour en faire vibrer
les cordes n'est pas si nouvelle qu'on pense ou qu'on vou-
drait le faire croire , car elle date de plus de cinquante ans.
Ce fut un facteur .illeraand, nommé Schneil , qui la conçut
le premier et la réalisa à Paris , oti il était venu s'établir ,
en 1777. Comme tant d'autres découvertes, celle-ci était due
au has:ird.
Le facteur avait suspendu une harpe à laquelle il ne son-
geait plus, lorsqu'un jour il entendit des sons étrangement
modulés, qui partaient de cet instrument. Un cornant d'air
s'éiant établi dans la chambre , le vent avait fait résonner les
cordes. On sait qu'un seiiiblable hasard a donné la première
idée de la harpe éolienne. Frappé du phénomène dont il ve-
nait d'être témoin , Schneil .se mit à chercher si les sons
enfantés par le caprice de la nature ne | ourraient pas être
produits par un mécanisme qu'un exécutant mettrait en jeu.
Il résolut de construire un piano dans lequel un courant d'air
artificiel remplacerait le coup du marteau. L'idée était simple,
mais elle rencontra de grandes difficultés d^ns l'exécution , et
ce ne fut qu'au bout de quatre ans, après des essais et des
expériences innombrables, que l'inventeur parvint à terminer
son insti ument. Il le nqmma anémocorde.
Ce fut en 1789 quejfeliiiell soumit son invention au pu-
blic. Une nouveauté d^^P^ire ne pouvait manquer d'exci-
ter la curio.sité ; elle lui amena la foule des amateurs, des ar-
tistes et des savants. Tout Paris s'entretenait du nouvel instru-
ment. 11 attira l'atiention de la reine, qui voulut l'acheter au
prix de 150,000 francs. iMais l'achat fut différé , et toutes les
espérances que le facteur avait fondées sur le succès de sa dé-
couverte furent ruinées par suite de la révolution qui éclata
quelques jours après. Schneil lui-même vit ses jours en dan-
ger; incarcéré sous l'accusation de royalisme, parce qu'il
portait le titre de facteur royal de la cour , il ne dut sa liberié
qu'au dévouement de sa femme, et quitta la France, pour
retourner dans sa patrie, heureux de pouvoir emporter son
instrument.
Aprèsdes essais infructueux pour rétablir sa fortune, Schneil
arriva en 1799 à Vienne en Autriche. Il y fit entendre l'aué-
mocorde, qui trouva beaucoup d'amateurs. On ignore s'il se
fixa dans cette capitale. Ce qu'il y a de certain , c'est qu'en
1811 , son anémocorde s'y itiontra de nouveau dans un grand
concert, où le célèbre Humniel le loucha et ravit tout l'au-
ditoire par une délicieuse improvisation appropriée au ca-
racièie de l'instrument.
Depuis cette époque, plus de nouvelles ni de l'anémocorde <^
ni de son inventeur. -^x
Telle est, en peu de mots, l'histoire de cette précieuse dé- J^
BUREAUX D'ABONNEMENT, K.UE RICHEIIEP, 97.
284
JREVUE ET GAZETTE MUSICALE
couverte (1). Elle semblait menacée d'im entier oubli, lorsque
tout récemment nous l'avons vue se reproduire sous la main
d'un mécanicien dont nous nous plaisons à reconnaître la
grande habileté; car ce n'est pas dans l'intention d'amoindrir
le mérite de M. Isoard , ou de l'accuser de plagiat , que nous
avons insisté sur les faits qu'on vient de lire: seulement il
nous a semblé équitable de revendiquer la priorité pour qui
de droit. Le mérite de M. Isoard sera assez grand ; car tout
en appliquant le principe de l'instrument de Schnell , il a
apporté dans la construction de son mécanisme des modifi-
cations qui lui appartiennent. On verra la différence des deux
instruments par les détails que nous allons donner.
L'anémocorde avait un clavier de cinq octaves ; il y avait
trois cordes pour chaque touche. Le vent, fourni par deux
soufflets, se distribuait dans des tubes métalliques dont l'es-
trémité aboutissait aux cordes. Des soupapes d'une construc-
tion particulière s'ouvraient lorsqu'on pressait les louches;
et alors le vent, poussé vers les cordes , les mettait en vibra-
tion. Il y avait en outre quatre registres placés au-dessous
du clavier , pour modilier la force du vent et pour pro-
duire le'crescendo et decrescendo, que l'on dit avoir été d'un
effet surprenant. Quant à la construction de tout ce méca-
nisme , les détails en sont restés inconnus.
A l'extérieur, l'anémocorde présentait un carré long, de la
profondeur de sept pieds sur une largeur de trois, et|une hau-
teur de quatre et demi. L'instrument était d'un poids consi-
dérable , à cause du métal qui entraildans sa construction. Se-
lon le dire de Schnell, il contenait plus de 300 livres de laiton
employé à la confection des tubes dont nous venons de parler.
Les personnes qui ont entendu l'instrument de Schnell
s'accordent à lui reconnaître une rare suavité. Le pianissimo
surtout était ravissant ; c'étaient réellement des sons aériens
arrivant à l'oreille comme de loin , on ne savait d'où , et qui
n'avaient rien d'analogue avec ceux des instruments connus.
Dans le crescendo, le son montait à un degré de force surpre-
nant : seulement les touches ne parlaient pas avec rapidité ,
et il fallait, dans tout ce qu'on exécutait, se borner à des
mouvements très modérés.
Le piano que M. Isoard a construit pour l'exposition de
M. Herz n'est pas son premier essai. Il y a sept ou huit ans
que cet habile mécanicien s'est livré à de continuelles re-
cherches pour trouver le moyen d'appliquer le vent aux ins-
truments à cordes.
Déjà, en 1836, il offrit un premier résultat de ses travaux
en demandant à l'Académie un rapport sur un molon éolique,
ou violon dans lequel un courant d'air était substitué au frot-
tement de l'archet. Tous les journaux parlèrent alors de cette
découverte , et la Gazelle musicale lui consacra un article
auquel nous renvoyons nos lecteurs (2). Cet instrument, du
reste, n'était encore qu'à l'état d'ébauche, et nous ne pensons
même pas ^qu'il ait été achevé. Mais si le violon se faisait at-
tendre , M. Isoard ne continua pas moins de chercher des
applications du nouveau principe sonore. Ainsi l'on vit pa-
raître Yéolicorde , petit instrument à clavier, destiné à imi-
ter le cornet à pistons. Il se composait d'une seule corde ,
laquelle donnait diverses intonations en se raccourcissant ,
comme dans la vielle , par suite de la pression des touches.
Bien qu'on ait publié une méthode spéciale pour cet instru-
ment , aûn de le populariser , il a trouvé peu de partisans.
Aujourd'hui il est déjà oublié. Toutefois ces essais ne furent
pas infructueux ; car ils conduisirent M. Isoard à un instru-
(l'i Voir, pour plus amples détails, la Gazeiic musicale de I83C,
n. •!.'>.
(2) Voir la Cir.elic mtMcule de 1830, n. 10.
ment établi sur une plus grande échelle: nous voulons parler
du piano à sons soutenus par le vent.
En 1841 , M. Isoard soumit son premier piano de ce
genre à l'Académie , qui en fit un rapport très favorable; ce-
pendant l'instrument présentait des imperfections , dont voici
les principales :
L'inventeur , voulant conserver le caractère du piano or-
dinaire à côté des sons nouveaux, avait combiné le coup des
marteaux avec l'action du vent ; mais cette combinaison était
mal disposée. La corde était d'abord attaquée par le marteau ;
puis le courant d'air venait continuer les vibrations de cette
corde, ce qui produisait une association fort désagréable en
faisant l'effet de deux instruments , dont l'un répétait chaque
note produite par l'autre. C'était comme deux hommes par-
lant ensemble , et dont l'un répéterait d'une voix différente
chaque mot prononcé par son interlocuteur.
Le second défaut consistait dans la nécessité où se trouvait
l'exécutant d'employer une autre personne pour faire mou-
voir une roue adaptée au bout du piano, et destinée à mettre
en jeu le soufflet. Par ce procédé , l'expression devenait im-
possible pour les sons prolongés.
Ces inconvénients étaient trop sensibles pour que M. Isoard
ne songeât pas à y remédier. Il résolut de construire un nou-
vel instrument notablement modifié ; mais il avait épuisé ses
ressources en sacrifiant tout pour des essais dispendieux.
Ce fut alors qu'il s'adressa à plusieurs facteurs pour leur
offrir son invention , et après avoir essuyé plusieurs refus ,
il trouva chez M. Herz un accueil empressé et les moyens
d'exécuter son projet. M. Herz entrevit le parti qu'il pour-
rait tirer d'un pareil instrument ; il se mit lui-même à la re-
cherche des améliorations, et c'est ainsi que l'habile mécani-
cien, guidé par les conseils du célèbre artiste, est parvenu à
construire le nouveau piano que l'on a vu à l'exposition.
Les défauts que nous avons signalés plus haut ont ici dis-
paru. Le choc du marteau et l'action du vent s'opèrent
simultanément. L'artiste lui-même fait mouvoir la soufflerie
par la pression des pieds, ce qui lui permet de nuancer son
jeu à volonté.
Le premier piano de M. Isoard était un piano à queue ;
celui qui nous occupe est un piano vertical de dimension or-
dinaire ; il est à trois cordes, et le vent n'agit que sur celle
du milieu, qui se trouve placée devant une rainure destinée à
donner passage au souffle. Le mécanisme est combiné de ma-
nière à pouvoir attaquer les cordes seulement par le marteau,
ou seulement par le vent , ou enfin par les deux ensemble.
On conçoit la variété qui en résulte pour l'exécution.
Il est à remarquer que l'air n'est pas poussé contre les
cordes comme il l'est contre les anches libres dans les orgues
expressives, mais qu'il les attaque par aspiration; voici
comment :
Derrière les cordes se trouve placée une caisse mobile ,
divisée en autant de compartiments qu'il y a de touches.
Chaque compartiment communique avec le porte-vent au
moyen d'une soupape. L'action du soufflet est réglée de ma-
nière à produire le vide dans la caisse. La pression des tou-
ches fait ouvrir les soupapes, et alors l'air atmosphérique,
se précipitant dans ce vide , vient frapper les cordes qui se
trouvent sur son passage. Par suite de cette ingénieuse com-
binaison , les cordes sont attaquées dans la même direction
par le marteau et par le vent.
Ce piano est à six octaves et demie ; mais les sons prolongés
ne s'obtiennent pas sur toute l'étendue du clavier , le vent
n'agissant que sur quatre octaves et demie, à partir du second
[a de la basse jusqu'au dernier itl du dessus. Le génie de
DE PARIS.
285
M. Isoard triomphera , nous n'en doutons pas , des obstacles
qui empêchent de faire vibrer les cordes graves ; en perfec-
tionnant son système de soufflerie, il donnera aussi à l'exécu-
tant les moyens de soutenir à pleines mains des accords , que
l'insuffisance du vent ne permet pas encore de pratiquer.
Quant aux qualités sonores de cet instrument , nous con-
venons volontiers qu'elles ont, dans certaines combinaisons,
un charme pariiculier, et qu'on obtient des effets aussi lieu-
reux que nouveaux. Mais nous ne saurions partager une opi-
nion insoutenable qui a été émise dans plusieurs comptes-
rendus, et par M. Herz lui-même dans une notice qu'il
vient de publier. On a prétendu que la prolongation des sons
• étant due aux vibrations continuées de la corde même mise
en mouvement par le coup du marteau , c'est le vrai son du
piano qui se prolonge et se nuance h volonté. Nous ne com-
prenons pas que l'on puisse avancer une chose pareille.
.L'erreur est manifeste; il suffit d'entendre deux notes de
l'instrument, pour s'en convaincre ; et même sans avoir en-
tendu l'instrument on peut établir en théorie la fausseté de
cette assertion. Une corde attaquée par un coup de marteau
rend nécessairement un son d'un timbre différent de celui
qui s'obtient par l'action du vent. Dès que le vent touche la
corde , le son du piano disparaît , et l'on entend celui de
l'orgue ou quelque chose qui en approche.
De tout temps on s'est plaint de la sécheresse du piano ,
et l'on a cherché les moyens d'en prolonger les sons ; mais
on n'y est parvenu qu'en dénaturant le caractère de l'instru-
ment. L'emploi de bandes enduites de colophane, ou une
espèce d'archet , produisait des sons qui présentaient un
amalgame de violoncelle , de violon et de vielle ; l'application
du vent produit une imitation de l'orgue expressif. Le se-
cret de prolonger les sons du piano sans en altérer la nature
est toujours à chercher. Le trouvera-t-on ? c'est ce que nous
n'oserions affirmer.
Aux efforts que font les facteurs pour améliorer le piano
sous le rapport de la sonorité , se joignent les tentatives plus
ou moins heureuses d'en varier l'extérieur. Où s'arrêteront
ces transformations? Dieu le sait. Voici un petit piano à
queue qui est l'inverse des pianos de ce genre ; car le côté
gauche est devenu le côté droit. Cela pourra convenir aux
personnes dont l'appartement se trouve mal disposé pour
recevoir un piano à queue ordinaire , et que l'on serait obligé
de placer contre le jour. Il faut des instruments pour tous
les goilts et pour toutes les circonstances ; sous ce rapport
cette innovation n'est peut-être pas à rejeter. Mais une autre
question se présente , celle de la solidité ; et nous craignons
fort qu'elle ne puisse être résolue affirmativement ; du moins,
le tirage des cordes, placées obliquement, ne s'opère pas dans
le sens favorable à une construction solide. Le temps montrera
si les craintes que nous exprimons à ce sujet sont fondées.
M. Herz a construit, dans des proportions un peu plus
grandes , un autre piano à queue , dont l'extérieur présente
également un aspect nouveau. Tandis que les pianos à queue
ordinaires ont un seul côté cintré, on voitici le cintre symé-
triquement répété des deux côtés, ce qui donne à l'instru-
ment une forme régulière et gracieuse. Malheureusement
elle exige aussi la position oblique des cordes, que nous ne
saurions approuver. Ajoutons toutefois qu'ici cette obliquité
est moins prononcée que dans le piano précédent.
En rendant compte des pianos exposés par M. Herz , nous
nous sommes borné à ceux qui nous ont paru remarquables
par leurs innovations. Nous pouvons -nous dispenser de par-
ler des autres , ils sont suffisamment connus.
G-.E. Anders.
i VAUDEVILLE ET L'ORGUE DE MEMl
(Suite et fin*.)
i le vaudeville est à
it'érature et à
l'art musical ce que
sont à l'humanité
les cancans railleurs
d'une portière,
vous savez ce qu'est au vaudeville l'orgue
de Barbarie. Les soi-disant mélodies po-
pulaires que le vaudeville lui livre boi-
teuses et contrefaites , l'orgue de Barbarie les
rend écrasées et défigurées, et de plus attifées
au goût do la rue , avec d'ignobles lambeaux
de ritournelle. C'est le dernier degré du van-
dalisme.
On objectera , il est vrai , que de grands mu-
siciens n'ont cru avoir conquis la véritable célé-
brité que lorsqu'ils ont entendu leurs chants re-
cueillis par l'orgue de Barbarie ; c'est là tout
simplement l'erreur d'une vanité insatiable. Ces musiciens-là
ressemblent à la duchesse qui goûtait volontiers les grossières
louanges adressées à sa beauté par des portefaix obscènes.
Le vaudeville et l'orgue de Barbarie se mêlent aussi de
composer pour leui- propre compte, et l'on ne sait que trop
quelles sont ces compositions originales. Si l'originalité con-
sistait, il est vrai, à s'éloigner de toute espèce de goût,
de régularité et de finesse , nous ne connaîtrions pas de com-
positions plus originales que celles-là. En voilà assez sur
cette prétendue musique où les exceptions, dues à la verve de
quelques spirituels musiciens déclassés , n'infirment en rien
cette déplorable règle.
Et tout cela se passe dans un pays où l'État dépense des
sommes considérables pour former les musiciens et même
pour enseigner le chant aux classes ouvrières! On s'occupe
beaucoup aujourd'hui dedéterminer les limites et les condi-
tions de la liberté d'enseignement ; mais on n'a pas fait atten-
tion que les seize théâtres de Paris où l'on chante le vaude-
ville , que leurs succursales de la banlieue et de toutes les
villes de France, que les milliers d'orgues de Barbarie qui
couvrent le sol français, donnent sans patente, ni diplôme, ni
visite, ni examen préalable, l'enseignement musical le plus
répandu, le plus inévitable, le plus exclusif, le seul enfin que
connaissent les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des Fran-
çais.
Bien plus, les musiciens que l'État forme à grands frais,
les jeunes compositeurs qu'il envoie respirer pendant quatre
ans l'air moins corrompu des pays où l'on faisait jadis la
bonne musique, peuvent-ils se soustraire à la tyrannique in-
fluence qu'exerce forcément sur eux l'infâme musique de la
rue, cette musique alroce qui, par un bizarre privilège, jouit
seule de la publicité illimitée? Croit-on que les organes audi-
tifs , que le sentiment des plus délicats puissent être impuné-
ment sollicités depuis l'enfance par ces sensations de tous les
jours, de tous les instants? cela est impossible. Et le carac-
tère général de la musique française répond suffisamment à
ces questions. Le reproche que les ennemis de notre école
lui ont fait depuis qu'on a pu la comparer avec celle des
autres peuples, est de manquer de distinction et de relief,
d'abonder en mélodies effacées et plates, d'affecter les tour-
(") Voirie numéro 33.
286
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
mires sautillantes et triviales. Le reproche est fondé au moins
à l'égard de la majorité qui représente tous les compositeurs
mauvais ou médiocres. Il est moins mérité depuis que l'éta-
blissement du Conservatoi: e et la fréquente audition des
cliefs-d'œuvre ont opéré une s.ilutaire révolution ; mais l'in-
filtration lente de la musique de la rue et des petits théâtres
lutte toujours dans l'organisation du plus grand nombre
contre les leçons et les exemples de l'art grand et noble. L'é-
cole française n'a pas encore l'instinct naturel des rhythmes
et des cantilènes franchement saillants et vraiment origi-
naux; et, quand elle les cherche, c'est pour arriver le plus
souvent à l'insignifiant et au baroque. Si les écoles étran-
gères ne produisent guère aujourd'hui que de la musique
sans valeur, ces redites ennuyeuses , ces pâles contre-épreuves
des anciens maîtres ont au moins le mérite de la distinction.
C'est un mérite négatif sans doute; mais celui-là même man-
que à nos nmsiciens médiocres, intarissables fabricants de
chants vulgaires, et surtout aux mauvais, qui débordent en
cantilènes canailles. Si notre pays jouit seul de ce triste pri-
vilège , il le doit sans aucun doute aux lointaines traditions
des chants goguenards qu'on appela plus lard vaudevilles.
iUainlenant quel est le remède? faut-il supprimer les
théâtres de vaudeville, interdire les orgues de Barbarie?
Malheureusement la chose est impossible. Les chants déli-
cats et ignobles, les sons justes et faux sont égaux devant la
Charte. L'autorité, qui fait tant de sacrifices pour l'art mu-
sical , aurait dû se montrer conséquente en refosanl aux pe-
tits théâtres l'autorisation de chanter le vaudeville ; mais on
ne peut retirer anjoiird'hui les privilèges accordés; tout au
plus pourrait-on en refuser de nouveaux désormais. L'exis-
tence des orgues de Barbarie est pour une foule de pauvres
diables ignorants une question de travail et de liberté; d'ail-
leurs c'est, dit-on, un excellent moyen de police.
Pourtant il importerait de trouver un remède au mal , si
toutefois ce remède existe. Nous croyons qu'il existe et même
qu'on l'applique, mais d'une manière incomplète; d'ailleurs
nous ne devons pas dissimuler qu'en supposant tout le zèle
et les lumières désirables chez l'autorité et chez les citoyens
qui la secondeuL, il faudra bien dû. temps pour en ressentir
les effets. On ne peut agir qu'en faisant infiltrer la bonne, la
véritable musique dans les canaux envahis par la mauvaise;
c'est de l'édut.ition musicale du peuple qu'il faut seulement
attendre une amélioration. On ne saurait donc trop multi-
plier les cours de chant gratuit, et nous reconnaissons avec
plaisir qu'on a fait beaucoup sous ce rapport dans les régi-
ments et dans les écoles civiles ; mais les résultats en sont à
peine sensibles, tant les maladies générales sont lentes à gué-
rir. Le peuple des rues, des ateliers et même des boutiques
crie toujours avec cette manière inhumaine que vOus con-
naissez; c'est à peine si de loin en loin on eiiicnd quelque
tentative mallieurense pour placer des tierces, des quintes et
des sixtes dans de soi-disant chœurs maladroitement hurlés.
Cette lenteur dans l'amendement, après vingt années d'ensei-
gnement gratuit à Paris, donne la mesure des progrès à
faire et du temps ei du travail qui restent à employer à cet-
égard.
Mais quand on sera parvenu à faire chanter la nation d'une
manière supportable, il restera encore h lui faire prendre en
dégoût la détestable musique que lui ingurgitent le vaude-
ville et l'orgue de Barbarie. Ici cncoie, il faut procéder par
la quantité, mais surtout par la qualité du contre-poison. J'i-
gnore quelle est la musique donnée en pâture aux élèves des
écoles à la "Wilheni ; ce que nous en avons entendu n'est pas
merveilleux. A l'exception des chœurs d'opéras et des ou-
vertures vocalisées par six cents voix, qui conviennent à la
multitude tout au plus comme moyen de travail , il faut re-
connaître que les chœurs de feu Boquillon "Wilhem ne sont
rien de plus qu'agréables. Cet excellent homme avait bien
mérité des classes populaires, et même de l'État; mais ce n'était
pas une raison pour que sa musique eût de la distinction. Chez
les Allemands, si riches en ce genre, on compte par milliers
les chœurs pour quatre voix , avec ou sans accompagnement ,
qui ont été écrits tout exprès pour le peuple. Nous ne pou-
vons chez nous rien espérer de bon tant que nous serons dé-
pourvus de moyens semblables, et l'autorité devrait se préoc-
cuper sérieusement de cet objet.
On doime des prix pour beaucoup de choses qui nous pa-
raissent bien moins importantes que celle-ci. Nous pen-
sons donc qu'il serait bien et nécessaire de consacrer sur les
fonds alloués pour l'encouragement des arts et des lettres
une certaine somme aimuelle à distribuer en récompense
aux auteurs des meilleurs chants populaires. L'État devrait
en outre faire l'acquisition de cette musique et la distribuer
à prix coûtant, sinon gratuitement, dans les écoles de chant;
au bout de quelques années, le nombre de ces chants com-
mencerait à former une masse respectable, et si celui des
chanteurs s'augmentait dans la même proportion, le sort
de la musique triviale serait certainement bien compromis.
Du moment où le peuple aura autant de facilités pour chan-
ter de bonnes choses qu'il en a aujourd'hui pour en en-
tendre d'ignobles, il faudra que le vaudeville et l'orgue de
Barbarie se taisent ou qu'ils se fassent eux-mêmes instru-
ments de la réforme musicale; et ils ne pourront être adop-
tés comme réformateurs qu'en faisant encore mieux que la
réforme.
A. Specht.
THEATRE llOYAL DE L'OPERA-COMIQUE.
LES DEUX GEWTILSHOiViïVlES.
Librettode M. Planaiîd; partition de M. CApADX.
(Première représentation.)
ous savons bon nombre de vaudevillistes fai-
sant du drame intime et féroce, et par suite
des poèmes d'opéra-comique, qui s'indignent
de voir nommer , caractériser de libretto
leur poème d'opéra, disant, d'abord, que ce
mot n'est pas français, comme s'ils écrivaient irréprochable-
ment eux-mêmes celte langue , et ajoutant enfin que ce mot
n'est employé que par la critique envieuse , — car la critique est
toujours envieuse au dire des auteurs critiqués, — que comme
expression de dénigrement pour leurs élucubrations drama-
tiques. Nous sommes certain d'avance que M. Planard, qui a
fait taiU de charmants opéras, n'est pas animé de cette suscep-
tibilité à l'égard du petit proverbe , du léger canevas , du
libretto enfin qu'il a donné à M. Justin Gadaux pourjjroduire
sur la scène de l'Opéra-Comique sa muse provinciale.
Deux vieux gentilshommes ruinés par la révolution , dont
l'un, par susceptibilité, a donné un coup d'épée à l'autre, se
lelrouvent au bout de trente ans, et sont près d'avoir une
nouvelle affaire d'honneur pour le même sujet , c'est-à-dire
pour une place usurpée, place sur un banc de gazon. On s'en-
tend cependant : le ci-devant blessé restitue à son heureux
a l\ersaiie une forte somme dont une erreur l'avait fait dépo-
sitaire ; les deux vieux gentilshommes, qui n'étaient pas plus
DE PARIS.
287
riches que fortunés, deviennent l'un et l'autre en partageant
'en frères la somme conservée , le tout en mariant et dotant
deux jeunes amoureux du village, fille et neveu d'une laitière,
paysanne avenante et quelque peu colère qui vocalise d'une
manière brillante une tyrolienne et quelques autres morceaux
de musique dans le courant de l'action.
Sur tout cela, 51. Cadaux, qui s'était déjà essayé comme
compositeur sur le théâtre de Toulouse, a écrit une partition
qui se distingue par une sorte de franchise mélodique et une
instrumentation assez animée, assez colorée , bien que cette
musique manque d'originalité. Un morceau brillant, chanté
par la laitière, ainsi que nous l'avons déjà dit; un petit duo
entre les deux jeunes amoureux , morceau assez bien dé-
clamé, et qui finit en trio avec l'un des deux gentilshommes ;
et enfin un autre duo chanté par les deux vieillards, voilà ce
qu'il y a de plus brillant dans cette petite partition. Ce duo,
qui est le morceau capital de l'ouvrage , est déclamé par le
compositeur d'une manière vraie et comique, et même avec
un style rétrospectif assez bien approprié aux deux person-
nages; il est terminé cependant par une coda des plus vul-
gaires sous le rapport mélodique et harmonique. En traitant
cette situation, le compositeur aurait dû s'inspirer du fameux
duo des deux vieillards de la Fausse Mngie, ce morceau si
plein de verve et d'un comique parfait d'un bout à l'autre.
Quoi qu'il en soit, la partition de Jl. Cadaux annonce de la
facilité dans le faire et une entente assez vraie du genre de
l'opéra-comique. L'ouvrage, qui n'est pas mal joué, a obtenu
un joli petit succès qui peut se corroborer de celui de GuHs-
tan, que les vieux et les jeunes habitués de l'Opéra-Comique
vont entendre avec un égal plaisir.
Henri Blanchard.
à SiTotre-Ilaxne.
1 nnepeutnierl'impulsionmusicalequi se manifeste
jd'unboutdela France à l'autre. Le conservatoire
montagnard de Bagnèrc de Bigorre , qui nous est
I apparu au nombre de quarante chanteurs aux con-
certsdesChamps-Élysées, il y a quelques années,
vient de nous revenir après avoir accompli son pèlerinage mu-
sical dansla ville éternelle. Ce corps musical, tout exceptionnel,
vient de faire bénir sa bannière par le saint-père et retourne dans
ses montagnes. Cette bannière porte pour devise : halte-la !
et cependant ce conservatoire ambulant est toujours par voie
et par chemin , ce qui n'est pas le moyen de se livrer à des
études bien sérieuses dans l'art du chant. Quoi qu'il en soit ,
ce gros de chanteurs a donné une séance de musique reli-
gieuse dimanche dernier , dans l'église métropolitaine de
Paris, pendant la grand'messe, et y a produit un certain
effet. En notre qualité d'observateur du progrès des choses
musicales, nous répéterons à ces jeunes troubadours pyré-
néens , que leur pérégrination artistique nous semble un peu
prématurée , et que , rentrés dans leurs foyers , ils doivent se
hvrer à des études sévères et suivies. Nous engageons leur
professeur à se montrer un peu difficile à l'égard de l'intona-
tion, qui n'est pas toujours juste , et qui est sujette à monter
dans les soprani et les ténors. Ces voix ont besoin aussi
d'acquérir de la distinction dans l'émission ; cela se cul-
tive et s'acquiert comme la justesse de l'intonation , la lar-
geur , la rondeur, la plénitude du son, sa dégradation et
toutes les nuances de l'expression. Sous ce dernier rapport ,
nos jeunes chanteurs méritent des éloges; ils nuancent assez
bien; mais le son est généralement nasal et commun , et,
I nous ne saurions trop le répéter, l'intonation est fréquera-
I ment équivoque. C'est surtout ce qu'on a été à même de re-
: marquer dans le Kyrie et dans d'autres versets de la messe;
I à cela près , il y a de l'ensemble et de la chaleur dans l'exé-
I culion de ces artistes chanteurs, et YAg?iiis Dii, ainsi que
I l'élévation, a été rendu délicieusement. Ils ont, au reste,
les qualités des voix du midi de la France , comme ils ont les
défauts de ses habitants, c'est-à-dire l'absence de constance
et de tenue dans l'étude même des beaux-arts , et surtout
de l'art vocal , pour lequel cependant ils ont les plus heu-
reuses dispositions. La ville de Toulouse, par exemple, offre
une foule d'ouvriers doués d'une excellente organisation mu-
sicale et d'une belle voix , mais qui ne peuvent , ou plutôt qui
ne veulent pas développer par l'étude ces qualitées innées,
et qui voguent à pleine voile sur cette mer sans rivage que
l'on nomme la routine. La ville possède un conservatoire sans
direction. Le ministre de l'intérieur fait assaut d'indifférence
et de lésinerie avec le conseil municipal , à qui ne paiera pas
un directeur pour cet élablissement. L'intelligence , le véri-
table amour de l'art et l'activité d'un simple particulier, font
plus et mieux que cette machine entravante , rétive à tout
progrès , (]u'on appelle l'administration. Le conservatoire de
Bagnère de Bigorre, fondé par un amateur-professeur, en
est la preuve vivante et chantante ; c'est la décentralisation
mu.sicale se manifestant à deux cents lieues de la capitale et
venant y prendre ses titres de bourgeoisie et ses lettres de na-
turalisation. Au reste, les quarante chanteurs montagnards
auraient dû fraterniser , se faire affilier, ou assister du moins
à la
SÉ<«NCE DE IHtSIQïJE CHORALE
à la HaIle-aux-X>raps ,
ET
D!ST1UBUT10> DES PRIX OBTENUS PAR LES ÉLÈVES ADllîES
SCIVAMT LA MÉTHODE WII.IIF.SI.
Cette solennlié musicale avait un aspect aussi singulier qu'in-
téressant. Présidée par MM. le maire du W arrondissement,
ses adjoints et M. Duguerry, le nouveau curé de Sainl-Eusta-
che, la séance a commencé par un chœur de Spcier : Êtrein-
finiet Dieu seulest grand, de Naageli ; puis les Montagnards,
de M. Panseron, un Cantique de pèlerins par M. Thys, Cris-
tophc-Colomb par M. Hubert, la Garde passe, de Grétry, et
enfin un chœur de soldats de l'opéra de Sarah, par M. Gri-
far, ont été exécutés ensuite. Ce dernier morceau, et surtout
celui de M. Hubert, ont été le mieux dits, du moins avec
plus de justesse , chose qu'on ne saurait trop louer dans un
ensemble de voix , car c'est la pierre de touche de toute mu-
sique chorale sans accompagnement.
Ce concert a été précédé d'une allocution paternelle et fra-
ternelle , prononcée par M. le maire, dans laquelle il a féli-
cité les ouvriers sur leur zèle, leur assiduité , leur exactitude
à suivre le cours de chaut de la méthode M'iihem, qui a tout
simplement créé l'instiintiou musicale la plus uiile qu'ait eue
la France jusqu'à ce jour, et que Al. Hubert , son élève , et
de dévoués répétiteurs , étendent, propagent tous les jours
avec un noble dévouement, et dans l'intérêt de la civilisation
de la classe ouvrière de Paris. La capitale ne compte pas
moins de sept mille élèves des deux sexes qui suivent les
cours de cet enseignement musical , que l'Université , comme
on sait, a eu le bon esprit d'adopter comme devant faire par-
tie de l'enseignement primaire.
Le cours de la Halle-aux-braps est destiné seulement aux
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
adultes hommes ; ils suivent aussi des cours de grammaire et
d'arithmétique. Les ouvrages qui leur ont été donnés en prix
pour ces diverses branches d'enseignement , ainsi que pour
celui de la musique , ont été fournis par le roi, la reine , le
prince royal , les ministres. Ces prix de la capacité, du zèle,
sont accordés à la pluralité des voix par les élèves eux-mêmes
qui désigiient ainsi, par l'élection, les plus capables : c'est le
vote libre ; c'est la république dans la musique, et par consé-
quent l'harmonie sociale sans qu'aucunes dissonances de mau-
vaises passions viennent en entraver la marche. Cette justice
distributive parmi des égaux est saluée , corroborée par des
hourras , des applaudissements distribués largement, ou avec
une spirituelle parcimonie, à ceux qui en ont plus ou moins
mérité les marques, el ils reçoivent aussi ces récompenses avec
un juste orgueil ; et ce sont des cordonniers , des ciseleurs,
des graveurs , des commis, des coiffeurs, des logeurs, des
employés, des hommes enfin exerçant des professions infimes
ou inconnues qui se moralisent et se civilisent par l'étude et
l'exercice de l'art musical. "Voilà l'institution que Bocquillon
Wilhem , l'ami de Béranger, a fondée et maintenue au milieu
de nos troubles politiques, de nos guerres civiles, et de nos
essais d'émancipation sociale. Cette fondation artistique et
vraiment philanthropique a déjà donné à Wilhem des titres
à la reconnaissance publique , titres qui valent bien ceux
d'un ministre qui fait rendre à l'impôt , par des subterfuges
législatifs et par la violence, tout ce qu'il peut produire, ou
ceux d'un général qui crée une tactique pour les éventualités
de batailles à livrer dans les rues contre ses concitoyens. Si
Wilhem ne peut prétendre à figurer dans l'histoire à côté des
Montrevel, des Laubardemont, des Terrai, son nom figurera
parmi ceux de l'abbé de l'Épée, de Sicard , de Valentin
Haiiy et de Pestalozzi.
Henri Blanchard.
liflPROTISATIOnJS JflELAA'COLIQVES.
lïessîn de Gavarni.
Ah! oui, bien mélancoliques , s'il faut en juger sur la
figure de l'improvisateur. Cet homme est réellement noyé
dans son chagi-in , perdu dans sa douleur, et j'oserais affir-
mer qu'il s'ennuie lui-même ! ! ! Que voulez-vous? il a son
excuse toute prête : il est mélancolique ! Vous rappelez-vous
un vaudeville de Scribe et compagnie, intitulé Y Ennui? Dans
le couplet d'annonce , car on en faisait alors , les auteurs pré-
venaient le public qu'il ne serait pas en droit de se plaindre,
si la pièce tenait ce que promettait l'affiche. La pièce fit rire
et le public se plaignit encore moins. Je souhaiterais pareille
réussite à l'improvisateur mélancolique.
nOTJTEIalaBS.
? *,* Aujourd'liui dimanche, par extraordinaire, à l'Opéra, le
Freysckûlz tlla Péri. — Demain lundi , la Favorite.
'^' M"» Carloita Grisi a fait, vendredi, sa renlrée par le rôle si
eharmrnt et si gracieux de Giselte. La danseuse a été reçue comme
elle devait l'être, après quelques mois d'absence que ses amis et le
public ont trouvés bien longs.
•,* La première représentation d'Othello n'aura pas lieu cette
semaine.
E *.* La Cour royale a confirmi le jugement rendu en première in-
stance dans l'affaire de M. Léon Pillet, directeur de l'Académie royale
de musique, contre M. Robin, locataire d'une loge à ce théâtre. Il est
donc bien entendu qu'un directeur a le droit de louer ses loges soit
à l'année, soit au jour, selon que son intérêt le demande, et que la
possession d'un locataire ne lui constitne pas un titre, dont il ne
puisse être dépouillé que lorsqu'il y renonce lui-même.
*," Le directeur de l'Opéra-Comique, M. Crosnier, vient d'offrir
les entrées à son théâtre à trois jeunes élèves du Conservatoire , qui
ont obtenu des nominations dans le dernier concours : M"" Morize,
Morange et Lcelerc.
".' On lit dans Y Indépendance belge du 23 : La première repré-
sentation de la Heine de Chypre, de M. Halévy, a eu lieu avant-hier
avec un grand succès.
*,* Le Théâtre-Italien rouvrira le mardi 1" octobre. La troupe ne
compte que deux artistes nouveaux, M"" Manara, qui remplace
Sf^Nissen, etM.Tagliafico. Les petites loges sur le théâtre qui ne ser-
vaient qu'au directeur et aux artistes ont été converties en loges, qui
se loueront comme les autres. Le directeur ne s'en réserve que deux,
l'une pour lui et l'autre, qui sera, dit-on , partagée entre M""^ Grisi
et l'ersiani. Le premier ouvrage qu'on annonce est Oiello : jusqu'ici
aucune nouveauté ne figure sur le programme.
%* Saivi ne fera pas partie de la troupe italienne de Paris pendant
la prochaine saison. Après avoir accompli la tournée qu'il doit faire
avec M""^ Persiani dans les divers comtés de l'Angleterre, il se rendra
en Russie, oVi l'appelle un engagement pour le Théâtre-Impérial de
Moscou, et il y débutera le 12 octobre. Il est en outre engagé pour
l'été prochain à Vienne, ainsi que M"" Persiani, qui par conséquent
renonce pour celle saison au théâtre de Londres.
*," Campagnoli, qui a chanté pendant plusieurs saisons auThéâtre-
Ilalien de Paris, vient de mouriren Italie, à l'âge de cinquante ans.
*,' M"" Miro-Camoin , la charmante actrice el cantatrice, que
Paris regrette toujours et qui a si bien créé le rôle d'Henriette dans
Y Eclair, vient de se montrer deux fois dans Y ambassadrice, c'est-
à-dire d'y obtenir un double succès. Depuis qu'elle nous a quittés,
5Ime Miro-Camoin a fait des progrès immenses : sa voix d'une sou-
plesse et d'une agilité merveilleuse est toujours éminemment sym-
pathique : elle a le don de toucher et d'éblouir à la fois. Son passage
à Paris laissera un brillant souvenir, car la célèbre artiste nous
quitte encore pour se rendre à Toulouse, où elle est impatiemment
attendue.
•/ JM. Garcin-lîrunet, élève du Conservatoire, qui s'est toujours
distingué par S'.n intelligence , et qui , cette année, a obtenu un ac-
cessit, est engagé à l'Opéra-Comique, ainsi que ses camarades, Chaix
et Gassier. Il débutera dans le rôle de Rica, du Jl/açon , dont les ré-
pétitions sont reprises.
*,* Le Jeune Renaud de Wilback, à qui l'Institut vient de décer-
ner le second premier grand prix de composition musicale, est, ainsi
que M. Massé, qui a obtenu le premier, élève de M. Halévy.
*,* Si l'on pouvait douter de la quantité de bons musiciens , de
virtuoses remarquables que le Conservatoire produit tous les ans, et
dont il peuple tous les orchestres , il suflirail de rappeler que le
petit orchestre des Folies-Dramatiques possède à lui seul quatre in-
strumentistes, qui ont obtenu des prix au dernier concours : JI . Gras,
premier prix de hautbois; M.Boiilcourl, premier prix de cor; M. Bou-
ché, premier prix de contrebafse; et M. Sourilas, second prix de cla-
rinette.
*,* On exécutera dimanche , 1" septembre, dans l'église St-Méry,
une grande messe solennelle en musique, de M. Stiegler. L'orchestre,
composé des premiers artistes de Paris, sera dirigé par M. Viret,
maître de chapelle de celte paroisse.
*/ L'immense succès que Liszt a obtenu à Marseille s'est renou-
velé dans toutes les villes qu'il a parcourues. A Toulon, à Nimes, à
Montpellier, partout où l'illustre pianiste s'est fait entendre, le plus
vif enthousiasme a salué son admirable talent. Les pianos dont Liszt
s'est servi dans toutes les villes du midi , sortaient des ateliers de
MM. Boisselot et fils, de Marseille; ils ont parfaitement secondé le
talent merveilleux du musicien. Ainsi, tandis que le jury de l'expo-
sition décernait à MM. Boisselot une médaille d'or pour la supério-
rité de leurs pianos à queue, cette décision était pleinement justifiée
par l'approbation que ces instruments obtenaient du premier pia-
niste de l'époque.
",* Dimanche dernier, une messe nouvelle de M. Dietsch, à qui
la musique religieuse doifdéjà tant de services, a été exécutée à
St-Roch. Le talent du compositeur s'y est manifesté surtout dans le
Credo el (iiosY O salutaris, morceaux d'une facture tout à fait remar-
quable. La belle voix d'Alexis Dupont a dignement interprété YAg-
>nis Dei, dont la suavité mélodieuse s'accordait à merveille avec les
qualités du chanteur.
DE PARIS.
289
".* Le Corrado d'^llamura, de Ricci, vient d'êlre donné à Londres
avec un certain succès , et cependant la première représentation de
l'ouvrage en a été la dernière. Le jour où l'on devait le donner
pour la seconde fois, un ordre venu de haut lieu fît changer l'affiche,
et l'on donna Don Pasquale pour être agréable au prince Guillaume
de Prusse , que l'on attendait et qui n'est p;is venu. La clôture de ia
saison s'est faite deux jours après avec d'anciens ouvrages.
*,* Alexandre Boucher, le célèbre violoniste, vient de donner à
Baden-Baden un grand concert auquel assistait une nombreuse
assemblée. M"= Zerr, Cossmann, le pianiste hessois, M. W.Schulter,
et les Dislin, composaient, avec M. Boucher, les éléments d'une
soirée qui a eu tout le succès imaginable.
*." Alizard, l'ex-basse-taille de l'Académie royale de Musique, est
engagé à Milan , ainsi que son camarade, le ténor Wartel.
*.* Un des arlisles belges les plus distingués , Jacques Bender,
chef d'orchestre de la Société royale d'Harmonie d'Anvers, est mort
le 8 de ce mois. Bender laisse après lui un nombre assez considé-
rable d'ouvrages, entre autres une messe solennelle que la mort ne
lui a point permis d'achever.
V Un capitaine de la marine anglaise vient d'inventer un instrn-
ment à vent d'une grande puissance, et dont l'usage pourra être
d'une égale utilité dans la navigation à vapeur et sur les chemins
de fer. Cet instrument, que son inventeur appelle téléphone, se com-
pose d'un assemblage de plusieurs trompettes que l'on enfle à l'aide
de l'air comprimé. Ces sons peuvent être entendus à six milles (en-
viron dix Itilomèlres) de distance. Il y a un modèle portatif qu'on
entend à quatre milles. Cet utile instrument peut être employé pour
transmettre des signaux ou des ordres dans un temps de brouillard,
pour prévenir sur merle choc des bateaux à vapeur, et pour em-
pêcher la rencontre des convois sur les chemins de fer.
V M- Glinka, le plus célèbre compositeur russe, qui a écrit plu-
sieurs opéras représentés avec un très brillant succès à St-Péters-
bourg, vient d'arriver à Paris où il doit passer l'hiver. Nous espé-
rons qu'il écrira un ouvrage pour l'Opéra-Comique.
*,* On annonce qu'une chapelle vient d'être élevée à Elleviou dans
le magnifique domaine où il s'était retiré pour se reposer du théâtre
et du monde. On ajoute que le peintre a eu l'idée assez étrange de
retracer sur les vitraux de cette chapelle et sous le costume de saint
Pierre Elleviou lui-même, qui ne s'attendait pas sans doute d'être
ainsi canonisé en peinture.
V Un homme de lettres, qui a donné beaucoup de pièces au Vau-
deville, à l'Opéra-Comique et à d'autres théâtres, M. Alissan de
Cliazet, vient de terminer sa carrière. Sous la restauration, il avait
été pourvu d'une recette en province et nommé bibliothécaire de
Charles X. Depuis longtemps il avait cessé d'écrire. Indépendam-
ment du talent d'auteur et d'écrivain, il possédait a un rare degré
celui de lecteur, et sa réputation était si bien établie à cet égard ,
que les comités de lecture avaient fini par le frapper d'une espèce
d'interdit , en lui défendant de lire les pièces composées par
d'autres.
Cltroniciiie déiiai'teiitentale.
*,• Rouen, 13 ao«(.— Dans le concert donné au profit de M"" veuve
Denel par les artistes et amateurs de la ville, M. Poullier , dont on
n'invoque jamais en vain le concours dès qu'il s'agit de contribuer à
une bonne action , s'est montré admirable chanteur. Parfaitement
secondé par M. Mailliot, autrefois son camarade, aujourd'hui profes-
seur de chant en cette ville, il a recueilli autant de bénédictions que
d'applaudissements. M"' Lovie , qui remplit si bien l'emploi des
dugazon, M'i'Déjazel, comme cantatrice, MM. Enghelmann, frères.
Chemin et M"' Corret, comme instrumentistes, ont également payé
leur tribut de talent et de bienfaisance.
— Nous possédons depuis cinq mois un conservatoire de chant ,
et M. le maire, pour prouver qu'il avait sagement fait de protéger
cette utile institution, a invitéàune première séance d'exercices tous
ses amis et les amis des amis des élèves. Nous qui ne parlons des
hommes et des choses que sous le point de vue artistique, sans nous
occuper si l'on a bien ou mal fait de nommer sans concours M. Léon
Marie directeur de cette école municipale, disons avec le public que
le programme de dimanche a été très-convenablement exécuté, et
qu'il faut, dans l'intérêt général, persister dans une voie de progrès,
sauf à prendre pour l'avenir telle mesure que l'expérience pourra
suggérpr.
fi *,* Bordeaux, 5 août. — La Société formée par des artistes pour
l'exploitation de notre petit théâtre a cessé ses représentations depuis
le premier de ce mois. C'est à ce moment que M. Toussaint, le nou-
veau directeur, a pris les rênes de l'administration théâtrale. Dans
son traité avec la ville, M. Toussaint s'est réser\é trois relâches par
semaine pour notre grande scène; il pense tirer des avantages de
cette faculté, puisqu'elle a été l'objet d'une stipulation particulière.
Jusqu'à ce moment, les troupes de notre nouvelle direction ne sont
pas encore formées. On nous fait l'annonce d'un effectif complet au
1°' septembre prochain ; nous n'avons pas longtemps â attendre, et le
public attendra patiemment la réalisation de ces promesses.
Lyon , 15 aoûi. — M. Duplan a déposé le sceptre de la direction
qu'il ne pouvait plus tenir : il est remplacé par M. Fleury, ex-direc-
teur des théâtres de Bordeaux et de Piouen. A l'exemple de AI. Duf-
feyte, M"= Elian a résilié son engagement.
*," Pau. — Les artistes du théâtre de Bordeaux, en représentation
ici, M"""^ Widman, Duprat, Arnoux et Saint-Denis, viennent de ter-
miner leurs représentations. La clôture a eu lieu paria Blneue de
Poriici, le duo de r.ucie et le grand air de Charles Kl, chanté avec
talent par M"" Widman. Le duo de Lucie a obtenu le plus grand
succès, et les deux exécutants, Duprat et Saint-Denis, ont été cou-
verts d'applaudissements.
'J" Bruxelles, 12 aoill.— Des artistes et des amateurs de musique
se sont réunis samedi , au nombre de soixante environ, à Vhôteldu
Bélier, où ils ont offert un banque tau célèbre compositeur allemand,
M. Conradin Kreutzer. Les premiers sujets de la troupe allemande
avaient également été invités.
*„• Bade. — Le temps eslsuperbe, la ville se remplit de monde à
vue d'oeil. Les réunions au Cursaal sont très nombreuses; il y a
cohue. On fait des excursions au vieux château, au Fremersberg, à
la maison de chasse , etc. On assure que le premier concert de
MM. Rosenhain et Panofka a rapporté 2,000 francs : le prix du billet
était de 10 francs. On joue quatre fois par semaine dans la petite
salle de spectacle .- on ne donne que des comédies et de petits opéras.
Les bals et les concerts ne manquent pas. Près de Bade il y a un
couvent pour dames nobles, qui forment entre elles un orchestre
complet : dans le nombre se trouvent des virtuoses sur la trompette
et sur d'autres instruments à vent. Panofka s'est fait entendre à une
soirée chez la princesse Stéphanie. Distin et sa famille ont beau-
coup de succès.
Fienne. — La clôture du Théâtre-Italien vient d'avoir lieu : la sai-
son a été des plus malheureuses. Les chanteurs nouvellement enga-
gés ont aussi peu réussi que les opéras nouveaux qu'ils avaient
choisis pour leurs débuts. L'Opéra-Allemand vient de rouvrir sous
de tristes auspices. Il parait que M'"" Lutzen Dingelstedt nous a
quittés pour toujours; le retour de M. Staudigl est également pro-
blématique. Nous attendons avec anxiété M»' Hasselt. M. Proch
vient de terminer iin nouvel opéra dans lequel M"»= Stoeckl Hei-
nefetter aura le rôle principal.
*,* Dresde. — On a donné un grand concert au bénéfice des pau-
vres, sous la direction de Fiichard Wagner, maître de chapelle. Outre
la symphonie pastorale de Beethoven, et la Première IS'uii de IVal-
purgis , de Mendeissohn , on y a exécuté une ouverture de M. Wag-
ner pour la première partie de Faust.
— M. Alexis Lvoff, aide-de-camp de l'empereur de Russie, le
compositeur d'ouvrages très remarquables pour le violon, et de
l'hymne national devenu si populaire en Russie et en Allemagne,
a donné dans la belle salle de son hôtel un grand concert sous la di-
i-ection de M. Reissiger, auquel il avait convié le monde fashionable.
On y a exécuté les morceaux d'ensemble de son opéra Bianca et
Gualiiiro, qui a obtenu un succès tel, que la direction du Théâtre-
Royal l'a prié de lui en remettre la partition pour faiie représenter
cet ouvrage l'hiver prochain. Dans la seconde partie. M. Lvoff a exé-
cuté lui-même un adagio deSpohr, et avec M. Kummer, son duo
caractéristique avec violoncelle : le Duel. A la fin du concert on a
chanté l'Hymne russe, qui a été redemandé. C'e|( un grand succès
que celui qu'a obtenu M. Lvoff dans une des villes les plus musicales
de l'Allemagne.
'/ Berlin. — M"= Sophie Loewe a refusé l'engagement qu'on lui
avait ofifert pour la saisun d'hiver prochain ; au mois de février, elle
donnera ici quelques représentations.
*.* Hambourg. — he célèbre chanteur, Tichatscheck, a obtenu un
succès d'enthousiasme, en chantant le rôle de Georges Brown dans
la Dame blanche, et celui d'Éléazar, dans la Juive.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maubick SCHLESINGER.
290
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SOMMAIRE. Troisième lettre à M. Zimmcrman ; par FÉTIS père.
— Revue critique; par H. BLAIMCBARD. — Nouvelles. —
Annonces.
UNE DAME DE CHCœUR. Dessin deGavarni.
troisième Cf ttre d ill. Simmcrmon.
Bruxelles, 12 août 1844.
Ami,
u m'as accordé le principe de la tonalité tel
que je l'ai établi; il m'a suffi de le prendre
pour appui dans l'examen des questions qui
divisent nos opinions. Mais une autre criti-
que, qui, comme loi, a choisi la France
mtisicale pour organe, me dénie ce principe au point de vue
où je me suis placé : tu comprends qu'avec lui la discussion
doit être plus laborieuse. Ce critique a publié trois articles
intitulés : Sur le principe philosophique du système d'har-
monie de M. Fétis , et les a signés du nom d'Azevedo. Ce
nom m'était auparavant inconnu ; les renseignements que j'ai
demandés depuis lors ont été sans résultat. Aucune des per-
sonnes à qui je me suis adressé ne connaissait M. Azevedo.
J'ai fini par me persuader que mon critique était un pseudo-
nyme. Au surplus , cela est de peu d'importance , car il ne
s'agit pas delà personne, mais de ses opinions.
Tu te souviens sans doute que dans une lettre qui me fut
écrite par M. Barbereau, à l'occasion du cours que j'ai fait à
Paris au mois de février dernier , pour exposer ma nouvelle
théorie de l'harmonie , ce professeur me faisait l'objection
suivante, entre plusieurs autres: " On aurait désiré, monsieur,
1) de votre esprit investigateur, quelques recherches analyti-
1) ques sur la place occupée par les demi-Ions dans la gamme,
» plutôt que de vous entendre accepter celle-ci comme un fait
» indémontrable. « Tu te souviens aussi qu'au résumé ma ré-
ponse fut que, s'il ne s'agissait que de démontrer la nécessité
de la position de ces demi-tons pour la constitution de la to-
nalité, sous les rapports harmoniques et mélodiques, rien ne
serait plus facile ; mais qu'il ne nous est pas donné de con-
naître le principe absolu qui a fait la gamme dans cette forme.
CeL>e gamme , disais-je, nous en saisissons les rapports pra-
tiques par une conséquence de notre conformation ; nous en
avons conscience ; elle est en nous l'idée complète de la to-
nalité comme est celle d'un triangle en générai pour un corps
qui a trois côtés , quelle qu'en soit la forme ; mais nous ne
pouvons aller au-delà.
J'examinerai quel sens M. Azevedo a donné à mes paroles
et les conséquences (ju'il en a tirées; mais obligé d'aborder
pour ce sujet des questions qui ne sont pas familières aux mu-
siciens, je vais essayer , cher Ziramerman , d'exposer aussi
brièvement que je pourrai, et de la manière la plus simple
possible, les systèmes principaux qui concernent la connais-
sance que nous avons de nous-mêmes , des actes de notre
entendement , et des impressions produites sur nous par les .
objets extérieurs.
Deux de ces systèmes remontent à une haute antiquité. Le
premier, dont les écrits de Platon nous offrent le développe-
ment le plus complet, suppose que Dieu a doué l'homme, en
naissant, d'un certain nombre d'idées primitives qui sont le
principe de la connaissance, etquionten elles toute la réalité
des choses créées. L'autre système , dont la Métaphysique
d'Aristoie est la plus ancienne exposition analytique , a pour
principe fondamental que l'origine des connaissances humai-
nes réside dans les perceptions des sens , et qu'il n'y a rien
dans l'intelligence qui n'y soit venu par ces perceptions {Nihil
est in inteclletu quod non prius fuerit in sensu).
La première de ces doctrines , renouvelée et modifiée en
Orient, dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, s'y main-
tint longtemps; l'autre, devenue dans le moyen-âge la philo-
sophie des écoles de l'Europe , y subit des interprétations et
BUREAUX D'ABONNEniEKrT, B.UE RICHEIIEU, 97.
292
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
des altérations diverses dont je n'ai point à l'entretenir pour
l'objet qui nous occupe.
Je me hâte d'arriver à Bacon , chancelier d'Angleterre ,
qui, dans les premières années du dix-septième siècle, établit
que nos connaissances ne peuvent trouver de base certaine
que dans l'observation de la nature. Or , l'ouïe , la vue, le
toucher, etc. , étant les seuls moyens qui nous soient donnés
pour observer la nature , cette doctrine met dans le témoi-
gnage des sens le principe de la certitude en toutes choses , et
par là établit un dogmatisme plus absolu que celui d'Arislole.
On donne au système de philosophie qui attribue aux sens un.
si grand rôle dans nos connaissances le nom de sensualisme.
Plusieurs hommes de grand mérite ont développé cette
théorie ; mais celui qui lui a donné le plus de partisans a été
Locke, qui, vers la fin du dix-septième siècle, a écrit un livre
sur la nature de l'esprit , dans lequel il a prétendu prouver
qu'il y a deux sources du savoir humain, à savoir, la sensation
et la réflexion. Celle-ci conduit à comparer, raisonner , abs-
traire, composer, associer ou combiner les éléments qui déri-
vent de la sensation ; mais, dit-il, ces facultés n'ajoutent rien
à la connaissance acquise par elle.
Le sensualisme atteignit ses dernières conséquences entre
les mains de l'abbé de Condillac ; car la mémoire, la compa-
raison , les idées mêmes et l'imaginalion , ne sont dans ses
écrits que la sensation transformée. « L'oreille, dit-il, est or-
» ganisée pour saisir un rapport déterminé entre un son et un
» ton. Ses fibres semblent se partager les vibrations des corps
» sonores. Elle peut entendre plusieurs sons à la fois et eu
» sentir exactement les relations (1). » Suivant Condillac ,
les rapports harmonieux des sons font naître le plaisir de l'o-
reille; les rapports discordants sont pour elle une cause de
douleur. Les expériences réitérées de cessensations lui don-
nent la mémoire, et de celle-ci procèdent le désir d'entendre
des sons en rapport harmonieux , et la crainte du retour des
sonsdiscortîants. De plus, en comparantces sensaiions, l'oreille
ne les perçoit pas seulement d'une manière passive , elle en
porte un jugement. Tu vois, ami, que voilà toutes les opéra-
tions de l'intelligence transportées dans l'organe de l'ouïe.
Des phénomènes analogues se manifestent dans les organes de
l'odorat, de la vue, etc. Telle a été la doctrine philosophique
admise généralement en France dans toute la seconde moitié
du dix-huitième siècle et jusqu'à la fin de l'empire.
D'autre part, Descaries avait établi, vers le milieu du dix-
septième siècle, que toutes nos connaissances ne viennent pas
exclusivement des sens , et que la certitude de ces connais-
sances ne peut se trouver que dans la pensée , car la pensée
peut tout mettre en question et douter, de la réalité de toute
chose, excepté d'elle-même, puisque douter c'est penser. Or,
la pensée nous est donnée par la conscience : la philosophie
de Descartes consiste donc en une méthode pour la recher-
che de la vérité et de la certitude denos connaissances en vertu
des actes de la conscience , certitude dont il formule ainsi
l'axiome fondamental : je pense , donc je suis. La doctrine de
Descartes est l'origine du rationalisme moderne, et l'opposé
absolu du sensualisme.
Leibnitz, homme d'une vaste intelligence et savant univer-
sel , qui en critiqua avec force certaines parties qui n'ont
point de rapport avec le sujet qui nous occupe , en adopta
cependant les principes fondamentaux en ce qui concerne la
pensée, et donnant à l'intelligeuce une activité indépendante,
poussa le rationalisme jusqu'à l'idéalisme ; car le réformateur
de la philosophie moderne, Kant, lui a même reproché d'avoir
il)ÏV,
i.saiions, preiiiii're partie, chapitre XIII.
intellectualisé la sensation. A l'axiome fondamental du sensua-
lisme : il n'y a rien dans l'intelligence qui n'ait été d'abord
dans les sens, il répondait : excepté l'intelligence et ses actes.
De là vient qu'au lieu de borner la musique à de simples sen-
sations, il dit positivement : la musique est un calntl secret que
r âme fait à son insu; transportant ainsi le plaisir que procure
cet art dans l'appréciation intellectuelle des rapports des sons.
Wolf, professeur allemand venu après Leibnitz, développa sa
doctrine dans de volumineux écrits , et l'idéalisme devint la
philosophie de toute l'Allemagne, comme te sensualisme était
celle de la France.
Ainsi que tu le vois, cher Zimmerman, ces deux doctrines
opposées se sont maintenues en présence l'une de l'autre depuis
l'antiquité jusqu'à la fin du dix-huitième siècle.
Tel était l'état des choses lorsqu'un professeur de philoso-
phie de Kœnigsberg ouvrit tout-à-coup (en 1781) une carrière
nouvelle à la philosophie , par l'examen le plus approfondi
qui eût jamais été fait des forces et de la portée de l'organe
intellectuel. Dans son livreintitulé Critique de la raisonpiere,
Kant distingue l'objet de la connaissance (l'être extérieur) du
sujet qui connaît (l'homme) ; il désigne celui-ci sousienomde
moi, et l'objet de la connaissance sous celui de non-moi; ap-
pelant aussi objectif, ou matière de la connaissance, les élé-
ments particuliers fournis par les objets du monde extérieur ,
et subjectif, ou formes de la connaissance , les lois générales
où la raison s'élève à l'occasion de ces éléments. Or, on ne
saurait abstraire du non-moi , c'est-à-dire des éléments par-
ticuliers fournis par les choses extérieures , les lois générales
qui n'y sont point contenues : celles-ci n'existent que dans le
moi. Dans cette proposition : il faut une cause à l'univers,
il est évident que l'univers ne nous fournit pas la notion de
cause, mais seulement celle deVêlrc : l'idée de cause ne vient
donc que du moi, c'est-à-dire de l'intelligence. L'être n'est
donc que l'occasion qui détermine notre esprit à remonter à
la nécessité d'une cause. Telles sont en général les fonctions
des sensations, d'une part, et delà raison, de l'autre.
Mais, dit Kant, nous ne savons ce que sont les choses en
elles-mêmes; nous ne les connaissons que par leurs phéno-
mènes, par leurs apparences ; et , bien que les opérations de
notre esprit à leur occasion aient une réalité incontestable par
rapport à nous , elles ne nous donnent aucune certitude à
l'égard des objets extérieurs. Nous n'avons, nous ne pouvons
avoir la preuve de l'existence réelle de ceux-ci.
Ici est le vice radical de la métaphysique de Kant. Ne tenant
aucun compte de la conscience, et nous représentant comme
incessamment soumis aux illusions des sens, et hors d'état
d'acquérir la certitude, si ce n'est à l'égard de nos facultés
intellectuelles, ce philosophe tombe, en ce qui concerne le
monde physique, dans le scepticisme qu'il reprochait à Hume
sous le rapport de la morale II ne sauve même celle-ci du
naufrage de toute réalité qu'en supposant, par une inconsé-
quence évidente, l'existence absolue, incontestable , de la loi
I du devoir envers un monde, qui, selon la rigueur de ses prin-
cipes, ne serait qu'une chimère.
L'inconséquence des principes qui a été reprochée à Kant
par les critiques et par les historiens de la philosophie se
manifeste en plusieurs points do sa doctrine. Par exemple,
en parlant de la musique , il annonce cette singulière propo-
sition (Ij : A l'égard du sens vital de l'ouïe, il est non seule-
» ment en mouvement avec une vivacité et une variété inex-
» primables , mais encore fortifié par la musique , qui est un
» jeu régulier des affections de l'âme, et un langage dépures
(1) Anthropologie, 3' édition de Kœnigsberg.
DE PARIS.
293
«sensations, sans aucune idée inteUectuelle. » Une telle
proposition est un relour complet au sensualisme. Kant , bien
qu'étranger à la musique , par sou organisation et par ses
habitudes, aurait dû savoir cependant que les sens ont né-
cessairement entre eux de certains rapports , que ces i-ap-
ports ne peuvent être appréciés que par l'intelligence , que
l'ouïe ne transmet h celle-ci que les éléraeiils ou la matière
du jugement à porter sur ces rapports; enfin, que si ce ju-
gement n'émanait de l'intelligence , il n'y aurait ni harmonie,
ni discordance , ni bonne ni mauvaise musique , ni même de
musique quelconque possible. Non seulement Herder, Ja-
cobi , Eberhardt, Bouterweck et les autres antagonistes de
Kant, s'élevèrent avec force contre son erreur à ce sujet;
mais ses partisans mêmes , tels que Wichaclis , Heydenreich ,
Heusinger et Pœlilz l'abandonnèrent sur ce point , et firent,
des principes fondamenlaux de sa doctrine , une application
directe à la musique qu'on était en droit d'attendre de lui-
même (1).
Ami , jusqu'ici je t'ai entretenu de systèmes qui n'ont pour
objet que de déterminer les rapports du moi avec le non-moi,
c'est-à-dire de l'homme avec ce qui est en dehors de lui ,
ou, comme disent les philosophes de l'école allemande, du
subjectif et de l'objectif. A part quelques difficultés résul-
tant d'une certaine obscurité du langage philosophique , le
simple bon sens suffit pour pénétrer le sens de ces systèmes ,
et pour en suivre la progression. Kant, lui-même, malgré le
pédantisme de sa terminologie et les formes embarrassées de
son style, n'exige qu'un peu plus d'attention pour être bien
compris. Mais après lui commença en Allemagne une philo-
sophie plus élevée, et en même temps plus obscure, qui se
proposa de prendre pour objet de ses investigations , non
l'homme dans les rapports qui limitent sa liberté et son acti-
vité, mais l'homme en lui-même dans la portée illimitée de
sou intelligence. Cette philosophie , oià le moi se prend pour
objet, est toute hérissée de problèmes qui renferment des con-
li'adictions appelées antinomies. Elle est désignée comme
idéale et transcendante, c'est-à-dire comme explorant des
régions de l'intelligence supérieures à celles du sens com-
mun. Son but est la détermination d'un certain nombre de
notions primitives, absolues, inconditionnelles. Dans cet
exercice , l'esprit ne peut mesurer lui-même ses forces et sa
portée que par de laborieux efforts, dont les hommes habi-
tués aux études philosophiques sont seuls capables. Je serai
aussi bref que possible sur ce qui a été tenté à cet égard par
les successeurs de Kant.
Le plus célèbre des successeurs immédiats de cet illustre
philosophe est J.-G. Fichte, professeur de philosophie à léna,
puis à Berlin , mort en 1814. Persuadé que Kant avait pris
l'intelligence humaine à un degré inférieur à sa portée , bien
qu'il lui attribuât des idées générales et nécessaires d priori,
il se proposa de recommencer l'examen des facultés de la
raison, en lui supposant , antérieurement aux faits d'expé-
rience , de certaines idées primitives qui ne relèvent d'au-
cune science. Cet examen fut l'objet de son livre intitulé :
Doctrine de la science; doctrine qui est, dit-il, la plus
élevée de toutes les sciences , et dont le principe est indé-
pendant.
La prétention de Ficbte est d'établir la réalité des actes
primitifs de l'esprit , qui se pose lui-même, et s'examine.
Ainsi, au lieu de chercher cothme Kant, dans des causes
extérieures, les notions de l'espace et du temps, il veut dé-
(1) Voir mes recherches sur Venu actuel de l'Esihéiique musicale,
dans la Gazeiie musicale de Paris, année 1 S38, pages 45 et suiv.
montrer que ces notions se trouvent dans le moi , indépen-
damment d" toute perception ; et l'on voit qu'il ne doute pas
d'être parvenu à cette démonstration , car il termine ainsi
son livre : « Kant , dans la Critique de la raison pure, part
» du terrain de la réflexion sur lequel le temps, l'espace et
» une multitude de choses données à l'intuition sont déjà
» dans le moi et pour le moi. Nous avons déduit ces choses à
«jjriori; elles existent actuellement dans le moi. Ainsi est
» signalé le caractère de la science de la connaissance , à l'é-
1) gard de la théorie , et nous avons amené notre lecteur pré-
<c cisément où Kant le prend. »
Malgré l'admirable force de tète qui a présidé à la concep-
tion d'iuie telle doctrine , malgré la puissance de logique dé-
veloppée dans ses déductions , Fichte, loin d'atteindre le but
qu'il s'était proposé , vit s'élever autour de lui beaucoup de
contradicteurs, et des hommes d'une haute portée s'atta-
quèrent à ses résultats pour en démontrer le vide. On lui re-
procha , en définitive, de n'avoir produit que des formes lo-
giques sans réalité , et de n'avoir fait que substituer à des
mystères de plus grands mystères encore, en prétendant
éclaircir les uns par les autres.
A Fichte succédèrent les deux plus célèbres philosophes
allemands de l'époque actuelle , à savoir, M. de Schelling et
Hegel. Tous deux étaient nés dans le petit royaume de Wur-
temberg; tous deux étudièrent à Tubinge et à léna, se
lièrent d'amitié et devinrent les disciples de Fichte , dont ils
défendirent d'abord la doctrine , et dont ils se séparèrent en-
suite pour marcher dans d'autres voies. Eux-mêmes prirent
bientôt des directions absolument différentes , et produisirent
deux doctrines rivales qui partagent encore l'Allemagne phi-
losophique en deux canaps.
M. de Schelling n'était âgé quede vingt-trois ans, lorsqu'il
imagina le plan le plus vaste de la science qui ait jamais été
conçu. Les bases de sa doctrine sont celles-ci : 1" la connais-
sance a deux éléments, savoir, celui des faits du monde exté-
rieur qui agissent sur l'homme par ses sens, et qui composent
robjectif, ou ce qui est connu , et celui de l'intelligence qui
connaît, et qui transporte aux objets extérieurs ses concep-
tions générales pour leur imposer des lois de classification ;
2° ces deux éléments sont si bien unis dans la connaissance ,
qu'on a peine à distinguer comment ils agissent l'un sur
l'autre. Pour faire celte distinction , il faut les séparer systé-
matiquement et en faire les objets de deux sciences philoso-
phiques, dont une est la philosophie de la nature, et l'autre
l'idéalisme transcendenlal. La philosophie de la nature fait
voir comment, des représentations particulières des objets
dans notre esprit par nos sens , on remonte jusqu'aux lois gé-
nérales qui les régissent. Cette philosophie est celle qui sert
de guide dans les science s physiques , chimiques et natu-
relles , qui , en se perfectionnant , négligent de plus en plus
les faits particuliers pour s'attacher aux lois qui les unissent.
L'idéalisme transcendenlal est la philosophie qui enseigne
comment l'intelligence part de ses lois générales, ou des idées,
pour descendre aux faits d'expérience et les coordonner. La
conscience est le point où se confondent les deux éléments
dansleur progression inverse, et là s'établit l'identité absolue
de leurs résultats. M. de Schelling publia en 1798 la pre-
mière partie de cette philosophie , sous le titre de Philoso-
phie de la nature; la seconde partie, intitulée Système de l'i-
déalisme transcendenlal, parut en 1800. Jamais l'esprit
philosophique ne s'était élevé à d'aussi hautes considérations,
et n'avait montré dans ses déductions une méthodes! rigou-
reuse.
Le système de la connaissance, disait M. de Schelhng,
294
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
resterait imparfait si la dualité des éléments n'était dominée
par un principe supérieur qui les réunît , et qui démontrât
leur identité absolue; ici est donc la nécessité d'une troi-
sième philosophie, plus élevée que les deux autres, dans la-
quelle l'esprit ou le moi se prend lui-même pour objet , et
recherche la loi fondamentale qui réunit en lui les éléments
de la connaissance dans l'unité. Cette loi, c'est l'absolu , qui
n'existe qu'en Dieu. L'absolu ne nous est connu que par des
illuminations soudaines qui descendent de Dieu dans la con-
science de l'homme.
M. de ScheUing n'avait fait qu'indiquer celte philosophie
finale en publiant les deux autres , et avait annoncé que celles
ci n'étaient qu'une partie de son système. Elles excitèrent un
vif enthousiasme parmi quelques uns des hommes les plus
remarquables de l'Allemagne ; mais d'autre part , d'ardents
antagonistes s'élevèrent contre cette théorie , et reprochèrent
à leur auteur d'avoir emprunté l'identité des deux principes
de la connaissance à l'harmonie préétablie de Leibnilz , et les
idées primordiales descendues de Dieu dans l'homme à la
philosophie de Platon. Enfin, on l'accusa d'impuissance en
lui voyant retarder la publication de cette philosophie finale
qu'il avait promise. Mais le reproche qui lui fut le plus sensi-
ble, fut celui d'ébranler la foi religieuse par sa doctrine ; c'est
le seul auquel il répondit, après quoi cet homme de génie
prit le parti, sans exemple , de garder le silence pendant qua-
rante ans, de supporter, sans daigner y répondre, toutes
les attaques auxquelles il fut en butte, et de laisser régner
en souveraine une philosophie rivale dont il avait sondé le
vide. Ce ne fut que près de dix ans après la mort de Hegel ,
et lorsqu'il vit le découragement oîi celui-ci avait laissé l'Al-
lemagne à l'égard de l'avenir de la philosophie, qu'il a été
appelé à l'université de Berlin pour le remplacer, et qu'il a
accepté cette tâche, eu annonçant qu'il allait faire connaître
enûn la philosophie définitive. Malgré l'autorité d'un nom si
glorieux et d'un si grand caractère, il est présumable que cette
assertion a rencontré des incrédules. Toutefois, on a compris
qu'il faut attendre, et que nier la possibilité d'une telle phi-
losophie , à raison des difficultés du sujet , n'était pas permis
avec un homme de la portée de M. de Schelling.
Je l'avoue , cher Zimmerman, il y a pour moi un attrait
irrésistible dans la philosophie de cet homme supérieur,
parce que j'y trouve précisément des principes analogues à
ceux que j'ai pris pour bases de la philosophie de la musique.
J'ai exposé sommairement ces principes dans le cours que j'ai
fait h Paris en 1832, puis dans un article sur le sens musical,
ses j)erceptions ei les jugements que nous en portons , inséré
dans la Revue musintle du 7 juin 1835 , et postérieurement
encore dans le plan de ma philosophie de la musique. Per-
mets-moi de les résumer ici d'une manière générale et aussi
simple que possible , pour éviter tout maenlendu.
La diversité des résonnances qui affectent noli e sensibilité
ne nous fournit que des faits isolés d'expérience, sans liaison
nécessaire, jusqu'à ce qu'il s'établisse entre eux, dans la con-
science, une idée de rapports qui a son origine dans notre fa-
culté de concevoir. Là est le point d'identité entre les phéno-
mènes de l'objectif et les lois du subjectif.
Les bases de la musique existent donc à la fois dans les
manifestations de certains phénomènes, et dans les rapports
qui s'établissent dans la conscience, à l'occasion de ces
phénomènes. Le calcul fournit une démonstration de la
réalité de quelques uns de ces rapports. Sans doute cette
réalité n'est relative qu'à nos facultés de percevoir et de juger;
car nous ne savons rien des choses en elles-mêmes ; mais si
nous sommes destinés à ignorer toujours pourquoi la création
n'a pas établi la série de sons que nous appelons la gamme K
des intervalles égaux , de manière à satisfaire à la fois notre
'■ sensibilité et notre entendement, nous avons du moins la cer-
titude par la conscience que, telle qu'elle est, celte série en-
i gendre des ordres de faits analogues aux conditions de nos fa-
! cultes sensibles et intellectuelles , soit dans la succession mé-
I lodique , soit dans l'agrégation harmonique.
i Dès que la diversité des intonations des sons se manifeste
! dans la conscience comme l'origine d'intervalles entre ces
I sons , l'intelligence fournit les moyens de détourner les pro-.
j portions de ces intervalles, et par l'identité de ces deux faits,
I la simple perception prend le caractère d'une vérité dé-
; montrée.
j Cependant ce serait une erreur de croire que les propor-
1 lions représentées par des nombres peuvent conduire à la
j construction de la gamme à priori , car cette gamme ren-
1 ferme des éléments sensibles d'attraction et de repos, suivant
i de certaines conditions qui ne sont pas des déductions de
proportions numériques , puisque celles-ci sont autant de faits
! isolés qui ne se présentent pas dans un ordre nécessairement
j déterminé.
i D'autre part , il ne peut y avoir d'attraction entre un son et
i un aulrelorsqu'ils sont entendus séparément. L'attraction ré-
sulte donc de l'accord simultané des sons, c'est-à-dire de
l'harmonie. A la manifestation du phénomène de l'accord, le
moi fournit aussitôt la loi de cohésion harmonique, qui déve-
loppe dans la conscience la double relation de consonnance
et de dissonnance. De la relation de consonnance naît la loi de
repos , et de la relation de dissonnance , la loi de résolution
et de mouvement.
Or de ceci résultent les conséquences les plus importantes;
car si la consonnance est à la fois la cause occasionnelle et le
produit de la loi de repos dans la conscience , il suit de là
qu'une musique qui n'a que des relations de consonnances
n'a pas d'attraction , partant, pas de degré déterminé ; con-
séquemmcnt, que les sons de la gamme étant donnés, cette
gamme peut commencer par l'un ou l'autre de ces sons. Tel
est en effet le système de tonalité de la musique des Grecs
et de celle du chant de l'église catholique, dont tous les
modes n'offrent qu'une seule et même gamme commencée
par ses différents degrés. Au contraire, une musique basée
sur des relations de dissonnances, soumises à la loi de résolu-
tion et de mouvement, détermine nécessairement un ordre
dans les degrés, et l'intelligence en déduit une formule uni-
que de tonalité où les demi-tons occupent toujours la même
place. Ainsi donc, les résolutions tonales nécessaires de l'har-
monie sol, si, ré, fa, étant «o/ , ut, mi, ou la, ut, mi,
tous les éléments de la gamme sont donnés , et leur position
est déterminée ; car d'une part, tous les sons de cette gamme
sont contenus dansl'accord dissonnant et dans ses résolutions;
et de l'autre , les nécessités d'une tierce majeure ( sol, si , )
d'une quinte mineure {si, fa), et d'une dissonnance {fa, sol),
dans cet accord , entraînant la conséquence des demi-tons
mi au-dessous de fa , et ut au-dessus de si , pour la résolu-
tion , ces dispositions ne peuvent se trouver que dans une
gamme formée sur le modèle de celle d'vt. Toute gamme
commençant par une autre note doit donc avoir comme celle-
là les demi-tons entre le troisième et le quatrième degré , et
entre le septiètne et le huitième. Telle est la constitution de
la tonalité moderne , déduite par l'intelligence du seul fait de
la relation de dissonnance , et par suite de la nécessité de
résolution.
Une autre conséquence importante de la loi de tonalité
ainsi déduite est celle-ci : J'ai dit que les proportions nunié-
DE PARIS.
295
riques des intervalles sont impuissantes à donner la formation
d'une gamme toujours semblable à elle-même, parce qu'elles
ne sont pas dans un ordre nécessairement déterminé : d'où
il suit que ces proportions sont applicables dans une tonalité
basée sur une gamme variable dans l'ordre de ses intervalles ,
pour ses divers modes , comme la tonalité ancienne , car le
caractère de cette tonalité est le repos , et s'accorde consé-
quemmcnt avec des proportions invariables (1). A l'égard de
la tonalité attractive, basée, dans la gamme moderne, par
l'harmonie dissonante naturelle, elle engendre, par l'atirac-
tion même, des proportions d'autant plus variables que les
attractions sont multipliées par les altérations. Ces vérités ,
inaperçues jusqu'à ce jour , démontrent la nécessité d'une
réforme dans la théorie malhématique de la musique.
De tout ce qui précède , on doit conclure que notre sen-
sibilité estallectée de certaines relations successives et simul-
tanées dessous, et que l'entendement, s'emparant de ces
données objectives, s'élève par degrés à la conception géné-
rale des lois de la mélodie et de^'harmonie , puis à la loi plus
générale de la tonalité , dont ces deux parties de l'art ne sont
que des émanations ; enfin , que l'identité des faits d'expé-
rience et des lois de l'intelligence s'établit dans la conscience,
et nous donne la certitude de leur réalité.
De même, la sensibilité est affectée de la diversité , de la
durée des sons , et l'intelligence , s'élevant d'abord à la con-
ception de la mesure du temps dans la succession des sons,
parvient en définitive à la loi du rhythme, qui est celle du
mouvement en musique.
Concevant enfin la réunion et l'action réciproque des lois
de la tonalité et du rhythme en un tout homogène , la raison
parvient à la création complète de l'idée de musique. Telle
est la théorie de la science.
A l'égard de la philosophie de l'art , ou de ïesthétiqite , il
est évident que l'opinion qui veut réduire le sentiment du
beau musical à desimpies perceptions sensibles est une erreur
fondamentale; car il n'y a que les facultés les plus élevées du
moi qui puissent généraliser dans l'idée du beau la multitude
de jugements qui se résument dans cette idée, où viennent
s'identifier dans l'unité toutes les conditions de la sensibilité
et de l'intelligence. Kant, qui s'est laissé entraînera cette
erreur dans son Anthropologie , s'est mis lui-même en con-
tradiction avec ce principe si vrai de sa Critique de la raison
pure : « Le beau est la plus élevée de toutes les formes possi-
» blés du jugement esthétique ; elle préexiste en nous indé-
» pendamment de toute expérience. C'est une forme qui nous
» est inhérente , qui tient à notre propre manière d'être. Il
» ne dépend pas plus de nous de ne pas juger les objets par
B rapport au beau , qu'il ne dépend de nous , dans la sphère
» de la raison pratique , de ne pas la juger par rapport au bon
» et au juste. »
Or , la musique est de tous les aris celui dans lequel la con-
ception du beau est la plus complètement idéale , n'ayant
pour objet de représentations d'aucune espèce, lorsqu'elle
n'est pas l'auxiliaire de la parole, et ne puisant qu'en elle-
même les éléments des impressions qu'elle produit et des idées
(l) Je ne veux pas parler ici des proportions généralement admi-
ses; car celles-ci ont été faussées dans le xvi' siècle par un rnalenj-
tendu, en ce qu'on a considéré comme majeurs les demi-tons mi, fa,
et*!, «I; tandis qu'ils ïonl mineurs, el dans les proportions de 243:
25G, comme l'avaient bien vu les pythagoriciens , au lieu de 15 : 16,
suivant la doctrine des modernes. De celte erreur singulière est ré-
sultée la distinction erronée de deux sortes de tons, dans les propor-
tions de 8 : 9, et de 9: 10, tandis que tous les tons sont égaux comme
8:9. On trouvera la démonstration de ces choses dans ma Pliilow-
phie de la musiciiie.
qu'elle développe ; différente en cela des arts du dessin et de
la poésie , qui prennent leurs objets dans le monde extérieur
et dans les sentiments définis.
Cela posé , il est démontré que les théories empiriques du
beau, basées sur l'imitation de la nature, ne sont point appli-
cables à la musique, et que , lorsqu'on réduit cet art à des
imitations de cette espèce , on lui fait subir une dégradation.
Le principe esthétique de la musique n'existe donc qu'en
elle-même , c'est-à-dire dans le moi qui en résume tous les
éléments. Dans l'objet indéterminé , c'est-à-dire dans la
musique insirumentale pure , ce principe est la création
complète de l'idée. — Dans l'objet déterminé , c'est-à-dire
dans l'application de la musique à la parole , à l'aciion dra-
matique , à la pantomime , à la danse , le principe du beau
réside dans la propriété d'accent et de rhythme , relative-
ment au sujet.
Lorsque la création de l'idée est limitée par le développe-
ment des conséquences déjà connues des lois de tonalité et de
rhylhme , elle donne pour résultat le beait régulier. — Lors-
que cette création arrive jsuqu'à des conséquences inconnues
de ces lois , elle est complète , et transforme l'art en lui ou-
vrant une source d'impressions nouvelles : alors elle prend le
caractère du sublime , car le sublime n'existe que dans la
création complète.
La création de l'idée est la conception du beau à priori;
le jugement esthétique est la même conception à posteriori.
Lorsque le jugement esthétique s'exerce sur l'idée dans
les limites connues des lois de tonalité et de rhylhme , il
s'appuie sur une base qui l'empêche de s'égarer ; — mais si
le jugement a pour objet la création complète de l'idée , avec
transformation , il devient purement idéal , comme son objet.
— Dans ce cas, il peut flotter incertain jusqu'à ce qu'il ait
rencontré le principe de l'idée ; de là la source de ses erreurs,
quand il se formule avec précipitation ; de là la diversité des
jugements esthétiques.
Telestj mon cher Zimmerman , le thème que j'ai déve-
loppé dans ma philosophie de la musique. Les applications
particulières quej'ai faites de ses principes féconds, dans mes
traités de l'harmonie et du contre- point, ainsi que dans mes
ouvrages encore inédits sur la mélodie et le rhythme et sur
l'histoire de la musique, m'ont conduit aux résultats les plus
heureux et les plus inattendus. Ces principes, inconnus au-
paravant, ont fondé pour la musique une théorie complète et
rationnelle qui ne pouvait exister sans eux.
Le contenu de cette lettre m'a paru indispensable pour la
clarté que je dois porter dans la réfutation des singulières
objections de M. Azevedo , contre le principe philosophique
de ma théorie de l'harmonie. Cette réfutation sera l'objet de
ma prochaine lettre.
Ton tout dévoué.
FÉTis père,
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
ERRATA de la deuxième Leilre à M. Zimmerman par M. F.-J.
FtHis. — p. 269, l"col., lig. S, au lien de : septi'emc mineur, lisez :
septième mineure. — Même page, 2= col., lig. 1 1 , au lieu de : la rem-
plaçanipar un grand nombre, etc., lisez : la remplaçant pour un gra7id
nombre, etc. — Même page, même colonne, lig. 4 en remontant, au
lieu de : qui devraient se faire dans l'état naturel, lisez : qui devraient
se faire entendre dans V état tiaturel. — Même page, exemples de mu-
sique , lisez : ta , au lieu de : mi , à la dernière noie de la basse. —
Même page, exemple 4, lisez : ré, au lieu de -.fa, à la deuxième me-
sure de la portée supérieure.
39^
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
REVUE CRITIQUE.
MM. Iiabat. — Verhulst. — Ii'abbé David Faure. —
Giovanni Sazzoni. — Benoist.
ans le mouvement , ou pourrait dire le ma-
laise qui travaille l'art musical en France ,
il serait assez curieux de rechercher pour-
quoi le style sévère est plus en honneur en
province qu'à Paris. Serait-ce parce qu'en
province on a le sens plus droit, le goût du simple et du vrai
beau? On serait tenlé de le croire. La manie de la civilisation,
du progrès qui nous préoccupe incessamment dans ce que
l'on appelle la capitale des beaux-arts , nous pousse vers la
recherche, la manière, l'impossible qui enfantent la musique
idéale , fantasque , le mépris d'unité dans la pensée, l'oubli
de la méthode que quelques uns nomment tout simplement
du génie, et que les demi-savanls en musique et les littéra-
teurs sont toujours prêts à soutenir, encourager, exalter au
détriment des artistes d'un vrai savoir. Ces choses sont des
vérités déjà émises et que nous avons dites bien des fois nous-
même; mais on ne saurait trop les répéter, les proclamer;
et cela prouve en tout cas la réalité de la décentralisation
musicale, quoique le clergé de nos départements soit encore
plus inintelligent que celui de la capitale en fait de musi-
que, et certes ce n'est pas peu dire. Voici venir M. Labat,
organiste^ de la cathédrale de Moutauban , qui publie deux
cantiques pour le salut , à trois voix égales avec orgue ou
piano obligé , et composés pour les élèves des dames noires.
Ces deux morceaux sont purement écrits et montrent un
bon sentiment de la musique réellement religieuse. Bien
qu'on puisse demander compte à l'auteur de sa carrure mé-
lodique qui s'annonce dès le début par phrases de trois
mesures suivies d'un dessin procédant de quatre en qua-
tre; bien que sa prosodie sur des paroles françaises ne soit
pas très rationnelle, on reconnaît dans la musique de M. La-
bat le principe d'une bonne éducation musicale. Après l'in-
troduction à voix seule du premier de ces cantiques , un
chœur à trois voix entre pompeusement en matière sur ces
paroles de communion: O pain de force et de vie! Ce vers
est repris après une vingtaine de mesures en imitations qui
sont d'un pittoresque et bel effet ; puis vient un solo de con-
tralto d'un caractère noble et touchant. Cet andante en
mesure à six-huit en sol mineur se repose sur la dominante,
et , sans résolution , exception qu'il ne serait pas bon de
propager, reprend le chœur en si bémol majeur.
Le second cantique, qui procède sans solo brillant, est
presque tout en chœur par masses harmoniques ; il a quelque
chose de mystérieux dans l'annonce de quatre mesures à
voix seule qui fait valoir on ne peut mieux les masses vocales
qui suivent; puis la phrase: Plus mon œil tremblant te
contemple, sur un trémolo en la bémol majeur, est d'un
effet grandiose quoiqu'un peu dramatique ; on sent là l'en-
vahissement des idées romantiques. Malgré cela, et peut-
être par cela même , car cette lueur du genre moderne fait
parfois un heureux contraste avec la sage retenue du style
sacré qui prédomine dans la musique de M. Labat, ce
«norceau a quelque chose de saisissant qui séduit et entraîne
l'anditenr. Enfia l'œuvre de M. Labat est d'une bonne école
et peut faire traduire le vers de Voltaire en celte vile prose :
C'est de la province aujourd'hui que nous vient la lumière.
— Nous signalerons encore M. Verhulst comme marchant
dans la voie sacrée de la musique purement religieuse dans
toute l'acception classique. Ce compositeur a fait publier par
les éditeurs associés de Mayence , d'Anvers et de Bruxelles
une hymne : Clemens est Dominus à deux chœurs , œuvre
remarquable par la pureté du style, qui rappelle celui de
Cherubini et des grands maîtres dans le genre sévère. Cette
belle hymne est traitée avec une grande connaissance des
voix et une parfaite expérience de l'orchestre; c'est une
œuvre de conscience et de savoir qui fait honneur à celui qui
l'a écrite.
— Le sentiment musical se développe tellement en France
que voici ftL l'abbé David Faure qui a fait imprimer dans la
ville natale de M. de Pourceaugnac une Nouvelle méthode de
plain-chant et de musique à l'usage des séminaires, collèges,
écoles normales et primaires de France. Quoique lançant de
Limoges son manifeste en faveur du plain-chant ,' M. l'abbé
Faure reconnaît que Paris est pour quelque chose dans le
mouvement musical qui emporte toutes les classes de la
société ; et il cite les cours gratuits de chant fondés dans la
capitale par les Chauron et les ViUem. Nous aurions autant
aimé qu'il nommât ces deux théoriciens estimables et assez
connus Choron et Wilhenv^ mais en supprimant une lettre
de trop dans le premier de ces noms et en en ajoutant une
au second, il y aura à peu près compensation , et cela pourra
s'arranger avec quelques autres petites modifications. Nous
espérons donc voir dans la seconde édition que nous souhai-
tons à l'auteur de l'ouvrage , figurer cet erratum au nombre
des errata qui sont à la dernière page de ce livre, livre con-
sciencieusement fait, au reste, dans plusieurs parties , et qui
sera utile aux partisans , aux amateurs du chant grégorien ,
et par suite à ce pauvre clergé de France, si persécuté et si
malheureux, et qui supporte l'oppression avec une silencieuse
humilité, une patience, une admirable résignation rappelant
si bien celle de Jésus-Christ.
— Pour ne pas quitter la province , au-delà de Limoges et
de Monlauban, dont nous venons de vous parler, sous le beau
ciel de l'Occitanie qui rappelle celui de la belle Ausonie, dans
l'antique cité des Tectosages qui vit jadis fleurir les trouba-
dours, Clémence Isaure et récemment le recensement, nous
vous citerons M. Giovanni Bazzoni, habile professeur de chant
et compositeur distingué. Pour prouver ses facultés en cette
dernière qualité , il a mis en musique les beaux vers de
M. de Lamartine intitulés : le Crucifix, et en a fait une scène
lyrique dans laquelle brillent des beautés vi-aiment drama-
tiques, ainsi que dans les Funérailles, mélodie élégiaque,
profondément sentie, et comme inspirée par la muse d' Young,
pour voix de contralto ou de baryton. Ces deux morceaux
sont pour leur auteur comme un garant de l'avenir qui lui
est ouvert, et qu'il vient tenter de réaliser dans Paris.
— Et puisque nous en sommes à la bonne musique, à la mu-
sique classique, aux hommes cjui savent et qui savent bien, le
nom de M. Benoist vient se placer tout naturellement sous no-
tre plume. Pour se délasser des travaux du professorat au Con-
servatoire, M. Benoist, lesavant organiste que vous savez, s'est
misa écrire douze études pour le piano, études, caprices,
charmantes fantaisies, gracieuses et scolastiques tout à la fois,
qu'on se prend à jouer, à répéter , comme on redit souvent
les mélodies de Schubert , parce que dans chacune de ces
études il y a un but , un travail utile pour les doigts, caché
sous une délicieuse pensée mélodique. Ce recueil, d'un style
aussi pur qu'élégant, ne renferme que des morceaux acces-
sibles aux pianistes de toutes forces, et par cela même il est
une exception à tant d'études inexécutables qui surgissent de
tous côtés: aussi le succès de ce recueil est-il assuré. Chacune
de ces études a un but d'utilité classique. La première sert à
donner de l'agiUté aux doigts dans le style lié ; la seconde , en
fa majeur, en mesure à deux-quatre, se compose entière-
DE PARIS,
297
ment d'un cantahile accompagné par huit doubles croches ,
pendant que la main gauche fait entendre une riche harmo-
nie procédant par deux noires. Ce travail est excellent pour
habituer l'élève à prononcer, à bien soutenir la mélodie de
la main droite, pendant que les doigts de cette même main
qui chante font entendre l'accompagnement des huit doubles
croches dont nous venons de parler. L'obstination du même
dessin mélodique decelte étude, qui est une des plus longues,
l'entache peut-être d'un peu de monotonie. La troisième,
qui est aussi longue , le paraît moins par le mouvement de
scherzo que lui a donné l'auteur; elle est d'un genre léger et
brillant , et renferme quelques passages de basse en styk lié
d'un joli effet. C'est aussi en ce style lié, qui est fort à la
mode sur le piano , qu'est écrit le n" 4- Ici encore une mé-
lodie bien distincte, accompagnée par la main droite en
triolets, sous lesquels intervient un dessin bien contrasté à la
basse, qui contient cependant quelques hardiesses harmoni-
ques un peu dures, notamment de la 31» mesure à la 32', où
la basse fait entendre une quarte assez crue contre le chant.
Quoi qu'il en soit de ces légères inadvertances , ce morceau
est plein d'élégance et de charme, et toujours logique, sui-
vant la bonne habitude et le faire excellent de l'auteur.
Nous n'analyserons pas minutieusement chacune de ces
charmantes études , n'ayant point assez d'espace pour nous
livrer à ce travail ; mais nous signalerons aux amateurs la
grâce de la 6% et le genre misterioso , religioso , espressivo et
qu'on peut caractériser de delizioso delà 8". La 9% qui doit
se jouer scherzando, est un deux-quatre en ré bémol majeur
plein d'entrain et de vivacité , et qui n'est pas d'une exécu-
tion très facile; de plus elle est assez longue et capricieuse-
ment modulée. Le n° 10, dans le même rhythme que le pré-
cédent, offre un utile et bon travail pour donner de l'agilité à
la main gauche.
Autant la dernière de ces excellentes études est d'un genre
reposé, louré, autant la 11' qui la précède est d'un style sau-
tillé pour les deux mains : elle est parfaitement conçue pour
exercer l'œil, l'oreille et les doigts, pour saisir avec précision
les intonations, les intervalles disparates qui la composent d'un
bout à l'autre. Nous le répétons avec plaisir, le recueil des
douze études de M. Benoist est un véritable cadeau à faire
à tout pianiste amateur ou même artiste ; on y trouve tout à
la fois le bon style des écoles dupasse, la richesse harmo-
nique du présent sans la manière maladive et tourmentée de
la mélodie actuelle , et la tendance d'un meilleur enseigne-
ment à venir.
Henri Blanchard.
UNE DAME DE CHOEUR.
Dessin de Gavarni.
On a tout dit sur la Dame de chœtir : on l'a mise en feuil-
~ letons , on l'a mise en pièces; nous-même , nous en avons
décrit soigneusement, et con amore . les différentes variétés
en traitant dans ce journal le chapitre des Fdles d'Opéra
(V. Gazette musicale, iSiO). Le crayon de Gavarni l'a saisie
dans l'exercice de ses fonctions : il n'a choisi ni la plus belle
ni la plus laide; il l'a prise consciencieusement dans la région
moyenne , qui est aussi la plus peuplée. Le portrait est fidèle
à tel point , que j'ai peur que la dame par lui esquissée n'ait
posé devant lui sans le vouloir et sans s'en douter.
MM. les Abonnés recevront avec le nnroéro de ce
jour : Une Étude pour le piano par S. Thalbcrg.
UOtTTliliLBS.
*.* Demain lundi , à l'Opéra, première représentation i'Uihello,
musique de Rossini.
*.* On annonce que le congé de M°" Dorus-Gras, qui devait
nous quitter encore pendant le mois de septembre, est rachelé.
",* Fouiller est attendu à Lyon, où il va succéder à Roger , le bril-
lant ténor, dans la faveur publique.
*,* Sainl-Denis, l'ex-chanteur de l'Opéra, vient de débuter heu-
reusement à Toulouse dans TMcie de Lammermoor.
"," Aucun engagement n'a été conclu jusqu'ici entre iMoriani, le
célèbre ténor, et le directeur du Théâtre-Italien de Paris.
",* M. et M'"» Ronconi, après avoir donné avec beaucoup de suc-
cès des concerts à Pesth , viennent de partir pour Corne, où ils se
reposeront pendant quelques mois avant leur retour à Paris.
*,"I>'un des élèves du Conservatoire, engagé récemment à l'Opéra-
Comique, Chaix, a débuté dans V Eau merveilleuse par le rôle de Tar-
tagtia, qui était nouveau pour lui. Il faudrait bien se garder de le
juger sur cette épreuve, dont les conditions n'étaient pas toutes à
son avantage. Chaix a une bonne et belle voix, une excellente phy-
sionomie : le temps et l'expérience lui donneront le reste.
",■* La troupe de l'Odéon a terminé ses représentations au Havre
Xiar AiiHyoïie, qui a été donnée quatre fois de suite. La musique de
Mendelssohn a été très appréciée. Les choristes du Théâtre-Italien
ont , en outre , exécuté dans un intermède musical plusieurs choeurs
qui ont produit beaucoup d'effet, surtout celui de Charles VI, qui
a été bissé et redemandé par acclamation dans trois soirées consé-
cutives. M. Bréiiiont, frère de la basse-taille de l'Opéra, s'est fait
applaudir en chantant le fils du Corse et les Adienx dans la nuit,
d'Auguste Morel.
*," Qui croirait qu'on n'a permis à M. Alary de donner concert au
Ranelagh que sous lacondition expresse qu'il n'y serait chaulé au-
cun morceau de l'opéra de Charles VI ? On a craint que le duo des
caries ne fit demander le chœur national.
",* Les frères Raltî ont donné dans les bains des Pyrénées, en
moins d'un mois, 11 coricerts, dont les recettes ont dépassé 12,000 fr.
Que dire de plus pour constater un immense succès ?
*,* Liszt sera de retour à Paris vers le 15 septembre, pour se repo-
ser des succès briUanis qu'il oblient dans tout le midi de la France.
%* Le célèbre pianiste, Louis Lacombe, vient de donner à Cham-
béry, Vichy et Aix-les-Bains des concerts dans le genre de ceux que
Liszt a mis à la mode. Il n'y exérulait pas moins de huil morceaux ,
et loin de trouver qu'il y avait excès, l'auditoire a témoigné le plus
vif empressement d'entendre encore l'artiste, dont l'exécution bril-
lante et passionnée s'identifie si intimement avec le génie des maî-
tres qu'il se charge d'interpréter. On a aussi vivement applaudi les
Nocturnes et la Fantaisie dramatique de sa composition.
*," Nous avons aujourd'hui à constater un succès de plus, de
M. Jacques OCfenbach, le jeune et déjà célèbre violoncelliste. 11 vient
de se marier avec une jeune, jolie et riche héritière.
",* Doehler et Piatti sont à Bade, où ils donnent des concerts
très suivis. Thalberg sera de retour à Paris vers le 15 septembre,
pour ne |)lus nous quitter pendant tout l'hiver.
*.* M"' Laura Allessandri, que nous avons vu naguère au Tbéà-
tre-Italien, est enj;agée comme prima donna au Théâtre de Saint-
Vélersbourg. On l'ail au même théâtre les offres les plus brillantes à
Lablache.
V Le festival de Cambrai a été une occasion de succès légitimes
pour IVL Poullier, H"' Lavoye, et surtout H. Edouard Butiste. Ce
jeune professeur, après avoir fait exécuter, te 15 août, dans l'église
cathédrale, une messe à grand orchestre de sa composition, n'a pas,
le lendemain obtenu moins de succès au concert. Ou a vivement
applaudi ses deux ouvertures de Loysa de Monifon et de Bianca
Capelto.
*," Une jeune artiste dont le public aime à entendre prononcer
le nom, M"= de la Morlière est île retour à Paris, après avoir donné
plusieurs concerts à Yichy, IVéris, et au Mont-Dore. L'élite de
la société cosmopolite qui peuple ces lieux de rendez-vous fashio-
nable n'a manqué à aucun des appels que lui a faits la jeune canta-
298
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
trice, et les plus brillants succès, les hommages les plus empressés
ont prouvé à M"' de la Morlière, que le public des eaux était digne
de l'apprécier et de l'applaudir.
*.* La Juive d'Halévy a été représentée à Pestli au théâtre d'été
par les élèves du Coiiscrviitoire , el elle a obtenu d'unanimes ap-
plaudissements.
%* Jeniiiie I", reine de JYaples , musique du maestro Taddei , a
oblenu un succès complet à Gênes ; M"= I.oewe qiii chantait le rôle
principal, a été rappelée 25 fois et couverte de fleurs.
'," On répète en ce moment à Florence Mignons Fanfan, opéra-
butra , musique de Graffina.
*,* Hoven, compositeur à Vienne, qui a obtenu déjà les plus bril-
lants succès , s'occupe en ce moment d'un grand opéra: le Château
de Tliaga , qui doit être représenté sur le théâtre impérial l'hiver
prochain.
",* I.a musique se répand de plus en plus; en ce moment on con-
struit un théâtre à Pera, avec autorisation du sultan, qui paiera la
plus grande partie des frais, pour avoir un Opéra permanent près de
son palais.
'/ La fille du célèbre Spohr, mariée au professeur Wolff de Cas-
sel, est en ce moment à Paris.
%* Lord Westmorland n'est pas encore de retour de son voyage à
Londres; les réunions musicales et les artistes se ressentent de l'ab-
sence de ce Mécène.
*.* On a représenté dernièrement dans un salon d'un riche parti-
culier de Berlin : les Prisonniers de Piaule, et dans les enlracles on
a chanté des odes d'Horace, mises en musique par Taubert. On dit
que cette composition est très remarquable et qu'elle sera bientôt
publiée.
*,* On lit dans la Gazeile musicale de yienne : « Un journal de
« musique qui se publie à Paris sous le litre pompeux : la France
» musicale , se donne toutes les peines possibles pour faire de Verdi
» un grand compositeur , et il assure que son dernier opéra Emani
» qui, suivant cette feuille, est un chef-d'œuvre, a été représenté à
» Vienne avec un immense succès, et que le maësiro Verdi, présent
» à cette représentation , aurait /aùse couler des larmes de bonheur.
» Kous ne doutons pas qu'il n'eut pleuré , mais certes ce n'est pas le
» bonheur qui aurait fait couler ces larmes , car Emani est un des
» ouvrages les plus médiocres de l'école nouvelle d'Jtalie. La France
» musicale dit encore que M. Standigl , la célèbre basse-taille , est
» engagé à l' Opéra de Paris. Nous pouvons assurer que cet artiste a
» encore un engagement de plusieurs années avec le théâtre impé-
» rial de Vienne. »
Clu'oiûfiiie étraiigère.
*," Bruxelles, 24 août. — Nous avons déjà constaté le brillant suc-
cès que vient d'obtenir ici la Reine de Cliijprc. Voici comment les
principaux rôles sont distribués : Gérard, M. Laborde ; Lusignan,
M. Laurent; Mocenigo, M. Couderc ; Calarina , M"= Julien. Après
avoir donné une analyse détaillée du poëme , apprécié les différents
morceaux de la partition et le talent des divers artistes, V Indépen-
dance belge conclut en ces termes : «Soutenue parl'intérétdu poëme
» el par le mériie de la musique, par une belle mise en scène el par
» une exécution qui ne fera sans doute que s'améliorer (ceci soit
» dit surtout pour les chœurs et pour l'orchestre), la Heine de Cliij-
» pie est destinée à fournir une carrière longue et productive. Il y
» avait longtemps que le théâtre de notre capitale n'avait offert un
» spectacle aussi attrayant à ses habitués. » La semaine dernière le
chef-d'œuvre d'Halévy a été représenté trois fois les 26, 28 et 30
août ; toujours il y avait foule, et l'on a refusé des billets au public
qui assiégeait les bureaux. On nous promet pour bientôt C/iar/es ^7.
*," Aix-la-Chapelle. — Le directeur du théâtre de cette ville avait
préparé à ses abonnés une grande fête musicale, en invitant le cé-
lèbre violoniste Ernsl à donner quelques concerts. L'enthousiasme
a surtout accueilli les fantaisies sut Ludovic et le Carnaval de Venise.
Avant son départ, M. Ernst a encore donné un concert au profit
d'une institution de bienfaisance , et la sympathie générale lui a
répondu.
",* La Haye, Il août. — Décidément le triomphe de la Heine de
Chypre commence à nous fatiguer ; nous nous lassons d'être le com-
plaisant historiographe de ses succès, et d'avoir toujours à signaler
même affluence de spectateurs, mêmes bravos, mêmes applaudisse-
ments, et toujours même éclatant spectacle, car il y a là plaisir pour
les yeux, plaisir pour les oreilles, et vif intérêt pour l'esprit dans
ce cinquième acte dont la situation est si attachante.
*,* Berlin. — M. Meyerheer est parti pour Dresde; son opéra en
trois actes, composé pour l'inauguration de la nouvelle salle d'Opéra,
est déjà mis en répétition ; on espère que ce sera un antécédent ca-
pable d'encourager le grand maître à confier son Prophète à nos
artistes.
*,* Leipzig. — Le Conservatoire de musique vient d'introduire
dans son cours de piano les Étwies de Stcphen Heller.
V Leipsicl:.\ — La salle de spectacle, restaurée el décorée avec un
luxe de bon goût, a été livrée au public. La décoration est fond blanc
el or ; l'intérieur des loges est rouge ainsi que la toile : l'ameuble-
ment de la scène est d'une richesse extrême. La réouverture a élé
faite avec Don Carlos ; la représentation a commencé par l'ouverture
àeJubel de Weber. Le 12 août, Don Juan, succès complet. Les
chœurs, les morceaux d'ensemble, l'orchestre, tout a élé à merveille.
L'enthousiasme était tel, qu'on n'attendait pas les cntr'actes pour
rappeler les acteurs. M">« Meyer de Vienne (dona Anna ) est une
cantatrice de premier ordre. Le public de Leipsick prend un si vif in-
lérèl aux jouissances scéniques, que presque toutes les stalles sont
louées.
— Un petit marchand de musique, C. Bote et Bock, vient d'être
condamné à six cents francs d'amende ou quatre semaines de prison,
el aux dommages-intérêts, etc., pour avoir contrefait les solfèges de
Bordogni cl de Nava, sous un autre nom. Voilà une preuve irrécu-
sable que les tribunaux de la Prusse protègent également les droits
des étrangers comme ceux des indigènes.
*,* Saxe. — La fête musicale, dirigée par M. Schneider, a très bien
réussi àMcissen; loiites les petites villes des environs y ont parti-
cipé en envoyant comme contingent leur l.iedenafei ( société de
chant d'hommes;. Or, six cents voix étaient réunies; c'étaient les com-
positions de Schneider, Kûcken {actuellement à Paris), Ticissigcr
qui ont eu la palme.
*«' Ems. — Les trois concerts que M. Théodore Doehler a donnés
ici étaient des plus brillants; toute la société lâshionable y a assisté;
or le prince Frédéric de Prusse, la princesse de Cobourg, les princes
deSaxe,etc , n'y manquaient pas; des applaudissements frénétiques
accompagnaient la Tarentelle, la Polka, les fantaisies sur des motifs
de Lucia et la Favorite, du célèbre virtuose ; en exécutant la Chasse
deStephen Heller, il a déployé tant de verveet de bravoure qu'on l'a
redemandée unanimement. M. Doehler est parti pour Bade.
V Madrid. — La Favorite de Donizetti vient d'être représentée
avec un grand succès sur le théâtre del Circo.
— Le 20 du mois dernier, la Société philharmonique de Malagaa
tenu sa première séance.
*," Brunsivick. — On annonce la représentation très prochaine d'un
opéra nouveau, intitulé : Maria Dotores ou le Parjure; le texte est
de. M. Schmelzer et la musique de M. Roehier.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
En vente chez Maurice SCHLESlNGFPi, 97, rue Richelieu; et chez
ROVER , libraire, 40, place du Pulais-Royal.
BiOGMFiiiiî mmmui des iilsicie^s,
BIBLIOGRAPHIE GENERALE DE LA MUSIQUE,
par
F.-J. FÉTIS,
lU^iUre de cliapellc du roi des Belges, direcleur du Conscnalgirc de musique de Bruiellci.
ïome VHP, 2" pttrtie, terminant l'ouvrage, avec
la planche d du 1" volume.
La publication de la deuxième partie du dernier volume de la
Biographie universelle des musiciens complète cet ouvrage, et con-
duit à sa fin la plus vaste entreprise formée par un seul homme pour
les progrès de la science de la musique. La planche d , publiée avec
cette dernière livraison, était impatiemment attendue; elle contient
le l'ac-simile, d'après un manuscrit de la Bibliothèque de Paris, d'un
chant en latin barbare sur la bataille de Fonlanet, en Bourgogne,
livrée le 25 juin 844, avec la traduction de la musique en notation
moderne. Ce chant, composé par Angelbert, soldat Frank qui avait
combattu à Fontanet, est noté en notation saxonne dans le manu-
scrit. Nous atiendions l'entier achèvement de la Biographie univer-
selle des musiciens pour en donner une analyse détaillée ; nous ne
tarderons pas à la publier.
Imprimerie de BOURGOGNE et MARTINET, 30, rue Jacob.
Voar Paris : ua an , 30 fr. ; six mois, 15 fr. — Annonces : 50 c. la ligne de 28 lettres — Départements : un an , 34 fr. Etranger, 38 fr.
REVUE
GAZETTE MUSICALE
BÉDIGÉE PIB
MM. ANDERS, G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, Henri BLANCHARD,
MaUiuce" BOURGES, F. DANJOU, DUESBEUG, FÉTIS père, Êdouabd FÉTIS, Stepben HELLER, J. JANIN,
G. KASTNER , LISZT, J. MEIFRED , GEORGE SAND , L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, elc.
Favaiaaant tous Mes MUntuncIies.
IL SERA JOINT A CHAQUE IMUIUÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
Le 1*' et le 15 de chaque mois oa recevra un morceau de musique*
SOM.MAIRE. De quelques insliluls de musique en Hussie ( premiei-
arlicle). — Exposilion des produils de l'induslrie (huitième ar-
licle); par G.-E. AKDEUS. — Académie royale de musique:
OïlitUo , de Rossini (première représentation). — Messe solennelle
à Saint-Méry, matinée musicale chez M. Bodin ; par II.
BLAIVCIIAIiD. — Kouvelles. — Annonces.
LE TAMBOUB DE VILLAGE. Dessin de Gavarni.
DE OUEfcOUES INSTITCÎS DE MUSIfiUË
i, pour .ibréger ce
titre, je l'eusse fait
plus général , il au-
rait abusé le lec-
teur. Mon intention
ne va pas , en effet ,
jusqu'à traiter de la musique en Russie,
de la culture et de l'état de cet art dans
toutes ses branches. Ainsi, je ne veux
parler ni de l'Opéra-Allemand, qui a depuis
longtemps droit de cité à Saint-Pétersbourg et
là Moscou; ni de l'Opéra-Italien, qui vient ré-
cemment de s'y acclimater par de brillants suc-
cès ; ils sont l'un et l'autre étrangers sur la terre
des czars, et tellement répandus dans l'Europe en.
tière que chacun peut les connaître à peu près sans
sortir de chez soi. Je ne veux même point parler de
l'Opôra-Russe, qui a aussi son temple, ses desser-
vants et ses fidèles, ni généralement de la musique compo-
sée par des Russes, car elle échappe à la critique, et pour
une raison toute particulière au pays : il n'y a pas, en Russie,
de compositeurs-artistes, faisant de leur talent une profession.
Cette société sans intermédiaire, sans transition et sans lien.
k
qui présente une caste de nobles au milieu d'un peuple de
serfs , l'excès de la richesse et du loisir parmi l'excès du tra-
vail et de la pauvreté , la science de quelques uns au sein de
l'ignoranre commune, la civilisation entourée de la barbarie,
l'Europe dans l'Asie et le xix» siècle dans le xiii"; cette so-
ciété , qui n'a pas encore de classe moyenne , n'offre point
de place pour ce que nous nommons un compositeur, pour
un artiste de profession , écrivant de la musique , comme un
auteur des livres, à l'usage du public, et relevant de ses arrèis
souverains. ■ — Les Russes qui cultivent la composition (le
nombre n'en est pas très grand) , appartenant tous à la classe
qui a le privilège de l'éducation comme delà fortune, ne
cherchent dans ce travail qu'un délassement , un plaisir , une
occupation distinguée, qui satisfasse leur goût dominant , et,
sans les astreindre à un labeur obligé, remplisse des loisirs
souvent bien à charge par leur continuité. En un mot, ce
sont des compositeurs-amateurs. M. Michel de Glinka, auteur
très estimé dequeUjues opéras russes, entre autres de Riiss-
ZflM et L«dmt7a (sujet fantastique tiré d'un poème de Pousch-
kine), où il s'est montré sans hyperbole le digne émule de
Weber pour la science et l'originalité; le général Alexis
Lvoff, auteur du célèbre Hymne naiionaZ, qui rappelle,
dans sa belle et forte simplicité , le God sme the king ; les
comtes Michel et Mathieu "Wielhorski , musiciens de premier
ordre; enfin, loin de ceux-là, tout ce qui noircit du papier
à cinq raies , tout ce qui cherche une idée, les doigts sur le
piano , tout ce qui écrit une romance, une valse, moins en-
core, une variation; tous, grands et petits, forts et faibles,
tous sont des amateurs.
Il ne s'agit donc ici que de certaines parties de l'art musi-
cal cultivées spécialement en Russie, et tellement particulières
à ce pays qu'on ne trouverait rien de semblable dans le reste
du monde. Tel est, en premier lieu, l'institutdes Chantres de
la cour.
Ce que sont , ou plutôt ce que furent les musici de la
BUREAUX S' ABONNEMENT, BUE BICHEI.XEU,
300
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
chapelle sixtine pour la papauté catholique , les chantres de
la cour le sont aujourd'hui pour la chapelle de l'empereur,
qui est h peu près le pape du grand schisme grec. Mais vieil-
lissante, énervée, décrépite, l'une de ces institutionsn'est plus
que l'ombre d'elle-même et u'a que le souvenir de sa célé-
brité passée , tandis que l'autre , jeune encore , et marchant
toujours dans la voie du progrès , a devant elle un long et
brillant avenir. Je puis parler des chantres de la cour, non
par ouï-dire , mais de visu et surtout de nuditu, car j'ai eu
le plaisir, rare et précieux pour un étranger, de les entendre
à la chapelle impériale du palais d'hiver , notamment dans
une des messes solennelles du grand carême appelée d'avant
la consécration des pains , et j'ai même eu le plaisir, plus
rare encore et plus précieux, d'être admis dans leur hôtel, où
ils vivent ensemble comme les moines d'un couvent, et de les
entendre exécuter devant un petit auditoire choisi les plus
beaux morceaux de leur répertoire, si, pour éviter une péri-
phrase , on peut appliquer ce mot tout profane à des chants
religieux.
Le corps des chantres se compose d'une centaine de per-
sonnes, tous hommes, et hommes complets, ce qui forme une
différence radicale entre eux et les musiciens efféminés de la
chapelle sixtine. Il n'eût pas été difficile assurément de trouver
en Russie , et sans chercher parmi les femmes , des voix de
soprano. En effet, de toutes les sectes mystiques et extati-
ques , si nombreuses dans l'empire , qui prennent à la lettre
certains textes des Écritures pour les mettre à exécution en
aveugles et ea furieux , la plus répandue peut-être , et la plus
dangereuse , car elle fait des prosélytes par la prédication ,
l'argent et même la force , est celle des eunuques volontaires.
Ils s'appuient sur ce passage de saint Mathieu (ch. XIX, vers.
12) : « Il y a des eunuques qui sont nés tels, dès le ventre de
leur mère; il y en a qui ont été faits eunuques par les hom-
mes; et il y en a qui se sont faits eunuques eux-mêmes pour
le royaume des cieux. » Et pour gagner sûrement le royaume
des cieux , ils ajoutent au vœu de chasteté , toujours un peu
téméraire , l'impossibilité absolue des chutes et des tenta-
tions (1).
On rencontre beaucoup de ces Abeilards par suicide , à
Saint-Pétersbourg même , notamment dans les boutiques du
grand bazar appelé Gastinoï-Dvor. Mais aucun d'eux n'est
admis dans le corps des cliantres. Les parties de haute-contre
de ténors, de barytons et de basses sont remplies par des
hommes, celles de soprani et à'alti par des enfants. Les
premiers réunissent jusqu'en leurs extrêmes toutes les voix
données au gosier de l'homme. Je n'ose pas affirmer pour-
tant que des ténors montent réellement à \'vt de Duprez,
avec la voix de poitrine , ou bien , avec le fausset , au sol
suraigu de Rubkii ; mais il y a des basses qui descendent, au-
delà du soi profond de Lablache, une gamme tout entière,
qui vont au contre-sol. Ces voix prodigieuses, et d'un admi-
rable effet dans les morceaux d'ensemble , dans les notes te-
nues, dans les basses en pédales, senties bassons, les trom-
ri) Si l'on s'éloniiait, si l'on doutait qu'un lel fanatisme fût pos-
sible de nos jours , je pourrais donner des preuves encore plus sur-
prenantes de la fureur aveugle qui anime certaines sectes religieuses
en Russie. Dans l'une d'elles , par exemple, les affilies croient ga-
gner la récompense du martyre en s'entre-luant. A Moscou , il y a
peu d'années, trente-six personnes, hommes et femmes, se sont
ainsi mutuellement assassinées. Le trente-septième, seul survivant,
car sa croyance lui défendait de se tuer lui-même, s'est livré aux
magistrat» pour être condamné comme homicide. Le prince V., lit-
térateur tris distingué, m'a dit avoir visité dans sa prison ce meur-
trier fanatique. 11 était tranquille, résigné , glorieux, et ne doutait
pas qu'il n'eût gagné le ciel par un acte d'iicroique dévouement.
bones, les ophicléides de l'orchestre humain. Quant aux
enfants, que l'on recrute d'habitude dans les gouvernements
de la Petite-Russie, el en général parmi les fils de marchands
ou de popes(prêtres grecs), on les reçoit à l'Institut des chan-
tres vers l'âge de huit ou neuf ans. Comme il faut prévoir
qu'à l'époque de la puberté, de la mue, les mieux doués
peuvent perdre entièrement la voix , on a soin d'ajouter à
leur éducation musicale de chanteur la culture de quelques
instruments , et même l'instruction universitaire, pour qu'ils
puissent, au besoin, selon leur goût, suivre la carrière des
emplois publics. L'Institut des chantres est donc encore,
pour les jeunes recrues, un petit conservatoire et un petit
collège.
La musique exécutée dans la chapelle impériale à toutes
les solennités de l'église d'Orient est de deux espèces fort
différentes, comme celle qui s'entend dans nos églises catho-
liques. L'une, qu'on peut nommer aussi le plain-chant, et
dont l'origine traditionnelle remonte aux premiers siècles du
christianisme, est le chant du rituel grec. Il se récite , comme
les offices, sur des paroles en langue slave, espèce de langue
sacrée , qui remplit, parmi les races slaves, le rôle du sanscrit
parmi les races indoues ; car , origine commune de tous
les dialectes qui se parlent dans l'est de l'Europe, de la Mer-
Blanche au pays des Monténégrins, elle n'est cependant par-
lée nulle part, et ne sert plus que pour le formulaire du culte.
Le rituel grec rappelle entièrement le chant grégorien, celui
que le pape saint Grégoire établit pour l'Eglise universelle, à
la fm du VI' siècle, trois cents ans avant le grand schisme de
Byzance. Cette ressemblance évidente prouve une fois de
plus que les deux rituels , celui des Latins comme celui des
Grecs, viennent également du Bas-Empire , où l'on connais-
sait dès longtemps, et même avant saint Grégoire, le Canti-
que de snint André. Et si l'on pouvait remonter du plain-
chant à ce canlique, et de ce cantique à la musique des anciens,
on découvrirait sans doute que l'art de la musique, comme
celui de la peinture, a une filiation tradilionnelle et ininter-
rompue, depuis les anciens Grecs jusqu'à nous; on reconnaî-
trait que le plain-chant fixé par saint Grégoire a fait, en quel-
que sorte, partie du dogme chrétien , comme la peinture des
Byzantins, qu'ils sont tous deux restés immuables pendant
l'époque entière du moyen-âge , et que c'est seulement à
l'époque d'émancipation générale appelée la Renaissance ,
grâce à Palestrina imitant Giotto , que la musique a rompu
les Uens du dogme, comme la peinture, pour entrer dans la
pleine liberté de l'art.
L'autre musique exécutée dans la chapelle impériale ,
comme à la chapelle sixtine et dans toute la chrélienlé, est
précisément cette seconde musique, libre, émancipée, entrée
dans l'art au sortir du dogme. Mais il s'en faut beaucoup, il
s'enfaut au moins trois cents ans, qu'elle remonte en Russie
jusqu'à l'époque lointaine qui vit, en Italie, les Palestrina,
les Allegri, les Vittoria, les Monteverde; en Espagne, les Sa-
hnas, les Perez et les Gomès. Ce fut seulement vers la fin
du siècle dernier, sous la grande Catherine , que , par l'intro-
duction de cet élément nouveau , la chapelle impériale reçut
son complet développement, et que, malgré leur ancien nom
toujours conservé, les chantres de la cour devinrent des chan-
teurs. On doit celle heureuse transformalion à l'Italien Joseph
Sarti. Né à Faenza dans la Romagne, en i730, mort à Saint-
Pétersbourg en 1802, nationalisé Russe et anobli, il passa
dans cette dernière ville toiUe la seconde moitié de sa vie.
D'abord compositeur pour le théâtre, auteur distingué d'une
Armida , d'un Giulio Sabino, et d'autres opéras qui pré-
cédèrent, en Italie, ceux de Cimarosa et de Paesiello, il se
DE PARIS.
301
fit , clans sa nouvelle patrje, et avec plus d'éclat encore, com-
positeur de musique sacrée pour la chapelle impériale, dont il
était directeur. Dans cette histoire de Sarti, avancez les dates
de quarante ans, mettez Florence pour Faenza , Napoléon
pour Catherine, Paris pour Saint-Pétersbourg, le Conserva-
toire pour la chapelle , et vous aurez l'iiistoire de Cherubiui.
Mais ce n'est pas seulement une foule de belles compositions
religieuses que Sarti laissa en nsourant à son cher corps des
chantres, qu'il avait, en grand général, formé, discipliné,
aguerri, conduit aux triomphes. Il laissait un digne succes-
seur, son élève Bortnianski. Moins célèbre, peut-être inconnu
dans le reste de l'Europe , mais justement honoré dans son
pays , le Russe Bortnianski a fait plus encore que l'Italien
Sarti lui-même. A force de patience , de fermeté , de soins
intelligents, il a conduit les chœurs de la chapelle impériale
à la dernière perfection d'exécution qui se puisse atteindre ;
et ses compositions religieuses , du style le plus noble , du
goût le plus pur, de l'effet le plus entraînant, mériteraient
aussi bien d'être recueillies, publiées, communiquées au monde
musical, que ces compositions du xvii" siècle, inconnues
aussi, quoique excellentes, qui demeurent enfouies, à l'autre
bout de l'Europe , dans les cathédrales de l'Espagne. Depuis
la mort presque récente de Bortnianski , l'Inslitut des chan-
tres de la cour est heureusement passé sous la direction du
général Alexis Lvoff, qui saura le maintenir à sa haute et
florissante situation. Digne et complet héritier de ses prédé-
cesseurs, le général Lvoff compose avec le même talent, la
même supériorité ; et, pour ne citer qu'un exemple dans ses
œuvres, il a écrit un psaume {Diliejam te. Domine) qui
peut rivaliser avec les plus belles créations de la grande mu-
sique d'église.
{La suite au prochain numéro.)
€ïposition îics Iproîiuits î)c rinïiustrie.
HUITIÈiME ARTICLE.
Piaiâog. — 51M. "l'S^eeîfel et BjaEaa-eaat.
'est la deuxième
fois que MM. Wœl-
fel et Laurent se
présentent au grand
concours. Ils y dé-
butèrent en 1839
d'une manière brillante; leur établisse-
ment ne comptait alors que deux ans
d'existence , mais déjà il jouissait d'une
belle réputation : les instruments qui en sor-
taient étaient très estimés, et méritaient de
l'être, tant pour leur construction soignée dans
tous les détails que pour la belle qualité de
son qui résultait principalement d'un nouveau
système de table d'harmonie.
Pendant les cinq années qui se sont écoulées
depuis , cette maison a constamment été en pro-
grès. M. Wœlfel, auquel tout le monde s'accorde
à reconnaître une grande habileté et une rare intelligence de
son art, n'a cessé de se livrer à des recherches qui ont amené
d'heureux résultats. Il a pris des brevets pour plusieurs per-
fectionnements dont l'utilité est incontestable; une seule de
ses innovations, peut-être, rencontrera des objections, ou du
nîoins demandera du temps pour être adoptée par les artistes
et les amateurs. On verra plus bas de quoi nous voulons
parler.
M. Wœlfel destinait à l'Exposition six pianos d'espèces dif-
férentes, savoir : deux pianos droits à cordes obliques , deux
pianos verticaux et deux grands pianos à ([ueue. Cinq de ces
instruments ont successivement paru dans la salle des Champs-
Elysées ; le sixième , le plus remarquable de tous, n'a pas été
vu du public. Achevé trop lard, la veille de la clôture, il a
été envoyé directement au Palais Bourbon. C'est en visitant
la manufacture même que nous avons pu l'examiner.
Tous ces instruments se distinguent par un fini de travail
qu'il serait difficile de surpasser. Ils ont en outre reçu divers
perfectionnements, dont l'inventeur s'est assuré la propriété.
Nous y avons remarqué un nouveau mécanisme et un nou-
veau système de chevilles, qui nous a paru ingénieux, et dont
les accordeurs surtout sauront apprécier le mérite.
Depuis assez longtemps, plusieurs facteurs reconnaissant la
défectuosité deschevilles ordinairement employées pour tendre
les cordes, ont cherché d'autres moyens plus propres à faci-
liter l'opération de l'accord. On sait que l'emploi des chevilles
est fréquemment sujet à des secousses qui ne permettent pas
toujours de saisir la note avec une grande précision. Pour
remédier a cet inconvénient , quelques uns ont essayé de
substituer aux chevilles un système d'engrenages semblable à
celui qui a été appliqué aux contrebasses. On se rappelle
peut-être avoir vu, à l'Exposition de 1839, un piano droit de
M. Erard, construit sur un pareil système, imaginé, dit-on,
par un facteur allemand de Mayence, qui avait cédé la pro-
priété de cette invention à son célèbre confrère de Paris.
Celte nouveauté n'eut point de succès ; du moins nous ne
sachions pas que M. Erard ait continué de l'appliquer à ses
instruments. D'autres, tout en conservant les chevilles ordi-
naires, ne les faisaient servir que pour opérer l'accord en
gros, et ils le réglaient ensuite au moyen de vis à pression
placées entre les chevilles et le sillet. Nous passons sous si-
lence des essais moins heureux, tels que, par exemple, l'idée
de remplacer la pointe d'attache par un levier auquel la
corde était fixée, et que l'on faisait aussi marcher par une
vis de pression (1).
M. Wœlfel a pensé qu'on pourrait perfectionner la cheville
de manière à remplir toutes les conditions voulues, et il a
inventé une. chevillemécaniquc (comme il l'appelle) qui, d'une
construction simple et solide , se manie avec la plus grande
facilité. Voici en quoi elle diffère de la cheville ordinaire :
la partie supérieure (celle qui domine le sommier) se compose
d'un tube ouvert dans toute sa longueur, et dans lequel joue
une vis que l'on peut élever ou abaisser à volonté, et qui,
dans ses divers mouvements , tend ou détend la corde fixée
h un talon .saillant de cette vis, et passant sur une poulie qui
se trouve au bas du tube.
Cette description, toute incomplète qu'elle e.st , suffira ce-
pendant, nous le croyons, pour donner une idée de l'objet.
Dans ce système , comme on voit , c'est la vis qui tourne ,
et non pas la cheville. Cette dernière, une fois fixée, l'est in-
variablement. On conçoit l'avantage qui en résulte pour l'ac-
cord; car la vis se tourne insen.siblement et n'exige aucun
effort, tandis que la cheville ordinaire demande une certaine
force physique et en outre une grande habitude. Le procédé
au moyen de la vis est toujours sûr lorsqu'il s'agit de tendre
la corde à des degrés presque imperceptibles; il ne l'est pas
avec la cheville ordinaire, qui dépasse souvent la nuance que
(1) Voir la Gazelle muncale de 1839, n» 41, p. 324.
302
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
l'on veut obtenir, à cause des secousses que la clef lui im-
prime. Ajoutons que M. "VVœlfel emploie depuis trois ans ses
chevilles mécaniques dans les pianos de divers genres : leur
solidité est ainsi suffisamment démontrée.
Nous passons au grand piano à queue qui n'a pas figuré
dans la salle d'exposition, et qui mérite un examen particu-
lier. Tout est nouveau dans cet instrument , qui se fait sur-
tout remarquer par la forme inusitée de son clavier.
On a plusieurs fois tenté de réformer le clavier, soit en
supprimant les touches noires pour le rendre tout uni , soit
en faisant régulièrement alterner les touches blanches et noires
(au lieu de ranger ces dernières par groupes de deux et de
trois), soit en donnant aux touches mêmes une forme toute
nouvelle, comme par exemple dans lepimio harmonometre,
que l'on a vu à l'Exposition, et dans lequel les louches
ressemblaient à de larges pions d'un damier placés verticale-
ment.
Rien de tout cela dans le nouveau clavier de M. "Wcelfel ;
les touches y ont conservé leur forme ; elles se suivent de la
manière habituelle : seulement, au lieu de les placer parallè-
lement et en ligne droite, ce facteur les a disposées en éven-
tail , de sorte que le devant de son clavier figure un arc de
cercle.
Un semblable essai a été fait à Vienne, en 1825, par un
facteur nommé StaulTer, connu aussi comme inventeur d'une
nouvelle espèce de guitare, à laquelle il donna le nom de
guitare d'amour. L'innovation du clavier , n'ayant pas été
approuvée par les pianistes, fut abandonnée. Sera-t-elle plus
heureuse entre les mains de M. Wœlfel? Cet intelligent fac-
teur parviendra-t-il h faire adopter celte nouvelle construc-
tion? Nous ne voulons rien préjugera cet égard. C'est aux
grands pianistes qu'il appartient de décider s'ils y trouvent
réellement les avantages que l'inventeur s'en est promis ; car
ce n'est pas le désir d'attirer l'atlenlion publique par quelque
nouveauté bizarre qui lui a suggéré cette idée ; il s'est pro-
posé un but d'utilité. Ecoutons les explications qu'il nous
donne :
La position, dit-il, la plus convenable du bras par rapport
au clavier pendant le jeu, est sans contredit celle où l'avant-
bras se trouve toujours en ligne droite avec les touches, pour
ne gêner en aucune façon l'articulation des doigts et de la
main. Le clavier ordinaire ne permet pas de conserver cette
position lorsqu'il faut attaquer les touches des notes élevées
oii basses; car il faut alors que le coude s'éloigne du corps,
que le corps même suive le coude en se penchant du côté où
la main doit agir. Plus les notes à frapper approcheront d'une
des extrémités du clavier, plus cette inclinaison sera sensible,
et de la position continuellement dérangée du corps il résul-
tera incertitude et diBiculté dans l'exécution.
Dans le clavier nouveau, ces inconvénients disparaissent.
Ce clavier décrit par devant, au lieu d'une ligne droite, un
arc de cercle, où le corps de l'exécutant représente en quelque
sorte le centre, ce qui fait que les coudes peuvent rester dans
la position une fois prise et servir de pivots à l'avanl-bras. Le
corps n'ayant plus besoin de se pencher, il y aura plus de
sûreté dans l'exécution, surtout pour les passages où la main
est obligée de sauter.
Voilà ce que dit M. Wœlfel, et il faut avouer que son rai-
sonnement est fondé jusqu'à un certain point. Mais on lui
opposera peut-être qu'il s'est exagéré les inconvénients du
clavier ordinaire; que la nécessité de pencher le corps pour
atteindre les touches des deux extrémités n'est pas un mal
si grand , puisque cela peut se faire avec aisance et sans con-
torsion. Voyez Thalberg! dira-t-on ; comme sa pose est tou-
jours calme au milieu même des passages les plus difficiles et
qui embrassent toute l'étendue du clavier !
Les opinions seront donc partagées au sujet de celle inno-
vation ; mais si l'on peut douter qu'elle soit utile pour l'exé-
cutant, on ne saurait nier qu'elle ne soit avantageuse pour la
sonorité de l'instrument. La disposition des touches en éven-
tail a permis d'espacer les cordes plus que d'ordinaire, et
d'élargir la table d'harmonie, qui, présentant ainsi aux vibra-
lions une plus grande surface, doit nécessairement augmenter
l'intensité du son; aussi le piano qui nous occupe se distin-
gue-t-il par une puissance remarquable. Toutefois M. Wœl-
fel, qui n'est jamais satisfait de ses œuvres, espère obtenir
un résultat plus décisif dans un second piano qu'il se propose
de construire sur le même plan. Ce plan, nous l'avons dit, est
entièrement neuf; il présentait de grandes difficultés; la per-
sévérance et l'habileté du facteur les ont vaincues heureuse-
ment.
Quant au mécanisme, il est à frappement par dessus et à
double échappement ; il permet de répéter la note sans lever
le doigt entièrement de la touche, avantage que M. Wœlfel
avait déjà obtenu par un autre mécanisme dans un piano ex-
posé en 1839, et dont nous avons parlé à cette époque. Si
nous ne donnons pas ici la description du mécanisme nou-
veau , c'est qu'il serait impossible d'en faire comprendre les
détails sans le secours d'un dessin.
Il est encore à remarquer que l'accord de ce piano se fait
par dessous, c'est-à-dire que la cheville se trouve placée en
sens inverse. Par suite de cette disposition, elle a dû être mo-
difiée ; et au lieu d'être fixée par sa partie inférieure , c'est
par le tube même qu'elle tient au sommier, en sorte que la
clef vient saisir d'en bas l'écrou qui sert à faire tourner la vis.
Puisque nous en sommes sur l'accord, disons un mot d'un
appareil que M. Wœlfel a construit, pour obtenir avec la plus
grande précision ce qu'on appelle la partition en terme d'ac-
cordeur. Il consiste en une série de diapasons formant la
gamme chromatique d'une octave.
L'idée en elle-même d'un semblable appareil n'est pas nou-
velle ; on se rappelle, sans doute, le diapasorama de Matrot.
Ce qui constitue le mérite de celui de .M. Wœlfel, c'est le
procédé qu'il a suivi pour accorder ses diapasons en adoptant
le système de Scheibler, supérieur à toutes les méthodes que
l'on avait employées antérieurement. Ce système, peu connu
en France , repose sur les battements de deux sons dont les
vibrations se heurtent, et qui sont pris pour mesurer le nom-
bre de ces vibrations. C'est par ce moyen que Scheibler, après
de nombreuses expériences, a fixé la valeur numérique de
toules les intonations de l'octave , représentées par une suite
de diapasons en acier, appareil auquel il donna le nom de to-
nomètre. Scheibler publia plusieurs écrits sur sa décou-
verte ; ce sont ces écrits qui ont guidé M. Wœlfel dans son
travail. Voici comment ce facteur a procédé pour faire ses
calculs :
Partant du la d'orchestre , qui donne huit cent quatre-
vingt-six vibrations par seconde, il prit un second diapason
qu'il accorda à huit vibrations de moins que le premier;
puis un troisième qu'il accorda à huit vibrations de moins que
le second, et ainsi de suite , jusqu'à ce qu'il fût arrivé au
cinquante-septième diapason qui donnait quatre cent qua-
rante-trois vibrations, ou la moitié de celles du premier, et
formait ainsi l'octave inférieure de celui-ci ; car il est à re-
marquer que M. Wœlfel établit son appareil dans une gra-
dation descendante. Ayant de celle manière trouvé l'oclave,
il reprit son calcul pour répartir entre douze autres diapasons
le nombre de ces vibrations, et pour former entre les deux la
DE PARIS.
303
une gamme chromatique d'une justesse et d'une pureté im-
possible à obtenir par des expériences sur le monocorde ou
par tout autre procédé. Le travail était pénible et long, mais
il fut récompensé par le succès.
M. Wœlfel n'a pas exposé cet appareil ; mais il le montre
chez lui à qui désire le voir. Il l'a construit pour son propre
usage; mais il serait à souhaiter qu'il en fabriquât pour le
commerce. Ce serait un service rendu , non seulement aux
accordeurs de profession, mais surtout aux amateurs qui
voudraient accorder eux-mêmes leurs instruments.
Au point de perfection où le piano est arrivé de nos jours,
on dirait qu'il n'a plus de progrès à faire. Jamais cependant
les facteurs ne montrèrent une plus ardente activité à cher-
cher do nouveaux perfectionnements. M. Wœlfel , de son
côté , ne reste pas en arrière dans celte lutte d'émulation gé-
nérale : en ce moment même, nous savons qu'il s'occupe
d'une amélioration importante dont nous n'avons pas le droit
de divulguer le secret , mais que nous nous empresserons de
faire connaître dès qu'il jugera à propos de la soumettre au
public.
G-.E. Anders.
ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE.
mwmmmm©^
OPÉRA EN 3 ACTES.
Musique de Rossmi ; traduit en français
par MM. Alphonse Royer et Gustave Vaez.
(Première représentation.)
our traiter complètement toutes les questions
que soulève la nouvelle transformation de ce
chef-d'œuvre musical , il faudrait ouvrir une
espèce de compte h deux colonnes, oij le Doit
et Y Avoir seraient remplacés par ces mots :
Pourquoi ? et Pourqtwi pas ? En effet , il y avait presque au-
tant de raisons contre que pour la tentative qui vient de
s'accomplir à l'Académie royale de musique. La partition de
Rossini est admirable , on ne saurait le nier, et il est toujours
bon d'offrir à son public des ouvrages d'une excellence re-
connue ; il ne l'est pas moins d'accoutumer les artistes à
sentir et à rendre les beautés de ces rares productions. Mais
à côté des avantages se trouve le péril : Othello date, pour les
Italiens, de l'année 1816; et, pour nous, de l'année 1821.
Dans l'espace de ces vingt-trois ans il a été si souvent donné ,
que nous en savons par cœur toutes les notes : il a joui ,
dans ce même espace, du bonheur que les chefs-d'œuvre
classiques de notre théâtre n'ont obtenu qu'en deux siècles ,
celui de rencontrer pour chacun de ses rôles principaux trois
ou quatre artistes supérieurs, qui les ont marqués h leur
empreinte. Donc il valait mieux peut-être songer à autre
chose qu'à transporter Othello sur la scène française ; mais
une fois le parti pris , il fallait s'en tirer avec honneur, et
c'est ce que l'Opéra vient de faire ; trois représentations suc-
cessives ne permettent pas d'en douter.
Duprez, M"'° Stoltz, Barroilhet, Levasseur, Octave, et
M"" Méquillet, ne pouvaient manquer d'apporter dans l'exé-
cution de la lâche commune beaucoup de talent , de zèle ,
d'expérience. Trois de ces artistes Levasseur, Duprez et Bar-
roilhet, ont achevé leur éducation en Italie : ils ont grandi
aux reflets du soleil Rossinien. M"'° Stoltz a fait preuve d'une
grande volonté , d'une extrême persévérance : elle s'est livrée
au travail le plus opiniâtre pour assouplir une voix naguère
encore rebelle, et elle y est parvenue au point de pouvoir
chanter d'un bout à l'autre, sans le modifier, un rôle qui a
passé par le gossier des cantatrices les plus renommées pour
leur habileté vocale. Elle a de plus intercalé dans son rôle uiie
cavatine de Yltaliana in Algieri, Per^sa alla palria , dont
les difficultés ne l'arrêtent nullement. Mais ce dont il est juste
de la féliciter, surtout, c'est de la modériition, du bon goût
qu'elle a mis dans son jeu. C'est bien là une jeune femme
tendre et timide : point d'emportements, point d'éclat, excepté
lor.squ'Othello l'accuse face à face et lève sur elle le poignard :
alors Desdemone s'indigne, et sa faiblesse native ne reparaît
plus que dans l'effroi que lui inspire la mort.
Barroilhet chante au commencement du second acte une
cavatine de la Donna del Lago, fort peu en harmonie avec, le
caractère de son rôle sombre et dissimulé. Il n'a cherché
qu'un succès de chanteur, et en général il joue tout son rôle
beaucoup trop en dehors. Le morceau qui produit le plus
d'effet, c'est le duo de la lettre qu'il chante avec Duprez, et
qui commence en italien par ces paroles : Vira d'averso
fato. Duprez met une expression sublime d'énergie et de
douleur dans le récitatif qui précède ce duo, de même que
dans la scène qui termine le premier acte et dans tout le troi-
sième. Comme M"'° Stoltz et Barroilhet, s'il est inférieur en
quelques parties à ses illustres devanciers, il leur est supé-
rieur en quelques autres. On peut en dire autant d'Octave,
ce jeune artiste dont la voix a tant de charme, et dont la
méthode s'améliore constamment ; de Levasseur, qui n'avait
à craindre que le parallèle avec Lablache; quant à M"" Mé-
quillet, elle n'en avait aucun à redouter.
L'orchestre, conduit par Habeneck, a mérité les éloges que
dès le lendemain le directeur a cru devoir consigner dans une
lettre, reproduite par plusieurs journaux.
Un divertissement composé de deux pas fort bien dansés
par Mabille et M"" Bretin, Hoguet-Vestris et M"" Sophie
Dumilâlre, et terminé par un gracieux ensemble, a trouvé
place au premier acte. Ces pas et cet ensemble s'exécutent
sur des airs de Mathilde de Shabran et i'Armida, arran-
gés par M. Benoist.
La traduction nouvelle due à l'association souvent heureuse
de MM. Alphonse Royer et Gustave Vaez, se distingue par
l'élégance et la pureté du style. Elle n'échoue dans l'exacte
reproduction du texte original que lorsqu'il y a impossibilité
absolue de le rendre, comme par exemple, dans le passage
du fameux duo, // cor mi si divitte, dont la traduction est
loin de donner l'équivalent.
Maintenant un seul mot sur la question du droit de jouer
des traductions. Ce droit, que l'Académie royale de musique
a toujours exploité, dans tous les temps et sous tous les ré-
gimes, lui est confirmé par un article de son cahier dos char-
ges. Cet article dit aussi que les traductions ne comptent, au
profit du directeur, que comme remplacement d'un opéra en
un acte. Que les personnes qui croient que M. Léon Pillet
n'a donné Othello que pour se dispenser d'un grand ouvrage
nouveau , que celles qui s'imaginent que la commission des
théâtres royaux lui a permis celte infraction aux règles éta-
blies, veuillent donc bien se rassurer. Othello ne figurera au
budget que comme ouvrage en un acte. Voilà aussi pourquoi
il eût été injuste de demander que le directeur fît pour un tel
ouvrage autant de dépenses que pour un Itobert-le- Diable,
une Favorite ou une Reine de Chypre. Ce n'est pas tout de
lire les cahiers de charges et de les citer, il faut tâcher de les
comprendre.
R.
30a
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
MESSE SOLENNELLE A SAINT-MERY.
MATINÉE MUSICALE CHEZ M. BODIN.
^Syrf*7%. 1 y aura toujours deux sujets de critique incessante
W4H#'W'^''"^ l'art musical : le premier de ces sujets,
.;!^^ a ^-y c'est le compositeur qui a parcouru toute l'é-
'îfr Ji^P chellede la science musicale, qui s'est livré con-
sciencieusement à l'étude sévère des contre-
points et de la fugue : mais qui, né sans idées, se met à écrire
ce que mille autres ont écrit avant lui. Le second, c'est le
compositeur qui n'a pas voulu rester assez longtemps assis ,
selon l'expression pittoresque de Gluck , qui ne sait pas suf-
fisamment, qui ne connaît pas toutes les ressources de l'art
d'écrire, et qui argue aussi sottement qu'orgueilleusement
de la fantaisie, de l'abondance stérile des idées au mépris de
l'unité de la pensée , croyant que le génie c'est le caprice , les
divagations, quand ce don du ciel n'est dans les arts, et chez
les nations civilisées , que la pensée simple, naturelle et vraie
réglée par la méthode. Ces vérités ne sauraient trop se répé-
ter à l'époque où nous sommes , dans ce temps qui voit l'art
musical imiter les travers de la littérature dtî 1829 à 1835;
car si une école musicale jette tous les ans deux ou trois com-
positeurs classiques dont la plus haute expression et tout l'ave-
nir se borne à un contrepoint à la 12"'° et à une canlale qui les
exilent à Rome oit ils ne font rien, les jeunes musiciens qui
méprisent l'étude, les compositeurs romantiques ne manquent
pas non plus chez nous. Ce n'est point parmi ceux-ci qu'il
faut rauger M. Stiegler, qui a fait exécuter une messe solen-
nelle, dimanche passé, dans l'église de Saint-Méry ; ce serait
plutôt dans la catégorie des compositeurs qui savent bien,
mais en qui l'on désirerait plus d'originalité, qu'il doit être
placé. Voilà le second ouvrage de ce genre qu'il fait exécuter
à Saint-Mcry , et tout estimable que soit cette composition,
nous aurions désiré y trouver un peu plus d'inspiration, de
chaleur, et surtout de choses un peu plus neuves. Nous en
sommes réduits à dire, comme tous ces organes d'une publi-
cité aussi banale qu'inutile qui se produisent dans une foule
de petites feuilles soi-disant musicales, que le Kyrie est
pompeux, que VAgnus Dei est d'une suavité ravissante, que
Y élévation vous fait rêver religieusement, etc. , etc. Quoi qu'il
en .soit, il faut féliciter ce jeune artiste qui persévère dans
cette carrière si difficile de composer et surtout de faire exé-
cuter de la musique sacrée dans Paris. Les églises de cette
capitale autrefois si protectrice de l'art musical sont, à quel-
ques exceptions près, tout-à-fait tombées dans la barbarie du
cantique à l'unisson sur des ponts-neufs, ou des romances
surannées qui rappellent des souvenirs de iieux-communs
d'amour. M. le curé de Saint-Méry, qui a le sentiment et le
goiit de la bonne musique se distingue, en cela de la plupart
de ses confrères; il a déjà, ainsi que nous l'avons dit, facilité,
autant qu'il l'a pu, l'entrée de l'art sérieux dans son église
en reconnaissant dans M. Stiegler un vrai dévouement à cet
art ; et paroissiens, fidèles, compositeur, auditeurs et quêteurs
n'ont eu qu'à s'en féliciter.
— M. Emile Bodin et 51°"= Pierson-Bodin sa fille, attendent
que le coup de feu des matinées musicales soit passé pour
faire entendre, dans quelques séances musicales, leurs élèves
sur le piano, charmantes petites demoiselles que viennent
seconder de jeunes artistes qui ont déjà surmonté les émo-
tions que donne la publicité en remportant des prix au Conser-
vatoire. Dimanche dernier, après que M"" ***, suivant la for-
mule du programme énigmatique, se sont fait applaudir dans
des variations plus ou moins variées de style, de goût et d'in-
vention, M. Boulard, premier prix de violon de cette année,
a joué le premier morceau d'un concerto de Viotti avec faci-
lité, justesse, élégance, mais avec un son quelque peu mes-
quin et d'une petite manière; puis M. Cras, également pre-
mier prix de hautbois, élève de M. Vogt, a dit d'un beau son,
d'un excellent style, une fantaisie charmante de son maître,
illustre doyen de hautboïstes des France, de Navarre , d'Eu-
rope et de mille autres lieux. Après cela M"" Yavasseur a
chanté avec une expression dramatique et profondément
sentie une scène et un air intitulé : Athalie, de M. Cohen;
M. Alexis Dupond a dit une romance de M. Masiui, inti-
tulée : Silvio Pellico , dont les paroles pleines de mélancolie
et de couleur musicale sont dues à M. Emile Baraleau. Enfin
M"" Pierson-Bodin nous a fait entendre plusieurs jolies étu-
des, une entre autres de M°"= Farrenc ; puis une sonate à
quatre mains avec M"' Armantine Aubert, qui a joué ensuite
d'une manière brillante et presque professorale la Fantaisie
sur la Nornia de Thalberg. Tout cela, loin du cataclysme des
concerts passés et à venir, a fait beaucoup de plaisir à l'audi-
toire maternel, bienveillant et distingué qui s'était rendu à
l'invitation de M. Bodin.
Henri Blanchard.
LE TAMBOUR DE VILLAGE.
Dessin de Gavarni.
Le tambour de village est musicien à peu près comme la
cloche du village est musicienne. Sa tenue , vous le voyez ,
n'est pas toujours très sévère, mais qu'importe, s'il remplit
exactement ses fonctions, et s'il n'en inspire pas moins le
respect dû à tout individu qui exerce sa part d'autorité pu-
blique ?
HOTJTSIalaSS.
*,* Demain lundi, à l'I^péra, la 4= représentation d'OiIiello.
",* M"" Nau est engagée à Londres, pour les mois d'octobre et de
novemlire prochain. Elle doit chanter en anglais dans Lucie de Lam-
mermoor, et la Sirhie au Princes's Théâtre.
*,* En quittant Lyon, M"' Taglioni va se rendre à Bruxelles, où
elle sera ensuite remplacée par M"" Fanny Ellsler.
V Tamburini part cette semaine pour St-Pélersbourg avec toute
sa famille.
*,* Hermann-Léon a continué ses débuts dans le rôle de Babylas
du Diable à l'école ; il y a obtenu comme chanteur un succès tout-
à-faît décisif. M""^ Henri Potier a mis beaucoup de grâce et de
charme dans le rôle de Fiamma, et Giraud ne s'est pas mal acquitté
de celui de Stenio. Comme on le voit, l'ouvrage est entièrement re-
monté à neuf.
•»* Le premier ouvrage en trois actes que l'on doit donner à l'O-
péra-Comique est intitulé Carie Fanloo; M. Montforl en a écrit la
musique.
*," M'"" Rossi-Caccia est engagée au Théâtre-Italien de St-Péters-
hourg, ainsi que M"" Pauline Yiardot, Castellan et Nissen.
*„" M"'" Pauline Garcia-Viardot se repose à la campagne, près
Paris ; elle retourne à St-Pétersbourg vers la fin de septembre, pour
gagner encore cette année, pendant les six mois de l'hiver, ses mo-
diques appointements de 100,000 fr.
*," C'est à M. Fromenthal Halévy qu'est échu l'héritage de M. Ber-
lon, en ce qui touche le travail du Dictionnaire de la langue des
beaux-arts, commencé depuis longues années par l'Institut, et au-
quel ont successivement travaillé MéhuI, Lesueur et, en dernierlieu,
M. Berton.
*.* On écrit de Toulouse : « Liszt, le célèbre pianiste, l'artiste in-
spiré, dont tant de fois déjà nous avons enregistré les triomphes, est
en ce moment à Toulouse, où il continue les prodiges d'enthousiasme
DE PARIS.
305
qui ont salué son passage à travers toutes les villes du Midi. Jeudi,
dans la soirée, les magniflques choeurs d'ouvriers toulousains ont
donné une sérénade à Liszt. Le grand artiste, étant allé remercier
les chanteurs, quelques uns d'entre eux esprimèrent leurs regrets de
ne l'avoir pas entendu. Liszt offrit spontanément de donner un con-
cert à leur intention, et il leur dislriliua gratuitement six cents bil-
lets. Le concert a eu lieu samedi. Liszt s'y est montré véritablement
inspiré. Le piano s'est transformé sous ses doigts en un instrument
divin; jamais artiste ne produisit sur son auditoire un effet compa-
rable àcelui-là. Ajoutons aussi quejamais peut-être artiste ne trouva
d'interprètes plus dociles que les magnifiques pianos à queue de
M. Boisselot , de Marseille , que le grand pianiste louche dans tous
ses concerts. » Il paraît décidé qu'au lieu de revenir à Paris, comme
il devait le faire, Liszt va partir pour l'Espagne et se rendre direc-
ment à Madrid.
V Thalberg est arrivé à Paris.
*,* Les vacances sont le temps des locomotions artistiques; elles
servent à la décentralisation musicale. M. Antoine de Kontski , le
pianiste brillant que tout Paris applaudit à l'époque de la saison des
concerts , est en ce moment à Metz, avec son frère l'iiabile violo-
niste , et y donne des séances musicales qui sont très suivies par les
amateurs de cette ville, où l'on aime beaucoup la bonne musique.
Dans une soirée chez M. le général Prou, toute la société et S. A. R.
M. le duc de Montpensier~ qui se trouvait à cette réunion, ont été
émerveillés du talent des deux artistes voyageurs; etla jeune Altesse
royale a trouvé que M. Antoine de Kontski avait dit sa fantaisie sur
Robert-te-Diable comme un ange. Tous ceux qui ont entendu ce
foudroyant pianiste exécuter sa valse infernale , et jouer des diffi-
cultés les plus diaboliques, seront volontiers solidaires du jeu de
mots , du calemboug princier que nous venons de citer.
*„* Nous avons entendu , dans une réunion d'amateurs , un trom-
boniste allemand , M.Nabich,dont le talentvraiment dislinguéa été
vivement applaudi. Cet artiste se propose de faire une tournée en
province et en Belgique; il y donnera dans plusieurs villes des con-
certs , et reviendra ensuite à Paris, où nous croyons pouvoir lui pré-
dire un brillant succès.
*.* Le fils de J, Strauss vient de faire exécuter dans une église
de Vienne une messe qui , suivant le jugement de tous les connais-
seurs , est une composition très remarquable.
*,* La statue colossale de Goethe, coulée en bronze dans la fonde-
rie royale de Munich, d'après le modèle de Schwanthaler, est achevée
et exposée aux regards des connaisseurs. Cette statue, comme on
sait, est destinée à orner une des places de Francfort-sur-Mein, ville
natale du poète. Goethe est représenté vêtu d'un manteau , mais
ayant les bras libres. Il porte le costume simple de l'époque actuelle;
son bras droit est appuyé sur un tronc de chêne; de la main gauche,
qui est baissée, il tient une couronne de laurier. Ses regards sont
tournés vers le ciel. Les sujets des bas-reliefs du piédestal sont em-
pruntés aux ouvrages de Goethe. Sur le devant, trois figures de
femmes représentent les sciences naturelles et les poésies dramatique
et lyrique; sur le côté opposé, l'on voit, à droite, Gœtz deBerlichin-
gen, Egmont, le Tasse et un Faune; la fiancée deCorinthe, Promé-
thée et le roi des Aulnes; l'une des surfaces latérales représente
Iphigénie, Oreste, Thoas, Faust et Méphistophélès; et l'autre, Mi-
gnon, Wilhelm Meister, le Harpiste, Hermann et Dorothée.
",* A propos de l'annonce du nouvel instrument inventé par un
capitaine de génie anglais, et fonctionnant au moyen de l'air com-
primé, la priorité est réclamée en faveur deM. Sax, qui en avait
présenté un il y a trois ans, du même genre, mais qui l'emporte,
dit-on, de beaucoup sur son concurrent pour la simplicité de sa
construction. On se rappellera les plaisanteries de plusieurs journaux
a l'occasion de cet instrument à vapeur qui devait avoir une assez
grande puissance pour se faire entendre de toute une ville , et faire
danser les jours de fête à une population tout entière la polka , la
cachucha, la mazourka, la plus à la mode, ce qui eût été on ne peut
plus agréable. La vérité est que cet appareil estsimplemenl unesorte
de trompette ou porte-voix à ancAe /ii^e qui, posé à la place du sifflet
qui se trouve aux locomotives ou chemins de fer et auxmachioes des
bateaux à vapeur, servira à transmettre des signaux ou des ordres
à une très grande distance au moyen d'un pavillon mobile qui diri-
gerait la voix de l'instrument vers le point où il serait utile de la
faire entendre. On comprend de quelle ressource serait un instru-
ment pareil pour réclamer, en cas de besoin , de prompts secours
lorsqu'un accident grave arriverait à une certaine distance d'un en-
droit habité, et nous pensons qu'Userait bon d'en faire sérieusement
l'essai.
*,* Un grand concert doit avoir lieu ces jours-ci a Francfort, au
Mainlust, si le temps le permet. On y entendra ie Liederkranz, VOr-
pliée, la réunion de chant de Saclisenliausen , YArion, etc., etc. On
exécutera des compositions de Cherubini , Mozart, Mendelssohn ,
Creutzer, etc. On a représenté récemment au théâtre de la ville :
Fernand Cartes et le Sacrifice mierrompu. Pour la foire d'automne
on annonce lu Flûte enchantée , et la Sirène de M. Auber.
%* L'église de St-Veit à Prague possède deux violons très remar-
quables ; l'un de l'année 1709, de Stradivarius, de Crémone ; l'autre,
de l'année 1C37, de Santini Souzza, de Milan. Le premier a été
offert à l'église, en 1757, par l'archevêque Wokane ; le second a été
donné par le comte Spork, en 1759.
V Une fête de chant a eu lieu près de Darmstadt , dans un en-
droit de la forêt nommé Kranichstein. Les sociélés de chant s'y
étaient réunies vers une heure. Après cette solennité musicale, on
s'est rendu au théâtre pour assistera la représentation de i''"eraand
Corlcs.
CIiE-onii^aie oSëiiai'tenKeBttale.
*,* Rouen, 4 septembre. — La troupe lyrique a débuté dans Robert
le Dinble; Baguenot, qui remplissait le principal lôle; M"'= Valton,
qui, bien qu'indisposée, chantait celui d'Alice; M. Groguet, ténor
léger, qui chantait celui de Rairabaud, ont pleinement réussi. Au
contraire le Bcrtram doit immédiatement quitter la place.
*," Bordeaux. — L'ouverture du Ihéâtre s'est faite par la Juive et
par Lucie. M. Arnaud, premier ténor, a parfaitement réussi. La ren-
trée de M'"' Lamy a été brillante. M. Martin a débuté avec succès
dans le rôle d'Ashton de Lucie: M."" Hébert a fait aussi sa rentrée
dans ce dernier opéra.
*»" Strasbourg. — Une cantatrice allemande, M"= Pveuss, a chanté
ici le même soir, et dans sa langue nationale, les rôles d'Alice et
d'Isabelle de Robert le Diable. Il paraît que le tour de force a réussi.
*,* Toulouse. — L'agitation continue de régner sur les scènes dé-
départementales. Ici, dans un court espace de temps, Espinasse a
subi des chances bien diverses : accueilli par l'enthousiasme dans
Lucie, il s'est Irouvé, quatre jours après, hors d'état de chanter le
troisième acte de Guillaume Tell, et un tumulte épouvantable a
failli bouleverser la salle du Capitule. Peu s'en est fallu qu'il n'y
eût une émeute dans la ville : quatre ou cinq cents individus s'é-
taient dirigés vers l'allée Lafayette , et il a été nécessaire de les pré-
venir, en envoyant un assez bon nombre de soldats pour protéger
la demeure de notre premier ténor.
dii'onîfiue étrangère.
*," Aix-la-Chapelle. — Nous possédons en ce moment le célèbre
violoniste Ernst; les deux concerts qu'il a déjà donnés ont attiré la
foule élégante réunie aux eaux. Il est dilTicile de se faire une idée de
l'enthousiasme que cet artisie éminent a excité dans le public : sa
fantaisie sur le Pirate et le Carnaval de Vetiise ont été redemandés,
et déjà il annonce un troisième concert avant son départ pour Mu-
nich et Vienne.
*,* Bade. — La société d'élite, qui cette année encore s'est donné
rendez-vous à Bade, était réunie samedi dernier dans la belle et
vaste salle de la maison de conversation pour assister à un grand
concert, qui à juste titre a été annoncé comme une solennité musi-
cale. L'orchestre sous la direction de M. Panofka a fait des merveilles.
S'il nous fallait encore des preuves que M. Panofka est un chef d'or-
chestre vraiment remarquable, et que c'est là sa véritable vocation,
l'exéculiim de la symphonie en sol mineur de Mozart et de l'ouver-
ture à.' Oreron nous les fournirait. Le public décade, du reste, n'a
pas oublié la manière large et brillante que M. Panofka a su impri-
mer au Stabat mater de Rossini, qu'il a fait exécuter il y a deux ans
dans la même salle , et les bravos unanimes ont dû lui prouver que
le public sait apprécier ses rares qualités.
La partie vocale du concert a eu ses dignes interprètes en M. Ober-
hoffer et M"" Marx et Eockholtz; mais contre l'habitude, les hon-
neurs de la soirée ont été réservés à la partie instrumentale : au jeu
inspiré de M. Bosenhain, le pianiste consciencieux par excellence,
au cor magique de Vivier, et aux accents suaves de la basse de
M. Cossmann, qui a produit le plus grand effet par sa belle fantaisie
sur des motifs du FreyscliUtz. Le concert s'est terminé par l'ouver-
ture de /a Sirine, qui, sous la direction de M. Panofka, a été exécutée
avec entrain et précision.
— M. Doehler, depuis quelques jours seulement à Bade, se pro-
pose de donner une soirée musicale.
*,* Carlsbad (Bohème) 4 uoiU. — Le second fils de Mozart, M. Wolf-
306
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
gang-Amédée Mozart, pianiste et compositeur distingué, vient de
mourir dans cette ville, âgé de cinquante-deux ans. Ses obsèques
ont eu lieu à l'église paroissiale de Sl-Étienne, où, à cette occasion,
le célèbre Jiequiem de son père a été exécuté par cinq cents profes-
seurs et amateurs.
",* Dresde, 28 août. — M. Richard Wagner, auteur du grand opéra
en cinq actes, intitulé Cola Riemi, qui a obtenu un grand succès
non seulement ici, mais sur tous les grands théâtres d'Allemagne,
notamment à Berlin et à Vienne, vient d'être nommé par le roi di-
recteur de sa musique et maître de chapelle de la cour. Ce dernier
poste était resté inoccupé depuis la mort de l'illustre Charles-Marie
de Weber.
*.* tienne. — Pendant le séjour du roi de Prusse dans notre ca-
pitale, on a joué en présence de S. Majesté et de la cour d'Aulriche,
au château de Schoenbrunn, une bluelte de circonstance en un
acte. — Une représentation à laquelle devaient contribuer les mem-
bres du théâtre an der Wien, et qui devait avoir lieu dans les salons
de M. de Metternich, a été contremandée par suite d'une indisposi-
tion du prince. — Au théâtre de l'Opéra de la cour, M'"''^ ïuczek et
Grosser ont beaucoup de succès. M°>= Grosser est la prima donna du
Théâtre de Prague. On attend toujours le retour de M""^ Luizer. —
Un grand scandale a eu lieu dernièrement au Théâtre Josephstadt.
M. Schindier, correspondant du Morgenblail, a été maltraité au par-
terre par le secrétaire de l'Administration, pour avoir dit sa façon
de penser sur une mauvaise pièce, représentée récemment à ce théâ-
tre. On dit que l'affaire a été déférée aux tribunaux.
— Un autographe très intéressant de Liszt vient d'ê're public en
fac-iimile ; c'est sa seconde marche hongroise, qui avait donné lieu
à un procès curieux, qui s'est terminé tout-à-fait à l'avantage du
cétèbre pianiste.
•," Bruxelles.— -U. A. Moeser, élève de M. de Bériot et deson père, qui
jouit d'une grande réputation en Allemagne, se propose de se rendre
l'hiver prochain à Paris. M. de Eériot juge son élève digne de se
faire entendre au Conservatoire royal, et ne doute pas d'un succès
plein et entier; en témoignage de son estime, il lui a dédie un con-
certo. Les concerts de M. Moeser à Eruxelles, Liège, Lille, etc., où il
a exécuté les compositions de Beethoven, Cériot, Ernsl, Prume, etc.,
ne laissent aucun doute sur le talent supérieur de ce jeune violo-
niste, qui, ne connaissant plus de dillicultés sur son instrument,
rend tellement les inspirations des grands maîtres, qu'il enlève
également les suffrages des artistes et des dilettanti.
"," Leipzig. — Notre théâtre est en voie de prospérité : c'est sur-
tout à l'opéra que la direction doit ses succès. Don Juan a élé par-
faitement exécuté. On parle de ténors remarquahlos qui doivent
débuter incessamment. Les premieis opéras nouveaux qu'on repré-
sentera sont : YEchevin de Paris , par Dorn, et Mara , par Netzer.
*,* Gotha. — Le festival de chant pour hommes (Jlaenner-Saen-
gerfest) a été célébré en plein air sur la terrasse derrière le château
ducal : le nombre des membres des /Jederlnfel vt des réunions de
chant qui assistaient à cette solennité était d'environ six cenis.
*.' Prague. — Pour l'anniversaire séculaire de la fondation de l'U-
niversité de cette ville, on exécutera un ^e X>e«m de Nicolai; un
chant de fêle par M. Saemann, directeur de musique ; et VEchevin
de Paris , opéra de AI. Dorn ; les trois compositeurs sont nés à Kœ-
nigsberg.
— Le célèbre baryton Pischek se propose de donner une suile de
représentations au théâtre de celte ville; il a chanté pour ses débuts:
Une nuit à Grenade ; son succès a été complet.
",* Jliga. — M'"= Hoffmann a fait ses adieux au public dans le
Domino noir. A son entrée sur la scène elle fut accueillie par les fan-
fares de l'orchestre, sur la demande expresse du public. A la fin de
la représentation, M"" Hoffmann harangua les spectateurs; après
quoi on lui présenta un écrin de diamants, dont ses admirateurs
avaient fait l'acquisition à frais communs; et la cantatrice fut parée
sur la scène même, aux acclamations du public et au bruit des trom-
pettes et des cymbales.
%* Pestlt. M. Ronconi et sa femme ont donné des représentations
qui ont été peu suivies : on rend justice toutefois au talent du pre-
mier baryton de notre époque.
*.* Copenhague , i^ août. — Le Théâtre national et royal, qui est
toujours fermé pendant les mois de juin, de juillet et d'août, sera
rouvert le lundi 2 septembre prochain , par la première représenta-
tion de la tragédie de Lucrèce , de M. Ponsard, traduite en vers da-
nois par M. Andersen, auteur de divers ouvrages dramatiques ori-
ginaux qui ont obtenu un grand succès en Danemarck. Le même
théâtre donnera le 18 septembre, à l'occasion de l'anniversaire du
roi , la première représentation du célèbre opéra de M. Spontini, la
f^estale , qui, bien que déjà ancien, n'a jamais élé représenté sur
aucun théâtre en Danemarck , et dont notre grand public ne con-
naît que divers fragments qui ontété exécutés dans des concerts.
— L'imprésario du Théâtre-Italien a renoncé à son privilège, et
il ne s'est présenté personne pour le remplacer.
*,* Rome. — Les bals et soirées dansantes de l'hiver dernier ont
offert en général peu d'agrément. Les réunions les plus suivies sont
celles du banquier Torlonia. Quiconque a une lettre de recomman-
dation pour le Principe et échange chez lui du papier contre de l'or
y est invité. On se trouve au milieu de personnes qui n'ont rien de
commun entre elles, sinon leurs rapports financiers avec le maître
delà maison, qui ne connaît que le plus petit nombre des invités.
On walse, on danse des quadrilles, des cotillons : la mazurka n'a pas
grand succès, on la danse mal ; l'orchestre est médiocre. Des couples
anglais walsant sont des caricatures stéréotypes dans ces réunions.
V Triesie. — Le maître de chapelle, M. Slucken Schmidt, a
reçu la médaille décernée aux beaux- arts et aux lettres, de la
part du duc Maximilien de Bavière pour diverses compositions mu-
sicales.
*,* Madrid, H août. — Un opéra d'un compositeur espagnol déjà
connu au théâtre, don Hilarion Eslaba , a été donné sous le titre de
las 7'reguas de Tûlemaida. Le succès a répondu au mérite, suivant ce
qu'en rapportent les journaux du pays.
r.e Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESIKGER.
En wnle clicz HÎÂUIUCE SCISLESIi^GEH , 97, rue Richelieu.
Seconde édition populaire
DU CHAI^T IVATIOWAL
CHARLES VI
D'HALÉVY.
JAMAIS EN FRANGE,
JAMAIS L'ANliLAIS NE REGNERA.
Prix nel : 25 cenllmes.
Imprimerie de DOURGOGNE et MARTINET, 30, rue Jacob.
Vour Paris : un an , 30 fr. ; six mois, 15 fr. — Annonces : 50 c. la ligne de 28 lettres — Départements : un an , 34 fr. Étranger, 38 fr.
GAIEHE MUSICALE
BEDIGËE PÀB
MM. ANDERS , G. BÉNÉDIT, BERLIOZ , Henbi BLANCHARD ,
MiUniCE BOURGES, F. DANJOU, DIESBERG , FÉTIS père, Édouabd FÉT[S, Stfphen HELLER, J. JANEV,
G. KASTNER , LISZT, J. MEIFRED , GeobGE SAND, L. RELLSTAB, Paul SMITH, A. SPECHT, etc.
Paraissant totta Mes MUtnancFtea,
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GATARNI.
lie 1*' et le 15 de cbaqae mois on recevra un morcean de moslqaea
SOMMAIRE. Quatrième lettre à M. Zimmerman ; par FÉTIS père.
De quelques instituts de musique en Kussic (suile et fin). —
Nouvelles. — Annonces.
LE CHANTEUR DE CHANSONNETTES. Dessin de Gavarni.
iXuotricme Cftt« à M. 3intmerman.
Bruxelles, 2 septembre 1844.
Mon chkr Zimmebmam ,
M. Azevedo, ou Asvédo (1), auteur de trois articles sur le
principe philosophique de mon système d'harmonie, avait
écrit les deux premiers, lorsque j'annonçai, par un mot
placé à la fin du comple-rondu de mon cours {Gazelle musi-
cale de Paris, 28 awillShh), mon intention d'examiner ses
opinions. Depuis lors, le troisième article de mon critique,
publié à l'occasion de cette note , est venu modifier singuliè-
rement le Ion doucereux et pacifique du début du premier ,
et inculper ma loyauté, sur ce que j'aurais attendu, pour
faire ma réponse , que le souvenir des paroles prononcées par
moi , dans la deuxième séance de ce cours , fût affaibli chez
les personnes qui y ont assisté.
A cette audacieuse accusation , je reconnais le mauvais
esprit , hargneux , rancunier , oublieux de toute convenance
qui, de notre temps, vient souvent se glisser dans les dis-
cussions ! Si je n'ai pas répondu plus tôt à M. Azevedo, c'est
que j'ai peu de temps à perdre. C'est qu'il m'en faut beau-
coup pour les devoirs de ma position , beaucoup pour mes
études. Plus d'un an s'est écoulé avant que j'aie pris la peine
de réfuter les erreurs par lesquelles M. Kiesewetter avait pré-
(I) Je ne me souviens pas exactement de l'orthographe du nom
de mon critique , ne connaissant ses ariicles que par la llelgique mu-
sicale , où le nom de l'auteur a été omis. Je n'ai vu qu'une fois par
hasard un numéro de la France mmicale où se trouvait un de ces
ariicles.
tendu nie combattre : je ne me sens pas plus pressé à l'égard
de M. Azevedo; vraisemblablement même ne songerais-je
plus aujourd'hui à tirer sa critique de l'oubli , si je n'avais
pris assez à la légère un engagement dans la note dont je viens
de parler.
Quant à moi, si, dans cette réponse, je pose en fait que
mon critl(|ue a dénaturé mes paroles , et en a conséquem-
ment tiré de fausses déductions, je ne lui ferai pas l'injure de
mettre en doute sa bonne foi , et je resterai persuadé qu'il ne
m'a pas compris ; mésaventure qui lui est, du reste, habi-
tuelle avec la plupart des auteurs cités dans son travail, comme
je le prouverai tout-à-l'henre.
IM. Azevedo commence sa critique du principe philoso-
phique de mon système d'harmonie par l'observation que ce
système est obscur pour les philosophes parce qu'il est musi-
cal, cl qu'il l'est aussi pour les musiciens, parce qu'il est
philosophique. Pour moi, je crois qu'il n'a d'obscurité que
pour ceux qui n'ont pas une instruction plus solide en musi-
que qu"en philosophie. Au surplus, la troisième lettre que je
l'ai adres.sée , mon digne ami , a eu pour objet de donner des
notions sufiisantes des divers systèmes de cette dernière
science , en tant qu'elle se rattache aux principes fondamen-
taux de la musique.
« Depuis longtemps (dit mon critique) M. Félis avait avancé
» dans divers livres que la constitution des gammes ou
» échelles musicales était un fuit métapliysiqiie, et que les
» diverses explications de ces échelles puisées dans la consi-
« délation des rapports des nombres ou dans les phénomènes
» de la résonnaiice des cordes sonores (corps sonores) étaient
» dénuées de valeur et de probabilité. « Je n'ai , je crois , ja-
mais employé en ce sens le mot àe probabilité, qm ne rendrait
certainement pas ma pensée; car je ne suis pas dans le doute
à l'égard de l'impuissance des proportions harmoniques pour
fonder une gamme dans un ordre déterminé. Tu sais, mon
cher Zimmerman , que je me suis prononcé d'une manière
BUREAUX D'ABONNEMENT, RUE RICHEIIEU, 97.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
calégoiique à ce sujet, dans mon cours de philosophie de la
musique, en 1832, dans la plupart de mes ouvrages et parti-
culièrement dans mon Escjttisse de l'histoire de l'Harmonie,
publiée en 18i0 (1). Dans la troisième lettre que je t'ai adres-
sée, mon digne ami , j'ai dit pourquoi ces proportions, si elles
étaient exactes, pourraient s'appliquer à l'ancienne tonalité,
qui, dans ses divers modes, ne présente qu'une gamme uni-
que commencée par ces différents degrés , avec un déplace-
ment des demi-tons dans chacun de ces modes, mais que la
tonalité moderne , invariable dans l'ordre de ses tous et demi-
tons, échappe à celte théorie, parce que les proportions nu-
mériques des intervalles sont des faits isolés dont ne saurait
sortir la notion de succession nécessaire, sans laquelle la
gamme n'a pas d'existence possible. Ne perdons pas de vue
cette proposition , qui a toute la précision possible, et qui est
Ja base de toute ma philosophie de la musi(iue.
Après quelques observations de peu d'importance sur ce
qui lui paraissait y avoir de vague dans l'énoncé du fait mé-
taphysique d'où je prétends tirer la théorie de la tonalité,
M. Azevedo rapporte en ces mots la répon;e que j'ai faite à
M. Baibereau , dans la dernière séance de mon cours d'har-
monie : Cl Je n'explique pas la constitution de la gamme,
» parce que cette constitution est un [ait métaphysique, et
» par conséquent inexplicable. En philosophie, on sait que
» les faits de conscience, les faits de métaphysique , ne peu-
» vent "être expliqués, parce qu'ils sont des faits primitifs.
i> L'idée-gamme est une idée innée , gravée dans notre âme ;
» nous l'apportons avec nous en venant au monde, et lorsque
» nous la trouvons réalisée par des sons, nous la reconnais-
>i sons sans difficulté. Ce consentement universel, dont la
11 gamme est l'objet, établit son excellence et son origine;
«mais on ne peut pas plus rendre compte de cette idée-
» gamme que de l'idée générale du triangle , que nous pos-
» sédons tous sans savoir d'où elle vient. »
M. Azevedo en appelle aux souvenirs des nombreux té-
moins de cetle explication pour garantir, au besoin, la fidé-
lité de la citation. D'où lui venait donc en l'écrivant la crainte
qu'elle fût démentie par moi , si j'ai prononcé les paroles qu'il
rapporte? Et quel intérêt peut-il supposer au désaveu d'une
proposition si formelle? Le critique n'a-t-il pas reconnu lui-
même que cette proposition ne peut être considérée comme
une imprudente excursion en dehors de ma théorie, lorsqu'il
a éciit quelques lignes plus bas : « Ces paroles graves, pro-
» uoncées avec toute l'autorité qui s'attache au noa» de
» M. Fétis. ne peuvent en aucun cas être considérées conmie
11 provenant sans réflexion de la chaleur de l'improvisation et
11 de la polémique. On n'invente pas sur-le-champ, et pour
11 les besoins de la discussion, un système aussi abstrait , aussi
1) élevé. Si on ajoute à cela que M. Fétis travaille à une phi-
11 losophie complète de la musique, on verra que tout est ré-
11 fléchi, pesé, dans les assertions qui viennent d'être citées ,
» et qu'on doit les envisager comme les principes mêmes de
» tous les travaux de M. Fétis, puisqu'elles contiennent le
11 point de départ, le critérium de sa manière d'expliquer la
11 musique. »
Tu comprends. Cher Zimmerman, que , plus il y a de motifs
pour considérer ma réponse comme l'exposé de mes principes,
moins il y avait à craindre un désaveu , si les paroles rap-
portées par M. Azevedo sont exactement les miennes. Il y a
donc lieu de croire que, tout en affirmant la fidélité de la cita-
tion, il restait dans l'esprit du critique quelque doute con-
cernant l'exactitude de certaines expressions , ou du moins
(1) Voir la Gazelle mmiciile, ann. 1840.
sur l'interprétation qu'il leur donne. Or , on sait de quelle
importance sont les mots dans les matières philosophiques.
Par exemple, si l'on allait séparer, comme l'a fait la critique,
l'idée de gamme du fait de conscience, dont j'ai parlé, et sup-
poser que j'ai voulu dire qu'antérieurement à toute audition
de succession de sons cette idée devient active , ce serait cer-
tainement dénaturer ma pensée, et prêter à mes paroles un
sens qu'elles n'ont pas. Tous les témoignages possibles ne
pourraient faire que j'eusse émis, dans la dernière séance de
mon cours , une doctrine absolument opposée à ce que j'ai
établi dans mon Résumé historique de l'histoire de la mu-
sique, dans mon cours de la philosophie de la nmsique,
en 1832 , dans un article sur le sens musical, ses perceptions
et les jugements que nous en portons , dans mes Recherches
sur l'esthétique, et en dernier lieu, dans mon Traité complet
de la Ihéorie et de la pratique de l'harmonie , dont le cours
que j'ai fait à Paris , au mois de février dernier, n'a été que
l'exposé succinct. Et remarque, ami, que, pour ne laisser aucun
doute sur le sens que j'attachais au mot idée-gamme, je l'ai
assimilée h l'idée générale triangle. Or , c'est précisénwat à
l'examen de cetle assimilation que commence la série d'er-
reurs de M. Azevedo. Suivons-le dans son analyse.
« Et d'abord (dit mon critique) il y aurait injustice, esprit
» de chicane à prendre au pied de la lettre la comparaison
11 faite entre Vidée innée de la gamme, et l'ii/ée évidemment
11 acquise du triangle. Il n'y a pas de rapport entre ces deux
11 choses. lÀ idée-gamme , selon M. Fétis, est gravée dans
11 notre esprit par le créateur , tandis tjue Vidée-triangle est
11 acquise par nous , à la vue d'une figure qui a trois côtés.
11 En outre , on sait fort bien d'où vient Vidée générale trian-
11 gle , et ce qu'elle est, tandis que Vidée-gamme, toujours
1) selon M. Fétis, est indémontrable. Or, Vidée générale trian-
11 gle, qui s'applique à toutes les figures qui ont trois côtés,
11 provient de cette faculté de notre esprit, qui nous permet
1) d'abstraire et de généraliser certaines qualités des corps,
» telles que la figure, la couleur , etc. Il n'y a rien là d'inex-
11 plicablequela faculté d'abstraire et de généraliser. Maison
» assiste parfaitement à la naissance de Vidcc-iriangle , ainsi
11 qu'à toutes ses applications. Passons donc avec rapidité sur
11 cette comparaison fausse, invoquée seulement comme
11 moyen d'explication d'une doctrine abstraite et confuse,
» et touchons, s'il se peut, le point culminant de la question. »
Pour répondre à ce paragraphe et faire voir que la confu-
sion dont parle le critique n'est que dans son esprit, il est
nécessaire que je fasse remarquer que l'autorité qu'il m'op-
pose eu plusieurs endroits est celle de Kant, qui probable-
ment (dit-il) savait la métaphysique ; d'où je dois conclure
que la doctrine de ce grand homme lui est familière , et c(u'il
en adopte les principes. Or, le point de déj)ait de la méta-
physique de Kant est précisément l'opposé absolu de l'expli-
cation donnée par mon critique de ce qu'il appelle Vii/ée-
triangle. En eifet, après avoir établi, dans la première sec-
tion de l'introduction de la Critique de la raison pure, qu'il
y a des connaissances que nous n'acquérons que par l'expé-
rience (à posteriori), il pose eu principe, dans la seconde
section , qu'il en est d'autres que nous possédons à /u'iori, et
qui ne dérivent pas de l'expérience , bien qu'elles ne se mani-
festent qu'à l'occasion des faits empiriques. Kant ajoute que
les caractères essentiels auxquels on reconnaît cette espèce de
connaissances , et les jugements qui en émanent , sont la
nécessitent l'universalité. Où ces caractères manquent (dit-il),
il est aisé de reconnaître des connaissances à posteriori.
Toute connaissance fondée logiquement sur l'expérience est
contingente ; elle peut avoir une généralité de comparaison
DE PARIS.
309
et d'induction, mais jamais une universalité absolue. En an-
nonçant une loi empirique, vous vous bornez à affirmer que
jusqu'ici on n'y a pas remarqué d'exception ; mais vous ne
pouvez pas décider qu'elle n'a jamais souffert et ne souffrira
jamais d'exception.
Kant ajoute : Maintenant, il est très facile de prouver
qu'il y a réellement dans les connaissances humaines de ces
jugements nécessaires, iinioersels , dans l! acception stricte
des mots,, et par conséquent des jugements purs à priori.
En veut-on un exemple pris des sciences ? Il n'y a qu'à
jeter un coup d'oeil sur les propositions mathématiques.
Ainsi , cette proposition : « Toute figure quelconque qui a
» trois côtés est tiécexsairement un triangle, » est un juge-
ment pmà priori , c'est-à-dire, qui n'est point déduit par
abstraction : Kant expliijue celte doctrine dans un autre en-
droit de son livre , en faisant remarquer qu'on ne peut abs-
traire des faits d'expérience que ce qui y est contenu, c'est-
à-dire, des notions particulières, et que les lois qui les coor-
donnent en systèmes sous les conditions de nécessité et de
généralité , sont les productions du moi, c'est-à-dire de l'es-
prit. Ce sont des idées.
On voit donc que, si j'ai assimilé la notion de gamme à
celle de triangle, je n'ai point fait une comparaison fausse.
On voit, de plus, que rien n'est plus opposé à la doctrine de
mon critique que celle de Kant, et qu'en invoquant l'auto-
rité de ce philosophe , M. Azevedo a prouvé qu'il n'a point
lu ses livres, ou qu'il ne les a pas compris. Ne se serait-il pas
trompé de nom, par hasard, et n'aurait-il pas écrit Kant pour
Condillac 7 C'est un doute que je transformerai tout-à-l'heure
en certitude, en prouvant que toute sa déclamation contre le
princ'pe de ma théorie de l'harmonie appartient à la philoso-
phie sensualiste.
De même qu'on ne parviendrait jamais à la conception né-
cessaire et générale de l'existence de trois angles dans toute
surface qui a trois côtés , par la seule apcrception de plu-
sieurs triangles , si cette conception n'était dans l'esprit
à priori, des successions quelconques de sons ne peuvent
nous donner l'idée de gamme , c'est-à-dire , de l'ordre néces-
saire dans la disposition de ces sons et de leurs intervalles , et
par suite de tous leurs rapports harmoniques et mélodiques,
si tout cela n'est antérieurement dans l'esprit. Les manifesta-
tions des phénomènes acoustiques ne sont , à l'égard du moi,
que la cause occasionnelle qui met en jeu son activité, en la
limitant, et bientôt s'établit dans la conscience la conviction
d'identité entre les conceptions de l'esprit et la nature des
phénomènes, entre l'être et la connaissance, entre l'objectif
et le subjectif. Ce principe est énoncé par M. de Schelling
d'une manière bien plus générale et plus positive que par
Kant, dans le troisième paragraphe de la deuxième partie du
Système de l'idéalisme transcendantal ; voici ses paroles :
« Toute connaissance doit être déduite du moi; il n'y a pas
» d'autre fondement à la réalité de la connaissance ; mais le
» mécanisme des déductions idéales n'entre en activité qu'à
» l'occasion des déterminations du monde objectif, dont elles
» sont contemporaines : telle est la signification véritable de
» l'harmonie préétablie de Leibnitz. »
Voilà donc ce principe philosophique de ma théorie de
l'harmonie d'accord avec les théories les plus élevées de la phi-
losophie moderne! Tu peux juger par là, cher Zimmerman,
de la valeur des mépris de M. Azevedo pour ce principe,
qu'il déclare un x, un zéro ; confondant ainsi, par une plai-
sante méprise , l'inconnu et le néant.
Je voudrais aller rapidement ; mais je ne puis négliger
quelques uns des arguments de mon critique , car il se per-
suaderait peut-être que je l'ai fait à dessein, ne pouvant y ré-
pondre. Le principal de ces arguments consiste à considérer
l'idée-gamme , c'est-à-dire l'idée de tonalité avec toutes ses
déductions, prise par moi pour principe de toute la science
de la musique , comme un nouvel organe de la philosophie,
indépendant de ceux qui ont été admis jusqu'à ce jour, si ce
principe était réel. Vidée-gamme lui paraît devoir prendre
place à côté des idées de l'infini, de l'absolu, du juste, du
beau, etc. Remarquons d'abord que ces catégories de la
pensée n'ont rien de déterminé; qu'on les a tour à tour aug-
mentées et diminuées; qu'Aristote montre de l'indécision ,
à leur égard, dans plusieurs parties de sa Métaphysique, et
qu'on a reproché à Kant d'avoir considéré comme primitives
des notions qui ne sont que dérivées, et d"en avoir négligé
d'autres qui sont évidemment primitives. Ces éléments de la
science de la connaissance n'ont pas été les munies dans l'an-
tiquité et dans les temps modernes : la notion de l'absolu, par
exemple , introduite dans la philosophie, pour lui donner une
plus haute portée, ne date que d'hier.
Ensuite , M. Azevedo semble se persuader que l'admission
de Vidée-gamme obligerait à diviser le cerveau en une mul-
titude de cases où les idées, principes de chacune des bran-
ches de la connaissance, seraient classées et étiquetées; en
sorte que les notions générales et nécessaires de triangle,
équation, chaleur, expansion, etc., seraient toutes indépen-
dantes. Mais qui ne voit que c'est là une erreur capitale? Les
idées concrètes, de la nature de Vidée-gamme, procèdent de
certaines idées plus générales, telles que celles d'espace et de
temps , dont elles spécialisent l'application. C'est ce que Hegel
a très bien vu lorsqu'il a dit, dans ses leçons sur l'histoire de
la philosophie (1) : « Le contenu de la philosophie est abstrait,
» mais seulement dans sa forme, dans son élément; à l'égîfrd
» ds Vidée, elle est essentiellement concrète ; c'est l'unité di-
» versement déterminée. Il appartient à la philosophie de
I) montrer que le vrai , Vidée, ne consiste pas dans de vaines
)) généralités , mais dans un général qui est en soi le particu-
» lier et le déterminé. »
La seconde objection de mon critique est que, si l'on ad-
mettait que la musique a pour principe d'existence un fait
métaphysique, c'est-à-dire Vidée, la conception que nous
en avons, ses produits seraient aussi des idées: or, c'est ici
qu'il triomphe en se rangeant.de l'opinion de Kant que j'ai
rapportée dans ma précédente lettre , considérant cet art
comme un jeu de pures sensations. Je t'ai dit, ami, comment
celte contradiction de Kant avec ses principes a été traitée
par ses plus illustres adversaires, et comment ses partisans
mêmes l'ont abandonné sur ce point : je n'ai donc rien à
ajouter pour ma réponse , si ce n'est que là encore mon ad-
versaire fait voir évidemment qu'il ne connaît de la philoso-
phie que le sensualisme.
Mais voici quelque chose de plus curieux de la part d'un
homme qui se montre partisan des sciences physiques et ma-
thématiques : « Si Dieu (dit-il) s'est donné la peine de régu-
)> lariser, par une gamme-type, les sensations de l'ouïe, il
» aura , sans doute , gratifié nos autres sens d'un moyen ana-
» logue de régularisation ; et pourtant, personne ne s'est en-
» core avisé de chercher une gamme des couleurs, des odeurs,
» des saveurs, des formes, etc. » Sans vouloir l'arrêter sur la
confusion d'idées et de langage où se laisse entraîner mon
critique, je te ferai pourtant remarquer, mon cher Zimmer-
man , qu'il ne conteste pas seidement dans ces paroles Vidée
que nous avons des rapports harmoniques et mélodiques des
(1) Vorlemngeniiber die Gescliichle der Pitilosopliie, t. I", p. 3C.
310
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sons, mais qu'il nie même l'existence de la gamme comme
fait d'expérience, par cela seul qu'il n'y aurait pas de gammes
des couleurs, des odeurs, etc.; ce qui conclut certainement
contre sa pensée, puisque nous lui verrons faire tout-à-l'heure
des efforts pour donner à cette gamme une existence réelle,
indépendante de notre manière de la concevoir. Mais c'est
moins de cette pétition de principes que je veux m'occuper
ici que de cette singulière assertion : personne ne s'est
encore avisé de ch:rclicr une gamme des couleurs, des
odeurs, etc. Eh quoi ! M. Azevedo ignorc-t-il donc que
Newton a établi, dans le deuxième livre de son Optique, l'ana-
logie de l'ordre des couleurs, en raison des différents degrés
de réfraction des rayons lumineux dans le prisme, avec les
sons de la gamme? Ignore-t-il que Mairan a traité ensuite
ce sujet dans un mémoire inséré parmi ceux de l'Académie
des sciences de Paris; que M. Georges Field a fait de nos
jours un fort beau travail sur le même sujet? Il faut l'avouer,
cette inadvertance est un peu forte, car il n'y a pas de traité
de physique où il ne soit parlé de l'analogie de la gamme des
couleurs avec celle des sons.
J'ai dit, en réponse à l'objection de M. Barbereau , que
la forme de la gamme est indémontrable dans son essence,
mais que nous l'acceptons par une conséquence de notre
conformation inlelkctuelle et sensible. Or, M. Azevedo , qui
a dénaturé le sens de mes paroles , en supposant que j'admets
l'idée innée, c'est-à-dire la connaissance de la gamme, ab-
straction faite de la perception sensible des sons , M. Azevedo,
dis-je , le dénature encore ici , en présentant ma réponse
comme la négation de la possibilité de déterminer la néces-
, site des demi-tons à la place qu'ils occupent. II est certain
que nous ne pouvons pénétrer la cause absolue qui a fait que
les degrés de la gamme sont placés à des intervalles iné-
gaux (1) ; mais , comme je te l'ai dit dans ma troisième
lettre, dès que l'harmonie de septième mineure de la domi-
Dante a frappé notre oreille , l'activité du moi se développe
spontanément, et déduit toutes les conséquences attractives
et résolutoires de cette harmonie, la gamme, toujours uni-
forme avec le placement nécessaire de ses demi-tons , en
un mot la tonalité avec ses déierminaisons mélodiques et
harmoniques. Quiconque n'est pas étranger à la philosophie
rationnelle, comprendra cela sur le simple exposé , et n'aura
pas besoin d'autre preuve; mais il en est pour les autres une
preuve historique à laquelle ils ne peuvent résister; la
voici :
Chez les Grecs, chez les Romains, chez tous les peuples
de l'Europe au moyen-âge et jusqu'à la fin du seizième siècle,
une seule tonalité a été connue : elle consistait en séries de
huit sons placés à des distances inégales, et formant cinq in-
tervalles d'un ton et deux intervalles d'un demi-Ion. Il y avait
autant de séries ou de gammes qu'il y avait de sons différents
pour les conmiencer ; il en résultait que les demi-tons se
trouvaient à des places différentes dans chaqe série. Ce n'est
donc pas à cette tonalité que se rapporte la question de
M. Barlfereau, concernant la place des demi-tons dans la
gamme. Cette tonalité, ne pouvant donner lieu à des attrac-
tractions déterminées , à cause de la mutabilité des demi-
tons, n'avait pu admettre dans sa constitution qu'une har-
monie sans tendances attractives, c'est-à-dire une harmonie
consonnanle. Tu remarqueras , mon cher Zimmerman , que
cette constitution de la tonalité est évidemment une concep-
(1) Faut-il donc rappeler sans cesse ce principe essentiel de la phi-
losophie, que nous ne connaissons le monde objectif que dans la
détermination de ses rapports avec le moi?
tion particulière de l'esprit, car, avec les mêmes sons donnés,
nous allons voir surgir la constitution d'une tonalité toute
différente. Or, lorsqu'un compositeur, riche d'instinct et
de génie, eut fait entendre pour la première fois l'accord
attractif de la septième mineure avec la tierce majeure , ce
fait devint l'occasion qui mit en activité les facultés de con-
ception des musiciens , leur fit déduire à priori les résolu-
tions nécessaires de cette harmonie, et par suite la nécessité
de placement des demi-tons d'une manière uniforme dans la
gamme, quel qu'en fût le premier degré , et enfin toutes les
déterminations harmoniques et mélodiques qui sont inhé-
rentes à cette tonalité. Tu remarqueras encore que les deux
modes majeur et mineur de la gamme sont évidemment
des conceptions o priori de l'homme , et que le mystère du
mode mineur, contre lequel ont échoué tous les théoriciens,
n'en est un pour eux que parce qu'ils en ont cherché l'o-
rigine dans des faits empiriques , impuissants à le produire.
Tout cela est créé par l'idée et ne peut procéder d'ailleurs,
M. Azevedo croit trouver un argument contre ma théorie
idéale du principe de l'harmonie et de toute la musique, en
ce que personne auparavant n'avait imaginé de chercher ce
principe dans le moi. Ma réponse est facile sur ce point
comme sur tous les autres. D'abord je dJrai que l'originalité
d'une théorie ne peut, dans aucun cas, être un motif légi-
time de suspicion contre elle. Ensuite , si mon système est
nouveau, il ne l'est que dans l'application, car il n'est
qu'une déduction particulière de la philosophie générale
dont l'idéalisme est la base. Toute la critique de M. Azevedo
prouve seulement que cette philosophie n'est point connue
de lui , et qu'il ne s'est pas élevé au-dessus des principes de
cette philosophie sensualiste du dix-huitième siècle, dont les
conséquences inévitables sont de priver l'homme de sa virtua-
lité , de sa dignité et de sa liberté.
J'ai dit plusieurs fois que M. Azevedo est sensualiste:
lui-même l'avoue, car il ne reconnaît de base à la gamme
que dans les faits d'expérience, dans les proportions que le
calcul en déduit, et dans la conformation de l'organe vocal. Il
est obligé d'avouer toutefois que de tout cela ne sort pas la
ganmie; mais on en tire, dit-il, les intervalles qui y sont con-
tenus, et cela suffit pour la construire. Or, j'ai assez dé-
montré dans ma précédente lettre et dans celle-ci combien
cette doctrine est erronée , pour n'avoir plus besoin de re-
venir sur ce sujet. Ce n'est pas d'aujourd'hui que des ma-
thématiciens et des physiologistes ont essayé de fonder une
théorie de la musique sur ces bases sensualistes ; car Pierre
Mengoli (1', Morel (2) et le professeur Bœkr (3), ont cru en
trouver le principe dans la conformation de l'organe auditif,
et le docteur Rush (4) a voulu le placer , comme M. Azevedo,
dans la voix humaine ; mais ces théories prétendues ne sou-
tiennent pas le plus léger examen , car il est évident qu'elles
attribuent à des organes passifs ce qui ne peut être que le
fruit de l'activité intellectuelle. La gamme est la loi de la
tonalité: or, toute loi est dans l'esprit; toute loi est une
idée.
Je crois en avoir dit assez , mou cher Zimmerman , pour
ne te laisser aucun doute sur la multitude d'erreurs accu-
mulées dans la critique publiée par M. Azevedo , contre le
(1) Speculazioni di Miisica, Bologne, 1C70. in-4.
(2) Principe acoustique novveau et universel de la théorie musicale,
ou ta musique expliquée , Paris, 1816, in-8.
Ci) F orUsungenûber Anthropologie , Koenigsberg, 1824, in-8.
(4) The Philosophy oj'ihe IJuman f^oice, Philadelphie, 1S27, I vol.
gr. in-8.
DE PARIS.
311
principe philosophique de ma théorie de l'harmonie, et pour
faire voir le vide de ses objections.
Tou tout dévoué ,
FÉTIS père,
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
A M. le Directeur de la GAZETTE MUSICALE.
Bruxelles, 12septembie 1844.
Monsieur ,
S'il eu est encore temps, veuillez faire imprimer ce billet
comme post-scriptum à ma qualrifeme Lettre à M. Zimmer-
man , contenant la réfutation de plusieurs articles qu'un cer-
tain M. Azevedo a publiés dans la France musicale sur le
principe philosophique de ma théorie de l'harmonie.
A propos de ma troisième Lettre destinée à servir d'intro-
duction à ma réfutation, ce monsieur vient d'en publier une
dans le 3G' numéro du même journal. Mon intention n'est
pas d'examiner ce qu'il y dit concernant la théorie , car cela
n'a aucune espèce de valeur. Mais je dois déclarer que, si
J'avais su à quel homme j'avais affaire , je n'aurais pas pris la
peine de faire de ses bévues une réfutation scientifique qu'il
n'est pas même en état de comprendre. Celui qui s'exprime
comme il le fait dans cette lettre ne méritait pas que je lui
fisse cet honneur.
Agréez , Monsieur, mes salutations ,
FÉTIS père.
DE OUELOUES INSTITUTS DE MUSIflUE
ËK RUSSIE.
(Suite et fin'.)
^fe^^^^ our en finir avec les chantres de la cour, il
"rn^SOlStl me reste à parler de leur exécution. Je vou-
drais la louer comme je l'admire; mais on
abuse tellement aujourd'hui , et à tout propos,
des formes laudatives , que , si l'on a , par ha-
sard , le bonheur d'éprouver une admiration sincère et vive, il
devient fort difficile de l'exprimer. Je tâcherai, tout au rebours,
de dire les choses dans leurs termes les plus simples. Rituel
ancien ou musique moderne, tout se chante, à la chapelle im-
périale, sans aucune espèce d'accompagnement. II n'y a pas
même, comme aux lutrins de nos églises, un serpent ou une
contre-basse. A peine, lorsqu'en passant d'un morceau à un
autre , la tonalité se trouve différer essentiellement, à peine
le directeur fait-il entendre, en pinçant mezza-vocc une seule
note de violon , le ton du second morceau. Cependant, d'un
bout à l'autre, la justesse se maintient parfaite, irréprocha-
ble ; jamais le chœur entier n'élève ou n'abaisse insensible-
ment l'intonation , jamais aucune discordance partielle, indi-
viduelle, ne jette une légère tache sur l'ensemble; et quant
à la mesure, elle reste si posée, si nette, si sûre, si imper-
turbable , qu'un métronome ne la conserverait pas avec plus
de régularité. Mais, peut-on dire, cette sûreté de mesure,
cette justesse d'intonation, sont moins des qualités véritables
que l'absence des défauts opposés. J'en conviens, quoiqu'il
y ait beaucoup à répondre , et toute une thèse contraire à
soutenir; mais une quaUté à laquelle il faudra bien laisser ce
nom, c'est celle de colorer le chant, de l'accentuer, d'en
C) Voir le numéro 30.
pousser les nuances jusqu'aux plus infinies délicatesses. Cette
qualités! précieuse, si rare, même dans un chanteur isolé,
le chœur des chantres la possède pleinement, et la porte à
ses dernières limites. Ils savent faire dans le pianissimo des
piano , et dans le fortissimo des forte ; ils savent enfin donner
au chant tout son clair-obscvr, qui est , dans la musique
comme dans la peinture, l'art de la couleur. C'est le triomphe
et le chef-d'œuvre de la discipline. Si quelque chose manque
à celte merveilleuse exécution, pour qu'elle réalise la per-
fection idéale , c'est uniquement ce que nul ensemble, or-
chestre ou chœur, ne peut jamais produire, le sentiment
intime, la passion personnelle, les accents de l'âme: expres-
sions réservées au moi humain , et par conséquent aux solos
d'instruments ou de voix. Mais tout le sentiment, toute la
passion, toute l'âme, que comporte un ensemble, une masse
bien unie, se trouvent dans l'exécution des chantres de la
cour. Que l'on se figure un orgue humain, un orgue dont
chaque tuyau soit une voix humaine, mais joué par un
seul homme auquel il obéit en esclave , par un seul homme
qui impose électriquement h toutes les touches du clavier sa
A'olonté, son sentiment, sa pensée; voilà le chœur de la cha-
pelle impériale. En écoutant, dans un recueillement muet,
avec une émotion portée jusqu'aux larmes, cette exécution
prodigieuse, je me rappelais un souhait formé par Rossini.
« Oh! sijavais, me disait-il un jour, en expliquant les mo-
tifs de son déplorable silence, si j'avais deux cents voix qui
pussent chanter sans nul accompagnement, je me déciderais
à écrire encore , et je crois que je trouverais du nouveau. »
Quoiqu'il n'y ait que la moitié de ce nombre de voix à la cha-
pelle impériale, le vœu de Rossini me semble accompli;
qu'il écrive en toute sûreté pour les Chantres de la cour.
D'ailleurs, ne faut-il que doubler leur nombre pour déci-
der l'auteur de Guillaume Tell à imiter l'auteur de Phèdre,
qui, après quatorze ans de retraite et de silence, jeta le
chant du cygne dans Athalie? On peut le satisfaire, même
sans quitter Saint-Pétersbourg. L'empereur n'a pas seul le
privilège d'une chapelle musicale. On cite un simple parti-
culier , le comte Schéréméteff , qui a fondé dans son hôtel un
autre corps de chantres rivalisant avec celui de la cour. A la
vérité, le comte Schéréméteff passe pour le plus riche pro-
priétaire de la Russie , après la couronne. Il a , dit-on , cent
cinquante mille serfs, ce qui suppose, en ajoutant aux
hommes valides les femmes et les enfants, une masse d'envi-
ron trois cent cinquante mille âmes. C'est la population d'un
département français, sur un territoire au moins quatre fois
plus étendu. Avec une telle fortune , il est permis de se passer
un caprice de prince.
D'autres institutions analogues pourraient encore fournir
à l'armée chantante rêvée par Rossini de très utiles contin-
gents. Tel est, par exem\ii\e , le bataillon des cantonnistes.
C'est le nom que l'on donne à une école militaire fondée
pour les enfants de troupe , d'où ils sortent sous-officicrs ,
et pourvus d'une éducation libérale qui comprend jusqu'à la
musique. Forts par le nombre et par la discipline , ces jeunes
militaires exécutent des chœurs religieux ou guerriers avec
une perfection presque égale à celle des chantres de la cour.
Il y a chaque aimée , au retour du printemps, une solennité
qui réunit toutes les forces musicales de la capitale de l'em-
pire ; c'est le concert monstre ( le mot est accepté ) donné
au profit des invalides. Toutes les musiques des régiments de
la garde et de la garnison se forment en un seul orchestre
sous la direction supérieure de M. Hase, et, près de ces
masses instrumentales , se groupent des masses de voix non
moins formidables. Il y a là jusqu'à deux mille exécutants.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
C'est quatre fois plus que n'en réunit, dans l'immense en-
ceinte d' Exeter-HaU , pour ses huit ou dix concerts de
chaque année , la société anglaise des Oratorivsde Hœndel.
Habituellement, daus ces curieuses solennités, on exécute un
morceau qui est sans doute le plus curieux de tout le pro-
gramme. Il fut composé par le général Lvoff , lors de la réu-
nion des troupes russes et prussiennes à Kalisch , en 1835,
pour une grande fête militaire qui eut lieu le 6 septembre.
De quelques airs nationaux , entre autres d'une vieille
chanson dont les paroles et la musique , si l'on en croit la
tradition , furent composées par Pierre-le-Grand , lorsqu'il
construisait dans la Newa les premiers bâtiments de sa flotte,
le général Lvoff arrangea , sur des paroles faites pour la
circonstance , une .=orte de cantate guerrière. Des milliers
de voix , prises dans toute l'armée , entonnaient les chœurs ,
qu'accompagnaient toutes les musiques militaires. Mais, pour
cet immense concert en plein vent, 1 auteur avait ajouté à
s on nombreux et formidable orchestre un instrument tout
nouveau, le canon. Quand venait la dernière reprise du
chœur général, un coup de canon partait à chaque entrée
de phrase , puis bientôt à chaque entrée de mesure , puis un
second répondait en écho, puis tous deux éclataient ensemble,
puis enfin , sur l'accord final , tonnait la décharge d'une bat-
terie de vingt-quatre pièces. Je recommande cette invention
aux ordonnateurs des concerts de nos fêtes nationales , qui
n'en sont encore qu'aux douze trompettes de Jéricho (1).
Il ne faut pas oublier , parmi les curiosités musicales de
Saint-Pétersbourg, les chants des bohémiens. Chaque année,
quand vient le grand carême , et que la clôture de tous les
théâtres laisse le champ libre aux concerts, il arrive de Mos-
cou une troupe de bohémiens , de cette race nomade, qui,
venue de l'Orient vers lexiV^ siècle , les uns disent de l'Inde,
les autres de l'Egypte, s'est répandue dans toute l'Europe,
s'appelant Zingari en Italie , Gilanos en Espagne , Gypsies
en Angleterre, Zigeuncr en Allemagne, Tsiyanien Russie,
et se nommant eux mêmes Pharaons. Plus modestes que
les virtuoses voyageurs , qui disent : le monde est ma patrie,
les chanteurs bohémiens ne donnent pas de concerts publics,
bien que , dans leur nombre et la variété de leurs chants , ils
trouvent «issurément le droit de composer à eux seuls tout le
programme d'une soirée. Mais ils sont appelés dans les réu-
nions particulières , où l'on invite pour les bohémiens ,
comme pour le thé , le bal ou la lanterne magique. C'est ainsi
que je les ai entendus chez le comte R. , au milieu d'une
petite société de choix , qui cherchait à satisfaire , en les
écoutant , plus qu'une simple et passagère curiosité. Douze
femmes de différents âges vinrent s'asseoir en demi-cercle
dans le salon ; six hommes se tenaient debout derrière elles,
et au milieu du rond, faisant face aux exécutants, était le
chef, une guitare à la main , pour donner le ton et le mou-
vement des morceaux. Parmi les hommes, il y avait des
ténors , des basses , et même des contre-basses comme celles
des chantres de la cour, qui faisaient aussi vibrer des pédales
d'prgue. Les femmes étaient , cela va sans dire , alti et so-
prani. Ils chantèrent une foule de morceaux , très courts
d'habitude , mais très variés de forme et d'expression, à une,
deux , trois , quatre voix , ou en chœur. Souvent , comme à
l'église, comme au théâtre, le chant réplique aux voix isolées,
et termine par un tuiti le motif commencé par un solo.
(1) Si l'on demande comment le bruit du canon pouvait s'ajuster
comme bruit musical dans l'orchestre , je réponds que c'était d'une
manière bien simple. Le chœur étant à 6/4, le commandement de
fea! se donnait sur le cinquième temps de la mesure antérieure, et
le coup partait juste au premier temps de la mesure suivante.
Chose singulière ! sans être aucunement musiciens par la
science , sans connaître seulement le nom des notes , les
bohémiens arrangent eux-mêmes leur musique ; ils se dis-
tribuent les parties, composent des traits et des fiorilures à
leur manière , et plaquent sous le chant des accompagne-
ments de guitare. Ces harmonies sont fort souvent défec-
tueuses, comme on peut croire , et froissent ouvertement les
règles du contre- point ; mais elles sont originales, pleines
d'effets inattendus, et je ne sais si la science ne pourrait pas
profiter quelquefois de ces inventions de l'instinct. Une par-
tie de leur répertoire se compose de chan.sons populaires
russes ; l'autre, et la plus curieuse , de chants traditionnels
propres à leur race , et sur des paroles en jargon bohémien.
La mesure la plus commune est celle à trois temps , comme
dans tous les chants qui servent à la danse; mais ils em-
ploient aussi des mouvements irrcguliers à cinq ou à sept
temps , suivant le nombre des syllabes et le sens des mots. Ce
qui frappe le plus daus leurs chants purement nationaux (si
le nom de nation peut se donner à une race dispersée et vaga-
bonde), c'est le singulier rapport , la ressemblance frap-
pante qu'on y trouve avec ceux des bohémiens d'Espagne.
Il y a surtout des morceaux lents et tendres qui semblent des
tiranas et àes polos de l'Andalousie. D'autres sont animés ,
vifs et sémillants comme les segitidillas de la iManche ou la
jofa d'Aragon. Sur ces mouvements rapides, quelques unes
des femmes se levaient, jeunes ou vieilles , et se mettaient à
danser, c'est-à-dire glissaient sur le parquet, en donnant
à leurs bras, à leurs épaules, à leurs hanches , à tout leur
corps, des frémissements bizarres , des mouvements désor-
donnés qui les jettent peu à peu dans une sorte de transport
et d'ivresse. Ce sont encore les bayadères de l'Orient.
Le concert fini, et lorsqu'ils avaient pris le thé au rhum,
les bohémiens demandèrent, pour dernière récompense , que
M'"' Pauline Viardot, qui se montrait le plus attentif de leurs
auditeurs , se mît au piano pour chanter à son tour. Elle se
rendit très volontiers à leur désir. Cette espèce de musique
et cette espèce de chant, qu'ils entendaient pour la première
fois, jeta les bohémiens dans une surprise extrême. Groupés
pêle-mêle autour du piano, la tête penchée, l'œil fixe, la
bouche ouverte, il n'interrompaient leur silence recueilli que
par de brèves exclamations, dont un interprète nous tradui-
sait le sens. « Ce n'est pas un homme (un êti-e humain) qui
chante, disait l'un , c'est autre chose. » « Encore, ajoutait
un gros vieillard , si elle avait de l'embonpoint ! Mais d'où
sort cette voix ? » Lorsqu'après quelques fragments italiens
et quelques romances françaises. M"'" Viardot chanta des airs
espagnols, les bohémiens se retrouvèrent comme dans leur
pays. Ils les comprirent parfaitement , et s'en firent répéter
deux ou trois : voulant, disaient-ils, ne les plus oublier et les
arranger à leur usage. Je saurai peut-être l'an prochain s'ils
ont tenu parole.
Pour achever l'histoire des bohémiens de Russie , il me
reste à dire qu'ils ont conservé aussi purement qu'ailleurs
tous les caractères de leur race, et qu'ils sont, malgré l'ex-
trême différence des climats, tout semblables aux bohémiens
que j'ai vus en Hongrie, en Angleterre et eu Espagne. DanjS
les femmes surtout, ces caractères sont visibles et prononcés.
Elles ont les cheveux et les yeux noirs , la peau brune , les
dents blanches, l'oreille maigre, la gorge petite, les doigts
effilés, la taille cambrée, le corps souple. Elles s'habillent d'o-
ripeaux, de clinquant, d'étoffes bariolées. Chacune s'attife
à sa guise. Mais, rouge ou vert, de soie ou de coton , toutes
portent le véritable pephihi attaché sur l'épaule. D'où leur
vient , et comment conservent-elles encore cette mode de la
DE PARIS.
ZU
Grèce antique ? D'ailleurs, les femmes et les filles se distin-
guent, comme chez les Russes, par la coiffure, qui est pleine
-au sommet de la tête pour les unes , et ouverte pour les
autres. Riais ce n'est point seulement par l'aspect physique ,
c'est aussi par les mœurs que les bohémiens d'e Russie res-
semblent h ceux du reste de l'Europe. Là aussi, les hommes
ont pour principale profession le maquignonnage, le commerce
et la médecine des chevaux ou du bétail; et de plus, ils sont
les musiciens du peuple; là aussi les femmes chantent, dan-
sent , disent la bonne aventure ; là aus.si, ils vivent en tribus,
sous l'autorité d'un chef électif. Tout ce qu'ils gagnent est
mis en commun ; les gens valides nourrissent les enfants, les
vieillards, les malades; et nos chanteurs envoyés chaque
carême à Saint-Pétersbourg rapportent fidèlement à la masse
le produit de leur expédition musicale. C'est le communisme
en exercice. Si les mœurs des bohémiens à l'égard des autres
races ne sont pas irréprochables sous le rapport de la probité,
s'ils ont ce que les phréndlogues appellent poliment la
bosse de l'appropriation, c'est-à-dire l'instinct naïf du vol
comme les sauvages de la mer Pacifique , en revanche,
dans les rapports des sexes, leurs mœurs sont d'une extrême
sévérité. Ni par les hommes , ni par les femmes , la race
bohémienne ne se mêle à nulle autre. Une femme mariée est
incorruptible ; elle paierait une faute de sa vie, comme l'adul-
tère de l'Evangile, et tous les gens de sa tribu auraient le droit
delui jeter la première pierre. Quant aux filles, quelquefois,
avec la permission des chefs et des anciens, "elles se marient à
des Russes ; mais ce n'est qu'après de longues épreuves d'af-
fection et de fidélité mutuelles. Quelquefois aussi (ce cas est
fort rare) elles sont vendues au profit de la communauté, qui
les recueille lorsqu'elles sont abandonnées de leurs riches
amants. Au reste, si l'on veut connaître dans tous leurs détails
les mœurs des bohémiens russes, on n'a qu'à lire celle des
Nouvelles de Cervantes qui est intitulée : la Gitanilla de
Madrid. Bien qu'écrite il y a deux cent cinquante ans, l'his-
toire est encore de notre époque , et, bien que tracé en Es-
pagne, le portrait n'est pas moins ressemblant en Russie. Ne
faut-il pas admirer quelle est, dans certaines races émigrées,
la puissance des traditions originelles , puisque, au physique et
au moral , sans correspondre et sans se connaître , leurs tri -
bus sont absolument les mêmes au pied de l'Alhanibra de
Grenade et du Kremlin de Moscou?
LE CHANTEUR DE CHA\S01V]VETTES.
Dessin de Gavarni.
On peut chanter partout, faire les délices des salons parti-
culiers, des concerts publics, et pourtant n'être pas plus
musicien que chanteur. Le chanteur de chansonneiles jpuit
d'une existence tout-à-fait exceptionnelle. Comédien et
bouffon par nature , il arrive à la fin des séances de musique
sérieuse , dont il est pour ainsi dire le bouquet, le vaudeville
final. Sa mission consiste à réveiller ceux qui dorment , à dé-
rider les physionomies asphyxiées par l'admiration ou l'ennui.
Gavarni s'est plu à le représenter dans son idéal le plus gra-
cieux , le plus fashionable. A son attitude , à son geste , on
jurerait qu'il ouvre la bouche pour nous dire VOuvreuse de
loges ùu A bas les médecins, dePIantade, les Enfants ter-
ribles ou Y Annonce et la Rédame de Blanchard. Oui, je
crois l'entendre débiter ce refrain mémorable , tiré du der-
nier de ces chefs-d'œuvre :
C'est merveilleux !
C'est prodigieux!
Vive l'annonce et la réclame !
Il n'est rien qu'ça d' bon, je 1' proclame,
Dans les journaux
"Vieux et nouveaux.
Le chanteur de chansonnettes remplace avec avantage la
chanson de table que nos pères entonnaient au dessert, en
détonant le mieux du monde , avec accompagnement de
verres qui se choquaient , de couteaux qui sautillaient sur
les assiettes. Le chanteur de chansonnettes ne chante pas sans
piano, et ne se nourrit que de sirops, de punch et de glaces;
il absorbe une effroyable quantité de sandwichs, jusqu'à
l'heure du souper intime , qui est pour lui l'heure du ber-
ger. Rarement il s'en va sans payer encore son écot, en
chantant à demi-voix, inter pociila et scyphos, des chan-
sonnettes d'un autre genre, qui ne se gravent nulle part, si
ce n'est dans la mémoire des gens qui en ont, et qui les ré-
pètent tant bien que mal, dans les dîners joyeux, en l'ab-
sence des demoiselles et des mères de famille. Mais connaissez-
vous rien de plus assommant qu'une chanteur de chanson-
nettes qui n'est pas drôle? et il y en a !
MM. les Aboonés reccïTomU avec le nnméri
jour : I-'iic Étude de 'H'Iialbcrg.
nOUTELLiBS.
"," Demain lundi, à l'Opéra, la 7' représentation à'Othello.
*/ On annonce la première représentation de Richard en Pales-
tine pour les premiers jours du mois prochain.
*," M. Saint-Hilaire s'est démis de l'emploi de régisseur de la
scène qu'il occupait à l'Opéra-Comique. C'est Henri , l'excellent ac-
teur, qui s'est chargé de l'intérim.
*,* On s'occupe avec activité, dans la grande salle du Conser-
vatoire, des répétitions de Raoul de Créqiiij. C'est le 25 de ce mois
que celte pièce doit être représentée devant le roi et sa famille,
sur le théâtre du château de Saint-Cloud. Voici la distribution
des rôles: Raoul, M. Mathieu; Lugder, Chaix; Gérard, Obin;
Landry, (juignol; Craon, .^i"= Mondutaigny ; Elui , M"' Morize ; Ba-
thilde , JU"p Gautier; Adèle, IVI'" Morange. Les répétilions sont di-
rigées, avec le soin le plus scrupuleux, par M. Habeneck, et suivies
tiès assidûment par M. Auber, à la fois directeur du Conservatoire
et de la musique du roi.
",* On lit dans un journal de Toulouse du 6 courant : « M. Liszt
est parti pour Bordeaux , hier au soir, après la Juive. La cour de
l'hôiel de l'Europe, au moment où il montait en chaise de poste,
était encombrée d'une foule nombreuse. Les admirateurs que lui ont
valu parmi nous son talent sans égal et .'on caractère, voulaient
saluer l'artiste à son départ; c'est au milieu de regrets bruyamment
répétés que la voilure s'esl mise en route.
*,* iM. PanofUa est de retour à Paris.
*,• l'ii. Antoine tîohrer doit être de retour à Paris vers la tin d'oc-
tobre, il îious ramènera sa fille, la jeune Sophie, que nous avons
entendue il y a quelques années en 1338; elle débutait alors, et,
pour n'être encore qu'une enfant , elle n'en élait pas moins un pro-
dige ; elle n'en obtenait pas moins des succès exiraordinaires que ce
journal a pris soin d'enregistrer. Tout le monde s'accorde à dire
qu'elle a fait d'immenses progrès, et nous ne doutons pas que son
arrivée ne produise une vive sensation dans le monde artiste. Ceux
qui se la rappellent, et le nombre en est grand , voudront la com-
parer à elle-même ; les autres ne seront pas moins empressés de
faire connaissance avec un talent de premier ordre.
*,* Le premier poêle tragitiue du Danemark, OEhlenschaeger ,
vient d'arriver à Paris avec son second fil«, après avoir visité l'Alle-
magne, où il a ■été accueilli avec de grands honneurs.
V La reine vient d'accepter la dédicace de la messe pour quatre
voix d'homme, composée par M. J. Géraldy.
*," Nous apprenons avec satisfaction que les constants efforts de
M. Sax obtiennent les plus honorables suft'rages. MM. Rotschild et
314
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
GudJD. viennent de s'intéresser dans sa fabrique d'instruments à
vent, et les plus habiles artistes le prennent aussi sous son patro-
nage. Tout le monde connaît les beaux succès obtenus par ses instru-
ments, que la famille unglaise Distin vient défaire entendre en
Allemagne, et qu'ils vont encore poursuivre à Bruxelles et à Lon-
dres ; aussi attend-on avec le plus vif intérêt les instruments nou-
veaux que M. Sax fabrique encore en ce moment pour une société
d'artistes qui s'est formée à l^aris , tout exprès pour les faire con-
naître, et préparer ainsi toute une révolution dans la musique
d'barmonie.
',* Le concours de musique d'Anzin, commencé sous les plus heu-
reux auspices et par un temps superbe , devant une réunion de plus
de 15,000 personnes, n'a pu s'achever dans la soirée de dimanche
dernier, sans Irouble et sans encombre , par suite de l'ouragan qui
s'est élevé tout-à-coup et qui est venu souflltr sur la place du con-
cours et provoquer la chute de ces estrades éphémères que la spé-
culation élève à très petits frais, et que les architectes négligent
beaucoup trop. Vers dix heures, un vent impétueux éteignit une
partie des lumières, une pluie diluvienne vint augmenter le trou-
ble ; dès lors un désordre épouvantable se mit parmi cette masse
réunie sur un point. Musiciens et spectateurs se précipitèrcnl les uns
sur les autres, et une mêlée effroyable s'ensuivit. Un jeune homme
de 17 ans a élé blessé grièvement à la tète par l'écroulement de
l'estrade; M. Casimir Paqué, officier de pompiers à Anzin , à reçu de
légères contusions , et on a trouvé sous les planches une personne
évanouie , mais qui n'avait reçu heureusement aucune blessure. Le
coniours, interrompu si brusquement, a été repris lundi matin-
Le I«r prix de la première classe a été décerné à la musique de Va-
lenciennes ; celle du Quesnoy a remporté la médaille de la deuxième
classe. Nous ne connaissons pas les autres.
"," La maison de plaisance élevée pour M"= Taglioni sur les bords
du lac de Côme est, à ce qu'on assure, une merveille de richesse
et de goùl. Celle qu'habite M"" Pasta est située dans le voisinage.
V La ville de ICiel en Danemark possède une nombreuse troupe
chantante qui, pendant la saison d'été , donne des représentations à
Flensbourg et à Schleswig , et qui est à demeure à Kiel depuis le
I" mars. Son répertoire se compose en grande partie de nouveautés
parisiennes. Parmi les pièces nouvellement représentées, nous avons
remarqué to /l/ysfèrei lie Paris , arrangés par M. Cari Blum, an-
cien régisseur du théâtre de Berlin, dont la mort a été annoncée der-
nièrement. C'était un homme singulier, ayant des talents très variés-:
c'est ainsi qu'il écrivit une pièce pour laquelle il fit lui-même les
décorset la musique, et de plus il y joua le principal rôle.
*," La saison à Ems n'a pas été aussi brillante qu'on l'avait espéré.
Un grand nombre d'hôtels sont restés à moitié vides. Plusieurs con-
certs ont eu lieu au Kursaal, parmi lesquels ceux de MM. Doehler et
Piatti onl eu le plus de succès. Une pianiste , M"» Barraud, qui avait
eu soin de faire exposer son portrait dans les salons, n'en échoua
pas moins dans la soirée musicale où elle produisit son talent.
*,* Le Diorama vient de rouvrir en exposant un nouveau chef-
d'œuvre en quatre époques , le Déluge. On croirait que M. Bouton y
assistait, si la chronologie n'élait là pour démonlrer le contraire.
Jamais ce grand artiste na mieux deviné, ni mieux rendu. Son Dé-
iuge prendra place au rang des pages les plus sulilimcs de l'Iiistoiie
du genre humain.
CBsa'OEîi3|«e eSéjssEii'teESBeBiaïsBe.
',* Rouen, iO septembre. — Les débuts de notre troupe d'opéra se
succèdent avec rapidité et s'accomplissent , nous devcms le dire , de
la manière la plus heureuse. Ln Juive, ce rlier-d'(L'uue de noire
nouvelle école française, avait attiré hier une nombreuse chanibrce
au Théâtre des Arts. La soirée a été briilanle, et certaines parties
du bel opéra de M. Halévy ont élé rendues par nos nouveaux arlislos
mieux peut-être qu'elles ne l'avaient jamais été sur notre scène.
Nous citerons particulièrement le rôle entier de Léopold , que
M. Grognet nous a vraiment fait connaître, et la dernière partie du
deuxième acte, qui a été chantée avec un ensemble parfait et un
entraînement dramatiqrje lout-à-fait à la hauteur de celle sublime
inspiraiion musicale. H. P.aguenot, dans le rôle ù'Eléazar, s'est de
nouveru montré tel que nous l'avions jugé dans celui de Robert, bon
chanteur et bon comédien. Dans la cantilène du premier acte , dans
l'admirable trio du deuxième acte et dans lu grande scène du qua-
trième, il a excité de nombreux applaudissements. Il a chanté tous
ces morceaux avec une énergie et une sûreté remarquables. On voit
que c'est à bonne écolequ'il a formé son talent, qui le place au rang
de nos meilleurs ténors français. M"" Vallon a prouvé, dans le rôle
de Rachel, qu'elle possédait aussi les véritables Iradilions. Elle a joué
parfailement et chanté avec beaucoup d'âme ce beau rôle qui lui a
valu un succès complet. Picmise de l'indisposition à laquelle elle
était en proie lors de son premier début , elle a pu développer tout
l'éclat (le sa voix, qui est belle et puissante. Dans les couplcis du
deuxième acte : u Jl va venir» , dans le duo qui vient après, dans la
romance : « Pour lui, pour moi , pour mon père ; » el dans le trio final,
sou jeu a été constamment simple et touchant, sa diction vraie et son
chant plein de chaleur et d'expression.
"," Arrns, 31 aiût. — Le concert donné pour la tète de noire ville
réunissait des artistes d'un mérite vraiment rare: DérivisBls, qui,
après avoir commencé sa carrière à l'Académie royale de musique ,
a été le continuer si brillamment en Italie ; M'U Consiance Janssens
(Maria Corini) , M. Révial < t M. Blaës , le célèbre clarineltisle. I.'at-
tenle des auditeurs n'a pas été trompée : on était avide d'entendre
et d'applaudir; on a pu légitimement applaudir tout ce qu'on a en-
tendu.
*,* Jteims. — Le téior Grosset, engagé pour plusieurs représen-
tations, vient de se faire entendre dans la Lucie , où il s'est de suite
posé au rang des bons artistes de la province.
*," Toulouse , 8 septembre. — M""' Wideman a fait son début dans
la Favorite. Ou l'a beaucoup applaudie, quoiqu'elle ait chanté
presque toujours un quart de ton trop haut. C'était un effet de
l'émotion fans doute. Uatis le Juive, on a vu Liszt applaudir
M"" Masson ; ce suffrage en vaut bien d'autres pour la jeune can-
tatrice.
— M. I.afeuillade est définitivement associé à la direction de
M. Boulard ; nous ne pouvons que nous en applaudir. L'habileté de
M. Lafeuillade contribuera, sans duute, à relever notre théâtre, à le
tirer de cet état de. décadence où il est tombé. Nous avons en lui
beaucoup de confiance, et nous pensons qu'il ne trompera pas noire
espoir.
Clis'Oiitâciuc étrangère.
•,* Gand. — Les abonnés du théâtre de Gand convoqués lundi au
foyer pour prononcer sur les artistes qui avaient terminé leurs dé-
buts ou fait leur rentrée, les ont acceptés tous. MM. Albert, Mar-
chand, Ménéhand. M"'« Ililien , MarnelTe , Bondois (Blanche) , Bau-
doin et Prévost , ont été admis par acclamation ; au scrutin , M. Di-
guet, le baryton, a réuni tous les votes; M"' Ménéhand a eu 18
boules noires et M. Philippe -18. M. et M"'= Fiilodeau , premiers
danseur et danseuse, n'ont obtenu en leur faveur qu'une faible
majorité.
— M.H.-G.Moke, professeur à l'Université de Gand, et M. Edouard
Fétis travaillent depuis plusieurs mois à un ouvrage qui est de na-
ture à intéresser au plus haut degré chacune de nos grandes villes ,
dont il décrira les curieuses merveilles, en même temps qu'il s'atta-
chera à rappeler leurs pins beaux titres de gloire. I,a 1" livraison
de ce livre, qui sera, nous dit-on . publié avec une rare magnificence
par l'un des plus actifs éiliteurs de cette ville, doit paraître à l'époque
des fêtes de septembre. Nous nous empresserons d'en rendre compte
à nos lecteurs.
*,* Hambourg. — On a repris le Templier el la Juive, par Marschner.
Cette partition , dit un journal allemand , date d'une époque où les
opéras français n'étaient point nos modèles indispensables dans la
partie dramatique et technique de l'art. De nos jours, le composi-
teur aurait disposé bien différemment certaines parties de son
œuvre, surtout les morceaux d'ensemble, le récitatif et l'accompa-
gnement.
V Wie-tbade. — Au théâtre de celte ville on a donné récemment
les Huijuenois, Tancrede ( reprise ) et la Jl/ueiie de Portici. A la salle
de Scliutzenhof il y a eu un concert , où l'on a surtout applaudi un
lied delvreulzer.
Le Directeur, Réducteur en clief, Maurice SCHLESINGER.
c. nAItTllV
■UTCI
de Pii
BREVETE DU ROI
I de l.ondreit.
Le Chirogymnasle esl unassemblatfeiteiieurappa-
reils^ymnastiques destinés a donner de Vextenston à
lamauietderécarl aux doigts à augmenter et à égatf-
ser leur force et à -rendre le quatrième et le cinquième
indépendants de tons les autres. Le Chirogymnaste
fêté aussi approuvé et adopiè par MM. Adam, Bertini,
ne Heiiot, Cramer, llerz, KaUibreuner, Listz, Moschelèt
It-uamt, Sinon, Thalberg, Tulou, Zimmermann, etc.
Chaque Chirogymnaste est revêtu de ta signature
de ^inventeur et se vend place de la Bourse, n"* 13,
àhuit appareils, ZOfr.,àneufapp.GOfr., mél/iode,3/r.
Imprimerie de BOURGOGNE et MARTINET, 30, rue Jacob.
Paris : uaan, SOFr. ; six mois, 15 fr. — Annonces : 50 c. la lig .13 de 28 lettres — départements : un an , 34 fr. Étranger, 38 Tr.
GAZEHE MUSICALE
BtolGÉB PÀB
MM. ANDERS , G. BÉNÉDIT, BERLIOZ , Henri BLANCHARD ,
MiBBiCE"BOURGES, F. DANJOD, DUESBERG , FÉTIS père, Édouabd FÉTIS, Stfpber HELLER, J. JAMN,
G. KASTNER, LISZT, J. MEIFRED , GEOBCE SAND, L. RELLSTAB, PACL SMITH, A. SPECHT, etc.
JParaiggant totMg Me» JOitnnnehea.
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE 6AVARNI.
1^ '*' et le 15 de chaque mois on recevra un morceau de musique*
SOMMAIRE. De la musique sédilieuse; par n. BLANCHARD. —
Théâtre royal de l'Opéra-Comique : Sainie-Cécile , opéra-comique
en 3 actes (première représentation) ; par H. BLANCIIARD. —
Littérature musicale : Voyage musical en Allemagne et en Italie,
d'Hector Berlioz ; par PAUL SMITH. — Revue critique : Méthode
complète pour la harpe, de Théodore Laharre; par G. KASTNER.
— Correspondance particulière: Lyon. — Nouvelles. — Annonces.
MOYEN AGE. Dessin de Gavarni.
DE LA MISIQIE SÉDITIEISE.
La victoire en chantant nous ouvre la barrière.
CnÉNiER et MÉiiUL.
Peuple français , peuple de frères...
SouRfouiÈRES et Gaveaux.
Veillons au salut de l'empire ,
Veillons au maintien de nos droits.
Deiried et D'Aleyrac.
Vive Henri quatre,
Vive ce roi vaillant!
Anomyme.
Noble amour du pays où l'on reçut la vie ,
Viens remplir tous les cœurs et charmer les esprits !
Henri Blaîschard.
Jamais en France ,
Jamais l'Anglais ne régnera !
Casimir Dklavigne et Halévv.
e titre et ces épigraphes , avec beaucoup d'autres
, qu'on pourrait y ajouter, sont comme un appendice
à un article que nous avons donné dans le nu-
' méro 24 de la Gazette musicale du 1 3 juin 1 839,
intitulé : de ia musique dangereuse. Dans cet
article nous n'avons traité que de la musique qui impres-
sionne profondément , qui excite au plus haut point l'admi-
ration et l'exaltation , de cette musique qui ouvre toutes les
voies du cœur, y soulève toutes les émotions et toute la pas-
sion, le remplit des ineffables douceurs de l'amour, ou le tor-
ture de toutes les affres de la jalousie : c'est la musique sen-
sualiste, celle qui, en bonne morale et dans un gouver-
nement bien ordonné par la religion , devrait être proscrite ,
comme l'était l'art efféminé dans l'antiquité ; nous y viendrons
peut-être, par le temps de perfectibilité gouvernementale
qui court ; mais , quant à présent , il ne s'agit que de la mu-
sique sédilieuse , de la musique politique , anarchique ,
démagogique , et capable de produire mille autres effets dia-
boliques.
Sous la restauration , le mot de liberté était le cajmt mor-
<«w?i des agents du pouvoir; ils le proscrivaient partout où
il se montrait , même rétrospectivement. Ainsi , dans le Don
Giovanni de Mozart, au Théâtre-Italien, qui devait se croire
exempt des susceptiblités de la censure , cette dame prude et
méticuleuse exigea que Don Juan , invitant ses convives au
plaisir, dans la fête qu'il leur donne chez lui , leur dît viva
Vilarità! au lieu de viva la libertà! que Da Ponte avait mis
dans son librello , vers qui est répété en choeur général par
tous les convives du joyeux Don Juan. Messieurs les censeurs
virent là sans doute un souvenir révolutionnaire, un appel
aux mauvaises passions , comme on dit aujourd'hui, une pro-
vocation à la révolte , et l'hilarité remplaça la liberté sur la
partition de Mozart. Il était évident qu'une autorité qui avait
peur d'un petit vers de libretto d'opéra italien portait en soi
le germe d'une inévitable chute. La plaisanterie de Figaro
était devenue ce que, plus tard, devait être la chatte, une
vérité; et pourvu qu'on ne parlât, comme le dit le joyeux
barbier , ni de l'autorité , ni du culte , ni de la politique , ni
de la morale , ni des gens en place , ni des corps en crédit ,
ni de personnes tenant à quelque chose, on pouvait tout
imprimer librement, sous l'inspeciion de deux ou trois cen-
seurs. Il y a des gens qui ne désespèrent point d'en venir là.
Allez donc leur jeter l'axiome de ïurgot : Laissez faire, laissez
passer ; ajoutez-y celui de Mazarin : Laissez-les chanter, ils
BUREAUX D'ABONNEMENT, RUE RICHEIiIEU, 97.
316
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
paieront; citez-leur le gouvernement anglais, qui après le
God save Ihe kitig ou queen , hymne gothique et courlisa-
nesque, laisse hurler à John Bull le Rule Britania, comme il
laissa célébrer sur le Chant du départ de notre Méhul la
victoire de Nelson à Trafalgar , ces gens-là ne vous écoute-
ront pas ; ils ne voient dans la liberté de la musique et de la
chanson que le retour de 1793. Laissez chanter : Ah çà ira !
mais vous voulez donc qu'on nous mette à la lanterne? Le
Chant du (Répart ! mais c'est exiger que nous prophétisions
nous-mêmes notre sort. Dansons la Carmagnole.' mais c'est
I le cancan , la polka des septembriseurs. Allons donc, jamais!
Nous voulons bien tolérer la Marseillaise quelquefois , quand
: on ne peut pas faire autrement, et la Parisienne toujours;
mais par exemple le chant de Charles VI , nous ne pouvons
permettre cette déclamation de mauvais goût contre une puis-
sance amie.
On a dit plaisamment que la France , sous Louis XV, était
une monarchie absolue tempérée par des chansons. On pour-
rait dire maintenant que nous vivons sous un régime consti-
tutionnel consolidé par la proscription des chants nationaux.
Nous avons dit dernièrement dans la Gazelle musicale com-
ment une censure, dont il est difficile de comprendre l'es-
prit, nous avait entravé , découragé dans la publication d'un
chant national , qui célèbre toutes les gloires de la France;
que maintenant il nous prenne la fantaisie assez naturelle de
faire jouer un drame que nous avons en portefeuille, inti-
tulé : le Combat des Trente , nous sommes convaincu d'a-
vance qu'on n'autoriserait ni le sujet , ni la pièce , ni la se-
conde strophe dite par un ménestrel à la réception d'un che-
valier, et dont le dernier vers est emprunté au chant guerrier
de Bertrand Duguesclin :
Pour délivrer notre Bretagne antique,
Réunissons tous nos efforls :
Le Léopard , des etiamps de l'Armorique ,
Eu vain ensanglante les bords.
L'Anglais, déçu de sa fière espérance.
Fuira devant les bannières de France;
Du Léopard doit triompher encor
L'écu d'azur à trois fleurs de lis d'or.
Comme le craintif Prusias de Nicomède qui s'écrie :
Ah ! ne me brouillez pas avec la république !
le ministère dit d'une façon prosaïque et tout aussi crain-
tive : Ah ! ne me brouillez pas avec l'Angleterre ! Donc ,
l'opéra de Charles VI est proscrit parce qu'il renferme une
belle et noble pensée musicale. Ordre est donné de ne laisser
rien chanter de cette partition dans aucune salle Je spectacle;
le duo des Cartes même est défendu dans les concerts. Il y
a plus : on sait que les vaudevillistes prennent souvent une
mélodie à la mode pour en faire , suivant l'argot dih métier,
un air de soi'tie ou un chœur final de leur œuvre légère et
facile. L'un d'eux , qui avait mis sous le chant national :
Guerre aux tyrans ! Jamais, jamais en France,
Jamais l'Anglais ne régnera !
des paroles aussi inoffensives que celles-ci :
Ah ! quel beau jour! Bientôt par l'hyménée
Ces deux amants seront unis ,
a été forcé de renoncer à son emprunt purement mélodique ,
et de remplacer ce chant horriblement séditieux par quelque
pont- neuf classique et pacifique.
Encore une fois, la censure de la restauration, si ridicule en
ce genre , permettait cependant de chanter les louanges de la
Vierge, de Jésus-Christ et des saints sur la Marseillaise, le
Chant du départ et autres mélodies séditieuses.
Qu'arrive-t-il de ces proscriptions si peu artistiques? qu'on
obtient un résultat tout différent de celui qu'on se promet.
De même qu'en faisant brûler Y Emile de J.-J. Rousseau,
on ne fit que donner plus d'éclat à ce bel ouvrage , de même
en mettant à l'index le beau chant national de Charles YI ,
on redouble la vogue qu'avait obtenue , dès son apparition
sur notre première scène lyrique , cette belle et patriotique
inspiration.
Henri Blanchard.
THEATRE ROYAL DE L'OPERA-^COMIQUE.
SAIP^TE CÉCILE,
OPÉRA-COMIQUE EN 3 ACTES,
Libretto de MM. Angelot et Decomberodsse ;
Partition de M. Montfort.
(Première représentation.)
e libretto de ce nouvel opéra a été longtemps
annoncé sous le titre de Carie Vanloo ; puis,
par une sorte d'antiphrase, de titre à côté, que
M. Scribe a mis à la mode , il a pris celui de
Sainte Cécile : il aurait tout aussi bien pu
s'intituler : Le duc de Fronsac, ou le Roué, ou même la
Coquette ndive. Il s'agit dans ces trois actes , de forme quel-
que peu exiguë , d'une rouerie de grand seigneur , et c'est
le duc de Fronsac qui en est le héros. Imitateur de M. son
père , le maréchal de Richelieu de galante mémoire , le jeune
duc de Fronsac voulut continuer les mœurs de la régence
et du règne suivant sous celui de Louis XVI ; il mettait du
rouge et des mouches , et se moquant de son père , qui , pour
entretenir la fraîcheur de son teint dans un âge avancé, se
mettait des tranches de veau sur le visage, il disait que son
père était un vieux bouquin relié en veau. C'est lui que Gil-
bert a peint dans ces vers :
Tous les jours dans Paris , en habit du matin ,
Monsieur promène à pied son ennui libertin.
C'est ce même duc de Fronsac qui fit mettre le feu dans un
quartier de la capitale oii ré.sidait une jeune fille qui lui ré-
sistait , et qu'il fit enlever à la faveur du tumulte. Le même
poëie dit encore à ce sujet :
Obscur, on l'eût flétri d'une mort légitime ;
Il est puissant, les lois ont ignoré son crime.
Le marquis de Gèvres, que les auteurs ont mis en regard
de ce noble duc , est encore un de ces grands seigneurs éhon-
tés qui , voyant un jeune et beau chasseur derrière un bril-
lant équipage , s'écria : Voilà pourtant comme nous les fai-
sons, et voilà comme ils nous font, ajouta-t-il en montrant
la bosse qui surmontait ses deux épaules. C'est cette plaisan-
terie d'un cynisme effronté que M. Victor Hugo a renouvelée
un peu crûment et sons une autre forme dans sa pièce du
Roi s'amuse, lorsque Triboulet, le Fou, dit aux courtisans
de François I" :
Au milieu des huées ,
Vos mères aux laquais se sont prostituées.
Avec de pareilles plaisanteries sur leur mère ou leur
femme , avec la banqueroute dont se faisaient un jeu les
Rohan , les Guéménée et tant d'autres nobles maisons, l'aris-
tocratie devait bientôt en finir avec son avenir dans l'ordre ,
ou plutôt le désordre social qu'elle avait préparé de longue
DE PARIS.
317
main. Le spectacle de ces mœurs rétrospectives d'une corrup-
tion polie, en habit de velours et en paillettes, ne nous va plus
guère : quoi qu'il en soit , on s'est assez amusé de toutes les
peines que se donne le duc de Fronsac pour que son ami ,
le marquis de Gèvres , ne soit pas , comme le Sganarelle de
Molière, un mari... imaginaire. La jeune marquise de Gèvres
a pour protecteur, pour sauveur de sa vertu, Carie Vanloo,
jeune peintre qui l'aime, et qui ne lui est pas indifférent. Il l'a
représentée en sainte Cécile, dans un tableau qu'il a fait pour
un couvent où elle a été élevée : de là le titre de la pièce. Le
duc de Fronsac a donc parié avec deux nobles dames de la
cour de Versailles qu'il posséderait les bonnes grâces de la
jeune marquise de Gèvres en vingt-quatre heures , et ce sont
les stratagèmes , les roueries , les escalades nocturnes qu'il
emploie pour arriver à ses fins, qui foiment l'intrigue de la
pièce. Bref, comme il faut en bonne morale dramatique que
la vertu triomphe , le duc mauvais sujet échoue , en prenant
toutefois son parti gaiement. Il y a même d'assez bonnes
scènes de comédie d'intrigue dans le troisième acte , qui est
dû , dit-on , à M. Saiut-Hilaire , l'ex-régisseur général du
I théâtre de rOpéra-(;omique. Quelques situations ont paru
I bien* trouvées , entre autres celle du dénoûment , lorsque
Vanloo sort de la chambre de la marquise après le duc de
Fronsac, et qu'il la justifie ainsi d'un scabreux tête-à-tête
que le séducteur émérite veut faire croire qu'il a obtenu ;
et , dans le premier acte , lorsque celui-ci demande à la jeune
et naïve marquise de Gèvres, en présence du marquis, si
elle voudra bien lui servir d'avocat dans ses projets de sé-
duction, la réponse de la marquise :« J'en causerai avec mon
mari , » est aussi malicieuse que spirituelle, jiàdame Anna
Thillon , »|qui dit et chante fort bien ce rôle , a lancé ce mot
d'une façon charmante ; elle a contribué par là et par d'autres
qualités au succès du nouvel opéra.
La musique ne témoigne pas d'un grand progrès dans l'au-
teur, depuis sa partition de Polichinelle; c'est le faire à la
mode, identique , toujours le même de notre jeune école :
de l'habileté mesquine dans l'orchestre, de la valse, du galop,
et par conséquent pas de largeur dans le style. C'est une per-
pétuelle imitation dans nos jeunes compositeurs de la manière
de M. Auber, moins l'élégance; sa mélodie exiguë, mais
spirituelle et piquante ; ses morceaux d'ensemble sans haute
inspiration , mais d'une étendue et d'un développement scé-
nique convenable. Ce qui a fait prendre tout d'abord à Bellini
une place dans l'estime des connaisseurs , et lui a valu les
suffrages du public; ce qui l'a gr«ndi , c'est que , sous l'é-
clat de la haute renommée de Rossini , le jeune compositeur
eut la hardiesse de procéder autrement que l'illustre maestro,
comme avaient fait Weber et Meyerbeer , après toutefois que
ce dernier , ainsi qu'Hérold , eut payé tribut au style rossi-
nien en Italie. En attendant qu'il se trouve dans notre jeune
école un homme qui sente , comme Othello , le besoin de
marcher dans sa force et dans sa liberté , de se produire
enfin avec une individualité quelconque , nous dirons à
M. Montfort que sa partition manque de cette individualité ,
de cette originalité , de cette capricieuse création , sans les-
quelles l'art n'est plus qu'un métier plus ou moins décoloré ,
inutile , et quelquefois fatigant pour l'auditeur.
L'ouverture est jolie ; elle contient une valse qui offre une
réminiscence d'un morceau du Pré-aux-Clercs , sur ces
paroles : Dans la prairie fraîche et jolie, bien que ce ne soit
point dans le même rhythme. La péroraison de l'ouverture est
dans la manière italienne , avec le crescendo qui rappelle le
pas de deux ou de trois d'un ballet. Le duo qui suit l'ouver-
ture , et chanté par le duc de Fronsac et la marquise de
Gèvres, est assez joli ; il est bien en scène 'et présente une
introduction agréable , n'était un quatrain commençant par
ce vers : Ce n'est pas mon ajfaire, dont le compositeur aurait
dû dissimuler la naïveté quelque peu niaise en le posant
moins prétentieusement, en le faisant passer à la faveur d'une
déclamation plus vive, ou mieux, d'une mélodie plus origi-
nale.
Le morceau que nous nommerons le quatuor de la Courte-
Paille est assez joli ; mais la coda en est d'un style |commun ;
l'air chanté par Vanloo : Je demandais à la belle Italie, est
prétentieux , sans offrir rien de neuf en mélodie ou en har-
monie. Le sextuor qui sert de final au premier acte com-
mence bien : le thème en est joli à l'orchestre; les voix sont
bien distribuées; mais bientôt les choses de scène nuisent à
la mélodie de ce morceau ; la valse empruntée à l'ouverture
et au Pré-mix-Clercs\e termine assez bien.
Un duo au commencement du second acte : Fille du ciel ,
vierge divine, est terminé par un large unisson entre les deux
récitants , qui est plus prétentieux que vrai , plus bruyant
que passionné ; puis vient un duo-nocturne assez insignifiant
entre Fronsac et Vanloo. Le grand air qui ouvre le troisième
acte, dans lequel la jeune marquise dit : Et moi, fai peur
d'aimer , est d'un joli caractère ; mais on ne sait trop pour-
quoi les trompettes et les timballes interviennent, lorsque la
naïve marquise parle de ses souvenirs d'enfance. Viennent
ensuite un duo entre la marquise et Vanloo , puis un autre
duo entre Fronsac et le peintre, qui évoque assez intempes-
tivement ses souvenirs d'Italie ; et puis tout est dit. Pour
nous, nous répéterons que c'est de la musique bien faite;
mais voilà tout. Libretto et partition ont pourtant obtenu du
succès, que les représentations suivantes , dit-on , ne feront
que consolider. Les acteurs ont cette fois mieux joué que
chanté; ils veulent peut-être faire revivre la gloire de l'an-
cienne comédie italienne : les vieux amateurs de l'Opéra-Co-
mique ne s'en plaindraient pas.
Henri Blanchard.
Kiittérature niiisîeale.
Voyage micsical en Allemagne et en Italie; Eludes sur
Beethoven, Gluck et Weber, etc. , par Hector Berlioz.
g. 'ai quelque droit de parler de ces deux volumes
P et de déclarer que je les trouve bons , chose
passablement triviale , béotienne même si l'on
veut , quand il s'agit de l'œuvre d'un collabo-
rateur, écrivant dans le journal où vous insérez
son éloge. En pareil cas , je le sais , l'approbation est toujours
suspecte , par la raison qu'on la regarde comme obligée :
aussi je demande la permission de dire pourquoi la mienne
doit être considérée comme de bon aloi. A une époque déjà
lointaine, où Berlioz s'agitait encore sur le seuil de sa double
carrière , où il jouissait avec excès de son privilège de jeune
homme , de débutant , c'est-à-dire où on lui contestait tout
ce qu'il était possible de lui contester, moi aussi, pourquoi
le nier? je m'avisai de le chicaner sur certaines productions
de sa verve musicale ; je prétendis qu'il fallait refuser le droit
de cité à plusieurs de ses inspirations fantastiques ou autres ,
et dans celte prétention telle quelle, on m'accordera du moins
la justice de reconnaître que j'étais complètement désinté-
ressé. N'ayant sur la conscience ni le moindre opéra ni la
moindre symphonie , si je critiquais , c'était par pur senti-
318
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ment, pur instinct, et nullement dans la crainte de voir le
terrain si étroit de la gloire et de la fortune envahi par un
nouveau rival. Au contraire , dès que Berlioz eut lancé quel-
ques pages de sa prose originale , abondante , colorée , poé-
tique en un mot, moi , qui depuis longtemps déjà m'exerçais
à ce métier où si quehjue chose manque, ce n'est pas la con-
currence , je mo hâtai de dire avant tous et à qui voulut
l'entendre : Voilà un écrivain ! Donc, si je répète aujourd'hui
ce que je proclamais il y a environ dix bonnes années, j'es-
père que l'on voudra bien mettre la camaraderie hors de
cause , et m'honorer d'autant de confiance que si je n'eusse
rencontré Berlioz de ma vie, et que , pour juger son livre ,
j'arrivasse tout exprès des îles Marquises ou de Pékin.
Berlioz a fait l'an dernier en Allemagne une tournée mu-
sicale dont nous avons souvent enregistré les brillants résul-
tats. Mais , hélas ! du point oii nous l'observions , nous ne
pouvions apercevoir que les roses , et les épines , bon Dieu !
c'était à lui de nous les faire toucher une à une. Si vous vous
doutiez de ce que c'est que de donner quinze concerts et de
faire cinquante répétitions dans l'espacede quelques semaines!
Que de fatigues! que de douleurs ! que de désappointements!
Heureux le virtuose qui porte tout avec lui , qui , avec sa
voix ou ses deux mains, peut se passer d'orchestre, de chœur,
et de cette foule d'accessoires sans lesquels il n'y a point de
principal ! Le tableau que Berlioz a tracé des misères du
compositeur nomade serait de nature h épouvanter les plus
intrépides , s'il n'eût aussi esquissé celui de ses ineffables
jouissances, lorsqu'il est enfin parvenu au terme de ses efforts
désespérés! Lisez, lisez cette page empreinte d'émotions
presque sublimes à force d'être vraies : « Le public arrive ,
» l'heure sonne; exténué, abîmé defatiguesde corps et d'es-
» prit, le compositeur se présente au pupitre-chef, se soute-
» nantà peine, incertain, éteint, dégoûté, jusqu'au momentoù
» les applaudissements de l'auditoire, la verve des exécutants,
» l'amour qu'il a pour son œuvre, le transforment tout-à-coup
» en machine électrique, d'où s'élancent invisibles, mais
«réelles, de foudroyantes irradiations. Et la compensa; iuu
» commence. Ah! c'est alors, j'en conviens, que l'auteur,
«dirigeant l'exécution de son œuvre, vit d'une vie aux
» virtuoses inconnue ! Avec quelle joie furieuse il s'aban-
» donne au bonheur de jouer de l'orchestre! Comme il
» presse, comme il embrasse, comme il étreint cet immense
» et fougueux instrument! L'attention multiple lui revient;
«il a l'œil partout; il indique d'un regard les entrées vo-
» cales et instrumentales, en haut , en bas , à droite , à gau-
» che ; il jette avec son bras droit de terribles accords qui
» semblent éclater au loin comme d'harmonieux projectiles;
» puis il arrête, dans les points d'orgue , tout ce mouvement
» qu'il a communiqué; il enchaîne toutes les attentions ; il
» suspend tous les bras , tous les souffles, écoule un instant
» le silence .et redonne plus ardente carrière au tourbillon
» qu'il a dompté. »
Les deux volumes de Berlioz sont remplis de passages tels
que celui-là ; tout ce qu'il écrit est marqué au cachet de l'é-
motion personnelle : nu! autre que lui ne pouvait l'écrire.
Son Allemagne est bien à lui , rien qu'à lui. Pas de digres-
sions ni de descriptions oiseuses : il a passé le Rhin pour faire
exécuter sa musique dans toutes les villes qu'il visite, et il ne
fait pas autre chose, si ce n'est de dessiner sur son chemin
toutes les physionomies de chefs d'orchestre et d'artistes cé-
lèbres avec lesquels il entre en rapport : par exemple, à
Francfort , celle du brave et loyal Guhr , qui parle français
sans s'en apercevoir , et qui ne prononce pas deux mots sans
jurer; à Stuttgardt, celle de Lindpaintner ; à Leipsig, celle
de Mendelssohn ; à Dresde , celle de Lipinski , celle de
Richard Wagner, celle, de Parish-Alvars, qu'il surnomme
le Liszt de la harpe. Partout où il s'arrête , au lieu d'imiter
les autres voyageurs, qui seperdent dans l'infinie énumération
des mets qu'ils ont mangés, qui vous signalent les auberges
où le vin n'est pas trop mauvais , où les lits ne sont pas trop
durs , Berhoz s'occupe exclusivement à dresser la statistique
des orchestres, de sorte que nous lui devons l'exacte connais-
sance des forces musicales de l'Allemagne , ce qui vaut bien
le minutieux détail, dont nous ont régalés tant d'autres , des
habitudes de ses aubergistes et des mœurs de ses postillons.
De sévères études sur la musique en général , une pro-
fonde et intéressante analyse des neuf symphonies de Beetho-
ven , du Freyschutz de "Weber , quelques fantaisies bouf-
fonnes, terminent le premier de ces deux volumes, dont le
second est d'abord consacré aux souvenirs d'un lauréat de
l'Institut en Italie ; car il ne faut pas l'oublier , quoique lui-
même en parle souvent comme s'il n'avait pu y atteindre ,
Berlioz a remporté le second et le premier grand prix de com-
position musicale : il achevait sa dernière cantate au bruit de
la canonnade et de la fusillade du 28 juillet 1830 : n'y ayait-
ilpas dans ce bruit quelque chose qui ressemblait à l'horos-
cope d'un musicien révolutionnaire en doubles croches ?
Revenu de son voyage par-delà les Alpes , Berhoz nous a
donné son Italie , qui est tout aussi bien à lui , à lui seul,
que son Allemagne. Et quelle vie étrange il y a menée, toii-
jours errant, toujours rêvant, beaucoup plus chasseur que
musicien , et encore moins chasseur qu'aventurier ! Ne nous
en plaignons pas : si Berlioz eût été taillé sur les patrons de
ses camarades, devanciers ou successeurs à la villa Médici,
son voyage d'Italie ne vaudrait pas la peine d'être lu , et le
pèlerinage des lauréats de l'Institut serait resté à tout jamais
enfoui dans le domaine du lieu commun , le plus stérile et le
plus fastidieux de tous les domaines.
Les Voyages d'Allemagne et d'Italie sont comme deux
grandes planètes autour desquelles gravitent des satellites
de proportions diverses : tels sont dans le second volume la
nouvelle par lettres intitulée : Le premier opéra; des
Études sur Gluck et son système de musique dramatique ,
le Suicide par enthousiasme , et enfin sous ce titre : Astro-
nomie musicale , les quatre périodes de l'apparition d'un de
ces météores mélodieux qui font la pluie et le beau temps
sur nos théâtres lyriques. Après quoi , tout est dit ; et vous
vous apercevez que vous avez lu d'une haleine les deux tomes
assez gros d'un ouvrage, que j'appellerais le plus musical des
ouvrages littéraires, s'il n'était le plus littéraire des ouvrages
musicaux.
Paul Smith.
Revue critique.
MÉTHODE COMPLÈTE POUR LA HARPE,
par M. THÉODORE XiABARRE.
ans remonter h la Bible, qui fait mention de la
harpe dans maint et maint endroit , ce qui éta-
blit d'une manière irréfragable l'ancienneté de
cet instrument ; sans passer en revue les peuples
_^ f du Nord , chez qui la harpe se retrouve sous
millefôrmes différentes, et paraît avoir existé de temps im-
mémorial , il est permis de citer la constante sympathie qu'a
toujours excitée cet instrument parmi les nations de l'Europe
DE PARIS.
319
moderne , comme une preuve concluante de la puissance et
du charme qui résident en lui.
Après avoir longtemps fait les délices des blanches ladies
de l'Angleterre , la harpe passe le détroit et s'intronise en
France sous la royale protection de Marie-Antoinette elle-
même; dès lors , le sort de l'instrument est fixé ; il aura ses
jours de crise et de défaveur, il sera délaissé de temps à
autre , mais toujours pour reparaître avec plus d'éclat. Dans
une méthode écrite par M™' de Genlis, et dédiée à l'une de
ses élèves , cette femme célèbre énumère complaisamment
les plus célèbres harpistes de son époque : Petrini , Krump-
koltz, M"' Amélie Boufflers , au talent si fin , au jeu si plein
de grâce et d'expression , M"° d'Orléans , M"' Navoigile ,
Marin , au style hardi , et Naderman et Dalvimare , que
sais-je encore! C'était le bon temps de la harpe, et
pourtant , de quel maussade , de quel défectueux instrument
on était alors obligé de se servir , si nous le comparons aux
harpes actuelles ! Avant les frères Gaiffres, on ne connaissait
que la petite harpe sans pédales : ce dernier mécanisme fut
imaginé par ces artistes habiles ; Salomon , Naderman , Lou-
vent et Cousineau ne firent guère que marcher sur leurs
traces. Tous les perfectionnements successifs introduits par
ces divers facteurs se bornèrent h un système de sept pé-
dales adapté à une harpe dont l'accord était en mib , et au
moyen duquel on pouvait jouer dans les différents tons.
Actuellement, nous avons la harpe à double movvement,
inventée par Sébastien Erard. Elle n'a que sept pédales
comme l'ancien modèle, mais chacune de ces pédales produit
un double effet , parce qu'elle possède deux crans d'arrêt , de
telle sorte que la même corde peut représenter trois sons :
la note naturelle, la note diésée, et la note bémolisée (1);
cette disposition avait une supériorité trop marquée pour ne
pas prévaloir sur la précédente : aussi l'usage des harpes à
double mouvement s'est-il rapidement répandu , et est-il au-
jourd'hui presque universel. Il en est résulté deux choses :
d'une part , les travaux des Naderman , des Polet , des Dé-
sargus . ne se sont plus trouvés à la hauteur de l'instrument
perfectionné; de l'autre, cette perfection même agrandit la
sphère de la harpe et augmente considérablement ses res-
sources. Les méthodes publiées par Bochsa et quelques maî-
tres-allemands répondaient en partie à ces nouveaux besoins ;
mais la marche de l'art est plus rapide que les conceptions
de l'homme : aussi , depuis longtemps déjà , tout le monde
est-il d'accordqu'aucune méthode ne satisfait pleinement aux
progrès réalisés , et que le professorat oral est forcé de sup-
pléer à ce que les livres écrits ont d'incomplet ; en cet état, la
rédaction d'une bonne méthode de harpedevenait une néces-
sité urgente , et personne assurément n'était plus à même que
M. Labarre d'entreprendre un pareil ouvrage et de le mener
à bonne fin. — M. Labarre n'est pas seulement le premier
harpiste que nous ayons, c'est encore un musicien consommé
et un homme plein d'esprit et de goût. Il est presque inutile,
après cela , de vous dire que sa méthode est aussi bien exé-
cutée que bien conçue : l'auteur n'y a rien omis, il prévoit
toutes les objections et y répond d'avance ; ses démonstra-
tions sont claires , son style correct et ses exemples d'une
application rigoureusement juste. Si vous voulez avoir une
(I) Quelque complète que soit la harpe à double mouvement, elle
offre encore une petite lacune; en effet, les trois synonymes ré dièse,
so/ dièse et la dièse ne s'y rencontrent point; il suffirait, pour les
obtenir, d'adapter aux trois noies ut bémol, /« bémol et sol bémol un
mécanisme de pédales à tri])le mouvemem qui permît de hausser ces
noies de trois demi-ions. — M- Erard ne voudra-l-il pas être le pre-
mier à elTecluer celte amélioralioii , après laquelle l'instrumenl ne
laissera plus rien à désirer?
idée des principales matières contenues dans cet intéressant
volume , jetez un coup d'oeil en tête de chaque chapitre et
vous y trouverez tour à tour : la nomenclature des diverses
pièces dont se compose l'instrument , les cordes , les pédales ,
l'accord , la position de l'exécutant , la qualité de son, le
doigter; puis les diverses sortes d'arpèges, les octaves, les
tierces, les sixtes et les dixièmes détachées ou liées, les
trilles , les doubles trilles , les croisés, les doigters exception-
nels , les sons harmoniques , etc. , etc. , etc. Ce dernier pa-
ragraphe, entre autres, est aussi circonstancié que précis.
L'ouvrage se termine par vingt exercices progressifs , dont
l'auteur indique l'emploi, dans la succession des études; il
prend également soin de désigner les morceaux , à divers
degrés de force, auxquels l'élève pourra avoir recours, au fur
et à mesure de ses progrès, et c'est là un conseil qu'il ne
sera pas indifférent de suivre, car, bien que toute la mu-
sique de piano puisse s'exécuter sur la harpe , il n'est pas
rare qu'on se trompe dans l'appréciation du degré de difiîculté
d'un morceau transporté du premier instrument au second ;
en tout cas , il vaut beaucoup mieux jouer sur la harpe la
musique spécialement composée pour la harpe ; la collection
en est d'ailleurs assez brillante , assez riche et assez variée.
A notre sens , M. Labarre n'a point mal fait de supprimer
dans son ouvrage toutes les questions relatives à la connais-
sance des principes élémentaires de la musique ; de cette
manière, il reste une plus large part à l'étude de l'in-
strument.
Q'est-il besoin d'insister encore sur l'excellence et l'oppor-
tunité de la méthode que nous annonçons? Pour le premier
point , les antécédents de M. Labarre comme artiste , pro-
fesseur et compositeur , répondent suffisamment ; pour le se-
cond , aux arguments déjà fournis nous pourrons ajouter
que la harpe n'est plus seulement de nos jours un instrument
de concert, mais que son rôle dans l'orchestre tend chaque
jour à se développer et à prendre une plus grande importance.
L'école moderne offre une foule de cas dans lesquels son
intervention produit un effet aussi pittoresque que ravissant.
Si jamais , ce qu'à Dieu ne plaise , M. Labarre venait à
réaliser la menace qu'il nous fait depuis quelque temps , s'il
abandonnait, — l'ingrat, — ce talent qui fut l'un des pre-
miers échelons de sa gloire , il aurait du moins élevé un mo-
nument impérissable qui témoignerait de l'habileté du maître
et servirait à perpétuer la renommée du virtuose.
Georges Kastner.
Correspondais ce particulière.
Lyon, iS septembre 1844.
Vous savez que Poultier a succédé à Roger et à M"" Ta-
glioni. Il a chanté jusqu'à présent dans Gm7?aM)ne Tell, dans
la Muette, dans la Favorite et dans la Juive. Lors de sa
première représentation , Poultier n'était malheureusement
pas en voix , et malgré tout son talent il ne réussit pas com-
plètement. Cependant il fut admirable dans : Asile hérédi-
taire et le fameux Suivez-moi! Le rôle de Mazaniello ne
convient pas non plus parfaitement à l'organe doux , agréa-
ble , mais un peu faible de Poultier, et dans la cavatine du
Sommeil il n'a produit que peu d'effet. Enfin il a pris une
revanche éclatante dans la Favorite; chaque morceau fut
couvert d'applaudissements, el la délicieuse romance : « Ange
si pur » transporta la salle entière. Dans la Juive il fut éga-
lement très apprécié , quoiqu'un manque de mémoire , dans
320
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
l'admirable air du quatrième acte : « Rachel quand du Sei- \
gneiir » , ait failli compromettre son succès.
Les quatre opéras ci-dessus nommés , puis Robcrl-le-
Diable et les Huguenots, forment toujours le répertoire de ,
tous les théâtres. Quand un directeur veut remplir sa salle,
quand un artiste veut débuter avantageusement, c'est l'un de
ces six ouvrages qu'ils choisissent.
PouUier se fit entendre lundi dernier aux Céleslins, dans
un concert donné au bénéfice de la veuve du chef d'orchestre
de ce théâtre. Il produisit un effet immense , en partageant
les honneurs de la soirée avec M. Georges Hainl , qui comme
d'habitude fut très apprécié.
Avec les représentations de PouUier, nous avons eu la
rentrée de M™" Miro-Camoiu. Cette cantatrice a été accueillie
au milieu des applaudissements et des sifflets inséparables
d'un début. Cependant la cabale a eu le dessous; et c'était
justice, car on pourrait difficilement avoir mieux à Lyon.
J'ai assisté avec beaucoup d'intérêt à la reprise de Robin-
des-Bois, qui a eu lieu dimanche dernier. Deux morceaux
du chef-d'œuvre de Weber (l'ouverture et le chœur des
chasseurs) furent dits avec une rare perfection. Le reste a
laissé beaucoup à désirer. M°'° Miro a eu de bons moments
dans l'air du second acte , mais elle en a défiguré le commen-
cement par des agréments de l'école italienne. M. Bonlo ,
ténor léger, rempli d'esprit et de talent , n'est pas à sa place
dans le rôle de Max, rôle qui exige avant tout une voix puis-
sante et une haute expression dramatique. M. Barriel a trop
de prétention , mais n'a pas assez de talent pour représenter
dignement Richard. Celte formidable création de l'immortel
Weber est du reste tellement défigurée par l'arrangement de
Castil Blaze , qu'il est inconcevable que les théâtres de pro-
vince ne donnent pas ce bel ouvrage tel qu'il se joue à l'O-
péra : alors ce serait la musique de Weber, non castilblazée.
On n'a nullement respecté , dans les morceaux d'ensemble,
les mouvements indiqués par Weber; elle trio, par exemple,
qui, dans la partition française, termine le premier acte,
a été exécuté beaucoup trop vite. On a semblé ne pas avoir
compris que l'énergie de la musique de Weber consiste
dans la force de la pensée , et non pas dans un accelerando
continuel.
MOYEN AGE.
Dessin de Gavarni.
Le moyen âge était riche en pages et en varlets sonnant
du cor ou de la trompe. Alors que les suisses n'étaient pas
inventés, encore moins les concierges, ainsi que les portes
cochères à marteau et à sonnettes , le cor ou la trompe ser-
vait à l'introduction des étrangers dans les nobles castels.
II faut convenir que cela était plus relevé que la manière
d'annoncer qui se pratique dans nos mœurs modernes. Un
beau son de trompe devait avoir son charme et produire une
impression plus noble que : le cordon s'il vous plaît !
*.' Aujourd'hui dimanche , à l'Opéra, Guillaume Tell. — Demain
lundi le Freyschûtz et Eucharit,
*,* Le ballet nouveau que l'on prépare à l'Opéra porte pour titre :
la Fille dii'.feu,
*/ M"' Taglioni est awivée à Bruxelles, où ses représentations ont
dû commencer jeudi dernier.
*,* Ce n'est pas par Oiello, mais par Liiiila di Chamounix que le
Théâlre-Ilalicn doit faire sa réouverlure, M. Tagliafico débutera
dans le rôle créé par Lablache fils, et Lablache père sera remplacé
par Morelli.
V II est plus que jamais question d'un troisième théâtre lyrique,
dont la direction serait , dit-on , confiée à M. Morin , qui tient la
classe d'opéia-comique au Conservatoire.
"/ Une solennité, dont l'immense intérêt musical sera senti par
tout le monde , vient d'élre résolue et se prépare en ce moment. Le
1=' novembre, jour de la Toussaint , l'association des artistes-musi-
ciens donnera le soir, dans la salle de l'Opéra, un concert dans lequel
le fameux oratorio d'Haydn, la Création , que l'on n'a pas entendu
en France depuis la mémorable journée dw nivôse (1800), sera exé-
cuté par cinq cents musiciens et les premiers artistes de nos théâtres,
sous la direction de M. Habenerk. Ainsi l'illustre chef qui dirige
depuis si longtemps le premier orchestre du monde, qui a fondé la
Société des concerts, aura encore la gloire de fonder, de diriger les
congrès périodiques d'une association dont l'Influence sera puis-
sante surl'avenir. On ne saurait trop rendre grâces à son zèle infa-
tigable et à la haute expérience dont il va donner une nouvelle
preuve , non plus qu'à la gpnéreuse bienveillance que M. Léon
Pillet a témoignée pour l'art et les artistes dans cette importante
occasion.'
"," Nous apprenons avec un vif plaisir que notre célèbre Thalberg
vient de se fixer à Paris dans l'hôlél illustré par Horace Vernet.
C'est une excellente nouvelle dont nous nous empressons de faire
part à nos lecteurs, et dont ils se féliciteront certainement: car il y
a lieu d'espérer que le grand artiste voudra bien consacrer un peu
de son temps à des leçons qui seront d'un si heureux effet pour pro-
pager son admirable école.
*.* M. Georges Kastner, notre savant collaborateur, vient d'arri-
ver à Paris pour diriger les répétitions d'un grand ouvrage vocal et
instrumental d'une haute portée. L'exécution en sera confiée à l'é-
lite des artistes. On dit que cette solennité musicale aura lieu au
commencement de l'hiver. Le caractère du sujet, la forme origi-
nale du cadre , le style brillant et coloré de la partition , la richesse
d'une exécution très soignée, tout dans cette tentative sera de na-
ture à impressionner vivement le public.
*.* Un jeune violoncelliste des plus estimés, M. Battanchon , est
enfin de retour à Paris, où il se propose de passer l'hiver. Ses der-
niers conceris à Granville et à Jersey ont dignement couronné son
voyage artistique, tes charmants morceaux qui ont vain à M. liat-
lanchon tant d'applaudissements dans sa tournée en province, se-
ront bientôt livrés à la publicité.
".* M""" Joséphine Martin , qui a obtenu de si grands et si légi-
times succès en province , est aussi de retour dans la capitale.
*.* M"" Sabatier, la cantatrice à la mode des salons de Paris, aussi
remarquable par son talent que par sa beauté, est arrivée hier à
Bruxelles; elle se propose de donner plusieurs concerts avec le cé-
lèbre violon, M. Hauman, qui est arrivé aussi dans celte ville.
'.• M""= Alberlazzi se propose de donner un concert jeudi pro-
chain à Liège; on y entendra aussi M"' Sara, jeune et jolie canta-
trice, qui rivalise, dit-on , avec sa soeur de grâce, de goût et de
talent.
*." OEhlenschlaeger, le plus célèbre poëte du Danemark, et qui
tient aussi parmi les poètes allemands une place distinguée, puis-
qu'il a écrit à peu près la moitié de ses poésies et drames dans l'i-
diome de Schiller et de Goethe, plissera tout l'hiver à Paris. Des
musiciens danois qui jouissent dans leur pays d'une grande re-
nommée, telsque MM. Weyse, Kuklau, Boye, Hartmann, oni écrit
la musique des libretti que leur avait confiés OEhlenschlaeger; en
voici les titres : Faruk, opéra-comique en trois actes: Der Schlaf-
irimk (le soporifique) opéra-comique: Ludlamskolde (la caverne de
Ludlam), opéra-comique en quatre actes : le Casiel des Brigands, et
les Trois Jumeaux de Damosque. Tous ces ouvrages sont restés au
répertoire des théâtres danois.
Cltroniqtie déiiarteineiitale.
*,* Lyon. — La charmante pianiste, M""' Thérèse Wartel, a donné
ici un concert devant le public très fashionable et très distingué qui
s'était réuni an cercle. Le succès de l'arlisle a été complet, et l'en-
thousiasme se manifestait à chaque moment par les bravos qu'exci-
tait son jeu plein de goût, d'expression , de sentiment. Dans ce
concert on a entendu des caprices de M"" Wartel , un concerto de
I Mendelssobn, des airs et duos de Charles f^l. L'hiver prochain ra-
DE PARIS.
321
mènera SI"» Warlel à Paris, et nous lui prédisons le plus brillant
avenir.
*," Trouville-.mr-Mer. — La nouvelle chapelle a été inaugurée
dimanche dernier par une fête musicale que l'on doit à M. Urhan :
Cet artiste a touché l'orgue de manière à émouvoir profondément le
nombreux auditoire composé en grande pariie de l'élite de la société
parisienne, qui passe l'été dans ce délicieux pays.
Clironique étrangère.
*,* Genève. — Il serait fort dilEcile de rendre un compte ration-
nel du premier début de la nouvelle troupe. Les siffleurs y jouaient
le principal rôle, et nous ont tellement assourdis, qu'au milieu de
ce tapage il ne nous a pas été possible de juger avec conscience les
sujeis qui commençaient leurs épreuves. D'abord on a sifflé la pre-
mière basse chantante, puis la jeune mère Dugazon, puis le pre-
mier ténor léger. Les crises, renouvelées à chaque apparition ,
troublaient non seulement ceux qui en étaient l'objet, mais leurs in-
terlocuteurs. Cependant on n'a pas toujours sifflé; de nombreux ap-
plaudissemenls ont salué la rentrée de M. et M'"» Bordier. l.a voix
argentine, fraîche et pure de M^'Mignot a pleinement satisfait les
amateurs. Il est à désirer que les second et troisième débuts soient
assez paisibles pour nous permettre d'énoncer une opinion fondée
sur le mérite des artistes.
*,* Hambourg. — Anikjnness eu un succès inatlendu au théâtre de
la ville : on annonce la hiiilième représenlalion. Tichatschek fait
fureur dans Cola Rienzi de M. R. Wagner qnel'on vient de donner
pour la sepiième fois, l.a société française de M. Delcourt donne des
représentations au théâtre de la ville.
Bade. — Le nombre lotal des personnes qui ont visité notre ville
durant cet été, s'élève à 24,365. Parmi les nouveaux venus on cite la
princesse de Lichlenstein et la comtesse Esterhazy. Le 29aoù',jour
anniversaire de la naissance du grand-duc. .M. Bénazet a donné,
comme tous les ans, au proQt des pauvres , un bal dont la recelle
s'est élevée à 1,253 florins.
— A deux lieues et demie de Bade , dans la petite ville de Stein-
bacli, patrie de maître Erwin, a eu lieu dernièiement une solennité
que nous ne pouvons pas>er sous silence. On sait que c'est â maître
Erwin que Strasbourg doit le plan de sa magnifique cathédrale. Sur
une hauteur près de Stcinbach,on vient d'ériger une statue représen-
tant le grand archilecle, œuvre remarquable qnel'on doit au ciseau
d'un artiste de Slrasbourg, M. André Friederich. L'inauguration a
eu lieu au miiieu d'un grand concours de monde, après l'oflice divin,
au bruit des couleuvrines; des lieders, chantés en chœur, ont ter-
miné la cérémonie. Après le banquet, la ville de Steinbacli a fait
présenler une coupe en argent à l'artiste français, et lui a conféré le
diplôme de citoyen honoraire.
— On lit dans le petit Courrier de Bade ce document auquel nous
n'avons rien à ajouter : « Le 15 aoiit , concert extraordinaire du cé-
lèbre violoniste Alexandre Bouiher, type artislique de Paganini ,
maître de Lafont et autres célébrités, qui joint à un degré snpérieur
l'énergie, l'expression à l'originalité. Celte soirée musicale i st fixée
au jour de l'Assomption. CeN(Stor des violons, estimé de Beetho-
ven, Weber, Spohr, Mendelssohn , Viotti, Rode, n'est pas moins
compositeur distingué, que grand exécutant. Oti n'a pas oublié que
Spohr et lui échangèrent leurs manuscrits à Bruxelles, pour s'hono-
rer mutuellement. M. Boucher aie bon esprit de jouer la musique
des autres autant que la sienne. On l'entendra dans tous les genres
à ce concerl, où il rappellera les différents styles des grands violons.
Les talents de M. Boucher ne sont pas ses seules qualités; il les em-
ploya durant sa longue carrière au soulagement de tant d'infortunes!
maintenant encore, il s'est dévoué par pure reconnaissance au fils
du roi Charles IV, bienfaiteur de sa jeunesse , sans rien accepter de
ce prince malheureux que l'honneur de sa bienveillance. »
*,* Carlsrulie , 2 septembre. — Le chef-d'œuvre de ftleyerbeer ,
Roben-le- Diable , joué pour la première fois , le 21 août dernier,
sur notre scène, a eu pour interprètes desartisles de vérita'.le talent.
M"»« Zerr ( Isabelle) a, rempli ce rôle avec une perfectiun désespé-
rante : c'est le mot. Ses vocalises, hardies et toujours heureuses,
son jeu dramatique, que rehaussait l'éclat de sa physionomie noble
et douce , ont excité les transports de la salle entière , qui l'a rede-
mandée à grands cris. M»» Steimmiillcr, au profit de laquelle avait
lieu cette représentation , a rempli le rôle si difficile d'Alice avec un
succès non moins flatteur. Sa voix douce et vibrante, mais moins
étendue dans les notes sur-aiguës que celle de M«"' Zerr, est ad-
mirable de fraîcheur dans le médium. Rappelée avec enthousiasme à
la fin du siiectacle , M"" Steimmiillcr a recueilli les applaudisse-
ments et les couronnes de son auditoire avec une modestie qui ajou-
tait à son triomphe.
— La première fête de chant a eu lieu au Ihéàtre : les rues étaient
pavoisées et ornées de festons de verdure. La salle était comble;
le grand-duc Léopold assistait à cette solennité musicale ; le nombre
des exécutants s'élevait à prés de six cents, qui étaient venus de
Rastadt, Heîdelberg, Mannheim, Ettlingen.
— A la fête de chant, le programme indiquait , outre des com-
1 ositions de Mozart , Mendelssohn et Marschner , deux morceaux de
M. Kùcken : Cbant patriotique et aux Etoiles. Voilà un fait qui con-
state d'unemanière irréfragable combien les compositions de M. Kiic-
ken sont en faveur auprès du public allemand. Ce dernier mor-
ceau : aux Etoiles, dont les paroles sont du célèbre poète Ruckert,
a été couvert d'applaudissements.
",* Leipsig. — Une nouveauté musicale, VEçhevin de Paris, a été
Teprésentée ici. La musique est de iU. Uorn : elle n'a pas eu de suc-
cès. C'est tout ce que nous croyons devoir en dire. Les critiques
allemands s'en prennent à la musique italienne et française, qui,
au dire de ces messieurs, aurait perverti le goût en Allemagne.
— Le baryton Eicke est engagé à notre théâtre. Le public sera
heureux de l'entendre , non seulement à l'Opéra , mais dans les sa-
lons , car peu d'artistes savent dire comme lui les lieders de Riicken,
Lœwe , Adhémar et Reissiger.
*»* tienne 8 septembre. — Dans notre capitale aussi , on a voulu
rendre des honneurs funèbres au second fils de Mozart, qui, comme
on le sait, est mort dernièrement à Carlsbad. Jeudi dernier, tous les
artistes de la chapelle-musique de l'empereur, ceux de nos théâ-
tres lyriques, et les plus distingués d'entre nos dileliunti , en tout
huit cents personnes , ont fait célébrer dans l'église de Saint-Augus-
tin, paroisse delà maison impériale , un service pour le repos de
l'âme du défunt, à l'occasion duquel ils ont exécuté le Requiem
de son illustre père. L'église avait été décorée pour cette solennité
avec la plus grande pompe, et M. l'archevêque de Vienne officia en
personne, assisté de son chapitre et du clergé de Saint-Augustin. De
très bonne heure déjà l'église était remplie d'une société d'élite ,
dans laquelle on remarquait notamment toutes les autorités muni-
cipales de Vienne, les sommités de la noblesse et celles des sciences ,
des lettres et des arts, qui, par leur présence à cette cérémonie ,
semblaient, en quelque sorte, prolester contre l'indifférence avec
laquelle, il y a cinquante ans, on laissa enterrer sans pompe, et
de nuit, riUuslre auteur du Requiem et de Don Giovunni , sans
même placer une simple pierre ou une croix qui indiquât l'endroit
où étaient déposés les restes mortels du plus beau génie musical qui
ait encore existé.
V Neu'-York. — LorsqueHorponay arrivait dans notre ville, oùil
venait importer la danse à la mode, nous avions bien prédit que
le nouveau monde suivrait l'exemple de son aîné. Les belles de Sa-
ratoga ont fait le premier pas, et voilà la polka lancée. Le gracieux
danseur hongrois n'a eu qu'à déployer ses talents pour être entouré
de nombreux élèves. Toutes les jolies demoiselles qui peuplaient
Longreso-Hall, l'hôtel des Etals-Unis, et Lafayette-House, tous les
gentlemen qui papillonnaient sur leurs traces ne rêvaient plus que
polka , ne parlaient plus que polka. Tous en avaient perdu le boire
et le manger, un peu même la tète. Cent couples polkaient du ma-
tin jusqu'au soir, et Horponay et Bley, le violoniste, faisaient polker
de neuf heures jusqu'à minuit Le culte de la danse de Bohême était
si fanatique, que M. Horponay a improvisé deux bals où tout le beau
monde s'élait donné rendez-vous. C'est â Newport que la polka a
dirigé maintenant ses pas: elle va y cueillir de nouveaux lauriers.
Le Directeur, Rédacteur en clief, Maurice SCHLESINGER.
KiW'<î'ik7:Vii
^^£A GYMNASE M,SDOICTS 4 LUSKJE «£'5 PIANISTES
Le Chirogymnaste est un assemblable de neuf appa-
reils gymnastiques destinés à donner de Vexlension k
la main et de Vécart aux doigts à augmenter et à égaff-
ser leur force et à rendre le quairième et le cinquième
indépendants de tous les autres. Le Chirogymnaste
3été aussi approuvé et adopté par MM. Adam, Berlini,
ne Beiiot, Cramer, llerz, Kalkbrejiner, Listz, Moschelè$
Pruaent, Sivon,Thalberg, Tulou, Z/mmermann, etc.
Chaque Chirogymnaste est revêtu de la signature
de "inventeur et se vend place de la Bourse, n« 13,
ù huit appareils, bOfr.,àneufapp.GOfr., mélhode^^fir,
CTIHIVASTIQinE: APPLIQUEE A L'ÉTUDE DU PIAKO, par [HAllTIIV. 3 Ih
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69. Les Viennois , Laendler.
50. Valses sentimentales. 2 tuiles.
83.^ Les ailes de Mercure et (;alop d« |
La Course en Irnineau.
52. La belle Sophie . .aises.
67. Uommage aux belles Viennoises.
• voyage.
JULLIER.
6^. Les bagues de Bade , valses.
77, Val,es nobles.
84. A tousies cœurs bien ne» que
la patrie
Fniipcesca , Taise espagnole.
65. Me» dernières inspirations, Laendler.
91. Valses styriennes.
est chère.
67. L'Olympe, valses.
127. Dernières valses inédites, 2 suites.
S7, Souvenir d'Allemagne et le
Soupir ,
LaBITZ&I.
Aiirora.
6S. Quadrille français, valses.
69. Guslo . Laendler.
STRAUSS.
gr,ind galop.
88. Les Somnambules.
Pauline.
70. LesEludlanls en droit , Ire iHite.
3, Le carnaval de Vienne.
19. Valses de» chemin» <1. fer.
Soufenirs d'AImacks.
73. Les fleurs du plaisir. Taises.
7&. L'.i belle Isabelle , valses.
4. Les ponts de chaînes, 1er recueil.
90. Le feu de la jeunesse.
Woronzoïr.
10. Tempête et Galopade,
91. Grande valse du couronnement
S7. Brandhufen.
80. Lock w.ilzer.
11, Valses à 1< Paganini.
92. Colillonsurles Huguenots.
51. Sophie.
81. Les Irrésistibles, valses.
«, Krapted-WaldenWaUer.
93. Galophur les Huguenots.
53. Souvenir de Saiot-Pélerebourg.
S4. Les Etudiants en droit , 2e suite.
13. Les Trompettes.
95. Le Bal d'artistes.
55. Les Fasbionables.
85. La belle Hélène, valses.
15. Le» souvenirs.
95. Les dentelles de Bruielle»
60. SouTenira de PawtoDiki.
86. Cotillon des roses.
16. En avant, dépêchez-vous.
96. Les fusée» volantes.
61. Le Lis.
87. VaUes de la Comète.
18, Le» plaisirs du camp.
97. Le Pèlerin au bord du Rbin.
64. Gcorgine.
91. Les Aventuriers , valse.s.
19, Les ponts de cliaînes. 2e recueil.
22. Il n'y a qu'un Vienne.
98. Le Ban.)uel.
66. Les Véniiieones.
82, Les Humoristes, valses.
99. Le Carnaval de Pari», grand galop .
69. NouTelte Aurora.
93 Souvenirs de Pestb , valses.
23 Valse de la Joseplisladt.
•100. Paris.
■70. Souvenir d'Albioa.
9â. Valses à la vapeur.
25. La réunion d. Ilielxing.
101. Le Télégraphe, mosaïque.
73. Albert.
96. Bouquet de valses.
97. L'£cho de l'Italie .cotillons.
26. Le bonbeurdanslesmontagDel.
102. Hommage à la reine d'Angleterre.
74* Le Jasmin.
31. Charmant walzer.
105. Ma Pairie.
•
75. Lucian.
99. Les Nageurs, valses.
32. Galop vénitien et ForluDala,
109. Planle» exotiques
76. Sullierland.
100. Valses du Jubilé,
33, Béi.élicc walzer.
113, Le» Gnomes.
81. Licbteasiein.
fOl, Maria Carolina , valses.
3S. Vite la valse!
115. Les Feuille» de roses.
S2. Le prince de Galles.
103, Les Enroleurs,
38. Souvenirs de Baden.
116. Noutelles valses de Vienne.
85. LesElépaoïes.
iOU. Les Résurrectiunnlstes, valses.
39. Tivoli de Vienne, 1er recueil.
lis. Le Myrlc.
86. L^s Sirènes.
105. Les Amoureux, valse.s.
40. Valses favorites des dames de Vie
nne.
119. Recette pour la valse.
87. Dublin.
107. Les Napolitains, val.ses,
109 Le Labjrinibe, valses.
43, L'Enlèvement des Sabine».
120. SainteCécile.
88. Edimbourg.
45. Tivoli de Vienne, 2e recueil.
122. Les branches de Palmier.
89. La Grande-Bretagne.
110. Le roi des Deui-Siciles, valses.
47. Vive la danse !
123. Lesimours,
90. La Saison de Loudrcs.
111. Maria Ludovica , vaLses.
48. ToU)oiirs gai et content.
125 Etincelles électriques.
92. Charles VI.
112. Les UaimbacLer . valses.
49, La >iee,t une danse.
127. Les chants du Danube.
94. Odelle.
113, Esculape, valses.
115. La fête du mariage , valses.
50. Cotlll.in de la Straniera.
128. Apollon.
95. IjeiParisicDDea.
51. plaisirs de Vieime.
129. Adélaïde.
96. Cbarlolle.
12S. Les Ramiers.
56. Valses d'Alexandra.
131. La Course.
98. La Réunion.
131. Le Règne de la folie.
58. Mon plus beau iour àBaden,
132, La Débutante.
102. Monlros.e. \
lâO. L'Escadre.
39. Les quatre tempéraments.
134. Egérie
104. Nathalie.
ISS. Marie.
60. Les folie." du carnaval.
135. Le Uaitre de danse.
LANNER.
146. Les orientales
61. Tausend sappcrmeut-walzer.
139. Le» Fanlasiiques,
32. Schwechat, Laendler.
172. Les battements du cour.
65, La Goîlé.
140, Réunion» musicales.
55. L'ArriTée, «aises.
173. Valses militaires.
65, Valses de Koberlle-Diable.
141. Les Ménestrels.
36. Laendierde la Leopoldalat.
175. Tableaux de genre.
65, L'in.-omnie.
143. I.atone.
ÛO. Lacndlt^r d'Altenbourg.
180. Les Etoiles du soir.
66, Souvenir» de Pestb,
145. Minos.
&I. VaiïPs de Catherine.
185, Les Adieui,
67, Jlosaîque de valses.
149. Le» Démon».
Û2. Le Ciirnaval, vaUes.
192. Les Idéales.
6S, La belle Gabrielle.
150. Les Altistes.
Û3. Gai et vif, Laendier.
197, Les Troubadours.
70, Le» vingt sou».
15'2. Les Caprice».
45. La réunion musicale , valsei.
193. Les Naïades.
71. A la plus belle.
154, Valsât du Rhin,
46. Le plaisir du momeni . valaes.
20S. La Danse des Sorcières.
72. Le bon goût.
155. Le» ieune» Folles.
47. Le fin voilier , Laendler.
200. Valses de Scbœnbi uni,.
75. L'Iris,
156. La belle Astre..
48. Libelle Anne, valses.
203. Le Mal du pays.
76. Les rose».
159. Valser c'est vivre.
49. D'Wuarla Laendler.
204. Lee Uoseusteiner.
77. Seconde mosaïque de valse».
160. La Nymphe des bois.
50. La belle Caroline, valses.
78, Souvenirs de Berlin.
WAGNER. (P.).
51. Les Devises, cotillons.
SCHUBERT.
79. Bonsoir,
Le bal d'anfants aux Tuileries :
52. Que journée au Jardin du Paridis.
9. Les Originaui, 2 suites.
80. Le» Hommage»,
1, Mille fleurs.
53. Les Amours, valses.
18. Valses viennoises, 2 suites.
81. Les Grâces,
2. Boulons de roses.
55. Les ti'enle et un , vaUei.
33. Valses allemandes.
.82. Philomèle.
3. Fleurs d'oranger.
Quadrilles pour le Piano. Prix de chaque recueil , net : 2 fr.
JULT.IEN. Gipsy (la). Premier Quadrille.
— Adelia. —
—
Gnido et Ginevra. N. i, î, 3.
— Guido et Ginevra.
— Une nuit à Grenade. —
Guitarrero. N. i, 2.
— Huguenots.
— Charles VL —
Illusion.
— Treize (les). N's i, 2.
— La Danse des Fantômes.
Ile des Pirates. N. I, 2.
— Napoléon.
— Le Diable Rouge.
—
Juive. N. 1,2, 3.
L/VniTZRl. Camp (le). N°= I, 2.
— La Grotte des Fées.
Huguenots. —
51US4UD. Anglais.
— Le Lac Bleu.
Langue Musicale. N. 1,2.
— Aspirant de marine.
— La Noce de Lénore.
Ludovic, —
— Chao-Kang. N°s I, 2.
— Le Retour du Croise'.
Manon Lescaut. —
— Don Juan. N. i, 2.
TOLBECQUE.Kao-Kang. N. 1,2.
—
Nathalie. N, i, 2,3.
— Guido et Ginevra. N. S.
— Bonhomme (lo).
Norma.
— Huguenots. N. 5.
— CharlesVLN. I, 2, 3.
Pâtre Sicilien.
— Juive. N. I, 2, 3.
— Co.simo. — —
Postillon de Loiijumeau. N. I
3.
— Postillon de Lonjumeau.
— Diahles en vacances.
—
Prosctit. N. I, 2.
— Re'gine.
— Dilettante d'Avignon.
Qui vive !
SCHUNKE. Boutons (les). Quadrille dia-
— Dtapeau Tricolore.
—
Reine de Chypre. N. i, 2,3.
logué, avec violon.
— Eclair N. 1, 2.
—
Salons de Paris.
— — Juive (la). N. 1, 2,3.
— Enfants Terribles.
Shérif (le). N. 1,2
WAGNER (F.).
— Favorite. N. i, 2.
Straniera,
— La Favorite. Quadrille facile.
— Garde à vous.
Tentation. N. 1, 2.
— Le Guitarrero. —
— Gipsy. N. 2,3.
—
Tyrolien.
— La Reine de Chypre. —
— Gondolier de la Vistule.
—
Un Souvenir du 3o mai.
*
Polkas itoui- le Piano, avec remise de 60 p. 100.
**« Cinq Polkas nationales. 6 »
7. Le Faubourg Saint-Honoré ,
17
La Maréchale, par Wolff.
2 »
LAUITZRI. Trois nouvelles Tolkas. 5 «
par Wolff. 2 ..
18
La Favorite, par Wolff.
2 1)
PIXIS. Grandu l'nlUn. 4 5o
8. l.cs Camélias. 2 •
'9
L'Amazone, par Wolff.
2 »
VVOI.I-F. (^.lairc Polkas ; l"Liv. 5 »
9. ï.c^ Eaux d'Etns. 2 "
20
La Bohémienne, parWolff.
2 II
iN°* I. La Carlolta., par Strauss, Op.
m. Le.-i Hayons du Soleil. 2 »
21
La Couronne de Lys.
2 »
l33. 2 »
1 1. Cutoliuf. 2 ■>
22
Le Bouquet d'Immortelle.
La Branche d'.\cacia.
2 0
2. La Ctriiolo, pnr Lanner. Op.
189. 2 ..
3. La Duchesse, par Lanner,Op.
t:>.. Le Bal de la Reine, par
23
2 >»
Strauss, Op. 137. 2 "
i3. Les Aticiiioiies, par Labilzki,
Op. 83. 2 ..
14, Les Tubéreuses, par Labitzki,
Op, 83. 2 »
24
Polka Favorite de Paris.
2 »
194. 2 «
4. l'ulka Favorite des Princes,
par \Voll-'f. 2 «
5. i'olka Favoriie de la Cour,
25
26
27
La Course.
Valérie.
Augusta.
2 11
2 1)
2 »
|iar WolfT. 2 »
l5. Les Roses du Bengale, par
28
La Taquine.
2 »
6. L': Fanhourg Saint-Germain,
Labilzki, Op. S3. 2 »
29
La Mexiiaine.
2 •
parWolff. 2 .
16. Amélie. 2 »
3o
. Esmeralfla.
2 u
Imprimerie de BOURGOGNE et MARTINET, 30, rae Jacob.
, 34 fr. Etranger, 38 fr.
GAZETTE MUSICALE
BÉDIGÉE FIB
MM. ANrERS, G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, HEMll BLA^•CHARD,
MAUniCE'BOURGES, F. DANJOIT, DUESBERG , FÉTIS père, Édouabd FÉTIS, Stepoen HELLER, J. JANIN,
G. KASTNER , LISZT, J. MEIFRED , GEOBGE SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
Paraissant tous tes JBitnatteftes,
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
lie 1" et le 15 de chaque mois on recevra nn morceau do musique»
SOMJIAIRE. Les luttes du compositeur (cinquième article); par
J. MEIFRED. — Exposition des produits de l'industrie ( neuvième
article) ; par G.-E. ANDERS. — Cinquième e't dernière lettre à
M. Zimmerman ; par FÉTIS père. — Revue critique ; par H.
BLANCHARD. —Nouvelles. — Annonces.
SI J'ÉTAIS LA BRISE DU SOIR. Dessin de Gavarni.
.ES LUTTES
(Cinquième article*.)
ecteur conslant et
courageux, qui me
suivez avec tant de
patience , dans les
méandres em-
brouillés de ce sen-
■ lier montant, sablonneux, malaisé, offert
au jeune compositeur par le caprice des
institutions musicales , vous est-il parfois
arrivé de gravir , sur la parole d'un grand
§^3 PO'^'s ' l'escalier qui conduit au sommet des
M^' ^°'^'"* de Notre-Dame ? Oui, sans doute, et
l'héroïsme que vous mettez à me lire , m'en
est un sûr garant!
Eh bien ! dites si après vous être exténué ,
dans cet escalier rapide, délabré, branlant, in-
complet ; si après avoir été privé , pendant ua
long temps, de la vive lumière du jour , vous n'a-
vez pas éprouvé d'ineffables jouissances , en arrivant à la pre-
mière plate-forme des tours, d'oii l'œil enchanté découvre,
dans un vaste cadre d'azur , le tableau varié des sommets de
la ville , ceints eux-mêmes par les sommets des montagnes !
(*) Voiries numéros 12, 19, 23 et 31.
J-V'
Oh ! oui , vous avez été ravi ! le sourire que je vois sur vos
lèvres confirme cette assertion. ... et pourtant , vous n'aviez
pas encore atteint le but suprême de votre voyage. Il vous
restait h franchir un autre escalier plus rude, plus branlant,
plus délabré que le premier , pour arriver au sommet des
tours, d'oii votre vue devait embrasser un horizon sans
bornes.
Ce voyage outre-toits avec ses fatigues , ses joies et ses
péripéties , est la vive et fidèle image de l'ascension de notre
jeune compositeur vers ce sommet désiré qu'on nomme la
réputation.
Au point oii nous sommes arrivés du récit de ses luttes ,
il a gravi les degrés si roides de l'entrée dans le monde, de
V audition, degrés embellis de toutes les circonstances que^
j'ai décrites et d'autres encore, dont j'ai fait grâce au lec-
teur. Mais à grand renfort de peines et de labeurs, il a atteint
la plate-forme : il lient son Poëme, et l'espérance, de sa
main bénie, lui montre l'horizon que son génie doit em-
brasser.
Enfin , il a lui pour le pauvre artiste , le jour trois fois
heureux où l'argent de ses amis lui permet de retirer des
mains du librettiste avare le canevas dramatique qui va ser-
vir de charpente ou de prétexte à ses chants , à ses accords ,
à ses combinaisons instrumentales ! le rêve est réalisé , les
craintes disparaissent , l'espérance , — que dis-je , l'espé-
rance ! — la certitude renaît !
Alerte et joyeux , le jeune compositeur vient d'échanger,
sans froncer le sourcil , un beau billet de banque contre le
cahier raturé , taché , souillé , que les soins de son librettiste
lui ont préparé. Il s'en empare, le presse, le serre, et fier
comme Artaban, il va promener son trésor par la ville, ou,
pour mieux dire, sur le boulevard des Italiens, qui, aux yeux
des artistes, résume la ville entière.
Mais notre héros est trop fin , trop rusé , trop diplomate ,
pour montrer sa joie aux curieux; d'ailleurs, le bonheur qui
BUREAUX B'ABONNEBIEMT, RUE RICHELIEU, 97.
324
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
l'alteiiit est-il celui dont son mérite le rend digne? Non, sans
doute ! exprimer du contentement pour si peu serait renoncer ;
à l'ambition. Aussi prend-il un air calme , une physionomie j
composée, pendant la promenade qu'il fait , son rouleau de i
papier sous le bras gauche , et le pouce de sa main droite né- :
gligemmeat placé dans l'emmanchure de son gilei. j
— Boujour! porte-toi bien! lui disent en passant ses amis j
pressés. i
— Ils ne s'arrêteront pas ! se dit-il en lui-même avec une ,
nuance de dépit — As-tu vu l'opéra nouveau? s'écrient
d'autres amis non moins pressés que les premiers. — Non!
répond-il brusquement , furieux de les voir continuer leur '
route. Enfin le ciel prend pitié de sa peine : il aperçoit à la i
hauteur de la rue Grange-Batelière un pauvre petit corniste,
bien chéiif, bien souffreteux, portant, ou plutôt traînant
avec peine une grande boîte noire contenant un coi- avec |
dix tons de rechange.— A coup sûr, peuse-t-il, celui-ci s'ar-
rètera ! — ^ En effet, il s'arrêta, le malheureux corniste; il ne |
demandait pour cela qu'un prétexte, que notre compositeur, ;
dans sa sollicitude, lui fournit amplement.
On n'a pas d'idée de la câlinerie que notre héros déploya
dans cette circonstance : questions sur la famille du corniste, ;
sur l'augmentation probable de ses appointements , sur sa î
santé , sur ses progrès; doléances sur le sort des instruraen- •
listes, sur l'injustice et l'humeur capricieuse des chefs d'or- ,
chestre , sur la parcimonie des directeurs ; rien ne fut épar- |
gné pour faire naître la question tant désirée. — Et toi , es- '
tu content? demanda le corniste. —Pas tout-à-fait, mais je
ne suis pas mécontent, répliqua le compositeur, contenant sa
joie à grand renfort de dissimulation. — Cependant on m'a [
dit que tes affaires étaient en bon chemin. — Oui ! oui ! en ;
assez bon chemin ; mais en pareille matière , il faut attendre \
bien longtemps. — Ce que disant , le compositeur battait la :
mesure avec son rouleau de papier. — Peut-on le demander
ce que contient ce rouleau ? une nouvelle symphonie sans
^oute! —Une symphonie? Dieu m'en préserve! les éditeurs
n'en achètent pas, le public n'aime que celles de Beethoven,
et la Société des concerts est inabordable, il ne faut plus faire
de symphonies, mon très cher! — Alors, c'est quelque scène,
quelque mélodie , quelque recueil de romances , une polka
peut-être?- Fi donc! —J'y suis..., un poëme! ! ! — Oui,
t'y voilà, mon cher ami ; c'est un petit poëme en un acte que
l'auteur portait chez moi , lorsque je l'ai rencontré sur le
boulevard, et ma foi! je n'ai pas voulu me donner la peine
de rentrer pour le déposer. On m'a beaucoup supplié pour
que je le misse en musique, et je m'y suis décidé, par cette
seule raison qu'on m'en promet un en trois actes. Sans cette
promesse, j'aurais refusé, tu peux en être sûr !
Et le corniste s'éloigna, en pensant, à part lui, que le com-
positeur mentait quelque peu.
Après avoir ainsi donné carrière, sous une forme adroite at
fière, aux accès de son amour-propre satisfait, notre jeune ar-
tiste songe à la tâche qui lui est confiée, et son courage nefaiblit
pas à la pensée des grandes difficultés dont elle est hérissée.
11 saura, ceci ne fait pas l'ombre d'un doute, pour lui du
moins , concilier dans son œuvre les exigences de sou profes-
seur, qui tient aux développements, avec celles du directeur,
qui préfère les morceaux courts; satisfaire du même couples
musiciens qui aiment l'hai-monie, les journalistes qui adorent
la mélodie , le public qui chérit le rhylhme, les diletlanti qui
vénèrent l'expression vraie, et les chanteurs qui s'aiment,
s'adorent, se chérissent et se vénèrent eux-mêmes plus que
les termes du langage ne permettent de le dire.
C'est dans cette bienheureuse disposition d'esprit que
notre héros se met à la besogne : il commence par lire son
poëme , afin de former une plan général ; puis il cherche le
caractère de musique convenable à chaque personnage , à
chaque situation, et lorsqu'il croit avoir bien compris ce qui
lui reste à faire, lorsque toutes les idées de plan, de caractères,
d'oppositions , d'effets , de mélodie , d'harmonie, d'orches-
tration et de rhythmes, ont produit, en bouillonnant dans sa
tête , cette fièvre qui se transforme eu inspiration chez les
hommes de génie, et qui n'est chez les autres qu'une ma-
ladie dans le genre de la migraine, il prend sa plume , son
papier , sa règle. . . . , et se met à poser des clefs en tête des
portées , à tracer des barres de mesure !
« Triste conclusion, peu digne de l'cœorde ! » mais il ne
peut faire autrement, et tous les chefs-d'œuvre dont s'honore
l'art musical ont été précisément commencés par leurs im-
mortels auteurs , avec des clefs, des bémols, des dièses, des
signes et des barres de mesure : le génie triomphe de toat ,
même des conditions mécaniques qui lui sont imposées !
Et notre homme travaille comme un forcené, dans l'at-
titude d'un faiseur d'équilibres , la main gauche sur le da-
vier de son épinette — il n'a pas encore de piano — ; la droite,
armée d'un crayon qui lui sert à tracer , en caractères in-
déchiffrables , des dessins mélodiques, des marches de basse,
des rentrées d'instruments, des groupes de voix. Il faut voir
ce grimoire, champollion y perdrait son égyptien , et mon
ami BOTTÉE DE TOULMON , le plus intrépide et le plus heu-
reux lecteur de grimoires que je connaisse, n'en pourrait
déchiffrer une note. L'auteur lui-même a toutes les peines du
monde à s'y reU'ouver-; mais sa mémoire aidant , il rétablit à
peu près la valeur de ces signes cabalistiques lorsqu'il met
son œuvre en partition. Ici je vois M. Joseph pkdd'homme ,
élève de iîrard et de saint-OMER , expert assermenté près
des cours et tribunaux , faire une horrible grimace et fou-
droyer de ses dédains le système de calligraphie' employé
par les compositeurs ; mais le digne expert ne voit pas , lui ,
que l'inspiration ne visite jamais , que l'écriture ordinaire et
même la parole suffisent à peine à la rapidité de la pensée,
et que l'inspiration musicale, soumise, dans sa manifestation,
à l'emj^loi simultané d'un grand nombre d'instruments et de
voix, ne peut s'écrire, au moment de sa naissance, que par le
secours d'une sténographie et d'une convention que le com-
positeur fait avec lui-même.
Je n'aurai pas la barbarie de faire passer le lecteur par
toutes les phases de la composition de l'œuvre. Il saura de-
viner les émotions alternatives d'espérance et d'abattement ,
de donte et de confiance , -qui agitent l'auteur, et je passe
sans transition au moment où la partition est achevée.
Les amis , sollicités par le compositeur , viennent tour à
I tour lui donner das conseils : ceci est bon , ceci est faible;
j cette phrase est trop longue , celle-ci trop courte ; cette ri-
î tournelle n'est pas bien adaptée au jeu de l'acteur, etc. , etc. ,
et cent mille etc. ; tels sont les résultats contradictoires de
cette première épreuve. Dans son désespoir notre héros ap-
pelle l'auteur du poëme et lui soumet son travail.
Or, écoutez, lecteur ! ceci est de l'histoire , et de l'his-
! toire la plus vraie! l'auteur écoute la partition dans l'attitude
de la plus profonde attention ; seulement , de temps à autre,
il se retourne en portant la main à la poche gauche de son
gilet , et jette un coup d'œil furtif sur quelque chose qu'il en
' tire; au reste-, il ne prononce pas un mot d'éloge ou de
I blâme.
t Et lorsque le compositeur lui demande, avec la rougeur au
! visagi; et le désir de l'éloge dans le regard , si la musique est
bien adaptée aux paroles , si elle exprime bien les situations ;
DE PARIS.
325
si le succès la prendra sur ses ailes, et tout ce cju'enfm peut
demander un compositeur en pareil cas , l'auteur lui répond :
-—'Mon cher , ce sont là des choses qu'on sait après la repré-
sentation seulement; mais je puis vous dire , dès à présent,
que le duo dure cinq minutes de trop , le trio sept , le fonde
onze , et que l'air du ténor n'est pas assez long. Je compte
beaucoup sur le ténor pour notre succès , arrangez tout cela,
et voyez le directeur.
Le double traître, le bourreau d'auteur, n'a pas entendu
une mesure de la partition , et sa montre , qu'il interrogeait
fui'tivement, lui a dicté ses jugements! \
Si j'avais le malheur de composer des opéras , je fouillerais
les librettistes, comine un douanier japonais , et je confisque-
rais leurs montres avant de leur faire entendre une note de
mes compositions.
J. Meifred.
Cïposiîton "bts |;)nîtruits bc rîîibustrtc.
NEUVIÈME ARTICLE.
PissMOS. — M. «Se SlôB'aî'eS.
^réiEioloplione et Piano octaxrié.
M. le chevalier de Girard , dont le nom figure en quatre
endroits différents du catalogue de l'Exposition , a offert cette
année à la curiosité pubhque un grand nombre d'objets ap-
j partenant à diverses branches de l'industrie, et qui se dis-
I tinguent par des inventions remarquables , dignes de l'auteur
! de la célèbre machine à filer le lin. C'est cette machine,
comme on sait, qui fonda la réputation de l'habile mécani-
cien. Elle eût fait sa fortune sans les événements politiques
i qui vinrent anéantir ses justes espérances. On se rappelle
! que Napoléon avait proposé le prix magnifique d'un milhon
pour celui qui inventerait la meilleure machine à filer le lin ,
: et que M. de Girard résolut peu de temps après le problème.
i Mais la chute de l'empire priva l'inventeur de la récompense
qu'il avait si bien méritée. 11 se retira en pays étranger , et y
I continua ses études favorites de mécanique. Toujours à la
' recherche de quelque nouveau problème, il se signala par
I de nombreuses et importantes découvertes , qui pourraient
suffire à la réputation de plus d'un inventeur , de plus d'un
f artiste. Ce n'est pas ici le lieu d'entrer dans le détail h ce
j sujet et d'énumérer tous les travaux de cet esprit ingénieux
: et fécond. Nous nous bornerons aux inventions qui se ratta-
! chent à notre spécialité.
i Au nombre des objets exposés par M. de Girard , on a re-
marqué un piano qu'il appelle ircmolophone. Sans nous
arrêter à la composition hybride de ce nom , disons d'abord
qu'il ne donne qu'une idée insuffisante de l'instrument. Per-
sonne n'ignore ce que c'est que le trémolo , et l'on pourrait
croire que ce piano n'est destiné qu'à produire cet effet.
Mais on se tromperait ; car l'iustrumentdonue plusque le nom
ne promet.
L'idée première de l'inventeur a été , il est vrai , d'effec-
tuer le trémolo par un moyen mécanique , en substituant
au mouvement rapide et fatigant des doigts l'action d'un mé-
canisme qui permît aux doigts de rester tranquillement
appuyés sur les touches pour produire l'effet en question.
M. de Girard imagina donc un mécanisme à l'aide duquel la
percussion des marteaux pût se répéter rapidement tant que
le doigt tiendrait la touche abaissée. Il réussit parfaitement;
son invention dépassa même la limite qu'il s'était posée; car
il obtint une rapidité telle que toute interruption entre les
divers chocs des marteaux semble disparaître, et que les
notes ainsi produites rendent uu son continu, semblable à
celui que produit le frottement d'un archet ou l'action du
vent. Ajoutons que chaque notepeutêtrerendée et diminuée
à volonté par la pression plus ou moins forte de la touche,
comme nous l'expliquerons plus ba?.
Le nom de ce piano devrait donc être : piano expressif à
son soutenu au moijen de hiperciission rapidemenl réitérée.
Mais où trouver, comment former un mot capable d'embrasser
cette longue description? L'auteur s'est donc tenu au mot
plus simple de trémolophone , et nous lui abandonnons sa
composition semi-italienne et semi-grecque. Ne nous occu-
pons que de l'instrument.
Le piano trémolophone est un piano à queue, de six oc-
taves et demie, et à deux claviers, dont l'un (le supérieur)
pour le piano ordinaire, l'autre, pour les effets du mécanisme
nouveau. Voici de quelle manière ce mécanisme est composé :
Les marteaux sont placés au-dessus des cordes , et chacun
est porté sur un levier qui s'élève et s'abaisse au moyen des
touches du clavier. Le manche du marteau porte, vers le
milieu de sa longueur, un axe d'acier qui est reçu dans un
petit support en cuivre, fixé lui-même sur le levier dont nous
venons de parler.
La position du marteau, dans l'état de repos, est détermi-
née par un ressort en fil d'acier qui, dans cet état, maintient
la tête aus-i près que possible des cordes sans les toucher ;
d'où il résulte que si , par un moyen quelconque, on soulève
le marteau et qu'on l'abandonne ensuite à lui-même, il re-
tombe par' son propre poids et par l'action du ressort, et
vient frapper la corde avec plus ou moins de force , selon la
hauteur à laquelle il a été soulevé.
Pour produire le mouvement des marteaux, J'auteur a placé
au-dessus de leurs queues un cylindre armé de rames ou ai-
lettes courbes, lequel tourne avec une vitesse de six à dix
tours par seconde , et qui se trouve placé de manière que les
ailettes, en tournant, passent très près de la queue des mar-
teaux sans les loucher. Mais si l'on presse une des touches du
clavier, un pilote, qu'elle soutient, soulève au même instant
le levier qui porte le marteau appartenant à cette note. Alors
le talon du marteau se trouvant élevé , les ailettes du cyhndre
ne peuvent plus passer sans choquer ce talon , d'où il résulte
que chaque dent qui passe élève la tête du marteau et la laisse
retomber, et de là une série de chocs infinis d'autant plus
rapides que le cyhndre tourne plus rapidement, et d'autant
pins forts que la touche est plus abaissée.
Tout est bien combiné dans ce mécanisme, à l'exception
d'une seule partie , qui nous semble réclamer une aniého-
ration importante. Le cylindre est rais en mouvement par
une roue qui , pour être tournée , exige le concours d'une
seconde personne. C'est là un grave inconvénient , puisque
l'artiste, lorsqu'il est seul, ne peut se servir du clavier tré-
molophone.
M. de Girard , qui a fait preuve d'habileté dans la solution
de problèmes bien autrement compliqués, trouvera sans doute
un moyen pour corriger cette imperfection. On a proposé de
faire marcher le cylindre par un mouvement d'horlogerie ,
comme cela a lieu pour le pianographe , dont nous avons
parlé dans uu précédent article ; mais il nous semble qu'il
serait préférable d'employer à cet effet une pédale mise en
jeu par l'artiste lui-même; car il est très important que
celui-ci puisse régler à son gré la vitesse du cylindre pour
obtenir tantôt le trémolo , par un m .uvement modéré, tantôt
le son soutenu , par la plus grande vitesse possible. La tran-
326
EEVUE ET GAZETTE MUSICALE
sition graduée de l'un à l'autre ajoutera même à la variété
des effets.
Quant au son produit par le nouveau mécanisme, il a j
nne nature particulière qui cçsse de ressembler au piano dès
qu'il devient continu , et se rapproche alors de l'orgue ou de
certains instruments à vent. On croit entendre le cor , le
basson, ou un mélange des deux. Dans les dessus il y a j
quelque chose qui tient de la flûle : seulement, dans la der- i
nière octave , où les cordes ont moins de vibration , il est ;
impossible d'obtenir, même par la plus grande vitesse du ;
cylindre , des sons continus ; on y reconnaît toujours un cer- |
tain tremblement. En général c'est dans le milieu et dans j
la basse que l'instrument fait le plus d'effet. [
Nous avons dit plus haut que les sons peuvent se renfler
et diminuer à volonté, même pour chaque note séparément,
avantage qui manque aux physharmonicas , melodiums ,
/iarmoMiMnis et généralement à cette grande famille d'orgues
expressives, où, comme on sait, l'expression s'étend sur tout
le clavier à la fois ou sur l'ensemble des notes que l'on touche.
L'instrument ayantdeux claviers, l'un pour le piano ordinaire,
l'autre pour le irémolophone , on conçoii quelle variété l'ar-
tiste peut obtenir, soit en jouant alternativement sur l'un des
claviers , soit en les combinant ensemble. Ce n'est pas tout :
on peut doubler la puissance de l'instrument au moyen d'une
pédale destinée à faire entendre simultanément l'octave in-
férieure de chaque note. Nous reviendrons plus bas sur ce
procédé , à l'occasion d'un autre piano que M. de Girard a
présenté au concours.
Le piano trémolophone a été construit par un Allemand
nommé Buchholz, établi à Varsovie et réputé pour être un|des
meilleure facteurs de celte capitale. Mais, nous devons le dire,
cet instrument est loin d'égaler les beaux pianos qui sortent
des principales manufactures de Paris. Le son (nous parlons
du son obtenu par le mécanisme ordinaire) manque d'am-
pleur et de force; il est sec et aigre, et ce défaut se fait
doublement sentir dans l'eilet simultané des deux claviers.
Nous voudrions entendre, le trémolophone appliqué à un des
inagnifiques pianos à queue récemment établis par M'. Papi^.
Si nous nommons ici de préférence ce célèbre facteur, c'est
qu'en construisant un pareil instrument il n'aurait point
d'emprunt h faire au piano qui nous occupe ; il n'aurait qu'à
reprendre une de ces nombreuses inventions qu'il a aban-
donnée , nous ne savons trop pourquoi. Nous avons vu chez
lui le modèle d'un mécanisme semblable, destiné à effectuer
la percussion rapidement réitérée du marteau. M, Pape nous
a dit qu'il avait construit sur ce modèle, en 1836, un grand
piano qui se trouve actuellement à Londres. Voilà comment
les idées se rencontrent; car dans cette circonstance il est à
présumer que les deux inventeurs n'ont pas connu leur ten-
tative mutuelle.
En général , aujourd'hui que tout le monde se met à la
recherche d'innovations, que les découvertes surgissent de
tous côtés, il ne faut ))as s'étonner de voir des essais sembla-
bles entrepris en même temps , ou se suivant à fort peu de
distance. Nous en avons un nouvel exemple dans un autre
mécanisme récemment inventé pour obtenir des octaves
avec un seul doigt , ou en ne frappant qu'une touche.
On a vu à l'Exposition le -piano oclavié de MM. Boisselot :
on se rappelle les détails que nous avons donnés sur les deux
systèmes établis par ces habiles facteurs, et qui consistent,
j'un dans la multiplicité des cordes , l'autre dans l'emploi de
Jeviers obliques. On sait que ce dernier système a été appliqué
au piano en même temps par M. Pleyel , avec des modifica-
tions que nous avons fait connaître. Lorsque nous rendions
compte de ces instruments, nous ne savions pas qu'un troi-
sième concurrent se présentât pour cette invention. Eh
bien ! voici M. de Girard qui a imaginé un système ana-
logue, appliqué d'abord à son trémolophone , et ensuite à
son piano vertical , dont il nous reste à parler. Ce dernier n'a
pas figuré dans la salle de l'Exposition ; mais il a été présenté
au jury du concours. C'est en nous rendant chez M. de Gi-
rard , pour examiner le trémolophone , que nous en avons
appris l'existence. Ceux de nos lecteurs qui voudraient le
voir n'auront qu'à s'adresser à l'inventeur.
Le piano vertical , du reste , n'a rien de remarquable , ni
pour la construction , ni pour les qualités sonores. M. de
Girard, ne s'occupant point delà fabrication des instruments,
l'a acheté tout fait, afin d'y appliquer son système de leviers
pour les octaves.
Ce système, dont le principe est très simple, peut se prê-
tera de nombreuses modifications; il en exige même quel-
ques unes suivant le genre de piano auquel on veut l'adapter.
Ainf-i, dans le trémolophone, |e levier soulève à son extrémité
la touclie même de l'octave, tandis que, dans le piano vertical
dont nous parlons, il agit sur un second échappement qui
fait mouvoir le marteau de celte touche. M." de Girard, en
nous montrant ses deux mécanismes, nous a fait voir en môme
temps les dessins de plusieurs variantes, applicables à des
instruments de diverses formes , et qu'il se propose d'essayer
plus tard.
En terminant cet article , disons que M. de Girard est
complètement étranger à la musique, mais qu'il aime cet art
avec passion et qu'il s'est beaucoup occupé de l'amélioration
des instruments : aussi les deux inventions dont nous venons
d'enlretenir nos lecteurs ne sont-elles pas les seules qu'il
ait conçues dans sa longue carrière, si ulile aux arts mécani-
ques et à l'industrie en général. Il y a plus de quarante ans,
à l'époque où Grenié parvint à établir l'orgue expressif au
moyen des anches libres, M. de Girard inventa un procédé
ayant pour but de donner l'expression à tous les jeux de
l'orgue indistinctement. Entraîné par d'autres occupations,
il ne réalisa pas une idée, sur laquelle nous aurons occa-
sion de revenir , et qu'il ferait bien de reprendre aujourd'hui
que l'orgue semble de plus eu plus obtenir la faveur du pu-
blic musical.
G-.E. Anders.
Bruxelles , 16 septembre 1S44.
Mon cher Zimmekmas ,
Tu commences ta seconde lettre , insérée dans le n° 34 de
la France mvsicale, par exprimer un regret de la position
de critique à l'égard d'un ancien ami : rassure-toi sur cela ,
car tes observations n'ont rien qui me blesse. Dans une
discussion entre deux hommes qui ne se connaissent point
ou seconnaissent mal, l'araour-proprepeut quelquefois faire
naître de mauvaises inspirations ; mais il ne peut être ques-
tion de cela entre nous.
Quelque regret que tu en éprouvasses, tu as senti la néces-
sité de dire ton dernier mot, en déclarant ta résolution de
n'aller pas plus loin. Cette lettre sera aussi la dernière que je
t'écrirai concernant nos différends en matière de théorie.
Toute discussion doit avoir une fin , et je pense que l'un et
l'autre nous aurons dit tout ce que nous avions à dire pour la
défense de nos doctrines. Plus on s'éloigne des principes po-
DE PARIS.
327
ses dans l'origine des polémiques de cette nature , plus on
perd de vue l'objet principal dans la multitude des faits par-
ticuliers où l'on se laisse entraîner. Trop heureux encore
lorsque les deux champions de la lutte sont également ins-
truits de l'objet qu'ils traitent , et ne diffèrent que pour le
point de vue où ils se placent ! car on a du moins la certi-
tude qu'aucun d'eux ne tombera dans des non-sens pareils à
ceux qu'on voit accumulés dans la lettre qu'un Monsieur
t'a adressée dans le n" 36 de la France musicale , à propos
des deux résolutions tonales de l'accord de septième domi-
nante.
Je vois deux objets principaux dans ta seconde lettre : le
premier consiste à nier l'autorité des faits que j'ai invoqués
à l'appui de ma proposition , que l'harmonie consonnante
étant la seule cousé(iuence possible de l'ancienne tonalité,
les musiciens qui, pendant plusieurs siècles , se sont exercés
dans le domaine de cette tonalité et de cette harmonie, ont
épuisé toutes les modificatioos dont elles sont susceptibles,
et que ces modifications ne sont autres que les retards sim-
ples des intervalles de tierce par la seconde à la basse , de
tierce par la quarte aux voix supérieures , de sixte par la
septième, et d'octave par la neuvième ; qu'ils n'en ont point
employé d'autre dans leurs ouvrages, et qu'on ne trouve les
septièmes avec quinte , les quinte et sixte , etc. , qu'après
que l'introduction de l'harmonie dissonante naturelle dans
la musique eut changé la tonalité; d'où l'on pourrait con-
clure, lors même qu'on ne le démontrerait pas théorique-
ment, que ces harmonies de septième prolongées avec
quinte , quinte et sixte , etc. , ne sont pas le produit de
l'harmonie consonnante, mais de l'harmonie dissonante
naturelle.
Le second objet de la lettre est d'ajouter de nouvelles
objections à celles que tu as déjà présentées contre la théorie
de la substitution et de la combinaison avec le retard. Exa-
minons d'abord le premier point.
Tu dis : « Des considérations sur ce que les anciens maîtres
» ont fait ou n'ont pas fait n'amèneraient qu'une phraséologie
» plus ou moins sonore , mais tout-à-fait impuissante. » Tu
ajoutes plus loin : « Des éléments nouveaux se sont introduits
» successivement dans l'art musical; est-ce à dire que ces
» éléments ne puissent se rattacher les uns aux autres que
» dans un ordre chronologique? Les altérations , les appogia-
» tares, etc. , se groupent avec les accords parfaits, comme
» avec la septième dominante. »
Je pense , contrairement à toi , qu'il y a autre chose que
de la phraséologie dans l'examen de ce qu'on a tiré d'un
principe, quand ce principe était en vigueur; et mon opinion
à cet égard est conforme à celle de plusieurs savants juste-
ment célèbres. Le grand métaphysicien Maine de Biran a
très bien démontré , dans son livre De l'influence de l'habi-
tude sur la faculté dépenser, que les conséquences d'un
principe sont d'autant mieux aperçues et mises en pratique
par ceux qui sont dirigés par lui, que ce principe est plus
simple et qu'il peut être plus facilement épuisé. Or, c'est
précisément ce qui a lieu à l'égard de l'harmonie conson-
nante, que les anciens maîtres ont seule connue. Resserré par
elle dans des limites très étroites , leur génie se met , dès la
fin du quatorzième siècle, à la recherche des moyens qui
pourront introduire de la variété dans des combinaisons trop
bornées, et découvre l'existence des dissonances artificielles
par le retard des consonnanccs. Dès le milieu du quinzième
siècle, toutes les ci)'consiances de ces prolongations sim-
ples sont découvertes; mais le besoin de variété dans les
jouissances , qui tourmente toutes les générations , n'est pas
encore satisfait. Ne trouvant plus autre chose dans l'har-
monie, les artistes portent leurs regards sur les formes , et
c'est alors qu'ils inventent et perfectionnent progressivement
toutes les espèces d'imitations et de canons. Ils arrivent même
à l'excès du pédantisme dans l'usage de ces formes, à cause
de l'impossibilité de trouver autre chose dans les limites
étroites de leur harmonie. Et l'on voudrait qu'une multi-
tude de nmsiciens de premier ordre, desGondimel, des
Clément Jannequin, des Palestrina, des Rolland deLassus
et cent autres, se fussent agités pendant un siècle entier
pour trouver de nouvelles combinaisons harmoniques, et
qu'ils n'eussent point découvert les .septièmes avec quinte ,
les quintes et sixtes, les tierces et quartes, les secondes
avec quartes et sixtes , si ces accords pouvaient être déduits
de l'harmonie consonnante? Non , non , cela ne se peut, car
un tel fait serait en contradiction manifeste avec le dévelop-
pement naturel et progressif de l'esprit humain! Il n'y a
point là de phraséologie impuissante , mais un raisonnement
basé sur la nature des choses , et victorieux , s'il en fut ja-
mais, aux yeux de quiconque s'est accoutumé à la méthode
philosophique.
Venons maintenant à la seconde phrase sur le même sujet :
« Des éléments nouveaux se sont introduits successivement
» dans l'art musical : est-ce à dire que ces éléments ne puis-
» sent se rattacher les uns aux autres que dans un ordre
«chronologique? Les altérations, les appogiatures , etc.,
» se groupent avec les accords parfaits, comme avec la sep-
» tième dominante. »
Mon ami , je commencerai encore ici par citer des auto-
rités avant d'entrer dans mes raisons propres , et je te dirai
de parcourir les sept volumes des cours faits par M. Cousin
depuis 1815 , jusqu'à la fin de son professorat. Là tu verras
ce savant, d'un esprit si distingué, soutenir en cent endroits
que les faits, les idées, les hommes mêmes qui exercent la
plus grande influence sur leurs contemporains, senties pro-
duits nécessaires de leur temps , c'est-à-dire des principes
alors en vigueur. Séparés de l'ordre chronologique auquel ils
sont attachés , ces faits , ces idées , ces hommes perdent leur
signification propre. Ces propositions , auxquelles la dialec-
tique de M. Cousin donne le caractère irrésistible de l'évi-
dence, ne sont en réalité que le développement de la propo-
sition de Maine de Biran citée précédemment. Récemment
encore , Koenig a soutenu la même doctrine, d'une manière
très originale , dans son livre remarquable intitulé : La
science du vrai.
Or, appliquons cette doctrine aux questions qui nous
occupent, et nous trouverons la démonstration que l'intro-
duction successive, dans l'art, des éléments nouveaux dont
tu parles , établit précisément un ordre chronologique de
principes et de conséquences dans les faits relatifs à l'har-
monie , et qu'en les séparant de cet ordre ils perdent leur si-
gnification. Vois , par exemple , Vicentino , et plus tard Ma-
renzio , Jean Croce et Gastoldi , fatigués par instinct de la
monotonie de la tonalité de leur temps, et essayant d'en
sortir par des successions d'accords parfaits en différents
tons , comme je l'ai fait voir dans mon Extrait complet de
la théorie et de laprafique de l'harmonie (p. 163 et suiv.);
mais l'instrument de la transition leur manque. Cet instru-
ment , c'est l'attraction qui oblige à la résolution et sert de
Uen entre les harmonies. L'attraction tonale ne se trouve
originairement que dans l'harmonie dissonante naturelle ,
c'est-à dire dans l'accord de septième dominante et dans ses
dérivés , et ces accords sont à la fois constitutifs de la tona-
lité , par leur caractère d'attraction, et moyens de transition,
328
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
en ce qu'ils peuvent être entendus eu quelque ton que ce
soit sans êtro précédés par d'autres accords , et parce qu'ils
déterminent immédiatement le nouveau ton par leurs ten-
dances. L'accord parfait , au contraire , est toujours en repos;
donc il ne saurait établir la succession nécessaire ; donc il
n'est pas vrai, comme on l'a dit, que les musiciens que je
viens de nommer aient été les créateurs de la musique chro-
matique. Celte musique n'a pu naître qu'avec l'harmonie de
la septième dominante ; en supposer la possibilité antérieure-
ment serait une erreur fondamentale. Voilà donc des éléments
noiiveauœ introduits dans la musigtic , et qui ne peuvent
se rattacher les uns atix autres que dans l'ordre chronolo-
gique.
Mais, dis-tu, « les altérations, les appogiatures , etc. , se
» groupent avec les accords parfaits , comme avec la septième
» dominante. » Cette proposition est vraie ; mais là encore est
le triomphe d'une théorie dans laquelle on fait entrer comme
élément la considération de l'ordre chronologique des faits
harmoniques, car l'idée d'altérer les notes des accords, pour
multiplier les tendances attractives , ne vint aux harmonistes
qu'après que l'existence du fait d'attraction leur eut été dé-
montrée par l'harmonie dissonante naturelle. Jamais l'har-
monie consonnante n'en aurait pu révéler la possibilité par
elle-même. J'ajouterai qu'après qu'on lui eut appliqué l'alté-
ration , elle perdit son caractère de repos dans les accords
altérés et changea conséquemnient de nature. L'harmonie
consonnante , n'ayant par elle-même point de tendances, ue
pouvait offrir les moyens de sortir d'un ton donné , et consti-
tuait con.séqueniment l'élat imitoniquc de la musique : l'har-
monie dissonante naturelle, ayant fourni l'élément attractif,
et conséquemnient le moyen de transition , fit passer l'art h
l'état transilonique et créa la modulation. Enfin , les alté-
rations des notes naturelles des accords consounants et dis-
sonants , ayant multiplié les attractions, mirent en rapport
certaines notes avec plusieurs tons, en sorte qu'elles ouvri-
rent les voies de plusieurs résolutions pour le même accord,
et créèrent conséquemnient l'état pluritonique de la mu-
sique. J'ai fait^oir , dans le cinquième chapitre du troisième
livre de mon Traité de l'harmonie , comment les altérations
multiples des accords dissonants naturels et affectés de
substitution conduisent aux tendances vers tous les tons, et
constituent l'état omnitoniqiie , dernier terme des relations
des sons. Cette progression ne peut exister que dans l'ordre
chronologique , et les divers états de choses qui en résultent
s'anéantissent si l'on en sépare cette considération de la suc-
cession des temps. Il est donc évident que les éléments intro-
. duits successivement dans l'art musical ne peuvent se ratta-
cher les uns aux autres que dans l'ordre chronologique , et
que l'argument que j'ai prétendu tirer de cette considé-
ration , pour corroborer mes preuves que l'accord de
septième du second degré et ses dérivés ne sont pas les pro-
duits de modifications de l'harmonie consonnante, a une va-
leur très réelle.
FÉTis père,
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
{La suite au prochain numéro.)
REVUE CRITIQUE.
SrOHTMEM'^rES.'E'H , romance sans paroles ,
ET
MAB.CHS: iliiiaOXQlUS dans le genre hongrois, pour piano,
par M. Ï.ISZT.
Après avoir révolutionné l'indolente et rêveuse Allemagne,
après avoir galvanisé l'Italie usée de sensations artistiques ,
après avoir fait croire aux Russes qu'ils sont susceptibles d'é-
prouver un enthousiasme quelconque , au milieu du plâtras
de civilisation qui les couvre , voilà Liszt qui secoue sa che-
velure et ses mains inspirées parmi les chaudes populations
du midi de la France, en attendant qu'il parcoure la Grèce
comme Néron , où il n'aura pas besoin que , de moments
en moments ; des soldats aillent arracher pour lui
des applaudissements , ainsi que le faisaient ceux de cet
empereur-artiste. Sans doute qu'après ce voyage il ira explo-
rer, comme Fanny Elssler, le fanatisme musical du Nouveau-
Monde , et nous entendrons dire alors que les populations
vierges des deux Amériques ont inventé un nouveau genre
d'enthousiasme et de déification. En attendant que ces nou-
velles nous soient apportées par les brises de la nier Atlan-
tique , nous venons de jeter les yeux sur les flots d'harmonie
que le Mahomet du piano a jetés lui-même dans deux nou-
velles productions de son talent tout exceptionnel. C'est une
Marche héroïque dans le genre hongrois , puis une romance
sans paroles intitulée Nonnenwerth. Ce dernier morceau est
d'une mélodie toute gracieuse et d'une variété charmante,
infinie. C'est un chant qui dit tout le caractère de cette rê-
veuse Allemagne , dont nous avons parlé plus haut. Ce chant
en la mineur et en mesure à six-huit , mouvement d'anda7i-
tino, commence par une introduction capricieuse de onze
mesures, dont les deux premières sont d'un rhythrae de cinq
croches suivies de points de repos qui fixent l'attention mal-
gré qu'on en ait , ne fût-ce que par l'accord de quarte et
sixte qui commence exceptionnellement ce morceau : et puis
vient le tèhme de ce chant espressivo qui, par un de ces effets
d'harmonie excentrique , étonne l'oreille dès la seconde me-
sure sur laquelle intervient, après l'accord parfait de la
mineur qui accompagne la première mesure , un accord de
fa mineur dont le la bémol entendu aussi dans la mélodie
est d'une indicible naïveté. Le second membre de cette
phrase mélodique , qui commence la page 2 , est dit en
octave par la main droite ; c'est un chant d'une expression
exubérante; et là l'auteur lâchant la bride aux idées de
fougeuse exécution qui sont en lui , a écrit de deux manières
la façon de chanter et d'accompagner sa mélodie , par deux
accolades supplémentaires au-dessous da chant simple ,
avec cette indicatibu : Ossia jiiù difficile. Le caractère de
la mélodie n'est point trop interverti, inconvénient dans
lequel tombent trop souvent les pianistes arrangeurs , et
l'on peut dire ici que c'est de la difficulté expressive. C'est ,
au reste , le signe distinctif de la musique moderne du piano ;
elle chante dans le trait, elle chante dans le médium, elle
chante à la basse quand on sait faire parler la mélodie qui
se trouve dans ces divers registres , quand on sait attaquer
la touche avec autre chose qu'avec les doigts , c'est-à-dire
avec la pression physiologique qui tient en même temps du
cœur et de l'esprit.
La double manière d'écrire le morceau se prolonge presque
jusqu'à la fin. Cette variante est curieuse et intéressante, et
témoigne d'une grande richesse harmonique. Cela est plein
d'effets neufs et qu'on ne trouve dans aucun autre composi-
teur-pianiste. Le thème repris en la majeur, biea que cet
DE PARIS,
329
effet soit usé par l'abus qu'on a fait de ce moyen, ne laisse
pas que d'avoir du charme ici, par l'élégante simplicité de
l'accompagnement. Quelques mesures avant la péroraison
d'un effet piquant, il intervient une iransition enharmonique
avec une nouvelle variante en^style lié; et puis le morceau
finit comme il a commencé , d'une manière mystérieuse et
smorzando, le son perdendosi, mais non le souvenir que
laisse ce morceau à l'exécutant et à l'auditeur.
La marche héroïque f/aw« le style hongrois est un de ces
morceaux dans lesquels l'auteur s'est livré à son excentricité
de compositeur et d'exécutant, à toute la fougue de ses ca-
prices, en conservant cependant l'unité delà pensée; il yen
a deux cependant, mais puisées dans la nature du sujet
qu'indique le titre : le dessin mélodique consacré au carac-
tère de toutes marches d'abord, et puis le dessin d'un appel de
trompette. — Avec la volonté de faire du style descriptif, d'a-
nalyser la musique imitative qui vous fait tomber dans l'esthé-
tique bourgeoise , c'est-à-dire dans la phraséologie de toutes
ces petites feuilles se disant musicales parce qu'elles font du
Ueu commun artistique pour le gros public des lecteurs,
nous pourrions dire qu'on entend, qu'on voit dans ce mor-
ceau, plein de poésie, les roulements des tambours, le tu-
multe des évolutions militaires, les drapeaux ondoyants dans
des groupes de triples croches liées, et une foule d'autres
choses auxquelles l'auteur n'a nullement pensé ; mais nous
aimons mieux reconnaître dans cette œuvre nouvelle du pia-
niste européen ce faire original, bizarre même, qui n'appar-
tient qu'à lui, ce caprice, cette étrangeté, qui sont cependant
puisés dans la méthode et dans l'unité de la pensée, ainsi que
nous venons de le dire. Ainsi , lorsqu'à la 3'= page l'auteur a
fait entendre l'appel de trompette dont nous venons de parler,
puis qu'il est revenu au thème primitif de la marche dansia page
suivante; que, par un caprice en style lié de doubles croches
par onze et neuf dans la même mesure, il fait contraster ce
Irait, aussi difficile que brillant s'il est bien exécuté, avec le
dessin de trompette à la main gauche , jl reprend son dessin
démarche à la main droite et dans son ton primitif, sous le-
quel on entend sourdre un trémolo sotJ,o voce de notes alter-
natives et puis refrappées qui sont du plus pittoresque effet ;
et puis la phrase de trompette, dans les cordes stridentes de
l'instrument, revient seule pour éclater dans une incandes-
cente et foudroyante péroraison.
Bien que nous ne nous soyons point trop servi des termes
techniques de l'art, nous n'avons écrit ceci que pour les ar-
tistes spéciaux , les pianistes de profession ou amateurs qui
ont pris ou prendront connaissance du morceau que nous ve-
nons d'analyser, dérogeant en cela à notre habitude d'écrire
pour la généralité des lecteurs, et cherchant à nous faire
comprendre de tous. Pour y mieux parvenir il faudrait pou-
voir user plus souvent des exemples de typographie musi^
cale, qui rendent l'analyse du critique plus claire; mais ce
procédé, lent et difficultueux dans son application, réclame
un perfectionnement que tout écrivain musical appelle de ses
vœux. Alors la critique musicale marchera l'égale de la cri-
tique littéraire , et les délicatesses mélodiques, et les finesses
de la science des sons, et le goût de l'art se populariseront
d'autant.
Henri Blanchard.
SI J'ÉTAIS LA BRISE DU SOIR.
Depuis un temps immémorial et peut-être antédiluvien,
les romances sont remplies de vœux de cette espèce : Que ne
suis-je la fougère ? ou bien Si j'étais jietit oiseau, ou encore
Si j'étais un dieu. Quant au souhait formé par la respecta-
ble matrone dont vous voyez l'énorme effigie , il n'en fut ja-
mais de plus malheureux; car il n'y a pas de doute que, si
elle était la brise du soir, cette brise serait assez forte pour
briser les arbres les plus robustes, et que la brise du matin
ne trouverait plus rien à caresser, ni bois taillis, ni bois de
haute futaie. Que le ciel nous préserve à tout jamais d'une
brise du soir de ce volume, fort dangereuse aussi pour les
salons !
',* Aujourd'hui, dimanche, par extraordinaire ii l'Opéra, Utiiello.
— Demain lundi , A'iiailella et Ciselle.
\* liiclianl en Palestine est anuoncé pour mercredi prochain,
2 octobre.
*,* M. Niedernieyer vient de perdre sa mère, âgée de 65 ans.
*,* Le jeune ténor Delahaye, qui a chanté à l'Opéra, vient de
mourir à ! ille.
*,' Eanny Elssler est en ce moment à Bruxelles; elle doit y
donner des représentations pendant un mo'S, puis se rendre i Mi-
lan pour la saison du carnaval , où elle est engagée avec Perrot.
*,* La musique du premier -ouvrage en un acte que l'on doit
jouer à l'Oijéra-Comique est de M. Bousquet, lauréat de l'Institut ;
ce sera son début au théâtre.
V L'annonce du grand concert que l'association des artistes-mu-
siciens donnera le 1"' novembre prochain, dans la salle de l'Opéra,
sous la direction de M. Habeneck, a vivement frappé l'attention du
public et conquis les sympathies de tous les artistes qui s'empressent
d'offrir leur concours à cette imposante solennité. Comme nous l'avons
dit, on exécutera le fameux oratorio d'Haydn , la Création, qu'on
n'a pas entendu en public depuis quarante-quatre ans. Le concert se
terminera par l'ouverture A' Obcron , de Weber, et le grand chœur
de Judas Mucliabée, oratorio de Hœndel.
•,* Liszt doit quitter Bordeaux sous peu de jours pour se rendre
à Jladrid, et sera de retour à Paris vers la fin de décembre.
',* M"'' Ida Bertrand , la célèbre prima donna , qui a obtenu de
si brillants succès sur tous les théâtres d'Italie, est en ce moment
à Paris. Avant de se rendre à Copenhague , où elle est engagée au
théâtre royal, M"= Bertrand donnera, dans la salle Pleyel, un con-
cert, le 7 octobre, dont nous donnerons le progralfcme dans le pro-
chain numéro.
*,' Une (les plus grandes collections de partitions de l'école fran-
çaise, allemande et italienne , se composant de plusieurs milliers de
volumes, doit être vendue publiquement dans le mois de novembre.
C'est une nouvelle qui intéresse tous les musiciens qui étudient leur
art avec le désir d'acquérir une renommée par des études sérieuses.
Nous donnerons le catalogue de cette vente intéressante, aussitôt
qu'il sera publié,
Clipoiaïqiie déitai'teiueiitaSe.
*.' Rouen, 25 septembre. — La soirée d'hier a été des plus heu-
reuses, excepté pour M. Hennelle, baryton qui continuait ses dé-
buts dans la Favorite. Le succès de M"= Valton n'a pas été contesté.
En s'emparant du rôle de Léonor avec vigueur et précision , elle a
prouvé (iu'elle possédait toutes les qualités d'une excellente canta-
tatrice. l.t tout le monde d'applaudir et de crier bis! au moment
surtout où Fcrnand pardonne à la fin du dernier acte. M. Raguenot
a chanté ce rôle avec infiniment de bonheur.
*/ LaHaye, Ib septembre. — La première représent-ition de Gui-
da et Ginevra, ce bel ouvrage qui a servi si puissamment aux bril-
lants débuts de Dupiez sur la scène do l'Ac.idémie royale de musi-
que, avait attiré ici une foule énorme au théâtre Français , et
entassé jusqu'aux combles une foule compacte de curieux. Nul doute
que la direction, qui n'avait rien négligé pour le succès, ne re-
cueille le fruit de ses peines. L'exécution a été, en général , satis-
faisante. M"'= Planterre, dans le rôle de Ginevra; M. Allard ,
dans celui de Guido ; M. Lorezzo , dans celui de Forte-braccio , et
enBn M. Garbet, dans celui de Cosme de Médicis, ont enlevé tous
les suffrages.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
Imprimerie de BOURGOGNE et MARTINET, 30, rue Jacob.
Musique de Piano, publiée par MAURICE SCHIiESA]VeEB , 99, rue Riclielieu.
OEUVRES DE DREYSCHOCR.
OEUVRES DE CHOPIIV.
Op. I. Rondo 6
Le même à 4 mains 7
a. La ci darem la maiio, thème de Mozart,
varié 9
A.vec orchestre i8
3. Polonaise bril. pour piano et violoncelle. 7
6. 5 Mazuikas, àlaC'"Plaler 5
7. 4 Mazurkas, à M. Johns 5
8. ïiio pour piano, violon et violoncelle. . 12
9. Noclurnes, à Mme Camille Pleyel. . . 6
10. Etudes, i*^"* livre • . iS
11. 1"^ Concerlo, le piano seul 12
Avec orchestre. . 24
12. Variations Ijrillantes sur Ludovic. ... 6
i3. Fantaisie sur des airs polonais. ... 7
14. Grand Rondo de concert, le piano seul 9
Avec orchestre 18
i5. 3 Nocturnes, à F. Hiller 6
16. Rondo 7
17. 4 Mazurkas, à Mme Freppa 6
18. Grande valse brillante en mi liémol. . 6
La même à 4 mains 7
20. I*^^ Scherzo 7
21. 11^ Concerto , !e piano seul 12
Avec orchestre 24
32. Grande Polonaise, piano seul. ... 9
Avec orchestre 24
a3. Ballade 7 5o
34. 4 Mazurkas, aiiC"Perthuis 7 5o
25. Etudes. 2* livre 18 »
26. Deux Polonaises 7 5o
27. 2 Nocturnes, à Mme la C" d'Appony. 6 »
29. Impromptu 6 »
30. 4 Mazurkas, à la V^^" de Wurtemberg. 7 5o
3i. Il"" Scherzo 7 5o
32.2 Nocturn('S,|ii Mme la baronne de Eilling. 6 w
33. 4 Mazurkas , à Mme la C'*" Mostovvska. 7 5o
34. 3 Valses brillantes. N. i, en la bémol.
N. 2 , en la mineur. N. 3, en /a. Ch. 6 »
44 Polonaise 7 5q
45. Prélude 6 «
46. Allegro de concert 7 5o
47. Iir Ballade 7 5o
48. XIII= Nocturne, à Mlle Laure Dupcrré. 6 »
XIV Nocturne. Id 6 »
49. Fantaisie brillante 730
50. 3 Mazurkas 7 5o
Grand Duo sur Robert-le-Diable , à
4 maiu« 9 »
Le même pour piano et violoncelle (avec
Francliommc). . . ..... 9 »
5i. Troisicmi; Ini] romptu 6 »
52. W" Ballade 7 5o
53. VIII'= Polonaise 7 5o
54. IT" Scherzo 6 »
55. Deux nocturnes 7 5o
56. Trois Msziiikas 9 »
OEUVRES DE DÔHLER.
Op. 2. Variations sur la Straniera 7 5o
3. Variations snr I Capuleti edIMontecchi. 6 »
4. Variations sur la Norma 7 5o
6. Fantaisie sur Roberl-le-Diable. . , . 7 5o
14. Deux Fantaisies sur lEIisire d'Amore,
chaque 6 »
i5. Dernière pensée de Bellini 7 5o
17. Fantaisie brillante sur Anna Bolena. . 7 5o
18. Fantaisie sur le Cor des Alpes. . . . 7 5o
19. Rondino SIM- les Somnambules de Strauss. 6 »
20. Koniîno iwr \aFata clella Rosa. . . 7 5o
22. Variations linilanles sur les Huguenots. 7 5o
27. Grande Fantaisie brlllaule snr la Gypsy. 7 5o
29. Fantaisie stii- Tupéra les Treize. . . . 7 5o
35. Divertissement sur le Guitarrero. , . . 7 5o
37. Grande faiiiai^ie sur Guido et Ginevra. . 9 u
39. Tarentelle 7 5o
Oeux études à 4 mains 6 m
42. 5o Etudes de salon, en 2 livres. Chaque. 20 w
44. Trois Romances sans paroles, i" livre. 7 5o
44- Trois Romances sans paroles , 2*^ livre . 7 5o
45. N. 3. \dieu, mélodie de F. Schubert,
transci ite et variée 5 »
4i. N. 4- Le Tournoi, mélodie sans paroles. 6 n
° 45. N. 5 Le lîohc.niiu , mélodie espagnole, 6 »
45. N. 6. L'Hidalgo, 2' mélodie e-pagnole. . 6 •
5o. N. r Brillante Polka de salon. . . . 7 5o
5r, Fantaisie sur la Favorite 7 5o
7 5o
Op. 4. Le Trémolo , étude 6 »
8. L'Absence, romance sans paroles, avec
de nouveaux effets acoustiques ... 6 »
9. Scène romantique 6 »
10. La Clochette, impromptu 6 »
i3. Premier Rondo militaire 7 5o
14. Mazurka. . 5 »
i5. Les Adieux, romance sans paroles . . 6 »
16. Binette musicale 3 75
17. Romance 5 »
18. Les Regrets, romances sans paroles. ^ 6 »
19. Scherzo. , 6 »
20. Deuxième Rondo militaire 7 5o
21. Impromptu - . . 6 »
22. Varialiunsbrillanlespourla main gauche. 6 »
23. Andante inquietoso 7 5o
2 mélodies de Mendelssuhn, transcrites. 6 »
25. La Coupe, chanson à boire .... 6 «
OEUVRES DE LISZT.
Symphonie fantastique de Berlioz, trans-
crite pour piano
Un bal, iragmeutde la symphonie d
Berlioz
Grande Fantaisie sur les Huguenots..
— sur la Juive. . .
— sur Ruber(-le-Diable.
sur Don Juan. .
34 Grandes études, i'^'' et 2« livre. Chaq. 20
La Rose, mélodie de Schubert. ... 6
Fantaisie sur la Clochette de Paganini. 9
Harmonies poétiques et religieuses. , 6
Apparitions 7
Adélaïde, de Beethoven, av. pointsd'orgue. 7
Le Bloine, de Meyerbcer . . . . . 7
Valse mélancolique 6
Mazeppa, élude. ....... 7
2' Marche hongroise 7
Canzone napolitana. ..... .6
Marche héroïque dans le style hongrois. 6
Galop russe 6
Nonnenverth. Romance sans paroles.
Gaudeamus ! Chanson des étudiants, ,
OEUVRES DE THALBERG.
Op. I. Variations sur Hurlante
Le même à 4 mains. .,.,,, 9 »
4. Douze Caprices en forme de valses . . 6 »
5. Adagio et Rondo de concert 7 5o
Les mêmes à 4 mains 9 "
6. Fantaisie brillante sur Robcrt-le-Diable. 9 »
La même à 4 maius 9 »
9. Fantaisie sur la Straniera 7 5o
La même à 4 mains 9 "
10. Fantaisie sur I Capuleti ed I Monlecrhi. 7
La même .^ 4 mains 9
i4- Fantaisie siir Don Juan 7
La même à 4 mains 9
20. Fantaisie sur les Uiiguenots 9
La même à 4 maius 9
3i. Scherzo 7
Le même à 4 mains . 9
36. La Cadence, étude en /a mineur. . . 6
La même à 4 mains 7
Mosè, mi manca la voce 4 5o
Le mcuie à 4 maius 6 »
40. Fantaisie sur la Donna del Lago. . . 9 »
La même à 4 mains 9 *>
La Romanesca, air de danse du xvi'^ siè
cle, Iraiiscrll
La même à 4 uiains 6
43. Grand Duo jiour piano et violon, sur les
Hugiu'uols (avec de Beriot). ... 9
La même poui- piano et violoncelle . . 9
2" Graude Faiilaisie sur les Huguenots. 9
La même à 4 mains 12
Romance sans paiules 5
La même à 4 ma'uî .6
Felice Dorize/la, romunce italienne de
J. Dcssnuor 6
La même à 4 mains 7
47. Grandes v.nlscs brillantes 9
48. Grand caprici- snr Charles VI. ... 9
6 Romances sans paroles. i'""ct2''llv. Cil. 7
49. Grande Fantaisie sur lîcnttice dlTenda, 9
5i. Grande Fantaisie sur Scmiramis ... 10
5», Grande sonate i5
5o
5o
5o
5o
4 5o
5o
OEUVRES DE HELLER.
Rondoletto sur la Cracovieune de la Gypsy. . .
Op. 17. Six caprices sur le Shcrif. . . . .
18. Divertissement brillant sur les Treize. .
1 5. Rondino brillant sur la cavaline desTreize.
22. Quatre rundos faciles sur la Favorite , en
deux livres. Chaque
24. Quatre rondos faciles sur le Guitarrero,
eu deux livre*. Chaque
24. Scherzo, dédié à l.iszl. . . . . . .
25. Deux bagatelles sur Richard Cœur-de-
Liou. N" I. Une fièvre brûlante. . .
N" 2. Un bandeau couvre les yenx.
28. Caprice symphonique
29, La Chasse, étude caractéristique.
3i. Petite Fantaisie sur la Juive
32. Boléro sur la Juive
37. Fantaisie brillante sur Charles VI. . .
38. Caprice sur Charles VI . . . • ■
39. l.a Kermesse, danse néerlandaise. . .
40. Miscellanées ; contenant un Impromptu,
une Eglogue et la Petite Mendiante. ,
41. Caprice sur le Déserteur
42. Valse [élégante
43. Velse sentimentale.'
44. Valse villageoise
Chant National de Charles VI. . , .
OEUVRES DE WOLFF.
©p. 14. Grande Fantaisie sur Gaido et Ginevra.
t5. 3 Romances sans paroles
i6. 4 Valses brillantes. 1" livre. . , .
17. Id. 2' livre. . . .
20. 24 Eludes. I»' livre.
21. Caprice sur un thème de Berlioz. .
22. Rondo brillant surunthèmedeF.Halévy
23. Impromptu sur un thème de F. Halévy.
25. Grande Fantaisie snr le Shérif. . . .
26. i"' Grand Duo brillant à 4 mains, sur
des motifs d'Halévy
27. 2 Nocturnes dédiés à Moschelès. . .
28. Scherzo
29. 4 Rapsodies en forme de valses, i" liv.
Id. 2" liv
37. Souvenir de Poroic, valses brillantes.
38. 4 Mazurkas
39. Allegro de concert, dédié à Chopin, .
43. 3 Fantaisiessur la Favorite, 3 suites. Chaq.
45. Nocturne en forme de Mazurka . . .
Marche héroïque de F. Halévy. , ,
47. Grande Fantaisie sur le Guitarrero. . .
49. Divertissement
50. 24 Etudes dédiées à Thalberg, 2" livre.
57. 2' Grand Duo à 4 mains sur la Favorite.
59. 3e GrandDao à4 mains sur le Guitarrero.
62. Ballade
63. La Favorite, grande valse brillante. . .
64. 3 Fantaisies sur la Reine de Chypre ,
3 suites. Chaque
67. 7" Grand Duo à 4 mains sur la Reine de
Chypre
63. Grande Fantaisie sur laReiue deChypre.
70. 2 Fantaisies, N. i, sur Euriante. N, 2 ,
sur Preciosa. Chaque
Grand Duo pour piano et violon sur
Robertle-Diable (avec de Bériot.}, .
Le même pour piano seul
2° Graude Fantaisie sur la Reine de
Chypre. .
La même à 4 mains
2"^ Grande Fantaisie sur la Favorite. .
La même à 4 mains
8° Grand Duo à 4^ni. sur les Huguenots.
9' Grand Duo à 4 mains sur Guida et
Ginevra
lo'^ Grand Duo à 4 mains sur la Juive,
i5' Nocturne
La Reine de Chypre, 2^ grande valse. .
1 3* Grand Duo à 4 mains sur Charles VI.
Grande valse brillante sur Charles VI. .
Deux morceaux de salon : la Mélancolie
et l'Espoir. Chaque
97. L'Andalouse, 3' valse originale . .
102. N° [.La Bohémienne , grande Polka. .
102. N» 2. La Varsovienuc, grande Mazurka.
106, Rondo valse sur le Lazzarone,
107, Duo sue le Lazzarone»
1 08, Fantaisie facile sur le Lazzarone.
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Pour Paris: un an, 30 fr.; six mois, 15 fr. — Annonces : 50 c. la ligne de 28 lettres — Départements : un an , 34 fr. Étranger, 38 fr.
GAZETTE MUSICALE
Rédigée par MM. AiSDERS , G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, HENiiI BLANCHARD, MiUuiCE BOURGES, F. DANJOO, DUESBERG, FÉTIS père, ÉdouABD FÉTIS,
STEPBES HELLER, J. JANIN, G. KASTNER , LISZT, J. MEIFRED, GeOBGE SAND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UIV DESSIN INÉDIT DE GAVAKNI.
SOMMAIRE. Cinquième et dernière lettre à M. Zlmmerman (suite
et fin ) ; par FÉTIS père. — Tliéâtre-Italien -. Réouverture ; Linda
di Chamouni. — Correspondance particulière : Bruxelles. —
Feuilleton. — Nouvelles.
LE MÉNÉTRIER. Dessin de Gavarni.
Ml. les Abonnés reçoivent avec le présent numéro :
Chant national de Charles ^'I , pour le piano , par
Stephen Heller.
CINOUIÈMË ET DEMIÈRE LETTRE A M. ZIMMERMAN.
(Suite et fin ". )
Bruxelles, 16 septembre 1844.
Mon cher Zimmebman ,
A propos de l'opinion de Cherubini , dont j'ai parlé con-
cernant l'emploi des accords de septième de seconde, quinte
et sixte , etc.' , opinion qu'il avait certainement lorsqu'il écri-
vait dans le style ancien, comme tu peux le voir par les con-
tre-points à cinq et six parties qu'il a fait insérer dans l'ancien
(*) Voir le numéro 39.
solfège du Conservatoire, tu opposes un passage de son traité
de contre-point qui en est la contradiction , et tu soulèves à
ce sujet une question toute différente de celle qui nous oc-
cupe, à savoir, s'il faut conserver à la doctrine du contre-
point ses éléments anciens , ou s'il est convenable d'y intro-
duire des éléments nouveaux. Cette question, mon cher
Zinimerraan , est trop importante pour être traitée acciden-
tellement; car si on ne considère plus la science du con-
tre-point comme l'étude graduée de la base des différents
styles , si , en un mot , on en veut faire une application im-
médiate à l'état actuel de la musique, en passant sous silence
ce qui l'a précédé , ce ne seront plus seulement les accords
dont tu parles qu'il y faudra introduire de prime-abord, mais
!.: septième dominante et ses dérivés , les septièmes de sen-
sible et diminuée, les altérations, enharmonies, etc. , car
tout cela est indispensable pour la musique actuelle, et pour
ne pas rester, comme tu dis , dans l'ornière de l'ancien art.
Cette question , mon digne ami , je n'en décline pas la
discussion ; mais pour la traiter convenablement, j'en ferai
l'objet d'un travail spécial , et je te promets de ne pas te faire
attendre.
Venons maintenant, cher Zimmerman, à tes dernières
objections contre la substitution simple et réunie , à la pro-
Porlefeuille de deux Cantalrices ^^\
I!XTRODLCTIO>'.
C'était par ruue des plus froides matinées de l'hiver de 18...;
l'épais brouillard qui depuis trois jours enveloppait la capitale
commençait à se dissoudre en une rosée fine et pénétrante ; la
fange des pavés devenait de plus en plus liquide ; on ne pou-
vait marclier sans effort, et pourtant Teffort ne suffisait pas à
réchauffer le sang qu'une atmosphère glaciale figeait dans les
veines. Oh! que dans une telle saison et à pareille heure, tout
homme , doué d'un certain sentiment de bien-être , apprécie les
avantages d'une fortune ou d'une position qui le dispense de sor-
tir de chez lui avant déjeuner, de courir les rues à pied, de
franchir des distances infinies pour aUer chercher des gens qu'on
ne trouve pas toujours , et cela, par l'une ou l'autre de ces deux
raisons: la première qu'ils sont sortis eux-mêmes, la secondée!
(I) Toute reproduction, entière ou partielle, de cet ouvrage est
interdite.
la plus cruelle , qu'ils sont chez eux , mais ne reçoivent pas. Cer-
tainement la richesse et l'indépendance doivent avoir leurs pri-
vilèges ; mais n'y a-t-il pas de la barbarie à faire renvoyer par
ses valets de pauvres diables qui implorent , comme une grâce
suprême, la faveur de vous dire un mot, et surtout à les prome-
ner de jour en jour , pendant des semaines entières, avec l'es-
poir décevant d'une entrevue qu'ils finissent souvent par ne pas
obtenir?
Dans l'antichambre d'un appartement situé au rez-de-chaussée
d'une élégante maison de la rue Saint-Lazare, maison partici-
pant de l'hôtel et de la villa, plusieurs personnes, non moins dif-
férentes de physionomie , de costume , que d'âge et de sexe ,
étaient arrivées successivement, adressant toutes la même
question à un valet de chambre en habit bleu de ciel, avec
boutons d'or, en culotte de serge noire, et en bas de soie
blancs :
— Madame est-elle visible î
A quoi le valet de chambre faisait régulièrement la même ré-
ponse :
— Je ne sais pas : attendez.
BUREAUX B'ABOSnVEMEKrT, RUE RICHEIirEU , 97.
332
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
longation pour l'origine des accords de septième de sensible
et de septième mineure ou majeure avec quinte sur le second
degré, sur le quatrième, le sixième et la tonique.
Tu dis qu'en faisant naître la septième de sensible d'une
substitution, je ne lui donne qu'une existence conditionnelle;
cependant, ajoules-tu, cet accord, si, ré, fa, la, dans le
mode majeur, et sa résolution m^, mi, sol, produisent tous
les degrés de la gaiime. — D'abord je te ferai remarquer que
ce n'est pas moi qui donne une existence conditionnelle à
l'accord de seplième sensible , mais la nature même de l'ac-
cord et ses fondions dans la musique. Pour qu'il eût une
existence nécessaire, indépendante, absolue, il faudrait qu'il
fût, comme l'accord de septième dominante , indispensable
à la contexture de l'enchaînement harmonique de la tonalité
moderne; qu'il n'eût pas pour condiiion que sa dissonance
occupât toujours la position supérieure, comme note mélo-
dique , soit dans l'ordre direct , soit dans les renversements,
et que ses inlervalles pussent être combinés dans toutes les
positions , comme ceux de l'accord fondamental dont il est le
substitué. Or , c'est ce qui n'est pas , et c'est pour cela que
l'existence de l'accord de seplième de sensible n'est que con-
tingente ou conditionnelle.
Mais l'absence de généralité et de nécessité qu'on remarque
en cet accord ne le prive ni de son caractère tonal ni de son
attraction. Par cela même qu'il se substitue à l'harmonie de
la septième dominante en certains cas, il le représente et en
remplit les fonctions dans le cercle de faits harmoniques où
il est employé ; d'où il suit qu'il doit faire retrouver toutes
les notes de la gamme dans sa constitution et dans sa réso-
lution.
Quant aux nouvelles anomalies que tu as cru reconnaître
dans mon système de la réunion de la substitution à la pro-
longation, pour l'origine de l'accord de septième mineure
du second degré et de ses dérivés , plus j'examine les raison-
nements à cet égard, moins j'y trouve de fondement. Tu
m'opposes deux dissonances primitives qui, remplacées par
deux consonnances, font leur résolution en montant, et tu
prétends démontrer le fait par cet exemple :
i
à^-^-^i=é
ï
EF=^fqg
r
tZ2Z
J'ai déjà répondu péremptoirement, dans ma seconde lettre,
à la difficulté que tu as élevée relativement à la dissonance
originaire de la noie de basse dans l'accord de quinte et sixte,
et j'ai fait voir que la résolution naturelle , soit de l'accord
substitué simple, solide la substitution avec la prolongation,
est sur l'accord de triton , dont ils sont les modifications;
mais que le fait de la substitution, faisant disparaître un mo-
ment la dissonance primitive, la basse, devenue libre par
ce fait, peut se résoudre en montant. Les explications que
j'avais données dans mon Traité de l'harmonie sur ce sujet
étaient assez claires pour prévenir ces objections, dont elles
étaient la réfutation invincible. Maintenant tu combines à
plaisir un passage d'harmonie pauvrement écrit , pour mon-
trer que la note substituée , perdant momentanément son
caractère dissonant par la prolongation, peut aussi mon-
ter ; mais il est évident que ce n'est point ainsi que tu écri-
rais le passage que tu donnes pour exemple, et que tout
harmoniste, n'eût-il même que de l'instinct, éviterait les
misères de cet exemple, et écrirait comme je le fais ici, s'il
ne voulait faire une niche :
^
1
éi^
^F^
^m
m.
L'exemple, ttl que tu le présentes, est vicieux, parce qu'il
s'y fait deux tierces majeures de suite entre les mêmes par-
ties , parce qu'on y résout deux parties sur l'unisson sans né-
cessité, enfin parce qu'il produit un rhytlsme boiteux.
Il ne faut jamais arguer d'une faute ou d'une négligence.
Que dirais-tu, dis-mni, a celui qui t'affirmerait que l'accord
qui nous occupe existe par lui-même, comme celui de sep-
Alors chaque personne prenait place sur le velours moelleux
des banquettes dont l'anticliambie était garnie, et pouvait jouir
à son aise de la douce chaleur que répandait la llamme invisible
d'un vaste poêle qui s'allumait par dehors.
Du reste , le profond silence observé par tout le monde n'était
troublé, de temps en temps , que par le coup de sonnette qui an-
nonçait un nouveau survenant, et par les allées et venues d'une
femme de chambre de la mise la plus coqueitcraent recherchée,
qui, sortant par la petite porte d'un couloir , donnant dans la
chambre à coucher de sa maîtresse, enli'ouvrait l'un des bat-
tants de la porte d'un salon somptueux , d'où s'échappaient avec
les rayons richement colorés d'une cheminée flamboyante les
parfums enivrants d'arbustes en pleine fleur et de bouquets ra-
res , s'épanouissant dans des vases, comme aux plus belles jour-
nées du printemps.
Chaque fois que la femme de chambre passait, d'un regard
dédaigneux et rapide elle examinait le cercle entier des aspirants
et aspirantes à la faveur d'une audience que plusieurs poursui-
vaient avec une ténacité digne d'un meilleur sort. On eût dit
qu'elle prenait un malin plaisir à multiplier ses apparitions ,
comme pour taire battre le cœur de tous ceux qui attendaient
là le lîienlieurenx moment où Madame serait visible et qui se
flattaient toujours que la messaghre venait enfin l'annoncer.
Déjà une fois ou deux , elle s'était contentée de se montrer à
la porte du couloir et d'appeler 5 demi-voix Joseph, le valet de
chambre, pour lui dire quelques mois à l'oreille, lorsque tout-à-
coup, entrant vivement, et donnant à son interpellation plus
d'énergie :
— Joseph !... Joseph ! s'écria-t-elle, allez donc dire au cocher
de madame d'empêcher les chevaux de se battre , et puis à Tony
de ne pas siffler en lavant la voiture!,.. Est-ce qu'il est possible
de reposer avec ce bniit-là?
Joseph se hâta d'obéir à l'ordre que lui donnait la femme de
chambre. A peine fut-il sorti qu'un petit homme sec , dont la
toilette offrait beaucoup d'analogie avec celle du Ci-devant jeune
homme, et dont, malgré ses cinquante ans, la taille était encore
remarquablement cambrée, lira sa montre, et dit tout haut :
— Diable ! déjà onze heures et demie !...
— Madame repose tard aujourd'hui, dit un autre personnage
de tournure beaucoup plus modeste.
— Pas plus tard qu'à l'ordinaire, dit un troisième individu qui
avait tout l'air d'un artiste en chaussure ; je l'ai vue souvent ne
se lever qu'à midi passé.
— Oui, peut-être le lendemain d'un jour d'opéra , quand elle
avait chanté la veille, reprit le premier.
— Et si.elle chante ce soir, n'est-ce pas la même chose? re-
prit le second.
— Non, non, elle ne chante pas , reprit le troisième ; j'ai eu
soin de m'en assurer.
Cet échange de mots fut suivi d'une conversation plus intime
DE PARIS.
333
tième dominante , parce que Mozart , par des liaisonsd'idées
sous-ctUendues que je comprends très bien , l'a employé plu-
sieurs fois sans préparation dans ses formes directes et déri-
vées? Que dirais-tu à celui qui nierait la nécessité d'en ré-
soudre diatoniquenient en descendant la dissonance, parce
qu'il aurait trouvé ce passage dans Bcellioven ?
^
i?
Tu serais obligé d'entrer dans une de ces analyses déli-
cates qui paraissent te répugner, et qui me semblent indis-
pensables pour exiDliquer une multitude de faits harmo-
niques. Tu diras au premier qu'en y regardant de près , on
trouve dans les passages où Slozart a employé en apparence
l'accord de septième du second degré , ou l'accord de quinte
et sixte sans préparation et de |)rime-abord , au commence-
ment d'un phrase, que la note qui forme la dissonance a
été entendue à la fin de la phrase précédente , et que bien
qu'un silence ait suivi celle-ci , le compositeur a supposé le
sentiment de cette note comme persistant , et comme suffi-
sant pour former la préparation ; tu répondrais à l'autre que
le passage de Beethoven est établi sur un fragment de pédale
intérieure qui saisit l'esprit d'un sentiment d'immobilité ,
et dans lequel la dissonnance est absorbée, pourvu que l'ac-
cord dissonant soit suivi d'un accord consonnant. Et si l'on
prétendait, comme le fait Godefroi Weber, dans son scepti-
cisme contre toute théorie générale de l'harmonie , que ce
ne sont là que des subtilités pour expliquer des faits con-
traires à ces théories, tu serais en droit d'affirmer que si
Mozart et Beethoven n'ont pas fait ces raisonnements en écri-
vant ce que leur sentiment leur dictait , il n'en est pas moins
vrai que les principes qui les dirigeaient à leur insu étaient
identiques; car s'il en était autrement, leur sentiment serait
tombé dans l'absurde : ce qui implique contradiction. Quant
à moi , après avoir montré comment le passage que tu m'as
opposé devrait être écrit , je n'éprouve nulle difficulté à
l'expliquer, même comme lu le présentes; car, de même
que la substitution, en faisant disparaître la dissonance na-
turelle de l'accord de triton , permet à la basse de monter, la
prolongation , retardant la dissonance contre la note substi-
tuée , laisse celle-ci en état de consonnance , et la rend consé-
quemment libre dans son mouvement jusqu'à ce que la prolon-
gation se résolve.
Tu me reproches de n'avoir point expliqué quatre accords
de septième avec quinte que tu m'avais opposés , dans ton
article du 26 mai , et tu te persuades que la difficulté d'une
réponse satisfaisante est cause de mon silence : tu oublies
encore ici , mon cher Zimmcrman , que ma réponse avait
précédé l'objection dans mon traité d'harmonie (pag. 65 et
66, et pag. 81, § 157). Permets-moi de rapporter ici des
extraits de mes explications; ils contiennent des réponses
auxquelles il n'y a rien de raisonnable à opposer.
« Les harmonistes modernes , guidés par l'analogie de
» l'accord de septième de dominante, ont cru que tout accord
» de septième devait avoir la quinte dans sa composition , et
» ont introduit cet intervalle dans les retards de sixte , au
n moyen d'une double prolongation, dont une, consonnante,
» produit la quinte , qui se résout sur la sixte en montant. Ils
« font usage de cette combinaison sur les degrés où se place
» l'accord de sixte (pag. 65 et 66 , § 139).
Exemples :
A
^
^i^
-J- A.
i
^2=^
d=^
J J
Le mouvement de basse qui fait résoudre sur l'accord de
entre les trois interlocuteurs, qui se levèrent et se rapprochèrent
pour causer avec plus de facilité. Leur exemple fut comme un
signal pour tous les autres : chacun se mit à dialoguer avec son
voisin et à lui parler du motif qui l'obligeait à faire si longtemps
antichambre.
A cette époque, de même qu'à la nôtre , c'était une grande
puissance que celle d'une chanteuse célèbre, tenant rang de
premier sujet à l'Académie royale de musique , ctndus savons
quel est le sort des puissances d'ici-bas : on leur demande tout
ce qu'elles peuvent donner, et même ce qui est complètement
au-delà de leur influence. Les artistes qui ont du talent et un
nom ne sont pas moins sollicités que des ministres ; leur protec-
tion est réclamée non seulement pour ce qui se rapporte au
théâtre sur lequel ils régnent, sans le gouverner toujours, mais
encore pour une foule de choses dans lesquelles on présume
qu'à cause de leurs liaisons, de leurs relations d'amour ou d'ami-
tié, leur voix sera prépondérante et leur appui décisif.
An nombre des femmes qui se trouvaient dans l'antichambre
delà cantatrice, il y avait une jeune fille qui paraissait n'avoir
pas plus de dix-sept à dix-huit ans, et dont la figure assez régu-
lière portail noblement l'empreinte de la souffrance et du besoin.
Un chapeau de paille noir, dont les reflets rougeâtres trahissaient
la décrépitude, ombrageait son teint pâle et ses traits amaigris ;
Un châle de mérinos, d'un bleu tournant au gris, couvrant ses
épauleset descendantjusqu'à ses genoux, ne laissaitapercevoir que
le bas d'une robe d'indienne fond vert, à petits poisblancs, usée à
force d'avoir été blanchie , et dont la légèreté ne s'accordait
guère avec la rigueur de la saison. Après avoir demandé si ma-
dame était visible d'un son de voix timide et doux , mais d'une
douceur argentine, la jeune fille s'était retirée dms l'angle le
plus oliscur de la pièce, auprès d'une femme dun certain âge ,
arrivée quelques minutes plus tôt. Au moment où le silence gé-
néralement gardé fut rompu par la sortie du valet de chambre ,
celle-ci se hâta de prendre la pafole , et s'adressant à sa jeune
voisine :
— Onze heures et demie ! dit-elle, voilà pourtant deux heures
que je suis là, et je viens de la rue de Bretagne, au Marais.
Quelle course !... Il faut se lever avant le jour par ce maudit
temps ! Encore si l'on Était sûre de quelque chose !... Mais non,
je parie que ce sera encore aujourd'hui comme hier et avant-
hier... vous en étiez aussi, mademoiselle : je crois bien vous re-
connaître, quoiqu'il ne fasse pas trop clair ici, pas plus que
dans la rue. Ah! Dieu , c^est commode d'être prejiiière chan-
teuse !... on ne se gêne pas , on prend ses aises : on ne dort pas,
mais on fait semblant, ça revient au mémft Pourtant il me sem-
ble qu'un devrait avoir des égards ; qu'on fasse trotter les
hommes, à la bonne heure; ils sont forts; ils ont des bottes!
mais des dames , des dames !...
La jeune fille n'ayant pas desserré les dents, la femme âgée
s'arrêta sur celte période, mais elle reprit bientôt :
334
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
» septième de dominante l'accord de septième mineure (du se-
» cond degré ) produit par la substitution et la prolongation,
» a donné naissance à des progressions où chaque note est
» accompagnée d'un accord de septième , dont la nature des
» intervalles diffère en raison du degré de la gamme oîi l'ac-
» cord est placé.
» Ainsi que je l'ai dit et démontré ( § 78 ), l'analogie du
» mouvement fixe l'attention dans les progressions de cette
» espèce, et suspend le sentiment tonal jusqu'à la cadence;
» en sorte qu'aucun degré de la gamme n'est en réalité dé-
» terminé jusqu'au moment de cette cadence, qui réveille le
» sentiment tonal : nous n'avons conscience que du mouve-
» ment uniforme de la basse et de la composition symétri-
» que des accords qui accompagnent ses notes. Tel est le
» phénomène qui se manifeste dans l'audition de la progres-
» sion d'accords de septièmes sur des mouvements de basse
» montant de quarte et descendant de quinte ( page 81 ,
» § 157). »
Voilà donc deux origines très différentes des accords dont
tu parles , en raison des circonstances de leur destination :
elles démontrent que ces accords n'ont point d'analogie avec
celui de la septième du second degré qui ne peut naître que
d'une seule manière, savoir : de la réunion de la substitution
à la prolongation , et qui n'a de bonne résolution tonale que
sur l'accord de septième dominante , dont il est la double
modification , ainsi que Catel a été forcé de le reconnaître
par l'exemple qu'il en donne dans son Traité d'harmonie
(page 23). J'ai donc eu raison de dire, en parlant de cet ac-
cord, qui n'a point d'analogue dans la musique, que la note
prolongée est toujours la tonique retardant la note sensible.
Maintenant veux-tu une troisième origine d'un des accords
de septième dont tu parles ? ïu la trouveras dans cet
exemple :
A,
^
i
-J-
^
J- J Jr
^^^^
^ rJ-
^^^
j J-
Il est de toute évidence que la septième avec quinte sur le
quatrième degré n'est là que le retard de la sixte de l'accord
de quinte et sixte , qui est lui-même le produit du retard de
la note sensible par la prolongation de la tonique réunie à la
substitution du sixième degré à la dominante. Toutes ces
circonstances sont, ainsi que je te l'ai dit dans ma seconde
lettre , indépendantes les unes des autres , et ne sont coordon-
nées que par la loi suprême de la tonalité. L'art réside dans
une multitude de combinaisons délicates de cette nature : la
science qui explique cet art doit donc être toute analytique et
distinguer avec soin la diversité des origines harmoniques.
Tu dois donc voir qu'une théorie qui prétend faire connaître
la nature de tous les accords de septième avec quinte juste en
leur donnant pour origine une prolongation sur un accord
parfait complet, résolu sur l'accord suivant, n'est d'abord
qu'une assertion dont il est impossible de fournir la preuve ,
et qui n'a pas plus de valeur que celle par laquelle Rameau
fait venir les mêmes accords d'une tierce ajoutée au-dessus
des accords parfaits des différents degrés de la gamme ; en-
suite , cette assertion ne soutient pas l'épreuve de l'analyse
que je viens de faire, et disparaît devant elle.
Tu dis , mon digne ami , que l'épithète de pratique que
j'ai ajoutée au titre démon livre ne te paraît pas justifiée: en'-
tendons-nous. Qu'est-ce qui constitue le savoir pratique?
N'est-ce pas, non seulement de connaître tous les faits pos-
sibles d'une science ou d'un art, mais de pouvoir les analyser
et de donner la raison de tous? S'il en- est ainsi , comme on
ne peut en douter, non seulement l'épithète de pratique ap-
partient à mon Traité de l'harmonie, mais je ne connais pas
délivre du même genre auquel elle soit mieux appliquée; car,
outre que les objets y sont placés dans un ordre absolument
progressif et logique , il n'y pas de circonstance harmonique
qui n'y soit analysée avec soin et rendue sensible par des
exemples clairs. De plus , en une multitude de cas , j'ai exa-
miné avec une scrupuleuse attention les passages de compo-
sitions de grands maîtres qui semblent) ou qui sont réelle-
ment en contradiction avec les principes de l'art et de la
science , comme tu peux le voir, pages 49, 63, 64, 74, 75,
111,112, 113, 114, 115, 125, 126, 127, 128, 131, dans
tout le chapitre douzième du deuxième livre; dans le troi-
— Et dire qu'on est obligée de venir prier , presser pour offrir
une chose qu'on devrait vous demander à genoux ! Car c'est vrai,
je devrais me tenir bien tranquille , moi, et ce serait aux autres
à courir, à faire anlicliambre chez moi, rue de Bretagne ! Figu-
rez-vous, mademoiselle, que j'ai composé un opéra , un Thémis-
tocle, qui a Ole reçu par tous les jurys, par l'Institut, approuvé
par tous les mçiîtres Eh bien, je ne puis parvenir à le faire
jouer, parce que je suis une femme, une faible femme! Mon
poëte lui-même, qui est devenu un grand homme depuis qu'il a
fait mon poëme, il y a quinze ans de cela, mon poëte s'oppose
à ce qu'on me joue , à ce qu'on me chante ! A-t-on jamais vu rien
de pareil ? Il y a des gens qui ne veulent pas me croire , et qui
disent que j'imagine! Alors j'ai donc bien de l'imagination , puis-
que j'invente des choses incroyables. Ma foi , j'ai pris un grand
parti ; j'ai écrit à notre aimable prima donna, et je l'ai priée de
vouloir bien entendre mon ouvrage. Si elle accepte le premier
rôle, je suis sauvée; je vais le dire sur-le-champ à M. l'Inten-
dant ; je demande l'ordre de copie ; j'entre en répétition, et
j'ai mi succès, oh! mais un succès! Pour cela, je n'ai
pas l'ombre d'un doute. La seule difficulté, c'est d'arriver
jusqu'à ma chanteuse, et de lui chanter ma musique. Voilà
trois jours que je me donne tout le mal possible et que je ne
réussis à rien. Et vous, ma petite demoiselle, vous venez
aussi lui demander quelque chose, à ma chanteuse? Vous
n'avez pas fait d'opéra , vous , mais est-ce que vous voulez en-
trer à l'Opéra?.... Dans le corps de ballet?.... Dans les chœurs?
— Mon Dieu, madame, je ne sais pas, répondit tristement la
jeune fille. , <
— Enfin , vous voulez quelque chose, reprit l'autre, sans cela
vous ne seriez pas ici , c'est clair, et je vous en ferais mon sin-
cère compliment.
Pendant ce monologue féminin , la conversation s'animait de
plus en plus entre les hommes, qui presque tous s'étendaient
assez longuement sur le but de leur visite. Le petit homme sec
était un chorégraphe, célèbre en Allemagne, en Angleterre et en
Italie , qui voulait faire monter un de ses chefs-d'œuvre à l'Opéra
de Paris. Le personnage modeste qui s'était mis le premier
eu rapport avec lui était un brave coryphée , dont le fils venait
d'être atteint par la loi de recrutement, et qui espérait que la
prima donna voudrait bien dire un mot en sa faveur à un inten-
dant militaire qu'elle connaissait beaucoup, et qui en dirait un
autre aux juges compétents. Enfin, le troisième personnage était
tout bonnement un maître cordonnier , qui sollicitait depuis deux
ou trois mois le règlement d'un petit mémoire remontant à deux
ou trois années.
La rentrée du valet de chambre mit fin aux causeries; tous les
regards se portèrent sur lui comme pour savoir s'il y avait lieu
d'espérer quelque changement à la situation présente; mais le
visage de Joseph était d'une impassibilité constante et absolue :
rien n'y parlait, rien n'y remuait, ni les yeux, ni les lèvres : im-
DE PARIS.
335
sième livre tout entier, etc. Certes, il n'y a pas de Méthode
plus pratique que celle-là.
Tu termines ta lettre , mon cher Zimmerman , par ces
mots : « D'ailleurs, mon ami, si je ne répète pas avec toi que
» la théorie de l'harmonie parvenue au point où tu l'as portée
» est au dernier terme de l'art et de la science , que rien n'y
» peut être ajouté , je ne reconnais pas moins que la route
» ouverte par toi à tes disciples , si elle n'est pas la plus
" directe , la plus courte, mène également au but. Les prati-
» ciens, en se laissant guider par toi, pourront tâtonner le
» long du chemin , mais ne s'égareront pas. »
A Dieu ne plaise, mon ami, que j'aie eu l'exorbitante pré-
tention de faire partager à tous les harmonistes mon opinion
sur la place que doit occuper ma Théorie dans l'histoire de
l'art et de la science : cette opinion n'a de valeur actuelle
que dans mes convictions et dans celles des partisans de mon
système; quant à l'universalité de réforme et de direction
nouvelle que j'ai cru lui donner, l'avenir seul pourra décider
si j'ai atteint mon but. Je te prie seulement de ne pas oublier
qu'il ne s'agit pas ici d'un essai nouvellement tenté, auquel
le monde musical n'aurait point encore pris intérêt; car les
bases de ma théorie ont été résumées dans ma Méthode élé-
mentaire d'harmonie et d'accompagnement, publiée il y a
environ vingt ans, et dont il a été fait trois éditions; deux
traductions italiennes de cette Méthode ont paru , l'une à
Naples, chez Girard ; l'autre à Turin, chez Pomba; M. Bi-
shop, musicien anglais distingué, en a fait une traduction
dans sa langue pour l'usage de l'Institution royale de musi-
que de Londres ; une foule d'artistes, parmi lesquels je citerai
MM. Liszt, Moschelès, Henri Herz, Fessy, etc., m'ont depuis
longtemps exprimé leur opinion concernant la supériorité de
ma théorie sur celles par lesquelles ils ont fait leurs études;
M. Bienaimé , professeur d'harmonie et d'accompagnement
du Conservatoire de Paris depuis six ans , n'y enseigne point
une autre théorie, et depuis lors six élèves ont obtenu cinq
fois le premier prix et six fois le second aux concours ; mon
élève, M. Bosselet, professeur d'harmonie depuis dix ans au
Conservatoire de Bruxelles, a obtenu des résultats semblables,
et a peuplé Bruxelles et plusieurs autres villes de la Belgique
de pianistes bons accompagnateurs , et de bons harmonistes
dans les orchestres ; enfm tu as vu toi-même l'intérêt que
cette théorie a fait naître dans l'auditoire de mon cours, au
mois de février dernier. Récemment Ricordi, de Milan , m'a
annoncé qu'il vient de publier une traduction italienne de
mon nouveau livre ; on imprime en ce moment une traduc-
tion allemande, et tu m'as fait l'honneur de me réfuter! Que
pouvais-je désirer de plus pour constater l'importance de ma
doctrine ?
Ton tout dévoué.
FÉTis père.
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
THKATRE-ITALIEN.
Kéoitverture. — JLittaa ai CItamawniœ.
Que le début suit simple et n'ait rien d'alTecté !
Ce précepte littéraire a été ponctuellement observé par le
directeur du théâtre. Il a inauguré la saison par l'un des ou-
vrages qui , dans les derniers temps, ont obtenu le succès le
plus modeste , et il a monté cet ouvrage beaucoup plus mo-
destement qu'il ne l'était à l'époque de la première représen-
tation , laquelle remonte au mois d'octobre ou de novembre
1842. Morelli a remplacé Lablache père ; Fornasari s'est
substitué à Tamburini, et M. Tagliafico a débuté dans le rôle
créé par Lablache fils. M""= Persiani , W"" Brambilla et Blario
ont seuls conservé leur rang et leur emploi primitif.
Pour nous une idée mélancolique s'attache au nom et à la
personne de M. Tagliafico. Nous nous souvenons qu'il donnait
la réplique h ce pauvre Delahaye , qui vient de mourir si vite
et si jeune , la première fois qu'après une année de travail le
jeune ténor se fit entendre à huis clos sur la scène du grand
Opéra. C'était aussi la première fois que nous entendions
M. Tagliafico , et dans le duo de Guillaume Tell nous re-
marquâmes le timbre de sa voix tout à la fois grave et flexible.
Depuis, M. Tagliafico s'est fait un nom dans les concerts,
sans en excepter le concert Vivienne. Mais quelle idée bouf-
fonne que celle de le faire débuter par le rôle bouffe du mar-
quis de Bois-Fleury , lui dont la physionomie n'a rien de
possible de deviner ce qu'il avait dans l'âme, ni même de se
douter s'il en avait une : c'était un digne valet de grande maison,
un vrai trésor pour un diplomate ou une actrice.
Le silence qui venait de se rétablir fut de nouveau troublé
par le bruit d'un équipage entrant dans la cour. Le petit homme
sec et ses deux acolytes, s'étant approchés de la feuêtre, en vi-
rent descendre un jeune homme de figure distinguée , à tour-
nure élégante, portant une redingote doublée d'une épaisse four-
rure, et qui cependant marquait exactement la taille. Le jeune
homme , au lieu de monter le perron conduisant au grand es-
calier, alla prendre un petit escalier de service aboutissant au
couloir par lequel allait et venait la femme de chambre. En
effet , on entendit de ce côté une porte s'ouvrir et des bottes
craquer sur le parquet. L'instant d'après, la femme de chambre
apparut:
— iMadame est trop souffrante, dit-elle, pour recevoir aujour-
d'hui. Vous pouvez vous retirer, ajouta-t-elle , en promenant
son regard sur toute l'assistance. Puis , tenant d'une main la
porte du couloir , elle dit encore : Joseph , ne laissez plus entrer
personne, personne, entendez-vous ?
Après quoi, les neuf ou dix personnes qui étaient 15 depuis le
matin fin'cnt bien obligées de s'en aller , non sans mécontente-
ment, ni colère. La femme âgée disait à demi-voix :
— Quand on ne veut pas recevoir , au moins on le dit tout de
suite.
— Ah! ah! répondit le petit Iiomme sec, on ne prévoit pas
toujours ce qui arrive , et je sais bien ce qui vient d'arriver.
La jeune fille sortit la dernière : il serait difficile de peindre
la stupeur dont elle parut frappée en apprenant qu'il n'y avait
plus d'espoir d'être admise chez la cantatrice.
— Mais, monsieur, dit-elle au valet de chambre, voilà quatre
jours que je viens inutilement. Vous n'avez donc pas dit mon
nom à madame ?
— Je l'ai dit avec les autres , répondit Joseph sans sourciller.
— Il faut absolument que je parle à votre maîtresse aujour-
d'hui.
— C'est impossible: elle ne recevra pas.
— Mais sortira-t-elle ?
— Oui ; sur les deux heures, pour aller au théâtre.
— Elle passera par celte pièce?
— Oui sans doule.
— Eh bien! permettez -moi de l'attendre ici.
— C'est impossible.
— Impossible ! toujours impossible. N'importe , je la verrai,
je lui parlerai.... Je l'attendrai, fût-ce dans la rue , dit en sor-
tant la jeune fille.
— Comme vous voudrez, mademoiselle, répondit tranquille-
ment Joseph en fermant la porte sur elle; je ne puis pas vous
en empêcher.
La suite au prochain numéro. Paul Smith.
336
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
gai, la tournure rien de comique? C'est positivement ce
qu'on appelle en Italie buffo magro , en d'autres termes , un
triste plaisant. Comme acteur , M. ïagliafico doit demander
promptement sa revanche; son jeu n'a pas été, à beaucoup
près , aussi drôle que l'idée saugrenue qu'on lui a prêtée (nous
ne savons en vérité pourquoi) d'épouser M"'^ Lacoste. Comme
chanteur, on eût trouvé qu'il avait une méthode excellente
partout ailleurs qu'au Théâtre-Italien.
Prenons garde cependant ; à propos de méthode, Fornasari
en possède une qui réclamerait de nombreux amendements:
et d'abord il devrait tâcher de chanter plus souvent juste;
ensuite il ferait bien de ne pas prendre une sorte d'aboiement
convulsif pour de l'expression et du sentiment. Morelli , au
contraire , a pleinement réussi dans le rôle du prefctto , mal-
gré la terrible concurrence de Lablache. Mario a prouvé qu'il
n'avait vien perdu de sa voix, malgré les sourdes rumeurs
parties des rives de la Tamise. M"'" Persiani a délicieusement
chanté le rôle de Linda : c'est toujours le même idéal de vo-
calisation délicatement uKancée , pleine d'imagination et d'au-
dace : quel dommage que le charme y manque quelquefois !
jjme Ëi-ambilla aussi a parfaitement rendu le rôle du petit ,
nous voulions dire du gros Savoyard.
La salle du Théâtre- Italien s'est enrichie d'une rangée de
loges nouvelles de chaque côté du théâtre , et ces loges ne
sont pas moins recherchées que les autres. Les locataires
abondent , l'argent afflue; on accourt , on se presse, et on
reste froid comme glace. A peine quelques rares bravos se
font-ils entendre : on dirait que les habitués épuisent tout
leur enthousiasme au bureau de location. Heureux directeur!
singulier public !
R.
Bruxelles, 2 octobre 1844.
L'administration des théâtres royaux de celte ville vient d'obtenir
la prolongalion 'le son privilège pour plusieurs années. Il était dif-
ficile que cette faveur ne lui fût pas accordée, quoi que ses actes
soient bien loin d'être tous exempts de critique, quoi qu'elle n'ait
pas toujours fait ce qu'elle aurait dû pour rendre nos spectacles
dignes d'une c.ipitale. Les dilïérenls entrepreneurs qui l'ont précé-
dée depuis près de dix ans se sont reliris laissant des déficils plus
ou moins considérables, malgré la subvention de plus de cent mille
francs que leur donnait annuellement le roi sur sa cassette. Un beau
jour l'intenilani de bi liste civile trouvant que c'était beaucoup d'ar-
gent donné pour un tel résultat, proposa au roi de faire une large
économie sur ce chapitre de son budget particulier, et de réduire à
vingl-quatre mille francs, prix de sa loge, ce subside trop élevé. Ce
qui fut dit fut fait. L'administration actuelle devait succomber
promptement, disait-on, n'ayant pas même les ressources mises à la
dispo^ilion de ses devancières, ressources qui n'avaient même pas
pu sauver celle-ci. Cependant depuis trois ans elle s'est maintenue à
flot , elle a fait honneur à ses engagements, et le théàlre, enGn , n'a
pas eu de ces clôtures forcées, si préjudiciables aux employés d'a-
bord, puis au public.
La Jteine deCliiipre sera cet hiver la pièce à succès. Il a été déployé
dans la mise en scène de cet ouvrage un luxe que vous croyez, mes-
sieurs les Parisien?, n'être à la portée que de vos seuls théâtres. L'ad-
ministration avait longtemps reculé devant la dépense quand on lui
disait , dans ses moments d'embarras , que la Reine de Chypre serait
pour elle une planche de salut; elle s'est exécutée si franchement à
la tin , elle a si bien fait les choses, que l'on n'a pas songé à lui re-
procher son hésitilion. Quant à l'exécution musicale, qui est incon-
testablement la partie essentielle , bien que de noire temps on con-
sidère souvent plus la forme que le fond , elle est satisfaisante sous
beaucoup de rapports. Les premiers rôles sont convenablement rem-
plis; malheureusement les chœurs et l'orchestre ne font pas aussi
bien leur devoir.
La danse esl en ce moment en grande faveur auprès du public de
Bruxelles, jadis médiocrement impressionné par cet art qu'illuslra
Camargo, sa compatriote. C'est Fanny Elssler qui la première a su
l'enthousiasmer par sa grâce voluplueuse en même temps que par
sa pantomime expressive. Vint ensuile Cerrilo, dont la jeunesse, la
vigueur et la souplesse firent affluer de nouvelles offrandes à l'autel
de Terpsichore. Taglioiii, enfin, qui est et qui sera toujours pour
nous la reine de la danse , donne en ce moment des représentations
qui font courir je ne dirai pas seulement tout Bruxelles, mais toute
la Belgique, car par nos longues lignes de chemins de fer, les habi-
lants des points les plus éloignés du territoire viennent entendre
dans la capitale une artisle célèbre, aussi facilement que les bour-
geois de Paris vont le 25 août et le 1=' mai admirer les splendeurs
hydraulii]ues de Versailles. Taglioni nous quitte le 5, et Fanny Elss-
ler, engagée de nouveau, donnera le 7 sa première représentation.
Nous tournons à la dansomanie
Il n'est pas que vous ne sachiez que Bruxelles possède deux
théâtres royaux régis par la même administration, l'un sur lequel
on joue le grand opéra, l'opéra-comique, la comédie elle ballet,
l'autre consacré au vaudevil'e. De tout temps on s'était borné à ou-
vrir celui-ci deux fois par semaine. La concurreme a modifié cet
ancien usage. Le théâtre mû par la vapeur, dont je crois vous avoir
parlé dans une autre lettre , ajant eu quelques succès, nos directeurs
ont pensé, fort judicieusement, que c'était au moyen de leur petit
spectacle qu'ils devaient lutter contre un rival fâcheux. La première
réforme opérée fut importante, quoique loule matérielle. D'étroite,
de malpropre et d'incommode qu'elle était, la salle devint convena-
blement proportionnée, élégante et conforiable. Il y a dix jours en-
viron que le public a été mis à même déjuger de ces améliorations.
Quanta l'autre réforme, voici en quoi elle consiste. On ne jouera
plus exclusivement le vaudeville au théâtre restauré, on y représen-
tera des opéras-comiques en un et en deux actes, des comédies et
des drames ; il sera donné quatre représentations par semaine. Sa-
medi dernier deux petits opéras nouveaux ! nouveaux pour Bruxelles
bien entendu), le Panier fleuri, de M. Ambroise Thomas, et V Esclave
de Camoens, de M. Flotlow,ont fait simultanément leur première ap-
parition ; tons deux ont réussi. Les opéras-comiques d'un style léger
produiront plus d'effet dans cette salle qu'au théâtre consiruit pour
donner asile au grand opéra. Evidemment la Reme de Cln/pre et le
Panier fleuri ne peuvent s'accommodi'r de la même scène. Il est
à désirer seulement que l'administrai ion fasse le sacrifice d'un rang
de stalles pour loger dans l'orchestre un grand nombre de musiciens
de plus, 'l'oulpelii qu'il soit ou qu'on le fasse, encore l'opéra-comique
en un acte doit-il être accompagné autrement que le vaudeville.
Le théâtre mit par la vapeur parera dilTicilement la botte que vien-
nent de lui porter les entrepreneurs des théâtres royaux. Espérons
pour ses habitués que la colère qu'il en ressentira n'ira point jusqu'à
l'explosion. Il esl possible, du reste, qu'il conserve un certain public
et que Bruxelles se tmuve avoir ainsi trois ihéàlres au lieu d'un. Si
les entreprises de spectacles réussissent dans la capitale, il n'en est
pas de même de celles des villes de province. La situation de ces
dernières est fâcheuse en général. Tant de causes concourent à leur
ruine! Le théâtre d'Anvers complail ses campagnes dramatiques par
des faillites; un nouveau directeur avait eu le courage de se présen-
ter et semblait devoir être plus heureux que ses devanciers. Sa
troupe était convenable, tous ses artistes avaient été admis après les
épreuves d'usage, la presse locale lui protneltait toutes sortes de
prospérités. Un événement imprévu vient de rendre problématique
la réalisation des espérances qu'il a pu former.
Par suite d'un revirement politique dont il est inutile qae je
vous explique les motifs, tous étrangers d'ailleurs aux matières que
traite votre Gazette, un nouveau g luvernement a été donné à la
province d'Anvers. Le personnage choisi pour occuper ce poste ad-
ministratif est un des membres les plus influents du parti catholi-
que; son premier soin, en arrivant au siège de son gouvernement, a
élé de pré\enir le directeur de spectacle qu'il ne conserverait pas la
loge occupée par son prédécesseur. Vous concevez , un catholique
aller au théâtre , cela ne se saurait voir. On dira peut-êlre que M. le
gouverneur pouvait fon bien accorder ses scrupules religieux avec
un juste senliuienl d'humanité, et payer sa loge sans l'occuper , en
considération de ce que l'exploitation d'un théâtre utilise bien des
bras, sans compter les jambes, et nourrit bien ries bouches. Quoi
qu il en soit, quel sera le résultat probable de celte mesure? Les ca-
tholiques modérés qui se permeltaie il de temps en temps le passe-
temps du spectacle, le croyant au fait assez innocent, n'oseront plus
aborder le thcâlreaprès la manifestation anii-dramalique que vient
de faire l'un des chefs du parli, tandis que les employés du gouver-
nement s'abstiendront par esprit de subordination. Il est très diffi-
cile, pour ne pas dire impossible, de faite prospérer un théâtre
dans un pays oii les entrepreneurs sont placés dans de pareilles con-
ditions.
DE PARIS.
337
Il se pouriait que j'eusse à vous parler de quelque festival en
plein air ou en plein vent , car dans noire pays c'est tout un , qui
s'est donné il y a quelques jours à l'occasion des Cèles comniémnra-
lives de la révolution belge de 1830; mais à vous dire le vrai, j'ai vu
que celte musique colossale se réilnisait à si peu de chose comme der-
nier résultat, que je suis resté paisiblement a la campagne pendant
que les trombones et les ophicléides grondaient dans le parc de
Bruxelles. Je ne parle que des trombones et des ophicléides, parce
que, pour ma part, je n'ai jamais, à l'exceplion de la grosse caisse et
cymbales, entendu autre chose dans ces concert^ du dehors.
Vous savez, ou vous ne savez pas, queGéraldy reprend cette année
ses cours au Conservatoire de Bruxelles. Notre école doit se féliciter
de conserver un tel mnitre. Celui-ci a eu depuis quelque temps de
l'instabililé dans ses prnjels; plusieurs fois il a annoncé qu'il cesserait
ses voyages annuels en Belgique, et toujours les nombreux amis de
son talent qu'il laissait dans ce pays avaient la satisfaction de voir
qu'il revenait sur cette résolution fâcheuse. Il parait que cette fois
son intention de nous rester est bien positive, et qu'il a pris pour
l'avenir des engagements qui ne laissent, aucun doute à cet égard.
Comme les années précédentes, du reste, il passera seulement six
miiis a Bruxelles, et se retrouvera à Paris sur la brèche, au mome:it
où commencera la saison des réunions musicales. De celte façon nous
y gagnons et vous n'y perdez rien.
Haumann et M"'« S.ibiilier comptaient donner un concert à l'épo-
que des fêles nationales dont je vous parlais lout-â-l'heurc. Le mo-
ment n'étant pas favorable, ils ont ajourné l'exécution de ce projet.
On espère qu'ils ne se borneront pas à une seule séance, et qu'il
trouveront à organiser une série de séances productives.
LE MEN'KTRIER.
Dessin de Gavarni.
Le voilà bien , cet ampliion de village , qui remue avec son
archet des niasses presque aussi lourdes que les pierres dont
se composaient les murs de Thèbes. II a les cheveux blancs ,
le front et les joues sillonnées de rides profondes; mais il
n'en est pas moius gai , moins malin , moins prêt à boire
ainsi qu'à rire. ÎNe lui demandez pas de qui sont les quadrilles
qu'il joue; ne cherchez pas à les comprendre. Cela n'a pas
de nom , cela n'existe dans aucune mnsique du monde , et
pourtant cela s'est transmis d'âge en âge , de violon à violon,
comme si les notes en eussent été gravées sur le marbre ou
l'airain. Le Ménétrier lient une hante position dans le village;
quoiqu'il n'exerce son art que le dimanche et les jours so-
lennels, où il y a noce et festin, il n'en est pas moins
l'homme à qui les jeunes filles font la plus gracieuse révé-
rence , et pour qui elles sentent au fond du cœur la plus vive
tendresse , après leur amoureux toutefois.
1T0TTTEL.LSS.
*,* Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, à l'Opéra, Robert
le Diable. M"' Monilutaigny débutera dans le rôle d'Alice.
".* Demain lundi, première représentation de Richard en Pales-
tine, opéra en 3 actes.
*," Lundi dernier, au second acte de Siradella, Marié s'est foulé
le pied en le posant sur un coulisseau. Par suite de cet accident ,
l'artiste n'a pu prendre part àla répétition générale de Hichanl qui
a eu lieu jeudi dernier. C'est ce qui a retardé l'ouvrage jusqu'à de-
main.
V II parait probable que le ballet ani.oncé sous le titre de la Fille
du /''eu OU de ta Salamandre , sera remplacé par un autre ouvrage
différent de sujet et de titre.
*," Delahaye, le jeune chanteur, dont la ville de Lille déplore en
ce moment la perte , a succombé en dix jours à une fièvre typhoïde.
*," M"'' Taglioni a accepté, dit leSun, un engagement d'un an aux
État-Unis ; 111,000 livres sterling (250,000 fr.) ont été assurées à la
Sylphide. Cette somme, sans doute, se grossira encore de bénéfices
accideutiels. Après cette tournée M"' Taglioni quittera le théâtre et
se retirera dans m villa de Côme.
*,* Saivi , l'ex-ténor du Théâtre-Italien de Paris , s'est embarqué
à Londres le 24 septembre, pour se rendre à StPétersbourg et à
Moscou.
*," il™" Casimir vient de perdre son mari par suite d'une mala-
die de poitrine. Il avait été artiste à l'Opérj-Comique , et depuis
longtemps s'élait relire du théâlre pour cause de santé.
*," La question du troisième théâtre lyrique a éié renvoyée à la
commission spéciale des Ihéàlres royaux. On annonce qu'un nou-
veau concurrent se présente; c'est M. Cbapiseau, directeur actuel
du théâtre de Versailles.
"." Les nouvelles théâtrales de province sont plus désastreuses
que jamais. La clôture des théâtres d'Avignon et de JMarseille a été
bientôt suiv e de l'annonce que le théâtre de Montpellier allait èlre
mis en sociélé par suite des embarras qu'éprouvait la direction.
*,' Les charmantes sœurs Milnnollo sont en ce moment à Bruxel-
les , et y donnent des concerts très suivis.
",* La réouverture des cours de piano de M. F. Le Couppey, pro-
fesseur au Conservatoire, est fixée au lundi 14 de ce mois.
V M. Marins Gueit , organiste de Paiul-Denis-du-Saint-Sacre-
mcnf, rue Saint-Louis au Marais, improvisera un 7'e Dcwa qui sera
chanté à l'occasion de la fêle patronale de celte paroisse, le samedi
Il octobre, à six heures précises du soir.
*,* M. Sudre est de retour du camp de la Moselle, où il avait été
envoyé par M. le maréchal ministre de la giierre, pour faire des ex-
périences de sa mélhoile téléphonique. Ces expériences ont été exé-
cutées sur une très grande échelle, et l'on conçoit qu'avec qualre-
vingt-qualre clairons qu'il avait dressés , il aurait pu communiquer
à trente lieues de distance, en supposant qu'on employât deux ou
trois clairons par lieue. Plusieurs fois M. Sudre a cerné la ville de
Melz.avec ses clairons, el il s'en suiv.iil qu'un ordre communiqué à
droiie lui revenait à gauche, après avoir parcouru tous les postes
élablis autour de la ville. Il a prouvé par la qu'un général faisant le
siège d'une vilie pouvait, la nuit comme le jour, donner des ordres
à toules les troupes qui inveslissent la place, quoiqu'il en fût séparé
par des obstacles, tels que lacs, ponts, fleuves ou rivières, etc. Espé-
rons, enfin, que cet essai sera le dernier qu'aura eu à subir la mé-
thode de M. Sudre, et que le gouvernement n'attendra pas que
quelque puissance étrangère le devance dans l'application d'un sys-
tème qui est tout d'origine française. Nous avons déjà dit qu'un ca-
pilaine de la marine anglaise avait, soi-disant, inventé un instru-
ment qu'il appelle le Téléphone, et qui n'est qu'une copie de celui
que M. Sudre fit entendre le 17 avril 1842, à la salle de M. Herz,
dans une réunion publique. L'Angleterre sera-t-elle plus active que
nous ?
"." La Société de musique du nord de l'Allemagne avait eu l'ex-
celle:;le idée de proposer des prix pour des produeiions en vers
prOrTCS a être mises en musique. Parmi les pièces qui lui furent en-
voyées, la Suciété en a couronné trois; la plus importante, qui porte
le lilre assez bizarre : La Joie un jour vouliu se marier , a obtenu un
prix de trente ducats.
*,' Un journal de Lyon rapporte le fait suivant : « Nous avons as-
si^té à un exercice public où, devant un auditoire choisi, les aliénés
des deux sexes ont chanté plusieurs morceaux d'ensemble d'une ma-
nière surprenante. Apprendre à des fous des mélodies , les leur faire
ch nier correctement à l'unisson, serait déjà un fait dont laccom-
pli-ssement devrait étonner. Mais ce qui paraît incroyable, et ce que
nous avons sincèrement admiré, c'est qu'on soit parvenu à leur
faire exécuter, avec beaucoup d'aplomb , des choeurs à plusieurs par-
ties. Ajoutons que les morceaux qui figuraient sur le programme
étaient Inus d'une certaine importance, et que plusieurs même of-
fraient comme exécution de réelles dilTicultés, sous le double rapport
du rhythme et de l'intonation. Les attaques, les rentrées des parties
ont été bien lailes , ta mesure a été presque toujours irréprochable,
et, en vérité, plusieurs passages ont été rendus avec un ensemble
que ne désavoueraient pas des choristes de profession. Nous cite-
rons particulièrement la prière de la IHueiie, et le chœur final tiré
du bel oratorio de M. Neukomm, l'Humne à la uiiii.
*,' M. N. Crevel, de Charlemagne, auteur d'un volume de Médi-
tations religieuses, d'une traduction en vers de la Sainle Bible, des
Psaumes de Marcello, vient de terminer un grand poème de G mille
vers sur la campagne de Russie. Il est dédié à l'armée française, et
intitulé : la Moscoioade.
Clis-oni9giie départeiiieiitale.
*," Versailles, \^ septembre. — M. Jourdain, notre baryton qui
n'avait pu, avant la réouverture de notre théâtre, s'essayer que dans
les rôles d' Aston de Lucie , el d'Alphonse de la Favorite , dans les-
338
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
quels il avait obtenu un si grand succès, vient déjouer le mattre de
chapelle.rôle d'un genre tout diffèrent avec un succès égal, et l'on peut
déjà lui prédire un brillant avenir dans la difficile carrière qu'il a
embrassée. Cet excellent artiste se fait surtout remarquer par sa
bonne tenue , la suavité et la sonorité de sa voii , et une déclama-
lion lyrique qui permet desaisir toutes les nuances du sentimentqui
a inspiré le poëte et lemusicien. A bientôt le Camoëns, le Barbier,
et un extrait de Charles Vil ouvrage que nous devrons au talent
de M. Jourdain.
*,* Alger. — La rentrée du jeune couple Berton s'est faite ici avec
beaucoup de succès dans la Part du diable, le Domino noir, etc. Les
bravos et les fleurs n'y ont pas manqué. Tout le monde a reconnu
que M"' Berton avait profité du séjour qu'elle vient de faire à Paris,
et que son talent de cantatrice était en voie de progrès aussi brillant
que rapide.
Clu'onifiiie étraiigeFe.
•," Genève, 27 septembre. — La raison et la justice ont enfin triom-
phé de cabales ridicules. Le grand Opéra nous est rendu : M. Arnaud
Brunet et M"' Klolz ont fait leur rentrée au milieu des bravos et
des fleurs dans lu Favorite .- les autres artistes ont aussi participé aux
honneurs de cette brillante soirée.
V Gand, 10 septembre.— Mardi passé une grande fête musicale a
eu lieu à Tourout. M. Baumes Arnaud, qui depuis quelques semaines
esta Ostende, était venu encourager de sa personne l'une de ses
élèves, M"' Wandevalle, qui donnait concert dans cette ville. L'ha-
bile professeur du Conservatoire de Gand n'a pu résister aux vives
instances qui lui ont été adressées pour se faire entendre, et il a
tellement enthousiasmé son auditoire, que la plupart des morceaux
qu'il a chantés lui ont été redemandés par acclamation, et qu'il a dû
les recommencer. Le soir même la société philharmonique de la ville
a donné une superbe sérénade à M"" Wandevalle et à son professeur,
M. Baumes Armand.
— Les concours des élèves du Conservatoire ont été fort remar-
quables; on a surtout distingué les classes de piano dont les nota-
bles progrès attestent des soins et de la capacité du professeur,
M. Desomère. Quant aux classes de chant, il semble que, depuis leur
création , quelques mois de leçons n'auraient pu suffire pour les
rendre dignes de grands éloges : cependant plusieurs élèves ont jus-
tifié les espérances que l'arrivée de M. Baumes-Armand avait fait
naître. Parmi ceux qui se sont le plus fait remarquer, nous devons
surtout citer M. llinsberg et M"" Keberghen.
*.* Dresde, 17 septembre. — Nous possédons actuellement dans
nos murs deux illustrations musicales , MM. Meyerbeer et Spontini.
Pour fêter dignement ces grands artistes, la direction du théâtre
royal de l'Opéra allemand vient de faire remettre à l'étude La Ves-
tale et 11 Crociato in Egitto , qui n'ont pas été exécutées ici , la pre-
mière depuis quatorze ans , et l'autre depuis huit ans. // Crociato
n'a même jamais été représenté en allemand à Dresde. On le don-
nera d'après la traduction qui en a été faite par M. le baron de Licli-
lenstein pour le théâtre de Berlin. Le grand opéra que M. Meyer-
beer a mis en musique pour l'inauguration du nouveau théâtre
lyrique de Berlin, qui aura lieu le 7 décembre, est intitulé les
Hussiies devant JVaumhourg. Cet ouvrage est en trois actes, et a pour
sujet un épisode de la vie du fameux Jean Huss. Il s'y trouve une
innovation qui consiste en ce que , au lieu de dialogue, il y aura des
récitatifs obliges, comme dans les grands opéras français; et des ré-
citatifs simples, à l'instar des anciens opéras italiens, ce qui n'existe
encore dans aucun opéra allemand. Nous pouvons assurer que
M. Meyerbeer a écrit pour l'Académie royale de Musique de Paris le
Prophète; et c'est à ce théâtre qu'il sera représenté, quand M. Meyer-
ber trouvera le temps opportun. Il est probable que l'Africaine
du même auteur, opéra entièrement terminé, précédera te Prophète
et sera représcnlé à Paris dans le courant de l'année prochaine.
— Hier au soir est arrivé à Dresde M. le lieutenant-général Lvoff,
aide-de-camp'de l'empereur Nicolas. M. Lvoiï, qui, comme on le sait,
est auteur de quelques grandes coniposilions vocales et de plusieurs
ouvrages remarquables pour le violon, vient d'écrire pour le Ihiâlie
Italien de Dresde la partition d'un opéra en trois actes, intitulé :
Bianca e Gualtieri, dont il dirigera lui-même la mise en scène et
les répétitions.
".* Vienne. — F.e public commence déjà à se préoccuper des no-
tabilités musicales qui doivent visiter la capitale de l'Autriche dans
le cours de la saison qui commence. Ernst est allcndu avec impa-
tience ; ce sera celte année le lion de nos concerts. Nous aurons aussi
Parish Alvars, le célèbre harpiste; Servais, ce poète élégiaque sur
le violoncelle, Dreyschock et Moschelès. Les grands virtuoses peuvent
encore espérer de voir leurs efforts dignement récompensés : quant
aux talents moyens, ils feront à peine leurs frais. La salle de la So-
ciété de musique se loue de 80 à 120 francs pour deux heures, selon
l'importance du prix d'entrée : c'est un local petit, étroit, sombre, et,
soit dit à la honte de notre grande et riche capitale, c'est le seul.
Quant à la grande et la petite salle de redoute et à celle du manège,
elles conviennent beaucoup mieux aux évolutions de cavalerie ou
aux bruyantes cohues du bal masqué qu'à une solennité musicale.
De plus le bénéficiaire, si bénéfice il y a, est tenu d'employer et de
payer de sa poche tout le personnel attaché au Musikverein, qui ne
subsiste au reste que du produit de cette location. Ballochino etMe-
relli sont toujours directeurs du théâtre de l'Opéra de la cour; mais
leur bail expire, et le ministère n'a point encore fait son choix parmi
les nombreux coiicurrents qui aspirent à leur succession : dans le
nombre il y en a qui ont offert des mises de fonds de quelque im-
portance : d'autres ont pour eux la réputation d'un talent éprouvé.
Désormais la direction sera divisée en deux départements, sous la
condition expresse que l'un des directeurs seulement soit italien et
l'autre allemand : ils administreront à tour de rôle. Il est urgent que
l'on protège l'Opéra allemand contre la musique italienne, pour que
l'Opéra allemand ne soit pas débordé par les théâtres de Berlin, de
Dresde et de Leipzig. On reprendra également le grand opéra fran-
çais, ainsi que l'opéra avec dialogue, que l'on avait négligés com-
plètement sous l'administration de Ballochino. Sous le rapport
des costumes et des décors, il y a beaucoup à faire. Pour vous don-
ner une idée de la lésinerie stupide de la direction actuelle, il suffira
de vous dire que dans Fidelio les prisonniers paraissent dans le
costume des bourgeois de^Nuremberg au moyen-âge, et qu'à une
représentation de la Flûte enchantée , un des génies perdit ses sou-
liers, qui étaient trop grands pour lui. La dotation de l'Opéra de la
cour est de 75,000 florins, ce qui fait presque 200,000 francs. Un
nouvel opéra de Proch est en répétition: il est intitulé : L'Anneau
elle Masque. On compte sur un succès.
*,* Francfort , le mercredi 25 septembre. — Le célèbre pianiste
Moschelès a dû donner dans la salle de l'hôtel Mulhens une soirée
dont le programme annonçait , entre autres compositions : L'Hom-
mage à Uaendel , exécuté sur deux pianos, par lui et M. Mendelsshon-
Bartholdy. Outre ces deux célèbres artistes, nous possédons ici Aloys
Schmitt, Ferdinand Hiller, Rosenhain et Doehler. M. Mendelssohn
doit passer l'hiver chez nous. M. Alexandre Boucher s'est fait en-
tendre au théâtre, où il a obtenu un succès d'estime.
— Nous avons entendn ensuite Stark de Vienne, qui a'chanté un
duo de Proch, et qui a été couvert d'applaudissements: M. Stark
iniite la voix de femme de manière à rendre l'illusion complète. Le
nouveau ténor queM. Guhr, noire maître de chapelle, a été chercher
en Autriche, H. Gundy, a chanté dans l'opéra de Kreutzer, Une
Nuit Cl Grenade: on avait prôné ce chanteur outre mesure, ce qui a
provoqué une réaction défavorable au jeune débutant, pourvu de
brillants moyens qui ont encore besoin d'être cultivés et développés.
Les ballets d'enfants sous la direction de madame Weiss ont beau-
coup de succès.
*," Berlin. — M. C. Lœwe , célèbre compositeur de ballades , est
arrivé ici et a reçu l'accueille plus favorable. On a placé ses ballades
Edward , Chant des JS'oces , La Fille de l'Hôtesse, Oliif, au rang
des lieders de Schubert. Il a commencé à faire entendre ses com-
positions dans les salons de M. Wesqmc (pseudonyme de Hoven ,
l'auteur de Jeanne d'Arc ).
'," Bade, 18 septembre. — Le théâtre ferme à la Un du mois. Le
concert de Doehler et Piotti avait attiré beaucoup de monde ; une
grande chasse aux sangliers doit terminer la saison.
*,• Brunswick, 17 septembre — L'Académie de chant de notre ca-
pitale prépare un grand festival qui aura lieu le 29 et le 30 de ce
mois dans l'éj^lise de Sainte-Egide, et dont la direction a été confiée
au célèbre Spohr, qui est incessamment attendu à Brunswick, sa
ville natale. Voici le programme de celle solennité, où il y aura
sept cents chanteurs et trois cents instrumentistes, en tout, mille
exécutants; premier jour : la Chute de Babijlone , oratorio de
M. Spohr; second jour: V la cinquième symphonie du même au-
teur; 2° l'ouverture de JVaverley de M. Hector Berlioz, qui, ainsi
que les autres puissantes compositions de ce grand artiste français,
a obtenu, l'année dernière , un si grand succès chez nous, lorsqu'elle
y fut exécutée sous sa propre direction.
— Russie. — Par ordre de sa majesté l'empereur, la direction im-
périale des théâtres de Pétersbourg et celle de Moskou viennent de
régler les droits d'auteur.
Le Directeur, Réducteur en cher, Maurice SC^ILESINGER.
liuprimerie de J^OUi;GCG^'£ et JUAKILNET, 30, rue jMob.
Pour Paris : un an , 30 fr. ; six mois, 15 Cr. — Annonces : 50 c. la U>ne de 28 lettres — Départements : un an , 34 Tr. Étranger, 38 fr.
REVUE
CAZEHE MUSICALE
Rédigée par MM. ANDEftS , G. UÉNÉDIT, BERLIOZ . Heski BLA.VCIIAIID . MAtiiicE llOliRGES, F. DANJOO, DUESBERG , FÉTIS pure , Êdohabd FÉTIS,
Stepiiem HEI.LEK, .1. JAMN, G. KASTNKtt , I.ISZT. J. MEIFRED , GiiOBCE SANO. L. RELLSTAD, PiUL SMITH, A. SI»EC1H , etc.
IL SERA JOINT A CHIQUE MJMEllO UN DESSIN INEDIT DE GAVARNI.
SOMMAIRE. Académie royale de musique : Richard en Palestine,
opéra en .3 aclcs ( l" représentation); par n. BLANCHARD.—
Institut royal de France : Distribution des prix et exécution des
cantates couronnées. — Celait un dilettante à la vie, à la mort. —
Revue critique; par G. KASTNER. — Feuilleton. — Nouvelles. —
Annonces.
ACCENTS PLAINTIFS D'UNE ORPHELINE. Dessin de Gavarni.
ACADEMIE ROYALE DE .^ÎL'SÏQLE.
RICHARD EN PALESTINE.
OPÉRA EN 3 ACTES.
Libretto de M. Paul Foucher; partition de M. A. Adam.
(Première représentation.)
La plupart des romans de Walter Scott offrent d'inépiii-
saJDles mines de diamants dramatiques, mines d'une très diffi-
cile exploitation. Plusieurs auteurs ont essayé de mettre ses
ouvrages en pièce , et ils n'y ont réussi que dans la mauvaise
acception de ce mot. On éprouve d'abord l'embarras des ri-
chesses , et l'on ne sait que choisir ou élaguer dans ces tré-
sors de situations touchantes ou comiques; dans cette agglo-
mération de personnages historiques ou fictifs, de scènes
toutes faites , mai.s qui , pleines de détails déHcieux pour les
lecteurs, sont trop longues pour le public impatient, et qui
trouve toujours que le sujel n'est jamais assez tôt expliqué.
flj. Paul Foucher, homme de décision , a tranché dans le vif
celte *iUcsiion, qui n'est pas sans analogieavec celle des tra-
ductions qu'un axiome italien décide au mieux en disant :
tradiitlore, tradilore. 11 n'a pris dans les Contes des croi-
sades que les trois points culminants de cette belle épopée ,
c'est-à-dire l'amour du chevalier Kenneth pour Edith Plan-
tagenet; la bannière du roi donnée en garde au chevalier
Kenneth qui la laisse enlever par Léopold d'Autriche: et
Saladinqui s'est fait médecin de Richard Cœur-de-Lion , lui
sauvant la vie ainsi qu'au chevalier Kenneth , pour mieux les
combattre ensuite sous les murs d'Ascalon. Cette action
simple, qui se dénoue par la grâce accordée à Kenneth , re-
connu comme roi d'Ecosse , et par la fuite de Saladin , est
d'un effet pittoresque et musical. On a cru voir Abd-el-Kader
Portefeuille de deux Cantatrices ^^\
lîVTRODUCTIOlV.
(Suite.)
La jeune fille tint parole : elle sortit de cet appartement in-
hospitalier, dont elle ne connaissait encore que l'antichambre,
franchit le seuil de la porte cochère , puis s'arrêta brusquement,
comme déterminée à rcslep en sentinelle dans l'angle de la
porte et du mur. Mais elle ne tarda pas à s'apercevoir que celte
position n'était pas tenable. Elle eût encore plutôt supporté le
froid, dont l'impression se fit aussitôt sentir, que les yeux des
passants , qui la regardaient , tous avec étonnement, quelques
uns avec une curiosité pleine d'ironie et d'impertinence. D'ail-
leurs elle était trop agitée inlérieurement pour qu'une complète
immobilité lui fût possible. Combien cette immobilité devait-elle
se prolonger? Il n'était pas encore midi : «Madame, lui avait-on
dit , ne sortira pas avant deux heures ! » Deux heures d'attente en
pareille situation, c'était plus que deux siècles ! Elle se mit donc
à marcher d'un pas rapide, allant droit devant elle, sans savoir
oii elle allait, et suivant cette longue ligne qui , sous le nom de
rue Saint-Lazare et de rue de la Pépinière, vient aboutir au point
(1) Toute reproduction, entière ou partielle, de cet ouvrage est
interdite. — Voir le numéro 40.
où finit le Fanbourg-Sainl-Monorc et commence le Faubourg du
Roule. Quand elle fut arrivée là, elle entra dans l'église de Saint-
Pliilippe , s'agenouilla sur la piejre pour prier Dieu avec ferveur ;
sa prière faite, elle se releva , et reprit sa course avec une nou-
velle force et une nouvelle activité.
Pour ne pas revenir par le même chemin , la jeune fille des-
cendit le Faubourg-Saint-Honoré, prit les boulevards jusqu'à la
rue Grange-Batelière et se dirigea de nouveau vers la rue Saint-
Lazare. Il était encore trop tôt, elle le savait bien, quoiqu'elle
ne se rendît pas un compte exact du temps écoulé depuis qu'elle
était en marche. Au lieu de choisir la voie la plus courte , elle fit
à dessein plusieurs détours, descendant par une rue jusqu'au
Faubourg-Montmartre, et remontant par une autre pour redes-
cendre encore , tâchant de consumer en pas inutiles ces heures
qu'elle ne savait comment dépenser.
Enfin, ne résistant plus à son impatience, épuisée de fatigue
et se soutenant à peine, elle se rapprocha de la maison, dont la
porte s'était déjà ouverte pour elle le matin même : — Je Repar-
lerai qu'au portier, pensa-t-elle , car les domestiques sont trop
insolents ! Je verrai si madame est prête à sortir , si la voiture
est attelée, si j'ai encore longtemps à attendre !
i- Comme le cœur lui battait en touchant ce marteau fatal, que
jusqu'alors elle avait touché en vain l
— Serai-jo plus heureuse cette fois? se disait-elle; parvien-
drai-je jusqu'à celle qui est mon dernier espoir ?
BURIAPX S' ABONNEMENT, RUE RICHEUŒU, 97.
S^iO
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
s'élançant sur son coursier arabe, et prenant un eongé lapide
duigénéral Btigeaad après le traité de la Tafna. Nous avons
entendu quelques spectateurs, que l'on'peut ranger dans la
catégorie de ces plaisants du parterre de tous les temps, qui
disaient, en écoulant ciianter la gloire dcrAiigl-eicrre, et se
souvenant de l'interdit lancé sur l'opéra de Charhs Vf, que
-deux vaudevillistes s'occupent en ce moment d'une parodie
'6è l'opéra nouveau, et qu'elle est intitulée : Prilchard en
3*iilesliiie. Nous doutons fort que la censure laisse passer ce
.petit vaudeville, d'autant plus que le héros de Taïii est , dit-
on, sur le point d'être nommé consul en Syrie. En attendant
que cette nouvelle se confirme ou se démente , voyons com-
ment le compositeur s'est tiré de la mission que lui avait con-
fiée le poëte.
L'ouverture conimeirce par unirait hardi, rlsdhilo, des
premiers violons qui annonce nne sorte de verve de pensée :
cette brillante et verveuse entrée en matière est originale ;
puis vient un soli de quatre cors qui a moins d'originalité ,
car, sans rappeler absoluiient le dessin mélodique de celui de
l'ouverture du Freyschûtz , on voit que le compositeur s'est
inspiré de cette idée sans produire , comme Weber, une élé-
gie tout empreinte d'une mélancolie mystérieuse et grandiose.
Quoi qu'il en soit, ce travail des quatre cors est ingénieux,
et l'on i;egrette même qu'il soit étranglé et qu'il finisse trop
tôt. Après cela vient un allegro peu développé aussi et d'une
forme un peu vieille ; et puis un autre mouvement animé en
forme de galop, avec accompagnement de triangle, thème
assez distingué et qui captive l'attention ; puis un pas redou-
blé avec tambour; puis un autre galop qui termine cette ou-
verture , préface assez animée, mais un peu trop faite de
pièces et de morceaux, comme la plupart de nos ouvertures
modernes, dans lesquelles on désirerait cette unité dépensée,
cette logique, qui brillent h un si haut point dans celles de
Gluck, de Vogel, de Méhul , et parfois de Rossini , à l'excep-
tion de son ouverture de Guillaume Tell, qui est un ravis-
sant tableau de genre, mais qui est aussi un modèle dange-
reux de cette agglomération d'éléments divers, de sujets dis-
parates qui n'ont entre eux d'autres liaisons que celles de
quelques phrases parasites : ceci soit dit sans préjudice de
l'inspiration et du charme dont brillent ces suaves soli de
-violoneelles £t de cor anglais, cet orage avec solo de flûte., et
ce chaud pas a'edoublé cousus ensemble, et dans lesquels il
estpermisà:la phraséologie littéraire de voir tout un piiëme,
oul'exorde, le tableau logique d'un.grand musicien-peintre,
d'un génie observateur et profond.
•Le chœur d'introduction chanté par les soldats anglais, et
le chevalier Kenneth implorant le ciel pour la guérison du
roi Richard malade dans sa tente ; celui des Allemands qui
se livrent à des éclats joyeux , et l'air d'Ismaol-Saladin ne
sont pas d'un grand effet. On voit tout d'abord dans la seène
qui suit entre Ismael et Kenneth, que le compositeur ne ma-
nie pas avec aisance le récitatif, habitué qu'il est de parler le
langage musical de l'opéra-comique. 11 fait quelquefois ce
récitatif tiop mélodique : la cadence parfaite qui intervient
trop fréquemment jette une sorte de monotonie que les
grands maîtres de la scène lyrique évitent en brisant souvent
la cadence. La mélodie se montre enfin au cantaUle , chanté
par Richard : Air pur qui vient de la patrie, etc. Le com-
positeur s'est inspiré là de la pensée de son librettiste , qui a
été poëte dans ce morceau comme dans plusieurs situations
de l'ouvrage. Des imitations entre les premiers violons et les
violoncelles sont d'un bel effet , et l'on regrette qu'elles
soient trop tôt interrompues. Le duo qui suit entre la reine
Bérengère et Kenneth : Le doux pouvoir de quelque fée va
peut-être vous secourir, est gracieux, surtout par un joli des-
sin de violons qui en accompagne le thème , et le boléro :
Dans ma folle patrie , est brillant. Ce motif, repris en duo,
est séparé par un quatrain : Pâture orphelin jeté sur cette
terre , etc. , dont la mélodie est assez noble , mais un peu
vague ; elle est reprise aussi avec bonheur en duo. Le
passage qui suit sur ces paroles : Eh ! mais tant de malheurs
prêtent de nouveaux charmes , est joU de pensée et de musi-
que, comme ce quatrain de Kenneih est beau de mélodie et
d'orchestre :
Sur l'honneur, sur ma vie, au ciel même espérée ,
Du poste glorieux disputant les abords,
Sire , je défendrai ta Ijannière sacrée,
Vivant, d'un bras vainqueur, et mourant, de mon corps.
Le grand air de bravoure qui ouvre le second acte est tout-
à-fait dans le style des fioritures du chant italien , si ce n'est
Et elle frappa, comme elle frappait toujours, modestenicnt,
timidement, tout juste autant qu'il fallait pour être entendue.
Le portier, c'est-à-dire le concierge, s'avança hors de sa loge
pour voir qui avait frappé. A la question que lui adressa la jeune
fille, si madame était sortie, il répondit :
— Certainement.
— Ah ! ciel , reprit la jeune fille, on m'avait dit qu'elle ne sor-
tirait qu'à deux heures !
— Plus tard ou plus tôt, c'est tout comme, puisqu'à cette
heure elle ne reçoit jamais.
— Je le sais bien , mais je voulais me trouver sur son passage,
lui dire un mot seulement, rien qu'un mot.... Et voilà plus
d'une heure que j'attends !
— Où donc ça ?
— Dans la rue je me suis promenée j'avais affaire!...
— Mauvais temps pour courir.
— Aussi je suis fatiguée !
— Je le crois Mais donnez-vous la peine d'entrer,
mam'zelle. Je vous reconnais... vous êtes venue ce matin, hier...
— Et les deux jours précédents aussi.
— Vous n'avez pas de chance!... Ah! dame, c'est souvent
comme ça. Il y a tant de monde qui veulent parler à madame :
et souvent clans le nombre tant de particuliers !...
Tout en disant ces mots, accompagnés d'un sourire narquois,
le concierge introduisait la jeune (ille dans une loge meublée
avec un luxe, qui de nos jours n'aurait rien que de très commun,
mais qui à cette époque était si extraordinaire que, sans voidoir
jeter des cloutes sur le sentiment généreux dont s'éiait émue
l'àme du concierge à l'aspect d'une jeune fille inquiète et souf-
frante, on pouvait supposer que le plaisir de faife voir à une
personne étrangère Félégance de son manoir était entré pour
quelque chose dans les raisons déterminantes de sa bonne action.
Du reste, le concierge lui-même se chargea de la commenter :
— Puisqu'il ne sjagit que d'un mot! ajouta-t-il. Pourtant je
ne ferais pas ça pour une autre, ma consigne me le défend, et
elle a bien raison , ma consigne ! sans ça , tous les jours , matin
et soir , ce serait ici comme un siège ; c'est déjà comme .une pro-
cession. Je crois qu'ils viennent des quatre parties de l'univers,
à en juger par les jargons qu'ils parlent, et les promesses qu'ils
me font, et l'argent qu'ils m'offrent ! je ferais ma fortune , si je
voulais.... Il est vrai que je perdrais ma place.
En ce moment, une voiture s'arrêta devant la porte, un coup
de marteau retentit : le concierge tira le cordon , et un homme
aux cheveux grisonnants, à la parole difTicile, légèrement nuan-
cée de germanisme, s'avança la fêle haute, en disant :
— Madame , elle y est.
— Non, monsieur, répondit le concierge, elle n'y est pas.
— Je vous dis qu'elle y est, moi, répliqua l'autre, en faisant
.mine de vouloir passer, sans tenir compte de l'obstacle.
— El moi, je vous dis qu'elle n'y est pas, s'écria le concierge ,
DE PARIS.
ail
quelcfues modulations crues et qui ne viennent pas toujours
à propos, comme, |)ar exemple, sur la seconde syllabe du
mot patrie qui n'appelle nullement la péripétie ambitieuse-
ment modulée que le compositeur y fait intervenir si singu-
lièreniem. Jlalgré l'entière confiance qu'inspire à tout le
monde la brillante vocalisation de M"" Dorus , nous avons
entendu les mêmes plaisants du parterre cités plus haut, se
dire avec appréhension, en écoutant la luxuriante cantatrice:
Ah ! mon Dieu ! s'il lui en venait un dans la gorge pendant
qu'elle s'escrime ainsi sur le chat!. — Pour l'intelligeuce de
ce mauvais jeu de mot, il suffira de dire que les brillantes
roulades que M""' Dorus exécute avec tant de sûreté d'into-
natiou sont faites sur la première syllabe du vers suivant dont
on n'entend que trois premières lettres : Charment tous les
loisirs de notre exil pieux.
Le duetto à trois temps entre Bérengère et sa cousine
Edith sent un peu la valse , et M"'' Méquillet y tente assez
inutilement d'y faire entendre une voix de contralto. Le trio
qui précède le finale du second acte : Ciel .'... que vois-je !..
tout est tranquille, est d'un beau caractère; l'unisson de la
voix avec le violoncelle est d'un effet large et puissant : cela
est bien écrit pour les voix; mais c'est froid. Le récitatif
d'Ismaël : Il est trop tard ! est bien déclamé et bien orches-
tré; mais tout le reste du finale est d'un style italien médiocre,
avec des effets d'orchestre mesquins : c'est surtout dans les
morceaux d'ensemble que le compositeur s'est montré faible.
Le duo en la mineur qui se trouve au commencement du
troisième acte entre Edith et la reine, est accompagné par un
dessin de violon qui est encore trop tôt abandonné , et qui
n'est pas d'ailleurs répondu par les premiers violons, comme
cela se trouve dans le même ton et à peu près en la même
forme dans un air de soprano du Moïse, de Rossini. Edith
chante ensuite un large et beau canlahile , toujours accom-
pagné par les violoncelles, dont , au reste , il est fait un usage
fréquent dans l'ouvrage. Kennelh reste seul et, attendant son
arrêt , dit un couplet de romance qui , sous le rapport mélo-
dique et harmonique, est assez insignifiant. Le chœur qui
précède le jugement de Kenneth :
De la justice inexorable
Yoici l'instant ,
est un morceau bien fait et d'un beau caractère; et le récita-
tif mesuré du roi : De son poste un soldat ne pouvait être
absent, est également bien déclamé; mais le couplet d'Edith
pour jusiilier la désertion du chevalier manque d'élévation et
surtout do])assion; la mélodie eu est molle et maniérée.
Nous voici à la fm de l'œuvre de M. Adam , et le finale du
troisième et dernier acte n'est pas plus saillant , si ce n'est
jiar l'effet scénique, que les deux autres. Si nous voulions
nous élever à de hautes considérations d'art et d'école à pro-
pos d'un ouvrage donné sur notre première scène lyrique ,
l'auteur du charmant opéra-comique du Chalet pourrait nous
trouver dur, sévère , et peut-être même injuste; or, comme
nous tenons à ne pas lui paraître tel , mais seulement impar-
tial , nous dirons que sa nouvelle partition est digne de ses
aînées ; c[ue si elle n'a pas remué l'auditoire, excité l'enthou-
siasme, elle n'a pas non plus provoqué le moindre murmure;
que plusieurs morceaux ont. fait plaisir, et que, par consé-
quent, cela doit s'appeler un succès, dont M. Paul Foucher
peut réclamer une bonne part , ainsi que MM. Diéterle,
Séchan, Dcspléchin et Ciceri; et comme Saladin , qui coupe
court aux questions du chevalier Kenneth, nous répondrons
aux provocateurs de critiques creusées et plus incisives : —
J'ai dit.
Henri Blanchard.
3ii6titiU vomi ï>f Jrxancc.
DISTRIBUTION DES PRIX ET EXÉCITION DES CâSTATES COURONNÉES.
On dirait que l'Académie des Beaux-Arts s'est repentie de
l'économie qu'elle avait faite l'année dernière , en ne décer-
nant qu'un second grand prix de composition musicale, et
pas de premier. Cette année, elle a décerné deux premiers
grands prix, et elle; a retrouvé ainsi son compte de futurs
grands hommes. Toutefois il faut dire que tel n'était pas
l'avis de la section musicale, qui peut-être se connaîten mu-
sique aussi bien que les autres sections composées de peintres,
de sculpteurs , de graveurs et d'architectes. Les musiciens
en s'élançant de sa loge pour barrer le passage à l'opiniâtre as-
saillant.
— Mais vous dites toujours la même chose'.... Pas possible
que madame n"y soit jamais !
— Je dis à irionsieur ce que je dois lui dire.
— Oui, je comprends, mais je trouve ça pas honnête,... Je
voudrais écrire mon nom , avec deux lignes.
— Monsieur peut entrer.
Et l'étranger ne se le fit pas dire deux fois : il entra dans la
loge tellement préoccupé de ses idées et probableitient des deux
lignes qu'il avait à écrire, qu'il parut ne rien voir de ce qui était
autour de lui , pas même la jeune fille ; il se mit à écrire debout,
sur le marbre d'une commode en acajou ornée de dorures. Le
concierge avait posé devant lui un cahier de papier à lettres
d'une blancheur irréprochable, un encrier rond en porcelaine
bleue bordée d'or, garni de toutes ses plumes. L'étranger en
prit une et la roula quelques instants entre ses doigts, avant de
s'en servir. Enfin, il traça quelques mots, non sans compter plu-
sieurs pauses, et signa son nom, en l'entourant d'un large pa-
raphe.
— Je n'ai pas besoin de cacheter , ajouta-t-il : vous remettrez
cela à madame , et demain , à la même heure , je reviendrai.
Cela dit , il sortit de la loge , portant toujours la tête haute et
sans regarder ni à droite ni à gauche.
— nevicns, si tu veux, dit le concierge de manière à n'ctic
entendu que de la jeune fille , ton affaire est dans le sac.
En ce moment l'étranger se ravisant fit quelques pas en arrière,
et rouvrant la porte de la loge que le concierge avait déjà fer-
mée :
— Tenez, dit- il , voilà pour le papier et l'encre,
— Bien obUgé, monsieur, dit le concierge en le saluant du
bonnet, et en attendant cette fois pour fermer la porte de sa
loge que l'étranger eût tiré sur lui celle de la maison.
— A la bonne heure, dit-il, en faisant briller aux yeux de la
jeune fille le napoléon qu'il venait de recevoir. En voilà un qui
sait vivre, et, ajouta-t-il en riant de sa plaisanterie, qui proba-
blement a de quoi vivre. Il ne vient pas en fiacre , ni en cabriolet,
celui-là ! Il a un équipage , et un bel équipage. Je lui trouve
quelque chose de distingué dans l'accent. C'est un Allemand, j'en
suis sûr. Je les aime beaucoup les Allemands Je les estime
plus que les Espagnols, quoiqu'il y en ait de généreux aussi
J'en ai connu un, pas chez madame.... c]iez une autre, car ma-
dame n'est pas la première chez qui j'aye été concierge Et
chez cette autre-Ià, comme ça marchiiit!... C'était un charme!
Mais, madame, c'est incroyable!... Elle refuse tout!... tout,
quoi!... Quand elle a quelqu'un qui lui plaît, n'y a pas d'ofi'rcs
qui tiennent , pas d'or , pas d'argent, pas de cadeaux !... J'en ai
là une preuve, et une fière preuve, qui m'onnuyc même au
point que je donnerais quelque chose de ma poche pour en être
débarrassé ! Tenez , mademoiselle , dit-il en ouvrant le premier
3&2
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
n'avaient jugé qu'un seul élève digne de l'honneur d'être en-
voyé à Rome, et cet élève était M. Massé; l'Académie en-
tière a cru devoir lui adjoindre le jeune Renaud de Wilback,
enfant extraordinaire , longtemps privé de la vue , et dont
plus d'un clairvoyant pourrait envier le talent et les succès
précoces.
C'est par l'exécuiion de la cantate de ce dernier que la
séance s'est ouverte. Le thème poétique livré aux concurrents
avait pour titre : le Renégat de Tanger. Il nous semble qu'on
aurait pu l'inlilulcr avec plus de justesse le Chrétien relaps.
En «(Tet, il s'agit dans ce petit drame d'un chrétien qui s'est
voué au culte de Mahomet pour épouser une jeune musul-
mane , objet de son amour. Un fils est né de cette union , et
quand le père a quelques vœux à former, quelques dangers à
craindre, c'est toujours la vierge Marie qu'il invoque pour
son rejeton et pour lui. Le cadi vient h passer, et trouve dans
la demeure d'Ismayl une image de sa sainte protectrice ; il se
fâche , et rappelle au renégat pour quels motifs, dans quelles
circonstances il a juré foi et hommage au Coran. Alors le re-
négat déclare qu'il est plus chrétien que jamais : Ebba , sa
femme, suit son exemple, et le cadi les condamne à mort
tous les deux avec leur enfant. S'il ne fallait pas avant tout
remercier l'académicien libre (dont les concurrents sont forcés
de mettre la poésie en musique), de la complaisance extrême
avec laquelle il se charge depuis plusieurs années d'un travail
ingrat, il y aurait bien des choses à dire, tant sur le choix
de ce sujet, que sur la disposition générale du drame, et
encore plus sur la structure peu académique d'un bon nom-
bre de vers; mais ce serait presque de l'impolitesse, et l'au-
teur du Renégat de Tanger mérite au moins qu'on le paie en
égards, lui qui se montre périodiquement si gracieux.
La cantate du jeune Renaud de "Wilback, élève de M. Ha-
lévy, est écrite avec une sagesse et une pureté remarquable.
Pouvait-on exiger plus de vigueur, plus d'élan , plus de li-
berté dans le maniement de l'orchestre d'un compositeur à
peine âgé de 15 ans ? Ce n'est l'âge ni des idées, ni des for-
mes originales : Mozart , qui avait commencé de si bonne
heure, n'écrivit ses chefs-d'œuvre dramatiques que vers la
fin de sa carrière , si courte, mais si remplie. Menghis, de
l'Opéra, Hermann-Léon, de l'Opéra-comique, et Mlle Mon-
dulaigny, premier prix de chant du Conservatoire, servaient
d'interprètes au jeune laurétit.
M. Massé, élève de MM. Ilalévy et Zimmerman , a vingt-
deux ans : cela expliquerinconlestablesupériorité de son œu-
vre, danslaquelle on sent déjà l'empreinte d'une main virile.
flJais ce qui vaut le mieux, c'est qu'indépendamment de l'art
et de l'habitude, on y reconnaît une inspiration heureuse et
libre , une franche et facile mélodie. Depuis longtemps les
habitués des séances du 5 octobre n'avaient rien entendu
d'aussi satisfaisant, d'aussi riche en espérances que cette
cantate, fort bien chantée, d'ailleurs, par Octave et Mlle Do-
bré, de l'Opéra, et Grard de l'Opéra-comique.
Le second grand prix avait été remporté par M. Mertens ,
élève de M. Carafa , pour la composition, et qui, pour l'har-
monie, a suivi les leçons de M. Lecouppey, professeur au
Conservatoire.
Entre les deux cantates, M. Raoul Rochelte avait présenté,
sur les ouvrages des pensionnaires de Rome, un rapport très
judicieux , et semé d'autant de traits spirituels que la matière
le comporte. On y a remarqué un passage relatif aux tra-
vaux de M. Maillard , auteur d'une grande scène intitulée :
/ Longobardi , que l'Académie signale comme d'un heu-
reux augure pour l'avenir de ce jeune homme. C'est bien le
moins que sur tant de lauréats qui vont chercher du génie
à Rome, il s'en trouve quelques uns qui nous rapportent de
beaux talents : cela fait prendre patience.
R.
C'ÉTAIT UN DlLEÏÏAm A LA VIE, A LA MORT.
Léopold I", empereur d'Allemagne, était né pour l'har-
monie: peu fait au métier des armes, et ne voulant jamais
courir le hasard des combats , il ne se trouva à aucun siège ,
il ne parut à la tête d'aucune troupe. Cependant, comme
il monta sur le trône à une époque où l'Europe était conti -
nuellement agitée, il fit comme tous les souverains d'alors, il
guerroya ; mais seulement par procuration , par ses généraux
qui ne furent ni les moins savants , ni les moins heureux de
tiroir de sa commode, et en y prenant une poignée de Icllres,
de petits billets de toute forme exhalant des parfums de loute
sorte et scellés la plupart de cachets avec armoiries, voilà d'abord
la provision d'aujourd'hui!... Que ça de poulets depuis neuf
heures!... Je les serre dans ma commode parce que j'ai ordre
de madame de ne jamais rien laisser traîner. Ai rive qui plante...
il en peut venir un qui connaisse l'éciilurc de l'autre, et ça cause
des désagréments. Au lieu de ça , ni vu ni connu , personne que
moi et ma femme ne fourre son nez là-dedans. Mais tenez, voilà
la preuve dont je vous parlais : ça, c'est plus merveilleux que^
tout le reste !
En prononçant ces derniers mots, le concierge étendait le bras
pour saisir au fond de son tiroir un petit paquet de papiers, en-
touré d'une faveur rose , et l'élevant en l'air ;
— Pas un n'y manque, s'écria t-il , pas un seul ! Et savez-vous
combien ils sont là ?... Cinquante, mademoiselle, cinquante bons
billets de la banque de France , ni plus ni moins. Et si je vous
disais comment ils sont. venus ? Je le sais bien moi , qui les ai re-
çus tous , d'abord cinq par cinq , ensuite dix par dix , et les der-
niers vingt tout à la fois pour parfaire les cinquante ! Figurez-
vous un jeune homme ... Je me flatte qu'il est fou celui-là!.,.
Mais qu'il est gentil !... qu'il est drôle ! Ce jeune homme donc,
un soir, avait vu jouer madame ; lui qui sortait , soi-disant , de
son collège de province, et qui venait d'hériter d'un vieux pa-
rent, n'avait jamais rien vu de comparable. Le lendemain, il
vient de bonne heure et demande à entrer : je lui dis comme aux
autres. Il écrit : on ne lui répond pas. Il écrit encore et déclare
qu'il ne peut vivre sans elle..., sans madame, s'enlend!.,. Et
pour la faveur de causer avec elle, le jour ou la nuit... l'heure
lui est indifférente, cependant il préfère la nuit..., c'est Joseph
qui m'a dit ça, d'après la femme de chambre.... rien que pour
cette faveur, il consigne dans la lettre cinq billets. Madame me
charge de les lui remettre : il récrit , dix billets, Il récrit encore,
vingt billets , trente billets , enfin cinquante billets avec cet avis
tourné en forme de phrase : « C'est tout ce que j'ai !... Soyez à
» moi, ils sont à vous, » et autres choses semblables terminées
par un serment de ne jamais les reprendre , et de se luer plutôt.
Voilà une tête!... Mais elle en a une aussi, madame, et elle n'a
pas reculé d'un pouce. Elle m'a dit de lui remettre ses cinquante
billets : il est venu, j'ai voulu les lui rendre.... Ah ! bah ! il court
encore!... 11 y a trois jours de cela.... Foi d'honnête homme,
j'ai peur d'un accident!... C'est qu'on ne connaît pas plus son
vrai nom que son adresse! S'il était mort, qu'est-ce qui hérite-
rait?... En attendant, je garde ces damnés billets, par ordre de
madame, et, comme je vous disais, je payerais quelque chose
pour m'en débarrasser , à condition pourtant que ça ne serait
pas trop cher.
Le concierge en était là de ses confidences et de ses récits, que
la jeune fdle écoutait , sans mol dire , sans même témoigner par
le plus léger signe qu'elle en suivait le fil et en comprenait le
DE PARIS.
343
ce siècle si fertile en hommes célèbres ainsi qu'en grands évé-
nements.
La musique était pour lui la plus vraie de toutes les reli-
gions, et il en pratiquait le culte avec ferveur. Familiarisé de
bonne heure avec tous les mystères de la science des sons ,
il se vantait , se félicitait de posséder une sérénité d'âme , une
philosophie qu'il avait puisées , dit-il , dans l'exercice de cet
art divin.
Dès le matin , en se levant , il voulait entendre de la mu-
sique ou eu faire lui-même pour dissiper les impressions mé-
lancoliques provoquées en lui par un sommeil agité , un ciel
nébuleux ou par les innombrables contrariétés de son triste
métier de souverain : il disait que c'était le seul moyen de
redevenir homme, bon , humain ; que l'ouïe occupée, capti-
vée, endort, neutralise les appétits grossiers de tous les autres
sens, idéalise la matière et fait croire à l'âme. Quand il sentait
qu'il allait s'emporter, il se calmait comme Saiil aux sonb
doux et suaves d'une mélodie qu'il se faisait, dire , surtout
celle du menuet : Quel caprice 1 qu'il avait parodié , car il
composait bien ; il faisait de fort jolis canons harmoniques ,
pendant que ceux de ses armées grondaient dans l'Europe. Il
fut si charmé de ceux que lui fit entendre , sur le clavecin ,
un Polonais nommé Kontski , aïeul du pianiste actuel , qu'il
l'anoblit. Ajoutons aussi que ce noble enfant de la Lithuanie,
qui faisait partie de l'armée de Sobieski , avait contribué ,
comme savant artilleur, à faire lever le siège de Vienne par
les Turcs en 1683. Les doubles canons de ce vaillant Polonais
devaient donc doublement plaire à l'empereur. Il récompensa
d'une autre manière le comte de Serin , noble hongrois qui
avait appelé les Turcs dans son empire. Malgré la jolie voix
de ce Serin que Léopold aimait beaucoup, il lui fit couper la
tête pour l'empêcher de chanter une autre fois l'hymne de la
révolte et de la trahison, ainsi qu'à deux autres seigneurs de
la Hongrie nommés Nadasti et Frangipaui.
Ce que cet empereur dilettante aimait le mieux dans les vic-
toires remportées par ses illustres généraux, Montecuculli, le
fameux Churchill, duc de Marlborough, et autres grands ca-
pitaines, c'était le plaisir de faire chanter des Te i>eiijn dans
la cathédrale de Vienne, pour célébrer leurs succès. 11 aurait
sansdoule fait marquis ou comte du saint empire, s'il l'avait
connu , l'auteur de la chanson qui fut faite en France sur le
dernier de ces deux grands tacticiens, et intitulée : Malbrouk
s'en va t-en guerre , mélodie naïve' et populaire dont l'ori-
gine se perd dans la nuit du domaine pubhc.
Aussi bon politique que bon musicien , Léopold nous céda
Strasbourg , le fort de Kehl et plusieurs autres places , pour
que nous le laissions s'emparer de la Transylvanie.
Signataire delà paix deRiswik, il allait participer au grand
morceau d'ensemble composé à propos de la succession d'Es-
pagne qu'on s'apprêtaità contester au petit-fils de Louis XIV,
et qui devait remettre l'Europe en feu, lorsqu'il sentit , non
qu'il allait devenir Dieu, comme a dit ironiquement l'empe-
reur Vespasien , mais que le principe , les ressorts de la vie
en lui faisaient une fugue. Philosophe, chrétien, épicurien et
musicien , il ne jeta pas comme un autre empereur un défi
stoïque au Christ en lui disant : Tu as vaincu, Galiléen l Sou-
mis, résigné à payer sa dette à la faible humanité, il fit venir
son médecin, son confesseur et les musiciens de sa chapelle.
Il donna l'ordre au premier de lui dire, aussi exactement que
possible , combien de temps il avait encore à vivre ; et quand
il eut appris, sans émotion apparente, que le flambeau de la
vie impériale allait s'éteindre avec celui du jour, que dans
quelques heures tout serait fini pour lui, il accorda une
heure de ce temps à l'un de ces hommes qui se disent les in-
terprètes de la miséricorde divine , et puis le congédia pour
exhaler ses derniers soupirs, pour noyer son dernier souffle
dans des flots d'harmonie. Sa figure rayonna des émotions
diverses que lui fit éprouver une musique tour à tour reli-
gieuse, guerrière et sensuelle. Il s'éteignit doucement, mur-
murant en un récitatif qui s'harmoniait à une mélodie suave
et mystérieuse , des mots vagues , interrompus qui sem-
blaient dire :
La musique est pour moi le ciel qui va s'ouvrir...
Elle m'apprit à vivre, et m'apprend à mourir.
Ainsi finit, en 1705 , Léopold I", empereur d'Allemagne,
diplomate rusé, hypocrite et lâche pour quelques uns; pour
quelques autres, politique adroit, ferme ou prudent selon
l'occasion; philosophe doux et bienveillant; mais surtout
ayant contribué à placer, par son amour pour l'art musical ,
sens, lorsqu'un bruit de voilure roulant sur le pavé se fit enten-
dre dans la cour.
— Ehl eh! dit le concierge, tandis que je cause avec vous,
voilà qu'on a attelé !... Deux heures bientôt.... Madame va sor-
tir!... Faut que je serre encore ces billets.... N'est-ce pas taqui-
nant d'avoir un trésor qui n'est pas votre trésor ! Si on me vo-
lait pourtant!... Et y en a qu'on volerait, c'est sûr.... Ah ! dites
donc , mademoiselle , si c'était un effet de votre part , quand
madame va être prête , vous sortirez dehors , et quand j'ouvrirai
la grande porte , vous profiterez de ça pour entrer et courir à la
portière,... C'est le seul moyen, parce que autrement j'aurais
l'air de vous avoir cachée ici , et c'est contre ma consigne. Tenez,
tenez , voilà le moment.... Je vais ouvrir.... sortez vite.
La jeune fille se conforma ponctuellement aux instructions du
concierge. A un coup d'œil qu'il lui lança en ouvrant les deux
battants de la porte cochère , elle s'élança vivement , courut à la
voilure; la cantatrice y avait déjà pris place, et le jeune homme
qu'on avait vu entrer chez elle deux heures auparavant par le
petit escalier se disposait à y monter. La jeune fille, recouvrant
alors la voix, qu'elle semblait avoir perdue, dit avec beaucoup
d'émotion :
— Pardonnez-moi, madame, si je suis indiscrète, mais voilà
quatre jours que je cherche à vous voir, à vous parler...,
— Eh bien I mademoiselle, que me voulez- vous?... Et d'abord
qui êles-vous?...
— Ce que je veux , ce serait trop long à vous dire, ici ; mais
vous me connaissez, madame.... je suis Esther Saunier.
— Esther?... Ma petite Esther?... ma filleule! c'est toi mon
enfant. Comme tu es grandie ! et comme tu as l'air triste !.., Est-ce
que tu as des chagrins?... Depuis six ans que je n'ai entendu
parler de toi , il a dû se passer bien des clioses ! Monsieur , dit-
elle en s'adressant au jeune homme , vous ne vous doutiez pas
que j'avais une filleule.... Je vous la présente. Esther, quand tu
voudras venir, j'y serai toujours pour toi. Demain matin, si tu
veux.
— Oh ! demain , madame , il serait trop tard !
— Trop tard !... C'est donc une affaire bien grave ?
— Oui , madame.
— Alors, attends-moi : je vais au théâtre, et puis j'ai quel-
ques emplettes à faire , à six heures je serai rentrée : nous dîne-
rons ensemble. Augustine.... Augustine!... Baptiste, appelez
donc Augustine !... Ah ! la voici.... Je vous confie mademoiselle :
gardez-la-moi jusqu'à mon retour. Sans adieu, petite, ne t'en-
nuie pas.
— Oh ! merci , madame , que vous êtes bonne !
La jeune fille n'eut que le temps de prononcer ces mots avec
une expression dont l'éloquence ne peut se rendre : elle regarda
la voilure partir, et ajouta tout bas, en croisant ses deux mains :
— Enfiu , mon Dieu !... 11 était temps !
La suite au prochain numéro. Paul Smith.
ShU
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
rAlIemagiie à la tète des nations qui se sont distinguées par
leur goût et leur aptitude pour la science harmonique , noble
et belle prérogative intellectuelle qu'elle ne semblcpas très
jalouse de conserver, car il ne nous vient plus de celte sa-
vante Allemagne que le bruit de son fanatisme pour les opé-
rettes françaises, pour les valses, les polkas, les quadrilles,
lies galops et autres Postillon de Lonjwneaii.
Ke-^ue critique.
Duo pour piano à quatre mains sur le God savetheKing,
par M. C. 'B. Frank. — Trois mélodies pour piano ,
Manuel on Hepiameron du jeune pianiste , par M. Louis
MULLEP.. — Rudiment des chanteurs , par M'"° Claire
HENA'ELEE.
Voici un article qui aurait dû paraître depuis longtemps,
nous en convenons de bonne foi; mais, en conscience, nos
relations avec un pays voisin n'étaient-elles pas dénature, il
y a quelques semaines , à nous interdire l'analyse d'une pu-
blication sur le God save the King ?... Aborder une pareille
question dans un pareil moment , c'eût été jeter de l'huile
sur le feu et nuire aux intérêts mêmes de l'auteur. Sans vou-
loir rechercher le motif qui a déterminé M. Auguste Frank
à choisir de préférence l'air du God save the King , nous
louerons franchement la manière dont il l'a traité. Si ce n'est
point l'œuvre d'un profond politique , c'est , en tous cas ,
l'œuvre d'un harmoniste distingué. Il y a longtemps, du
reste , que M. Frank passe pour tel , et le duo que nous avons
sous les yeux ne pourra qu'ajouter à sa réputation. C'est un
morceau brillant, développé avec beaucoup d'art, fort bien
doigté, et surtout remarquable par l'intérêt et la variété des
formes. On ne peut nier d'ailleurs que la mélodie principale
ne soit capable de produire un grand effet , témoin l'impo-
sante et grandiose majesté que lui impriment les nouveaux
instruments de M. Adolphe Saxdans les mains de MM. Dis-
tin. Le thème toutefois n'est pas neuf; cent , mille , dix mille
compositeurs l'ont accommodé avec force variations, qui
pour le violon , qui pour la flûte , qui pour la harpe , qui
pour le piano ou tout autre instrument. Des ces myriades de
God save the King , combien en est-il resté hormis ceux qui
avaient pour sauvegarde un nom illustre comme celui de
Beethoven oudeHummel? — M. César-Atiguste Frank ne
doit pas redouter un pareil sort : le mérite de sa nouvelle
production l'atteste ; puis le sentiment national des Anglais
ne lui viendra-t-il pas un peu en aide ? Nous ne serions donc
nullement surpris que, contrairement à l'exemple de ses pré-
décesseurs , engloutis dans les ondes perfides de Léthé ,
M. Frank, plus heureux ou mieux inspiré, surnageât. —
M. Louis Muller est un professeur du plus haut mérite ;
pour se convaincre qu'il est en même temps un compositeur
fort agréable , il suffit de jouer ses trois mélodies : V Adieu
au Tyrol , l'Absence et le Bonheur de se revoir. Un chant
gracieux et original , une harmonie pure et fraîche , telles
senties qualités qui recommandent ces jolis petits poënies,
dont l'éclat et le peu de difficulté doivent contribuer encore
à augmenter la vogue.
Passant de l'apphcation au précepte, l'auteur des trois
mélodies a composé aussi un cahier d'exercices élémentaires
progressifs pour chacun des jours de la semaine, auquel il
donne le nom d'Heptatneron. Heptaméron est bien le mot ,
car le dimanche y compte son exercice tout comme les six
autres jours. — Si le sort nous avait fait élève de M. MûUer,
nous n'aurions pas manqué de réciter à ce propos le premier
verset de la Genèse. — Pour parler sérieusement , l'idée de
cet ouvrage nous semble ingénieuse , et son exécution sin-
gulièrement propre h faciliter et à hâter les progrès des jeunes
pianistes.
Fort peu de femmes, que nous sachions , se sont mêlées
d'écrire des méthodes de chant , et cependant qui pourrait
mieux transmettre les préceptes d'un art dont elles offrent
de si nombreuses et de si brillantes applications? — Dans
son Rudiment des chanteurs , M""= Claire Hennelle n'a fait
qu'effleurer la matière , mais sa tentative ne restera peut-
être pas infructueuse; d'autres pourront s'emparer de son
idée et en développer les conséquences. En attendant, bien
qu'il s'en tienne à des considérations d'un ordra général ,
ce premier ouvrage ne laissera pas d'avoir quelque utililépour
l'innombrable classe des chanteurs médiocres , car il leur ap-
prendra à former le son et à le diriger , à rectifier les imper-
fections de la voix, à observer la mesure , à tenir compte des
nuances, à passer d'un registre à l'autre , à respirer à propos,
et enfin à bien prononcer. Dans un cadre assez restreint ,
M'"" Hennelle a su expliquer , approfondir et résoudre ces
diverses questions en excellente praticienne , et souvent au
moyen de théories ingénieuses. Son dernier chapitre, en par-
ticulier , sur la prononciation , renferme des aperçus et des
déductions qui font beaucoup d'honneur à son esprit et à son
goût.
Georges Kastner.
ACCENTS S?LAU\TIFS D'UNIE ORPHELINE.
^essm de Gavarnî.
Réunissez dans le même cadre celte excellente figure à tant
d'autres physionomies si sérieusement comiques, telles que
la Douleur d'une mère, On n'a jamais compris mon cœur.
Si j'étais la brise du soir, et mettez sur le livret : Plusieurs
chefs-d'œuvre, même numéro.
*.* Aujourd'hui dimanclje, à l'Opéra, par extraordinaire, les
//«jHenWs. —Demain lundi lUchard en Palestine et Giselle.
"."Dimanciie dernier, M'ioMondutaigny, qui celle année aobtenu
le premier prix de ctiant et un second prix de déclamation lyrique
au Conservatoire, a débuté dans le rôle d'Alice de Robert-le-Diahle.
On annonce qu'elle s'essaiera bienlôt dans la Juive , et alors il nous
sera plus facile de porter un jngement décisif. Pour cette fois, le
début s'était fait presque au pied levé, sans répétitions suffisantes.
Dès à présent nous conseillons à la jeune arllste de songer sérieuse-
ment à sa tenue, à ses gestes, à ses poses, et à sa manière de mar-
cher. Ce n'est pas tout d'être bonne musicienne , il faut encore se
montrer actrice pour réussir à l'Opéra.
",* Un élève du Conservatoire, possédant une belle voix de basse ,
M. Obin, vient d'être engagé à ce théâtre, el doit y débuter inces-
samment.
'," Le Charles yi, d'Halévy, vient d'être représenté à Toulouse
avec un immense succès par M""= Wideman et Saint-Dénis , qui en
remplissent les deux rôles principaux. Le même ouvrage se monte
en ce moment à Lyon et à Toulon , tandis qu'A Rouen on prépare
la Reine de Chypre , cet autre chef-d'œuvre du même compositeur.
*,* La grande solennité musicale, qui doit avoir lieu à l'Opéra le
i" novembre, sous la direction de M. Habeneck, se prépare avec
autant d'activité que de succès. Déjà nous pouvons annoncer que
nos plus célèbres chanteurs et cantatrices y prendront part : Duprez,
Levasseur, Barroilhet, Roger, M""" Damoreau et Dorus-Gras ont gé-
DE PARIS.
345
néreusement consenti à se ifaire. entendre dans le fameux oratorio
d'Haydn, la Créuiion du Monde.
*,' Le tliéàtre Italien va vite et même extrêmement vite; en-si-x
représentations il n'a pas donné moins de trois ouvrages, imrfa,
lYorma et il Burbiere. Dans Norma, une cantatrice nouvelle,
M"» Manara s'est chargée du rôle d'Adalgise. Son succès n'a pas été
assez brillant pour que nous la jiigiors-sans.-ippel. On vante beau-
coup la pureté de sa méthode, l'étendue de sa voix, qu'il est difficile
déjuger dans un rôle tel que celui qui a servi à son premier essai.
Quant à Lablache et à Ronconi , leur rentrée dans il BarbiercOL\ixo-
duit tout l'effet qu'on pouvait en attendre. Il est question de repré-
senter bientôt la JVotie à Granaia, de Conradin Kreutzer, et /a
•Servapadrona, d'AIary. Plus tard on donnerait un opéra de Verdi,
auteur de Nabucodonosor, et ElJ'rida, opéra de Balfé, auteur des
Quatre fils Atjmoii.
"." Le Cuiiurrero va être bientôt repris à l'Opéra Comique.
M"' Casimir remplira le rôle créé par M"" Capdeville.
*," Une ancienne actrice de rOpéra-Coniique, M"" Paul, femme
del'ex-acteur de ce nom, et fille du célèbre Michu, vient de mourir.
*»* Une jeune cantatrice. M"' Viotorine Naldi, s'est fait entendre
mercredi dernier au concert Yiviennc, en attendant qu'elle paraisse
à l'Opéra-Comique , où ses débuts doivent avoir lieu Lientùt.
",* Nous exprimions il y a quelques jours le désir de revoir le
le célèbre Thalberg, qui passera l'hiver à Paris, se décider à donner
quelques leçons pour répandre son école, et former à Paris des élèves
et des professeurs. Nous avons la satisfaction d'annoncer que M. Thal-
berg veut bien accéder au désir qu'un grand nombre de personnes
a partagé avec nous, et qu'il prendra un petit nombre d'élèves qui
recevront ses précieux conseils, dans l'hôtel Horacc-Ycrnet, rue
St-Lazarc, qu'il habite maintenant.
V A Londres, les théâtres de la Reine, deDrurylane, d'Adelphi
et du Strand viennent de rouvrir pour la saison d'hiver.
'»* La reprise des concerts de la Société philharmonique aura lieu
très incessamment dans la grande salle Montesquieu. L'orchestre sera
comme les années précédentes dirigé par M. Loiseau. MM. les ar-
tistes qui seront dans l'intention de se faire entendre dans les con-
certs, et AIM. les amateurs qui désireront faire partie de l'orchestre,
sont invités à se faire inscrire rue St-Martin, 114, chez le directeur
de la Société.
'' M. Charles Widor, organiste de Lyon, se fera entendre jeudi
prochain, 17 courant, à Saint-Eustache.
V L'éditeur J. Meissonnier vient d'acquérir la propriété de la
Saiiue-Céeile , opéra comique en trois actes de M. de llonfort :
incessamment paraîtront les airs, détaches avec accompagnement de
piano , l'ouverture , quadrilles , etc.
V Sous le titre iaJuiJ Erruni,, l.'-édit«ur Anbcrt doit publier
très prochainement lun nouveau quaarillc^et une suite de valses
par Jean Michaëli; de très beaux dessins représentant les princi-
paux types du roman de M. E. Sue accompagneront ces deux nou-
velles publications, dont on dit le plus grand bien.
CIu*oiiiqiie éti'angèi'e.
*/ Hambourg. — Au Théâtre de la ville, on a donné récemment,
■Cuido et Ginevra ; opéra de M. Halévy. Le succès a répondu à l'at-
tente de l'administration qui s'était mise en frais de costumes et de
décors. L'exécution était en général satisfaisante.
",' Francfori , 2 octobre. — M. Léopold de Meyer a. donné, au
théâtre , un concert dans lequel il s'est montré l'im des plus gi-
gantesques pianistes que nous ayons eu occasion d'entendre. 11 est
question d'arranger d«s fêtes de chant, en Allemagne, qui auraient
lieu tous les cinq ans; les tribus les plus éloignées de la nation y
seraient représentées par des députations , comme cela se pratique
en Suisse. Que les chefs des Lieder-Ferein ne se laissent pas arrêter
parles premières diflîcullés; que d'obstacles n'a-l-il pas fallu vain-
cre pour arriver à notre première /éie de chant, il y a six ans, mais
aussi quels heureux résultats n'a-t-elle pas produits? 11 n'y a pas un
bourg, un village dans nos environs où l'on ne trouve aujourd'hui
une société de chanteurs.
*," Rome. — Les œuvres de Palestrina recueillies et mises en
ordre par J. Baini s'impriment à Leipzig, et sous les auspices de
M. Bunsen, à Londres. Dans ces derniers temps les admirateurs
de Baini ont assisté à un service funèbre célébré pour le repos de
son âme, à la Ghiesa-Nuova. 11 est question d'ériger un monument
au Tasse, dans le cimetière du couvent de Saint-Onofrio. La com-
mission instituée pour présider à l'accomplissement de cette œuvre
pieuse , s'est adressée à tous les souverains de l'Europe. S. M. le roi
des Français a envoyé une somme de 1,000 fr. pour sa part.
V Milan. — Le congrès des savants a donné lieu à des bals et à
des concerts : dans le vaste local de Vy^rena a eu lieu une fête à la-
quelle assistaient plus de (rente mille spectateurs. C'était une espèce
de naumachie dans le goût des anciens.
*,* J^enise..^ Luisa Siroszi, opéra nouveau en trois actes du
maestro PiOnzi vient d'obteriir un grand succès sur le théâtre de la
Fenice. L'auteur a été rappelé cinq fois sur la scène : c'est le septième
ouvrage composé par lui.
*," Parme. — On vient de faire une découverte du plus haut in-
térêt : on a retrouvé l'ancien théâtre à une grande profondeur sous le
sol où est placée la ville actuelle ; il est d'une grande dimension et
parfaitement-conserve. Le gouvernement a ordonné de poursuivre
les fouilles avec ardeur, et il vient de fa re l'acquisition de plusieurs
maisons qui mettaient obstacle à la continuation des opérations qui
sont dirigées par M. Lopez. On a retrouvé une inscription qui fait
mention du consul Mumiwius, le mom« qui saeeagca Corinthe.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
FuMieations «le MAURICE SCHLESïKGŒaî,' 9&, rite Kielielien.
A grand orchestre. . 24 "
En partition . . . 24 »
Cr.iXDE OLVEr.TliRE CAr.VCTÊBlSTIQtE
Pour piano à4 mains, 12
Pour deux pianos. . 15
■ovoQlé par C. MABTTO
Fadeur de Pinnoa,
BREVETÉ DU BOI
Place de la Rourse. 1 S.
Le CUrogymnaste est un assemblage deneafapp»-
reilsçymaastiques destinés à donner de l'exiens^ion à
lamain et de l'écar! aux doigts à augmenteV et à égali-
er leur force et à rendre le quatrième et le cinquième
indépendants de tons les autres. Le Ckirogymnaste
aété aussi approuvé et adopté parMM. Adam, Dertini,
lie Bcriot, Cramer, HeTz.Kalkbrenner, Lislz, iloschelét
, Pruùmi, Sinon. Thalberg, Tulou, Zimmermann, etc.
Chaque Chirogymnasie est revêtu de ta signature
de l'inventeur et se iiend place de la Bourse, n» 13,
à huit appareils, 50/'r.,àneu/'app.60/'r., méthode,Zfr.
G-ÏMKIASTIQÏJE APPI-IQirÉE A I.ÉTUDE DU PIASIO, J>ap MARTIW, 31».
E. CVnMASTlttUE DE^ DOIGTS, par H. BEBTINI. P^. o.l, 3 f r. •JS-*
Les expèdhiODs sont faites contre remboursement. Emr« iranco.
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personnes qui n'écrivent pas llanglaisê. — N' 13 bis. Pour copier la
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346
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
En vente chez MAURICE SCHLESIIVGER , 97, rue Richelieu.
MORCEAUX DÉTACHÉS DU
LAZZARONE
OPÉRA DE F. HAIÉVY:
Ouverture.
N. 1. Cavatine chantée par M""' StoKz.
2. Air de l'improvisateur, chanté par M. Barroilhet.
3. Duo chanté par M"' StoUz et M. Barroilhet.
4. Chanson de la Bouquetière, chantée par M"" Dorus-Gras.
5. Duo chanté par M™" Dorus-Gras et Sloltz. -
G. Trio, par MM. Barroilhet, Levasseur et M""" Dorus-Gras.
7. Couplets du baptême de la cloche, chantés par M'»« Dorus.
N. 8. Duo chanté par M. Barroilhet et M»« Dorus-Gras.
9. Chansonnette chantée par M"»' Stoltz.
10. Duo chanté par M-"" Sloltz et Dorus-Gras.
1 1 . Duo chanté par M. Barroilhet et M"'= Stoltz.
11 bis. Cavatine extraite, chantée par M. Barroilhet.
11 lev. Romance extraite, chantée par M"" Stoltz.
1 3. Trio chanté par MM. Levasseur, Barroilhet et M"
13. Couplets chantés par M"" Sloltz.
(Dtttîra^eô noutïeatt^ pont le |îtmt0.
FAR F. CHOPIN.
'Sâ@33 3a^l9§lSâ@
dédiées à Mlle G. Maberly.
Op. 66.
DEUX NOCTURIVES
dédiés à Mlle"J.-W. Stirling.
Op. 55.
[7 fr. 50 c.
iWL
i9
IPAltTOiilî^aiB IBIBIÎÎîiIîiù:^<ÎI2
SDR DES THKSIES DE
X.A FAVOB.ITE,
de Donizetti.
Op. 51.
BRILLAIVTE IfPOLKA
DE SAiiOnr.
' Op. 60.
Gfr.
PAR H. ROSEllE^.
FA]\TAIS1E ET VARIATIONS
SCB
Ha TEMPEiJURIO.
Op. 65. 7 fr. 50 C.
FANTAISIS
S«R DES MOTIFS DE
d'Halévy.
Op. 56.
Imprimerie de BOURGOGNE et MAETINET, 30, rae Jtcob.
Pour Paris : un an , 30 Fr. ; six mois, 15 Tr. — Annonces : 50 c, la liç^e de 28 lettres — Départements : un an , 34 fr. Étranger, 38 fr.
GAZETTE MUSICALE
Rédigée par MM. ANDERS, g. BÉNÉDIT, BERLIOZ, HENIU BLA,\CHARD, Mil-mCE BOURGES, F. DANJOU, ULESBERG, FÉTIS père, ÉdODÀBD FÉTIS,
StepHEN HELLER, J. JAMN, g. KASTNER, LISZT, J. WEIFRED, GEORGE SAiND, L. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
IL SERA JOINT A CHAQUE NUIUERO UIV DESSIN INEDIT DE GAVARNI.
SOMMAIRE. Théâtre royal de l'Opéra-Comique -. Le Moiisqueiaire ,
opéra-comique en 1 acle (première représentalioii ) ; par H.
BLANCHARD. — M, Vieuxtemps. — Revue critique : École
d'orgue de M. J. Cadaux; par F. DANJOU. — Feuilleton. — Nou-
velles. — Annonces.
L'HARMONICA. Dessin de Gavarni.
THEATRE ROYAL DE L'OPERA-COMIQUE.
LE MOUSQUETAIRE.
OPÉRA-COMICJUE EN I ACTE,
Libretto de MM. Armand et Achille Dartois ;
partition de M. Bousquet.
(Première représentation.)
Ce petit acte de comédie était intitulé : le Mousquetaire et
le Conseiller. Ce titre complexe allait bien à la pièce , car le
dernier de ces personnages y joue un rôle essentiel : c'est le
Talleyrand au petit pied de cette intrigue d'amour, qui se
noue et se dénoue par lui en plein xvnt° siècle. Nous ne sa-
vons trop pourquoi les auteurs , comme le Dorante du Men-
teur de Corneille, ont quitté la robe pour l'épée, en éliminant
du titre de l'ouvrage Monsieur le conseiller. Quoi qu'il en
soit, s'ils ont compté sur un succès, leiir attente ri a point été
trompée , ainsi que le dit encore le personnage de la comédie
de Corneille que nous venons de citer.
M"" de Launoy , fille majeure , a une fort jolie nièce ,
qu'elle désire marier à un jeune mousquetaire , à qui toutes
deux ont sauvé la vie en lui prodiguant leurs soins, blessé
qu'il était. La complaisante et crédule tante engage donc , à
cet effet ,[une correspondance avec le jeune militaire , cor-
respondance sans résultat : car un conseiller à la Cour des
ai les, de la gabelle et du grenier à. sel , s'empare des lettres
de la tante , et se charge d'y répondre pour rompre le ma-
riage projeté , espérant épouser Cécile , la jeune personne,
qu'il sait riche. Le mousquetaire arrive , par hasard , au mo-
ment où il était attendu par sa future , mais non par le con-
seiller , fort embarrassé de sa présence. Les scènes , l'imbro-
glio , qui résultent de ce quiproquo un peu forcé, sont co-
Portefeuille de deux Cantalrices ^^\
L\TRODL!CTIO.\.
(Suite et fin.)
L'attente ressemble à une route, en ce point qu'elle cesse de
paraître longue dès qu'on en connaît positivement le lerme. La
cantatrice avait dit qu'elle rentrerait vers six heures : à cinq
heures et demie elle était de retour : elle avait expédié ses afl'aires
de théâtre, parcouru vingt magasins, d'où elle rapportait des
étoffes de soie, du velours, des dentelles, sans compter une parure
en opales et améthystes , et deux ou trois bagues qu'elle avait
choisies chez Franchet. Elle avait congédié gracieusement son
jeune cavalier, qui ne l'avait quittée, pendant toutes ses courses,'
que le temps qu'il lui avait fallu pour causer avec son directeur
et pour toucher ses appoinlcmenis à la caisse de l'Opéra. Elle
voulait dîner seule avec la jeune fille pour être tout entière à ses
confidences, à ses chagrins; car il était clair qu'elle devait en
avoir, et même de très vifs. Dès qu'elle l'eut retrouvée, au coin
du feu, dans sa chambre, où elle avait ordonné qu'on la servit,
elle se hâta d'entrer en matière :
— Eh bien! chère petite, tu dis donc que tu as besoin de
moi, et qu'il s'agit de quelque chose qui presse.... Voyons,
parle, qu'est-ce que c'est ?
(1) Voirlesnuméros40 et 41.
— Oh! madame, c'est tout!... C'est ma vie ou ma mort!...
Je suis seule au monde.... je n'ai plus de ressources.... que vous.
— Que me dis-tu là?... Je sais que ta pauvre mère est morte,
j'ai reçu le lilllet.... la bonne et digne femme!... Mais tes autres
paienis, ton oncle, les cousins.... on a toujours des cousins, à
ton âge et avec ta ligure, quoiqu'un peu pâle, un peu maigre....
on voit que tu as souffert... je veux que tu te refasses bien vile!..
Mais procédons par ordre.... quand je t'ai perdue de vue....
quand tu as cessé de venir me voir, j'entrais à l'Opéra, j'y faisais
mes débuts, et toi, tu étais chez Choron, tu promettais d'avoir
de la voix; pour un enfant, tu ne lisais pas mal la musique....
pourquoi m'as-tu plantée là brusquement, dans mes grandeurs ?
— C'est maman qui le voulut ainsi.
— Parce que j'élais au théâtre?...
— Et aussi parce qu'on lui avait dit....
— Que j'avais un amant peut«ètre plusieurs amants
scrupule de mère, je le conçois.., à sa place , j'en aurais fait
autant.
— Moi-même, je quittai l'école , parce que maman crut re-
marquer....
— Que quelqu'un t'y faisait la cour, et la remarque était juste,
n'est-ce pas ?
— Que trop.... il y avait là un jeune homme qui s'était pris
pour moi d'une passion... oh 1 mais d'une passion!... Il n'est
plus à Paris maintenant.... je le crois en Italie, Et puis, il y eu
BTTREAUX S'ABONNEiaZNT, RnE IUCHEI.IEU, 97.
SUS
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
miques et amusantes ; elles se trouvent compliquées par la
curiosité d'un jardinier imbécile , curieux et bavard , et d'un
échevin qui n'a guère que la première qualité négative du
jardinier, qui aime la tante et prétend à sa main. Grâce à la
protection du mousquetaire , M. l'échevin arrive à son but ;
le fils de Bellone , comme on disait au temps oii se passe l'ac-
tion , serre les nœuds de l'hyménée avec la jeune Cécile , et
M. le conseiller du grenier à sel perd son procès dans toutes
les formes. Cela devait être en bonne morale d'opéra-comi-
que, résumée en ces deux vers , mis en musique par Grétry
dans Y Ami de la maison de M. Marmpntel :
Rien ne plaît tant aux yeux des belles
Que le courage des guerriers.
Sur ce canevas poudré , doré , moucheté , paillette et un
peu collet monté, W. Bousquet , lauréat de l'Institut , a brodé
une musique légère, élégante et vive, bien en hai-monie avec
le poëme. Son ouverture , dans laquelle chantent d'abord les
violoncelles d'une manière élégiaque , se développe ensuite
en une spirituelle valse bien dialoguée entre les violons et les
instruments à vent. La romance chantée par Cécile, et qui
est terminée par un petit ensemble , est d'une jolie mélodie ;
puis vient un trio scénique entre le conseiller , l'échevin et le
jardinier , dont l'effet est cependant plus dans l'orchestre que
sur la scène. Après un autre trio bien écrit pour les voix , le
mousquetaire et Cécile chantent un duo d'une bonne facture.
Il eût été sans doute plus dramatique , si le compositeur avait
eu à exprimer des sentiments moins alambiqués ; s'il n'avait
pas eu à peindre un amour qui renaît de ses souvenirs , un
amour hésitant , équivoque , peu propre à l'effet musical.
L'air : Je suis amoureux , chanté par le mousquetaire, est
d'une mélodie assez franche , mais à laquelle on pourrait de-
mander uu peu plus d'originalité ; elle est accompagnée , au
reste, d'une manière ingénieuse et brillante, par des effels
de musique militaire. La romance en deux couplets , dont le
premier est dit par Cécile et le second par le mousquetaire ,
est jolie , et soutenue par une harmonie on ne peut plus dis-
tinguée. Ici se termine la tâche du compositeur , dont cette
partition est le premier début , qui annonce un bon compo-
siteur de plus. Espérons qu'il comprendra la distance diffi-
cile à franchir qui sépare l'homme qui sait de l'homme qui
crée , de celui qu'on voit quittant les allées symétriques de
l'harmonie , où se promènent tant de compositeurs , pour
marcher librement, audacieusement, dans les champs fleuris
de la mélodie, et y cueilUr des fleurs, aGn d'en harmonier
capricieusement les couleurs , comme aucun autre ne l'a fait
avant lui.
Les acteurs ne se sont pas mal acquittés de la mission qui
leur a été confiée : Duvernoy , chargé de nous représenter le
conseiller , a joué ce personnage difficile en bon comédien.
On n'en peut pas dire tout-à-fait de même d'Audran , qui
sentira probablement la nécessité de montrer un peu plus la
couleur de l'ancien régime dans le rôle du mousquetaire , de
ne pas prendre les mains aux dames aussi familièrement qu'il
le fait , et de ne pas croire que le ton cavalier d'un mousque-
taire consiste à faire entrer pour ainsi dire de force sa tante
future dans un cabinet , en la poussant en quelque sorte par
les épaules. Il chante fort agréablement ; mais nous n'avons
jamais entendu dire qu'une jolie voix dispensât les militaires
d'autrefois de tenue et de bonnes manières , à moins que ,
comme dit le Sganarelle de Molière dans le Médecin malgré
lui, qui met le foie à gauche et le cœur à droite, nous n'ayons
changé tout cela de notre temps. Sainte-Foy , représentant
le jardinier , s'est bien , peut-être un peu trop , stéréotypé
dans la classique et quelque peu monotone naïveté des niais
d'opéras-comiques. Si nous ne craignions d'encourir nous-
même le reproche de monotonie , nous dirions que M"" Po-
tier, dans le rôle de Cécile, est fort jolie ; mais comme cette
vérité est , sans doute , passée à l'état de lieu commun pour
elle, nous nous bornerons à la féliciter d'avoir dit son rôle
avec justesse et sensibiUté, et de l'avoir chanté avec expres-
sion. Pourquoi n'ajouterions-nous pas que IM"° Prévost a fait
une incursion dans l'emploi des caractères , des jeunes
duègnes, et qu'elle s'en est fort bien acquittée ? Osons le
dire; remercions-en les dieux ; et félicitons-en les auteurs
et les compositeurs.
Henri Blanchard.
avait encore d'autres !... C'est peu de temps après que j'eus le
malheur de perdre nia pauvre mère. Oh ! alors, tous mes mal-
heurs ont commencé.... Et quels malheurs, madame I Vous ne
pouvez vous en faire ime idée. Cet oncle, dont vous vous sou-
venez, me recueillit chez lui, mais à quel prix?... Je remplissais
les fonctions de servante.... je travaillais nuit et jour, tantôt
pour la maison, tantôt pour moi,... j'étais grondée, humiliée,
encore plus exposée à toute sorte d'obsessions que dans l'école
d'où j'étais sortie. Uu jour, ne pouvant plus y tenir , je fis un
coup de tète : je déclarai à mon oncle que je le quittais pour
aller vivre seule dans une petite chambre garnie que j'avais
loufîe Je comptais sur l'ouvrage qne m'avaient promis plusieurs
marchands, qui venaient habituellement chez mon oncle ; mais
celui-ci, furieux de mon départ, alla trouver ses amis pour leur
défendre de s'intéressera moi. Presque tous obéirent à son ordre:
deux ou trois plus indulgents, plus humains, en apparence,
continuèrent à me voir secrètement.... Hélas! je ne tardai pas
à m'apercevoir du motif qui les faisait agir ainsi ! C'est donc
toujours la même chose!.. Une fille pauvre, qui n'est pas laide
à faire peur, est donc toujours placée entre cette alternative :
céder ou manquer de tout !
— C'est pourtant vrai!... Et comment, chère petite, dans
cette foule de loups, tu n'as pas rencontré une seuleâme gé-
néreuse ?
— Si fait : j'avais fini par obtenir la confiance d'une lingëre,
pour laquelle j'ai travaillé pendant deux ans, gagnant si peu de
chose que je ne pouvais jamais suffire à toutes mes dépenses;
malgré l'économie que j'y mettais , à la fin du mois, il y avait
toujours de l'arriéré. Ce fut bien pis encore, lorsque ma lingère
cessa de me payer exactement. Ce n'était pas sa faute : on ne
la payait pas non plus : beaucoup de dames, qui passaient pour
très riches et qui l'étaient, lui devaient des sommes considé-.
râbles. 11 y a deux mois, ma lingère a fait faillite : je n'avais
plus rien à espérer de ce côté, ni argent ni ouvrage. J'ai essayé
de m'en procurer ailleurs. Je me suis présentée chez toutes les
lingères de Paris, chez toutes les couturières , dont j'ai pu dé-
couvrir le nom et l'adresse. La réponse la plus polie , la plus
encourageante que j'aie reçue est celle-ci : « Nous n'avons
» besoin de personne en ce moment , mais repassez dans deux
» mois, dans trois semaines, dans quinze jours... nous verrons.»
En attendant il ne me restait plus rien, plus rien absolument....
j'avais vendu tout ce que je pouvais vendre.... je ne mangeais
plus....
— Ah ! malheureuse enfant !
— Oh ! ce n'est pas cela qui me faisait le plus de peine, parce
que je me disais : Il faudra bien que cela-finisse ; j'en mourrai :
tant mieux! Mais ne pas pouvoir payer son loyer!... Devoir
plusieurs termes!. . Être sur le point de se voir jetée dehors, et
voilà précisément où j'en suis. Ce soir, on m'a menacée de ne
pas me laisser rentrer!...
DE PARIS.
U9
La Biographie universelle des musiciens, ouvrage qui a
mis le sceau à la réputation universelle de notre collabora-
teur M, Fétis père , et dont le huitième et dernier volume a
été récemment publié, renferme une notice sur le violoniste
Vieuxtepips, où Uon trouve la dignité de langage et le ton de
sage critique qui distingue ce livre, appelé par Gottfried We-
ber un respectable monument de science et d'impartialité
(ehrwiirdig Denkmal von Wisseiischaftund Lînparteilichkeit).
Toutefois cette notice a si peu satisfait l'exorbitant amour-
propre de M. Vieuxtemps et les préveniions de ses amis, qu'ils
viennent de faire paraîtj-e à ce sujet, à Bruxelles , un libelle
rempli d'injures contre M. Félis. Un journal de musique,
dont les relations avec le violoniste sont connues de tout le
monde, a saisi l'occasion d'un comple-rendu delà Biographie
universelle des musiciens pour faire aussi des réclamations
contre la notice en question , en termes plus polis , mais avec
non moins d'injustice.
Nous pensons , nous , que la meilleure défense que nous
puissions faire du travail de notre collaborateur est d'en of-
frir la reproduction à nos lecteurs. Ils pourront juger du de-
gré de folie où il faut être parvenu pour considérer comme
offensant un article qui aurait pu passer dans un autre temps
pour un éloge outré. L'abus si fréquent aujourd'hui des
louanges hyperboliques accordées au plus mince mérite a
conduit insensiblement les artistes à ces prétentions exagé-
rées qui ne peuvent plus s'accommoder d'une critique simple-
ment impartiale et bienveillante. Nous laisserons maintenant
parler l'auteur de la Biographie universelle,
Vieuxtemps (Henri), violoniste distingué, est né à Verviers
le 20 février 1820. Fils d'un ancien militaire qui, retiré du
service, s'était livré à la profession de luthier et d'accordeur
d'instruments, il fit pressentir sa destination naturelle dès ses
premières années par le plaisir qu'il manifestait à l'audition
du violon de son père. A deux ans, il passait des heures en-
tières à frotter les crins d'un archet sur les cordes d'un petit
instrument. A quatre ans et demi , il commençait à déchiffrer
de la musique. Charmé de ses heureuses dispositions, un
amateur zélé voulut faire les frais de son éducation musicale,
et le confia au soins de M. Lecloux, bon professeur de vio-
lon , qui prépara par ses leçons les talents du jeune violo-
niste, devenu depuis lors un des artistes les plus remarquables
de son époque. Les progrès de celui-ci furent si rapides
qu'il put entreprendre avec son maître un premier voyage à
l'âge de huit ans , pour donner des concerts dans les princi-
pales villes de la Belgique. Arrivé h Bruxelles , il y rencontra
le célèbre violoniste M. de Bériot, qui , frappé de sa précoce
habileté , lui donna gratuitement des leçous pendant quel-
ques mois. Au printemps de 1830, il vint avec son nouveau
maître à Paris, et y joua dans un concert donné à la salle de
la rue de Cléry. L'auteur de celte notice, qui l'entendit alors,
prédit dans sa Revue musicale l'avenir de l'artiste enfant. De
retour à Verviers peu de temps après , Vieuxtemps y reprit
ses études. En 1833 il entreprit avec son père un voyage en
Allemagne, pendant lequel il acquit, par l'habitude de se
faire entendre en public, l'assurance nécessaire k la libre ma-
nifestation du talent. Ce fut à Vienne qu'il obtint ses pre-
miers succès de quelque importance. Il y prit aussi quelques
leçons d'harmonie de Simon Sechter, organiste de la cour,
puis revint à Bruxelles, où il ne resta que quelques mois. Au
mois de décembre 1834, il partit pour Paris, ne put parve-
nir h s'y faire entendre , et se rendit à Londres , où son talent
n'excita pas l'intérêt qu'il avait espéré. De retour à Paris dans
l'été de 1835 , il prit la résolution de compléter ses connais-
sances en faisant, sous la direction de Reicha, des études de
composition. La méthode superficielle mais expéditive de ce
professeur était celle qui convenait le mieux à un instrumen-
tiste peu soucieux d'acquérir un profond savoir des formes
du contre-point, qu'il ne considérait pas comme étant à son
usage. Peu de temps après , il couimença à écrire ses pre-
mières compositions, et les fit entendre dans son voyge en
Hollande, entrepris en 1836; puis il retourna à Vienne, et y
publia ses premiers ouvrages. En 1838, il joua avec succès
au théâtre de Bruxelles et dans un concert qui fut donné à
l'église des Augustins par la Société philanthropique , et y fit
entendre des fantaisies et des fragments de concertos où l'on
remarquait quelques idées heureuses mêlées à des incohé-
rences. Immédiatement après, il partit pour la Russie , don-
nant des concerts à Prague, Dresde, Leipsick et BeHin. Parti
— Est-il possible ?... Ton propriétaire est donc un monstre?
— C'est une femme !
— Je l'aurais parié !.. Dès lors pas moyen de l'attendrir : heu-
reusement tu peux t'en dispenser. Chère enfant , tu n'as eu
qu'un tort, mais un tort bien grave, c'est d'avoir oublié pendant
si longtemps que j'étais la marraine.
— Dieu sait que j'y pensais toujours !
— De n'être pas venue me trouver.
— Je n'osais pas.... je craignais d'être reçue chez vous comme
chez tant d'autres. Mais une fois décidée, j'y ai mis de la persé-
vérance..., car voilà le quatrième jour...
— Quatre jours!... Mais c'est affreux 1... Quand je pense à
cela, je me battrais ! Et dire que pour le plaisir de ne pas se
déranger, de dormir à son aise, on risque de réduire au désespoir
des gens dont l'existence est entre vos mains ! C'est fini : à
compter de demain , je recevrai tout le monde : je me lèverai à
dix heures, el quand par hasard j'aurai besoin de dormir davan-
tage, parce que j'aurai chanté la veille, que je serai fatiguée, ou
n'importe pour quoi... ce sera toi, mon enfant, qui recevras à
ma place.
— Moi, madame !...
— Oui, sans doute, car à dater de ce moment je te garde avec
moi, je te loge chez moi.... tu es ma fille!... ma petite sœur,
mon amie, ma bonne et fidèle amie. Tu auras une délicieuse
petite chambre là-bas, là-bas, au bout de l'appartement.... un
peu loin de la mienne, mais c'est ce qu'il faut, parce que l'inti-
mité n'exclut pas la liberté. As-tu de la voix?
— J'en avais, mais depuis si longtemps je ne chante plus...
— Fais-moi une gamme !
— Do, ré, mi, fa, sol, la, si, do!
— Nous sommes sauvées ! tu as une voix charmante ! Quant
à la figure, dans un mois, on en parlera. Demain tu commences
tes leçons de chant, de déclamation, de piano...
— Je n'en touchais pas mal....
— Divin !... Tu touches du piano : donc, tu es musicienne.
Et tu as fait la folie de piquer des chiffons pendant tant d'an-
nées !... Attends un peu, laisse-moi faire et tu auras du bon-
heur autant que moi. Ah! dame!... je ne te dis pas qu'à
travers ce bonheur il ne se glisse de temps en temps quelques
petites épines, parfois même des pointes de poignard!... Que
veux-tu! la vie humaine n'est pas le paradis; l'essentiel est
qu'elle ne soit pas un enfer.
La soirée s'acheva, comme par enchantement, dans des cau-
series pleines d'abandon et de gaieté entre les deux amies. Esther
n'avait plus rien de la triste créature que le matin encore les
laquais et les femmes de chambre éconduisaient avec dédain,
qui ne trouvait de refuge que dans la pitié d'un concierge ! A
dix-huit ans, on éprouve un tel besoin de vivre et de s'épanouir,
que pour peu qu'un espoir vienne à hriller, qu'une perspective
s'entr'ouvre, on se relève du malheur aussi vile que l'herbe des
350
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de cette dernière ville pour Pétersbourg , il fut arrêté par une
grave maladie dans une petite ville de la Russie , et y fut re
tenu pendant plus de deux mois. Arrivé à Pélersbourg, il y
eut de brillants succès qui ne se démentirent point à Moscou.
Ce fut dans ce pays qu'il écrivit un nouveau concerto de vio-
lon et une grande fantaisie avec orchestre dont la supériorité,
à l'égard de ses productions précédentes , est si marquée ,
que la malveillance s'est emparée de ce fait , à Paris comme
à Bruxelles , pour lui en contester la propriété , quoiqu'on ne
pût nommer l'artiste distingué qui aurait prêté sa plume à
Vieuxtemps (1). Il est vraisemblable que ses ouvrages futurs
donneront un éclatant démenti à ces manœuvres de la jalou-
sie. Après un séjour de plus d'une année en Russie, Vieux-
temps revint à Bruxelles au mois de juin 1840, et le 7 juillet
suivant , il joua son nouveau concerto et sa fantaisie dans un
grand concert donné au bénéfice des musiciens de l'orchestre
du théâtre , sous la direction de l'auteur de cette notice. Ces
morceaux, où l'artiste déploya le plus beau talent d'exécu-
tion , excitèrent des transports d'enthousiasme. Vieuxtemps
les fit entendre de nouveau aux concerts donnés à Anvers au
mois d'août suivant, à l'occasion de l'inauguration de la sta-
tue de Rubens, et l'admiration , poussée peut-être jusqu'à
l'exagération (2), alla si loin qu'un ministre lui accorda pré-
maturément la décoration de l'ordre du roi des Belges, ne
réservant rien à l'artiste pour les succès de l'âge mûr (3).
(1) Si M. Fi!tis n'a pas voulu faire ici une réticence bienveillante,
nous pensons qu'il a été mal informé; cir nous, qui avons eu sou-
vent occasion de recueillir les bruits qui circulaient à ce sujet , nous
avons entendu ceux qui prêlaient un teinturier aux élucubrations
de JI. Vieustemps, nommer d'une manière très affirmative Charles
Mayer, ami intime de ce violoniste à Pétersbourg, pianiste de grand
mérite , et auteur d'un superbe concerto de piano, dont l'instrumen-
tation a malheureusement une frappante analogie avec celle du con-
certo de M. Vieuxtemps. Nous ne prétemions pas toutefois en tirer
aucune conséquence contre celui-ci ; nous ne sommes qu'hisloriens.
[Noie de la rédaciion de lu Gazette musicale.)
(2) Nous avons été informés à celte époque par notre correspon-
dant que l'exagération dont parle ici M. Fétis avait été si évidente,
que W. Hauman , dont on connaît le talent , et le roi des violoncel-
listes, Servnis, furent sacrifiés par ceux qui voulaient à tout prix
faireune ovaiion à M. Vieuxtemps. [Idem.)
(3) On nu voit point, en effet, ce qu'on pourra faire plus tard pour
Il ne manquait plus à Vieuxtemps que la sanction de l'in-
telligente population de Paris , baptême sans lequel un ar-
tiste n'ose croire à sa gloire. Il l'obtint dans l'hiver suivant,
et n'excita pas moins d'intérêt par le mérite de ses dernières
productions que par son habileté sur son instrument. Depuis
lors, il a fait un second voyage en Hollande , puis a visité de
nouveau l'Allemagne, et a revu Vienne pour la troisième fois ;
enfin il a parcouru la Pologne et n'est revenu à Bruxelles
qu'au mois de juin 18ù3. En ce moment (décembre 1843),
il est en Amérique.
On a gravé de sa composition : 1° Air de l'opéra II Pirata,
varié avec introduction pour violon et orchestre, op. 6, Vienne,
Arlaria. 2° Concerto pour violon et orchestre (en mi majeur),
op. 7, Paris, Troupenas. 3° Grande fantaisie , irfem (en la),
ihid. Il ne ne paraît pas que les ouvrages précédents aient été
gravés.
Revue eritique.
ÉCOLE D'ORGUE,
on
MÉTHODE COMPLÈTE DE CET INSTRUMENT ,
par M. Justin CAD AUX (1).
Les instruments de musique sont, comme la musique elle-
même, soumis aux lois arbitraires, aux caprices passagers de
la mode, dont le pouvoir tyrannique semble s'exercer en
France plus librement que dans tous les autres pays.
A l'époque de Louis XIII , le théorbe et le luth étaient
très répandus ; plus tard, la basse de viole, qui fut elle-même
détrônée par le violoncelle , devint l'objet de la faveur géné-
rale. Il n'est pas jusqu'au modeste instrument des Savoyards,
la vielle, qui n'ait été un instant cultivé par les dames de la
cour de Louis XV. Après, ce fut le tour du clavecin, qui régna
M. Vieuxtemps, à moins de lui donner des lettres de noblesse.
Baillot avait cinquante-cinq ans quand il reçut une distinction ana-
logue à celle dont on décorait le violoniste belge avant qu'il fût
majeur, et Baillot avait doté la France d'une école de violon qui
excitait l'admiration de l'Europe; enfin il s'était illuslré lui-même
comme artiste , et son nom inspirait depuis longtemps le respect
universel. [Idem.)
(I) RichaUlt, 1844.
champs, brûlée parle soleil et que rafraîchit une goutte de
rosée. La physionomie d'Esther subit une métamorphose com-
plète : ses yeux s'animèrent, son teint se colora, et le coup de
baguette magique n'opéra pas moins sur son costume que sur
son visage. Tout en donnant des ordres pour l'insiallalion
d'Esther dans la chambre qu'elle lui destinait, la cantatrice
passait en revue sa garde-robe, et s'amusait à faire ce qu'elle
appelait le trousseau de sa petite sœur. Elle lui essayait des
robes, des canczous, des bonnets élégants, des tabliers coquets,
i de sorte qu'en peu d instants la pauvre jeune fille se trouva plus
' richement nippée que beaucoup de femmes du monde pourvues
! de trente mille livres de rente, et roulant équipage sur le pavé
! de Paris.
I Dès le lendemain , le plan d'éducation lyrique et dramatique
d'Esther fut réglé comme un papier de musique. Les maîtres
déclarèrent tous qu'elle avait les plus grandes dispositions, et la
rapidité de ses progri^s attesta qu'ils ne l'avaient pas trompée.
Elle travaillait beaucoup et avec une ardeur qui s'augmentait par
la confiance. Sa seule distraction était d'aller à l'Opéra, toujours
dans la salle, jamais dans les coulisses, dont l'entrée lui était
interdite. Sa protectrice n'avait jamais voulu qu'elle l'y acccom-
pagnàt, et par suite de la même politique, jamais elle ne l'ad-
mettait ni dans les visites que lui rendaient certaines personnes,
ni dans les petits dîners qu'elle faisait, ni même dans les petits
cercles qu'elle tenait une ou deux fois chaque semaine. Ce
n'était pas par jalousie : c'était par une sévérité bien entendue.
Un jour, elle dit à Eslher :
— Tu auras du talent, chère petite : à présent j'ensuis certaine,
et, par une circonstance bien rare dans la vie d'artiste, tu
n'auras été obligée de le payer par des sacrifices d'aucune espèce.
Jusqu'au moment où je t'ai prise avec moi, tu t'étais conservée
d'une pureté exemplaire. J'ai voulu contribuer autant qu'il était
en moi à ce que ta sagesse te restât , et en cela j'avais peu de
mérite. Quand tu m'auras quittée, tu feras ce que tu voudras. Je
ne te prêcherai pas une morale toujours inutile quand les ten-
tations se font sentir avec une certaine force. Je te dirai seule-
ment : garde tant que tu pourras ton indépendance. Ne te marie
que si tu ne peux faire autrement, parce qu'une femme mariée
doit être vertueuse pour l'honneur de son mari, et qu'au théâtre
on ne tient nul compte de la vertu ; on n'y croit pas ou on la
tourne en ridicule. Quant à des amants, tu en auras ; mais c'est
un moindre mal quand ou est libre que quand on ne l'est plus.
Ce que je te recommande suriout, c'est de bien choisir, tant que
tu pourras choisir, et je sais fort bien que ce n'est pas toujours
possible. Le monde s'imagine que notre existence à nous est la
plus facile de toutes , que nous n'avons qu'à nous abandonner
au couiant des succès et des plaisirs. C'est précisément le
contraire : nous sommes obligées de lutter sans cesse , de nous
retenir sur le penchant d'un abîme que les fleurs nous cachent
plus ou moins, et une fois que nous y sommes tombées, personne
DE PARIS.
251
sans partage pendant près d'un siècle, et inspira si bien tant
de maîtres illustres depuis Frescobaidi jusqu'à démenti. Sous
l'empire et au commencement de la Restauration, on étudiait
la harpe par souvenirs des bardes, des ménestrels et des
poésies chevaleresques. Enfin , il y a vingt ans, a commencé
la grande vogue du piano, qu'on trouve à présent dans les
mansardes comme dans les plus splendides salons.
Le piano a vécu plus de quinze ans. C'est , suivant la re-
marque de Tacite , un espace de temps bien long dans la vie
des mortels , grande morlalis œvi spativm ; et déjà les es-
prits clairvoyants aperçoivent les signes de la décadence du
piano. Le génie des grands maîtres qui ont composé de la
musique pour cet instrument, l'habileté et le mérite des cé-
lèbres facteurs qui le perfectionnent chaque jour , pourront
bien conserver encore longtemps au piano l'intérêt des artistes
et du public. Toutefois la mode se lasse de tout, elle dira
bientôt : Piano, que me veux-tu ? Elle demande au piano des
qualités qu'il ne peut avoir, des effets qu'il ne peut produire,
tels que la prolongation et la variété des sons ; elle demande
aux artistes plus qu'ils n'ont fait jusqu'à ce jour ; les artistes
s'épuisent, ils allongent leurs doigts, les brisent à toutes sortes
d'exercices et de sauts périlleux; efforts inutiles ! la mode
n'est pas satisfaite, il lui faut plus encore , ses exigences ne
cesseront pas, et l'instrument cessera de pouvoir y répondre.
Les tentatives de M. Isouard, les recherches de M. Érard
pour obtenir l'expression par la pression de la touche , et sur-
tout l'incroyable multiplication des orgues expressives , har-
monium , orchesirion , etc. , indiquent assez que la mode a
touché l'orgue d'un coup de sa baguette, et l'a rendu plein
d'attraits et de charmes pour le public, qui négligeait depuis
de longues années ce roi de la musique instrumentale. Il ne
faut donc pas être prophète pour prédire que les instruments
à sons prolongés et à clavier, instruments qui sont ou seront
les fils de l'orgue, sont appelés dans un avenir assez prochain
à occuper l'attention générale.
Le clergé a donné le premier le signal de cette révolution
dans le goût musical. De tous côtés on restaure les grandes
orgues que la munificence de nos pères avait élevées dans nos
cathédrales; les petites villes, les villages même enrichissent
leur église d'un de ces instruments harmonieux ; encore un
peu de temps , et dans chaque paroisse il y aura un orgue
pour guider et soutenir la voix du peuple et porter jusqu'aux
cieux sa mélodieuse prière.
Dans ces circonstances, l'apparition d'une bonne méthode
d'orgue serait un événement de quelque importance dans le
monde musical , et c'est à cause de cela que nous avons lu avec
empressement et que nous parlerons avec détail de l'ouvrage
que M. Justin Cadaux vient de mettre au jour.
Quelles sont les connaissances nécessaires à l'organiste?
11 est évident que la réponse à cette question renfermera le
programme d'une méthode complète de l'orgue. Essayons
donc de dresser l'inventaire de ces connaissances variées que
doit posséder un bon organiste , et voyons si M. Cadaux a
établi lui-même cet inventaire.
La première étude indispensable pour bien toucher l'orgue,
c'est celle du clavier ; mais celte étude doit être dirigée d'une
manière bien différente, selon qu'on se destine à être organiste
ou seulement pianiste. Le talent du pianiste consiste aujour-
d'hui, pour les uns, à exécuter facilement des traits]rapides où
les mains se croisent, se déplacent, s'enlacent, sautent avec
agilité d'un bout du clavier à l'autre ; pour les autres , ce ta-
lent réside dans la délicatesse du tact , dans l'expression qu'un
véritable artiste sait donner au son du piano par la manière de
frapper les touches. Tout cela est inutile à l'orgue : la déli-
catesse du tact n'en modifie pas le son , le déplacement des
mains , la vélocité des traits y produisent un mauvais effet. Il
faut donc, pour être organiste, étudier le clavier autrement que
pour-être pianiste , et c'est surtout dans les œuvres des an-
ciens clavecinistes, de Haendel, de Bach, du père Martini, que
se trouvent les ressources d'exécution qui sont spéciales à
l'orgue. M. Justin Cadaux n'a pas dit un mot sur ce sujet, et
c'est là une omission grave, mais ce n'est pas la seule.
Après l'étude du clavier vient la connaissance approfondie
de l'harmonie , c'est le second degré que doit franchir tout
élève organiste ; M. Cadaux en convient. Toutefois devait-il
faire remarquer que l'étude de l'harmonie moderne , telle
qu'elle est enseignée dans d'excellents ouvrages, ne suffit pas
à l'organiste catholique (1).
(I) L'admirable ouvrage que vient de publier M. Fétis sur la
ne nous tend la main pour en sortir. Si l'on rit de nos vertus,
on proflte de nos faiblesses, et on nous méprise par-dessus le
marché.
Esther ne perdiu't pas une seule des paroles de sa marraine :
elle écoutait ses conseils avec la foi profonde que lui inspiraient
les témoignages peu équivoques de son attachement et de sa
bonté. Du reste , elle ne savait presque rien de ses affections , de
ses liaisons : elle vivait à côté d'elle , sans se mêler à elle, sans
chercher à pénétrer des secrets auxquels on ne jugeait pas à
propos de l'initier. Dix-huit mois s'écoulèrent ainsi : l'éducation
d'Eslher touchait à son terme, et sa protectrice commençait à
parler de ses débuts. Elle l'avait fait entendre à quelques artistes:
elle avait réuni des compositeurs , des hommes de lettres, pour
juger de sa vocation, pour la familiariser avec le public. Le di-
recteur du théâtre de Bordeaux assistait à l'une de ces séances
intimes : Esther chanta des morceaux ù'Alceste, de la Vestale
et de Jean de Paris. Sa voix étendue et timbrée, puissante et
légère, se prêtait également au grand opéra etàl'opéra-comique.
— A quel genre faut-il qu'elle se voue? demanda quelqu'un.
— A tous les deux , s'écria le directrur , et, au même instant ,
s'élançant vers la cantatrice, il lui dit tout bas : Madame, il faut
que je vous parle demain matin. Je suis un homme ruiné, perdu,
et vous savez pourquoi; mais vous pouvez me sauver.... vous
n'avez pour cela qu'un mot à dire.
Le directeur du théâtre de Bordeaux était un ancien ami du
père de la cantatrice : il l'avait vue naître ; il avait prédit son ave-
nir : il était lui-même artiste de l'Opéra , quand elle y avait fait
ses premiers pas. Ayant perdu sa voix , il avait quitté la scène
pour se lancer dans les directions théâtrales, et il n'avait pas été
toujours heureux. Pour se refaire d'une mauvaise année, il
cherchait un sujet marquant, hors de ligne : il crut l'avoir
trouvé en entendant et en voyant Esther. Il vint donc proposer
à la cantatrice de lui donner son enfant, sa protégée : c'était,
disait- il , lui donner la fortune.
— Ceci demande réflexion , répondit la cantatrice. Savez-vous
bien , mon cher Sazerac , tout ce que vous demandez ?
— C'est parce que je le sais que je vous le demande ; mais
songez aussi à ce que j'offre, dix mille francs, c'est-à-dire la
moitié de ce que vous gagnez vous-même, et avec cela delà
gloire, des bravos!..., à l'Opéra vous tenez la première place;
il n'y a pas moyen de vous la disputer. Les autres emplois sont
tenus aussi convenablement que possible, et puis, entre nous,
qu'est-ce que les autres emplois, où l'on n'a le droit de chanter
que des bouts de rôle, encore lorsque les sujets plus anciens
vous le permettent? A TOpéra-Comique, il y a surabondance de
talents, et puis les cabales, les intrigues, la faveur de l'auteur
privilégié.... la protection du premier gentilhomme! au lieu
qu'à Bordeaux , votre Esther régnera sans partage : mon intérêt
vous en répond.
— Si Esther le veut , j'y consens.
.3S2
REVUE ET OAZETTE MUSICALE
L'Église a une musique spéciale qu'elle conserve depuis
dix-huit siècles , qui a des affinités incontestables avec le sys-
tème musical des anciens. Cette musique, c'est leplaiu-chaut,
dont la tonalité diffère essentiellement de la tonalité actuelle
dont s'occupent exclusivement les méthodes d'harmonie. Or,
on aura beau savoir les règles de la composition , de l'inslru-
menlalion , du contre-point même , on aura beau connaître
toutes les combinaisons, toutes les modulations en usage au-
jourd'hui dans la musique, on n'aura pas pour cela le secret
de l'harmonie qui convient au plain-chant. M. Cadaux a omis
de traiter cette question spéciale , et il se borne à renvoyer
l'élève aux méthodes d'harmonie qui existent, sans même gui-
der son choix.
L'ouvrage de M. Cadaux commence par la nomenclature
des jeux qui composent l'orgue de Saint-Denis ; après ce hors-
d'œuvre , on trouve des exemples ou petites pièces d'orgue à
deux et trois parties extraites textuellement des œuvres de
Rink. — M. Cadaux donne à cette compilation le titre de Prin-
cipes élémenlaires des différents styles , et il n'ajoute à ce titre
aucune explication. — Il ne suffisait pas, en vérité, de donner
des exemples des divers styles , sans préceptes , sans règles ,
en un mot sans déterminer les conditions du style spéciales à
l'orgue. C'était là le point sur lequel il. fallait le plus insister,
car tous les organistes auront plus ou moins d'habileté sur le
clavier, plus ou moins de connaissai^ces pratiques de l'har-
monie et de la composition. Ils acquerront ces talents par le
travail individuel et la lecture de quelques ouvrages théori-
ques ; mais pour posséder à fond la science du style religieux,
pour apprécier les convenances qui lui .sont propres , l'esprit
qui doit l'animer, ils ont besoin de trouver dans une mé-
thode spéciale des principes fixes, des lois précises, des ré-
flexions judicieuses : tout cela manque absolument dans le
ti'aité de M. Justin Cadaux.
F. Danjou.
[La suite au prochain numéro.)
théorie de l'harmonie peut guider un élève intelligent , mais M. Ca-
daux n'a pas cité cet auteur.
L'HARMOMICA.
IDessin de Gavarni.
Vous reconnaissez l'instrument et la virtuose. Je ne vous
demanderai pas auquel des deux objets vous accordez la pré-
férence. Si vous êtes musicien , c'est à la virtuose ; si vous
cultivez peu la musique , c'est à l'instrument.
HOTTTELiIaSS.
*,• La grande solennité musicale qui se prépare à l'Opéra pour le
jour de la Toussaint a été jugée par le public ainsi qu'elle méritait
de l'être. On a saisi avec enthousiasme la belle pensée d'inaugurer
les sessions annuelles de l'association des artistes-musiciens par
l'exécution d'un chef-d'œuvre dont le souvenir se rattache à tout
ce qu'il y a de plus élevé , de plus imposant. Par une singularité
remarquable, ce chef-d'œuvre n'a pas élé entendu à Paris depuis
une journée à jamais fameuse, celle du 3 nivôse, où éclata la
machine infernale dirigée contre le premier consul, au moment
même où il se rendait à l'Opéra (le 3 nivôse de l'an x répondait
au 24 décembre 1801]. Rien ne sera épargné pour que l'oratorio
d'Haydn, la Création du monde, ne nous soit rendu avec une
majesté, une puissance, dont sa première exécution ne pouvait
donner une idée. Un orchestre sera construit à grands frais sur un
plan nouveau, de manière que le chiffre des 500 musiciens qui
prendront part au concert produise encore plus d'eifet dans la salle
qu'il n'en produit sur le papier.
\* Le baryton Latour a fait ses débuts à l'Opéra, dans la Reine
de Chypre , par le rôle de Lusignan , l'un de ceux qui ont le mieux
établi la réputation de Barroilhet à Paris. Comme Barroilhct, Latour
a commencé par être un élève du Conservatoire , et puis il a passé
les monts pour aller terminer son éducation en Italie. Il nous revient
jeune encore , avec une belle figure et une excellente voix , unissant
la douceur à la force. Il a obtenu beaucoup de succès dans toute la
partie musicale de son rôle : la partie dramatique n'a pas paru aussi
satisfaisante. Il faut que le débutant s'occupe sérieusement d'ap-
prendre à marcher, à faire des gestes; mais il a de la voix, et il sait
chanter : c'est l'essentiel. Duprez et M"' Stoltz ont rempli avec leur
talent ordinaire les rôles de Gérard et de Gatarina. La représenta-
tion a été fort brillante, et l'ouvrage s'est encore une fois donné le
surlendemain.
V Décidément c'est /e Diable à Quatre, de Sedaine, qui fournira
le sujet et le tiire du nouveau ballet.
V M"' Nau se fait applaudir en ce moment à Londres sur le
Princcss's Théâtre, où elle a débuté dans Lucie de Lammermoor tra-
duite en anglais. Elle doit ensuite chanter la Sirène.
— Alors je ne cloute plus de rien.
Et en etfet deux heures plus tard , un engagement rédigé par
Sazerac était signé par Esther, et leur commun départ fixé au
lendemain. Faut-il dire que cette grande résolution n'avait pas
été prise sans qu'il coulât beaucoup de larmes? Se séparer de
celle à qui elle devait tout, qu'elle chérissait par tant de motifs,
quel désespoir , quel effroi pour la pauvre Esther !
— Écoute , mon enfant , lui dit son amie en s'essuyant les
yeux elle-même , je ne suis pas moins désolée que toi , mais
enfin , raisonnons. Notre séparation ne sei-a pas éternelle : tu re-
viendras à Paris, j'irai à Bordeaux pendant mon congé. J'ai bien
réfléchi aux avantages que tu trouves, et je crois fermement que
tu ne pouvais rien espérer de mieux. Qui sait même si pour notre
amitié il n'est pas préférable que tu débutes sur un autre théâtre
que l'Opéra ? Tu ne te doutes pas encore de ce que c'est que d'être
rivales ! Ah ! grand Dieu , la tête et le cœur d'une sainte n'y ré-
sisteraient pas. Au lieu de cela, nous allons être camarades,
excellentes camarades. Si nous ne causons plus ensemble , nous
nous écrirons souvent , toutes les semaines , tous les jours ,
si nous le voulons. Dès ce moment, tu n'es plus ma fille, tu es
ma camarade, entends-tu bien? Et en cette qualité, je te dirai une
foule de choses que, nous autres femmes, nous avons besoin de
dire à quelqu'un dans le monda , et que je n'ai pas dû te confier
jusqu'à présent. Tu seras ma confidente, ma seule confidente,
à charge de revanche , n'est-ce pas ? Je te conterai tout ce qui
m'arrivera, bon ou mauvais, n'importe, et toi aussi tu m'ouvri-
ras ton cœur, sur lequel je veux toujours conserver mes droits.
Esther ne répondit que par un redoublement de sanglots et
de larmes. Elle se jeta dans les bras de son amie, en laissant
échapper des mots entrecoupés :
— Oui... oui... je vous aimerai toujours.... Je vous dirai tout.,
La cantatrice se leva, ouvrit son secrélaire et y prenant un
papier plié en quatre :
— Tiens, dit-elle à Esther, avant que tu cesses tout-à-fait
d'être ma fille, je veux encore te traiter comme une mère. Voilà
ta dot!... Regarde : c'est une inscription de cinquante mille
francs sur le grand-livre, que j'ai achetée en ton nom , il y a huit
jours. Tu t'étonnes peut-être que j'aie amassé tant d'argent 1...
Je n'ai pas eu grand'peine , je t'assure... C'est une aventure, un
hasard, que je te conterai peut-être dans quelque temps. En atten-
dant prends cela et garde-le en souvenir de moi. Quelque chose
qui t'arrive, tu seras au-dessus des événements. Embrasse-moi
bien , et ne pleurons plus.
Un mois après , jour pour jour , on lisait sur les affiches du
grand théâtre de Bordeaux :
FERNAND CORTEZ.
pour les débuts de Bin^ Esther Saunier.
La suite au prochain numéro. Paul Smith.
DE PARIS.
S5$
*.* On annonce comme prochaine la rentrée de M"" Wathan-
Treilhet.
*,* Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, au Théâtre-Italien,
Il Barbiere di Siviylia.
",* Liszt est arrivé à niadrid , où son nom seul a mis en émoi tout
le public ililellanle.
•.* Après une .ibsence de deux mois ,! le célèbre pianiste Antoine
de Koniski est de relour à Paris. Chemin faisant, il a donné à Metz
deux concerts, dont le second était au profit des pauvres. Commç
virtuose et comme compositeur, il a oblenu un immense succès.
V Valgalier, l'un de nos meilleurs ténors, vient de signer un
engagement avec le théàlre de la Scala à Milan.
*,* Lafage, baryton, récemment sorti du Conservatoire de Paris,
obtient beaucoup de succès à La Haye.
",* Une pensée de bienfaisance , conçue par M"= Dupont, l'ex-sou-
brette de la Comédie-Française, a produit une fête dramatique et
musicale qui avait attiré l'avant-dernier dimanche une foule bril-
lante à Morsang-sur-Seine. Parmi les artistes qui se sont dévoués
comme toujours, on comptaitM"'Rachel, M""^Damoreau, M"= Jenny
Vertpré, M. Arlôt. I,a recette a dépassé les espérances, et le village
peut désormais regarder comme assurée la fondation de son école.
*,* Le théâtre de Toulouse vient de fermer. Encore une catastro-
phe à inscrire sur le bilan théâtral de la pro\ince.
\* Mercredi prochain , 23 octobre, pour l'inauguration de l'église
de saint Vincent-de-Paul , une messe de M. Doche sera exécutée
à neuf heures et demie.
*.* M. Ferd. Hiller a composé un opéra nouveau , intitulé : le
Meunier et son écuijer, qui vient d'être représenté à Berlin et à Dresde.
"," Sur une invitation qui lui a été faite par le duc Masimilien de
Bavière , M. Schad se rend à Munich , où il compte donner plusieurs
soirées. M. Schad, pianiste habile, a depuis longtemps fait ses
preuves dans les concerts de Paris.
♦/ La veuve de M. Sarachaga , qui a été tué en duel il y a envi-
ron un aa, s'est remariée en secondes noces à M. Sinico ,^ ancien
premier ténor à Madrid , qui vient d'être engagé pour la Scala.
*,' Le monument que la ville de Francfort a fait ériger à Goethe
sera inauguré le 22 octobre. Les membres du comité , les étrangers
invités , et une partie des notables de la ville , se rendront en cor-
tège auprès du monument. Les membres du Liederkranz, de la
Liederiajel , de la réunion de Saclisenhaiisen , etc., ouvriront la
marche. La solennité commencera par des choeurs , exécutes ,par les
réunions de chant; puis on prononcera un discours; puis encore
des chants et de la musique. A cinq heures du soir, il y aura un
grand banquet dans la salle de la Bourse ; à neuf heures , le monu-
ment sera illuminé, ainsi que la maison où Goethe est né.
V Sous le titre : le Juif errant et la Heine Pomaré , il vient de
paraître deux grandes valses brillantes pour le piano, composées par
Lanner, et qui sont destinées à un grand succès populaire. Ces valses
font briller le pianiste dans le salon, et se valsent admirablement.
V A peinel'hiverarrive-t-il que déjà on ne parle que polka etma-
zurek ; jamais la danse n'a eu plus de vogue à Paris, Tandis que,
l'année dernière, .M. Célarius, maître très médiocre, et dont la
danse est sans grâce , avait obtenu un succès d'argent en introdui-
sant une mauvaise polka, qu'un Bohémien lui avait enseignée, on
ne veut plus cette année que de M. Laborde, qui a fait exprès un
voyage en Allemagne pour bien connaître toutes les figures de la
polka et de la mazurek. On dit des merveilles des quadrilles arrangés,
avec des pas de contredanses polka et mazurek , et inventés par
M. Laborde, l'heureux malire de danse à la mode maintenant, et
qui a laissé loin derrière lui Célarias et tous ses autres rivaux , en
elîet bien inférieurs.
%* Le nouveau quadrille du Juif errant et la valse composée sous
le même titre, par Jean Michaëli , seront mis en vente chejz tous les
marchands de musique, du 20 au 25 de ce mois. Ces deux publica-
tions paraîtront en même temps à 2 et à 4 mains; l'édition illustrée
du quadrille sera cotée 3 francs net.
- CBïB'OBSssjaae éta'aisiig^ère.
*." Bruxelles. — Le concert de M"" Sabatier et de Haumann , le
célèbre violoniste , a eu lieu hier dans la salle du grand concert.
*," JVieshade. — On vient de représenter ici : la Lune de miel,
opéra-comique en deux actes , d'après le libretto italien : Chi dura
vente, lequel est une imitation du français. La musique est de Luigi
Ricci; elle a été accueillie avec faveur.
*,* Brunswick. — 3Jaria Dolorès, opéra de M. L. Koebler, a été
représenté avec succès sur notre théâtre; plusieurs morceaux ont
été redemandés. .'Vprès le spectacle, l'auteur du texte, qui est
M. Schmetzer, le célèbre chanteur, a été rappelé sur la scène, où il
a paru en compagnie du compositeur , au milieu de grands applau-
dissements.
*,* Munich. — M. Pentenrieder , qui a écrit la partition de l'o-
péra : Utie 7iuit à Paluzzi , vient d'être nommé organiste de l'église
Saint-Louis.
*,* Dresde. — M. Max de Weberse trouve, comme on sait, à Lon-
dres, pour hâter la translation des restes de son illustre père : il a
trouvé partout l'accueil le plus affectueux. La mémoire de l'auteur
du FreiscInUz est en grande vénération en Angleterre : la chambre
qu'il habitait est encore dans l'état où elle se trouvait au moment
de sa mort : il n'a été permis à personne de l'occuper. Le clergé re-
nonce à toute rétribution- Weber mourut, comme on sait, subite-
meutla nuit, dans son lit. Sa fin a dû être calme et sans souffrance: le
masque en plâtre, moulé sur la figure du défunt, a une expression
remarquable de douceur et de sérénité.
*,' Cologne , 5 octobre. — L'association des chanteurs , composée
exclusivement d'hommes, qui s'est formée l'année dernière, va faire
construire en celte ville, pour ses festivals, une salle qui aura six
mille pieds carrés de contenance. Les darnes de Cologne s'occupent
déjà à broder pour cette société un magnifique drapeau , qui servira
à la procession que ses membres feront le jour où aura lieu l'inau-
guration de l'immense salle.
",* Berlin , 5 octobre. — Avant-hier, il a été donné chez le roi , au
palais de Sans-Souci, un grand concert, dont le programme était
exclusivement composé d'ouvrages des vieux maîtres allemands:
tels que Fuchs, Hasse, Benda , Sébastien Bach, Kiruberger, Nau-
mann. Ces morceaux ont été exécutés par la chapelle-musique du
roi, réunie aux plus habiles artistes du grand Opéra, sous la direc-
tion de M. Meyerbeer , qui , sur l'invitation de S. M., était arrivé la
veille de Dresde par le chemin de fer. Le Théâtre-Italien de cette
ville a été rouvert le premier de ce mois, et le Théâtre-Français le
sera après-demain. La nouvelle salle du grand Opéra doit toujours
être inaugurée le 7 décembre prochain , centième anniversaire du
jour où, sous le règne de Frédéric-le-Grand , on inaugura l'ancienne
salle.
*,* Copenhague, ii septembre. — La Vestale, de Spontini, qui a été
représentée pour la première fois ici à l'occasion de l'anniversaire
de la naissance du roi , a obtenu un succès d'enthousiasme. S. M. a
conféré à l'auteur de cette célèbre partition la croix de chevalier de
l'ordre de Daonehrog.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
ort^VMXASE J/J'.vDOICrTS A LBSAGE M-i PIANIiîTES.
Le ChiTogymnaete est un assemblage de neaf appa-
reils çjmnastiques desiinésà donner de l'eilcnsion i
la main et de Vécart aux doigts à au gmenter et à ègali-
ser leur force et à rendre le quatrième et le cinquième
indépendants do tous les autres. Le Chirogymnatte
aéteaussi approuvé et adopté par MM, Adam, Bertinit
ne Beriot, Cramer, llerz, Kalkbrcimcr, Listz, Moschelè$
, Pruamt. Sivon.Thalherg. Tulou, Zimmermann.elc,
Chaque Chirogymnaste est revêtu de la signature
de "inventeur et se vend place de la Bourse, n® 13,
iihuitappareilé, 50fr.,àneufapp.G0fr.,méthode,Zfr.
CYMNASTIQUE APPI-IQDEE * l-ÈTUDE DU PIAIMO, p.r MAIITIIÏ, » I».
L» 6tMniA»iTI(|UE DES DOIGTS, p«r H. BEnTiniI. PiJ« aet, 3 fr. »6 •.
Les expédiions sont faites contre remboursement. ÉcHro iraoeo.
Invcnlé pi>r C. nAHTIKI
Facluur do Piaooii,
DREVETE nu BOI
Pince lie la Doiirxv, iS.
Api.rou.é pur rio.tll»!
et njopfé dnnw Icn clawn^i
FIMES METAILIOUES POm ECRIRE LA MCSIOUE.
N° 13. Pour écrire la musique. Cette plume convient aussi aux
personnes qui n'écrivent pas l'anglaise. — N" iZ bis. Pour copier la
grosse musique telle que parties séparées, et écriie, en gros et en
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un marché, comparer cesinstrumenis avec ceux de toutautre facteur.
354 REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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N. 1. La Polonaise 2 50
2. La Française 2 60
3. 1 a Hongroise 2 50
Les trois réunies 6 »
— Les mêmes à quatre mains 7-50
— Op. 9:i. Pollta de Baden-Baden, variée S »
— 43' bagatelle sur la Dot d'Auvergne, avec accompagne-
ment de violon ou flûte, aij /ifriium 5 »
Quadrilles et Valses.
Am. ARTUS. Le Miracli des roses, qundT'iWe 4 50
FltAUDO. Les Palmiers, valses choisies de Strauss et
Iiabitzky, en 2 suites, chaque 4 50
— Les Mabiliennes , choix de valses de Iiabitzky et
Strauss, en 2 suites. Chaque 4 50
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puhliée par J. niIEISSONIVIER , 22 , rue Dauphine. — Éditeur de la méthode de piano de nENRI DERZ,
Pr. HUNTXN'. Op. 132. Les Cbanis d'Italie, six petites fantai-
sies sur des thèmes italiens , en 3 livraisons. Chaque. 6
— Op. 133. Les trois Bijoux, fantaisies sur des motifs ita-
liens. N. I. I.e Diadème, thème de Donizetti. . . . 6
2. L'Etincelle, thème de Mercadante . . . 6
3. La Féronnière, thème de Bellini. ... 6
A. de KONTSKV. Op. 79. Les Elégantes de Dieppe , valse
brillante 6
J. SCHAD. Souvenirs de Munich , valses brillantes. ... 5
— Etudes très faciles, composées expressément pour les
petites mains 9
H. HERZ. Op. 129 bis. Air montagnard , varié 6
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DU MÊME. Op. 176. Second trio facile et brillant ........ i5
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Op. 95. LA MÉLANCOLIE et L'ESPOIR, deux Nocturnes de salon .... 6
Op. 97. L'ANDALOUSE , troisième grande valse 6
Les deux précédentes valses du même auteur qui ont obtenu un si brillant succès, sont
' intitulées : la Favorite, op. 63 , et la Reine de CInjpr.e, op. %h. _ v;;"' f
Op. 102. N. 1. LA BOHÉIKEIENNE , grande Polka de salon 6
N. 2. LA VARSOVIENNE, Mazurka nationale 6
Pour paraître le 25 octobre.
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Op. 4?. Crande valse élégaute. ) ^ )
Op. 43. Gi-aiiiide -salsc sentimentale. \ MORCEAUX BRILLANTS \ Chaque. 6 »
Op. 44. Krande valse villageoise ) de salon. \
Op. 48. Citant national de Charles VI. . . U »
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GAZETTE MUSICALE
Rédigée par MM. ANDERS, G. BÉXÉDIT, BERLIOZ, HekUI BLAXCHARn, MaUiuCE BOURGES, F. DANJOU, DLESBERG , FÉTIS père, ÉobUABD FETIS,
STEPHES HELLER, J. JAMN, G. KASTNER , LISZT, J. JIEIFRED , GeobGE SAND, L. RELLSTAB, Paul SMITH, A. SPECHT, etc.
IL SERA JOINT A CHAQUE NUIUERO UN DESSIIV INEDIT DE GAVAKNI.
SOMMAIRE. La Création du monde , oratorio de Joseph Haydn ; par
MAUItlCE BOURGES. — Feuilleton.— Nouvelles. — Annonces.
CHANSON A BOIRE. Dessin de Gavarni.
miH. les Abonnés recevront avec le présent nnméro :
lie Chenûn de fer , Paris , Rouen , Orléans , 3 Polkas
nouveUes par liabîtzky (OEuvre 101).
LA CRÉATION DU MONDE,
OKATORIO DE JOSEPH HAYDN.
A la veille d'une solennité aussi imposante que celle dont
l'Académie royale de musique doit être le théâtKc', vendredi
prochain, il ne sera pas sans intérêt pour nos lecteurs de re-
cueillir ici quelques documents historiques relatifs au plus
célèbre des ouvrages de Joseph Haydn. En Allemagne, la
Création est comptée parmi les œuvres classiques du premier
ordre ; sa popularité est immense. Aucun oratorio , sans en
excepter le Messie de Haëndel , n'y a été entendu plus souvent
ni avec plus de succès. En France , au contraire , la Création
n'est généralement bien connue que de nom. Une fatalité
singulière semble s'être opposée jusqu'ici à l'exécution en-.
tière de cette vaste composition. Quelques fragments isolés ,
si bien dits qu'ils fussent ou des réductions au piano, n'ont
jamais donné qu'une idée incomplète de l'ensemble.
Aussi le comité de l'association des artistes-musiciens ne
pouvait rien imaginer qui fût plus digne de l'esprit de son
institution que de rendre un éclatant hommage au génie d'un
maître illustre, en faisant entendre une de ses plus riches
productions avec un luxe de moyens extraordinaires. 11 était
temps que Paris payât ce tribut à la mémoire d'Haydn. Voici
plus de quarante-six ans que la Création est écrite, et la
France n'a essayé qu'une seule fois d'exécuter dignement et
dans sa totalité un ouvrage accueilli avec tant de faveur dans
le reste de l'Europe.
Ce fut en l'an IX de la république une et indivisible , au
plus pur de la gloire de Napoléon Bonaparte. La France , à
peine remise des plus affreuses convulsions , toute palpitante
des crises désordonnées de l'anarcbie , se tournait avec espé-
rance vers son héros encore sans tache. Les flatteurs , déjà
nombreux , du premier consul, cherchaient |à exploiter, au
profit de son ambition secrète , l'enthousiasme et l'amour
qu'il inspirait. L'occasion d'une manifestation publique ne
se fit pas attendre. Le pianiste , Daniel Steibelt , habile à
pressentir' les circonstances favorables à ses intérêts, proposa
l'exécution de l'oratorio , qui , depuis deux ans , remuait
l'Allemagne : c'était une bonne fortune pour les courtisans.
Au moment où une main puissante travaillait à réorganiser
l'ordre social en France, l'allusion parut aussi ingénieuse que
politique. Le citoyen Ségur jeune fut donc chargé de traduire
le texte allemand , tandis que l'auteur du Combat naval pour
le piano , Steibelt , se réservait la tâche d'adapter les vers du
parodiste à la musique originale : besogne d'écolier qu'il eut
le triste courage de se faire payer trois mille six cents livres !
L'administration du théâtre de la République et des Arts
(aujourd'hui l'Opéra) mit tout en œuvre pour donner à
Portefeuille de deux Cantalrices ^^^
Du moment qu'Esther Saunier fut à Bordeaux, une correspon-
dance très régulière et très active s'établit entre elle et sa mar-
raine. Toutes ces lettres sont en notre possession : nous en lais-
sons de côté plusieurs , qui nous paraissent trop insignifiantes,
pour arriver à celle où la jeune fille rend compte de son début,
ESTIIEa SAUNIER A CLOTILDE B* * *.
Bordeaux, 15 mai.
MA CHÈRE MARRAINE !
J'ai débuté , j'ai réussi : vous l'avez deviné, n'est-ce pas ? rien
(I) Voiries numéros 40, 41 et 42.
qu'en voyant mon écriture. Où aurais-je trouvé la force de vous
apprendre que j'étais tombée , puisque j'ai à peine celle de vous
faire part de mon succès ? Hier soir, en rentrant du théâtre, j'ai
voulu prendre la plume; je m'étais bien promis de ne pas me
coucher sans avoir tracé quelques lignes pour vous : impossible !
ma main tremblait, mes yeux élaient éblouis : je ne voyais rien.
Dans ma lèle c'élait comme un bourdonnement lerrible : mon
rôle me revenait d'un bout à l'autre , et pendant toute la nuit je
n'ai cessé de le chanter malgré moi ! Jlais je ne vous apprends
rien de nouveau : vous avez sans doute éprouvé toutes ces choses,
et il faut espérer qu'on ne les éprouve qu'une fois, car il me
semble qu'on devrait en mourir ! Ce serait une belle mort, mais
BUREAUX D'ABOHrNEMEKTT, RUE RICMEI.IEU, 97.
S56
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cette soicnnilé une magnificence inaccoutumée. Réclames at-
trayantes, affiches variées, lelties adressées ingénument au
public par le directeur de Vismes et le citoyen Ségur, rien
nefut épargné. Dans les journaux, dans le monde, il n'était
bruit que des prodiges de l'oratorio. On racontait que chaque
répétition générale se terminait au milieu dos trépignements
et des vivat. La curiosité était au comble : aussi , quoiqu'on
«ût doublé le prix des places à cause du chiffie élevé des frais,
il ne restait plus une loge vacante quinze jours avant la pre-
mière représentation. Depuis celle du Iflariarjc de Figaro,
on n'avait pas vu d'empressement semblable. L'administra-
tion dut céder aux instantes sollicitations desdilettanti. Cent
trente sièges, placés sur le théâtre oii l'orchestre était disposé,
furent loués tout de suite au prix énorme de vingt-quatre
francs chacun.
Enfin le tridi de la première décade de nivôse (le mercredi,
24 décembre 1800) amena cette fête tant désirée. Dès neuf
heures du matin les avenues de l'Opéra étaient encombrées
d'une foule immense qui n'entra cependant qu'à six heures
du soir. Il faut renoncer à décrire la brillante physionomie de
cette sMe illuminée par extraordinaire , de cette foule étin-
celante , de ces loges radieuses de luxe et d'élégance. Aucune
assemblée publique , dit le Journal de Paris, n'avait encore
offert aux yeux un spectacle aussi étonnant. Et qui ne le
croirait sans peine en se représentant les modes du consulat
aux grands jours de cérémonie, le frac noir et dégagé, la
culotte collante, le chapeau à trois cornes, les coiffures à la
Cërès , les réseaux à la circassienne , les robes à la turque
semées d'une pluie de jais , les aigrettes de pierreries, les
croissants d'argent et d'or, les esjn'its plantés sur le sommet
des toques, le tout entremêlé de costumes et d'insignes mi-
litaires variés à l'infini? C'était un tableau tout fait pour David
ou Gérard.
Une seconde suffit pour bouleverser l'aspect de cette réu-
nion éblouissante. L'introduction venait à peine de commen-
cer, lorsque le bruit d'une explosion lointaine ébranle la salle
subitement. On se trouble , on s'agite ; l'anxiété est peinte sur
tous les visages. Bientôt une effrayante nouvelle circule avec
rapidité. On parle de machine infernale, d'attentat à la vie
du premier consul. ïout-à-coup un tonnerre d'applaudisse-
ments et d'acclamations éclate dans le théâtre. Bonaparte, le
front calme et souriant, vient de paraître dans sa loge avec sa
famille. Dès lors l'attention n'est plus à l'oratorio. La fièvre
des passions politiques absorbe l'auditoire. En vain , les deux
cent cinquante musiciens accomplissent leur lâche avec con-
science; en vain Y Ange Gabriel essaie de réveiller l'intérêt
par la gracieuse entremise de M"' Barbicr-Yf'albonne, son
interprète. Le public n'entend rien , ni C héron, qui fait vi-
brer pour le compte de Raphaël et à' Adam les restes de son
puissant organe, ni GflraZ , l'incomparable Garai, réputé le
dieu du chant et du bon ton. Quoique le premier consul af-
fectât une contenance tranquille jusqu'à la chute du rideau ,
l'inquiétude générale, qui se communiqua aux artistes, obligea
à précipiter l'exécution , à abrégei- luême la troisième
partie.
Qu'on juge après cela si le génie calme et pur de cette
musique avait pu être compris dans de pareilles conditions.
Quel empire restait-il aux illusions de l'art en face d'une
réalité menaçante? Malheureux! s'écriait le feuilleton des
Débats , nous courions à la création du monde , et la France
allait être replongée dans le chaos ! Le moyen , en effet , de
goûter les hymnes angéliques , quand tous les cœurs battaient
à la pensée du terrible drame de la rue Saint-Nicaise?
Peut-être l'Oratorio, qu'on n'avait ni entendu ni jugé, se
fût-il relevé à la seconde audition , annoncée pour le 1 2 nivôse ,
si le premier Consul lui eût donné le moindre encouragement.
Mais Bonaparte , meilleur connaisseur en stratégie qu'en
musique, n'aimait que le style italien ; la Création , d'ail-
leurs, lui rappelait une date funeste. Cette fâcheuse coïnci-
dence aida à consommer l'injustice , dont la presse et l'opi-
nion furent les complices aveugles. Plus intelligent et moins
prévenu , Garât parvint, à force de talent, à faire comprendre
au public , dans les concerts de la rue de Cléry , le bel air de
la Création de l'homme. Quant au reste, l'heure du Fsai
lux n'était pas encore venue.
Les parodies d'ailleurs n'épargnèrent pas l'ouvrage , et
servirent de sourdes jalousies , suscitées par l'immense valeur
de l'œuvre d'Haydn. La moins grossière de ces parodies ,
donnée h l'Opéra-Comique national, sous ce titre, le Premier
homme du monde ou la Création du sommeil, dut son succès
non pas une mort douce !
Enfin , ma chère marraine, la voilà donc passée cette grande
épreuve, devant laquelle je frissonnais depuis un mois. Non, je
ne saurais vous dire tout ce que j'ai éprouvé depuis que ce parti
décisif a été pris par votre conseil. A compter de ce moment, j'ai
vécu sous le poids d'un perpétuel cauchemar. Je vous ai déjà dit
tous les soins que le l)on Sazerac m'a prodigués pendant le
voyage, toutes les peines qu'il s'est données pour me faire trouver
la ville de Bordeaux charmante, pour m'y procurer un logement
commode et agréable , pour m'amuser , pour me distraire, en un
mot, pour adoucir autant que possible mon chagrin de n'être
plus chez vous et avec vous , dans votre délicieuse maison de la
rue St. -Lazare. Je ne suis pas une ingrate, il s'en faut bien ; je lui
sais un gré infini de tout ce qu'il a fait, mais je vous avouerai fran-
chement qu'il s'est donné un mal inutile. Il aurait fait plus, ilaurait
fait moins , c'eût été absolument la même chose. Je ne pouvais
jouir de rien , être heureuse ni flattée de rien : je n'avais qu'une
idée fixe , qui me rendait insensible à tout , mon début, à cha-
que minute, à chaque seconde, mon début, toujours mon début !
Je me faisais l'elTet d'un condamné à mort , qui pense continuel-
lement au jour où on l'exécutera. Quand j'allais au théâtre, dont,
vous savez, l'aspect est si magnifique, quand j'allais à ces pro-
menades , oii toute la ville se porte, quand j'y voyais des gens
aller, venir, avec l'air libre et dégagé , les yeux brillants, le sou-
rire sur les lèvres , je leur portais envie et me disais tout bas :
sont-ils heureux! Ils ne doivent pas débuter! Mes terreurs,
mes angoisses étaient si fortes qu'une heure encore avant de
paraître, malgré tout l'intérêt que m'inspire ce bon Sazerac,
malgré la reconnaissance que je lui dois et la désolation que me
causerait sa ruine , si l'on était venu me dire que le théâtre avait
croulé, qu'il était en flammes , mon premier mouvement eût été
de me réjouir, sauf ensuite à faire pénitence et à me plonger dans
les remords.
Aujourd'hui , comme tout a changé ! Je commence à respirer,
j'existe. Ah ! chère marraine, que d'actions de grâce je vous rends
au fond du cœur pour la violence que vous m'avez faite ! Sans
vous, que serais-je, grand Dieu ! De quel abîme ne m'avez-vous
pas tirée pour m'élever au sort le plus brillant ! Oh ! oui, c'est
un beau sort qued'être applaudie par toute une salle, que de re-
cevoir des compliments , des lettres , des vers (j'en ai déjà reçu
ce matin, lecroiriez-vous?); que devoir, à n'en pas douter, qu'on
a eu du plaisir à vous entendre et par conséquent d'être obligée
de croire qu'on a un peu de talent ! Vous m'aviez prédit que
j'en aurais, chère marraine, mais je me défiais de votre amitié:
j'avais besoin d'une preuve plus convaincante, vous me pardon-
nerez de vous dire cela , et le publicde Bordeaux me l'a donnée.
Que je l'aime donc, ce public ! Que je le trouve bon et gracieux!...
Ici j'ai été obligée d'interrompre ma lettre: on ne cesse de me
demander : j'avais dit à ma femme de chambre de ne recevoir
personne , mais mon directeur n'était pas compris dans la con-
DE PARIS.
357
à quelques traits de circonstance , tels que celui-ci dirigé
contre Garât :
Je donne des airs aux liaLils ,
El lous les airs je les habille.
Et le couplet suivant, dont l'allusion transparente fut ac-
cueillie avec transport :
Au sein des plus affreux Tiasards,
Pour nous toujours le ciel conserve
Le liéros, favori de Mars ,
Et digne élève de Minerve.
Le peuple, enivré des succès
Sur lesquels son bonheur se fonde ,
Dans celui qui promet la paix
Voit \e premier homme du monde.
Cependant la plupart des artistes et quelques amateurs
éclairés surent apprécier la portée de l'œuvre incomprise ; le
Jugement dernier ou Haydn vengé , petite pièce spirituelle ,
jouée au théâtre des Troubadours , flagella l'ignorance ou les
arrière-pensées des détracteurs. A la dernière répétition, les
exécutants de l'orchestre de l'Opéra , animés du plus vif en-
thousiasme , décernèrent à l'auteur de la Création , sur la
proposition de Frédéric Rousseau, violoncelle, une: mé-
daille d'honneur en or , qui fut gravée depuis par Gatteaux et
envoyée avec une lettre de félicitation. On trouve dans le
cinquante-deuxième numéro de la Gazette de Leipzig , à la
date du 23 septembre 1801 , la réponse touchante et modeste
d'Haydn , qui la terminait ainsi : « Vous avez payé en un
«jour, messieurs , des travaux de soixante années; vous avez
» couronné mes cheveux blancs et semé de fleurs le bord de
» ma tombe. Mon cœur ne peut exprimertout ce qu'il éprouve
1) et vous peindre sa profonde reconnaissance. »
Haydn, que les témoignages d'admiration et les dignités
honorifiques vinrent de toutes parts récompenser , au terme
de sa carrière , comptait alors soixante-neuf ans. Vers 179i,
le prince Esterhazy , ce fier magnat de Hongrie, dont il fut
longtemps le musicien , presque le serviteur, et qui le nom-
mait familièrement son Maure , lui avait enfin accordé sa
retraite. Propriétaire d'une petite maison et d'un jardin , dans
le faubourg de Gumpendorf, à Vienne, sur la roule de
Schœnbrunn, Haydn y consacra deux années h composer son
jmmortelle Création. ]1 l'entreprit vers la fin de 1795, et
la termina au commencement de 1798. A ceux qui le ques-
tionnaient sur la lenteur de son travail, il répondait : J'y mets
beaucoup de temps, parce que je veux qu'il dure beaucoup.
Haydn n"a pas trop présumé de son œuvre.
Depuis la première audition , qui eut lieu durant le carême
de 1798 , avec un immense succès, au palais du prince de
Schwarlzemberg et aux frais de la Société des amateurs, dont
faisaient aussi partie les princes Lichtenstein, Lichnowsky, les
comtes Harrach , d'Appony , et toute l'aristocratie viennoise ,
la renommée de la Création n'a fait que grandir. Les villes
importantes d'Allemagne l'exécutèrent comme à l'envi.
Londres, Berlin, Saint-Pétersbourg, Stockolm, Edimbourg,
Moscou , s'empressèrent de les imiter ; l'Italie et même
l'Espagne ne tardèrent pas à suivre cet exemple.
Certes dans le concours de ces manifestations spontanées ,
qui éclatent sur tous les points de l'Europe , il y a le signe
évident de l'empire du génie. Sans doute une saine critique
pourra' relever dans ce bel ouvrage certaines erreurs de
goiit. Haydn dut subir l'influence de son siècle. L'imitation
de la nature dans les arts était alors une sorte de manie.
L'ami et le coUaboraleur d'Haydn, le baron Van Swieten,
bibliothécaire de l'empereur , littérateur et musicien médio-
cre , mais partisan enthousiaste de la musique descriptive ,
reconnaissant à cet art une puissance de signification sans
Umite, se passionna pour l'idée d'une cantate sur la création
du monde , idée qu'Haydn avait empruntée à Lidley , pen-
dant son séjour en Angleterre. Sous l'influence de cet en-
gouement , il conçut et écrivit ce petit lihretlo divisé en trois
parties ; canevas assez difforme , que le musicien revêtit des
plus vives couleurs. Les récitatifs, destinés à lier entre eux
des airs , des duos, des trios et des chœurs, sont extraits
textuellement des versets du premier chapitre de la Genèse.
Trois anges, Gabriel (soprano), Uriel (ténor), Raphaël
( basse) , expliquent tour à tour les merveilles de la Création ,
que célèbrent ensuite les phalanges célestes. Dans les deux
premières parties, le baron Van Swieten a trouvé moyen de
passer en revue tous les phénomènes du monde physique,
susceptibles d'imitation matérielle ; il a mis à contribution
les quatre éléments ; aussi rencontrez-vous dans la partition
signe. Il m'avait reconduite hier : il a voulu savoir aujourd'hui
comment je me portais, c'est bien naturel. Il a voulu me répéter
tout ce qu'on lui a dit de flatteur pour moi; je vous en fais
grâce. D'ailleurs, il va, dit-il, vous écrire lui-même. Il est aux
anges : il rêve la fortune pour lui et pour moi. La fortune ! est-ce
que je ne suis pas déjà riche , trop riche même ! Dix mille francs
à moi , qui ai vécu si longtemps avec moins de cent écus ! c'est
à vous , chère marraine , que je demanderai ce qu'on peut faire
de tant d'argent. Je ne parle pas de celui que je tiens de vous :
celui-là je n'y toucherai jamais : je suivrai votre exemple , j'en
placerai les intérêts , comme vous avez placé le capital. Ah ! si je
pouvais rendre un jour à une pauvre fille le bienfait que je vous
dois 1 Si je pouvais aussi me montrer grande et généreuse ! Alors,
seulement alors j'aurais prouvé que j'étais digne d'être aimée et
sauvée par la meilleure et la plus aimable des femmes.
Dans votre dernière lettre , vous me reprochez de n'être pas
complètement franche et de ne vous avoir rien dit encore des
déclarations que j'ai dû recevoir. J'en conviens, je ne vous ai
pas tout dit parce qu'il y a des choses que j'aurais voulu ne pas
savoir moi-même. Quel singulier monde que le théâtre, et quels
étranges propos on y entend! Quant aux déclarations, i\ paraît
que c'est la monnaie courante : on en reçoit de tous ceux qui
vous parlent et qui probablement ne s'en soucient guères plus
que vous. Mais les plus amoureux ne sont pas ceux qui parlent
tout haut de leur amour. Il y a longtemps que je sais cela , et.
si je ne me trompe, il y a quelqu'un près de moi, que je
vois tous les jours, et qui m'aime sérieusement, quoiqu'il n'en
dise mot. Ai-je besoin de vous le nommer? C'est Sazerac, mon
directeur, et savez-vous à quoi je m'en suis aperçue? à la ma-
nière dont il regarde, et dont il traite ceux qui font mine de
quelque penchant pour moi, qui me persécutent de leurs assi-
duités , de leurs galanteries. Le brave homme souffre mort et
passion : cela est clair comme le jour. Il saisit tous les prétextes
de me parler à l'oreille, de m'emmener dans un coin, pour me
délivrer de mon entourage. Le père le plus scrupuleux n'envi-
ronnerait pas sa fille d'une surveillance aussi sévère. Et pouriant
il y a un homme que j'avais renvoyé d'abord et que Sazerac m'a
ordonné de bien accueillir, avec lequel il veut que je garde tous
les ménagements possibles, au point même de le tromper, s'il y
a moyen, et de lui faire espérer ce que très certainement il n'aura
jamais. C'est malgré moi que je tourne à l'hypocrisie, mais
Sazerac prétend que c'est indispensable. Je vais vous mettre au
fait : vous me direz s'il a tort ou raison.
Pendant la première quinzaine de mon séjour à Bordeaux ,
Sazerac me tint à peu près sous lesverroux. J'apprenais mes rôles,
je les chantais devant lui, et le soir seulement je sortais, pour
prendre l'air, toujours avec lui. A tons ceux qui lui demandaient
s'il avait trouvé une cantatrice , il répondait qu'elle était en route
et qu'il l'atlcndait incessamment. Loisqu'cnlin les répétitions
au théâtre commencèrent et qu'il ne fut plus possible de me ca-
358
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
d'Haydn l'air des Ruisseaux, l'air des Végétaux, l'air des
Oiseaux, l'air des Animaux; mais tout cela enrichi d'une
musique si suave de mélodie , si pleine d'harmonie, si grande
d'effets avec les moyens les plus simples , si vraie malgré
quelques abus d'expression, que l'auditeur charmé oublie
absolument les pièges dangereux tendus au compositeur par
le zèle inconsidéré du poëte.
Rien d'ailleurs ne prouve mieux les ressources du génie
d'Haydn, que l'art avec lequel il dissimule les écueils du
genre descriplif. Les morceaux cités plus haut , celui surtout
de la création de l'homme , sont doués d'une grande puis-
sance pittoresque. Le chœur, qui termine la première partie,
restera toujours un des plus beaux exemples possibles de gra-
dation d'effet. Il est assurément inutile de mentionner ici le
célèbre épanouissement d'orchestre qui accompagne les mots
et la lumière fut. Celle explosion soudaine a d'autant plus
d'éclat, que dans la peinture du Chaos, ou, pour mieux dire,
du Néant , qui la précède, la sonorité est ingénieusement
ménagée au moyen des sourdines , du Sotto voce et du ton
mineur. Ces teintes crépusculaires préparent, on ne peut
mieux, l'éblouissanle apparition du jour. Partout cet admi-
rable passage a produit une élonnanle sensation.
Les impressions que fait naître la troisième partie ont plus
de douceur. Adam et Eve admirent et célèbrent les œuvres
de Dieu. Haydn , à qui la vie conjugale avec la revêche Anne
Keller n'avait pas dû laisser des souvenirs bien tendres, a su
prêter cependant au premier couple matrimonial des accents
d'une suavité infinie. La grâce innocente de son Eve ne put
échapper en France aux traits malins des parodistes. L'un
d'eux faisait dire à l'ange :
Je ne sais pas tout ce qu'elle fera ,
Mais je sais qu'elle parlera.
Il y a loin de ces deux vers à ceux que AVieland et Collin
adressèrent à Haydn dans leur enthousiasme. Pendant une
période de quinze années au moins, les journaux allemands
offrent une foule de stances , de quatrains rimes à la plus
grande gloire de la Création. Le titre de cette pariitionse
retrouve dans presque tous les numéros pour en menlionner
les triomphes.
Carpani dans ses Haydinc , Framery, Lebretou , Gerber ,
Griesinger , Fétis et tous les biographes possibles ont rendu
populaires les récits de ces nombreuses solennités. La plus
touchante , sans contredit , fut la dernière exécution de la
Création h laquelle ait assisté Haydn , peu de temps avant sa
mort. Chargé d'ans et de gloire , voyant se presser autour de
son fauteuil Salieri, Beethoven, Hummel, Girowetz, la
princesse Esterhazy, les princes Lobkowitz , Trantmansdorff,
et tout ce que "Vienne contenait de plus noble et de plus
illustre , le vénérable patriarche écouta avec les signes d'une
émotion profonde une partie de son œuvre. Des larmes ,
quelques mots entrecoupés, un dernier sourire ineffable, ce
fut tout ce que la faiblesse de l'âge put permettre au vieillard
accablé de bonheur. Au moment de quitter la salle , où
venait de se passer cette scène attendrissante, Haydn étendit
les bras vers l'orchestre et sur l'assemblée , comme pour les
bénir; c'était un adieu suprême. Le 31 mai, le grand musicien
avait cessé d'exister.
Mais sa pensée devait lui survivre. Son ouvrage de prédi-
lection acquérait chaque jour une plus vaste popularité. Pour
en faire apprécier plus aisément la valeur expressive , le texte
allemand de la Création avait été traduit en différentes
langues. La version la plus ancienne est anglaise. A celle de
Cerotti en italien succéda la traduction de Carpani, bien su-
périeure sous tous les rapports. La France en publia coup
sur coup trois , celles de Desriaux , de Ségur, de Porro. La
seconde est assurément la plus fidèle et la mieux adaptée à la
musique , quoiqu'elle ait exigé quelques altérationsjhyth-
miques dans le récitatif. L'auteur , qui jie manquait pas
de prétentions littéraires, s'excusa, dans une humble pré-
face , d'avoir employé des vers de neuf et de onze syllabes.
Sans doute il n'avait pas en mémoire les exemples de Quinault,
de La Mothe , de Voltaire et de presque tous ceux qui ont
écrit pour la scène lyrique.
Malgré ses défiances , sa traduction est demeurée la meil-
leure ; c'est elle qui doit servir à l'exécution annoncée pour
vendredi prochain à l'Opéra.
La splendeur de cette brillante soirée , véritable fête pour
l'art et les artistes , surpassera tout ce qu'on a voulu tenter
en ce genre. Jamais en Europe , ou plutôt dans le monde ,
cher, plusieurs personnes demandèrent à m'ètre présenlées;
Sazerac m'annonça leur visite, en me disant que c'étaient des
abonnés, qu'il fallait recevoir avec tous les égards, auxquels
leur donnait droit l'inllueuce qu'ils exerçaient dans la ville. Deux
jours avant le grand jour, il m'en vint un, dont au premier
abord les manières me déplurent souverainement. 11 me salua
d'un air cavalier, me regarda des pieds à la tête , et prenant
ime de mes mains, qu'il porta sans façon à ses lèvres .- « Je n'ai
n pas encore l'honneur d'être connu de vous , mademoiselle ;
» mais mon intention est de réparer le temps perdu. Sachez
» donc que depuis cinq ou six ans j'ai l'habitude d'être l'amant
« de la première chanteuse du théâtre; sans trop d'amour pro-
)) pre vous devez concevoir que je liens plus que jamais à garder
» ma position. «
Vous figurez- vous, chère marraine, la stupeur dont me
frappa ce singulier compliment ? Je balbutiai quelques mois ,
dont le sens était que je prenais un tel propos pour une mau-
vaise plaisanterie. « Point du tout, se hâta de répondre l'auda-
» cieux personnage; c'est très sérieusement que je parle! Per-
» mis à vous d'aller aux renseignements : vous verrez que je n'ai
» rien dit que de fort exact sur mes relations avec vos devan-
0 ciêres. — Puisque vous l'assurez, monsieur, je n'ai nulle en-
1) vie d'en douter, mais à mon tour je vous prierai de croire que
» je ne suis en aucune façon disposée à les continuer. — Allons,
» ne faites pas l'enfant : soyez toute à moi, je serai tout à vous.
,) — Monsieur, encore une fois.... — Prenez garderie traité
» que je vous offre n'a pour vous que des avantages. Je ne suis
» pas mal , j'ai des amis; je puis faire metire dans les journaux
» tout ce que je voudrai. — Ah ! monsieur , c'en est trop ,
)) si vous croyez m'intimider par des menaces!... — Je ne
» menace pas, je cause, je vous éclaire sur vos intérêts. Voulez-
» vous la paix? voulez-vous la guerre? — Monsieur, sortez à
» l'instant de chez moi. — C'est donc la guerre ? à la bonne
1) heure , mais vous vous souviendrez que c'est vous qui m'y
)) avez réduit. Vous débutez après demain : eh bien ! vous pou-
» vez compter sur la plus belle chute!... On dit que vous venez
» de Paris : je me chargerai , si vous voulez, de retenir voire
» place à la diligence. »
Li'i-dessus , il sortit, en me lançant un coup d'œil où brillaient
le dédain , la colère. De mon côté , j'étais si exaspérée que s'il
fut resté uu moment de plus, je me serais, je crois, jetée sur
lui comme une lionne furieuse. Il me fallut plus d'une heure
pour me remettre de l'indignation qui m'avait bouleversée. Je
commençais à me calmer un peu , lorsque je vis entrer Sazerac
tout effaré, tout pâle : « Qu'avez-vous fait, malheureuse en-
» faut? s'écria-t-il, qu'avez-vous fait ? Vous avez donc juré voire
» perte et la mienne? Vous voulez donc que j'aille me jeter
>i dans la Garonne? — Expliquez-vous, lui dis-je, je ne sais de
« quoi je suis coupable. — De quoi? de quoi?... Mais vous venez
» de vous faire un ennemi mortel de l'homme le plus dangereux,
DE PARIS.
359
la Création n'a été interprétée que par deux cents ou trois
cents exécutants au plus. Tout en allant bien au-delà de ce
chiffre , le comité de l'association des artistes-musiciens , qui
peut tirer de son sein toutes les ressources nécessaires , a dû
borner à cinq cents le nombre des chanteurs et instrumen-
tistes, et cela dans l'intérêt de l'effet, du fini de l'exécution ,
incompatible avec de trop grandes masses. Ces légions d'élite
seront dirigées par un chef, dont le nom seul est un éloge.
II manquait à la carrière , si richement remplie de M. Habe-
neck , qui a tant fait en France pour répandre Mozart et
Beethoven, la gloire d'avoir élevé une sorte de monument
mémorable au génie de leur devancier. Dans les belles séances
de la Société des concerts , M. Habenecka peu à peu habitué
le public à goûter et à entendre avec un vif plaisir certaines
pages de la Création. C'est maintenant l'œuvre complète qu'il
va livrer h l'admiration de tous. Mais , il faut le dire, M. Ha-
beneck a trouvé une puissante assistance dans le concours
de l'association des artistes-musiciens dont il est membre.
Rendons ici justice au zèle infatigable du Comité , à la haute
intelligence de son généreux président , M. le baron Taylor,
enfin au noble désintéressement des artistes. Tous se sont
rendus à l'appel , parce que tous comprennent l'importance
d'une institution qui se pose si haut dès sa première mani-
festation publique. Musiciens d'orchestre, choristes, pre-
miers sujets, rivalisent de dévouement à la cause commune.
La soirée du premier novembre prochain fera certainement
époque dans l'histoire de l'art en France. La richesse inusitée
des moyens d'exécution et la réputation des chanteurs sont
de nature à exciter au plus haut degré la curiosité publique.
Une inspection judicieuse des solos renfermés dans la par-
tition d'Haydn , ayant fait comprendre au comité que diffé-
rents morceaux destinés à un genre de voix, au ténor par
exemple, n'étaient pas cependant également favorables au
talent du même virtuose , parce que l'un des airs occupe ex-
clusivement la région grave, et l'autre la région aiguë, on a
eu l'heureuse pensée de les répartir entre plusieurs artistes,
de manière à obtenir une piquante vaiiétc et une réunion de
chanteurs qu'on ne rencontre jamais simultanément. C'est
ainsi qu'avec une fraternité au-dessus de tout éloge , et qui
révèle les progrès du véritable esprit de l'art , M°" Damoreau,
Dorus-Gras et Dobrée se sont partagé les diverses parties des
rôles de Gabriel et à' Eve. MM. Levasseur, Barroilliet, Her-
mann-Léon se sont empressés d'accepter obligeamment les
mêmes dispositions pour les solos A' Adam et de Raphaël.
Enfin MM. Duprez et Roger ont consenti volontiers à inter-
préter tour à tour le beau rôle A'Uriel. Il est hors de doute
que la partie vocale de la Création n'aura jamais encore été
confiée à des artistes aussi habiles. Tout doit concourir à
rendre l'ouvrage d'Haydn avec une perfection aussi grande
que possible. L'accompagnement des récitatifs, tel qu'il a été
écrit par l'auteur dans la partition originale, sera restitué ,
et remplacera les modifications arbitraires introduites par
l'arrangeur Steibelt, en l'an IX.
Espérons que dans le concert du 1" novembre 1844 la
réhabilitation complète de ce chef-d'œuvre expiera l'erreur
des jugements précipités , prononcés sous l'influence des
passions dans la soirée du 24 décembre 1800. De cette date
funeste à l'art, ilfaut tout oublier, excepté une phrase libérale
tombée de la plume d'un feuilletoniste du temps , et que l'as-
sociation des artistes-musiciens peut adopter pour sa devise :
« La France est la patrie naturelle des grands artistes; ceux
» de tous les pays ne sont pas des étrangers pour nous. »
Maurice Bourges.
CHANSON A BOIRE,
lïessm de Gavarni.
Beaumarchais a dit de l'ivresse du peuple que c'était la
bonne. Je ne dis pas non , mais ce n'est pas la belle , en
admettant que jamais l'ivresse quelconque puisse être belle
ou bonne. Ce qu'il y a de certain , c'est que la chanson à
boire , chantée par l'homme qui a trop bu , n'est pas plus
une chanson que le cri d'un sauvage n'est la parole d'un
homme civilisé. J'ai grand'peur que la chanson ici présente ,
et telle que Gavarni l'a esquissée avec une effrayante vérité ,
ne soit plutôt de nature à dégoûter du jus de la treille qu'à
en inspirer la passion. A Sparte on enivrait les ilotes pour
donner des leçons de sobriété. Contraria contrariis.
» le plus redoutable et le plus redouté ! — Je viens de mettre à
« la porte un insolent, qui a osé me faire la proposition la plus
!> révoltante.... — Je ne dis pas non : je le connais et rien ne
» m'étonne de sa part, mais en pareil cas, chère petite, on use
» de finesse et d'adresse : on fait de la diplomatie. On promet
)) pour gagner du temps et sous réserve de ne jamais tenir. C'est
M l'a b c de la vie du théâtre : c'est le premier principe des di-
» recteurs et des actrices. Où en serions-nous si je ne m'étais
» mis en quatre pour réparer votre faute, oh ! mais, une faute
« capitale 1 J'ai repris notre homme eu sous-œuvre : je lui ai
» persuadé, ce qui est vrai, que vous étiez une novice, une in-
» génue facile à effaroucher, qu'il avait eu le tort de vous abor-
» der comme une femme qui aurait de l'expérience.... Enfin,
I) je lui ai promis que ce soir, dans les coulisses, vous lui glis-
» seriez quelques petits mots , qui l'engageraient a revenir sur
» votre compte et à décommander la cabale qu'il était déjà en
» train d'organiser. — Moi , que je m'humilie devant un tel
» homme ! mieux vaut cent fois être sifflée ! — Mais vous n'y
Il pensez pas, si l'on vous siffle, si vous tombez, je n'ai plus
!> qu'à mourir! Par pitié, par, grâce, ne prononcez pas mon
» anèt. 1)
Que vous dirai-je , chère marraine ? Ce pauvre Sazerac fut si
éloquent , si attendrissant dans son désespoir, que je me laissai
fléchir : je lui promis de dire ce qu'il voudrait, et le soir même je
fus fidèle à ma promesse. J'eus le triste courage de parler à ce
tigre, qui s'approcha de moi comme d'une proie qu'il voulait
ressaissir : je hU dis, en m'efforçant de sourire, que j'avais été
folle de le supposer si méchant , que je demandais une trêve et
autres gentillesses semblables, que je me reprocherai toute ma
vie, mais qui n'en produisirent pas moins leur effet, à la grande
joie de Sazerac. La trêve fut accordée, les hostilités cessèrent,
et la preuve , c'est que j'ai débuté , sans entendre à mes oreilles
d'autre bruit que celui des bravos.
A présent, chère marraine, vous voilà au courant de mes féli-
cités et de mes misères. Qu'en pensez-vous? Ai-je trop acheté
ce succès d'un jour, qui, dit-on, sera suivi d'autres succès? Ah !
que vous êtes heureuse à Paris de n'avoir pas de pareils sacrifices
à faire ! Votre public est juste , impartial, bienveillant et ne subit
le joug de personne. Eh bien ! eh bien ! qu'est-ce qui me prend
donc? Est-ce que je m'avise de me plaindre, quand je suis au
comble du bonheur ? Pardonnez-moi , chère marraine , et n'at-
tribuez le trouble de mes idées qu'au vertige dont m'a frappée
un triomphe inespéré. Je crois qu'il est temps de finir ma lettre,
si je veux que vous conserviez une bonne opinion de moi. Je sens
véritablement que la tête me tourne, et que ma raison m'échappe.
J'ai un immense besoin de repos, mais j'ai encore bien plus be-
soin d'une lettre de vous. Demain je rejoue la Vestale, et la se-
maine prochaine je débute dans l'opéra comique. Priez pour moi,
et aimez-moi toujours.
La suite au prochain numéro. Paul Sjiiin.
360
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
XrOTTTSIaZaBS.
*,• Le programme du grand concert qui se donnera vendredi soir,
jour de la Toussaint, à l'Académie royale de musique, est toujours
fixé ainsi qu'il suit: la Création du monde, oratorio d'Haydn , suivi de
l'ouverture d'Oberon , de Weber, et du chœur de Judas Machabée ,
oratorio de Haendel. Les soli seront chantés par M"" Damoreau,
Dorus-Gras , Dobré; MM. Duprez, Roger, Levasseur, Barroilhet et
Hermann-Léon. L'orchestre et les chœurs , composés de cinq cents
exécutants , seront dirigés par M. Habeneck.
V Les études de Marie Sitiart sont poussées avec une activité
toujours croissante. Déjà on a répété le premier acte au théâtre.
V I-e directeur de l'Opéra, M. Léon Pillet, vient d'adresser une
lettre à tous les artistes du chant , pour leur enjoindre défense ex-
presse, conformément à la lettre des règlements , de chanter dans
aucun concert public ou particulier sans son autorisation.
*,"Obin, l'un des meilleurs élèves du Conservatoire, et dont nous
avons annoncé le récent engagement, a fait son premier début lundi
dernier dans 0(Ae//o, par le rôle de Brabantio,lepère deDesdemone.
Sa voix et sa méthode sont également bonnes : il. a de plus une phy-
sionomie tout-à-fait propre à la scène du grand opéra.
V Le même jour, M"=Duval , qui l'année précédente avait obtenu
deux premiers prix au Conservatoire , débutait à l'Opéra-comique
dans le rôle de V Ambassadrice. Une jolie figure , une voix fraîche et
légère, un jeu non moins distingué qu'intelligent, telles sont les
qualités qui recommandent celte jeune personne, et qui lui ont valu
de légitimes applaudissements. M"= Duval a de l'avenir, et promet
de marcher sur les traces de M"" Damoreau.
V Le nouveau baryton, Latour, a continué ses débuts vendredi
dans le rôle d'Alphonse de la Favorite.
",* Nous apprenons à l'instant que M. Thalberg a adopté le pre-
mier et le second livres des Études de M. E. "Wolff (OEuv. 20 et 50)
pour ses élèves.
*,* M. Rosenhain, sur le point de revenir à Paris, a donné à Franc-
fort un grand concert au bénéfice des inondés. Le célèbre pianiste a
exécuté un grand trio, une valse de concert et deux mélodies : la
Lutte intérieure et Chanson polonaise. Tous ces ouvrages remarqua-
bles, de sa composition, ont obtenu un très brillant succès, et la re-
cette était très considérable.
V On s'occupe de l'établissement d'un Opéra-Comique français à
Londres. M. Mitchell, le directeur du Théâtre-Français de Londres,
est attendu à Paris pour organiser sa troupe. Ce théâtre ne jouerait
que deux mois par an , en mai et juin.
*,* Poultier a quitté Lyon. Ses dernières représentations avaient
amené la foule, notamment sa soirée d'adieu , dans laquelle il a
chanté la Juive d'une manière ravissante. Le pianiste Louis Lacombe
contribuait à l'éclat de cette belle soirée.
*,* M. Kilcken vient de recevoir le diplôme de membre honoraire
de la Société de chant du canton d'Appenzell.
*,* L'ouverture de la nouvelle salle de l'Opéra à Berlin , qui de-
" vait avoir lieu le 15, est remise au 7 décembre, anniversaire sécu-
laire du jour où Frédéric-le-Grand fit inaugurer l'ancienne salle.
'%• Le violoniste belge, François Prume, est en ce moment à Ber-
lin , où il se propose de donner quelques concerts.
*,* Dimanche dernier, le 1" régiment de ligne, en garnison à
Orléans , a quitté cette ville pour venir à Paris. En défilant devant la
statue de Jeanne-d'Arc, il a porté les armes; les officiers ont salué
de l'épée , et la musique a joué l'air de Charles VI : Guerre aux An-
glais, jamais en France, etc. Cette démonstration patriotique a pro-
duit chez ceux qui en ont été témoins une vive émotion.
*,* Le célèbre compositeur allemand, Conradin Kreutzer, vient
d'arriver à Paris, pour y suivre les répétitions de deux de ses opéras,
une rfuil à Grenade et le Falei noble , que le Théâtre-Italien a fait
traduire.
,*, Valgalier vient de signer un engagement avec le théâtre de la
Scala à Milan.
,*, M. Balfe met en ce moment la dernière main à un opéra en
trois actes, destiné à Druly-Lane. Cet opéra a pour titre : les Che-
valiers de H'Ialte.
,*, La petite-fille unique de Goethe, Aima de Goethe, vient de
mourir à Vienne.
*,* M. T. Hauman et M°" Sabatier donneront un deuxième con-
cert à Bruxelles avant leur départ pour la Hollande, où ils sont
attendus le mois prochain. L'admirable talent dont ils ont fait
preuve samedi dernier inspire aux amateurs qui les ont entendus le
désir de les entendre encore.
*," M"= Dorsan , qui créa, il y a deux ans, sur le théâtre d'An-
vers, avec une distinction vraiment remarquable , les rôles de Lu-
crèce dans Lucrèce Borgia et de Catarina dans la Reine de Chypre ,
vient de mourir à Metz, à l'âge de dix-neuf ans, à la suite d'une
longue et cruelle maladie.
V On a représenté à Francfort VEurianthe de Weber, et la Médée
de Cherubini. Ces ouvrages , qui avaient disparu depuis longtemps
de l'affiche , ont été couronnés d'un plein succès , et resteront long-
temps au répertoire.
*," Les amateurs et les jeunes professeurs qui voudront se perfec-
tionner dans l'art si difficile de jouer du violon avec expression
et avec grâce, apprendront, avec plaisir, que M. Henri Panofka, si
connu comme professeur exécutant et compositeur, se propose d'ou-
vrir un cours de perfertionnement pour les violonistes. Un maitre si
justement célèbre ne peut manquer de faire de bons élèves : aussiles
résultats de ses cours ne se feront pas attendre.
*,* Bien des personnes désirant que leurs enfants soient enseignés
d'après la méthode du Conservatoire , M"" Woislin , premier prix
de piano 1S43, ouvrira , le 15 novembre prochain, un cours de piano
et solfège , pour les jeunes personnes , dans les salons de M. Bern-
hardt , 17, rue de BuCfault , où l'on se fait inscrire.
V Nous recommandons à l'attention des artistes les six mélodies
religieuses pour harmonium, par M. Jules Belin , qui viennentile pa-
raître. Ce recueil se distingue par des chants d'un beau caractère, et
d'une expression élevée. Celte musique convient tout à la fois au sa-
lon et à l'église , et nous ne doutons pas qu'elle n'obtienne un suc-
cès réel et durable.
*,* M. P. Chéret , déjà connu dans le monde chantant par de
jolies romances, vient d'obtenir le plus brillant succès de l'année,
dans ce genre léger de composition , par le petit Mousse noir, qui se
chante déjà partout, et aura bientôt les honneurs des orgues de
Barbarie. Le même artiste vient de publier : Mes pauvres cheveux
blonds , la Bose de Charenton, et Je rêve à toi qui plairont beaucoup
aux jeunes demoiselles.
*,* Une larme de jeune fille, tel est le titre d'une mélodie avec
accompagnement de piano et de violoncelle, par M. J. Martin, qui
vient de paraîlre, et dont on dit du bien.
V M. Raoux, facteur d'instruments de musique en cuivre, rue
Serpente, à Paris, seul fournisseur du roi, des princes et des
théâtres royaux , avait, en 1839, obtenu, à titre de fprix, la
seule médaille d'argent. En 1844 , il a obtenu également le n. 1 pour
les cors ordinaires , le n. 1 pour les cors à deux pistons , le n. 1 pour
les cors à trois pistons, le n. 1 pour les cornets à pistons , le n. 1 pour
les basses d'harmonie et autres instrumenis de cuivre. Enfin la
seule médaille d'or lui a été décernée à titre de Iv prix.
'J* Bruxelles. — Le différend qui s'était élevé entre l'administra-
tion du théâtre et M. et M'"= Laborde est aplani.
— Lundi , à l'issue du spectacle, l'orchestre du Théâtre-Royal a
donné une sérénade à M"» Elssler; A Vliôiel de Suède , une petite fêle
lui avait été improvisée dans une des salles de l'hôtel, où se trouvait
une nombreuse société.
\» Francfort. — Le 21 octobre, la veille du jour où devait être
inauguré le monument de Gœthe , on a donné Gœizde Berlichingen.
La statue représente le poëte en costume de notre temps, avec un
manteau; le bras droit appuyé sur un tronc de chêne; de la main
gauche une couronne de lauriers. Les bas-reliefs sont consacrés à des
sujets tirés des meilleures productions de Gœthe.
*.* Hambourg. — L'opéra de Donizetti , les Martyrs , a été donné
avec grand succèssur nôtre théâtre. 81""= Fehringer, la prima donna,
et H. Wurda , premier ténor, ont été rappelés cinq fois sur la scène.
V Berlin. — M. Prume a donné un concert à l'Académie de
chant. On y a entendu entre autres les demoiselles Loewe et Marx ;
le bénéficiaire a joué sa pastorale : la SIclancolie , celte douce et gra.
cieuse élégie, qui a fait le tour de l'Europe, et qui a été arrangée
pour le piano , pour la flûte et pour le violoncelle. Le roi de Prusse ,
à qui le directeur de musique , M. Gungl , avait dédié des marches
de sa composition, lui a fait présent d'une riche tabatière en or. Les
productions de M. Gungl seront comprises parmi les marches mili-
taires de l'armée prussienne.
Le Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESIKGER.
DE PARIS.
361
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24 B-ondos faciles sur les principaux airs populaires,
Par C. CZERWY.
50 15- recirai Coriiio, deUo-
zart
16. La ci darem , de Mo-
zart
17. Hymne d'Haydn. . . .
18. Air Français
19. Les Soupirs des Anges.
20. j\el cor piu, de Mo-
zart
21. 1" Air Boliémien.. . .
22. 2" Air Boliémien.. . .
23. Air Allemand
24. O Piscator
50
1. Hymne des Vfipres. . . U
2. Air Russe 4
3. Les Filles de Lodi.. . U
!). Citant de l'Alouette. . 4
5. Air national anglais. . 4
6. Ma Fancliette 4
7. Air Portugais 4
8. Hymne Portugaise. . . 4
9. Hymne Allemande. . . 4
10. Le Charme de la vie. . 4
11. Kora Crena 4
12. La Maison des Champs. 4
13. Chanson à boire. ... 4
14. Balli-batti de Mozart. 4
Cet ouvrage, qui peut être pris ensemble ou sfîparément , est i
lent pour les commençansct les pianistes de force secondaire.
F. LISZT. Marche Funèbre de Dom Sébastien , variée, l
C. V. ALKAW. La Saltarelle '
— Nocturne i
— Gigue et Air de ballet I
— Alloluia I
A. LECARPENTSER. (Facile.) Fantaisie sur Dom Sé-
bastien
— Fantaisie sur Marie de Rohan. (
— Morceau de salon sur le Voile
Slanc '
— Sérénade et Rondo sur Don Pas-
qiaale I
— Cavatine variée de Don Pasqiaale. 1
— Bagatelle sur Marie fie Rokan. i
— Bagatelle sur Dom Sébastien. . l
^- Bagatelle sur Mina i
— Bagatelle sur le Code Woir. . . i
ED. WOIjFF. Grand caprice sur Dom Sébastien, Op. 00.
H. ROSELLiEN. Fantaisie sur Don Pasquale. . . .
— Fantaisie sur Dom Sébastien. . . .
— Fantaisie sur Mina
— Fantaisie sur le Code Noir
E. PRUDENT. L'Hirondelle, élude
— La Ronde do Nuit, élude
— Quatuor de Don Pasquale, varié. . . .
— ' Souvenir de Beethoven
— Fantaisie sur la Sérénade de Schubert. .
— Andante
HENRI HERZ. Six Polkas originales et ornées chacune d'i
dessin.
1° La belle Allemande. . . 3 5014" La licllo Bohémienne. .
2° La belle Hongroise. . . 3 50 5° La belle Polonaise.. . .
3° La belle Suédoise. ... 3 Solô" La belle Moscovite. . .
HENRI HERZ. Les mêmes Polkas à h mains, chaque. . .
— Fantaisie de salon sur Don Pasquale. .
— Trois Fantaisies sur Dom Sébastien,
chaque
— Les mêmes Fantaisies stu- Dotn Sébas-
tien, à 4 mains, chaque
— La Dansante, valse, avec un beau dessin. .
BURGMUIiliER. Valse de Cag-Iiostro 6
— Valse de Marie de Rohan. ... 6
H. BERTINÎ. Fantaisie sur Marie de Roban. .
— Sérénade de Don Pasquale; variée.
jmSIQUE NOUVELLE PODR VIOLONCELLE ET PIANO (ad llbitUm).
F. SERVAIS. Souvenir de Spa g
— Le Désir, fantaisie sut la valse de Schubert.. 9
SEIilGMANN. Morceau de concert sur Dom Sébastien. . 9
— Sérénade sur des motifs de Clapisson. ... 7
ÎIUSIQDE POCR VIOLON LT ACC0MPAGKE3IE.M DE PIAKO (ad libllum).
H. VIEUXTEMPS. Souvenirs d'Amérique 7
C. SIVORI. Variations sur //cor piK non me icnw. ... 9
— Fantaisie étude 9
— Variations sur le Pirate 9
— La Génoise 9
J. ARTOT. Sérénade 6
N. LOUIS. Souvenirs de Cagliostro g
— Andante et Rondo de Don Pasquale. ... 9
— Divertissement sur Marie de Rohan. ... 9
— Deux Mosaïques sur Mina, chaque g
— Souvenirs de Dom Sébastien, -deux cahiers,
chaque 8
— Fantaisie sur le Code Noir 9
— ■ L'amitié, fantaisie pour deux violons 9
C. DANCLA. Les Bagneraises, recueil de valses 9
H. PANOFKA. Deux Nocturnes sur Mina , chaque. . . 8
— Fantaisie brillante 7
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2. Souvenir.
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Mozart à Salzbourg ; par MAURICE BOURGES.— Revue critique :
École d'orgue de M. J. Cadaux; par F. DANJOU.— Feuilleton.—
Nouvelles. — Annonces.
lia statue de Mozart à Salzltoiirs. Dessin.
ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE.
Quelle soirée , quelle merveilleuse soirée , que celle de
vendredi deruier pour tous ceux qui ont eu la bonne fortune
d'assister au concert donné par l'association des artistes-mu-
siciens à l'Opéra ! Jamais de mémoire d'atnateur, à l'étranger
comme en France , une aussi brillante solennité n'eut
d'exemple dans les fastes de l'art. Jamais fête musicale n'a
uni tant d'éléments extraordinaires d'exécution à tant de luxe
et de magnificence. Que n'est-il possible de décrire à nos
lecteurs les transports de la salle entière? Comment donner
une idée de l'impression produite à ce lever de rideau unique
dans son genre? Le moyen de peitidre ûdèlement , sans être
taxé d'exagération , l'effet pittoresque , saisissant , vraiment
magique de ce vaste orchestre , étage en gradins jusqu'aux
frises dans toute l'étendue de la scène, chargé d'instrumen-
tistes, encadré d'une fraîche décoration, élincelant de la
clarté de vingt lustres? Au bas, sur une large estrade qui
avançait dans la salle en forme d'hémicycle, de nombreuses
légions de choristes disposés autour du pupitre de M. Habe-
neck. En avant, tout radieux d'élégance, de parure, de
gloire, le groupe d'élite des solistes, et quels solistes!
i\l"'° Damoreau-Cinli, cette voix adorable si pure , si flexible,
à faire envie aux anges mêmes ; M'"° Dorus-Gras, l'autre reine
légitime du chant; M"' Dobré, l'héritière présomptive du
sceptre de la vocalise ; puis Duprez, Levasseur, Barroilhet ,
dont nos éloges ne sauraient accroître la réputation ; Her-
mann-Léon , qui commence la sienne avec un talent capable
d'enorgueillir un grand artiste à son apogée; Roger enfin,
Porlefeutlle de deux Canlalrices ^^\
CLOTILDE B*** A ESTHER SAUNIER.
Paris, 20 mai.
Comme je t'embrasserais , si tu étais près de moi ! Comme je
te remercierais, moi aussi, d'avoir si bien réalisé toutes mes
idées, toutes mes espérances! J'ai reçu la lettre de Sazerac en
même temps que la tienne : il m'en dit bien plus que toi sur les
circonstances de ton début , sur les incidents de la soirée , sur
l'effet que tu as produit : il entre dans des détails tellement mi-
nutieux , qu'on voit qu'il t'a suivie constamment de l'œil et de
roreille. Quand même tu ne m'aurais pas avertie, je me serais
aperçue qu'il avait le cœur pris ; mais je n'en aurais pas moins cru
ce qu'il me disait, parce qu'il le dit de manière à ne pas laisser
d'équivoque, parce qu'il s'exprime en homme habitué à juger les
artistes , et que , s'il y a de l'amant dans ce directeur, il y a aussi
du directeur dans cet amant.
Je suis donc heureuse et fière de ton succès , dont je n'ai que
les roses , tandis que tu en sens un peu les épines. Quant à cela,
je ne t'ai pas trompée : je ne t'ai pas promis que tu ne marche-
rais absolument que sur du gazon et des fleurs. Encore , de quoi
te plains-tu jusqu'à présent ? de ce qu'on t'aime , de ce qu'on te
(I) 'Voiries numéros 40, 41, 42 6143.
désire ? Je le conseille de ne pas crier trop haut. Il est vrai que
les désirs non satisfaits se changent souvent en haine, s'exhalent
en menaces et se vengent comme ils peuvent ; mais si tu crois
que la province ait le privilège de ces inconvénients , et que la
capitale en soit exempte , comme elle l'est du logement mili-
taire , détrompe-loi, chère petite : je te déclare que c'est une
illusion. Le public de Paris vaut mieux que celui de Bordeaux .
de Lyon , de Rouen , de Marseille : il est plus juste , plus indul-
gent : le moindre vent ne soulève pas ses tempêtes. Mais nous
avons aussi nos orages, qui, pour gronder plus sourdement,
n'en font pas moins de mal. Là-bas , on siffle ; ici , l'on chute ;
c'est plus poli , mais plus perfide. Nous avons nos abonnés , qui
se présentent plus gracieusement que le tien, mais qui ne sont
pas moins exigeants , qui ne vous déclarent jamais la guerre ,
mais qui vous la font sans la déclarer.
Moi , par exemple , si je te disais que j'ai un ennemi mortel ,
etquecet ennemi est un homme, que tu as vu chez moi toutes les
fois que nous faisions de la musique. Te rappelles-tu un petit
personnage fluet de corps, mince d'esprit, pointilleux, vétil-
leux , et ennuyeux au superlatif?... Il s'appelle Brimont ; il jouit
de quelques mille livres de rente , auxquelles il ajoute par sup-
pléinent les dîners qu'il a l'habitude de prendre, et les entrées
qu'il a le talent de se faire donner. D'abord, je ne connais rien
de plus fatigant que les gens qui veulent avoir, ou ravoir , leurs
entrées. A l'Opéra, tout le monde y prétend par une raison ou
BUREAUX D'ABONN-EMENT, RUE RICHEI>Ii:V, 97.
•36i
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ce ténor à l'organe si brillant, à la diction si pénétrante,
Roger. . Mais à quoi bon tomljer dans les redites, et reprendre
en sous-œuvre des louanges bien souvent répétées? Nous en
avons aujourd'hui tant à distribuer que nous demandons grâce
au moins pour plus de moitié.
Donc nous voici suffisamment dispensés d'enregistrer un à
un et les morceaux saillants de h Création, ce bel ouvrage
d'Haydn, et les succès des virtuoses. Tous ont rivalisé de ta-
lent , et prouve qu'un acte de bienfaisance dicte toujours les
plus heureuses inspirations. Si cette vérité morale est tant
soit peu usée, jamais elle ne fut plus applicable : écoutez
plutôt tout ce que la presse entière racontera des merveilles
de l'orchestre et des chœurs. Et , en effet , ce qu'on n'avait
point encore entendu , ce qu'on n'aurait pu entendre sans un
ensemble tout particulier de ressources, d'efforts, de circon-
stances , dont le concours ne saurait se rencontrer que dans
une société jeune , énergique , féconde en moyens, et riche
d'avenir, c'est l'ouverture d'Oieron, c'est le chœur de Judas
Machabce, exécutés par de si grandes masses , de manière
à transporter d'enthousiasme une salle entière. Au magnifique
orchestre l'auditoire électrisé a redemandé l'ouverture; aux
choristes si bien dirigés par MM. Benoist, Laty, Dietsch , Ta-
riot , l'hymne prodigieux d'effet de Haendel,cet hymne d'une
noble simplicité , d'une verve entraînante, interprété avec
une chaleur, une harmonie au-dessus de l'éloge.
Après tant d'émotions accumulées, d'acclamations admi-
ratives, l'enthousiasme semblait devoir s'éteindre par son
propre excès. Il s'est ranimé cependant, et plus vif encore,
pour décerner une ovation glorieuse au chef d'orchestre ,
estimé de tous, à M. Habeneck , que trois salves bruyantes
avaient déjà accueilli à son entrée sur le théâtre.
En vérité c'est une belle chose qu'un public loyalement
impartial , étranger aux approbations de commande , assem-
blé tout exprès pour avoir du plaisir, et qui le témoigne hau-
tement, librement, lorsqu'il en trouve. L'immense auditoire
réuni h l'Opéra vendredi n'était pas le spectacle le moins
intéressant de cette mémorable soirée. Composé de tout ce
que les lettres, les arts, l'aristocratie politique et financière
comptent de plus éminent, il offrait une éblouissante physio-
nomie. Contre l'usage, si tristement reçu dans tous les
théâtres lyriques à cause de la fâcheuse intervention des
applaudissements gagés , toutes ces belles mains s'agitaient
spontanément, toutes ces lèvres vermeilles laissaient échap-
per sans contrainte des témoignages d'admiration non équi-
voque. A coup sûr, cet enthousiasme de bon -aloi est la plus
noble sanction qu'il fût permis à l'association des artistes-
musiciens de souhaiter, pour prix de ses efforts.
Voici donc la première épreuve subie, et réellement la
plus difficile. Le principe vital de la Société en est sorti vic-
torieux. Maintenant plus de doute possible sur sa force et la
rapidité de sa marche. Son double but est nettement consacré
par des faits solennels. Diminuer les souffrances et améliorer
le bien-être de la famille des musiciens, en appelant chacun
d'eux h fonder, moyennant une faible cotisation, une caisse
de secours, et en cherchant de nouvelles ressources dans
l'enthousiasme public excité par la plus belle exécution pos-
sible des chefs-d'œuvre, c'était le problème. Le voilà résolu.
La théorie aura passé à l'état de pratique presque facile , si
les masses savent comprendre que les grands résultats dépen-
dent d'une union intelligente, d'une véritable entente cor-
diale. Déjà les musiciens de Paris en sont généralement con-
vaincus. Le retentissement de celte solennité trouvera sans
doute de l'écho en province , à l'étranger, et persuadera ceux
qui hésitent encore. Que les comités correspondants ne ba-
lancent pas à suivre l'éclatant exemple donné le 1" novembre
par le comité central. Qu'ils se rattachent plus étroitement
par cette communion d'œuvres et d'efforts à la souche puis-
samment enracinée en si peu de temps. La pierre fondamen-
tale d'une grande institution vient d'être posée. Qui sait jus-
qu'où doit s'élever l'édifice? Ce ne sont point des obstacles
aveugles qui pourraient en suspendre les travaux.
Le comité de l'association , bien pénéiré de ses devoirs et
des droits que donne une haute ptnsée , a trop fait mainte-
nant pour s'arrêter dans une voie conquise au prix de tant
de peines et de luttes ignorées.
Car, il faut le bien savoir : s'il lui est doux de proclamer
le zèle , le dévouement de la plupart des sociétaires, de re-
mercier publiquement (!e leur active bienveillance l'adminis-
tration ministérielle, les directions de l'Opéra, de l'Oi>éra-
Comique, des Italiens, du Conservatoire, le comité aurait
par une autre , moins pour voir le spectacle que pour se prome-
ner dans le foyer. Les mi'decins cherchent à se faufiler dans le
comité médical ; les avocats, les avoués , les notaires, dans le
coinilé judiciaire; les auteurs, les littérateurs, regardent l'Opéra
comme un de ces terrains vagues, qui leur appartiennent au
même titre que les Tuileries, le Palais-Royal , et sur lesquels ils
ont au moins le droit de parcours et de vaine pâture. Brimont,
qui n'a jamais écrit une ligue , s'était procuré ses entrées à tous
les théâtres en qualité de membre de tous les comités de lecture,
ce qui lui assurait l'avantage de se chauffer et de dormir aux
frais des administrations. Je crois que jadis , à une époque im-
mémoriale , il avait aussi fait partie du comité de l'Opéra : tou-
jours est-il qu'on lui avait conservé ses entrées, et qu'un beau
jour de la présente année on s'avisa de les lui retirer. Le ciel se-
rait tombé sur sa tête , qu'il n'eût pas été plus surpris. Il écrivit
pour réclamer : on ne lui répondit pas. Alors il vint me trouver,
et me dit d'un ton aussi doux que possible : « Ma chère, voyez
B ce qui m'arrive '.... c'est inouï, ça n'a pas de nom !... M'ôter
« mes entrées à moi , qui en joiùs depuis vingt ans ! Je n'ai pas
)) de droit , c'est vrai ; mais n'y a-t-il pas prescription en ma fa-
)> veur ? Je vous ai choisie pour mon avocat. Je ne vous demande
» pas d'aller faire mon éloge; mais enfin vous savez que je suis
« assez bon diable : je ne demande qu'à rendre service ; et qui
1) sait ? l'occasion peut s'en trouver plus tôt qu'on ne pense. Je
)) suis sûr qu'avec un mot de vous tout s'arrangera. »
Je fis ce qu'il voulait : je parlai à notre directeur, qui me ré-
pondit par un refus bien net et bien sec : « Je ne peux pas ,
» me dit-il ; cet homme m'ennuie : il me prend tous les jours
» la meilleure place de mon orchestre , et pourquoi ? à quel
» propos ? » Je mitigeai beaucoup les termes de la réponse ;
mais j'eus beau faire : mon liomme, en l'entendant, fit une af-
freuse grimace ; son front se plissa ; ses sourcils se rappro-
chèrent ; sa bouche se contracta de telle sorte qu'il ne resta plus
sur sa physionomie le moindre vestige de cette aménité , à la-
quelle je m'étais laissé prendre. La scène changea comme au
coup de sifflet : les déserts , les rochers , les précipices, rem-
placèrent les bosquets fleuris, k Ah ! ah ! dit-il , c'est comme çà
» qu'on me traite!... Eh bien! je vous dirai qu'on a tort; car
» enfin , puisqu'on me fait une impertinence , je serais bien bête
» de ne pas m'en venger, et ce ne sont pas les moyens qui me
» manquent. Le plus faible ennemi suffit pour nous détruire :
w votre directeur a oublié cela. Je n'ai pas envie de le détruire ,
1) Dieu m'en garde ; mais je lui nuirai... je lui nuirai plus qu'il
» ne croit ! n Étonnée à mon tour, j'osai lui dire qu'il avait tort,
qu'il serait peu généreux à lui de se venger , et que , dans tous
les cas , la punition excéderait l'offense. Sais - tu ce qu'il me
répondit ? « On ne m'ôtera pas de la tête que , si vous l'eussiez
» bien voulu , votre directeur m'eût rendu mes entrées ! » Il
partit là-dessus , et je ne le revis plus ; mais j'appris qu'il disait
de moi un mal horrible , qu'il m'attaquait dans mon talent, dans
DE PARIS.
365
aussi à faire justice de sourdes menées , d'oppositions opi-
niâtres , de difficultés amassées sur sa route. L'histoire en
serait longue et révélerait le côié pénible de fonctions que
l'on croit souvent purement honorifiques. Mais après le triom-
phe , faut-il songer aux coiiibals et au labeur? Le succès,
qui fait tant de conversions , centuple aussi l'énergie. Et le
succès est incontestable aujourd'hui. Ce n'est pas à tort que
l'associalion des artistes -musiciens a terminé son brillant
concert par le chœur : Chantons victoire.
Maurice Boup.ges.
MESSE ESs" ]5IUSg^l.iE
pour rinaiiguralioD de la nouvelle c';;lise df Ssiiit-Viiicent-de-Paiil,
par SS.. BOCHS.
Après l'inauguration religieuse de la nouvelle église de
Saint-Vincent-de Paul, dont les journaux ont parlé tous ces
jours-ci, l'inauguration musicale de la même basilique a eu lieu
mercredi, 23, par une messe en musique de la composition
de M. Doche. Et d'abord disons tout de suite que , de toutes
les églises de Paris, c'est celle qui nous semble le plus favora-
ble à la musique. Les exécutants , placés dans des tribunes ou
galeries latérales , se sont fait entendre parfaitement , quoi-
qu'ils fussent placés à une très grande hauteur.
Une messe composée par M. Doche , chef d'orchestre du
théâtre du Vaudeville de père en fils , semblait à beaucoup de
personnes une anomalie, un paradoxe musical. Quelques
unes se disaient, avant d'avoir entendu l'œuvre, que néces-
sairement, par ses habitudes artistiques, M. Doche avait dû
louer le seigneur en romances et en vaudevilles; d'autres,
plus observatrices, prétendaient que, comme tout compositeur
qui ne s'est occupé que de musique légère, l'auteur se croi-
rait obligé de faire de la musique religieuse , sérieuse , et
par conséquent ennuyeuse. Aucune de ces prévisions ne s'est
réalisée. La messe de M. Doche n'est ni d'un bon style sacré,
ni d'un mauvais style. C'est mondain, moderne si l'on veut :
cela sent le- théâtre. Quelques suspensions éparses çà et là
affectent parfois la prétention au style rigoureux; mais les
tournures de chant et d'instrumentation sont venues rappeler
fréquemment aux auditeurs compétents que l'auteur se meut
puis à l'aise dans la musique libre que dans le champ de la
fugue. C'est que c'est une grave question d'art que celle du
style de la musique sacrée et vraiment religieuse, bien que
la jeune école ait l'air d'en vouloir faire bon marché. Cette
question est absolument identique avec celle qui mit naguère
aux prises deux littératures. Il estévidentque les romantiques
ont détruit la forme classique et qu'ils n'ont rien mis à la
place. Nous n'en sommes pas encore là en musique. Quand
nous écoutons l'œuvre d'un musicien moderne qui croit faire
du génie par l'abondance , et par conséquent l'incohérence
des idées ou des lieux communs, il nous semble voir, entendre
dans le monde un de ces jeunes gens avantageux , abondants
en paroles, dont tout décèle le défaut d'éducation, et qui
vous tiennent sans cesse dans la crainte de leur entendre dire
quelque grosse bêtise. Or, le style sacré et vraiment reli-
gieux en musique, cet art calme et plastique qui fait naître le
recueillement et le respect, ne s'accommode point du luxe
instrumental et vocal , de l'abondance des effets dramatiques
qu'on entend partout et tous les jours dans nos salles de spec-
tacle et de concert. M. Doche en est là ; il a payé tribut à ce
veau d'or de la science. Son Kyrie a de l'éclat , du brio; mais
est-ce bien là le caractère d'une prière adressée au Seigneur?
Plusieurs parties de sa messe ont de la grâce ; mais c'est celle
d'une des trois sœurs de la théogonie païenne, et non la grâce
divine , sévère et douce tout à la fois. Nous avons remarqué
un O sabilaris, un Agnus Dei, ou levé-Dieu, GXinii mineur
à deux voix avec solo de violon , qui est d'un joli caractère :
il y a de la suavité , de l'âme là-dedans. Bien que la voix du
violon ne chante pas d'une façon assez sévère , qu'il y ait de
la manière et de la sensualité dans cet accompagnement
obligé , l'effet en est charmant. Ce solo a été fort bien dit par
l'exécutant.
Si l'œuvre de M. Doche n'a pas assez de puissance pour
fixer l'attention des rares amateurs du vrai style religieux en
musique , il se fera peut-être remarquer du peuple des libret-
tistes d'opéra, suffrage que préférera sans doute M. Doche ,
et qui vaut mieux pour lui.
Henri Blanchard.
ma personne ; qu'il ameutait contre moi les journalistes infimes,
qui ne tirent leur force que de leur nombre; qu'enfin il ne se
donnerait de repos que le jour où je sortirais de l'Opéra , pour
me punir d'avoir refusé de lui en ouvrir les portes !
Cet échantillon te donnera , J'espère , une idée du reste. Oui ,
certainement, tu as bien fait d'écouter les conseils de Sazerac,
et d'employer la ruse pour désarmer ton ennemi. Loin de te
blâmer , je t'approuve et le loue , car , à ta place , je ne m'y se-
rais pas prise autrement ; mais je ne veux pas que tu t'imagines
que les servitudes de ce genre pèsent sur toi plus que sur moi.
Des servitudes , eh ! mon Dieu, nous ne connaissons pas autre
chose , nous autres reines de théâtre ! Il y a un passage dans ta
lettre qui m'a fait rire malgré moi : c'est celui où tu parles de ta
richesse , et où tu dis que tu me demanderas ce qu'on peut faire
de tant d'argent. Ah ! chère amie , quelle naïveté , quelle heu-
reuse ignorance ! Si tu savais que moi je me trouve excessive-
ment pauvre , avec le double de tes appointements ! Si lu savais
que j'ai des dettes, beaucoup de dettes, que j'augmente tous
les jours , et que je paierai , Dieu sait quand ! Et ce n'est pas par
goût que je dépense, mais par entraînement, par nécessité.
Nous sommes obligées à Paris de vivre sur un certain pied de
luxe , de grandeur, au risque de passer pour avoir peu de talent.
Nous avons besoin d'entretenir une petite cour , de la bien trai-
ter , de la bien nourrir , afin de nous assurer des prôneurs , qui
parlent de nous dans le monde , et lui donnent de nous une
haute opinion. Si notre renommée nous rapporte , il est certain
aussi qu'elle nous coûte , et souvent , tout balancé , bénéfices et
charges, il se trouve que c'est nous qui sommes en retour.
Pendant que j'y songe , il faut que je te gronde d'une chose :
tu m'appelles toujours chère marraine , comme si tu avais peur
que je n'oubliasse ce titre. Je t'ai déjà dit que je n'en voulais pas
d'autre que celui de ton amie ; sans cela , nous en resterions au
style cérémonieux , aux grandes phrases, que j'ai en horreur :
quand j'aurais des chagrins (et je n'en manque pas en ce mo-
mentj, je n'oserais pas te les confier, parce qu'une filleule ne
doit pas savoir tout ce qu'on peut dire à une amie. Désormais,
c'est donc convenu ; je ne suis plus ta marraine que devant Dieu:
pour notre correspondance et nos relations mondaines , je suis
ton amie , rien que ton amie. Tel est mon vreu , mon désir (je
me garderai bien de dire mon ordre : une marraine seule aurait
ce droit) , et je me flatte que tu n'auras pas de peine à t'y con-
former. Je l'aime et t'embrasse. Mes prières pour la continuation
de tes succès ont-elles été exaucées ?
ESTIIER SAUNIEU A CLOTILDE B"^ * '*.
24 mai.
Oui , je vous appellerai mon amie ; oui , je vous prouverai que
ce titre n'est pas un vain titre, et que je le réclame tout entier ;
dès aujourd'hui, je veux en profiter. Qu'est-ce que j'apprends?...
vous avez des chagrins, vous que je croyais le bonheur même ?
366
REVUE ET GAZETTE .MUSICALE
LA STATUE DE MOZART A SALZBOURG.
En septeQibre 1842, Salzbourg vit affluer dans ses murs
un concours singulier d'étrangers et de voyageurs de tous
pays. De nombreux préparatifs annonçaient une solennité
imposante. La ville offrait un aspect inusité de joie et de fête,
et suffisait à peine à contenir cette multitude de zélés pèle-
rins, qu'une dévotion d'une nouvelle espèce lui amenait du
Nord et du Midi , de l'Orient et du Couchant.
L'art aussi, cette autre religion vraiment universelle, a ses
grands saints, ses martyrs canonisés. Il s'agissait, en ces jours,
de fêter solennellement l'un de ses plus puissants apôtres, le
plus suave , le plus onctueux entre les pères de l'église imi-
sicale. Un peuple d'artistes fervents venait assister à l'inau-
guration d'un monument érigé h Blozartdanssa patrie.
Grâce à l'enthousiasme national , une riche collecte avait
permis de réaliser splendidement la pensée libérale inspirée
par le souvenir du grand maître. Le cérémorial observé dans
cette occasion ne manqua ni de convenance ni de dignité.
Inutile de reproduire ici les diverses phases du programme
officiel. Les numéros kO, il de Gazette de Leipzig (1842) en
donnent un récit détaillé. L'enthousiasme de l'actualité peut
seul réchauffer la froideur académique des formules d'usage;
et certes cet enthousiasme fut grand, irrésistible, lorsqu'au
bruit du canon , des instruments et des hurrahs populaires
apparut, dégagée de son voile , la statue du Raphaël de la mu-
sique.
Élevé sur la place Michel, le monument consacré h Mo-
zart est l'œuvre de deux artistes remarquables. La statue,
en bronze , noblement posée et d'une ressemblance parfaite,
est due au talent de M. Schwanthaler, habile sculpteur.
M.Stiglmayeradirigé l'exécution des travaux.
La copie, offerte aujourd'hui aux abonnés de la Gazette
musicale, est d'une extrême fidélité. Le dessinateur a re-
produit avec la dernière exactitude les traits de Mozart, si
souvent défigurés en France par des images de pure fantaisie.
Une fêle musicale devait nécessairement accompagi.er
l'inauguration. ElleduraçKn/re jours consécutifs. MM. Lach-
ner , Pott et Neukomm dirigèrent tour h tour l'orchestre ,
qui exécuta , soit à l'église , soit au concert , des messes, des
symphonies , des ouvertures et quantité de morceaux extraits
des principaux opéras de Mozart. L'auteur de Don Giovanni
était à la fois l'amphitryon et l'objet de la fête. Staudigl , un
des artistes les plus extraordinaires de notre siècle (quoique
Paris connaisse à peine son nom ) y fit admirer sa magnifique
voix de basse et son beau talent de déclamation.
Ce qu'il y eut de plus singulier et de plus touchant dans
cette solennité , à laquelle la cour Impériale prit part comme
le peuple , ce fut la présence du fils de Mozart. Il contribua
lui-même à la cérémonie, qui glorifiait son nom , en exécu-
tant , avec beaucoup de sentiment et de goût , le concerto en
ré mineur de son père.
Encore si tant d'hommages , tant d'acclamations, tant de
bruit autour de cette image vénérée, avaient pu arracher l'il-
lustremusicien à son sommeil d'un demi-siècle! Encore si
l'étincelle de la vie s'était ranimée dans ces nobles cendres
enfouies pour jamais ! Hélas ! la nature ne fit pas un miracle,
même en faveur de Mozart. Sa statue ne s'incUna point en
entendant parler du somptueux festin donné chez le cardinal-
archevêque , prince de Schwarzemberg, et ne descendit pas
de son piédestal , comme celle du commandeur , pour appa-
raître dans la salle du festin.
Ceci peut-être prouverait une chose : c'est que Salzbourg
ne renferme pas le moindre don Juan.
Maurice BOURGES.
R évite cvitiïjïie.
ÉCOLE D'ORGUE,
ou
MÉTHODE COMPLÈTE DE CET INSTRUMENT ,
par m. J'ustin CABA1TX.
( Suite et fin'. )
Je vais essayer de suppléer par quelques remarques à l'in-
suffisance de ce travail , et je tâcherai du moins d'indiquer les
bases sur lesquelles il aurait dû être placé.
Pour établir les règles du style convenable à l'orgue , il
faut se préoccuper de deux considérations principales.
["} Voir le numéro 42.
Vous avez des deltes , vous que, par toutes les raisons possibles,
je supposais si riche, vous que je voyais si généreuse? En vérité,
je ne sais si je veille I J'ai lu et lelu vingt fois votre lettre , per-
suadée que mes yeux m'avaient trompée ; mais non, c'est bien
(Jcrit de votre main ; et , à moins que vouz n'ayez voulu tenter
une épreuve, il ne m'est pas permis d'en douter.
Voyons, puisque nous en sommes aux confidences, il faut
que vous me les fassiez saus réserve. Je veux donc savoir de
quelle nature sont vos chagrins, et de quelle part ils vous vien-
nent. Est-ce du théâtre ? est-ce de cet ennemi , dont vous nie
parlez dans voire dernière lettre? Je n'en serais pas surprise,
car mon ennemi, à moi, n'a pas déposé les armes, ainsi que vous
paraissez le croire. Ma tactique n'a réussi que momenlanémcnt :
il m'a laissé faire mes trois débuts ; cl c'est beaucoup sans doule,
mais ce n'est pas tout. On est venu me dire qu'il avait parié
que je serais à lui d'ici à un certain temps : j'ignore le terme
que ce monsieur m'a fixé ; c'est un bruit qui court au théâtre, et
qui , je l'avoue , comm;.'iice à m'elîrayer : car si une fois le point
d'honneur s'en mêle (je vous demande un peu quel honneur I),
mon ennemi ne voudra pas céder. J'ai pour moi le public ,
qui m'aime et me le témoigne très vivement : je ne néglige rien
pour captiver de plus en plus ses bonnes grâces; mais, enfin,
rien n'est sûr ici-bas que la méchanceté de quelques vilains êtres,
dans la classe desquels je range en première ligne mon individu.
Revenons à vous, chère amie, et répondez positivement aux
questions que je vais vous adresser : j'ai sur ce point plus de
droit que personne à une confiance absolue. Vous devez de l'ar-
gent , mais depuis quelle époque ? En deviez-vous déjà quand
vous m'avez recueillie chez vous? Et tout ce que vous avez fait
pour moi, toutes les dépenses que je vous ai causées, c'était
donc pour vous un embarras de plus? Ah ! si j'avais pu m'en
douter , malheureuse que j'étais , et que je suis encore bien da-
vantage par souvenir !.. Mais ce cadeau que vous m'avez fait en
partant , ces cinquante mille francs avec lesquels vous m'avez
acheté , en mon nom , une inscription sur le grand-livre , qui me
rapportera près de mille écus , qu'est-ce que cela signifie ? Pour-
quoi me donner tout cela, si vous en aviez besoin vous-même ?
Je n'y comprends rien; je m'y perds. Expliquez- moi cette
énigme, chère amie; et, faut-il vous le dire? regardez votre
cadeau comme toujours â vous. Qu'en ferais-je , moi , qui me
crois encore si riche ? Je ne sais qui m'empêche de mettre l'in-
scriplion dans cette lettre , et de vous la renvoyer à 1 instant ;
mais, quoique votre amie, je me souviens encore que je suis
votre filleule , cl j'attends une permission de vous, pourvu que
vous me répondiez friincheiiient , car soyez sûre que je ne l'at-
tendrais pas toujours.
Une autre fois je vous parlerai de diverses choses qui n'inté-
ressent que moi ; mais aujourd'hui je ne puis m'occuper que de
vous seule. Sazerac vous a-t-il écrit depuis quelque temps ? Cet
excellent homme me désole : il est plus amoureux que jamais.
DE PARIS.
367
La première est celle des effets et de la nature des sons de
l'instrument.
La seconde , celle de sa destination et de son emploi.
D'abord , l'orgue possède la faculté de prolonger indéfini-
ment le son sans que l'intensité diminue ou augmente. Cette
propriété de l'orgue n'existe pour aucun autre instrument, et
dans l'orchestre même on ne peut l'obtenir.
En second lieu, l'orgue embrasse dans son étendue toute
l'échelle des sons usités, depuis le plus grave jusqu'au plus
aigu. C'est encore là une richesse spéciale dont ne jouit pas
l'orchestre le plus complet. _
Non seulement l'orgue renferme l'échelle des sons , mais
encore il offre la faculté de rapprocher ces sons , de les unir,
malgré des distances considérables qui les séparent ou des
disparates choquantes qui les désunissent. — Ainsi la dou-
blette, le plein jeu résonnant avec la note la plus grave, le
trente-deux pieds par exemple ; ainsi les jeux de mutation ,
cornet , tierce , quinte , présentent dans leur emploi des phé-
nomènes qui ne se produisent pas ailleurs sur aucun instru-
ment et dans aucune combinaison musicale.
Si donc ces particularités donnent à l'orgue une sonorité
et des effets qui lui sont propres , il en doit résulter des lois
et des règles spéciales pour le style qu'il convient d'adopter
sur cet instrument.
La seconde considération est relative à la destination et à
l'emploi de l'orgue.
L'orgue est consacré au culte. C'est de tous les instru-
ments celui qui a paru le moins indigne de célébrer Dieu dans
ses temples , et c'est aussi celui qui contient et résume une
plus grande variété de sons et de timbres. 11 associe sa grande
et majestueuse voix à celle de l'homme lorsqu'il communique
par la prière avec la Divinité ; et cette destination sublime
impose à l'artiste la gravité, l'accent religieux, l'enthousiasme
pieux et contenu , enfin toute absence de ressemblance avec
l'expression des passions humaines.
La musique est une sorte de langage universel qui exprime,
avec une précision et une variété de formes avec lesquelles la
parole humaine ne peut rivaliser , les sensations vives de l'âme,
telles que la joie, la douleur, le calme , l'agitation , la puis-
sance. Tout dans la nature a une voix et un chant que la mu-
sique peut reproduire. Les épaisses forêts que le vent agite,
les rochers et les montagnes sur lesquels roulent avec fracas
des torrents rapides , les prairies où coulent d'humbles ruis-
seaux, les nuages dans lesquels la foudre gronde , ont tous
des bruits mystérieux , une voix puissante , que l'art musical
sait imiter et dont il donne une idée plus parfaite que toute
l'habileté du langage humain ne saurait le faire. Celte langue
universelle et si variée a été dans tous les temps et chez tous
les peuples consacrée tout d'abord au culte rendu à Dieu. Ce
n'est que plus tard , et même depuis peu de siècles, que la
musique dite dramatique a pris naissance. Cette musique a
pour objet de dépeindre les passions , et elle n'a plus besoin
pour cela de conserver ces accents graves , austères , cette
simplicité respectueuse, ce caractère élevé qu'elle doit avoir
quand elle est étroitement liée à la prière , à l'hommage que
les mortels adressent à Dieu.
L'orgue chargé de traduire les poésies sacrées , de chanter
les plus augustes mystères , de raconter les triomphes de la
rehgion , de célébrer les merveilles de la création , doit par
ses accents exciter dans l'âme un doux recueillement et n'a-
voir rien de commun avec l'expression des passions humaines
qui appartient à la musique dramatique. C'est faute d'avoir
médité sur un tel sujet que les organistes , et avec eux les
compositeurs modernes de musique sacrée, ont confondu
tous les styles et fait un grossier mélange de la musique de
théâtre et de la musique sacrée.
On a vu briller dans ce siècle un homme doué d'un grand
génie rehaussé par de savantes éludes. Cet artiste a écrit pour
l'église dt's ouvrages admirables sous le rapport de la perfec-
tion de la forme, je veux parler de Cherubini. Cependant,
malgré la couronne méritée que ses contemporains lui ont
décernée , je crois que les compositions de ce maître appar-
tiennent à la musique dramatique et sont dénuées de l'ex-
pression propre à la musique sacrée.
En ce qui concerne spécialement l'orgue, on est convenu
de citer Bach et Haendel comme les types absolus de la per-
fection du genre à adopter sur cet instrument. Personne plus
que moi n'admire ces génies immortels; cependant, je ne
pense pas qu'ils aient dit le dernier mot de la science de
l'orgue; et, si je propose leurs compositions comme la meil-
et j'ai peur qu'il ne soit sur le point de me le dire.
iiépondez moi courrier par courrier, ou je ne suis plus votre
amie et je redeviens tout uniment et tout froidement votre
filleule.
CLOTILDE B*** A ESTHEll SAUNIER.
28 mai.
Eh bien, oui, j'ai des chagrins , et des chagrins de cœur. Le
théâtre n'y est absolument pour rien, c'est-à-dire, je me trompe,
le théâtre en est bien la cause originaire; car si je n'étais pas
actrice , si je ne montais pas sur les planches , si je ne mettais
pas du blanc et du rouge , il est plus que probable que je
n'aurais pas ces chagrins ; mais enfin il ne s'agit ni de caliales ,
ni d'ennemis déclarés ou secrets , ni d'entrées refusées , ni
d'abo'.inés entreprenants. Es-îu contente?
Quant à mes dettes, je ne sais plus pourquoi j'ai fait la sot-
tise de le parler d'une cliose si maussade , et à laquelle je pense
si peu. Puisque tu veux que je te réponde franchement, la main
sur la conscience , je te dirai que j ai fait pour toi précisément
ce que je devais faire, ce que je ferais encore si l'occasion se
représenlait, que lu ne m'as jamais été à charge, que lu ne
m'as jamais causé d'embarras, et qu'enfin les cinquante mille
francs que je l'ai donnés sont bien à toi ; car si tu n'avais pas
été là, je les aurais donnés à une autre , et si tu me les ren-
voyais jamais , à compter de ce jour-là nous serions brouillées à
I mort. Est-ce positif? Est-ce clair? Encore une fois,'es-tu con-
j tente?
I Oui, Sazerac m'a écrit deux fois, toujours pour me parler de
I toi avec un enthousiame qui , à distance, me paraît suffisamment
justifié par les recettes que tu lui fais faire , et qui de près de-
vient incommode. Je vois que tu n'es pas exposcîe à l'aimer
d'amour , et comme tu n'es pas femme à céder par calcul , je
n'ai rien à te dire : autrement je te recommanderais de le tenir
en garde : j'ai connu beaucoup de femmes de théâtre qui ont
recherché les faveurs directoriales; moi je m'ensuis toujours
éloignée , comme du feu , parce que je crois y voir plus de
danger que de profit.
Adieu , chère amie.
ESÏHER SAUNIER A CLOTILDE B***.
1" juin.
Non, je ne suis pas contente; et en bonne foi, comment
pourrais-je l'être? Je vous demande des explicaiions , des con-
fidences, et je ne trouve dans votre lettre que des choses vagues,
comme on en dit à la première personne venue. Si vous êtes
mon amie , prouvez -le-moi , ou , dussions-nous être brouillées
je vous renvoie ce que vous savez.
Je vous aimerai bien plus encore que je ne vous aime, lorsque
vous m'aurez répondu.
La suite au prochain numéro. Paul Smith.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
leure élude possible sous le rapport de la partie mécanique de
l'instrument, je n'admets pas que leur style doive et puisse
être imité dans toutes ses parties. — Il faut remarquer que
dans ma pensée l'orgue catholique et l'orgue protestant ont un
emploi différent l'un de l'autre, et qui influe notablement sur
le style à adopter sur l'instrument , suivant le culte qui s'en
sert.
En effet , le protestant et le catholique n'envisagent pas de
la même manière les rapports que l'homme établit avec Dieu
par le culte public.
Le catholique considère beaucoup la forme extérieure et
s'en préoccupe constamment. Il croit à la présence réelle de
Dieu sur les autels, et celte croyance est la règle de toutes
ses actions; il s'agenouille, se prosterne, se lève, marche,
selon les circonstances du culte qui s'accomplit sous ses yeux.
Le prêtre se revêt de vêtements magnifiques; il place devant
le tabernacle des vases d'or et des linges du lin le plus fm ,
il fait brûler les parfums les plus odoriférants ; enfin , il agit
conformément à sa foi qui lui enseigne que Dieu lui-même
réside dans le temple.
Chez les protestants, rien de semblable n'a lieu. Le culte est
purement mental , c'est l'esprit seul qui s'élève vers Dieu ,
et le culte extérieur se borne à quelques actes insignifiants.
On conçoit dès lors qu'il existe une grande différence entre
le caractère de la musique admise par les deux cultes. Aussi
les organistes protestants , tels que Bach et Haendel, ont-ils
donné presque exclusivement h leurs ouvrages une forme scien-
tifique qui, il faut le dire, manque de poésie, peut être accusée
de sécheresse, et intéresse l'esprit sans frapper les sens. Sans
doute , et je me hâte de le dire , il y a dans les compositions de
ces deux grands maîtres des pages immortelles, complètes,
qui appartiennent réellement au style religieux ; mais enfin ou
y voit régner trop souvent la fugue avec son bagage de recher-
ches ardues, de calculs inextricables. Mais , me répondra-t-on,
si la musique dramatique ne convient pas à l'église, si la
musique savante doit aussi en être bannie , quel sera donc le
genre possible, et oij sont les modèles à suivre?
Il faudrait de longs détails pour répondre à celte demande ,
et je dois limiter ce travail déjà trop étendu ; aussi je me bor-
nerai à dire qu'on trouve dans l'histoire de la musique deux
hommes qui me paraissent avoir possédé le secret du style re-
ligieux et l'avoir révélé dans leurs admirables ouvrages, je
veux parler de Palestrina et de B. Marcello. Dans les chefs-
d'œuvre trop peu lus de ces maîtres , la science la plus élevée
se déploie sans pédantisme, l'enthousiasme le plus grand règne
sans passion. La mélodie et la science s'y rencontrent et y sont
étroitement unies , c'est véritablement la musique catholique
et les créations de ces hommes de génie qui peuvent dignement
inspirer les artistes de notre temps qui veulent sérieusement
faire de l'art chrétien.
Ce n'est pas à dire pour cela que Palestrina et Marcello aient
posé les bornes de l'art , que leurs ouvrages soient comme les
colonnes d'Hercule de la musique religieuse ; il y a sans doute
un nouveau monde à découvrir, des richesses incoimues à
conquérir. Ce sera la mission de quelque artiste qui peut-être
est déjà né; mais, en attendant que cette lumière vienne
éclairer notre art , c'est le devoir de ceux qui enseignent d'in-
diquer les sources oii l'on peut puiser la vraie science , d'étaler
les principes éternels du beau , de promulguer les lois qui ré-
gissent le goiit de la bonne musique sacrée. Ce devoir,
M. Justin Cadaux l'a complètement négligé dans la compila-
lion qu'il a pompeusement décorée du titre de Méthode cotn-
plèle d'orgue.
M. Cadaux annonce deux autres parties de sa méthode ,
et il en trace le programme qui ne répond nullement aux
exigences d'un tel travail. Nous avons dû nous hâter de cri-
tiquer sévèrement cet ouvrage afin que les artistes engagés
par les fausses promesses du titre n'en garnissent pas inutile-
ment les rayons trop souvent dégarnis de leur bibliothèque.
Il n'existe pas jusqu'à ce jour de méthode d'orgue , et à ceux
qui demandent où ils peuvent aller chercher la science spé-
ciale à cet instrument , je ne puis que les engager à étudier
jiour le clavier les œuvres des anciens maîtres-, Bach,
Haendel , Haydn , Mozart , Beethoven , et sans en excepter
Qèmenli; 2Jour l'harmonie , les ouvrages, et en particulier
le traité récent de M. Fétis ; pour Vorgtie , enfin , les excel-
lentes publications de MM. Boely et Benoist, qui peuvent avec
les morceaux des organistes célèbres former le goût et diriger
les éludes d'un élève studieux. Il en est de la science de
l'orgue, comme des autres sciences; elles s'acquièrent moins
par les méthodes que par un travail assidu et une volonté opi-
niâtre, labor improbus omnia vincit.
F. Danjou.
ITOUTSIalalSS.
"/ Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, à l'Opéra, la Heine
de Chypre.
',* La dernière représentation de Guillaume Tell , donnée di-
manche dernier, a été fort brillante. Duprez élait en voix et en
verve; aussi les applaudissements lui ont-ils été prodigués par l'as-
semblée. Au troisième acte, une couronne est tombée pendant le
fameus air: ^4.nle kérédiiaire. Le spectateur qui l'avait jetée a voulu
ensuite haranguer le public, et a été saisi d'une crise" nerveuse. On
dit que c'est un artiste, jeune encore, qui a obtenu beaucoup de suc-
cès sur l'un de nos théâtres secondaires et en province.
*," La Favorite a été encore donnée cette semaine pour la contl-
nualion des débuts de Latour. Ce bel ouvrage , qui jouit d'une im-
mense popularité dans toute la France, et qu'on regrette de ne pas
voir plus souvent à Paris , avait attiré la foule comme de coutume.
M"' Stollz y a déployé tout son talent dramatique et musical : on a
redemandé son duo du quatrième acte avec Duprez , et les deux ar-
tistes ont été salués de bravos d'enthousiasme. Le débutant Latour
a aussi reçu l'accueil que méritent sa vois charmante et l'art avec
lequel il sait la conduire.
*," L'ouvrage qui paraît devoir êlre représenté à l'Opéra, immé-
diatement après Marie Siuari, est intitulé Waïm. la partition en a
été écrite par M. Henri Reber, déjà connu par des symphonies , des
trios et des mélodies d'un grand mérite.
V M"' Adèle Dumilâtre est à Londres depuis quelques temps , et
y recueille encore plus de bravos qu'à Paris. C'est dans le ballet in-
titulé le Corsaire, et dont Albert est l'auteur, qu'elle déploie son
talent plein d'élégance et de grâce. On dit que le pas de séduction ,
dansé par elle, est un des plus merveilleux que l'on puisse imaginer:
aussi la foule se presse-t-elle chaque soir au théâtre de Drury-Lane.
La charmante danseuse sera de retour à Paris au mois de décembre.
*,* En attendant les ouvrages nouveaux qui doivent être donnés
cet hiver, celui de M. Halévy et celui de M. Auber, l'Opéra-Comique
est en train de remonter le Wallace, de Catel , avec un poëme refait
en grande partie par une main exercée.
",* Demain lundi le Maçon , opéra d'Auber, sera représenté à la
cour, pour l'inauguration de la nouvelle salle de Saint-Cloud.
*,* S. A. R. M. le prince de Joinville a bien voulu accepter le pa-
tronage de l'Association des artistes-musiciens. Le prince et la prin-
cesse, ainsi que M. le duc d'Aumale, ont honoré de leur présence
le grand concert donné vendredi à l'Opéra.
",* Dans le cours de la même semaine , deux messes en musique
ont été exéiutées dans la nouvelle église de Saint-Vincent-de-Paule;
la première est celle de M. Doche, dont on a pu voir plus haut le
compte-rendu ; la seconde , celle de M. Béchem , jeune compositeur
qui s'est déjà essayé avec un grand succès dans ce genre. Nous re-
grettons que l'espace nous manque pour analyser, comme elle le
mériterait, une œuvre d'un caractère vraiment élevé, d'un style
riche et large, dont notamment l'O/Terfoire, composé tout exprès
DE PARIS.
369
pour celle solennité, soutiendrait le parallèle avec les meilleurs mor-
ceaux que les grands maîtres nous ont laissés.
*.* C'est le, 24 novembre qu'aura lieu, dans la salle du Conserva-
toire, rue Bergère, le concert donné par M. Georges Kastner. On y
entendra un grund opéra biblique de sa composition', intitulé: /e
Dernier roi de Jinla. les paroles sont de notre collaborateur Mau-
rice Bourges, le premier musicien peut-être qui ait écrit un libretto
pour un autro musicien. iN'ommer MM. Hoger, Herraann-Léon, Mas-
sol, M""^' Dorus-Gras et Duflol-Maillard comme interprètes des prin-
cipaux rôles, c'est dire assez que l'exécution vocile sera très remar-
quable.La plupart des articles delà Sociolé des concerts composeront
l'orchestre, dirigé par M. Ilabeneck. Un pareil programme peut se
passer de conimonlaires.
*." Pixis, le célèbre pianiste, est de retour à Paris , où il restera
tout l'hiver.
*.* M. Rosenhain vient d'arriver aussi, et ses cours de piano re-
commenceront le 15 novembre.
"/ iM. Camille Stamaty est de retour à Paris.
*,* M. Léopold de Meyer, qui est en ce moment à Bruxelles, a
joué trois morceaux de sa composition dans le concert donné pour
l'inauguration du Cercle des arts. On a vivement goûté et applaudi
son exécution extraordinaire. Les deux sœurs MilanoUo jouaient aussi
dans ce concert et obtenaient leur sucrés d'usage.
"," M. Wolfsohn vient d'inventer une nouvelle espèce de diapazon
qui nous parait offrir sur l'ancien modèle d'incontestables avantages;
ce dernier est généralement d'un son mou, de peu de durée, et
parfois même d'une justesse équivoque. Celui de M. Wolfsohn, au
contraire, ayant la forme d'un petit cylindre droit, rend un son
pur, fort et inaltérable que l'on prolonge à volonté. La modicité du
prix de ce nouveau diapazon le met à la portée de toutes les bourses,
et le destine sûrement à devenir le vade meciim de tous les musiciens.
*." La célèbre harpiste de Vienne, M"» Elise Krings , maintenant
M""" la baronne d'Eichlhal, vient d'arriver à Paris où elle se pro-
pose de se faire entendre cet hiver.
",* L'une de nos pianistes distinguées, M"= de Lavergne , est de
retour d'un voyage artistique, et vient de reprendre le cours de ses
leçons.
-." M. Charles Widor, compositeur, pianiste et organiste distin-
gué, qui s'est fait entendre à Paris avec beaucoup de succès devant
un auditoire composé d'artistes et de connaisseurs, vient de repartir
pour Lyon où l'attend une nombreuse clientèle. Cet excellent ar-
tiste s'est concilié les \ ives sympathies de tous ceux qui ont eu l'oc-
casion d'enîendre ses charmants ouvrages, dont quelques uns vont
prochainement paraître.
,*, Le Châieau de Taya , tel est le titre d'un opéra nouveau de
M. Hovcn , texte de M. Perger.
",■' M"' Julian , ancienne première chanteuse au théâtre de
Bruxelles, et actuellement prima donna du théâtre de Lille, s'est
mariée lundi dernier dans la seconde de ces villes. Elle a épousé
M#VanGelder, professeur de piano, et Hollandais de naissance.
V La direction du théâtre de la Porte de Carinthie est toujours
vacante. Parmi les ♦ompéiileurs qui ont le plus de chance, on re-
marque deux chanteurs, MM. Wild et Fork. On prétend que le bail
de M. Ballochino sera prolongé, et qu'il ne cessera définitivement
qu'à la fin de l'année théâtrale.
*,* Dernièrement l'opéra de Uonizetti , Lncrezia Borgia, a été joué
deux fois sur le théâtre Piossini, à Livourne, Le prince Charles Po-
niatowski remplissait le rôle du duc de l'errare, la princesse Elisa
Poniatowski celui de Lucrèce, et la signera Corina Nanni, née
Luigi, celui de Maffeo Orsini. Les choeurs se composaient de person-
nages appartenant aux premières classes de la sociélé. Cette repré-
sentation a eu lieu au bénéfice des asiles de charilé pour les enfants.
Une inscription en marbre en conservera le souvenir.
"," C'est avec plaisir que nous pouvons annoncer aujourd'hui le
parfai t rétablissement de notre jeune et déjà célèbre pianiste et contre-
pointisle , M. César-Auguste Franck de Liège. C'est une bonne for-
tune pour ses nombreux amis et élèves: aussi apprendront-ils avec
plaisir qu'il recommencera ses cours de piano , d'harmonie pratique
et ihéurie , de contrepoint et fugue /e 15 de ce mois. Dans chaque
cours , il n'y aura que quatre élèves pour deux heures; s'adresser
chez lui, rue Lubrutj'ere, 15, pour prendre connaissance du pros-
pectus.
C!Su*oni<g«ie départenaeittale.
*,* Rouen, 17 octobre. — M"' Eliana été décidément admise après
son troisième début, qui a eu lieu dans Guillaume Tell. M. Planque
s'est essayé avec succès dans l'emploi des basses-tailles, demeuré va-
cant jusqu'ici parla chute du premier arlisie engagé pour le remplir.
*^" Lille. — A peine a-t-;ji fcrjjné la tombe de l'infortuné Dela-
haye, que la mort a failli ouvrircelle de Dud'ejte, sub remplaçant.
Une suCTocniion, qui a duré loule la duitdu IS au 19 courant, a été
suivie d'un évanouissement presque voisin de la mort. De prompts
secours et une abondante saignée ont éloigné le péril. Duffeyte a ré-
silié son contrat avec la direction pour soigner sa santé , gravement
compromise par cette violente secousse.
*." Bade, 7 octobre. — Depuis le départ des sonneurs de cor an-
glais, la .iiusiquedu I" régiment de Calsruhe a joué â la promenade,
et la Société des Bohémiens a donné Une belle preuve de son talent
hier soir dans la grande salle de la Convers.Uion. Le soir du 27 sep-
tembre, M. Bùlh joua une grande fanfare de cavalerie (le dernier
morceau de la soirée), et les cors anglais l'accompagnant à grand
orchestre, elle obtint à juste titre un succès complet. M. Bùlh,
artiste distingué, modeste et sans prétention , est a^antageusement
connu parplusieurs élégantes compositions pour cor et trompette; il
jouissait sous l'empire d'une haute réputation comme maître et
artiste. De son école sortirent les meilleurs trompettes de la cavale-
rie impériale. M. Bùlh dirige depuis plusieurs années cette partie de
la musique d'été, à Bade, avec un succès constant, et ses efforts
méritent la publicité, qui en est la plus digne récompense.
*/ Dresde. — Bianca el Guelliero , opéra nouveau de M. Alexis
Lvvofl', général et aide-de-camp de l'empereur de Paissie, a été re-
présenté ici le (3 octobre , avec un tel succès , qu'à la On de la pièce,
tout le personnel qui y avait pris part fut rappelé sur la scène, y
compris le compositeur. L'éiiquette ne permettant guère au gé-
néral de se rendre aux invitations du public, si flâneuses qu'elles
fussent d'ailleurs , c'est M. le régisseur qui est venu à sa place.
Quant à la partition nouvelle , les journaux en font le plus grand
éloge : on cite entre autres un duo entre Bianca et Guelliero ,
ainsi qu'une prière avec cliœur , qu'on dit être d'une très grande
beauté.
*," Dresde, 19 ociobre. — Les restes mortels de Charles-Marie We-
ber viennent d'arriver dans notre capitale, où ils ont été amenés par
le fils de cet illustre compositeur, M. Maximilien de Weber, un de
nos jeunes peintres les plus dislingués. Samedi dernier, les ob-
sèques du grand artiste ont été célébrées à l'église de IVolre-Dame
en présence de tout ce que Dresde renferme de personnes distin-
guées dans les sciences, les lettres et les arts. Le Requiem, qui a été
exécuté à cette occasion, avait été désigné par un tirage au sort pour
lequel on avait mis dans une urne les noms de Jomelli , de Mozart
et de Cherubini. C'est ce dernier nom qui est sorti de l'urne, et,
en conséquence , c'est son Requiem qui a été exécuté. Après le ser-
vice funèbre, le cercueil a été porté au cimetière catholique de
Dresde, où il a été inhumé. Le convoi se composait de plus de huit
cents personnes.
•,* païenne. — La grande réunion de chant , sous la direction de
M. A. Schniidt, directeur de notre Gazette musicale , a reçu l'autori-
sation de l'empereur. Sa .Majesté a daigné accepter une sérénade qui
a été donnée par lous les membres de la réunion , à la clarté des
flambeaux, dans son châleau de Sihœnbrunn. Parmi les maîtres dont
les productions furent exécutées successivement , on remarque , ou-
tre Mozart, Meyerbeer, Halévy , Mendeissohn , MAI. Kùcken, Reissi-
ger, .4. Bchaefl'er.
V Craeiz (Styrie). — L'Opéra de notre ville possède en ce mo-
ment quelques talents estimables, qui se sont produits dans des ou-
vrages du premier ordre, tels que Don Juan , la Flûte enctiantée.
L'orchestre, qui compte trente-deux membres, est renforcé, les
jours de grandes représentations par la Chamelle, comme on dit
dans le pays, du régiment d'artillerie qui s'y trouve en garnison.
*,* Mayence. — Notre théâtre est en soufirance depuis qu'à Bie-
brich , résidence du prince de Nassau , il y a une troupe à demeure.
Les deux scènes se font une concurrence funeste à l'une et à l'autre.
*,* Berlin. — L'ouvrage composé par Meyerbeer pour l'inaugura-
tion de la nouvelle salle de l'Opéra , vient d'être mis en répéti-
tion. Ce n'est pas, comme on l'avait annoncé, un grand opéra en
cinq actes dont le sujet serait tiré de la guerre des hussites , mais un
opéra de genre en trois actes , sans récitatifs et sur un sujet mo-
derne.
Lé Directeur, Rédacteur en chef, Maurice SCHLESllNGER.
370
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2. Ma filleile Jolieile. Air chanté par M"" Casimir.
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cl M'"' Sainte-Foy.
3. Ah ! quelle iiuolence ! Quatuor chanté par MM. Giraud , Gri-
gnon, M""^' Casimir et Sainte-Foy.
5. Allons, et plus de jalousie. Dueltino-tiio chanté par MM. Gi"
raud, Sainte-Foy, et M'"= Sainte-Foy.
6. Soyoïts poli, quoi qu'il m'en coule. Duo bouffe chanté par
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Le CUirogymnaste est unasseirimauedeiicurappa-
reils^ymnastiqucs destinèsà donner de Vextcnsion k
lamainelderécarï aux doigts à augmenlerel à cga/(-
ser leur force el à rendre le quatrième et le cinquiùtne
indépcndanls de ton.s les autres. Le Chirogynmasie
.1 été aussi approuvé et adopté par MM. Adam, Dertini,
ne nctiot. Cramer, Ilert, KalUbretmer,Lislz,M(ische'.(;s
iVuiiwil, Sifon, T/iolbcrj, Tiiloii. Zimmcrmann.clc.
Chaque Cliirogymnaste est revêtu de la signature
de ^'inventeur el se rend place de la lio\irfc, n° 13,
appareils, 50 fr., à neufapp. liO fr., mcilwde.Tifr.
«initlASTIOlJF. API'I^IOtJÉF. A L'ÉTCDF. UU ri,lM«>.I"«
La WmiVASTIVUlù DES UOIGTS, par H. UEnTINI. ■■'•<
r ItlAKTI». 3 (r.
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sont faites contre remboursement. Fc
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GAZEHE MUSICALE
Rédigée par MM. A.NDERS , G. BÉNÉDIT, BERUOZ , Henui BLANCHARD, MAUuifiE BOURGES, F. DANJOU, DLESBERG, FÉTIS père, Édouabd FÉTIS,
STEPnEN HELLER, J. JANIK, G. KASTNER , LISZT, J. JIEIFRED, GeoKGE SAND, L. RELI.STAB, PAUL SJIITH, A. SPECHT, etc.
IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉnO UN DESSIN INÉDIT DE GAVABNI.
SOMMAIRE. Les luttes du compositeur (sixième article); par J.
MEIFIIED. — Théâtre royal de l'Opéra-Comique : Reprise du
Maçon; par H. BLANCHARD. — Impressions des autographes;
par O. BLANCHARD. — Feuilleton. — Nouvelles. — Annonces.
LA CLARINETTE. Dessin de Gavarni.
LES LUTTES DU COMPOSITEUR.
(Sixième article *.)
V.
Kia réception.
Fini! s'écrie d'un ton triomphant le héros de cette mono-
tone histoire des luttes du compositeur , en apposant sa
signature entourée d'un glorieux paraphe , au bas de sa parti-
tion très proprement mise au net , et augmentée dans les
deux portées inférieures d'une réduction de l'orchestre au
(•) Voir les numéros 12, 19, 23, 31 et 39.
piano , pour faciliter les répétitions , et aussi , faut-il le dire ?
pour allécher l'éditeur, qui ne peut manquer d'acheter ce
chef-d'œuvre.
Fini , fini , fini , répète-t-il sur tous les tons et dans tous
les modes , eii jetant sa plume sur son lit , son oreiller sur son
piano , et en dan.sant une polka tellement exubérante , que
l'une de ses pantoufles va coiffer une bougie sléarique, pen-
dant que l'autre , s'échappant par la fenêtre , tombe dans la
rue et devient le motif d'un attroupement dans lequel les
plus éloquents expliquent aux autres badauds comme quoi
cette pantoufle était la chaussure du pied droit d'un pauvre
artiste que le désespoir a poussé au suicide , et dont [le ca-
davre vient d'être transporté à la Morgue par les soins de l'au-
torité ! Pendant que les nigauds de la rue s'apitoient sur son
sort en termes plus ou moins grotesques , notre compositeur,
ivre de joie d'avoir achevé sa partition, continue à danser
comme si la tarentule l'avait piqué.
C'est un fait d'observation générale que les gens malheu-
reux sont les plus heureux. Obligés de vivre avec leurs en-
Portefeuille de deux Cantatrices ^^K
GLOTILDE B*** A ESTHER SAUNIER.
G juin.
Je viens de faire maison nette : j'ai renvoyé tous mes gens ,
femme de chambre , cociier , cuisinier et le reste. Je savais de-
puis longtemps que j'étais volée par les uns, j'ai découvert que
j'étais trahie par les autres: alors je me suis indignée et j'ai dé-
cidé que tout le monde partirait. C'est une chose si affreuse que
de ne pouvoir compter sur personne, que de nourrir auprès de
soi des espions capables de vendre tous vos secrets pour un peu
d'or ! Le mieux serait assurément de vivre de façon à n'avoir pas
de trahisons à craindre ; mais est-ce possible , grand Dieu ! est-
ce possible? Je l'ai voulu souvent , et je ne sais quelle fatalité
s'est toujours jouée de mes résolutions.
Me voilà donc entourée de nouveaux visages, sur lesquels je
m'exerce à lire : je cherche à mettre ma maison au régime d'une
petite terreur orientale dont je ne suis pas exemple moi-même.
Toi seule me restes, mon Esther; je n'ai plus que toi pour amie,
pour confidente, et tu es à cent cinquante lieues! Que penses-
(I) Voiries numéros 40, 41, 42, 43 et 44.
tu de ma position? que trouves-tu qu'elle mérite, l'envie ou la
pitié 2
Je vais te raconter une histoire qui te semblera bien étrange ,
à toi si pure d'imagination et de cœur. Tu regretteras peut-être
de me l'avoir demandée ; mais enfin tu le veux et je cède : tu
n'auras rien à me reprocher.
Tant que tu as été chez moi , à Paris , je ne t'ai rien dit de ma
manière d'être, mais tu as pu te douter que j'avais une liaison
avec le comte de Reval, que tu as vu plusieurs fois dans mon
salon. C'est un homme charmant, jeune encore ; il a trente ans
et n'en paraît pas plus de vingt-cinq. Il est très riche , quoiqu'il
ait mangé beaucoup d'argent, très grand dans ses manières, très
spirituel et très jaloux. Nous nous prîmes un jour de belle pas-
sion l'un pour l'aulre. Les passions, comme on dit, ne sont pas
éternelles : la mienne vécut plus que ne vivent les roses , mais
enfin clic eut son lerme, et je ne saurais trop dire quel senti-
ment la remplaça : ce n'est pas de l'amour, mais c'est plus que
de l'amiiié; c'est un allachement calme, mêlé de tendresse,
d'estime et d'amour-propre. Je serais désolée qu'une autre me
succédât publiquement auprès du comte, et je ne pourrais ja-
mais envisager ma rivale de sang-froid. Je dis ma rivale, parce
que je suis convaincue que le comte m'aimerait toujours, quand
même il changerait vingt fois de maîtresse. S'il me fait des infi-
délités, il les cache si bien que je les ignore : il est vrai que je '
ne suis pas aussi soupçonneuse que lui, sans doute parce que
BUREAPS: D'ASOKTNEMŒM'T, RUE RICHEIiîEÏT , 97.
372
EEVTJE ET GAZETTE MUSICALE
nuis ^ comme le boiteux avec sa béquille, la nécessité de les
donirBef l«ur donne cette insouciance, cet eiibldes douleurs
de la veille et des préoccapatioiis du lendemaÎQ, qui est le
eacliet du caractère des bohémiens, des demoiselles chantées
par Béranger d'une façon si pïndarique, et de tontes les es-
pèces d'artistes , y compris les malheureux et ti'ès malh^u^
reux composiiearx : aussi, fait-it bon "de voir à la première
eoihellie, lorsque l'impitoyable sort, lassé do frapper, laisse
reposer un instant son knoiU, comme les bohémiens, les de-
moiseMes et les compoîiteurs se livrent sans contrainte à la
-gaieté dtt njomeot. — Gaieté fiévreuse et forcée , dira pédan-
tesquement un philanthrope pénitentiaire, habitué à classer
les élans du cœur humain comme des caractères d'imprimerie
dans une casse. — Fiévreuse, soit, mais forcée, non ! répon-
drai-je à ce savaiBL Tout est relatif: le moindre plaisir, dans
une vie de douleurs, est une jouissance ineffable. Aux yeux
de Silvio Pellico, un brin de mousse représentait mieux les
merveilles de la nature et les bontés de son créateur que le
parc de Versailles aux regards blasés de Louis XIV.
Mais je m'arrête, car je vois que les réflexions que m'ins-
pire la gaieté de mon héroS durent plus longlemps que cette
gaieté même, et je reprends le fil de ma terrible narration.
Il a terminé sa partition , il est heureux !... Mais un frisson
glacial parcourt ses nerfs et ses veines, lorsque l'idée lui vient
qu'il faut soumettre son œuvre adorée au jugement du direc-
teur du théâtre , presque toujours le plus ignorant des
hommes en matière musicale , et à l'examen (ort souvent ja-
loux et malveillant du chef d'orchestre.
Cependant il se décide , et court h la direction pour y dé-
poser cette partition sortant à peine du moule; un secrétaire
bien formaliste , bien administratif, en un mot, un secrétaire
bien secrétaire, reçoit le dépôt de l'objet de tant d'espérances,
de craintes, de douleurs intimes , de doutes cachés sous les
apparences d'une certitude absolue,... et il en donne un ré-
cépissé en bonne et due forme, avec date , signature, timbre,
paraphe et le reste. Cette formalité accomplie, il faut que
notre héros découvre le directeur, et qu'il fixe, d'accord
avec lui , le jour et l'heure où il pourra faire entendre sa par-
tition , afin qu'elle soit admise, copiée, distribuée et répétée.
Mais découvrir un directeur n'est pas chose facile : ces mes-
sieurs., sans être des magiciens, possèdent tous un auEcau de
(xigès qm tes remï iirvisrhte&; cet aini«ao se Homme' k eoft-
sigue.
O toi, chantre ïa^iirè duisiégedeTiroèe:, èitin Hemère»
inventeur et parangon de l'art de dénombrer, daigne me;
prêter fa lyre pour que je dénombre à ma façon les visites/
les courses , lés démarches , les tours et détours que l'inifiMr-
tuné compositeur est obligé de faire pour découvrir cettte îfe
invisible d'un océan peu pacifique, généralement désignée
par la qualification de directeur !
Dénombrerai-je? Tout bien considéré, non; et j'aina»
mieux passer, sans autre transition , au compte-rendu de la
séance où le directeur, entouré de quelques amis, et flanqué
du chef d'orchestre, daigne enfin écouter, ou feindre d'écou-
ter la partition de notre courageux artiste:
Comme son cœur bat lorsqu'il se place au piano sur le
pupitre duquel il trouve ses cahiers déjà marqués en plusieurs
endroits de croix rouges et d'autres tels .signes diaboliques et
cabalistiques! Comme son regard inquiet et scrutateur se
porte tour à tour sur les yeux de ses juges impassibles pour
pénétrer leurs sentiments cachés! Souffrances de l'artiste que
la nécessité force à soumettre ses œuvres k des administra-
teurs ignorants , à des cœurs froids ou jaloux , je renonce à
vous décrire !
Le compositeur appuie ses doigts tremblants sur le cla-
vier, et joue son ouverture ; puis il regarde ses juges et dé-
couvre dans leurs yeux... rien du tout. 11 raconte tant bien
que mal le sujet du dialogue des acteurs , et arrive au pre-
mier morceau vocal, qu'il chante avec une voix de composi-
teur, c'est-à-dire avec la voix la plus cassée , la plus enrouée,
la plus fausse et la plus criarde que jamais grenouille atteinte
d'une laryngite chronique ait fait entendre aux admirateurs
passionnés de la vie champêtre. Il regarde encore ses juges,
et continue à découvrir dans leurs yeux... rien du tout. Enfin,
après une heure A' égosilkmenl et d'efforts, il arrive à la fin;
de sa partition; alors commence le jugement. Le directeur,
fier de son expérience, fait quelques observations ; les obser-
vations d'un directeur sont des ordres, le compositeur s'y
soumet. Cependant il ne peut résister au besoin de prendre
la défense de son plus beau morceau, que l'autocrate trouve
mon afi'ection a conservé moins d'ardeur.
Mous en étions là de notre intimité, quand, le lendemain d'un
jour où je repris Ârmide, mon concierge me remit un paquet de
lettres parmi lesquelles s'en trouvait une des plus extravagantes.
Tout habituée que je sois à ces sortes d'épîlies, celle-là me fit
une certaine impression par le ton de candeur et de sincérité
qui régnait dans le style. C'était un jeune liomme qui m'avait vue
la veille sur la scène , et qui s'était enflammé subitement. Bien
d'autres avant lui m'avaient déclaré la même chose, mais aucun
dans des termes emportant si bien conviction. Il était encore
dans l'illusion de tous les écoliers sortant du collège , qui s'ima-
ginent qu'une actrice à qui l'on écrit va s'amuser à vous ré-
pondre : aussi, dans une seconde lettre , me témoigna-t-il son
étonnement de ce que je refusais de le recevoir ou de lui écrire.
Il me suppliait 5 mains jointes de le traiter avec plus d'huma-
nité , jurant sur son âme qu'il lui était impossible de vivre sans
me voir. Toujours même silence. Il ne se rebuta pas : il m'é-
crivit encore pour m'annoncer qu'il était résolu à triompher de
ma résistance , car , s'il n'en triomphait pas , il ne lui restait qu'à
mourir, et pour me demander humblement paidon du moyen
qu'il avait l'audace d'employer ; c'é(ait , disait-il , par le conseil
d'un ami , sans savoir s'il faisait bien ou mal. Cinq billets de
mille francs étaient plies dans un coin de la lettre. Toute la
poésie que j'avais rêvée s'évanouit à l'instant : « Allons , me
» dis-je , me voilà retombée sur la terre ; j'ai été dope de quel-
» qnes phrases. Mon naïf jeune homme n'est qu'un liljertin et
11 un roué , comme tant d'autres: après m'avoir attaquée par le
11 sentiment, il revient aux procédés vulgaires. Quand on humilie
11 une femme , c'est qu'on ne tient guère à s'en faire aimer. » Je
remis les cinq billets à mon concierge avec ordre de les rendre
sans rien dire à la personne qui avait apporté la lettre. Tu crois
pent-être que mon jeinie homme s'en tint là. Point du tout; il
m'écrivit une nouvelle lettre, plus respectueuse encore que les
autres , en doublant la dose de billets , toujours , disait-il , par le
conseil de son ami. Même réponse de ma part et nouvelle lettre
de la sienne , accompagnée de vingt billets : c'était une espèce
de martingale, bien inutile au succès de sa requête, car je n'y
faisais même plus attention. Le lendemain , je reçois une lettre
en deux lignes, contenant trente billets: je m'en débarrasse
comme à l'ordinaire. Enfin , une dernière lettre m'arrive , ac-
compagnée de cinquante billets : je la transcris mot pour mot :
« Madame ,
» Puisque j'ai commencé , je continue, mais cette fois j'agis
de moi-même et malgré l'ami dont j'avais d'abord suivi les con-
seils. Si je l'en croyais aujourd'hui , je renoncerais à vous : je
ne vous importunerais plus d'un amour qu'il croit sans espé-
rance , mais moi je veux encore me persuader que vous ne serez
pas toujours inexorable. Je dépose entre vos mains, ou plutôt
à vos pieds tout ce que je possède. Je suis venu recueillir
DE PARIS.
^73
trop long. Avocat malheureux , pour soutenir sa cause il est
obligé d'invoquer son code , et de citer à son juge Catcl et
Reicha. Le directeur croit entendre parler de lois romaines
ou féodales; il s'irrite de ne pouvoir comprendre, mais il
persisie à Iroiiver le morceau trop long; et pour combattre
son jeune et savant adversaire, il appelle à son secours le
chef d'orchestre, qui, placé entre sa conscience d'artiste et
son intérêt personnel, se tire d'affaire en prononçant quelques
paroles vagues, embrouillées , inintelligibles , qui laissent la
question toujours pendante.
Alors le directeur, hors de lui, s'écrie : — Monsieur, vous
aurez beau me citer Catel et Reicha, j'exige une coupure
dans ce morceau. — Monsieur, balbutie le compositeur rouge
de crainte et d'indignation , je ne demande pas mieux que de
vous satisfaire ; mais , en vérité , je ne sais à quel endroit
pratiquer la coupure que vous me demandez. — S'il n'y a
que cet obstacle , répond le directeur triomphant , je vais
vous tirer d'embarras ; il y a , Dieu merci , assez longtemps
que je demande des coupures pour savoir comment elles se
font.
Et prenant brusquement la partition , il dit d'un ton im-
périeux au chef d'orchestre : — Monsieur, cherchez-moi
une dominante dans ce morceau ! Et le chef d'orchestre, avec
le sang-froid d'un homme habitué à de pareilles exécutions ,
désigne une dominante à son czar, lequel, s'adressan tau com-
positeur, lui dit de l'air le plus satisfait : — Vous allez voir,
jeune homme, comment se font les coupures. Et d'un trait
de crayon rouge il biffe tout ce qui suit la dominante indi-
quée , jusques et y compris la cabalette du morceau.
Le double traître , dans le cours de sa longue carrière ,
ayant toujours vu que les coupures se faisaient après une do-
minante, imagine qu'une fois celte dominante trouvée , il n'y
a plus qu'à biffer. — Mais, monsieur, reprend le compositeur
suppliant, mon morceau ne peut finir ainsi! Jamais phrase
musicale n'est restée eu l'air sur une dominante! Accordez-
moi du moins la cadence parfaite de la fin! — Eh bien ! soit,
jeune homme ! je vous la laisse, cette cadence parfaite ; mais
vous apprécierez , je l'espère , le sentiment de bienveillance
paternelle qui me décide à vous faire cette concession et à
recevoir votre pièce !
Confus de tant de bontés , le jeune compositeur remercie
humblement, et va racoiiter à sa mère l'heureuse nouvelle
de la léceplion de son opéra.
Et c'est exactement de cette façon que les choses se pas-
sent. Les sceptiques douteront de la réalité de l'histoire de la
dominante; mais je leur tiens une bonne réponse toute
prête : le nom du directeur et celui du compositeur à qui elle
est arrivée.
J. Meifred.
THEATRE ROYAL DE L'OPERA-COMIQUE.
Reprise dia Maçon.
Si les théâtres royaux sont maintenant des machines à faire
fortune ou à culbutes pour les directeurs ;. s'il n'y a plus de
fonds social au théâtre de l'Opéra-Comique, il existe un fonds
de répertoire de vieilles pièces classiques et sympathiques au
public. Nous avons toujours poussé, dans cettefeuille, voyant
l'indigence de notre jeune école musicale, h la reprise de ces
anciens opéras, et nous ne pensons pas que l'administration
du théâtre Favart ait à se i-epentir de nous avoir écouté. A la
suite de Richard, de Camille, du Déserteur, de Gulistan ,
espérons que nous reverrons la Caverne , l'Amant jaloux,
les Evénements imprévus, Montano et Stéphanie , l'une ou
l'autre Lodoïsha , etc. Sans remonter si haut , on a repris
le Maçon , charmant opéra, libretto et partition, qui date
d'à peu près vingt ans. C'est quelque chose, parle luxe d'in-
strumentation, et l'on pourrait dire, par l'indigence de mé-
lodie qui courent. La recherche harmonique et le fracas
instrumental tuent celte pauvre mélodie. On n'en était pas
encore là lorsque M. Auber donna le Maçon. L'auteur lui-
même a craint que l'orchestre de cette partition ne parût pau-
vre, et il l'a, comme on dit en argot de musique romantique,
renforcé de trombones et de cymbales. Peut-être a-t-il pensé
qu'un collaborateur désintéve.-sé pourrait quelque jour ra-
fraîchir, arranger sa partition, dans le seul intérêt de l'art
et de l'instrumentation , et il a mieux aimé prendre l'initia-
tive. Eh bien ! voyez pourtant ce que c'est que cette mode
a Paris l'héritage que m'a laissé l'unique parent que je me con-
nusse, l'oncle qui , après la mort de mon père et de ma mère,
se chargea de mon éducation. Ces cinquante mille francs sont
tout mon bien ; à quel usage voulez-vous que je les consacre , si
ce n'est à obtenir la seule faveur qui puisse me faire tenir à la
vie ? Si vous me la refusez, mon parii est pris , je me lue. Voyez,
madame , réfléchissez : je vous donne vingl-qiialre heures. Et
ne vous flattez pas que ce soient de vaines paroles ; je ne de-
mande pas mieux que de vivre , mais je suis fermement décidé à
mourir si vous ne consentez à me sauver. «
J'ai tant de fois entendu la même menace sans jamais l'avoir
vue suivie du moindre effet, que je n'éprouvai pas la plus lé-
gère émotion. Je fis remettre les cinquante billets à mon con-
cierge , le malin du jour où le jeune homme devait venir cher-
cher la réponse , et , vers Irois lieures , j'allai me promener au
bois dans ma voitiue, avec le comte de Reval, qui, ayant une
visite à faire à Bellevue , avait dit à sou groom de l'alteudre à la
porte de Boulogne avec ses chevaux. Là, nous nous quittâmes.
Je dis an comle que j'avais besoin de marcher, et que, s'il n'élait
pas trop longtemps , il me retrouverait dans l'avenue de la reine
Marguerite. Je me mis en effet à cheminer d'un pas rapide, à
cause du froid , laissant mes gens à quelque dislance. Je ne sais
plus à quoi je songeais, lorsque j'entendis un bruissement de
branches que l'on froisse , de feuilles mortes que l'on foule aux
pieds , et que tout-à-coup je vis apparaître une espèce d'ange ,
de chérubin , n'ayant de l'homme que le costume , qui s'élança
vers moi , me saisit la main vivement , mais sans violence , et
me dit avec un triste sourire que je n'oublierai jamais, un re-
gard mouillé de larmes et rayonnant de joie :
— C'est vous, madame !... ah ! que je suis heureux !... Par-
donnez si je profile d'un hasard que je n'ai pas cherché. Dieu
m'est témoin que je n'espérais pas vous rencontrer ici , que je ne
vous ai pas suivie ; mais , du moment que je vous ai aperçue, je
n'ai plus été maître de moi !...
— Comment, monsieur , vous seriez le jeune homme?...
— Qui vous a offert sa fortune , rien que pour être admis chez
vous une seule fois, et qui tout-à-l'heure va mourir sans regret,
puisqu'enfin il vous aura vue , il vous aura parlé !... Faul-il que
ce soit au hasard que je doive un pareil bonheur ?
Je te l'ai dit, par habitude autant que par nature , je croîs peu
aux gens qui parlent de se brfder la cervelle. Je ne voyais pas
d'arme entre les mains de mon jeune homme ; je n'apercevais
aucun dérangement ni dans ses trails ni dans sa loilelte , qui
était d'une élégante simplicité : une redingote enlr'ouverte lais-
sait voir un habit bleu d'iui drap très fin , boutonné sur la poi-
trine; sa cravate blanclie , à bouts croisés, était rattachée par
une turquoise entourée de petits diamants ; ses gants jaunes
étaient d'une fraîcheur parfaite; sa chaussure même n'avait
presque rien perdu de son éclat. Je remarquai toutes ces choses
en un clin d'œil , et pourtant, au son de sa voix, à l'accent de
374
REVUE ET GAZETTE ^aiUSICALE
cette monomanie de récrépissure , et c'est bien le cas de se
servir de cette expiession technique, à propos du Maçon, ce
badigeonnage fait par l'auteur lui-même a ôté quelque chose
de la naïve simplicité qui distingue cette vieille partition de
M. Auber, et c'est dommage, car ce n'est pas précisément par
cette qualité que brille son talent.
La reprise du Maçon , partition fort peu retouchée , il est
vrai, n'en est pas moins une nouvelle preuve de la nécessité de
respecter le premier jet des œuvres du génie , ne fût-ce que
dans l'intérêt historique de l'art.
L'ouverture est une jMéface dans laquelle le compositeur
a voulu peut-être un peu trop peindre toute la pièce ; cepen-
dant elle est mélodique et dramatique. La ronde : Les amis
sont toujours là, a conservé sa franchise populaire, avec
toute sa simplicité d'accompagnement. Le duo final du pre-
mier acte : Je m'en vas, est exquis de grâce, d'expression ,
de coquetterie et surtout de mélodie, un peu cousines ger-
maines cependant, nous ne savons si les critiques l'ont fait
remarquer dans le temps , de celle du petit opéra de la Piélé
Filiale: Allons, donnez-moi le bras, d'un sieur Gaveaux,
qui a créé tant et de si fraîches mélodies.
Le second acte, sombre mélodrame encadré dans le premier
et le troisième acte, n'est pas très saillant par la musique ;
mais ce troisième acte, ne renfermât-il que le duo de piquant
bavardage entre madame Bertrand et la jeune mariée, accom-
pagné par le chœur, sufTirait pour faire prendre rang à un
musicien parmi les meilleurs compositeurs dramatiques. C'est
scintillant de vérité, d'esprit scénique, en même temps que
de savoir; car un homme qui n'aurait pas étudié la fugue et
le canon n'aurait pas pu enchevêtrer ces imitations croisées
qui peignent si bien la dispute. Donc , l'art est fils de la
science, quoi qu'en dise le génie ignorant et orgueilleux
C[ui court les rues. Ce morceau ravissant a été hissé, pour
faire fêle à l'auteur, et aussi à ses deux interprètes, mes-
dames Darcier et Prévost, qui ont dit ce duo d'une verve
et d'un esprit qui ont provoqué d'unanimes applaudisse-
ments.
Mademoiselle Prévost remplace dignement madame Bou-
langer dans la voisine bavarde ; madame Darcier met autant
de grâce dans le rôle de la jeune mariée, qu'en mettait ma-
dame Pradher ; Mocker a succédé à Ponchard ; il ciianlc et
joue de manière à ne pas faire regretter son prédécesseur.
Ricquier a le degré de ce comique de convention qu'il faut
au théâtre de l'Opéra-Comique. Ce personnage, nouveau Phi-
linte de Molière de bas étage , fut joué par Vizentini , qui
était encore moins vrai que Ricquier. Ce rôle abonde en
traits saillants d'égoïsrae que M. Scribe sait si bien aller
chercher au fond du cœur humain, qu'il excelle à peindre ,
et qui ont pour base cette morale stationnaire qui consiste
dans l'esprit d'une foule de personnages mis en scène par cet
auteur , à paraphraser ce vers de Boileau , cooime le fait le
serrurier Baptiste :
Sois donc toujours maçon, puisque c'est ton métier.
C'est-à-dire, remue ton mortier, en étouffant tout ce qui peut
remuer de noble et de généreux dans ton esprit ou dans ton
cœur.
Maigre cette morale, ou plutôt à propos de celle du héros
de la pièce, et surtout grâce à la jolie musique de M. Auber,
le Maçon aura un succès de pièce nouvelle , comme les au-
teurs en font si souvent.
Henri Blanchard,
IMPRESSIONS DES AUTOGRAPHES.
Ce n'est point d'impressions d'autographes par la gravure
ou la typographie que nous voulons parler ici , mais bien de
ces impressions morales qu'un grand compilateur de romans
a mises à la mode sous le titre d'impressions de voyage dans
cette littérature journaliste, journalière, qui vit au jour le
jour; de ces impressions qu'éprouvent toutes personnes à
l'esprit délicat, investigateur, et qui sont curieuses de voir
comment des hommes supérieurs ont manifesté de prime abord
leur pensée sur le papier; d'étudier avec une sorte de plaisir
les hésitations de cette pensée, et d'en suivre les modifications :
car cette étude physiologique du travail intellectuel et ma-
nuel augmente la sympathie que toute intelligence exercée
éprouve pour tout ce qui vient des esprits élevés.
Les Anglais poussent à l'excès ce goût de connaître , de
SCS paroles, à l'expression de sa physionomie , je fus convaincue
qu'il n'en imposait pas. C'était une raison de plus pour paraître
incrédule.
— Permeltez-moi de vous dire, monsieur, que je n'ai jamais
pris vos lettres au sérieux, et dans ce moment, plus que jamais,
je suis sûre que vous plaisantez, '
— Vous avez tort, madame : dans ce moment, plus que jamais,
je suis franc avec vous. Je vous aime , et j'ai tort , puisque vous
ne pouvez m'aimer. Dans quelques minutes , si toutefois vous
me les accordez, j'aurai cessé de vivre.
— Monsieur, c'est pousser trop loin la raillerie.
— La raillerie , madame !... il faut donc vous convaincre. Eh
bien ! je vais le faire... Adieu !
En prononçant ces mots , il recula de deux pas dans le taillis ,
tira de sa poche un petit pistolet, qu'il appliqua sur son front. Je
n'eus que le temps de me précipiter sur lui , de détourner sa
main. Le coup partit, et la balle lui laboura profondément tout
le côté gauche de la tête. Le sang coula aussitôt.
— Vous êtes blessé ! m'écriai-je.
— Ah! madame, laissez-moi, dit-il, éloignez-vous I... j'ai
une autre aime !
— Non , monsieur , je ne vous quitte pas; mais quelle folie !
quelle cruauté !...
A travers toutes les idées qui m'assaillirent en ce moment, je
pensai que la détonation d'une arme à feu aurait été entendue ,
que les gardes du bois allaient accourir , qu'ils me trouveraient
\ii, avec ce jeune homme, que j'étais décidée à ne pas aban-
donner. Je n'hésitai donc pas : mes gens m'avaient rejointe ,
je leur dis de ne point s'inquiéter d'un accident causé par ma
maladresse , et que j'avais intérêt à tenir le plus secret pos-
sible. Puis, me tournant vers le jeune homme , dont j'avais cou-
vert la blessure avec mon mouchoir, et lui montrant ma voi-
lure :
— J'espère à présent , lui dis-je , que vous ne me refuserez
plus , et que vous me permettrez de vous reconduire à Paris.
Je ne puis te dire , chère amie , le regard qu'il me lança en
acceptant mon offre ; mais ce que je sais trop bien, c'est qu'à
partir de ce moment je sentis que j'étais à lui. Que veux-tu ! c'est
une grande faiblesse, pent-êtte une grande, faute, un crime
même : je ne m'excuse ni ne m'absous , mais , en tout cas , ce
fut un crime involontaire. Jamais séduction n'agit sur mon ûme
avec tant d'irrésistible puissance ; et s'il y avait moyen de te
peindre combien il se montra simple, touchant, aimable, pas-
sionné , pendant le rapide trajet du bois à la rue du Helder , où
il demeurait!,..
— Ah ! me disait-il en couvrant mes mains de baisers , quelle
journée ! quelle belle journée! Je voulais mourir pour vous, et
je vous dois la vie 1 Je vous dois bien plus ! L'idéal de ce bonheur
que je poursuivais , ah ! que c'était peu de chose auprès du
bonheur réel que je trouve ù côté de vous I
DE PARIS.
375
voir, de posséder tout ce que la célébrité a coloré de son
prisme brillant; mais le principe de ce goût repose plus en
eux sur la ciu'iosité et sur la vanité que sur l'admiration ré-
fléchie et le respect qu'on doit avoir pour les hommes d'une
haute capacité. Leur empressement à se procurer un morceau
de la corde qui a servi à pendre un audacieux coquin , h
payer au poids de l'or la canne d'un mandarin , ou la pierre
qui a servi de trône à quelque chef d'une peuplade de sau-
vages , rappelle la plaisanterie de cette chanson qui parle des
pantoufles de Démosthène, de la perruque de Cicéron et d'une
foule d'autres objets d'une aussi problématique antiquité.
Cependant ces mêmes Anglais viennent , peut-être par excep-
tion , de montrer une sorte de respect religieux pour les restes
de Weber et la chambre qu'il habitait à Londres. La piété
filiale du pauvre héritier de l'auteur du Freyschûtz a dû s'en
émouvoir, car il a retrouvé, sur la table oii il l'avait écrite,
la dernière pensée musicale de son père interrompue par la
mort.
Telles étaient les réflexions, mais plus riantes, que nous fai-
sions dernièrement en sortant de chez M""= Wartel , qui nous
avait fait voir plusieurs autographes de compositeurs célèbres,
et qui nous a même forcé gracieusement d'en accepter quel-
ques uns.
M°'= Wartel est une excellente pianiste , bonne musicienne
qui , nourrie de grave et sévère musique , se plaît à inter-
préter, dans l'esprit de ces grands maîtres, les œuvres de
Sébastien Bach, de Mozart, de Beethoven et de Weber.
L'an passé elle parcourut les principales villes de la musicale
Allemagne, qui applaudirent généralement à son beau talent
sur le piano. Cette jolie virtuose, qui pourrait se passer tant
de fantaisies, a été prise de celle de ne point payer tribut à
la mode du jour, en évitant autant que possible de jouer
exclusivement des fantaisies sur son instrument ; et pour
cela faire, elle s'est mise à composer de fort jolies études,
entre autres une qui est capable de faire plaisir, si ce n'est
même envie, à Thaiberg, à qui elle l'a dédiée.
Muni des fragments manuscrits dont nous avait gratifié
cette charmante artiste , pour en revenir à l'impression
que font sur votre pensée les autographes d'hommes célèbres,
nous nous sommes plu à étudier sur les visages de ceux à qui
nous les avons montrées, l'effet produit par la vue de ces
reliques du génie. — Ceci est bien réglé comme un papier
de musique , a dit tout d'abord un chef de division du mi-
nistère des finances , en voyant les premières pages d'un
quintette de Beethoven; mais ce qui est écrit dessus n'est
guère comme le papier. Quel affreux brouillamini , mon Dieu !
Et quel plaisir pouvez-vous trouver, nous dit-il, à considérer
avec tant d'attention ce barbouillage à l'encre et au crayon ?
— Plus que vous n'en auriez sans doute à hre une circulaire
de la main de M. de Villèle, à la date de 1827, époque où ce
soi-disant grand homme d'état est tombé , lorsque Beethoven
tombait aussi dans la mort pour se relever dans la postérité.
A quoi pensez-vous donc en regardant cette simple page
de musique écrite sur un papier jauni? nous dit ensuite un
colonel de nos amis. — Eh mais à voir dans cette mé-
lodie , tracée par la main de Schubert , une pensée douce et
mystérieuse , une souffrance de l'âme , une méditation vapo-
reuse, un chant suave et naïf sous lequel on distingue une
harmonie inattendue, originale, brisée, exceptionnelle...,
qui sera neuve encore bien longtemps; et tout cela dans la
forme concise et complète du lied. On rêve , en lisant cette
œuvre légère par les yeux de l'esprit ou de l'âme , à la nature
incomprise de son auteur, mort de découragement avant le
temps. On pense tristement que chacune de ces mélodies lui
valait un dédain ou un affront quand il venait les proposer à
un éditeur. — Encore! lui disait-on; mais c'est toujours la
même chose! — Et le malheureux compositeur s'en allait
tout découragé. Il fallait qu'il mourût , comme la plupart des
hommes d'un esprit choisi , distingué, pour qu'on l'appréciât
à sa juste valeur. Nous sommes presque certain , mon cher
colonel , que vous allez faire la même observation que l'édi-
teur , ou dire que vous préférez une jolie romance à ce lied
du jeune et pauvre rêveur allemand. — Ma foi , à vous dire
vrai , j'aime autant , si ce n'est mieux , un pas redoublé en
forme de galop , exécuté par la musique de mon régiment.
Le hasard ou la flânerie artistique nous ayant conduit dans
le foyer des acteurs d'un de nos petits théâtres, il nous prit
fantaisie de soumettre notre trésor autographique à la curieuse
investigation musicale d'un vaudevilliste , comme nous aurions
mis une lettre de Corneille sous ses yeux , de ce puissant
Je le déposai cliez lui, en lui faisant promettre qu'il ne négli-
gerait rien pour soigner sa blessure, et eu lui promettant moi-
même de venir le voir jusqu'à ce qu'il fût guéri.
Tout cela se passait deux jours avant que tu vinsses t'a-
dresser à moi , clière Estlier , et que je t'offrisse avec tant de
plaisir une hospitalité qui m'a été si précieuse. Cet amour et
cette amitié datent , comme tu vois , de la même époque.
Et le comte de lîeval? vas-tu dire.
Ali ! voilà mon tort le plus grave 1 voilà mon remords ! voilà
ma honte!.... Il fallait tout lui avouer, rompre avec lui nette-
ment, sans détour ! Eh bien, crois-moi si tu veux, ou plutôt si
tu peux, je l'aimais trop , je l'aime trop encore pour en venir à
cette extrémité. On n'aime qu'une fois, dit le proverbe : je
déclare que cet axiome est de la plus insigne fausseté. Je déclare
aussi qu'il y a des attachements qui se concilient sans peine,
parce qu'ils sont de diverse nature et de degrés différents. Vois
dans le monde : est-ce qu'on n'y rencontre pas une foule de
femmes qui se croient et qui sont d'excellentes épouses , qui ont
pour leurs maris beaucoup d'amitié, d'estime, ce qui ne les em-
pêche pas d'avoir des amants !
Autant qu'il a été en moi, j'ai sanctifié mon amour pour Gas-
ton (c'est Gaston Dallgny qu'il s'appelle) : j'ai fait en sorte que
de part et d'autre il restât pur de tout intérêt. Un jour qu'il fut
question entre nous des cinquante mille francs qu'il m'avait of-
ferts, et qui étaient encore chez mon concierge :
— Je ne les reprendrai de ma vie, me dit-il; je croirais m'a-
vilir et m'exposer au reproche d'avoir eu quelque arrière-pensée
en les donnant.
— Et moi, répondis-je, j'ai un motif bien meilleur pour ne pas
les garder. Je ne veux pas qu'on puisse dire que je me suis
vendue.
— Que cet argent serve donc à une bonne action, reprit-il ; je
ne vois pas d'autre moyen de l'employer.
L'idée vient de lui : tu sais comment je l'ai exécutée. Tu com-
prends, chère amie , que, loin d'avoir été généreuse avec toi,
c'est moi qui suis ton obligée. Tu m'as délivrée d'un fardeau qui
pesait sur ma conscience , et tu m'as enrichie de mon souvenir
le plus doux.
Cette lettre est déjà bien longue, et je ne t'ai pas encore parlé
de mes ennuis, de mes tourments; mais à présent tu les devines
sans doute. On a éveillé la jalousie du comte : on lui a fait passer
des avis mystérieux, écrit des lettres anonymes. Il me surveille,
m'interroge en fixant ses yeux d'aigle sur les miens. Je n'ai plus
un moment de liberté , de tranquillité , pas même dans ma loge
du théâtre. C'est pour respirer chez moi plus à l'aise que j'ai
renvoyé tous mes domestiques : je te dirai bientôt si j'ai réussi.
La suite mt prochain numéro. Paul Smith.
■336
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
: Corneille dout le style n'est pas sans analogie avec celui du
gigantesque Beethoven. — Y a-t-il là-dedans, nous fut-il
demandé en un argot littéraire et commercial que nous avons
été longtemps à même d'entendre et d'apprécier, un air chan-
tant , un timbre carré , un air de sortie enfin? — Pas le moins
du monde. — J'en étais sûr ! votre Beethoven , voyez-vous , |
n'est , comme je l'ai déjà dit, qu'une sangsue qui pompe notre ;
sang , aspire tout le suc de nos recettes dans les innombrables
concerts où on l'exploite; un musicien ennuyeux, enfin, qui i
fait beaucoup de tort aux gens de lettres et qui est sans la j
moindre utilité, ainsi que votre Schubert, pour les théâtres |
de vaudevilles. |
Nous aurions soumis ces parcelles d'imagination, ces j
éclairs de pensées musicales , ces intéressants brouillons qui j
sont devenus de lucides chefs-d'œuvre, à quelque haut fonc- j
tionnaire administrant les beaux-arts, à quelque banquier, à
quelque notaire, qu'ils n'auraient pas été mieux sentis ou
mieux appréciés. Ces choses parlent un langage mystérieux,
intime, élevé, intelligible seulement au petit nombre de ces
esprits exceptionnels dont La Fontaine a dit :
Les délicals sont malheureux ,
Rien ne saurait les satisfaire.
Henri Blanchard,
LA CLARINETTE.
lîessm de Gavarni.
La clarinette jouit du privilège non exclusif, du couac ;
c'est d'ailleurs un instrument trop utile dans les orchestres,
trop nécessaire à la subsistance de quelques pauvres diables ,
pour qu'on ait le courage d'en dire du mal : il suffit de celui
qu'il procure aux oreilles délicates, lorsqu'il est joué par
c[uelque artiste de l'encolure et de la physionomie de celui
■que représente l'esquisse ci-jointe. Dans ce cas seulement ,
tout musicien sensible voudrait être sourd comme Beethoven ,
n'eût-il jamais écrit rien qui ressemble ni à la symphonie
pastorale ni à la symphonie en ut mineur!
XrOTTTSLiIaBS.
V Demain lundi , à l'Opéra , la Juive , pour la continuation des
débuts de M"= Mondutaigny.
*,* Dimanctie dernier, l'affiche de l'Opéra portait le nom de
M. Latour comme devant chanter le rôle de Lusignan dans la Reine
de Chypre, mSiis c'est Barroilhet qui a repris son rôle avec tous les
avantages d'un grand artiste et d'un chef d'emploi.
V Obin a continué ses débuts dans le Comte Onj par le rôle du
gouverneur, qu'il a fort bien chanté.
*,* Vendredi dernier. M"" Méquillet a remplacé à l'improviste
M"= Stoltz dans le rôle de Zaïda, de Dom Sébastien de Portugal, et
elle s'esi acquittée de cette tùche difficile avec beaucoup de talent.
*," Les trois premiers actes de Marie Sluari ont été déjà répétés
à l'orchestre.
*,• Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, le Théâtre-Italien
donnera Semiramide.
V II n'y a pas d'autre nouveauté à signaler au Théâtre-Italien
qu'une espèce d'émeute qui a troublé, mardi dernier, la représenta-
tion de Liicia di Lammermoor. Quelques personnes réclamèrent le
duo du troisième acte entre le ténor et la basse, que, cette année, on
avait jugé convenable de supprimer. Diverses fins de non-recevoir
furent d'abord opposées; ensuite Mario et Ronconi se présentèrent ;
mais à peine le premier de ces deux artistes eut-il chanté quelques
mesures, que, blessé d'interpellations peu gracieuses, il se re-
tira brusquement. Plus tard il revint pour expliquer sa conduite, et
pour déclarer qu'il ne se sentait plus en état d'achever son rôle.
L'ouvrage ne se termina donc pas; et pour avoir voulu rattraper un
duo, les spectateurs furent privés de tout un troisième :icte.
*," Autre nouveauté qui va se produire dans la salle consacrée à
la musique italienne : une troupe d'acleurs anglais ayant Macready
à leur tète, va y donner bientôt des représentations.
",* Le ténor Salvi vient, dit-on, d'obtenir un succès d'enthou-
siasme au théâtre impérial de Moscou dans Lucrèce Borgia. Une
charmante romance de Verdi, introduite par l'artiste , a mérité les
honneurs du Ois.
*.* Le grand concert donné à l'Opéra le 1" novembre, a produit ,
comme cela devait être, une vive sensation dans le monde musical
et fashionable. Pendant toute la semaine, il n'a été question d'autre
chose dans les théâtres, dans les salons. L'enthousiasme de ceux qui
avaienteu le rare bonheur d'y assister, redoublait les regrets de ceux,
en bien plus grand niimbre, qui n'avaient pu trouver une loge, une
stalle , un tabouret dans cette salle , qui , trois fois plus vaste , aurait
encore été ce jour-là trop petite. Il importe de constater ce fait pour
bien prouver que chez nous, quoi qu'on en dise , il y a toujours un
public prêt à répondre, de sa personne et de son argent , à l'appel
qu'on lui adresse, au nom des chefs-d'œuvre de l'art, interprétés
dignement par des artistes justement célèbres. Comme on devait s'y
attendre aussi , l'oratorio d'Haydn a été diversement jugé; mais si
l'on a critiqué ses défauts , on a généralement reconnu ses beautés
supérieures , et il n'y a eu qu'un avis sur son admirable exécution.
Quant à l'ouvcrlnre d'Oberon, et au chœur de Judas Machabée,
jamais , de mémoire d'artiste, il n'y a eu d'effet si colossal et si fou-
droyant. C'est donc un début magnifique pour une association qui
avait besoin de se poser devant la France, devant l'Europe, et de
montrer ce qu'elle était capable de faire. A M. Habeneck revient
l'honneur immense de l'avoir dirigée , soutenue dans cette épreuve
décisive, dont la presse, à peu d'exceptions près ( qui n'accusent pas
moins l'intelligence que le cœur ) , a proclamé unanimement le glo-
rieux résult.;t. 11 ne reste donc plus qu'à dissiper des craintes expri-
mées par quelques organes généreux. Non , la soirée du \" no-
vembre, si brillante au pointde vue de l'art, ne restera pas stérile
au point de vue de l'humanité. Malgré les frais extraordinaires que
nécessitait une première manifestation , la caisse de l'association des
artistes-musiciens s'enrichira d'une portion de la recelte, et les ar-
tistes ne se seront pas dévoués^ pour rien. Il est vrai que d'augustes
sympathies sont venues en aide aux efforts du comité. Le roi adonné
une somme de 1,000 francs; M"» Adélaïde, sa sœur, et tous les
princes ses enfants , ont envoyé leur offrande. M. le ministre de l'in-
térieur a voulu payer sa loge : au-si avons-nous une bonne nouvelle
à annoncer. Dès ce moment , l'association est en état de commencer
la noble tache qu'elle s'est imposée , autrement que par des secours
momentanés, accordé» aux artistes qui les réclament. A l'exemple
de l'association des artistes dramatiques, son aînée, qui sert qua-
rante-deux pensions à de vieux comédiens sans ressources , elle va
garantir le pain quotidien de trois musiciens qui n'en trouveraient
pas sans elle. Voilà les conséquences de deux années d'un travail
persévérant, couronnées par la soirée du I" novembre. On con-
viendra que les artistes pouvaient plus mal employer leurs peines ,
et le public moins bien placer son argent.
*/ P.ien n'est changé au programme du grand concert que
M. Georges Kastner doit donner, le 24 novembre, dans la salle du
Conservatoire, rue Bergère. Les principaux rôles de l'opéra biblique
qu'on y entendra sont toujours confiés à MM. Roger, Hermann-
Léon,Massol, à M""' Dorus-Gras , Duflot-Maillard et Mondutai-
gny. Un orcheste d'élite , dirigé par M. Habeneck , et une partie des
choeurs de l'Opéra , conduits par M. Laty , compléteront dignement
l'exécution de ce beau concert. Le livret du Dernier Roi de Juda
se distingue par des situations fortes , très favorables à la musique,
et surtout par la coupe des vers et des strophes la plus avantageuse
au développement mélodique. Le compositeur a tiré un excellent
parti, dit-on, du canevas que lui a fourni M. Maurice Bourges. Il
est à regretter que cette vaste partition , conçue pour le théâtre, ne
soit pas produite tout d'abord sur la scène , oii elle figurerait plus à
l'aise que dans un concert dépourvu de spectacle et d'action.
*/ La Iberiamusical du 31 octobre est toute remplie du nom de
Liszt et des relations de son premier concert recueillies dans divers
autres journaux qui s'accordent tous à proclamer l'effet surnaturel
produit à Madrid par le grand artiste. Nous ne pourrions, en les tra-
duisant, que répéter ce que nous avons cent fois dit nous-mêmes, et
ce que tout le monde sait à Paris. Le piano que Liszt a emporté dans
ce voyage sort delà manufacture de M. Boisselot, de Marseille, et
justifie aux yeux des Espagnols la récompense accordée à l'habile
facteur lors de la dernière exposition.
DE PARIS.
S'il'
V Peu de chanteurs et d'acleurs Jouissant d'une réputation dé-
partementale, l'ont conGrmée à Paris aussi complètement et aussi
vite qu'Hermann-f.éon , dont l'apparition à l'Opéra-Comique date
seulement de quelques mois. Dans le rôle d'Aiibtiol, dc& Omitue
fils Atjmon , dans celui du diable , du Diable à fécule, dans celui
de Tarlaglia , de l'Eaa merveilleuse, il a déployé sa belle voix de
basse chantanie, sa méthode excellente, son intelligence et son
goùl. Le grand concert donné par l'association des artistes-musi-
ciens l'a.placé tout-à-fait au rang'de nos premiers artistes. Chargé
d'une des parties les plus difficiles elles plus ingrates du chef-d'œuvre
d'Haydn, lu Créaiion , il a partagé avec M""^ Dobré l'heureux privi-
lège de charmer, de captiver par la fraîcheur de sa voix, et de ra-
jeunir ce que la musique offrait d'un peu suranné. C'est un succès
qui compte double, et qui promet pour l'avenir.
*," Par un décret royal, M. Thalberg vient d'être nommé membre
de l'Institut de Naples.
.*,* Vivier est de retour à Paris.
*,• On nous écrit de liantes, que cette grande cité va jouir in-
cessamcnt d'une institution que presque toutes les villes envient à
Paris. Le 11 du courant, M. Bressler y ouvrira un Conservatoire de
musique à l'instar de celui de Paris. Les talenls bien connus de cet
artiste, comme ceux des nombreux professeurs qu'il s'est adjoints,
laissent peu de doute sur la réussite de cette entreprise, digne,
dans tous b'S cas , d'un sort prospère. Il faut espérer aussi que
l'exemple de IVl. Bressler sera suivi, et que les autres grandes villes
ne voudront pas rester en arrière , sous ce rapport. Sans donle l'exé-
cution d'un semblable projet a demandé beaucoup de constance et
un grand amour de lart; majs son auteur a trouvé un digne appui
dans les magistrats municipaux et dans les personnes influentes "de
Nantes, cl nous ne pouvons penser que, dans d'autres villes, une
pareille fortune vienne à manquer à l'homme de cœur et de talent
qui voudra se rendre utile à ses concitoyens.
*," Le monument de Goethe , à Francfort , a 49 pieds de haut , et
coûte 33,000 florins , y compris les bas-reliefs ; celui de Schiller, qui
est beaucoup plus simple, avait coûté 50,000 florins.
V Le célèbre violoncelliste M. Jacques Franco-Mcndès vient de
recevoir de S. iM. la reine Thérèse de Bavière une très riche épingle
en brillants, accompagnée d'une lettre des plus flatteuses , comme
témoignage de sa haute satisfaction pour une composition intitulée :
Bêverie, pour violoncelle et piano, dont S. M. a daigné gracieuse-
ment accepter la dédicace. Le même artiste vient de composer un
grand concerto pour le violoncelle avec grand orchestre, dédié à
S. A. r>. le prince d'Orange. En outre , M. l'ranco-Mendès vient de
composer plusieurs ouvrages importants , enlre autres im second
grand duo pour deux violoncelles, que tous les amateurs espèrent
entendre cet hiver àParis.
*,* La grande fantaisie de Thalberg sur .Zampa vient d'èlre mise
en vente ; cet ouvrage, qu'on peut classer parmi les plus remarqua-
bles de cet auteur, a paru chez l'éditeur J. Meissonnier, qui vient
également de publier les airs séparés de l'opéra la Sain le- Ceci le, de
Montfort. On cite déjà la prière, la barcarolle et le duo : f^otis chau-
liez un air que j'adure , comme de jolis morceaux de salon que tous
les dilettanli voudront chanter cel hiver.
*,* Jusqu'à présent la belle collection de valses, composées pat
J.-B. Tolbecque, l'habile chef d'orchestre des bals de la ccmr,
n'avait été gravée que pour le piano. La partition de ces valses,
qui ont toutes obtenu un si grand succès, était réservée exclusive-
ment pour les orchestres qu'il dirige. Ce compositeur vient enfin de
se décidera en faire paraître (G recueils à grand orchestre. Cetle pu-
blication sera une véritable bonne fortune pour les sociélés philhar-
moniques, les orchestres de théâtres et des bals publics, qui no pou-
■vaient même pas se les procurer par la copie.
*,* L'éditeur Colombier vient de publier une collection de 12 qua-
drilles composés par Lecarpentier, Dumouy, Louis, Rcdler et
C. Schubert, pour le piano, et 2 à quatre mains, qu'il annonce à
1 fr. 50 c. net. Ijî même éditeur public des romances nouvelles de
Masini,Paul Ilenrion , Thys et Dailly, ainsi qu'une scène de Gau-
thier, intitulée : le Postillon du /loi, dédiée à Barroilliet.
*," Samedi prochain , IG novembre, M. Dumoucbel se propose
d'ouvrir chez lui, rue du Cherche-Midi, 42, un Cours de iiiano selon
la méthode de l'ïeld. Les personnes qui désireraient le suivre sont
priées de s'adressera M. Dumouchel , mardi ou mercredi, de trois à
cinq heures.
*»* Berlin. — On parle d'une mesure qui produirait le meilleur
effet : les congés à accorder aux acteurs et aux chanteurs se rédui-
raient à un mois. Pour l'anniversaire de la naissance du roi de
Prusse , on a donné le dernier opéra de M. Aubcr, la Sijrine, qui a
fait grand plaisir.
— la chapelle royale a donné sa première soirée de symphonie ,
dans la grande salle de l'académie de chant , au milieu d'un grand
concours d'amateurs et d'artistes. La solennité ouvrit par une sym-
phonie d'Haydn, et c'était toute justice, car ce fut Haydn qui fraya
la route, où il fut suivi par Mozart et Beethoven; puis on exécuta
l'ouverture de la Flûte Enchantée, l'ouverture des Deux Journées,
de Cherubini. Le succès de cette première soirée est de bon augure
pour les cinq qui suivront dans le cours de la saison.
"," Carlsmhe. — M. Piosenbain, en passant par ici, a joué à la
cour, et son jeu et ses compositions y ont obtenu le plus brillant suc-
cès. Mais surtout ce sont ses improvisation.'; sur des thèmes donnés
qui ont ravi S. A. Fi. la grande-duchesse, qui lui a fait remettre
avec une lettre très flatteuse une épingle magnifique.
*,* Munich , 31 octobre. — Fanny Elssler a débuté au théâtre delà
cour, dans le Dieu et la Bayadere. Toutes les loges et les stalles étaient
louées depuis trois jours. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que le
succès de la célèbre danseuse a été complet.
V Prague, 20 octobre. — i\l"= Nina Sonlag, sœur de M"" la com-
tesse de Rossi (Henriette Sontag), et qui, pendant quelques années,
a tenu avec un grand succès l'emploi de jeune première au Théâtre
impérial et royal du château { Burgtheater) à Vienne, vient d'en-
trer en religion. Elle a fait sa profession dans le couvent des Car-
méliies de Prague.
"," Fj'eiiHe. — Toujours les mêmes plaintes, toujours la même
chanson ; le goût se corrompt, les bonnes traditions se perdent. Le
();iî»îewo d'intruraents à cordes est mort avec Schuppanzigb ; c'est
une lacune que les soirées de Ilaslinger ne sauraient remplir. La
musique de chambre a perdu la plupart de ses protecteurs, au nom-
bre desquels figurait en première ligne feu l'archiduc Antoine. Quant
à la musique savante, la musique didactique, on en trouvait tou-
jours dans les matinées deM. le conseiller Kiesewettcr; par malheur,
elle vient de perdre son plus habile interprèle dans la personne de
M. le conseiller Mosel. Le lied allemand , tel qu'il est représenté par
Schubert, est toujours accueilli avec faveur, surtout quand il est
chanté par M. Slaudigl; mais la vogue est aux chansons frivoles,
ehansonettes roucoulantes , telles que Proch en produit par douzai-
nes : il n'a qu'à tourner le robinet, et cela coule comme de source.
Il est vraiment malheureux que les «oucis de la vie matérielle ne lui
permettent pas de laisser mûrir son talent remarquable. Le style
religieux s'est conservé dans sa pureté austère et pieuse; les com-
positions de Eybles, Ostmayer et Drsexler sont dignes de se faire
entendre au sancluaire. Mais le talent le plus éminent est Gottfried
Preyer : il y a chez lui autant de science que d'inspiration. On pré-
sume que Preyer sera nommé à la place de maître de chapelle qui
est vacante. Par une bizarrerie qu'on ne peut s'expliquer, on n'a
pas de première flûte dans la chapelle delà cour, et pourtant le
budget de la chapelle n'est pas assez lourd pour que l'on doive
craindre de le surcharger à l'excès. La position des instrumentistes
n'est pas en général des plus larges , à moins qu'ils ne scrient atta-
chés à la chapelle de la cour : une place de professeur au Conser-
vatoire n'assure point contre la misère. Par contre, nous avons, an
directeur italien, qui a un engagement àvic, qui tire 4,000' flurins
par an, tandis que Gyrawetz, le compositeur octogénaire, ne saiit
pas où il pourra reposer sa tête pour mourir 1
*,* Christiania (Norwége), 13 octobre. — A l'occasion du sacre et du
couronnement de S. M. Oscar I", on a donné sur le théâtre national
de notre capitale une pièce mêlée de chant écrite pour la circon-
stance, et pais la première représemtation des Demoiselles de Saint-
Cijr, comédie en cinq actes de M. Alexandre Dumas , traduite en
norwégien par M. Hégelin. Cet ouvrage a été accueilli par noire pu-
blic avec une faveur extrême.
On désire mettre en location un ou plusieurs salons convenables
aux cours de musique , réunions artistiques , etc., rue de Buffault,
17, faubourg Montmartre.
) Le Directeur, Rédacteur en chef, MAunicE SCIII.ESINGER.
378
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
KooTelles publications de J. MEISSOIVIN'IER , 22, rue Dauphine, éditeur de la Méthode de Piano de H. Herz.
OPERA-COMIQUE
en
trois actes.
LA SAINTE-CECILE.
Catalogue îus morccauï scf arts avn arcomjiaantmfnt ht Jliano.
MUSIQUE
de
A. MONI'FORT.
Ouverture ^
N. 1. Duo : Il lui disait: Je vous adore, pour lénor et soprano, fa
2. Air : Reine du ciel, vierge divine. . . . pour ténor. 6
2 bis. Prière : Reine du ciel, vierge divine, pour soprano. 2
3. Duo : Vous chantiez un air que j'adore, pour ténor et
soprano. 6
Incessamment paraîtront les Quadrilles et divers arrangements
N. 4. Duo nocturne: Dieu des amours, toi que j'appelle tout
bas pour 2 ténors.
5, Air : Je crois encore entendre. . . . pour soprano.
6. Barcarolle : Ma belle Venise , ah ! vers toi la brise.
pour ténor.
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9'
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17'
_
Le Courrier galant.
10«
— Lucie.
18'
—
Les Abeilles.
K"
— Les Aériennes.
19«
—
Les Feux follets.
1?.'
— La Solennelle.
21'
—
Les Germaines à Paris.
1!»'
— Les Feuilles d'automne.
Î2'
—
Les Plumes de paon.
14=
— Les Précieuses.
24'
—
LesEglantines.
15'
— Devinez.
25'
—
Les Inconnues.
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11. e. RedIer. Jovial Q. brillant.
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DE LA lUSïOlE DES ÉTIDIÂKTS.
Est-ce donc pour veiller qu'on se couche à Paris?
BOILEAU.
Il y a beaucoup d'honorables citoyens, d'excellents pères de
famille, qui, domiciliés en province, envoient leurs fils à Paris
pour étudier le droit ou la médecine , et qui ne seraient pas
extrêmement flattés de les voir revenir sous le toit natal ba-
cheliers en cornet h pistons, licenciés en violon , flûte , ou
guitare, et docteurs en un ou plusieurs de ces instruments. Il
faut pourtant le dire , l'invasion musicale fait tous les jours
d'effrayants progrès dans les solitudes jadis calmes et silen-
Porlefeuille de deux Cantatrices ^^\
CLOTILDE B*** A ESTHER SAUNIER.
A peine ma lettre cVliier était-elle partie que j'aurais voulu
pouvoir la reprendre. J'ai vraiment peur de t'avoir scandalisée.
Je me rappelle encore tes réflexions, lorsque je te donnai à lire
le roman de Goethe, et que dés les premières pages tu fus si
choquée des conseils que ki vieille Barbara donne à sa maîtresse
pour l'engager à ne pas sacrifier son intérêt à son amour et à
faire marcher de front sa passion pour Guillaume et sa liaison
avec Norberg. 'l'u me dis alors, à peu près, comme Desdemone,
dans Othello : « Non, non, je ne puis croire que de telles fem-
» mes existent. » Eh bien, ma chère , tu le vois, je suis une de
ces femmes, objet de ton horreur. J'aime Gaston autant que je
puis aimer, et je conserve M. de Reval, parce que je l'aime
aussi, mais d'une autre manière; et pourquoi ne l'avouerai- je
pas, puisque je suis en train de tout dire? parce que j'ai besoin
de lui. Non seulement il est riche , il est généreux , mais il a des
amis, du crédit, de l'influence. Il m'a beaucoup aidée à prendre
la position que je tiens au théàlre. Le talent seul ne suffit pas,
c'est une chose triste à dire, pour arriver, et encore moins pour
(1) Voirlesnuméros40, 41, 42, 43, 44 et 45.
cieusesdu quartier latin : déjà la plupart des hôtels garnisqui
servent de caserne aux étudiants, semblent érigés en petites
succursales du Conservatoire. La musique ne s'y tait ni le
jour ni la nuit : aussi malheur à l'homme rangé , laborieux,
que sa mauvaise étoile oblige à résider pendant un temps plus
ou moins long dans une de ces maisons , que de loin il s'était
représentées comme le refuge de la méditation, comme l'oasis
du silence au milieu des distractions et du bruit de la grande
ville!
J'ai lu quelque part que les étudiants se divisaient en deux
catégories, savoir : étudianls piocheurs et éfvdiants culot-
teurs de jnpes (pardon de l'expression ). Celte classification
n'est pas complète : on a oublié les étudianls musiciens , ou
pour mieux dire musicomanes.
L'étudiant piocheur est tranquille et n'incommode pas ses
voisins. Il en serait de même de l'étudiant culotteur de pipes,
s'il ne s'en rencontrait qui trouvent ;moyen de concilier la
passion du tabac avec celle de la musique.
L'étudiant musicomane est le fléau de l'hôtel qu'il habite.
se maintenir. Il vous faut encore quelqu'un qui s'occupe de
vous, qui vous recommande, qui vous protège auprès de gens
avec qui l'on est en échange de bons offices et qui ont aussi quel-
que chose à vous demander, auprès des journalistes , qui ne pen-
sent pas toujours à être justes, qui se refroidissent vite, quand
personne ne vient les solliciter. Une femme le peut-elle? C'est un
métier qui n'es! pas lenable : j'en ai essayé , lors de mes débuts :
j'y ai renoncé. J'ai senti qu'un ami intelligent et zélé m'était né-
cessaire , et je n'aurais pu en trouver un meilleur que le comte.
Gaston est persuadé que je suis toute à lui ; et que de peine
j'ai eue pour l'entretenir jusqu'à présent dans cette croyance ! J'ai
fait plus : en m'y prenant adroitement, je lui ai fait obtenir par
l'entremise du comte une place avantageuse dans une maison de
banque : je lui devais bien cela, puisque le pauvre garçon m'a-
vait donné tout ce qu'il avait au monde. Le comte ne se doute
pas que je le connais, ou plutôt il l'a ignoré longtemps; mais
depuis quelques jours je tremble qu'il ne soii sur la trace. Il ne
me dit rien, mais je le connais : je devine ce qu'A a dans l'âme.
Je t'ai parlé d'avis mystérieux, de lettres anonymes, et voici
comment j'en ai eu la preuve. Nous étions ensemble au Théâtre
Fiançais : on donnait le Misanthrope et les Fausses confiden-
ces : mademoiselle Mars jouait dans les deux pièces. En l'applau-
dissant de toutes mes forces, avec l'enthousiasme que son admi-
rable talent m'inspire , mon beau bracelet de perles fines , auquel
tient le portrait du comte, se brise tout-à-coup : les perles se
BUREAUX D'ABOIVIffEMENT, RUE RICHEI.IEU , 97.
380
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Ordinaiiement,' c'est un jeune homme arrivant de sa province
avec l'ardeur immodérée de se rassasier du fruit défendu. Ses
parents s'opposaient à son désir d'apprendre la musique. La
"première chose qu'il fait à Paris, c'est de profiler de sa liberté
four louer un piano, acheter un violon ou un cornet à pistons:
il y en a qui sonneraient de la trompe, si une ordonnauœ de
police n'eût sagement relégué cet instrument extra mm-os.
-': Dieu vous préserve surtout de l'étudiant chanteur! Pour
■jpeu qu'il ait eu le bonheur d'entendre Duprez ou Lablaclie,
•^1 s'fiflbrce d'imiter la voix passionnée du premier, la voix
' itouDante du secojid, et ne cesse de beugler des heures en-
tières.
On ne se figure pasjusqu'où peut être poussée la fureur du
cbant. Dans un hôtel, dont je tairai le nom, et pour cause,
hôtel généralement bien garni de musiciens, se trouvait,
il y a peu de temps , un étudiant qui ne faisait que chanter,
ou, si vous aimez mieux, qui ne faisait rien sans chanter. Il se
rasait en chantant : on l'a vu plus de cent fois se mettre à la
croisée et fumer sa pipe en chantant. C'était un spectacle vrai-
ment rare et curieux. Tantôt la fumée qu'il lançait en l'air
par bouffées, alternait avec les phrases de chant qui sortaient
h leur tour : tantôt la fumée et les phrases s'échappaient à la
fois de sa bouche, dans laquelle la pipe demeurait toujours
fermement serrée entre ses dents!
Ce jeune homme se levait à sept heures et se couchait à
minuit; pendant toute la journée, il ne cessait de chanter.
Pour savoir s'il était chez lui, on n'avait pas besoin de frapper
à sa porte. Si l'on n'entendait rien, on pouvait affirmer à coup
siîr qu'il était sorti.
J'ignore s'il chantait eu mangeant.
Parmi les instrumentistes, je citerai un amateur de vio-
lon qui se posait toujours devant sa fenêtre ouverte, avançant
un pied en dehors sur le balcon, et appuyant sur son genou le
bras qui tenait le manche de l'instrument. C'est dans celte
attitude qu'il se livrait à des improvisations terriblement chro-
matiques, et qu'il répétait cinq cents foisde suite le trait qu'il
voulait apprendre et qu'il ne savait jamais.
Cependant il faut être juste, et convenir que lafatigue,
l'épuisement amènent des instants de trêve forcée. Le bras se
lasse, les doigts refusent le service: alors la contredanse ou
la valse favorite, qui, à force de bourdoimer à vos -oreilles,
vous procurait une espèce de délire vertigineux, s'arrête tout-
à-coup, et vous vous sentez revenir , comme à la suite d'un
rêve péiiible ou d'une longue maladie. A toute règle il y a
malheureusement des exceptions. Dans l'hôtel dont je par-
• lais toutà-l'heure, il y avait une chambre qui, depuis l'aube
du jour jusqu'après minuit, retentissait d'un tapotement, d'un
clapotement formidable : le piano ne cessait d'y bruire, elles
voisins ne cessaient de gémir. Ils s'étonnaient d'une persévé-
rance de travail qui dépassait les travaux d'Hercule, et se
demandaient avec effroi comment un mortel y pouvaitsuffire.
A la fin, ils s'adressèrent au maître de l'hôtel, qui leur donna
le mot de l'énigme. La chambre était occupée par deux étu-
diants qui avaient loué un piano à frais communs. Possédés
tous les deux de la môme rage musicale, et désirant atteindre
au plus tôt le degré de force nécessaire pour enlever la con-
tredanse dans le dernier goût , ils travaillaient alternativement
avec une émulation toujours croissante. Dès que l'un quittait
le piano , l'autre s'empressait de s'y mettre ; puis le premier
recommençait, et ainsi de suite. Le problème du mouvement
perpétuel était résolu par cette lutte effrénée de gammes et
d'arpèges. Les voisins comprirent qu'ils n'avaient plus à
espérer qu'une chose, l'anéantissement probable et prochaine
de l'infortuné piano !
Et ne croyez pas qu'en changeant d'hôtel on se dérobe au
supplice! au contraire; pour éviter le solo, on tombe sou-
vent dans la symphonie, tant la musique-est répandue, enra-
cinée ! Un de nos amis en a fait l'expérience , et s'est trouvé
finalement enveloppé du réseau charivarique dont la descrip-
tion suit: ■' ' ■
Dans la chambre située au-dessous de la sienne il y avait,
un pianiste, dans celle d'à côtéuu chanteur ; deux étages plus
bas , à gauche , un flûtiste qui jouait toujours faux , à droite
deux cornets à pistons plus faux encore ; au rez-de-chaussée,
un chanteur -pianiste qui s'accompagnait en beuglant de
toute la force de ses poumons! Souvent tout cela tapotait,
criait, soufflait, beuglait en môme temps!
Ajoutez encore qu'un des garçons de l'hôtel avait l'habi-
tude de faire toute sa besogne en sifflant, et qu'un autre
garçon , qui, dans sa première jeunesse, avait chanté au lu-
défilent et tombent sur ma robe. Je m'empresse de les ramasser
et veux les mettre dans un coin de mon mouchoir. Le comte
tire un papier de sa poche , m'oblige à y verser les perles, les y
enveloppe soigneusement et me remet le paquet, llentrce chez
moi , je l'ouvre : je vois que c'est une lettre adressée au comte,
et j'aperçois du premier coup d'oeil une phrase qui m'entraîne
à lire le reste. C'était une dénonciation eu règle, sans qu'aucun
nom fût prononcé. On y parlait au comte des avertissements qu'il
devaif avoir déjà reçus : on lui disait qu'ils venaient de bonne
source et qu'il avait tort de ne pas y croire. Ou l'assurait qu'il avait
mal placé ses alTections , que la femme pour laquelle il dépensait
tant d'argent n'en valait pas la peine, qu'elle l'avait toujours
trompé , qu'elle le trompait encore, et qu'il n'avait qu'à le vou-
loir pour en être certain. Que sais- je, moi 2... Toutes ces vilaines
choses étaient écrites dans un style si commun , avec tant de
fautes d'orthographe , que je soupçonnai à l'instant l'un de mes
domestiques d'être l'auteur du rapport. Oui, mais lequel? voilà
l'embarras. Pour en sortir , je les mis tous à la porte. Ai-je bien
fait? Je ne sais, La lettre pourrait bien venir d'une de mes ca-
marades du théâtre : il y en a qui n'écrivent pas mieux , et dans
celte supposition je verrais du moins un intérêt quelconque. C'en
est toujours un que le plaisir de faire perdre un amant, quand
même il ne doit pas vous revenir.
Mais n'est-ce pas un singulier caractère que celui du comte?
Je connais ses habitudes et ses principes : il ne parle jamais ; il
agit. Il trouve que rien n'est plus ridicule que de se plaindre , en
quoi que ce soit et quelque chose qui arrive. « La plainte, d.t-il,
!> est la ressource de la faiblesse. On ne ramène ni un amant
» ni une maîtresse en se plaignant de son abandon. Il faut s'ar-
» ranger de manière qu'ils reviennent d'eux-mêmes. Les enfants
w se plaignent, dit-il encore, les femmes pleurent, les hommes
» se vengent. » Je suis donc bien sûre que le hasard n'est pour
rien dans l'affaire de la lettre : il a proCté de la circonstance
pour me la remettre avec toute la froideur possible. Il eût été
capable de la garder pendant un mois, en attendant l'instant pro-
pice , et je dois dire que déjà la même manœuvre lui a réussi :
je me suis tenue pour avertie, et j'ai rompu , mais alors je n'ai-
mais pas comme j'aime Gaston. Pour cette fois , j'aurais beau
vouloir , je ne puis rompre : je ne puis oublier que Gaston allait
se tuer pour moi. Des deux côtés, je suis liée, de celui-ci par
les sentiments les plus doux, de celui-là par les sentiments les
plus vifs. Que faire? que devenir? Quelquefois il me prend des
terreurs, au milieu de cette valetaille nouvelle dont je suis en-
tourée. Si c'était le comte lui-même qui m'eût envoyé tout ce
monde-là? Si je n'avais autour de moi que des serviteurs secrè-
tement choisis par lui ? Ce qui me donne cette idée, c'est qu'il ne
m'a rien dit lorsque je lui ai annoncé le coup d'état que j'allais
faire , et qu'il s*cst contenté de toutes les mauvaises raisons que
je lui ai données. Ou je me trompe fort , ou il avait lui-même
ses raisons pour se montrer si facile. Cela fait que j'existe à peine
DE PARIS.
381
trin d'une église de campagne, entonnait, en balayant la corn-
et l'escalier, des cantiques iiigiibics, des lambeaux deplain-
cliant pour lesquels il avait conservé un goût tel que rien ne
pouvait le faire renoncer à celte habitude !
Qu'on imagine les tortures d'un locataire studieux ainsi
placé au centre de rayons sonores et discordants qui se croi-
saient de tous côtés ! Il obtint le renvoi du chaiUre d'église ;
ce fut là son unique soulagement.
Je suis de l'avis d'Albert Cler, dans sa Physiologie du mu-
mcien: ('Les habitants de Paris sont aujourd'hui tellement
» agacés, tellement malheureux à domicile, pour cause d'har-
rf monie-ou plutôt de cacophor.ic, que si un propriétaire met-
ir'tait sur la façade de sa maison un écrifcau portant en gros
» Caractères r — ■ Ici on ne joue ni du piano, ni d'aucune es-
» pèce d'instrument , — ■ nous sommes persuadés que l'on
» ferait queue pour s'en disputer les logements, fût-ce au
«poids de l'or. » ' '
■C'est une expérience h tenter pour les hôtels garnis du
quartier Latin , au profit des étudiants qui veulent étudier
autre chose que la musique. Paul SmTH.
(ilEllE EST LA PlliS JOLIE DE TOUTES LES POLRAS ?
Il y a des nuances de distinction dans la musique qui ob-
tient les honneurs de la popularité que toutes les intelligences
artistiques ou autres ne sont pas à même de saisir. On entend
sortir trop souvent d'un orgue de Barbarie une mélodie
franche , mais commune , qui fatigue bientôt t^utesles oreilles
par son dessin connu et sa forme plaie, et qui s'use rapide-
ment. Il en est d'autres qui deviennent populaires sans être
entachées de vulgarité : celles-ci jouissent d'une vogue plus
prolongée. Il faut placer dans cette dernière catégorie la polka
de Titl , celle que ton l le monde chante , joue ou danse. Pour-
quoi cette polka plutôt qu'une autre ? on ne sait. C'est peut-
être parce qu'elle est la première qui ait paru. Depuis celle-là
on a fait mille et une polkas , et dans le nombre il en est
d'aussi originales par la mélodie , d'aussi neuves par les for-
mes harmoniques ; rien n'y fait. Il fallait que le maître du
rhythme en fait de valses, de galops, s'en mêlât : Strauss s'est
mis à composer des polkas, et il a su imprimer son cachet à
ce genre de musique qui locomotionne toutes les intelligen-
ces ainsi que toutes les jambes, de quelque sexe, et l'on
pourrait presque dire de quelque âge que ce soit. On assure
que la reine Victoria avait manifesté l'intention de danser la
polka si son auguste visiteur se fût décidé à rester plus long-
temps en Angleterre, ce qui aurait été d'une importante
signification politique à l'égard de la Russie et des infortunés
Polonais. S. M. s'était prononcée en faveur de la polka de
Strauss, celle en ut majeur, qui commence par mi, fa , sol,
sol , sol , les deux premières notes brèves, et qui ne sort pas
des tons relatifs, la mineur et fa majeur. Il est certain que
cette polka est tout empreinte d'une originalité qui peut
braver les inconvénients de la vogue, car la mélodie en est
distinguée et piquante tout à la fois.
Labitzki, qui par son nom polonais a bien le droit aussi
de faire des polkas , et qui n'en est qu'à sa cent soixante-
sixième œuvre en ce gence , vientd'écrire un nouveau recueil
de ces danses nationales, dans lesquelles on dislingue
Vllenrielte etV Adélaïde. Ses deux livres de valses intitulés:
Montrose et la Réunion, en offrent plusieurs qui sont aussi
gracieuses qu'entraînantes.
Les deux derniers recueils de valses par Strauss , sous le
titre de la belle Astrée et Valser, c'est vivre , le maintiennent
toujours au rang qu'il a conquis et qui l'a fait surnommer le
Beethoven de la valse. C'est toujours ce rhythme original ,
brisé, en contradiction avec l'allure trop monotone des trois
temps réguliers ; et puis, que dites-vous de ce titre inspira-
teur. Valser, c'est vivre? C'est qu'en effet, se lancer dans
le tourbillon des choses de la vie ou de la valse , s'agiter,
s'étourdir , et comme s'enivrer de mutuels regards avec une
jolie danseuse , en oubhant tout ce qui vous entoure , c'est
l'hygiène de l'âme et du corps pour beaucoup de jeunes gens
qui ont beaucoup plus de corps que d'âme. Il y a de quoi
faire, avec les titres de ces innombrables valses qui nous ar-
rivent de France et d'Allemagne, un cours de physiologie
chorégraphique musicale et amoureuse : ce sont les Rayons,
les Etincelles électriques , les jeunes Folles, les Caprices àe
Strauss; l'Esculape , les Rattements du cœur , les Adieux
de Lanner; les Parisiennes , les Syrènes, Nathalie , Odette,
et que je voudrais pour beaucoup pouvoir renvoyer encore toute
ma maison et ne reprendre personne. Voici le comte qui ar-
rive : j'entends sa voilure. Je me hâle de former ma lettre , en
t'embrassant comme toujours.
ESTHER SAUNIEU A CLOTILDE B'
11 juin.
J'ai reçu vos deux lettres , clière amie; je n'avais pas répondu
à la première , comme par un pressentiment qu'elle serait bien-
tôt suivie d'une seconde. A présent que vous m'avez confié vos
chagrins, ai-je besoin de vous dire combien j'en suis touchée?
Il y a certainement dans tout ce que vous m'avez conté des cho-
ses qui me. paraissent extraordinaires; mais comment me per-
mettrais-je de vous blâmer, vous qui avez cent fois plus d'expé-
rience que moi ? Ce que vous avez fait, toute autre que vous aurait
dû le faire, j'en suis convaincue, et moi, la première. Que je
vous plains des inquiétudes qui vous assiègent ! Et comme cela
se trouve mal , moi qui n'ai dans ce moment que des bonheurs
à vous apprendre ! Tout me réussit , tout me sourit, tout marche
au gré de mes vœux. Mes débuts sont finis, et il ne tiendrait qu'à
moi de me croire la plus grande cantatrice qui ait jamais clianté
sur un théâtre. Je n'aurais pour cela qu'à prendre pour argent
comptant les articles louangeurs dont les journaux m'accablent.
Je nage dans les vapeurs d'un encens qui me donne mal à la
tête , mais qui ne me la tourne pas. En vérité , c'est une plaisa'nte
chose que la province ! Rien ne s'y fait, rien ne s'y dit comme à
Paris : on y est toujours dans les extrêmes : on y traite les artistes
comme des dieux ou comme des misérables ; on les porte aux
nues ou on les traîne dans la fange : témoin notre pauvre chan-
teuse légère, qu'on a impitoyablement sifflée, injuriée, poursui-
vie dans la rue , reconduite avec accompagnement de cris et de
huées, jusqu'à sa maison. Cela m'a fait une véritable peine : j'ai
souffert presque autant qu'elle pendant tout le temps qu'a duré
son exécution.
Je conviens que cette chanteuse k'gère ne justifie pas parfaite-
ment son litre , rt que certaines conditions de légèreté lui man-
quent. D'abord je ne serais pas étonnée qu'elle pesât deux cents
livres, et avec cela elle n'est pas de grande taille. Je n'ai jamais
vu d'embonpoint plus prononcé , plus développé, dans le sens
de la largeur. Elle a de la voix, mais elle .s'en sert mal : elle pro-
digue les agréments et lance à toute minute des traits d'une har-
diesse désespérée; elle saule d'une octave à l'autre, en ouvrant
une bouche énorme. Il s'es^t pourtant trouvé des villes où ces
tours de force ont obtenu beaucoup de succès. Sazerac n'avait
engagé madame Titon que sur la répula;ion dont elle jouissait
à Grenoble, Avignon, Nimes, Montpellier et autres résidences.
Ce que c'est que de nous! Tant de Iriomphes sont venus se briser
382
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Charlotte , Amanda , Georgina et la nouvelle Aurora de
Labitzki. Avec ces titres, ces noms séduisants, comment
voulez-vous qu'on résiste au plaisir de valser ou de faire
valser? Il y a une infînité de personn:s qui ne prennent un
protesseur de piano que pour apprendre à jouer des quadrilles,
des valses, des galops et surtout des polkas. Que la conscience
musicale leur soit légère, comme le sont ceux que ces
œuvres légères font sauter sur la terre ou sur le parquet des
salons !
Mais enfin , pour aborder le sujet que fait pressentir le titre
interrogatif de cet article , quelle est la plus jolie de toutes les
polkas? Question délicate ! ardue à résoudre! et qui a été in-
génieusement tournée. Un musicien s'est trouvé , un homme
de goût s'entourant du voile de l'anonyme, qui, à propos de
polkas, a fait de l'éclectisme , comme W. (lou.sin en fait à
propos de philosophie. Il n'est pas que nos lecteurs n'aient
entendu pai-ler de Praxitèles, sculpteur grec , qui, voulant
faire une statue de Vénus qui réunît toutes les perfections du
corps, prit de ci , de là , la jambe , le pied , la main , le
cou , etc., de différentes belles Athéniennes qu'il réunit dans
son œuvre, et dont il composa une statue parfaite, car il
avait joint à ses emprunts toutes les idéalités exaltées du génie
et de l'art. Eh bien ! le musicien éclectique dont nous venons
de parler, butinant sur toutes les polkas comme l'abeille sur
les fleurs, a pris la tête d'une polka , le ventre de celle-ci ,
la queue de celle-là, et en a fait une incommensurable polka;
riche de mélodies empruntées, et dont il est résulté une
polka-monstre, un résumé, une olla podrida de polkas qui
doit contenter les plus difficiles. Et maintenant , retrouvez-
vous, si vous le pouvez, enivrez-vous de voluptés mélodiques
dans ce sérail de beautés musicales. La gracieuse lithographie
annexée au numéro de ce jour vous servira de guide : c'est là
que vous verrez , mesdames , comme on doit lever la pointe
du pied avec décence , poser le talon avec pudeur, tourner
la tête à droite ou à gauche, afin de tourner de toutes les
manières celles des spectateurs et admirateurs de la polka ,
de cette danse qui paît en ce moment de notre capitale pour
faire son tour de France et de Navarre , laissant là derrière
elle et avec mépris el zapaleado , le boléro , le fandango et
autres pas rococos.
Henri Blanchard.
Revue ci*iti(|«ie.
Le génie musical allemand a créé la valse, et semble s'en
être réservé le monopole. Depuis que Mozart dramatisa de sa
science et de sa verve ce genre qui vous inspire la gaieté ou
vous berce de toutes les voluptés de l'art , on compterait plu-
tôt toutes les étoiles qui scintillent dans le ciel qu'on ne pour-
rait énumérer les valses qui sont .sorties de la plume des com-
positeurs , grands ou petits, dont chacun s'est peut-être cru
un Mozart. Weber, qui fut l'héritier le plus direct de ce grand
génie, a écrit aussi de ces charmants morceaux de musique
qui vous donnent autant de plaisir à écouter qu'à danser ;
V Invitation à la valse, entre autres, est une de ces inspira-
tions pleines d'élégance et de grâce qui viennent en ligne di-
recte de la reine de Prusse et autres belles valses do l'auteur
de Don Juan.
Voici venir M. E. Déjazet , un de nos bons pianistes , qui
s'est inspiré de ces grands modèles, et qui, voulant faire au-
trement que le dieu de la valse actuelle , Strauss, c'est-à-dire
autre chose que ce rhythme , capricieusement brisé dans
lequel se complaît un peu trop le Musard autrichien , a publié
une grande fantaisie romantique pour le piano intitulée La
Valse interrompue. Cela commence par une introduction
en la bémol majeur qui se promène pendant seize mesures
dans les limbes d'une harmonieuse et vague rêverie; puis
vient una marcia misteriosamente marziale; el puis revient
la rêverie artistique de l'introduction, toujours en la bémol,
encore interrompue par la marche dont nous venons de par-
ler, harmoniée richement, et terminée par une capricieuse
iudenza qui aboutit au thème de la valse en mi bémol majeur,
thème que l'auteur a caractérisé des expressions de vivo e
à Bordeaux, où la pauvre femme, confianie en l'avenir, s'était
installée avec son mari et ses trois enfants. Quel bagage à traîner
pour une clianteuse légère ! Vous me direz que celle-là est de la
force de quatre chevaux flamands. Son mari, comme de juste,
esi mince et fluet : il a l'organe très doux et le langage poii ,
a\ilantt[ue sa femme a l'accent énergique. Il fallait rentcridie
apostropher mezza voce le parterre , toutes les fois que des mar-
ques d'improbation , des éclats de rire accueillaient ses pins bril-
lantes roulades! Dans la coulisse, elle jurait comme un vrai ma-
telot, et je n'oserais jamais écrire la phrase d'adieu dont elle a
salué le public en se retirant à la chute du rideau. L'hilarité du
parleire en a redoublé : moi-même je n'ai pu m'empècher de
rire , et pourtant j'avais la mort dans le cœur. Je songeais à ces
cinq personnes contre lesquelles on rendait si gaiement un airêt
si triste , car enfin madame Titon est mère de famille : elle n'a
que son talent pour ressource. Elle avait demandé des avances à
Sazerac pour s'établir à Bordeaux , où elle comptait faire un
long séjour. Maintenant la voili forcée de partir pour aller, Dieu
sait où , laissant derrière elle des dettes qu'elle ne paiera jamais,
forcée d'afl'ronter d'autres dangers , d'autres tempêtes; et si elle
était encore sifflée ailleurs, que deviendrait-elle avec ses trois
enfants et son mari , qui n'est bon qu'à lui servir de femme de
ménage ?
Sazerac est parti dès le lendemain pour Marseille , où on lui a
dit qu'il trouverait une chanteuse vraiment légère de voix et de
tournure. Me voilà donc pour quelques jours délivrée d'une ob-
session qui , pour être remplie de tendresse et de bonté , n'en
devient pas moins importune. A propos, vous me disiez, dans
l'une de vos dernières lettres, que vous aviez toujours craint
comme le feu Une liaison intime avec votre directeur : pourquoi
cela? Ce n'est pas que j'en sois tentée, mais je voudrais savoir
votre motif.
Je vois souvent au théâtre et ailleurs l'abonné qui s'était posé
d'abord comme mon ennemi mortel, et qui avait parié, disait-on,
qu'il ferait à tout prix ma conquête. Il s'est bien civilisé, bien
radouci : nous sommes ensemble dans les meilleurs termes : une
f6is ou deux, il a voulu en revenir à ses prétentions ; il m'a de-
mandé si je persistais à lui interdire tonte espérance : je lui ai
répondu de façon à lui bien prouver qu'il perdrait son temps à
me presser davantage, et il n'en a jikis été question.
Du reste les amoureux se succèdent ici comme les jours, comme
les heures, comme les minutes. Je commence à croire qu'il se-
rait commode d'^en prendre un, tout simplement pour éloigner
les autres. Et, le croiriez-vous, le bruit s'est répandu ces jours
derniers que j'avais fait un choix , que j'avais écoulé les vœux
d'un jeune aspirant de marine, très joli garçon, ma foi , et qu'on
dit brave comme un César. Il a eu plusieurs duels qui l'ont rendu
célèbre ; mais ce n'est pas, comme vous pouvez le croire, un ex-
cellent moyen pour me gagner le cœur. Ce jeune homme n'a
causé avec moi que dans les coulisses, où il avait obtenu la per-
mission d'entrer. Comme il arrive de Paris, il m'a parlé de l'O-
péra , de vous, d'une telle manière que je l'ai écouté avec un
grand plaisir ; c'est ce qui a prolongé notre conversation , et en-
suite il m'a offert son bras pour me reconduire chez moi, jusqu'à
DE PARIS,
383
amoroso qui lui conviennent au mieux , car la mélodie en est
suave et légère. Bientôt , à ce motif de valse , largement dé-
veloppé , viennent se joindre les orages du cœur, ou de la
nature, diront les faiseurs d'esthétique bourgeoise, ou un ca-
price instrumental, dira tout simplement le critique musical,
qui justifie fort bien le titre de La valse interrompue , inter-
rompue par des traits difficiles et brillants tout à la fois , en
six-huit; puis un nouveau thème en douze-huit plein de fierté
et de luxe harmonique. Après quelques passages qui ramè-
nent au motif principal, ce motif de la valse se rencontre en-
, core avec ses développements et s'enchaîne à la péroraison , h
la coda , galop infernal qui porte aussi , comme la fantaisie ,
le titre de fantastique , car le fantastique est fort à la mode
maintenant. Depuis les contes d'Hoffmann , nous avons vu
défiler devant nous des opéras fantastiques , des études , des
caprices, des littératures, des gouvernements fantastiques.
M. Déjazet a donc cru devoir terminer son œuvre par un
galop fantastique pour être à la hauteur du siècle. Celte péro-
raison .aussi bizarre qu'oi-iginale , est quelquefois aussi d'une
harmonie étrange et satanique ; mais il faut bien pardonner
quelques intonations hasardées , quelques quartes tombant
sur des quintes aux démons en goguettes, ce finale, cet hymne
de l'enfer étant d'ailleurs plein de verve et de brio. Cette fan-
taisie obtiendra donc un succès de curiosité : tous les ama-
teurs de piano voudront avoir un avant-goût de la musique
qu'on exécute dans les soirées musicales données chez M. Plu-
ton et madame Proserpine son épouse , ou, si on le préfère,
dans le royaume sombre des anges déchus de l'enfer chrétien.
Henri Blanchard.
Douze vocalises jiour mezzo soprano , par M. Antonin
GuiLLOT. — Traité sur la contrebasse à quatre cordes ,
par M. Achille Gouffé. — Second nocturne pour le
piano , par M"'" Clara Pfeiffer.
M. Antonin Guillot , compositeur gracieux et professeur
habile, s'est fait, dans le monde musical , à ces titres divers.
une brillante réputatiim , qu'il s'attache , en outre , h conso-
lider par d'utiles travaux. Les douze vocalises, dont nous
parlerons aujourd'hui, viennent encore témoigner de sa par-
faite connaissance de l'artdu chant. C'est une excellente idée,
sans doute , que de les avoir écrites pour niezzo soprano.
« Ce genre de voix , observe judicieusement M. Guillot, est
» aussi commun chez les femmes que le baryton chez les
» hommes ; cependant, poursuit-il , on l'a totalement négligé
» dans l'enseignement; méthodes, solfèges, vocalises, tout a
» été composé en vue du soprano et de l'alto, rien ou presque
» rien en vue du mezzo soprano ; enfin , le mezzo soprano
» l'emporte sur le soprano et le contralto. » Il ne fallait pas
aller jusque Ih, ce nous semble, pour démontrer l'utilité d'un
pareil recueil ; il suffisait d'alléguer l'abondance des mezzo
soprani , et le manque ou du moins le petit nombre de pu-
blications appropriées à ce genre de voix. Du reste , l'essen-
tiel , c'est que M. A. Guillot ait atteint le but qu'il se pro-
posait , c'est que l'exécution réponde au plan : hâtons-nous
de dire que , sous ce rapport , l'auteur des douze vocalises a
droit aux plus vifs éloges. Ses exercices sont bien véritable-
ment écrits dans le diapason du mezzo soprano , c'est à-dire
que la cantilène repose généralement sur les intervalles du
médium ; les cordes limitrophes , à l'aigre et au grave , ne
s'y rencontrent que rarement , et seulement comme notes de
passage ; l'harmonie a de la couleur et de la variété ; la mé-
lodie , cette élégance , cette grâce , celte désinvolture ita-
lienne, si chère aux amateurs et aux cantatrices de salon;
bref, chaque étude forme un morceau , qui , outre la diffi-
culté à vaincre , offre aux élèves un sens et un intérêt réels.
L'ouvrage est dédié à notre excellent professeur Ponchard ,
qui , dans une réponse insérée en tête du recueil , félicite
vivement M. Guillot sur l'heureux résultat de son travail , et
veut bien lui promettre de l'adopter pour ses classes de
chant.
En descendant de quelques octaves , nous pourrons nous
trouver à l'unisson de la contrebasse , sur laquelle M. Achille
Gouffé vient de publier un Traité aussi curieux que complet,
en la considérant dans une de ses formes les plus utiles , et
ma porte. Sazerac était indisposé ce jour-là, car ordinairement il
ne laisse remplir cette fonction à personne. Moi, je n'ai pas |
trouvé sur-le-champ de raison pour refuser ; ma femme de j
chambre marchait à deux pas de nous. Cela n'a pas empêché que j
le lendemain l'aspirant de marine ne fût considéré comme mon ]
amant en litre. Suzerac se leva de son lit tout exprès pour venir I
me l'apprendre, avec les larmes dans les yeux. I
Puisque j'en suis au chapitre de mes nouvelles connaissances ,
je dois vous parler d'une femme charmante, madame la baronne j
de Chambord , qui est ici depuis peu , et qui, après m'avoir en-
tendue , m'a fait demander si je voulais la recevoir. Elle va se
fixer à Bordeaux , et se propose de donner chez elle de grandes
soirées où elle invitera les notabilités de la ville. Son désir est
que je consente à y venir aussi et à m'y faire entendre , tantôt !
seule, tantôt avec elle, car elle a une voix agréable et ne chante !
pas mal du tout. Elle est encore fort agréable, quoiqu'elle ait au i
moins trente-cinq ans ; c'est une brune piquante dont le regard
et le sourire sont enchanteurs. Vous ne sauriez croire , chère
amie, à quel point je me suis trouvée heureuse de rencontrer
enlin une femme avec qui je pouvais causer, ouvrir mon cœur ;
il y a si longtemps que je ne cause plus avec vous , excepté par
letires, mais ce n'est pas la même chose. Rien ne remplace le
tête-à-tête de deux femmes qui ont entre elles quelques sympa-
thies de sentiment, d'esprit, et qui se disent librement tout ce
qu'elles pensent. N'allez pas craindre que je vous préfère la ba-
ronne : si l'on venait à vous dire qu'elle vous a supplantée
comme mon amie et que j'ai pour amant un aspirant de marine,
n'en croyez pas un mot, s"il vous plaît, et vous me rendrez jus-
tice.
CLOTILDE B*** A ESTIIER SAUNIER.
17 juin.
Ton ex-ennemi mortel s'appelle Georges Dcsbrières ; il a écrit
à l'un de ses amis de Paris une lettre qu'on doit me faire voir et
dans laquelle il déclare être moins que jamais d'humeur à renon-
cer à ses projets sur toi. Il parle de la gageure ; je crois qu'il
s'agit de deux cents louis. Il affirme que tu as voulu te moquer
de lui en lui donnant de fausses espérances, mais il n'était pas
homme, dit-il, à s'y laisser prendre. Il a fait semblant de donner
dans le piège afin de mieux t'y amener loi-même, et, quand lu
y seras tombée , il te traitera comme tu le mérites , sans égard ni
pitié. Je t'écris tout cela pour que tu le tiennes sur tes gardes et
ne le fies pas aux apparences. Tu croyais le lion apaisé, tu vois
qu'il n'est pas même endormi.
Quant à moi , je suis toujours dans la même position , toujours
dans les transes , toujours sur les épines. Le comte ne dit rien ,
mais je ne doute pas qu'il n'ait des soupçons et qu'il ne cherche
à les éclaircir.
Tu me demandes pourquoi je n'ai pas voulu de l'amour d'un
directeur ? mon Dieu , c'est qu'en général c'est une faveur qui se
pale cher par les défiances et les jalousies qu'on excite ; on arrive
plus vite, mais on peut tomber de même. J'aime mieux ne devoir
mes succès qu'à mon talent.
La suite au prochain numéro. Paul Smith.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
par cela niêine les moins répandues. Les avantages de la con-
trebasse à quatre cordes sont d'une si haute importance , ils
ont été si souvent et si victorieusement démontrés, que nous
croyons inutile d'ajouter ici notre suûrage à tout ce qui a été
dit à cet égard. Dans toute l'Allemagne, on ne connaît point
d'autre espèce de contrebasse , et nos orchestres s'obstinent à
conserver la contrebasse à trois cordes. L'opinion de M. A.
Gouffé, si compétent en pareille matière, ses conseils , ses
leçons , et enfin son livre , seront-ils plus heureux et auront-
ils plus de poids que l'exemple de nos voisins? Nous le dési-
rons de toutes nos forces , mais sans oser l'espérer ; quoi qu'il
en soit , l'ouvrage existe ; vienne maintenant la révolution
tant souhaitée , et ses partisans n'auront plus qu'à ouvrir leur
classique , tout prêt à fournir une solution pour chaque dif-
ficulté , un enseignement pour chaque nouveau besoin.
Il nous reste à parler d'une jeune femme compositeur,
M"'" C. Pfeiffer , et de son second nocturne pour le piano.
Les lecteurs de la Gazette musicale , n'ont peut-être pas ou-
blié que nous eûmes déjà l'occasion de constater chez cette
habile artiste non seulement un bon sentiment musical , mais
encore une aptitude aux études sérieuses , qui n'est pas don-
née en partage à toutes les personnes de son sexe. L'appari-
tion de ce nocturne nous force de répéter ici les mêmes
éloges ; nul doute qu'il ne soit le bienvenu auprès des con-
naisseurs , puisqu'il a pour Base un motif rempli de charme
et de délicatesse , et qu'il est traité avec autant d'art que de
soin. — Qu'on nous permette maintenant de quitter la plume;
consacrer les dernières lignes d'un article à l'œuvre d'une
femme aussi distinguée, assurément c'est bien finir.
Georges EASTNER.
Madrid , 5 novembre.
tiszt, le célèbre pianiste, est en ce moment parmi nous. A. moins
d'ftvoir assiste aux quatre concerts qu'il vient de donner dans la
même semaine , on se ferait difficilement une idée de l'enthousiasme
qu'il a excité. Le premier a eu lieu dans la salle du Lycée , qui con-
tient six cenis personnes ; la salle était pleine , on a refusé un grand
nontbj» de billets. Jamais^ artiste n'avait réuni en Espagne dans une
salle de concert une affluence aussi considérable. Chacun des sept
morceaux que Liszt a fait entendre ont clé interrompus par des
applaudissements, à tel point que l'ouverture de Guillaume Tell a
été coupée en cinq ou six reprises par des bravos et des applaudisse-
ments passionnés; la fantaisie sur la Norma , et surtout celle sur la
Somnambule, ont produit un effet magique. Au passage de la fameuse
cadence, la salle entière s'est levée, mais le dernier morceau, le
galop chromatique, a tellement bouleversé l'auditoire qu'une sorte
de délire s'est emparé du public, et les applaudissements ont duré
un grand quart d'heure; pendant ce temps on criiiit [oira) bis; les
bouquets et les couronnes pleuvaicnt de tous côtés, et nous qui avons
assisté aux grandes ovations que le public français fait à ses artistes
les plus aimés, nous n'avons jamais rien vu qui approchât de cette
furia espagnole. Le soir même à la sortie du concert, le directeur
du théâtre d'El Circo , le plus vaste de Madrid, celui où l'on joue
l'opéra italien et le ballet français , est allé faine au grand artiste des
propositions pour quatre autres concerts aux prix fabuleux de 15,000
réaux, environ 'i,000 fr. par concert. Les trois premiers ont eu lieu
au milieu d'une telle affluence, qu'on espère déterminer le prodi-
gieux pianiste à en donner encore deux ou trois avant son départ.
Liszt est en ce moment le seul objet de l'attention générale à Ma-
drid , son nom est dans toutes les bouches ; dans le monde , dans les
joarnaux on ne parle que de lui; les affaires politiques, qui sont
très graves en ce moment, ne peuvent empêcher que le public ne s'oc-
cupe surtout de son artiste de prédilection. Une preuve frappante de
l'inffucnce que son magnifique talent exerce sur toutes les classes de
la société, c'est que le nom du général Prim , qui sera jugé demaia
par un conseil de guerre, et très probablement fusillé après-demain,
est moins souvent prononcé que le nom de Liszt. Chacun veut voir
le célèbre arlisle ; les plus grands seigneurs , les plus illustres per-
sonnages, les hommes politiques les plus inDuents briguent l'hon-
neur de lui être présentés, et l'enthousiasme qu'il inspire rejaillit sur
tout ce qui l'entoure. Ainsi , l'instrument sur lequel Liszt s'est fait
entendre dans ses concerts en Espagne , et qui le suit partout , est ,
depuis son dernier concert, l'objet des plus folles enchères. La haute
société de Madrid , composée des amateurs de musique les plus pas-
sionnés, s'est liguée pour empêcher ce piano de sortir de la capitale. A
l'heure qu'il est, on offre de ce piano jusqu'à 20,000 réaux , environ
5,000 fr. Il est vrai que cet instrument est un excellent piano de la
fabrique de Boisselot , de Marseille , auquel Liszt tient beaucoup.
Mais comme on ne saurait prévoir jusqu'où peut aller l'engoue-
ment espagnol, et craignant sans doute qu'il ne lui fût impossible
de sortir son piano de Madrid , on assure que Liszt a écrit à M. Bois-
selot qu'il eût à lui envoyer immédiatement un autre piano pour
remplacer celui-là.
C'est samedi prochain que Liszt doit donner son sixième concert,^
après lequel, s'il n'est de nouveau retenu, il partira pour Séville,
Valence, Cadix et Lisbonne; il donnera plusieurs concerts dans ces
villes où il est attendu avec impatience; tout fait présager qu'îf ne
sera pas de retour en France avant la fin du mois de décembre. Si, ce
qui ne parait pas douieux, le succès du prince des pianistes est le
même dans toutes les villes que nous venons de citer, il aura accom-
pli la plus brillante tournée artistique qui ait jamais été entreprise
au-delà des Pyrénées.
nOTTTSZaLiSS.
V Aujourd'hui dimanche par extraordinaire à l'Opéra , Dom Sé-
baslien de Portugal. — Demain lundi le Comle Orij et la Tarentule.
*,* M""^ Mondutaigny a fait son second début dans la Juive, par
le beau rôle de ttachel. Plus sûre d'elle-même, elle a mieux chanté,
mieux joué que dans liobert-le-Diabl' , bien que sa voix ait encore
laisséà désirer plus de puissance, d'égalilé et son jeu plus de tenue;
Duprez s'est montré admirable dans le rôle d'Eléazar : on l'a rappelé
après rair du quatrième acte. Le surlendemain il a chanté dans
Guillaume Tell avec le même latent et le même effet.
*,' Les cinq actes de Marie Stuart ont été lus par l'orchestre. On
tinnonce que l'ouvrage pourra être donné le G du mois prochain.
'," La question traitée par plusieurs journaux, à l'occasion des
douze représentations qu'une troupe anglaise doit venir dmmer sur
le Théâtre-Italien , est tout simplement une interprétation de cahier
des charges. Elle a déjà été résolue par la commission des théâtres
royaux, lors de l'exécution du Siabat, et l'on a reconnu que le direc-
teur du théâtre-Italien n'avait pas le droit d'ouvrir son théâtre,
pour une exhibition quelconque, les jours réservés à l'Opéra.
V 11 y apiocès entre le dirccleui 4iiïliéàlEe-Ilali«u.eLi!il.Ci>R'iiadiji.
Kreutzer, à propos de la mise en scène d'une Nuit à Grenade. Le
compositeur se plaint de ce qu'au lieu d'avoir fait exécuter son ou-
vrage en 1843 par MM. .Mario, Ronconi et M"' Nissen, on veut le
faire chanter en IS44 par MM.Corelli , Morelli et M'"' Manara, et il
demande MM. Mario, Fornasari et M""» Persiani. L'affaire a été ren-
voyée au grand rôle du tribunal de commerce.
'," C'est aujourd'hui que se fait la séance annuelle du Conserva-
toire royal de musique, sous la présidence de M. de Kératry. Dans le
concert qui suivra la distribution des prix , on entendra une ouver-
ture nouvelle de M. François Bazin.
V Marseille est depuis quelques semaines le rendez-vous des
artistes les plus distingués; Liszt y était le mois dernier, et l'on se
souvient encore des succès qu'il y a obtenus. Louis Lacombe et le
ténor Poultier y ont donné plusieurs concerts où le talent de l'habile
pianiste et le chant si pur de V ex-tonnelier de Rouen ont été parfai-
tement appréciés. Aujourd'hui même arrive à Marseille le célèbre
violoncelliste Offenbach. Mais ce qui captive surlout en ce moment
l'attention des dilettanti , c'est l'arrivée de M"» Caiinka Heinefetter,
la belle prima doua de l'Académie royale de musique. M"' Heinefetter
a obtenu dimanche dernier dans lu Juive un de ces succès qui font
époque. Poultier remplissait le rôle d'Eléazar. Ces deux artistes ont
été rappelés. Au 2' acte la romance // va venir, chantée par M"= Hei-
nefetter, a été couverte d'applaudissements enthousiastes ; jamais au-
cune cantatrice n'avait produit à Marseille un aussi grand elTet.
Poultier a partagé avec elle le beau succès de cette soirée-.
*/ M"' Masson et M. Lespinasse donnent alternativement des
représenta tions au Grand-Théâtre de Bordeaux , et le public accourt
en foule à leur appel, ce qui ne doit surprendre personne. M""-Wide-
mann , dont le départ nous avait laissé tant de regrets , vient d'être
rengagée. Aussi l'on s'attend à revoir bientôt l'opéra de Charles P^I.
DE PARIS.
'^87
*." Le grand concert, que M. Georges Kastner devait donner le
24 novembre , dans la salle du Conservatoire , est remis au dimanche
1" décembre. La représentation, qui aura lieu le lundi 25 du cou-
rant au cliâteau de Saint-Clouii , a rendu ce retard obligatoire , puis-
que le matériel de la salle des menus-plaisirs doit en être enlevé
deux jours auparavant. Du reste le programme du concert n'a pas
subi de modiflcalion. Le dernier mi de Juda , opéra biblique, est
toujours l'ouvrage qu'im orchestre choisi et dirigé par M. Habeneck
exécutera dans cette séance. On parlé déjà du grand effet que
Mm" Uorus-Gras, Hortcnse. ajaillard, Mondulaigny, et iïIM. Roger,
Massol, Hermaiin-Léon ont produit dans quelques répétitions par-
tielles. T'.jr
*,* C'est le S décembre que M. Félicien David donnera un concert
instrumental et vocal dans la salle du garde-meuble de la couronne
au Conservatoire. L'orchestre, conduit par M. Tilmant, exécutera
une sijmphonie orientale, d'une conception singulièrement pittoresque.
Le compositeur y a encadré, dit-on , des mélodies arabes. MM. Her-
mann-Léon, Dupond et Béfort chanteront différents morceaux dans
la seconde partie du concert. Ce programme est de nature à exciter
un vif intérêt.
V M. Dreyschocii est en ce moment à Prague, où il termine plu-
sieurs compositions nouvelles. Il n'ira pas cet hiver à Vienne , ainsi
que l'ont annoncé plusieurs journaux; il compte passer cette saison
en Hollande.
*,* M. Frederich Stroeken est de retour à Paris.
*,* M. Adolphe Sax est de retour de son voyage à Londres. Ses
instruments, qu'il y -a Importés, ont obtenu le plus grand succès;
aussi chaque soir voit-on un puWic d'élite se rendre au concert de
Gallery-.\delaïde pour les entendre. Avant son départ, M. Sax a été
appelé à Windsor pour y faire entendre également ses nouveaux in-
struments. S. A. R. le prince Albert , qui est avantageusement connu
comme compositeur, après l'avoir vivement félicité sur son double
talent de facteur et d'instrumentiste, lui a fait de nombreuses com-
mandes.
*,* Si l'on avait besoin d'une nouvelle preuve de l'ignorance pro-
fonde des journalistes d'autrefois en matière de musique , on la
trouverait dans ce passage emprunté à l'un des feuilletons de Geof-
froy, le prince des critiques d'alors. « Il y a longtemps que Jcan-
» Jacques Rousseau s'est élevé contre les cris aigus dont retentissait
» l'ancien Opéra ; ils ne sont pas tout-à-fait bannis de notre Théâtre
» actuel des Arts. On ne crie pas beaucoup à Feydcau , et ce n'est pas
» uniquement par goût, c'est aussi par impuissance, car il n'y a pas
» une voix à ce théâtre; celles d'Elleviou et Martin sonl plus agréables
» qu'étendues et fortes. Nos anciens acteurs avaient de quoi crier; leur
» organe était admirable, et ils se plaisaient trop aie développer; sou-
» vent ils en abusaient. Mais l'abus est interdit aux chanteurs actuels
» de l'Opéra-Comique; ils sont réduits par la faiblesse de leurs
» moyens, autant que par les principes de l'art, à chanter propre-
» ment , à flûter méthodiquement des sons bien maigres. Sans parler ici
» des superbes voix des Chassé , des Lemaure , des Jéliotle, des Fel ,
» des Legros, etc., etc., etc., il est certain que la Comédie italienne,
» rue Mauconseil, possédait des voix plus belles, plus fortes, mieux
» nourries, plus propres à la scène que celles que nous offre aujourd'hui
» l' Opéra-Comique national. L'art, le goût, la méthode, semblent à
» présent ne servir qu'à pallier les défauts d'un organe usé et à mé-
» nager la poitrine délabrée de nos virtuoses des deux sexes ; nos
» mœurs semblent devoir augmenter de plus en plus la rareté et la
» faiblesse des voix. » Il y a autant d'absurdités que de paroles dans
tout ce paragraphe : nous n'en relèverons qu'une seule. La voix de
Martin, dit le criticfue, est plus agréable qu'étendue. Or.'la voix de
Martin embrassait l'éclicllo entière de la voix humaine depuis la
basse-taille jusqu'au soprano.
*.* Londres, 12 novembre. — C'est hier lundi qu'a eu lieu au théâ-
tre de Drury-Lane la centième représentation de The Bohemian Girl,
opéra de Balte. Un tel événement est mémorable dans les fastes du
théâtre anglais. L'auteur a dû conduire l'orchestre lui-même, ainsi
qu'il l'a fait aux trois premières représenlalions. Quelques jours
après, un magnifique service en argenterie lui a été offert par une
réunion de personnes à la tête desquelles figurent le duc de Devons-
hire, le comte deWestmoreland, la marquise de Coningham, etc^
*," Dresde , i novembre. — Il vient d'être ouvert ici une souscrip-
tion pour ériger sur une des places publiques de notre capitale i^m
monument à Charles-Marie' de Weber. La composition de ce monu-
ment sera soumise au concours. Parmi les personnes , qui ont déjà
souscrit, se trouvent MM. Meyerbeer, Mendeissohn-Bartholdy, Fré-
déric Schneider, le baron de PoissI , Jules Bénédict , etc.
V Saint-Pétersbourg , 21 octobre. — ^Le Théâtre italien a fait hier
sa réouverture par TAicia de Lammermoor. M"" Castellan-Gianpetro,
qui débutait à côté de Rubini et de Tamburini , a partagé avec eux
les bravos et les rappels. On prépare la Sonnanbula pour M"« Viar-
dot-Garcia.
V Copenhague ?8 octobre. — Le roi Christian VIII vient de ren-
dre deux ordonnances pour encourager l'étude de la musique. La
première de ces ordonnances est relative à la création d'un Conser-
vatoire royal de musique à Copenhague pour cinquante élèves, dont
trente hommes et vingt femmes , et qui sera spécialement destiné à
former des sujets pour le théâlre national et royal de notre capitale.
Cet établissement, placé sous la direction de M. Glaeser, maître de
chapelle , sera mis en activité à partir du 1" mars prochain. L'autre
ordonnance prescrit que le chant sera enseigné dans toutes les écoles
des villes , et aussi , autant qu'il sera possible , dans celles des vil-
lages. Nous aurons cette année un opéra italien au théâtre de la
cour du palais de Christiansborg, à Copenhague. Le roi l'a fait
mettre gratuitement à la disposition de la troupe italienne que la
municipalité a engagée. C'est au 7 novembre qu'a été fixée la pre-
mière représentation. »
' Le Directeur, liédacteur en chef, Maurice SCHLESINGER.
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N. 1. Passé.
2. Sonvenlr.
.3. Romance.
4. I>ied
10
10
10
9
9
5. Agitato.
6. Adicn.
7. Rêverie.
8. Caprice.
Ces morceaux , qui produisent un si grand effet dans les salons par leurs chants suaves et mélodieux , sont arrangés aussi pour Piano
cl Violoncelle, par MM. Heller et Lee , et pour Piano seul , par M. Stephen Heller.
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10. Prière pendant l'orage.
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386
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Mouvement des doigts en tenant la main tranquille.
Pour passer le pouce.
Volubilité des doigis.
Mouvement léger des doigts; smccaio tranquille.
Égalité dans les gammes en tierces.
Accords brisés.
Changement de doigis sur la même touche.
Agilité de la main gauche.
Sautillant avec délicatesse bien délaché.
Esercices en tierces.
Agilité dans le changement des doigis.
Exercices de la main gauche.
Exercices pour acquérir l'agilité.
Passages en accords.
Ecartement pour donner de la force aux doigis.
Changement des doigts dans les mouvements rapides.
Gammes mineures en grande vitesse.
Pour croiser les mains.
Ecartement en tenant la main tranquille.
Octaves doubles.
Mouvement égal des deux mains.
Exercice du trille.
légèreté de la main.
Exercices du pouce sur les touches noires sans remuer 1
Netteté et précision.
Études contenues dans le S** Xiivre,
26. La plus grande vitesse dans les passages des accords.
27. Indépendance des doigis.
28. Pourlcnirlamaintranquillependantunegrandeagilitédesdoigts
29. Etude du mordant.
30. Pour acquérir de la force sur le clavier.
31. Etude pour passer le pouce.
3?. Egalité en levant les doigis.
33. Légèreté de la main en jouant des octaves.
34. Trilles en lierces.
35. Changement des doigis sur la même touche.
3G. légèreté dans les bras avec les doigts agiles.
.37. Neltelé et puissance.
38. Egaillé des deux mains en les levant.
39. Exercices en tierce.
40. Siaccaio dans les accords.
41. .Agilité de la main gauche. v
42. Exercice du mordant double.
43. Agilité en passant le pouce.
44. La plus grande légèreté , agilité des doigis.
45. La mélodie tenue avec les accords brisés.
46. firavoura dans le jeu et dans le mouvement.
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GAZETTE MUSICALE
Bédigée par 5I.M. A>iDEUS , G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, HEPiril BLAN'CHAUD, MiUuiCE BOURGES, F. DANJOU, DLESBERG, FÉTIS pélc, Édombd FÉTIS,
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IL SERA JOINT A CHAQUE NUMÉRO UN DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
SOMMAIRE. Considérations sur l'étude du contre-point dans ses
rapports avec la musique actuelle ; par FÉTIS père. — Conserva-
toire royal de musique et de déclamation : Dislribution des prix.
— Feuilleton. — Nouvelles. — Annonces.
Jurons, jurons EœBîioi-t «le î'istfàjMc «yran. Dessin de Gavarni.
DANS SES RAPPORTS AVEC LA MUSIQUE ACTUELLE.
Une phrase écrite par IM. Zimmernian dans la France mu-
sicale (n. Zh, page 258), soulève une question qui acquiert
de l'importance par le nom du professeur dont elle énonce
l'opinion. Parlant de l'introduction assez récente de certaines
combinaisons harmoniques dans les formes anciennes du
contre-point, M. Zimmerman les considère comme un progrès.
Mon but, dans cet article, est de démontrer que le progrès ,
appliqué au contre-point , ne va pas à moins qu'à l'anéantis-
sement de sa doctrine ; et par occasion, je me propose de faire
voir aussi qu'anéantir le contre-point ancien, c'est méconnaî-
tre l'universalité des formes de l'art, renfermer celui-ci dans
des formules d'époque , en un mot, le dégrader.
J'ai assez démontré dans mes écrits de tous lés temps, et
particulièrement dans les derniers, que le contre-point, c'est-
à-dire le système do composition qui fut en usage jusqu'à la
fin du xvr siècle , avait pour base l'ancienne tonalité du plain-
chant, et que celle-ci ne produit qu'une harmonie conson-
nante, avec des prolongations qui retardent les intervalles
consonnants par des di.ssonnances artificielles. De ces faiis dont
l'évidence est inattaquable, j'ai tiré l'explication de l'absence
des harmonies de septième avec quinte, de quinte et sixte, de
tierce, quarte et sixte , et de seconde, quarte et sixte, dans
toutes les compositions qui ont eu pour base le contre-point
simple.
J'ai démontré aussi, non seulement dans mon Traité du
contre-point et de la fugue, mais en plusieurs autres endroits,
que toutes les compositions jusqu'à la fin du xvi" siècle ont été
les produits conséquents de cette constitution tonale et har-
monique dont la naïveté, le calme et le caractère religieux
Portefeuille de deux Cantalrices ^^K
ESTHER SAUNIER A CLOTILDE B*
Sa juin.
Ahl chère amie, quel événement î quel malheur! votre lettre
a été comme l'éclair qui précède la foudre, mais elle Ta précédée
de si peu qu'il n'y avait pins moyen de s'y soustraire. J'avais
promis, j'étais engagée, et puis je dois le dire, malgré vos avis,
je ne voyais pas le danger... Que vous aviez raison pourtant, et
quelle folie à moi de me fier à des gens contre lesquels vous me
recommandiez de me tenir en garde ! Comme j'en suis punie ! et
qui sait où s'arrêtera le châiimenl? A l'heure où je vous écris,
j'ai encore à peine la force de tenir ma pluma, tant je suis bri-
sée , désolée , anéantie de corps et d'esprit !
Vous savez bien cette baronne de Cliambord , dont je vous
parlais, comme d'une femme charmante, qui , dès son arrivée
à Bordeaux, m'avait recherchée, comblée d'amiiiés, de préve-
nances... Ah 1 l'horrible femme !... Elle me pressait toujours de
venir chez elle passer les soirées , où je ne jouais pas , et, 'en at-
(1) Voiries numéros 40, 41, 42, 43, 44, 45 et 46.
tendant , elle venait chez moi : nous causions très gaiement ,
nous faisions de la musique ; nous élions toujours seules. Entre
onze heures et minuit, un domestique venait la prendre et la
reconduire en voiture. Était-ce bien un domestique?... à présent
je doute de tout.
Enfin , il y a quatre jours , elle me prévint que le lendemain
on prendrait le thé chez elle , et qu'elle comptait sur moi. Je
refusai d'abord , faiblement , je l'avoue : un mot vainquit ma ré-
sistance. La haiomie me dit qu'elle m'enverrait chercher, qu'elle
m'avait annoncée à des amis qui seraient enchantés de me voir
de près , de m'entendre même , si j'étais assez complaisante pour
chanter, et que par la suite je me trouverais bien d'avoir fait
leur connaissance. Elle avait un air si naturel, si simple, en
disant tout cela , que je m'en serais voulu à moi-même de con-
cevoir le moindre soupçon.
Sazerac n'étant pas à Bordeaux, je n'avais vu personne de
toute la matinée. Il faisait une chaleur accablante. Vers neuf
heures du soir, j'éiais à la fenêtre, lorsque je vis une voiture
s'arrêler à ma porte, lin prétendu domestique en descendit et
me fit avertir que madame la baronne m'attendait. Je partis,
sans emmener ma femme de chambre, qui souffrait d'une vio-
lente migraine, et que j'engageai à prendre un peu de repos,
tout en attendant mon retour. La roule ne fut pas longue : à mon
entrée dans le salon , la baronne s'élança au devant de moi , et
m'enlourant de ses deux bras : — Enfin, nous la tenons, s'écria-
IM^-
BUZLXAUX D'ABONMEMEKrT, HUE RZCHXZ.IXU, 97.
388
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sont inséparables, et qui ne laisse pas supposer la possiMité
d'existence de l'accent expressif ni de la modulation. J'ai donné
enfin à cette doctrice nii caractère d'incontestable vérité par
de nombreux exemples dans mes concerts historiques.
D'autre part, j'ai fait voir dans mon Traité du contre-point
et de ta fugue, ainsi qu'en plttsietirs autres endroits, que
l'introduction de l'accord dissonant naturel de septième do-
minante dans la musique a changé la tonalité par l'attraction
de ses élémcisls harmoniques qui, fixant invariablement la
place des demi-tons dans la gamme , ont fait disparaître l'an-
tique conception d'une gamme prise à ses différents degrés
comme formule de différents modes pour lui substituer un
modèle uniforme, quelle que soit la note tonique. J'ai démontré
en outre que les conséquences inévitables de ce nouveau sys-
tème de tonalité fondé par l'harmonie dissonante naturelle ,
ont été la création de l'élément de transition ou de modulation,
celle de l'accent expressif ou dramatique, qui ont donné nais-
sance immédiatement aux formes mélodiques et harmoniques
de l'opéra, de la cantate , ont créé la phrase rhythmique, la
cadence, et substitué l'air et le récitatif accompagné à la mu-
sique vocale d'ensemble; mais en même temps, d'autres con-
séquences de ce changement dans la base de l'art se sont
manifestées, savoir, l'affaiblissement du caractère naïf et calme,
et l'anéantissement progressif du caractère religieux , devenu
évident dès le xvir siècle , et parvenu h ses dernières Hmites
dans la musique d'église de nos jours, qui n'est pas autre chose
que le drame dans le temple.
Or, ce que le changement de tonalité a fait dans la partie
poétique de l'art, il l'a fait aussi dans les formes scientifiques,
en les transformant; car les dissonances naturellesétant deve-
nues constitutives de la tonalité, la règle qui prescrivait l'uni-
que emploi des consonnances comme notes réelles dans le
contre-point , n'a pu être conservée, puisque les dissonances
naturelles sont aussi essentielles à la tonalité que les conson-
nances. Les premiers musiciens qui en firent usage dans le
contre -point double , vers le milieu du xvii" siècle , n'ayant
pu se rendre compte de la nature de ces intervalles, ne les
employèrent d'abord qu'en les préparant; mais plus tard on
devint plus hardi, par se.niiment plutôt que par conviction ^
surtout dans l'école allemande, et l'on admit sans préparatk)»
ces mêmes dissonances dans le contre-point dMble et clans la
fugue, qui en est le. proiJuit.
Cependant une confusion singulière a'était iatroduileàans
les idées des compositecus et des théoriciens. La fugue tonale,
dont la conception repose sur la modulation , ne pouvait se
soustraire à l'admission des accords dissonants naturels; mais
on avait conservé dans les écoles l'ancien contre- point simple,
comme le meilleur exercice qu'on pût faire dans l'art d'écrire.
D'une part, donc, les dissonances sans préparation étaient
repoussées: de l'autre, elles étaient admises; mais personne
ne savait quelle était la cause de celte contradiction. Ouvrez
tous les traités de composition , même les plus modernes ,
comme ceux du P. Martini, de Marpurg, d'Albrechtsberger,
de Mattei, et même de Cherubini; vous ne trouverez pas un
mot snr cette importante question: mais si vous examinez
d'une part des compositions en contre-point simple, et de
l'autre des fugues des meilleurs auteurs, vous verrez les deux
systèmes de tonalité parfaitement caractérisés par les diffé-
rences que je viens de signaler. Dans le fait , il est impossible
qu'il en soit autrement; mais il n'en est pas moins vrai qu'au-
cun maître n'a connu la cause de cette contradiction , et que
le moment où leurs élèves passaient du contre-point simple au
contre-point double et à la fugue, a toujours été pour ceux-ci
un temps d'incertitude , d'ennui et de découragement , jus-
qu'à ce que j'aie enfin exposé , dans mon Traité du contre-
jwint et de la fugue , le secret des tonalités sous le rapport
harmonique.
On voit par là que Cherubini s'est trompé dans son rap-
port à l'Académie des beaux-arts de l'Institut sur cet ouvrage,
lorsqu'il a considéré comme un de ses avantages l'usage que ,
suivant lui , j'aurais fait de la tonalité moderne , tandis que
les livres plus anciens sur les mêmes sujets sont traités dans
la tonalité 'du plain-chanf. Toute la première partie de mon
livre , ayant pour objet les compositions basées sur le contre-
point simple, n'a de rapport qu'avec la tonalité ancienne,
tandis que la deuxième partie, relative au contre-point double
t-elle. Savez-vous, ma belle, que je craignais toujours?.. Vous
êtes si sauvage, et puis, il faut en convenir, les artistes célèbres
ont le droit de se faire prier. Asseyez-vous donc, que je vous
présente ces messieurs cl ces dnmes , qui tous ont le bonheur
de vous connaître, mais qui désirent aussi être connus de vous.
Alors la baronne prit par la main, l'un aprùs l'autre, les
hommes, pour la plupart très jeunes, qui s'étaient groupés de-
vant moi, et parmi lesquels je reconnus plusieurs figures d'a-
bonnés. Elle [.rononçaii leurs noms si vite que je les entendais à
peine ; elle n'insista que sur deux personnages, d'un âge plus
mûr, dont l'un portait une brochette de croix, et qui était, dit-
elle, un diplomate et un guerrier faracux dans les deux mondes,
envoyé du Mexique en France; l'autre, dont les yeux couverts
d'épais sourcils grisonnants s'abritaient derrière d'énormes lu-
nettes d'or, avait fait quatre fois le tour du globe et pouvait le
disputer en science à M. de Ilumboldt, La présentation des
hommes terminée, la baronne les pria de s'éloigner un peu pour
laisser place aux dames. En effet j'en aperçus deux , assises vis-
à-vis de moi sur une causeuse. Au moment oii la baronne me
les nomma , elles se levèrent à moitié et me saluèrent de la main
. et de la tête. Je ne me souviens plus des noms que leur donna
la baronne, mais je sais bien qu'il y avait dans leur physionomie
comme dans leur mise quelque chose d'aventureux, d'effronté,
qai me frappa sur-le-champ, mais que le souvenir me retrace
bien plus nettement encore.
Quoi qu'il en soii, je n'avais aucune raison pour me croire en
lieu suspect. Après une demi-heure de ces conversations insi-
gnifiantes , qui ne sont ni générales , ni particulières , la baronne
se mit au piano et chanta un air espagnol, pour faire sa cour,
dit-elle, à l'envoyé du l\!exique. Elle me demanda ensuite si je
serais assez bonne pour exaucer le vœu de tous et chanter aussi
quelque chose. Je répondis que, pour ne pas sortir du Mexique ,
je dirais ya\T cVÂmazili, dans Feniand Cortez. Ma réponse fut
couverte d'applaudissements enthousiastes, et i! en fui de même
de mon air. Je chantai encore avec la baronne un charmant petit
duo de Cimarosa : Se vedele una ragazza, et puis seule les va-
riations des Voilures versées. Peu ù peu le ton de la société s'a-
nimait, ce qui ne me paraissait nullement extraordinaire, car
c'est ce qui arrive partout, à mesure que les soirées avancent.
Je trouvais encore tout simple que les yeux se portassent sou-
vent sur moi , que l'on chuchotât en me regardant , car cela est
d'usage avec tous les artistes qui se produisent quelque part, et
que l'on traite toujours plus ou moins en bêles curieuses. Minuit
allait sonner : la baronne se leva lout-à-coup et dit d'une voix
très haute :
— Voici le moment!... Passons de l'autre côté.... Messieurs,
la main aux dames.
J'étais assise à côté d'elle, en face d'une porte qui s'ouvrit à
deux battants, et par laquelle toute la société disparut en quelques
secondes. Je m'étais levée, comme la baronne, dont le savant
voyageur vint prendre la main. Je vis deux autres hommes offrir
leur bras aux deux dames, qui étaient allées se mettre à la fenê-
tre , et dont j'avais remarqué les éclats de rire étouffés. J'étais là
debout , attendant un cavalier et n'ayant pas encore eu le temps
DE PARIS.
et à la fugue, est établie sur la tonalité moderne. J'ai marqué
clairement la transition d'un de ces systèmes à l'autre dans
l'introduction du sixième livre de mon ouvrage, Peut-être la
crainte d'être entraîné dans de trop longs développemeuls
a-t-elle déterminé Ciierubini à passer sous silence , dans son
rapport, cette importante question.
Après avoir exposé les faits tels qu'on vient de les voir, la
question qui a été soulevée par l'opinion de M. Zimmerman,
et que j'ai à examiner, est celle-ci : Serait-il avantageux aux
progrès de l'art que l'harmonie de la tonalité moderne , et
conséquemment du contre-point double et de la fugue , fût
introduite dans le contre-point simple, et que la tonalité an-
cienne fût à jamais abandonnée, comme n'étant plus en rap-
port avec la situation actuelle de la musique? Analysons les
conséquences inévitables de ce changement de doctrine.
Au premier aspect, il paraît que les études relatives à l'art
d'écrire en musique devraient être, dès les premiers pas, con-
formes a la tonalité en usage, à l'état actuel de l'art, et l'usage
de commencer ces études par des exercices sur une tonalité
abandonnée peut sembler d'autant moins utile, que de cette
tonalité découlent des règles qui ne trouvent pas leur appli-
cation dans la tonalité moderne. Or, ces considérations étant
admises , il ne s'agira plus seulement d'introduire dans le
coutre-point des accords de septième avec quinte, de quinte
eî sixte, de tierce, quarte et sixte, et de seconde quarte et
sixte ; il y faudra faire entrer l'accord de septième de domi-
nante et ses dérivés sans préparation, ainsi que ceux de neu-
vième majeure et mineure du même degré, de septième de
sensible et de septième diminuée avec tous leurs dérivés; il y
faudra admettre toutes les altérations simples et doubles , as-
cendantes et descendantes, combinées avec les prolongations,
prolongées elles mêmes, et faisant leur résolution en montant,
bien que dissonantes, à raison de leur caractère de notes
sensibles accidentelles. Dès lors on conçoit que le résultat de
ces choses nouvelles ne sera pas seulement une modification
de la doctrine du contre-point, mais l'anéantissement com-
plet de cette doctrine; car, que deviendrait l'unité tonale en
présence de ces tendances incessantes vers des tons divers ?
Que signifieraient les lois concernant le mouvement des con-
sonuances, l'exclusion des dissonances autres que celles de
passage et de prolongation , dès qu'on admettrait , par les lois
mêmes d'uie nonvelle tonalité, des dissonances sans prépa-
ration? Que! serait l'objet d'exercices à deux, (rois, quatre,
cinq, six, sept et huit voix sur des combinaisons de notes
syncopées , etc. , suivant des règles rigoureuses concernant
certains mouvemeiits, certaines exclusions, certaines formes
qui seraient en contradiction manifeste avec les harmonies,
les tendances et les libertés d'un autre ordre d'idées et de
choses? Ou le progrès n'aurait point de sens, ou il devrait
réaliser toutes les conséquences de la musique actuelle , elles
réalisant, il ruinerait de fond en comble toute la théorie du
contre-point.
Admettons pour Un moment que cette réforme radicale soit
faite , et voyons quels en seraient les résultats. Et d'abord
essayons de déterminer par quoi serait remplacée l'ancienne
doctrine de l'art d'écrire; car, à moins d'une convention uni-
verselle par laquelle il serait décidé qu'il n'y a dans la mu-
sique d'autre règle que la fantaisie individuelle, et conséquem-
ment qu'elle n'est plus un art, il faudra bien, s'il est démontré
au contraire que non seulement elle est un art, mais de tous
les arts le plus élevé dans le domaine de la pensée et du sen-
timent , il faudra bien , dis-je , expliquer en quoi cet art con-
siste , et conséquemment l'enseigner. Il y aura donc une doc-
trine nouvelle qui prendra la place de l'ancienne.
Cette doctrine, quelle sera-t-elle? Évidemment elle n'aura
plus à proscrire l'usage de tel ou tel intervalle, puisque tous
les intervalles sont employés dans notre musique; par exem-
ple , la quarte , qui n'apparaissait dans l'ancien contre-point
que comme le retard de la tierce , et qui , conséquemment ,
n'y pouvait être employée que par prolongation ou comme
note de passage; la quarte , dis-je, ayant dans la tonalité mo-
derne une existence absolue de consonnance , sera employée
comme telle , c'est-à-dire sans préparation.
Le triton et la quinte mineure, objets d'horreur pour les
musiciens de l'ancieu temps {mi contra fa, seu diabolus in
nuisica), mais devenus de nos jours des consonnances attrac-
dc m'étonner de ce qu'il ne s'en préscnlait pas, lorsque la porte à
deux battants se ferma et qu'en même temps il s'en ouvrit à côté
de moi une autre, d'où sortit un homme , qui s'approcha et me
dit :
— MademoiselleEslher, voici mon bras: voulez-vous l'accepter?
C'était Georges Desbrières!... Je le reconnus à sa voix plus qu'à'
ses traits , car à l'instant même un nuage couvrit mes yeux : je
cliancelai : ma poitrine se serra et !a parole expira sur mes lèvres.
Mon ennemi en profita pour continuer ainsi :
— Vous êtes surprise de me voir, je le conçois. Vous ne pou-
viez vous douter que cette soirée était donnée par moi et à mon
profit, que j'étais l'âme et l'ordonnateur de la fèic.
A ces mots, l'indignation me rendit la parole et je m'écriai :
— Comment , nionsieur , qu'osez-vous dire , et chez qui suis-
je donc ici?
— Chez une amie , mademoiselle , et en même temps chez
l'une des femmes les plus aimables et les plus obligeantes que je
connaisse , qui sait que je vous veux beaucoup de bien , qui elle-
même ne vous veut aucun mal, et qui par conséquent a cru pou-
voir se prêter à un innocent stratagtme.
— Je ne vous comprends pas, monsieur, et je ne croirai ja-
mais que madame la baronne de Chambord....
— Supprimez le titre , s'il vous paraît de trop. Je ne pense pas
que notre amie y tienne beaucoup. Chambord est une baronnie
tant soit peu fantastique et banale , qu'on pourrait tout aussi
bien ériger en principauté, duché, marquisat ou autre chose
semblable. Le fait est que madame la baronne a été fort souvent
dans sa vie reine et impératrice : c'est donc pure modestie de sa
part de n'être que baronne en ce moment. Elle est tout récem-
ment débarquée à Bordeaux et arrive en droite ligne de la Nou-
velle-Orléans , où elle chantait avec un certain succès au théâtre
et dans les conceils. Elle avait pour compagnon de voyage mon-
sieur l'envoyé, je ferais peut-être mieux de dire renvoyé du
Mexique, car je ne le suppose pas très bien dans les papiers de
cet état indépendant. Ne trouvez-vous pas qu'il joue la comédie
à ravir ? En elTct, c'est sa profession. Personne ne porte ses croix
avec plus de dignité que lui. Je ne saurais mieux le comparer
pour le sang-froid, pour l'aplomb, qu'au savant voyageur, digne
rival de Uuiiiholdt, qui recommence le tour du monde, chaque
fois qu'un de ses créanciers impitoyables se décide à lui faire pas-
ser quatre ou cinq années en prison. Le terme est consacré : le .
tour du monde , dans son langage , c'est le tour de la chambre
qu'il se procure, moyennant trente francs par mois. Vous voyez
que je connais parfaitement l'honorable société dont vous avez
daigné faire les délices.
— Monsieur, finissons, m'écriai-je.
— Non , mademoiselle , pas encore , répliqua-t-".l : je veux que
vous sachiez bien avec qui vous avez passé la soirée. Je ne vous
parlerai pas des femmes , deux camarades de la baronne , que
j'ai connues, ainsi qu'elle, avant leur départ pour l'Amérique,
et dont j'ai même protégé les débuts , mais je vous dirai que
parmi les hommes il y avait ce que la jeunesse de Bordeaux
compte de plus distingué en amateurs passionnés de musique,
qui sont aussi vos admirateurs fidèles et vos soutiens obligés.
390
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tives qui constituent la tonalité, loin d'être bannis du nouveau
contrepoint, en seront les notes caractéristiques.
Les dissonances de seconde , de septième et de neuvième
s'y montreront en toute liberté, au lieu d'être, comme autre-
fois, obligées de se faire entendre d'abord en état de con-
sonnance.
Certes, nous n'irons pas parler à nos élèves de l'obligation
d'éviter des successions de quintes et d'octaves qu'ils trouve-
raient h chaque page dans les partitions d'opéras de ceux
qu'on appelle aujourd'hui les maîtres , et nous nous garde-
rons bien de leur dire qu'il est bon d'éviter l'unisson , tandis
qu'ils en verraient faire à chaque instant de longues tirades
considérées par nos contemporains comme mm des phis beaux
effets de l'harmonie.
Encore moins ouvrirons-nous la bouche concernant les
suites des quintes ou d'octaves cachées, si nous ne voulons
nous faire montrer au doigt par les compositeurs fashionables
de l'école du progrès.
Quant aux obligations, autrefois imposées aux jeunes mu-
siciens dans leurs études, de maintenir les voix dans les
étroites limites de la portée, de les faire chanter ualurelle-
ment et d'éviter dans ce qu'on écrit pour elle les formes in-
strumentales , les conserver dans notre enseignement serait
évidemment retenir nos élèves dans l'ornière (pour me servir
de l'expression de mon excellent ami Zimmerman), et cela en
pure perte, puisqu'ils seraient destinés à écrire, comme leurs
modèles progressistes , des parties vocales qui occupent plu-
sieurs octaves , à leur donner les intervalles les plus chroma-
tiques et les plus difficiles , enfin , à leur faire exécuter des
traits et des tours de force réservés autrefois pour le violon
et le piano.
Il est bien entendu qu'il ne sera plus question d'écrire à
cinq, six, sept ou huit parties réelles, car h quoi pourrait être
bon ce genre de mérite dans un temps où l'effet de puissance
sonore est recherché avec avidité , et ne peut s'obtenir que
par la simplicité des combinaisons?
Cela posé, si nous examinons sans prévention et sans exa-
gération ce qui restera de toute l'ancienne doctrine de la
science , après en avoir retranché ce qui n'est plus utile , en
l'état actuel de l'art, nous acquerrons la conviction que la
théorie des accords et de leur emploi dans la succession har-
monique, les imitations et la fugue seront tout ce que l'art
conservera, parce que ce sont les seules choses qui soient con-
formes à notre tonalité. Et remarquez que je fais encore la
part fort large au reste de la science ; car les formes con-
ventionnelles des imitations, des canons et de la fugue ne sont
guère d'un bon usage dans la musique de théâtre qui nous do-
mine , et je n'en vois d'emploi que dans la musique instru-
mentale, où elles vivent encore; car pour la musique reli-
gieuse , ce qui nous en reste ne vaut pas en vérité la peine
d'être conservé.
On voit par ce qui précède que le progrès, qui consisterait
dans rentier abandon de l'ancienne doctrine de l'art, pour ne
conserver que ce qui découle de la tonalité moderne , serait
tout-à-fait constitutionnel , et comme une sorte de juste mi-
lieu qui ne permettrait pas absolument de déchirer nos oreilles
par des excentricités trop indépendantes, mais qui laisserait
aux jeunes musiciens la liberté d'apprendre peu de chose et
d'avoir du génie sans obstacles ; liberté dont usent avec mo-
dération ceux qui sont déjà dans cette voie.
Que si nous examinons maintenant quel serait le résultat
de l'oubli absolu dans lequel la réforiiïfe ferait tomber l'an-
cienne doctrine du contre-point simple , sous le rapport du
jugement esthétique des produits de l'art, il est évident que
ce résultat serait de rendre bientôt inintelligibles à tous les
musiciens les œuvres qui ont pour base cette ancienne doc-
trine , et conséquemment de plonger dans le néant les pro-
ductions de tous les maîtres qui ont écrit jusqu'à la fin du
xvr siècle , même celles de Palestrina et de quelques autres
musiciens illustres. Et qu'on ne pense pas que j'exagère ici ;
car nous avons précisément la preuve sous nos yeux que les
compositeurs dont l'instruction est incomplète ont fort peu
d'estime pour l'ancienne musique , et ne font commencer
l'histoire de l'art qu'aux productions de leur époque. Au lieu
de concevoir cet art comme infini , comme inépuisable dans
ses formes , ils ne le comprennent que dans les formules de
— Eh bien , monsieur , je venx les voir, leur parler....
El en disant cela, je m'élançais vers la porte par où tout le
inonde était sorti : Deâbrièies m'arrêta et me dit :
— Ce que vous voulez est assez difficile. Ces dames et ces mes-
sieurs ne sont plus ici.
— Et où sont-ils donc ?
— Près des alltîes de Tourny, dans un de nos meilleurs res-
taurants, où un souper, préparé par mes ordres , les attendait.
— Alors , monsieur, dis je en sentant un effroi mortel me gla-
cer, que voulez-vous?... Quel est votre dessein?
— Vous seule pouvez l'ignorer, mademoiselle.;.. Mais d'abord
veuillez vous rassurer.... ne tremblez pas. J'ai une vengeance à
exercer; je l'avoue, mais je ne suis pas si cruel que vous sem-
blez le craindre': je n'abuserai pas de mes avantages. Vous vous
êtes moquée de moi....
— Monsieur, cela est faux.
— Faux ou vrai, peu importe, du moment que c'est l'opinion
générale, du moment qu'on me regarde partout comme votre
dupe et que j'ai cédé au besoin de me réhabiliter. Nous avons
notre point d'honneur, nous autres abonnés, dont l'existence se
renferme presque entièrement dans la région du théâtre. Vous
savez quel a été le mien , dès votre arrivée en cette ville. Je vous
l'ai piisilivement annoncé, dans la première visite que j'ai eu le
pliiisir de vous rendre. D'abord vous m'avez répondu franche-
ment, sans détour. C'était bien, c'était noble : vous ne me lais-
siez rien à espéier : je savais donc à quoi m'en tenir. Mais bien-
tôt, soit de vous-même, soit par une influence étrangère , que
je vous nommerais , si vous l'exigiez , vous êtes revenue sur vos
pas : vous avez mis en usage ce que la lactique a de plus sa-
vant , les marches et contre-marches , les retraites simulées ,
toujours faites pour attirer l'ennemi. Voilà ce dont je me plains,
ce dont j'ai le droit de me plaindre. A mon tour, j'ai employé la
ruse : j'ai fait semblant de ne plus songer à rien : vous avez
donné dans le piège. J'avais parié avec quelques amis que vous
seriez à moi, que je vous amènerais à passer une nuit avec moi
tête à tête. Je voulais gagner mon pari; voilà tout, mademoi-
selle, absolument tout. Vous êtes ici, non pas chez moi, mais
dans une maison dont je dispose en maître , et où il ne reste que
nous deux. Les poi'tes en sont bien fermées : ces fenêtres don-
nent sur des jardins. Vingt personnes au moins vous ont vue en-
trer, et savent que j'ai dû venir vous rejoindre. Je n'en demande
pas davantage : dans une heure et demie ou deux heures au plus
tard je serai tout à vos ordres , prêt à vous reconduire dans votre
domicile. Voilà , mademoiselle Esther , voilà ce que c'est que la
vengeance d'un abonné, qui sait vivre, mais qui sait au.ssi se
faire respecter. Ceci n'est pas seulement à votre adresse , mais à
celle de toutes les premières chanteuses qui pourront vous suC'.
céder; car, ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, avec
vous comme avec toute autre, je tiens à garder ma position.
Il parlait si tranquillement , si lentement que je ne perdais pas
une seule de ses paroles et que j'eus le temps de les graver dans
ma mémoire. Je ne me souviens pas aussi bien de tout ce que la
colère et le désespoir me dictèrent. Ce qui me révoltait le plus ,
c'était de me sentir en son pouvoir, c'était d'être forcée de re-
DE PARIS.
891
leur temps , et réduisant toute leur poétique à la doctrine de
l'effet, c'est-à-dire à l'excitation et au développement des
émotions nerveuses , ils n'admettent comme principes du
beau que les accents attractifs, l'imitation matérielle et la
puissance sonore. Or, ce sont précisément là les conditions
de la réforme qui aurait pour objet de faire abandonner l'an-
cienne doctrine du contre-point simple. Le beau simple et
calme , dont les caractères sont la naïveté , le grandiose et la
religiosité, étant absolument indépendant des conditions de
l'art actuel , et ne pouvant conséquemment trouver son prin-
cipe que dans une tonalité unitonique, ne peut être saisi que
par ceux qui ont l'intelligence de celte tonalité , et ne peut
pénétrer dans des âmes accessibles seulement aux mouvements
passionnés , aux tendances de la tonalité moderne.
C'est une doctrine funeste que celle du progrès dans un
art tel que la musique, car elle a pour conséquences inévita-
bles de faire considérer les productions les plus récentes
comme les meilleures, et celles des temps antérieurs comme
imparfaites; en sorte que le résultat d'une pareille doctrine
ne va pas à moins qu'à inspirer le mépris d'un siècle pour ce
qui excitait l'admiration d'un autre , et à détruire la foi dans
la réalité de l'art. Si celle doctrine était vraie, l'idée de
beauté qu'on attache à la musique ne serait qu'une misérable
illusion. Le progrès des sciences , de l'industrie , ressort de
la nature des choses et de la destination de l'homme ; car aux
connaissances acquises peuvent toujours s'ajouter de nouvelles
connaissances; mais comment voudrait-on qu'il y eût progrès
dans un art indéterminé tel que la musique , dont le principe
vital ne peut exister que dans la conception et le sentiment
de l'homme lui-même? Le moyen de croire que ce sentiment,
que cette conception, conséquences de l'organisation humaine,
soient plus actifs dans un temps que dans un autre , et con-
séquemment susceptibles de progrès? Ne sait-on pas au con-
traire que l'originalité, qualité qui seule donne de la valeur
aux productions de l'art , n'est que l'expression à priori de
ces facultés de l'homme, et que cette originaUté, loin de se
perfectionner, s'amoindrit par le contact de la civilisation?
Sans doute, il faut au poète une langue formée pour que
la facture de son vers réponde à l'élévation de sa pensée : à
plus forte raison faut il au musicien des éléments mélodiques,
harmoniques et sonores pour exprimer l'ordre d'idées dans
lequel se développe l'activité de sa conception et de son sen-
timent. Si ces éléments se modifient , l'œuvre de l'artiste en
subit l'influence; et telles peuvent être les modifications, qu'il
y ait transformation complète , et que l'activité artistique de
l'homme de génie ait à s'exercer dans un ordre nouveau de
faits et d'idées esthétiques : c'est précisément ce qui arriva
lorsque l'introduction des accords dissonants naturels dans la
musique eut changé la tonalité. Alors il y eut véritablement
une transformation complète, et la sphère d'activité des com-
positeurs ne fut plus la même ; mais, ainsi que je l'ai dit, ce
qu'on gagna en éléments d'expression passionnée, on le per-
dit en naïveté , en caractère religieux et en majesté. Il est
donc évident qu'il n'y eut pas îAor s progrès, mais simplement
transformation. Il n'est pas moins certain que les œuvres les
plus belles de l'un et de l'autre système ne méritent pas moins
d'estime les unes que les autres , qu'elles ne peuvent être
comparées, et qu'il est impossible d'opérer une fusion des
principes en vertu desquels elles existent ; conséquences qui
me conduisent à la preuve que l'étude de l'ancien contre-point
simple doit être conservée dans son intégrité, comme pouvant
seule donner l'intelligence des belles compositions écrites
dans l'ancien système de tonaUté, et d'autre part, qu'on ne
pourrait considérer comme une amélioration l'introduction
qu'on tenterait d'y faire des harmonies produites par une
autre tonaUté , mais plutôt comme une dégénéralion qui con-
duirait à sa ruine totale.
FÉTis père.
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
Distribution des prix.
La séance s'est ouverte , suivant l'usage , par le discours
de M. Kératry , vice-président de la commission des théâtres
connaître que, quelque chose que je fisse , il avait réussi autant
qu'il lui importait de réussir, que, quelque chose qu'il racontât,
on serait disposé à le croire. Vous devez penser, chère amie,
que je lui reprochai de toutes mes forces l'infamie de son pro-
'cédé.
— S'attaquer à une femme , m'écriai-je , pour le seul plaisir
de la perdre !
— La perdre ? répondit-il ; ceci tourne au drame , et il ne faut
rien exagérer. S'il s'agissait d'une femme du monde , passe en-
core , mais quelle est la femme de théâire qui se croit perdue
pour avoir passé deux heures avec un homme tel que moi ? Est-
ce que vous craignez que cela ne vous fasse tort dans l'estime de
certain aspirant de marine , qui vous a certainement beaucoup
plus perdue que moi , si ce n'était pas précisément le contraire
qu'il fallait dire 2
J'abrège autant que je puis cette scène douloureuse et violente.
Après avoir roulé dans ma léte tous les partis que je pouvais
prendre , et m'êtrc bien con^ aincuc que je n'avais rien à espérer,
je me réfugiai dans l'embrasure de la croisée, en face d'un ciel
dont la sérénité contiastait si fortement avec l'agitation de mon
âme. J'attendis!... Pendant ce temps, M. Desbrières se prome-
nait dans le salon , en sifflant. Une heure et demie sonna : j'en-
tendis le bruit d'une^ voiture, qui s'arrêtait devant la maison.
Alors il me dit :
— Mon intention n'est pas d'abuser de votre patience. Nous
aurions pu beaucoup mieux employer les moments. Si vous vous
êtes un peu ennuyée , c'est votre faute. Vous chantez demain,
je crois? vous avez donc besoin de repos. Je vais vous con-
votre voiture.
Il m'offrit sa main : je la repoussai. Il prit un flambeau, sans
mot dire, et marcha devant moi jusqu'au vestibule : pas un être
vivant ne parut. Il ouvrit la porte lui-même et donna ordre au
cocher de me ramener où il m'avait prise : c'était celui que m'a-
vait envoyé la baronne. Jugez de mon état, en rentrant chez
moi, seule, livrée à mes réflexions. Sazerac revint le lendemain :
il apprit dès le soir les bruits qui couraient sur moi : je n'eus
pas de peine à lui persuader qu'ils étaient faux. Il voulait sauter
à la gorge de leur principal auteur. Je lui démontrai qu'il se ren-
drait ridicule et ne me sauverait pas. U est pourtant cruel , chère
amie, de n'avoir pas un défenseur 1... Je ne puis aujourd'hui
vous en écrire davantage.
LA MÊME A LA MÊME.
26 juin-
Chère amie , le défenseur s'est présenté, et c'est peut-être
un malheur de plus. M. Lambert, le jeune aspirant de marine ,
a su que son nom était mêlé à l'aventure , dont tout le monde
s'entretenait. Il est venu au théâtre , m'a suppliée de lui dire ce
qu'il devait en croire : je lui ai répondu la vérité. Sans plus at-
tendre, il est allé chercher M. Desbrières , l'a rencontré, l'a pro-
voqué , et ils se battent demain matin.
La suite au prochain numéro. Paul Smith.
392
REVUE ET GALETTE MUSICALE
royaux. L'orateur y a rendu pleine justice aux mérites d'une
institution que tant de gens calomnient sans la connaître,
quelques uns même bien qu'ils la connaissent , mais par plu-
sieurs des raisons qui font que les Jésuites disent du mal de
l'Université. L'Université , le Conservatoire , l'Académie fran-
çaise , seront toujours attaqués, d'abord par ceux qui n'en
sont pas et voudraient en être , ensuite parce que ce sont des
corps constitués. On ne peut attaquer en ce monde que ce qui
existe, etjjar conséquent résiste.
De plus, M. Kératry a fait observer qu'il était impossible
d'exister à moins de frais que le Conservatoire , où tous les
professeurs sont peu payés, où plusieurs même ne le sont
pas du tout. Le Conservatoire ne coûte pas à l'Elat plus de
. 155,500 francs , et il ne compte pas moins de 70 professeurs ,
qui donnent l'instraclion à plus de 500 élèves. M. Kératry
n'avait donc pas tort d'avancer que c'était sans doute par dis-
traction que la Chambre des députés avait, dans un vote ré-
cent , diminué une subvention qui aurait tant besoin d'être
augmentée , et que probablemont les six mille francs retran-
chés seraient restitués avec usure.
Ce préambule pouvait être considéré comme une distribu-
tion de prix en espérance aux professeurs. On a immédiate-
ment passé à la distribution de prix aux élèves , qui sont
venus , presque tous les hommes en costume noir , les
femmes en costume blanc , recevoir des mains du président
les instruments , partitions , oeuvres de musique , livres ou
médailles, accompagnés d'une feuille de parchemin, équiva-
lant à un véritable titre de noblesse. Les applaudissements
de l'auditoire ont particulièrement accueiUi certains lauréats :
celui de tous qui en a reçu les salves les plus énergiques ,
c'est le jeune Hocmelle, aveugle de naissance, qui a rem-
porté le second prix d'orgue. Le premier prix avait été dé-
cerné au jeune Renaud de"Wilback, pour qui la lumière s'est
faite après de longues ténèbres , mais qui n'est encore qu'au
crépuscule , si on le compare à nous autres voyants.
A la distribution des prix succédait le concert , qui com-
mençait par uneouverture de M. Bazin, l'un des derniers lau-
réats de l'Institut, non encore admis à l'épreuve de la srène.
Nous avons senti dans ce morceau la chaleur juvénile qui
s'élance et déborde , sans trop savoir où elle va ni ce qu'elle
veut. Le caniabile dit par le cornet h pistons est d'une Idu-
gueur excessive , et il y a des phrases, gracieuses d'ailleurs,
qui ont l'air de ne pas finir. Cela vaut mieux à tout prendre
qu'un morceau très correct, très fini, mais très froid.
Les trois premiers prix de piano , M. Phiiippol , M"" Dicite
et Farrenc, se sont fait entendre dans un même morceau
écrit pour trois instruments par M. Zimraerman. Cette
composition a de la mélodie , de la grâce et du charme. Si
elle a un défaut, c'est celui de ne pas être assez difficile , à
raison de l'époque où nous vivons. Par suite du même sj's-
tèrae , un septuor à variations composé par fll. Vogt mettait
en ligne tous les instruments à vent , flûte , hautbois , clari-
nette, basson, cor ordinaire, cor ii pistons, et même la
harpe, à qui l'on avait accordé la faveur du point d'orgue.
M!M. Lemou, Gras, Sourilas, Mazurel, Boulcourt, Gillette,
et M"" Vernay , se seraient encore mieux acquittés de leur
tâche s'ils eussent été un peu plus d'accord. Le jeune flûtiste
Lemou s'est surtout distingué par sa charmante qualité de
son et l'élégance de son style.
En cet instant. M"' Tabon s'est présentée, émue et pal-
pitante de toutes les terreurs qui peuvent agiter une poitrine
de jeune cantatrice, prête à braver les périls de la vo-
calisation la plus hardie , la plus téméraire même. C'était
chose curieuse que de voir M""" Daraoreau, assise dans la loge
d'honneur à côté du président , suivre d'un œil inquiet son
élève, lui battre involontairement la mesure, trembler, pal-
piter comme elle. Ah ! quand on sait ce qu'il en coûte pour
bien chanter dans le plus difficile de tous les genres , il n'est
pas étonnant qu'on frémisse de la peur passée et de la peur
présente! Au résumé, malgré cette conspiration de peurs ,
l'élève et !a maîtresse ont obtenu le plus éclatant, le plus
unanime triomphe dans l'air de Robert-k- Diable , En vain
j'espère un sort prospère. Trois ou quatre salves de bravos
ont salué la jeune cantatrice : c'est un triomphe qui annonce
M"= Tabon à l'Opéra.
La symphonie concertante de Rodolphe Kreutzer, fort bien
exécutée par MM. Boulart etBriart, servait en quelque sorte
d'ouverture aux fragments à'OEdipe , tragédie de Voltaire ,
déclamés par M. Chotelet M"' Riniblot, à une scène du Philo-
sophe marié, de Destouches, dite par M. Chotel et M"° Loyaux,
et à une scène de l'Ecole des femmes, jouée par M. Roger et
M"" Potel.
Pour tout tribut au genre lyrique , nous n'avions qu'un duo
d'Anne de Boulen, de Donizetti , chanté par M"" Morize et
Morange, et un duo de Don Pascal , de Donizetti , chanté
par M. Gassieriet M"° Mondutaigny. Deux duos de Donizetti
dans un Conservatoire français , et deux duos traduits , n'é-
tait-ce pas quelque peu étrange? En outré le choix n'était
heureux pour aucune des cantatrices ; Gassier seul n'avait eu
le droit de se plaindre que médiocrement.
Pour clore dignement la séance, tous les élèves du chant
ont dit le Gloria de la messe du sacre, l'un des chefs-d'œuvre
de Cherubini. C'était là une idée heureuse , un souvenir
bien placé de l'illustre maître qui a si longtemps gouverné
le Conservatoire comme son royaume. M. Auber , son suc-
cesseur légitimement électif, le gouverne à son tour d'une
main plus douce , mais qui n'en est pas moins ferme , et il
le garantira de l'anarchie par l'ascendant de l'esprit et du ta-
lent.
P. S.
Jurons ; jurons la mort de l'infùmc tyran.
Dessin de Gavarni.
Ceci est encore de la nature prise sur le fait. Nous avons eu
la dame de chœurs en costume villageois , chantant le prin-
temps, les amants, les gazons, les moutons : voici maintenant
le héros, chantant la guerre et jurant d'exterminer la tyran-
nie. Si le tyran en réchappe, ce ne sera pas la faute du héros,
car voyez comme il l'écrase du geste et de la voix ! comme
il appuie, comme il enfonce sur la première syllabe de ce mot
détesté :Uj ran! Tu peux rengainer ton épée, mon brave,
le iy ran est mort , et la iy rannie avec lui !
ITOtTTBLÏaBS.
V Aujourd'hui ilimanclic, par extraordinaire, à l'Opéra Roben-
le- Diable.
\* Les belles soirées d'hiver ont commencé mercredi : on donnait
les Huguenots , et la salle était coofiplétement remplie. Les toilelles
s'y faisaient voir en grand nombre: toutes les premières loges étaient
garnies de femmes parées, comme pour le bal. M"" Nalhan-Treilhet
faisait ce soir-là sa rentrée , après une longue absence causée par
des souffrances très naturelles , mais très vives, il n'est donc pas
étonnant que la voix de la cantatrice se ressente encore de l'épreuve
qu'elle a subie et du défaut d'exercice. Duprez elM""» Dorus-Gras
ont chanté comme de coutume , et M"' de Roissy s'est fort bien
acquittée du Joli rôle de page.
*,' On a répété à la scène les cinq actes de Marie Siuari.
KE PARIS.
S93
*.' M"* Brelin (Flora-Fabri ), la danseuse italienne, qui s'est
toul-à-fail naturalisée chez nous par son succès, et qui vient de
danser deux fois la Sylphide , profitera dans peu de jours d'un congé
de cl€ux mois pour aller à Turin, où elle doit remplir le principal
rôle d'un ballet nouveau. Son mari, qui l'accompagne, trouvera
sans doute plus d'occasions de montrer son talent à Turin qu'à Paris.
*.* Le carnaval , étant excessivement court l'année prochaine, les
bals de rOpéra commenceront le samedi 14 décembre : avis aux
amateurs de ces fêtes nocturnes , dont la réputation est établie depuis
longtemps.
V Demain lundi , liaoïil de Ci-éqiU , opéra en trois actes , paroles
de Monvel , musique de Dalayrac , sera repré>cnlé 4 la cour, sur le
théâtre de Saint-Clou,!, par les élèves du Conservatoire.
*,* Quelques journaux ayant parlé de propositions récemment
faites par M. Auber, directeur du Conservatoire, et soumises, par
le ministre , à la commission des théâtres royaux, il est à propos de
faire connaître dans quel esprit elles ont été conçues. IM. Auber, qui
a déji obtenu d'excellents résultais de la création de classes de chant,
en demandait une nouvelle. Une objection se présentait, c'est que-
les huit classes existantes paraissent suffire au nombre de voix que
fournit chaque examen pour l'entrée à l'école, et la commission s'y
est arrêtée. M. Auber demandait également deux nouvelles classes
de déclamation lyrique, appliquées, l'une au grand Opéra, l'autre à
rOpéra-Comique. En effet, le nombre d'élèves est trop considérable
pour les deux professeurs, aujourd'hui chargés de cet enseignement.
Il y a donc lieu de croire que l'ulililo de la mesure sera bicntôl re-
connue , et que la proposition n'aura subi qu'un ajournement. Quant
à l'augmentation du traitement de M. Habeneck et de quelques au-
tres professeurs , c'était une justice que la commission s'est plu à
reconnaître, en usant de ses pouvoirs pour la rendre encore plus
complète.
*,* Jl"': Eugénie Garcia s'est fait entendre dans quelques soirées
intimes depuis son retour de Londres. C'est toujours la cantatrice à
la méthode hardie, brillante et passionnée, soit qu'elle interprète
Rossini , Schubert ou Bellini; mais c'est surtout dans le chant ita-
lien que cette voix agile , contralto et soprano tout à la fois , se meut
à l'aise. M""^ Garcia s'était trompée de cadre en entrant à lOpéra-
Comique, où les grandes facultés lyriques , dans les compositeurs ou
leurs interprètes , étonnent et gênent parfois les auditeurs: sa véri-
table place est au théâtre Italien.
*,* Samedi dernier, une séance musicale 1res intéressante a eu
lieu dans un des plus élégants salons de Paris. M. Gustave Héquet,
musicien aussi distingué que critique éminent, a fait exécuter, de-
vant un auditoire d'élite, plusieurs morceaux de sa com|)osition.
que M'"" I\évilly, Henri , et MiM. Octave, Sainte-Fo'y et Chaix ont
interprétés avec succès. Ces productions révèlent un véritable talent,
dont les directeurs de nos théâtres lyriques, feraient fort bien de
tirer parti.
\" Dimanche, 1" décembre, dans la salle du Conservatoire, le
Dernier roi de Judn, opéra biblique, paroles de M. Maurice Bourges,
musique de M. Georges Kaslner. Ce grand concert vocal et instru-
mental , où l'on entendra comme artistes MM. Roger, Massol , Her-
mann-I.con, M"=' Dorus-Gras, Ilorleiise Maillard, Mondutaigny,
sera dirigé par M. Habeneck. Les répétitions ont déjà permis de dis-
tinguer plusieurs morceaux d'un grand mérite; entre autres, un
sextuor sans accompagnement, l'air de Jé.émie le Prophète, la ro-
mance du roi Sédéciai, celle de Jémmu, trois duos très rem-lrquables,
un irio, et des chœurs remplis d'effet.
V Le dimanche, S décembre, à une heure, iVI. Félicien David
donnera un grand concert dans la salle du Conservatoire. En voici le
programme: première partie , 1. Scherzo d'une symphonie en mi
bémol. 2. I.a danse des astres, chœur avec vocalise, chantée par
M. Béfort. .3. Le Pêcheur à sa nacelle, barcarolle de Charles Poney,
ouvrier maçon, chantée par M. Alexis Dupont. 4. Le Jour des morts,
harmonie poétique de M. de Lamartine , chantée par M. Hermann-
Léon. 5. Le Chybouk, mélodie, (hantée par M. Alexis Dupont.
6. Les Hirondelles, mélodie, chantée par M. Hermann-Léon. 7. Le
sommeil de Paris, chœur avec solos, chantés par M. Béfort. —
Deuxième partie. Le Désert, ode-symphonie. Les exécutants, au
nombre de 120, seront conduits par M. Tilmant, les chœurs par
M. Tariot.
",'■ M. N. Louis esta Lyon, où il s'oeeupcdes répétitions d'un opéra
qu'il a composé sous le titre de : Un duel ii F'alence.
',' M. Baumès-Arnaud vient de se faire entendre avec succès au
cercle des Arts à Bruxelles , surtout dans une romance de composi-
tion , au Village, et dans une chansonnette de notre collaborateur
Maurice Bourges.
*," Dernièrement, une scène de tumulte et de violence a troublé
le spectacle au théâtre italien de Corfou. Des officiers anglais, con-
trariés par les cris du public, qui demandait le directeur, se sont
jetés sabre en main sur le parterre , et l'ont fait évacuer au milieu
de la plus déplorable confusion. Un ordre du jour du prince George
de Cambridge a blâmé sévèrement la conduite de ces officiers.
.*.* Au moment où la veuve et les enfants de Ch. de Weber atten-
dent avec impatience les cendres de l'illustre compositeur, la mort
a enlevé le plus jeune de ses fils qui n'avait pas encore atteint l'âge
de vingt ans. Il étudiait la peinture sous la direction de maîtres dis-
tingués et donnait de belles espérances. Il ne reste qu'un fils du cé-
lèbre compositeur.
"." La funtaisie sur les Huguenots par Emile Prudent, si impa-
tiemment attendue, et qui a obtenue de si brillants succès dans tous
les concerts où l'auteur l'a fait entendre vient d'être donnée à l'im-
pression, et paraîtra incessamment.
Clironiqtïe ëts-angère.
'," St.-Péiersbourg. — Le théâtre italien de Sl.-Pélersbourg s'est
ouvert, ainsi que nous l'avons annoncé dans la première semaine
d'octobre, par /« Lucia. M"= Castellan , qui avait obtenu dans cet
opéra un grand et légitime succès, a été moins heureuse dans / Puri-
lani. Rubini et Tamburini n'ont rien perdu ni de leur voix, ni de
leur art, et chaque soir ils recueillent, outre de nombreuses cou-
ronnes, de triples salves d'applaudissements. Mais la favorite de
l'aristocratie russe sera cet hiver, comme l'hiver dernier, Mm« Pau-
line Viardot. V Abeille du nord l'appelle les déliées de St.-Pélersbourg.
Sa rentrée dans /n Sonnambula a été une véritable ovation. Depuis
elle a joué, pour la première fois, le rôle d'Adinadans VElisire
d'Amore, avec un succès inouï.
— Plusieurs débuts ont eu lieu. Le fils aîné de Tamburini a rempli
d'une manière satisfaisante le rôle du comte dans la Sonnambula , et
M"« Antonia Molina, parenté de M»e Viardot, a obtenu également
un succès mérité dans les rôles secondaires de la Sonnambula et de
VElisire. Mais les journaux russes vantent surtogt la belle voix et
le talent dramatique d'un jeune ténor espagnol nommé Unanue.
« Notre surprise a été plus grande, disent-ils, quand nous avons vu
sur la scène un homme jeune, beau, doué d'une voix de poitrine
pure, vibrante et très étendue. Dès les premières mesures de sa pre-
mière cavalihe, il avait enlevé tous les suffrages. C'est une acqui-
sition précieuse pour notre scène. » Piovere partage avec M""' Viar-
dot, Fiubini , Tambulini et Unanue, les faveurs du public. C'est,
comme chacun sait, le successeur désigné de Lablache.
",* Berlin , 10 novembre. — Le nouveau théâtre royal du grand
opéra est entièrement terminé. Cette salle est décorée avec la plus
grande magnificence , et l'on assure que , sous ce rapport , elle peut
rivaliser avec les premiers théâtres de l'Italie. On répète tous les
jours l'opéra que l'illustre Meyerbeer a mis en musique pour l'inau-
guration du nouveau théâtre , laquelle aura lieu , comme on l'a
annoncé , le samedi 7 du mois prochain. Le libretlo de cet opéra est
dû à notre célèbre et fécond poète dramatique , M. Rellslab; il est
intitulé: Das schlesische Feldlager (le Camp sîlésien), et a pour
sujet une conjuration tramée contre Frédéric-le-Grand, dans le com-
mencement de la guerre de Sept ans .c'est-à-dire pendant la première
guerre silésienne ; mais ce monarque n'est pas mis en scène dans la
pièce. — Spontini vient de quitter Berlin pour se rendre à Dresde ,
où S. M. le roi de Saxe l'a invité à venir pour diriger la remise en
scène de la f^'estale.
— 11 novembre. — La deuxième nouveauté , qui sera donnée sur le
nouveau théâtre lyrique, est un opéra en trois actes de Spontini,
intitulé: Die ylihenierinn (l'Athénienne), dont on prépare déjà la
mise en scène, et dont les répétitions seront dirigées par le compo-
siteur, dès son retour de Dresde à Berlin. Dans cet ouvrage débutera
une jeune cantatrice suédoise. M"' Jenny Lind, qui possède une
belle et puissante voix de contralto. M"» Lind a déjà obtenu de
grands succès sur les théâtres de Stockholm et de Copenhague, et
elle a perfectionné sa méthode sous la direction de M. Meyerbeer,
pendant le dernier séjour de cet illustre compositeur à Dresde.—
A la fonderie royale de Nuremberg (Bavière), on s'occupe en ce
moment à exécuter en bronze le monument de Beethoven , modelé
par M. Haeiicl , à Dresde, et qui seca érigé à Bonn (Prusse), ville
natale du grand artiste. Quelques parties de ce monument sont déjà
terminées et ont réussi parfaitement.
♦," Fienne. — On annonce la Création d'Haydn, par mille exécu-
tants , dans la salle du Manège. Les concerts philharmoniques de
l'orchestre du théâtre de la porte de Carinthie vont reprendre sous la
direction du maître de chapelle , Nicolaï.
— Strauss, le fils, fait une concurrence redoutable à Strauss père :
c'est un Jeune homme de bonne mine , qui compose de jolies valses ,
Z9U
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
les fait exéculer par un escellent orchestre et qui a, décidément la
vogue. On dit que le père en a ressenti un si vif chagrin, qu'il veut
quitter son ingrat pays.
*,* Vienne. —A l'église grecque Sainl George on a exécuté une
messe en musique : ce qu'il y a de remarquable , c'est que le chant
traditionnel à une voix a été changé en chant à quatre voix, tout en
restant conforme au type primitif, qui date des premiers temps
de l'église byzantine.
— La célèbre actrice M°" Haendcl-Schutz est devenue veuve deux
fois en un mois ; ses deux maris divorcés , l'cx-chantcur Eunike et le
professeur Schutz , sont morts dans le courant de septembre dernier.
*." Munich. — Fanny Elssler nous a quitté le C novembre. Sa der ^
nièrc représentation a été l'occasion d'un éclatant triomphe pour la
célèbre danseuse, que le public, dans son enthousiasme , a rappelée
plus de vingt fois sur la scène. — M. Moschelès a été reçu membre
honoraire de la Licderiufel, dans une séance extraordinaire.
Le Directeur, Béclacieur en chef, Maurice SCIH.ESINGER.
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Le \à janvier. La 5' MVUAisor» contenant : Ï.E PEKFECTEOÎ^'KEMEK'ff. 25 Études caractéristiques. Op. 755 . ,
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M"« Coche, professeur au Conservatoire , ouvrira le 2 décembre
1844 des cours musicaux appliqués au piano. Ces cours seront divi-
sés en deux degrés.
Le Cours de 1" degré comprendra la lecture à première vue, à
- deux et à quatre mains, de tous les auteurs anciens et modernes. Ce
cours aura lieu le lundi et le vendredi de 3 à 5 heures. On n'admet-
tra que six élèves par heure.
Prix : 15 fr. par mois , payable d'avance.
Le cours de 2' degré comprendra : i« la lecture de la partition ré-
duitepour piano et non réduite; 2» la transposition ; 3° les exercices
de musique d'ensemble, tels que : duos , trios, quatuors, etc. Ce
cours aura lieu le mercredi et le samedi, de 3 à 5 heures. On n'ad-
mettra que trois élèves par heure.
Prix : 35 /r. par mois , payable davance.
M. Coche , professeur au Conservatoire , sera chargé de la direc-
tion des cours de musique d'ensemble.
M. Crosilles, violon-solo de l'Opéra-Comique, sera attaché comme
premier violon.
Les cours partiront du 1" au 15 de chaque mois, et dureront
pendant toute l'iinnée scolaire. Ils auront lieu dans les salons de
M"' Coche, rue Neuve-Coquenard, 24, où l'on pourra s'inscrire tous
les jours de 3 .T 5 heures.
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Fnctenr de Pinnos,
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i&pjirouTé par l'Inatifirt
•t adopté dans les classas
desC01VSEBVA.T0inES
de Paris et de Londres.
Le Clurogymnasle est un assemblage de neuf appa-
reils ^yoinastiques destinësà àonnerdeVextenston à
lamaitietdel'écarf aux doigts à augmenter et à éi^alf-
ser leur force et à rendre le quattiéme et le cinquième
indépendants de tous les autres. Le Chirogymnaste
a été aussi approuvé et adopté par MM. Adam. Bertini,
ne tJeiiott Cramer, lierz, Katkbreuner, Listz, Moschelèt
Pruaatt- Stron, Thalberg, Tulou, Zimmermonn.etc.
Cbaque Chirogymnaste est revêtu de la signature
de "inventeur et se vend place de la Bourse, a' 15,
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GAZETTE MUSICALE
Uédigéepar MM. AÎSDERS, G. BÉNÉDIT, BERLIOZ, Henbi BLANCHARD, MAUiucc BOURGES, F. DANJOU, DUESBERG, FÉTIS père, Édouàbd FÉTIS,
STEPBEN HELLER, J. JAMN, g. KASTNER, LISZT, J. WEIFBED, GEOBGE SAND, h. RELLSTAB, PAUL SMITH, A. SPECHT, etc.
Ili SERA JOINT A CHAQUE NUMERO UN DESSIN INEDIT DE GAVARNI.
SOMMAIRE. Lettres sur l'AUemagno (première lettre); par J.-B.
lAURENS. — Matinées musicales ; par H. BLANCHARD. —
Album de M. Paul llenrion ; par II. BLANCHARD. — Revue cri-
tique; par H. RLANCHAStD. — Correspondance particulière:
Bruxelles. — Feuilleton. — Nouvelles. — Annonces.
Orchestre et théâtre anibnlamts. Dessin de Gavarni.
^os nhonnés ont reçu avec le dernier nnmëro AVE
MAISI.%, paroles de M. Emile ESesclianips . lasiisîijue de
m. F. KUCKEIV. — nimanche prochain , nous donne»
rons DEUX IHAZURKAS de M. ÉBOUAKffl ^V^ILFF.
Cfttrfô sur i'i^lllfmaïjîîf.
PREMIÈRE LETTRE,
A S0eg»ï»en Bellef.
Cher ami ,
ïl y a soixante et dix ans environ que Burney, célèbre
plus tard par son histoire de la musique, parcourait l'Allema-
gne, la France et l'Italie pour visiter les compositeurs renom-
més de .son temps, pour s'instruire auprès des ^rudits, pour
éclairer son jugement en se mettant h même d'apprécier ccn-
venablcinent les idées esthétiques des différentes écoles.
Le Journal de ce voyage, publié en 1771 et 1773, est un
recueil qu'on lira toujours avec intérêt, parce que l'auteur
a écrit sincèrement et naïvement des faits et des observations.
Je n'ai jamais pensé aux voyages de Burney, sans qu'il me
vînt la pensée ambitieuse de faire pour l'art et les artistes de
notre époque , ce qu'il a fait pour ceux de la sienne. Je puis
même dire que j'ai fait sur un petit cercle et pour moi seul
ce que le l'écrivan anglais a fait pourle public. N'ai-je pas vécu
au-delà du Rhin auprès de plusieurs hommes célèbres? N'ai-
je pas ramassé dans mon coin obscur des spécimens de toutes
les œuvres qui ont une valeur pour l'art et pour son histoire ?
n'ai-je pas enrichi nos Albums de portraits d'artistes anciens
et vivants? N'ont-ils pas, eux qui ont posé devant moi, écrit
de leurs propres mains, à côté de leur portrait, des pages ou
des lignes intéressantes? Avec de tels éléments, je ferais à
coup siJr un livre piquant, et ce qui pourrait recommander
Poitefeuille de deux Cantatrices ^^\
CLOTILDE B**.* A ESTHER SAUNIER.
1" juillet.
J'attendais une lettre de toi depuis deux jours et je suis d'au-
tant plus inquiète de n'en pas avoir reçu que je sais ce qui s'est
passé. Tes pressentiments étaient justes : le duel a eu lieu et ce
n'est pas la bonne cause qui a triomphé. M. George Dcsbrières a
eu l'avantage ; le jeune Lambert est blessé , légèrement, j'espère.
Cette nouvelle m'est arrivée par la même voie que celle qui avait
rapport aux projets de ton ennemi. Desbrières a ici un corres-
pondant que je connais et qui me montre quelquefois ses lettres.
La dernière est un citant de triomphe, dont j'ai la permission de
te donner un extrait. Après avoir raconté ù sa manière la soirée
delà prétendue baronne, et ce qui s'en est suivi, e.\plication ,
cartel, combat, le vainqueur s'exprime ainsi :
« Eh bien ! qu'en dis-tu ? s'avisera-t-on encore de se jouer de
i> ma personne? Voilà comment il faut traiter les petites co-
» quettes, qui fontles prudes, et les petits innocents, qui font les
» crânes ! C'est une leçon à deux coups , ni plus ni moins qu'un
(I) Voiries numéros 40, 41, 42, 43, 44, 45 46, et 47.
1) fusil de chasse , et en toute cette affaire mon talent de chasseur
» m'a puissamment servi. Je ne puis pas souffrir le gibier, et
» pourtant je lui fais assez habilement la guerre. De même, je
» ne me sentais aucun goût pour cette petite , qui n'est ni belle
» ni laide, et n'a d'autre charme que sa voix. Je ne tenais qu'au
» principe : j'ai voulu la réduire pour l'honneur du principe , et
» tu conviendras que je n'y al pas mal réussi. A présent je suis
» son maître, je la tiens, je la domine ; que peut-elle dire , que
» peut-elle faire pour s'échapper du cercle où je l'ai enfermée?
» Qu'elle vienne me demander grâce et se rendre à moi , soit un
» jour, soit un autre , c'est ce dont je ne me soucie guère , mais
» c'est aussi ce qui ne peut manquer d'arriver. J'ai , tu le sais ,
I) l'instinct guetteur du chat : je ne me presse ni ne m'impa-
u tiente : j'attends ma proie avec confiance et je l'oblige presque
» toujours à faire les trois quarts du chemin. C'est le privilège
') des gens qui ne s'enflamment pas, comme des imbéciles, et
) qui estiment les femmes tout juste ce qu'elles valent. Tu me
> diras peut-être que j'ai risqué ma vie, et que c'est beaucoup
) trop. Que diable veux-tu? On ne prévoit pas toujours toutes
) les chances , et je t'avouerai que celle du duel ne m'était pas
) venue à l'idée. Je ne voyais autour de la vertueuse Esther ni
I père, ni frère, ni mari; comment s'imaginer qu'un petit mon-
1 sieur, qui ne lui avait donné le bras qu'une fois, prendrait
' fait et cause pour elle ? Au demeurant, je ne pouvais demander
' mieux : l'aventure est complète et le dénouement a tourné si
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396
REVBE ET GAZETTE MUSICALE
1 te pfijs BiDii œu^re , c'est de a'Stre poiai eesïposileu* bjum-
mêiiW' ow dunioitis de De rieia p«bliev, d« u'avoir aiueim rival,
de n'être d'aueune eoterfe, de ii'avok aucu» b*téifêt à loue»
au à critiquer teUe œuvre ni tel a,ute.or „ de vivre bien loin
âtt monde, hein^eHx de mon oJbseunité connue da plus gratidi
bjea d» ma vie, surtout lorsque, sortant de ma» iroti., j»
Miens de voir Fa vîê inquiète et agitée de quelques cél6brit&.
0«t,jeme vanterais avant tout de n'êlre rien; car martuilité
aie lient toujours l'esprit en bonne sanlé, de sorte que, dan*
nés voyages^ je vais devant moi , naïvement disposé à goûter
toutes les jouissances f;ue voudront me procurer les arts que
je cultive. C'est ainsi que vous m'avez vu content d'une poJka,.
lorsque vous m'avez rencontré sur la roule que j'aivais pi'is»
pour aller ent«sidre ea Alkougne ^s etralioriies ée^SaieaK&]! elt
de Séb. Bach.
Or, je vous le répète, cher ami , l'exécution et la publica-
tion d'un voyage comme celui de Burney est mon château
en Espagne : Mfhi Liiftsehloss. Pour attendre palieuinaent
qu'il se réalise, permettez que je vous écrive quelques Lettres
édifiantes sur ce que j'ai vu et entendu dans mon dernier
voyage au-delà du Rhin.
J'avais compté sur une bonne rencontre en-deçà ; oui, je
m'étais promis quelques heures ti es instructives auprès de
M. Fétis, j'aurais bien voulu offrir mes hommages au savant
directeur du Conservatoire de Bruxelles : mais cet infatigable
ti-avaiileur était à la campagne; la pluie, qui tombait par tor-
rents, m'empêcha de former le projet d'allerl'y trouver. Alors
je laissai chez lui, comme carte de visite, votre portrait et
quelques autres feuilles de ma façon.
Déçu dans ce que j'attendais, je trouvai h Bruxelles ce que
je n'attendais nullement; M"" Taglioni exprimait ses derniers
adieux en pirouettes , et je profitai de cette rare occasion de
voir la célèbre sylphide. Marie Taglioni est délicieuse ; elle
est légère comme un oiseau. Cependant il y a une grâce qui
est au-dessus de la sienne tant vantée ; c'est la grâce natu-
relle ; c'est la grâce d'une jeune fille qui ignore en avoir : c'est
la grâce d'un enfant qui joue avec sa mère. Ce sont peut-
être même, ou du moins sous quelques rapports, les grâces
de la polka dansée à la Chaumière de Paris, par deux ou trois
griseltes dont le mérite trouve d'intelligents appréciateurs.
¥9Jlâ., di^es- verts»» ce (jirf s'a^efte parier de &i «kmgç ,/
cornsse iam. de^ g«MS- [«wrlieyti de- û uiiiusiqiae'.. Csst t!»fe p^s?.
i^ble; mais: i^otM-q^oi craiiadi;ais>-j« ^ vwj&eUre.RKkDKipiMii»!»,,
si elie est panfeileajenti sineèi'e?
Au ri.sque de vetss parato'Ç'encwvï!- plu» t^aeste , ji'useiwi vw»
(Jifft ^tte j'ai pris de h laauwise himj««r en «iiiisiidajàlt ca»-
eut-er l'ouverture de Guillaume ï'eH par l'ouchestre du Clraiid-
Tkéàtre de Bruxelles. On croirait vraijiieali que la perfection
dteresécntion gît dans la rapidité domowementseï (3iajBS.te
tapage. Par suite de cet abus, la musique a' est ^» qa'un
charivari d'enragés. C'est le goût, ou plittôt c\'st la inodferfe
notre teeips»,, et an y obéit à Bruxelles comme ailleurs. Lors-
qu'oa auriveau point de ne plus entendre l'articulation des
notes» oii tuQjuve qjue cela est superbe;- mener les mouvements
de cette manière , cehi s'àppellte chauffer. L'expression est
parfaite de justesse; oui , ily a alors quelque chose qui res-
semble très bien aux foiges, aux enclumes, aux limes, aux
marteaux. Et ces pauvres exécutants ! à quoi les comparer ?
sinon à des maniaques furieux. Souvenez-vous de la panto-
mime de cei'tains pianistes.
Si la musique est une langue , et ce n'est pas vous qui en
douterez, si les chorals, si les compositions de Haendel expri-
ment le sentiment religieux ; si Schubert nous dit .ses tendres
mélancolies du cœur; si Haydn nous donne l'idée des douces
contemplations de l'esprit ; eh bien! si la musique est ainsi
une langue, une peinture, alors la plupart des oeuvres mo-
dernes, ou du moins la manière dont on les exéc-ute, est une
image du chaos, de la rage et du désespoir. Mais cela est à la
mode, et il faudrait admirer. Or, chaque fois qu'une compo-
sition conçue dans d'antres idées est offerte au public, celui-
ci trouve qu'elle est froide. Le public veut de la chaleur par-
tout; il ressemble à un amateur de peinture qui demanderait
aux peintures de Fra Angelico la fougue et la couleur de Ru-
bens. Vraiment c'est pitoyable de voir comment nous sommes
mal élevés en musique, et même combien nous sommes
ignorants.
De cette terre belge d'où sortirent les premiers musiciens
du monde aux xv° et xvr siècles , je me dirigeai sur Cologne,
en, saluant Aix4a-ChapeUe^ où la Société do chant fait chaque
année des merveilles eu exécutant avec des masses formida-
» heureusement pour moi que je ne suis pas d'humeur à me
» plaindre de personne. Parle de moi à tous nos amis : i-aconie-
» leur la chose aGn qu'ils la redisent à ces diiines; cela- pourra
» m'être utile, quand j'aurai la faataisie d'aller faire un tour à
» Paris. »
Je ne pense pas que son ami le serve préKisémcnt comme il le
désire. Il ne tiendra pas à moi que la vicloLie ne porte pas grand
profit au vainqueur. Donne moi des détails le plus tôt qac tu le
pourras. Je ne te parle pas de moi dans ce moment, parce que
je te suppose trop préoccupée de ce qui le coacerae, ei qtie je
ne veux pas augmenter tes ennuis; mais , chère amie, que ma
position est cruelle! Toujours les mêmes craintes, toujours la
même oppression ! J'ai souvent envie d'aborder le comte et de lui
demander ce qu'il a , mais je n'en fais rien, parce que j'ai peur
qu'il ne me le dise.
ESTHER SAUÎJIERA CLOTILDE B* * *.
i juillet.
Pardonuez-moi , chère amiei je vous avafe écrit le lendemain
du duel , mais il paraît que dans mon trouble j'ai oublié d'en-
voyer à la poste. J'ai reirouvé ma lettre ce matifl , en prenant la
plume pour répondre à la vôtre : elle s'était glissée dans un cahier
de papier blanc. On aurait perdu la tête à moins, n'est-ce pas?
Concevez-vous une fatalité plus déplorable? un duel , ù cause de
moi, qui n'ai donné à personne le droit ni de m'insulter, ni de
me défendre! Et encoiie un duel malheuïeux! La blessure de
M. Lambert n'est pas grave; il sortira , dit-on, dans deux jours,
mais enfin il est blessé ; il aurait pu mourir, et que serais-je de-
venue , grand dieu , si un brave jeune homme eût perdu la vie à
cause de moi ?
Je ne me doutais guère de ce qui arriverait , lorsque je le vis
au théâtre le lendemain de la fameuse soirée. 11 vint à moi le
sourire sur les lèvres ei me demanda comment j'avais passé la
nuit. —Fort mal, lui répondis-je du ton dont je lui aurais dit
que j'avais mal dormi. — C'est singulier, repril il ; je connais des
gens qui assurent le contraire. On parle d'une tète charmante,
dont vous auriez fait l'agrément , et qui se serait terminée par un
tète à tête plus charmant encore. — Dites à ces gens qu'ils en ont
meuli, m'écriai-jc avec plus d'animation que je n'aurais voulu
en laisser voir. — Vous n(! pouvez , reprit-il , me donner de mis-
sion qui me plaise davantage , et je ne tarderai pas à m'en
acquitter.
C'était à moi d'entrer en scène , et nous n'en dîmes pas davan-
tage. Je le rencontrai encore une fois dans le cours du spectacle.
Il avait toujours l'air riant et tranquille. Quelques minutes aupa-
ravant, j'avais entrevu Dcsbrières, qui se tenait dans la cou-
lisse , pendant que je chantais , et qui me regardait avec la der-
nière insolence. Je ne le revis plus qu'à la chute du rideau : il
DE PARIS.
397
blés les oratorios de Haendel. A Cologne, on est obligé de con-
sacrer toutes ses facultés à radiniiation de la cathédrale. Il
n'y a pas longtemps que le goût classique romain rendait
aveugle aux beautés de l'architectiirc gothique , comme de
fâcheux préjugés nous rendent sourds aux beautés de l'an-
cienne musique. On disait devant les cathédrales d'Amiens ,
de Strasbourg, etc. : cela est de mauvais goût ; tout comme
nous disons devant les œuvres de Hœndel , de Palestrina ,
de Haydn : cela est froid. La vieille architecture est, grâce à
Dieu, réhabilitée; Dieu veuille que la musique de nos pères
le soit bientôt chez nous, ainsi qu'elle l'est en Allemagne !
Si on a le courage de visiter quelque chose au sortir de la
calhédiale de Cologne , il faut entrer dans le Musée qui est
très riche en peintures du moyen-âge. Le musicien antiquaire
s'arrêtera longtemps devant un tableau de Briinn représen-
tant une dame assise au clavecin , et entourée d'une très nom-
breuse famille. Sur le pupitre du clavecin est placé un cahier
de musique dont la notation est très lisible , et qui est ime
pièce curieuse des compositions du xv" siècle ; le mouvement
est indiqué corne potro. Le cahier' couvre en partie une
inscription écrite en grosses lettres sur la partie de bois des-
tinée à couvrir le clavier; voici ce que l'on peut lire :
MVSICA COME ATQVË iRJE ABDORES.
Si cette inscription datait de i8l\!i, il faudrait interpréter
ainsi : la musique excite les ardeurs de la colère ; mais comme
au XVI' siècle on ne composait pas de la musique diabolique,
il faut interpréter : qu'elle calme les ardeurs de la colère.
Dieu nous en donne qui ait cette propriété !
J.-B. Laurens.
de lat'Société plillhaiînioiniqnc & chez M. Bemhavdt.
La Société philharmonique de Paris, qui depuis longtemps,
car elle compte vingt ans d'existence, implante le goût de la
musique parmi les amateurs de la moyenne propriété de cette
ville; la Société philharmonique qui, comme l'ancienne aca-
démie de Marseille, au dire de Voltaire, est une iionnête fdle
qui fait peu parler d'elle, a donné un concert dimanche passé
dans la salle Montesquieu , qui a réuni un public nombreux
et des plus empressés : on ne payait pas. Ce concert va servir
de signal sans doute à toutes les matinées et soirées musicales
qui vont surgir de tous côtés. Les ouvertures de Montano et
Stéphanie et de la Sirène onl été ditesavec un ensemble, une
chaleur et une précision qui font honneur à M. Loiscau, chef
de cet orchestre, composé, presque exclusivement, déjeunes
amateurs. Plusieurs morceaux de chant, un solo de hautbois
et une jolie fantaisie de violoncelle , exécutés par déjeunes
artistes qui ont remporté des premiers prix au Convervatoire,
ont été fortement et justement applaudis.
Quelques sièges de plus pour les auditeurs qui assistent à
ces solennités de musique bourgeoise, et , du reste, fort bien
dite, ne pourraient que faire honneur aux qualités adminis-
tratives de ceux qui président aux destinées de cette société.
Qu'ils y songent ! Se faire lire en littérature, et se faire écouter
en musique est ce qu'il y a de plus difficile dans ces deux
arts. Or, si une bonne basse est la base de toute harmonie,
un siège quelconque est celle de l'attention de tout auditeur
dans quelque concert que ce soit.
— M. Bernhardt fait d'excellents pianos et possède, de plus,
une demoiselle charmante qui, déjà pianiste agréable, fait
ressortir les brillantes qualités des instruments si bien con-
fectionnés par son père. Dans une matinée musicale qui a
été donnée la semaine dernière chez cet habile facteur,
M"° Bernhardt a dit des variations brillantes sur la Lucia di
Lammermoor, d'une manière nette, expressive, et qui satis-
fera les amateurs les plus difficiles, lorsque celte jeune pia-
niste comprendra qu'il faut contraster ces deux qualités par
la chaleur et la poésie de l'art. Elle a fort bien exécuté le duo
pour violon et piano de Bériot et d'Osborne, avec .M. Mon-
ta ubry.
M. Léopold Amat a dit de sa voix flatteuse , mais un peu
fade, quelques romances agréables et insignifiantes au même
degré. Dans une fantaisie pour la flûte , sur des motifs du
Déserttur, M. Rémusat a prouvé qu'il est un des bons flû-
tistes de l'époque par le son, le style et l'expression. M. Mon-
taubry est un des nombreux enfants de notre école française de
violon, et qui la maintiennent au premier rang dans l'Europe
causait avec deux de .ses amis, et je remarquai qu'il était tout
pâle. Sazerac entra dans ma loge et me raconta ce qui venait de
se passer. M. Lambert s'était approché de l'autre et lui avait dit
à haute voix qu'il le tenait pour un menteur et un lâche. — Et
pourquoi cela , monsieur? lui avait répondu froidement Des-
brières. — Parce qu'il n'y a qu'un lâche , répliqua Lamljcrt , qui
se vante des bonnes fortunes qu'il n'a pas eues et qu'il n'aura
jamais. — Vous n'êtes qu'un enfant , reprit Desbrières , et vous
ne connaissez pas la valeur des mots. — C'est possible , répondit
Lambert , mais vous êtes un homme et vous devez connaître celle
des gestes.
En disant cela, M. Lambert effleura de son gant le visage de
l'autre , qui leva la main sur lui. l^lusieurs personnes se jetèrent
entre eux et les continrent. Il paraît que Desbrières n'avait
nulle onvie de se battre et prétendait qu'une correction telle
fluelle serait suffisante avec un adversaire comme le sien. Le fait
est qu'il ne passe, pas .pour très brave, quoiqu'il soit un pilier de
salle d'armes. Mais ses amis ne furent pas du même avis que lui
et déclarèrent qu'il n'y avait .pas moyen d'en finir autrement
qu'avec l'épée ou le pistolet. Des témoins furent nommés sur-le-
champ. C'étaient pour Desbrières, MM. de Gramniont et D'hau-
terive, deux jeunes gens des premières familles de la ville, pour
M. Lambert, M. Raoul, lieutenant d'artillerie, et Sainte-Croix,
jiotr£ régisseur, qui se trouvait présent au débat. J'étais plus
morte que viv^, en écoulant ce que me racontait Sazerac, et
vous jugez quelle nuit je passai ! Si J'avais su le lieu du combat,
rien au monde n'aurait pu m'empècher d'y courir. Sazerac m'a-
vait promis d'y être avec Sainte Croix et de venir me rendre
compte de l'événement, il tint parole : vers huit heures il entra
chez moi : je ne m'étais pas coucliée. Il m'apprit qu'arrivés sur
le terrain les deux combattants avaient tiré leurs épées, que
M. Lambert paraissait très calme, et Desljrières très animé ; que
la main de ce dernier tremblait , comme agitée d'un mouvement
fébrile, qu'il s'était précipité sur son adversaire, avec tant de
brusquexie que l'autre aurait pu le tuer, -s'il eût voulu, mais
qu'au contraire c'était Desbrières qui avait blessé Lambert au
bras droit. Dès qu'ils eurent vu le sang couler , les témoins d'un
commun accord déclarèrent que l'affaire était terminée. Un mé-
decin, amené par Sazerac, pansa la blessure de M. Lambert, et
Sazerac lui-même le ramena en voiture Jusqu'à l'hôtel garni qu'il
habite. — Je n'ai qu'un regret , lui dit ce brave jeune homme ,
c'est d'avoir si mal défendu la noble cause dont je m'étais
chargé. Ah ! s'il était permis de recommencer!
J'avoue que moi aussi je pleurai de chagrin et de rage, en
voyant que le sort s'était prononcé d'une manière si triste t Et
aujourd'hui je ne souffre pas moins, je ne suis pas moins indi-
gnée, car enfin le monde est si méchant qu'à moins d'être le
plus fort , on n'a Jamais raison de ses injustices. Ce perfide Des-
brières le sait bien : sa lettre le prouve et toute sa conduite le
prouve encore plus. Me voilà donc plus que jamais livrée à sa
398
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
musicale ; il a dit une fantaisie de sa composition avec
aplomb , justesse et chaleur. M"" Cloulier a fait honneur à
son habile professeur, M. Prumier, en jouant une fort jolie
fantaisie pour la harpe, sur La Lvcia de la composition de
son maître. M. Cabu, pourvu d'une belle voix de basse, dont
l'intonation n'est pas toujours très juste, et qui faille trille
ou la cadence à la tierce, a chanté avec M"" Cotti , possédant
una voce un poco agro limone, mais dont elle se sert avec
agilité et une sorte de brio, divers duos qu'on n'a pas écoutés
sans plaisir, et qui ont été rémunérés par quelques bravos
intelligents et mérités. Enfin, M. Lincelle a dit, joué, mimé
de sa voix sans prétention, de sa grosse et bonne face réjouie,
ainsi que de sa main ornée du gant blanc de rigueur, de
joyeuses chansonnettes qui ont fort bien terminé la première
et la deuxième parties de cette matinée musicale , à laquelle
M. Bernhardt se propose de donner des sœurs qui , si elles,
ont un air de famille avec celle-là , ne peuvent qu'obtenir la
sympathie des amateurs.
Henri Blanchard.
ALBUM DE M. PAÏL HEIVRIO^.
Paroles de MM. Barathau , Sauvage et Adbin ,
Lithographies de M. Jules David.
Cette gracieuse industrie musicale, qu'on appelle l'Album
du l"jour de l'an, s'améliore pour le critique chargé d'en
rendre compte, car au lieu de se modeler, comme par le passé,
sur le nombre des mois de l'année , on ne le compose plus
guère que de dix morceaux. Ce même critique voit également
avec plaisir quelques nouveaux noms surgir dans l'empire de
la romance. M. Paul Henrion est , ce nous semble , un nou-
veau-venu qui vient demander sa place au soleil de la chan-
sonnette de salon qui fait pâlir l'astre de la chansonnette de
théâtre. Cette œuvre , légère, accorte et comique , si brillante
et si joyeuse sur la scène naguère, en passant par la voix
d'Achard et de Levassor, est éteinte ; comme la fille de Du-
perrier, elle est tombée avant le temps ,
Et , rose , elle a vécu ce que vivent les roses ,
L'espace d'un malin.
Plusieurs causes ont concouru à sa décadence , sinon à sa
chute totale : d'abord le gros et vieux calembourg dont on
bardait son monologue ou dialogue obligé, mais surtout l'in-
dustrialisme des chanteurs de ces choses qu'on avait fini par
rendre ami-musicales , et qui s'est avisé de metire.à contribu-
tion les éditeurs et compositeurs de ces étincelles artistiques;
aussi ce bon public de Paris , qui se laisse imposer tant de
stupidités, s'est-il dégoûté bien vite de ces platitudes assez
mal rimées et fort peu rhythmées, dont les auteurs oubliaient
de payer un tribut au bon goût avant d'ea payer un à leurs
ciianteurs.
M. Paul Henrion , armé de toutes pièces, entre donc pour
la première fois, que nous sachions, dans le champ fleuri de
la romance sentimentale et de la gaie chansonnette de salon ;
il y a cueilli un fort joli bouquet qui exhale un doux parfum
de mélodie.
La première pièce de cet Album, intitulée Les decx lan-
gages , a un air de famille, pour la simplicité des paroles et la
gentillesse du chant, avec la petite Bergère de M"° Puget, qui
a obtenu les honneurs de la vogue, et avec laquelle cette jolie
chansonnette pourrait bien rivaliser pour le succès. Les paro-
les forment une action tout à la fois comique, naïve et scéni-
que, comme M. Barateau en imagine souvent dans ces petites
poésies dramatiques. Mise , par la dédicace , sous le patro-
nage de la jolie M™" Sabatier, cette chansonnette dite par elle
est faite pour s'élever au succès de vogue.
Ma mère en mourrait est , comme on le voit par le titre,
'une romance pur sang. C'est encore une jeune fille naïve ,
aux yeux bleus et aux cils d'ébène , que son amour pour sa
mère et sa chaumière garantit des pièges d'un séducteur. La
mélodie en est franche et d'un caractère plein de douceur.
Quant à l'harmonie , nous sommes obligé , par notre con-
science de critique, de dire à M. Henrion qu'elle n'est pas
toujours irréprochable , son harmonie , bien entendu, et non
pas notre conscience de critique, comme le tour de la phrase
pourrait le laisser croire. La neuvième mesure du chant de
cette romance renferme, à la partie de l'accompagnement ,
un accord de septième diminuée dans son premier renverse-
ment , et qui se résout d'une singulière façon , ce qui n'exci-
terait pas autrement notre susceptibilité harmonique, si la
merci! Je suis son esclave, sa viclime, et il ne consentirait à
m'épargner que si je devenais sa maîtresse! >Ion supplice n'est
donc pas près de finir; quoi qu'il en dise et quoi qu'il s'imagine,
je n'irai pas me jeter dans ses bras : j'aime encore mieux mourir
de désespoir que de honte.
Si j'étais capable de vire au milieu de toutes ces aflflictions ,
j'en aurais souvent l'occasion en regardant ce pauvre Sazerac.
Vous savez qu'il m'adore toujours et que par conséquent il est
profondémetit sensible à tout ce qui me touche, mais il est aussi
directeur , et il s'en souvient de la manière la plus bouffonne
dans les moments les plus pathétiques. Le jour du duel , par
exemple, il s'occupait de moi, de M. Lambert; il s'attendrissait
jusqu'aux larmes , et puis il pensait à son spectacle. — Ah ! mon
Dieu, s'écriait-il, j'ai peur qu'il n'y ait personne ce soir ! Que je
vous plains, chère petite , et comme je me mets à votre place !...
Croyez-vous pouvoir chanter demain ?
A cela près , ce pauvre homme est le meilleur homme du
monde, et à défaut d'une amie telle que vous je ne puis désirer
mieux qu'un ami tel que lui ; mais que la vie du théâtre est dou-
loureuse , quand on a dans l'esprit autre chose que l'envie de
plaire au public, et dans le cœur autre chose que les sentiments
d'emprunt qui conviennent à vos rôles ! J'avais entendu répéter
cela bien des fois : je l'avais lu dans les livres : je l'avais vu sur
la scène , et je ne me faisais pas une idée des tortures que ce
combat de la vie réelle et de la vie factice oblige à endurer ! Vous !
l'éprouvez aussi, chère amie, et vous me jugez mal, en suppo-
sant que je ne suis pas disposée à vous comprendre. Parlez-moi
de vous et parlez-m'en beaucoup : vous ne sauriez me rendre
un plus grand service, ni trouver un moyen plus sûr de me
soulager de moi-même.
clotilde b*** a esther saunier.
10 juillet.
Non , ma foi , chère amie , je ne suivrai pas ton conseil : je ne
te parlerai ni de moi, ni de loi : je ne le dirai pas que j'ai assez
de l'une et de l'autre , mais ce sont pour le moment deux sujets
trop peu récréatifs, et j'en veux chercher de plus amusants.
J'ai une grande nouvelle à l'apprendre , une nouvelle éton-
nante et pourtant bien simple ; une nouvelle qui m'a paru d'abord
bien extraordinaire , mais à laquelle je commence à m'accoutu-
mer; une nouvelle qui me fait grand plaisir et qui ne te causera
pas trop de peine; une nouvelle.... Voyons : réponds-moi fran-
chement : as-tu deviné ma nouvelle ? Si tu ne l'as pas devinée ,
tant pis pour toi : je veux le la faire attendre un peu , ne fût-ce
que pour exercer à la fois ton intelligence et la patience.
Et le théâtre de Bordeaux, comment va-t-il? Que faites-vous
de votre public? ressemble-t-il à celui de Paris, qui nous de-
mande toujours du nouveau? Du nouveau! mais est-ce qu'il en
DE PARIS.
399
basse ne procédait par quarte avec le chant , intervalle dur et
désagréable que nous engageons l'auteur à ne pas employer à
l'avenir.
Il y a de la verve et de la gaieté dans la chansonnette : Le
MÊME CHEMIN ; et la romance qui suit : En parlant de lui ,
contraste on ne peut mieux avec la première par le charme,
la douceur de la mélodie. C'est quelque chose de tendre, de
suave, de mélancolique qui appelle et provoque les larmes ;
c'est cette histoire éternelle du cœur en amour, cette naïve
inconséquence, cette contradiction logique qui dit, chante et
répète sur tous les tons, depuis qu'on fait des romances : je
ne l'aime plus, et je l'aime toujours; ou en chansonnette :
je te déteste et je t'adore.
Nous ne nous écrierons point comme son titre : Ah ! je
SUIS BIEN embarrassé, pour louer la cinquième pièce du
recueil ; nous dirons tout simplement que c'est gai , vif et
naïf; que cela provoque en même temps au sentiment et à
l'applaudissement ; qu'on rit de ce pauvre garçon qui a deux
femmes sur les bras; et nous ajouterons qu'on aime la péri-
pétie du cœur qui le fait sortir d'embarras. La musique peint
fort bien aussi tout cela ; elle se chantera partout et souvent,
et partout elle fera plaisir.
Pourquoi M. Paul Henrion n'aurait-il pas cherché à mettre
du lyrisme dans sa romance dramatique intitulée : Folle de
DOULEUR ? C'est ce qu'il a fait , et il n'a pas mal réussi : il y
a du grandiose dans l'ensemble mélodique et harmonique de
cette romance passionnée et touchante.
Je suis Lazzarone, est un chant pour voix de basse
assez empreint de l'insouciante gaîté italienne qui caracté-
rise ces condottieri du moyen-âge et de la civilisation. On
aimera à dire et à répéter la chanson naïve et consolante , in-
titulée : Dans un pauvre village , qui célèbre les vertus
d'un bon curé , chose assez rare par le temps qui court. Ne
pars point, mon fils, provoquera des souvenirs maternels
qui ont été exprimés bien des fois dans les albums; mais qui
sont, comme la peinture de l'amour, la route la plus sûre pour
aller au cœur. Enûn , le dernier numéro de ce joli recueil
porte le titre de La peur en chantant. Ce sont deux jeu-
nes demoiselles, probablement amateurs et peut-être bien
même artistes, qui se disent, dans ce charmant Duetlino,
qu'elles ont peur en chantant , qui s'encouragent et qui, par
le pouvoir d'une mélodie et d'une harmonie faciles, finissent
par s'aguerrir, et prouvent qu'elles n'ont plus peur. La ré-
miniscence de la romance de Grétry : Une fièvre brûlante,
de Richard Cœiir-de-Lion, est une idée aussi spirituelle
qu'heureuse ; et cette charmante petite scène musicale suf-
firait seule pour faire distinguer, par les amateurs de ces
choses, l'album de M. Paul Henrion , si d'ailleurs il n'avait
pas plusieurs autres éléments de succès, au nombre desquels
il faut compter les charmantes paroles de M. Emile Barateau,
et les ravissantes lithographies de M. Jules David.
Henri Blanchard.
"-sacs-»
Revue critique.
Fantaisie et varialions pour piano, sur IL TEMPLARIO
de Nicolaï ,
par HENRI ROSELLEN.
Il existe une foule de pianistes amateurs , qui n'aiment et
ne jouent que les morceaux d'une mélodie bien caractérisée
ou bien connue et d'un rhythme, sinon facile, du moins
franc et bien accusé : ils laissent la musique et les doigtés
exceptionnels aux artistes exceptionnels; ils se dégoûtent, et
cela se conçoit, des inextricables difficultés, soit en les lisant,
soit en les écoutant. Ces amateurs et ces auditeurs forment la
majorité du monde musical , et n'ont jamais manqué , depuis
Steibelt, de compositeur pour les servir à souhait. M. Rosellen
est la dernière expression de cette école facile et brillante dans
laquelle se sont distingués des artistes de talent. On se fatigue
des auteurs dont la pensée s'égare , se perd dans les nuages
de la fantaisie ; bien entendu que fantaisie n'est pas pris ici
dans le sens propre qu'on y attache dans le commerce de
musique , c'est-à-dire un thème avec introduction et variations,
mais comme expression du caprice et des divagations fort
peu amusantes de certains compositeurs qui s'éloignent par
orgueil des routes battues, des allées d'un parterre , sous
prétexte qu'on y trouve toujours des roses , des œillets, etc.
AL Rosellen ne dédaigne pas de se baisser pour cueillir des
fleurs de mélodie partout où il en voit , et il vient d'en décou-
existe? est-ce qu"on en t'ait quelque part? Depuis quelque lemps
le goût de la musique ilalienne est devenu presque une l'uieur :
on ne veut plus entendre que du liossini , toujours et partout du
Rossini : cela est neuf, si l'on veut, mais à coup sûr aussi cela
est extravagant, sautillant, bruyant : c'est une contredanse per-
pétuelle , à grand renfort de cuivres et de lurliUulUf. Est-ce que
tu aimes ce genre-ld par hasard ? Pour moi , j'en suis effrayée :
je crains sérieusement pour le salut de i'Opéra français, si l'au-
teur du Barbiere, du Tiirco, et même de la Gazza ladra par-
vient à s'y introduire. D''abord je te dirai franchement que celte
musique ne me va pas du tout : je n'ai pas le gosier fait pour
toutes ces gargouillades italiennes : on m'a nourrie , dès mon
enfance, avec du Gluck, duSacchini, duSponlini, et je n'ai
nulle envie de me mettre h un autre régime.
Eh bien , ma nouvelle, l'as-tu devinée ? pas encore! ah ! vrai-
ment , ce n'est pas bien à toi , et tu ne mérites pas que je te la
dise.
Pour en revenir au dieu du jour , à ce Rossini , dont l'arrivée
est annoncée comme un événement pareil à la venue d'un mes-
sie, je ne lui donne pas six mois pour nous désenchanter de lui-
même et de ses œuvres. Ses imitateurs, et il en a par douzaines,
ne l'aideront que trop à y réussir. Conçoit-on que des hommes
tels qu'Hérold , Auber , et Bo'i'eldeu lui-même , s'amusent à nous
faire du Rossini, au lieu de nous donner de belle et bonne mu-
sique française, comme ils avaient tous commencé par en faire ?
Il n'y a que Spontini qui résiste avec courage : Bcrton aussi lutte
contre le torrent. Par luallieur ils ne sont jeunes ni l'un ni
l'autre : leur Olympie et leur Virginie n'ont fait que passer.
C'est égal, je les approuve et les admire : je sens qu'à leur place
je ferais comme eux.
Eh bien, encore une fois, ma nouvelle ? tu y renonces? en
ce cas je vais te la dire, à condition que tu la garderas pour toi
et n'en sonneras mot à personne , surtout à Sazerac. Dans cinq
jours je prends mon congé, qui est d'un mois entier celte année.
J'avais des offres magnifiques pour Bruxelles, pour Lille et au-
tres villes des environs ; mais je me suis décidée à tourner mes
pas d'un autre côté. J'irai donnera Lyon cinq ou six représen-
tations , pas davantage , et puis je prends mon vol pour visiter
un beau pays que je ne connais pas , une belle ville que l'on me
vante sans cesse , un théâtre dont la prima donna est ma meil-
leure amie, en un mot pour aller... à Bordeaux ! Voilà ma nou-
velle. Je te la donne comme je viens de la recevoir moi-même.
Le croirais-tu ? c'est le comte de Reval qui avait arrangé tout
cela sans m'en parler : il parle moins que jamais et n'a jamais
péché par excès en ce genre. Il était bien sûr, m'a-t-il dit, de ne
trouver de ma part aucune opposition à son plan de voyage.
Nous partons donc dans cinq jours, et dans les premiers jours
du mois prochain, nous serons près de toi. Qu'en dis-tu?
Paul Smith.
La suite au prochain numéro.
.*oo
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
vrir plusieurs fort jolies dans un opéra italien intitulé : il
Templarlo, d'il signor Nicolaï , dont il a ftiit un cliarniant
bouquet de thèmes, de variations, de traits brillants, qui
forment un véritable feu d'artifice musical, si l'on veut bien
-admettre ce second irope sans nous accuser de trop de pré-
tention au style figuré.
La fatitaisic de M. Rosellen se compose de cinq motifs dif-
férents et d'une variation brillante pour péroraison.
L'introduction , qui est un andante religioso de seize me-
sures, est d'une harmonie pleine et plaquée dans le caractère
de l'orgue ; puis vient un larghetto en mesure à douze-huit
en ut m^eur-, comme Vandante qui précède, mélodie franche
et bien accentuée comme tous les chiintsqui nous viennent de
l'Ausonie; et puis enfin vient le thème destiné à être varié,
motif aussi en ut majeur, ce qui entache d'un peu de mojioto-
nie le morceau en général dans sa tonalité; mais une fois cette
absence de modulations admise, on aime à suivre le dessin
clair et logique de cette brillante fantaisie. La première varia-
tion en doubles croches par quatre pour chaque temps , est
unirait plein de légèreté pour la main droite, et dans la-
quelle le cinquième doigt dessine bien le chant. La seconde
variation en triolet est d'un style un peu plus commun ; la
-troisième, qui procède par six pour quatre et triolet enjdoiiblés
'croches, mérite on ne pent mieux la qualification de brillante
que lui a donné l'auteur. ¥ient ensuite une paraphrase du
'inotif, suivant la forme classique de tout morceau avec varia-
tions , en mineur, tempo di marcia notturna, suivie d'une
coda vive et animée, qui s'enchaîne avec un allegro risoluto
en mesiVre à six-huit , dans lequel le compositeur-arrangeur
selivre à son caprice , qui lui a dicté des choses pittoresques,
brillantes et pas trop difficiles : car ce sont ces deux dernières
«Jualitésqueviseetqu'atteint toujoursavec bonheur M. Rosellen
dans ses compositions; etilya mis ici ce cachet , ainsi quehous
T'avons déjà dit , par cette variation finale qui termine on ne
^eut mieux ce morceau plein de verve et d'entrain. Nous
crayons donc inutile de dire qu'il aura du succès , car, sans
'doute, ce succès lui est acquis déjà.
Henri Blanchard.
Bruxelles, 2S novembre 184'i.
La saison des concerts a été inaugurée prématurément par deux
soirées dans tesquelles Huuinan et M"»» Sabaiier se sont fait entendre,
te succès moral de ces deux artistes a été complet , les applaudisse-
menis ne leur ont pas manqué; quant au succès matériel , je doute
(jueles bénéficiaires aient eu lieu de s'en féliciter. On a tellement
abusé depuis quelques années, en Belgique, de la musique en géné-
ral et des conceris en particulier, que le public , blasé sur les effets
du piano, du chant et du violon, ne cède plus à l'attrait de l'afficlie
la plus habilement composée. Quelques rares amateurs résistent
encore à celte désaffection de l'art; mais leur présence ne suffit pas
pour rendre un concert productif. J'ai parlé dans ma correspondance
du tort que les sociéiés particulières avaient i ausé aux artistes , en
organisant de nombreux concerts où leurs membres entendaient,
moyennant une f.iible rélribulion annuelle, au moins autant de
musique qu'en peut supporter l'appélitde dilettante le plus robuste.
Les sociétés sont les victimes de leurs propres excès;' la satiété
qu'elles ont provoquée tourne contre elles, et la plupart sont en ce
moment aux abois par l'effet du désabonnement. Je voudrais pou-
voir convaincre les artistes du véritable élat des choses, afin de leur
éviter d'inutiles frais de voyage. La Belgique était, il y a quelques
années, la terre promise des donneurs de concerts; les choses ont
bien changé depuis lors. Combien de pianistes sont venus, alléchés
par les succès productifs de Liszt et de Thalberg, et sont retournés
le cœur beaucoup plus gonflé que le portefeuille! Combien de chan-
teurs., de violonistes , de violoncellistes, de flûtistes , de clarinet-
tistes , etc. , etc. , ont éprouvé le même désappoiotenient ! En dépit
de lous ces mécomptes, les artistes s'obstinent à revenir, parce que
chacun a l'espoir d'être plus habile nu plus heureux que son pré-
décesseur. M"'^ Barraud a donné ces jour- derniers une soirée mu-
sicale qui ne doit guère lui avoir rapporté que des compliments;
M. Léopold de Meyer, dont le concert a lieu ce soir, n'aura sans
doute pas à se féliciter de sa spécmlatiun ; Vieuxtemps recueillera
aussi peu de fruits de celui qu'il donnera prochiiinement, et cepen-
dant ils s'obstinent lous à fai;e de nouvelles lenlalivcs auprès de ce
public qui résiste imperturbablement à leurs agaceries. Que vien-
nent-ils faire dans cette galère? Le seul moyen qu'aient les artistes
de faire revenir à de meilleurs sentiments , en fait de conceris , nos
dilettantes indiliérents, est de les mettre en quar^nitaiiie , c'est-à-
dire de prendre la résolulidn de ne plus passer, d'ici à deux ou trois
ans, les frontières rie la Belgique. Il y a lieu de croire que l'appétit
musical leurîcviendra après cette riièteprolongée.
Une société vient de se constituer sous le litre de Cerclé de!: ans ;
elle a olu le prince de Chimay pour son présidenl. C'est M. de Bé-
riot qui a conçu le projet de son oi-ganisation. La société a loué à
cet artiste la maison qui lui appartient, et ilans laquelle il avait
fait construire un théâtre pour son agrément personnel. Lessalons
du Cercle sont i.uverts tous les soirs pour la lecture, pour le jeu et
pour la musique en petit comité. Il y a en ouire des conceris et des
représentations dramatiques d'amateurs, donnés dans la salle de
spectacle, qui convient environ quatre cents personnes. On y joue
des vaudevilles presque aussi bien que dans cenains spectacles de la
banlieue de Paris On y entendra même liicntôl l'opéra. Géraldy,
convaincu de la vérité de ce que je viens de vous dire des concerts
à Bruxelles, s'occupe en ce moment rie l'organi.-ation d'une soirée
lyrique qui aura lieu dans la saile de la société. Il jouera deux ac-
tes du Barbier de Séville , secondé par des élèves du Conservatoire,
etchrnleia, outre son rôle de Figaro, différenis morceaux en ma-
nière d'intermèdes. Je crois fermement à la réussite de cette idée.
D'abord c'est quelque chose de neuf, et nulle considéraiion ne l'em-
porte sur celle-là ponr le succès; ensuite, on a droit de s'attendre
à voir en Géraldy un brillant Figaro. N'esl-il pas vrai que vous au-
tres Parisiens q"' n'avez qu'à ctioisir enire tant de plaisirs divers,
vous envieriez volontiers cette bonne fortune à Bruxelles, cette ca-
pitale de province, comme vous dites.^
ORCHESTRE ET THEATRE AMBULANTS.
3>e5sin de Gavarnï.
Tant qu'il y aura des enfants (et je ne vois pas que l'espèce
soit sur le point de manquer) , l'orclicsire et le théâtre am-
bulant feront fortune , fori une modeste, il est vrai , mais, du
moins j'aime à le croire, suffisante aux besoins et à l'ambilioû
du directeur. Vous l'avez là, représenté an naturel, cet hon-
nête entrepreneur-artiste , une .main dans la poche de stJti
pantalon, son théâtre sur l'épaule et son instrument sous le
bras ; sa tête inclinée et pensive a l'air d'indiquer que des
soucis se sont glissés sous sa casquette. Et pourtant ses acleui's
ne sont pas indisposés ! ils ne lui demandent ni congés, m
feux, sous peine de faire manquer le spectacle! Peut-être le
public a-t-il manqiié pour cause de concurrence ou de mau-
vais temps. Le soleil luit pour tout le monde , dit le proverbe;
cela est vrai; mais, hélas ! il ne luit pas toujours !
*," La première représentation de Marie Sluart est fixée à ven-
dredi prochain; c'est mardi qu'aura lieu la dernière représentation
générale. Excepté Dupiez, Marié et Massol, tous les artistes ehabtants
de l'Opéra sont employés dans cet ouvrage.
*," M"= Nau, de retour de Londres, a fait sa rentrée mercredi par
le rôle d'Eudoxie de la Juive.
"." Guido et Ginevra doit être incessamment repris. Duprez chan-
tera le rôle créé par lui avec tant de succès.
V Dérivis, l'ancien chanteur de l'Opéra, vient d'épouser made-
moiselle Constance Janssens (Maria Corini). Le couple musical a
passé par Paris en se rendant en Italie.
V Les amateurs de cbant italien apprendront avec .plaisir que la
DE PARIS.
mi
parlilion de/a/"aMri/edftDeni««lti,.tra!duit&en,it»lien parlBcélèbt»
librellisle Jiomaui, esl sur le point d'être publiée en France, ains>
que les morceaux dét chés de cet opéra , dont la popularité grandit
chaque jour autant à Paris qu'en province.
*," L'Opéra-Comique prépare la reprise du Giiiiarrero en même
temps que celle de IVallace.
,', C'était une chose tout-s-fait nouvelle que la représentation
donnée lundi dernier sur le théâtre du palais de Saint-Cloud. Pour la
premirrc fois, les élèves du Conservatoire étaient appelés à l'honneur
d'essayer leurs talents devant un royal auditoire, en jouant un an-
cien opéra, qu'aucun d'eux n'avait vu sur la scène; ils n'avaient
donc pour les guider, que les conseils de leurs maîtres et leur propre
in.-linct. Ils ne se sont pas moins^ acquittés de leur litlie à la satis-
faction générale. Le rôle de Rao»! de Créqui était rempli par le téftor
Mathieu, qui a fait preuve de progrès remarquables; celui' du geôlier
Ludger par Chaix; celui de Landry , par Gnignot; celui de Gérard,,
père de haoul, par Obin:les deux rôles de l.ahire et de Roger étaimt
joués par le jeune ténor Jounlan. M"= Morange, M"= Mondutaigny,
M"' Morize et M"" Gautier, i.«mplissai«nli les rôles d'Adèle . femm.e^
de Raoul, de Craon, d'Eloy, fils de Raoul et de Ludger, et de Ralhilde,
fille de ce dernier. Toute celle soirée a ofl'erl un inlércl qui n'élait
pas dû seulement :i la jeunesse des artistes. Plus d'une lois le roi lui-
même a donné le ifigj(-al des. bravos,, et. les couplets qui t^wi'Mii'enl la '
pièce ont été unaumement rediemandés. L'exécnlioa. d«.6: «hœurs^
a été ce qu'elle est liouj ou rs, me i: veille use de vigiie.ui? cl, (te précir=.
sion. Il cit queywnidéià d'une seconde représentation; d,e. la m4i»^
pièce. Jamais le Conservatoire n'avait refu d'cpcouragewe«t plu»
flatteur, ni cerlaineinent plus efficace.
"/ Parmi les élèves qui se sont le pl.us distifigués. dans les concours
de cette année au Conservatoire et dans le concert qui a précédé la
distribution des prix, il esl juste de ciU'r le jeune Briard, l'un des
derniers élèves de Baillol, et l'un des plus capables de perpétuer les
belles traditions du grand niailre.
*** Aujourd'hui dimanche, dans la salle du Conservatoire, grand
«oneert vocal et iustrumenlal donné p^r M-. George Iva-liier^ La Der-
nier roi de Judn, opéra biblique en deux actes, y sera chanté par
jlmts l3orus-Gras, Hurleuse Maillard, Moiidulaigny, et JIM.. Roger,
Massol, Ilermann-Li'oii. L'orcliCïtro, comi.iosé des premiers artistes
de la capitale, sera conduit par M. Habenerli Plusieurs morceaux,
tels que l'air du Pri'plûie Jéiémie, la mélodie- el la liomajnc&du. )•<)!
SédÈcias ,\xn grand Irio, trois duos, la cavatine de Jfmijxi , l'air
à'Amiiala,fi[ celui du roi d Assyrie, ont été fort a|iplandis aux répé-
titions générales. On a également remarqué des chœurs écrits avec
beaucoup d'elTet. L'œuvre de M. Kaslner révèle un talent très élevé,
et obtiendra sans nul doule un brillant succès. On a distingué dans
le livret des situations dramaiiques et musicales , des morceaux fa-
vorablement. Coupés, et surtout des strophes d'un rby.t'hijie tues Ijeu^
reux.
*," M. Danjou, notre collaborateur, vient de donner sa démis-
sion d'organiste de la paroisse Saiint-Eustache, pour se borner aux
fonciions d'organ ste de la cathédrale de Paris.
*,* iM. Dietsch , organiste accompagnaieui àSaint-Roch, rentrée
Sainl-Eusiacbe en qualité de mailre de Ghapïlte. On annonce q.itf
cet article est chargé d'organiser le chœur de. cette église d'une mstr
nière tout-à-faii grandiose.
•,' Jl. Mendelssohn-liartholdy, qui remplissait à Berlin les fonc-
ti«8s de directeur-général de masique, a donné sa démission, qui
a élé acceptée pat Sa Majesté le roi. Avant son dép.irt, le célèbre
compositeur fera exécuter son Oratorio : Paiilus , au profit d'un
établissement de bienfaisance
V M. Onslow vient de livrer à la gravure son vingl-cinquième
quatuor, et son vingt-sixième quinletie pour instruments à cordes.
*,* L'orgue de Saint.rS4jl|iice, qui était avant la construction du
nouvel orgue deSaint-Eusiache le plus grand instrument de ce genre
que possédât la capitale, va recevoir des augmentations et des per-
fectionnements qui en feront le plus bel orgue du monde. On ajou-
tera entre autres deux jeux de trente-deux pieds aux pédales, ce qui
n'existe dans aucun orgue en France. Le corrseil de la fabrique et
M. le curé de cette paroisse ont confié ce travail à la maison Dau-
blaine-Callinet, à laquelle on doit le magnifique orgue de Saint-
Eustache , ei qui vient de placer à Saint-Sulpice un excellent orgue
d'accompagnement.
àma. çjeniiew jjv»i»d* peu i% i(ô8ft(n)4iiiije« mtisi^ale» «%| siij k çi^ini
de jârttr you( Roflie.
' V £ne«'E»ua»tantaittk«'()u'un»Bobl»iilli<au,(e »B.l»v*ai* tfcéàtre.
M''« EvwSi prima donna du thiéâl,r€. de Hambourg, va renoncer à la
scène pour épouser un magnat de Hongrie.
'." La Russie possède en ce moment trois troupes italiennes : l'une
à Saint-Pétersbourg, l'autre à Moscou, cl la dernière à Odessa.
'.* M. Roselll est de retour de Lisbonne, où il a obtenu dx; bril-
lants succès.
*.' M. Danjou, organiste de la cathédrale de Paris, nous prie d'an-
noncer qu'à dalerdu 31 janvier prochain il fera paraître un recueil
mensuel intitulé: /îeviie de ta musique religieuse et ecclésiastique. Celte
publicalion s'adresse exclusivement aux membres du clergé, aux
organistes, maîtres de chapelle et aux amis de l'art religieux. —
'l'oiiles les questions qui se raHachent à l'histoire, à la théorieetà
1,1 pr.itique du chant ecclésiastiquç, y seront traitées avecdélail et
pacdes hommes spéciaux. Le ptlx de Ifabonnemenl est de 12 francs
par an pour Paris, et 13 fr. 50 c pour les départements. Il paraîtra
an numéro d'environ 32 à 40 pages le 30 de chaque mois. Le lirage
sera slriclement limilé au nombre d'abonnés qui existera le 31 jan-
vier prochain. On s'abonne chez l'auteur, rue Saint-Maur-Saint-
Gennain, J7, à Paris. On est prié d'envoyer /rniiro un bon sur la
poste On ne peut s'aboiiner que pour une année.
'.■■ On annonce l'aJ'rivée prochaine d'un artisic dont la voix et
les cornposiljons ^ont^ en grande faveur à Lond.res : il se nomme
(aaelano iiciâotiUr.
*." I a i»Bi(irée:d.^ «rfB-ses nous fait un dcy^^ (Je recommander le
Traiiité de.i gi;inci:|J(8s da la musique (te M. Beng'O.iire , ouvrage auto-
risé- par M. le niini&l-re.
*.* h'ytlbiim de M.vsixi pour 1845 vient de paraiire chez l'éditeur
J. iMc'ssoniiier-.. Celle anaèe , le- gra.çieux compositeur que tant de
sucièsont rondu populaire, s'c>t distingué plus que jamais , et a été
dignement secondé par S(in habile collaborateur, M. !■;. Baratcau.
Les dessins do Charlet , David, Deveria , Grenier et Saint-Gi-rmaiii.,
et une reliure magnilique complètent ce précieux recueil.
',* Il parait certain que M"' Puget ne publiera pas d'album- cell«
année.
*,' Lesjouirnaux améticains nous apprennent que le Ihéûire de la
Providence vient d'élre incendié, et, avec lui, tousies inslrurnents du
savant docteur Lardncr, qui éprouve une perle considérable. On a à
regreiter parmi les objets de ce genre un grand microscope, une su-
perbe galerie de tableaux, et une valeur de quinze mille dollars. On
dit que cette propriété a'élait pas assiirée.
*.' Siiiiu^Ceniiniii-tn-f-inje.,,^ M. Mansion , organiste et profs-
seur distingué, a fait exécuter le jour de sainte Cécile, dans l'église
paroiisiale, une messe de sa composilion. Lcsamaieurs et artistes qui
on,t entendu cet ouvrage s'accordent à en faire l'éloge.
*,• Bordeaux. — La fêle de sainte Cé(:il^ a été célcbn'e avec un
grand éclata Bordeaux. On a exécuté dans la cathédrale, en pré-
sence de l'archevêque et d'un concours immense d'amateurs, la
première messe solennelle de M. Dietsch que les connaisseurs ont
pu apprécier à Paris par plusieurs exéculions qui onteu lieu à Saint-
EuslachiQ-. L'orcheslrc, conduii par iVI. Colin, comptait plus de 250
exécutants et tes ebœu-rs étaient presque aussi nombreux : aussi
l'effet a-t-il été imposant et grandiose. De lous les évoques de
France, l'archevêque de Cordeaux est celui qui témoigne le plus de
bien^eillance aux artistes et le plus d'intérêt pour les arts.
\< Iioufn,.i& ii/>i'cml'>e. — Les *'«!«<.•'*«'«. viieq,n(^nl!, (j||'ê4r(j li^ré-
sen,té*,d'iènegia,|i,5érQ lionkà fait *i*piiwui(c. r«agu^(^t, jfiw •v-ijiton
et Ftoq^ije m. (îe.t Ué* bi^B. >r(W.iï* 1<<X tÇ^*- l>-i:i,».Cbp*i4\ (jvies.
M"w VaiHou! 5.\'.s;t »wiSç(j(è: feiili 4 l|Ui fei* gii*R(Jn«- tfftgé4»e*iii»S (M can-
lalricc dans 1-e duo du troisième, acte av(;c Marcel et dans la magni-
fique scène du quatrième , rtiidue lii^ç elle et par Raguenot avec un
talent dont notre scène n'avait pas encore eu 4'ex;eniple. On monte
activement la J<eiiie de Cltijpre, dont l'apparition procliainc est des-
tinée à produire une vive çcnsalian.
•," BrMxclles. — Les AtriMcsses ou fêtes patronales de Tournay et
Courtray, ont donné lieu à deux grapds festivals dirigés par M. Snell.
Le chœur national de Charles VI a été exécuté par 2;>0 voix avec
un accompagnement d'harmonie arrangé par l'habile chef d'or-
chestre. — On a aussi entendu une pièce rcmaiquabl(i de M. Snell,
intitulée le Départ de Hlarius et quia obtenu un triomphe eçm-
pleL
Le Directeur, Rédacteur en clirf; Mauiuce SCIll-ESlAGER.
A02
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
Pour paraître le 15 Décembre
clicz MAURICE SCHLESINGER, 99, rue Ricltelieia.
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OEuvre 56.
A Paris, citez J. MEISSONNIER, 99, rue Dnupliine.
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F. MASINI.
Paroles d'EUILE BARATEAU.
Illuslré par MM. Charlei,J. David, A. Devéria , F. Grenier et i'aiiit-Germ:iin.
1 . lia Fleur qu'il m'a dounée !
3. lie Refrain de la Oleose.
3, Douter de sa raison!
4, Les Amoureux de village.
5. Un vieux Soldat.
6. li' Appui du roseau.
Romance.
7
Ariette.
8
Mélodie.
9
Chansonnette.
10
Romance.
ïl
Prière.
12
la belle Véronaise,
Dis-moi qu'ils ont menti !
le Rossignol du foyer.
Endormez-vous , mon cœur !
les belles IVuits d'été.
Au rivage , bon ménage !
Gondolina.
Romance.
Fabliau-chansonnette.
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Deux langages.
Chansonnette.
Ma Mère en mourrait !
Romance.
le même Chemin.
Chansonnette.
Kn parlant de lui.
Romance.
Ali ! je suis bien embarrussé,
Chansonneltc.
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Folle de douleur !
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Je suis lazarone !
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Dans un pauvre village.
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Ne pars point mon fils!
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reils çymnastiques destinés à donner de l'exlenswn à
lamainetdel'écarî aux doigts à augmenter et à éga/i-
ser leur force et à rendre le quairicme et le cinquième
indépendants de tons les autres. Le Chirogymnaste
a été aussi approuvé et adopté par MM. Adam, Bertini,
fie Beiiot, Cramer, Uerz, KaXhhrenneT, Lisiz, Moschelès
prudent^ Sivon, Thalberg, Tulou, Zimmermann, etc.
Chaque Chirogymnaste est revêtu de la signature
de l'inventeur et se vend place de la Bourse, n" 15,
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IL SIÎRA JOINT A CHAQliE NUMÉRO l'IV DESSIN INÉDIT DE GAVARNI.
SOMMAIRE. Académie royale do musique : Ulurie S'tuart (première
représentation); H. BLA.rïCHAîSD. — Tiiéàtre royal de l'Opéra-
Comique : r.cprisc de ff'alliuc; par O. BLANCHARD. — Con-
servatoire royal de musique cl de déclamation : le Dernier roi
de Jiida ; par II. ÎÎLAKCHARD. — Feuillelon. — Nouvelles. —
Annonces.
LES CASTAGNETTES. Dessin de Gavarni.
5IS?. £.es aïtosiuat-s pcçoïtchb* avec ce nttjBîéro , îîE!.'5
MAZîrRKAS ©RiegXAIiES , par É»«r.%KD 'SïœiLFff'.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
OPÉRA EN ,5 ACTES.
Libretîo de .M. Th. Anne; musique de M. NiEDEKMEïEa.
(Première représentation.) -
Rien de plus passionné, et par conséquent de plus éminem-
ment dramatique que la vie aventureuse de Marie Stiiart. Au-
cune scène et aucune actrice ne convenaient mieux aussi à
nous représenter cette reine séduisante que l'Opéra et
M"" Stoliz. Deux grands écrivains, Schiller et Walter Scoîi,
ont peint, ont dramatisé, ont animé de tout leur génie, l'un
pour le théâtre et l'autre dans son beau roman de VAbbé,
l'existence si agitée de cette femme charmante , qui a aimé
avec passion la gloire, les sciences, la poésie, ses amants et la
musique. M. Lebrun, qui a quelque peu mesqninisé Schiller,
n'a guère pris dans le poète allemand que l'entrevue de l'im
placable Elisabeth avec Marie Stuart, et la catastrophe qui
termine la vie de cette dernière, ce qui entache le sujet d'une
triste et pénible monotonie. Nous ne parlons ici que pour mé-
moire d'un mélodrame de Mark Stuart, imité de la pièce
de Schiller, qui fut jouée au théâtre de la i'orte-Saint-Mar-
tin, alors que llorissait la littérature romantique, et qui n'ob-
tint pas do succès. M"° Rachcl a essayé de faire revivre de sa
diction pure, classique, sèche, et parfois rauque, la sensible
Marie Stuart au ïhcàlre-Français; elle n'y a pas réussi.
M"'" Sloltz sera-t-elle plus habile ou plus heureuse? nous le
pensons. Son talent de tragédienne est tout d'expansion!: il y
Poitefèilillc de deux Canlalrlces ^^\
Le voyage de Clotildc à Lyon et à Bordeaux interrompit néces-
sairement la correspoiidancc des deux amies, mais nous avons
en main des notes et des documents qui nous serviront à rem-
plir cette lacune. Voici d'abord une lettre du comte de Reval
adressée à Ton de ses intimes, et dont quelques passages nous
ont paru assez curieux pour la reproduire ici tout entière.
LE COMTE DE REVAL A AUGUSTIN DE NÉUIS.
Lyon, 55 juillet.
?.Ierci, cher Augustin , du rapport excellent que tu m'adresses
sur ce que tu veux bien appeler mon gouvernement de l'Opéra.
Ceci n'est évidemment qu'une plaisanterie, car, lors même que
je suis à Paris, lu ne gouvernes pas moins que moi ce petit em-
pire. On chercherait vainement dans l'histoire ancienne et mo-
derne l'exemple d'un triumvirat plus uni de cœur et d'esprit
que celui que nous formons, loi cl moi avec le cher Stephen,
pour la meilleure administration des affaires lyriques et la plus
grande gloire d'un directeur qui ne nous en a pas la moindre
obligation. Il est vrai que, comme il ne se doute de rien et croit
(1) Voiries numéros 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46,47 et 48.
tout diriger par lui-même, nous aurions tort d'exiger de lui dos
remerciements. Au surplus, je suis content des nouvelles que tu
me donnes; je vois que les choses conlinuent à bien marcher,
et que Paris ne s'apercevra pas de mon absence.
Depuis que nous sommes à Lyon , Clotilde a chanté quatre
fois , non sans succès , mais sans obtenir non plus de ces triom-
phes fabuleux , auxquelles les cantatrices de Paris sont accou-
tumées, lorsqu'elles viennent chanter en province. Cela tient à
des causes locales, que je connais parfaitement : le théâtre de
Lyon est comme l'Opéra , soumis à de hautes influences , contre
lesquelles le talent ne saurait toujours lutter. Par exemple, il se
trouve que la première chanteuse d'ici a pour amant un homme
1res bien placé , qui la soutient par tous les moyens possibles.
Tu comprends que je n'avais nulle envie d'entrer en lice avec
lui. Quand on aime le pouvoir , on le respecte partout oii
on la rencontre. Nous gouvernons à Paris ; laissons les autres
gouverner à Lyon : c'est de toute justice. D'ailleurs je n'étais pas
fâché de ce qui arrivait : j'ai mes raisons pour souhaiter que
Clotilde ne soit ni trop heureuse ni trop lièrc. Stephen et toi ,
vous m'avez si souvent reproché de faire trop de sacrifices pour
cette femme, que je commence à vous croire, et à trouver qu'il
est temps de m'arrèter.
Pourtant je l'aime encore, et beaucoup, en vertu de ce des-
tin , qui veut que je sois toujours enchaîné au char d'une canta-
trice. Toutes les danseuses, dont vous êtes si engoués, ne m'ont
BUREAUX D'ABOSTNEMENT, RUE RICHEXIEU, 97.
-i5v(C-C
ftOi
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
a quelque chose de RI"" Pasla, Malibran et Grisi dans la
manière de W' Stoltz. La belle créalion et l'extension de son
rôle de la Favorite, en la faisant devenir aussi celle du public,
lui a suscité plusieurs ennemis , dont la presse indépendante
et vraiment artistique ne partage point les préventions.
Voyons donc comment le poëte, lo compositeur et leurs in-
terprètes nous ont traduit l'histoire, Schiller et Walter Scott
à propos de Marie Stuart.
Dans une lanterne magique royale et apologétique, M. Théo-
dore Anne a fait passer sous nos yeux toute la vie de la reine
d'Ecosse qu'il nous représente, dans son librelto, blanche
et amoureuse comme le serait une sainte : à la bonne heure.
L'essentiel dans cette question historique, était que l'auteur
fût poëte lyrique et qu'il rendît son héroïne iniéressanle; il
a complètement réussi. Dans son ardeur de poëte il a fait du
gros et laid Boihwell un grazioso de cour et de scène. Il
le fallait! il le fallait ! peut-il s'écrier comme Bilboquet.
Nous ne savons trop pourquoi cependant il a changé le texte
des adieux de Marie Siuart à la France. Ce n'est certaine-
ment pas pour les rendre plus naïfs et plus touchants; cela
aurait été difficile. Nous ne pensons pas que le compositeur
ait exigé des modifications à propos de deux légers hiatus
dont la musique pouvait fort bien s'accommoder. Ce serait le
cas de citer ici le Misanthrope el le.sonnet d'Oronie. Qu'est ce
qu'une nef qui brise une chaîne, au lieu de la nef qui disjoint
nos amours? Qu'est-ce que : Adieu donc belle France, beau
pays, etc., au lieu de : Adieu jylaisant pays de France!
O ma patrie , la plus chérie ? Ne serait-ce pas le cas de s'é-
crier comme Alceste : j'aime bien mieux celle vieille chanson
que je m'en vais vous dire , etc. , etc. Nous ne soumettons
ces observations à M. Théodore Anne que parce qu'il s'est
montré assez poëte dans son ouvrage pour appiécier les vers
simples et naïfs et tout empreints de la couleur du temps de
sa reine légitime et poëte. Ces légères variantes n'empêche-
ront pas d'ai leurs qu'on ne s'intéresse vivement au pano-
rama dramatique, animé, qu'il fait passer sous nos yeux,
et qui impressionne si diversement les spcctaleurs.
Le compositeur est pour beaucoup dans le succès incon-
testé qu'a obtenu Marie Stuart. Le faire de M. Niedermeycr
est , on le sait, fin, élégant et bien senti ; il excelle à peindre
les vagues rêveries de l'âme : son style est plein de distinc-
tion. Si parfois il manque de force, d'énergie et d'éclat, son
inspiration mélodique part du cœur; elle est vraie; et cette
fois , il s'est montré plus passionné qu'il ne l'avait été pré-
cédemment dans sa mélodie, et dans son orchestre toujours
riche et abondant sans confusion. S;)n ouverture surtout réunit
ces qualités qui deviennent de plus en plus rares par le temps
de féroce instrnmenlalion qui court.
Dès la première scène, M. Stalo Gardoni, jeune ténor italien
qui s'est bien vile francisé, a chanté une romance a.ssez jolie
qui rappelle, par la situation seulement, celle de Raoul de
Nangis dans les Hwjxienots. (^e n'est pas dans cette romance
que le débutant s'est fait remarquer, mais dans le joli duo
qui suit, et qu'il chante avec la reine, surtout lorsqu'il dit à
Marie Stuart qu'il ne connaît pas encore :
Ah ! diles-moi qu'un jour votre ame
Pourra répondri' à mon amour !
Le jeune ténor accuse là un la plein de force, d'éclat, d'ai-
sance et de charme cpii vaut mieux que tous les do de poi-
trine qui font que l'aiidileur a mal à la sienne propre , conmie
le disait U"" de Sévigné, quand il lui voit faire tant de péni-
bles efforts pour lui |)lairè.
Un joli chœur : Partons, mil rd... à cheval , à cheval!
imitatifct bien mouvementé, bien dialogué pour les voix, se
fait entendre avec l'archet de M. Habeneck, qui frappe un peu
trop souvent son pupitre pour l'illusion scénique. Ce chœur
est un galop , mais non un galop Musard. L'orchestre en est
charmant, et M"" Nau en page s'y dessine d'une manière
agréable par une jolie vocalise qui domine la masse chorale.
Ici se trouve la douce élégie des regrets sur les vers de Marie
Stuart quittant la France. Cela est doux, suave, d'une mélo-
die pleine de mélancolie , dite avec un grand charme d'ex-
pression par M""= Sioltz.
Le second acte commence par im bon duo entre Barroilliet-
Murray et Bothwell-Gardoni ; puis vient un bel air chanté
parle premier qui se dévoile à lui-même toute son infâme poli-
tique. Barroilhet s'y montre, comme à l'ordinaire, excellent
chanteur et bon co-nédien. — Un beau morceau d'ensemble
en }ni mineur dit par Darniey, Ruthwen et ses cora|)lices, sur
jamais inspiré la moindre passion, le moindre désir. C'est que
leur art me déplaît, ou plutôt (]iie le travail auquel cet art les
condamne, me cause une souveraine répugnance. C'est que je
ne puis penser, sans effroi , sans douleur, aux épouvantables
fatigues, aux tortures conlinues qu'une danseuse est obligée de
subir. Quand elle est sur la scrnc et qu'elle dissimule bleu , l'il-
lusion est encore possible, mais allez dans la coulisse et voyez-la
rentrer tout essoufflée , toute brisée, toute pantelante au mo-
ment où elle vient de danser un de ses pas les plus gracieux!
Voyez-la le matin, quand e le étudie, e'esl-à-dire quand elle dis-
loque ses membres délicats pour les assouplir à quelque nouvel
exercice ! Pour moi , Je l'avoue, il y a loujours de la s.illimban-
que dans la danseuse la plus admirée et la plus admirabL-. Quand
je songe à elle, je vois tou|ours des pieds tordus, (lesjambis
contournées d.ins les rampes dont les salles de danse sont gar-
nies. Je prends en horreur des séductions qui se préparent au
moyen de ces affreux supplices Si jamais , ce dont me préserve
le ciel, je me sentais amoureux d'une danseuse, la première
chose que je lui demanderais , ce serait de renoncer à son état.
J'ajouterai, pour abonder dans vos idées, que je ne partage
pas toujours, que la danseuse est la femelle du danseur, cet ani-
mal chargé par vous de tant d'abomination et de mépris , et que,
par une loi qui dérive encore des conditions de son an, la dan-
seuse ollVe beaucoup d'analogies avec le danseur, quant à l'ab-
sence de certaines foimes et au développement exagéré de cer-
taines autres. Ainsi, elle n'a pas de gorge, et ses bras sont dé-
charnés, tandis que ses jambes accusent un embonpoint tout
masculin.
Quoi de plus délicieux au contraire, de plus ravissant, de
plus divin qu'une femme qui chante? J'adore les femmes et j'i-
dolàire la musique. Chez moi, l'une de ces passions s'est toujours
combinée aiec l'autre, forliliée par l'autre. De tous les arts je
n'en comprends vraiment ([u'un, l'art musical. J'ai de très
bons argiiuienls contre la peinture; aussi n'ai-je jamais compris
que l'on lit des folies pour se procurer des tableaex. La peinture,
quoiqu'elle fasse, ne peut que copier un modèle, qiu restera
toujours et inévitablement plus beau qu'elle; c'est la nature. Si
je veux voir une belle forél, je vais à Saint-Germain, une belle
rivière, je, vais sur le pont de Neuilly , un beau cheval, je vais
chez Crémieux , nue jolie femme, je vais chez ma maîtresse.
Qu'est-ce qu'une froide copie à côlé de ces originaux vivants?
Cela est si vrai, pour moi du moins, que je n'attache aucun
prix au portrait des gens que je connais, que j'aime : absents
ou présents, mon souvenir me retrace plus vivement, plus fidè-
lement leur image que tous les pinceaux du monde.
La peinture, dans ses atliibutions les plus hautes et les plus
larges, n'est qu'une contrefaçon de ce qui exi.ste : la musique
nous donne quelque chose qui dans la nature n'existe pas. Pylha-
gorc seul a pu se vanter d'entendre l'harmonie des sphères cé-
leste.s. Je déclare que dans le silence le plus profond des nuiis,
DE PARIS.
U05
lequel revient le motif de rouvertiire; une jolie sicilienne
chantée par M"' Nau r enfin une vilanolle délicieuse dite par
Marie, Boihwell et le page, terraiiierit musicalmnent ce se-
cond acte : on a fait répéter cette vilanelle empruntée à
l'Ecosse.
Le troisième acte offre un bel ensemble de conjurés chan-
tant sans accompagnemenls :cela est large et beau ; puisvicnt
un duo enire Marie et Boihwell, morceau plein de grâce, et
fort bien chanté par M"'" Stoliz el Gardoni. Comjiositeur et
chanteurs se doivent mutuellement des félicitations.
Le quatrième acte commence par un tiio de scène entre
le gouveineurdu château de Loch-Lev.'n, Hamilton, le page et
une suivante de la reine , moiciau bien fait, mais qui ne
brille pas par une grande variété d'idées. La scène d'abdication
forcée est belle et grandiose sous le rapport dramatique el mu-
sical : Walter Scolt a bien inspiré là le poêle elle composi-
teur. La fameuse entrevue des deux reines au cinquième arlc
n'est pas moins belle, dramatiquement et musicalement. Les
unissons puissants, le crescendo sur pédale des timbales y
produisent de beaux et grands effets, n'était encore l'archet de
M. Habeneck marquant trop la mesure dans tciut cela. Au
reste, nous reviendrons sur celte importante partition, sur les
acteurs, et sur le débutant qui a joué et chanté de manière
à se faire adopter tout d'abord par le public dont les encou-
ragements vont sans doute aWcr crcsccni/o.
M"'" Stollz a été gracieuse, noble , fière , touchante dans le
rôle de Marie Stuarl ; et elle l'a chanté avec autant d'inspira-
tion lyrique (jue de pureté et d'expression.
L'ouvrage est monté avec un luxe éblouissant de costumes
et de décorations, qui ne peut qu'ajouter el contribuer au
succès de la pièce.
* Henri Blanchaiîd.
THEATRE ROYAL OE L'OPKIIA-COMIQUE.
Opéra-comique en 3 actes île Catel.
Opéra-comique si l'on veut, et de Calel, si l'on veut en-
core. O libretto est un vrai drame refait par M. de Saint-
Georges sur l'ancienne pièce de Saint-Marcellin ; sorte de
vieux mélodrame dénué d'action , sur lequel Catel avait com-
posé une musique d'un style pur comme tout ce qu'il a écrit,
et coloré de mœurs écossaises comme un roman de AValter
Scott. L'auteur de ce drame lyrique, fils naturel, dit-on , du
grand maître de l'Université d'alors, M. de Fontanes, jeune
homme d'humeur douce et mélancolique , militaire distingué,
n'eut pas le temps d'acquérir un talent d'auteur dramatique :
son existence fut elle-même en quelque sorte un drame mys-
térieux et court qui se dénoua par un duel dans lequel , après
avoir été blessé mortellement, il fut porté chez son père qui
ce jour-là donnait une fête , et pendant laquelle il mourut.
Son opéra, qui éiait encore dans sa nouveauté, a été repré-
senté au commencement de l'année 18 17.
M. de Sainl-Georges a donné plus d'action à l'ouvrage; et
n'eût il quedéplacé la belle et touchante romance de Wallace,
comme il en a eu l'heureuse idée en la faisant chanter devant
l'auteur de la mort de Marie, femme de Wallace, il aurait
assez fait pour le succès de la pièci, succès d'ailleurs qu'elle
a obtenu par de nondireuses améliorations qui dénotent l'ha-
bitude des effets scéniques dans l'habile arrangeur des pa-
roles. Les arrmigeiirs de la musique ont-ils été aussi bien
inspirés que le poêle? (;'est une question que nous allons exa-
miner.
Nous avons dit les arrangeurs parce que plusieurs artistes
ont mis la main à l'œuvre de Catel. Catel, l'homme de la me-
sure, du style quelque peu froid, mais toujours élégant et
pur, aux mélodies francheset bien caractérisées; Catel, qui
a commencé sa réputation dans la première année de ce
siècle par sa partition de Sémiramis, était accusé, comme
tous les compositeurs de cette époque, de viser au bruit, de
faire du tapage par les instruments à vent; il s'était épuré,
simplifié lorsqu'il écrivit Wallace; il n'a certainement pas
usé de tant de cuivre que nous n'en avons entendu à la reprise
de son ouvrage tout empreint de la simplicité des mœurs et
des chants primitifs des montagnards écossais.
Rifaut , ex-pensionnaire de l'Académie des beaux-arts à
Rome, et répétiteur au théâtre de l'Opéra-comique , cou-
ronné à l'Institut en présence des quarante immortels, etqui
est mort lui-même , ain.si que les deux premiers auteurs de
j'ai beau prêter l'oreille, je n'entends alisoliunenl rien.... que le
silence , comme cela se dit poiHiqucment. Le vent mugit, le
feuillage frémit, l'eau murmure, le tonnerre gronde : tout cela
n'est que du bruit et pas de musique. Les oiseaux gazouillent,
voilà tout : en admettant qu'ils chantent, je dirai avec Carat que
le rossignol hii-méme chante horriblement faux. L'art musical
n'est donc pas une copie , une imitation : c'est une création vé-
ritable, dont on ne peut trouver nulle pari réqiii\alent. Quand
cet art merveilleux a pour interprèle une voix de femme, pour
organe une bouche de femme , je n'Imagine rien de plus enchan-
teur, de i)lns enivrant. L'ich-alde In femme, c'est la femme qui
chante et qui chante bien. Fût-elle laide, sa voix lui prêterait
des charmes : si elle est belle ou seulement agréable, je serai
loujonis prêt à tomber à ses genoux, comme cela se dit encore
poélique.meul et n.élaplioriquement.
Clolilde a exercé sur moi l'empire de la beauté joint à celui de
la musique. Je lui ai paidonné bien des défauts, bien des torts
à cause de sa voix. Cependant il y a un terme à tout, et je ne
dépasserai pas celui de l'extravagance. Le jour n'est pas loin
peut-être où je vous étonnerai tous tant que vous êtes par une
de ces résolutions énergiques, dont je suis plus capable que vous
ne le pensez et qiv vous ne l'êtes vous-mêmes, avec vos grands
airs d'indépendance et de détaclie.mcnt des adêclions sérieuses.
Quand il le faudra, je vous piouverai que je suis un homme,
à vous qui n'êtes presque tous que de grands enfants.
En attendant, soignez bien notre Opéra. Faites bien votre
cour à ce brave directeur et ne lui épargnez pas les compliments,
qui vous le livi'ent, pieds et poings liés, dans les filets de son
amour-propre Dites-lui que personne à Paris, à Londres, à
Vienne, à Berlin, n'a plus que lui les manières d'un gentil-
homme, que son liibury fait envie aux princes , que ses chevaux
n'ont pas leurs pareils, que son groom est un pelit phénix.
Quand il vous accordera la faveur de vous montrer le nouvel
appartement qu'il est en train de meubler, ne manquez pas de
tomber en extase devant chaque vieillerie soi disant gothique :
exclamez-vous devant c'uaque bahut, devant chaque portière,
et soyez sûrs qu'il vous remboursera de tous vos frais d'enthou-
siasme, intérêt et capital. Là dessus je prie Dieu qu'il vous ait
en sa sainte el digne garde.
P. S. Si Slephen ne se décide pas à m'écrire quelques lignes ,
je finirai par croire ce que Fifine me mandait un jour de lui,
que c'était un homme mal élevé , qui ne savait pas seulement
VaurCografe.
STEPHEN CAZALÈS AU COMTE DE REVAL.
Paris, 30 juillet.
Ah! tu me mets au défi!... ah! tu veux de ma prose! par-
406
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Wallace , car on dirait que le fameux insurgé écossais tue
tous ceux qui portent la main sur lui, Rifautdonc, avait re-
touché quelque ficu la partition de Catcl ; niais timidement,
avec mesure, comme cela se faisait il y a quelques années, en
renforçant quelques passages de basses par des trombones.
Ce travail resta inachevé. M. Boulanger, autre lauréat de l'In-
slilut, et jeune compositeur de talent, qui a déjà donn^un
joli petit acte au théâtre de l'Opéra-Comique, s'est chargé de
parfaire la partition de Wallace, ou plutôt de terminer le nou-
veau libretto de M. de Saint-Georges. 11 est juste de recon-
naître et de dire que le continuateur de Catel a respecté le
texte de l'auteur Aa S émir amis et de V AvheiUje de Bagncrcs,
et qu'il est pur de tout arrangeaiUemcnt ; qu'on nous par-
donne ce néologisme de mauvais goût pour caractériser un
travail de mauvais goût qui envahit le répertoire de notre se-
conde scène lyrique. M. Boulanger a écrit pour le troisième
acte de Wallace des couplets dits par M""' Darcier, un air
pour Herniann-Léon, et un fort joli duo chanté par IMocker et
M'"" Uarcier. ïl y aurait peut-être un peu trop d'indulgence à
dire que ces morceaux se fondent très bien dans la couleur
primitive de l'ouvrage ; ils ont le défaut de l'école moderne,
la mélodie en est vague et tourmentée, comme l'instrunienla-
tion, qui est papillotante quand elle n'est pas trop bruyante.
C'est dans les couplets de la jeune Écossaise et dans le canta-
bile de l'air de lord Arthur que ces défauts de la mélodie ac-
tuelle se font le plus sentir, surtout quand on a entendu les
mélodies des deux premiers actes dont la plupart sont de-
venues, sinon populaires, ont du moins figuré sur tous les pia-
nos de toutes les classes de la société musicale à l'époque
de leur nouveauté. Le joli duo dont nous venons de parler
n'est pas le seul morceau nouveau que chante Mocker. Chol-
let lui-même, dit-on, a fait ajouter <|uelques mesures de mo-
dulation à la fin du beau duo en «i mineur du dernier acte:
La i-oix de la pairie , chaulé par Robert Bruce et Wallace,
ce qui fait qu'on appelle cette péroraison la coda Choliet. Et
à propos de ce beau duo, si bien déclamé, si chaud do patrio-
tisme, et si richement orcliestrc, auquel cepeodaut on a cru
devoir encore annexer quelques instruments de cuivre , il est
digne de remarque que sous Louis XVIII , qui avait déclaré
qu'après Dieu, il reconnaissait devoir sa couronne au régent
d'Angleterre, les deux personnages disant ce duo chantaient
sur le ton de la menace : que l'Anglais tremble .' au lieu qa'E-
doiiardtremblc ! ce quichoque un peu les oreilles délicates en
fait d'euphonie. La censure d'alors ne trouva point matière à
cris séditieux dans celte légère variante. Allez donc vous y
faire mordre maintenant ! On vous dirait que la première ver-
sion formerait une horrible dissonance dans le concert eu-
ropéen dont ,nous avons le bonheur de jouir, et que l'O-
péia-Comiquc ne reçoit point deux cent quarante mille francs
de subvention pour le troubler.
La romance chantée par "SVallace sur l'aventure de sa femme
Marie est pleine de charme, de mélancolie et d'effet scénique,
non seulement par la manière dont elle est placée, ainsi que
nousl'avons déjà dit, maispar la sim])licilc de la mélodie, l'in-
térêt du récit, la variété des accompagnements, et aussi par
l'expression profondément sentie avec laquelle Choliet la dit.
S'il manque de force et d'énergie vocale dans le duo que nous
avons cité plus haut, son excellente méthode et sa sensibilité
le servent au mieux dans cette belle romance dramatique qui
peint le plus tendre amour conjugal , joint aux regrets les
plus touchants , auxquels vient s'unir encore le noble amour
de la patrie.
Catel a donc obtenu un nouveau succès, plutôt grâce à
M. de Saint-Georges qu'à ses badigeonneurs. Au reste, il n'y
a qu'une voix dans la presse sur l'esprit de spéculation qui
préside seul à ces arrangements, à celte manie de recrépir
d'anciens ouvrages. Un journaliste a dit fort judicieusement à
propos de cela : Déterrez une médaille antique, frottez-la des
heures entières, grattez-la, limez-en l'exergue, substituez des
figures à celles qu'elle représente, et puis ditesà la numismati-
que d'en apprécier les mérites.. . vous ferez acte de fou. Cette
comparaison nous a d'autant plus frd^jpé que nous possédons
dans notre médaillier un sou à l'effigie de Louis XVI, que le
burin capricieux de quelque amateur ultra-militaire a affublé
d'u'i bonnet, de tresses, de moustaches et d'une veste h la
hussarde. Mettez, dans une centaine d'années, cette pièce de
monnaie , avec son millésime de 1792, dans les mains d'un
ignorant numismateen place, qui ne connaîtra ni Antoine Au-
gustin, ni FulviusUrsini, niWolfgangLucius, ni Hubert Golt-
zius, il vous déclarera que le roi de France jwrtait habituelle-
bleu! je l'en donnerai, mauvaise langue, qui te plais à lépiHer
d'absurdes calomuics ! El quels souvenirs vas-tu réveiller dans
mon cœur? Qu'cst-elle devenue cette pauvre Fjlinc, qui ne me
trouvait plus si mal élevé, quand je lui eus procuré un engage-
ment de mille écus, ce qui n'était pas trop cher pour son mé-
rite, mais que je n'ai jamais pu diisliiibilucr de m'.ippelcr dans
ses ietlres son petit enge! Dis tout ce que tu voudras sur le pou-
voir de la musique et sur le charme de la voix : je ne to répon-
drai pas par une dissertation sur l'incomparable supériorité des
jambes, mais je te dirai qu'en fait de danse tu n'es et ne seras
toujours qu'un mécréant; c'est un sens qui te manque et que le
ciel l'a refusé. Tu nous parles des exercices violents de la salle
de danse : est-ce que par hasard tu trouverais du plaisir à écouler
la clianleuse adorée filer des sons? Moi, je trouve cela tout aussi
réjouissant que d'enicndie des chiens hurler après la lune.
A propos de lune, je vais chaque malin saluer le soleil; tu
comprends que je parle du directeur de l'Opéra. Je le séduis, je
J'éblouis , je le fascine de plus en plus. Je lui ai fait faire celte
semaine deux belles actions : il a mis à la réforme la grosse Na-
netle , que nous ne pouvions plus voir danser sans avoir mal au
cœur, et il a engagé de confiance une petite personne que je lui
ai présentée, pour le compte de notre ami, Sainte-Croix : elle se
nomme Marpliise, cl dansera comme une sylphide, quand seu-
lement elle aura pris quelques leçons. Ce poltron d'Augustin
n'avait pas voulu se charger de l'affaire : il prétendait que c'était
trop fort cl qu'il y avait conscience de faire entrer à l'Opéra une
échappée de Tivoli et de la Chaumière. J\loi , qui suis , lu le
sais, un homme d'exécution, j'ai porté la parole, el il fallait
voir comment! Le diiecleur n'n pas fait une seule objection :
enfoncé dî's la première botte! Et voilà comme je m'acquitte des
honorables missions que l'nn veut bien me confier.
Plaisanterie à pari, l'Opéra ne va pas trop m:il, sauf que la
première chanteuse est absente et que tu n'assistes pas au con-
seil. Dépèche-toi donc de revenir : il est question de plusieurs
débuts dans le chant : cela n'est pas de mon ressort, et si tu ne
m'envoies pas d'instructions, je ferai comme ce député qui n'a^
vail pas reçu le mot d'ordre ministériel , et qui se trouvait réduit
à voler selon sa conscience : j'applaudirai ou je chuterai, sui-
vant mon idée du moment.
Augustin me charge de te dire qu'il l'écrira dans deux jours.
Quant à moi, je le déclare que je ne t'écrirai plus du tout. Je
l'abandonne mon style : je n'y tiens pas : mais voyons, là, fran-
chement est-ce que je ne mets pas l'orthographe aussi bien que
toi? . ,
Absit a le diabolus!
Et je parle latin encore !
Si j'étais grand seigneur, je me mettrais sur les rangs pour
l'Académie française, et l'on m'y recevrait, mais je ne suis qu'un
vilain de père en fils cl je me contente de l'Académie royale de
musique : c'est à coup sûr plus amusant !
DE PARIS.
407
nient l'uniforme de colonel de hussards à cette époque de sa
vie , comme quelque critique musical pourra vous dire dans
quelques années, que toute la partition actuelle de Wallace
témoigne du talent d'instrumentation de Catel, et que cha-
que page de ce bel ouvrage porte le cachet de cet habile
compositeur.
Henri Blanchard.
LE DERF^ÎER ROa DE JUDÂ,
Opéra biblique en 2 actes ,
Libretlo de M. Maurice BounoES; partition de M. Ceoeges Kastker.
Exécuté pour la première fois diius la salle du Coiiservaloire le 1" décembre 18i5 .
Voici un coniposilenr qui se révèle, ou qui se réveille du
sommeil de découragement dans lequel s'annihilent plusieurs
hommes de talent, sans que ceux qui président h l'adminis-
tration et à ce qu'ils appellent l'avenir de l'art musical en
France s'en préoccupent autrement. Celui-ci est un critique
consciencieux, et de plus, il a publié plusieurs ouvrages
théoriques sur l'art , dont il possède la science à fond ; il a
fait des traités d'harmonie et de fugue et d'instrumenlation ,
et , pardessus tout cela , son nom a quelque peu le son ger-
main ; or, pour nos critiques superficiels en musique dont le
nombre augmente chaque jour, attendu que ce qui vicie
abonde, W. Kaslner ne pouvait être qu'un vieil allemand,
professeur de contrepoint; et, par cela seul qu'il a publié
des méthodes d'instruments à percussion, on disait que,
pour caractériser sa musique, son nom devait se prononcer
Cassenerf. Il n'est rien de tout cela. M. Georges Kastner est
meilleur Français d'esprit , de cœur et de naissance que
quelqu'un qui serait né h Gand , ou qui aurait vu que toute
la France était dans cette ville en 1815. C'est un de nos
jeunes compositeurs qui, sans être un des trop nombreux lau-
réats de l'Jnstitut revenant de Rome, a eu comme eux un
opéra tué sous lui par le caprice administratif qui préside aux
destinées de nos scènes lyriques.
Voulant dire et faire exprimer par de bons interprètes
sa pensée musicale d'une manière large et complète ,
M. Kaslner s'est adressé à M. Maurice Bourges, notre colla-
borateur en critique musicale et bon musicien lui-même, qui
lui a confectionné un librelto.bien taillé pour la musique, et
à l'élite des artistes de nos deux premières scènes lyrique?.
On a vu plus d'un compositeur se faire soi-même son libretto,
dans l'impossibilité d'en arracher un à quelque auteur en cré-
dit; mais il ne s'était point encore rencontré , que nous s.t-
chions, un musicien s'associant à un autre musicien poêle. De
celte union est né un enfant bien constitué, ayant nom le
Dernier roi de joda. Cet oratorio , cet opéra biblique est
éminemment poétique et d'un lyrisme coloré pour la mu-
sique dont le composileui- s'est on ne peu! plus heureusement
inspiré. Et d'abord, M. Kastner voulant se montrer écrivain
instrumental dans toute son habileté , a débuté par une ou-
verture h larges et belles proportions, dont l'introcluclion,
toute mélodique , est richement modulée pour les instru-
ments à vents. On voit que l'auteur connaît on ne peut mieux
le caratère et les ressources de chaque membre de cette nom-
breuse et brillante famille qu'on appelle l'orchestre. Deux
motifs de Vallcgro de celte ouverture sont empruntés à
deux duos de la partition; mais non employés en pot-pourri,
eu pièces de placage comme on le fait trop dans la plupart
des nouveaux opéras. Cela est logiquement travaillé par imi-
tations, bien distribuées parmi les différents instruments. Il
intervient au milieu de ces jolis effc ts puisés dans la science
de l'instrumentation , un chant de clarineltr noble et suave
en fa majeur; et, sur un trémolo , large dans les cordes hau-
tes des violons, s'établit une péroraison puissante, grandiose,
qui rivalise l'immense effet du dernier allegro de la sympho-
nie en vt mineur de Beethoven. C'est beau , c'est digne, et
cela termine d'une manière neuve cette ouverture tout-à-fait
remarquable. ,
Un chœur plaintif, en ré mineur, des Hébreux gémissant
sur l'abaissement de Jérusalem , ouvre la scène ; et le pro-
phète Jérémie vient mêler sa voix inspirée à cet hymne de
douleur. Dans son zèle pour le Très-Haut , il foudroie l'in-
vasion assyrienne , et le roi Sédécias lui-même promis à la
mort; il dit :
Quel changement je trouve en quitlanl ma n traite!
Jérusalem , comme son roi.
CLOTILDE B*"* A GASTON DALIGNY.
Bordeaux, 2 août.
Est-ce que tu ne m'as pas écrit ici , comme à Lyoïr? En arri-
vant je croyais trouver une leitre; j'ai envoyé à la poste et l'on
m'a répondu qu'il n'y avait rien. Je suis d'une inquiétude mor-
telle. Te serait-il arrivé quelque chose? Ce qui achève de me
désoler, c'est que , si tu ne m'as écrit déjà , je ne puis plus avoir
de tes nouvelles qu'à Paris. Je compte partir demain ou après
demain au plus tard. L'amitié voudrait bien me retenir, mais un
autre sentiment me rappelle, et je ne me sens plus la force d'y
résister. A bientôt , cher Gaston, et à toujours.
GASTON DALIGNY A CLOTILDE B***.
Paris , 2 août.
Cette lettre sera la dernière que je vous adresserai. Depuis
votre départ de Paris , je n'ai reçu de vous qu'un petit mot daté
de Lyon. Les journaux seuls m'ont appris vos succès, qui m'au-
ront sans doule effacé de votre mémoire. Peu s'en est fallu que
je ne manquasse au serment que vous aviez exigé de moi et que
je ne courusse vous retrouver. Cloiildc, il y a un mystère que
vous me cachez, j'en suis sûr, et dussé-je en mourir, il faut que
je sache la vérité. Je vous aime tant que j'ai cru toutes vos pa-
roles, mais ce voyage m'a rendu les doutes que vous élicz par-
venue à dissiper. Au nom du ciel , ne me trompez pas : dites-moi
si je suis toujours l'homme que vous préférez à tous les autres :
dites-moi si vous êtes toujours prête à tout quitter pour moi, et
réfléchissez bien , avant de me répondre , car je suis capable de
vous le demander.
CLOTILDE B-^-^* A ESTHEll SAUNIER.
Paris, 10 août.
Me voici de retour, chère amie, et je me porte assez bien,
quoique très fatiguée et encore plus agitée : tu vas voir si c'est
sans motif. Gaston n'a reçu qu'une seule de mes Icilres , et il
m'en a écrit plusieurs qui ne m'ont pas été remises. De plus, le
comte vient de m'aunoncer qu'il part dès demain pour un voyage
que des intérêts do famille l'obligent à faire. Tu comprends que
je n'en crois pas un mot. Je ne puis t'en dire davantage, mais
cela suffit, je pense, pour te prouver que j'ai raison de craindre,
sans savoir encore ce que le destin me réserve et à quel malheur
je dois me préparer.
Paul Smith.
La suite au prochain numéro.
&08
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Pour louer Dieu reste muette.
Et fuule aux lieds sa sainte loi.
O vilk' rebelle ,
ToH Dieu le rappelle,
Ne l'eniends-l~u pas?
Et loi^sque le prophèie admoneste ainsi de sa voix austère
la ville corrompue, les charmes d'une liarmonic suave vt
brillante tenta la fois, molle cl voliipiueuse , frémissent
sous les accents gravis du prophète de malheur. Les trilles
des violons, leurs piszicali, un chant de clarinette plein
d'élégance, tout le luxe de l'harmonie et de mélodies riantes
qui se mêlent en accompagnements à la mélodie principale,
au chant sévère et tout empreint de mélancolie du prophète ,
ne nous représonlent ils pas Bahylonc, la grande prostituée,
unissant les séductions de ses mille voix efféminées à celles de
sa sœur Jérusalem, pour lutter fullement contre les avertisse-
ments de Dieu? Il y a plus que du talent à savoir employer
ainsi cette langue musicale complexe, multiple, de l'orchestre,
ces contrastes de l'art ; c'est en connaîire , c'est en prati-
quer, en faire sortir toute la poésie, et il faut du génie pour
cela. Eienlôl,, au luxe instrumental , vient se niêlir la .sen-
sualité vocale des jeunes vierges folles de Sion ; elles disent :
O filles de Syrie!
Pour cclObnr 11 s nouveaux dieux.
Qu'à nus accents la harpe se marie.
Et sur ces accents joyeux, auxquels s'unis.sent les sons de
la flûte dialoguant avec les soprani et les conlralli, viennent
se joindre les lamentalions de Jérémie et des Hébreux restés
fidèles au vrai Dieu. Nous le répétons, cela est puissant et
beau.
Amitala, mère du roi Sédécias, vient chanter un air d'une
mélodie large et bien accusée, mais un peu surabondante
en ses thèmes puisés dans la mèiue tonalité; puis à ce mor-
ceau succède un duo non moins mélo(li(|ue et surtout bien
déclamé. Le motif sur ces ])ar()les : Salut, vcnirable lécile,
en est franc; et, après la strophe dans laquelle la reine cher-
che à séduire Jérémie en le flattant, le prophète répond :
C'est sur Dieu seul qu'il fiut compter, princesse. Cette
phrase, qui module à la tierce majeure inférieure, c'est-à-
dire, qui passe sans accord intermédiaire du Ion de mi ma-
jeur en ni naturel, est du plus bel effet; et, bien que cette
nioduhition soit très connue , clic a ici quelque chose d'anti-
que et de solennel qui convient on ne peut mi;'ux au person-
nage et à la situation. La mélodie en est franche, sévère et
bien accusée, et les basses de l'orchestre y répondent par une
imilalion qui doime plus de poids encore à la réponse du
prophète à qui le piiëte a prêté ce noble langage :
Gloire à celui qui frappe et ré;;énère!
Malheur à qui brave le ( iel !
Quand Dieu nous tend sa coupe de colère.
Avec ijmour buvons le fiel.
Les amateurs de la prosodie ont dû remarquer la tournure
heureuse et neuve de la phrase mélodique tombant sur le
dernier mot du premier de ces vers. Les menaces récipro-
ques viennent ensuite sur Vagilalo en mi mineur, qui a été
reproduit dans l'ouverture. Le niu.sicien est ici dramatique
au plus haut point , et traduit, on ne peut mieux , le langage
du poète qui fait dire ensemble à ses interlocuteurs, en style
élevé et tout-à-fait lyrique :
AMITALA (à part).
Téinéraire; il oublie
Que jadis fut punie
la superbe d'Elie
Orrensjnl Jézabel.
JEREMIE (à part).
Contre Dieu qu'elle oublie,
J'entrevois que l'impie
Veut, ainsi qu'Alhalie,
Imiter Jézabel.
Le troisième tableau de ce drame biblique nous représente
Sédécias chantant son amour aux pieds de Jémina, et cela
dans une mélodie des plus neuves et délicieusement accom-
pagnée. Il faut toujours reconnaître, au risque de se répéter,
qu'ici , comme dans plusieurs passages de la partition, le com-
positeur fait intervenir les instruments à vent de la manière
la plus élégante. Les hautbois, les flûtes et les clarinettes se
répondent en échos, en une petite phrase répétée alternati-
vement et qui produit un effet ravissant. Le duo qui succède
à cette mélodie : T' aimer ^ le le dire, etc., est tout empreint
du délire de l'amour. C'est peut-être un peu nocturne de
salon ; il y a une sorte d'actualité dans celte sensualité musi-
cale; mais l'amour n'est-il pas de tous les temps et à peu près
toujours le même? et d'ailleurs c'est, comme nous l'avons dit
précédemment, la civilisation avancée de Babylone et de Jéru-
salem réunies. Le chœur qui succède : Uéplayons ces habits,
ces voiles, est original et plein de coquetterie instrumentale.
La cavatine qui suit : Simple innocence de mun enfance . est
encore une mélodie douce et bien modulée, car dans l'espace
de huit petits vers, elle passe de ré majeur en si mineur,
revient dans son ton primitif, passe en sol, et promène ainsi
dans d'autres tonalités variées mais toujours logiques, l'amour,
les regrets et les plus doux souvenirs. Tout cela est trop riche
et trop fin pour avoir été bien saisi , bien apprécie dans une
seule audition et par uu public |)eu exercé aux finesses de
l'art, disons plus, par des auditeurs qui ne voient jamais
arriver avec beaucoup de plaisir un compositeur rival.
La scène onzième offre encore un beau duo entre Jémina
et Jérémie. Les deux chants de l'ensemble en sont bien con-
trastés, et le dessin de violon qui les accompagne est plein
d'intérêt. La romance qui suit, dite par Jémina, est d'un bon
sentiment mélodique; et, sur les syncopes que les instru-
ments à cordes font entendre , le hautbois obligé joue un joli
rôle.
Après un chœur en six-huit bien rhylhmé annonçant la
trompette qui retentit jusqu'au Jourdain, plusieurs mor-
ceaux scéniques du libretlo ont été passés Ji celle séance qui
ne devait avoir que la forme et la durée d'un concert ; et puis
est venu un fort beau quatuor avec chœur, dans lequel le
compositeur nous a révélé des qualités éminemment scéni-
ques , morceau vocal d'un style large et bien posé.
Au deuxième acte, le roi d'Assyrie, Nabuchodonosor,
chante un air énergique et passionné, précédé d'un canla-
bile onctueusement accompagné par les violoncelles. Une ro-
mance dite par Sédécias : 3Ja bien-aimée, où donc est-elle?
a réuni tous les suffrages, appelé d'unanimes applaudisse-
ments. Cette mélodie est tout empreinte d'un parfum d'an-
tiquité; elle est au.ssi délicieusement que simplement accom-
pagnée par la harpe et le cor anglais. Une heureuse rémi-
niscence du duo de Jémina et de Sédécias est revenue , et
enfin, un chœur guerrier plein de force et d'un style tout-à-
fait grandiose a lerminé celte séance, qui a profondément im-
pressionné tout ce qu'il y avait de juges impartiaux et com-
pétents dans l'auditoire
La composition de M. Kastner réunit l'abondance des idées
à la pureté classique, à ce savoir qui lire parti d'une pen-
sée musif aie sans la réduire à la forme exiguë d'une imitation
incessamment ramenée de manière à faire naître l'ennui par
la monotonie. En payant aussi le tribut au goût actuel pour la
richesse instrumentale, l'auteur a évité le travers des musi-
ciens romantiques qui confondent l'unité de la pensée avec
l'abondance sléri!e djs idées , et qui font faire autant de bruit
par leurs ignorants partisans qu'ils en font eux-mêmes par
leur orchestre. Celui qu'avait réuni M. Kasluer n'était pas
DE PARIS.
m
trop nombreux; mais il était bon. Après deux répétitions
seulement de celte œuvre diEBcile , cet orchestre a exécuté
l'ouvrage de M. Kastner avec un ensemble parfait et une
chaleur, une énergie toute artistique.
Les chanteurs ne se sont pas montrés de moins habiles in-
terprètes. M"" Dorus-Gras qui était indisposée, et qui s'était
fait doubler pour la moitié du rôle de Jémina, a dit délicieu-
sement le duo : Mon bien aimé, la voiœ suave et tendre , et
la jolie cavaline : Alors que tout parle d'ivresse. M"° Mon-
dulaigny la aussi bien remplacée c|ue cela se pouvait dans le
reste du rôle, et M'"" Hortense Maillard a su donner au per-
sonnage de la reine Amitala un ton ferme et noble par son
excellente méthode de chant. Rlassol , dans le roi d'Assyrie, a
déployé celte voix timbrée, cuivrée, vibrante et sympathique
dont on subit toujours l'irrésislible effet avec plaisir. Her-
niann-Léon, que nous n'avons entendu jusqu'à ce jour qu'à
l'Opéra-Comique, s'est révélé basso contante, plein d'intel-
ligence scénique, et doué des plus belles cordes basses qu'il
emploie avec beaucoup d'expression. Roger s'est montré,
comme toujours, ténor à voix suave et dramatique, ténor qui
fait résonner un écho sympathique à la grande scène de l'O-
péra. Si l'heure n'avait pas été aussi avancée , on aurait sans
doute bissé la romance : Ma bien aimée, où donc est-elle ?
qu'il a chantée délicieusement.
Henri Blanchard.
LES CASTAGNETTES.
Dessin de Gavarni,
L'Espagne est la patrie des castagnettes et de la guitare ;
mais les casiagneltes ont toujours eu pour elles l'avantage
d'une popularité beaucoup plus grande, par la raison toute
simple que c'est un instrument d'un prix à la portée de tout
le monde et d'une exécution de même espèce. Il ne faut pas
avoir dix maravédis dans sa poche pour se passer de casta-
gnettes, et il faut avoir perdu l'usage de ses jambes pour ne
pas danser de tout son corps et de toute son âme au seul
bruit des castagnettes quand on est Andaloux ou Cas-
tillan !
ITOTJTBLiLBS.
*,* Demain lundi, à lOpéra, seconde représentation de Marie
Sluart.
*,* I.e Théâtre-Italien vient de reprendre il Piraia, l'un des pre-
miers ouvrages qui fondéienl la répulalion de Belini , mais qui
n'est p:is la meilleure produ' lion de ce inailre, el qui, sans aucun
doule, après lu Siraiiieru, en est la plus ennuyeuse. Mario remplit
le rôle créé par Rubini.
*.■' Plusieurs journaux ont nnnoncé cesjours derniers, que la com-
miss'on des Lhéàlres royaux avait définUivi-'rnenl rejeté le projet d'un
troisième théàlre lyric|ue. C'était une douhle erreur : d'aburd ;i celte
époque la commission n'avait pas encore positivement arrêté les
termes de son avis au mini.>.tre, el ensuite , loin d'èlre contraire au
projet , cet avis lui esl très favorable, en ce ^ens qu'il ailmel la créa-
tion d'un Ihéâlre essenliellenienl musical, et exclusivement consacré
à la musique française. Il esl vrai que la commission repousse toute
combinaison qui, sous le préleste d'un tiois'ème Ibeâlre lyrique,
masquerait l'élablis-emeiit d'un treizième ou qualoizième théâtre
plus ou moins consacré au service du vaudeville. iMai- n'est-ce pas
une preuve manifeste d'inlel.igence el de g"ùt pour l'art musical
dont le vaudeville "^sl le plus dangereux ennemi? La commis-
sion repousse également les tradijclions. et ceci est encore dans l'in-
lérét, des coriiposileurs naliooaux qui se plaignent avec raison de ce
que la carrière est Irop étroite. Quant aux mesures de protection à
premlre à l'égard des lhéàlres existants , la commis-ion a dû s'en
rapporter à la sagesse duminislne, et se bornera le~ lui indiquer.
Dans le nombre, Il en est une sur laquelle tout le monde est à peu
près d'accord, c'est la suppression ou tout au moins la diminution
de l'impôt ruineux que pré'èveirt les hospices.
'," Aujourd'hui dimanche au Conservatoire a lieu le concert
donné par M. Féicicn David.
",* le comité de l'As-ooiali"n des artistes-musiciens vient de dé-
cerner le litre lie mandalaire de la Société dans les déparlemenls à
M. Félix Ballanehon qui se propose de parcourirl i Francedurant six
mois. M. Baltanchiin, digne sous Ions les rapporls de ce témoignage
de confiance, a commencé son voyage sons les plus heureux aus-
pices. Dans le concert qu'il a donné au Mans, il a obtenu un brillant
succès comme \i tuose el eompusileur.
*,' M"" Drouart, l'ex-eantatrice rie l'Académie royale de musique,
esl sur le point de se rendre à Nantes pour y donner dix représenta-
tions.
",* La célèbre pianiste , M"' Calhinka de Dietz, vient d'arriver à
Paris, après un séjour en Angleterre marqué par de biiliant succès.
On sait que le ta'ent de celte aniste se dislingue surtout par la
beauté àe l'expression, la délicatesse ei la pureté du style. Ces' qua-
lilés se sont encore révélées dans un dernier concert donné à New-
burg-Ruoms. A son arrivée. M"' de Dielz avait eu l'honneur de
jouer devant la reine.
■",* M. Lacombe , le jeune el célèbre pianiste, est de retour à
Paris.
*,* M. Léopolil de Meyer vient de se faire entendre à Bruxelles,
qu'il \a quilier pour se rendre e\\ Angleterre, et son exécution
exlraordinaire a pleinement justifié la grande renommée qui l'y
avait précédé.
",' Le pianiste P. Cavallo, dont nous avons plusieurs fois signalé
le talent vraiment remarquable, ayant eu l'honneur lie ;ouer devant
M. le duc de Nemours, S. A. R. lui a exprimé sa satisfaelion dans
les termes les plus llalleurs, et, quelques jours après , lui a fait re-
melire , comme souvenir de cette soirée , une riche épingle garnie
de diamants.
V La célèbre harpiste, M""' d'Eichthal, a eu l'honneur de jouer
samedi soir devant Sa Majesté à Sainl-Cloud.
",* Le nouvel opéra de Balfe , llie Dauglner of Sl-Hlark , dont le
libretlo esl imité de la Heine de Cliupre , a été représenté ii Londres
le 27 novembre, anniversaire de la première représentation de ilie
Bohemian girl. C'est encore U[i grand succès pour le théàlre rie Drury-
lane. Six morceaux de la parliiiou nouvelle ont été redemandés.
"," A Copenhague , depuis l'ouverture du théâtre, ont eu lieu
les débuts de iM"= Ida Bertrand dans \a Saplio. Son succès a été
complet el on pourrait l'aj^peler un triomphe. Une belle loix, un
véritable talent de eanlalrice dramatique, telles sont les qualités que
nous avons rcconnue'i de prime abord , et nous nous estimons heu-
reux de posséder celle grande ai liste.
*,* Dimanche prochain aura lieu, chez M. Montai, une matinée
musicale destinée à faire enieudre deux gr.mds pianos droits d'une
consiruclion nouvelle avec double échappement, et dont la puissance
de sou surpas-e celle des pi.anos à queue.
'.' Dimanche l.i décembre une matinée musicale sera donnée
par les ariisles el amateur- allemands, au profit rie la Société alle-
mande de bienfaisance , dans la salle de M. Pleyel , rue de lioche-
chouait, 29. On peut se pi ocurer des billets chez M. Maurice Schle-
singer, au prix rie 6 francs.
*.* Deux Album- de l'année que la vogue générale nous signale
déjà, sont ceux qu'a publiés l'éditeur Chabal ; l'un est detinéaux
personnes qui s'occupent de piano : les Deux B joux , rie Rosellen ,
de brillante- vaiia imis rie F. Hunlen sur la l'olka nalionale , et une
délicieuse valse rie Goria forment un recueil qui doit nalurellement
plaire à tous ceux qui aiment la musique gracieuse , facile el bril-
lanle à la fiMS. L'autre s'adresse plus parliculièiemenl aux amateurs
de quadiilies: le l'eit Mous.-e noir, par Lcdnc, le Carnaval de Na-
ples.deC Bedier, les Hongroises el les Viennoises, charmantes
valses faciles , avec les lami uses Mazurkas de De.-marel- , adoptées
par Celiariu> pour ses cours, forment on choix varié et de bon goût
que l'on rencontre rarement dairs les Album-. De 1res jolies liiho-
graphies viennent compléter le mér.le de ces nouvelles publications
qui justifient réellement le succès qu'elles obtiennent.
*,' L. Clapisson publie un Album gui se recommande tout d'a-
bord par le nom d'un compositem- à qui l'un duil iléjà tant de char-
mantes mélodies. C'est la première fois que cet arti^le se lance dans
Il carrière de l'Album, et tout annonce que, dès le début, il se
placera au premier rang.
Le Directeur, Hédacieur en chef, Maurice SCHLliSIAGliR.
MO
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
MUoIQuË p».>u^epa. unADALBouLËVARDDËsilllitLiliS, lu.
ALBUM ^T- PIANO
H. B.OSSI<I.EBJ. Op. 67. Les deux bijoux ,
variés.
N. I. Waga ïiMma de Bellini.
2. liallade de Corrado de Ricci.
F. HUNTEW. Op. l."!5.Varlalionsbrillanles
sur la Polka nationale.
A. GOUIA. Op. 13. &Iiec, vulse brillante.
Chaque j^ïtaii», orné de Frontispices de VIASiOM et de jolies Vignettes, se vend
richement relié : 12 Tr.
Chae|9ic morceau est égalemcniit en -teiiitc i^éiiarêiueiit.
QUADRILLES, YAISES ET MZliRSAS.
B.SI>XiER. Le Carnaval de Napics, quadril
IiSDVC. Le petit Mousse noir, id.
REBIiSR. Les Hongroises, valses.
— Les Viennoises, id.
SESMARETS. 2 Mazurkas adoptées pour
ies cours de Cellarius, avec sa méthode.
MORCEACX BRILLANTS POUR PIANO.
Op. 8. Étude tic eonccrt, net. 3 75
— 0. Sérénade pour la main gauche. S »
— 10. 5j' Attente, nocturne. 3 »
— 12. Alice, valse brillante. 2 60
F. HUNTEN. 25 Éludes progressives. U »
Le grand succès qu'obtiennent ces Eludes
est dû aux progrès rapides qu'elles font faire
aux élèves, et au charme mélodique qu'on ne
trouve au même degré dans aucun ouvrage
de ce genre.
En vesate altez SCHO!VËP)IBERGER, 3@, Inoiilevai-jB Poissonnière.
ALBUM DE
FRËDERIC BERAT. 1845
N. 1 . I-a Fa6Bï'c4tc dsi village.
2. ïïîen, ma mère et toi,
3. Kic petit tSeara.
4. K,'E)iifant Eciandit.
5. Idole de «Ma vie.
N. G. BJe dern'.cr Songsir.
7. KiC Frîratemps,
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musique ; papier réglé pour musique de tous formats , soit
ordinaire, ou de fanlaisie, ainsi que des albums pour écrire
la musique."
KîIiiMMi
^//:(3^Mî\a:Stj)iEM)onv'rsï^!4 i;:iîSA<TE*5(te*^^
Le Chirogymnaste est un assemblage ilenenfappa-
reilsçymnastiques destinésâ donncrde Vexlension k
iatnauictde Vccari aux doigts à aug:mcnteretàéga/(-
ser leur force et à rendre le quairiémc et le cinquième
indépendants de tous les autres. Le Chirogymnaste
aété aussi Approuvé et adopté par MM. Adam, Bertini,
de Bciiot, Cramer, Uerz, Kalkbrcnner, Listz, Moschelcs
Prudent^ Sivon.Thalberg, Tulou, Zimmcrmann, elc.
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It SER\ JOINT A CHIQUE MJIUÉRO UIV DESSIN INÉDIT DE G4VABNI.
SOMMAIRE. £e Camp en SUé.-:ie , opéra en 3 actes, paroles de
iiellstab, musique de G. Meyerbeer (première représciUalioti); par
r DANJOU. —Concert de M. Féllcie i David; par MAURICE
BOURGES. —Conservatoire de Nantes : Ouverture. — Album de
M. Masini ; par H. BLANCHARD.— Mélodies par M. J. Martin.
— Feuilleton. — Nouvelles. — Annonces.
LE JEUNE ET BEAU DUNOIS. Dessin de Gavarni.
LE CAMP EN SILÉSIE,
OPÉEA KN 3 ACTES.
Paroles de PiEllstab; musique de G. ME7ERBSEH.
(Première représentation.)
Jierlin , 8 décembre.
La muse de Meyerbeer, niuelte depuis quelques années ,
vient de faire entendre de nouveaux accents qui retentiront
dans toute l'Europe musicale. Cette fois, il ne s'agit pas d'un
drame terrible et sanglant, comme dans \q% Huguenots, d'une
légende mystique et touchante, comme dans Robert, mais
tout simplement d'une douce et patriotique histoire. L'éner-
gie brûlante, la passion désordonnée, les hurlements des dam-
nés, le cri des combats vont faire place à de gracieux chants,
à de ravissantes mélodies.
La variété immense du génie de Meyerbeer va se révéler
et son talent se produire sous un jour nouveau. Telle est , au
sortir de cette représentation brillante, notre première im-
pression, et c'est aussi celle des juges compétents dont nous
avons recueilli l'opinion. Traçons à la hâte le récit de cette
solennité si remarquable, pour satisfaire sans retarda l'impa-
tience des lecteurs de la Gazette musicale.
La salle, reconstruite sur la place encore fumante de la salle
incendiée l'an dernier, est élincelanle d'or, de pourpre; c'est
d'une richesse vraiment orientale. Le lustre seul est un objet
d'art du plus haut prix. Après quelques moments consacrés
à l'admiration de celte œuvre d'une munificence royale, l'at-
tention s'est reportée sur la famille royale , qui entrait dans
la salle. Les Prussiens aiment leur roi; ils lui témoignent leur
Portefeuille de deux (^anlaliices ^^\
LB^COMTE DE RÉVAL A AUGUSTIN DE NÉRIS.
Paris, 12 août.
Quand je vous disais hier , en dinaiit avec Stéphen et toi au
Café de Paris, que j'allais peut-être vous quitter pour longtemps,
vous ne vouliez pas me croire. Eh bien , pourtant rien n'était
plus vrai : je pars, et quand tu recevras cette lettre, je serai
déjà loin : je roulerai dans une chaise de poste ; je fuirai le plus
vite qu'il me sera possible une ville que j'adore , mais où je ne
puis vivre en ce moment. Un seul mot vous apprendra la cause
de cette résolution inattendue : je veux rompre avec Clotilde :
je la déteste, je la hais autant que je l'ai aimée.
Vous connaissez mon système avec les femmes : nous avons
souvent discuté là-dessus : appelez-le ma folie, mon travers,
mon enfantillage , tout ce qu'il vous plaira , mais enfin je ne se-
rai jamais de l'avis de Stéphen, qui trouve tout simple et tout
naturel qu'on se moque de lui pourvu qu'on le lui dise et qu'il
(1) Voirlesnuméros40, 41, 42, 43, 44,45, 40,47 48, et 49.
le sache, parce que de cette manière il prétend s'épargner le ridi-
cule d'être trompé. Moi , j'ai un autre ridicule : c'est celui de ne
vouloir pas l'être. Je ne me dissimule pas ce que cela peut avoir
d'extravagant dans la théorie, d'impossible dans la pratique.
Je n'en persiste pas moins dans mon idée , et j'agis en consé-
quence. Je m'étais donné tout entier à Clotilde, avec l'espoir
qu'elle serait toute à moi. Vous vous rappelez ce que j'ai fait
pour elle, et vous m'en avez assez blâmé. Aujourd'hui je m'en
repens, je m'en accuse : je reconnais que j'ai poussé l'amour
jusqu'à l'aveuglement, la bonté jusqu'à la duperie, la patience
jusqu'à la simplicité, car j'ai été d'une patience incroyable avec
Clotilde ! Longtemps je me suis obstiné à ne rien croire : long-
temps je l'ai mise en garde contre elle-même, en l'avertissant
par voie indirecte. A la lin j'ai ouvert les yeux, j'ai tout vu,
tout éclairci. C'est une femme indigne : je l'abandonne et je vous
la livre : vengez-moi, mes amis, si vous le voulez, et si vous le
vouh'z vous le pouvez.
Jusqu'à nouvel ordre , vous me permettrez de ne pas vous
dire où je vais; vous m'écrirez chez moi, à Paris, et l'on me
fera passer vos lettres. Je liens à être au courant de tout ce qui
se fera pendant mon absence , et quand vous daignerez me con-
sulter, l'oracle vous enverra courrier par courrier sa réponse.
Songez que je vous confie deux choses auxquelles j'attache une
importance égale , ma vengeance et les destinées de l'Opéra.
Songez que j'en veux mortellement à Clotilde et qu'à présent
BUREAUX S'ABONNEMEIVT, BVE RICHEI.IEV, 97.
&12
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
affection; par des transports bruyants, des vLvat nombreux,
et le ffocZ sare allemand a été clianté' trois fois, par toute la
salie av«c accompagnement d'orcliestre. Ge premier incident
du spectacle était parfaitement nouveau pour un Parisien, et
je dois avouer que j'en ai été profondément ému.
Quand le silence a étérétabli, Meyerbeer, assis au pupitre
dli chef d'orcbestre, a donné le signal, et l'ouverture a com-
mencé. Trois motifs pleins d'originalité et d'élégance se croi-
sent, s'agitent et se développent dans celle ouverture. La ri-
chesse des détails, la variété des effets, la grâce des motifs,
font de cette introduction un morceau capital.
La toile se lève, et nous sommes chez un vieux capitaine,
serviteur fidèle deFrédéric-le-Grand; la maison du capitaine
Saldorf est voisine du théâtre de la guerre, et bientôt le roi
lui-même, poursuivi par les pandours, vient y chercher un
asile. Par un adroit subterfuge , le capitaine fait évader le roi
sous les habits de son fils , et revêlant son fils du manteau
royal, le livre aux soldats autrichiens comme la précieuse cap-
ture , objet de leurs recherches. Le roi échappe ainsi à un
grand danger; il s'en souvient plus tard, et au troisième acte,
nous retrouvons à Postdam le vieux Saldorf avec sa fille et
l'amoureux obligé. Chacun y reçoit sa récompense de la
bonté royale.
Telle est la donnée fort simple , mais spirituellement con-
duite , sur laquelle le poète Rellstab a brodé la pièce dont
Meyerbeer a fait la musiqup.
Dans ce pays de mœurs monarchiques, une telle pièce est
goûtée et applaudie ; le nom du grand Frédéric y fait battre
tous les cœtirs, et tout ce qui se rattache à sa vie intéresse
vivement.
La musique de Meyerbeer a cette fois, comme je l'ai dit ,
nn caractère spécial et parfaitement approprié au sujet; tout
y est calme, spirituel, intéressant; on y ressent une émotion
douce, on y respire l'amour de la patrie. Pour signaler en
détail les beautés de cette nouvelle partition, il faudrait l'avoir
entendue plusieurs fois, car c'est le propre des plus belles
créations du génie, de n'être pas vulgaires , et d"avoir besoin
du temps et de la réflexion pour être bien appréciées.
Le public berlinois a accueilli avec enthousiasme l'œuvre
de Meyerber, sorte de tribut qu'il est venu payer à sa patrie.
0n a spécialement applaudi avec chalfeur de charmants cour
plets chantés par Gonrad ,, et qui contiennent l'exposition;
de la pièce, le récit.dUidang^r que le ix)i a couru-; la mu-
sique en est toute descriptive et. d'un intérêt extrême ; —
une délicieuse scène:, où la bohémienne "Veiifca.dit la bonnes
, aventure aux.soldals hongroisetles subjugue pap^n adresse:.
La vision de Veilka est aussi une magnifique cantilène des-
tinée à un succès populaire, ainsi qu'un duo comique et un;
tria admirable. Au deuxième acte , on a accueilli avec des
transports d'enthousiasme deux chansons de soldats et. un:
quadruple chœur, accompagné par quatre orchestres , dont
trois d'harmonie sur la scène. Ce dernier morceau a produit
un effet impossible à décrire.
Au troisième acte,, on a remarqué un charmant trio et un
air accompagné par deux flûtes de l'effet le plus piquant.
Des tableaux vivants et allégoriques, dans l'exécution des-
quels les machinistes n'ont pas toujours été heureux , ont
terminé cette soirée brillante, dans laquelle l'auteur des Hu-
guenots et de Robert a vu un beau fleuron s'ajouter à la cou-
ronne qui ceint déjà son front. La Gazette musicale aura
plus d'une occasion de revenir à celte création nouvelle du
génie de Meyerbeer, et de l'analyser avec soin pour la faire
connaître de ses lecteurs. Pour moi, heureux auditeur et té-
moin de ces merveilles , j'ai voulu en adresser tout de suite le
rapide compte-rendu. A présent, je vais courir à la recherche
de toutes les jouissances musicales qu'on trouve dans ce pays,
véritable terre promise des artistes. C'est ici que l'art est
vraiment compris et glorifié ; c'est ici que les grands génies
qui ont illustré la musique reçoivent des hommages dignes
d'eux ; c'est ici enfin qu'on voit tous les m'onuments élevés k
l'intelligence , l'Université , la Bibliothèque, etc. , rivaliser
en magnificence avec les palais royaux. Gè dernier trait est
caractéristique , ei quand je pourrai le constater en France,
je dirai que les arts sont honorés dans mon pays, et que l'in-
telligence y règne en souveraine.
F. Danjou.
qu'elle ne m'est pins clifTe, je vous laisse caite blanche sur les
moyens d'abréger un règne qui, selon vous-mêmes, se prolon-
geait beaucoup trop pour la gloire et la prospérité du théâtre.
Je le proclame encore avec vous, une révolution mnsicale est en
train de s'accomplir : le petit liossini de l'Italie sera bientôt le
grand Rossini de la France et de l'Europe. Nous l'avons vu poin-
dre à l'horizon, et nous le voyons chaque jour s'avancer, gran-
dir, projeter ses rayons de tous côtés. Clolilde ne peut souffrir
sa musique parce qu'elle est incapable de la chanter. Toute jeune
qu'elle est, Clotilde appartient à la vieille école du chant fran-
çais, de ce chant large et pathétique, mais inflexible et monotone
dans son antique majesté. Je m'en affligeais, il y a peu de temps
encore, parce que j'étais-fou de Clotilde, et à présent je m'en
réjouis par le motif contraire. Je désire ardemment qu'elle soit
punie, et je m'empare de Rosnini comme d'un auxiliaire que
le ciel m'envoie tout exprès. Ah ! dans mon dernier voyage j'ai
entendu une voix qui est autre chose que celle de Clotilde ! Quel
timbre argentin! quelle agilité! quelle souplesse! que de sensi-
bilité vraie dans ses moindres accents, et quelle jeunesse de style !
quelle élégance ! quelle séduction ! Voilà ce qu'il nous faudrait
à Paris; et quel bonheur ce serait pour nous, si nous pouvions en
faire la conquête ! Cela ne dépendra pas de moi, je vous le jure.
Ce que je vous recommande surtout , c'est de vous conduire
avec la prudence qui caractérise les hommes d'État , et nous le
sommes tous les trois dans notre sphère. J'ai toujours dit que
l'Opéra tenait à la politique autant et plus qu'aux arts , que sa
direction était une espèce de ministère. Nous, qui le gouvernons
réellement, nous avons l'avantage de n'être pas respofisables.
Profitons-en pour nos intérêts pai ticulicrs , san^oublier ceux du
public; c'est la morale que j'ai toujours prêchée à Stéphen, qui
n'est que trop enclin à l'égoïsme et ne ^ sert du pouvoir qu'à
son profit. Quand donc aura-t-il fini de vioitdoir imposer ses affec-
tions, ses goûts, ses caprices à ce bon public, qui ne se prête
pas toujours à la plaisanterie et se révolte quelquefois ? Heureu--
sèment Stéphen se contente de régner en autocrate sur le corps
de ballet : c'est moins dangereux que s'il s'agissait de premières
chanteuses ou de danseuses en chef; mais enfin c'est un abus; et
il est temps qu'il cesse, ou le public se fâchera et nous compro-
mettrons notre influence.
Pour tout le monde, y compris notre cher directeur, ce sont
des affaires de famille qui ont nécessité mon voyage. On n'en
saura que trop tôt la véritable cause , mais je voudrais qu'on ne
l'apprît que lorsque ma vengeance aura commencé. Clotilde vous
fera certainement beaucoup de questions : tâchez de lui persua-
der que vous n'en savez pas plus qu'elle, et ne lui témoignez ni
moins de politesse ni moins d'admiration que par le passé. La
perfide ! Elle s'est jouée de moi si longtemps que je puis bien le
lui rendre pendant quelques jours, quelques semaines! Quand
je pense qu'elle a eu l'audace de me demander une place pour
son amant et que j'ai eu , moi , la bonhomie d'employer mon
DE PARIS.
M3
CONCERT DE IV!. FELSCIEN DÂVJD.
Place , messieurs , place , vous dis-je ! Ouvrez vos rangs ;
écartez-vous. Place, encore une fois, et place large et belle !
car voici : Un grand compositeur nous est né, un homme
d'une singulière puissance , d'une trempe extraordinaire , un
de ces talents si rares , qui fascinent tout d'un coup une salle
entière , qui la secouent impérieusement , qui la maîtrisent ,
qui lui arrachent des cris d'enthousiasme et conquièrent eu
moins de deux heures une étonnante popularité. Ceci n'est
point de l'aveuglement, de la prévention, de l'hyperbole.
C'est le récit tout simple du succès le plus spontané , le plus
étourdissant, auquel nous ayons jamais assisté. Nos oreilles
tintent encore de l'impétueuse explosion des applaudisse-
ments. C'était un entraînement étrange, irrésistible, unanime.
C'était aussi l'expression franche, loyale, d'une émotion vraie
et profonde.
Que de douleurs et d'amertumes un pareil triomphe ne
fait-il pas oublier ! Et, il faut le dire, pour arrivera ce grand
jour, digne d'être marqué d'un signe lumineux dans l'histoire
de' l'art, le compositeur a subi de bien cruelles traverses! A
combien peu a-t-il tenu qu'il ne demeurât ignoré toute sa
vie , perdu pour nous et la postérité , lui , qui vient de doter
notre époque d'une partition si originale ; lui, dont le nom
étincellera désormais dans la pléiade musicale du siècle et la
dominera peut-être ! Longtemps obscur, longtemps étouffé
sous le manteau de plomb d'une position difficile, noble et
honorable sans nul doute , mais énervante et sans issue , sait-
on bien où pouvait le conduire le ressentiment de l'injustice
sociale, si, par une fatalité commune aux grands artistes mé-
connus d'abord , le public indifférent n'eût témoigné aucune
sympathie pour une œuvre si riche pouriant et vraiment im-
mense ? De si funestes méprises ne sont pas sans exemple.
L'auteur du Désert a eu le bonheur d'échapper à cette nou-
velle épreuve. Sa partition a été rendue , pénétrée , saisie du
premier coup ; et l'artiste s'est vu salué du titre de grand à sa
première apparition solennelle.
Deux mots d'abord sur le passé de l'auteur , puis nous
en viendrons à l'analvse de l'œuvre. Le secret de son origi-
nalité est en grande partie dans la biographie excentrique
qu'on va lire.
M. Félicien David est né à Cadenet , dans le département
de Vaucluse, le 8 mars 1810. Nous glisserons rapidement
sur les vingt premières années de sa vie, durant lesquelles
son intelligence éminemment poétique , son âme élevée , ses
tendances philosophiques eurent souvent occasion de se ré-
véler. La vocation musicale , qui le travaillait depuis long-
teinps, le détermina à se rendre à Paris et à se présenter, en
1830, au Conservatoire, où il suivit, près de deux années en-
viron , la classe de M. Féti.s. Vers la fin de 1831, M. F. Da-
vid, ayant renoncé à concourir par des raisons particulières,
abandonna le Conservatoire et se retira à Wénilmoniant, dans
le sein de la famille Saint-Simonienne , pour laquelle il avait
écrit déjà plusieurs chœurs remarquables. Dans les derniers
mois de 1832, il dut céder, comme ses co-religionnaires, aux
circonstances qui déterminèrent la dispersion de leur société.
On sait que les pi us fidèles d'entre eux se vouèrent aux missions
et à l'apostolat dans l'Orient. Le barde inspiré de ce clan no-
made , jeune et plein de ferveur, partit aussi pour Constan-
tinople. Arrêté avec plusieurs de ses frères , dans l'exercice
de la propagande, par l'ordre de Cosrow-Pacha , ministre de
la guerre, il fut jeté sur un petit bâtiment grec, et faillit y
périr de faim. Après un séjour de quelques mois à Smyrne ,
où les Turcs l'avaient déporté, il visita la Palestine et l'Egypte,
suivi partout de son piano , confident intime et compagnon
de ce pèlerinage artistique. Bientôt le mal qui répand la ter-
reur, la peste, obligea le voyageur à quitter l'Egypte. Il se
rendit en Syrie par le désert, dont il étudia la physionomie
pour en reproduire plus tard une image saisissante. Durant
le cours de ce pénible et périlleux trajet, M. F. David ne
cessa pas de recueillir de tout côtelés airs nationaux carac-
téristiques. Aussi, de retour à Paris, en 1835, après une ab-
sence de trois années, il fit graver à ses frais sept livraisons
de Mélodies orientales , qui demeurèrent complètement
ignorées. Il serait peut-être impossible aujourd'hui d'en trou-
ver un seul exemplaire en vente. Espérons que les éditeurs
tireront de l'oubli cette collection curieuse.
Le découragement devait suivre un début aussi défavo-
rable. L'artiste se renferma dans la retraite et l'étude , parta-
crédit pour la lui faire obtenir ! Comme elle a dû triompher au
fond de son âme! comme elle a dû s'applaudir de sa ruse et me
payer de mon service par ses mépris! En vérité, je ne connais
pas au monde de procL'dé plus odieux ! Si je l'eusse encore ai-
mée, lorsque les preuves décisives nie sont tombées entre les
mains , je l'aurais tuée sur la place. Pai' bonheur pour elle , je ne
l'aimais plus, et ce changement, qui datait à peine de la veille,
vous le savez, grand Dieu ! lui a sauvé la vie. J'ai réfléchi , cal-
culé , raisonné : j'ai eu le courage de revenir à Paris , côte à côte
avec elle , sans laisser échapper le moindre signe de colère ni de
haine, mais en me promettant bien tout bas qu'elle ne perdrait
rien pour attendre , et que vous m'aideriez à préparer son châ-
timent.
Adieu , cher Augustin , je vais me mettre en route seul ; mais
j'aurai deux pensées pour compagnes de voyage , l'une de res-
sentiment profond, l'autre.... Si je te disais celle-ci , tu pénétre-
rais le plus étrange mystère de ma vie, et je ne juge pas encore
à propos de te le confier. Qui peut prévoir ce qu'il en adviendic^?
Pauvres créatures que nous sommes , sujettes à tant d'illusions,
d'égarements, de faible.sses, nous n'échappons souvent à un
écueii que pour aller nous briser sur un autre ! Moi, qui me
sens si fier d'avoir rompu ma chaîne , peut-être vais-je chercher
un autre esclavage? Peut-être.... Allons, je t'en dis trop ou pas
assez : je m'arrête et je clos ma lettre en te serrant cordialement
les deux mains.
AUGUSTIN DE NÉRIS AU COMTE DE REVAL.
Stéphen me charge de te dire qu'il te trouve plus obscur que
l'Apocalypse (dont je suppose qu'il n'a jamais lu deux mots) ,
mais qu'il ne t'en reste p;is moins dévoué à la vie à la mort.
Tout-à-l'heure, en soupant chez moi, devant témoins, il a prêté
serment de fidélité aux amis absents, et juié solennellement de
se conformer à tous leurs ordres , ainsi que de faire droit à tou-
tes leurs remontrances. Nous verrons s'il lient parole, et s'il se
corrige du tort que tu lui reproches au point de vue de ia politi-
que, de la diplomatie et des qualités distiiictivcs de l'homme
d'État. Du reste, il n'a jamais été si joyeux que depuis qu'il
sait ta rupture avec Clotilde, pour laquelle tu connais sa vieille
antipathie. Il n'a pas besoin d'être pins instruit pour se hâter
de dresser ses batteries contre elle. A cet égard je pense comme
lui, ce qui ne m'empêche pas d'attendre impatiemment de
plus amples informations sur le but secret de ton voyage et d'es-
pérer que tu ne les refuseras pas à ton meilleur ami.
Paul Smith.
La suite au prochain numéro.
nu
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
géant ses heures entre les leçons à donner, qui fournissaient
aux exigences de la vie matérielle, et la composition, qui sa-
tisfaisait aux élans de son génie. Un nonetto pour instruments
de cuivre , et une sijmphonie en fa accueillis avec assez de
succès dans les concerts Vivienne et Saint-Honoré , ce fut
tout ce que W. F. David fit entendre en public dans une pé-
riode de trois années , de 1836 à 1839. Le silence absolu de
la presse et d'inutiles démarches auprès de quelques sociétés
musicales, le déterminèrent à se recueillir encore dans le tra-
vail solitaire et la vie intime. Mais h partir de 1841, l'artiste,
ranimé, se produisit plus fréquemment. Depuis cette époque
jusqu'à \?ikk, il écrivit quelques g»jn<e»/ pour instruments à
cordes appréciés par un petit groupe d'amis, deux symphonies
dans la forme ordinaire inédites, et plusieurs mélodies vo-
cales , dont quelques unes furent signalées dans ce journal
et par nous-niême , telles que l'IUyi/ptienne, l' Absence , la \
Saliarelle, le Jour des Morts , les Adieux à Chareiice, les
Hirondelles.
Le iJéserl , ode-symphonie , ne date que de cette année.
Tout plein de ses souvenirs d'Orient, M. F. David trouva
dans M. Auguste Colin , littérateur très distingué et son an-
cien compagnon de voyage, un collaborateur pénétré comme
lui de la poésie et des mœurs orientales , éminemment apte
enfin à seconder les inspirations de sa brillante fantaisie. De
là sans doute l'étonnante couleur , le cachet de vérité frap-
pante, qui Ctiractérisent cette vaste composition, chef-d'œuvre
de pittoresque, de sentiment et d'art. Une analyse technique
n'en saurait donner qu'une bien faible idée. JMais elle peut
servir à expliquer l'enthousiasme universel excité par l'audi-
tion de ce bel ouvrage.
Le Désert , drame symphonique , qui terminait le concert
donné dimanche dernier dans la salle du Conservatoire , se
divise en trois parties. Chacune renferme dans son cadre
plusieurs tableaux , supérieurement dessinés et contrastés
avec beaucoup d'adresse. L'Entrée au Désert débute par
une tenue prolongée des seconds violons et des altos; que!
ques notes sourdes, articulées par les basses, se groupent de
loin en loin sous cette tenue indéfinie. Rien ne .saurait mieux
peindre le silence profond , la perspective morne et sans li-
mites des sables arides, dont la première strophe déclamée
donne la description. Un dessin rhythmique très simple,
dialogué pianissimo par trois cors, amène le chœur en ut
Allai), Allait. Les gradations de nuances et de modulations
que parcourt l'artiste pour arriver à cet unisson sublime de
rudesse sauvage et fanatique, loi fcitl es glorieux, sont d'une
rare beauté, qui prépare admirablement Icvivace, louançic à
<oJ.' Dans Cl! deuxième mouvement du chœur , remarquons
en passant l'effet de deux cadences avec point d'orgue sur les
accords de la et de [a majeurs; c'est peu compliqué , et ce-
pendant extraordinaire de puissance.
Bientôt la sonorité décroît ; le chant vocal s'éleint ; l'or-
chestre, ramené au pianissimo, ne fait plus entendre que des
lambeaux épars du tiième principal; elle poète signale dans
une nouvelle strophe déclamée l'apparition lointaine d'une
caravane. Observez qu'il s'agit d'une caravane qui se rend
dévotement à la fWecque. Les femmes en Orient n'accom-
plissent pas ce pieux pèlerinage. Voilà pourquoi iM. F. David,
Odèle au costume, n'a introduit que des voix d'hommes dans
sa symphonie.
La marche instrumentale de la caravane est composée de
trois rhytlmies mélodiques di.-tincts , que l'auteur distribue
tour à tour avec un goût exquis entre les divers organes de
l'orchestre. Elle se déploie et grandit insensiblement depuis
le piano jusqu'au forte le plus vigoureux. Entre autres frag-
ments , il faut citer la phrase originale dite par le hautbois ,
instrument familier aux orientaux , et qui leur sert à charmer
les ennuis du voyage. Puis intervient le chœur vocal :
Allons, Irolloiis,
Clieminons , chantons,
dialogué, à reprises différentes, par lessoli et la masse entière.
Ce chœur, écrit, du reste, comme presque tous ceux de cette
partition à valeurs égales dans les quatre parties , est entraî-
nant de verve et de franchise.
Tout-à-coup de sourds frémissements , de plus en plus
rapprochés, traversent l'orchestre. La nature semble en proie
à une secrète anxiété ; l'atmosphère est pesante , le ciel se
plombe. Un dessin opiniâtre et pénible des premiers violons,
un trémolo de violoncelle, une note sinistre et monotone qui
gronde périodiquement avec les cors au grave et la quatrième
corde des seconds violons, voilà les simples procédés qu'il a
fallu à l'auteur du Désert pour rendre avec bonheur ces
phénomènes menaçants. L'angoisse redouble; la trombe
approche, se précipite, tourbillonne. L'orchestre éclate et
se déchire ; les affreux sifflements du Simoun s'élancent de
ses entrailles en gammes chromatiques, qui sillonnent avec
fureur l'échelle instrumentale entière. Tout est fracas, hur-
lements, tumulte; l'orchestre mugit; les chœurs poussent
des cris d'épouvante; et l'auditoire lui-même ajoute, acteur
involontaire, à cette scène d'.i]arme et de terreur par ses ac-
clamations d'enthousiasme.
Après celte explosion foudroyante, il semble que tout est
dit et que les sensations épuisées ne peuvent plus se renou-
veler. C'est là précfèément que M. F. David se montre ar-
tiste grand et habile: Le calme qu'il ramène par degrés , la
reprise de la marche, la cadence abrupte et bien imprévue
sur l'accord de si mineur qui précède les deux mesures fina-
les de ce premier tableau et la halte des pèlerins, forment les
plus heureuses oppositions.
La seconde partie de cette .symphonie dramatique s'ouvre
par une suave et douce mélodie, 0 nuit, 6 belle nuit! Cette
délicieu.se invocation respire une fraîcheur indicible ; elle est
pure comme la rosée limpide des nuits d'Orient. Les plaisirs
delà halte lui succèdent; ce sont les danses vives ou volup-
tueuses, les chants en l'honneur des aïeux et de la vie nomade.
Bnsh Fantasia arabe, un motif syrien original, de quelques
mesures, a été supérieurement traité pour l'orchestre p<ir
M. David. Le son pittoresque du tambour de basque et le
contre-temjîs, accentué de deux en deux mesures, prêtent à
ce morceau un caractère tout-à-fait étrange, un charme bi-
zarre. La clan e des Aimées a été accueillie par de vifs applau-
dissements. Cette scène instrumentale , où le hautbois et la
clarinette se répondent avec une grâce singulière et finissent
par s'unir, est surprenante de coloris. Les amateurs de des- '
criptions ingénieuses en musique ont distingué avec plaisir
l'accompagnement des altos et des violoncelles , figuré de
façon à imiter les tournoiements rapides des Taglioni du
désert. Le voisinage de la chanson égyptienne :
Ma belle nuit, ô sois plus lente!
a un peu effacé par son style irrésistible l'impression du
chœur énergique des Arabes :
Restez dans vos tombeaux de pierre.
Si la mélodie indigène de celte chanson n'est pas de
M. F. David, l'ordonnance pleine de goût, de finesse et de
variété de l'instrumentation dans les trois couplets, lerhythme
original des violcmcelles sur un ré obstinément rebattu,
l'unisson final lui appartiennent bien en propre, lleproduire
i avec tant d'art, c'est créer.
DE PARIS.
419
Un effet aussi neuf que bien placé prépare la troisième
partie. C'est un trémolo exécuté en crescendo dans la région
aigué' par les violons divisés , tandis que les instruments à
\ent s'interrogent et se répondent avec mystère. Les teintes
successives de l'aube et de la naissance du jour ne sont ob-
tenues avec tant de fidélité que parce que l'artiste a eu
l'heureuse idée défaire ôter les sourdines seulement une à une.
Le véritable chant du Muezzim , prière du matin inter-
calée dans la symphonie avec paroles arabes, a paru plus
étrange qu'agréable. C'est de la couleur locale sans doute;
mais n'y a-t-il pas un choix à faire entre les éléments qui
peuvent la réaliser?...
La caravane cependant reprend sa roule , au lever de l'au-
rore. La marche et le chœur , déjà entendus dans la première
partie, reparaissent et aboutissent à un decrescendo , éton-
nant de perspective profonde. C'est un lointain aussi vrai
qu'en peinture. Encore quelques notes, encore un murmure
étouffé , et le désert redevient silencieux et vide :
L'ambulante cité se perd à l'horizon.
La voix imperceptible de la solitude plane seule, avec le
timbre sourd des cors, sur l'immense étendue. Là s'achève
véritablement le tableau. Mais l'auteur a jugé à propos de
terminer par la reprise du chœur des Croyants à la gloire
d'Allah. Comme le chœur est très beau , on n'est pas fâché
de l'entendre derechef; selon nous cependant il n'est pas
nécessaire au complément de l'œuvre , aussi pleine , aussi
entière, aussi parfaite qu'on peut la souhaiter.
El maintenant, quelques paroles encore, pour être histo-
rien exact de ce mémorable concert , dont nous venons d'a-
nalyser la portion capitale. La première partie se composait :
d'un Sclierzo en mi bémol pétillant de verve, inspiré en gé-
néral de la manière de Beethoven, pensées, style, instru-
mentation ; de deux chœurs avec solos , la Danse des astres
et le Sommeil de Paris, le premier gracieux, étincelant,
très sonore; le second austère, grave et peut-être un peu
terne; d'une jolie barcarolle , le Pêcheur à sa nacelle; de
deux mélodies franchement caractérisées , le Chybotick et les
Hirondelles; enfin d'une harmonie poéllque, le Jour des
morts, voilée de teinles mélancoliques, remplie d'accents de
douleur, émanation plaintive d'un cœur en larmes. Pour
l'examen détaillé de chacune de ces compositions éminenles,
il faudrait un article spécial; l'espace nous manque pour
relever toutes les grâces de ce style mélodique, de celte har-
monie , de cet orchestre de bon goût.
Encore de justes éloges à la voix et au talent de MM. Alexis
Dupont, Bélbrt et Hermann-Léon , sans lequel il n'est plus
de fête musicale complète ; et nous aurons tout dit sur ce
concert , dirigé par le chef d'orchestre des Italiens , M. , 'fil-
mant aîné, avec son habileté accoutumée.
L'heure n'est pas venue, ce nous semble , d'apprécier l'in-
fluence décisive que doit avoir sur la marche de l'art l'œuvre
de M. David, si colossale malgré sa simplicilé apparente.
L'opinion et la presse ne s'occupent en ce moment que de
l'auteur et de sa partition; les jugements se heurtent, se
multiplient; mais l'enthousiasme les domine. Une apprécia-
tion sage, précise , mesurée, ne saurait suivre de près des im-
pressions vives encore trop récentes. Si on nous blâme d'avoir
laissé dans cet article bien peu de place à la critique , ce n'est
pas que nous croyions la nouvelle composition de M. F. David
à l'abri de tout reproche. Mais , nous l'avouons , une pre-
mière audition éblouit et ne permet pas de distinguer avec
netteté quelques imperfections légères, surtout lorsqu'elles
sont absorbées par le rayonnement de splendeurs si nom-
breuses.
Quant à ceux qui déjà mettent en avant le succès et le gé-
nie incontestable de M. F. David pour en faire une sorte d'é-
pouvantail aux gloires reconnues , et menacent de les éclipser
à l'aide de cette lumière soudaine , ils ne servent ni n'abusent
personne. 11 n'y a qu'un mot à leur répondre. L'art véritable
n'est pas le Dieu jaloux des antiques Hébreux; mais plutôt le
vaste Panthéon romain , dont le sanctuaire s'ouvrait libérale-
ment à tous les cultes. Point d'hommages exclusifs. De l'en-
cens sur tous les autels ; de l'encens à tous les Dieux. Seule-
ment ne nous donnez que de vrais Dieux.
Maurice Bourges.
Conservatoire "be tlontes.
OuveftUÊ'e.
Le Conservatoire de musique, dont nous avons annonce la
prochaine ouverture, vient d'être inauguré par une matinée
musicale, dans les vastes salons de l'établissement même. Les
morceaux de ce concert , choisis avec beaucoup de goût et
exécutés avec une habileté et un ensemble remarquables, ont
excité une vive impression sur un public nombreux et choisi
qui a pris le Conservatoire nantais sous sa protection et qui
a sanctionné les courageux efforts de M. Bressler par de vifs
et unanimes applaudissements. Son succès est donc aujour-
d'hui assuré.
Nous avons déjà félicité le fondateur de cette idée heureuse
et de la noble persistance qu'il a mise à l'exécuter , et nous
l'assuronsde nouveau de notre sympathie. Au reste, le public
de Nantes est intelligent : depuis longtemps il a apprécié son
constant dévouement, et nous lui rendons justice, M. Bressler
possède toute son estime.
MM. les professeurs ses adjoints, artistes distingués et élères
du Conservatoire de Paris, quoique honorablement connus
dans le monde musical , se sont fait entendre séparément,
sans doute pour convaincre de nouveau leurs concitoyens de
tout leur mérite. Ils ont été chaudement applaudis et à
plusieurs reprises. Cette approbation unanime doit stimuler
leur zèle et produira d'heureux résultais.
Nous ajouterons que les autorités civiles et militaires ont
assisté à cette solennité comme pour encourager par leur
présence une entreprise digne d'intérêt et à laquelle elles ont
témoigné beaucoup de bienveillance : la jeunesse de Nantes
en tirera des avantages réels.
ALBUM DE ÎH. MASl^I.
S'il est aussi difficile qu'imjjortant , disent certains ama-
teurs, de classer les différents mérites des nombreux compo-
siteurs d'albums qui profitent du silence de M"" Loïsa Puget
pour labourer le sol fatigué de la romance ; si chacun d'eux
brille par des qualités éminentes qu'il serait d'une injustice
criante de ne pas reconnaître, on ne saurait leur appliquer ce
que Voltaire a dit des successeurs du fils de Philippe de Ma-
cédoine :
Soldats sous Alexandre, et rois après sa^inorl;
car nous n'avons plus guère de rois de la romance, car la
succession de l'ingénieuse romancière n'est ni ouverte ni à
recueillir ; elle n'a fait seulement que s'absenter, s'abstenir
d'écrire pour sa clientèle, c'est-à-dire pour la France, l'Eu-
rope, le monde musical et mille autres lieux ; et, pour nous
servir d'une expression de Tacite , elle y brille par son ab-
M6
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sence. Un des plus dignes de la suppléer est certainement
M. Masini.
Et l'on ne dira pas de ce doux romancier :
Tel brille au second rang qui s'éclipse au premier.
Il est au premier rang cette année, par droit d'ancienneté,
ce qui ne serait pas un litre suffisant en fait de légères et fu-
gitives romances, s'il n'avait joint, celte fois-ci comme tou-
jours, à ses mélodies, la facilité, la grâce, la déclamation bien
sentie, et des accompagnements, qui n'ont pas, comme beau-
coup d'autres, la prétention de rivaliser l'orchestre.
Et d'abord , en ouvrant cette châsse qui renferme de si
jolies reliques musicales , le frontispice vous frappe par ses
arabesques gothiques, où l'or se relève en bosse , comme dit
M. Trissotin, marié qu'il est au bleu d'azur, au vert, au rouge
qui forment un titre de couleurs un peu crues, il est vrai,
mais d'un effet original et nouveau.
• Après avoir admiré le joli titre de cet album aristocratique,
et la suave lithographie de M. Achille Deveria qui vous repré-
sente une de ces charmantes figures de femme, comme l'ha^
bile dessinateur en fait sortir si facilement de son crayon
exercé, parce qu'il en a sans cesse le modèle sous les yeux,
vous lisez LA FLEUR QU'iL m'a DONNÉE , une de ces romances
à pensée délicate, comme M. Barateau, auteur des paroles
de celle-ci et de toutes celles qui composent l'album de
M. Masini, en jette si facilement sur le papier et dans le sou-
venir des chanteurs et des amateurs de romances.
Sous le titre d'ariette, exhumé de la poussière musicale du
xviii" siècle, le compositeur a écrit Le refrain de la filelse,
charmante petite chansonnette imitative, tout-à-fait dans la
manière pittoresque de M"' Puget, cette reine de la romance
dont nous avons parlé plus haut. La Pileuse Yvonne est d'au-
tant plus séduisante qu'un nouveau lithographe, M. Germain,
nous l'a représentée dans un dessin aux trois couleurs, déli-
cieux de forme, de naturel dans son costume breton. L'auteur
de la musique a payé tribut à la vocalisation, eu mettant, à la
fin de chaque couplet de cette charmante mélodie promise
aux honneurs de la vogue, un petit trait final qui ne pourra
que flatter infiniment les cantatrices de salon, parce qu'il les
fera briller.
Douter de sa raison. Que de haute philosophie dans
ce seul titre de romance! On ne doute pas de son esprit , de
sou goût, de sa sensibilité, de son courage, etc. ; mais on en
vient souvent à douter de sa raison , de ce flambaeu divin
qu'un rien peut faire pâlir, peut éteindre ; et l'amour, ce
grand caprice , même des êtres les plus graves , qu'est-ce
autre chose que la folie ? folie gracieuse ou terrible , plus ou
moins longue, plus ou moins intéressante , mais inévitable
dans la vie de toute créature humaine et complète. Celte folie
raisonnée ou raisonneuse, comme nous la représente M. Bara-
teau , est on ne peut plus touchante sous les traits du beau
jeune homme à figure romantique, telle que vous l'ontfaite le
crayon fin et suave de M. Jules David et la mélodie drama-
tique de M. Masini. Bien que les modulations de cette ro-
mance soient simples et classiques , l'accompagnement est
mouvementé , et les ritournelles passionnées disent que le
compositeur s'est aussi passionné un peu plus qu'à l'ordi-
naire. Cette romance est une des bonnes de l'album de
M. Masini.
M. Grenier, au crayon également fin et naïf, nous a tracé
trois figures charmantes, servant de préface à la jolie chan-
sonnette intitulée : Les amoureux de village. Ce sont des
délicatesses de cœur, exprimées par des paysans pauvres et
riches ; c'est un petit drame comique et villageois auquel la
règle presque invariable des trois couplets n'a sans doute pas
permis de donner un dénoûmenl complet et satisfaisant, puis-
que Berthe, la riche meunière, n'épouse pas son adorateur
parce qu'il est pauvre , et que le riche amoureux épouse
Jeanne , qui n'avait rien. Serait-ce à dire qu'il résulte de la
morale de cette chansonnette que les hommes ont plus de gé-
nérosité de cœur que les femmes en amour ? M. Barateau est
trop galant pour vouloir prouver cela, même en romance :
nous rejetons donc cette conclusion anti-française sur la
forme exiguë des trois couplets dont nous venons de parler.
Charlet , de son héroïque et ferme crayon , frère de la
plume de notre Béranger, a mis en tête de la romance : Un
VIEUX SOLDAT, uu de ces types de la gloire impériale ou ré-
publicaine, un vrai Dagobert (du Juif errant) avec :;on bon
chien Rabat Joie. La mélodie de celte romance est franche et
bien accentuée ; elle parle au cœur, aux plus nobles souve-
nirs de la France, et réveille tout ce qu'il peut y avoir de pa-
triotisme par le temps qui court.
Voici revenir M. Germain avec une de ses charmantes bre-
tonnes, dessinée aux trois couleurs , jolie villageoise qui dit
naïvement aux pieds de la sainte Vierge , d'une façon naïve
et quelque peu précieuse :
Je n'ai qu'une pensée,
Et j'ai mille douleurs.
Cette petite mélodie en mesure à six-huit et toute religieuse
est une douce prière intitulée : L'appui du roseau.
La relire vÉronaise, Godolina, comme l'a nommée l'au-
teur, est une mélodie gaie et toute pleine d'entrain. Cela est
franc et joyeux comme un de ces chants de l'Italie d'où il en
vient tant; comme : Dis-moi qu'ils ontaienti, est une de
ces nombreuses romances françaises disant les craintes d'une
mère quand elle voit sa fille rêveuse et voulant quitter son
village pour aller à la ville. Ces appréhensions ont été expri-
mées bien souvent; mais-ellesont toujours l'intérêt insépara-
ble des conseils maternels. Cette romance est une des plus
jolies du recueil : le rhythme ternaire qui sert de péroraison
à chaque couplet vient de l'àme d'un compositeur qui sent
profondément. Aussi peint-il mieux les choses tendres que
comiques. Nous le voyons par le fabliau-chansonnette inti-
tulé : Le rossignol du foyer, qui n'est autre que le petit
insecte faisant entendre son ramage ou son cri , en hiver,
dans l'àtre de la cheminée villageoise, et qu'on appelle le
grillon. Si M. Masini n'a pas précisément bien saisi le chant
de ce prétendu rossignol, c'est qu'en effet ce chant n'en est
pas un. La lithographie de M. Grenier, du reste, en est déli-
cieusement vraie.
Endokmez-VOUS, mon coeur, que les auteurs ont inti-
tulée rêverù, est une douce et touchante romance dont
le chant se dit et s'écoute comme on sent parfois des pleurs
de vague mélancolie qui vous tombent des yeux sans qu'on
sache pourquoi. C'est une mélodie instinctive, c'est un re-
gret d'amour, une brise du soir, une plainte mystérieuse
de l'âme qu'on exhale avec autant de plaisir que des accents
de joie et de bonheur. Et puis, viennent, pour com-
pléter le nombre voulu de douze morceaux pour les fanati-
ques d'albums, deux jolis nocturnes à deux voix : Les belles
nuits d'iîté et : Au rivage, bon ménage ! Ce dernier, orné
d'une lithographie à deux crayons ou deux couleurs, encore
par M. Germain. Le premier de ces jolis due (tini est frais
comme son titre , et bien écrit pour les voix; le second mé-
rite au mieux le titre de nocturne par la ravissante lithogra-
phie qui le précède et qui représente un harmonieux clair de
lune dont l'aspect seul invile à la rêverie. La musique en est
bien dialoguée pour voix de ténor et baryton , et le refrain
breton : Mon rocher de Saînt-Malo s'y trouve spirituelle-
DE PARIS.
Ui¥
ment encadré. De tout cela il résulte un recueil de paroles
charmanles , de dessins qu'on ne se lasse pas de regarder ,
de mélodies qu'on se lassera encore moins de chanter, et
qu'on dira encore les années suivantes chaque fois que poin-
dra un nouvel album de M. Masini.
Henri Blanchard.
wm imni m jeink fille ei la fête de sainte Cécile,
mélodies par M. J. MARTIN , d'Angers.
Voici deux productions qui se recommandent aux ama-
teurs de mélodies vraiment mélodieuses d'un style pur, d'un
caractère élevé, religieux. Toutes deux sont écrites dans le
même système, c'est-à-dire avec accompagnement de piano
et violoncelle, celui de tous les instruments qui se marie le
mieux à la voix humaine. La première, U7ie larme de jeune
Fille , dédiée à M"" Iweins d'Hennin , est une invocation
des plus louchantes à la Vierge Marie pour le salut d'une
mère : aussi la Vierge se laisse-t-elle attendrir, et la pauvre
mère est-elle rendue à son enfant. La seconde , la Fêle de
Sainte-Cécile, dédiée à MM. Ponchard et Franchomme, est
conçue dans des proportions plus larges. C'est un hymne ,
entrecoupé de récitatif , et terminé par un chœur d'anges
à voix égales, lequel peut néanmoins se chanter à une seule
voix. Il y a de l'animation, de l'entraînement dans ce chœur,
dont l'intervention du violoncelle^ agrandit sit)gulièrement
l'effet. L'auteur, qui a fait ses preuves dans le genre de com-
position musicale le plus sévère et le plus étendu, n'avait rien
publié dans le genre simple de plus heureux , de mieux in-
spiré que les deux mélodies dont nous venons en peu de mots
d'indiquer la destination et d'apprécier la valeur.
LE JEUNE ET BEAU DUlVOIS.
Sessin de Gavarni.
Pour celte fois le crayon si souvent spirituel et moqueur
n'a pas eu l'iutention de vous faire rire : il a voulu , comme
Hogarth dans ses scènes de cruauté , vous attendrir sur l'une
des misères les plus tristes de la vie musicale. Ne regardez
pas trop cet affligeant tableau, si votre âme est souffrante et
malade , si vous avez des chagrins de cœur , mais regardez-la,
je vous l'ordonne, si vous êtes heureux el riche, si , couché
nonchalamment dans un bon fauteuil , les pieds dans vos pan-
toufles, en face d'un âtre flamboyant, vous savourez les dou-
ceurs d'une existence commode et somptueuse. Alors vous
serez pris d'un bon mouvement et vous ne craindrez pas
d'ouvrir votre fenêtre pour jeter quelques pièces de monnaie
aux deux êtres misérables qui chantent en grelottant : le
jeune et beau Dunois.
Nous avons reçu de notre collaborateur, M. Fétis, une courte et
vigoureuse réponse aux dernières attaques dont ses doctrines musi-
cales , déjà si solidfmenl élablifs, ont été l'objet. Le défaut d'espace
nous empêche de l'insérer aujourd'hui; mais ses adversaires ne
perdront rien pour attendre.
UOTTTSLiIiSS.
V Demain lundi à l'Opéra, Marie Siuart.
',' Le second rôle que doit chanter Gardon! est celui de Fernand
de la Favorite.
',' Les répétitions du ballet nouveau, le Diable à quatre , vont être
reprises.
V Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, au théâtre Italien ,
I Piirilani, par M"« Grisi, Lablache, Mario et Roneoni.
*,* Le tribunal de commerce a statué sur la contestation relative
à la mise en scène d'Uue nitii à Grenade, opéra de Conradin Kreut-
zer. Ce dernier, persistant à ne pas accepter M'"» Manara en rem-
placement de M"»= Persiani , le jugement résilie les conventions ver-
bales intervenues entre les parties. Ainsi l'opéra ne sera pas joué.
",* Adolphe cl Clara, ce cliarmant ouvrage de Marsollier et Dalay-
rac, a été repris la semaine dernière à l'Opfra-Comique ; mais on ne
l'a joué qu'une fois. Massol et M"" Potier en ont fort bien rempli les
deux principaux personn-ges. Dans l'air : Aimable ei belle, Masset
a obtenu un véritable succès. S'il est vrai, comme on l'affirme, que
le rôle d'Adolphe lui ait été infligé par des considérations admi-
nistratives, il pourrait dire avec raison : Punissez-moi toujours
de même.
V Un ouvrage d'un jeune lauréat , M. Boisselot, doit être inces-
samment mis à l'élude.
*.* On a repris les répétitions de Cendrillon^ et l'on s'occupe aussi
de la remise de l'Eclair.
'„* Dans la séance de jeudi dernier, le comité de l'association des
artistes-musiciens a constitué quatre (jeni-ions de 200 francs chacune
à des musiciens vieux ou infirmes. Une commission avait été char-
gée lie présenter un rapport sur les droits respectifs des divers can-
didats. Les deux premiers pensionnaires sont âgés.de plus de quatre-
vingts ans.
V Après l'éclatant succès que vient d'obtenir M. Félicien David
dans son concert du 8 décembre, nous croyons être agréables aux
amateurs de bonne musique en leur rappelant que la maison Schle-
siiiger a édité du même auteur plusieurs mélodies très remarqua-
bles : le Jour des Morts, élégie touchante, pleine de sentiment et de
douleur ; l'Ange rebelle , page magnifique , inspirée de la plus haute
poésie; la Saltarelle, le Hliin allemand , deaji petits chefs-d'œuvre de
verve et de rhythme original; les Adieux à Cliurence , l'Absence,
douces et tendre! pensées dignes de Schubert; enfin l'Erjiipiicnne ,
romance charmante , empreinte d'une couleur toute orientale.
*," C'est aujourd'hui que MM. Charles, Lt-opold et Arnauld Dan-
cla , trois frères bien connus par leur talent , doivent donner, dans
les salons de M. Duport, une séance musicale du plus haut intérêt
pour les amateurs de musique de chambre. On y entendra plusieurs
morceaux i-emarquablcs de la composition de M.Charles Dancla,
tels que deux qu.ituors pour instruments à cordes, un trio pour
piano, violon el violoncelle et des variations de violon extrêmement
brillantes. Un programme attrayant et trois virtuoses distingués,
en voilà plus qu'il ne faut pour assurer le succès.
*," M. Beaumès-Arnaud , l'habile chanteur, s'est associé à l'écla-
tant succès récemment obtenu par M. Léopold de Meyer dans le
concert donné récemment à Bruxelles.
',*■ Dans un concert donné par la Société philharmonique de
Bruxelles , M"" Iweins d'Hennin a chanté avec le plus grand succès
devant LL. MM. le roi el la reine des Belges. M. et M"" Iweins
d'Hennin sont engagés pour plusieurs concerts à Bruxelles, Bruges,
Mons, Anvers et Bel huue. Ces deux artistes seront de retour à Paris
pour le 22 de ce mois.
",* La réunion musicale de Manhcim vient de mettre au concours
un prix de 20 ducats qui sera décerné à l'auteur du meilleur qua-
tuor pour piano, violon, basse de viole cl violoncelle, dans les mêmes
formes que celles des quatuors de Mozart et de Beethoven. Les com-
positions des concurrents devront être envoyées au comité de la
Société avantle 1" juin 1845.
",■ Le Icrrible incendie dont la rue Cadet vient d'être le théâtre
a exercé ses ra\agfs sur les magasins et ateliers de M. Cluesman,
facteur estimable, qui avait obtenu la médaille d'or, et dont en quel-
ques heures toutes les ressources ont été dévorées. Vingt-cinq pianos
prêts à être livrés au commerce , outils, bois étrangers , bois indi-
gènes , représentant une valeur de 35,000 fr. environ , tout a été la
proie des flammes. M. Cluesman était assuré pour quinze mille fr.,
mais des contestations s'élèvent, comme toujours. Nous pensons qu'il
suffit de signaler un tel désa-tre pour appeler e(Iicai:cment le con-
cours de tous les cœurs généreux à l'aide d'une famille entière:
M. Cluesman est père de cinq enfants. Une souscription est donc
ouverte à son profit , à dater de ce jour, dans nos bureaux , rue Ri-
chelieu, 97.
*," Les Contes vrais , publiés récemment par le libraire Desessart,
se rattachent assez à la spécialité de ce journal pour que nous
entourions leur entrée dans le mu;ide liltéraire de tous les éloges
qu'ils méritent. Écrit avec une grâce parfaite et une sensibilité spiri-
m
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
tuellcment naïve, ce charmant volume, destiné à l'enfance, a été
dicté a M"»' Louise Babœuf par des inspirations maternelles. Rien
de mieux réussi que ces jolis contes ; le sujet de quelques uns est
emprunté à la vie musicale et trailé avec un bonheur singulier. Le
succès est assuré à cet aimable livre.
*,' La quatrième classe de l'Institut royal des Pays-Bas a remis
au concours, dans sa séance du 1 1 novembre I8'i4, la question pro-
posée en l'an 1842, et à laquelle aucune réponse n'avait élé obtenue,
savoir : « Examiner les compositions musicales des dilTérentes épo-
ques chez les peuples modernes de l'Kurope pour en déduire, autant
que possible, des conclusions par rapport à l'esprit du siècle et au
caractère de la nation auxquels ces compcisitions sont relatives. »
Le prix du concours consiste en une médaille en or de la valeur de
300 francs, et frappée au coin de l'Institut. Les réponses doivent
être adressées franc de port, avant, ou au 1" janvier 1846, au se-
crétaire perpétuel de la classe, à l'hôtel de l'Institut, sur le Klo-
veniersburgwal, à Amsterdam. Elles doivent être écrites dans les
angues hollandaise , française ou allemande ; toutefois , pour la
dernière, en se servant du caractère italique; elles porteront une
devise en timbre, accompagnées d'un billet cacheté, portant le
même timbre et renfermant le nom , les qualités et la demeure de
l'auteur. Dans le cas où, d'après l'opinion de la classe, aucune ré-
ponse n'aurait les mérites nécessaires pour êire couronnée, la classe
se réserve de remettre la question au concours ou de la supprimer.
L'adjudication du prir aura lieu dans la séance publique de la
classe en 1846, et sera publiée dans les journaux hollandais et
étrangers. Le mémoire couronné devient la propriété de la classe;
l'auteur ne pourra le faire imprimer, soit en entier, soit en partie,
sans son aveu. Les mémoires non couronnés , ainsi que les billets
cachetés, seront restitués aux auteurs, pourvu qu'ils soient récla-
més, sans frais pour la classe , dans le cours dune année après l'ad-
judication du prix ; au cas contraire, les billets seront brûlés , et
les mémoires conservés pour servir comme sera jugé nécessaire.
Cliromlqite départementale.
",• Orléatis, 5 décembre. — M. Tingry, violoniste distingué, a
donné ici un concert où il a obtenu un grand et légitime succès.
*„* Angers, 20 novembre. — MM. Dolmetsch et Hurteaux ont
donné un grand concert, dans lequel le premier a déployé tout son
talent de pianiste et de compositeur. On l'a entendu et applaudi d'a-
bord dans un trio de Mayseder , ensuite dans les souvenim de P^enise,
dans la fantaisie dramatique sur des motifs du Freyscliutz , et sur-
tout dans l'élude intitulée : au revoir, morceau charmant de mélodie
et d'expression. La belle voix de basse que possède M. Hurteaux a
produit beaucoup d'effet.
"/ Bordeaux, 28 novembre. — Dimanche dernier a eu lieu la dis-
tribution des prix que la Société philomatiquc décerne annuelle-
ment aux élèves de l'école d'ouvriers adultes fondée par elle. La
séance s'est terminée par un eiercice musical. Deux cent cinquante
élèves de la classe dirigée par M. Ferrond ont chanté les grands
chœurs du Comte Ory, de la Dame blanche et de Lucie de Lammer-
moor avec beaucoup d'ensemble, de précision et de verve. Deux ou-
vertures à grand orchestre supérieurement exécutées par la section
musicale de la Société , sous l'habile direction de M. Vigneau , l'un
de SCS membres, ont complété cette fêle populaire.
*,* Caen. — Comme les années précédentes, la Société philharmo-
nique du Calvados a rouvert sa carrière annuelle par une messe
au profil des indigents. Les morceaux qui composaient cette messe
sont de plusieurs compositeurs juslcment célèbres. Nomnier i esucur,
Jomelli , Neukomm , c'est expliquer sulTisamment lout l'intérêt qu'a
dû exciter l'audition de cette messe.
Chronique étrangère.
*,* r.iége, 2 décembre.— La distribution des prix du Conserva-
toire de ce' te ville placé sous l'excellente direction de M. Daussoi-
gne, vient de se faire avec une grande solennité, toul-à-fait jiîstifiée
par l'empressement du public. Un magnifique concert , dirigé par
M. Soubre, a suivi la di.^tribution. Entre autres morceaux remar-
quables, on y a exécuté une symphonie nouvelle intitulée l'Orage ,
dont ncitre compalriole Jaspar est l'auteur ; le chœur de Juda-i Ma-
chabée, de Hiendcl ; et celui de la bénédiclion des drapeaax dans le
Siège de Coriiitln, de Rossini.
*." Berlin. — Le Célèbre pianiste Dœhler el le violoncelliste
Piatti, qu'on a entendu à Paris aux concerts de la Gazette, sont en
ce moment dans notre ville, où ils obtiennent le plus grand succès.
Le talent remarquable de M. Piatti se révèle chaque jour avec plus
d'éclat, et il peul compter maintenant au nombre des premiers
violoncellistes d'Europe.
".' Londres, 'il novembre. — L'amour de la musique que l'on pa-
raissait négliger, malgré l'ouverture de Drury Lane et de Princess's
Théâtre, s'est tout à coup réveillé : elle nous apparaît chaque soir
dans tout son éclat, sous la direction et les auspices de Julien , qui
vient de faire placarder des alTicbes d'une dimension supérieure à
toutes celles qu'on connaissait jusqu'Ici. Le mot JULIEN a 3 pieds
de haut sur une dizaine de long; enfin la superficie qu'occupe sur
chaque place la mirobolante annonce des Promenades-Concerts dt
Covent Gnrden serait plus que sulTisaiite pour y bâtir une salle de
bains et un boudoir. Jugez ! Mais , ce qiii est aussi bien que l'afGcbe
et ce qui la justifie, c'est l'admirable exécution , l'ensemble qu'il a
obtenu vcn.iredi dernier et hier soir. Les applaudissements donnés
à sa PiilUa ont élé plus grands encore que la taille de son affiche. Ses
souvenirs de R jberi-te- Diable , ses quadrilles anglais, ont eu le
même succès.
— 4 décembre. — Il parait que dans son dernier ouvrage, llie Dau-
cjhter of Suint-Mark (Imité du llbretlo de la Reine de Chypre),
Balfe a cherché à meure sur sa tête la couronne de Meyerbcer et
d'Halévy. Sa partition n'est d'un bouta l'autre qu'une réminiscence
de ces deux compositeurs, sans exclure toutefois Rossini, Donizetli,
Bellini, que l'on reconnait aussi de temps à autre. On n'y trouve
rien de saillant, de neuf, d'original, si ce n'est le talent de miss
Ralnforthqui soutient, on peul dire, à elle seule toute la partie dra-
matique de cet opéra. Sans cette intéressante artiste, sans les décors
magnifiques, imposants, que Bnun a f<it faire à grands frais, et
un ballet fort bien [i;éiiagé , ta l''itle de Saint-Marc mourrait comme
/aue «J'/ioie d'inanition, après la dixième représentation.
r.e Directeur, Rédacteur en chef, Maukice SCHLESINGER.
EN VENTE:
CHEZ MAURICK SCHLESINGEH , 97, r,l]E RICUELIEU.
MÉLODIES, SCÈ\ES ET ÏIOMAIVCES
COSIPOSÉES PAR
FÉLSCIEN DAVID.
li'Egyptienne , romance.
AdiciiK à Charcncc.
2 » El' Absence , romance.
2 » SaltarcIIe.
Le Jour des morts,, méditation, pour voix de basse. 5
L'Ange rebelle, grande scène dramatique pour voix de basse. 5
licRhin allemand, chant national. 2
LA CLEF DU PIANO.
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s'adapUntà tous les Piatios, pour .if prendre le nom des louches, et, en Œéine lemps, la position des itotes sur U portée;
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Rédigée par MM. A^DERS, G. UÉNÉDIT, BERLIOZ, Hesiii BLANCHARD, MaUiii"k JlOURGE-i. F. DANJOU, DCESBERO , FETIS pèle, EdouIlBD FETIS,
StepUEN HELLER, J. JANIN, G. KASTNER , LISZT, J. MEIFRED, GeobgE SAND, L. RELLSTAB, Paul SSIITH, A. SPECHT, etc.
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5. ISarcaroîie, élude. Méreaux.
C, McBStBct, Osbonie.
7. Toccata. J.-P. Pixis.
S. Schei-zo. E. Prudent.
9. Barcarolla. H. Rouelle».
(0. Scherzo. J. Hosenliain.
II. Koctume. S. Tliulberg.
,1:2. Élégie et Prière. E. Wolff.
SOMMAIRE. Le Camp en Silésie , opéra en 3 actes, paroles de
l'ellslal), musique de G. Meyerbeer (deuxième article) ; par F.
DANJOU. — Lettre à M. le directeur de la Gazelle nnisicitle ; par
FÉTIS père. — Matinées musicales; i)ar II. BLANCHARD. —
Revue critique : Trois ballades, de Fr. Kivcken ; par MAURICE
BOURGES. —Ecole du violon, de D. Alard; par G. KASTNER.
— Deux grandes fantaisies sur laJuive et lu l''avonle , de L. Messe-
mœckers; par H. BLANCHARD.- Feuilleton. — Nouvelles.—
Annonces.
LA SERINETTE. Dessin de Gavarni.
Kos Abonnés reçoivent avec le présent numéro les
chaTinants complets de la BSOU^gUE'iTMÈKE , chantés par
Bï-»c- îBoriis-Gras , dans ïc ï.,.4KaAffi®3iE , opéra d'Halévy.
LE CAiP m SILESSE,
OPÉRA EN 3 ACTES.
Paroles de Rellstab ; musique de G. METERBEEK.
(Deuxième article*.)
L'apparition d'un nouvel ouvrage de Meyerbeer eût été à
toute époque un fait d'une grande importance dans le inonde
(*) Voir le numéro 60.
Portefeuille de deux CaïUalrices ^^\
CLOTILDE B***. AU COMTE DE RÉVAL.
Paris, 20 août.
J'ignore oti celte lettre vous trouvcr.i , monsieur le comte.
Vous vous êtes éloigné, sans daigner m'apprendre où vous alliez,
ni combien durerait voue absence. Vous m'avez quittée , comme
on ne quitte pas la dernière dos femmes , car vous ne m'avez
pas même fait l'honneur de me parler franchement. Je ne sui-
,vrai pas votre exemple : j'avouerai mes torts, qui n'excusent
pas les vôtres , et je laisserai à voire conscience le soin de nous
juger tous les deux.
Eh bien ! oui , j'aime quelqu'un qui n'est pas vous : je me suis
laissé entraîner aux témoignages d'une passion vive et sincère
jusqu'à la folie ; j'ai eu pitié d'un enfant qui voulait se tuer par
amour pour moi ; je me suis figuré qu'avec le temps cette pas-
sion se calmerait : au contraire , elle n'a fait qu'augmenter et
m'a gagnée moi-même , sans rien changer cependant aux senti-
ments que j'avais pour vous, sans rien effacer de mon cœur ni
de ma mémoire. Voilà mon forfait tout entier : suis-ji; donc une
si grande criminelle, monsieur le comte? n'existe-til aucun
motif d'indulgence pour une femme qui, dans ma position,
commet une faute de ce genre? Si c'était par calcul , par spécu-
(I) Voirlesnuméros 40, -il, 42, 43, 44,45, 4C, 47, 4S, 49 et 50.
iation, je mériterais votre haine, et je n'articulerais pas une
syllabe pour ma défense. Mais vous savez aussi bien que moi à
quelle espèce de fatalité j'ai cédé dans celte circonstance, et vous
n'en tenez aucun compte ; vous poussez l'oubli des convenances
aussi loin qu'il peut aller ; vous nie jetez là comme un fardeau
pénible, dont on est enchanté de se délivrer! Permettez-moi
de vous dire, monsieur le comte , que cela n'est ni poli ni loyal.
Je ne veux pas récriminer, j'aurais trop d'avantages : je vous
rappellerai seulement qu'en pareil cas je n'ai jamais agi de la
sorte, et pourquoi? parce que je vous aimais. C'est aussi par la
même raison que je ne vous ai pas tout avoué dès le premier
jour. Je supposais que ma dissimulation vous ferait moins de mal
que ne vous en eût fait ma franchise. Je me suis abusée, je le vois.
En me séparant de vous brusquement, je vous aurais rendu ser-
vice : vous venez de me le prouver. Je profite de la leçon et je
vous en donne une autre , en me confessant à vous sans réserve.
Pourquoi n'auricz-vous pas la générosité de m'imiter? Un autre
amour s'est emparé de votre âme : pourquoi ne me l'avoir pas
déclaré ? Qui jamais eût pensé qu'une liaison telle que la nôtre
se dénouerait comme un de ces caprices qui n'ont duré que peu
de jours? Réfléchissez, monsieur le comte, et dites si, malgré
la faute , que je reconnais , 4ue j'avoue , je n'ai pas quelque droit
de me trouver blessée : dites lequel de nous deux avait au fond
du cœur le plus d'attachement véritable et tenait le plus à
l'autre.
BUnSAirx D'AEOMWTEMEMT, HUE KICHEÏ.IEÎJ , 97.
b20
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
musical; mais aujourd'hui, dans un tempsde stérilité et d'inac-
tion comme celui où nous vivons , c'est un événement qui
intéresse au plus haut point l'art et les artistes. L'homme de
génie qui a produit les deux chefs-d'œuvre dramatiques du
SIX* siècle, est-il encore, après dix ans de silence, doué du
même talent et de la même puissance ? sa ven-e est-elle aussi
féconde, son goût aussi pur ? Telles solit les questions que se
sont adressées à ce sujet les amis de la musique dramatique.
JKb bien! nous n'hésitons pas h répondre, après deux audi-
tions attentives de l'opéra représenté à Bei lin, que le génie de
ïmXem des Huguenots, en se modifiant suivant les exigences
du sujet qu'il devait traiter, n'a pas cessé de faire briller toutes
les qualités qu'on ne lui conteste plus et qui ont valu à ces
créations un succès universel.
Le caractère distinctifdu génie de Meverbeer, c'est d'être,
comme on dit dans le jargon de la philosophie , éclectique.
Embrassant d'un seul coup d'œil , et par suite de profondes
études , l'histoire complète de la musique dramatique, il a
rassemblé tous les genres de mérite qui se sont produits sur
la scène ; il se les est appropriés par une originalité de formes
qui lui appartient, et il a su présenter dans ses ouvrages
un mélange heureux et varié de tous les styles et de toutes
les époques.
Un autre maître, l'une des gloires de la musique de notre
temps, a marché dans la même vcie et produit les mêmes ré-
sultats dans un ordre d'idées tout différent. Je veux parler de
Çherubini , le père de l'éclectisme musical , si l'on peut ainsi
dire. Toutefois, Çherubini , fils de l'école italienne, a toujours
conservé des formes extrêmement sévères , un style d'une
correction inimitable; mais aussi , et par suite, une certaine
roideur, une allure gênée, une mélodie asservie h l'accompa-
gnement ; tandis que Meyerbeer, né de l'école allemande,
s'embarrasse moins de la correction et de la pureté des for-
mes ; sa mélodie est plus libre et respire plus à l'aise ; il com-
mande à l'harmonie au lieu de lui obéir; il a plus de fantaisie,
de spontanéité ; en un mot, il est plus dramatique.
Il y a dans toutes les œuvres de l'humanité un terme oii
elles s'arrêtent dans leur marche progressive. Dieu a dit au
gém'e de l'homme comme aux flots de la mer : Tu n'iras pas
plus loin. Ainsi , les langues se forment lentement; aiTivées
au point de perfection où les portent les écrits des Bjeilleurs
poètes ou prosateurs , elles s'arrêtent stationnaires pour se
corrompre ensuite peu à peu et se transformer dans le cours
des siècles en des langues nouvelles et variées. Il semble
que la même loi doive exister pour la musique moderne; <i
peine quelques siècles se sont écoulés depuis que rharBaonie
est découverte, et les progrès de cet art nouveau ont marché
avec une rapidité prodigieuse.
De Palestriiia à Beethoven, on compte à peine trois siècles^
et cependant quelle distance inmieuse sépare ces deux génies !
Avec Haydn, Mozart, Beethoven, la musique modernea reçu ses
dernières formes; après ces génies immortels, le champ reste
ouvert à l'éclectisme, c'est-à-dire aux auteurs qui, profitant
de tous les systèmes, connaissant tous les styles, les jetteront
dans un creuset pour les fondre et les façonner à leur guise,
suivant la variété et la puissance de leur imagination.
Çherubini pour la musique sacrée, Meyerbeer pour la mu-
sique dramatique, sont les deux fondateurs et les deux plus
solides bases de cette école éclectique que nous venons de
définir, et qui commence la dernière phase de la musique
moderne.
Ces réflexions nous ont conduit loin de l'ouvrage dont
Meyerbeer vient d'enrichir la scène allemande ; elles étaient
cependant le préambule nécessaire au jugement que nous en
voulons porter.
En effet, la partition du Camii en Silésie n'appartient à
aucune école et dérive de toutes; on n'y trouve assurément
aucun plagiat ni réminiscence , cependant tous les genres et
tous les styles s'y trouvent réunis et habilement tissés. Ce n'est
pas à dire pour cela qu'il n'y règne pas une originalité pi-
quante, une grande variété de formes et d'idées; cependant on
voit que l'auteur parle la langue de Mozart , de Haendul, de
Bach et de Marcello. Il dirige autrement son pinceau, mais il
emploie leurs diverses couleurs. C'est là ce qui con.slituc
l'écleciisnie.
Le premier et le troisième acte ne présentaient aucune _
Je ne prétends nullement en appeler d'une résolution que tout
annonce devoir être i»él)ranlable : peut-être même ne le vou-
drais-je pas. Je ne vous demande pas de grâce, mais je sais qu'à
votre place je n'aurais pas aitcndu qu'où me la demandât pour
l'accorder. Soyez heureux , monsieur le comte ; soyez-le autant
que je l'ai toujours désiré cl que je le désire encore. Que le sou-
venir des longues années que nous avons passées ensemble ne
trouble pas vos nouvelles félicités. Puissicz-vous ne jamais ren-
contrer de femme d'une humeur plus légère que la mienne, d'un
caraclèrc moins sûr, moins dévoué que le mien. Je ne souhaite
pas que vous me regrettiez : je vous prie seulement de me rendre
justice, lorsque roccasion s'en présentera, et j'ai bien peur
qu'elle ne se présente plus tôt que vous ne le croyez.
LE COMTE DE RÉVAL A CLOTILDE B***.
25 août.
Grand merci, madame, de la touchante intention qui vous a
dicté votre lettre. Je me regarderais comme un ingrat si je dou-
tais un seul instant de la sincérité des vœux que' vous formez
pour mon bonheur. Quoique je ne dusse guère pi'attendre à des
reproches de votre part, je reconnais ce qu'il y a de k'gitime
dans quelques uns de ceux que vous m'adressez. La seule chose
à laquelle je ne puisse me montrer infiuiment sensible , c'est le
mérite des aveux que vous voulez bien me faire relativement
aux causes de la rupture survenue entre nous. A ce sujet je vous
demanderai la permission de vous raconter une petite anecdote.
que j'ai trouvée dans les mémoires d'un grand poète , et qui ne
me semble pas dépourvue de tout intérêt.
AllJeri, le fougueux et tendre Alfieri , s'était passionné pour
une belle dame anglaise, qui de son côté ne l'avait pas désolé
par ses rigueurs. Pour obtenir d'elle quelques momeuts d'un
doux têie-à-têie, il avait commis toutes les imprudences, bravé
tous les périls que peut rêver l'imagination d'un poëte et d'un
.•>mant. Dénoncé au mari , qui était officier dans la garde royale,
il avait répondu à son appel et s'était presque jeté au-devant de
son épée dans un duel sans témoins au coucher du soleil , dans
l'enceinte de Green-Park. Lorsque le combat eut lien, il avait
l'épaule gauche démise par suite d'une chute de cheval : il en
revint, de plus, légèrement blessé au bras droit ; mais en revoyant
celle qu'il adorait, il oublia toutes ses souiTrances; en apprenant
que bientôt elle allait reconquérir sa liberté par le divorce , il se
regarda comme le plus heureux des hommes, et à l'instant
même, il promit à sa maltresse de l'épouser, moyennant quoi
elle devait être aussi la plus heureuse des femmes. Cependant
il remarquait sur le front cliarmant de son adorée un nuage de
tristesse que toutes ses protestations ne pouvaient dissiper. Il
avait beau lui jurer que rien au monde ne l'empêcherait de s'u-
nir à elle et de consacrer par les garanties de l'hymen un amour
qui s'était formé en dehors de ses saintes lois, la dame avait
toujours l'air inquiet et défiant : des larmes s'échappaient de ses
yeux, en même temps que le doute errait sur ses lèvres. AlQeri
s'impatientait de ces symptômes offensants, dont il ne pénétrait
pas la secrète origine. Ënfîn, au bout de quelques jours, le mot
DE PARIS.
m
silualion forte, aucune passion énergique. II fallait se borner
à' être gracieux, distiiigui';, mélodieux'; Mcyerbeer aélé tout
cela. Le duo du premier acte entre Conrad el Vieilka est un
chef-d'œuvre d'élégance et de facture ; on pourrait désirer,
comme dans quelques autres morceaux de l'ouvrage, que ce
^luo fût un peu moins développé, et nous pensons qu'il aura
été possible d'y opérer quelques coupures qui , h la scène
surtout, nous paraissaient nécessaires. La romance de Vieilka
deviendra populaire, et le chant des bohémiens accompagnant
lin solo de Vieilka est plein d'originalité.
Les couplets du ténor, servant d'exposition à la pièce, sont
d'un effet piquant et original.
La tin du premier acte est complètement admirable : Fré-
dérJc-le-Grand est sur le point de tomber au pouvoir de l'en-
nemi; le capitaine Saldorf, viens et fidèle serviteur, essaie
par un stratagème de sauver le roi et la pairie, et revêtant du
manteau royal le fiancé de sa fille, le livre, au lieu du roi, au
capitaine des pandours. Frédéric lui-même est arrêté ; mais,
se faisant passer pour un joueur de (lûte et prouvant son
habileté sur cet instrument , échappe à ses ennemis. Les con-
trastes qui abondent dans cette scène ont fourni à Meyerbeer
des éléments d'effet et de variété. La prière fervente que Sal-
dorf adresse au ciel pour le roi commence cette scène finale,
et est reproduite après en actions de grâces du succès ; le
solo de flûte de Frédéric-le-Grand, le quiproquo dont Conrad
est l'objet, Tanxiétc de Saldorf, la joie et les accents bruyants
des pandours, tout cela forme un tableau délicieux, rehaussé
par l'intérêt soutenu de la musique.
Au deuxième acte, on nous donne en spectacle le tumulte
des camps, les apprêts d'une bataille, l'insouciance et les
ébats joyeux des soldats; c'est tout ce qu'il y a dans cet acte,
absolument vide d'action et dénué d'intérêt dramatique.
Meyerbeer a tracé de main de maître cette esquisse de la vie
miUtaire. Les deux chansons des soldats qui commencent cet
acte sont destinées à une popularité européenne ; la marche
finale ])our quatre chœurs et quatre orchestres différents
est une œuvre gigantesque.
Au troisième acte, si on excepte la musique de circon-
stance destinée h accompagner les tableaux allégoriques , on
ne peut citer que le solo de Vieilka concertant avec deux
flûtes et qui est d'un goût exquis, et le charmant trio qui,
termine cet acte. La musique qui accompagne les tableaux
allégoriques est fort riche sous le rapport de l'invention, et
on y remarque plusieurs mélodies très originales.
Nous regrettons de n'avoir pu , par une lecture atlcnlivc
de la partition, analyser avec détail les beautés dont cet ou-
vrage fourmille; nous regrettons encore plus vivement que
Meyerbeer ait voulu donner au public berlinois les prémices
de cet ouvrage, car l'auteur des fliiguenois n'est et ne peut
plus être qu'un compositeur français. Qu'il se hâte donc de
revenir en France pour y recueillir les applaudissements et
les couronnes que décerne le public-roi dont l'opinion gou-
verne le inonde , et dont la pui.ssance va jusqu'à forcer les
habitants de Berlin, de Vienne, de Madrid, de Saint-Péters-
bourg à s'habiller comme il s'habille, se coiffer comme il se
coiffe, se chausser comme il se chausse. Heureusement qu'en
fait d'art et de goût ce despotisme s'exerce presque toujours
d'une manière judicieuse et sensée. Les succès obtenus par
Meyerbeer sur notre première scène lyrique eu sont la preuve.
Je remplirais bien incomplètement ma tâche, si je ne parlais
pas de l'exécution de cet opéra et surtout de l'exécution des
chœurs. On n'a pas la moindre idée en France d'un tel en-
semble, d'une telle justesse, d'une telle perfection. Les cho-
ristes de Paris (c'est triste à dire) dinenl de l'aulel et soiipent
du Ihéâlre. Après avoir chanté dans les églises plusieurs
offices-chaque jour , ils montent sur les planches , où leurs
voix enrouées , fatiguées, leur altenlion distraite, neprodui-
smt ti'op souvent que des cris inhumains. Cet état de choses
ira de mal en pis si le gouvernement ne prend pas des mesures
sérieuses pour propager en France l'élude du chant en chœur.
D'une part , et ce sera bientôt , les églises seront dans l'im-
possibilité de réunir et do payer des chantres pour l'exécution
des offices ; de l'autre, les théâtres n'auront plus que des
choristes étrangers à l'étude de la musique, et auxquels on
apprendra par cœur et h grand'peine la partie qu'ils doivent
exécuter, musique de perroquets, bonne tout au plus pour
de rénigiue lui fut révélé. La dame vint lui avouer, avec redou-
blement de soupirs et de sanglots , qu'elle savait bien qu'il ne
l'cpouscrait jamais, parce qu'avant de l'aimer elle en avait aimé
uu aulre. — Et qui donc ? s'écria impétueusement le poëte. — Un
jockey, reprit la dume , qui élalt et qui est encore au service de
mon mari.
Jo n'essaierai pas de vous peindre l'indignation d'Alfieii, en
apprenant de la bouche même de sa maîtresse les détails d'une
intimité qui la dépouillait de lous ses prestiges et la reléguait
dans la classe des plus viles créatures de son sexe. CcpendanI, en
faveur de cet aveu spontané, il scniit sou indignation fléchir;
il lui déclara qu'il aurait le courage de ne pas l'abandonner et
d'aller vivre avec elle dans quelque coin obscur d'Europe ou d'A-
mérique, où ils cacheraient lous deux leur infamie. Mais que
devinl-il , lorsque le lendemain il trouva sur sa table un des
nombreux journaux qui se publient à Londres , et dans lequel
toute l'histoire de ses amours était racontée avec les noms pro-
pres, y compris le ridicule épisode du jockey, son rival! Il faillit
tomber mort en lisant cet ;irlicle et en reconnaissant que sa
perfide maîtresse ne lui avait «pon/anémeîjt avoué que ce dont
le journaliste avait déjà régalé ses lecteurs.
Est-il besoin de tirer la morale du petit récit qui précède? Je
me garderai sans doute de vous comparer, quant aux mœurs, à
la maîtresse d'Alfieri; mais, quanta la franchise, je vous trouve
à peu de chose près de même force; votre aveu me paraît digue
de l'autre ; vous me permettrez donc de ne vous en savoir aucun
gré. Si les journaux de Paris n'ont pas instruit le public des par-
ticularilés qui nous concernent, c'est qu'ils avaient autre chose à
faire; sans quoi, j'aurais pu leur fournir la matière de quelques
articles assez piquants. Ce n'est ni par vous ni par la voie de la
presse que j'ai su à quoi m'en tenir sur le rôle que je jouais : j'ai
pensé qu'il était temps d'en changer, justement pour prévenir
le scandale : si je n'ai pas jugé à propos de vous en avertir, ni
de vous consulter, ne vous en prenez qu'à vous-même. La con-
fiance ne se commande pas , et vous n'aviez plus rien de ce qu'il
faut pour m'en inspirer.
CLOTILDE B'**'* A ESTHER SAUNIER.
P.ri> , 30 aciit.
C'en est fait, chèie amie: j'ai décidément rompu avec le
comte. Je lui avais écrit ma lettre très convenable : il ne m'a ré-
pondu que des impertinences, et pourtant j'ai peine à croire qu'il
ne m'aime plus du tout. Je ne sais quelle terre il habite : ses
amis n'en savent rien non plus, el je les crois sincères. M'a-t-il
quittée seulement par amour-propre ou bien par amour pour
une autre femme? c'est ce que j'ignore, el en vérité je serais
bien bonne de m'en inquiéter. Je ne veux plus m'occuper que
de mon art , que du théâtre , et puis n'ai-je pas Gaston pour me
consoler? Il ne se doute de rien, le pauvre enfant! il ne soup-
çonne pas ce qu'il me coule. En voilà un du moins sur qui je
puis compter, comme je compte sur loi, que j'ai eu si peu le
temps de voir à Ijordeaux. É';ris-moi le plus tôt et le plus sou-
vent possible : quel dommage que dans tes lettres tu ne puisses
pas m'envoyer quelques sons ravissants de ta voix!
La suite au prochain jiuméro. Paul Smith,
622
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
les forêts de l'Amérique , et indigne d'un pays civilisé. En
Prusse, c'est honteux à dire pour la France , mais c'est vrai ,
tout le monde apprend la musique dans les écoles : aussi en-
tend-on dans les églises des chœurs harmonieux, et au théâtre
une exécution parfaite. Il faut ajouter que les choristes sont
d'une tenue grave , attentive , qu'ils ne rient pas avec leurs
voisins et voisines, qu'ils n'ouvrent pas la bouche en faisaut
semblant de chanter, comme j'ai vu faire autrefois à l'Opéra
de Paris. Il est vrai qu'il y a longtemps que je n'y vais plus :
peut-être les choses ont-elles changé depuis lors.
J'ai aussi entendu à Berlin, dans un salon, une cantatrice,
M"' Lindt, que je crois destinée à obtenir à Paris les plus
grands et les pins légitimes triomphes. M"° Sontag , dans
toute sa gloire, n'était pas plus admirable que cette jeune
artiste au début de sa carrière.
La direction de l'Opéra se hâtera sans doute d'appeler h
elle ce secours inattendu, ce talent si nécessaire; avec
M"" Lindt et le Prophète , on peut prédire à l'Opéra de beaux
jours.
F. DANJor.
A M. LE
DE LA GAZETTE JIOSICAli.
Bruielies , 7 décembre 1844.
Vous désirez, monsieur, que je ne laisse pas sans réponse
les soi-disant réfutations de mon dernier article sur le contre-
point, qui ont été publiées dans le numéro û8 de la France
musicale .- mais à quoi répondrais-je? Serait-ce au préambule
signé la rédaction, où l'on déclare que la nécessité de main-
tenir la vérité et de combattre le paradoxe , impose le devoir
d'en finir avec les opinions inadmissibles que je me plais de-
puis quelque temps h lancer dans le public? Je ne crois pas
avoir à faire de réponse à cela , car tout le monde sait bien,
hors la rédaction de la France musicale , que les opinions
émises dans mon dernier travail sont celles de loule ma vie;
qu'elles ont été le principe de mes concerts hisloriques; que
j'en ai exposé les doctrines dans les discours écrits pour ces
concerts, il y a douze ans, ainsi que dans mon cours de la
philosophie de la musique, fait à la même époque; que cer-
tains journaux de Paris m'oni alors objecté les mêmes pau-
vretés qu'on m'oppose aujourd'hui, et que je les ai réduits au
silence par les articles que j'ai publiés dans le journal le
Temps; enfin, que ces articles, les analyses de mon cours,
et les discours de mes concerts ont été traduits alors dans les
journaux de musique et da.s quelques recueils scientifiques
et littéraires de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Angleterre,
avec des témoignages d'enthousiasme pour une idée régéné-
ratrice, dont le but est le culte de l'art sous toutes ses formes.
Tout le monde, dis-je, sait cela. D'ailleurs, la note de la
rédaction de la France musicale est une de ces phrases à
effet, en usage dans les journaux de noire temps, et que
chacun prend pour ce qu'elles sont. En écrivant les mots de
paradoxe et de vérité, cette rédaction ne s'est pas mise en
peine de la justesse de leur application (1).
Je ne puis non plus répondre à M. Zimmerman, qui, sans
entrer au fond de la question, se borne à opposer à ce que
(I) J'avais écrit à M. Troupenas, en 1838, une longue Icltre con-
cernant les principes de la philosophie et de la théorie de la musi-
que. Par une lettre remplie d'expressions admirativcs, la rédaction
de la France musicale me demanda l'aulorisalion de publier cet écrit;
des raisons particulières ne me permirent pas de l'accorder. Or, les
principes répandus dans cet écrit sont précisément les mêmes que
ceux qui paraissent inadmissibles aujourd'hui !
j'ai écrit dans un endroit ce qu'il a dit dans un autre. Il ré-
sulte seulement de ce qu'il a publié dans le numéro Ut de la
France musicale qu'il a des principes différents des miens en
théorie, chose connue maintenant de tous les musiciens, et
que je n'ai certainement pas le droit d'improuver. Vous voyez
qu'une réponse est encore inutile à ce sujet.
A l'égard de la diatribe de ce M. Azevedo, dont l'outrecui-'
dance a révolté vos amis et les miens , de pareilles imperti-
nences ne méritent pas qu'on y réponde, car celui qui écrit
de ce ton, fait juger à la fois de son éducation et de ses doc-
trines par son style. D'ailleurs, je l'ai déjà dit dans une de
mes lettres à M. Zimmerman , ce monsieur ne comprend ja-
mais ce qu'il lit : vous trouverez des preuves multipliées de
cette vérité dans le beau morceau sorti de sa plume, Par
exemple, j'avais dit dans la conclusion de mon article sur le
contre-point qu'il n'en est pas de l'art, où l'idée et le senti-
ment sont d'inspiration, comme des sciences, où des con-
naissances nouvelles s'ajoutent à des connaissances acquises,
et marquent conséquemment le progrès : vous croyez peut-
cire que l'homme en question va me prouver que l'inspira-
tion du beau s'accroît avec le temps, et qu'elle produit de
plus belles choses dans la tète des compositeurs actuels que
dans celle de Mozart? Point du tout; il prend son argument
dans les sciences , et m'oppose le premier homme , mis en
parallèle avec Leibnitz et Newton , qui prouvent précisément
la justesse inattaquable de ma distinction; car Leibnitz n'eût
point inventé le calcul différentiel, si Descartes ne lui en eût
fourni l'instrument dans la découverte de l'application de
l'algèbre h la géométrie, et >fewton n'eût pas trouvé la gravi-
tation universelle, si les quatre lois fondamentales de l'astro-
nomie moderne n'eussent été données auparavant par Kep-
pler , qui les aurait certainement ignorées s'il n'eût eu pour
prédécesseurs Copernic et Tycho-Brahé ; tandis que la créa-
tion d'une phrase de mélodie vraiment originale n'a rien de
commun avec les mélodies qui l'ont précédée.
La même perspicacité, le même jugement, se montrent
partout dans le nouvel écrit de ce monsieur; mais à quoi bon
lui démontrer ses aberrations? En supposant qu'il comprît
la démonstration, et qu'il en fût al ter ré, comme il disait naï-
vement dans sa prétendue réponse à ma première lettre con-
cei'nant ses erreurs, il ferait ce qu'il fit dans cette occasion,
c'est-à-dire qu'il se tairait sur sa déconvenue, et parlerait
d'autre chose, sauf à user derechef de la même manœuvre
s'il n'était pas plus heureux. Avec les hommesde cette trempe,
il n'y a ni examen sérieux ni discussion approfondie à espé-
rer, et conséquemment il ne faut pas leur répondre.
Au surplus, monsieur, mes doctrines contre la perfec'ibl-
hté du génie des arts, c'est-à-dire, de l'inspiration et du sen-
timent , par les progrès sociaux , n'ont pas besoin d'être dé-
fendues : les faits répondent victorieusement pour moi.
Homère n'appartient-il pas à l'enfance de la Grèce? Le Dante
n'a-t-il pas inventé sa merveilleuse épopée apocalyptique au
milieu de la barbarie du xiii" siècle? Cependant ces poètes
ont fourni des types, des idées et des images aux poètes de
tousles temps , et nul ne peut leur être comparé pour la puis-
sance d'invention. Quel peintre moderne égale Raphaël, ce
peintre du xv" siècle, dans la beauté idéale, la grâce, l'ex-
pression variée , la simplicité , le grandiose ? Or , ces qualités,
c'est l'art dans ce qu'il a de plus élevé ! Si la peinture avait
progressé depuis le temps où vécut ce grand homme , nos
jeunes artistes seraient-ils frappés d'étourdissement et de
stupeur , dès leur arrivée à Rome , à la vue de la multitude
d'œuvres sublimes enfantées par un homme mort depuis trois
cent cinquante ans ? Et pense-t-on que la musique , cet arte
SUPPLEMENT.
SUPPLEMENT.
DE PARTS.
i23
principe, comme rappelle Gioberti , ne d«5pehde pas plus '■
eûcbre de la création spontanée , de l'inspiration libre, qui
n'ont rien à faire du progrès et de la civilisation? Cef art se
transforme et ne progresse paS; à moins qu'on n'appelle
progrès certaines formules et certaines ressources matérielles
qui s'y ajoutent incessamment , et qui ne sont que les acces-
soires de l'invention de l'artiste , Comme la fidélité du cos-
tume <!t l'exécution parfaite des étoffes et des ornements,
ajoutés par les peintres modernes h leur art, sont les acces-
soires de la peinture. Ainsi que je l'ai dit en plusieurs en-
droits , les transformations possibles de la musique approchent
dé l'infini, parce que les combiuaisons des sons, sous les
rapports de tonalité, de rhythme, de timbre et d'intensité,
sont en quelque sorte inépuisables; ce qui prouve en quel
état est le bon sens de M. Azevedo lorsqu'il m'accuse de con-
duire, par mes opinions, au fatalisme mahométan et àl'im-
uiobilisme chinois.
Mes doctrines, je le répète , n'ont pas besoin d'être défen-
dues, car elles sont les conséquencesnécessaires des doctri-
nes idéalistes de l'antiquité et des temps modernes; elles ont
pour appui les hommes les plus illustres parmi ceux qui en
ont été les chefs , depuis salut Augustin jusqu'à iMalebrân-
che, depuis Leibnitz jusqu'à M. de Schelling, depuis Des-
cartes jusqu'à M. Cousin, enfin depuis Fardella jusqu'à
51. Gioberti. Elles ne trouvent d'adversaires que parmi les
phrénologues et les sensualisles. Ce même Gioberti , le pre-
mier philosophe de l'Italie et l'écrivain le plus harmonieux,
le dialecticien le plus habile de l'époque actuelle , a merveil-
leusement combattu la doctrine progressiste du beau artistique
dans ses Eléments de philosophie esthétique (l);ïîerder,
dans sa CaHigone; Jacobi , philosophe sentimental et reli-
gieux , dans ses romans philosophiques; M. Ferdinand Haud,
dans son Esthétique de la musique (2) , ne se sont pas mon-
trés moins ardents adversaires de cette doctrine matérielle ;
enfin, l'illustre Thibaut, lumière de l'université de Heidel-
berg , etl'une des plus puissantes intelligences de l'Allemagne,
après avoir établi , dans son livre sur la pureté de la musi-
que (3), que le sentiment de l'art est une émanation divine
qui, dans tous les temps, a la même puissance, m'a écrit,
peu de temps avant sa inurt, une longue lettre de félicitation
sur les tendances élevées des théories musicales que je cher-
che à faire prévaloir en France et dans ma patrie : cette lettre
a été publiée dans plusieurs journaux allemands, et M. Specht
en a donné une traduction dans sa notice nécrologique sur cet
homme célèbre (i). On y voit qu'il avait prévu les attaques
auxquelles je suis en butte :
CI Lorsque vous publierez votre Philosophie de la musique
1) (dit-il) , vous devez vous attendre à voir tomber les plus
» beaux germes de votre pensée sur une terre aride. Peu de
1) gens vous comprendront, et parmi ceux-ci, les plus avisés
11 feindront de ne pas vous entendre. »
Thibaut avait raison; mais qu'importe? Je relis en ce
moment les lettres de Descartes, et j'y vois que les Azevedo
de son temps s'étaient acharnés après lui par douzaines : loin
de s'en décourager, ce grand homme montre, en cent en-
droits de sa correspondance, un dédain profond pour leurs
réfutations prétendues de ses idées. Si je n'ai son génie, j'au-
rai du moins sa sagesse. Agréez , etc.
FÉTis père.
Directeur du Conservatoire de Bruxelles.
(i) Del Bello, Melinc, Caris elC"-, Brusclles, 1843, in-8.
(2) Aesthclili dur yor/î«»si. leipS^ck, 1837-1841, 2 vol. in-8.
(3) UeberJteinlieilder Tontinnsl. Hcidelberg, 1826, in-8.
J4) Hevue et Gazelle musicale de Paris, 1840, n" 37, p. 314-3IC.
yxîâftdJ «s W' Élise d'Eicbllial. — M. Charles Daiicla. — > ''O'^"»'
Société de bfèiifàisatice des amaileurs allemanils.- — M. Montai. — 51. Yaii Nule|î
—M. etM'M'eny. j' .
Le voilà revenu ce temps d'exbibilion de fantaisies, de va-
riations , de cavatines , de romances et de chansonnettes, qui
témoigne que l'art musical est endémique en France. Nous
avons cru que ce n'était qu'une mode; mais la musique est
maintenant inhérente à l'éducation de toutes les classes de la
société; et nous pourrions bien, dans la saison musicale qui
se prépare, avoir à rendre compte à nos lecteurs d'une demi-
douzaine de concerts donnés simultanément le même jouf
dans quelque maison à cinq étages , y compris , par consé-
quent, la soirée musicale du portier. En attendant ce résiiltâ^
de la mission d'observateur consciencieux des bonnes et belles
choses, ou, si l'on veut, du travers musical de ce temps, nous
nous féhcitons d'avoir à «ignaler la venue en France d'une
harpiste de taletit. La harpe, ce bel instrirment sur lequel le
roi David jouait de si jolies fantaisies devant l'Arche d'al-
liance ; la harpe, que jiorte sur son étendard la verte Érin, la
malheureuse Irlande, et qui murmure depuis si longtemps des
hymnes deliberté; la harpe, qu'ont portée à un si haut degré
de perfection le vicomte de Marin, Nadermann , îBochsa ,
Labarre et M"° Bertrand , et qui est menacée de rètombei'
dans l'oubli, a trouvé un nouvel interprète dans M"'"' ÉliJse
d'Eichlhal. Cette habile instrumentiste s'est fait entendre
samedi passé dans les. salons de l'hôiel de Larochefoucauid
d'Estissac, rue Saint-Dominique, chez M"'' h comtesse Razu-i
mofsky, et y a donné des preuves d'un talent, si non vigoùS:-
reux, du moins plein de grâce et de suavité. La harpe, som
les doigts de M"' Elise d'Eichthal, est mystérieuse, vaporeuse;
c'est la harpe éolienne qui invite aux douces rêveries. L'au-
ditoire s'y est abandonné avec d'autant plus de plaisir que
M. Cosmann est venu dire sur son violoncelle impression-
nant deux mélodies de Schubert, laSérénade et VAve Meri&i
accompagnées d'une manière aérienne et délicieuse par la
harpe de iM™" d'Eichlhal. ■ ii'j
Si l'auditoire qui s'était rendu à l'-invitation de celte -viis^
tuose était des plus distingués, on peut dire aussi que l'art qtii
se manifestait là n'était pas moins aristocratique , puisque
M"'" Damoreau nous a fait entendre un morceau de Rossini et
un air français. C'est toujours la même pureté de style , ce
goiît si distingué, cette sûreté imperturbable d'intonation, ce
fini, celte égalité , cette grâce de vocahsatioil , qui font de
M"" Damoreau la première cantatrice de l'Europe. Et main-
tenant, de cette séance aristocratique, passons à la manifesta-
tion simplement artistique., à la matinée musicale donnée le
lendemain par M. Charles Dancla et ses deux frères, chez le
facteur de pianos M. Duport. On y a dit un quatuor potir
deux violons, alto et basse, un trio pour piano, violon et vio-
loncelle , et un autre quatuor également pour deux violons,
alto et basse , de la composition de M. Charles Dancla. Le
monde artiste sait que, comme exécutant et compositeur,
M. Dancla honore l'école française ; mais c'est une chose
qu'd nous est bon, utile, et qu'il nous est agréable de répé-
ter : ses quatuors sont d'un style pur, classique et dans la ma-
nière des grands maîtres, si l'on veut biea nous accorder qu'il
y ait des grands maîtres en dehors de le fantaisie et de la di-
vagation romantique, cl de par la fugue et le bon savoir.
— Sous la direction de M. Slern , la Sociité allemande de
bienfaisance, composée en grande partie d'amateurs, a donné
une matinée musicale dans les salons de M. Pleyel dimanche
424
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
dernier. Divers morceaux de chant d'ensemble ont été dits
avec cette précision , ce sentiment des nuances et cette jus-
tesse qui sont choses naturelles aux Allemands exécutant de
la musique chorale. Bien que M"" Elise Eichthal , dont nous
ayons parlé plus haut, se soit associée avec d'autres instru-
mentistes à cette bonne œuvre, la musique vocale a eu la su-
périorité dans cette séance, où nos professeurs de chant d'en*
semble, de quelque établissement musical que ce soit, auraient
pu venir prendre une bonne leçon. Si les exécutants sont so-
lides, imperturbables sur la mesure , l'auteur du programme
n'a pas montré autant de mesure dans ses fonctions ; il s'est
montré si libéral de morceaux, que quelques uns n'ont pu
être exécutés, vu l'heure avancée qui faisait souvenir à la
plupart des auditeurs que le moment du dîner était venu.
Cela n'a pas empêché cette séance d'être une bonne et belle
œuvre de bienfaisance et d'art, et qui a provoqué les fréquents
et triples applaudissemens de l'esprit , du cœur et des mains
de chaque auditeur.
— M. Montai, l'un des plus clairvoyants facteurs de piano
que nous ayons, un de ceux qui remontent le mieux des cau-
ses aux effets d'acoustique par l'esprit d'analyse , a donné
aussi une fort jolie matinée musicale, il y a quelques jours,
dans les salons de son établissement, rue Dauphine. Ses pia-
nos droits de concert ont étonné les amateurs les plus difficiles
par la puissance de leur sonorité, rivalisant les pianos à queue,
embarrassants souvent daus certains appartements qui n'ont
•pas la prétention d'être princiers. Vibration pure et parfaite,
égalité des sons, moyen de passer, par un mécanisme ingé-
nieux, au piano au forte et vice versa , tels sont les avantages,
avec beaucoup d'autres qu'il serait trop long de détailler ici,
qu'offrent lesinstrumentsdeM.Montal. Ces qualités incontes-
tables ont pu être appréciées dans une fantaisie à quatre
mains sur le Domino noir, et un duo pour deux pianos sur
un thème des Mtjstères d'Isis , exécutés par M. Philippot et
M"= Dielte, tous deux premiers prix du Conservatoire, \8kl).
jyjue Verney, également premier prix de harpe de la même
année , a dit un solo de manière à se faire applaudir.
MW. Grosjean, Duhamel, Huet etBeaudillon se sont distin-
gués, le premier sur la clarinette , le second sur le violon, et
les deux autres par leur bonne manière de chanter. En fait de
chant. M"" Henry, ex-élève du Conservatoire, et qui vient de
parfaire son éducation musicale en Italie , où elle a obtenu de
brillants succès ; M"" Henry, qui possède une voix des plus
étendues, a chanté, dans cette séance, de façon à se'.faire juste-
ment applaudir, de jolies romances, une cavatine des Hugue-
nols et un air de liobert-le- Diable, qui ont pu faire appré-
cier la juste expression et la brillante audace de sa vocalisa-
tion. Soit qu'elle se produise au théâtre ou dans les concerts
de la saison, elle y recueillera certainement des suffrages qui
ne seront qu'un écho de ceux qu'elle a provoqués en Italie.
— Et puisque nous venons de parler des preiuiers prix
décernés par le plus grand établissement musical de France
qui vont fructifier à l'étranger, nous citerons un enseigne-
ment plus modeste, celui de M. Van Nuffel, qui forme de
charmantes petites pianistes, depuis huit ans jusqu'à seize,
pouvant rivaliser celles du Conservatoire. Dans la matinée
musicale parternelle et maternelle que M. Van Nuffel a donnée
lundi dernier à l'Athénée des familles , rue de Monsigny, on
a pu se convaincre que sa méthode d'enseigner le piano col-
lectivement est excellente et produit les meilleurs résultats.
Le premier morceau à douze mains pour trois pianos, sur des
motifs du Comte Ory, a été dit par les petites élèves de
M. Van Nuffel, avec un ensemble parfait et des nuances qu'on
était loin d'attendre d'exécutantes de cet âge. Après plusieurs
morceaux de ce genre et un petit duo à quatre mains , dit
par le fils de l'habile et patient professeur, et une virtuose de
cinq ou six ans. M"'' Lucile Lohner, qui n'a pas encore seize
ans et qui se destine au professorat, a exécuté la fantaisie de
Prudent, sur la Lucia, de manière à rivaliser les maîtres.
Netteté , fermeté , exjiression profondément sentie et allant
jusqu'à la vibration rubinienne, tout promet que cette jeune
virtuose doit devenir une grande artiste ; et son exécution
brillante a prouvé que si M. Van Nuffel excelle à commencer
l'éducation des jeunes pianistes , il n'excelle pas moins à la
terminer.
— Nous vous dirons encore , par l'intermédiaire de notre
honorable ami et collaborateur, M. Kastner, en qui nous
avons pleine confiance pour l'appréciation des choses artisti-
ques, que M. Vény, l'excellent hautboïste du Conservatoire
et de l'Académie royale de musique , a donné chez lui, di-
manche dernier , une matinée musicale où l'on a entendu de
belle et bonne musique classique parfaitement comprise et aussi
bien Interprétée. Le trio de Beethoven en tit mineur, pour
piano, violon et violoncelle, et sa sonate en vt dièse mineur
défrayaient la partie sérieuse de cette intéressante séance.
M"" Vény , qui jouait la partie de piano de ces deux chefs-
d'œuvre, s'est acquittée avec un talent vraiment remarquable
d'une lâche aussi difficile. Cette jeune personne possède des
qualités solides qui deviennent de plus en plus rares; son jeu
est égal , serré , d'une netteté parfaite et d'un fini précieux.
On voit que M"" Vény a l'intelligence de la bonne musique
qu'elle exécute , et que l'étude des grands maîtres lui est fa-
milière : aussi est-elle destinée à un brillant avenir. Son père,
au jeu si pur et si expre.ssif, a charmé, ravi l'auditoire, et
M. Dorus, qui avait prêté son concours à son ami et collègue,
M. Vény, n'a pas excité moins d'enthousiasme. Ces deux ar-
tistes hors ligne ont été couverts d'applaudissements, le pre-
mier dans un duo pour piano et hautbois sur des motifs de
VElcsire d'amore, le seconddans un charmant llondoktto de
Kuhlau. Si M. Vény donne encore cet hiver quelques mati-
nées musicales, il ne fera que se rendre aux désirs des ama-
teurs qui s'étaient réunis en grand nombre dimanche dernier
dans ses salons.
Henri Blanchard.
REVUE CRITIQUE.
TROIS BALLADES pour voix d'hommes : Yseult l'Impé-
ratrice, la Fuite des Captifs , les Veilleurs de Nuit , par
FR. KUCKEN.
C'est au-delà du Rhin que l'art de traiter les chœurs pour
voix d'hommes, dans leur véritable style, a pris naissance et
s'est développé plus rapidement que sur tout autre poiiit du
monde musical moderne. L'Allemagne est en possession de-
puis longtemps de celte renommée justement acquise. Pas
un peuple n'a songé à lui en disputer l'honneur. Plusieurs,
au contraire , ont cherché à reproduire un genre dont elle
leur avait donné l'exemple. Dans la tournée , un peu plus
qu'artistique que la France fit en Allemagne à la suite de
Napoléon , elle contracta presque à son insu le goût de cette
disposition vocale , dont certains maîtres , entre autres Phl-
lidor, nous avaient donné quelques rares essais au théâtre.
Dès lors, on vit sur nos scènes lyriques un assez grand nom-
bre d'ouvrages empreints de cette forme : Joseph, La Ca-
verne , Béniowsky... etc. Alais l'imitation se borna à peu
près à cet emprunt, sans en pousser l'application jusqu'à la
DE PARIS.
a25
musique de salon ou de concert à quatre parties pour voix
d'hommes. Et c'était là précisément le caractère original de
ce-genre germanique. La chanson de table, le chœur popu-
laire, si familiers aux étudiants, aux compagnons, aux ou-
vriers, sont très répandus en Allemagne. Les compositions de
celte nature y fourmillent. Il s'y est formé des sociétés régu-
lièrement organisées, qui n'avaient d'autre but apparent que
de sacrifier h l'harmonie. Quelque jour, peut-être, nous re-
chercherons quelle puissante influence les associations mys-'
térieuses ont exercée, dans les xvii" et xviii' siècles , sur la
propagation du chant en chœur pour voix d'hommes. Ces
considérations nous éloigneraient beaucoup trop du point de
vue particulier oii nous voulons nous placer aujourd'hui , et
de .M. Kiicken, qui en est le centre.
Mais, qu'est-ce donc que M. Kiicken? va-t-on nous dire.
Il est vrai que voilà un nom tout nouveau pour la France;
lùais il n'en jouit pas moins en Allemagne d'une popularité
très conforiable. M. Kiicken est aussi connu dans les salons
allemands que 51"" Louise Puget peut l'être dans les nôtres.
Ses lieder, ses nocturnes, ses mélodies, ses chansonnettes y
sont accueillis avec beaucoup de faveur. Selon nous, il l'em-
porte sur sa gracieuse rivale , à l'endroit de la richesse har-
monique, du caractère expressif et de la tournure distinguée
du chant. D'ailleurs, la comparaison cesse d'être possible,
du moment que l'on considère en M. Kiicken l'auteur d'une
collection de chœurs d'hommes , d'une couleur essentielle-
ment originale et disposée au mieux pour l'effet vocal. Entre
autres morceaux de toute nature qu'il présente au public
parisien pour le désarmer, comme les trépassés de l'antique
mythologie offraient des gâteaux de miel au farouche Cer-
bère, M. Kiicken a cru devoir mêler, tout d'abord, trois de
ces chants en chœur, dont il a écrit un si grand nombre avec
succès. Sans doute cette tentative n'est pas chez nous abso-
lument une nouveauté. M. Clapisson et quelques autres com-
positeurs , moins répaiidus , ont publié des morceaux pour
voix d'hommes a trois ou quatre parties. Mais , il faut le dire,
ces œuvres, malgré tout leur mérite, n'ont ni la verve, ni la
désinvolture naturelle, ni l'éclat harmonique, ni surtout l'ex-
cellente disposition vocale des compositions allemandes du
même genre. Celles que M. Kiicken livre aujourd'hui à la
pubhcité se font remarquer par la réunion de toutes ces qua-
lités. A ce mérite, d'ailleurs, se trouve joint l'avantage assez
estimé de paroles convenablement appropriées au caractère
musical. Chacune des trois ballades est un petit drame coupé
en trois couplets, qui prête à la musique le secours d'un in-
térêt toujours croissant.
Impossible qn'Yseult l'ImpéraU'ice , que la Futile des
Captifs, que les Veilleurs de nuit ne fassent pas fortune cet
hiver. Il yalà l'étoffe de trois succès pour les amateurs ou les
artistes qui voudront associer leurs voix. Ces chants ne ren-
ferment, comme on le conçoit, ni difficultés d'intonation
ni traits de bravoure; tout y est simple, facile, harmonieux,
favorable au déploiement de l'organe. Le premier ténor, sur-
tout, peut y faire briller ses notes de fausset dans tout leur
éclat, sans rien demander d'extraordinaire à la voix de poi-
trine.
Yseult l'Liipératricc est une ballade en mi-béraol à quatre
temps et à quatre voix, d'un rhythme noble et majestueux;
et certes, rien de plus à propos : car voici le descendant de
Charlemagne, l'empereur Loihaire, assis au trône, la pourpre
sur les épaules, le sceptre en main, la couronne en tête, l'Oc-
cident à ses pieds ; toutes les pompes de la cour l'environ-
nent; et devant lui défile un immense cortège de beautés
nobles , bourgeoises ou humbles vassales. L'empereur Lo-
ihaire veut faire un-mariage d'inclination : aussi cherche-t-
il une fiancée au milieu de cette élégante armée dont il passe
la revue, jusqu'à ce qu'enfin les yeux de César tombent sur
la timide Yseult , Yseult aux blonds cheveux qu'il couronne
impératrice. On a vu des bergères épouser des rois ; pour-
quoi pas des empereurs ?
La Fuite des Captifs est un morceau d'un caractère plus
dramatique. Un chœur d'homrhes à quatre voix accompagne
un solo de ténor très expressif, écrit à trois temps et en sol
majeur. Des esclaves ont brisé leurs fers; à la faveur de la
nuit, ils glissent sur la mer et passent en tremblant sous les
batteries menaçantes des forts. Tout-h-coup la lune se dégage
des brouillards, la barque est aperçue, la sentinelle jette l'a-
larme, la gueule des canons flamboie, l'écho retentit à la fois
de leur mugissement et des acclamations de joie des fugitifs,
qui sont désormais hors d'atteinte et voguent en paix vers
leur chère patrie.
La couleur de la ballade intitulée les Veilleurs de nuit
se distingue par des son^ plus vifs et plus gais. La mélodie
est brillante, sonore, d'une intelligence facile. Le morceau a
beaucoup d'éclat dans le ton de ré , très favorable aux voix
d'hommes. Les unissons qui expriment les cris des veilleurs
sont du meilleur effet et d'une nuance bien appropriée au
sujet. Cette honnête patrouille se félicite de contribuer à la
siireté , à l'ordre et au repos de la ville durant les heures de
nuit. L'horloge vient-elle à sonner, aussitôt la voix des veil-
leurs fait écho. Un galant escaiade-t-il un balcon, un filou se
glisse-t-il dans un logis, deux spadassins ferraillent-ils dans
l'ombre , vite les excellents veilleurs crient haro sur le ga-
lant ! Au voleur ! à l'assassin ! au feu même ! Heureuse ville !
comment ne reposerais-tu pas en paix avec des gardiens si
fidèles , qui t'invitent au sommeil au bruit de leurs tumul-
tueux avis? Le compositeur a parfaitement saisi et rendu le
côté burlesque de ce petit tableau de genre.
En résumé, nous croyons pouvoir prédire à ces trois bal-
lades en chœur un grand succès de salon et de concert. Elles
feront une heureuse diversion aux romances , aux mélodies,
aux grands airs. Elles jetteront de la variété dans des séances
musicales où la monotonie est entretenue surtout par une
chaîne non interrompue de solos souvent soporifiques.
Maurice Bourges.
ÉCOLE DU VIOLON.
Mélhode complète et progressive à l'usage du Conservatoire ,
par B. AIiARS.
Le violon a traversé dans ces derniers temps des phases
dont l'étrangeté faillit plus d'une fois compromettre son ave-
nir. Un homme s'est rencontré, qui, dédaigneux des formes
consacrées et fuyant les sentiers battus , s'est élancé hardi-
ment à la conquête d'un nouveau monde , et telle était sa
foi, telle était son audace, tel était le rayonnement de son
génie, que chacun put croire un instant à la découverte d'une
ère inconnue jusqu'alors , dont la puissance féconde allait
changer de face les destinées du violon. Cependant l'on ne
tarda pas à reconnaître que cet homme extraordinaire , ce
nouveau messie, n'était qu'un phénomène, un brillant mé-
téore qui devait jeter un vif éclat, puis s'éteindre sans laisser
pour ainsi dire aucune trace. En effet, admet-on comme des
manifestations sérieuses les tentatives inconsidérées des nom-
breux adeptes qui écrivirent sur leur bannière le nom du
célèbre /'ajaniri? Pour la plupart, ceux-ci ne furent pas
même des imitateurs; copistes maladroits, sans âme et sans
U26'
REVUE ET GÀzWTE MUSICALE
originalité, ils s'en tinrent aux procédés d'exécution et se bor-
nèrent à renchérir d'excentricité ; mais, en dépit de leurs ridi-
cules efforts, pas un ne parvint à surprendre le secret de cet
archet magique, ce qui ne les empêcha pas, chose triste h dire,
dc: trouver dos preneurs, et parfois même d'exciter les ap-
plaudissements. Déjà tous les anciens maîtres s'étaient tus,
frappés par la mort ou glacés par l'âge; Baillot lui-même,
leur dernier représentant, se reposait inactif dans sa gloire ;
if ne restait, pour répondre de l'avenir, que la jeune école ,
héritière des saines doctrines auxquelles elle avait su allier à
propos un reflet des idées et des goûts modernes. Cette jeune
école, comme on sait, compte dans son sein plusieurs artistes
pleins 4e sève et de talent. M. Alard , qui occupe le premier
rang parmi eux , après avoir payé de sa personne et prêché
d'exemple, veut aujourd'hui formuler ses leçons et passer de
la pratique à la théorie ; ce désir est d'autant plus louable que
de nombreuses occupations sollicitent incessamment notre
excellent violoniste , et d'autant plus légitime tout à la fois,
que celui-ci a pris en quelque sorte l'engagement de se par-
tager entre les labeurs du professorat et les triomphes de
l'exécution publique , lorsqu'il a accepté une partie de la suc-
cession de ce regrettable Baillot dont nous parlions tout-à-
l'heure. En conséquence, la publication d'un ouvrage didac-
tique était un devoir à remplir, plus encore qu'une fantaisie
à satisfaire , et c'eût été un tort grave que d'y manquer,
quand on peut atteindre le but qu'on se propose avec au-
tant de bonheur que Ta fait M. Alard dans son Ecole du
violon.
^^ Donnons ici quelques détails sur la matière de cet excel-
lent livre. A côté des enseignements traditionnels relatifs à la
^nue de l'instrument et de l'archet , à l'attitude de l'artiste,
aux différentes sortes de positions, aux principaux coups
d'archet, tels que cotilé et staccato , h l'exécution du trille,
du double trille, àa trémolo, de l'arpège, de la double et la
iriple corde, du -pizzicato, des sons harmoniques naturels et
artificiels, bref à tout l'arsenal des connaissances vulgairesdu
violoniste , l'auteur appelle l'attention sur plusieurs points
dont l'importance n'a pas été suffisamment étudiée, ou la dif-
ficulté convenablement résolue. De ce nombre, aous citerons
le croisement des doigts , presque indispensable , lorsqu'on
i-énconlre des quartes diminuées, principalement dans un
nipuveraent rapide ; la demi-position , que M. Alard fait
consister dans le placement de la main contre le gilet, c'est-
à-dire, un demi-ton plus bas que la première position et dont
on est obligé de se servir, sous peine de déranger les doigts à
tijut moment , au grand préjudice de la justesse et de l'éga-
lité. Le bariolage , nom donné par l'auteur à une série de
« notes qui ne sont point faites sur la même corde, et qui,
1) restant à une position , exige le plus de notes à vide. » Le
staccato volant, pour lequel, au lieu de faire rebondir l'ar-
chet sur la corde , on imprime au poignet un mouvement
nerveux qui fait sauter la baguette. Ces aperçus et plusieiu-s
autres encore sont l'objet d'une discussion ingénieuse et ap^
profondie ; nous ne sachions pas qu'on en ait tenu compte
ou fait mention dans aucune méthode. Quant à la partie pra-
tique, elle est traitée avec beaucoup d'élégance et de pureté ;
nous avons particulièrement remarqué une suite de dix étu-
des , consacrées chacune à une difficulté d'exécution ou à
une forme de style, et dans lesquelles on retrouve la manière
si large et si expressive de M. Alard. Un texte explicatif et
des annotations marginales viennent compléter ce beau tra-
vail dont l'utilité ne sera sûrement pas mise en doute , et
auquel nous croyons pouvoir prédire un succès brillant au-
tant que durable. G. Kastner.
Deux grandes fantaisies sur la Juive et la Favorite pour le
piano , par LOUIS MESSEiiï^aseiiJ?S^S ^tucysi ol tuz
■. - : "IJ':i.) ,-^i^-.>i:i; :-.ffi''»l.ïri(i
M. Louis Messemaeckers a pris, comme tant d'autres, la par-
tition de iM. Halévy pour thème de ses inspirations. M. Mes-
semœckers est un jeune compositeur déjà connu dans le monde
musical; il a publié des éludes pour le piano, qui ont fait ré- .
sonner la trompette , sinon de la célébrité, du moins de là
publicité. Élève de Liszt , et compagnon de Rubini et de
M^'Persianidansun voyage que ces artistes célèbres ont fait il
y a quelques années en Allemagne, il s'est fait distinguer dans
cette excursion musicale comme excellent accompagnateur et
pianiste brillant. Les deux fantaisies que nous avons soUs les
'. yeux sont remarquables, surtout pour leur caractère constam-
ment mélodique. Il est curieux de voir comment les mêmes
motifs, pris et travaillés par différents compositeurs, produisent
des effets divers par les combinaisons de rhytlimes, de sonô-^
rites et de traits. Nous ne savons , ne l'ayant point entendu,
si M. Messemaeckers est un habile exécutant, mais à en juger
par ses deux œuvres sur la Juive et la Favorite, il est cer-
tainement compositeur de goût, arrangeur spirituel ; il écrit
d'un style mélodique et coloré , qui doit produire de l'effet.
Ce n'est le tout de prendre de jolis motifs , il faut savoir les
coudre ensemble , les varier, les embellir de pensées acces-
soires; il faut encore un plan dans tout arrangement , dans
toute fantaisie; et ce sont ces qualités acquises autant qu'in-
nées que possède le jeune pianiste belge dont nous allons
analyser les deux fantaisies que nous avons citées plus haut:
Mais d'abord, pour que les deux mots qui figurent en fête
de cet article ne soient point une amère dérision, conmie di-
saient naguère nos écrivains romantiques, payons à la critique
le tribut obligé, sans lequel tout éloge est suspect deé6iii]!^î'*'
sauce ou de camaraderie. , ■■■ 'Hj -jiuwh
L'instrument pour lequel écrit M. MessemœckèrS'futâp-'''
pelé, comme on sait, forté-piano dans l'origine, quoiquë'Cè
nom lui convînt peu, et qu'il ait été abandonné depuis ; càf,^
malgré tous les perfectionnements dont nos facfêurs modèr'-
nes l'ont enrichi, c'est toujours par la mouolOmie provenant
de la confusion des sons que pèche cet instrument. Donc ,
faire contraster le foi-te par le piano, et vice versa , est Chose
que recherchent les pianistes, mais qu'ils obtiennent diffici-
lement, malgré la pression physiologique du clavier par les
plus impressionnables natures, et l'expression des épaules et
du geste de ceux qui ne l'ont point dans le cœur, et n'en peu'
vent communiquer d'autre. Or, le compositeur- pianiste d<yit
mettre beaucoup de réflexion et d'art dans ses effets de sono-
rité, et les calculer de manière à ce qu'ils ne soient point en
contradiction avec le caractère , les qualités ou le défaut d«
l'instrument pour lequel ils écrivent; c'est le côté saillant
des talents de Berlioz et de Thalberg, indépendamment de la
différence dn genre dans lequel il exercent leur plume. Dé-
buter par un forte en octaves à l'unisson des deux mains ainsi
que le fait M. Mcssemœckers dès les premières mesures de
l'introduction de sa fantaisie sur la Juive, c'est ne pas con-
naître l'insuffisance de l'instrument , c'est ne pas se bien ren^
dre compte de l'effet nul d'un pareil uuisson. La phrase en
fa dièze mineur, par laquelle commence cette introductiCû,
serait bien mieux dite pianissimo par la main droite, et la
main gauche n'entrant, après un silence, qu'à l'extrémité du
troisième temps , et procédant avec la partie supérieure en
unisson très doux, ferait vjloir d'autant les accords pla-
qués qui commencent au dernier temps de la seconde me-
sure , et qu'on attaquerait très fort ; et de même à larépé-
DE PARIS.
427
tition de Ja même phrase en la majeur qui se trouve à la
cinquième et sixième mesures.
Nous ne ferons pas un reproche pédantesque à l'auteur
sur le lapsus peîtJîœ par lequel il a oublié, de la- dixième à la
onzième mesure, cette première loi de l'harmonie qui interdit
deux quintes et deux octaves qui se suivent immédiatement.
C'est une de ces erreurs fréquentes dans la succession élé-
mentaire des accords parfaits à laquelle nous n'attachons pas
plus d'importance qu'il ne faut, ainsi qu'à quelques autres
petites taches de style qui sont d'ailleurs faciles h corriger. Ce
qui frappe plus dans ces deux fantaisies c'est l'animation, la
chaleur, la couleur dramatique. La mélodie y domine et les
traits en sont brillants. Dans le morceau sur la Juive, le
chant d'une si douce mélancolie : liachel, quand du Seigneur
la grâce Uitélaire , ce chant si noble, si élevé, est placé dans
les cordes les plus mélodiques de l'instrument, ainsi que :
Fille chère. Dieu m'éclaire, et d'autres mélodies si distin-
guées du chef-d'œuvre d'Halévy ; et dans tout cela il y a pro-
gression de traits, de difficultés et d'effets brillants.
Esseniiellement mélodique dans la forme de ses arrange-
ments, M. Messemaeckers ne pouvait manquer de mettre à
contribution la partition de la Favorite et d'en faire son bien,
sa chose, taillable et corvéable à merci. Cependant, comme
nous l'avons dit précédemment, il faut varier autant que pos-
sible les attaches, les points de suture qui unissent ces mé-
lodies d'emprunt, et M. Messemaeckers ne nous parait pas
s'être suffisamment préoccupé de cette variété harmonique,
car c'est par huit repos sur l'accord de septième dominante
qu'il entre dans chacune des mélodies empruntées à la parti-
tion de JM. Donizctti. L'auditeur dont l'oreille est quelque peu
exercée aux choses d'harmonie remarque cette monotonie de
modulations et se prend à désirer quelques cadences inter-
rompues , rompues ou brisées , comme on voudra , de ces
contrastes, de ces artifices de tonalité comme l'auteur en
donne un exemple en attaquant à la tierce majeure iuférieure
la ravissante caulilène : Pour tant d'amour ne soyez pas in-
grate , chantée d'une façon si suavement mélancolique par
Barroilhel. Cet effet harmonique n'est pas bien neuf, il est
même un peu usé; mais il a toujours quelque chose d'inat-
tendu qui surprend l'oreille et lui plait, surtout à celle qui
craint les modulations plates. A partir de la romance dont
nous venons de parler, l'œuvre marche d'une manière rapide et
dramatique; la péroraison en est chaude, animée et finit avec
éclat. Ces deux fantaisies sont donc deux bonnes fortunes
pour tout pianiste professeur ou amateur qui voudrait briiler
dans un salon ou dans une grande salie, car ce sont deux vé-
ritables morceaux de concerts.
Henri Blanchai\d.
LA SEUIXETTE.
3>essîa de Gavarni.
Dans son sens propre , la serinette est, comme disent les
Dictionnaires de musique , un très petit orgue à cylindre,
jouant des airs sans accompagnement et servant à l'éducation
musicale des serins. Si vous l'aimez mieux , c'est une ma-
chine, jouée par une machine pour l'instruction d'une autre
machine. Au figuré , la serinette est l'artiste, qui redit mot
pour mot, note pour note, la leçon qu'on lui a apprise, sans
donner signe d'une intention personnelle. Nous avons eu et
nous avons encore beaucoup de célébrités chantantes , qui
n'ont jamais été que des serinettes ; et qui n'en touchent pas
moins de gros appointements, avec accompagnement de feux.
Le petit Savoyard ici présent gagne beaucoup moins : quelle
injustice 1
XrOTTTHLiîaSS.
'.* Aujourd'liui dimanche, par exiraordiaaire à l'Opéra, lex Hu-
guenots. — Bemain lundi , Marie Stuarl.
V Le procès relatif à la mise en scène du Duc d'ALbe, opéra,
dont les paroles sont de MM. Scribe et Charles Duveyrier, la musi-
que deDonizetti, est engagé devant le Tribunal de commerce; mais
il est encore très probable qu'un avangement terminera celte
affaire. *
".' Il est plus que jamais question de la consiruction d'une salle
d'opéra détinilive. Espérons que la Chambre des députés prendra en
sérieuse considération des projets et des plans qui réunissenl lous
les avantages de sûreté publique, de grandeur, de convenance et de
bon marché.
"." On a répété plusieurs fois cette semaine le Guicarrero, dont la
reprise aura lieu sous peu de jours.
*.' La symphonie orientale de M. Félicien David sera exécutée
dimanche prochain au Théâtre-Italien.
*.* Rubini se retire définitivement. Salvi lui succède aux mêmes
conditions, au Théâtre impérial de St-Pétersbourg.
',• M"|* Francilla Pixis del Castillo est arrivée à Paris , ou elle se
propose de passer l'hiver. On sait que la célèbre cantatrice arrive
d'Italie, où elle a encore fortifié son beau talent en chantant sur
les principaux théâtres.
',* M"' Sophie liohrer est attendue prochainement à Paris.
V Lundi, 23 courant, M. Kieseweltcr, premier violon du roi
de Hanovre, donnera une matinée musicale dans les salons de
M. Pleyel , à une heure.
♦." Une seconde classe d'opérû-comique va être formée au Con-
servatoire et confiée à Moreau-Sainti, qui a fait ses preuves dans
l'enseignement du drame musical.
V M-" Pierson-Bodin , qui au talent d'excellente pianiste joint
celui de cantatrice distinguée, vient d'ouvrir chez elle ua cours de
chanL
%* L'orgue de Saint-Euslacbe est devenu lundi dernier la proie
des flammes par suite d'un accident doublement regrettable, puisque
la cause s'en rattache à la conservation même de l'instrument. On
sjit que cet orgue, le plus magnifique et le plus complet qui existât
en Europe, d'une valeur de 300,000 francs, venait d'être réparé par
les soins de la maison Daublaine-Callinet , moyennant une somme
de 50,000 francs. L'application d'un procédé nouveau, ayant pour
objet d'adoucir les louches et de les rendre aussi faciles que celles
d'un piano, y avait été faite. L'inventeur de ce procédé, contre-maître
de la maison Daublaine, avait suivi les travaux de l'orgue avec la
passion d'un artiste, tl tenait surtout à son parfait état d'accord et
d'harmonie aux jours des grandes solennités. Visitant l'instrument à
cause de la fête prochaine de Noël , il aperçut quelque dérange-
ment dans le mécanisme ; pour y remédier, il se plaça au milieu et
dans l'intérieur même de l'instrument, et dans un espace tellement
étroit qu'il ne pouvait travailler qu'à peu prés couché. Là, obligé de
poser sa chandelle pour se servir de ses deux mains, le mouvement
qu'il fit eu tirant un ressort la renversa, et elle roula jusqu'au fond
du mécanisme. Effrayé du danger, il appela à son aide le souffleur,
qui, par malheur, avait été remplacé ce jour-là par le donneur
d'eau bénite, homme âgé, infirme et incapable de lui prêter la moin-
dre assistance, et en vain il le supplia d'aller chercher un peu d'eau.
Alors, dans l'impossibilité d'obtenir un secours immédiiil, il brisa la
partie du mécanisme qui faisait obstacle pour ressaisir la chandelle
qui avait déjà communiqué le feu aux bascules et aux ver"eltes.
Pouvant à peine les atteindre, il essaya vainement de se rendre maî-
tre du feu , en le couvrant pendant quelque temps de son foulard,
malgré les flammes qui lui brûlaient les mains : le feu déborda
«bienlùt do toutes paris. Forcé alors de s'éloigner pour «a propre sû-
reté, il cria du hauldel.i tribune : Au j'en '. etdescendil tout de suite.
Le feu avait fait de rapides progrès lorsque les secours arrivérenl, et
aucune partie de l'orgue ne put être sauvée. Il est facile d'ima"iner
le désespoir du malheureux artiste, qui a vu périr ainsi ce magnilique
instrument, à la confection duquel il avait puissamment contribué.
Le fléau ne s'est pas exercé sur l'orgue seulement. Plusieurs autels de
chapelle, ainsi que la rosace et une fenêtre cintrée, ayant quelques
vitraux dans leurs châssis , ont été atteints et délrulls. La chaire à
prêcher, exécutée sur les dessins de Lebrun , a été mise en mille
morceaux. Plusieurs tableaux, plusieurs sculptures, les portes et
tambours du grand portail ont aussi été endommagés. Plus de cinq
cents chaises ont été brisées ou brûlées. Une des arcades de la nef, au
rord , et la dernière dans le bas de l'église, sont fortement com-
promises dans leur solidité ; la charpente des combles est intacte.
428
EEYUE ET CtAZETTE MUSICALE
V Lucrèce lioryiu , deDonizctti, vient d'être représenti'C à Ma-
drid : les rôles principaux ctaleiil remplis par Moriani , M""' ïosi ,
de Bernard! , et un chanteur espagnol , OUer, qui a paru pour la
première fois sur lu scène dans le rAlc d'Alplionse d'Eslc. Ce début
a obtenu tout le succès possible; li voix il'Oller est excellente, et il
ne lui manque plus que l'habitude du théâtre pour développer les
qualités précieuses dont il est doué.
*," Déjà nous avons eu l'occasion de parler d'une de nos plus jolies
pianistes. M"' Caroline Piégnier. Nous apprenons qu'elle a élé l'or-
nement principal du dernier concert que la Société philharmonique
d'Alençon a donné il y a peu de jours. Le succès de M"° Régnier a
été complet; les bravos et les couronnes même ne lui ont pas man-
qué. Sous peu (le jours cette brillante artiste sera de retour à l'aris.
' *,* Les Quatre /'ils -^ijmon, opéra de lialfe, tombé à Taris, a
obtenu le plus éclatant succès à Vienne. Voilà jusqu'à quel point est
déprave maintenant le goût du public de celte capitale.
"." On compte aujourd'hui en France 3,500 acteurs, 2,900 actrices,
et 16,000 individus attachés aux théâtres, pensionnaires ou fournis-
seurs exclusifs des théâtres, ce qui fait un total do 22,000 personnes
vivant sur le budgetde Thàlie et de Melpomène, qui s'élève ensemble
à. 30 millions de fr. Si ces 30 millions étaient également divisés
entre les 22,000 parties prenantes, elles n'auraient pas chacune
1-,500 fr.; mais comme quelques privilégiés perçoivent dix , vingt,
trente et quaranic mille fr., il est facile do voir combien la part du
plus grand nombre est reslrcintc. Aussi, combic» y a-t-il do misères
dansla carrière, dramatique;
. *," La première et la seconde nuit des fameux bals de l'Opéra ont
retrouvé la foule exacte au rendoz-vous. Tou; annonce (iue la vogue
4e ces tètes, qui n'ont pas leurs pareilles au monde, dépassera en-
core le degré qu'elles avaient atteint les années précédentes.
",* Dans l'article sur l'album de G. Massini , que contenait notre
dernier numéro, nous avons commis une erreur eu disant que
M. Masini avait intercalé dans son nocturne : Auriracje, bon ménage,
l'air de : Mon rocher de Saint-Malo. Ce n'est pas cette romance,
mais bien : Une chanson bretonne, de M. Masini même, qu'il a rap-
pelée 1res heureusement dans ce charmaut duettino.
%* Nous sommes priés d'annoncer que le nouveau domicile de
M. Panseron est rue HauteviUe, 21.
%* Nous rappelons à nos lecteurs qu'une souscription a été ouverte
au profit de M. (Muesman, l'une des victimes de l'inct-ndie rie la
rue Cadet. Le premier nom qui figure sur la lisle est celui de
M. Zimmcrman.
*,' Le magnifique ta'oleau du Déiurje qui coiilinue d'attiri'r la
foule au Diorama , n'est visible que jusqu'à truis heures pendant la
saison d'hiver.
*,• Bruxelles. — Le concours pour le prix d'orgue vient d'avoir
lieu il y a quelques jours. Le premier prix a été décerné à J!. Sa-
muel : il n'y avait que quatre concurrents, choisis par ;\1. Fétis, et
qui tous ont obtenu uue distinction; le nombre des élèves du Con-
servatoire est en ce moment de Gi)0. 11 dépasse un peu celui de
l'année passée , mais il eût élé de prés do 900 si la commission d'ad-
mis>ion n'eût pas jugé à propos de se montrer sévère.
*," Liège. — Le conseil communal de notre ville a accordé à
M. Sanse, directeur du théâtre, une subvenlion de 24,000 fr.
'* Berlin. — Au grand Concert d'iîglise donné à l'occasion de
la fête de la Reine, on a exécuté un Te /Jc«»î de Zeltcr et une Hymne
de Lord Burghersh , (maintenant lord Wcslmoreland ). Ce dernier
ouvrage a élé admiré autaiit par les connaisseurs que parle public,
à cause du style noble et large dans lequel il est écrit. On parle ici
beaucoup dans le monde d'une grande messe que Lord Wcslmo-
reland compose en ce moment, et dont les plus célèbres composi-
teurs regardent les morceaux terminés comme des chefs-d'œuvre.
— ^décembre. — La mise en scène du nouvel opéra de Meyerbeer,
le Camp de Silésie, a coûté environ 24,000 Ihalers (96,000 fr.). Après
la première représentation de cet ouvrage, tout l'orchestre du
Théâtre-Royal du grand opéra, s'est rendu à l'hôtel de l'illustre
maestro et a exécuté une sérénade sous ses croisées.
*,* Dresde, 3 décembre. — Les virtuoses ne nous manquent pas.
Deux pianistes, MM. Lilolf et Willmers, le premier, venu de la
Grande-Bretagne, le second Danois, ont donné des concerts avec
un succès assez marqué. On annonce l'arrivée prochaine de Ernst et
de Ferdinand Hiller : ce dernier aurait l'intention de faire repré-
senter un opéra de sa composition. La Vesialc a été représentée
~-ii décembre. — Là F'eslale , dont l'auteur, M. Sponlini, sur
l'invitation du roi, a dirigé lui-même la remise en scène, a déjà été
représentée trois fois. Aux deux iiremicres, le célèbre compositeur,
rappelé avec enthousiasme, a paru dans une loge d'avant-scène.
"," Darmstndi. — Les Huguenots ont été rcprsentés avccun en-
semble, une précision , un entrain qui touchaient de bien près à la
perftction. Le chef-d'œuvre de Mejerbeer a été accueilli avec des
transports d'enthousiasme.
*," Leipdck , 20 octobre. — Voici la statistique théâtrale de l'Alle-
magne, y compris la Hongrie, qui, 'économe on le sait, fait partie
intégrante de la Confédération germanique. Le nombre des théâtres,
non compris les théâtres français et italiens, est de I (5, qui comptent
3,l75actcurs, dont 1,879 hommes et 1,305 femmes, 149 chanteurs «o^o,
dontSO hommes et 68 femmes, l74 danseurs solo, dont 91 hommes
et 83 femmes; 2,089 musiciens d'orchestre; enfin 139 souffleurs, <loiit:
13 femmes. Le personnel total altachéàces 1 15 salles de spectacle est
de 12,789 imiividus. C'est au théâtre royal de Dresde qu'il y a le
plus grand nombre d'acteurs et au théâtre de Znaim ( Moravie ) qu'il
y en a le moins grand : le premier en compte 55 et le dernier seu-
lement 14. Les théâtres qui ont les orchestres IfS plus nombreui
sont le théâtre roy il du grand opéra de Berlin et le théâtre impérial
et royal de la porte de Carinlhie, à VieBne. Le premier a 95 membres
et le dernier 77. L'orchestre le moins nombreux est celui du théâtre'
de Marbourg, dans la Hesse électorale, qui ne se compose que de
12 personnes.
",* Christiania. — Ces jours-ci un jeune homme de 1res bonne
famille vient de monter sur les planches : c'est une chose jusqu'ici
sans exemple chez nous et qui a lait quelque sensation. En Norwége
il n'y a pas de comédiens indigènes; toules les troupes sont compo-
sées d'étrangers, en grande partie de Dauoi-. Ce n'est pas le talent
dramatique qui manque aux Norwégiens : autrefois il exislait dans
notre capitale un grand nombre de théâtres de société > qui se rett-"
rcrcnt à l'arrivée des troupes danoises en 1828.
',' /-,ondrei , IG décembre. — Pendant une représentation, de Iji
Jlévolte uu harem, sur le théâlre de D.ury-Lane, l'une des dan-
seuses du ballet, miss Clara Webster, s'étant trop approchée delà
rampe, le feu prit à son léger costume. Éperdue, elle alla se jeter
dans les bras d'une autre danseuse , qui parvint heureusement lise
débarrasser de celte étreinte , car déjà la flamme avait gagné ses
vêtements. Miss Plunkett chercha vaincmenl, et au risque de sa vie,
à éteindre le feu : enfin un ouvrier, sorti des coulisses, y réussit en
renveisant miss Webslcr et en se roulant sur elle, (a danseuse a été
transportée chez elle dans un étal douloureux et alarmant, mais
qu'elle supportait avec beaucoup de courage. Deux jours après elle
avait cessé de vivre , à dix-sept ans et demi , douée d'un talent qui
donnait déjà de grandes espérances.
"," Florence, d décembre. — lie nouvelles ropré^enlationseii faveur
des inondés viennent d'être données. La Iroiipc française, dont M. le
duc de Dino peul être coRsidéié comme le chef, a représenté, le S8
novembre, au théàlre de Cocomcro, fi'c((^/ elle /l'/ariage ait tamboui';
Aux acieurs français a succédé la Iroupe italienne , presque exclusi-
vement composée, des membres de la famille Poiiialowski. Deux
représentations brillanles àa Lucrezia Borgia ont eu lieu à la Pergola
les 4 et G décembre: la première a produit une recette de 1,200
piastres et la seconde de 1,000. Par les soins des nobles florentins
qui soutiennent le théâtre, à la dernière représentation des cou-
ronnes de laurier avaient été disposées sur le devant de chaque loge.
Leur destiuiition n'élail nullement équivoque. Aussi après le trio
du second acte, qui avait été supérieurement exécuté, ces couronnes
ont élé lancées par un mouvement unanime sur la scène de tous les
poinis de la salle.
*,* Milan, 1" décembre. — Un opéra nouveau du maestro Pasquale
Bona, i Luna ei Perollo, n'a obtenu qu'un succès médiocre.
*,* Tricste. — La saison d'hiver a commencé par Elena da Feltre,
opéra de Mercadanle, dans lequel la Frczzolini a obtenu le plus
grand succès.
*.* Grèce. — Le roi et la reine de la Grèce ont fait dernièrement
une excursion dans l'ile d'Eubée; à la fin du premier jour, le souper
royal eut lieu près d'Aliveri , en plein vent, à la lueur des flambeaux j
puis les jeunes villageoises vinrent exécuter leurs danses sous les yeus
delà reine , enchantant des vers improvisés ; elles lui disaient: «Tu
es la prunelle de nos yeui , tu as Ja taille élancée du cyprès dans les
jardins du sultan, ton haleine a le parfum du Basilicum, ton cour-
sier est rapide comme la fumée, puisses-tu vivre éternellement
comme nos montagnes !^
Le Directeur, Rédacteur. en chef, Mauiuck SCHLESINGER.
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Le Clitrogymnasie esX un assemblage de neafajipa-
reils^ymniistiques destinésà donnerde Vextension à
lamaincide l'écart aux doigtsà augmenleretàé^a^N
c. lUARTnv sfi*" l^^r ^o'''^6 et à rendre le quairicme et \eeinquième
indépenduiits de tous les autres. Le Chirosymnaste
aétéaussi approifvé et adopté par Mil . Adam, Bertini,
"^î't^' ^^^ei-iot, Cramer, llerz, KaiUbreîiner, Listz,Mosçhelè$
"l!."sc-» I"^""^'. SiroriyThalherg, Tulou, Zimmermann. etc.
Chaque Chirogymnaste est revêtu delà signature
de "inventeur ©t se vend place de la Bourse, n" 13,
âhunuppareils,ZOfr.,(tneufapp.ijOfr.,méthode,Zfr^
«ï'VriIKAS'nOJJB. APM-UJUÉIÎ A I-TÈTL-DT: du PtaS,'!». pnr IWARTIR!. 3 bv
£.a CiïMKAS'II'ïi^^X X>F:» BiOEUX». pur ES. lEKUT&IVf. fri-€ ncl. ti fr. 7& e.
Les eipécHtons sont faites contre remliourscriient. Êtrîre iranco.
SPÉCfÂlJTÉ POUR LES PÎAE^OS Â QUEUE.
Réduction de pris. Garantie de 2 années. On peut, avant de conclure
un marche, comparer tes instruments avec ceux de tout autre facteur.
Paraissant (îiio'aii:er.iie[ii8
snr kau
Sommaire du 6 au
]2 décembre. — M.
Thiers mystificateur
cl mystifié. — Les cui-
rassiers delà garde de
M. de Balzac. — !,'E-
cole des sous-préfets.
— ^fotre pari de cin-
quanle mille francs
gagné et regagné. —
ots granGs journaux,
«îfr ; trois mois, B 5 fr. ; s^xràois, S® fr.îunan, «ÎO fr.
S ÎT., trois mois, E S fr. ; si:î mois, 3©fr.;unan, S 'S fr.
Ou s'ft\)OM\c, •. ft VWWÏ., VC B\i\\V,\\i W RU\WÎ\M., vv.e ■^VAA'ï.-\\'S\tîv'î\Y. , 36;
Dans les DÉrAitTEMENis , chez les iirincipuux Libraires et chez le.> Directeuis fies Postes et des Messageries Les pauvres de Paris
Ites Abonnonif-îs K„...nt rfoj f^' ^t 1.5 <lo ci.nque moU.I ° Ct ICS pCtitS pOiSSOnS^
des Tuileries. — Historiette d'hier pour servir à l'histoire des peintres d'aujourd'hui. — M. Alexandre Dumas et Alexandre-le-Grand. —
La France et ses colonies. — Philanthropes anglais et français. — Les noirs au vin de Champagne et aux boites vernies. — La banane révolu-
tionnaire ct l'igname abolilioniiisle.— Le Diogènede la rue Cadet. — Peuple et noblesse. — Les Castor cl Pollux parlementaires. — Le pavillon
de M. de Mackau. — Le 29" chapitre de la Dame aux carreaux bleus. — La publicité expliquée par elle-même. — Sans dot et le roi Léopold. —
Bugeaupolis. — La presse parlementaire.— Encore M. Thiers. — Courrier de-'i mnbassade.s .- M. de Kessel rode, M. deMellernich, lord Cowley,
M. de Bulow et M""' de Lieven, l'un pardevant l'autre. — Isolement de M. de Guizot. — La petite maison de M. Pozzo di Borgo — Les deux
cocardes de M. le comte Appony. — Les bâillements du baron Werther. —Charles X, Saint-Cloud cl l'Opéra. — îllœurs diplomatiques. — Les
ambassadeurs pro rébus ct les ambassadeurs pro forma. — Le roi de Saxe herborise et joue du trombonne. — La polilique des princes et les
princes de la polilique. — Toujours M. Thiers : allez vous promener. — Nouvelles, thcàlres, églogiies. grilles, etc., etc., elc.
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I ^ Fanfares. . .
_ _ Violoncelle .
'^^^^fè Contre-baise.
RECilSTBES DE DESSUS.
£a note la ylus basst (orrcsjiDnD mt ton i'nti titgau b'orsut %e t6 fuii ^( lonjjutur.
L'BTBKDDB DBS SONS EST DE 7 OCTAVBS
L'Harmonium imite l'orgue et plusieurs autres instruments : chaque registre produit un
son d'un timbre différent ; en les combinant de diverses manières, on obtient des effets variés
à l'infini. Les sons s'expressionnent comme la voix ; le clavier est très-facile à jouer pour toute
personne touchant le piano, et la musique de tout genre peut s'y exécuter, surtout la musique
large et chantante. Sa forme élégante et ses petites dimensions en font un meuble de luxe et
d'agrément dont la place est partout, depuis le salon du prince jusqu'à la mansarde de l'ar-
tiste, depuis la chapelle d'une cathédrale jusqu'à lapins simple église de village. Plnfin, son
emploi est général. L'Harmonium manquait aux besoins de l'époque, et aujourd'iiui c'est un
instrument aussi indispensable que le piano. Nos plus célèbres compositeurs, chanteurs, pia-
nistes et organistes l'ont tous adopté ; ils le prennent sous leur patronage, et cherchent à en
propager l'usage, qui sera bientôt universel, car à lui seul rHarmonium est un orchestre com-
plet, dont les ressources sont immenses, et qui joint encore à ses nombreux avantages celui de
tenir l'accord constîmiment. Déjà des méthodes, par MM. Lefébure-Wély, Fessy, Desjardin,
Miné, etc., ainsi que beaucoup de compositions musicales, sont publiées pour cet instrument.
Le prix courant est 400 francs et au-dessus.
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ÉTRE^NES MUSICALES POUR 1845. >
ILLUSTRÉ PAB g^ ^^^ gm n ^^^ ^g, ^j^ ^^ ^^ ^ ^ CHEZ 1^
mm. GRENIER,
DAVID,
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^-n- Avec couverture très
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EDITEUR du TraMé d'AccompagnemenI de V. DOURLEN, adopté dans les classes d'Harmonie au Conservatoire ; de la
Blbilothéqne du Jeune Planisie, par H. SCHUIVKE , et de la célèbre Valse Viennoise variée par HEWM HEBZ.
Imprimerie do BOURGOGNE et MARTINET, 30, rue JtCOb.
Pour Paris : un an , 2 > Tr. ; sx mois, 15 Tr. — Annonces : 50 c. la ligne de 28 lettres. — Départements :
29 fr. 50 c. Étranger, 38 ir.
GAZEHE MUSICALE
Uc'digce par MM. ANDEUS , G. BBSÉDIT, BERLIOZ, Henki BLANCHARD, Mauuick BODRGES. F. DANJOU, DCESBERG, FÉTfS père, ÉdoDARD FÉTIS,
Stepiies IlELLER, J; JANIX, G. KASTSEll , LISZT, J. MEIFRED , GeOBGE SAND, L. RELLSTAB, PAliL SMITH. A. SPECHT, elc.
II. SERA JOINT A CHAQUE MJMÉRO l'N DESSIN INÉDIT DE GAV^jy^NI.
Atcc le numéro du 12 janvier, MW. les Abonnés recevront
contenant les morceaux suivanis, inédits.
1. li' Amitié, étude. Alkaii.
2. Pastorale. A'iephen Heller.
3. Cornélia, valse. F. Hunleii.
4. Causeries de jeunes
filles. Kalkbreiiner.
5. Barcarollc, étude. .'WeceaKX
C. IHcnuet, Osbonie.
7. 'ffoccaJa. J.-P. Pixis.
S. Scherzo, i?. Prudent.
9. Barearolln. H. Iloielleii.
10. Scherzo. J. liosenlntin.
1 1 . ^'octurne. S'. Tludbenj.
H. Élégie et Prière.
E. pp'oijj:.
LE DECXIÊME CONCEltT DE LA G,4ZETTK MUSICALE
aura Heu le 11 janvier,
dans les salons de MM. Pleyel , 20, rue Rochechouart.
Le 3' aura lieu le I" février ; le 4% le \" mars ; le 5% le I"' avril ;
le 6", le l" mai.
Le 25 janvier, MM. les Abonnés recevront :
QUATRE MÉDAILLES,
SOMMAIRE. Lettres sur l'Allemagne (deuxième lettre) ; par J.-B.
LAURENS. — Théâtre royal de l'Opcra-Comique ; Reprise du
Gidlnrei-o; par H. BLANCHARD. — Lettre à M. le directeur
de la Gazelle musicale ; par FÉTIS père.'— Matinées musicales ;
par H. BLANCHARD. —Feuilleton. — Nouvelles. — Annonces.
MUSIQUE DU JOUR DE L'AN. Dessin de Gavarhi.
DEUXIÈME LETTRE (*).
Cher ami , dans la crainte de vous envoyer sous la forme
d'i:.; épanchement amical quelques pages d'un livre de géo-
graphie , je suis allé trop vite en vous parlant de Cologne, et
j'ai une omission à réparer avant d'aller plus loin. Vous en sa-
vez peut-être plus que moi sur le musicien, sinon très célèbre
en France, du moins très estimable partout, dont cette cité
(") Voir le numéro 48.
Portefeuilie de deux Canlalrices ^^\
LE CO.MTE DE nÉ\ AL A AUGUSTIN ET STEPHEN.
1" septembre.
Attention , ines maîtres ; écoutez d'abord et ensuite exécutez.
Vous savez que c'est ordinairement votre lot, et nous avoSs ri
souvent de la peisicitancc du hasard, qui, dans nos communes
entreprises , désignait toujours l'un de vous pour l'action et me
réservait pour le conseil. La dernière fois que nous tirâmes au
sort pour savoir qui de nous trois irait demander raison à ce
diable de journaliste , qui s'amusait à se moquer du triumvirat,
à dénoncer au public ce qu'il lui plaisait d'appeler sa déplorable
influence , c'est encore le nom de Stephen qui sortit du chapeau ;
c'est encore lui qui eut l'honneur de voir notre ennemi face à
face et de lui apprendre à vivre , ce qui était infiniment plus
adroit que de lui enseigner à mourir.
Mais rassurez-vous; que dis-je?... Votre bouillant courage
ne va-t-il s'oflcnser de ce mot?... Je me corrige et je reprends :
ne vous réjouissez pas trop d'avance , car il ne s'agit pas aujour-
d'hui d'une de ces occasions périlleuses et glorieuses, où vous
(1) Voirlesnuméros40, 41, 42, 43, 44, 45, 46,47, 48, 49, 50 et 51.
avez si souvent et si galamment montré ce que vous saviez faire.
Il s'agit tout simplement d'un service à mé rendre, et voici à
quel propos.
Depuis trois jours , un jeune Italien , le marquis d'Ossola , est
arrivé à Paris et descendu à l'hôtel des Princes. Ne me demandez
pas comment je sais cela : je me dispenserais de vous répondre.
Ne me demandez pas non plus comment je sais qu'il est fou de
Clotilde et ne vient à Paris que pour tâcher de Jui plaire : ceci
est encore mon secret, ou plutôt notre secret, car, si vous in-
terrogiez le marquis , il ne vous en dirait pas plus que moi sur
ce chapitre. Il ne vous dirait même pas d'où il vient à cette
heure, parce que ce serait vous dire où je suis. A cela près, 11
ne vous cachera rien de ses sentiments, de ses intérêts, de ses
désirs, de ses craintes. Il réclamera votre appui, vos conseils,
et vous me ferez le plaisir de ne pas les lui refuser. — Même
auprès de Clotilde? allez-vous dire, et moi je vous répondrai :
surtout auprès de Clotilde.
Eh bien , que vous en semble , à toi, Augustin , à toi, Stephen ,
qui me traitiez toujours de forçat condamné au boulet et à per-
pétuité? Suis-je • assez libre maintenant? J'ai dépassé la ligne
d'indifférence marquée par Métastase dans sa fameuse chanson
à Nice :
Col mio rivale istesso
Po»so di te parlar.
BUREAUX D'ABOKnVEMEBJT, RUE RICHELIEU, 97.
un
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de Cologne fut le berceau. Dans tous les cas , je ne saurais
continuer en paix de conscience la relation de mon voyage
artistique , avant d'avoir payé mon tribut à la mémoire de
Bernard Klein. Si par hasard vous l'aviez oublié , il fau-
drait se rappeler qu'en 1812, lorsque Cologne appartenait à
la France et que iSapoléon menait toute la jeunesse à la
symphonie du canon, des tambours et des clairons, il y avait
dans cette ville un frêle conscrit qui était déjà reconnu comme
un maître musicien. Or, M. Alexandre de La Motte, alors préfet
à Cologne, et plus tard, célèbre dans nos fastes politiques de
la Restauration, M. de La Motte jugea que le jeune conscrit,
si bon musicien, ferait un très mauvais soldat, et il l'envoya
au Conservatoire de Paris, auprès deCherubini, au lieu de l'en-
voyer en Russie auprès de IXapoléon. Les conseils de ce maître,
la bibliothèque du Conservatoire, celle du célèbre professeur de
droit et dilettante Thibaut à Heildelberg, un voyage en Italie,
et avant tout, une heureuse organisation : telles furent les cir-
constances qui firent de B. Klein un des musiciens les plus
remarquables du xix° siècle. Mort h trente-huit ans, il a laissé
une grande quantité de compositions dans le style d'oratorio
et de musique d'église ; sa facture rappelle beaucoup celle de
Cherubini ; mais sa pensée mélodique est plus facile , plus
naïve , plus expressive et parfois plus élevée. Il y a chez Klein
quelque chose de pur, de clair et un peu de la mélancolie de
Schubert : aussi c'est avec raison que plusieurs critiques al-
lemands lui ont donné le surnom de Céleste.
Il y a quelques années, lorsqu'il s'est fait , à l'occasion du
Slabat de Rossini , une si singulière exhibition d'esthétique
et d'érudition musicales, il n'a pas été question de celui de
Klein , dont le troisième morceau est digne de l'épithète de
sublime. Ses oratorios de David, de Jeplité, renferment des
beautés que mon ami Danjou avait fait connaître, en les fai-
sant exécuter au chœur de Saint-Eustache, en y adaptant des
paroles latines. Les amateurs qui ont chanté avec feu la mu-
sique de F. Schubert, adaptée à la poésie de Gœthe (le Roi des
aulnes), devraient connaître celle compo.we auparavant par
Klein pour les mêmes parole.^. Ils verraient comment on
peut faire bien par des moyens différents.
Assez sur B. Klein ; j'ai rappelé et peut-être fait connaître
un nom oublié ou méconnu injustement , je puis aller sa-
luer la ville de Bonn, la patrie de Beethoven! de Beethoven !
Cette fois je n'ai rien à réclamer pour sa gloire ; tout a été
dit sur le grand maître, et justice lui a été rendue. N'aurait-on
pas même été au-delà, aux dépens de ses illustres devanciers
Mozart, Haydn, et de ses successeurs Schubert, Mendelssohn?
C'est une question.
Ce qui n'en est pas une, c'est que Beethoven a vécu , comme
Bach, dans la contemplation et pour son irt seul. Son cla-
vier, son orchestre, ont été la lyre d'un poète malheureux, et
cette lyre a été la seule confidente des joies et des douleurs
d'une grande âme. Que dis-je? le poète n'a pu même enten-
dre les vibrations de ses cordres ; la musique n'a pénétré
dans ses sens que par les notes que sa plume traçait sur le
papier. Malheureux Beethoven ! honneur et sympathie pour
toi!
Puisque le docteur Gall nous a gratifiés d'un organe séparé
pour la musique , d'un autre organe pour la peinture, etc.,
je pourrais rendre hommage au grand musicien en murmu-
rant la symphonie en ut mineur ou la sonate en ut dièse
également mineur, et observer la manière dont la ligne plate
des eaux du Rhin contraste avec la ligne courbe des mon-
tagnes qui les bordent ou avec les pans de murs brisés des
vieux châteaux; mais que dire, que faire sur le Rhin, qui
n'ait pas été dit ou fait? Quelles paroles ajouter à celles déjà
un peu longues de Victor Hugo, d'Alexandre Dumas et des
touristes anglais? Quelle admiration ajouter à celles des
poètes allemands? Quels dessins faire après ceux de Hubert ,
de Villeneuve, de J. Coignet, de Hardmg , de S. Prout, de
Standfield , etc. , dessins tellement répandus parla lithogra-
phie, qu'il n'y a personne au inonde qui ne sache le Rhin par
cœur? Ce qu'il y a à dire de nouveau , le voici : C'est que
Andernach , Oberwesel, Niederlandstein , Baccharach , Bop-
part, Rudesheim, Bingen, Ellfeld, tant vantés, tant illustrés,
ne valent pas Arles, Beaucaire , Tarascon , Avignon, Ville-
neuve, Roquemaure , Mornas, Viviers, Valence, etc., dont
personne ne dit mot et qui rappellent les fonds de paysage
rêvés et peints par Claude Lorrain et Poussin. Oui , les
beaux châteaux dorés de ma Provence valent mieux que les
toits gris des bords du Rhin ; mes belles montagnes plon-
geant à pic carrément dans les eaux du Rhône sont d'une
Non seulement je potfriais causer tranquillement de Cloiilde avec
mon rival , mais je m'en piépare un moi-même , je le prends par
la main , je le conduis. El ce n'est pas un concurrent à dédaigner
que le marquis d'Ossola ! J'avoue qu'il n'est pas fort séduisant de
sa personne : il est trop petit, trop grêle pour un homme, et trop
blond pour un Italien; mais il a de l'esprit, d'excellentes ma-
nières, et il est immensément riclie. Je serais bien snrpiis si cette
dernière qualité ne faisait pas son effet sur Glotilde , elle qui a
toujours besoin d'argent et qui le dépense avec la même facilité
que les enfants jettent au vent les grains de sable. Louis XIV di-
sait que malgré toute sa puissance, il n'était pas capable d'enri-
chir Dufresny. C'eût été la même cliose avec Glotilde. On ne se
fait pas l'idée des prodigieuses ressources d'imagination ([ue celte
femme possède pour réduire les mélaux à l'état de fusion. Chez
elle, l'or et l'argent ne sont jamais que dos torrents, qui s'en-
flent, s'écoulent en une minute et laissent leur lit à sec. Que de
fois ne lui ai-je pas reproché cette prodigalité désordonnée!
Savez-vous ce qn'elle me répondait? que son homonyme Glo-
tilde, la célèbre danseuse de l'Empire, dépensait bien plusqu'elle.
Et cela est vrai ; je suis allé aux enquêtes. Cette Glotilde, que
par parenthèse Boieldieu épousa, et avec laquelle il s'accommoda
si peu que, pour s'en débarrasser, il se sauva en Hussie, cette
Glotilde, qui jouait les déesses et avait une taille de tambour-
major, menait une de ces existences qui appartient aux temps
fabuleux. Pendant plusieurs années, son budget des dépenses ne
s'éleva pas à moins de treize cent mille francs. Elle avait cinq ou
six équipages et des chevaux en proportion. Lae cncliemires de
l'Inde valaient alors huit ou dix mille francs : sa chambre à cou-
cher en était complètement tendue. Que vous dirai-je des autres
articles de ce budget formidable? Nous autres hommes, nous
chercherions longtemps et vainement des moyens de nous rui-
ner, tandis que la cervelle d'une feinme n'a que l'embarras du
choix, et souvent les choisit tons. De pareilles habitudes éton-
neiaienl moins dans des personnes nées sur les marches du
trône, nourries dans le faste des palais. Tout au contraire, celles-
là sont simples et subissent le luxe comme^nne nécessité. Les
autres, qui sont nées je ne sais où, s'y précipitent, comme les
pèlerins du désert, mourants de soif, dans le premier ruisseau
que rencontrent leurs pas.
Pour en revenir au marquis , traitez-le du mieux que vous
pourrez : faites-en votre ami, votre frère, un autre moi-même
en un mol. Je suis curieux de voir le succès qu'il obtiendra : ce
sera pour moi un thermomètre de la passion que Glotilde prétend
avoir pour son cher Gaston. De la passion! je n'y crois guère.
Vous me direz que c'est par amour-propre. Eh ! mon Dieu, non,
c'est par expérience. Glotilde aime-t-elle assez Gaston pour lui
sacrifier tout au monde, même l'argent, qu'elle adore, et dont
elle a tant besoin? Thatis ihe question.
DE PARIS.
433
tout autre valeur pilloiesquc que ces coteaux platouient
arrondis constitués en scliisie feuilleté et couverts de vignes
rabougries qui enferment le Rliin. Cependant il faut faire une
exception pour Wayence : par son magnifique dôme , par ses
vieilles tours, par ses plus récentes fortifications, l'aspect de
cette ville tient au pittoresque du plus grand style. Au reste,
quand vous viendrez demander de douces inspirations à la
tranquillité de mon toit hospitalier, vous descendrez le Rhône,
vous verrez cette suite de grands paysages des rives de ce
fleuve et ensuite , si vous voulez secouer la poussière de mes
cartons, vous trouverez plus de cinquante feuilles sur les-
quelles j'ai taché d'interpréter cette belle nature pour le seul
plaisir de la contempler avec intelligence et amour.
En arrivant à Mayence , je" fus saisi et absorbé par le sou-
venir des jours heureux que j'y passai il y a deux ans. Alors
j'étais éveillé au son d'un choral {leie scliœ» leuchtet uns der
Morgenstcrn) exécuté dans la lanterne du dôme par un
chœur de trorabonnes, et un soir je vis mille exécutants,
dont cinq cents jeunes filles vêtues de blanc et couronnées de
roses ou de feuilles de chêne. On exécuta un oiatorio de
Hœndel , une œuvre grande comme la fête qui réunissait tant
de fidèles à l'art , venus de bien loin. Je crus ce soir voir et
entendre les chœurs des Chérubins et des Séraphins.
Le lendemain, il ne parut pas vingt journaux où le génie de
Haendel était mis en question , où l'on voulait prouver qu'il
ne savait pas instrumenter. Aucun feuilletoniste ignorant
n'essaya de juger ce qu'il ignorait. Ces bons Allemands fre-
donnaient avec satisfaction les motifs de l'oratorio qu'ils
avaient si bien exécuté la veille, et cela tout en déjeunant
solidement; car en Allemagne tout est un prétexte pour faire
de la musique et pour bien manger.
L'audition de l'œuvre de Haendel avait réalisé, et au-delà ,
tout ce que j'avais présumé de la puissance de l'art, en lisant
des partitions des vieux maîtres dans ma solitude. Il ne s'agis-
sait plus d'un amusement de salon, offert à des gens qui le plus
Souvent préfèrent jaser à écouter un morceau de musique ;
il ne s'agissait pas d'acteurs, d'actrices, de figurants, de par-
terre mal élevé , encore moins de quelque virtuose cherchant
à étonner son auditoire par l'agilité de ses doigts , ou bien
d'argent à gagner en flattant ou plutôt en corrompant le goût
du public. IVon , une fêle musicale aux bords du Rhin est
une solennité de cette religion dont TLendel, Bach, Beethoven
sont les dieux. Là , l'art est une grande puissance sociale, il
réunit des populations éloignées, et il pénètre les âmes d'étin-
celles brûlantes d'enthousiasme pour les grandes œuvres et
pour les grands hommes.
Nous sommes bien loin , cher ami , de ces mœurs , de ces
croyances. Nous n'imaginons pas ce que peut et ce que vaut
la musique. Quand le saurons-nous? Quand nous serons trop
vieux. Alors : dahin! dahini il faut se consoler en allant en
Allemagne.
Quand je suis passé à Mayence, votre ami Ernst quittait la
ville où il a fait apprécier aux amateurs les prodiges de son
archet. Après le plaisir excité par ce grand virtuose , a dû
venir l'exécution solennelle de la messe de Beethoven en ut.
Ainsi , dans le pays germanique , il y a satisfaction pour tous
les goûts, pendant que les Français, amateurs de bonne mu-
sique, sont à la diète sévère : d'ailleurs en France les compo-
siteurs qui ne se livrent pas à l'exploitation des ganaches meu-
rent de faim. Il serait temps que ceux qui sont doués de
quelque influence sur les masses, pensassent un peu moins à
leur plaire et un peu plus à les guider. C'est ce que je
souhaite, en vous offrant ma sympathie, ou consolation du
malheur que vous avez d'être un artiste de cœur, de con-
science et de talent. Adieu.
J.-B. Latoens.
THEATRE ROYAL DE L'OPERA-COMIQUE.
Il n'y a qu'heur et malheur en ce monde , mais surtout
dans le monde dramatique. Le volume de l'abbé Vertot sur
les révolutions de Portugal , et la comédie historique de
Lemercier sur Pinto, le héros de cette pièce qui eut tant de
succès dans le temps, offrent le plus vif intérêt. De ces éléments
si dramatiques, l'homme habile par excellence de notre époque,
M. Scribe, a fait un libretto bien mené, intéressant, revêtu
d'une musique forte , riche, colorée, ainsi que M. Halévy
en sait écrire , et tout cela n'a pu conjurer l'indifférenlisme
CLOTILDE B*** A ESTHElî SAUNIER.
15 septembre.
Qu'est-ce que cela signilie? Pas une lettre de toi depuis tant
de jours que je ne veux pas les compter! Je ne comprends rien
à ce silence , ou plutôt , si tu veux que je le dise , j'ai idée que
je comprends un peu, et c'est une raison de plus pour que je
me fâche. Comment, tu aurais des mystères pour moi, qui t'ai
si franchement ouvert mon âme! Tu me cacherais quelque chose
à moi qui ne l'ai rien caché? Voyons : est-ce que nous ne savions
pas que ton heure sonnerait mi jour ou l'autre, et que lu ne
vivrais pas éternellement comme une petite pensionnaire? Tu
aimes quelqu'un , ma chère Esther, tu aimes , j'en suis sûre, et
je ne sais en vérité pourquoi il t'en coule de me l'avouer. Tu ne
m'as plus parlé de ce jeune homme qui s'est baiiu pour loi,
M. Lambert, n'est-ce pas? Je serais assez lenlée de croire qu'il
ne t'est pas indilKrenl. La reconnaissance a des droits sur tous
les nobles cœurs : le tien a-t-il parlé pour lui? Serait-ce pour
Sazerac? je ne le suppose pas. Enfin , lire-moi de mes supposi-
tions et de mes doutes , ou je croirai que le mauvais exemple te
gagne et que tu m'abandonnes aussi. Mais on regrette moins un
amant qu'une amie , et la preuve, c'est que je ne pense plus du
tout au comte de Réval. En conscience, je m'exagérais l'atta-
chement que j'avais pour lui : ce que c'est que l'habitude ! Il est
parti et moi , qui me figurais ne pouvoir me passer de lui , je ne
me suis presque pas aperçue de son absence. Je voudrais pouvoir
le lui dire et le lui bien prouver ; ce serait ma seule vengeance ,
mais je ne sais où il est : il se cache, comme un malfaiteur : il
se rend justice. Quant à toi , c'est diirérént, je n'entends pas que
tu m'oublies et je veux que tu me dises tes secrets.
AUGUSTIN DE NÉRIS AU COMTE DE RÉVAL.
25 septembre.
Quand le maître a parlé , les esclaves obéissent : c'est ce que
nous avons fait, Stephen et moi, avec toute l'intelligence et le
zèle dont nous étions capables. Monseigneur doit être content;
l'affaire marche. Le marquis d'Ossola lui a sans doute expédié
des bulletins pour lui raconter, sinon ses victoires, du moins
les progrès qu'il fait chaque jour auprès de la belle cantatrice.
[1 n'est pas gauche du tout, le marquis ! Il s'est posé supérieu-
rement dès ses premières visites : il a ébloui Clotilde par les re-
UiU
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
dont l'administration de l'Opéra-Coniique avait frappé li; G'ii-
tarera. Cet opéra en trois actes vient d'être repris jeudi
passé au théâtre Favart, et le succès n'en a pas été douteux.
Roger joue et chaule d'une manière loiit-h-fait remarquable
le principal personnage de celte pièce. Le rôle de Zara de
Villaréal, qui a été créé par madame Capdeville , est main-
tenant rempli par madame Casimir, comédienne suffisante ,
cantatrice hardie, et même expressive. Les auires person-
nages sont fort convenablement rendus par Grignon, Moreau-
Sainti et Grard. Le premier est un excellent conspirateur,
froid et décidé ; le second , espèce de "Walpnle espagnol qui
achète les consciences , caractère calqué aussi sur celui de
l'archevêque du Pinto de Lemercier ; et le troisième a bien
la rude fierté d'un hidalgo espagnol.
Quant à la musique , elle a été parluiu ment appréciée à
cette nouvelle audition, et son succès ne pourra que gagner
aux auditions suivantes, si elles ne sont pas de nouveau en-
travées. L'ouverture est un joli boléro, instrumenté et mo-
dulé d'une manière originale et délicieu.se. La sérénade du
premier acte, chantée par Roger, a bien la couleur espagnole
aussi. Madaine Casimir dit son premier air de cette voix ferme
et sûre qu'on dirait partant d'une intelligence et d'une excel-
lente éducation musicale. Le final du premier acte et celui
du second sont des morceaux scéniques traités de main de
maître. L'air du second acte, chanté par Roger, est quelque
chose de ravissant ; il est précédé d'une ritournelle pour
deux violons soli, con sordini, accompagné par la harpe , la
clarinette, qui dialoguent délicieusement avec les cors et d'au-
tres instruments à vent, de la façon la plus pittoresque. Cela
est riche de mélodie, d'harmonie, d'instrumentation; et sur
ces paroles : Aimé d'elle ! il intervient un trémolo d'orches-
tre qui s'unit à un solo de violon du plus charmant effet , et
provoque d'unanimes applaudissements. Nous ne i)arlons
pas, n'ayant que peu d'espace, de deux duos fort beaux et
on ne peut mieux chantés par Pioger et madame Casimir.
Le Guitarero est certainement une des plus remarquables
partitions de M. Halévy ; aussi l'orchestre , en qui il y a un
sentiment artistique , aime-t-il cette mu.sique forte de choses
et riche d'instrumentation ; il la dit avec chaleur, verve,
et en fait bien sentir toutes les nuances. On voit , par la re-
mise au théâtre de cet opéra , riche au reste de mise en
scène, de co.stumes et de décors, que l'administration a com-
pris que dans les reprises des bons ouvrages sont les éléments
de son répertoire, et lesgages les plus assurés de sa pro.spcrité.
Henri 1>lain(',hari).
A M. LE DIRECTEUR DE LA GAZETTE MIMCALE.
Bruielîes, S décembre 1844.
Monsieur ,
Permettez-moi de signaler à l'attention de vos lecteurs un
fait digne de leur intérêt, à savoir, le changement qui semble
se préparer pour la situation de la musique en Russie. Tout
le monde sait que, nonobstant le goût manifesté pour cet art
par la cour et par la partie éclairée, élégante de la nation russe,
la culture de l'art à Pétersbourg comme à Moscou est en quel-
que sorte exotique ; car la musique qu'on y entend est ita-
lienne, française ou allemande, et les chanteurs ou instrumen-
tistes de mérite sont , pour la plupart, étrangers. Jusqu'à l'é-
poque actuelle, Bortnianski, à qui l'on doit de bonne musique
à l'usage de l'église grecque, est à peu près le seul composi-
teur russe dont le nom soit parvenu jusqu'à nous. Il y a pour-
tant un théâtre d'Opéra en langue russe à Pétersbourg, où
l'on entendde fort belles voix dont l'éducation est négligée (1),
et pour lequel on fait de grandes dépenses qui ne tournent
guère au profit de l'art. Les ouvrages représentés sur ce
théâtre sont , en général, des traductions de l'allemand ou du
français ; mais quel que soit le mérite de ces productions, la
haute société ne va point au théâtre oii on les représente ,
et cette indifférence est une des causes principales de l'inertie
dont le génie de la composition semble frappé en Russie. Une
cause semblable a produit un effet identique en Angleterre.
Cependant on rencontre dans la haute société de l'empire
de Russie des amateurs distingués, qui pourraient passer
(1) Le gouvernement a pourtant élevé à grands frais une école
pour former les artistes de ce théâtre ; mais celte école n'a rien pro-
duit jusqu'à ce jour, et ne peut rien produire avecTorganisalioD
qu'on lui a donnée.
flets dort!s d'une fortune dn nabab , qu'il ne laissait percer qu'à
propos et comme sans y penser. Je ne dis pas pourtant que Clo-
lilde soit prise, mais je me trompe fort , ou elle est lenlée , gran-
dement tentée, et en conscience il y a de quoi. Le marquis l'a-
vait décidée , non sans peine, à daigner accepter liier un dîner
chez Véry, en présence de convives tous désignés par elle. Au
dessert , on servit un plat d'argent tout rempli de bijou.x de la
plus rare espèce, et le marquis invita chaque convive à mettre
la main au plat. C'étaient, disait il , des fruits de son pays, dont
il voulait leur faire hommage. Chacun comprit ce que cela vou-
lait dire et choisit un hijou pour le déposer aux pieds c!e la diva,
qui , en un cHn d'œil , se trouva plus parée qu'unie madone , plus
élincelanle qu'un écriii. Il n'y ont que ce damné Siephcn , qui
s'avisa de garder le lot qu'il avait choisi : c'était une montre
charmante. J'eus beau lui faire des remontrances; il m'envoya
promener : « Je prends le marquis au sérieux, disait-il , eî ses
» cadeaux aussi. C'est une preuve d'estime que je lui donne. »
J'aurais beaucoup de choses à te mander, sur la silualion de
l'Opéra, mais aujourd'hui le temps nie manque. Je ne puis que
le faire part d'une lettre qu'on m'a montrée ce malin , el qui me
paraît digne d'être gravée en caractères d'or, l'u te rappelles la
petite Lucy , dont lu as quelque temps payé les leçons ciicz Jjeau-
pré. lly a deux jours, Nanlouillel l'a rencon Irée dans les coidisses:
il faut te dire qu'il lui fait la cour, mais sans trop de vivacité.
Il lui trouva l'air pensif, les yeux ternes, el lui demanda pour-
quoi elle était triste ; la petite refusa de répondre, mais le len-
demain elle lui écrivit le billet suivant :
« Vous me demendez pourquoi que je suis Irisle? je vés
» fOH.'î le dir : c'est que je voudrai/ que vous me mettiés dans
» mes meubles , et ma mère avec. »
Signé, Lucy.
Madame de Sévigné , mademoiselle de Lespinasse et autres
femmes célèbres par leur style, n'avaient pas deviné ce style-là!
La suite au prochain numéro. Paul Smith.
MUSIQUE DU JOUR DK L'AN.
2>essiii de Gavarni.
Le premier jour de l'an s'annonce par toute sorte de fan-
fares , dont les plus désagréables à l'oreille , les plus coû-
teuses à la bourse ne sont pas celles que les enfants exécutent
sur les instruments qu'on leur à donnés pour étrcnnes.
J'aime beaucoup le sang-froid de ce marmot sonnant de son
petit cor de chasse avec autant de gravité que s'il était l'ange
chargé par l'Eternel d'emboucher la trompette du jugement
dernier. Quel sentiment de satisfaction et d'orgueil répandu
sur toute sa figure! Tant est vif, dès le premier âge de la
vie , le plaisir de faire un peu de bruit dans le monde !
DE PARIS,
435
partout pour des artistes de mérite , et qui accordent à l'art
une protection active et dévouée. Tous nos chanteurs et in-
strumentistes qui ont visité Pétersbourg savent avec quelle
généreuse bienveillance les ont toujours accueillis MM. "VViel-
hnrshy et d'autres grands seigneurs, véritables Mécènes des
talents, et bons juges autant qu'on le peut être. Depuis peu
d'années, ces amateurs d'élite semblent avoir conçu ledessein
dedonner à la musique une existence nationale en Russie,
indépendante des ressources de l'étranger. Ou parle à Péters-
bourg d'un plan d'école de musique à l'imitation des Conser-
vatoires de Paris et de Bruxelles. La dépense n'arrêterait pas
le gouvernement , si les zélés amateurs , qui approchent fa-
milièrement l'Empereur, lui pouvaient donner l'assurance
du succès. Au nombre de ces amateurs, il faut placer M. le
général Lwolf , dont on vante le talent sur le violon , et qui
est chargé de la direction de la chapelle impériale. Je ne com-
nais pas ses compositions ; mais elles doivent avoir beaucoup
de mérite, si j'en crois les éloges des journaux.
Je suis mieux informé à l'égard de M. A. Dargoraijsky,
jeune compositeur de noble famille , qui m'a fait l'honneur
de me visiter à son passage îi Bruxelles, et qui se trouve en
ce moment à Paris. Pianiste distingué , il a publié à Péters-
bourg beaucoup de compositions vocales et instrumentales
qui ont eu de brillants succès ; mais j'ai été particuUferement
intéressé, je dirai même profondément étonné par le mérite
d'un grand opéra composé par lui, sur un poëme de M. Vic-
tor Hugo. Beaucoup d'originalité , une grande énergie de
conception qui n'exclut pas la grâce, de la mélodie, une har-
monie piquante et bien modulée , enfin un instinct très re-
marquable des combinaisons des voix et des instruments ,
voilà ce qui m'a frappé dans la partition sur laquelle M. Dar-
gomijsky a désiré avoir mon avis. Si la Russie peut être diri -
gée dans son éducation musicale future par quelques ama-
teurs d'un mérite aussi vrai quece|jeune seigneur, nul doute
qu'on n'y voie bientôt fleurir l'art d'une vie active , produc-
tive , et indépendante des secours étrangers.
Agréez , etc.
FÉTIS père ,
directeur du Conservatoire deBnixelles.
pventicr Concert "ite la Bannie musicale
HT
ÎHatint-c musicale âc M. Kîcscwctter.
La voici revenue cette exhibition de quatuors classiques ,
cettebonne»nï<sîcarf«c«w«'«, ces séancesqu'on a surnommées
les sœurs de celles du Conservatoire si suivies et connues sous
la dénomination de Société des concerts : là se retrouve le
noyau des fidèles aux vrais principes de l'art ; ce sont des
artistes , des amateurs qui ne se laissent pas étourdir par le
tohu-bobu, le dévergondage delà presse soi-disant musicale,
qui forment le public de ces séances ; et ce public n'applau-
dit jamais mal à propos, parce qu'il analyse ce qu'on lui
donne : aussi aime-t-il à avoir, nous sommes-nous laissé dire,
un historiographe des sensations qu'il a éprouvées pendant
les concerts de la Gazette nimicatc.
Le neuvième quatuor en nf de Beethoven , celui dédié au
comte de Razumofsky, et par lequel MM. Alard, Armingaud,
Dancla et Chevillard ont ouvert la séance , est un des plus
beaux et des plus difficiles du grand maître, soit, comme
toujours, pour l'ensemble de l'exécution , soit pour l'exé-
cution de la partie du premier violon. Et d'abord , scien-
tifiquement parlant, il commence par des harmonies
étranges, par des accords aux résolutions les plus inatten-
dues; ce serait presque du romantisme musical , si la régu-
larité, l'unité de la pensée ne devaient témoigner aussitôt
que ce n'est cfu'un caprice momentané du génie. Le délicieux
midnnte en In mineur est .semblable à ces naïves et simples
mélodies qu'on trouve dans Grétry ou d'Aleyrac , mais tra-
vaillé, dialogué d'une manière exquise entre les quatre inter-
locuteurs. Le finale en style fugué est tout empreint de cette
originalité piquante qui caractérise Beethoven dans ses pen-
sées scolastiques; et s'il est plein d'une originalité piquante, il
est aussi diabolique d'exécution. M. Alard , parfaitement
secondé par les trois autres concertants, a dit ce morceau
avec une rare sûreté d'intonation et une brillante liberté
d'archet qui ressortait d'autant plus qu'il venait de chanter
délicieusement Validante de son archet alors plein de suavité.
M"" Grevedon , qui a été s'initier aux secrets de l'art du
chant en Italie, nous a dit , avec quelque peu de timidité en
paraissant pour la première fois devant cet auditoire qui est
aussi bienveillant que juste et connaisseur, une romance de la
Lucrezia Borgia de Donizetti ; puis , dans une cavatine délia
Béatrice di Tenda de Bcliini , elle a montré un peu plus
d'assurance, basée sur une bonne méthode , de l'expression
et une vocalisation brillante.
M"'" Laty, qui s'est déjà fait entendre dans les concerts de
la Gazette musicale, a fort bien chanté un air de la Reine de
Chypre , et puis une charmante barcaroUe italienne intitulée
la Dicliiarazione d'Amore , composée par ftL Alary. Ce petit
morceau, fort bien écrit pour la voix, ne se distingue pas
moins par l'originalité que par sa mélodie franche et bien
rhyihmée en boléro ; il obtiendra beaucoup de succès dans
tous les concerts où il sera exécuté.
Dans le cuite qu'elle a voué à la musique classique et
sévère , M"'' Wartel , secondée par M. Gossmann , est venue
nous dire le deuxième duo, pour violon et violoncelle , de
Mendeissohu , morceau de science aride , beaucoup trop tra-
vaillé, et qui s'adressait avant tout aux contra-puntistes qui
ne sont pas a.ssez nombreux en France pour former un public.
Quoi qu'il en soit, la jolie et habile pianiste nous a montré là,
comme toujours, son exécution preste, accentuée, brillante
et chaleureuse; mais on a mieux aimé retrouver ces qualités
dans une étude de sa composition , et dédiée à Thalberg, qui
n'était pas annoncée sur le programme, et qu'elle nous a dite
en dédommagement du morceau par trop scolastique qu'elle
avait exécuté avec M. Gossmann , l'im de nos meilleurs vio-
loncellistes. Enfin, MM. Alard, Armingaud, Dancla et Che-
villard sont revenus pour clore la séance par un quatuor de
Mozart , de ce Mozart dont le goût , le savoir, la richesse
d'idées, la renommée, sont plus indestructibles que le marbre
de la statue qu'on lui a élevée à Salzbourg, et que la dent
romantique mordra toujours aussi inutilement que le serpent
de la fable s'exerçant en vain à détruire une lime. Ce quatuor
plastique, c'est-à-dire ayant la puissance de former l'opinion
musicale , ce beau et simple quatuor a eu les honneurs de la
séance avec celui de Beethoven ; et quoique dit à la fin du
concert , il a excité l'enthousiasme et provoqué d'unanimes
applaudissements.
iN'oublions pas de donner des éloges à l>L Alary, qui, sans
centredit, est le meilleur accompagnateur que Paris possède
en ce moment.
Mercredi passé, M. Kiesewetter, premier violon de la mu-
sique du roi de Hanovre, a donné, dans le même local , une
matinée musicale qui avait attiré un assez bon nombre d'au-
diteurs. M. Kiesewetter est un jeune artiste possédant un
talent gracieux sur le violon. Son intonation est parfois un
/i36
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
peu haute , ainsi que son trille, qui se distance, lorsqu'il se
prolonge, d'une seconde augmentée. 11 cliante bien sur son
instrument; mais il a l'archet superficiel , c'est-à-dire ne
creusant pas assez le son pour impressionner son auditoire.
Ce défaut de puissance de son s'est surtout fait sentir dans la va-
riation en la mineur de la fantaisie qu'il a jouée, du reste, avec
beaucoup de goût, d'expression et de style. Ponchard a chaulé,
en habile professeur qu'il est, un air de Afazaniello et des ro-
mances gracieusement tristes, et qu'il a fait valoir de son
excellente diction lyrique. M"" Morize, qui pourrait bien de-
venir une cantatrice à la mode un de ces jours , a dit une
cavatine italienne et un air français de In Muette de Portici.
M"' Morize a de la hardiesse et de l'éclat dans sa manière de
chanter : nous pensons qu'elle sentira la nécessité d'acquérir,
si cela s'acquiert, un peu de sensibilité et de distinction dans
l'émission de la voix , et qu'elle fera en sorte de montrer la
même facilité dans une gamme rapide en descendant qu'en
montant. M"' de Dietz.a dit deux mélodies de Schubert sur
le piano, la Sénérade et le Roi des Aulnes. Elle joue cela
de cette manière fine , élégante, cfui caractérise son jeu et en
fait la pianiste des sociétés choisies. M. Kiesewetter n'a eu
donc qu'à se louer de ses concertants et du public, quia paru ,
de son côté, fort satisfait aussi de M. Kiesewetter.
Henri Blanchard.
',* Demain lundi, à l'Opéra, Marie Siuari.
',' Le Ttiéâtre Italien a repris jeudi dernier Bealrice di Tendu ,
de Bellini , pour les débuts d'Ojeda , ténor espagnol qui a reçu un
bon accueil , justifié par une voix fraîche et timbrée, mais peu
étendue.
"," P.onconi doit aller, après la saison actuelle, clianler à Madrid
pendant un trimestre, ujoyennanl 8,000 fr. par mois.
'," Les représentations du Théâtre Anglais n'ont produit que ce
qu'on devait raisonnablement en attendre, après un enlr'acte de
quinze ou seize ans. Macready est toujours un artiste supérieur;
miss Helena Faucitt n'est ni sans talent ni sans charme, et le reste
de la troupe, quoique peu remarquable, ne nuit pas à l'ensemble
du spectacle. Mais les temps sont changés : la question, posée en 1828
est souverainement jugée, et ce n'est plus de l'Angleterre que nous
attendons la régénération de notre théâtre. Au contraire, une réac-
tion s'est faite en faveur des auteurs classiques de la France. Shak-
speare est toujours Shakspcare; mais Corneille et Racine, menacés
en son nom, se sont raffermis sur leur piédestal et sont rentrés dans
la plénitude de leurs droits.
".' Meyerbecrdoit être à Paris vers la fin du mois de janvier, pour
s'occuper de la mise en scène, sur un théâtre de Paris, du Cmnp en
Silésie , qui , suivant toutes tes probabilités, sera représenté cet
hiver.
',* Le pape vient, dit-on , de conférer ù Spontini le titre de
comte de Saint-Andréa , en récompense de plusieurs fondations et
de réformes introduites par l'illustre compositeur dans la musique
religieuse. Nous ne doutons pas de la réalité des services rendus par
l'illustre artiste, mais nous croyons que le plus beau titre qu'il
puisse jamais porter, c'est celui de l'auteur de la f^estale.
".' Un brillant concert, suivi d'une loterie au bénéfice des jeunes
orphelins, vient d'avoir lieu dans la salle de Herz.route la plus belle
société de Paris s'y était réunie pour participera cette œuvre philan-
thropique. On y a entendu , pour la première fuis , un morceau sur
deux harmoniums, composé par M. Lefébure-Wély, et exécuté par
lui et M. Desjardin. L'effet de ce duo a produit une impression pro-
fonde sur l'auditoire. On croyait entendre des voix chanter, tant il
est vrai que les harmoniums de M. Debain se prêtent aux nuances
d'expression les plus délicates. Disons aussi que M. Lefébure-Wély
en sait tirer un parti excellent , et ses fantaisies sur des motifs de
Guillaume Tell, Don Pa.sqtiute , Zampa, le Barbier de S'éville , etc.,
sont de délicieuses compositions , qui ne peuvent que propager de
plus en plus l'harmonium , dont la vogue égale déjà celle du piano.
",' Les grands pianistes arrivent à Paris. Nous citerons d'abord
M. Léopold de Meyer et Charles Evers. Le premier a obtenu des suc-
cès immenses en Angleterre et en Allemagne ; M. ^Charles Evers a
donné l'hiver dernier six concerts à Vienne, qui tons ont attiré la
foule; madame Pleyel, la pianiste la plus justement célèbre de l'Eu-
rope, qui réunit à la grâce de Chopin, de Thalberg et Dolher, la vi-
gueur de Liszt, est ici depuis quelques jours; Dreyschok est attendu
sous peu de jours, et Thalberg habile Paris : voilà un véritable con-
grès de pianistes.
"," Un jeune ténor, du même pays que Poultier, et qui avait quitté
le barreau pour la scène , M. Mouchelet, obtient en ce moment de
grands succès à Marseille.
",* Le jour de Noël on a exécuté avec succès, dans l'église de Saint-
Germain-l'Auxerrois , plusieurs fragments d'une nouvelle messe à
grand orchestre de M. J. Martin, d'Angers, laquelle , nous assure-I-
on , sera chantée en entier le jour de Pâques.
".' Le directeur de Covent-Garden monte en ce moment VAnti-
fjone de Sophocle, avec les chœurs <le Mendelssohn, tels qu'on les a
exécutés à l'Odéon.
*,' Au point de vue architectural , le grand ihéàtre de Bordeaux
est , sans contredit , le plus beau de l'Europe. Nous croyons rendre
un service aux amateurs des œuvres d'art en les engageant à visi-
tei l'admirable modèle en relief représentant l'extérieur et l'inté-
rieurde ce monument unique. Ce modèle est exposé dans les riches
magasins de tableaux et d'objets de curiosités de M. Nidelay , quai
Malaquais, 7.
",* Ceux qui trouvent que de nos jours on ne sait plus s'amuser,
n'ont qu'à faire un tour au bal de l'Opéra , où ils verront toute une
population s'amuser pendant six heures de suite avec une ardeur
dont rien ne saurait donner d'idée : aussi le chiffre de la recette va-
t il toujours en augmentant.
*," C'est le 1" janvier que l'Opéra-Comique inaugurera ses bals
masqués par une fête extraordinaire. Les bals continueront en-
suite chaque dimanche pendant le carnaval et sans interruption.
Afin de satisfaire tous les goûts et pour rester à la portée de toutes
les fortunes , les prix ont été baissés. La faveur générale, méritée
par ces fêtes l'année dernière et les nouvelles mesures prises par l'ad-
ministration, sont un siir garant de la vogue qu'elles vont avoir. Tout
Paris connaît déjà et la beauté de la salle, et sa magnifique décora-
tion, et son éclairage merveilleux; Musard a composé l'orchestre
avec le plus grand soin ; il lui a confié son répertoire ; son fils le
conduira. Avec de tels éléments de succès, ce n'est pas seulement la
Chaussée-d'Antin qui peuplera ces bals, tous les amateurs de la
rive gauche s'y donneront également rendez-vous. Où pourraient-ils
se trouver aussi bien?
Ciai'onique étrangère.
%■ Berlin, 17 décembre. — La jeune et jolie cantatrice suédoise,
Mlle Jenny Lind , qui a été engagée au théâtre royal du Grand-
Opéra, vient d'y faire son premier début dans iVoima , de Bellini ,
et elle en a exécuté le principal rôle d'une manière qui l'a placée au
premier rang des cantatrices allemandes; aussi a-t-elle été accueillie
par notre public avec le plus grand enthousiasme. Mlle Lind, qui est
née à Goihenbourg , a fait ses éludes musicales à Paris , sous la di-
rection (le MM. Emmanuel Garcia et Bordogni : plus tard elle a été
guidée par les conseils de Meyerbeer. — Le nouvel opéra de cet il-
lustre m;iître, le Camp en Silésie , va être mis en scène au théâtre
de Brunswick, celui de tous les théâtres ;d'Allemagne qui , le pre-
mier, a donné les trois grands chefs-d'œuvre du même auteur : Il
Crocialo, lioberl le Diable et les Huguenots.
',' 20 décembre. — Le lendemain de la deuxième représentation
du nouvel opéra de M. Meyerbeer, le Camp en Silésie, le roi a adressé
à MM. de Kustner, intendant des théâtres royaux, et Meyerbeer, di-
recteur-général de musique et premier maître de chapelle de S. M.,
un ordre île cabinet autographe , dans lequel S. M. leur exprime sa
haute satisfaction de la mise en scène de l'ouvrage. Cet ordre de ca-
binet , qui vient d'être publié, n'avait pas de précédent dans les an-
nales de Prus-e. Les honoraires que S. M. a fait payer pour le Camp
en Sî/esie montent à 24,000 thalers (91,200 fr.), dont 3,000 Ihalers
(11,400 fr.) à M. de Rellslab, auteur des paroles j 20,000 thalers
(76,000 fr.) à l'auteur de la musique, et 1,000 thalers (3,e0l) fr. ) au
chorégraphe, M. Hoguet.
V Barcelone. — Au théâtre deSanta-Cruz on a représenté avec
succès Nabuchodnnosor, opéra-séria en quatre actes , musique du
maestro Verdi.
U Directeur, Rédacteur en chef, Mabricb SCHLESINGER.
DE PARIS.
437
HARMONIUM-DEBAIN
MODÈLE COMPLET iT DÉSIGNATION DES BEGISTRES.
@ @ @ @ ® ©
Forte. Basson. ClairoD. Bourdon. Cor angl. G. Je:
COMBXM&ÏSOM
® ® ® ® ® @
Eipres».. Flûte. Clarinelte. Fifre Hautbois. Forle.
BECISTBES DE DESSUS.
Flageolcl.
Yoiz tmmaine.
@ Orgue
I @ @ Museltc.
(g @ . . Flûte basse.
® @
£a noU la jilus basât corrtsjjonil ou ton ii'un tu^au ii'orgut bt 1 6 jiitbs il laitjutur.
L'ÉTBUDUE DS3 SONS EST DE 7 OCTATGS
WANDFACTÏÏRE, 53, ME VIVIENNE,
L'Harmonium imite l'orgue et plusieurs autres instruments : chaque registre produit un
son d'un timbre différent ; en les combinant de diverses manières, on obtient des effets variés
à l'infini. Les sons s'expressionnent comme la voix ; le clavier est très-facile à jouer pour toute
personne touchant le piano, et la musique de tout genre peut s'y exécuter, surtout la musique
large et chantante. Sa forme élégante et sf^s petites dimensions en font un meuble de luxe et
d'agrément dont la place est partout, depuis le salon du prince jusqu'à la mansarde de l'ar-
tiste, depuis la chapelle d'une cathédrale jusqu'à la plus simple église de village. Enfin, son
emploi est général. L'Harmonium manquait aux besoins de l'époque, et aujourd'hui c'est un
instrument aussi indispensable que le piano. Nos plus célèbres compositeurs, chanteurs, pia-
nistes et organistes l'ont tous adopté ; ils le prennent sous leur patronage, et cherchent à en
propager l'usage, qui sera bientôt universel, car à lui seul l'Harmonium est un orchestre com-
plet, dont les ressources sont immenses, et qui joint encore à ses nombreux avantages celui de
tenir l'accord constamment. Déjà des méthodes, par MM. Lefébure-Wély, Fessy, Desjardin ,
Miné, etc., ainsi que beaucoup de compositions musicales, sont publiées pour cet instrument.
Le Driï courant est 400 francs et au-dessus.
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TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
Académie des beaux-arts. Voy. Concours.
Académie royale de musique. Voy. Théâtres.
Académie de Ste-Cécile, à Rome. 2^2.
Affiche monstre. il8.
Air sanscrit , chanté à Munich. 195.
Allemagne. Voy. Lettres.
Anecdotes musicales :
L'actrice endormie. 233. — Rossini et
l'homme mystérieux. 210.
Anémocorde. 233. — Histoire de cet instru-
ment. 283.
Annuaire dramatique, publié à Bruxelles.
162.
Antiphonaire de saint Grégoire-le-Grand.
Voy. Notation musicale.
Association des artistes dramatiques. 281.
— des Artistes-musiciens, art. anon. 22.
— Assemblée générale, art. signé
P. S. 25. — Piano mis en loterie. Z|7.
162. 171. — Résultat du tirage. 209.
— Concert donné au bénéfice de l'as-
sociation 320. 329. Voy. Concerts.
— Patronage du prince de Joinville.
368. — Pensions accordées à quatre
musiciens. ûl7.
— des Artistes-musiciens belges. 6.
— charitable de St.-Nicolas. /iS.
— lilloise. 234.
— musicale à Caen. 22i.
Autographe curieux de Grétry. 7. — De Liszt.
306.
Autographes ( Impressions des) , art. de
M. Blanchard. 374.
B
Berton (A la mémoire de), Poésie de M. An-
tony Deschamps. 161. — Souscription
pour son monument, ibid. — Concert
donné au bénéfice de sa veuve. 162. Voy.
Biographies.
BIOGRAPHIES.
Baini, art. de M. A. de La Fage. 227. 235.
Berton (Souvenirs anecdotiquessur), art.
de P. Smith. 17;'..
.Soubre (Etienne), art. de M. Gathy. 208.
Vieuxtemps, art. de M Féiis. (Extr. de la
Biogr. univ. des musiciens.) 349.
lîobre , instrument de mus. 37.
Carillon de Valenciennes. 108.
Cercle des arts, société à Bruxelles. 400.
Chanteurs (Les) Pyrénéens, art. de M. Blan-
chard. 287.
Chirogymnaste. 142.
Chœurs exécutés par des aliénés. 337.
Cinquième (Taxe du). Décision de la Cour
royale à ce sujet. 85.
Club des mélodistes, à Londres. 55.
Compositeur (Les luttes du), art. de M. Mei-
fred. 99. 165. 199. 259. 323. 371.
Compositeurs. Tableau de l'âge auquel sont
morts quelques uns. 7.
Composition musicale (Ce qu'on entend par
une bonne), art. anon. 11.
Concert donné par un enfant de trois mois ,
art. signé M. S. 17.
CONCERTS.
— du Conservatoire, 1"' concert, art. de
M. Stéphen Heller. 20.
2° concert, art. du même. 35.
3' concert, — — 52.
Il' concert, — — 78.
Concert spirituel (Soirée du Vendredi-
Saint), art. du même. 131.
— de la Gasette musicale (1843-44).
3* concert. Programme. 5. — Art.
de M. Blanchard. 13.
W concert. Programme. 29. — Art.
du même. 36.
5' concert. Programme. 67. — Art.
du même. 79.
6' concert. Programme. 119. — Art.
du même. 125.
1" concert (1844-45), art. du même.
435.
— de l'Association des artistes-musiciens,
art. de M. Bourges. 363.
— — des fabricants et artisans, art.
de M. Blanchard. 94.
— de l'Athénée des arts, art. du même. 4.
— des jeunes Aveugles, art. du même.
208.
— du Cercle des arts. 38.
— du Cercle musical des amateurs, art.
de M. Blanchard. 139.
— de l'Institut catholique. 47.
— au bénéfice des Orphelines recueillies
par les sœurs du Gros-Caillou, art.
de M. Blanchard. 177.
CONCERTS.
— de la Société des artistes-unis. 23.
— de la Société allemande de bienfai-
sance. 409.— Art. de M. Blanchard
423.
— de la Société libre des beaux-arts, art.
de M. Blanchard. 177.
— — de musique classique sous la di-
rection du prince de la Mos-
kowa, art. du même. 103.
— — philotechnique, art. du même.
184.
— — philharmonique. 345 , art. du
même. 397.
— Vivienne. 186.
— du Cercle philharmonique de Bor-
deaux. 55. 143.
— de l'Institut musical, à Orléans. 54.
108.
— de la Société musicale de Bruges. 7.
— Irlandais , à Londres. 120.
— de Julien, à Londres. 69. 108. 418.
— de musique ancienne {Ancient con-
certs), à Londres. 55. 108.
— de MM. Alardet Dorus, art. de M. Blan-
chard. 103.
— de M. Baerwolf, art. du même. 132.
— de M. Batta (Alex.). Programme. 119.
— Art. de M. Blanchard. 133.
— de M. Baumes-Arnaud. 197.
— de la famille Beaucé, art. de M Blan-
chard. 94.
— de M. Beaulieu , art. du même. 152.
— de M. Berlioz. Programme. 30. — Art.
de M. Bourges. 43.
— — concert spirituel. Programme.
119. —Art. de M. Berlioz. 167.
— — (Festival) dans la salle de l'Expo-
sition. 210. 224. 241. Progr.
250. — Art. de M. Blanchard.
262. — Deuxième journée. Pro-
gramme. 26li. — Art. du même.
273.
— au profit de Mme Berton. Programme.
202. — Art. signé P. S. 223.
— de Mlle Boireaux , arf . de M. Blanchard.
83.
— de Mlle Borchhardt, ai t. du même. 140.
— de M. Cavallini. Voy. Ojeda.
— de M. Cavallo. 119. 127. — Art. du
même. 133.
— deM.Chaudesaigucs,ar/.dumême. 45.
kko
CONCERTS.
— de M Ghevillard. Programme. Ii7. —
Art. du même. 67.
— de M. Coche, art. du même. 95.
— de M. Cohen, art. du même. 67.
— de M. Cossmann, art. du même. 139.
— de MM. Dancla frères, art. 37. i23.
— de M. David ("Félicien). Programme.
393. —Art', de M. Bourges. Zil3.
-_ de MM. Dêjazet et Bessems, art. de
M. Blancliard. lOû.
— de M. Delsarte. Programme. 107. —
Art. du même. 139.
— de M. Disiin, art. du même. 116.
— de M. Doehler. Programme. 85. 96. —
Art. du même. lOZi. — 2' concert.
119. 127. — Art. du même. 131. —
3° concert. Programme, làà. 153.
Art. du même. 159.
— de MM. Dolmetsch et Hurteaux, à An-
gers. Zil 8.
— de M. Dreyschock, à Bruxelles. 46. l/il.
— A Bonn et à Cologne. 23Z|. A Franc-
fort. 31.
— de Mme Ducrest, art. de M. Blanchard.
àU.
— deMlleDuvillard, art. du même. 103.
— de Mme Eichthal (Elise d'), art. du
même. 623.
— de M. Ermel. 69, art. du même. [&à.
— de M. Ernst, à Londres. 2/i0.
— de Mme Farrenc, art. du même. 229.
— de M. Gain, art. du même. 8i.
— de M. Géraldy, art- du même. 177.
— de M. Gold, art. du même. 95.
— de MM. Goria et Lac, art. du même.
126.
— deM. Guerreau. 139. ouGarreau. l/iO.
— de M. Gutmann, art. du même. lOlt.
— de M. Halle, art. du même. lOà.
— de M. Haumann, à Varsovie. 31.
— deM. Haumann et Mme Sabatier, à
Bruxelles. iOO.
— de M. Javault (Séances de quatuors).
hll. 68. 83. 103.
— de Mme Jourdan-Marchal, art. de
M. Blanchard. 117.
— deM. Kastner. 369. 376. 385. ZiOl. —
Art. de M. Blanchard. Zi07.
— deM.Kiesewetter, art. du même.^Zi;i5.
— de M. Kontski (Antoine de), ar . du
même. 152.
— de Mlle Korn, art. du même. 95.
— de Mlle Krinilz, art. du même. 83.
— deM. Lacombe. 107. — Art. du même.
117. — Concert donné à Lyon. 233.
— de Mlle Lindsay-Sloper, art. de
M. Blanchard. 116.
— de M. Lisle (Charles de), ar^ du même.
95.
— de M. Liszt. 13/!|. 138. — Deuxième
concert. Programme. Ii2. — Art.
de M. Blanchard. 152. — A Madrid.
38i|.
— de M. Louis, art, du même. 67.
— de Mlle Mailmann (Louise), art. du
même. 133.
— de M. Mecatti, art. du même. 103.
— de M. Méreaux (Amédée). Programme.
13i. 142. ibZ.—Art. de M. Blan-
chard. 169.
— de M. Michiels. 30.
. — de Mlles MilanoUo, à Berlin. 171. — A
Leipzig. 69.
— de M. Mulder, art. de M. Blanchard.
83.
— de Mlle Nordet, art. du même. 200.
— de M. Offenbach , art. du même. 159.
— de MM. Ojeda et Cavallini, art. du
même. 184.
— de M. Osborne, art. du même. 116.
— de MM. Panofka et Rosenhain, à Bade.
257.
TABLE ALPHABETIQUE
CONCERTS.
— de Mlle Péan de la Rochejagu, art. du
même. 153.
— deM. Piatti, art. du même. 140.
— de M. Planque art. du même. 44.
— de M. Poncliard, art. du même. 140.
— de Al. Prudent (Emile . 153. — Art. du
même. 169. — Concert donné à
Lille. 30.
— de M. Prume, art. de M. Blanchard.
139.
— de M. Rosellen, art. du même. 126.
— de Mlle Rossignon, art. du même. 94.
— de Mme Sabatier, art. du même. 94.
— de M. Saint-Saëns, art. du même. 229.
— de M. Sauvan, art. du même. 44.
— de M. Schad, art. du même. 104.
— de Mlle Scheibel, art. du même. 132.
— de M. Seligmann, art. du même. ibid.
— de M. Servais, à Berlin. 38.
— de M. Sudre. 94.
— de M. Tagliaflco, art. deM. Ijlanchard.
159.
— deMlleTinell, art. du même. 4.
— de M. Tingry (Célestin), art. du même.
126. —Concert donné à Orléans. 418.
— de Mlle Vavasseur.art. du même. 153.
— de Mlle Veny (Jenny), art. du même.
83.
— de M. Visconti, art. du même. 140.
— de M. Vivier, art. du même. 139.
— de M. Waldmuller, art. du même. 153.
— de .Mme Wartel, art. du même. 117.
— de Mlle Zerr (Anna), art. du même.
183.
Voy. aussi Matinées musicales,
Soirées musicales.
Concours de composition musicale. 38. —
Pour le grand prix. 233. — Pour le prix
de Rome. 281. — Au conservatoire. 257.
— de musique, à Anzin. 314.
— ouvert à Manheim , pour le meilleur
quatuor. 417.
Conservatoire de musique de Paris. Exercices
des élèves. 142. — Exercice dramatique et
lyrique, art. signé P. S. 190. — Concours,
art. signé P. S- 271. —Distribution des
prix, art. signé P. S. 391. — Améliora-
tions proposées par M. Auber. 393. —For-
mation d'une seconde classe d'opéra-co-
mique. 427.
Conservatoire de chant, à Rouen. 289.
Conservatoire de musique de Bruxelles. Con-
cours, art. anon. 277. — Concours pour
l'orgue. 428.
— — de Leipzig. 55.
— — de Lipge. Distribution des prix.
418.
— — fondé à Copenhague. 385.
— — — à Nantes. 377. Ouverture.
415.
Contrepoint (Considérations sur l'étude du),
art. de M. Féiis père. 387.
CORRESPOIVDAIVCE.
— de Bergzabern. 279.
— de Bruxelles. 45. 141. 193. 336. 400.
— de Fribourg (Suisse), 29.
— de Londres. 85. 95. 106. 118 (par er-
reur 116). 170. 240.
— de Lyon. 79. 106. 140. 319.
— de Madrid. 384.
— de Marseilles. 13. 84. 192.
Cours d'histoire et de théorie de l'harmonie ,
fait par M. Fétis, art. signé M. S. 78. —
Analyse de ce cours par M. Félis même.
89. 121. 147.
Création (La) du monde, art. deM. Bourges.
355.
Czerny (Charies). Note relative à l'origine de
cet artiste. 54.
D
Diapason de l'Opéra. Inconvénients du projet
de le baisser. 6.
Diapason nouveau, inventé par M. Wolfsohn.
369.
Diapasons en miniature. 39.
Distribution des prix. Voy. Institut de
France.
Droit des pauvres. 85.
Droits d'auteurs réclamés par l'auteur de la
Pie voleuse. 68. — Nouvelle loi sur les
droits d'auteurs. 257.
— en Allemagne. 119. 120. — Règlement
de ces droits en Autriche. 120.
E
École lyrique. 171.
Education musicale des femmes. Voy. Fem-
mes.
Etudiants (Musique des). Voy. Musique.
Exécutions dramatiques et lyriques, art.
anon. 256.
Exposition des produits de l'Industrie, art.
de M. Anders. 197. 216. 219 bis. 237.
251. 261. 283. 301. 325.
— Commission pour juger les instruments
de musique. 241.
Fac-similé (Les), art. anon. 2.
Femmes (De l'éducation musicale des), art.
de M. Blanchard. 2.
Festival à Birmingham. 55.
— à Caen. 265.
— à Cambrai. 297.
— à Gotha. 306,
— à Londres, pour le 106' anniversaire
de la société des musiciens. 55.
— à Manchester. 108.
— à Paris , dans la salle de l'Exposition.
Voy. Concerts.
— des chanteurs du Taunus. 178.
Fête de chant, à Gand. 265.
Fête musicale, à Brunswick. 338.
— — à Cologne. 187. 203.
— — à Deux-Ponts. 86,
— — à Lubeck. 265.
— — à Meissen. 298.
— — à Turin, pour le 300" anni-
versaire de la naissance du
Tasse. 197.
Formules de modes (Des) dans le phrasé du
chant et de la musique instrumentale, art.
de M. Fétis père. 73.
France musicale. 298.
Galerie de la Gazette musicale. 232.
Gazette musicale et littéraire de l'Académie
espagnole. 109.
Gluck. Son épitaplie. 178.
Goethe. Inauguration de son monument, à
Francfort. 353.
H
Harmonie (Cours d'histoire et de théorie de
1'), fait par M. Fétis. 54. 68.
I
Iberia musical, journal espagnol. 69.
Institut de France. Distribution des prix et
exécution des cantates couronnées, art.
signé R. 341.
Instiliiimiisical d'Orléans. Son inauguration.
39. 5Zi.
[nstiuit royal des Pays-Bas. Prix proposé
pour une question relative à l'histoire de
la musique. Û18.
Lettre de Mme Catalani au docteur Peller. 5i.
— de M. Danjou au directeur, sur la mu-
sique religieuse en Belgique. 278.
— de M. Doehler à l'auteur du Chiro-
gymnasle. l/i2.
— de Mlle Fanny Elssler, au sujet d'une
publication apocryphe qui la con-
cerne. Z|7.
— de Rossini à M. Panseron. 5Zi.
Lettres de M. Fétis à M. Zimmerman. 2^3.
267. 291. 307. 326. 331.
— — au directeur de la Gazette musi-
cale. /i22. i3i.
— de M. Laurens, sur l'Allemagne. 395.
Zi31.
Liedertafel (Société de chant), à Manchester.
120.
M
Matinées musicales chez M. Bernhardt. art.
de M. Blanchard. 397.
— — chez M. Bodin, art. du
même. 93. 30i.
— — chez M. Franck, art. du
même. 107.
— — chez M. Montai. Zi09. —
Art. du même. Zi2Z|.
— — chez Mme Polniartin, ar/.
du même. 9/(.
— — chez M. Rosenhain, art.
du même. 37.
— — chez M. Van Nuffel, art.
du même. i2Zi.
— — chez M. Vény, art. du
même. Ibid.
Voy. Concerts.
Mélodies hébraïques. 39.
Mendelssohn (Hommage à), vers de M. An-
tony Deschamps. 185.
Messe de M. Dietsch , exécutée à Bordeaux.
iOi.
— de M. Doche, art. de M. Blanchard.
305.
— de M. Mansion , exécutée à St-Germain-
en Laye. ZiOl.
— de M. J. Martin, exécutée à l'église
Saint-Germain-l'Auxerrois, arl. de
M. Blanchard. 191. — Nouvelle messe
du même auteur. 27ù.
— de Palestrina, exécutée aux funérailles
deLaffitte, art. de M. Danjou. 192.
— de M. Sliegler, exécutée à St.-Méry,
art. de M. Blanchard, à. — Autre
messe du même auteur. 153. 30li.
— de M. Sowinski, exécutée dans le cou-
vent des Oiseaux. 117.
Monument de Beethoven. 265.
— de Goethe, à Francfort. 86. 353. 377.
Mozart fils. Son service funèbre. 321.
Musical examiner, journal anglais. 108.
Musique (La) des comédies de Mohère, art.
de M. E. Fétis. 165. 181.
— — des étudiants, art. signé P. Smith.
379.
— en Russie. Voy. Russie.
— séditieuse (De la) , art. de M. Blan-
chard. 315.
DES MATIERES.
N
NÉCROLOGIE.
Alissan de Cliazet. 289.
Baillot (Mme). 6.
Baini. 210. Voy. Biographies.
Benda (Mme Caroline). 186.
Bender (Jacques). 289.
Berton (Henri-Montan), art. signé P.
Smith. 150.
Blum (Charles). 264.
Boieldieu pore. 281.
Canipagnoli. 288.
Castelli (Valentino). 86.
Chazet. Voy. Alissan.
Clarke. 179.
Delahaye. 329.
Dorsan (Mlle). 360.
Ducis. 15.
Froment (Charles). 86.
Goethe (Aima de) 360.
Gontier (Mme). l/i3.
Julien 30.
LoQvois (Marquis de). 127.
Mosel (De). 171.
Mozart, fils. 306.
Nodier (Charles). 39.
Panckoucke. 250.
Paul (Mme). 3i5.
Pi.xérécourt (Guilhert de). 264.
Pouilley (Mme). 86.
Séraphin. 22/i.
Thorwaldsen. 127.
Webster (Miss Clara). 428.
Notation musicale (Sur la), dont s'est servi
saint Giégoirc-le-Grand pour le chant de
son antiphonaire, art. de M. Fétis père.
205. 213. 221.
IVoiiveSSes de Paris.
Voy. dans chaque numéro à la tête des
Nouvelles.
Nouvelles des DéiDartemesits.
Wl
Aix. tl9.
Alger. 538.
Angers. 41:8.
An-as. 314.
Avesne. (08.
Avignon. *33.
Bayonne. 7.
Besançon. 186.
Bordeaux. SU. 127. 13
(43. 218 bis. 233. 28
303. M(. 4(8.
Caen. 263. 4(8.
Clermont. 34.
Dieppe. 277.
Dijon. 48.
Gisors. 224.
Grenoble. 7.
Lille. 30. 47. 96.2(8 bi
234. 369.
Lyon. 33. 203. 218 bi
233. 237. 289. 320.
Marseille. 30. 96. 108. ( 27.
233. 263.
Nancy. (62.
Orléans. 84.108.4(8.
Pau. 289.
Reims. 314.
Rouen. 289. 303. 514. 529.
369. 40 (.
Saint- Germain-en- Laye.
40(.
Sai^t-Malo^o(.
Sainl-Quentin. 108.
Strasbourg. 162. 2(8 bis.
503.
Toulouse. (19. 162. 234.
303. 514.
Tronville. 274. 521.
Valenciennes. 108.
Versailles. 39. 241. 537.
Nouvelles de l'Etrasiger-
Aix-la-CliapelJe. 298. 503
Alexandrie [Egypte). 40.
Alloua. 231.
AmslerJam. 48.
Anvers. 87,
Bade. 237. 289.303. 321.
358. 369.
Baden-Baden. 241.
Baie. (93. 266.
Barcelone. 40. (09. 223.
436.
Bergane. 70.
Berlin. 3(. 59. 48. 69 87.
(08. 1(9. 163. 186. 211.
218 bis. 251. 242. 263.
289. 298. 338. 533. 560.
377.393. 418. 428. 369.
456.
Bonn. 263.
Breslau. (63. 266.
Brunswick. 87. (86.234.
29S 558. 535.
Bruxelles. 7. 40. (86. 2(8
bis. 263. 289. 298. 306.
535.560. 401. 428.
Calculta.2(8('!S.
Carlsbad. 503.
Carlsrule. 52(. 577.
Christiania. 577. 428.
Cologne. 5(. 186. 203. 254.
263. 533.
Gopcnliague. 163. 306. 3S3.
38S.
Corfou. 70.
Darmsladt. 179. 428.
Dresde. 48. 179. 2(8 bis.
289. 506. 338. 535. 569.
383. 428.
Ems. 298.
Florence 70. 428,
Francfort. 3(. 48. 33. (09.
153. 242. 266. 358. 543.
360.
Gand. 51. 3(4. 558.
NOUVELLES DE L'ÉTRANGER (suite).
Genève. 32( . 538.
Graetz{Slvrie). 569.
Gotba. 506.
Grèce. 428.
Hambourg. 254.242.
289. 5(4. 321. 34S.
Hameln. 266.
Hanovre. 48. 69.
Hâve (La). S9. 109.
329.
Inspruck. 87.
Kiel. 69.
Leipzig. 33. 69. 211. î
298. 306. 32(. 428.
Liège. 1(9. 4(8. 428.
Lisbonne. 70. (86.
Londres. 31. 59. 48.
69. 86. 108. 121). I
193. 1S1. 162. 179. l
205. 210. 2(8 bis. 1
224.237. 585.4(8. 4;
Lubeok. 263.
Lucques. 40.
Madrid. 5(. 40. 70.87. 1
120. 165. 179. 193. 5
254. 237. 298 506.
Manchester. 120.
Mayence. 242. 569.
Mexique. 120.
Milan. 40. 109. 145. !
428.
Modéne. 70.
Mons. 218 6i.î.
Munich. 40 193. 218
333. 577. 394.
Naples. SI.
New-York. 23. 120. 165.
186.211. 521.
Ofen. (Hongrie). 87.
Parme. 343.
Pestli. 306.
Pétersbonrg. 40. 120. 163.
223. 385. S93.
Prague. 87. 234. 306. 379.
aiga. 87. 306.
Rome. 31. 306.343.
Russie. 338.
Saxe. 298.
Schwerin. 69.
Soleure. 179.
Stockholm. 87. 179-
Stnltgard. 87. 145. 179.
234.
Triesle. 179. 506. 428.
Valence. 165. 223.
Valladolicl.211.
Varsovie. 31. 109. 135.
Venise. 31 . 545.
Vienne. (Autriche). 55. 69.
87. 109. 120. 134. 171.
179. 186. 211. 218 bix.
224. 234. 241. 289. 306.
521. 538. 569. 379. 393.
594.
Weimar. 59. 186. 234.
Wiesbade. 155. 193.266.
314. 333.
0
Opéra. Projet d'une nouvelle salle. 85. 427.
— Restauration de la salle actuelle. 133.
— Recette énorme. 194.
Orchestie ambulant, art. sig. M. S. 9.
Orgue. ( Audition de 1' ) de Daublaine-Cal-
linet, art. de M. Blanchard. 200. — Inau-
guration de l'orgue de Saint-Eustache.
art. signé N. 219. Art. de M. Morelot.
230. — Incendie de cet instrument. 427.
— de Saint-Sulpice. 401.
— à Gisors. 224.
Orphéon. 23.
Piano d'Erard mis en loterie. Voy. Associa-
tion des Artistes-musiciens.
Pianos de MM. Boisselot, art. de M Anders.
219 bis.
— de M. de Girard, art. du même. 325.
— de M. H. Herz, art. du même. 281.
— de M. Pape, art. de M. Fétis. 101.—
Art. de M. Anders. 216.
-— de M. Pleyel, art. de M. Anders. 236.
— de M. Wœlfel, art. du même, 301.
Pianographe de M. Guérin, art du même.
251.
Polka (la). Art. signé Edmond Lar... 81. —
Reclierches et considération sur la polka,
art. de M. Blanchard. 182. — Quelle est
la plus jolie de toutes les polkas? Art. du
même. 381. — La véritable. 178. — Ses
transformations. 210. — La polka importée
à New- York. 220. — Aux Etats-Unis. 321.
Procès du directeur de l'Opéra avec M. le
marquis de Saint Marc. 219.
— — avec M. Robin. 185. 194. 288.
— du directeur du Théâtre Italien avec
l'auteur de la Pie voleuse. HQ. 233.
— — avec Fornasari. 68. 127.
— avec M. Conradin Kreutzer. 384. 417.
— avec Ronconi. 68.
REVUE CRITIQUE.
Ifittérature musicale.
Gauthier (Théophile). Les beautés de
l'Opéra, art. sigiié P. S. 240.
442
REVUE CRITIQUE.
Théorie, Méthodes, Ouvrages élémentaires.
Cadaux (Justin). Ecole d'orgue, art. de
M. Danjou. 350. 366.
Cliaulieu. Clef des modulations , art.
anon. 28.
Faure (l'abbé). Nouv. méthode de plain-
chant, art. de M. Blanchard. 296.
Guillot (Anlonin). Vocalises, art. de
M. Kaslner. 383.
Hennelle (Claire). Rudiment des chan-
teurs, art. du même. 344.
Musique religieuse.
Labat. Cantiques, art. de M. Blanchard.
296.
Lenvec. Prière à la sainte Vierge, art.
de M. Kastner. 104.
Verhulst. Hymne : Clemens est domi-
nus, art. du même. 296.
Valenlin. ( Patrice ). OITice complet du
matin, ou Collection de messes, art.
de M. Kastner. 160,
Bazzoni (Giovanni.) Le crucifix. — Les
Funérailles, art- de M. Blanchard.
296.
Heurion (Paul). Album, art. du même.
398.
Kucken (Fr.). Trois ballades pour voix
d'hommes, art. de M. Bourges. 424.
Leroy (Mme Ambroisine ). Rigolette.
Chanson, art. de M. Kastner. 104.
Masini. Album, ar^ de M.Blanchard.
415. — Rectification au sujet de cet
article. 428.
Martin ( J. ) d'Angers. Mélodies : Une
larme, et La fêle de sainte Cécile,
art. anon. 417.
Tadolini. La Fuga di Bianca Capella.
art. de M. Kastner. 104.
Benoist. Etudes, art. de M. Blanchard.
296.
Cramer (J. B. ). Conseils à mes élèves.
Nouvelle méthode , art. de M. Fétis.
20d.
— Solfège des doigts, art. de M. Amé-
dée Méreaux. 184.
Frank (C. A.) Duo à 4 mains sur God
save the King , art. de M. Kastner.
344.
Heller(Stéphen). Fantaisies sur la Juive,
art. de M. Blanchard. 238.
Lenvec. Valse , art. de M. Kaslner.
104.
Liszt (F.). Nonnenwerth. Romance sans
paroles. — Marche héroïque, art. de
M. Blanchard. 328.
Louel. Trois fantaisies, art. de M. Kast-
ner. 104.
Messemaeckers { Louis ). Deux grandes
fantaisies sur la Juive et la Favorite,
art. de M. Blanchard. 426.
Muller (Louis). Trois mélodies. — Hep-
tameron du jeune pianiste , art. de
M. Kastner. 344.
Pfeiffer (Mme Clara). Etudes. — Deux
nocturnes, art. de M. Blanchard.
238.
— Second nocturne, art. de M. Kast-
ner. 383.
Rosellen (Henri). Fantaisies et varia-
tions sur II templario , art. de
M. Blanchard. 399.
Rosenhain. Trio. — Fantaisies sur la
Reine de Chypre, art. du môme.
238.
Stamaty. Fantaisie sur la Juive, nrl. du
même. 238.
TABLE ALPHABETIQUE
REVUE CRITIQUE.
Piano et Violon.
Kalkbrenner et Panofka. Fantaisie sur
la Juive , art. de M. Blanchard.
238.
Thalberg et Panofka. Grand duo sur
Béatrice di Tenda , art. du même.
ibid.
Harpe,
Labarre ( Théodore). Méthode , art. de
M. Kastner. 318.
Violon.
Alard. (D. ). Ecole du violon, ou mé-
thode complète etc., art. de M. Kast-
ner. 425.
Ern.st (H. W.). Le carnaval de Venise.
Variations, art. anon. 28.
Guichard. Ecole du violon, art. de
M.Blanchard. 105.
Seligmann. Six études caractéristiques.
art. de M. Blancliard. 238.
Contrebasse.
Gouffé. Traité sur la contrebasse, art.
(Je M. Kastner. 383.
Revue de la musique religieuse et ecclésias-
tique. Nouveau journal musical. 401.
Richard, Cœur de Lion. Détails sur les
changements que cette pièce a subie à Lon-
dres. 7.
Russie (De quelques instituts de musique en) ,
art. anon. 399. 411.
Société libre des beaux-arts; 14" séance an-
nuelle. 176. Voy. Concerts.
— d'harmonie sacrée à Londres. 55.
Société musicale de Bruges. 7.
— philanthropique de Troyes. 178.
Société philharmonique de Bordeaux. 55.
— du Calvados (à Caen). 418.
— de Dijon. 48.
— de Malaga. 298.
— de Saint-Quentin. 108.
— de Tours. 178.
Société philomathique de Bordeaux. Dislri-
tribution de prix. 418.
— de patronage pour les aveugles tra-
vailleurs. 45.
— royale des dames musiciennes à Lon-
dres. 163. — Des musiciens à Lon-
dres. 31.
Soirées musicales chez Mme. Aguado. 153.
— — chez Mlle Bertin. 85.
— — chez M. Erard. 85. — Arl.
de M. Blanchard. 95.
— — chez MM. Kriegelstein et
Plantade, arl. du même.
103.
— — chez Mme la comtesse Mer-
lin. 54.
— — chez M. Pape, art. de
M. Blanchard, 94.
— — chez M. Ségalas. 68.
— — chez M. Tudor. 107.
— — chez M. Wolff. 54.
— — chez M. Zimmerman. 96.
Voy. Concerts.
Statue de Goethe, à Francfort. 305.
— de Mozart, à SaIzbourg,ar(. de M. Bour-
ges. 366
Thcléphone ( nouvelle trompette) 289. 337.
Téléphonie de M. Sudre 6. 178. 337.
Théâtre de Bordeaux (Modèle en relief du).
436.
Théâtre lyrique (projetd'un troisième). 320.
409.
Théâtres. Stalilisque des acteurs employés
aux théâtres de France. 428. — Statistique
théâtrale de l'Allemagne, ibid.
Théâtres lyriques de Paris. Liste des pièces
nouvelles jouées en 1843. 6.
— — de province. Réflexions sur
leur état critique. 15.
THEATRES,
Pai-ig.
Académie royale de musique.
Eucharis, ballet en 2 actes, mus. de
M. Deldevez. 1" représentation, art,
signé C. 27 1
Lady Henriette , ou la Servante de
Greenxoich, ballet en 3 actes, mus.
de MM. de Flolow, Burgniuller, et
Deldevez. 1'' représent., art. signé P.
S. 66.
Le Lazsarone , op. en 2 actes, mus. de
M. Halévy. 1"' représentât., art. de
de M. Bourges. 113.
Marie Stuart, op. en 5 actes, mus. de
M. Niedermeyer. V représent., art.
M. Blanchard. 403.
Othello, op. en 3 actes, mus. de Ros-
sini. r= représent., art. signé R. 303.
Richard en Palestine, op. en 3 actes,
mus. de M. A. Adam, 1" représentât.,
art. de M. Blanchard. 339.
Théâtre royal Italien.
Anna Bolena. — Il Barbiere, art. si-
gné G. L. P. 20.
Corrado d' Alt amura , op. séria, en 3
actes, mus. de Ricci. 1'" représent.,
art. signé G. L. P. 82,
Otello, représenté au bénéfice de
Mme Grisi. 53.
Clôture. — Avenir, art. de M. Specht.
124.
Réouverture. — Llnda di Chamounix,
art. signé R. 335.
Émeute à propos d'un duo supprimé.
376.
Représentations de la troupe anglaise.
436.
Théâtre royal de l'Opéra-Comique.
Le Bal du sous-préfet, mus. de M. Boil-
ly. 1" représent., art. de M. Blan-
chard. 167.
Cagliostro, op.-com. en 3 actes, mus.
de M. A. Adam. 1'" représent., art.
de M. Blanchard. 50.
Les Deux gentils' onimcs , mus. de
M. Cadaux. 1'" représentât., art. de
M. Blanchard. 286.
Le Mousquetaire, op.-com. en 1 acte ,
mus. de M. Bousquet. 1'" représent.,
art. de M. Blanchard. 347.
Oresle et Pylade, op.-com. en 1 acte,
mus. de M. Thys. 1" l'eprésent., arl.
de M. Blancliard. 77.
Les Qualre fils Ai/mon, op.-com. en 3
actes, mus. de M, Balfe. 1" représent.,
arl. de M. Blanchard. 247.
Sainte-Cécile, op.-com. en 3 actes,
mus. de M. Montfort. l'" représent..
arl. de M. Blanchard. 316.
THÉÂTRES (paris).
La Sirène , op.-coin. en 3 actes, mus.
de M. Auber. 1'" leprésent., art. de
M. Blanchard, iih.
Reprise d'>l(?o/pAe et Clara. Zil7.
Reprise du Guitarero, art. de M. Blan-
chard. It33.
Reprise de GiiHstan, art. de M. Blan-
chard. 270.
— du Maçon, art. du même. 373.
— de Wallace, art. du même. ^i05.
Théâtre de l'Odéon.
Antigone, tragédie de Sophocle, avec
chœurs de Mendelssohn. 185. —Art.
signé Z. 190.
ISégtai'fteBnemts.
Aix. Troubles au sujet des couplets de
Charles VI. 119.
Alger. Mme Adolphe Berlon. Zi7. 338.
Avignon. La Reine de Chypre. 135.
Besançon. Les Huguenots. La Juive. 136.
Bordeaux. Charles VL 127. 135.— Arrêté
du maire, portant défense de tout signe
d'approbation et d'improbationpour les
débuts. 186. — Fermeture des deux théâ-
tres. 218 bis. — Réouverture par les
artistes associés. 233. — Nouvelle direc-
tion. 289. — La Juive. Lucie. 305. —
Représentations de Mlle Masson et de
M. Lespinasse. 38Zi.
Clebmont. Représentations de MmeDuflot-
Maillard et de M. Herman-Léon. 5/|.
t'.RENOBLE. Représentations de ces mêmes
ariistes. 7.
Havre (Le), Antigone, avec les chœurs de
I\Iendelssolin, représentée par les artis-
tes de VOdéon. 297.
Lille. La Juive. Ixl. — Dom Sébastien.
96. — Lucie de Lammermoor. 218
bis.
Lyon. Embarras du d.recleur. 55. — Mau-
vaise administration de M. Duplan. 79.
— 1" représentation de Dom Sébas-
tien. 106. Médiocrité de la troupe. 203.
— Succès de Mlle Elian. 218 bis. —
Changement de direclion. 289. — Repré-
sentations de Poulticr. 319.
Marseille. La Reine de Chypre. S!i. 93.
108. 192. — RobiTl-le-Diable. 193. —
Débuts divers, ibid. — Couplets de
Charles VI. 127. ~ Dom Sébastien.
233. — Représentation d'une troupe
allemande. 265. — Mlle Catinka Heine-
Ictter dans la Juive. 38/i.
l'AU. Représentations données par les ar-
tistes de Bordeaux. 289.
Reims. Lucie, succès du ténor Grossel. 31/i.
R.01IEN. M. Deslandes, nommé directeur.
195. — Début de la troupe lyrique. Ro-
bert-le-Diable. 305. — La Juive. 31/|.
— La Favorite. 329. — Guillaume
Tell. 369. — Les Huguenots. ZiOl.
Saint-Cloud. Raoul de Créqui, repré-
senté au Château par les élèves du Con-
servatoire. ZiOl.
Strasbourg. Réouverture. La Favoiite.
218 bis. 280. — Robert - le - Diable.
280. Mlle Reuss. 305.
ToiLODSE. La Bohémienne, mus. de
,\L Soubies. il9. — Charles VI. 16%
171. — Départ de la troupe italienne
234. — Tumulte à propos du ténor Es-
pinasse. 305. — Début de Mme Wide-
mann dans la Favorite. 31/i. Mlle Mas-
.son dans la Juive. Ibid. — Charles VI.
3'''i. — Fermeture. 353.
DES MATIERES.
THÉÂTRES (paris).
Versailles. La Juive. 39. —La Favo-
rite. 2/il. — M. Jourdain. 237. — Re-
présentation au Château. 202. 209.
Étranger.
Amsterdam. Théâtre Italien. Béatrice di
Tenda. IS.
Anvers. M. Gary dans La Favorite.
87.
Bale. Théâtre en désarroi. 195.
Barcelone. Norma, succès de madame
Goggi. io. — I due Figaro . mus. de
Speranza. 109. Olello. Apoluy Dafne,
ballet. 125. Nabuchodonosor, mus. de
Verdi. 436.
Bekgame. Nabucco. 70.
Berlin. Le Hollandais errant, de Ri-
chard Wagner. 39. — Désordres à pro-
pos de chants nationaux. 40. -i« Chat
botté . mus. de M. Taubert. 69. 187.
211. Les Grenouilles, d'Aristophane.
Ibid.— Carlo Broschi {La part du Dia-
ble). 109. — Les Prisonniers., de Plante,
représentés par les étudiants de l'Uni-
versité. 109. — Liste des pièces repré-
sentées. 143. — La Flûte enchantée.
187. — Nouvelle salle de l'Opéra. 224.
234. 353. 393.— Le Camp silésien, op.
de Meyerbeer, mis en scène pour l'inau-
guration de la salle. 369. 393. — 1"
représ., art. de M. Danjou. 411. 419. —
Frais de la mise en scène. 428. Hono-
raires pour- cette pièce. 436. — L'Athé-
nienne, de Spontini. /ôirf. — Théâtre
lialien. / Capuleti ed i Montecchi. 87.
233. — Il Matrimonio Segrelo. 163.
BfiESLAU. La Part du Diable. 173. —
Mlle Tuczek. 266.
Bkunn. Prix proposé pour le meilleur
drame. 143.
Brunswick. Lurley . ballet. 87. — Pino
di Porto, mus. de G. MuUer. Le Rem-
plaçant, mus. de Wcrnthal. 187. 234.
Maria Dolorts , ou le Parjure ; mus.
de Koehler. 298. 353.
Bruxelles. Linda di Chamounix , de
Donizetli , traduction française. 45. —
Le Furieux de l'île de Saint-Domin-
gue , traduction d'il Furioso, de Doni-
zetli. 141. — Début de M. Laurent dans
La Favorite. 186. — Renouvellement
delà troupe. Débuts. 193. — Le Moine,
op. en 1 acte, mus. de .M. Willent-Bor-
dogni. 194.— La Reine de Chypre. i^9i.
336. — Concurrence des deux théâtres
royaux. Théâtre mû par la vapeur. 336.
— Troupe allemande. Une nuit à Gre-
nade, deC. Kreutzer 265. — La Flûte
enchantée, Frcischutz , Don Juan,
Fideiio. 274.
Calcutta. Lucia de Lammcrmo jr. 218.
bis.
Carlsruhe. 1" représentation de Robert
le Diable. 2,11.
Christiania. (Norvège). Les demoiselles de
Saint-Cyr. Comédie de M. Alex. Du-
mas. 377.
Cologne. Le Maire de Paris, mus. de
Dom. 31.
CoNSTANTiNOPLE. L'cUsired'Arnore. 86.
Copenhague. Théâtre Italien. Clôture. 163.
Réouverture. 385. — Succès de Mlle
Ida Bertrand. 409. — Théâtre national.
1" représentation de La Vestale, de
Spontiiii. 396. 353. — Lucrcce , de
M. Pon,sard. 396.
hh'i
THÉÂTRES (étranger).
CoRFOu. Il Bravo, de Mercadante. 70. —
Spectacle troublé par des officiers an-
glais. 393.
Darmstadt. Belisario. SuccèsdeM.Mayr.
179. — Les Huguenots. à18.
Dresde. Hans Heiling , de Marschner.
48. — M Mittermaycr. 179. — Inaugu-
ration du Théâtre d'été. 218 bis. —
La Vestale, AnS^onûm. Il Crociato ,
de Meyerbeer. 338. — Bianca e Guel-
tiero, mus. de M. Alexis Lwoff. 369. —
La Vestale. 428.
Florence. Il primo navigatore. Ballet.
70. — Représentation au bénéfice des
inondés. 428.
Francfort. Le Barbier de Séville 109.—
Fernand Cortez. Ihl- — M. Gundy
dans Bélisaire. 266 — Goclz de Ber-
lichingen, joué pour l'inauguration de
la statue de Goethe. 360.
Gand. Succès de M. Portéhaut. 31. — Dé-
buts de divers artistes. 314.
GÊNES. Grand succès de Dérivis. 210.
Génère. Mauvais accueil de la nouvelle
troupe. 321. — Triomphe des artistes.
338.
Graetz (Styrie). Don Juan. La Flûte en-
chantée. 309.
Hambourg. Représentation de Moriani et
Mlle Razetti. 13à.—Rienzi, de Richard
Wagner. 234. — LeTemplierel la Juive,
de Marschner. 314. — Antigone. Suc-
cès de Tichatschek dans Rien.zi. 321 —
Guido e Ginevra. 345. — Les Mar-
tyrs, de Donizetti 360.
Hanovre. Construction d'un nouveau théâ-
tre. 39. — Riquiqui, mus. de M. Esser.
48.
Haye (La). La Reine de Chypre. 23. 109.
298 — I^^ Ambassadrice. 69. Guido
e Ginevra. Siia. — Théâtre italien :
Béatrice di ' Tenda. 69.
Inspruck Les mineurs, op. nouveau de
M. Hamni. 87.
KiEL. Les Mystères de Paris, op. arrangé
par Cari Blum. 314.
Leipzig. Xe Paradis et la Péri, op. de
Robert Schumann. 39. — Restauration
de la salle. Réouverture. 298. — Pros-
périté du théâtre. 306. — L'Echevin de
Paris, mus. de M. Dorn. 321.
Liège. Mme Laborde. 119.. — Représen-
tations de Masset. 161. — Subvention.
428.
LivouRNE. Lucrezia Borgia. de Donizetti.
369.
Londres. Théâtre de la Reine ( Queen's
théâtre J. Opéra Italien. Personnel do
la troupe. 55. —Ouverture. 69, 86. —
Adelia, de Donizetti. 106. — La Cene-
rentola. 118. — / Puritani. 135. 143.
— Don Pasquale 143. — Semira-
mide. 154. — Emeute. 154- 161. —
Norma. 163 —Zampa. 118. 179. 195.
— Don Giovanni. 170. nd.—IlMa-
trimonii) Secreto 195. 203. — Don
Carlos, op. nouveau de Costa. 224.
Drury - Lane. The Seven Maiden of
Munich, drame musical de M. Rod-
well. 55. — La Favorite. 118. —
Duprez. 55. 85. 95. 143. 154. —
La Jolie fille de Gand. 69. 85. —
Lady Henriette , ballet. 154. — Le
ténor Salvi. 161. — The Brides of
Venice. (Les Fiancées de Venise), mus.
de Bénédit. 162. — The Bohemian
Girl , musique de Balfe ; centième
représentation. 385. — The Dau-
y
44i
THÉÂTRES (étranger).
ghter of Saiiit-Slarc, mus. de Balfe.
Zi09. ils. — Mme Webster. Sa mort.
Zi28.
Théâtre de la Princesse. The Maid of
Judah. 31. — Mme Eugénie Garcia.
Ibid. — La Nortna. 85. 86. - Lcola,
The Mail - ^f^V bride (La Fiancée du
jour de mai). 108. — Pair Stear (La
Ijelle étoile) , ballet , mus. de M. James.
1/43. — Les Diamants de la Couronne.
170. — Taken by surprise. Farce
ultra-bouffonne. 218 bis.
ïbéàtre de Saint-James ( Comédie fran-
çaise). Achard. 69. 85. — Mme Albert.
86. lZi3. 162. — Le Mariage de Fi-
garo, de Beaumarchais, 187. — Mlle
Plessy. 195. — Mlle Prosper. 211.
Ldcqdes. IlRitorno di Columella da Pa-
dova liO.
Madrid. Olello, de Rossini. 31. — La
Favorite. 70. 225. 298. — // Fu-
rioso. 87.— Projets divers concernant
les théâtres. Ibid. — Personnel du
théâtre Bel Circo- 109. — Société
d'auteurs dramatiques. 120. Dissolu-
tion de la Société dramatique, intitulée
Il Genio. Ibid. — Troupe française.
162. — Bandera Negra , mus. de
IVubi. 163. — La Hermosa Hija de
Gand (La Jolie fille de Gand). 195.
257. — La Gemma di Vergi, de Do-
nizetti. 225. — Una reina no con-
spira, drame politique de D. J. -Maria
Liaz. 234. — Las Treguas de Tôle-
maida, mus. de D. Hilarion Eslaba.
306. — Lucrèce Borgia. i28.
Manchester. Incendie du théâtre- 179.
Milan. Mme Monténégro. ZiO.— X'Eônd,
mus. de Pacihi. 109. — Fanny Elssler,
l/i3. — / Lunaid i Perollo, op. nou-
veau de Pasquale Bona. 428.
MODÈNE. Maria d'Inghilterra , mus. de
Pacini. 70.
Munich. Zaïde, mus. de M. Poils. 40. —
Fanny Elssler. 377.
Naples. Coslanza d'Arraqona, mus. de
- Sarmiento. 31. Ricardo Mour, mus.
de Gallos. 39. — Catarina Cornaro,
de Donizetti. 68.
New - York. Changements au Théâtre
[' Palmo. Les Puritains. Belisario. 120.
— Mlle de Borghèse. 163. — Clôture
de la troupe italienne , remplacée par
une troupe française. 187. — Réou-
verture du théâtre italien. 211.
Nouvelle - Orléans. Représentation de
Mme Damoreau. 142.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIERES.
THÉÂTRES (étranger).
Ofen ( Hongrie ). Les Brigands, op. d'a-
près Schiller , mus. de Loeschenger.
87.
Parme. Découverte de l'ancien théâtre.
345.
PÉRA. Construction d'une salle d'Opéra.
298.
PÉTERSEODRG. Opéra allemand abandonné
pour le théâtre italien. 163. — Lucia
di Lammermoor. 385. — Mme Viar-
dot. 393.
POTSDAji. Les Euménides , d'Eschyle.
234.
Prague. Cendrillon, de Nicolo. 87. —
L'Echevin de Paris, mus. de Dorn.
306.
Riga. Bramant , op. nouveau de M. Pau^-
wiiz. 87. — Le Domino Noir. Adieux
de \lme Hoffmann. 306.
Rome. Ordonnance relative aux vêtements
des danseurs. 31.
ScHWERiN. ( Meklembourg ). Lucia de
Lammermoor, de Donizetti ; Faust, de
Lindpaintner ; Le Vampire de Marsch-
ner. 69.
Stockholm. Réouverture du théâtre Liu-
deberg; clôture du Théâtre Royal.
179.
Stuttgart. La Juive. 143. — Construc-
tion d'une nouvelle salle. 179. 234.
Trieste. Il Begente , mus. de Merca-
dante. 15. — Théâtre allemand , en
prospérité. Concurrence des divers théâ-
tres. 179. — Elena deFeltre, de Mer-
cadante. 428.
Valence. Les cantatrices Mugnoz et Toral.
163. — El Duque de Gol. 225.
Valladolid. Lucrezia Borgia. 120. —
Derrière la croix le Diable. 211.
VARSOVIE. Décadence du théâtre polonais;
engagement d'une troupe italienne.
109. — Le danseur Tarczynowitz. 135.
Venise. / Lombardi, mus. de Verdi. 31.
Luisa Strozzi, op. nouveau de Ronzi.
345.
Vienne. Guido e Ginevra. 15. 109. —
Le Joueur elle Fossoyeur, mus. de
Proch. 69. — Le Retour des Bannis,
mus. de Nicolaï. Ibid. Succès de cette
pièce. 109. — Pascal Bruno, mus. de
Hatton. 120.— Représentations de Fanny
Elssler. 211. 234. — Projets pour l'a-
méliora ti un des divers théâtres. 338. —
Théâtre Italien. Le Barbier de Séville.
Mme Viardot. 154. — Norma. Débuts
de nouveaux artistes. 171. — Lucia di
THEATRES (ÉTRANGER).
Lammermoor. Mme Viardot. 224. —
Ernani, mus. de Verdi. 234.— Repré-
sentation au bénéfice de Mme Viardot.
241. Clôture. 289.
Weimar. Les Enseignes de la Marine,
op. nouveau de M. Chelard. 187. —
L'Emancip.ition des Femmes, op, du
même. 234.
Wiesbade. Besoin de réforme. 135. —
Représentations de la saison d'été. 195.
— La Lune de Miel, mus. de Ricci
353.
VVcRZBotJRG. La Part du Diable 179.
Zurich. Fin de la saison d'hiver.
Trémolophone de M. deGirard. Voij. Pianos.
Trompette sonnant au moyen de l'air com-
primé. Voy. Téléphone.
— de M. Sax. 305.
VARIETES.
L'Actrice et l'étudiant , art. de M. Blan-
chard. 10. 18. 26. 33. 60.
L'Empereur Joseph II, et le compositeur
Diitersdorf, art. anon. 117.
Euphonia , ou la ville musicale. Nouvelle,
par M. Berlioz. 49.''#>7. 76. 92. 97. 145.
157. 189. 254.
Mon album de cette année , art. signé M.
S. 1.
Portefeuille de deux cantatrices, art. signé
P. Smith. 331. 347. 355. 363. 371. 379.
387. 395. 411. 419.
Un livre de première nécessité, art. de
M. Bourges. 41.
Un Revenant, art. de M. Blanchard. 219.
Une occasion, art. de M. Bourges. 129.
137.
Vaudeville (le) et l'orgue de Barbarie, art. de
M. Specht. 275.
Vienne ( musique et théâtres à } art. anon.
248.
Violons de Stradivarius et de Santini Souzza.
305.
w
Weber (Charles Marie de). Transport de ses
cendres. 218 bis.
Projet de lui ériger un monumen!. 305.
FIN DE LA table DES MATIERES.
TABLE ALPHIBETIOUE DES IVOMS.
A
Achard. 69. 85.
Adam (Adolphe'. 50. 224,
339.
Aguado (Mme). 153.
Alard. 103. 425.
Albert. 171.
Albert (Mme). 8G. 143. 102.
Albert (le prince). 40 187.
Albiiii (Marietta). 70.
Alessandri (Mlle Laura). 297.
Alissan de Chazet. 289.
Alizard. 45. 219. 289.
Amat (Léopuld). 265.
Arigolti (Gaetanu). 401.
Artôt. 23. 46. 86. 119. 203.
281.
Auber. 105. 114. 393.
B
Bœrwolf. 132.
Baillot (Mme) 6.
Baini. 210.227. 235. 345.
Balfe. 247. 360. 385. 409.
418.
Barbereau.47.
Barraud (Mlle). 314.
Barroilhet. 30. 38. 80. 256.
Barlbe (Irenéo). 31.
Balta (Alexandre). 7. 119.
133. 297.
Ballanchon. 31. 233. 274.
320. 409.
Baumes-Arnaud. 47. 197
338. 393.417.
Bazili. 134.
Bazzini. 69.
Bazzoni.296.
Beaucé. 94.
Beaulieu. 152.
Béchem. 368.
Beethoven. 48. 265. 393.
Besrez (Mlle). 280.
Belke. 86.
Benda (Caroline). 186.
Bender (Jacques). 289.
Bendini. 87.
Bénédict. 162, 224.
Benoist. 296.
Bergerel 233.
Bergerre. 401.
Bériot. 141.
Berlioz. 30.43. 96. 119. 167.
210. 224. 241. 262. 273.
281. 317.
Bernhardt. 195. 397.
Berlin (Mlle Louise). 85.
Berton. 68. 150. 161. 173.
219.
Berton (la veuve). 202. 223.
Berlon (Mme Adolphe). 47.
338.
Bertrand (Mlle Ida). 329.
409.
Bessems. 104.
Billard (Mlle). 193.
Blaes. 7.
Blaes-Meerti (Mme). 7.
Blum(Charles). 264. 314.
Bodin. 93. .304.
Bohrer(A.). 313.
Bohrer (Max.). 281.
Boïeldieu (père). 281.
Boilly. 167.
Boireaux (Mlle). 83.
Boisselot. 178. 210. 219.220.
288. 376.
Boissier-Duran. 29.
Bona (Pasquale). 428.
Borchhardt. 140.
Borghèse (Mlle). 163.
Botgorschek. 134.
Boucher (Alexandre). 2f)9,
218. 289.321.338.
Bousquet. 329. 347.
Braham. 48.
Brambilla (Mme). 161.
Brendel. 2ll.
Bressler. 377.
Bretin (Mme). 241. .393.
Briard. 401.
Biizzi (Anna). 225.
Brouard. 193.
Bull (Ole). 46.
Burgmuller. 66.
Cadaux .(Justin). 224. 286
350. :i66.
Campagnoli. 288.
Casimir (Mme). 337.
Castellan (Mme). 153. 393.
Castelli (Valentino). 86.
Calalani (Mme). 6. 54. 68.
Catruffo. 39.
Cavaillé-Coll. 264.
Cavallini. 184.
Cavallo (P.). 119. 127. t33,
409.
Cerrilo (Mlle). 141. 170.
Chaix. 209. 297.
Chatterton. 135.
Chaudesaigues. 45.
Chaulieu.'2S.
Chazel. Voi/ez Alissan.;"
Cbelard. IS'7. 234.
Chevillard. 47. 67.
Choron. 14.
Clapisson. 409.
Claike. 179.
Cluesman. 417.
Coche. 95. 154.
Cohen. 67.
Confortini. 163.
Corelli. 69.
Corini (Maria). 171. 400.
Cornelio. 193.
Cortesi (Antonio). 70.
Cossmann. 139.
Costa. 224.
Cramer (J. B.). t84. 201.
Czerny (Charles). 54.
D
Dalayrac. 277.
Damoreau (Mme). 23. 47. 86.
119 142. 154. 203. 281.
Dancla (Charles). 423.
Dancla (les frères). «7.
Danjou. 40 1.
Daublaine et Calllnet. 200.
Uaussoigne. 418.
David (Félicien). 393. 4l3.
417.
Dehn. 39.
Déjazet (Jules). 104.
Delahaye. 209 329. 337.
Delavigne (Mme). 6.
Deldevez. 66. 271.
Delsarle. 107. 139.
Dérivis. 38. 197. 210. 241.
250. 400.
Deslandes. 195.
Dhenncville. 134.
Dietsch. 133. 28S. 401.
Dietz (Mlle Catinka). 171.
233. 409.
Distin (John). 86. 116. 195.
210.
Ditlersdorf. 117.
Dobré(Ml!eV 171.
Doche. 365.' 368.
Doehier. 15. 30. 68. 85. 96.
104. 119. 127. 131. 144.
153. 159. 281. 293. 305.
418.
Dolmetsch. 418.
Dominique. 264.
Dommange (Albert). 46.
Donizeltr. 6. 197. 360.
Dorn.3l. 30G. 321.
Dorsan(MlleV 360.
Dorus. 103. 143.
Dorus-Gras (Mme). 30. 46.
170. 194.
Dragonclti. 281.
Drcyschock. 23. 31. 38. 46.
141. 171. 234. 385.
DroiiartîMIle). 185.219.409.
Duc'S. 15.
Duorest(Mme). 44.
Dulîeyte. 369.
Duilot-Maillard(Mme).7.54
Dulcken (Mme:. 70.
Dumilâtre (Mlle). 368.
Dupont (Mlle . 353.
Duport (Mlle Lia). 224.
Duprez. 6. 38. .55. 80. 85.95
106. 133. 142. 143. 151
241. 368.
Duval (Mlle). 360.
DuviUard (Mlle). 103.
E
Eichlhal (Mme d'). 409. 423
lîicke. 321.
Elian(Mlle). 218 A«. 369.
Eller. 86.
Elleviou. 241. 289.
Ellser(MlleFanny). 47. 143
171. 178. 211. 329. 377.
394.
Ehvarl. 39.
Erard. 85. 95.
Ermel, 69. 84.
Ernst. 15. 28. 54. 96. 108.
127. 154. 171. 187. 210.
240.298. 305.
Eslaba. 306.
Esser. 48.
Esseï (comtesse d') 195.
Evers (Charles). 436.
Evers (Mlle). 401.
Falcon (Mlle). 15.
Farrenc (Mme). 229.
Faure (l'abbé David). 296.
Favanti (la signora). 39. 55.
69. 118. 163.
Fétis (pérei. 38. 64. 6&i 78.
^121. 147.
Félis (Adolphe). 54. 218
bis.
Fétis (Edouard). 314.
Fischer-Achten Mme) 87.
Fleury (Mlle). 69.
Flotow. 66.
Fornasari. 68.80. 186.
Forti.70.
Franck (César-Auguste). 107.
309. 344.
Franco-Mendés (Jacques).
250. 273. 377.
Froment (Charles). 86.
Gaehrlich. 69.
Gallr. 80, 84.
Gallos iFrançoisl. 39.
Garaudé. 68.
Garcia (Mme Eugénie). 31.
393. •
Garcia (Mlle Pauline). Voyez
Viardot.
Garcin-Brunet. 288.
Gardoni. 200. 250.
Carreau. 140.
Gary. 87.
Gassior. 281.
Gauthier (Théophile). 240.
Geoliroy. 385.
Géraldy.54. 177. 313. 337.
Giordani. 29.
Girard (le chevalier de). 325.
Giraud. 280.
Glinka. 289.
Gluck. 178.
Gœthe. 86. 305. 353.
Goethe (Aima de). 360.
Goggi (Mme). 40.
Gold. 95. 119.
Goldberg. 54. 68.
Goldberg (Mlle Fanny). 195.
GoldschmidI. 108.
Goria. 126.
GoulTé (Achille). 383.
Grétry. 7.
Grisi (Carlotta). 86. 106. 170,
I 2S8.
Grisi (Giulia). 53.
GroshCt. 314.
Guérin. 251.
Guerreau. 139.
Guhr. 48.
Guichard. 105.
Guillot (Antonin). 47. 383.
<iundy. 266.
Gustave Adolphe. 87.
Gulmann. 104.
Guy-Slephan(Mme).70. 163.
H
Habeneck. 68. 96. 127.
Hœndel-Schulz (Mme). 394.
Halévy. 15. 113. 304.
Halévy (Léon). 5.
Halle. 104.
Halma .Félix). 7.
Hamm. 87.
Hasselt. 109.
Halton. 120. 143.
Haumann. 31. 320. 400.
Haydn (Jos.). 355. 393.
Haynemayer. 39.
Heinefelter (Mlle Calhinka)
384.
Heinefetler (Sabine). 55. 233
Heller (Stephen). 108.238
298.
Hennelle (Mlle). 264.
Hennelle (Mme Claire). 344
Henri. 209.
Henrion (Paul). 398.
Héquel (Gustave). 393.
Herz (Henri). 283.
Hess (Ad.). 171.
Hesselbein. 195.
Hiller. 353. 428.
Holîmann (Mme). 306.
Ilolme 48.
Holmer.H.). 39.
Holmes. 86.
Horponay. 321.
Hovcii. 298. 369.
HuUah (Théodore). 265.
Hurleaux. 418.
I
Isoard. 233.
Iweins-d'Hennin (Mme). 15.
38. 178. 417.
James. 143.
Janin (Jules). 47.
Janssens (Mlle Constance)
400.
JavauK. 44.68.
Jazède (Mlle). 134.
Jelmini. 69.
Jourdain. 194. 203. 241. 337.
Jourdan-March.il (Mme). 117.
Julian (Mlle). 38. 153. 218.
bu. 369.
Julien. 31.60. 418.
Julien (acteur du Vaude-
ville). 30.
K
Kalkbrcnner. 203. 238.
Kastner. 134. 195. 320. 369.
376. 385. 401. 407.
Kœhler. 298. 353.
Kont-ki (Anloine de). 155.
■61. 281. 305. .353.
Korn (Mlle). 95.
Kreulzcr (Conradin). 38.
265. 289. 360 384.
Kriegelslcin 103. 186.
Kriiiitz (Mlle). 83.
Kucken. 360. 424.
Labarre (Théodore)
Labat. 290.
Lablaclic. 3.
Laborde. 353.
Laborde (Mme). 119.
Lac. 126.
Lacombe. 15. 30. 55. 69. 107.
117. 186. 233.297.
Lafage 353.
Lafage (Adrien de), 281.
Lafeuillade. 314.
Lagrange (Mlle de). l42.
Latour. 352. 360.
Laurent. 186. 193.
Lavainne (Ferdinand). 30.
Lavigne. 209.
Lecouppey. 127.
Leftbure-Wély. 436.
Lenvec. 104
Léo (Louis). 39.
Léon ( Herman ). 7. 54. 304..
377.
Leroy (Mme). 39. 104.
Lespinasse. 384.
Lesueur. 195.
Levasseur. 30.
Liaz (D. J. Maria). 234.
Lind (Mlle Jenny). 393. 436.
Lindsay-Sloper (Mlle). 116.
Lisie (Charles de). 95.
LiszL 39. 197. 134. 138. 142.
152. 186 250. 257. 264.
281. 288. 304. 306. 313.
328. 329. 353. 376. 384.
Littolf. 428.
Loeschenger. 87.
Lœwe. 338.
Lcewe (Mlle Lilla). 162.
Lœwe (Mlle Sophie). 289.
Louel. 104.
Louis (N.). 67.393.
l.ou\ois (marquis de). 127.
Lover. 130. 143.
Lutzer (Mlle). 179. 187. 195.
Lvoir (Alexis). 120. 224. 289.
338. 369.
Lyser (Mme). 242.
M
Mansion. 401.
Marie (Léon). 289.
Mario. 257.
Marquard Segatla (Mme).
265.
Marschner. 48. 69. 314.
Martin (Julien). 191. 257.
274.417.
Martin (Mlle Joséphine).
320.
Martos (José). 40.
Masini. 428.
Massé. 281.
Masset. 53. 119. 163. 161.
Masson(Mlle). 250. 281.384.
3S6.
Mathias. (Georges). 68.
Mattmann (MlleLouise).133.
Mayr. 179.
Mecatti. 103.
Mendelssohn-Bartholdy. 55.
108. 185. 190. 401.
Menghis. 96. 153. 194.
Méquillet (Mlle). 48.
Mercadante. 15.70. 428.
Méreaux (Amédée). 85. 134.
142. 153. 169.
Merlin (la comtesse). 5').
'SI.
Messemaekers. 426.
Meyer(Léopoldde).345. 309.
409. 436.
Meyerbeer. 15. 40. 46. 69.
298. 338. 369. 430.
Michiels. 30.
Milanollo (Mlles). 69. 171.
182.337.
Miro-Camoin (Mme). 55. I40.
142. 288.
Mitrowitch. 281.
Mittermayer. 179.
Mœser (A.). 300.
Moke. 314.
Molière. 175. 181.
Molique. 108.
Monaslerio (Jésus). 31.
Honchelet. 38.
Mondulaigny (Mlle). 344
384.
Montai. 409. 423.
Monténégro (Mme). 40.
Montfort. 316.
Moriani. 40. 134. 197. 210,
Horize (Mlle). 154.
Morlière (Mlle de la). 297.
Moschelcs. 210. 338.
Mosel(de). 171.
Moskowa (prince de la). 103,
Mouchelet. 436.
Mozart. 178. 366.
Mozart (fils). 306. 321.
Muhlenfeldt. 203.
Mulder. 83.
MuUer (G.). 187. 234.
Muller (Louis), 344.
N
Jiabich. 305.
Naldi (Mlle). 345.
Nau (Mlle). 15. 3'i. 46. 53.
304. 352. 400.
Nelzer. 281.
Nicolai. 69. 109. 265.
Niedermeyer. 403.
Nissen (Mlle). 80. 96.
Nodier Charles). 39.
Nordet (Mlle). 200.
Novello (Miss Clara). 87.
Nuffel (Van). 4:4.
O
Obin. 344. 360.
Oehinschelâger. 224. 313
320.
Offenbach (Jacques). 159
162. 187. 211. 297.
Ojeda. 184.
Ole-Bull. rotj. Bull.
Onslow. 80. 401.
Osbome. 116.
Pacini. 31.70. 109.
Paleslrina. 162. 192. 242.
345.
Famel. 171.
Panckoucke. 250.
Panofka 238. 257. 289. 305.
313. 3G0.
Panseron. 54. 86. 209. 428
Pape. 94. 101.134. 216.
Pasarell(Don Antonio). 225
Paul (Mmel. 345.
Pau-nitz. 87.
Penleriricder. 353.
Pépin. 108.
PfeifTer (Mme Clara). 238.
383.
Philips. 86.
Piatti. 54. 140. 418.
Pierson-Bodin (Mme). 427.
Pillet (Léon). 360.
Pixérécourt (Guilbert de)
264.
PIxis. 369.
Planque. 44. ,369. 401.
Ple-ssy (Mlle). 195.
Pleyel. S03. 237.
Pleyel (Mme). 436.
Poils. 40.
Polmart'n (Mme). 68. 94.
Poncharil. 140.
Poniatowsky (le prinre de)
369. -^
Portéhaut (Joannés).31. 280,
Poto. 134.
Pouilley (Mme). 86.
Poultier. 46. 80. 133. 202.
241. 256. 289.319. 360.
Prang-Hillen (Mme Van). 31 ,
Preyer(G.). 234. 377.
Proch. 69.
Prosper (Mlle). 211.
Prudent (Emile). 30. 160
341. 153.
Prume. 139. 195. 360.
Putllirgcn (Vesque de). 108
Puzzi (Mme). 86.
Pyat (Félix). 47.
R
TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOIWS.
Ronzi. 345.
Ronzi-Debegnis (Mme). 109.
Rosellen. 126. 399.
Roselli. 401.
Rosenhain. 135. 238. 257.
289. 360. 369. 377.
Rosenhain (Ed.). 31.37. 55.
Rossi (Mme de). 135.
Rossi-Caccia (Mme). 70. 80.
96. 162. 187. 274. 304.
Rossignon (Mlle). 94.
Rossini. 54. 171. 210.
Rossini (Mlle). 211.
Roulle (Mme). 162.
Rouvroy (Mlle). 193.
Roxas. 281.
Rubi. 163.
Rubini. 427.
Russo (Angelo). 233.
Smirnof (Mlle). 241.
Snel. 2G5. 401.
Sontag (Mlle Nina). 377.
Soubre (Etienne). 208.
Speranza. 109.
Spohr. 233.250.
Spontini. 338. 353. 428. 439
Stall. 162.
Stamaty. 238 369.
Stark. 338.
Sliegler. 4. 288. 304.
Stradivarius. 305.
SIrauss. 6.
Sirau.'S (fils). 305. 393.
Stolz (Mme). 368.
Strocken. 264.
Sudre. 6. 80. 94. 178. 233
337.
Raab. 162. 178.
Raguenct. 314. 329.
Raoux. 360.
Razelti. (Mile). 134.
Reber (Henri). 368.
Régnier (Mlle Caroline). 428
Reuss (Mlle). 305.
Révial. 203.
Ricci. 82.96.353.
Robbio. 120.
Rodwell. 55.
Roger. 280 281.
Ronconi. 80. 297. 306. 436.
Ronconi (Mme). 297.
Sabatier (Mme). 23. 94. 108
320. 400.
Saint-Denis. 194. 297.
Saint-Hilaire. 15. 313;
Saint-Marc ( marquis de )
219.
Saint-Sacns. 229.
Salvi. 154. 161. 588. 337
376.427.
Santini. 210.
Santini-Souzza. 305.
Sarmiento. 31.
Sauvan. 44.
Sax (Adolphe). 68. 186. 195
281. 305. 313. 385.
Schad. 104. 353.
Scheibel (Mlle). 132.
Schelling. 48.
Schindier. 306.
Schmidl (A.). 369.
Schmill (A.). 69.
Scbmitt. 87.
Schrœder-Devrient (Mme).
39.
Schumann (Robert). 39.
Schumann (Mme Clara). 1 1 9.
Schwaederle. 162.
SchwedL234.
Scott (Mme). 192.
Segalas. 63.
Seligmann. 68. 132. 238.
Séraphin. 220.
Serda, 153.
Servais. 38.
Sinico. 225. 353.
Tadolini. 104.
Tagliaflco. 108. 159. 162.
Taglioni (Mlle). 109. 170. 178
194. 202. 233. 314. 320
337.
Tamburini. 1S6. 304.
Tarczynowitz. 135.
TauberL 69.
Tedesma. 103.
Thalberg. 38. 85. 203. 238
274. 281. 305. 320. 345
377. -
Thévenin (Mlle). 15.
Thierry. 186.
Thorwaldsen. 127.
Thys. 77.
Tichatschek. 2S9. 321.
Tinell (Mlle Clémentine). 4.
Tingry. 126. 418.
Tolbecque. 377.
Toussaint. 241.
Trotebas. 14.
Tuczek (Mme). 266.
Tudor. 197.
U
Uccelli. 266.
Unanue. 163. 234. 393.
Urhan. 321.
Valentin (Patrice). 160.
Valeniino. 171.
Valgalier. 353. 360.
Vallon (Mme). 314. 329. 4 01
Vatel. 68.
Vairy (de). 161.
Vaviisseur (Mlle). 153.
Vény. 423.
Vény fMlle Jenny). 69, 83.
423.'
Verdi. 31. 171. 234. 436.
Verhulsl. 296.
Veslris (Hogupt). 85.
Viardot-Garcia (Mme). 154.
163. 224. 225. 241. 301.
393.
Vieuxlemps. 125. 186. 349.
Vilanova iRamon). 255.
Vilbach. f^oy. VVilbach.
Viret. 288.
Visconti. 140.
Vivier. 171. 139. 224.
W
Wackenthaler. 162.
Wagner (pianiste). 108.
Wagner (Richard). 39, 46.
234. 289. 306. 321.
Walter (Mlle Emilie). 250.
Waldmuller. 54. 153.
Warlel. 210. 250. 274.
Wartel (Mme). 117. 320.
Weber (Charles-SJarie de).
218 hii. 257. 353. 385.
Weber (la veuve). 68.
Webster. 48.
Webster (Miss Clara). 428.
Weismuller. 29.
Wernlhal. 187. 234.
Westmoreland ( lord 1. 31.
108. 143.428.
Wideman (Mme). 135. 314.
Widor (Charles). 369.
Wilbach (Renaud de). 281.
288. 401.
Willent-Bordogni, 194.
Willmers. 428.
Wilson. 48. 211.
Witle (de), 108.
WœlIT (Edouard). 4. !)5.
360.
Wolfel. 300.
Wolfsohn. 369.
Wood (mistriss). 31, 86.
Zerr (Mlle). 183. 321.
Zimmerman. 96.
FIN DE LA TABLE DES NOMS.
TABLE DES AUTEUUS.
Anders (G. E.). 199. 218, 221. 238. 25/|.
262. 285. 303. 326.
Berlioz (H.). 50. 60. 77. 93. 99. Iii6. 169.
190. 256.
Blanchard (H.). 3. 5. 10. 13. 19. 28. 35. 37.
U5. 52. 66. 67. 78. 79. 8û. 95. lOû. 106.
116. 117. 126. 133. 167. 170. 178. 183.
184. 192. 201. 219. 230. 240. 248. 263.
273. 277. 287. 288. 297. 30Zi. 316. 317.
329. 341. 348. 365. 374. 376. 382. 398.
399. 400. 405. 407. 409. 417. 424. 427.
434. 436.
Bourges (Maurice). 43. 44. 114. 130. 138.
359. 365. 366. 415.
Danjou (F.). 279. 352. 368. 412. 422.
Deschamps (Antony). 161. 185.
Fétis (Edouard). 176. 182.
Fétls père. 76. 91. 102. 124. 150. 202. 208.
216. 223. 247. 270. 295. 311. 328. 335.
391. 423. 435.
Gathy (Aug.). 209.
Heller (Stephen). 22. 36. 53. 78. 132.
Kastner (G.). 105. 161. 280. 319. 344. 384.
Lafage (Adrien de). 229. 237.
Laurens (J.-B.). 397. 433.
Mcifred (J.). 100. 167. 200. 260, 325, 373.
Méreaux (Amédée). 185.
Morelot (Stephen). 232.
Smith (Paul). 151. 158. 175. 318. 335. 343
352. 359. 367. 375. 381. 383. 391. 399
407. 413. 421. 434.
Specht (A.). 125. 276. 286.
BOSTON PUBLIC LIBRARY
3 9999 06608 019 1